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Full text of "Encyclopédie de la musique et dictionnaire du Conservatoire .."

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The  University  of  Connecticut 
Libraries,  Storrs 


THIS  VOLUME  ''''■^ 
jii^OESNOT 
eedRCULiafre  ^^   .    ^^ 


ENCYCLOPÉDIE 

DE  LA  MUSIQUE 

ET 

DICTIONNAIRE  UU  CONSERVATOIRE 


DEUXIKME    PARTIE 

TECHNIOl'E  -  ESTHÉTIOCK  —  PÉDAGOGIE 


ENCYCLOPÉDIE 


DE  LA  MUSIQUE 


i:t 


DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Fondaieur  : 

Albert  LAVIGNAC 

Professeur  au  Conservatoire 
Membre  du  Conseil  supérieur  d'Enseignement. 


Directeur  : 

Lionel  de  la  Laurencie 

Ancien  Président 
de  la  Société  française  de  Musicologie. 


DEUXIÈME    PARTIE 

TECHNIQUE  —  ESTHÉTIQUE  —  PÉDAGOGIE 

•  •  ■* 

TECIINKjUE    INSTRUMENTALE 

INSTRUMENTS    A    VENT   —    INSTRUMENTS    A    PERCUSSION 
INSTRUMENTS  A  CORDES  —  INSTRUMENTS  AUTOMATIQUES 

C.SERVED 
FOR 

EFERENCE 

EADING. 


NOT  TC)  HE  TAKtN 
rnOM    THt     IJKHAKV 


PARIS 

LIBRAIRIE     DELACJRAVE 

1  5,     RUE     SOUKPl.OT,      15 


100 


Tous  droits  de  reproduction,  de  traduction  et  d'adaptation 
réservés  pour  tous  pays. 


Copyright  by  Librairie  Delagrave,  1925. 


DES  INSTRUMENTS  A  VENT 

DE  LEUR  PRINCIPE 

Par  M. -A.  SOYER 

ANCIEN    CHEF    DE    MUSIQUE    DU    24"^    BÉGIMENT    d'iNFANTERIE 


La  légende  nous  représente  la  première  manifes- 
tation musicale  sous  la  forme  d'un  pasteur  jouant  ilu 
chalumeau  ou  de  la  tlùte  de  Pan,  comme  le  l'ont  en- 
core de  nos  jours  les  bergers  pyrénéens  conduisant 
dans  nos  villes  leur  petit  troupeau  de  chèvres. 

La  fable  nous  montre  le  dieu  Apollon  calmant  les 
monstres  de  la  nature,  et  son  flls  Orphée  se  conci- 
liant les  dieux  infernaux  aux  doux   sons  d'une  lyre. 

Enlin  le  monde  chrétien  et  Israélite  nous  parle 
suitout  de  la  puissance  des  divines  trompettes  qui 
résonnèrent  au  mont  Sinai,  renversèrent  les  murs 
de  Jéricho  et  réveilleront  les  morts  pour  les  appeler 
au  jugement  suprême. 

Il  résulte  de  ces  diverses  traditions  que  les  histo- 
liens  et  les  musicologues  sont  assez  hésitants  pour 
lixer  l'antériorité  exacte  de  ces  instruments. 

Il  me  parait  pourtant  qu'au  point  de  vue  purement 
musical  le  doute  n'est  pas  possible  et  que  nous  de- 
vons accorder  à  la  trompette,  à  la  grande  trompette, 
la  gloire  d'avoir  été  le  premier  instrument  de  mu- 
sique des  simples  humains  que  nous  sommes. 

En  eiïet,  admettons,  ce  qui  semblerait  naturel  et 
logique,  admettons  la  voix  humaine  comme  le  pre- 
mier instrument  musical. 

Sur  quelle  gamme,  sur  quel  principe  tonal  ces  pre- 
miers chanteurs  ou  ces  premières  chanteuses  se 
seraient-ils  appuyés  pour  émettre  leurs  essais  mélo- 
diques ?  L'espèce  humaine  a-t-elle  une  gamme  natu- 
relle dans  le  larynx  ?  Consultez  tous  les  professeurs 
de  solfège  et  de  chant,  et  ils  vous  répondront,  avec 
un  ensemble  parfait,  qu'il  faut  que  la  civilisation 
nous  ait  bien  faussé  ce  larynx  ou  bien  qu'il  n'y  pa- 
rait guère,  et  que  nous  sommes  sous  ce  point  de 
vue  bien  inférieurs  au  divin  chanteur  qu'est  le  ros- 
signol. 

Dira-t-on  que  l'homme  a  appris  la  gamme  et  le 
chant  du  mignon  petit  oiseau  susdit  ?  Je  ne  sache 
pas  que  de  nosjours  aucun  musicien  soit  encore  par- 
venu à  noter  e.ractement  le  chant  du  rossignol  ;  com- 
ment croire  alors  que  nos  très  éloignés  ancêtres  des 
premiers  âges  aient  pu  faire  mieux? 

Si  le  larynx  humain  n'a  pas  une  gamme  avec  des 
intervalles  déterminés  et  immuables  lixée  dans  ses 
cordes  vocales,  ce  qui  nous  aurait  condamnés  d'ail- 
leurs à  chanter  toujours  dans  un  seul  et  unique  ton, 
il  n'est  pas  plus  admissible  de  dire  que  notre  sys- 
tème auditif  a  cette  gamme,  ces  intervalles,  ce  ton 


déterminés  fixés  dans  l'oreille;  si  cela  était,  il  nous 
serait  impossible  de  faire  exprimer  à  notre  larynx 
quoi  que  ce  soit  d'étranger  à  la  compréhension  de 
notre  système  auditif  et  nous  serions  encore  réduit, 
de  ce  fait,  à  la  musique  unitonale.  Si  donc,  notre 
oreille  n'a  pas,  plus  que  notre  larynx,  une  gamme 
fixe  et  unitonique  imposée  par  la  nature  dans  sa 
perception,  comment  nos  pi'emiers  artistes  auraient- 
ils  pu  calculer  la  distance  des  trous  du  chalumeau, 
chercher  la  longueur  de  chacun  des  tuyaux  de  la 
Hùte  de  Pan  ou  préciser  la  tension  de  chacune  des 
cordes  de  la  lyre"?  N'ayant  pas  de  modèle,  d'étalon, 
chaque  musicien  aurait  construit  son  instrument  à 
sa  guise,  suivant  son  caprice,  au  petit  bonheur,  et 
chaque  son  aurait  suivi  le  son  précédent  à  une  dis- 
tance, à  un  intervalle  plus  on  moins  grand  suivant 
le  hasard  du  couteau  ou  la  résistance  de  la  corde  ; 
cela  n'aurait  pu  constituer  un  système  musical  :  pas 
de  gamme  étalonnée,  pas  de  musique.  Gela  me  pa- 
rait incontestable. 

Avec  la  trompette,  tout  change  :  nous  avons  une 
gamme  essentiellement  naturelle,  une  gamme  pré- 
cise, toujours  la  même,  une  gamme  fixe  sur  laquelle 
nous  pourrons  construire  des  chalumeaux,  des  tlùtes 
de  pan  et  accorder  les  lyres,  luths  ou  harpes;  nous 
avons  un  étalon  sur  lequel  nous  pourrons  établir  un 
système  musical,  unitonique  il  est  vrai,  mais  enfin 
un  système  musical  solide  et  capable  de  traverser  les 
siècles. 

Pour  bien  nous  rendre  compte  du  piincipe  capital 
qui  nous  occupe  et  nous  guidera  dans  toute  la  suite 
de  cette  étude,  nous  devons  nous  rappeler  que  toute 
corde  tendue  mise  en  vibration  vibre  non  seulement 
dans  toute  sa  longueur,  mais  encore  dans  toutes  les 
parties  exactement  divisibles  de  sa  longueur,  c'est- 
à-dire,  en  deux,  en  trois,  en  quatre,  etc.,  faisant  en- 
tendre avec  des  degrés  divers  de  sonoi'ité  la  fonda- 
mentale, l'octave  de  cette  fondamentale,  la  deu- 
zième,  la  double  octave,  etc.'; 

Que  toute  colonne  d'air  contenue  dans  un  tuyau 
ouvert,  vibre  d'après  les  mêmes  lois,  mais  dans  des 
conditions  qui  peuvent  être  modifiées  suivant  que  le 
tuyau  ou  tube  sera  plus  ou  mouis  égal  de  diamètre, 
cylindrique  ou  plus  ou  moins  conique  ; 

1.  Voir  :  Encyclopédie  de  la  Musiqur,  2' partie,  article  Xcaustique^ 
p.  40.^  et  suivantes.  Lavigsac  ;  La.  Mii£ique  et  les  Musiciens,  Delagrave, 
éditeur. 


1402 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MVSIQUE  ET  DlCTIOIVNAIlîE  DU  COySEliVAToritE 


Enfin,  que  dans  les  tuyaux  ou  tubes  fermés,  la 
divisitiilité  des  parties  vibrantes  ne  se  fera  que  sur 
les  chilfres  impairs,  c'esl-à-dire  que  la  colonne  d'air 
ne  se  diviseia  pour  vibrer  ni  en  deux,  ni  en  quatre, 
ni  en  six,  etc.,  et  que  les  harmoniques  d'octave,  de 
double  octave,  de  dix-neuvième  ne  se  produiront 
pas,  mais  que  seuls  les  harmoniques  produits  par 
la  division  de  la  colonne  d'air  en  trois,  en  cinq,  en 
sept,  etc.,  pourront  être  observés. 

Le  grand  principe  sur  lequel  reposent  tous  les  ins- 
truments à  vent,  à  souftl-  humain,  en  général,  et  les 
instruments  dits  de  cuivre,  ou  de  fanfare  en  particu- 
lier, est  celui-ci  :  l'homme  possède  la  faculté,  par  une 
pression  progressive  des  lèvres,  de  faire  vibrer  la  co- 
lonne, ou  les  divei-ses  divisions  de  la  colonne  d'air  des 
instruni''nts  ii  vent,  de  façon  à  émettre  les  sons,  dans 
une  certaine  latitude  et  suivant  l'élasticité,  la  sou- 
plesse et  la  force  de  ses  lèvres,   en  éliminant  à- sa  vo- 


lonté, d'abord  le  son  fondamental,  puis,  les  harmo- 
niques graves,  en  remontant  progressivement  vers  les 
harmoniques  supéri' urs. 

Traitant  cette  queslion  par  extension,  nous  allons 
supposer  un  instrument  parlait  d'une  lonj^ueur  théo- 
rique de  o'",2a8  '.  (La  lon;.îueur  pratique  serait  d'en- 
viron 4", 86,  les  longueurs  pratiques  sont  toujours 
srnsiblement  plus  courtes  que  les  longueurs  théo- 
riques et  varient  d'un  instrument  à  l'autre  selon  que 
le  tube  est  d'un  diamètre  plus  petit  ou  plus  grand, 
qu'il  est  cylindrique  ou  plus  ou  moins  conique.) 

i\ous  supposerons  également  un  instrumentiste 
partait  auquel  la  souplesse  et  la  sûreté  de  ses  lèvres 
permettiont  d'émettre  les  sons  depuis  la  l'ondamen- 
lale  jusqu'aux  harmoniques  les  plus  élevés. 

La  concordance  de  ces  deu.x  perfections  nous  per- 
mettra d'entendre  cette  suite  de  sons  produite  avec 
un  seul  et  unique  tube  sonore  : 


D 

N 

T 


7 
JiCL 


9.      10.      11.     12.     13, 


T 


N 
T 


T 


N 


"TO" 


AT 
V 


13.     16. 


17.      18. 


16. 


bo     ^o    "   tK^^^'p—ffo^'E^ 


T 


N 


INT 


I 


V 


N 
T 


T 


N 
T 


T 


N 
T 


P 


21       22 


-© &i 


23        2i 


'»X      tfO 


I^O     ilo^JL 


27 
il* 


Z8 

bol 


29  30       31 


32       33       34        35 


l,^    b-û-  «dbiî 


■N 


■N         N 
V  T 


V 


V 


T 


N 
T 


T 


36  37        38  39 

Q       b  i:      tio  b* 


A2      «         A4. 


45 


47 


ftaj^X-i- 


k±     -xQ    ''''r    ^19      9»t     ^=     «,2     ■««: 


48        i?     52 
fr       bo  bo 


51  52  53  54  5i        56  57  58  59         60  61  62 


-^ V- 

Exeniplc  I. 


63 


64 

1,0. 


N.  B.  —  Lo  chiffre  pincé  an-dpssus  do  chaque  note  indique  à  la  fois  le  numéro  du  son,  eu  égard  au  son  fondamental,  et  la 
division  de  la  colonne  d'air  de  l'instrument  (Voir  :  Acoustique). 

La  lettre  N  placée  en  dessous  indiqac  que  cette  note  appartient  à  la  gamme  naturelle; 

la  lettre  T  indique  que  la  note  fait  partie  de  la  gamme  tempérée  ; 

la  lettre  V  indique  que  la  note  est  employée  par  les  voix  et  instruments  à  sons  variables  tels  que  les  instruments  à  archet  ou  le 
trombone  à  coulisse,  comme  sensible  ou  sous-dominanle. 

Enfin  les  petites  barres  horizontales  ou  les  points  placés  au-dessus  et  au-dessous  du  chiffre,  indiquent,  à  défaut  d'autres 
signes  plus  clairs  ou  plus  précis,  que  la  note  est  trop  basse  ou  trop  haute  approximativement  d'un,  de  deux,  de  trois  commas  ou 
d'une  partie  plus  petite  que  le  comma  eu  égard  à  la  note  similaire  de  la  gamme  tempérée. 


1.  Nous  cnprunlcronî  toutes  les   longuiur-,   lliùoriiiues   i    IcscLdleiil    ouvrage  :  EUn'.iits    d'aoustique  musicale  et  inslrumenlale   par 
V.-C.  M»i]U,i.oN.  Bruicllfs,  1874. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    U03 


NOTE  GO.MPAKATIVE  DES  LONGUEURS  DE  CORDE  OU  DES  VIBRATIONS  DES  HARMONIQUES  NATURELS 
ET  DES  LONGUEURS  DE  CORDES  OU  DES  VIBRATIONS  DES  NOTES  TEMPÉRÉES 


1. 

flu=  1. 

3. 

,„=i 

5. 

»'=! 

ramené  en  quinle 
ramené  en  tierce 

■       ■    ,•  j     ;        2     16 

fin  quinte  de  lti=-  :  — 

3    27 

Si^r^^  -  ramené  en  septièmi' 

SI  [7  deuxième  quarte  de  do 


11. 


Ré  = 

Fa  — 


-  ramené  en  seconde 

1 
— -  ramené  en  quarte 

fn  quarte  de  rfo 


13.       La- 


■  —ramené  en  sixte 
la  quinte  du  re  = 


2    S 
3 'y 


1 

—  ramené  en  septième 
lo 

1 

—  ramené  en  demi- Ion  cliromatique 

1 

—  ramené  à  la  seconde  augmentée 

—  ramené  à  la  quarte. 


fa  quarte  de  do 
23.    Ffljf=:  — ramené  à  la  quarte  augmentée 


15. 

Si  = 

17. 

0"S  = 

19. 

Bé#  = 

21. 

Fa  = 

25.    La\,- 


29. 


fa  Jf  septième  de  soi 


:— ramené  à  la  sixte  mineure 
2o 

/«[?  quatrième  quarte  de  do 


:— ramené  à  la  sixle  majeure 


_ 

3' 

_    4 

324 

X81= . 

~    5 

405 

33 

6i                 320      ,.     4         101,25 

=  —  ram. 

en    lerce^  — X    5  = dift.  —  ^ 

81 

SI                 405          405            1 

■1 

C4 

X  16  =  — . 

7 

112 

3 

3 

9                   63       „     1 

—  

;— X    7  =  — dift. — 

~     î' 

4 

16                 112          112 

_    8 

~    9' 

8 

,       32  ,. ...    1 

X 

4=— dirt.— 

~  ÎT 

44          4i 

3 

33 

X 

"=7^- 

~   4 

4  4 

3 

216 

X  27  =  — -. 

~"Ï3 

351 

_    16 

208            S              1 
X  13=—  dift-.—  =- 

~    27 

351           351        43,875 

_     8 

"~'l5 

_    16 

~    17 

_    16 

"    19 

16 

4  —  64 

X 

""    2? 

84' 

3 

63           1         1 

X 

2l=— diff.  --  =  -lon 

~'     4 

8i          84       9 

16 

720  ,.^     15          1 

X 

45  =  . dift. . 

^    2? 

1035          1035  61,0875 

32 

736 

-  45    ^  ''  =  1035 

=    !^    X  256  =  1^. 
25  6400 

162  ^  ,.       4050  36  9 

—  X  2d= dm. = : 

256  6100  6400       1600 

16 


—  ramené  à  la  sixle  augmentée 
/flif  7«  de  SI  ou  3"  du  fa^ 


16  ,„,       3600  ,._^.    112              1 

=    _    X    225  = dift. = 

29  4525          4525       40,1017 

128  3712 

=  !::£  X  29  =  ——. 

225  li>2a 

16    ^  ,.       240            8              1 

31  465  465       58,125 
8  248 

SI  quinte  de  m/,  ou  7"  de  (/o  ou  3°  de  .•.■()/ X    —    X  31^—-. 

15  46o 

32  ,.„       8192 
=    _    X    256  = . 

33  8448 
243  „„       8019  ,.„    173        4^,8323 

=  tir  X      33  = diff. =  ^^ 

256  84 iS          8438             1 

=    !i  x2.87  =  5^'diff.J^=-^ 

35  76545          76545       45,1338 

2048^^  „.        71680 

= X      3o^ . 

2187  ihoij 

_   2!    X  64  =  5^^ 

~    37  2368 

=    MX  37  =  l^diff.-^=^=-J- 

64  2368          2368       1181       47,36 

32  „.        2100  _,.^     96           32               1 

—   _    X      75  = diff^. = = 

39  2925          2925       9i5       30,4687 

ri  if  tierce  de  si  ou  septième  de  mi      =:   — ;    X  39  = 


31.    Si  fi  =  .— ramené  à  la  septième  majeure 


33.    fléb^— ramené  à  la  seconde  mineure 

riJb  cinquième  quarte  de  do 

35.    DoU^—z  ramené  k  l'unisson  cliromatiqu' 
3o  ^ 

rfo#  septième  quinte  de  do. 


37.    Ifit?^, —  ramené  à  la  tierce  mineure 


»ii[,  troisième  quarte  de  do. 
39.    iléjf  =  —  ramené  à  la  seconde  augmentée 


Sli^ —  ramené  à  la  tierce  majeure 
41 

rai  quatrième  quinte  de  do 


43.      Fa=  — ramené  à  la  quarte 
43 


fa  quarte  de  do 


2925 

32  _      „,       2592  32  1 

—    —  X      81  = dm. ^ 

~"    41  3321  3321       103,7812 

=  .ii  X    4.  =  ?:^. 

81  3321 

32  ,       V?.S  ,.^     1 

=   —  X        4=— -diff.-^. 
43  172  172 

3  ,.,       129 
=     _  X      43  = . 

4  172 


:  —ton  plus  bas. 


=  —  ton  li'op  bas. 
12  ' 


=  -ton  trop  haut. 
5 


=  -  ton  trop  bas. 
5 

:  tempéré, 
tempéré. 


=  -ton  trop  bas. 
9  ^ 

=  -  ton  trop  haut. 


=  —  ton  trop  bas. 
18  '- 


=  — —  ton  trop  haut. 
4  1/2  ' 


1  . 


;  ton  trop  haut. 


=  -  ton  trop  lias. 
6 

^=-  ton  trop  haut. 
6  ' 


:=-  ton  trop  bas. 
6 

2 

^=  -  ton  troi)  haut. 


=  —  ton  plus  haut. 


1  ton  négligeable. 
24  plus  bas. 


1404  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


45.  So/ b-:=:7p  ramené  à  la  quinte  diminuée 
45 

sol[}  sixième  quarte  de  ihi 

il.   Faif=: —  ramené  à  la  quarte  augmentée 
47 


M 


32'«^ditï.-    '' 


1 


/■a if  tierce  du  rï  ou  septième  du  so/     =-— -X     '^'^glTE" 


— -  X  1024  _  ^gQgg  uu..  ^ggg^       1245,4054 
729  32805 

■j^X      •'3  =  4^080' 

32  Lii^dff     ^^    —        ^ 

■47    ^        ''"2115         211»       33,0468 
32  1504 


négligeable. 


=  -ton  plus  haut. 


49.    Lap  =  —  ramené  à  la  sixte  mineure 
49 

<o  b  quatrième  quarte  de  do 

51.    Liib  =  —  ramené  h  la  sixte  mineure 
51 

/«b  quatrième  quarte  de  do 

53.  Solit=: —  ramené  à  la  quinte  augmentée 
53  le 

.w/S  septième  de  la 

55.     ,S/b  =  -r  ramené  à  la  septième  mineure 
55 

si\t  deuxième  quarte  de  iln 

57.  tajf-.tf'b^^  ramené  en  4- 6  ou  7  mineure 
57 


32  8192 
X  256  =  .-., ,,. 

—  49  12544 
162  7938  254    _        1  ^j 

=  256^  ^-"12544  12544       49,3858  6 

2!   X  256-^^diff-^  =  ^5_  =  _! =1  ton  négligeable. 

=    51    ^  13056  13056       6528       186,5142        24 

162  .  8262 

=  256  ^  '''~  13056" 

32  12960     „     608  1  _  I 

=  Tk^  ''°''  =  ïml^'^-ï^.=1^^2  -4 

256                        135(iS 
s<'  53  ^= 

—  405  21465' 

32  512 

=  55  X  ^'=iFo- 


59.    L(7S= —ramené  en  sixte  augmentée 


.-X       55: 
J2 

"57 
32 


495  17  1 

= dm.  = 

880  880       51,7647 


1 


_  7200  352 

—    X    225_jj^difl.^^2^._g..jgg 

128  .,  7552 

la  a  septième  du  si  ou  tierce  du  faii=  ^—  X      o9=    „..  -• 


61.     Siii^  —  ramené  k  la  septième  majeure 
61 

S 

S!=  — 

15 
63.     Si  S  =— ramené  à  la  septième 


32 

_    _:     X        15: 

61 

X      61  = 


480 


diff.  • 


915       "915114,375 

488 
9Î5" 


Si=z- 


15 


32  480  ^.^.    24  _       1 

=    63'''^  945       •  945  ~  39,387 

504 

X      63       - — . 

945 


ton  plus  bas. 


ton  plus  haut. 


=  -ton  plus  bas. 
6 

tempéré. 


=  -  ton  plus  haut. 
4 


=  —  Ion  plus  haut. 
12         ' 


=^  -  ton  pins  haut. 
9 


Do    Sot    Ré    La    Mi     Si     Fa$    Dop     Sol  jjf      BiSJf      Lff#        i)/(#  Siff 

2  8   16  64  128  512  2048  4096  16384  327G8  131072  262144   sifl 

3  9   27  81  243  729  2187  6561  19683  59049  177147  531441  dot 


1 
-  ton. 


Do    Fil    s;b  J/«b  i«b  Rib 
3    9    3 


&ol[,  ,Do[,     Fab  Sibb   J/'bb   ^«bb   -"''bp 

243  729  2187  13122  —  6561  19683  118098  177147  531441   rf„  ^ 


16   64   256  1024"  ^~   256  ÏÔ24  4096  16384  ""  8192  32768  131072  262144  1048576  rr'bb    9  " 

59849 


65536 


Le  premier  chiffre  indique  le  numéro  de  l'harmonique,  puis  vient  le  nom  de  la  note  donnée. 

Après  le  signe  de  l'cgalilè,  la  fraction  indique  la  division  de  la  corde  pour  obtenir  la  note  ou  l'harmonique,  le  chiffre  inférieur  est 
toujours  égal  au  numéro  de  l'harmonique;  en  renversant  les  chiffres  on  aurait  le  nombre  de  vibrations  de  la  cord«  pour  obtenir 
la  note  conire  le  nombre  de  vibrations  de  la  corde  pour  obtenir  le  son  initial  ou  premier  harmonique  [do). 

La  fraction  qui  suit  le  deuxic  me  signe  d'égaillé  indique  le  nombre  de  fractions  de  la  corde  nécessaires  pour  ramener  la  note  h 
un  intervalle  compris  dans  l'octave  du  son  1. 

Ainsi  le  n"  5  doit  se  liie  ainsi  :  ;«i  cinquième  harmonique,  est  obtenu  par  le  cinquième  de  la  longueur  de  la  corde  totale  donnant 
ito  (son  1)  et  sonne  à  l'intervalle  de  17»;  en  prenant  deux  cinquièmes  de  la  corde  on  obtiendrait  le  mi  k  la  dixième  et  en  prenant 
les  quaire  cinquièmes  de  la  corde,  la  tierce  qui  donnerait  ainsi  cinq  vibrations  contre  quatre  du  da  initial. 

64 

En  prenant  le  mi  tempéré  (quatrième  quinte  du  do  et  ramené  à  la  tierce  majeure  du'(/o  initial  on  aurait  la  fraction—  ou  81  vibra-. 

SI 

324  320 

lions  du  7>n  contre  64  du  do;  amenant  les  deux  fractions  au  même  dénominateur  on  obtient  7^  pour  le  premier  mi  et  j^  pour  le 


second,  soit  une  différence  dequatre  vibrations  sur  405  ou,  simplifiant  la  fraction 


101,25 


405 
soit  sensiblement  un  douzième  de  Ion. 


Evidemment,  il  n'est  pas  dans  la  pratique  d'obte- 
nir toutes  ces  notes  dun  seul  instrument  et  d'un 
seul  instrumentiste,  mais  au  point  de  vue  théorique 
cela  est  irréfutable,  et  au  point  de  vue  pratique  ii 
est  parfaitement  possible  d'obtenir  la- totalité  de  ces 
.  sons  en  employant  plusieurs  intruments  de  longueur 
théorique,   mais   construits   en  des  proportions  de 


diamètres    calculées    pour  favoriser  rémission  des 
sons  si'aves,  moyens,  aigus  ou  suraigus. 

Et  maintenant,  examinons  les  conséquences  que 
nous  devons  tiier  de  cette  propriété  des  instruments 
de  cuivre,  de  laisser  émettre  chacun  de  ces  sons 
isolés  les  uns  des  autres  d'une  façon  très  nette  et 
parfaitement  perceptible  parl'oreirietamoins  exercée. 


TECl/XIQUE.  ESTflÈTInUE  ET  PEDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1405 


Une  grande    trompette  Je    II   mètres   238    milli- 
mètres de  longueur  tliéorique,  droite'   ou  enroulée 


peu  importe,  peut  aisément  faire  sortir  les  sons  de 
3  à  16  et  nous  fournir  l'étendue  suivante  : 


m 


7 


iZ 


14 


16 


1>0         fc]' 


~CT~ 


Exemple  2. 


Et  en  voilà  assez  du  son  8  au  son  16  pour  expli- 
quer tout  le  système  primitif  grec  ainsi  qu'il  nous  a 
été  transmis  par  le  plain-chant  grégorien. 

En  effet,  supprimons  le  son  14  et  nous  avons  le 
mode  ionien  ou  13'=  mode  d'église  qui  est  devenu 
notre  mode  majeur  type. 


Exem|ile  '• 


Je  sais  bien  que  beaucoup  de  traités  de  plain-chani 
affirment  'sérieusement  que  ce  13"  mode  n'a  pas 
été  admis  par  saint  Grégoire  lors  de  sa  réforme  du 
chant  dit  Ambrosien;  mais  je  sais  bien  aussi  qu'en 
ou\Tanl  un  livre  d'oflices  on  trouve  à  chaque  instant 
des  chants'dits  :  du  o"  mode  avec  un  si  h  (notre  14« 
son)  à  la  clef; 

01 

1 
I 

o 

e 


:^z=ï 


m 


Exemple  i. 

Comparez  les  intervalles  ou  appliquez  les  tétra- 
cordes  et  vous  serez  convaincus  de  la  parfaite  simi- 
litude de  ce  prétendu  3"  mode,  avec  le  13»  tout  sim- 
plement transposé  une  quinte  plus  bas. 

Il  en  est  de  même  du  prétendu  1'=''  mode  avec  le 
si  b  à  la  clef  et  du  9=  mode  (Eolieni. 

Mais  reprenons  l'exemple  n°  2  et  voyez  comme 
tout  se  lient,  s'enchaîne,  s'explique  et  s'éclaire. 

Voici  un  instrument  qui  nous  donne  d'une  façon 
tangible  la  gamme  essentiellement  naturelle,  c'est-à- 
dire,  qui  sera  retrouvée  plus  tard  par  les  physiciens  à 
l'état  pour  ainsi  dire  latent,  partout  dans  la  nature  : 
dans  la  cloche,  dans  la  corde  tendue,  dans  la  cym- 
bale, dans  la  voix  humaine,  dans  la  flamme  même-, 
dans  tout  ce  qui  vibre  et  peut  émettre  un  son  appré- 
ciable et  timbré. 

Il  nous  donne  aussi  la  raison  des  modes  à  finales 
et  dominantes  diti'érentes  bien  qu'à  constitution  réel- 
lement unitonale. 

En  effet  :  reprenons  l'exemple  (3)  et  examinons 
l'accord  des  deux  lyres,  des  deux  tétracordes  qui,  se 
succédant  alternativement  suivant  que  le  dessin  mé- 
lodique descend  ou  monte,  doivent  accompagner, 
guider,  le  ou  les  chanteurs  : 


É 


Iton  iton  :^ton  |  Iton  1  Iton  lion  "/ztenj 


Exemple  5. 


Nous  voyons  que  chacun  de  ces  tétracordes  est 
accordé  de  même  façon;  que  les  tons  et  demi-tons 
se  succèdent  dans  im  ordre  parfaitement  symétrique 
et  correspondant  bien  aux  idées  artistiques  des  Grecs; 
idées  de  symétrie  et  de  belles  proportions  que  nous 
retrouvons  aussi  bien  en  poésie  et  littérature  qu'en 
sculpture  et  architecture.  Il  semble  donc  logique 
qu'ayant  à  établir  un  mode  sur  chacun  des  degrés 
de  la  gamme  du  mode  Ionien,  les  artistes  musiciens 
aient  procédé  par  le  relèvement  symétrique  de  l'ac- 
cord des  lyres  dans  les  proportions  voulues,  suivant 
cet  ordre: 


non  Iton  >jlon    Iton.    Iton.  Iton  îiton 


=#cc: 


# 


Iton  Iton  )5ton  |  Iton    Iton  Iton  J^ton 


]l"    It^      " 


^^ 


Iton  Iton  >jt0n  |  Iton  |  Iton  Iton  ^4 ton  I 


~rr- 


3a: 


^ 


Iton  Iton  ;i ton  Iton    Iton  Iton  î^ ton 


lâ^ 


33Z 


Iton  îton  /jton    Iton    Iton  Iton  ]$ton 


-rr 


^t^ 


-^^-^ 


♦ 


Iton  Iton  ;^ton  1  Iton 


s^^ 


-gr 


z«â=a 


Iton  Iton^iton  I 


Eiceitiple  6. 

Or,  il  n'en  est  rien,  et  ces  architectes,  si  respec- 
tueux du  parallélisme,  construisenl  des  modes  d'une 
constitution  toujours  différente  l'une  de  l'autre;  bien 
mieux,  dont  les  deux  tétracordes  perdent  leur  simi- 
litude dans  le  même  mode. 

Si  nous  admettons  que  la  trompette  sert  d'étalon 
à  l'accord  des  lyres,  des  flûtes  simples  ou  doubles, 
des  syrinx,  de  tous  les  instruments  dont  les  Grecs 
disposaient,  nous  comprenons  aisément  ces  consti- 
tutions de  modes  différents  dans  une  gamme  uni- 
tonale. 

Nous  nous  expliquons  également  à  cause  du  peu 
de  fixité  du  si  ^  et  du  si  h  pourquoi  ils  ne  voulaientpoint 


1.  C'est  la  longueur  que  devrait  avoir  la  trompette  basse  préco- 
nisée par  R.  Wagner  (dans  la  pratique  on  se  sert  d'une  autre  tpom- 
|>ette  que  j'indiquerai  plus  loin).  C'est  égiileraeot  la  longueur  du 
cor  en  ttt  grave  qw  jiossède  la  naônie  étendue  et  peut  servir  aux  dé- 
monstrations et  à  la  vérification  de  tout  ce  qui  suit. 

2.  Voyez  les  Harmonies  au  son  par  J.  Kamuos^on,  page  173  (Firrain* 
Didot  et  G-,  J878). 


1406 


Ci 


EXCyÇLOPÉDJE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DfCTW.X.XAjnE  DU  COXSEnVATOmE 


Jtori  Vjlon  Iton 


lion 


g  lion  ]j  ton  iton. 

P 


§ 
Pi 


Ci 


/                                                                              ^      -r 

•f          O 

J^tonltrailton  I lirai I  ^ton c itoa IIoti  J 


o 


DCE 


lion  Iton  Iton 


É 


'  iton  '  ^  Iton  lUm  |txm    ' 

r-  H 

■i  I 


-rr- 


<i     o 


lion  Iton  ^ton  '  Itoil  g  iton  ^tan  Iton 


I 


c 


-rr- 


o 


'^  Iton  i^tdh.  Iton  '  iton  të  l^ton  lion  Iton  J 

"^  c  'S 

•S'  i  -â 

S  p  E 


Exemple  7. 

reconnaître  à  celle  note  si  les  qualités  de  finale  ou 
de  dominante  et  conséquemment  pourquoi  il  n'y  a 
pas  de  mode  sur  cette  note  et  pourquoi  chaque  t'ois 
que  sa  place  dans  la  gamme  d'un  mode  semble  l'ap- 
peler aux  fonctions  de  dominante,  elle  y  est  rempla- 
cée par  la  note  du  degré  supérieur:  do. 

Je  n'ai  point  parlé  des  modes  plagaux  ou  hypo, 
dont  la  gamme  est  renfermée  entre  deux  dominantes 
et  qui  ont  la  même  finale  que  les  modes  authenti- 
ques correspondants,  les  observations  y  seraient  les 
mêmes. 

Encore  semblables  seraient  ces  observations  ap- 
pliquées au  second  syslème  grec  par  modes  descen- 
dants qui  parail  avoir  conduit  les  Grecs  à  l'emploi  des 
dièses,  des  transposilions,  des  genres  chromatiques 
et  harmoniques  et  aux  fameux  tiers  et  quarts  de  ton 
que  certains  musicographes  paraissent  tant  regretter 
et  que  nous  nous  proposons  de  leur  rendre  dans  quel- 
ques instants. 

Knfin  nous  trouvons  encore  dans  le  son  J4  l'ex- 
nlication  de  cette  règle,  de  prendre  le  sH,  au  lieu  du 

iî  chaque  fois  que  cette  note  se  trouvait  en  rapport 
évident  avec  le  fa. 

Les  ans  et  l'industrie  se  perfectionnant,  il  est  na- 
turel de  penser  que  les  Grecs  parvinrent  à  construire 
et  à  jouer  des  trompettes,  dont  les  tubes  plus  étroits, 
les  embouchures  ou  bouquins  plus  fins  leui  permi- 
rent d'obtenir  les  sons  harmoniques  de  plus  en  plus 


élevés  et  que,  dépassant  le  son  16,  ils  connurent  la 
gamme  chromatique  du  son  13  au  son  20;  puis  les 
tiers  et  les  quarts  de  ton  du  son  20  au  son  40,  les 
cinquièmes  et  sixièmes  de  ton  du  son  40  au  son  60,  et 
enfin  les  commas  du  son  00  au  son  64.  Nous  voyons 
ainsi  que  les  tiers  et  quarts  de  ton  des  Grecs,  voire 
même  des  intervalles  plus  petits,  ne  sont  pas  perdus 
autant  que  d'aucuns  semblent  le  croire. 

Certes, ^je  me'garde  bien  d'affirmer  que  l'on  soit 
jamais  parvenu!  pratiquement  à  obtenir  des  sons 
harmoniques  aussi  élevés,  et  je  doute  qu'il  soit  pos- 
sible de  rencontrer  des  artistes  dont  l'oreille  et  les 
lèvres  soient^assez  sûres  pour  faire  quoi  que  ce  soit 
de  musical  avec  des  intervalles  aussi  petits  ;  il  ne  se- 
rait d'ailleurs  pas  impossible  d'obtenir  dans  de  bien 
meilleures  conditions  de  telles  fractions  de  ton  sur 
le  violoncelle  et  même  sur  le  violon,  et,  à  part  les 
notes  attractives,  le  (jlissando  et  le  port  de  son  ou  de 
voix  qui  en  sont  des  emplois  assez  fréquents,  les  plus 
grands  virtuoses  n'ont  jamais,  à  ma  connaissance, 
cherché  à  établir  ce  qu'on  pourrait  appeler  une  vraie 
gamine  ou  un  fragment  véritablement  mélodique  sur 
une  telle  division  du  chromatisnie. 

Un  de  mes  amis,  M.  de  Schepper,  compositeur  de 
musique  à  Chàteau-tjontier,  m'a  dit  avoir  construit 
ou  fait' construire  un  instrument  donnant  les  quarts 
de  ton  et  s'être  ainsi  convaincu  que  tout  sentiment 
tonal  disparaissait  et  qu'il  en  résultait  une  véritable 
impossibilité  de  réaliserquoi  que  ce  soit  de  véritable- 
ment musical. 

Voilà,  il  nous  semble,  des  raisons  largement  suf- 
fisantes pour  établir  en  faveur  de  la  grande  trom- 
pette l'antériorité  comme  véritable  instrument  de 
musique  sur  tous  autres  moyens  de  production  du 
son  ;  sans  doute  l'homme  a  dû  d'abord  émettre  des 
éclats  de  voix  chantante,  ne  serait-ce  qu'en  imita- 
tion des  oiseaux  qu'il  entendait;  sans  doute, 'il  a  dû 
soufUer  par  hasard  dans  une  corne  ou  dans  un 
roseau  et  être  étonné  du  son  qu'il  produisait,  mais 
aucun  système  musical,  aucune  théorie,  aucune 
école  ne  pouvait  sortir  de  cela,  et  c'est  pourquoi  nous 
estimons  qu'étudier  le  principe  des  instruments  à 
vent  en  général  et  des  instruments  de  cuivre  dits  de 
fanfare  en  particulier,  c'est  étudier  le  principe  fonda- 
mental de  la  musique  même. 

J'ai  dit  (page  1405)  que  l'instrument  sur  lequel 
on  peut  faire  entendre  les  harmoniques  du  son  8  au 
son  16  ex|)rime  la  gamme  naturelle. 

Pourtant  pour  beaucoup  de  musiciens  actuels  cette 
gamme  n'est  pas  juste  et  ils  reprochent  aux  sons  7 
et  M  d'êlre  trop  bas  ou  trop  haut  et  de  ne  pouvoir 
être  employés. 

Examinons  ce  qu'il  peut  y  avoir  de  fondé  dans  ce 
grief. 

Le  manque  de  justesse  incriminé  ne  résulte  évi- 
demment que  de  la  comparaison  de  la  gamme  qui 
sort  naturellement  (c'est-à-dire,  sans  le  secours  des 
pistons  dont  nous  étudierons  plus  loin  le  mécanisme) 
d'une  trompette  ou  d'un  cor,  seuls  instruments  mo- 
dernes sur  lesquels  on  puisse  faire  sortir  des  har- 
moniques aussi  élevés,  avec  la  gamme  des  instru- 
ments à  sont  fixes  modernes  à  laquelle  nos  oreilles 
sont  accoutumées. 

Pourle  son  7  {sil:)  la  diflérence  avec  la  (sib)  deuxième 
quarte  juste  de  do\{do-fa;  fa-sHi]  est  de  environ 
l 

■—  de  ton;  je  dis  :  un  douzième  de  ton,  c'est-à-dire, 
12 

moins  de  un  comma,  y  compris  même  les  deux  dou- 
zièmes de  comma  à  céder  pour  le  tempérament  des 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1407 


deux  quartes  et  si  celle  noie  est  évidemment  basse 
pour  exprimer  un  lait  'elle  esl  de  1res  prèscoiifornie 
au  sib  exprimé  comme  sous-dominante  par  Ions  les 
instruments  à  son  variable,  y  compris  la  voix  liu- 
maine;  le  reproche  est  donc  exagéré  pour  le  sou  7. 1,a 
difTérence  est  d'ailleurs  exactement  la  même  pour  le 
son  3  (mi),  qui  pourtant  vient  souvent  comme  sensible 
de  fa  et  contre  lequel  presque  personne  ne  proteste. 

Pour  le  son  11  {fa)  la  diirérence  est  plus  accusée  et 
cette  note  sortd'enviroii  un  comnia  et  demi  plus  liaul 
que  la  note  correspondante  tempérée,  mais  elle  n'est 
pas  seule  dans  ce  cas  et  le  son  13  {la)  sort  environ  un 
comma  et  demi  plus  bas  que  la  note  correspondante 
tempérée  el,  chose  curieuse,  ce  dernier  écart  de  jus- 
tesse n'est  pour  ainsi  dii'e  jamais  signalé. 

La  vérité  est  que  ces  différences  de  diapasons 
n'existent  que  depuis  deux  siècles  à  peine.  La  gamme 
naturelle,  la  gamme  que  nous  trouvons  partout  dans 
la  nature  a  été  seule  employée  jusqu'au  milieu  du 
xvii*  siècle,  c'est-à-dire,  jusqu'à  l'époque  où  l'emploi 
des  altérations  a  conduit  peu  à  peu  a.  la  transposi- 
tion des  9"  et  13=  modes  d'église,  modes  Eolien  et 
Ionien  des  Grecs,  devenus  nos  modes  mineur  el  ma- 
jeur t\'pes,  à  leur  transposition,  disons-nous,  sur  tous 
les  degrés  de  la  gamine;  traiis[iosilions  (lui  ne  don- 
naient que  de  médiocres  résultais  avec  la  gamme 
naturelle  à  cause  des  tons  et  des  demi-tons  qui  n'é- 
taient pas  égaux  entre  eux,  à  cause  aussi  des  fa  un 
peu  haut  surtout  dans  l'accord  de  septième  de  domi- 
nante devenu  d'un  emploi  général  et  constant,  et  des 
la  un  peu  bas.  Toutes  ces  causes  incitèrent  les  musi- 
ciens à  rechercher  l'égalité  des  intervalles  de  secon- 
des majeures  et  mineures  el  à  remplacer  la  gamme 
naturelle  par  la  gamme  lempérée,  liavail  qui  ne  s'est 
pas  fait  en  un  jour,  comme  bien  on  pense,  et  n'est  par- 
venu à  maturité  et  à  l'adoption  par  tous  les  artistes 
que  vers  la  fin  du  x\  ii'^  siècle  ou  le  commencement 
du  xviii",  et  de  1722  à  1744.  J.-S.  B\i:h  put  écrire 
Le  Clavecin  bien,  tempéré,  qui  vint,  vèrilable  monu- 
ment historique,  fixer  l'époque  de  la  consécration 
du  système. 

.Nous  nous  sommes  assuré  personnellement,  griàce 
à  la  parfaite  obligeance  de  l'aimable  conservateur 
du  Musée  instrumental  du  Conservatoire  national  de 
musique  de  Paris,  M.  Uené  linAMioun,  que  les  instru- 
ments à  sons  fixes,  à  vent  ou  à  cordes,  contenus  dans 
la  précieuse  collection  et  construils  avant  l'adoption 
de  la  gamme  tempérée,  sont  bien  accordés  avec  la 
quarte  haute  et  la  sixte  basse  conformémenl  aux 
données  de  la  gamme  naturelle  telle  que  nous  l'avons 
exposée  en  nos  exemples. 

il  a  été  dit  (p.  1402),  qu'un  instrument  et  un  instru- 
mentiste parfaits  seraient  indispensables  pour  jfaire 
entendre  toutes  les  notes  de  l'exemple  \. 

11  a  été  également  dit  (p.  1404)  qu'il  serait  possible 
d'obtenir  toutes  ces  mêmes  notes  en  employant  plu- 
sieurs instruments  de  même  longueur,  mais  de  propor- 
tions de  diamètre  dilTérenles.  En  voici  les  raisons  : 

Plus  un  instrument  est  de  perce  '  large  eu  égard 
à  la  longueur  de  cet  instrument,  plus  il  est  facile  de 
faire  soitir  les  premiers  sons  graves  (fondamentale 
et  premiers  harmoniques),  mais  en  perdant  la  pos- 
sibilé  de  faire  sortir  les  sons  du  registre  aigu  ou 
même  moyen. 

Plus  un  instrument  est  de  perce  étroite  eu  égard 
a  la  longueur  de  cet  iuslrumeiit,  plus  il  est  facile  de 

i.  On  nomme  perce,  dans  la  fabricrilion  des  in3t^u^lenl$  de  musi- 
que, le  diaraèire  plus  ou  moins  grand  des  insli'unienls  ;  on  dit  ;  perce 
iarge.  p^rce  étroile  pour  plus  grand  diantélre,  petit  diamètre. 


faire  sortir  les  sons  aigus  (harmoniques  élevés),  mais 
en  perdant  la  possibilité  de  faire  sortir  les  sons  gra- 
ves et  mêmes  moyens. 

D'autre  pari,  l'embouchure  d'un  instrument  con- 
tribue aussi  et  dans  le  même  sens  à  faciliter  l'émis- 
sion lies  sons  graves  ou  aigus,  avec  la  seule  différence 
que  ce  qui  est  dénommé  perce  (diamètre  intérieur) 
dans  l'instrument  est  dénommé  ijrain  dans  l'embou- 
chure. .Nous  énonçons  donc  : 

Plus  le  grain  d'une  embouchure  est  gros,  plus 
l'émission  des  sons  graves  est  facilitée;  plus  le  grain 
d'une  embouchure  est  petit,  plus  est  facilitée  l'émis- 
sion (les  sons  aigus. 

C'est  ainsi  que  les  artistes  chargés  des  parties  de 
2"  et  4=  cors,  qui  ont  plus  souvent  besoin  d'émettre  les 
sons  graves  de  l'instrument  que  les  artistes  chargés 
des  parties  de  t"  el  3'=  cors,  se  servent  d'instruments 
de  même  perce  que  ceux  de  leurs  camarades,  mais 
emploient  des  embouchures  dont  le  grain  est  plus 
gros  que  celui  des  embouchures  employées  pour  exé- 
cuter les  parties  de  l"  et  :j«  cors. 

Ainsi,  représentons-nous  quatre  instruments  A,  B, 
C,  D,de  même  longueur,  mais  de  perces  et  de  grains 
d'embouchure  dilTérenls  : 


^ 


N 


Fia.  22T. 

L'instrument  A  sera  convenable  pour  obtenir  les 
sons  de  1  à  8. 

L'inslrunient  B  pourra  servir  pour  obtenir  les  sons 
de  3  à  16. 

J.'instrument  C  permettra  l'émission  des  sons  de 
8  à  32. 

L'instrument  D  pourrait  servir  pour  obtenir  l'émis- 
sion des  harmoniques  suraigus  de  la  dernière  octave, 
sons  de  32  à  O't. 

Je  pense  avoir  ainsi  exposé  à  peu  près  complète- 
ment le  principe  des  instruments  à  vent  tel  que  nous 
l'adonné  la  nature;  il  nous  reste  à  examiner  le  parti 
que  riiomme  a  su  en  tirer. 

Tant  que  l'homme  n'a  su  que  soufller  dans  une 
corne,  si  bien  évidée  qu'elle  soit,  il  n'a  guère  eu  à  sa 
disposition  que  les  sons  de  1  à  8,  et  encoi-e  les  cornes 
assez  longues  et  d'une  perce  assez  étroite  pour  per- 
mettre d'atteindre  et  surtout  de  dépasser  le  son  6  de- 
vaient-elles être  rares;  il  pouvait  (ionc  concevoir  un 
arpège,  quelque  chose  comme  les  sonneries  de  notre 
clairon  d  infanterie  (je  suppose  les  ressources  les 
plus  avantageuses).  Mais  il  ne  pouvait  élaldir  une 
gamme.  11  a  donc  fallu  attendre  que  son  génie  indus- 
trieux le  conduise  à  construire  un  tube  assez  long  et 
surtout  assez  étroit  pour  lui  permettre  d'alteindre  le 
son  10,  pour  qu'il  puisse  posséder  une  gamme  et  éta- 
blir un  système  musical,  et  c'est  ainsi  que  l'histoire 
nous  montre  toutes  les  anliquités,  de  même  que  les 
explorateurs  nous  montrent  les  peuples  réputés  les 
plus  sauvages,  en  possession  de  la  trompe  ou  de  la 
trompette  dès  qu'ils  ont  uu  système  musical  si  élé- 


1408 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIO.WAIRE  OU  CONSERVATOIRE 


meiitaire  qu'il  puisse  être;  le  nom  Je  l'insli'iimeiit 
peut  changer,  la  maliéT'e  dont  il  est  construit  peut 
ne  pas  être  la  même,  la  forme  et  le  diapason  peu- 


T 
<=!> 


vent  être  dillërents,  mais  le  principe  de  rinstrunienl 
est  identique  et  c'est  toujours  une  ti'ompe  ou  une 
trompette. 


Fiii.  23-i.  —  ïrurnpetle  du  Thibet. 

L'homme  en  possession  de  sa  trompetle  que  je  suis 
tenté  de  qualilier  non  d'instrument  guerrier,  mais 
d'instrument  divin,  l'homme  s'empresse  de  soumet- 
tre h  la  loi  de  la  gamme  type  tous  les  éléments  so- 
nores dont  il  dispose  et,  pour  nous  en  tenir  aux  seuls 
instruments  à  vent,  il  taille  les  roseaux  de  la  syrinx, 
de  longueurs  telles  que  la  gamme  ou  un  fragment  de 
la  gamme  sorte  de  la  série  de  tuyaux  embryonnaires 
de  l'orgue  sublime;  il  perce  des  trous  dans  le  tube  de 
bois  creusé  dont  il  avait  fait  un  sifllet  et  qui  devient 
une  lliite  à  bec  ou  llûte  droite,  et  qui  par  la  modili- 
7ation  du  sifllet  deviendra  la  Uùte  traversière;  il  rem- 
place le  sifllet  par  ujie  anche  simple  ou  double  et,  si 
e  tube  est  conique,  il  obtient  un  chalumeau,  ancêtre 
du  hautbois,  du  saxophone  ou  du  basson;  si,  au  con- 
traire, le  tube  est  cylindrique,  il  obtient  un  chalumeau 
d'une  espèce  particulière  dout  la  gamme  se  trouve 
interrompue  par  l'absence  de  trois  noies,  et  ce  n'est 
qu'à  la  lin  du  xvn"'  siècle,  vers  1690,  que    DeniNer 


trouvera  le  moyen  de  faire  sortir  ces  notes  et  que  la 
clarinette  sera  créée. 

Examinons  niainlenantle  principe  de  cesnouveaux 
instruments.  Le  tuyau  court  relativement  à  la  largeur 
de  la  perce  laisse  sortir  les  sons  1.  2  et  3,  c'est-à- 
dire,  la  fondamentale,  son  octave  et  sa  douzième,  et 
encore  ces  deux  hainioniques  sortent-ils  assez  dif- 
ficilement sur  les  instruments  à  anche;  sur  les  tlûtes, 
au  contraire,  l'octave  sort  plus  aisément  que  la  fon- 
damentale. 

La  ressource  musicale  naturelle  serait  plutiH  légère 
si  l'homme  ne  s'était  aperçu  qu'en  perçant  un  trou 
dans  le  luyau,  celui-ci  sonne  comme  s'il  était  rac- 
courci de  la  longueur  dépassant  le  trou;  dés  lors,  il 
suffit  de  percer  des  trousle  long  du  corps  de  l'instru- 
ment à  des  distances  convenables  pour  obtenir  les- 
note"!  successives  de  la  gamme  de  trompetle;  Cas- 
tro',: s  recouverts  par  les  doigts  laisseront  sonner  l'ins- 
tiument  dans  toute  sa  longueur;  en  relevant  lés- 
doigts  l'un  après  l'autre,  on  découvrira  les  trous  et 
le  tuyau  sonnera  comme  si  l'on  entendait  successi- 
vement les  sept  tuyaux  d'une  syrinx,  ou  comme  sept 
instruments  de  longueurs  différentes. 

Pour  déterminer  l'emplacement  de  chacun  des 
trous,  il  suffira  de  nous  rappeler  la  théorie  des  vibra- 
tions de  la  corde  tendue  ou  des  divisions  de  la  colonne 
d'air'. 

La  colonne  d'air  constituant  l'unité  sera  comptée, 
non  de  la  longueur  totale  de  l'instrument  comme 
pour  les  instrumente  de  cuivre,  mais  de  l'endroit  où 
se  produit  le  son  initial  jusqu'à  la  première  sortie  de 
l'air  lorsque  tous  les  doigts  sont  posés  sur  les  trous. 

Pour  fixer  les  idées  :  la  longueur  totale  sera  comp- 
tée sur  une  Uùte  droite,  non  du  bec,  mais  du  biseau 
sur  lequel  le  souflle  vient  se  briser  et  produire  le  soa 
jusqu'à  la  sortie  de  l'instrument; 


1.  Voir  :  Acoustique, 


TEC/LVl{>ft:,  ESTIIÉTKJUU:  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1409 


Longueur  totale 


Fiii.  235.  —  Fli'itf  ilniile. 

sur  la  fliUe  traversière  elle  sera  comptée,  non  de  la 
tête,  mais  du  trou  destiné  aux  lèvres  et  formant  em- 
bouchure ; 

Longueur  totale --. 


FiG.  236. 


■  Kliite  traversière. 


enfin,  pourles  instruments  à  anche,  ellesera comptée, 
non  de  l'extrémité  de  l'anche,  mais  de  l'endroit  où 
les  lèvres  maiiitiennenl  cette  anche. 


.  Longueur  totale 


t=-s: 


FiG.  237 


■  Haulbois. 


sauf  pour  le  cas  de  certains  instruments  primitifs  où 
l'anche  est  renfermée  dans  une  sorte  de  manchon  en 
bois,  ou  bien  encore  pour  les  cornemuses,  binious, 
musettes  etc.,  où  l'anche  n'est  maintenue  que  par  le 
fil  de  la  ligature  et  où  la  longueur  devra  être  comp- 
tée de  la  base  de  l'anche. 

Pour  que  le  principe  reste  général,  nous  suppose- 
rons un  instiument  à  sept  trous  de  notes  :  trois  pour 
l'inde.v,  le  médius  et  l'annulaire  de  la  main  gauche, 
quatre  pour  l'index,  le  médius,  l'annulaire  et  le  petit 
doigt  do  la  main  droite.  Ces  sept  trous  bouchés,  l'ms- 
Irument,  quel  que  soit  son  rapport  avec  le  diapason 
normal,  est  réputé  donner  un  do. 

Numérotons  les  trous  en  partant  de  la  production 
du  son;  le  petit  doigt  droit  doit  boucher  (e  septième 
trou. 


---. .-.-  Longueur  totale 

-  nuitneuvieme&dela  longueuc  totale 

-Oualre-cinquièmes i-        _  j.    ==--- 

.  Troiî.  quarts  de  la  __    d*      '     d"  ~  ' 

-  Deux-tiers        ■•         -..*-.; 1       i 


I Seiie-vingt-sêptièmês  "d* 

"■■"  -lJ[n^lfmes  _^ 


Huit- 

Moi 

1-.-.  nui 


iticdtla  lonûDftjrlôtiïf       ' 
t-diK-septiemes  _  j*      "!    ! 


a 


D.Q.  tf 

o  o  - 


Fia.  23S. 


—  Schéma  di,"  la  perce  des  trous 
sur  une  flûte  droite. 


En  levant  le  petit  doigt  l'instrument  devra  donner 
un  ré. 

Les  7  trous  bouchés,  la  longueur  totale  donnant 
do  (son  1),  si  nous  nous  reporlonsà  notre  exemple!, 
nous  voyons  que  le  ré  sort  dans  la  quatrième  octave 
comme  son  9,  ce  qui  exprime  que  pour  le  produire 
la  colonne  d'air  totale  devra  être  sectionnée  en  neuf 
parties  égales,  ou,  ce  qui  revient  au  même,  qu'une 
neuvième  partie  de  celte  colonne  d'air  serait  suffi- 
sante pour  produire  ce  i-é  de  la  quatrième  octave. 
En  prenant  le  double  de  ce  neuvième,  soit  2/9,  on 
aurail  le  ré  de  la  troisième  octave,  les  4/9  nous  don- 


neraientle  ré  de  la  deuxième  octave;  donc,  en  perçant 
.notre  septième  Irou  aux  huit  neuvièmes  (8/9)  de  la 
longueur  totale  de  notre  instrument,  nous  pourrons 
faire  sortir  un  ré  de  la  première  octave  (seconde 
note  de  la  gamme  que  nous  cherchons)  en  levant 
notre  petit  doigl. 

Par  la  même  suite  de  raisonnement,  nous  serons 
conduits  à  conclure  que  le  sixième  trou  donnant  par 
son  ouverture  un  mi  (son  5)  doit  être  percé  aux 
quatre  cinquièmes  (4/5)  de  la  longueur  totale. 

Le  cinquième  trou,  fa  (son  11  de  la  gamme  natu- 
relle), devrait  être  percé  aux  8/11  de  la  longueur 
totale,  mais,  comme  nous  vivons  sous  le  régime  de  la 
gamme  tempérée,  nous  déterminerons  sa  place  aux 
trois  quarts  (9/12)  de  cette  longueur. 

Le  quatrième  trou  ouvert  devra  nous  donner  un 
sol,  quinte  du  son  fondamental  ;  nous  le  placerons 
au  deux  tiers  (2/3)  de  la  lon^'ueur  tolale. 

L'ouverture  du  troisième  trou  devra  produire 
un  la  (son  13  de  la  gamme  naturelle),  à  cause  de  la 
gamme  tempérée,  ce  trou  sera  percé  aux  seize 
vingt-septièmes  (16/27)  de  la  longueur  totale. 

Le  deuxième  trou  devra  être  placé  aux  huit  quin- 
zièmes (8/to)  de  la  longueur  totale  pour  que  son 
ouverture  nous  fasse  entendre  un  si. 

Logiquement,  le  premier  trou  devrait  être  percé 
sur  tous  les  instruments  à  la  moitié  (1/2)  de  la  lon- 
gueur tolale  afin  de  donner  l'octave  du  premier  son 
{do::);  il  en  est  ainsi  pour  la  clarinette  et  le  basson. 
(Cependant,  sur  la  fliite,  le  hautbois,  le  saxophone  et 
le  sarrusophone,  ce  premier  trou  est  percé  aux  huit 
dix-septièmes  (8/17)  de  la  longueur  totale,  ce  qui 
produit  le  doit.  La  raison  primitive  de  cette  pratique 
est,  qu'avant  que  les  flûtes  ne  reçoivent  la  patte  d'i(<, 
il  aurait  été  impossible  d'obtenir  le  d'iff  du  3«  inter- 
ligne autrement,  tandis  qu'on  pouvait  obtenir  le  doif 
avec  un  doigté  factice. 

Il  demeure  entendu  que  je  n'ai  donné  là,  de 
même  que  pour  les  longueurs  d'instruments  de 
cuivre,  que  des  proportions  théoriques  qui  peuvent 
être  modifiées  dans  la  pratique  parla  forme,  plus  ou 
moins  coudée,  de  l'instrument,  par  les  cônes  plus 
ou  moins  prononcés  ou  réguliers,  par  la  grandeur 
des  trous  et  par  d'autres  petits  détails  dont  nous  ne 
pouvons  pas  nous  occuper  ici. 

J'ai  dit  (page  1408)  que  l'on  peut  généralement 
obtenir  dans  ces  sortes  d'instruments  les  harmonique? 
2  et  3  (octave  et  douzième);  cela  doit  s'entendre  non 
seulement  du  son  fondamental  de  la  longueur  totale 
mais  encore  de  chacun  des  sons  produits  par  les 
raccourcissements  progressifs  du  tube  que  nous  avons 
obtenus  par  le  percement  des  sept  trous,  qui  forment, 
de  ce  tube  unique,  comme  sept  tubes  dilférents  se 
succédant  alternativement  par  le  baissement  ou  le 
relèvement  des  doigts  suivant  la  volonté  ouïe  caprice 
de  l'exécutant. 

Chacune  des  longueurs  du  tube  ou,  pour  parler  le 
langage  des  exécutants,  chacun  des  dovjtés,  déviait 
pouvoir  donner  une  fondamentale,  plus  l'octave  et 
la  douzième  de  cette  fondamentale. 


Exemple  8. 


Copyright  by  Librairie  Delagruve,  l9iS. 


89 


1410 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MVSIQUE  ET  DICTIONSAIHE  OU  COVSEnVATOIRE 


Dans  la  pratique,  celle  règle  ne  se  coiinnne  pas 
toujours,  el  cela  pour  plusieurs  raisons  dont  nous 
pouvons  examiner  quekfues-unes  sans  sortir  des 
principes  f;énéraux  qui  nous  f;utdeni  en  ce  moment. 
D'abord,  le  rapport  de  la  perce  avec  la  loiit^ueur.  C'est 
ainsi  que  certains  doigtés  de  noies  graves  do  basson 
ou  de  la  clarinelte,  instruments  relativement  longs, 
peuvenl,  avec  de  très  légères  moditicalions,  faire 
entendre  jusqu'au  son  7  et  morne  9,  alors  qo'un  cer- 
tain nombre  de  doigtés  du  saxophone,  du  hautbois 
et  du  tlageolet  ne  pourront  fournir  plus  qu'un  son  i. 
Ensuite,  l'action  do  souffle  a  beaucoup  moins 
d'inlliience  sur  les  anches  que  sur  les  embouclmres, 
pour  faire  sortir  les  harmoniques,  c'est-à-dire  pour 
provoquer  les  divisions  et  subdivisions  de  la  colonne 
d'air;  el,  pour  les  imposer,  on  est  presque  toujours 
forcé  d'aider  la  force  du  souffle  et  la  pression  des 
lèvres  par  l'ouverture  d'un  petit  trou  appelé,  pour 
cette  raison,  trou  d'octave,  el  le  plus  souvetil  ouvert 
ou  fermé  par  le  pouce  de  la  main  gauclie. 

Ce  troll  devrait  tou|ours  être  placé  au  nœud  de 
vihratkm  de  l'harmonique  que  t'on  veut  obtenir;  il 
en  faudrait  donc  deux  pour  chacune  des  notes  for- 
fiïânt  lies  sons  t  (foiulamentales)  de  la  gamme  de 
première  octave,  alin  d'obtenir  aisément  l'octave 
el  la:  douzième,  ces  trous  d'octave  étant  percés  à  la 
moitié  et  au  tiers  de  la  production  du  son  et  de  la 
sortie  d'air  de  la  noie  (premier  trou  de  note  qui  suit 
le  dernier  doigt  posé).  Or,  il  n'est  pas  possible  de 
percer  lant  de  trous,  et  l'on  se  contente  d'en  percer 
deux  au  plus,  qui  se  trouvent  alors  placés  ou  trop 
h»ut  ou  trop  bas  pour  la  plupart  des  notes,  et 
c'est  à  l'aide  decertainsirousdeiiotes,  généralemeni 
le  premier,  quelquefois  le  second  ou  le  quatrième, 
que  l'on  tient  ouverts,  ce  qui  facilite  la  formation 
des  nffiiids  des  divisions  de  la  colomie  d'air,  que  l'on 
peut  parvenir  à  faire  sortir  les  harmoniques  supé- 
rieurs aux  sons  2, 

Uns  autre  raison  qui  s'oppose  à  la  production  de 
certains  harmoniques,  notammentdes  sons  :>  (  harmo- 
niques d'octavel,  dans  les  inslrumenls  à  aiiche  ctà 
luhe  cylindrique,  réside  dans  ce  lai't  que,  dans  tous 
les  tuyaux  de  cette  nature,  ce  n'iest  pas  un  .mwml 
d'ondulation  sonore  qui  se  forme  à  la  naissance  du 
son  (anche),  mais  un  ventre,  ce  qui  a  pour  effet  ; 
l'de  rendra  des  sons  d'une  oclave  plus  igraveque  ne 
semblerait  le  coïnporter  la  longueur  théorique  des 
instruments  employés  (théorie  des  tuyaux  bouchés 
de  l'orgife);  2"  le  premier  veutro  d'oiednJation  se 
trouvant  au  poiiitïle  production  du  son  et  cotisait uant 


le  centre  de  la  première  onduhilion,  il  ne  peut 
jamais  y  avoir  un  nombre  pair  d'ondulations,  et, 
conséquemment,  il  n'est  pas  possible  d'émettre, 
piatiquemenl  ou  théoriquemeni,  un  son  paii'  quel- 
conque (son  2,  4,  6,  etc.)  sur  les  instruments  de  cette 
nature. 

EiiTm,  plus  on  découvre  de  Irons,  plus  l'inslrument 
devient  couil  et  plus  il  serait  nécessaire,  même  sur 
les  instruments  à  embouchure  que  nous  examinerons 
plus  loin,  d'avoir  des  lèvres  plus  minces  et  plus  ner- 
veuses pour  pouvoir  faire  sortir  les  harmoniques 
aigus;  or,  comme  on  ne  peut  opérer  d'échange  de 
lèvres  suivant  les  notes  que  l'on  voudrait  obtenir, 
force  est  bien  h  l'instrunieniisle  de  borner  son  ambi- 
tion dans  le  regisire  aigu,  là  où  son  travail,  sa  persé- 
vérance et  surtout  la  puissance  nerveuse  de  ses  lèvres 
ne  lui  permettent  pas  d'aller  plus  loin. 

El  maintenant  faisons  un  pas  en  arrière,  un  grand 
pas,  qui  nous  ramènera  quasi  à  la  naissance  des 
insliuments  en  bois  ou  d'harmonie. 

Cependant,  nous  ne  remonterons  pas  aux  premiers 
essais  de  tlûtes,  essais  incomplets,  puisque  avec  deux, 
trois  ou  quatre  trous,  on  ne  peut  faire  que  trois, 
quatre  ou  cinq  notes  pouvant  être  répétées  à  l'octave, 
mais  dont  les  fragments  de  gammes  ne  se  joignent 
pas. 

Au  surplus,  l'étude  de  ces  instruments  incomplets 
ne  nous  donnerait  rien  d'utile  musicalement  parlant, 
pas  plus  que  l'étude  des  instruments  exotiques  ana- 
logues que  nous  trouvons  dans  nos  musées,  apportés 
par  les  grands  voyageurs  el  qui,  sous  les  noms  les 
plus  étranges  el  les  plus  divers,  comme  Serdam, 
Souronne-Mixoso-Balù,  Tohona,  etc.,  elc,  n'en  sont 
pas  moins  des  (lûtes  à  bec  à  trois  ou  à  quatre  trous, 
conséquemment  incomplètes. 

La  tlùte,  qu'elle  soit  double  ou  simple,  droite  et  à 
bec,  dénommée  llûte  douce  ou  tliHe  d'Angleterre  (?), 
ou  qu'elle  soit  Iraversière,  procède  toujours  du  même 
principe  :  le  souffle  se  brise  sur  un  biseau  et  elle 
reçoit  six  ou  sept  trous  de  notes;  six  lui  suffisent 
pour  joindre  sa  gamme  de  sons  1  à  sa  gamme  de 
sons  2;  elle  n'a  presque  jamais  besoin  de  trou  d'oc- 
tave et  l'intensité  du  souille  ou  le  resserrement  des 
lèvres  suffit  presque  toujours  pour  passer  d'une 
octave  à  l'autre,  quitte  à  lever  le  premier  doigt  pour 
obtenir  l'octave  du  l"'  son. 

Comme  dans  le  vulgaire  ocarina  d'origine  chinoise 
ou  la  tlùte  en  fer-blanc  de  nos  bazars,  on  peut  tou- 
jours «blenir  de  la  tinte  en  général  au  moins  deux 
octaves,  le  plus  souvent  deux  octaves  el  une  quinte; 


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Tdblatureli        { 

ou  |:    : 

Jo'igté   VÎ        S 


Exemi)le  0. 


N'ayantpas  de  seplième  trou,  le  do  grave  manque, 
et  l'on  pourrait  encore  voir  dans  ce  fait  la  raison 
qui  fit  placer,  par  les  Grecs,  le  mode  dorien  comme 
premier  mode  et  reléguer  au  dernier  rang  le  mode 
ionien  reposant  sur  le  do  (base  de  la  gamme  natu- 
relle), qu'il  nous  paraîtrait  logique,  à  nous,  de  placer 
au  premier. 


Quoi  qu'il  en  soit,  les  historiens  grecsetlatinsnous 
disent  qu'on  employait  poursouleniret accompagner 
les  chants,  des  tlùlesdoriennes,  des  flûtes  phrygiennes, 
destlùleslydiennes,  etc.  Cela  parait  établir  pour  nous, 
que  l'on  construisait  des  tlûles  spéciales  pour  jouer 
dans  chacun  des  modes,  c'est-à-dire,  des  tlûles  dont 
les  trous  étaient  percés  à  des  distances  telles  que  les 


TECIINIQIE,  ESTHÉTIQUE  ET  t'EDM.OGlE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1411 


deux  demi-tons  mi-fa  el  s^i-do  viiissetit  occuper  leui-s 
places  du  si  xi  èni  eau  cinquième  et  du  deuxième  au  pre- 
mier trou,  pour  la  tlûle  dorienne,  dont  les  six  trous 
bouchés  donnaient  un  ré';  de  la  loujjueur  totale  au 
sixième  trou  el  du  troisième  au  second,  pour  la  Ih'ite 
phiygieniie,  dont  les  six  trous  boucliès  donnaient  un 
»!(,  et  ainsi  de  suite  pour  chacun  des  modes.  Cepen- 
dant, nous  avons  vu  que  la  lliUe  dispose  toujours  d'une 
étendue  d'au  moins  deux  octaves,  ce  qui  lui  permet 
évidemment  de  donner  les  notes  nécessaires  à  l'exé- 
cution delà  totalité  des  modes,  et  nous  douions  que 
ces  expressions,  fliMe  dorienne,  Uùte  phrygienne,  etc., 
s'appliquent  aux  llûtesàbec;  tandis  que  ces  construc- 
tions d'instruments  spéciaux  à  chaque  mode  se  com- 
prennent et  s'expliquent  très  bien,  si  l'on  doit  sous- 
enlendre  que  ces  expressions  s'appliquent  à  des 
syrinx  ou  flûtes  de  Pan,  qui  n'avaient  ordinairement 
pas  plus  de  huit  à  neuf  tuyaux  (huit  à  neuf  notes) 
ou  à  des  clialumeaux,  instruments  à  anche,  qui, 
n'ayant  pas  encore  de  trou  d'octave,  ne  pouvaient 
oclavicr  el  ne  disposaient  par  conséquent  que  d'une 
étendue  trop  restreinte  pour  pouvoir  servir  à  l'exé- 
cution de  plusieurs  modes  sur  le  même  instrument. 
Et  maintenant,  grâce  à  la  domination  des  premiers 
barbares,  j'entends  dire,  des  liomains,  qui  vint 
arrêter  net  le  magnilique  essor  scientilique  et  artis- 
tique de  la  Grèce,  puis  à  l'invasion  des  seconds  bar- 
bares. Gaulois  et  Germains,  nous  allons  nous  alléger 
de  tonle  l'épofi.ie  romaine  et  de  tout  le  moyen  âge 
pour  arriver  au  sv«  siècle. 

La  flùle  de  Pan  a  donné  naissance 
a  l'orgue  et  a  cessé,  sous  sa  forme 
primitive,  de  compter  comme  ins- 
trument musical  ifig.  239,  240,  241, 
242  et  243);  elle  restera  désormais 
l'instrument  du  pâtre  des  champs 
ou  de  la  montagne,  à  moins  qu'elle 
ne  constitue  une  curiosité  de  cai'- 
refour  sous  les  lèvres  d'un  homme- 
orchestre. 

La  Uùte  traveisière  est  restée 
telle  que  nous  l'avons  laissée  chez 
les  (irecs. 

La  Uùte  à  bec  s'est  allongée  d'un 

neuvième  de   longueur   totale  afin 

de  pouvoir  descendre  à  \'tU  en  bouchant  avec  le  petit 

doigt  un  trou,   le   septième,  placé  à  son  ancienne 

longueur;  el,  comme  on  a   lemarqué  (|ue  le  son  a 


FiG.  230. 

Hébreux,  (^ugab. 

Flùtc  de  Pan. 


Fia.  240.  —  Orgue  à  outre  ou  rauselte  tout  ;i  fait  primitif. 

gagné  de  la  plénitude  el  du  timbre  à  ce  rallonge- 
ment, on  a  rallongé  de  même  les  tliites  plus  graves 


(H  nécessairement  plus  longues,  ulors  même  que  te 
jietit  doigt,  trop  court,  ne  peut  l'atteindre.  Nous  ne 
sommes  pas  à  «  l'âge  »  de  la  mécanique,  et  il  faudra 
encore  un  siècle  pour  que  l'on  imagine  de  combler 
la  distance  du  petit  doigt  au  trou  par  l'adjonction 
d'une  clé. 

Le  chalumeau  à  tube  cylindrique  est  resté  au 
même  état  rudimentaire,  et  l'absence  des  sons  2  le 
laissera  presque  inemployé  encore  pendant  près  de 
trois,cents  ans. 

Le  chalumeau  à  tube  conique  a  doimé  naissance 
à  toute  une  famille  d'instruments  à  anclies  doubles 
qui,  sous  les   noms  de  bombardes,   de  cromornes, 


1.  Il  est  indispensable  de  reiiiîLTqaer  que  Je  trou  de  note  est  tou- 
jours d'un  degrÉ  plus  bas  pour  le  constructeur  que  pour  l'instrumen- 
tiste, celui-ci  comptant  pour  la  note  le  dernier  trou  bouché  au  lieu  t'a 
dernier  trou  ouvert. 


FiG.  2il.  —  Orgue  gallo-romain.  —  Musée  d'.\rlcs. 

de  touruebouls,  de  chaleraey  ou  chalemelles,  de 
pommer,  etc.,  viendront,  après  des  raffinements  et 
des  perfectionnements  successifs,  se  synthétiser  dans 
le  tendre  hautbois,  le  mélancolique  cor  anglais  elle 
souple  basson. 

La  trompe  ou  trompette,  qui  a  porté  les  noms  de 
chatsolserali,  de  schophar,  de  keren,  de  jobel,de 
tuba,  de  lilus,  de  buccina,  de  corme  ou  corma  et 
bien  d'autres,  selon  qu'elle  était  droite,  courbée, 
enroulée,  longue  ou  courte,  à  perce  large  ou  étroite, 
el  employée  chez  les  Juifs,  les  Grecs  ou  les  Romains, 
n'a  reçu  d'autres  changements  que  des  noms  dilfé- 
renls  :  en  corne  ou  en  métal,  mais  en  forme  de  corne, 
c'est  une  corne  ou  une  trompe  d'appel;  creusée  dans 
une  défense  d'éléphant,  c'est  un  olifant,  qu'on  n'ou- 
blie jamais  de  citer  dans  les  romans  de  chevalerie  et 
qui  a  été  immortalisé  dans  les  mains  du  plus  noble 
guerrier  du  moyen  âge  par  la  Chanson  de  Roland;  en 
métal,  longue  et  enroulée,  c'est  la  trompette  ou 
trompe  de  chasse,  et  enfin  longue,  droite  ou  deux 
fois  recourbée  presque  dans  la  forme  moderne,  c'est 
la  trompelte  guerrière,  le  claron  ou  le  claronceau. 

Cependant,  un  mariage  vient  de  se  faire;  on  [on 
représente  ici  un  illustre  inconnu  dont  personne  ne 
sait  ni  le  nom,  ni  la  dale,  ni  le  lieu  de  naissance, 
mais  dont  chacun  voit  les  produits  se  répandre  au 
xV  siècle  où  nous  sommes,  presque  partout  où  il  est 
fait  de  ta  musique),  on,  donc,  vient  d'imaginer  d'unir 
l'embouchure  d'ivoire  de  l'olilant  au  corps  de  la 
Uùte  à  bec,  et  de  cette  union  le  cornet  à  bouquin  et 
le  serpent  sont  nés. 

Le  cornet  à  bouquin  et  sa  basse,  le  serpent,  sont 
des  instruments  en  bois  recouverts  de  cuir  pour  en 
assurer  la  solidité;  ils  sont  évidés  intérieurement 
en  une  perce  légèrement  conique  de  trompette  ut  à 
fm-invr  l'ii'i  r)p  l'anli-c;  le  serpent  est  donc  deux  fnis 


1412 


EiSCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICJIOSNAIRE  DU  COXSEliVATOlRE 


FiG.  242.  —  Orgue  antique,  musée  ifArles.        Fie.  2i3.  —  Orgue  portalif  ou  régale. 


Fio.  244,.  —  Orgue  à  main. 


"long  comme  le  cornet;  muni  d'une  embouchure 
nommée  bouquin,  comme  la  liompelte,  il  est  percé 
de  six  ou  sept  trous  de  notes  comme  les  tliltes,  et 
comme  ces  trous  seraient  trop  éloignés  sur  la  basse 


FiG.  245.  —  Cornets  à  bouquin. 

pour  que  les  doigts  puissent  les  recouvrir,  on  a 
courbé  et  recourbé  le  corps  de  l'instrument  en  forme 
de  serpent,  d'où  lui  est  resté  le  nom  ;  de  plus,  comme 
les  trous  de  notes  eussent  été  trop  écartés  les  uns  des 
autres  eu  égard  à  l'écartement  possible  des  doigts, 


on  a  percé  les  premier  et  troisième  trous  de  chaque 
main  obliquemenl  dans  l'épaisseur  du 
bois  et  dans  le  sens  de  la  longueur  de 
l'instrument  (les  premiers  vers  l'em- 
bouchure, les  troisièmes  vers  le  pavil- 
lon, disposition  que  nous  retrouverons 
dans  les  bassons).  Malgré  toutes  ces 
précaution,  le  serpent  n'a  jamais 
laissé  que  d'être  un  instrument  très 
faux,  mais  nous  en  éli;dions  le  principe 
et  peu  nous  importe  que  la  pratique 
en  ait  été  défectueuse. 

Le    cornet    et    le    serpent    laissent 
émettre    dans    leur    longueur    totale 
les    sons    de    2    à   8,    ce    qui   devrait 
donner   avec    l'ouveilure    siicces.sive    des    trous    de 
notes  les  résultats  suivants  : 


* 


d^ 


3Ï 


ija 


c 


.1>©Û 


,.??! 


.«^e' 


Q^ 


J^""- 


îsx: 


Je= 


o- 
o~' 


^ 


Kxemple  10. 


Mais  pour  la  raison  exposée  page  1407,  on  doit 
considérer  le  son  8  de  la  longueur  totale  comme  la 
limite  exlrème  des  sons  aigus,  de  sorte  que  la  gamme 
obtenue  dans  les  plus  parfaits  de  ces  instruments  ne 
peut  être  que  : 


« 


-TT^ 


»tto  "tt^ 


.^S^' 


.ût(Q  !»Jfe 


^Q«Q^ 


^ 


3r©^ 


Hxemplu  1 1. 

De  même  que  de  nos  jours  on  considère  les  flûtes, 
les  saxophones  et  les  sarrusophones  construits  en 
métal  comme  appartenant  à  la  famille  des  bois  parce 
que  leur  principe  d'émission  du  son  est  le  même  que 


leurs  ancêtres  flûtes,  chalumeau  ou  basson  (tourne- 
bouli,  de  même,  nous  devons  considérer  les  cornets 
et  serpents  comme  appartenant  à  la  famille  ^des 
cuivres,  h  cause  du  bouquin  ou  embouchure  qui 
constitue  leur  mode  de  production  du  son. 

De  clés,  il  n'est  toujours  pas  question,  et  les  cor- 
nets seront  les  derniers  à  en  recevoir;  d'ailleurs,  au 
xV  siècle,  la  musique  est  encore  unitonale,et  en  ad- 
mettant que  par-ci,  par-là,  un  compositeur  essaie  tinii- 
demenl  d'introduire  un  /'«#  ou  un  siN  dans  sa  com- 
position, l'exécutant  s'en  tirera  parce  que  l'on  nomme 
un  doigté  factice,  consistant  à  laisser  un  trou  ouvert 
entre  deux  trous  fermés  (fourche),  ou  bien  en  posant 
le  doigt  de  telle  sorte  que  la  moitié  du  trou  reste  ou- 
verte ;  bienlôt,  d'ailleurs,  le  hautbois,  élevant  cette  pra- 
tique à  la  hauteur  d'une  institution,  portera  sous  les 
troisième  et  quatrième  doigts,  non  un  seul  Irou,  mais 
deux  petits  trous  placés  à  la  même  hauteur,  et  per- 
mettant au  doigt  de  boucher  aisément  les  deux  petits 


TECHNIQUE,  nsrt.iiri(,>CE  et  fédacogie 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1413 


ti'oiis  ii((iiivalant  au  gros  trou  entier,  ou  l'un  seule- 
ment de  ces  Irous  équivalant  au  demi-trou  permet- 
tant de  faire  entendre  le  so/S-'abou  le  /'aif-so/b.  et 
ces  doigtés  bizarres  sulisisteront  jusqu'à  la  moitié 
du  XIX»  siècle. 

Mais  pendant  que  les  instruments  en  hois  se  per- 
fectiouiieiil  lentcmenl,  bien  leutomeiit,  peiidaiit  qu'on 
applique  leur  principe  aux  iiislrumenls  de  cuivre  ou 
de  bois  recouvert  de  cuir  et  à  embouchure  ou  bou- 
quin en  les  perçant  de  trous  qui  seront  bouchés  ou 
fermés  par  les  doigts  d'abord,  puis  plus  lard  par  des 
clés,  toujours  à  l'imilalion  des  instruments  de  bois, 
nous  vo^yons  tout  d'un  coup  apparaître  un  instrument 
de  cuivre  qui,  lelle  Minerve  sortant  (oui  armée  du 
cerveau  de  Jupiter,  nous  vient  au  seuil  de  la  Re- 
naissance dans  un  état  de  perfection  tel,  qu'il  suffit 
encore,  dans  nos  orchestres,  à  tous  les  besoins  de 
la  musique  moderne. 

Le  trombone  (de  tromhâ,  grande  trompette),  car 
c'est  de  cet  instrument  qu'il  s'agit,  n'a  point  de  pa- 
trie ni  d'inventeur  connus.  On  signale  sou  premier 
emploi  ofliciel  en  France  à  l'orchestre  en  177:!,  dans 
l'opéra  Les  Sabincs  de  Gossfc,  mais  il  y  était  connu 
bien  avarrt,  ainsi  que  le  prouve  urre  quittance  du 
31  décembre  l.'ilS,  conservée  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale, dans  laquelle  il  est  fait  mention  du  sacqueboute 
(ancien  nom  du  Iromboneiet  du  haulxbois,  employés 


FiG.  2i7. 
Fr'agmont  de  trombone,  d'après  le  manuscrit  de  Boulogne. 

dans  une  fête  donnée  le  22  décembre  1518  par  Fran- 
çois I"  dans  la  cour  de  la  Bastille.  A  la  même  épo- 
que,dix  arlistes,dont  la  réputation  était  européenne, 
le  jouaient  à  la  cour  de  Henri  VIH  d'Angleterre,  et 
on  cite  même  un  mannscril  drr  r.x"  siècle  conservé  à 
Boulogne  et  qui  contient  uir  dessin  ressemblant  à  un 
trombone  sans  pavillon. 


y  II  II'  'il 


""  " 


FiG.  2'tS.  —  Tpombone  ou  sacqueboule. 

Examinons  maintenant  le  principe  nouveau  de[cel 
instrument. 


Muni  d'une  embouchure  profonde  comme  celle  du 
cor', "son  tube  est  cylindrique  jusque  lout  près  du  pa- 
villon comme  la  trompette;  cela  permet  d'en  obtenir 
les  sous  de  I  (fondamentale)  à  10(10'  harmonique). 


FiG.  250.  —  Trombone  moderne. 

Deux   fois   replié   sur"  lui-même,   il   offre   l'aspect 
d'une  grande  trompette, 
ce  qui   fut   en   effet   son 
oi-igine. 

L'idée  géniale  qu'eut 
l'inventeur  inconnu  du 
Irombone,  fut  de  couper 
le  borrtde  l'instrument  et  d'emboîter  les  deux  bran- 


T 


Fis.  251. 
Pavillon  de  trombone. 


ches  libres  dans  une  sorte  de  demi-corps  nommé 
coulisse,  qui  ferme  ainsi  et  complète  l'instrument. 


> 


Fro.  253.  —  Coulisse  de  trombone. 

Le  trombone  fermé,  c'est-à-dire,  avec  la  coulisse 
enfoncée  entièrement,  est  dit  :  à  la  1"  position.  Il 
donne  alors  les  notes  suivantes  : 


m 


-w 


n     ^e     ^t     ^ 


^ 


b5 


Exemple  12. 


La  coulisse  étant  mobile,  il  suffit  de  l'enfoncer 
moins,  de  la  laisser  glisser  à  de  certaines  distairces 
pour  donner  différentes  longueurs  à  l'instrument,  ce 
qui,  à  l'inverse  des  instruments  eir  bois  qui  donnent, 
par  l'ouverture  des  lious,  des  fondamentales  de  plus 
en  plus  élevées,  donnera  ici  des  fondamentales  de 
plus  en  plus  graves.  Chaque  allongement  successif 
est  dénommé  position;  il  y  en  a  six  (autant  que  de 
Irous  sur  les  instruments  primitifs  en  bois),  ce  qui 
avec  la  l"  (coulisse  entièrement  enfoncée!  forme  sept 
positions  correspondant  aux  sept  fondamentales  sui- 
vantes : 


> 


FiG.  251.  —  Distances  aoxqui'lle»  la  coulisse  doit  élre  portée 
pour  former  des  positions. 


1*f«      2«  3Î  4^  5î  6!  7! 


FiG.  210. 


S 


m 


Exemple  13. 

que  l'on  nomme  :  notes  pédales.  Il  est  à  noter  que 
les  trois  dernières  sont  très  difficiles  à  faire  »  sortir  » 
et  qu'on  ne  doit  pas  les  employer. 


Idl'l 


EXCrCLOPÉDIE  DE  LA  MVSIQI  E  ET  niCTlOWAlRE  DU  CO.\SEII\ATOinE 


l,es  notes  à  la  disposition  de  l'instrHnieiiliste  sont  donc  les  suivantes  : 


1*!'  Position 


kok-ê?? 


^^ 


h>J 


^Tni  p  on 


^ 


y 


W 


^i;e'' — 


J^ 


eqo.'i^ 


Aine  T>o 


t-ë  7'î'P 

CL 


ef^^^ 


Pxemple  14. 


qui  se  résument  ainsi  pour  le  compositeur: 


^^o^^^^ 


JÛ. 


■o^ileo^g^^^^^' 


il^l:)«ll£if£^ 


m 


^o|toojo^>°^°-lh^ 


OSO 


^ko 


Exemple  15. 


Comme  la  musique  du  xv"  et  même  du  ,\vi>-  siècle 
était  unitonale,  les  méthodes  de  trombone  ou  sacque- 
boute  de  ce  temps  n'enseignaient  que  les  positions 
des  fondamentales  naturelles. 


m 


m 


— ** — '^'~ 

Exemple  16 

Ce  qui  a  fait  dire  que  les  trombones  de  cette  époque 
n'avaient  que  quatre  positions,  ce  qui  est  une  erreur, 
carie  trombone  a  et  a  toujours  eu  autant  de  posi- 
tions qu'il  peut  plaire  à  l'instriimentisle  libre  de 
conduire  sa  coulisse  en  un  endroit  quelconque  com- 
pris entre  la  coulisse  complètement  enfoncée  et  cette 
même  coulisse  portée  à  l'extrémité  des  branches.  Ce 
qu'on  peut  dire,  c'est  que  les  artistes  de  cette  époque 
n'utilisaient  que  quatre  positions. 

Nous  voici  donc  en  possession  d'un  instrument 
parfait,  sauf  ce  qu'on  appelle  un  trou  dans  la  gamme 
au  grave.  En  elfet  cinq  notes  manquent 


Exemple  17. 

pour  joindre  le  si\i  pédale  au  mi  grave  de  la  7*  po- 
sition. Mais  pour  obtenir  ces  notes  complémentaires, 
il  faudrait  disposer  de  cinq  nouvelles  positions,  ce 
qui  est  impossible  avec  la  coulisse  simple,  limitée 
qu'elle  est  par  la  longueur  et  des  branches  de  l'ins- 
trumenl  el  du  bras  de  l'instrumentiste.  On  a  bien 
essayé  de  doublei'  la  coulisse,  mais  sans  obtenir  jus- 
qu'ici de  résultat  pratique. 

Et  maintenant  retournons  à  nos  instruments  à 
trous. 

J'ai  dit  (page  1411)  que  les  tlûtes  graves  avaient 
un  trou,  le  septième,  que  le  petit  doigt  ne  pouvait 
atleindie,  et  qu'il  faudrait  encore  un  siècle  avant  de 


^y   ..    0    ^>    °    -    '^^ 


trouver  le  moyen  de  fermer  ce  trou  à  l'aide  d'une 
clé  (dénommée  clé  à  patte).  C'est  en  effet  au  cours 
du  XVI»  siècle  que  nous  voyons  apparaître  des  instru- 
ments munis  de  celte  clé  de  do  grave. 

A  cette  époque  tous  les  efforts  tendaient  à  créer 
des  familles  complètes  de  chaque  sorte  d'instrument  : 
famille  de  flûtes  soprano  et  basse  (la  grande  facilité 
d'octavier  les  sons  par  une  simple  pression  des  lèvres 
donnait  à  ces  instruments  une  étendue  qui  permet- 
tait de  se  dispenser  des  instruments  intermédiaires); 
famille  de  pommers;  famille  de  hautbois,  tourne- 
bouts  el  bombardes  avec  le  hautbois  d'amour  inter- 
médiaire; famille  de  bassons,  etc.  Mais  la  plupart 
des  instruments  à  anche  oclaviaient  plus  on  moins 
difficilement,  el  pour  obtenir-  les  noies  aiguës  avec 
plus  de  facilit  '  on  fut  conduit  a.  percer  un  trou  entre 
la  production  du  son  elle  premier  trou  de  note,  petit 
trou  réservé  au  pouce  de  la  main  gauche;  mais,  de 
même  que  le  petit  doigt  avait  été  trop  court, le  pouce 
était  souvent  embarrassé  pour  atteindre  le  trou  d'oc- 
tave, et  c'est  ainsi  que  la  deuxième  clé  fui  créée. 

La  plus  grande  partie  du  xvu=  siècle  s'écoule  sans 
que  nous  puissions  constater  de  changement  notable 
malgré  l'emploi  de=;  tonalités  voisines  d'id  qui  néces- 
sitent l'usage  au  moins  du  sip,  du  fag,  du  doif,  du 
so/jfel  même  du  î't'Jf;  j'ai  expliqué  (page  1412)  com- 
ment on  pouvait  obtenir  certaines  notes  altérées  à 
l'aide  de  doigtés  ou  de  procédés  factices,  mais  le  ré  Vf 
et  le  do 3  graves  ne  peuvent  s'obtenir  avec  ces  doig- 
tés, et  pour  que  nos  instruments  soient  parfaits, 
bien  des  lacunes  sont  encore  à  combler. 

Vers  1690,  Jean-Christophe  Den.ner,  habile  luthier 
de  Nuremberg,  cherchait  à  perfectionner  le  chalu- 
meau, lequel,  au  point  où  était  parvenue  la  facture 
instrumentale,  ne  pouvait  toujours  pas  joindre  la 
gamme  de  sous  1  à  la  gamme  de  sons  3  ice  genre 
d'instrument  ne  possédant  pas  de  sons  harmoniques 
d'ordre  pair). 

L'étendue  de  cet  instrument  se  présentait  donc 
ainsi  : 


o   o 


o    o 


Exemple  18. 


TECHMQVE,  ESTUÈTIQVE  ET  PËOAGOO/E 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    lilô 


correspoiidaiil,  aux  doif^lés  de  l'exemple  9  répétés 
avec  une  pression  de  lèvres  plus  lorle  SLir  l'anche 
pour  obtenir  les  sous  3  qui  ioiineiit  la  deuxième 
gamme  à  la  douzième  de  la  pn^nière. 

Denner  imagina  d'abord  d'ajouler  un  trou  de  note 
en  dessous  de  l'instrument  et  en  deçà  du  premier 
trou  ordinaii-e.  Ce  tiou  lui  donna  le  rc  ;  il  était  re- 
couvert par  le  pouce  de  la  niaiu  gaucbe. 

Etendant  son  principe,  il  ajouta  encore  deux  nou- 
veaux  trous  de  notes  en  remontant  toujours   vers 


l'anche,  et  comme  il  n'avait  plus  de  doigts  libres  pour 
les  recouvrir,  il  y  suppléa  en  ajoutant  deux  nouvelles 
clés  venant  se  placer,  la  première  près  de  l'index  de 
la  main  gauche  pour  pouvoir  être  manœuvrée  par 
un  léger  déplacement  de  ce  doigt,  la  seconde  assez 
près  du  pouce  (déjà  employé  par  le  nouveau  trou  de 
ré]  pour  pouvoir  être  actionnée  par  ce  pouce  même 
sans  déplacement  de  ce^doigt. 

Ces  deux  trous  donnaut  le  mi  et  le  fa  achevaient 
de  joindre  les  deux  gammes  : 


m 


-<3- 


îîotes  de  jonction. 

I  — I 


~rr- 


-TÏ-<>- 


<>    o 


z^zxc 


Exemple  19. 


De  plus,  avantage  considérable,  ce  dernier  trou 
de  fa  tint  lieu  de  trou  d'octave  (de  douzième  en  l'es- 
pèce) et  permit  d'obtenir  avec  aisance  et  sûreté  toute 
la  gamme  supérieure. 

La  clarinette  était  trouvée,  et  en  même  temps  le 
principe  de  percer  de  nouveaux  trous  recouverts  par 
des  clés  pour  obtenir  les  notes  altéi'ées  qui  man- 
quaient encore. 

On  acquit  ainsi  d'abord  le  réit  et  le  doit  qui  fai- 
saient le  plus  défaut;  ce  fut  l'œuvre  du  xviii»  siècle. 
Mais  nous  voici  au  siècle  de  la  mécanique,  et  dès 
1800,  nous  trouvons  des  bassons  et  des  flûtes  à  7  clés, 
voire  une  tlûte  basse  à  15  clés.  En  1811,  Muller 
nous  donne  la  clarinette  a  13  clés;  Adler  le  basson 
à  13  clés  en  1827;  en  cette  même  année,  Gordon 
apporte  des  perfectionnements  à  la  Uùte,  et  enfin,  en 
1831,  Théobald  Bokhm  apporte  par  son  système  d'an- 
neaux mobiles,  qui  permet,  sans  gêne  pour  les  doigts, 
de  percer  les  trous  à  leur  véritable  emplacement  et 
avec  la  grandeur  nécessaire  pour  le  développement 
normal  du  son,  apporte,  dis-je,  la  perfection  même, 
non  seulement  pour  la  gamme  diatonique,  mais  en- 
core pour  la  gamme  chromatique  tempérée. 

En  1843,  les  principes  de  Boehm  sont  appliqués  par 
Klosé  et  Buffet  sur  la  clarinette,  et  dès  lors,  les 
artistes  peuvent  interpréter  sur  cet  instrument  la  mu- 
sique la  plus  compliquée. 

Si  les   principes  de    Boehm    ne  s'appliquent  que 

malaisément  sur  le 
hautbois  et  sur  le  bas- 
son, l'élan  n'en  est  pas 
moins  donné,  et  Trié- 
BERT  crée  en  1863  le 
système  à  17  clés  dé- 
nommé maintenant 
système  du  Conserva- 
toire, avec  lequel  il  n'y 
a  plus  de  traits  difli- 
ciles;    Bipket,    Trié- 

BERT,  GOUUAS  et  EvETTK 

et  Sca.iEFFERT  ont  fait 
du  basson  un  instru- 
ment parfait. 

Pendant  ce  temps, 
les  instruments  à  trous 
qu'étaient  les  cornets 
à  bouquins  et  les  ser- 
pents étaient  restés 
stationnaires,  et  ce  n'est  que  tout  à  la  fin  du 
xviii»  siècle  qu'on  avait  essayé  d'ajouter  deux  ou 
trois  clés  au  serpent  afin  de  permettre  de  percer  les 


trous  plus  à  leur  place,  ce  que  rendait  impossible 
,|usque-là  l'écartement  limité  des  doigts.  Mais  nous 
voici  au  début  du  xix'  siècle,  et  aussitôt  les  premières 
clés  du  serpent,  admises,  on  commence  à  modilierla 
firme  du  serpent  qui  n'avait  de  raison  d'être  que  le 
rapprochement  possible  des  li'ous  pour  les  amener 
sous  les  doigts  ;  on  redresse  le  corps,  on  le  plie  en 
deux,  on  orne  même  le  pavillon  en  lui  donnant  la 
forme  d'une  tète  d'ours  ou  d'un  monstre  quelconque, 
on  met  une  clé  à  tous  les  trous  que  ne  peuvent 
atteindre  les  doigts,  et  l'on  dénomme  cela  :  basson 
russe. 

Dès  l'instant  que  l'on  se  servait  de  clés  pour  bou- 
cher les  trous,  plus  n'était 
besoin  de  percer  les  trous 
obliquement  dans  l'épais- 
seur du  bois,  donc  plus 
besoin  de  bois  pour  avoir 
de  l'épaisseur,  et  ce  genre 
d'instrument  à  embouchure 
reprit  le  métal  de  sa  na- 
ture; on  le  fabriqua  en 
cuivre,    et,   vers    1813,  ap- 


FiG.  255.  —  Bassons  ru.sses. 


Fio.  2bQ.  —  Opliicléide.       Fm.ÏD".  —  Ophicléide  moderne. 

parurent  les  premiers  ophicléides  (serpents  à  clés). 

Quelques  années  plus  tard,  vers  1820,  Weidingkr 
opère  les  luèines  tranformations  pour  le  cornet  à 
bouquin,  qu'il  fait  revivre  pour  quelques  années 
encore  sous  les  noms  de  clairon  chromatique,  cor 
à  clés,  trompette  h  clés,  etc. 

Ces  instruminls  à  trous  en  cuivre  allaient  être 
dérinitivemeiit  abandonnés  quand  Adolphe  Sax  eut 
l'idée,  en  18 'il,  de  remplacer  l'embouchure  des  ins- 
iruments  de  cuivre  par  un  bec  à  anche   battante 


I'il6 


L.\  I . .  t.t^ijli  LjÉ  L, 


h  LA  MVSJQCE  ET  DIC.TIOS \AIRE  DU  CONSERVA,  OlUE 


(genre  bec  de  clarinelte),  île  modifier  la  forme  el  de 
leur  donner  son  nom  (voix  de  Sax),  et  loute  la  fa- 


FiG.  258. 


Clairon  dit  aussi  Iroinpelti?  cliromalifun' 


mille  des  saxophones  prit  une  place  des  plus  impoi 
tantes  dans  les  musiques  militaires. 


FiG.  259.  Fis.  260.  Ifiu-  21J1. 

Saxophones  Foprano,  alto  el  ténor. 

En  180,3,  Sarrus  remplaça  le  bec  à  anche  battante 
par  une  anche  double  (genre  hautbois  [ou  basson); 
Gal'tbot   modifia   la   perce     du    s^ rpent-nphicléide- 


FiG.  262. 
Saxoptione  baryton. 


Kiii.  203. 
Sarrusoplîone  grave. 


saxophone  pour  la  rapprocher  de  la  perce  du  haut- 
bois-cor-anglais-basson,  et  la  l'amille  des  sarruso- 
phones  fut  prêle  à  prendre  une  place  tout  aussi 
impiui.'inle  cl  iirut-êlre  plus  cai acléris('e  onroro  que 


les  saxophones;  malheureusement,  n'ayant  jamais 
pu  jusqu'ici  parvenir  à  obtenir  leur  admission  parmi 
les  instruments  réglementaires  des  musiques  de  l'ar- 
mée, cette  famille  d'instruments  est  restée  à  peu 
près  inconnue  de  la  masse  des  musiciens. 

Kt  maintenant,  revenons  au  trombone  pour  exa- 
miner les  conséquences  du  principe  de  la  coulisse  ou 
allongement  progressif  du  tube  de  l'instrument. 

Les  sept  positions  de  la  coulisse  sont  évidemment 
l'équivalent  de  sept  instruments  juxtaposés  comme 
une  sorte  de  tlùte  de  Pan  ou  syrinx  considérée  à 
l'inverse  de  ce  que  nous  avons  fait  page  I4H,  c'est- 
à-dire  que,  alors  que  nous  envisagions  les  tuyaux 
de  la  syrinx  du  plus  long  au  plus  court  pour  nous 
rendre  compte  du  raccourcissement  progressif  du 
tube  au  fur  et  à  mesure  que  les  trous  étaient  débou- 
chés, il  nous  faut  ici  considérer  les  tuyaux  de  la 
syrinx  du  plus  couit  au  plus  long,  chaque  tuyau 
correspondant  à  une  position  plus  allongée  de  la 
coulisse. 

Bien  que  la  trompette  soit  aussi  un  instrument  de 
perce  cylindrique,  plusieurs  essais  d'adaptation  de 
la  coulisse  tentés  à  des  époques  ditférenics  ne  sont 
jamais  parvenus  à  rendre  celle  adaptation  pratique 
ou  tout  au  moins  d'un  usage  courant. 

Mais  comme,  d'autre  part,  la  musique  unitonale 
était  abandonnée,  les  trompettes  comme  les  cors, 
réduits  à  leur  seule  gamme  naturelle,  ne  pouNaient 
être  employés  normalement  qu'à  la  condition  ipie  la 
musique  à  exécuter  comprît  dans  la  tonalité  la  seule 
gamme  possible  à  ces  instruments. 

Ne  voulant  plus  s'astreindre  à  écrire  la  musique 
pour  la  tonalité  des  trompettes  et  des  cors,  on  as- 
treignit les  cors  et  les  trompettes  à  conformer  leur 
tonalité  à  la  musique  à  exécuter,  et  voici  comment 
on  opéia  : 

Ne  pouvant  parvenir  à  appliquer  la  coulisse  mobile 
qui  en  eût  fait  des  instruments  accomplis,  on  leur 
appliqua  des  fragnienis  fixes  de  cetle  coulisse,  c'est- 
à-dire  qu'on  ajouta  à  la  branche  il'embouchure  un 
fragment  de  coulisse  ou  rdllomje  correspondant  à 
la  deuxième  position  pour  obtenir  une  gamme  d'un 
demi-ton  plus  bas;  on  prit  un  fragment  ou  rallonge 
correspondant  à  la  lioisicme  posilion  pour  obtenir 
une  gamme  plus  grave  d'un  ton  entier,  et,  comme 
on  peut  écriie  une  gamme  majeure  sur  chacun  des 
douze  demi-tons  chromaliques,  on  consiruisil  douze 
Iriigmerits  de  coulisse  pouvant  s'adapter  h  volonté  à 
la  branche  d'embouchure  et  permetlant  ainsi  de 
conformer  toujours  la  gamme  de  l'instrunrent  à  la 
gamme  du  morceau  écrit. 

Mais  ici,  une  antre  dificullé  se  présentait  : 
Pour  le  liomborie,  toutes  les  noies  sont  lues  dans 
leirr  intonation  naturelle,  et  l'éloignenient  de  la  main 
fixant  la  position  est  suffisant  pour  permettre  de 
dillérencier  aisément  le  nom  d'un  harmonique  d'une 
position,  avec  le  nom  de  ce  même  bar  monique  d'une 
autre  posilion. 

Poui'  le  cor  ou  pour  la  trompette,  une  fois  le  frag- 
ment de  coulisse  fixé,  l'instrumentiste  n'a  plus  à  se 
préoccuper  des  autres  fragments,  et  la  comparaison 
des  divers  fragments  (des  diverses  positions;  lui 
échappe. 

Dans  ces  conditions,  ou  convient  : 
1°  Que  l'iiislriimcntisle  lonsidireroit  toujours  la 
gamme  naturelle  de  son  insinimeitt  canime  partant 
de  la  l'ondamcnlale  ut,  quelle  que  soit  la  position  de 
l'instrument,  c'cst-â-dire  que  l'imbouchure  soit  jost'e 
dir'  clément  sur  la  bianclie  d'embouchure  dr  l'inslru- 


TECHNIQUE,  EStHÉTIQUE  ET  PÉDAGU-.iE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENl     I'»17 


mfnt  |l"  j.Ofilion)  ou  bien  qu'elle  ail  comme  intermé- 
diaire à  celle  branche  d'embouchure,  l'un  quelconque 
des  douze  fnujmenls  de  coulisse  [douze  nul res  podlions 
y  compris  l'octave  grave  de  la  i'"  position). 

2"  Que  l'inslruincnl  serait  dit  :  en  ut,  en  ré  H  enré, 
etc.,  suivant  que  sa  fondamentale  naturelle  cojrespon- 
drait  pour  l'oreille  à  la  tonalité  réelle  rf'ut,  de  réK  de 
ré,  et'-. 

3°  Que  les  compositeurs  écriraient  la  musique  des- 
tinée à  ces  instrumt^iitistes  dans  les  rapports  de 
tonalité  mêmes  où  ces  artistes  devraient  la  lire,  et 
indiqueraii-nt  en  tète  ou  dans  le  cours  de  leur  par- 
tition la  tonalité  dans  laquelle  l'instrumentiste 
devrait  mettre  son  instrument  par  la  mention  cor 
(ou  trompette)  en  !((:  cor  en  ré  U;  cor  en  ré,  etc. 

Ce  principe  du  rapport  de  la  gamme  naturelle  de 
l'instrument  à  la  tonalité  réelle  lut  étendu  à  tous  les 
instruments  en  fjénéial,  sauf  les  exceptions  que  je 
ferai  connaître  plus  loin. 

Ainsi,  il  est  entendu  que  tous  les  instruments  à  trous 
donnent  ut  lorsque  l'S  sept  trous  de  la  figure  238  sont 
bouchés  et  que  tous  les  instruments  de  cuivre  sans  trous 
donnent  également  ut  comme  fondamentale  dans  leur 
position  naturelle,  la  y/us  courte,  autrement  dit  : 
la  I"  position,  et  ces  instruments  sont  dits  en  ut,  en 
fa,  en  si  |',  en  mi  K  etc.,  suivant  que  leur  note  fonda- 
mentale naturelle  rend  un  ut,  ""  fa,  un  si  b,  un  mi  h. 
etc.,  eu  égard  à  la  gamme  réelle  déterminée  pjar  le  dia- 
pason normal. 

Ce  système  a  pour  avantages  de  permettre  aux 
artistes  qui  ont  appris  à  jouer  d'un  instrument  d'une 
certaine  tonalité  : 

1°  De  jouer  presque  indifféremment  des  divers  ins- 
truments d'une  même  famille  et  de  tonalités  diffé- 
rentes; 

2°  De  pouvoir  apprendre  à  jouer  d'un  instrument 
d'une  autre  famille  que  celle  de  leur  instrument  pri- 
mitif, avec  relativement  peu  d'études  supplémentaires, 
le  doigté  étant  le  méyne  ou  n'ayant  que  des  différence- 
minimes. 

Mais  ce  système  a  pour  inconvénients: 

1°  De  compliquer  au  delà  du  raisonnable  le  travail 
du  compositeur; 

2°  De  génei'  le  chef  d'orchestre  qui  entend  des  notes 
ctutres  epie  celles  qu'il  voit  écrites; 

3"  De  faire,  de  la  lecture  ou  de  l'analyse  de  certaines 
partitions,  un  véritable  casse-tête  chinois. 

Les  e.xceptions  à  ce  système  sont: 

i°  Le  trombone  ténor  pour  lequel  on  lit  .si  •  à  In 
l"  position  (note  réellej  ;  ce  qui  t'ait  que  cet  instru- 
ment est  réputé  en  ut  alors  que  le  lacteur  doit  le 
considérer  comme  étant  en  .si'ir 

2°  Le  liasson  qui  est  appris  en  ut,  c'est-à-dire  en 
nommant  fa  la  t'ondanienlale  naturelle  qui  devrait 
être  dénommée  ut  d'après  le  principe  général;  ce 
qui  facilite  le  travail  du  compositeur,  met  à  l'aise 
le  cliel'  d'oichestre  et  leiid  simple  la  lecture  et  l'ana- 
lyse de  la  partition  quant  à  cet  instrument;  mais 
ce  qui  rend  rares  les  bassonistes  ;  tandis  (jue  si  cet 
instrument  était  considéré  comme  étant  en  fa,  un 
flûtiste,  un  saxophoniste,  un  hautboïste  surtout 
ferait,  aussitôt  ses  doigts  placés,  la  plupart  des  notes 
naturelles,  et  apprendrait  à  jouer  convenablernimt  de 
cet  instrument  en  un  mois,  deux  tout  au  plus. 

3°  Le  Uageolet  qui  est  appris  en  ut  en  nommant  sol 
la  fondamentale  naturelle. 

4°  Le  violon  et  la  conlrehasse  à  cordes;  mais  ces 
instruments  ne  sont  pas  de  ceux  dont  nous  avons  à 
parler  ici. 


'A"  I.a  clarinette.  Mais  ici  la  question  est  plus  com- 
plexe, car  lu  claiinette  n'est  apprise  ni  en  ut  ni  d'après 
le  principe  général,  l'n  ellet,  d'après  ce  principe,  la 
londamentale  naturelle  qui  devrait  être  dénommée 
(((  est  évidemment  le  son  1  obtenu  avec  les  sept  doigts 
baissés  ;les  sept  trous  fermés).  Or,  ce  son  1  est  dé- 
nommé fa  sur  la  clarinette  comme  sur  le  basson, 
mais  avec  moins  de  raison,  puisque  la  clarinette  est 
ce  qu'on  appelle  un  instrument  transpositeur,  c'est- 
à  dire,  sur  lequel  on  ne  lit  presque  jamais  les  notes 
dans  la  tonalité  réelle,  et  ce  n'est  qu'avec  la  série  des 
sons  3  que  l'on  nomme  ut  la  note  obtenue  avec  les 
sept  doigts  baissés. 

L'ne    complication  va   rarement  seule,  et  pendant 
qu'on  procédait  ainsi  que  je  viens  de   l'expliquer  en 
France  et  dans  la   plupart  des  pays  européens,  les 
Autrichiens    et  les    Hongrois  appliquaient,   eux,  le 
principe  gérréral  aux  diverses  clarinettes,  car  la  cla- 
rinelle  se  fabrique  en  plusieurs  tonalités  dill'éren- 
tes,  ce  qui  est  loin  de  simplifier'  la  question  '. 
La  clarinette  se  construit  en  longueurs  diflférentes: 
1"  Petite  clariwtte  en  usage  dans  l'armée. 
Est  dite  en  mi  b  d'après  le  son  3  et  en  la  h  d'après  le 
son  I. 

2"  Grande  clarinette  en  ut  en  usage  à  l'orchestre 
autrefois  et  presque  abandonnée  aujourd'hui. 

Est  dite  en  ut  d'après  le  son  3  et  en  fa  d'après  le 
son  I. 

3°  Grande  clarinette  en  si  [^  en  usage  dans  l'armée 
1 1  a  l'ùrchestre,  et  eiui  tend  à  devenir  la  grande  clari- 
nette unique  aussi  bien  à  l'orchestre  ejue  ilans  les  mu- 
siques d'harmonie. 

Est  dite  en  si  ;i  d'apré-  le  son  3  et  en  mi  h  d'après 
le  son  I. 

i"  Grande  clarinette  ■  n  la  en  usage  à  l'orchestre. 
Est  dite  en  la  d'après  le  son  3  et  en  ré  d'après  le 
son  1. 

.3"  La  clarinette  alto  ou  cor  de  basset  en  fa,  j  eu 
emplnyt'e. 

Est  dite  en  fa  d'après  le  son  3  et  en  si  h  d'apn-ès  le 
son  \. 

6"  Clarinette  alto  en  mi  i-,  employée  dans  les  gran- 
des musiques  d'harmonie. 

Est  dite  en  mi  b  d'après  le  son  3  et  en  la  b  d'après  le 
stm  I. 

7"  Clarinette  basse  en  ut  employée  dans  les  fjrands 
orchestres. 

Est  dite  en  ut  d'après  le  son  3  et  en  fa  d'après  le 
son  I. 

,S'o  Clarinette  basse  en  si  "  employée  dans  les  gran- 
des harmonies. 

Est  dite  en  si  h  d'après  le  son  3  et  en  mi  b  d'après 
le  son  I. 
9°  Clarinette  basse  en  la. 

Est  dite  I  n  la  d'après  le  son  3  et  en  ré  d'après  le 
son  I. 

Un  construit  encore  des  clarinettes  contraltos  ("?)  à 
l'octave  grave  de  la  clarinette  alto  et  des  clarinettes 
contrebasses  à  l'octave  grave  des  clarinettes  basses; 
mais  j'abrège,  car  les  principes  de  rapport  de  tonalité 
restent  les  mêmes. 

Je  me  suis  étendu  plus  que  je  ne  me  l'étais  pro- 
posé sur  celte  qualité  du  rapport  de  la  tonalité  des 
clarinettes  avec  le  diapason,  parce  que  je  me  suis 
aperçu  qir'il  y  a  là  pour  cerrx  qui  étudient  cer  laines 
pai  titions  étrangères   ou  anciennes,  ou   encore   qui 


I.  De  nos  j'turs  les  Autrichiens  et  les  Uungrois  se  sont   ralliés  au 
système  de  la  gamme  des  sods  3  gcMiéruk'œciit  adu[)té. 


1418 


EycrCLOPÈUlE  de  la  MVSIQVE  ET  DICTIOV.XAIRE  DU  COySERVATOIRE 


coiisiilteiil  riiisloire  de  la  musique  ou  de  l'inslru- 
menlation,  une  source  de  confusions  on  d'erreurs 
qu'il  est  bon  d'éviter. 


Frci.  Zùi.  Fi(i.  265. 

Clariiielle  ordinaire.     Clariiiellealto. 


FiG.  266. 
Clarinette  basse. 


Il  nous  reste  encore  une  e.xtension  du  principe  de 
la  coulisse  à  examiner  pour  terminer  celte  étude 
générale  du  principe,  des  principes,  devrais-je  dire, 
des  instruments  à  veut. 

En  1814,  BLOHUELet  Stœlzel,  cherelianl  un  procédé 
qui  permît  aux  cornistes  de  changer  instantanément 
les  tons  àt  leur  instrument  (c'est  ainsi  qu'on  nomme 
les  rallonges  ou  fragments  de  coulisse  dont  j'ai 
parlé),  inventèrent  le  syslènu'  des  pistons  grâce  au- 
quel on  pouvait  passer  immédiatement  d'un  ton  dans 
un  autre,  mais  qui  reçut  pres(|ue  aussitôt  un  dévelop- 
pement Considérable  qui  lit  abandonner  pour  tou- 
jours le  système  des  inslruiui;iits  à  embouchure  et  à 
trous,  et  qui  est  parvenu  de  nos  jours  à  permettre  une 
virtuosité  surles  instruments  de  cuivre  presque  égale 
à  celle  qu'on  obtient  sur  les  instruments  de  bois. 

Le  système  des  pistons  ou  C3'lindres  consiste  à 
souder  sur  le  parcours  du  tube  principal  de  l'ins- 
trument un  certain  nombre  de  fragments  de  coulisse, 
ordinairement  trois,  quelquefois  quatre,  rarement 
cinq,  plus  rarement  encore  six. 

Ces  fragments  de  coulisse  sont  disposés  de  telle 
sorte  que,  snit   par  une  tige    à   bascule    (cylindre). 

Pompe  fermée       Pompe  ouverte 


FiG.  267.  FiG.  268. 

Schéma  du  système  à  cylindres.    Schéma  du  système  à  pistons, 

soit  par  une  lige  directe  (piston),  mais  toujours 
actionnée  par  le  doigt,  un  fragment  de  cotilisse  est 
mis  en  coiniiiunicaliori  avec  le  Itibe  principal  lorsque 


la  tige  est  enfoncée  ;  le  lube  principal  se  trouve  donc 
allongé  de  toute  la  longueur  du  fragment  de  cou- 
lisse; l'effet  est  le  même  que  si  l'on  avait  ajouté  un 
ton  à  l'instrument  (ï'"  conception  de  Rlvhmel  et 
Stœlzel),  mais  il  est  aus^iet  préférablement  le  même 
que  si  l'on  avait  allongé  la  coulisse  entière  de  la 
l(uigueur  du  fragment  en  communication,  ce  frag- 
ment représentant  une  position  (2'^  conception  des 
artistes,  qui  est  devenue  la  seule  conception  mo- 
derne). 

L'instrument  est  donc  considéré  comme  d'une 
tonalité  fixe  à  l'instar  du  trombone,  et  à  la  {"  posi- 
tion lorsque,  les  pistons  au  repos,  l'instrument  est 
dans  sa  situation  normale  du  tube  icolonne  d'air) 
dans  sa  plus  courte  longueur,  mais,  a.  la  dillérence 
du  trombone  qui  nomme  si  \<  (note  réelle)  sa  pre- 
mière fondamentale,  l'instrumentiste  nomme  ici  u 
ou  dû  (note  lictive)  cette  première  fondamentale 
quelle  que  soil  la  tonalité  relative  de  l'instrument  : 


S 


jl. 


k 


-©- 


Exemple  20. 


Le  second  piston  (piston  du  milieu  pour  la  main 
droite),  correspond  à  la  2=  position  de  la  coulisse 
(allongement  d'un  demi-ton  plus  grave)  fondamen- 
tale :  si. 


m 


:^ 


Exemple  21. 


Le  premier  piston  correspond  à  la  .'i"  position  de 
la  coulisse  (allongement  d'un  ton  plus  grave)  fonda- 
mentale :  sî[i. 


^ 


i 


bo 


k 


lixemple  22. 


Le  troisième  piston  correspond  à  la  4*  position  de 
la  coulisse  (allongement  de  un  ton  et  demi  plus  grave; 
fondamentale  :  la. 


m 


Exemple  23. 

L'accouplement  des  premiers  (1  ton)  et  second  (1/2 
ton)  pistons  réunis  donne  le  même  résultat  comme 
notes. 

Les  deuxième  et  troisième  pistons  réunis  corres- 
pondent à  la  0=  position  (allongement  de  deux  tons); 
fondamentale  :  /a  p. 


E^ 


£ 


3X 


il 


"^ 


l'exemple  24. 

Les  premier  et  tioisième  pistons  réunis  correspon- 
dent à  la  6'  position  (allongement  de  deux  tons  et  un 
demi-ton);  fondamentale  :  so\. 


TECHMOIE,  ESTHETinVE  ET  FÉDACdC.IE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    U19 


m 


* 


Kxemiili;  2.1. 

Les  premiers,  deuxième  et  troisième  pistons  réunis 
correspondent  à  la  7=  position  (allongement  de  deux 
tons  et  deux  demi-tons);  fondamentale  :  fai. 


Exemple  20. 


Ces  trois  pislonssont  grMéralenientregai'déscomme 
sultisantà  tons  les  besoins  de  virtuosité  des  cornets, 
buples,  saxhiorns  altos,  barytons  et  contrebasses, 
trompettes  et  cors,  et  même,  pour  ces  derniers,  on 
remplace  souvent  le  troisième  piston  descendant  par 
un  troisième  piston  ascendant  d'un  ton  afin  d'obtenir 
plus  de  justesse  ou  une  plus  grande  facilité  d'émis- 
sion pour  certaines  noies. 

Comme  les  sons  I  ne  sortent  que  très  difficilement 
sur  ces  instruments,  on  ne  les  utilise  pas  et  l'étendue 
(le  ces  instruments  se  présente  ainsi  : 


I 


(^-H^^^olpoU^oto- 


^^oijo^ojio^^^^ 


Exemple  27. 


Pour  les  saxhorns  basses  et  les  trombones,  on 
ajoute  le  plus  souvent  un  quatrième  piston  mû  par 
un  doigt  de  la  main  gauche. 

Ce  quatrième  piston  seul  correspond  avec  plus  de 
justesse  à  la  opposition  (exemple  23)  que  nous  avons 
vu  obtenue  par  l'accouplement  des  premier  et  troi- 
sième pistons. 

Les  deuxième  et  quatrième  pistons  réunis  corres- 
pondent à  la  7'  position  (exemple  26). 

Les  premier  et  quatrième  pistons  réunis  donnent 
un  allongement  théorique  de  trois  tons  el  un  demi- 
ton;  fondamentale  ;  fa. 


^£ 


é 


"xr 


nsz 


~cr 


!>«•>    o- 


Exemple  28. 

Les  premier,  deuxième  et  quatrième  pistons  réunis 
donnent  un  allongement  théorique  de  trois  tons  et 
deux  demi-tons;  fondamentale  :  mi. 


E.';emple  20. 

Sur  les  saxhorns  basses,  autrement  nommés  auss' 
tubas,  le  troisième  piston  est  construit  le  plus  souvent 
pour  donner  seul  la  'A'  position;  fondamentale  ta[^ 
(exemple  24). 

Il  s'ensuit  que  les  troisième  et  quatrième  pistons 
réunis  donnent  un  allongement  théorique  de  trois 
tons  et  trois  demi-tons;  fondamentale  ■.mi'^. 


i^ 


>^- 


o     gÇ 


1^ 


Exemple  30. 


Les  deuxième,  troisième  et  quatrième  pistons  réunis 
donnent  un  allongement  théorique  de  quatre  Ions  et 
deux  demi-tons;  fondamentale  :  ri'. 


^ 


^^ 


:xe: 


Exemple  31. 


Les  premier,  troisième  el  quatrième  pistons  réunis 
donnent  un  allongement  théorique  de  quatre  tons  et 
Irois  demi-tons;  fondamentale  :  ré'p. 


^ — ^ 


l'^ 


Exemple  32. 


tJ3X: 


Les  premier,  deu.xième,  troisième  et  quatrième  pis- 
tons réunis  donnent  un  allongement  théorique  de 
cinq  Ions  et  deux  demi-tons;  fondamentale  :  ut. 


^ 


S 


^ 


31: 


Exemple  33. 

Le  système  des  pistons  serait  parfait  s'il  n'y  avait 
malheureusement  un  défaut  de  justesse  à  combattre 
dès  que  deux  pistons  sont  abaissés  ensemble. 

Ln  effet,  le  trombone,  avec  sa  coulisse  libre,  est 
entièrement  à  la  disposition  de  l'oreille  de  l'artiste 
qui  le  joue,  et  c'est  là  son  immense  avantage;  il  peut, 
suivant  la  volonté  de  l'instrumentiste,  donner  une 
gamme  diatonique  ou  chromatique  tempérée  ou  na- 
turelle; il  peut  donner  des  notes  sensililes  ou  des  sous- 
dominantes;  il  pourrait,  comme  le  violoncelle,  donner 
les  fameux  tiers  et  quarts  de  ton  grecs  tant  regrettés 
de  certains  musicologues,  il  peut,  en  un  mot.  donner 
toute  la  musicalité  que  l'artiste  le  pi  us  exigeant  comme 
le  plus  délicat  peut  vouloir  lui  demander,  et  il  est  le 
seul  instrumenta  vent  qui  puisse  cela,  mais  en  échange 
de  cette  possibilité  de  toutes  les  justesses,  si  je  puis 
m'exprimer  ainsi,  le  trombone  en  est  réduit,  au  point 
de  vue  de  la  volubilité  des  traits,  à  ce  que  serait  un 
violoncelle  sur  lequel  on  ne  pourrait  jouer  qu'avec 
un  seul  doigt.  En  effet,  sauf  dans  l'extrême  aigu,  il 
est  absolu  nient  impossible  de  faire  sur  cet  instrument, 
si  partait  d'autre  part,  le  moindre  trait  conjoint,  ne 
seiait-il  que  de  deux  notes,  sans  changement  déposi- 
tion, c'est-à-dire  sans  déplacement  de  la  main. 

Avec  les  instruments  à  pistons,  on  peut,  tout  au 
contraire,  passer  d'une  position  à  toutes  les  autres 
sans  le  moindre  déplacement  de  la  main  ;  les  doigts 
seuls  agissent  et  les  gammes  diatoniques  oi  chroma- 
tiques peuvent  être  exécutées  avec  la  plus  grande  ra- 
pidité. Mais,  en  échange  de  cette  facilité  de  méca- 


1420 


EMACLOPÉUIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICHOSNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


nisme,  de  cette  voluliilité,  la  juslesse  n'est  phis  que 
très  faiblement  kla  disposiliou  de  l'artiste  exécutant, 
quand  elle  ne  lui  échappe  pas  malgré  tousses  elTorts. 
C'est  qu'ici  rallongement  du  lube  sonore,  ou,  plus 
scienliliquemenl,  de  la  colonne  d'air,  n'a  plus  aucune 
élasticité;  chacun  des  pistons  a  une  longueur  précise 
et  immuable  calculée  sur  la  longueur  exacte  et  uni- 
que de  la  !'■=  position,  de  telle  sorle  que  la  fondamen- 
tale de  chaque  posilion  doit  sortir  jusle  suivant  la 
gamme  chromatique  tempérée. 

Cela  nous  représente  donc  une  perfection,  tempérée 
il  est  vrai,  mais  enfin  une  perfection  tant  qu'un  seul 
piston  est  abaissé;  mais  qu'il  y  ait  combinaison  de 
deux  pislons  et  il  faut  dire  adieu  à  la  justesse,  les 
notes  ser0[)t  trop  hautes;  s'il  s'agit  d'une  sensible, 
tant  mieux  ;  s'il  s'agit  d'une  sous-dominante  ou  d'uni- 
tonique,  tant  pis. 

Ceci  demande  une  explication. 

Pour  rendre  celle  explication  plus  tangible,  je  vais 
supposer  le  cas  de  la  combinaison  des  premier  et 
quatrième  pistons. 

Nous  savons  que  le  deuxième  degré  d'une  fonda- 
S 
mentale    représente    les    -  de   la    longueur    totale 

(pages  1403  et  U09). 

Or,  une  basse  en  si(i  donne  la  fondamentale  do  à 
la  \"  position  (ce  qu'on  e.xprime  :  à  vide)  avec  une 
longueur  pratique  de  2", 710  mm. 

Si  nous  taisons  descendre  la  fondamentale  de  do  à 
si'b  par  l'abaissement  du  1«'  piston,  le  du  représen- 
tera évidemment  le  deuxième  degré  de  la  nouvelle 

fondamentale,  soil  les-  de  la  longueur  que  devra 

avoir  le  sî'h. 

Nous  aurons  donc  : 

o 

rfo  =  2m.710= -de  si\< 
.,  _  2m.  710x9 


8 


=  .3  m.  0487 


longueur  du  1"  pistons 

3  m.  0487  —  2  m.  7100=0  m.  3387. 

D'autre  part,  si  nous  faisons  descendre  la  fonda- 
mentale de  do  à  sol  (4'  piston  seul),  remarquons 
(exemple  t,  page  1402)  que  la  douzième  est  le  son  3, 
et  qu'elle  représente  conséquemment  le  1/3  de  la  lon- 
gueur totale. 

Pour  avoirla  quinte  de  la  fondamentale,  il  faudrait 

2 
prendre  le  double  de  ce  lieis,  soit  -,  et  enfin,  pour 

avoir  l'octave  grave  de  cette  quii.le,  il  faut  porter  la 

longueur  de  l'instrument  au  double  des  -,  soit    ,  ce 

o  3 

qui  se  condense  en  ceci  : 

3 
rfo  =  - =2  m.  710. 

,      4      2  m.  710X4      „ 
sot  =  -— ^    ^    —3m.  613  1/3 

longueur  du  i'  piston  =: 

3  m.  613  1/3  —  2  m.  710  =  0  m.  903  1/3. 
Et  si,  maintenant,  nous  voulons  faire  descendre  la 


fondamentale 


m 


par   1  a- 


baissement  du   1"  piston   (accouplement    des    pre- 


mier et  quatrième  pistons),  le  sot  représentera  évi- 
demment le  deuxième  degré  de  la  nouvelle  fonda- 

mentale,  soit  les  -  de  la  longueur  que  devra  avoir 

le  fa. 
Nous  aurons  donc  : 

so/=3  m.  613  1/3  = -de  fa. 

„        3  m.  613  1/3X9       , 

fa  = — : =  4  m .  06  tO 

8 

longueur  du  1"  piston  doit  égaler 

4  m.  0649  —  3  m.  6133  =  0  m.  4516. 

Or,  nous  avons  vu  que  le  1"  piston  qui  est  construit 
pour  faire  la  3"'  position  (si h)  ft  non  pour  répondre 
à  la  8'  (fa)  n'a  (|u'iine  longueur  de  0  m.  3387;  il  sera 
donc  trop  court  pour  la  8*  position  de  : 

n  m.  4nl6  — 0  m.  3387  =  0  m.  U20. 

C'est  pourquoi,  page  1419,  j'ai  qualifié  d'allonge- 
ment théorique  toutes  les  positions  comprenant  des 
accouplements  avec  le  4«  piston. 

Pour  compenser  ce  manque  de  longueur,  onajoute, 
dans  la  pratique,  un  demi-ton  au  doigté  théorique, 
mais  alors,  l'appoint  du  2''  piston  (!<"■,  2",  et  i'  pistons, 
doigté  du  mi  pris  pour  obtenir  le  fa)  est  trop  fort, 
car  ce  deuxième  piston  a  pour  longueur  : 

IS 
(/o=  2,710  = 


■u       '6 


In 

2,710x  16 


13 


=  2  m.  890. 


longueur  du  2°  piston  ;  2  m.  890  —  2  m.  710  =  0  m.  180. 

Or,  comme  il  ne  manque  au  1'^''  piston  dans  son 
accouplement  avec  le  4''  que  0  m.  H3  inm.  environ 
et  que  par  l'adjonction  du  2''  piston  on  ajoute  0  m. 
180  mm.,  c'est  67  mm.  de  coulisse  qu'on  ajoute  en 
trop  et  la  noie  fa  sort  trop  basse. 

Il  est  clair  que  ce  que  je  viens  d'expliquei'  se  repro- 
duit dans  tous  les  accouplements  de  pistons,  même 
le  moindre  de  ces  accouplements  (li^'et  2")  va  toujours 
en  s'accentuant  jusqu'à  l'accouplement  général  des  ^'r 
2",  3=  et  4=  pistons  (13'  position),  qui  devrait  donner 


(allongement  théorique)  le       */        -—   et  ne  peut 


donner  à  peu  prés  jusle  que  le    — ^-f^ 


Soit  un  manque  de  justesse  théorique  de  un  ton 
entier  qui  prive  pratiquement  les  instruments  à 
4  pislons,  non  seulement  du  do  naturel  grave,  ce  qui 
n'aurait  pas  d'inconvénient,  puisqu'on  peut  l'obleiiir 
à  vide  (1"  position)  paile  son  /  (toutes  les  notes  que 
j'ai  écrites  dans  ces  explications  sont  des  sons  i), 
mais  qui  prive  encore  ces  instruments  du  rt'p  grave 
que  les  compositeurs  écrivent  quelquefois  et  qu'il 
est  imjiossible  d'obtenir  h  moins  d'avoir  le  temps  de 
tirer  considérablement  la  grande  pompe  ou  coulisse 
d'accord  du  4=  piston,  ce  qui  sort  des  conditions  pra- 
tiques de  l'exécution. 

Les  instruments  à  pistons  ont  donc  les  qualités  et 
les  défauts  absolument  opposés  aux  défauts  et  aux 
qualités  du  trombone  à  coulisse. 

On  a  cherché  à  maintes  reprises  à  corriger  le  man- 
que de    ustesse  des  instruments  à  pistons,  et  parmi 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1421 


les  moyens  trouvés,  le  syslènie  compen^aleiir  Aruan- 
BorvKT,  construit  clie/A\l.\l.  SiDRKelC''",  mériterait  une 
meilleure  fortune  que  celle  qu'il  a  eue  jusqu'ici. 

Ce  système  consiste  en  une  coulisse  supplémentaire 
qui  s'ouvre  automatiquement  lorsque  les  i"  el  3' 
pistons  sont  abaissés  simultanément. 


y  y 


FiG.  26SI.  —  Soiie  des  instrunienls  système  Arban-Bouvel 
avec  la  coulisse  supplémentaire  reliant  le  I't  au  S''  piston. 

De  la  sorte,  les  l",  2"=,  3',  4«  et  6"  positions  corres- 
pondant aux  fondamentales  do,  si,  si  h,  la  (avec  le  3' 
piston  seul)  et  sol  et  leurs  harmoniques,  sont  aussi 
Justes  que  possible  ;  seuls,  les  accouplements  1-2,  2-.S, 
1-2-3  restent  un  peu  courts,  mais  la  fondamentale 
sol  et  ses  harmoniques  devenus  d'une  Justesse  à  peu 


FiG.  270.  —  Basse 
à  cinq  pistons. 


FiG.  271.  —  Trompette  en  s/ ^ 
à  six  pistons  indiépendants. 


près  absolue  constituent  un  progrès  réel  1res  appré- 
ciable. Malbeureusement  l'accouplement  du  4«  piston 
n'a  point  été  envisagé  par  les  auteurs  de  ce  système. 


Certains  facteurs  ont  créé,  pour  compenser  les 
accouplements  du  4"  piston,  un  5=  piston,  doublant 
le  1"'';  c'est  un  allongement  trop  fixe,  trop  uniforme, 
souvent  trop  long,  quelquefois  trop  court,  compli- 
quant le  doigté  et  alourdissant  l'iiisti  ument,  ayant 
pour  seul  et  réel  avantage  de  permettre  de  faire  le 
(■('h  dans  des  conditions  acceptables. 

Toujours  pour  gagner  de  la  Justesse,  Sax  a  créé  ses 
instruments  à  six  pistons  indépendants. 


Fia.  272.  —  Trombone  à  si.\  pistons  iiid 'pendants. 

Dans  ce  système  chaque  piston  correspond  exac- 
tement à  une  position  du  trombone  à  coulisse,  el 
l'on  obtient  ainsi  une  succession  de  fondamentales 
chromatiques  tempérées  absolument  Justes,  mais 
l'instrument  est  lourd  et  le  doigté  tout  à  lait  en 
dehors  des  habitudes  des  instrumentistes  (cuivre). 

Arban,  dans  sa  raétboile,  recommande  de  passer 
le  pouce  dans  la  coulisse  d'accord  et  de  faire  ma- 
nœuvrer cette  coulisse  pour  coritpenser  le  manque 
de  loni;uertr  des  accouplements  de  pistons,  mais  seule 
la  coulisse  d'accord  dit  cornet  a  une  disposition  qui 
se  prête  a  ce  mécanisme,  et  cette  manœuvre  demande 
beaucoup  d'adresse  pour  que  le  pouce  n'allonge  pas 
trop  ou  trop  peu  la  coulisse  d'accord. 

Développant  cette  idée  et  pour  donner  plus  de'pré- 
cisiorr  aux  longueurs  supplémentaires  nécessaires 
aux  divers  accouplements,  .\I.  Alexandre  Petit,  pro- 
fesseur (décédé  en  1921-1  à  la  classe  de  cornel^du 
Conservatiiire  national  de  initsique  de  Paris,  a  ima- 
giné irit  système  de  bascules  mues  avec  les  doigts  de 
la  maiir  gauche,  que  la  maison  A.  Couesnon  etC'«  a 
réalisé  avec  une  grande  intelligence. 


Cornet  Monopole. 


Malheureusemeitt.ces  deux  derniers  précédés  sont 
des  procédés  d'artistes  et,  suivant  la  formule  expri- 
mée par  mon  regretté  ami  Gu'iLBArjT,  à  qui  Je  deman- 
dais la  dilFérence  qu'il  faisait  entre  le  cornel  el  le  pin- 
ton  :  u  Les  artistes,  me  dit-il,  Jouent  du  cornet,  les 
autres...  jouent  du  piston,  i.  je  dirai  à  mon  tour  : 


1422 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MCSIQCE  ET  DlCTIOS.\'AlRE  ni'  CO.VSËIIVATOIHE 


ces  procédés  sont  excellents  pour  les  rornelUsIes,  ils 
ne  sont  d'aucune  ulilité  pour  les  pUto^ts. 

Mais  il  r;iut  encore  faire  une  réserve;  ces  procédés 
ne  peuvent  et  ne  doivent  servir  que  dans  le  solo;  car 
si  un  comcttiste  se  servait  de  l'un  de  ces  procédés  à 
côlé  d'un  pislon  ou  d'un  bujile,  les  instrumentistes 
cesseraient  d'être  supportables  à  l'oreille  à  chaque 
accouplement  de  pistons,  puisque  l'un  seulement  des 
instrumentistes  pourrait  rectifier  la  justesse. 

Le  procédé  ARi).\N-nouvET  serait  d'une  application 
plus  pratique  :  1°  parce  qu'il  agit  automatiquement; 
2°  parce  qu'il  est  applicalile  à  tous  les  instruments 
de  cuivre  et  qu'il  offre  déjà  un  accroissement  de  jus- 
tesse fort  apprécialde,  bien  qu'il  n'agisse  point  sur 
le  4"  piston.  Mais  il  l'audiait,  pour  en  attendre  un  bon 
effet,  qu'il  fût  appliqué  d'un  coup  à  tous  les  inslru- 
mcnts  de  cuivre  d'un  corps  de  musique;  sans  quoi,  le 
mélange  des  inslrumenls  de  ce  système  avec  les  instru- 
menls  du  syslèrae  ordinaire  ne  pourrai!  que  délriiire 
toute  justesse  sui'  hjules  les  notes  produiles  .-ivec  l'ac- 
couplement des  premier  et  troisième  pislons. 

Pour  nitroduirf,  pour  imposer  une  telle  réforme, 
de  même  que  pour  populariser  les  sarrusopliones, 
les  clarinettes  altos  et  basses,  etc.,  il  faudiait  procé- 
der comme  on  lit,  il  y  a  un  demi-siecle,  pour  le 
diapason  normal  :  on  le  rendit  exclusircment  régle- 
mentaire dans  les  théâlres  subventionnés,  au  Conser- 
valoiie  de  musique  et  dans  toutes  les  musirjues  de 
l'armée:  de  là  il  se  répandit  partout,  et  bien  rares  sont 
aujourd'hui  les  fanfares  qui  ont  encore  îles  instru- 
ments à  l'ancirn  diapason. 

Si  les  saxluiins,  si  les  saxophones  sont  aujourd'hui 
répandus  et  employés  pactout,  c'est  que  Adolphe  Sax 
disposait  de  la  1res  iiaute  iniluence  du  général  de  Ku- 
migny  à  la  cour  de  Loui^-lMiilippe,  comme  plus  tard, 
à  la  cour  de  Napoléon  111;  il  put  ainsi  faire  imposer 
et  rendre  réglementaires  dans  toutes  les  musiques 
de  l'armée  ces  instruments,  qui  apportaient  de  nou- 
velles ressources  très  appréciables  sans  doute,  mais 
qui  auraient  pu  végéter  comme  les  sarrusopliones, 
comme  les  clarinettes  altos  et  basses.  Ces  derniers 
ont  des  qualités  tout  à  fait  comparables  à  celles  des 
saxhorns  et  des  saxophones,  mais  ils  n'ont  pu  jus- 
qu'à présent  se  faire  imposer  réglementairement  dans 
les  musiques  de  l'armée. 

Adolphe  Sax  sentait  si  bien  celte  nécessité  que 
pour  faire  la  place  d.'s  inslrutnents  qu'il  apportait, 
il  n'hésita  pas  à  faire  proscrire,  à  chasser  des  musi- 
ques de  l'armée  les  cors  et  les  bassons  qui  y  tenaient 
une  place  si  artistique  qu'aucun  autre  instrument 
n'a  jamais  pu  combler  le  vide  laissé  par  l'exclusion 
de  ces  instruments  de  tout  premier  ordre. 

C'est  encore  pour  une  raison  de  changement  du 
doigté  habituel,  et  parce  qu'ils  n'ont  pu  être  régle- 


mentés et  imposés  dans  les  musiques  de  l'armée, 
que  toute  la  série  des  instruments  de  cuivre  du  sys- 
tème CuAL'ssiEK,  dits  instruments  en  ul,  bien  qu'ils 
soient  réellement  en  fa,  mais  appris  en  sons  réels, 
n'ont  pu  parvenir  à  entier  dans  l'usage  courant. 

Ces  instruments,  excellemment  construits  par  la 
niaison  Milleheau.  avaient  bien  conservé  le  timbre  des 
séries  d'instruments  qu'ils  étaient  destinés  à  reinpla- 
rer  :  cornets,  trompettes,  trombones,  cors  ou  sax- 
hoins;  ils  avaient  une  étendue  plus  grande  que  celle 
des  instruments  actuels  et  offraient  surtout  l'immense 
avantage  de  s'écrire  et  de  se  lire  en  ul.  L'adoption  de 
ces  insti'uments  aurait  certainement  entraîné  le 
changement  île  dénomination  des  notes  de  la  cla- 
rinette et  du  saxophone  qui  sont  aujourd'hui  assez 
perfectionnés  poui'  jouer  dans  tous  les  tons,  et  qui 
gagneraient  comme  le  basson  et  le  trombone  à  être 
appris  en  sons  réels. 

Ce  serait  une  véritable  joie  pour  les  compositeurs, 
les  chefs  d'orchestre,  les  pianistes  accompagnateurs 
et  tous  les  artistes  qui  s'intéressent  à  lire  la  partition; 
ce  serait  encore  la  justesse  de  l'oreille  retiouvée  pour 
to  us  les  i  us  t  ru  mentis  tes  eu  égard  au  diapason  normal, 
et  ce  ne  serait  pas  là  un  mince  avantage. 

Malheureusement,  n'ayant  pu  obtriiir  leur  iidro- 
duction  régulière  dans  les  musiques  de  l'armée, 
source  d'expansion  universelle,  ces  instruments  qui 
ont  été  expérimentés,  dont  l'excellence  a  été  reconnue 
et  constatée,  qui  ont  donné  tout  ce  que  leur  inventeur 
s'était  proposé  et  tout  ce  qu'il  avait  promis,  ces  ins- 
liumentsnesoiit  plus  qu'un  souvenii'  pour  ceux  qui  les 
ont  entendus,  et  bientôt,  perdus  dans  l'oubli,  ils  pour 
root  être  considérés   comme  n'ayant  jamais  existé. 

Et  main  tenant,  pour  clore  ce  chapitre  sur  les  prin- 
cipes Liénéraux  des  instruments  à  vent,  je  vais  essayer 
de  donner  (|uelques  aperçussur  les  conditions  géné- 
rales de  changement  de  timbre  des  instruments  de 
cuivre. 

l'n  instrument  de  cuivre,  au  moins  chacun  de  ceux 
que  nous  pouvons  étudier  en  France,  n'est  jamais  ni 
pai'failement  cylindrique   ni   parfaitement   conique. 

S'il  était  parfaitement  cylindrique,  le  son  ^ol•tirail 
sans  éclat,  sans  force,  probablement  sans  timbre,  et, 
dans  tous  les  cas,  serait  inutilisable  à  l'orchestre 
faute  de  puissance;  au  contraiic,  comme  il  est  cylin- 
diique  dans  sa  plus  grande  paiiie  et  conique  d'abord 
par  l'embouchure,  puis  par  la  partie  se  rapprochant 
de  l'extrémité  de  l'instrument  nommée  pavillon,  le 
son  s'élargit,  s'amplilîe,  se  timbre  dans  la  douceur, 
prend  puissance  et  éclat  dans  la  force;  cet  instru- 
ment, muni  d'une  embouchure  à  bassin  curviligne 
surbaissé,  c'est-à-dire  à  fond  presque  plat  et  dont 
le  grain  est  très  rapproché  des  lèvres,  sera  une 
trompette  : 


2";  0  5 


Fai.  274. 


Trompette. 


Cylindrique 

FiG.  275. 


.Muni  d'une  embouchure  conique,  du  genre  de  l'ein-  1  porté  relativement  loin  des   lèvres,  cet  instrument 
boucbure  du  cor,  mais  plus  large,  dont  le  grain  sera  |  deviendra  un  trombone. 


Z"',7\ 


-Cy  lindr'icjue 


Fi(i.  87r>.  — Tromlione. 


Fi.i.  277. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PEDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A    VENT    Vm 


Si, .111  coniraire,  l'instrumeiit  est  peu  mais  régulii''- 
rement  conique  dans  la  plus  grande  partie  de  sa  loii- 

eueoi-,  cylindrique  seu- 
lement dans  sa  partie 
-  médiane  et  plus  évasé 

'  vers    le    pavillon    avec 

une  embouchure  coni- 
Fiii.  27S.  —  Cor.  que   très   aIlong/:e,  les 

sons  auront  une  dou- 
ceur et  une  pénélralion  infinies  dans  le  piano;  dans 
le  forte,  ces  sons  prendront  un  éclat  vibrant  plus  ba- 
tailleur que  puissant  :  ce  sera  un  cor. 


3795- 


Vn  tube  pi'opor tionnellement  plus  court,,  dont  la 
partie  cylindrique  sera  presque  au  début  comme  la 
trompette,  mais  dont  la  partie  conique  commencera 
plus  lui  el  sera  beaucoup  |dus  développée,  donnera 
des  sons  comme  veloutés,  doux  el  puissants  avec 
une  emboucbure  curviligne,  c'est-à-dire  dont  le 
bassin  sera  creusé  en  demi-sphère.  Cet  instrument 
devrait  être  nommé  bitgle,  ou  mieux  encore  tuba 
soprano,  contralto,  alto,  baryton  ou  basse  suivant  la 
longueur;  en  France,  pour  des  raisons  qu'il  ne  me 
pniait  pas  nécessaire  de  développer  ici,  mais  que 
j'expliquerai  plus  loin,  on  persiste  à  désigner  cet  ins- 


> 


"--C^liiidrique-J 

KiG.  279. 


trument  sous  le  nom  de  saxhorn,  c'est-à-dire,  cor 
de  Sax,  soprano,  contralto,  alto,  baryton,  basse  ou 
contrebasse;  on  dit  aussi  petit  bugle  et  grand  bugle 
pour  les  deux  instruments  les  plus  aigus,  et  l'usage 
se  répand  de  dire  tuba  ou  basse-tuba  pour  la  basse. 


FiG.  2S0. 


Bugle. 


FiG.  2S1.  —  Petil  bugle. 


Knfin  avec  des  proportions  qui  tiennent  le  milieu 
entre  la  trompette  el  le  saxhorn  contralto,  on  obtient 
l'instrument  si  populaire  qu'on  nomme  cornet. 

Bugle ^32 

I Saxhorn  alto  2""  04- 


I Saxhorn  baryton  ouliasse.  2T71 


de  spécial,  dans  son  caractère,  dans  sa  construction 
ou  dans  son  mécanisme. 

Nous  suivrons  dans  celte  étude  la  classification 
suivante  : 

Les  flûtes,  comprenant  lous  les  instruments  sur 
lesquels  le  son  est  produit  par  le  souftle  se  brisant  sur 
un  biseau  :  syrinx,  tlùte  droite,  tlùte  traversière. 

Les  chalumeaux,  comprenant  lous  les  instruments 
dans  lesquels  le  son  est  produit  par  le  souftle  déter- 
minant la  vibration  d'une  anche  simple  ou  double  : 
hautbois,  basson,  clarinelte,  saxophone,  sarruso- 
phone. 

Les  trompettes,  comprenant  tous  les  instruments 
dans  lesquels  le  son  est  produit  par  le  souffle  se 
brisant  dans  une  embouchure  ou  bouquin  :  trom- 

pette  proprement  dite,  trom- 

J  ^°"^'    *^°''-   cornet,    bugle  dit 

"1  saxhorn,  saxo-tromba. 


Cylindrique 


Flûïes. 


Fio.  2S2. 


P 


IT.  35 

Trompette  en  si  b 


n 


h 


Cylindrique 

Cornet  en  si  t» 


cylindrique 


Bugle  en  si  b 


' Cylindrlque- 


Fis.  2S3. 


J'ai  cru  devoir  donner  ces  détails  de  construcHon 
sur  toute  cette  série  d'instruments  de  cuivre,  qui 
dépendent  tous  des  mêmes  principes  et  qui,  pouitant, 
sont  si  différents  les  uns  des  autres  et  de  caractère 
et  de  timbre;  il  m'a  paru  utile  défaire  connaître  les 
raisons  ou  plus  exactement  les  causes  de  ces  diffé- 
rences. 

El  maintenant  que  nous  connaissons  les  principes 
généraux  des  instruments  à  vent,  nous  allons  pou- 
voir étudier  chaque  famille  d'instruments  une  aune, 
en  nous  arrêtant  seulement  sur  ce  qu'elle  peut  avoir 


Fliite  de  Pan.  —  La  llûte 
de  Pan  ou  syrinx  est  évidem- 
ment l'un  des  premiers  instru- 
ments que  l'homme  ait  cons- 
truits;quoi  de  plus  simple,  en 
effet,  que  de  couper  un  bout 
(le  roseau,  égaliser  les  deux 
extrémités,  boucher  l'une  avec 
le  doigt  et  présenter  l'autre 
aux  lèvres  à  la  manière  des 
habitués  du  parterre  qui  pren- 
nent leur  clé  pour  exprimer 
que  la  pièce  qu'on  leur  pré- 

sente  ne  leur  convient  pas. 

N  Nos  très  éloignés  ancêtres 
n'avaient  point  d'idées  criti- 
ques aussi  combatives  en  souf- 
flant ilans  leur  bout  de  roseau.  Le  son  produit  les 
amusant,  ils  prennent  un  second  roseau,  l'accouplent 
au  premier,  et  soufllent  dans  chacun  d'eux  alterna- 
tivement :  la  syrinx  en  somme  est  créée. 

La  curiosité,  le  goût,  l'ingéniosité  de  chaque 
artiste  improvisé  accoupleront  ainsi  trois,  quatre  ou 
un  plus  grand  nombre  de  roseaux  avec  des  liens  plus 
ou  moins  solides;  on  bouchera  les  extrémités  infé- 
rieures avec  de  la  cire  ou  tout  autre  produit  qu'on  aura 
sous  la  main,  on  en  réglera  les  longueurs  suivant  le 
hasard  ou   suivant  l'esthétique  qu'on  professera,  à 


Ii24 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIO.V.XAIRE  DU  CQNSERVATdIIŒ 


moins  que  l'arlisle  ne  veuille,  par  exemple,  imiter  le 
chant  du  coucou  ou  de  tout  autre  oiseau  à  cliaiit  simple 
et  à  deux  ou  trois  notes  faciles  à  retenir. 

Chaque  artiste  a  donc  sa  tlùle particulière,  puis, 
plus  tard,  beaucoup  plus  lard,  lorsqu'un  système 
musical  aura  pu  être  conçu,  on  régularisera  tous 
ces  tuyaux  jusqu'à  ce  qu'ils  donnent  la  même  gamme 
sur  une  seule  syrinx  de  huit  ou  neuf  tuyaux  ou  sur 
deux  syrinx  de  quatre  tuyaux  se  succédant  l'une  à 
l'autre  à  la  manière  de  deux  lyres  à  quatre  cordes 
ou  télracordes. 

Bien  que  la  légendei,'recqueait  attribuél'invenlion 
de  cet  instrument  au  dieu  Pan,  il  nesemble  pas  avoir 
eu  jamais  une  haute  situation  dans  la  hiérarchie 
musicale  des  peuples,  lin  ellet,  tous  les  poètes,  tous 
les  récits,  nous  montrent  la  syrinx  entre  les  mains 
du  paire,  et  c'est  encore  là  que  nous  la  retrouvons  de 
nos  jours.  Cependant,  nous  devons  signaler  deux 
exceptions  modernes:  1»  L'artiste  ambulant  spécia- 
lement dénommé  <i  homme-orchestre  »  a  le  plus 
souvent  une  syrinx,  de  forme  concentrique  pour 
faciliter  le  jeu  de  l'exécutant,  disposée  sous  les  lèvres, 
afin  de  pouvoir  accompagner  sa  grosse  caisse,  ses 
cymbales,  son  triangle,  etc.,  d'un  chant  plus  ou  moins 
mélodieux;  2°  Les  artistes  roumains  se  servent, 
parait-il,  de  la  syrinx,  qu'ils  nomment  naion,  en 
remplacement  de  la  flûte  traversière,  et  nous  avons 
entendu  à  l'Kxposilion  universelle  de  Paris  en  1889 
plusieurs  de  ces  artistes  véritablement  habiles  sur- 
cet  instrrrrnerrl  primitif,  sur  lequel  ils  trouvaient  le 
moyen  d'introduire  des  dièses  (c'est 
le  mot  propre)  avec  de  petites 
billes  qu'ils  glissaient  dans  les 
tuyaux,  ou  même  produisaient  les 
altérations  nécessaires  par  le  mou- 
vement des  lèvres,  recouvrant  en 
partie  les  tuyaux  dont  ils  voulaient 
abaisser  l'intonation. 

Cet  instr-ument  est  alors  formé 
d'un  assez  grand  nombre  de  tuyaux 
bouchés  dans  la  partie  inférieure, 
accolés  à  la  suite  les  uns  des  autres 
dans  l'ordre  diatonique  et  présen- 
tant à  l'œil  l'aspect  d'un  triangle  allongé  dont  la 
partie  aigué  serait  tronquée. 


FiG.  281.  —  Syrinx. 
(Dicl.  A.  Rich. 


Fia.  285,  236. 


Syrinx. 


Flûte  droite.  —  Cette  flûte  est  caractérisée  par  un 
bec  conduisant  le  souffle  sur  un  biseau;  fermée 
ensuite,  c'est  un  sifflet;  ouverte,  c'est-à-dire  dont  le 
biseau  est  suivi  d'un  tuyau  non  bouché  et  percé  de 
deux  ou  trois  trous  pour  être  jouée  d'une  seule  main, 
c'est  un  galoubet  provenûal,  fig.  287  ; 

ou  un  rtûlet  basque,  fig.  288; 

avec  un  plus  grand  nombre  de  trous  pour  être  jouée 
des  deux  mains,  c'est  une  flûte  douce,  une  flûte  d'An- 
gleterre lig,  289; 

ou  un  flageole!,  fig.  290; 

pour  m'en  tenir'  à  la  nomenclature  française. 


Si  nous  sortons  de   l'Europe,  nous   retrouvons  ces 
instruments  sous  les  noms  les   plus  divers,  et  nous 


ft^-. 


0  a 


9 


lÀ 


Fi.i.  2S7.  —  Galoubet.     [Fia.  288.      _   Fi  ..  2SJ.         Fiu.  290. 

pouvons  passer  en  revue  dans  la  seule  salle  du  musée 
instrumental  du  Conservatoire  de  musique  de  Paris, 
la  série  des  flûtes  inscrites  sous  les  vocables  sui- 
vants : 

N"*  871.  Chirimia. 

l'iacapitztli. 

873.  Huayllaca. 

874.  Chabbàbeh  (flageolet  persan). 
876.   Soulïarah  (flùle  droite  arabe). 

878.  Sarala  Bansi  {flageolet  indien). 

879.  Algoza  (flageolet  indien). 
Siyou-Teki  (flûte  tiroilel. 
Ivoma-Fouyi  (flûte  japonaise). 

892.  Siao  (flûte  chinoise). 

893.  Benu  (flûte  du  pays  d'Orissa,  Inde). 
896.  Guesba  ou  gosba  (fliUe  arabe). 

898.  Djaouak  (petite  flûte  arabe). 

La  flûte  droite  ou  flûte  à  bec  est  très  ancienne,  et 
cela  se  comprend,  étant  donnée  la  simplicité  de  sa 
construction.  Voyez  notre  paysan  prendre  son  cou- 
teau, couper  une  branche  de  bouleau,  tailler  un  bout 
en  sifflet  pour  en  former  le  bec,  faire  une  entaille  un 
peu  plus  bas,  fr-apper  l'écorce  avec  le  manche  de  son 
couteau  pour  la  détacher  du  bois,  retirer  ce  bois,  en 
enlever'  un  copeau  du  sifflet  à  l'entaille,  couper  le 
superflu,  remettie  son  sifflet  en  place  et  percer  dans 
le  tube  d'écorce,  au  delà  de  l'entaille,  quelques  trous 
ilestinés  à  être  bouchés  ou  débouchés  à  volonté  par 
les  doigts;  la  flûte  est  faite.  Sans  doute,  la  justesse 
de  la  gamme  faite  sur  cet  instrument  laissera  fort  à 
désirer,  mais  ce  que  notre  paysan  fait  aujourd'hui 
ressemble  fort  au  travail  et  à  l'ingéniosité  de  l'homme 
pr'imitif.  Plus  tarxl,  des  artistes  se  spécialisent  dans 
la  construction  de  cet  instrument,  remplacent  le 
bouleau  par  du  buis,  de  l'ébène,  de  l'ivoire,  de  l'ar- 
gent même,  régularisent  les  trous,  les  ajustent  sur 
un  instrument  type,  et  nous  trouvons  la  flûte  musi- 
cale chez  les  Egyptiens,  les  Grecs,  les  Uomains. 

De  la  flûte  égyptienne,  nous  ne  connaissons  que 
les  reproductions  sculpturales  ou  picturales  des  mo- 
numents, et  comme  ces  monuments  sont  très  anciens, 
la  représentation  des  instruments  n'a  pas  toute  la 
netteté  désirable  pour  qu'on  puisse  bien  se  rendre 
compte  de  ce  qu'étaient  au  juste  ces  instruments.  Au 
surplus,  les  peintres  elles  sculpteurs  modernes  nous 
représentent  souvent  des  instruments  sculptés  ou 
peints"  de  chic  »,  qui  n'ont  aucun  détail  exact  et 
d'après  lesquels  il  serait  impossible  de  i-econstituer 


TECHNIQUE,  ESrilÈTIQVE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1425 


les  vérilaliles  inslnimenls;  coniinenl  prétemlie  alors 
pouvoir  reconstituer  exactement  les  anciens  instru- 
menls  d'après  les  moiuiments  di'  l'antiquité  ?  Nous 
(f\^  pouvons,  nous  de- 
^  "  vous  demander  à 
ces  monuments  des 
idées  générales  des- 
quelles nous  tirons 
telles  déductions 
qu'il  nous  plait, 
mais  vouloir  préci- 
ser davanlase  c'est 
dépasser  les  limites 
de  la  saine  raison. 
Pour  les  flûtes 
grecques,     nous 


FiG.  291.  —  Orchestre  militaire 
de  l'ancienne  Egypte. 


avons  les  reproductions  des  sculpteurs,  et  quels 
sculpteurs!  Et  nous  avons  en  plus  les  te.\tes  des 
poètes,  des  historiens  et  des  philosophes;  c'est  là  un 
appoint  important,  moins  cependant  que  ne  le 
seraient  les  mémoires  d'un  luthier  de  ce  temps, 
mais  nous  n'avons  pas  ces  mémoires  et  nous  devons 
nous'contenter  des  seuls  textes  qui  nous  ont  été  con- 
servés. 

D'après  ces   te.xtes,    nous  savons   que  les    Grecs 
employaient  diverses    sortes  de    lliites    simples    et 


y-  nt..'"^^;®- 


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FiG.  292.  —  Phorbéïa  servant  à  asaujellir  les  doux  fliUes. 

doubles  suivant  les  circonstances;  ils  avaient  les 
flûtes  doriennes,  phrygiennes,  etc.,  suivant  le  mode 
du  chant  qu'il  s'agissait  A' accompagner ,  car  il  sem- 
ble bien  que,  officiellement,  à  la  ville,  on  ne  faisait 
pointde  musique  d'orchestre;  nulle  part,  il  n'en  est 
fait  mention,  et  pourtant,  on  cite  des  marches  d'ar- 


FiG.  293.   —  Flijle 
double  sans  phorbéïa. 


Fm.  294.  —  Fli'ite  double 
avec  phorbéïa. 


mées,  des  combats  dans  lesquels  la  cadence  et  l'enthou- 
siasme étaient  communiqués  par  les  tintes;  il  y  avait 
des  flûtes  spécialement  réservées  à   la  danse,  aux 


cortèges,  aux  funérailles,  ce  qui  semble  bien  indiquer 
ou  impliquer  que  la  llûte  était  également  employée 
comme  instrument,solo  ou  de  soli  indépendamment 
du  chant  humain. 

Il  y  .ivait  : 

Des  lliMes  dro  tes  simples; 

Des  tintes  doubles  indépendantes; 

Des  flûtes  doubles  accouplées  se  jouanlavec  ou  sans 
phorbéïa  (lig.  293  et  294).  ^ 

La     phorbéïa    était    une 
sorte  de  double  lanière  en        i_.       ^ 
cuir  servant  à  mieux  fixer        "       !|         [ 
les   deux   becs  de   la  flûte 
double  (flg.  294). 

Quant  aux  détails  spé- 
ciaux de  ces  diverses  flûtes, 
nous  en  sommes  réduits 
aux  suppositions,  et  là, 
encore,  je  me  permets  d'é- 
mettre un  doute  sur  l'affir- 


mation générale  que  les  Grecs,  qui  .savaient  tant  de 
choses  en  physique,  en  mathématiques  et  en  accous- 
tique,  Ignoraient  l'harmonie  et  ne  se  servaient  que 
de  l'unisson.    Quel  pouvait   être    l'usage   des  flûtes 


p  a 


doubles^  si  ce  n'était  de  faire  entendre  deux  parties 

Mais  je  m'aperçois  que  je  sors  de  mon  domaine 
..  1  instrument  à  vent  ,.,  et  que  je  touche  à  l'his^re 
même  de  la  musique.  "'sioire 

F.es  flûtes  romaines  ne  me  demar^deront  pas  de 
longs  développements,  car  les  textes  latins  ne  sont 
pas  prolixes  sur  l'objet  qui  nous  occupe,  et  quandj'aû- 

90 


1'426 


ESr.YCLOPÈniE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DlCTIOSNAtRE  DU  COXSEIIVATOIRE 


rai  dit  que  les  flûtes  y  sont  connues  sous  le  nom  de 
tibiœ,  parce  que,  dil-on,  les  premières  tlùtes  étaient 
percées  dans  des  os  de  jambes  de  grues,  j'aurai  lait 
connaitre  tout  ce  que  nous  pouvons  apprendre  dans 
cette  nouvelle  étape  historique. 


îl 


FiG.  303. 


FiG.  304.  —  Klùti>  dioiti' 
munie  d'une  clé. 


De  l'époque  romaine,  jusqu'à  la  Henaissance,  nous 
n'avons  plus  aucun  document.  Nous  tiouvons  alors 
les  flûtes  à  bec  constituées  en  famille,  el  encore  faut- 
il  attendre  le  xviooule  xyh»  siècle  pour  en  reiiconirei- 
la  représentation  iconographique. 

Une  seule  remarque  est  à  faire  :  dans  la  tlûle  grave, 
nous  vo.yons  apparaître  la  première  clé  protégée  par 
une  sorte  de  grillage  en  bois  souvent  sculpté,  poui' 
petmeltre  au  petit  doigt,  trop  couri,  de  fermer  le 
septième  trou  iflg.  304). 

Et  nous  voici  parvenu  à  la  suprême  perfection  de 
la  flûte  droite;  on  en  a  foit  depuis  de  plus  luxueuses, 
et  le  musée  instrumental  du  Conservatoire  de  Paris 
en  contient  de  fort  jolies,  mais,  au  point  de  vue  musi- 
cal, il  n'\  a  plus  de  progrès  jusqu'à  la  fin  du  symi"  siè- 
cle, époque  à  laquelle  elle  a  été  définitivement  sup- 
plantée à  l'orchestre  par  la  llûte  traversière. 

Cependant,  une  variété  qu'on  pourrait  appeler  le 
pardessus  de  llûte  droite  :  le  flageolet,  a  encore  main- 
tenu son  existence  dans  certains  orchestres  de  bal  el 
a  reçu  les  perfectionnements  modernes. 

Le  flageolet.  —  Le  flageolet  diffère  de  la  flûte  à  bec 
par  le  bei;  méinc  qui,  au  lieu  d'être  taillé  en  sil'llel, 
en  bec,  comme  sur  toutes  les  autres  flûtes  droites,  a 
la  disposition  d'Un  petit  tuyau  cylindrique  pour  le 
passage  du  sou  file  el  est  légèrement  aplati  extérieu- 
rement pour  la  commodité  des  lèvres. 

Une  autre  ditférence  consiste  en  ce  que  les  six  trous 
de  notes,  au  lieu  d'être  tous  placés  en  dessus  pour  l'in- 
dex, le  majeur  et  l'annulaire  de  chaque  main, comme 
sur  les  flûtes,  sont  ici  placés  quatre  en  dessus  pour 
les  index  et  les  majeurs  et  deux  en  dessous  pour  les 
pouces. 

Cette  particularité  est  cause  que  les  flûtistes  ne 
sauraient  jouer  du  flageolet  qu'après  une  nouvelle 
élude  compléle  de  cet  instiunienl,  étude  «ncore  exi- 
gée par  ce  fait  que  cet  inslrument  n'apprend  en  zit 
bien  qu'il  soit  en  sol,  c'est-à-dire  que,  an  lieu  de  sui- 
vre le  doigté  général  des  instruments  à  trous  et  de 
nommer  do  les  sept  trous  fermés,  l'inslrumeiitiste 


m 


1 


b 


nomme  cette  note  :  sol,  intonalion  réelle  de  cette  note 
eu  égard  au  diapason  normal  (Voir  (ig.  311). 

Les  perfeclionnements  des  diverses  clés  et  l'appli- 
cation du  système  Boiîh.m  sur  le  flageolet  ayant  suivi 
de  1res  près  les  perleclionnements  successifs  de  la 
flûte  traversière,  je  renvoie  à  l'article  suivant  (Flt'de 
traversière)  l'énumération  de  ces  progrès  de  facture. 

L'étendue  du  flageolet  moderne,  système  Boehm, 
est  celle-ci  : 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A    VENT    142" 


►  «^ 


■•'^'■1     ^^ 


avHi'.  limJHJt  Ifsnulyw.  rlii-iniialmirPTr- 


F.rfrl 


Kxem|)le  :!i. 


et  rend  les  notes  comme  un  jeu  d'orgue  de  qua(re 
pieds,  c'est-à-dire  une  octave  plus  haut  qu'elles  ne 
sont  écrites. 

On  n'écrit  pas  de  partie  de  flageolet  sur  la  partition 
d'orchestre,  et  l'instrumentiste  se  sert  de  la  partie  de 
petite  flûte  dont  le  flageolet  n'est  qu'un  faihle  rem- 
plaçant qui  disparait  de  plus  en  plus. 

F. -A.  Gevaert'  parle  du  flageolet  en  sol,  c'est-à-dire 
Iranspositeur  à  la  quinte  de  celui  que  j'indique.  Or, 
il  s'agit  du  même  instrument,  mais  appris  avec  le 
doigté  normal  des  instium>^nts  en  bois.  Sans  doute 
au  leuips  de  Gn  ck  et  d(î  Moza-ht,  dont  (Irvaert  rap- 
porte deux  exemples,  le  flageolet  s'apprenait  ainsi,  ce 
qui  me  parait  tout  naturel,  mais  l'absence  des  par- 
ties spéciales  de  flageolet  dans  toutes  les  orchestra- 
tions pour  lesquelles  ces  instruments  étaient  em- 
ployés à  défaut  de  flûte  a  contraint  les  instrumentistes 
à  changer  leur  mode  de  doigté  afin  de  pouvoir  lire 
directement  sur  les  parties  de  petite  flûte  écrites 
sans  liaii«poi;iiion.  Toujours  est-il  (jne  les  tablatures 
modernes,  t'ramaises  tout  au  moins,  enseignent  les 
doigtés  eu  sons  réels,  comme  je  l'ai  indiqué  page  1428 
(flg.  310). 

Les  meilleures  méthodes  citées  pour  cet  instru- 
ment sont  celles  de  Bousqlet,  Colh.nauo  et  Collinet, 
qui,  sauf  erreur,  renmntent  à  la  première  moitié  du 
xix° siècle.  p. 


Ici,  la  construction  est  le  plus  souvent  faite  d'un 
bambou  ou  d'un  fort  roseau  bouclié  d'un  bout  et  le 


p , — 


Flûte  traversiére. —  La.  flûle  trarersière  ou  oblique 
se  retrouve  sur  les  monuments  éf^ypticns,  gi-ec-i  et 
romains,  mais  beaucoup  plus  laremenl  que  la  flûte 
droite,  simple  ou  double,  ce  qui  indique  que  son 
usage  était  beaucoup  moins  général. 

Nous  la  retrouvons  également  ilans  les  pays  hors 
d'Europe  sous  les  noms  les  plus  divers  et  à  un  de- 
gré de  construction  toujours  très  primitif. 

Le  catalogue  du  Conservatoire  les  désigne  ainsi  : 

N"*  S80.  Murali. 

881.  Grand  Ty  (Chine). 
885.  Fouyi. 

Kouwan-Teki  (Japon). 

Kagoura-Fouyi  (Japon). 
891.  Lava  Ban3i  (Inde). 


l,   K.  tji:\AEfir.  Traité  d'instrumentation,  p    136 


long  duquel  on  perce  latéralement,  d'abord,  un  trou 
assez  grand  et  dont    le  boid  forme  biseau;  c'est  la 
bouche  sur  laquelle  viendra  se  briser  le  souffle  direct 
de      l'instrumentiste, 
puis,    du     milieu    de 
l'instrument  à  l'autre 
e.vlrémité,    six     tious 
plus  petits,  ce  senties 
trous  de  notes. 

Kemarquonstoutde 
suite  à  ce  propos  que 
la  flûte  traversiére  n'a 
reçu  le  septième  trou 
de  note  qu'au  xix» 
siècle  et  que ,  en 
dehors  de  la  flûte 
BoEHM,  le  fait  est  tel- 
lement exceptionnel, 
qu'on  désigne  les  ins- 
truments qui  en  sont 
pourvus  sous  le  nom 
spécial  de  flûte  à  patte 
d'ut.  Cette  remarque 
a  une  assez  grande 
importance  au  point 
de  vue  de  la  tonalité  Fig.  315. 

des  instruments,  car 

elle  donne  la  raison  de  la  confusion  qui  s'établit 
souvent  sur  ces  tonalités.  La  flûte  n'ayant  que'siï 
trous  ne  peut  donner  comme  première   fondamen- 


tale que  le  ré    -fav 


et  beaucoup  d'iusliumeu- 


1428 


ESCVCLOPËDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


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FiG.  316. 


TECHNIQUE,  ESTIIÉT/nCE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    14^9 


listes  la  dénomment  pour  cette  raison  :  lliMe  en  ré, 
bien  qu'elle  soit  réellement  pn  ut.  De  même,  pour  la 
flûle  constriiite  une  tierce  mineure  au-dessus,  qui 
est  souvent  dile  en  fa,  alors  qu'elle  est  réellement 
en  mis 

Au  contraire,  lesfhUes  qualifiées  en  )-él^  sont  tou- 
jours réellement  dans  celle  tonalité. 

I.a  Ih'lle  traversière,  qui  devait  devenir  au  xix''  siè- 
cle la  UiHe  tout  court,  après  s'être  substituée  à  toules 
les  autres  llùtes,  eut  une  existence  tort  modeste  jus- 
qu'au xviii"  siècle.  Kn  elTet,  aucun  perfectionnement 
n'est  à  noter,  nulle  clé  n'est  venue  faciliter  le  doigté 
des  notes  accidentées;  nous  ne  voyons  que  bien  rare- 
ment cette  flûte  dans  l'orcliestre  ou  dans  un  milieu 
musical  quelconque;  ilaus  sa  réduction  d'oclave  ou 
petite  tlûte,  nous  l.i  vnvons  accompagner  les  tambours 
dans  les  régiments  sous  le  nom  de  Mire  ou  de  listule 
militaire  à  partir  du  xv  siècle,  emploi  qu'elle  con- 
serve encore  de  nos  jours  en  Allem  igne.  Ce  nom  de 
fifre  lui  a  été  conservé  lorsque  la  pelite  tlûte  n'a  pas 
de  clés  ou  qu'elle  n'en  a  qu'une  seule  ;  aussitôt  qu'elle 
a  plus  d'une  cb',  on  dit  ;  petite  fliHe  ou  encore  piccolo. 

Peu  h  peu  cependant,  la  grande  tlùte  fait  son  che- 
min el  nous  la  voyons,  au  xvin'  siècle,  introduite  au 
salon  et  appelée  à  faiie  sa  partie  dans  la  musique  de 
chambre. 


Fia.  317.  —  Flùlo  U■ayer:^ii;re,  il'après  une  peinture 
du  xviiie  siècle. 

A  partir  de  ce  moment,  ses  progrés  et  l'extension 
de  sou  emploi  ne  s'arrèleronl  plus  que  lorsqu'elle 
sera  devenue  un  instrument  parfait  (jue  nulle  dil'li- 
culté  n'embarrasse  et  lorsque,  seule  tlûte  désormais 
reconnue  dans  tous  les  orchestres,  elle  aura  repoussé 
toutes  ses  rivales  dans  les  bazars  au  seul  rayon  des 
jouets  il'enfauls. 

La  Uûte  traversière  n'avail  encore  aucune  clé  à  la 
fin  du  xvn"  siècle;  dès  le  début  du  xyu!',  on  Irouve 
une  clé,  mais,  contrairement  à  ce  qui  s'est  fait  pour 
la  flûte  dioite,  ce  n'est  pas  ce  que  nous  avons  appelé 
jusqu'ici  le  septième  trou  de  note  donnant  la  fonda- 
mentale do;  non,  la  tlûte  traversière  ne  descend  tou- 
jours qu'au  ré,  et  cette  clé,  la  première  que  nous 
voyons  créer  pour  cet  usage,  est  destinée  à  faire 
sortir'  le  rétf  ou  mi  [i,  que  l'on  ne  pouvait  obtenir  aisé- 
ment par  aucun  des  moyens  factices  qui  servaient 
pour  les  autres  notes. 

Ces  moyens  factices  consislaient  à  aliaisser  le  ma- 
jeur au  lieu  de  l'index  (main  droite)  pour  obtenir  le 
fa'i-sol[<,  nu  bien  encore  à  ne  boucher  par  un  replie- 
ment du  doigt  que  la  moitié  du  quatrième  trou  pour 
les  instruments  donnant  \nfai,  au  quatrième  trou 
fermé  ;  à  ajouter  l'annulaire  à  l'index  (les  deux  doigts 
formant  fourche)  pour  les  instruments  donnant  le 
/'a;  au  quatrième  trou  fermé;  à  ne  boucher  que  la 
moitié  du  troisième  trou  pour  obtenir  le  sois  ou  la  ;>; 


à  ajouter  l'annulaire  à  l'index  (fourche  de  la  main 
gauche)  pour  obtenir  le  tejf  ou  si  b;  àabaissei'le  ma- 
jeur (main  gauche)  seul  ou  ac.:ompagné  des  tr'ois 
doigts  de  la  main  droite  pour  oblenii-  le  rfob. 

Après  celte  première  clé  de  »ij[.,  clé  unique  qu'on 
retrouve  encore  dans  le  fifre  moderne,  on  en  ajouta 
rrue  seconde  pour  faii'e  le  fui,  la  llûte  étant  généra- 
lement consliriite  alors  pour  donner  le  /'a;  avec  le 
quatrième  truu  fermé;  celte  clé  se  prenait  avec  l'an- 
nulaire (main  droite)  et  découvrait  un  trou  intermé- 
diaire entre  les  cinquième  el  sixième  ti-ous  de  note. 
Il  y  a  lieu  de  bien  remarquer  ici  la  dilTérence  capi- 
tale entr'e  ces  clés  destinées  aux  notes  accidentées  qui 
bouchent  des  ti'ous  ordinair'ement  fermés  et  ouverts 
seulemeni  par  la  pression  du  doigt  sur  la  clé,  d'avec 
les  clés  destinées  aux  trous  de  notes  qui  laissent  le 
trou  ordinair'etnenl  ouvert  et  n'agissent  que  sous  la 
pression  du  doigt  pour  les  fermer. 

Cette  clé  de  /'ai]  supprimait  la  fourche  et  rendait 
le  doigté  plus  facile. 

On  essaya  alors  de  doubler  celte  cléde/W;  par  une 
autre  clé  de  fa:^  également,  mais  qui  se  prenait  avec 
le  petit  doigt  de  la  main  gauche;  cet  essai  fut  aban- 
donné, puis  repris  plus  tard,  sans  jamais  être  géné- 
ralisé et  sans  Jamais  donner  de  résultats  bien  appré- 
ciables. 

Vers  1"30,  les  facteurs  d'instruments  de  bois  cher- 
chaient à  compléter  la  famille  des  flûtes  traversiéres 
en  lui  donnant  irne  basse  pour  tenter  de  supplanter 
les  flùles  droites  graves,  et  l'on  trouve  à  partir  de 
cette  époque  des  essais  di;  flûtes  traversiéres  basses 
avec  phrsieirrs  clés  ouvertes  destinées  airx  Ir'ous  de 
notes  trop  écartés  pour  être  bouchés  directement  par 
les  doigts. 

Le  musée  du  Conservatoir'e  possède  aiirsi  une  basse 
de  flûle  traversière,  construite  vers  1800,  qui  n'a  pas 
moins  de  quin/.e  clés,  mais  qui  ne  fut  pas  plus  adop- 
tée par  les  artistes  que  les  précédentes;  ces  essais 
furent  encore  renouvelés  depuis,  et  chaque  grande 
exposition  en  a  toujours  montré  quelques  échantil- 
lons restés,  hélas!  toujours  ce  que  Ton  appelle  des 
pièces  (l'expositiou. 

Vers  1800,  la  flûte  a  acquis  quatre  clés;  aux  clés 
de  mi'-'  el  de  fa:  que  nous  connaissons,  les  facteurs 
ont  ajouté  une  clé  pour  faire  le  si  I'  et  supprimer  la 
foirrche  de  gauche  et  une  clé  de  so/?-/(ih  pour  sup- 
pr'imer  la  gymnastique  digilale,  si  je  puis  m'expri- 
merai usi,  qui  consistait  à  boucher  seulement  la  moi- 
tié du  Iroisième  trou. 

encore  un  elt'ort,  et  l'on  ajoute  une  cinquième  clé 
pour  faire  le  doii  du  troisième  interligne,  el  la  tlûte  à 
cinq  clés  quasi  classique  est  créée.  (Voir  flg.  '.US,  la 
première  à  gauche  et  la  petite  flûte  tout  à  di'oite.) 
luette  flûte  n'était  pas  parfaite,  mais,  telle  quelle, 
elle  a  suffi  à  de  grands  artistes  pour  exécuter  des 
œuvres  de  haute  virtuosité. 

La  llûle  traversière  a  dès  lors  conquis  sa  place 
parlout  el  il  n'est  plus  nécessaire  de  désigner  de 
iprelle  flûte  on  veut  parler  ;  il  ne  reste  plus  que  la  dé  _ 
terminalion  de  la  taille  ou  delà  tonalité;  à  l'orches- 
tre, il  n'y  a  que  la  grande  ou  la  petite  flûte;  toutes 
deux  sont  en  ut;  dans  les  musiques  militaires  ou 
d'harmonie,  ce  qui  est  tout  un,  on  se  sert  de  la  grande 
llûte  en  ut,  quelquefois  en  re'li,  de  la  flûle  tirce  en 
?7ii[i  et  de  la  petite  flûte  toujours  en  )'^[i.  Je  donne, 
bien  entendu,  les  appellations  de  tonalité  vraies. 

Cependant,  étant  donné  le  rôle  de  cet  instrument 
qui  était  devenu  tout  à  fait  prépondérant  à  l'or- 
cheslre,  on  cheichail  encore  des  perfecliorinements 


1430 


ËNCYCLOPÉniE  l>E  LA  Ml  S/QUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


nouveaux  et,  dès  1806,  on  voyuil  des  llûtes  à  sepl 
clés,  diles  à  patte  d'ut  ;  celte  palle  d'M(  n'était  aulre 
qu'un  allongement  de  l'instrument  permettant  de 
faire  entendre  les  fondamentales  ré'o-doS-dos,  an 
moyen  de  deux  clés  oiufi-tcii  sous  la  dépendance  du 
petit  doigt  de  la  main  droite;  c'était,  en  somme,  le 
septième  trou  de  note  de  la  tlùte  droite  retrouvé,  plus 
un  trou  intermédiaire  pour  la  note  accidentée.  Ce 
système  de  la  patte  d\U,  si  avantageux,  ne  devint 
pourtant  pas  général,  et  la  llùte  à  cinq  clés  resta  la 
plus  répandue. 

En  1820,  Laurent,  qui  paraîtêtre  l'inventeur  delà 
llùte  à  patte  d'ut  parue  précédemment,  ajonla  une 
hntième  clé  ;  c'était  un  nouvel  essai  de  la  double  clé 
de  fa  que  j'ai  déjà  sif,'nalé. 

Kn  1831,  le  flûtiste  bavarois  Théobald  Roeiim,  pm- 
fitanl  des  travaux  et  expériences  du  célèbre  arliste 
anglais  Gh.  Nicholso.n  et  des  reclierches  i/l  aniélui- 
rations  apportées  à  la  llrtle  par  un  amateur  distingue. 
Gordon,  ancien  capitaine  de  la  garde  suisse  de 
Cliailes  X,  entreprit  de  construire  la  llùle  sur  des 
bases  rationnelles  en  modifiant  la  pei'ce,  en  élargis-  ' 
sant  les  trous  et  en  les  recouvrant  d'anneaux  mobiles 
qui  permettent,  par  un  système  de  correspondance, 
de  faire  ouvrir  ou  fermer  plusieurs  trous  avec  un  se  I 
doigt.  Sur  cette  tlùte,  connue  sons  le  nom  de  llùle 
RoKHM,  le  système  de  la  patte  d'ut  devint  normal  ; 
j'entends,  sur  la  grande  tlùte,  car  la  petite  est  restée 
avec  la  fondamentale  ré  comme  note  la  plus  grave. 


Le  flûtiste  français  N'ictor  Coche  fut  le  propagan- 
diste de  la  llùte  Iîoeum  e[i  France  ;  tàclie  aride,  car 
beaucoup  de  nos  artistes  français,  en  tête  desquels 

était  le  célèbre  virtuose 
TuLou,  professeur  au  Con- 
servatoire de  musique  de 
Paris,  ne  voulaient  d'au- 
cune façon  entendre  par- 
ler de  la  nouvelle  flûte. 

Bi'FFET,  fondateur  de 
la  maison  Evette  et 
SoiiAEFFER  actuelle,  per- 


a  4  c         d  e  f  ij 

Fis.  318.  —  Petites  Qi'Ues  et  nageolels. 

a,  gr.iiidc  IllUe  il  ciot)  cléi';  b,  grande  flûte  i  tiuit  ctés  ;  c,  grande  llùle 
Boelini  en  bois;  <2.  (rrande  (liUe  Boftim  en  métat;  e.  petite  tlùleBoclim 
en  melat;  f,  petite  fiiUe  Boelini  en  bois;  7,  petite  ilùle  i  cinqcti^s. 

fectionna  encore  la  Ilûte  Boehm  et  acheva  d'en  faire 
l'instrument  apte  à  vaincre  totites  les  diflicultés  de 
tonalité  ou  de  virtuosité  que  l'on  peut  rencontrer 
dans  la  musique  moderne. 


Avec  l'ancien  système  de  flûte  à  a  clés,  on  avait 
essayé  déjii  do  substituer  l'ivoire,  le  cristal  et  diverses 
autres  substances  au  bois  potir  le  corps  même  de 
l'instrument  ;  depuis  l'adoption  de  la  tlùte  système 
lioEiiM,  tous  les  arlistes  ontabandonné  la  Ilûte  en  bois 
pour  la  llùte  en  métal  argenté,  melchior  on  argent. 

La  llùte  lîoEHsi  a  l'étendue  suivante  :  ^ 


i 


aupi-,  liiiislri^  i]Hiiii-liiiii.i  f.1ii-iiiiiHlii[ii«s 


XT~ 


Exemple  35. 


J'ai  ilit  que  la  flûte  Boehm,  perfectionnée  par  BiF- 
FET,  était  nii  instrument  parTait  permettant  de  sur- 
monter toutes  les  difficultés  de  la  musique.  Les  mer- 
veilleux mécaniciens  que  sont  nos  facteurs  modernes 
ont  fait  mieux  encore,  ils  construisent  des  instru- 
ments dont  le  mécanisme  permet  de  se  jouer  de  ces 
diflicultés  ;  mais,  comme  cette  remarque  s'applique 
à  tous  les  instruments  modernes  ù  trous,  je  vais  en 
donner  une  explication  générale  que  je  n'aurai  qu'à 
rappeler  pour  la  conclusion  des  articles  concernant 
les  bautbois,  les  bassons,  les  clarinettes,  les  saxo- 
pbones  et  les  sarrusophones,  qui  tous  ont  reçu  et 
reçoivent  encore  chaque  jour  de  semblables  perfec- 
tionnements. 

J'ai  indiqué  plus  haut  l'essai  en  1820  d'une  double 
clé  de  fa  sur  la  ilûte  par  le  l'acteur  Laurem  pour 
permettre  d'obtenir  la  même  note,  soit  par  la  main 
droite,  soit  par  la  main  gauche  ;  un  peu  plus  tard, 
un  facteur,  Frédéric  Tkièheiit,  je  crois,  appliqua  le 
même  principe  sur  le  hautbois,  mais  d'une  autre 
façon  ;  sous  le  nom  de  clé  de  mil'  à  ilonblé  ePl'et,  il 
itnagina  un  mécanisme  qui  permettait  d'agir  à  vo- 
lonté sur  cette  clé  unique,  soit  par  le  petit  doigt  de 
la  main  droite,  soit  par  le  petit  doigt  île  la  main 
gauche,  ce  qui  rend  aisés  quantité  de  passages  qui 
étaient  fort  difficiles  autrefois.  Ce  terme  de  lU  à 
double  effet  n'est  pas  juste,  car  l'effet  (l'ouverture  de 
la  clé)  est  simple;  ce  qui  est  double,  c'est  la  façon  de  le 
pioduire;  mais  si  le  terme  n'est  pasexact,  le  résultat 
est  excellent  et  c'est  là  l'essentiel;  aussi,  fut-il  trans- 
porté du  hautbois  sur  la  clarinette  à  anneaux  mo- 
liiles,  dite  système  IHoehm,  par  KL05Êet  Iîlffet,  pour 
les  clés  ouvertes  de  fa>doS,  de  fai-doi,  et  de  iniz-s'ii, 
puis,  plus  récemment,  pour  la  clé  l'ermée /ap-/)U|i.  En 
1863,  Frédéric  Triébert  construisit  pour  son  frère 
Charles,  alors  professeur  au  Conservatoire  de  Paris, 
un  hautbois  aujourd'hui  au  musée  de  cet  établisse- 
ment sous  le  n°  484,  qui  réunissait  lous  les  perfec- 
tionnements désirables  en  utilisant  dans  la  limite  du 
possible  le  principe  de  lioEii.vi  :  faire  ouvrir  ou  fermer 
plusieurs  trous  av«c  un  seul  doigt  et  le  sien  propre  : 
faire  ouvrir  ou  fermer  un  seul  trou  (clé)  à  vo'onté 
par  l'un  ou  l'autre  doigt. 

Ce  hautbois  était  si  bien  conçu  qu'il  est  devenu  ce 
qu'on  appelle  aujourd'hui  le  hautbois  systi'ine  du 
Conservatoire,  et  le  seul  système  que  jouent  aujour- 
d'imi  tous  les  artistes. 

Uu  hautbois  de  Thiébert,  les  clés  à  double  effet  ont 
été  transpoitées  sur  les  saxophones,  les  clarinettes, 
les  tlûles,  les  liassons,  et  le  seront  sur  les  sarruso- 
phones le  jour  où  ces  instruments  plus  connus, 
mieux  appréciés,  deviendront  d'un  usage  plus  gé- 
néral. 

Je  me  suis  peut-être  un  peu  attardé  sur  l'exten- 
sion du  système  des  clés  diles  à  double  elfel,  mais 
cotiime  il  serait  impossible  de  suivre  les  perfection- 


TECHMQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    vai 


nemeiits,  les  inventions  que  chaqw  facteur  s'attrihiie 
sur  son  catalof-'ue  pour  chacun  des  instruments  sor- 
tant de  son  atelier  on  de  sa  mannfactnre,  il  n'était 
sans  doute  pas  inutile  d'en  examiner  une  fois  pour 
toute  la  liiiation. 

Les  uiélliodes  les  plus  réputées  pour  les  Uùtes 
sont  celles  de  : 

Dkvienne,  revue  par  Ph.  G.vubert. 

Walkiehs. 

TULOU. 
DORUS. 

H.  Altès. 

On  cite  parmi  les  facteurs  qui  ont  le  plus  contri- 
bué aux  améliorations  diverses  de  la  lUUe  depuis  la 
secoude  moitié  du  xvui»  siècle  : 

Thomas  Lot. 

Guillaume  Lot,  fils  du  précédent. 

Deh'sse. 

Leclek. 

IIaktin'. 

Lairent. 

Clair  (joDFROY  aine. 

TOURNIIÎR. 

Jacques  Monon,  longtemps  associé  à 
TuLou,  l'habile  virtuose. 
Adler  pèbe. 
Louis  Lot. 

BuFKbT. 

Barbier. 
Barat. 

Je  m'abstiens  de  citer  aucun  nom  de  facteur 
vivant;  ces  facteurs,  les  artistes  les  connaissent  et  les 
apprécient  pour  leur  grande  habileté  et  leur  con- 
science absolue,  mais  je  craindrais  de  faire  des  omis- 
sions involontaires  et  injuslifiées  ou  bien  d'être  accusé 
de  vouloir  faire  de  la  réclame  pour  quelques-uns  au 
détriment  de  beaucoup  d'autres,  ce  dont  je  veux  me 
garder.  D'ailleurs,  un  excellent  facteur  me  disait  il 
y  a  déjà  une  dizaine  d'années  :  "  La  lli"ite  est  un  ins- 
trument que  tous  les  facteurs  font  bien.  >> 

Hautbois. 

Le  hautbois,  qui  ne  commence  t-'uere  à' porter  le 
nom  sous  lequel  nous  le  connaissons  qu'au  xv»  siècle. 


iM  i 


sinon  plus  tard  encore,  est  un  instrument  1res  an- 
cien si  nous  le  considérons  comme  caractérisé  par 
un  tuyau  coni((ue  dans  lequel  le  son  est  produit  par 
une  anche  double. 

Cette  anche  double  peut  n'être,  tout  d'abord,  qu'un 
simple  fragment  de  tige  de  blé  ou  de  graminée  quel- 
conque, aplatie  et  fixée 
sur  une  tige  de  roseau  ou 
de  bambou,  ou  bien  en- 


core sur  une  bande  d'écorce  de  bouleau  ou  autre  qui 
aura  été  enroulée  en  spirale  pour  former  le  corps  de 
l'inslrument. 

Ces  instruments  primitifs,  ancêtres  de  nos  haut- 
bois, bassons  et  sarrusopliones,  sont  généralement 
désignés  sous  ^le  nom  générique  de  chalumeaux. 
Toutefois,  il  faut  bien  se  garder,  en  lisant  les  histo- 


E 


FjG.     319.  -»  Anche  primitive. 


V,3i  ENOCLOPEUIE  DE  LA  MISKJUE  ET  DICTIO.WAJRE  PC  COSSERVATOIRE 


riens  et  surtout  les  poètes,  d'accorder  une  confiance 
trop  absolue  au  ternie  employé,  pour  conclure  de  la 
nature  de  l'instrument,  car  flûte,  pipeau  (qui  n'est  à 
proprement  parler  qu'un  siftlet  omcrt  trempé  dans 
un  verre  d'eau   pour   imiter   le   chant  de   certains 


FiG.  327 


Waddu 


Fui.  32S.  —  Kné. 
(Hautbois.) 


oiseaux)  et  chalumeau  se  confondent  souvent  sous 
leur  plume,  et  tel  monument  qui  nous  représente 
des  Grecs  peut  figurer  des  instruments  à  anche;  ou 
des  Egyptiens  soufflant  dans  des  instruments,  telle 
cohorte  qui  nous  est  décrite  comme  accomplissant 
des  prouesses  sous  l'exaltation  de  l'enthousiasme  pio- 
duit  par  les  musiciens  et  célébrant  la  puissance  émo- 
tive des  fiùtes,  peut  très  bien  n'agir  que  sous  l'in- 
fluence d'instruments  à  anche,  de  chalumeaux  ;  de 
même  que  beaucoup  de  bergers  chantés  pour  avoir 
fait  danser  leurs  bergères  aux  doux  sons  du  chalu- 
meau peuvent  très  bien  n'avoir  employé  que  des 
flûtes  pour  leurs  doux  badinages. 


Fiu.  330. 

Ancien  hautbois 

chinois. 


Fio.  331.  —  Haulbois 
kabvle. 


Quoi  qu'il  en  soit,  le  chalumeau  est  un  instrument 
très  primitif,  donc  très  ancien,  que  nous  retrouvons 
dans  les  musées  et  collections  venant  des  pays 
extra-européens  sous  les  noms  les  plus  divers. 


Au  Conservatoire  de  muMque  de  Paris,  nous  pos- 
sédons b'S  instruments  suivants  : 

NOS  901.  ZummarahKIiamsaouia  (chalumeau  double  égyptien). 

Arghoul  (chalumeau  double  arabi). 
903.   Heàng-Teih  (huutbois  cochinchinois. 
90j.  Zamr  (chalumeau  arabe). 

Zourna  ou  Zouruay  (Perse). 
90(5.   Kalama  (Inde). 

907.  Slianaye  ou  Sanaï. 

908.  Shanaye  ou  Sanaï  double  (Perse  et  Inde). 
Sharana. 

Dans  la  se.'tion  europi^enne,  nous  trouvons  égale- 
ment quelques  noms  étranges  : 

458.  Piffero  pastorale  (Italie) . 

462.  Ragisk  (Russie). 

463.  Dulzaina  (Espagne). 

Mais  tout  cela  n'est  que  noms  et  n'a  de  valeur 
que  pour  la  curiosité.  Au  point  de  vue  purement 
musical,  rien  n'existe  avant  le  moyen  :\ge,  où  nous 
retrouvons  le  chalumeau  évolué  en  plusieurs  types 
et  surtout  sons  différent^  noms  qui  constituent  di- 
verses familles,  car,  nous  l'avons  déjà  vu  pour  les 
flûtes,  les  musiciens  ou  les  fabricants  d'instruments 
d'alors  s'elforçaient  toujours,  dès  qu'un  type  d'instru- 
ment élait  trouvé  ou  créé,  d'en  construire  de  diffé- 
rents modèles  pour  en  constituer  une  famille;  con- 
ception qui  s'accordait  bien  mal  avec  les  moyens 
d'exécution  de  ce  temps  où,  n'ayant  aucune  clé  pour 
suppléer  au  manque  de  longueur  des 
doigts  pour  les  instruments  graves,  on 
n'arrivait  jamais,  malgré  l'obliquité  du 
percement  des  trous,  à  produire  des  ins- 
truments d'une  justesse  convenable;  c'est 
d'ailleurs  ce  manque  de  justesse  qui  con- 
duisit à  l'invention  des  clés  ouvertes,  les- 
quelles conduisirent  elles-mêmes  aux  clés 
fermées etauxmerveillesde  mécanisme  de 
nos  instruments  modernes,  mais  on  leste 
néanmoins  ét.jnné  qu'il  ait  fallu  atlendre 
le  xvi"  siècle  pour  voir  apparaître  la  pre- 
mière clé,  et  le  xix«  pour  que  ce  système 
de  clés  prit  enfin  tout  l'essor  qu'il  com- 
portait. 

Au  moyen  âge,  nous  trou- 
vons : 

La  famille  des  chalmeys 
ou  chalemelles  (altération 
sans  doute  du  nom  chalu- 
meau plus  ancien). 

La  famille  des  poramers. 
La  familledescromornes. 
La    famille   des    tourne- 
bouts. 

La   famille  des  bassons. 
La  famille  des  doucines. 
La   famille   des  bombar- 
des. 

Le  cervelas. 
Le  raekett. 

l'iiur    ma   part,   je   suis 
tenté  de  croire   que  les  fa- 
milles réelles  étaient  moins 
nombreuses  et  que  les  clia- 
lemelles    et    les    pommers    fig.  332. 
n'étaient   qu'une   seule   fa- 
mille sous  deux  noms  difTéreuts;  que  les  cronior- 
ncs  et  les  tournebouts  n'étaient  encore  qu'une  seule 
famille,  si  elle  ne  se  rattachait  pas  même,  avec  une 
légère  altération  de  forme,  îi  la  famille  des  pommers. 


Fio.  333. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1433 


Le  cervelas  et  le  raeketl  me  paraissent  n'être 
également  qu'un  instrument  unique. 

Quant  aux  doucines  ou  aux  bombardes,  j'ai  eu 
•l'occasion  d'entendre  à  Perpignan,  dans  un  concours 
de  sociétés  musicales  populaires,  toute  une  famille 


9 


^ 


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\J' 


FiG.  334. 


Cromornos.  (Gatalosue  musée  Bru-Kelle? 
Mahillon.  p.  17.) 


de  hautbois  primilifs,  aux  sons  âpres  et  vipoureux, 
qui,  sous  le  nom  de  jonglars,  nie  paraissent  rappeler 
ce  que  pouvaient  être  les  instruments  dont  nous 
nous  occupons. 

Quoi  qu'il  en  soit,  dés  le  seizième  siècle,  la  synthèse 


de  tous  ces  instruments  issus  du  chalumeau  à  anche 
double  s'opère  en  deux  familles  :  celle  des  hautbois, 
dont  nous  allons  nous  occuper  maintenant,  et  celle 
des  bassons  que  nous  verrons  aussitôt  après. 

La  famille  des  hautbois,  comme  celle  des  pom- 
mers  ou  des  bombardes  d'alors,  ou  comme  celle  des 
jonglars  qu'on  peut  eacor^'  entendre  Je  nos  jours 
dans  les  Pyrénées,  parait  avoir  été  composée,  dès  sa 
constitution,  de  quatre  ou  cinq  individus  s'étageant 
en  quarte  ou  en  quinte  dans  l'échelle  générale  des 
ïons  : 


••  •• . •■  •' 


^•<' 


<>  C 


Y*<? 


e 


FiG.  338. 


FiG.  339. 


FiG.  3iO. 


1°  Le  dessus  de  hautbois  qui  remplace  le  petit 
chalmey  et  qu'on  surnomme  musette  en  fa. 

(Il  faut  bien  se  garder  de  confondre  cetto  petite 
musette  avec  la  vraie  musette,  qui  est  une  cornemuse 
à  outre  et  à  souftlet  remplaçant  le  souffle  humain.) 

2°  Le  hautbois  proprement  dit,  qui  remplace  le 
discant  chalmey,  en  ut. 

3"  Le  haute-contre  de  hautbois,  remplaçant  le 
pommer  alto  et  que  nous  retrouverons  bientôt  sous 
le  nom  de  cor  anglais;  en  fa. 


1434 


Eycrr.LOPÉDlE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTfO.VXAIRE  DU  CO.\SERVATi)IRE 


4"  La  basse  de  hautbois,  leniplaçanL  le  pommer 
ténor  ou  basset  et  le  lournebout:  en  ut  à  l'octave 
grave  du  hautbois;  reconstitué  de  nos  jours  sous  le 
nom  de  hautbois  baryton. 

o»  La  contrebasse  de  hautbois,  rem- 
plaçant le  grand  pommer  ou  double 
quinte  ;  en  fa. 

6°  II  y  avait  enfin  le  hautbois  d'a- 
mour en  la,  intermédiaire  entre  le 
hautbois  et  le  haute-contre  de  haut- 
bois, mais  qui  ne  parait  avoir  été 
employé  que  pour  des  solos  dans  des 
cas  exceptionnels. 

L'application  des  clés  sur  le  haut- 
bois a  suivi  une  progression  très  lente 
et  à  peu  près  semblable  à  celle  des 
flûtes  droites,  mais  avec  un  sort  final 
infiniment  plus  heureux,  puisqu'il  est 
devenu,  avec  la  tlûte  et  la  clarinette. 
l'une  des  voix  les  plus  importantes  de 
l'orchestre. 

On  trouve  des  hautbois  de  la  fin  du 
xvi=  siècle  porteurs  d'une  clé. 

On  en  trouve  avec  2  clés,  à  partir  de 
17.30;  avec  3  clés,  à  partir  de  1730; 
avec  4  clés,  à  partir  de  1751. 
Pour   obtenir   plus    sûrement    le   fai(sol^   et    le 


Fio.341.  — Rac- 
kett,  sorte  île 
basson,  xvi"  et 
XVII"  siècles. 


'^ 


•Q  ^ 


Fui.  312.  —  Baissons  .Tiijiis  et  graves  des  xvi'  et  xviii'^  siècles. 

solïf-la[:  avec  le  demi-trou,  on  avait  imaginé  de 
remplacer  le  troisième  elle  quatrième  trous  de  note 
d'une  grandeur  nortnale  par  deux  petits  trous  par.il- 
lèles  dont  il  était  pnssilile  de  ne  boucher  tju'un  seul 
en  retirant  léj.'èi'pnietil  le  doigt  en  arrière  ;    ce  sys- 


FiG.  313.  —  Haultiois  et  liomliariles  aigus  et  graves 
des  XVI"  et  wiii"  siècle»,  d'après  Lavoix. 

tème,  pourtant  bien  primitif,  .s'est  maintenu  jusqu'au 
milieu  du  xix=  siècle,  et  il  est  encore  lacileden  trou- 
ver des  échantillons  à  la  devanture  des  revendeurs 
d'instruments  d'occasion. 

Parmi  les  habiles  fadeurs  des  xviii"  et  .mx«  siècles 
que  j'ai  cités  page  14:11,  etqui,  presque  tous,  ont  Ira- 


1 


vaille  à  perfectionner  le  hautbois,  il  faut  distinguer 
surtout  Dell'sse,  NoiNon  et  Buffet.  Ce  dernier  a,  le 
premier,  en  1843,  appliqué  le  système  d'anneaux 
mobiles  connu  sous  le  nom  de  système 
BoEHM,  sur  le  hautbois,  essai  qui  n'a  jamais 
donné  des  résultats  tout  à  fait  satisfaisants. 

Il  appartenait  à  Frédéric  Triébert  de  por- 
ter le  mécanisme  du  hautbois  à  la  perfec- 
tion, en  consacrant  le  labeur  de  toute  sa  vie 
à  la  poursuite  de  ce  but'. 

De  la  famille  des  hautbois  que  j'ai  dénom- 
brée liages  1433  et  1434,  il  ne  reste  vraiment 
que  le  hautbois  proprement  dit  et  le  haute- 
contre  de  hautbois,  connu  sous  le  nom  de 
cor  anglais''. 

La  musette,  qui  a  reçu  quelques  clés, 
n'est  employée  nulle  part  dans  l'orchestre 
et  est  de  même  délaissée  dans  les  musiques 
de  l'armée  où,  après  avoir  été  employée  à 
une  certaine  époque,  dans  quelques  mor- 
ceaux originaux  et  toujours  à  titre  excep- 
tionnel, elle  a  fini  par  être  complètement 
abandonnée. 

11  y  a  bien  eu  des  tentatives  de  construc- 
tion de  hautbois  d'amour  (hautbois  en  la, 
intermédiaire  entre  le  hautbois  et  le  cor  anglais)  et 


Km.  m.  —  Hautbois  et  cors  anglaii. 


1.  Revoir  article  Flùt''  ilo  la  page  1430. 

i.ï.e  nom  de  car  vient  i^ans doute  de  la  forme  courbe  qu'on  donnaîb 
autrefois  ii  cet  instrument.  Quant  au  quatilicatir  antflais,  qu'il  porte 
en  f-'rance,  il  n'a  sans  doute  pus  plus  de  raison  que  le  qu.ililieatlf: 
français  {frencli)  qu'il  pnitc,  dit-on,  en  Angleterre. 


TECnSIQi'E,  ESTHÉTIQUE  ET  l'EliACQi.lE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1435 


de  hautbois  liaryton  bu  ul  à  l'octave  grave  du.liaut- 
hois,  mais  ni  lut)  ni  l'autre  n'ont,  jusqu'à  ce  .|Oiir, 
pr'uélré  à  l'orclieslre  et  tous  deux  sont  restés  instru- 
nieiUs  d'amateur  ou  pièces  d'exposition. 

Le  liaiilbois  avait  gagné  depuis  longtemps,  par  l'al- 
longement du  pavillon,  un  liuitiéme  trou  de  note  lu' 
donnant  la  fondamentale  si  ''i,  grave,  le  hautbois  mo- 
derne s'est  encore  allongé  d'un  nouveau  demi-ton 
et  sa  gamme  chromatique  commence  au  si  b. 

Son  étendue  est  donc  : 


ti^RlpKTHll.HSi'IlIVIIlial.iniTTTO- 


Esemple  3G. 

Les  méthodes  les  plus  réputées  sont   celles   de: 
Brod,  revue  par  E.  Gillet  ; 
Sellneb. 
Barret. 

Basson. 

L'invention  du  basson,  très  connu  aussi  sous  le 
nom  italien  de  faijotto,  sans  doute  à  cause  de  sa|  forme 
primitive  surtout,  qui  le  faisait  ressembler  à  un  fagot, 
l'invention  dubasson,  dis-je,  fut  longtemps  attribuée 
au  moine  Afranio  de  Pavie  avec  la  date  de  1339. 
Mais  il  est  à  peu  près  établi  de  nos  jours,  que  le 
basson  était  connu  et  répandu  en  Italie  antérieure- 
ment à  Afranio  et  dès  le  xv=  siècle. 

Je  ne  reviendrai  pas  sur  ses  antécédents;  comme 
le  liaulbois,  le  basson  nous  vient  du  chalumeau  et  il 
fut  constitué  en  famille  de  toutes  tailles  et  de  toutes 
tonalités. 

A  l'inverse  du  hautbois  {|ui  s'affinait  vers  l'aign, 
le  basson  a  peu  à  peu  perdu  ses  éléments  aigus  et 
perfectionné  ses  éléments  graves.  Les  progrès  du 
basson  ont  sensiblement  suivi  ceux  du  hautbois,  et 
ces  deux  instruments  ont  reconstitué  en  somme  une 
famille  unique  composée  du  hautbois,  en  ut,  du  cor 
anglais  en  fa,  du  basson  en  ut  et  du  contrebasson 
en  fa  ou  en  ul. 

A  la  vérité,  le  cor  anglais  n'est  guère  employé  qu'en 
solo,  et  l'emploi  du  contrebasson  ut  ou  fa  est  fort 
rare,  mais  le  hautbois  et  le  basson  ont  une  étendue 
telle  qu'ils  se  joignent  et  se  complètent  l'ort  bien  l'un 
l'autre. 

L'ne  particularité  de  la  construction  du  basson 
est  que  l'adionction  des  clés  n'a  pu  faire  dispa- 
raître l'obliipiité  des  premiers  et  troisièmes  trous  de 
notes  de  chaque  main.  Cette  particularité  a  été  le 
principal  obstacle  à  l'adoption  du  système  d'anneaux 
mobiles  tentée  par  Buff.t.  Il  parait  que  cette  obli- 
quité primitive  des  trous  est  cause  efficiente  du  tim- 
bre particulier  du  basson,  timbre  qui  s'atteiuie  très 
sensiblement  lorsque  les  trous   percés  a^leur  place 


Fis.  316.  —  Basseuisle 
au  svui^'siécle. 


normale  soiit  perpendiculaires  au  corps  de  l'instru- 
ment. 

Pour  cette  raison  sans  doute  encore,   les  divers 

essais  de  construc- 

tion  métallique  de 
cet  instrument 
n'ont  pas  donné  les 
résultats  attendus. 
.Néanmoins,  la  mai- 
son A.  Leconte  et 
G'*  avait  réussi,  vers 
1880,  un  modèle  de 
basson  en  cuivre 
qui  semblait  devoir 
répondre  h  toutes 
les  exigences  des 
artistes;  la  dispari- 
tion de  cette  mai- 
son a,  encore  une 
fois,  maintenu  le 
bois  comme  seule 
matière  entrant 
dans  la  constitu- 
tion du  basson. 

Pour   le  contre- 
basson en  ut  (octave  grave  du  bassoni,  le  mêlai  a  pu 
rtre  employé.  Peut-être,  est-on'moins  exigeant  sur  la 
qualité    du    timbre  pour  cet 
instrument  extra-grave. 

Les  divers  perfectionne- 
ments du  basson  moderne 
sont  dus  à  : 

Savary. 

Frédéric  Triébert. 

Buffet  et  ses  successeurs  : 

Buffet-Crampon; 

CouMAs  et  G'"  avec  le  con- 
cours de  : 

Jancourt,  professeur  au  Gon- 
servaloire  de  Paris. 

Evette  et  Scuaeffert  avec 
la  collaboration  de  MM. 

L.  Lktellier,  artiste  de  la 
plus  grande  valeur; 

Ë.  Bourdeau,  professeur  au 
Conservatoire  de  Paris. 

La  suite  ininterrompue  des 
elforts  et  des  recherches  de 
cette  succession  de  facteurs 
habiles  et  d'artistes  toujours 
désireux  d'un  instrument  plus 
(larfait  est  parvenue  à  faire 
du  basson  et  du  contrebasson 
ini  bois  deux  instruments  (\u\ 
ne  le  cèdent  en  rien,  soit  pour 

la  qualité  des  sons,  soit  pour  la  perfection  du  méca- 
nisme, à  leur  soprano,  le  hautbois, 

L'étendue  co-isidérable^du  basson  est  de  Irois  octa- 
ves et  Ufie  qninie  : 


Kio.  an.  —  Bassons. 


m 


ï¥uïïM<illl<ii:«I.K«llll>U;aMIIKI1ll»:l>IJIl[jK 


~im- 


^^ 


* 


I':.\ein|ile  37. 


1436 


Esr.yr.LOPEniE  de  la  musiqie  et  dictjo.wajre  du  coxsEHVATninE 


Les  métliodos  les  plus  connues  sont  celles  de  : 

Ozi. 

E. Jancocrt. 

E.   BOLBOEAU. 


Fis.  3SS.  —  Bassons 


t'Isirinelte. 


Nous  .ivons  vu  les  chalumeaux  à  anche  douhie  el 
à  tuhe  conique,  et  il  nous  resle  à  voir  les  chalumeaux 
à  anche  battante  et  à  tube  cylindrique. 

Ces  derniers  sont  donc  caractérisés  par  un  tube 
ou  tuyau  assez  semblable  à  celui  d'une  flùle  droite, 
mais  dont  le  biseau  et  son  ouverture 
n'existent  pas  et  dont  surtout  le  bec  a  été 
raodiliépour  recevoir  une  anche  battante, 
c'esl-àdire,  légèrement  plus  large  que 
Touveiture  sur  laquelle  elle  est  posée,  et 
qui  vient  baltre  les  bords  du  bec,  provo- 
quant la  viliralion  de  la  colonne  d'air  de 
riiistriimenl  et  déterminant  le  son. 

Commeiii  ce  disposiiif  relativement 
compliqué  di;  Tanche  ballante  est- il  né'.' 
Nul  ne  le  sait. 

Cependant,  il  n'est  pas  impossible  d'en 
imaginer   une    tilialion  probable,    et  cela 
nous    donnera    l'occasion    de    compléter 
notre  étude  des  tubes  cylindriques  (tibia, 
tibicines  romaines). 
^Anch' '      "  llelournous  à   notre  paysan   ingénieux 
baUiinle     de  la  page  1424  '.lia  coupé  sa  brandie  de 
primilivL'.    buuleau  et  préparé  sa  tlrtle,  mais  au  mo- 
ment de  terminer  son  œuvre,  il  s'aperçoit 
qu'il  a  taillé  un  trou  de  tiop.  Bast!  il  couvre  ce  trou 
malencontreux  d'une  pelure  d'oigno-i  et  il  invente  à 
nouveau  ou   reconstitue  la  lliilc  eunuque  dont  quel- 
ques historiens  nous  parlent  avec  complaisance  sans 
nous  dire  à  quoi  elle  a  jamais  servi. 


IS 


^ 


1.  Ji-  n'iii*(.*ii[i'  (las  re  piysan,  je  l'ai  cuiitiu  et  vu  àl'uîuvre. 


Dans  un  autre  essai,  notre  paysan  est  airêté  par 
un  accident  survenu  au  bois  qu'il  doit  remettre  dans 
lécorce  ;  il  jette  son   bois,   coupe   transversalement 


abc  d 

FiG.  350.  —  Becs  de  claiiiietles. 

a,  6,  bi'cs  nus  :  c,  b>?c  a>ec  aiicho;  d,  bec  gpi^ciai  potir  l'afcord, 

son  écorce  un  peu  au-dessus  de  l'entaille  du  biseau, 
rend  l'autre  bout  semblable  et  reco  ivre  les  deux 
bouts  d'une  pelure  d'oignon,  et  il  a  un  mirliton  dont 
unjoyeu.K  industriel  du  nom  de  Bigot  fera  le  bigot- 
phonc  pour  la  plus  grande  joie  djs  cortèges  de  car- 
naval. 

Mais  il  se  peut  aussi  qu'ayant  délaissé  le  bouleau 
pour  le  roseau  dans  la  construction  de  sa  fliMe,  et 
ayant  pincé  un  bouchon  de  bois  pour  l'oriner  le  bec. 


9, 


=1 


r-m 


u 

Fio.  351.  Fiii.  352.  FiG.  353.  Km.  354. 

Instruments  primUifs  à  anche  b.illaïUe. 

Un  coup  de  couteau  maladroit  soit  venu  fendre  en 
long  le  bout  de  son  roseau  formant  bec^et  que,  souf- 
llant  par  curiosité  dans  son  instrument  avarié,  il  soit 
surpris  d'entendre  un  son  d'une  nature  particulière 
et  surtout  d'une  gravité  qui  le  charme,  et  voici  le 
chalumeau  à  anche  battante  trouvé;  Il  ne  restera 
plus  qu'à  perfectionner  l'anche,  à  la  rendre  indépen- 
dante du  tube  lui-même  et  à  chercher  un  moyen 
d'allache,  de  lîxation  de  l'anche  sur  le  bec;  ceci  est 
peu  de  chose  pour  l'homnie  industrieux. 


TEClIMntJH,  ESTIIÉTIQLE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    U37 


J'ai  dit:  une  gravité  (iiii  |i;  cliaime,  c'est  qu'en  effet 
ce  chalumeau  donne  îles  sons  d'une  octave  plus 
grave  que  ceux  donnés  p.ir  uni'  tlAte  nu  un  clialumeau 
conique  de  in^nie  longueur,  et  celte  qualité  devait 
être  très  appréciée,  alors  iiue,  n'ayant  pas  de  clés,  il 
était  si  (iiflicile  de  jouer,  avec  le  moindre  semblant 
de  justesse,  les  basses  de  llùte,  de  hautbois,  de  poin- 
mers,  etc.,  h  cause  de  l'écarlement  des  trous. 


^àit^'fmM' 


FiG.   355. 


Malheureusement,  ce  genre  de  chalumeau  ne 
peut  octavier,  j'en  ai  donné  la  raison  pages  1402  et 
1410,  il  quintoye  (c'est  l'expression  employée  pour 
exprimer  que  le  redoublement  des  sons  se  fait  à  la 
douzième  ou  quinte  redoublée);  sa  gamme  est  donc 
limitée  ainsi  eu  employant  les  sept  trous  de  notes 
classiques 


^ 


-rs- 


isn 


Exemple  3S. 


et,  si  l'on  dispose  du  petit  trou  d'oc?ai'e  qui,  dans 
l'espèce,  est  un  trou  de  douzième,  les  deux  gammes 
sortent  dans  celte  disposition  : 


m 


TE^ 


SX! 


é 


Txr^ 


Exemple  39. 

Ces  deux  gammes  ne  se  joignent  pas,  il  leur  man- 
que pour  cela  les  notes  suivantes  : 


* 


inz 


Exemple  iO. 

et  de  plus  elles  ne  sont  pas  dans  la  même  tonalité, 
puisque  la  première  donne  le  fai  avec  le  doigté 
normal,  tandis  que  ce  même  doigté  normal  donne  le 
fait  dans  la  gamme  à  la  douzième;  mais  ce  trou  de 
douzième  n'a  même  pas  dû  être  percé  avant  la  fin 
du  xvu«  siècle,  car  personne  n'en  parle  et  on  ne  voit 
figurer  ce  chalumeau  dans  aucun  orchestre,  à  moins 
qu'il  ne  se  confonde  avec  le  tourneboul  qui  semble 


avoir  été  employé  seulement  comme  basse  et  dont 
la  forme  parait  être  cylindrique. 

Quoi  qu'il  en  soil,  le  clialuineaii  cylindrique  en 
élail  encore  réduit  à  ces  simples  ressources  quand 
Jean-Christophe  DEiN.NKR  (né  à  Leipzig  en  1655,  mort 
à  .Niirembeig  en  1707)  entreprit  de  perfectionner  le 
chalumeau. 

Comme  je  l'ai  déjà  expliqué  pages  1414  et  l'tl.ï, 
il  perça  un  trou  de  note  sous  le  pouce  gauche,  ce  trou 
lui  donna  le  ré.  puis,  cherchant  encore  et  n'ayant 
plus  de  doigl  libre  pour  boucher  de  nouveaux  Irons, 
il  pena  néanmoins  les  deux  trous  qui  lui  étaient 
indispensables  pour  obtenir  le  mi  el  le  l'a  qui  devaient 
joindre  ses  deux  gamines,  et  il  imagina  de  faire  bou- 
cher le  premier,  celui  du  >rii,  par  une  clé  fei  mée  dont 
la  spatule  venait  à  portée  de  la  deuxième  phalange 
de  l'inilex  gauche,  toujours  libre  pour  cette  note;  puis, 
remarquant  que  son  trou  de  fa  se  trouvait  sensible- 
ment à  la  même  hauteur  que  le  trou  de  douzième  qui 
lui  était  nécessaire,  il  les  confondit  en  un  seul  et  les 
deux  gammes  furent  reliées  ainsi  : 


_ûJ 


^ 


XEl 


3E±f 


Exemple  41. 

Denner  présenta  son  chalumeau  perfectionné  vers 
1690  et  on  lui  donna  le  nom  de  clarinette,  de  claiino 
(petite  trompette),  aux  sons  de  laquelle  on  trouvait 
que  ressemblaient  les  sons  du  nouveau  registre  ou 
gamme  supérieure.  On  dit  encore  de  nos  jours, 
«  sons  du  chalumeau  »  pour  sons  de  registre  grave  de 
la  première  gamme,  et  «  sons  du  clairon  »  pour  les 
sons  de  la  gamme  de  douzième. 

Les  exemples  38,  30,  40  et  41  que  j'ai  donnés  doi- 
vent paraître  étranges  aux  clarinettistes.  C'est  qu'ils 
ont  l'habitude  de  placer  les  noms  de  notes  sur  leurs 
doigtés  comme  si  leur  clarinette  était  pour  la  pre- 
mière gamme  en  fa  et  apprise  en  ut  comme  le  bas- 
son (revoir  page  1417). 

Je  redonne  ici  pour  eux,  les  exemples  transposés 
suivant  le  système  moderne  : 


^     k 


Exemple  42. 


»    O   " 


e-tjQ' 


^ôô^-- 


Exemple  43. 


* 


~o~ 


9^- 


Exemple  i4. 


3Q^ 


^o«- 


I70 


^©^cr 


:ëPŒ 


^Ô-tE 


^32= 


Exemple  45. 


J'ignore  la  raison  qui  a  fait  adopter  cette  dénomi- 
nation de  fondamentales,  fautive  et  contraire  au 
principe  général  des  doigtés;  j'ignore  également  la 
date  de  cette  adoption,  mais  la  présence  d'un  sili  en 


1438 


ESCyi.LnrÈftlIÎ  DE  LA  hliSlol'E  ET  DICTIOWAIIIE  Oi:  COS'SEUVAIOIliE 


bas  et  surtout  au  milieu  de  la  gamme  à  une  é|ioiiue 
où  la  tonalité  d'((/  était  presque  la  seule  employée, 
suflirait  à  prouver  que  cette  conception  du  nom  des 
notes  sur  la  clarinelle  était  inadmissible,  d'autant 
plus  que  le  sili  de  la  troisième  ligne  de  la  portée 
n'existait  pas  et  qu'il  n'a  été  donné  à  la  clarinette 
que  70  ans  plus  lard. 

Néanmoins,  comme  nous  éludions  spécialement  la 
clarinelte,  et  que  l'usage  de  nommer  fa  la  note  grave 
sortant  avec  les  sept  trous  classiques  bouchés  est 
généralementadopté.je  me  conformerai  ù  cet  usage, 
dans  la  suite  de  cet  article,  et  pour  les  appellations 
de  notes  et  pour  la  notation  des  exemples  ;.ie  prie  les 
lecteurs  non  clarineltistes  de  m'exciiser  et  de  me 
pardonner  le  travail  de  reconstitution  que  cela  pourra 
leur  donner  dans  le  grave;  quant  à  lu  gamme  de 
douzième  ou  de  sons  3,  ils  n'en  relireroiit  que  plus 
de  facilités,  puisque  celle-ci  se  retrouvera  conlorme 
à  ce  que  nous  avons  vu  jusqu'ici  pour  les  tlùtes  et  les 
hautbois. 

La  clarinette  resta  ainsi  jusqu'en  HlM»,  date  vers 
laquelle  on  trouva  enfin  le  moyen  de  lui  donner  le  sî; 
de  la  troisième  ligne  (faS  de  l'époque),  dont  l'absence 
paralysait  les  moindres  tentatives  de  modulation. 

Pour  obtenir  ce  sis),  on  allongea  le  pavillon  et  on 
perça  un  huitième  trou  de  note  qu'on  fit  boucher  par 
une  clé  ouverte,  actionnée  par  le  petit  doigt  de  la 
main  gauche. 

Quel  est  ce  on,  nous  l'ignorons,  et  c'est  dommage, 
car  cette  invention  apportait  un  perièclionnement 
considérable  à  la  clarinette;  si  d'autres  notes  pou- 
vaient êtie  muées  en  notes  diésées  ou  bémolisées, 
lant  bien  que  mal,  par  des  doigtés  factices,  cette  note 
ne  pouvait  être  obtenue  à  cette  époque  de  nulle  autre 
manière,  et  puis  elle  donnait  une  nouvelle  note  au 
grave,  le  iin^,  en  même  temps  que  cet  allongement 
du  pavillon  déterminai!  une  meilleure  sonorité  plus 
douce,  plus  moelleuse  pour  l'ensemble  de  toutes  les 
notes. 

Cet  allongement  du  pavillon  de  la  clarinette  a-t-il 
suivi  celui  du  hautbois,  ou  bien  rallongement  du  pa- 
villon du  hautbois  donnant  le  .fis  grave  est-il  une 
conséquence  de  celui  de  la  clarinette"?  C'est  encore 
là  un  point  obscur. 

Un  peu  plus  lard,  ou  ajouta  une  nouvelle  clé  ou- 
verte pour  obtenir  le  rfoif  du  4"  interligne  et  le  /"a; 
grave.  Sur  la  clarinette,  toutes  les  modifications  ohte- 
nues  dans  le  clairon  se  reproduisent  nécessairement 
dans  le  chalumeau  à  la  douzième  inférieure. 

Jos.  Beeii  (1744-181 1)  fit  placer  une  clé  fermée  pour 
le  mi'p  médium  et  /ab  grave;  cela  portait  à  Irois  le 
nombre  des  clés  actionnées  par  le  seul  petit  doigt 
droit  (nup,  doj  et  do'n  —  la[>,  /(i#  et  /a la). 

X.  Lefèvre,  en  1791,  mit  la  clé  fermée  de  aol;, 
la\j  — doUf,  ré\p,  pour  le  petit  doigt  gauche,  ce  qui 
faisait  deux  clés  à  ce  doigt  avec  celle  de  sis  —  mit;. 

La  clarinette  avait  donc  sept  clés  et  commençait  à 
prendre  une  place  convenable  dans  l'orciieslre,  mais 
à  la  condition  expresse  de  ne  pas  avoir  beaucoup 
d'accidents  à  l'ariuature,  et  dans  le  cours  du  mor- 
ceau|;  la  gamme  chromatique,  notamment,  lui  restait 
interdite,  par  l'impossibilité  de  faire  le  sol)t-lai^  de 
la  deuxième  ligne;  pour  ne  pas  se  priver  trop  souvent 
de  cet  instrument,  dont  on  appréciait  fort  le  timbre 
vibrant  des  notes  graves  et  le  timbre  velouté  du  clai- 
ron, on  était  obligé  d'employer  alternativement  trois 
clarinettes,  chacune  dans  un  ton  différent  (iit,  sih  et 
la)  afin  que  la  partie  qui  lui  était  destinée  fût  tou- 
jours écrite  dans  une  tonalité  simple. 


En  181 1,  Iwan  .M'jlleu  (I7.SI-1.SÏ4!  parvint  à  établir 
son  système  de  clarinette  à  treize  clés,  et  ce  fut  nn 
grand  progrès. 

A  paitir  de  ce  moment,  1*  gamme  chromatique,  la 
plupart  des  tonalités  devenaient  accessibles  à  ce  bel 
instrument,  les  gammes  et  les  arpèges  rapides  pou- 
vaient se  faire  sans  de  trop  gramles  diilicullés  et  l'on 
put  se  passer  peu  à  peu  de  la  clarinette  en  ut  dont 
les  sons  restaient  un  peu  aigres. 

Enfin,  en  1843,  Klosé,  professeur  de  clarinette  au 
Conservatoire  de  Paris,  et  Buffkï,  lacteur  habile  que 
nous  avons  déjà  vu  à  l'œuvre  pour  les  perfectionne- 
ments de  la  ftiUe,  du  haulbois  et  du  basson,  réussi- 
rent à  appliquer  d'une  façon  parfaite  le  système  des 
anneaux  mobiles  sui'  la  clarinette,  qu'on  désigne 
communément  depuis  sous  le  nom  de  clarinetie 
Bœhm,  bien  que  Théoliald  Bœhm  ne  se  soit  jamais 
occupé  de  cet  instrument,  qui  n'a  [iresque  rien  de 
commun  dans  son  mécanisme  et  dans  son  doigté  avec 
le  doigté  et  le  mécanisme  de  la  IhUe. 

Le  système  des  clés  dit  à  double  effet  vint  à  point 
sur  la  clarinette  à  anneaux  mobiles  pour  donner  la 
liberté  et  l'indépendance  du  doigté  dans  les  notes  du 
bout  de  l'instrument;  les  anneaux  et  leurs  correspon- 
dances permirent  d'assurer  la  justesse  des  sons  et 
la  régularité  du  doigté;  des  clés  supplémentaires, 
dites  clés  de  trilles,  achevèrent  de  permettre  l'exécu- 
tion des  traits  les  plus  difficiles,  et  cela  dans  toutes 
les  tonalités. 

Pour  la  clarinetie,  comme  pour  tous  les  autres  ins- 
truments, les  facteurs  modernes,  on  tête  desquels 
les  successeurs  de  Iîl'ffet  se  sont  toujours  tenus, 
n'ont  pas  jiigé  suffisant  que  l'on  pût  tout  exécuter 
sur  la  clarinette  à  anneaux  mobiles;  ils  ont  voulu 
que  l'artiste  pût  tout  exécuter  avec  facilité,  et,  à 
côté  de  la  clarinette  classique,  c'est-à-dire  telle  que 
Blffet  et  Klosé  l'avaient  créée,  on  trouve  mainte- 
nant des  clarinettes  eu  si,--  dont  le  pavillon  a  encore 
été  allongé  d'un  demi-ton,  ce  qui  donne  un  sif?  troi- 
sième ligne  plus  plein,  mais  aussi  et  surtout  un  mi  b 
grave  unisson  du  mit  de  la  clarinette  en  la. 

Cela  permet,  en  transposant,  ce  qui  n'est  qu'un  jeu 
pour  les  artistes  clignes  de  ce  titre,  d'exécuter  sur  la 
seule  et  unique  clarinette  en  sib  la  musique  écrite 
pour  l'ancienne  clarinette  en  ut,  comme  la  musique 
écrite  pour  la  clarinetie  en  la;  de  telle  sorte  que,  si 
les  artistes  se  décidaient  à  apprendre  désormais  la 
clarinette  moderne  en  stb>  en  sons  réels,  c'est-à-dire 
à  nommer  les  notes  non  d'après  la  règle  générale, 
mais  telles  qu'elles  sont  entendues  par  l'oreille,  en 
lisant  mi  b  pour  les  sept  trous  de  notes  bouchés  dans 
le  chalumeau  et  stb  pour  ces  mêmes  sept  trous  de 
notes  bouchés  dans  le  clairon  (à  la  douzième),  toute  la 
oiusique  de  clarinett*  pourrait  s'écrire  en  ut  comme 
la  musique  de  tlùte,  de  hautbois  et  de  basson,  [ce  qui 
Serait  un  immense  avantage  pour  tous  les  artistes  qui 
écrivent  ou  lisent  la  partition,  ainsi  que  pour  l'oreille 
des  clarinettistes,  eu  égard  à  la  tonalité  générale. 

.\ux  trois  clés  doublées  $i:-mit,  do^-fai,  doit-fa^, 
on  a  encore  ajouté  une  double  clé  de  mi  b-/"b,  ce  qui 
complète  l'indépendance  du  doigté  pour  les  petits 
lioigts  droit  et  gauche  quelle  que  soit  la  tonalité; 
comme  ponr  le  hautbois,  on  a  doublé  pour  l'index 
droit  la  clé  de  so/jf:  soli-do:  pour  la  clarinette,  mais 
on  ne  peut  suivre  toutei  les  facilités  qu'où  ajoute 
chaque  jour,  soit  pour  renchérir  sur  les  autres  fac- 
teurs dans  nue  exposition,  soit  tout  simplement  pour 
repondre  au  désird'un  ai-tiste  qui  pnjfére  ceci  à  cela, 
à  moins  qu'il  ne  demande  à  la  fois  ceci  et  cela. 


TECHNIQUE,  ESTHETIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A    VENT    1439 


3C 


FiG.  356.  —  ClariMltes. 


FiG.  357.  —  Clarinelles. 


1440 


ESCVCLOPEDIE  DE  LA  MUSIOUE  ET  DICTIO.V.VAinE  DV  r.oySEliVATOIRE 


L'étendue  de  la  clarinette  est  la  suivante 


avpi-  liiim  !ms  fli-nij-lims  l'1llTTTTraTTTpTE5= 


(  k)  tio 


Exemple  46. 


On  a  également  construit  des  clarinettes  en  l'amillej 
sans  oublier  la  clarinette  d'amour. 

Actuellement,  la  famille  des  clarinettes  est  consti- 
tuée dans  des  conditions  parfaites,  mais  elle  est  bien 
rarement  réunie  ailleurs  que  dans  les  vitrines  d'expo- 
sition, el  cela  est  bien  regrettable,  car  elle  pourrait 
rendre  de  fort  beaux  elTels  d'orchestre  ou  de  musique 
d'harmonie. 

Les  éléments  en  sont  : 
La  petite  clarinette  en  mi[<  ; 
La  grande  clarinette  en  si^;  ou  en  la; 
La  clarinette  alto  en  mî|i;  ou  enfa; 
La  clarinette  basse  en  si\^;  ou  en  ut; 
La  clarinette  contralto  en  mH>;  ou  en  fa  (octave 
grave  de  la  clarinette  alto,  et  bien  mal  nommée,  car 
c'est  en  réalité  une  clarinette 
contrebasse). 

La  clarinette  contrebasse 
que  certains  dénomment  clarinette 
pédale,  en  ut  ou  en  sih; 

Toutes  ces  clarinetles  se  font  en 
système  à  anneaux  mobiles  ou  en 
système  à  13  clés. 

Les  méthodes  les  plus  réputées 
sont  de  Beeb,  revue  et  complétée  par 
M.  M.MART,  Klose,  revue  par  Grisez, 
Magnani. 

Saxophone. 

Le   saxophone   a   pour  antécédent 
les  cornets  à  bouquin,    les  serpents 
et  les  opbicléïdes,  tout  en  procédant 
d'autre  part  des  principes  des  chahi- 
FiG.  358.         maux  coniques.  Pour  ne  pas  merépé- 
Clarinelte  à  perce  ter,  je  ne  puis  mieux  faire  que  de  ren- 
conique.  >.  •>    •  j.  •    ,-.  j 

voj  er  a  ce  que  j  ai  déjà  dit  de  ces  ins- 
truments, notamment  aux  pages  1415  et  suivantes. 


Déjà,  en  1807,  un  horloger  de  Lisieux,  DEaFo.ME- 
NELLES,  avait  eu  l'idée  d'une  sorte  de  clarinette  basse 
à  perce  conique,  ou  bien,  plus  exactement,  d'un  ophi- 
cléïde  ou  serpent  à  clés  muni  d'un  bec  de  clarinette 
remplaçant  l'enibouchure  ou  bouquin. 

Cette  invention  était  d'autant  plus  géniale  qu'à 
cette  date  les  instruments  en  bois  n'avaient  encore 
que  cinq  clés,  six  tout  au  plus,  el  que  les  ophicléïdes 
qui  ne  devaient  apparaître  que  vers  1813  n'avaient 
pas  encore  remplacé  les  serpents. 

Or,  l'instrument  de  Desfontenelles,  qu'on  peut 
voir  au  musée  du  Conservatoire  de  musique  de  Paiis, 
porte  sept  trous  pour  les  doigts  et  douze  trous  fermés 
par  des  clés  à  tampons  de  cuir. 

On  peut  se  rendre  compte  par  la  figuré  ci-dessus 
que,  à  part  le  métal  (cet  instrument  est  en  bois),  le 
principe  du  saxophone,  la  forme  même,  étaient  trou- 
vés trente-quatre  ans  avant  la  production  du  premier 
instrument  de  Ad.  Sax  (1841)  et  trente-neuf  cns  avant 
que  ne  soit  accordé  le  brevet  du  saxophone  (1846). 

Je  ne  veux  pas  dire  ici  que  Ad.  Sax  avait  eu  connais- 
sance de  l'instrument  de  Desfontknelles,  ni  lui  reti- 
rer le  mérite  de  son  invention,  mais  enfin  il  n'est  pas 
mauvais  qu'on  sache  qu'un  Français  de  France,  un 
Normand,  avait  eu  cette  conception  et  l'avait  exécu- 
tée près  d'un  demi-siècle  avant  l'homme  qui  donna 
son  nom  à  cet  instrument,  ainsi  qu'à  toute  une  série 
d'autre  instruments,  les  saxhorns,  qui  ne  lui  devaient 
absolument  rien,  ni  pour  le  principe,  ni  pour  le  mé- 
canisme, et  dont  il  n'avait  que  légèrement  modifié 
la  forme  et  les  proportions  du  tube  sonore,  ou  plus 
exactement  auxquels  il  avait  donné  les  proportions 
du  clairon  chromatique  et  des  ophicléïdes  qui  exis- 
taient déjà. 

Le  saxophone  a  le  doigté  général  des  instruments 
à  trous,  il  en  a  reçu  tous  les  perfectionnements  et 
peut  exécuter  tous  les  traits. 
Son  étendue  est  la  suivante  : 


,(1)     12) 
1,^  (?) 


m 


:fiafiimjBij«iraiiiB»mtaii«imiliiKiniiniK 


1^ 


(1) SOPRANO  .BARYTOJSJ  ET  BASSE  . 
(2)ALT0  ET  TENOR 


Exemple  47. 


Cette  étendue  est  très  sensiblement  la  même,  au 
moins  pour  l'alto  et  le  ténor,  que  l'étendue  du  haut- 
bois, et  l'on  peut  étudier  avec  fruit  toute  la  mu- 
sique de  hautbois  sur  le  saxophone,  comme  on  peut 
retirer  avantage  en  travaillant  certaines  études  de 
saxophone,  celles  de  Demersmann  par  exemple,  sur 
le  hautbois. 

La  famille  des  saxophones  comprend: 

Le  saxophone  sopranino  en  j«i[i;  très  peu  employé; 

Le  saxophone  soprano  en  siU; 

Le  saxophone  alto  en  mi  h,  rarement  en  fa; 

Le  saxophone  ténor  en  sil-,,  rarement  en  ut  ; 

Le  saxophone  baryton  en  mib  (c'est  une  véritable 
basse). 

Le  saxophone  basse  ensi>  (c'est  une  con'rebasse). 


Les  méthodes  les  plus  réputées  sont  celles  de  ; 

Klosé  revue  par  Emile  Dérignv. 

L.  Majeur.  —  A.  Majeur. 

M.  DuPAQUiER,  artiste  de  la  musique  de  la  Garde 
républicaine,  est  parvenu  à  faire  construire  par 
la    maison  Coues.non  et  G'"  un    saxophone    ténor 


en    ut    descendant  jusqu'au  sol   grave        O- 


et  montant  au  sol  aigi 


"É 


étendue  réelle 


de  trois   octaves,  et  cela,  sans  changer  en  rien   le 


TECH.\1QUE,  ESTHETIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1441 


doigté  usuel  des  notes  de  l'étendue  ordinaire.  C'est 
là  un  progrès  considérable,  qui  peut  fortement  aider 
à  un  emploi  constant  de  ce  bel  instrument  ;i  l'or- 
clieslre  et  qui,  s'il  pouvait  être  appliqué  aux  instru- 
ments d'autres  tonalités,  pourrait  rendre  les  plus 
grands  services  dans  les  harmonies  et  les  fanfares 
(Voir  (ig.  259  à  2621. 

Sarrnsophonés. 

Pour  le  sarrusoplione,  je  n'ai  que  bien  peu  de 
chose  à  ajouter  à  ce  que  j'en  ai  dit  page  1410  où  j'ai 
indiqué  son  origine  et  ses  inventeurs. 

L'étendue  est  de  trois  octaves  complètes.  \^ 


•LÀ, 

Sciprauo  Basse 

FiG.   359   et  360. 
SaiTusophones. 


Exemple  48. 

Le  doigté  est  semblable  au  doigté  du  saxophone 
dans  ses  deux  premières  oc- 
taves et  n'en  ditfère  que  dans 
son  octave  aiguë,  de  telle 
sorte  qu'un  saxophoniste  peut 
en  quelques  jours  se  rendre 
maître  du  sarrusoplione,  sur- 
tout de  l'un  des  sarnisopho- 
nes  graves,  car  les  anches  des 
inslruments  aigus,  assez  sem- 
blables aux  anches  des  haut- 
bois, ollrent  toutes  les  déli- 
catesses et  aussi  les  difficullés 
de  ceux-ci. 

11  existé  une  méthode  et 
une  tablature  de  sarruso- 
phone  de  Coyon. 

On  peut  aussi  le  travailler 

sur  les  mélhodes  et  études  de 

saxophones  ou   de   hautbois. 

La    famille    est    composée 

comme  il  suit  : 

Sarrusophone  sopranino  en 
mi,-:. 

Sarrusophone  soprano  en  si.u. 

Sarrusophone  alto  en  mi'p. 

Sarrusophone  ténor  en  sip. 

Sarrusophone  baryton  en  mir'. 

Sarrusophone  basse  en  sii;  (octave  grave  du  tenon. 

Sarrusophone  contrebasse  en  mip  (octave  grave  du 
baryton). 

Sarrusophone  contrebasse  en  ut  ou  en  si'p  (double 
octave  grave  du  ténor). 

Cornemuse. 

Bien  que  la  cornemuse  ne  soit  pas  un  instrument 
d'orchestre,  elle  a  tenu  et  elle  tient  encore  trop  de 
place  dans  certains  pays  pour  qu'il  soit  permis  de  la 
passer  sous  silence;  d'ailleurs,  son  emploi  régulier 
dans  les  troupes  écossaises  du  Royaume-L'ni,  sous 
le  nom  de  Baj-pipc,  nous  fait  un  devoir  de  l'exami- 
ner ici. 

Nous  avons  vu  jusqu'ici  l'anche  de  tous  les  chalu- 
meaux placée  directement  sous  la  pression  des  lèvres, 
mais  on  a  construit  et  on  construit  probablement 
encore  une  espèce  de  chalumeau  dont  le  corps  est 
un  véritable  hautbois  primitif,  mais  dont  l'anche  fixée 

Copyright  hy  Librairie  Delagrave,  192  i. 


au  bout  supérieur  de  l'instrument  est  protégée  et 
recouverte  par  une  sorte  de  manchon  percé  d'un  trou 
dans  la  partie  supérieure  comme  un  petit  bec  de 
tlageolet.  (Voir  fig.  ci-contre. I 

Je  me  souviens  d'avoir  vu  dans  ma  jeu- 
nesse de  ces  chalumeaux  chez  un  marchand 
d'instruments  de  musique  de  Chartres  et 
destinés  aux  bergers  beaucerons. 

Elargissez,  étendez  la  capacité  intérieure 
du  manchon,  et  vous  aurez  le  principe  de 
la  cornemuse  (lig.  362). 

Dans  l'espèce,  cet  instrument  se  compose 
de  trois  à  cinq  tuyaux  fixés  sur  une  outre 
ou  sac  de  cuir,  destinée  à  emmagasiner  le 
souille  de  l'exécutant  envoyé  par  le  tuyau 
porte-vent  (le  plus  court). 

L'outre  est  tenue  sous  le  bras  et  en 
reçoit  la  pression,  ce  qui  précipite  l'air 
contenu  dans  l'outre,  avec  plus  ou  moins 
de  force,  suivant  que  cette  pression  se  fait 
plus  ou  moins  sentir,  dans  les  tuyaux-ins- 
truments dont  elle  est  garnie. 

Dans  la  cornemuse,  deux  tuyaux  pour- 
raient suffire  :  un  tuyau  porte-vent  et  un 
chalumeau  percé  des  six  ou  sept  trous  de 
notes  classiques.  Cependant,  si  ancienne 
que  nous  la  voyions  représentée,  elle  porte 
au  moins  trois  tuyaux  :  un  luyau  porle- 
vent,  un  chalumeau  et  un  bourdon;  beau- 
coup de  descriptions  disent  piUc  et  bour- 
don, ce  qui  prouve  ce  que  j'ai  dit  page  li32 
de  la  confusion  de  ces  deux  termes  chez 
les  anciens,  car  il  s'agit  bien  ici  d'une  flûte 
il  anche,  battante  suivant  certains,  double 
suivant  d'autres,  mais  toujours  et  essen-  J. 
tielleraeiit  anche,  ce  qui  constitue  bien  le  Fia.  361. 
chalumeau. 

lin  dehors  du  porte-vent  et  ilu  chalumeau,  les 
luyaux  supplémentaires  sont  toujours  des  bourdons, 
et  cela  se  comprend,  les  mains  ne  pouvant  varier  les 
sons  que  sur  le   seul  chalumeau  ;   les  bourdons  ne 


i 


Fig.  362. 

peuvent  donner  qu'un  seul  son  lixe,  ce  que  les  har- 
monistes nomment  une  pédale;  en  conséquence, 
lorsqu'il  n'y  a  qu'un  seul  bourdon,  celui-ci  est  réglé 
pour  donner  la  fondamentale  à  l'unisson,. ou  mieux 
à  l'octave  grave  de  la  première  fondamentale  (tous 
les  trous  bouchés)  du  chalumeau;  s'il  y  a  deux  bour- 
dons, le  plus  grave  donnera  la  fondamentale  et  le 
suivant  donnera  la  dominanti:  de  celle  fondamen- 
tale; enfin,  s'il  y  a  trofs  bourdons,'  le   plus   grave 

91 


1442 


ENCYCLOPEDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSEIIVATOIRE 


FiG.  363.  —  Utricularium  romain  on  corneniuse.  Bas-relief 
antique,  cour  du  Palais  de  Santa-Croce  (Rome).  —  Cornerau- 
seur.  xinc  siècle,  sculpture  de  la  maison  des  Musiciens  à 
Reims. 

donnera  la  fondamentale,  le  second 
donnera  la  dominante  et  le  troisième 
donnera  la  fondamentale  redoublée 
du  premier,  et  à  ce  sujet,  devant  la 
cornemuse  romaine  du  palais  de  Santa- 


FiG.364.  —  Zampogna  italienne.       Fig.  365.  — Cornemuse. 


Croce  de  Rome  et  voyant  qu'elle 
est  à  plus  de  deux  tuyaux,  je  ne 
puis  m'empêcher  de  remarquer 
que  les  Romains  admettaient  au 
moins  le  bourdon  ou  pédale,  ce 


—  Cornemuse  française 
(xvu»  siècle). 


qui  constituait  évidemment  une  harmouie  peu  variée, 
mais  enlin  une  harmonie,  contrairement  à  l'avis  des 
historiens  qui  nous  affirment  que  les  anciens  n'ad- 
mettaient et  ne  connaissaient  que  l'unisson  ou  l'oc- 
tave. 

Musette. 

Nous  voyons  ci-dessous  des  cornemuses  dont  le 
tuyau  porte-vent  est  remplacépar  un  souftlet. 


Fig.  368.  —  Pibroch  écossais. 

Ce  soufflet,  qui  évitait  la  fatifîue  du  souftle  hu- 
main et  qui  fut  imaginé,  parait-il,  par  Colin  Muset, 
oflicier  de  Thibault  de 
Champagne  (d'où  le  nom 
de  musette),  constitue  la 
seule  différence  qu'il  y 
a  entre  la  cornemuse  et 
la  musette;  l'instrument 
ne  varie  pas,  le  mode  de 
fourniture  du  vent,  seul, 
est  différent. 

La  cornemuse  que  nos 
anciens  poètes  ont  chan- 
tée sous  les  noms  de  pipe, 
pibole,  chalemelle,  chale- 
mic,  muse,  musette,  saco- 
mitse,  chevrette,  vize,  loure, 
que  nous  retiouvons  en- 
core en  Italie  sous  le  nom 
de  znmpogna,  en  Angle- 
terre sous  celui  de  bag- 
pipe,  et  en  Bretagne  sous 
l'appellation  de  biniou,  est 
très  ancienne  et  pourrait 
bien  être  d'origine  celti- 
que. Le  fait  est  qu'elle  est  restée  très  populaire  en 
Basse-Bretagne,  et  que  la  Grande-Bretagne  l'a  pla- 
cée en  tête  de  chacun  des  bataillons  de  ses  troupes 
écossaises,  comme  je  l'ai  déjà  fait  remarquer. 

Aux  xvii«  et  xviii=  siècles,  elle  eut  beaucoup  de 
vogue,  on  en  fit  de  modèles  très  riches  et  on  ne 
dédaigna  pas  d'en  jouer  ou  d'en  faire  jouer  chez  les 
plus  grands  seigneurs,  même  à  la  cour;  ce  fut  le 
beau  temps  de  la  musette,  c'est-à-dire  de  la  cor- 
nemuse à  soufflet,  ce  qui  permettait  même  aux 
grandes  dames  l'usage  de  cet  instrument  à  la  mode. 

L'anche  n'étant  pas  sous  l'action  des  lèvres,  le 
chalumeau  ne  peut  octavier,  et  se  trouve  limité  à  une 
étendue  d'octave  simple;  d'autre  part,  la  langue  ne 
pouvant  agir  sur  l'anche,  aucun  son  ne  peut  être 


Fig.  369.  —  Musette. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1443 


attaqué  et  on  ne  peut  que  loui'er  les  notes  par  des 
pressions  lytlimiques  du  bras  sur  l'outre,  d'où  le  nom 
de  loure  donné  tjuelquefois  à  cet  instrument. 


FiG.  370.  —  Musette. 

Il  existe  un  Traité  de  musette  pa.TCh.  Borjon,  édité 
à  Lvou  en  1672. 


Fia.  371.  — ■  Musettes.  Collections  de  MM.  de  BriqueviUe, 
Samarv,  Gilbert  et  Savove. 


Trompette. 

La  trompette  est  l'instrument  de  musique  par  ex- 
cellence, car  elle  contient  en  elle,  suivant  les  propor- 
tions qui  lui  sont  données,  tout  le  système  musical  de 
tous  les  peuples,  depuis  les  quarts  et  les  tiers  de  ton 
grecs  jusqu'aux  intervalles  de  plus  en  plus  grands 
de  secondes  mineures  et  majeures,  de  tierces,  de 
quarte,  de  quinte  et  enfin  d'octave,  nous  donnant 
ainsi,  suivant  la  série  d'harmoniques  qu'il  nous  plaît 
d'en  faire  sortir,  le  type  de  la  gamme  chromatique, 
celui  de  la  gamme  diatonique  et,  par  l'ensemble  de 
plusieurs  trompettes,  la  constitution  de  tous  les  ac- 


■ 

4t 


Q 


FiG.  372.  —  Trompettes  chinoises. 


Fie.  373.  —  Trompette  assyrienne,      Fig.  374.  —  Trompettes 
d'après  un  monument  de  Ninive.       romaines,  d'après  Lavoix. 

cords   de  l'harmonie   naturelle   qu'elle    donne,    en 
somme  à  elle  seule,  dans  la 
forme    arpégée    (revoir   les 
pages  1402  à"  140:1 1. 

II  est  si  vrai  que  la  trom- 
pette contient  en  elle  le  sys- 
tème musical  universel,  que 
l'on  ne  voit  nulle  part  un 
peuple,  ayant  un  système 
musical  si  rudimentaire 
qu'on  le  puisse  imaginer, 
qui  ne  connaisse  et  n'em- 
ploie cet  instrument. 

On  a  dit  et  écrit  que  les 
Chinois,  que  les  Indiens, 
que  divers  peuples  ont  des 
gammes  toutes  différentes 
de  la  nôtre  et  qu'ils  em- 
ploient des  intervalles  que 
nous  ne  connaissons  pas; 
c'est  là  une  erreur;  tous 
connaissent  et  emploient  la 


1444 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


O 


FiG.  3S0.  —  Cornu  ou  ror  romain. 


^ 


tous  les  degrés.  Il  eu  était  de  même  de  nos  pères  qui 
évitaient  de  se  servir  de  l'intervalle  mélodique  de 
quinte  diminuée  ou  de  son  renversement  la  quarte 
augmentée  qu'ils  appelaient  le  diable  eu  musique  ; 
les  gammes  de  ces  peuples  sont  donc  semblables  à 
la  nôtre,  mais  avec  un  ou  deux  degrés  en  moins,  gé- 
néralement l'un  de  ceux  qui  forment  demi-ton;  soit 
en  ul  :  le  mi  ou  le  fa,  quelquefois  le  si,  suivant  les 
peuples;  ces  notes  ne  leur  manquent  pas,  ils  ne  les 
emploient  pas,  voilà  tout. 


trompette,  et  comme  son  tube  sonore  n'a  pas  deux 

lois  de  résonance  sui- 
vant qu'il  esl  eniploj'é 
ici  ou  là,  il  s'ensuit 
que  tous  ces  peuples 
connaissent  notre 
gamme.  La  vérilé  est 
que  leur  gamme  est 
fondée  comme  la  notre 
sur  la  gamme  type,  sur 
la  gamme  naturelle  de 
la  trompette,  mais 
que,  par  babitude,  par 
goût  ou  pour  une  rai- 
son quelconque,  ils 
n'en     emploient     pas 


FiG.  3S1. 

ti,  conque.  Don  du  prince  Henri  d'Orléans;  h,  conque  des  fusi- 
liers catalans  ou  service  de  la  France  sous  Louis  XIV;  c, 
Irumpetle  des  Iles  de  l'océanie. 

Qu'est  la  trompelte  ?  L'n  tube  conique,  semi- 
coni(|ue  ou  presque  cylindrique,  dont  la  colonne  d'air 
contenue  en  ses  parois  est  mise  en  vibration  par  le 
choc  du  souffle  bumaiii  sur  sa  plus  petite  ouverture 
nommée  autrefois  bouquin  et  maintenant 
embouchure. 

Les  premières  trompettes  furent,   sui- 
vant les  lieux  ou  les  circonstances,  une 
conque  ou    une   corne,   qui    deviendront 
par  la  suite  un  cornet  ou  un  cor  en  fran- 
çais, horn  en    allemand,    mot  que    nous 
retrouverons  en  France  dans 
les   saxhorns;  bugle,  dérivé 
en    anglais   de  bujfaio,  pour 
corne  de  buflle.   Trompette 
ne    doit   pas   être    pris    ici 
dans    son    sens    absolu    de 
l'instrument  spécial  que  nous 
connaissons       aujourd'hui, 
mais    dans  son   sens    géné- 
ral d'instrument  à  embou- 
chure. 


FiG.   386. 
Conque  servant  Trompelte 
il  donner       [^  romaine, 
les  signaux. 


Fui.  387.  —  Trompettes  juives,  nommées  jfAii/"(i'',  nommées 
aussi  hcrea  (corne)  et  yoliet  (jubilation,  retentissement). 

Cette  forme  se  mai'itiMil  dans  les  cornes  d'appel,  j 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1445 


«,  cor  ou  cornet  des  Indiens;  *,  chaizotzeroth;  c,  hagocera, 
trompelto;  il,  hagocera,  Irompetle  droite  en  métal;  e,  grande 
trompette  russe  (rambosson);  f,  oheipour. 

dans  les  cornets  et  cors  militaires,  ainsi  que  dans 
l'olifant  (cor  creusé  dans  une  défense  d'éléphant)  du 
moyen  âge. 


Fia.  389. 

Cor  SL'igneurial 

en  argent  (Russie). 


FiG.  390.  —  Cor 

seigneurial  en  ivoire 

dit  olifant. 


Fio.  391, 

Trompette 

antique. 


Fio.  392.  —  Olif  mt  (xti»  siècle). 


Puis,  la  forme  se  modifie  et  s'allonge  :  d'une  part, 
elle  tend  à  s'arrondir  vers  la 
forme  du  cor  moderne  en 
maintenant  toujours  la  perce 
conique,  mais  de  plus  en 
plus  étroite,  et,  d'autre  part, 

elle  lend  à  se  redresser  et  à  fig.  393.  -  Trompette  en 
rendre  sa  perce  cylindrique,      usage  sur  la  cote  de  Gui- 
quitte  à  se  replier  plus  lard     "^'^• 
pour    devenir   notre'  trom- 
pette ou  notre  trombone  moderne. 

Au  sujet  de  ces  cors 
russes,  dont  les  histo- 
riens ne  manquent 
jamais  de  parler,  il 
est  une  remarque  im- 
portante à  faire.  Il  est 
écrit  partout  que  ces 
fameux  cors  ne  don- 
nent qu'une  seule  noie 
et  que  les  seigneurs 
russes  qui  possèdent 
des  orchestres  de  cors 
sont  oliligés  d'avoir 
autani  d'instrumenlis- 
tes  qu'ils  veulent  faire 
entendre  de  notes;  or, 
ces  cors  sont  des  ins- 
truments à  embou- 
chure, et,  comme  tels, 
capables  de  donner 
chacun  au  moins  plu- 
sieurs harmoniques; 
s'il  peut  être  vrai  que 
les  instrumentistes 
spéciau.ic  de  ces  orches- 
tres soient  exercés  à 
ne  jamais  faire  enten- 
dre qu'une  seule  et 
unique  noie  sur  leur 
instrumeni,  il  né  peut 
être  vrai  que  ces  ins- 
truments ne  puissent 
donner  que  la  seule  et 
unic|ue  note  qui  leur  est  attribuée. 


Fig.  39».  —  Cors  russes. 

n,  contrebasse;  li,  lénor;  c,  alto; 
(/,  soprano  aigu;  e,  soprano. 


e-^ 


Fig.  395« 

Trompe 

finlandaise. 


Fi«.  396. 

Trompe  de  berger 

(tiii"  siècle). 


Fia.  397. 

Trompe 

finlandaise. 


1446 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Cor  des  Alpes.  —  Instrumenl  de  lierger  qu'on  trouve 
en  Suisse,  en  Suède,  en  Norvège,  en  Houmanie,  en 


FiG.  39S.  —  Cors  des  Alpes. 

Transylvanie  et  jusque  dans  les  montagnes  derilima- 
laya.  Cet  instrument,  dont  le  principe  est  le  même 
que  les  trompettes  en  cuivre,  est  construit  en  écorce 
de  boisfroulé. 


FiG.  399.  —  ïrompelte  militaire  sous  Louis  XIV. 

Il  y  a  enfin  les  trompettes  droites  ou  pliées  à  la 
façon  moderne. 


lliiiimiiiiiiiiii»«,iiiiiliisirtiijiiaiiii)iiiiiiiiiii]ioiiiiM.l 
FiG.,-iOO.  —  Tronipetle  espugnole  avec  bannière  brodée. 


\7 


liv 


s 


FiG.  iOi.  —  TrompeUe  iitudcine  de  cavalerie. 

Trompette  d'harmonie.  —  Cette  dernière  trom- 
pette dillere  de  la  précédente  par  la  pompe  d'accord 
et  par  les  tons  de  rechange  qui  lui  permettent  de 
jouer  dans  les  diflerentes  lonalilés  irevoir  les  pages 
de  1416  à  1423). 


(T^ 


FiG.  405.  —  Trompelles  d'harmuiiic. 


FiG.  106.  —  Trompelles  à  coulisse. 

Cette  trompette  à  été  construite  pendant  la 
(leusième  moitié  du  xix«  siècle,  en  sol  avec  les  tons 
de  rechange  de  fn,  witl^,  mici,  ré,  ré  p  et  ut;  elle  ne  se 
construit  plus  maintenant  qu'en  fa  et  mi\,  ipour  le 
princi(ie  îles  pistons,  revoir  les  pages  1418  et  sui- 
vanles);|d'une  perce  étroite  eu  égard  à  la  longueur,  et 
munie  d'une  embouchure  à  petit  grain,  elle  est  pri- 
vée des  sons  1,  et  l'on  ne  peut  olitenir  les  sons  2 
qu'avec  dil'liculté.  Ce  n'est  donc  qu'à  partir  des  sons 
.<  que  l'on  peut  se  servir  de  cet  instrument  avec  quel- 
que aisance;  en  revanche,  on  peut  monter  jus(|u'au 
son  12,  et  d'habiles  instrumentistes  peuvent  même 
dépasser  cette  limite. 

L'étendue  écrite  de  la  grande  trompette  (de  sol 
à  ut  grave),  suivant  le  mode  adopté  pour  tous  les 
instruments  ^  pistons  lisant  en  clé  de  sol,  sauf  le  cor 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A    VENT    144" 


FiG.  iÛ7.  FiG.  -iOS.  FiG.  409. 

Trompelte      Trompette  moderne     Trompette  en  fu  et  mi'^. 
à  coulisse  et  à       à  trois  pistons. 
un  piston. 

pour  lequel  celte  observation  est  également  appli 
cable,  devrait  être  : 

•e 


* 


^tU'JMiiDmiMiaiiuiiiQitniKaMiiuniitiiiiiiicM: 


Exemple  49. 

et  c'est  ainsi  qu'il  faut  lire  certaines  partitions, 
notamment  celles  de  Sellenicr;  mais,  pour  ramener 
les  notes  le  plus  souvent  employées  dans  la  portée 
et  éviter  les  lignes  supplémentaires  supérieures,  on 
a  pris  l'habitude  de  baisser  l'écriture  d'une  octave, 
et  l'étendue  écrite  se  trouve  ordinairement  ramenée 


É 


ravciBriiiKai-jïBiruiiiBKiiiKWHilUiiliMPijUlu: 


Exemple  50. 

Il  en  est  tout  autrement  pour  la  petite  trompelte 
en  ré,  ut  ou  si  [i,  dont  les  artistes  ont  pris  l'habitude 
de  se  servir  depuis  peu  d'années  avant  tOOO,  quelles 
que  soient  les  tonalités  des  trompettes  indiquées  sur 
les  partitions. 


FiG.  410.  —  Trompette  en  iil  aigu. 


Ces  instruments,  n'ayant  pas  une  perce  aussi  étroite, 
ni  un  grain  d'embouchure  aussi  fin  eu  égard  à  la 
iongueur  du  tube,  peuvent  disposer  des  sons  2,  mais 


ne  peuvent  f.;uère  dépasser  les  sons  S  ;  en  conséquence' 
l'étendue  en  est  écrite  conformément  au  mode  habi- 
tuel des  instruments  à  pistons,  notamment  des 
cornets  dont  la  longueur  pour  les  tons  similaires, 
l'étendue  et  le  mécanisme  sont  les  mêmes. 


UVI.slf.S  fJTiiii-lniK  flii-miialiipiiiiL- 


Exemple  ôl. 

Les  meilleures  méthodes  pour  la  trompette  ont 
été  celles  de  David  BuLH,  Kresser  et  Dauverné,  mais 
elles  ne  sauraient  être  employées  pour  étudier  avec 
la  nouvelle  trompette  dont  l'étendue  n'est  plus  la 
même,  et  le  mieux  est  de  se  servir  des  méthodes 
écrites  pour  le  cornet. 

Cor. 

Nous  avons  vu  plus  haut,  la  trompette  (corne)  s'al- 
longer, s'arrondir  et  être 
citée  sous  la  dénomina- 
tion de  cor  de  chasse  par 
le  P.  Mersenne. 

Cet  instrument  conti- 
nua de  s'allonger  et,  pour 
rester  portatif,  de  s'en- 
rouler, de  s'enrouler 
encore,  et  nous  retrou- 
vons noire  cor  de  chasse 
actuel  en  ré  avec  un  tube 
long  de  4  mètres  b4  et 
faisant  deux  tours  et 
demi  entre  son  embou- 
chure et  son  pavillon. 

Ce  cor,  cette  trompe 
ou  grande  trompelte,  est 
de  tous  les  instruments 
modernes  celui  sur  le- 
quel  il  est  possible   d'obtenir  les  harmoniques  les 
plus  élevés,  et  j'ai  entendu  le  p.iofesseur  de  trompe 
H.   Cléret   faire   sortir,  jusqu'au  ii"   harmonique, 
sans  aucune    prépa- 
ration et    avec    une 
embouchure   à   gros 
grain  lui  permettant 
d'olilenir    le    son    2 
avec    toute    facilité. 
Nul     doute     qu'avec 
une    embouchure    à 
grain  fin  et  quelques 
jouis    d'études    dans 
ce   but  on  ne  puisse 
parvenir    au    moins 
au  son  .32. 

En  introduisant  le 
cor  à  l'orchestre,  et 
surtout  en  adoptant 
le  système  des  tons 
de  rechange  (revoir  Fig.  us.  —  Tenue  du  cor  de  chasse. 
les  pages  H16  et  sui- 
vantes), il  fallut  ramener  la  longueur  du  tube  à  la 
tonalité  la  plus  aiguë  de  sir-  baut  {i'".'iij,  mettre  une 
coulisse  d'accoid  et  compléter  toutes  les  autres  lon- 
gueurs de  tonalités  par  la  longueur  des  tons  de 
rechange;  c'est  ainsi  que  le  ton  de  sib  b«s  doSl  avoir 


FiG.  i  1 1.  —  Cor  de  chasse- 


1448  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


FiG.  413.  —  Cor  d'harmonie. 

à  lui  seul  une  loni;iieur  de  2", 71  épale  à  la  longueur 
de  l'instrument  même;  or,  les  tons  de  rechange,  de 
même  que  la  coulisse  d'accord,  sont  C3lindriques, 
de  telle  sorte  que  le  cor  en  si\<  haut  est  un  instru- 
ment à  perce  conique  presque  dans  toute  sa  longueur 
(la  coulisse  d'accord  seule  est  cylindrique),  tandis 
que  le  cor  en  si  h  bas  est  cylindrique  pour  plus  de  la 
moitié  de  sa  longueur  totale;  c'est  là  la  principale 
raison  du  changement  de  timbre  des  diverses  tona- 
lités du  cor. 

La  forme  modifiée  de  ce 
cor  ne  permettait  plus  de  le 
tenir  comme  le  cor  de  chasse, 
et  on  prit  l'habitude  d'assu- 
jettir l'embouchure  aux  lèvres 
en  tenant  le  haut  de  l'instru- 
ment de  la  main  gauche  et 
d'en  soutenir  le  poids  par  la 
main  droite  placée  dans  le 
pavillon. 

Le  cor  d'harmonie,  qui  est 
d'invention   française   remon- 
tant au  XVI»  siècle,  ne  pouvait 
disposer  de  la  gamme  diato- 
nique que  dans  l'aigu,  et  n'avait  que  des  intervalles 
disjoints  dans  le  médium  et  le  grave. 


1ȣ1^5 


Où 


,u 


e  be  ^ 


~rs- 


E.^emplo  52 

Pour  ramener  les  notes  le  plus  souvent  employées, 
dans  la  portée,  on  baisse  l'écriture  d'une  octave, 
comme  je  l'ai  expliqué  pour  la  trompette  page  1447, 
et  l'exemple  précédent  devrait  être  ramené  à  ceci  : 


P 


o  ^ 


\a\ 


Q.-» 


rc 


Excmiilc  53. 

Mais,  par  une  habitude  inexplicable,  ce  n'est  pas 
ainsi  qu'on  l'écrit.  Baissant  les  sons  2  et  .3  de  deux 
octaves,  alors  que  tous  les  autres  h:irmonii]ues  n'ont 
qu'une  octave  de  dilférence,  on  fait  apparaître  à  l'œil 
un  intervalle  de  onzième  entre  les  sons  '.i  et  4,  alors 
qu'ils  ne  sont  distants  que  d'une  quarte  : 


^W 


o  ^ 


y 


Q^ 


Ê^Z 


FiG.  il 4, 
Tenue  du  cor  d'harmonie. 


Exemple  54. 

Au  xviiie  siècle,  un  corniste  allemand,  Hampel, 
s'aperçut  que  la  main  droite  qui  soutenait  le  pavillon 
pouvait,  en  s'enlonçanl  davantage  ou  en  se  pliant  et 
en  le  bouchant  ainsi  plus  ou  moins,  obtenir  l'abais- 
sement de  chacune  des  notes  d'un  demi-Ion,  d'un  ton 
ou  même  d'une  seconde  augmentée  ou  tierce  mineure. 

On  parvint  ainsi  à  compléter  tant  bien  que  mal  la 
gamme  ci-dessous  : 


m 


w 


é 


r^ip^ 


w^^^^^ 


JljUl^J^^l^i 


ïfe 


.  m  la  Q  g 


Exemple  I 


On  conçoit  aisément   que  plus  le  pavillon  est  obs- 
trué, bouché,  plus  la  note  est  sourde,   et  qu'il  était 
presque  impossible  de  faire  entendre  une  gamme  h 
peu  près  homogène  avec  ce  système.  En  elfet,  comme 
on  ne    pouvait  éclaircir  les  sons  bouchés,  il  fallait 
diminuer  l'éclat  des   sons  ouverts  (c'est  ainsi  qu'on 
qualifie  ces  deux  sortes  de  sons),  et  l'on  ne  pouvait 
obtenir  des  sons  à  peu  près  égaux  que  dans  la  nuance 
piano    et    même    pianissimo,    s'il    s'agissait   d'une 
gamme  chromatique;  que  la  nuance  fût  seulement 
mezzo-forte,  toute  égalité  de  sons  devenaitimpossible. 
J'ai  indiqué  par  des  points  les  sons  les  plus  sourds 
dont  on  ne  pouvait  presque  pas  se  seivir,  sauf  dans 
des  ell'ets  de  sonorité  ou  plutôt  de  timbre  tout  à  fait 
spéciaux,  par  des  noires  les  sonsencore  sourds,  mais 
qu'on  pouvait  employer  assez  aisément,  et  enfin  par 
des  blanches  ceux  qui  restaient  assez  sonores  pour 
ne  pas  faire  une  trop  grande  disparate  avec  les  sons 
;  ouverts. 

C'est  en  1814  que  le  Silésien  Blihmel,  en  cherchant 
à  faire  l'échange  des  tons  du  cor  d'harmonie,  inventa 
le  système  des  pistons  qui  donna  à  cet  instrument 
l'égalité  des  sons  sur  tous  les  degrés,  en  même  temps 


qu'il  apporta  tous  les  éléments  de  vélocité  désirable' 
sinon  de  justesse  absolue,  à.  tous  les  autres  instru- 
ments de  cuivre  à  embouchure  (revoiries  pages  1U8 
et  suivantes). 

BuHMEL  céda  l'exploitation  de  son  invention  à 
Stiklzel,  ce  qui  fait  souvent  associer  le  nom  de  ce 
dernier  au  nom  du  véritable  inventeur. 

La  construction  des  pistons,  d'abord  bien  défec- 
tueuse, fut  perfectionnée  plus  tard  par  les  fadeurs 
belges,  puis  mise  définitivement  au  point  par  les  fac- 
teurs français  Baoux,  Halary,  Périnet,  Gautrot-Bré- 
GUET,  Gautrot-Marquet,  Sax,  Besson,  Millereali, 
Courtois,  qui,  tous,  apportèrent  leurs  soins,  leur 
talent,  leur  ingéniosité  pour  faire  que  l'étranglement 
des  sons  provenant  des  coudes  nombreux  nécessités 
par  les  coulisses  des  pistons,  les  dillérences  de  perce 
de  l'intéiieur  des  pistons  avec  le  tube  général  et  quan- 
tité de  détails  résultant  de  la  délicatesse  même  du 
mécanisme,  s'atténuât,  et  enfin  disparût  complète- 
ment. Aujourd'hui,  on  ne  peut  constater  aucune  diffé- 
rence entre  la  qualité  d'un  son  ouvert,  ou  autrement 
dit  à  vide  (sans  le  secours  des  pistons),  et  la  qualité 
du  son  le  plus  fermé,  c'est-à-dire  avec  tous  les  pistons 


TECHMQVE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1449 


baissés.  Au  contraire,  rallongement  factice  de  l'ins- 
trument  par  l'emploi  de  toutes  les  coulisses  des 
pistons,  malpré  les  détours  de  direction  de  la  colonne 
d'air',  ne  fait  qu'ajouter  encore  à  la  perfection  du 
timbre  de  l'instrument. 

Les  Allemands,  et  surtout  les  Suisses  et  les  Italiens, 
ont  appliqué  le  même  système  de  coulisses  d'allon- 
gement inventé  par  Rlihmel,  mais  en  remplaçant  les 
pistons  qui  s'enfoncent  verticalement,  par  une  sorte 


de  noix  renfermée  dans  un  cylindre,  d'où  le  terme  : 
instruments  à  cylindres,  et  qu'on  fait  tourner  au 
moyen  d'une  petite  bascule  sur  laquelle  on  agit  par 
une  tige  enfoncée  verticalement  comme  la  tige  de 
notre  piston;  cette  double  transmission  du  mouve- 
ment rend  le  mécanisme  du  cylindre  plus  délicat  et 
plus  fragile  que  celui  du  piston  employé  dans  tous 
les  autres  pays. 

L'étendue  du  cor  à  pistons  est  celle-ci  : 


,oi}o"Jt'^ 


o,o.oto->M-;i^oK'-^^-"^°'''''°'^ 


m 


Exemple  56. 


FiG.  il5.  —  Cor  d'harmonie  à  3  pistons. 


Toutefois,  il  est  très  difficile  d'obtenir  par  le  même 
instrumentiste  et  les  sons  graves  et  les  sons  aigus. 

Dans  la  pratique, 
voici  commeul  ou 
opère  :  les  cornis- 
tes se  spécialisant 
soit  pour  l'exécu- 
tion des  parties 
élevées  (1"  et  3'), 
soit  poirr  l'esécu- 
tiori  des  parties 
plus  graves  (2'"  et 
4'),  et  pour  facili- 
ter l'émission  des 
sons  graves,  les 
second  et  quatrième  cors  emploient  des  embou- 
clruies  dont  le  grain  est  relativement  gros,  tandis 
que  les  premier  et  troisième  se  servent  d'eml)0u- 
cliur-es  dont  le  grain  est  fin.  Ces  derniers  cornistes  ont 
encore  un  autre  moyen  à  leur  disposition  :  ils  se  ser- 
vent de  cors  dont  le  troisième 
piston  peut,  à  leur  volonté,  au 
moyen  d'un  mécanisme  spé- 
cial, être  descendant  ou  ascen- 
dant d'un  ton,  de  sorte  ((u'avec 
le  piston  descendant,  ils  ne 
perdent  au  grave  que  le  /as 
et  le  rfoS,  dont  ils  ont  bien 
rarement  besoin,  et  avec  le 
piston  ascen  lant  ils  facilitent 
d'autant  l'émission  des  soris 
aigus. 

La  pratique  des  cors  à  pis- 
„.      ,,,,  „  „   ...  „„    tons  a  fait  perdre  peu  à  peu 

Fir,.    -ilo.    —    Cul'    a  har-  ^  *^  ^ 

monie  à  2  pisions,  k  10  1  usage  des  tons  de  rechange, 

tons  de  riADTRoT.  et,  maintenant,  les  cors  sont 

construits  en  fa,  avec  le  ton 

de  îni  b  facultatif;  mais  ce  dernier  même  n'est  plus 


usité  par  les  artistes,  qui  préfèrent  transposer  pour 
ce  ton-là,  comme  pour  tous  les  autres  tons  indiqués 
sur  les  partitions. 

Les  rriétiiodes  les  plus  réputées  sont  celles  de  : 

Gallay. 

Garrigue. 

Troiubone> 

-Noirs  avons  vu  le  trombone  parfait,  sous  le  nom 
de  sacqueboute  ou  saquebute,  tout  au  début  du 
xvi'  siècle  (pages  1413,  ltl4,   1419,  1421,  1422). 


c 


xn 


I 


3=3 


FiG.  418. 


Sacqvieboute. 


Beaucoup  d'auteurs  donnent  la  date  de  1773  pour 
l'introdirction  en  France,  par  Gossec,  de  cet  instru- 
ment; d'autres  disent  que  le  trombone  fut  admis 
pour  la  première  fois,  en  France,  dans  les  musiques 
militaires,  on  1641,  et  qu'il  nous  venait  d'Allemagne; 
or,  nous  savons  (page  1413)  qu'il  était  en  usage  à 
Paris  et  à  la  cour  d'Angleterre  dès  le  commencement 
du  xvi">  siècle,  et  peut-être  en  Flandre,  comme  semble 
le  proirver  le  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  liou- 
logne,  dés  le  ix«  siècle. 

Par  un  caprice  de  mode  (pris  dans  le  sens  mon- 
dain), qu'on  ne  s'attendrait  pas  à  trouver  en  pareille 
matière,  le  pavillon  du  trombone  fut  transformé_en 


FiG.  419. 


Buccin. 


Fia.  il7.  —  Cor  à  cylindres,  avec  lous  ses  Ions  (Kaslnci). 


Fra.  420.  — 2Buccin'(trombone)  à  coulisse. 


1450 


ENCrCLOFÈDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOSNMRE  DU  CONSERVATOIRE 


tête  de  serpeul,  à  gueule  ouverte  naturellement, 
pendant  toute  la  première  moitié  du  six"  siècle,  et  on 
dénomma  ce  monstre  buccin! 

Trombone  moderne.  —  Après  l'invention  du  sys- 
tème des  pistons,  on  adapta  ce  système  au  tube  du 
trombone  en  supprimant  la  coulisse. 


_A_ 


3 


FiG.  421.  —  Trombone  ténor  à  4  pistons,  uti.'isi\}. 

Le  trombone  prit  les  avantages  et  les  défauts  des 
instruments  à  pistons  (vélocité  et  manque  de  jus- 
tesse), et  il  perdit  les  belles  qualités  de  timbre  et 
surtout  de  justesse  musicale  qui  font  la  grande  beauté 
de  cet  instrument. 


c 


-to=°= 


■-.^L. 


Fi 


«.  m.  —  Trombone  ténor  à  3  pistons,  ul  et  si\i. 

Ad.  Sax  voulut  faire  mieux,  et  il  créa  son  système 
à  six  pistons  indépendants  dont  chacun  correspon- 
dait à  l'une  des  positions  du  trombone  à  coulisse, 
mais  ces  positions  étaient  immuables  et  ne  pouvaient 
correspondre  qu'à  la  gamme  chromatique  tempérée, 
il  fallait  donc  renoncer  aux  seiisihles  ainsi  qu'aux 
sons-dominantes;  déplus,  le  doigté  n'avait  plus  rien 
de  commun  avec  celui  du  système  général  des  pis- 
tons: enfin,  l'instrunient,  surchargé  de  toutes  ces 
coulisses  ILxes,  était  trop  lourd. 

G.  Besson,  poursuivant  le  même  but,  fit  un  trom- 
bone à  trois  pistons  et  un  registre  (lisez,  un  quatrième 
piston  descendant  de  deux  tons)  indépendants,  puis 
un  autre  système  pour  éviter  la  surcharge,  dont  les 
pistons  et  le  registre  étaient  dépendants;  enfin,  vers 
J864,  il  adapta  les  trois  pistons  du  système  général 
à  un  trombone  dont  il  maintint  la  coulisse  afin  de 
conserver  tous  les  avantages  de  l'un  et  de  l'autre 
principe. 


\=J 


IndépcDdaiits.  Dépendants. 

FiG.  -123.  —  Trombones  à  registre  et  3  pistons. 

En  1889,  M.  Mille,  successeur  de  Courtois,  pré- 
senta à  riixposition  universelle  de  Paris  un  trom- 
bone à  coulisse  dont  il  avait  évidé  la  partie  épaisse 
du  tuhe  allant  de  l'arrêt  de  la  première  position  à 
l'embouchure  et  évidé  de  même  la  branche  parallèle; 
on  pouvait  ainsi  trouver  une  nouvelle  position  don- 
nant la  fondamentale  si'ii  doublant  le  si  douzième  de 
la  fondamentale  mi  de  la  septième  position. 


Arière  position 


Fl8.  424. 

Tromlione 

Dupli'x  Besson 

à  pistons 
et  à  coulisse. 


FiG.  425.  ■ 


Trombone  à  coulisse  Mille, 
à  S  positions. 


Poursuivant  ses  recherches  de  perfectionnements 
et  de  développement  de  la  famille  des  tromhones,  la 
même  maison  Courtois-Mille,  devenue  maison  Cour- 
tois-Delfaux,  présentait  aux  compositeurs  et  aux 
artistes,  le  9  mars  1909,  salle  Pleyel,  un  sextuor  com- 
posé des  instruments  suivants  (fig.  426  à  431)  : 


A 


y 


FiG.  426.  Fiff.  427. 

Trombone  piccolo.    Trombone  soprano. 


FiG.  428. 
Trombone  alto. 


De  même  que  pour  le  trombone  ordinaire  (trom- 
bone ténor),  les  artistes  donnent  le  nom  de  Son  réel 
à  chacune  des  notes  de  ces  instruments  qui,  consé- 
quemment,  ne  sont  pas  considérés  comme  instru- 
ments trauspositeurs.  Tous  ces  trombones  doivent 
donc  être  dits  en  ni,  alors  que,  suivant  le  principe 
général  des  instruments  de  cuivre,  ils  sont  réel- 
lement dans  les  tonalités  respectives  suivantes  : 

Le  trombone  piccolo  en  st'b; 


TEcri.VlnlE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    Uôl 


fr^ 


=^? 


:> 


Fl.i.  429.  FiG.  430.  Fia.   131. 

Tromlioiio  ténor.     Trombone  basse.     Trombone  contrebasse. 


Le  trombone  soprano  en  fa; 

Le  trombone  alto  en  ré\f; 

Le  trombone  ténor  en  si[>; 

Le  trombone  basse  en  sH>  ou  en  fa,  suivant  qu'on 
laisse  fermée  ou  qu'on  ouvre  la  mécanique  ;le  cylin- 
dre); 

Le  trombone"contrebasse  en  ,sih; 

Le  Iroinbnnc  picrvlo,  dont  les  notes  sortent  à  l'octave 
supérieure  de  celles  du  trombone  ténor,  n'est  pas 
aulre  cliose  qu'une  trompelte  à  coulisse  en  si  h  aigu 
(unisson  de  la  petite  trompette  moderne). 

Le  trombone  sopi-uno  n'est  également  qu'une  trom- 
pette à  coulisse,  unisson  de  l'ancienne  trompelte  en  fa. 

Pour  ces  deux  instruments,  le  grand  perfectionne- 
ment est  d'avoir  adopté  francbement  la  forme  du 
trombone  qui  permet  les  sept  positions,  tandis  que 
la  forme  trompette  des  essais  antérieurs  ne  pouvait 
permettre  que  trois  ou  quatre  positions  tout  au  plus. 

Le  trombone  allô  n'est  autre  que  l'ancien  trombone 
alto  dénommé  faussement  en  mi  p. 

Le  trombone  ténor  est  le  trombone  ordinaire  dit 
en  ut. 

Le  trombone  bassf  est  un  trombone  ténor  auquel 
on  a  ajoulé,  à  l'instar  îles  instruments  a  pistons,  un 
tube  supplémentaire  fixe  que  l'on  met  en  communi- 
cation avec  le  tube  général  au  moyen  d'un  cylindre 
ouvert  ou  fermé  par  le  pouce  de  la  main  gauche,  et 
qui  abaisse  la  tonalité  générale  de  l'instrument, 
lorsqu'il  est  ouvert,  d'une  quarte  jiisle. 

Ce  système,  d'une  conception  très  ingénieuse,  a 
malheureusement  les  inconvénients  pratiques  sui- 
vants :  lorsque  la  mécanique  est  ouverte  (c'est  le  nom 
donné  à  ce  système  par  son  inventeur),  la  colonne 
d'air  est  allongée  d'un  tiers  à  la  première  position; 
il  s'ensuit  que  toutes  les  autres  positions  doivent 
être  également  allongées  d'un  tiers,  ce  qui  enlève 
toute  sûreté  à  la  main  qui  a  des  habitudes  tout 
autres  dans  la  direction  de  la  coulisse;  puis,  comme 
cette  coulisse  n'a  toujours  que    la  longueur  voulue 


pour  le  trombone  lénor,  il   n'est  plus  possible  d'at- 
teindre que  la  cinquième  position;  or,  comme  la  pre- 


mière  et  la  seconde  posilion  :     ^^^r- 


ne  font  que  doubler  les  sixième  et  septième  positions 
ordinaires,  il  en  résulte  que  ce  système  ne  donne 
vraiment   que  trois  notes  ou  positions  nouvelles  : 


je  pojl  4.?  P®"- 


BSB'Ï!^ 


m 


:     et  qu'il  manque 


-1^ 


encore  les  deux  notes 


m 


pour  joindre  les  notes  pédales  du  trombone  lénor  et 
compléter  la  gamme. 

Hnlin,  le  trombone  contrebasse  est  un  trombone  ténor 
auquel  on  a  ajouté  un  tube  supplémentaire  et  une 
double  coulisse  qui,  lorsqu'ils  sont  mis  en  communi- 
cation avec  le  tube  général  au  moyen  d'un  piston, 
doublent  la  longueur  de  l'instrument  et  font  sortir 
toutes  les  notes  à  l'octave  inférieure. 

Ce  dernier  système  serait  de  beaucoup  préférable 
au  système  précédent,  parce  que  la  gamme  est 
absolument  complète  au  grave,  et  encore  parce  que 
la  coulisse  simple  ou  double  à  volonté  conserve  ses 
positions  sensiblement  les  mêmes  pour  les  notes  de 
l'octave  normale  ainsi  que  pour  les  notes  de  l'octave 
grave;  le  seul  inconvénient  qu'il  ollrc,  et  cet  incon- 
vénient est  malheureusement  trop  appréciable,  c'est 
que  le  poids  de  la  double  coulisse  l'onipt  l'équilibre 
de  l'instrument  dans  la  main  et  le  rend  fort  dilhcile 
à  tenir  et  conséquenvment  à  jouer. 

De  toutes  ces  recherches  de  perfectionnements,  il 
n'est  resté  dans  la  pratique  que  le  trombone  à  trois 
ou  à  quatre  pistons  du  système  général  des  instru- 
ments à  pistons,  et  le  Irombone  à  coulisse  de  nos 
ancêtres. 

On  construit  le  trombone  à  pistons  dans  les  tons 
de  mi[i  (alto)  ;  ut  (ténor)  '  et  si  b  (ténor  également  ;  ce 
dernier,  de  meilleur  timbre,  est  très  usité  en  lielgique 
et  peu  en  France,  pour  la  seule  raison  qu'il  ne  peut  se 
servir  des  parties  écrites  pour  le  trombone  à  coulisse 
et  qu'il  faudrait  transporter  à  la  seconde  supérieure 
toute  la  musique  qui  lui  serait  destinée),  et  enlin  en 
fa  (basse). 

Le  trombone  à  coulisse  se  construit  en  mi\)  (alto), 
en  ut  (ténor)  et  en  /Vz^  grave  (basse). 


m 


D) 


FiG.  432.  —  TroinliKiie  ii  coulisse  liMior,  pavillon  droit 
avec  pompe  d'accord. 


1.  La  maison   Evette  et  Schaef(er  construit  Hcs  troi 
tons  lie  perces  un  peu  plus  grosses    et  dénommés  bn 
Les  sons  graves  gagnent  de  l'ampleur  et  quelques  nok 
il  l'aigti,  ce  qui  n'offre  aucun   incoDvéoient  pour  faire 
troisième  ou  quatrième  trombone. 

2,  Ces  dénominations  de  tonalités  sont  celles  employées 
mais  ne  sont  vraies  que  pour  le  trombone  basse  qui  est 
d'ailleurs,  être  en  5o/,  mais,  comme  tous  les  artistes 
parties  écrites  en  sons  réels,  cela  n'a  pas  d'importaarc. 


mboiies   à.   pis- 

•i/fon  et  liasse. 

s  sont  perdues 

les  parties  de 

parlesartistes, 
dit,  également 
lisent  sur  des 


1452 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSEliVATOIHE 


Le  trombone  alto,  qui  a  été  très  employé  autrefois, 
est  presque  abandonné  de  nos  jours,  et  le  trombone 
basse  n'est  employé  que  dans  les  très  grands  orches- 
tres. 

Comme  le  bras  serait  trop  court  pour  atteindre  aux 
positionséloignées  du  Irombone  basse,  on  manœuvre 
la  coulisse  à  l'aide  d'un  manche,  ce  qui  est  loin  de 
faciliter  le  jeu  de  cet  instrument. 


FiG.  133.  —  Trombone  hasse  à  manche. 

Pour  ramener  la  manœuvre  de  la  coulisse  direc- 
tement à  la  main,  on  a  construit  des  trombones  à 
coulisse  double,  ce  qui  diminuait  la  longueur  delà 
coulisse  de  moitié,  mais,  soit  que  l'instrument  s'en 
trouve  trop  alourdi,  soit  que  la  multiplicité  des  cou- 
des le  rende  trop  dur  à  jouer,  l'usage  de  ces  trom- 
bones n'a  pas  été  adopté  par  les  artistes. 


FiG.   IS'i.  —  Trombone  basse  en  sol  à  coulisse  double. 

I,es  méthodes  les  plus  réputées  sont  celles  de  : 
Herr  (F.)  et  DiiîPi'O, 

B LÉGER, 

Delisse  pour  le  trombone  à  coulisse, 

G.  Klandrin, 

M.  Bléger, 

Salabert  pour  le  Irombone  à  pistons. 

Cornet  à  pistons. 

Après  avoir  étudié  le  principe  général  des  instru- 
ments de  cuivre,  celui  des  pistons  et  la  trompette,  il 
ne  reste  plus  lien  d'essentiel  à  examiner,  non  seu- 
lement pour  le  cornet,  mais  encore  pour  les  saxhorns, 
les  saxotrombas,  bugles,  tubas,  bombardons,  cor. 
nous,  coniophones,  cor  vocal,  baroxyton  ou  tout 
autre  nom  qu'il  plaira  à  un  facteur  d'inventer;  il 
n'y  a  plus  de  différences  entre  tous  ces  instruments 
que  dans  les  proportions  du  cône  du  tube  principal, 
dans  la  forme,  l'aspect  de  l'instrument  ou  dans  le 
mécanisme  de  répartition  de  la  colonne  d'air  dans  les 


coulisses  (pistons  d'une  forme  ou  d'une  antre,  ou  cy- 
lindres); mais  de  nouveau  principe,  il  n'y  en  a  plus. 

Le  cornet,  d'une  perce  légèrement  plus  conique  que 
la  trompette,  vient  de  l'ancien  cornet  de  poste  auquel 
on  a  adapté  les  pistons;  sa  vogue  a  commencé  au 
bal,  où,  chargé  de  la  partie  de  chant,  il  constituait  le 
dessus  des  cuivres;  du  bal,  il  est  allé  au  régiment 
remplacer  la  trompette  à  clés  ou  clairon  chromati- 
que, puis,  enfin,  du  régiment,  il  s'est  introduit  dans 
l'orchestre  pour  tenir  lieu  de  trompette  qui  manquait 
trop  souvent.  On  peut  affirmer,  sans  trop  de  témé- 
rité, que  si  la  petite  trompette  en  xit  ou  en  si\<  que 
l'on  emploie  de  nos  jours  avait  été  créée  dès  le  début, 
le  cornet  ne  serait  jamais  sorti  du  bal  et  peut-être 
même  n'y  fût-il  jamais  entré. 

La  raison  en  est  celle-ci  :  la  trompette,  instrument 
cylindrique,  est  le  véritable  dessus  du  trombone  et 
forme  avec  lui  un  ensemble  absolument  homogène 
d'une  très  grande  pureté  de  sons.  C'est  un  clavier 
qui  monte  de  l'extrême  grave  à  l'aigu  sans  heurt  et 
sans  que  le  passage  des  sons  d'un  instrument  à 
l'antre  apporte  le  moindre  choc  à  l'oreille  la  plus 
délicate. 

Nous  verrons  plus  loin  que  les  saxhorns  consti- 
tuent entre    eux  un  clavier  complet  formant  oppo- 


Img.  435. 
Trompette. 


FiG.  436. 
Cornet  en  si 


sition  d'un  timbre  doux  et  comme  velouté,  franc  et 
parfaitement  caractérisé,  au  timbre  vibrant  et  clair 
des  trombones  et  trompettes. 

Le  cornet  n'a  pas  de  basse;  il  forme  comme  une 
sorte  de  demi-jeu  d'orgue,  et  son  timbre,  insuffisam- 
ment marqué  entre  la  trompette  et  le  bugle  (sax- 
horn contralto),  ne  le  distingue  pas  assez  de  l'une  et 
de  l'autre. 

Les  tubes  redressés  se  comparent  ainsi  : 


Longueur  commune    1'?  330 


Trompette  %     200  7"< 


4-00 


Pistons 

90  5 


500 


;î  lA-o 


^= 


Cornet 


720 


Pistons 

<M    .JOO     CM 


A^OO 


;iio. 


o 


FiG.  438. 


TECIIMQL'E,  ESTIIÈTUJUE  El'  l'EDAC.oClE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1453 


Bugle 


160 


Pistons 

S  78^ 


500 


500 


S92_V 


^ 


FiG.  13*. 


Ces  réserves  faites,  qui,  à  vrai  dire,  sont  plutôt  du 
domaine  de  l'orchestiation  que  de  l'étude  particu- 
lière de  l'instrumenl,  mais  qui  n'en  avaient  pas  moins 
leur  place  ici,  à  cause  de  la  comparaison  des  perces 
diirérentes  de  trois  instiunieiits  de  même  longueur, 
de  mécanisme  semblable  et  pourtant  de  caractères 
si  séparés,  il  est  juste  de  reconnaître  que  le  cornet  a 
l'ail  le  succès  d'artistes  de  la  plus  haute  valeur,  qu'il 
a  été  l'objet  des  soins  les  plus  attentifs  de  la  part 
de  tous  les  facteurs  qui  ont  cherché  pour  lui  tous  les 
perfectionnements  ima).'iuables,  et  pour  lequel  on  a 
écrit  les  méthodes  les  plus  complètes  de  toutes  celles 
qui  existent  pour  les  instruments  à  pistons. 

Nous  avons  vu  pages  1419  et  1420  les  causes  du 
manque  de  justesse  dans  les  instruments  à  pistons, 
nous  avons  examiné  pages  1421  et  suivantes  les  pro- 
cédés, les  perfectionnements  qu'on  a  cherchés  pour 
atteindre  la  justesse  fuyante;  je  n'y  reviendrai  pas, 
puisque  je  ne  pourrais  que  ledire  ce  que  j'ai  déjà 
ilil  et  que  la  conclusion  7'este  toujours  celle-ci  :  s'il 
est  possible  d'employer  ces  perfectionnements  ou 
moyens  pour  le  solo,  ils  restent  jusqu'à  présent  à 
peu  pi'ès  inipralicables  dès  qu'on  accouple  plusieurs 
instiuraents  ensemble. 

Les  méthodes  les  plus  célèbres  sont  celles  de  : 

Arban; 

Fokestiek; 

Alexandre  Petit. 

Ici,  la  question  des  noms  devient  si  embrouillée 
qu'il  me  faut  ouvrir  une  parenthèse  de  quelque 
longueur,  et  bien  que  je  veuille  me  garder  de  faire 
aucune  polémique,  il  me  faut  liiern  refaire  un  peu 
d'histoire  moderne,  sinon  contemporaine,  et  rendre 
aux  facteurs  français  et  étrangers  la  juste  part  qui 
leur  revient  dans  la  coustitutiou  de  ce  que  nous 
appelons  en  France  la  famille  des  saxhorns. 

Nous  avons  vu  dans  la  première  partie  de  celte 
étude,  pages  14H  et  suivantes,  le  cornet  à  bouquin 
et  sa  basse  le  serpent.  Au  xvui"  siècle,  l'invention 
de  la  clarinette,  ainsi  que  l'adaptation  des  tons  de 
rechange  sur  la  trompette,  amenèrent  l'abandon  du 
cornet  à  bouquin,  tandis  que  le  défaut  de  basse 
cuivre  laissait  subsister  le  serpent  à  côté  du  basson, 
trop  faible  pour  équilibrer  les  huit  ou  dix  clarinettes 
qu'on  employait  déjà  dans  les  musiques  militaires 
de  cette  époque. 

Vers  1800,  Frichot,  en  cherchant  à  perfeclionner  le 
serpent,  appliqua  des  clés  pour  fermer  les  tr'ous  de 
notes  et,  après  avoir  été  d'abord,  on  ne  sait  trop  pour- 
quoi, le  basson  russe,  l'instrument  de  Fr;cuot  parait 
nous  être  revenu  d'Allemagne  sous  le  nom  d'ophi- 
cléide. 

A  l'imitation  des  trombones,  la  famille  des  ophi- 
cléides  se  composait  de  trois  individus  :  l'alto  en  fa, 
le  baryton  ou  basse  en  ut  ou  en  si  h,  et  la  contre- 
basse en  fa  qui,  comme  le  trombone  basse,  parait 
avoir  été  peu  employée. 


Presque  aussitôt,  Frichot  en  France,  Weidinger  à 
Vienne,  Joseph  Holiday  à  Londres  appliquèrent  des 
clés  au  clairon  allemand  ou  bugle  anglais,  et  en  lir'ent 
le  dessus  des  ophicléides;  c'était,  en  somme,  l'évolu- 
tion du  serpent  reportée  au  cornet  à  bouquin  dont 
ces  nouveaux  instruments  de  cuivre  (l'ophicléide  et  le 
clairon  chromatique)  avaient  sensiblement  la  perce, 
sairf  l'évasement  du  pavillon. 

Comme  le  clairon  i  l'ancien  claron  ou  claronceau) 
n'était  pas  encore  ou  n'était  plus  en  usage  en  France, 
on  dénomma  ces  nouveaux  insli'uments  :  trompettes 
à  clés. 

Kn  182.3,  au  retour  de  la  guerre  d'Espagne,  le  mi- 
nistre de  la  guerre  demanda  à  Courtois  de  lui  sou- 
mettre un  instrument  pour  transmettre  les  signaux 
de  l'infanterie,  et  permettant  de  distinguer  ces  der- 
niers des  signaux  de  la  cavalei-ie  donnés  par  la  trom- 
pette. 

CocRTOis  présenta  au  ministre  le  clairon  actuel,  qui 
fut  aussitôt  adopté  pour  toutes  les  troupes  d'infan- 
terie française. 

Or,  ce  clairon,  qui  exislait  déjà  antérieurement,  au 
moins  dans  les  troupes  piémontaises,  comme  le  prou- 
vent les  sonneries  publiées  planche  34  du  Manuel 
ijviiéral  de  musique  militaire  de  Georges  Kastner  et 
extraites  de  l'ouvrage  Reyolumenlo  d'esercizio  }oer 
l'infanteria  (Torino,  1816),  ce  clairon,  dis-je,  avait 
très  sensiblement  la  même  forme  et  la  même  perce 
que  les  trompettes  chromatiques  d'alors,  dont  le  nom 
fut  changé  en  celui  de  clairon  chromatique;  il  devint, 
par  le  remplacement  des  clés  par' le  système  des  pis- 
tous, et  toujours  sans  changer  ni  forme  ni  perce,  le 
buj,'le  actuel  ou  saxhorn  cûntrallo  si'^;  de  même,  les 
ophicléides  alto  et  basse,  tout  en  modiliant  la  forme, 
en  prenant  les  pistons,  ont  conservé  leur  perce  à  peu 
prés  exacte  en  devenant  des  saxhorns  alto  ou  basse. 

Voici  donc  deux  points  bien  établis  : 

1°  La  perce  provenant  en  ligne  directe  des  cornets 
à  bouquin  et  des  serpents; 

2°  Les  pistons  inventés  en  1814  par  BlChmel. 

Un  troisième  point  reste  à  établir  :  la  forme;  et  ce 
point  est  déjà  fixé  pour  le  saxhorn  contralto  si  j'  (bu- 
gle contralto),  qui  a  conservé  la  forme,  perce  et  pavil- 
lon compris,  du  clairon  chromatique  ou  non;  forme 
qui  existait  déjà,  mais  avec  une  perce  dilférente,  qui 
reportait  la  place  des  pistons  sur  le  tube  plus  loin  de 
l'embouchure,  dans  le  cornet  à  pistons. 

L'ancien  serpent,  en  recevant  des  clés,  en  échan- 
geant son  corps  de  bois  recouvert  de  cuir  contre  un 
corps  de  cuivre,  avait  perdu  sa  forme  de  serpent 
pour  se  rapprocher  de  celle  du  basson,  d'où  son  nom 
primitif  de  basson  russe,  bientôt  abandonné  pour 
celui  d'ophicléide  ou  serpent  à  clés. 

Cette  appellation  n'était  justifiée  que  par  l'origine, 
puisque  la  forme  du  serpent  n'existait  plus.  En 
abandonnant  ses  clés  pour  recevoir  le  système  des 
pistons,  l'opliicléide  devint  ;  l'ophicléide  à  pistons  alto, 
baryton,  basse  ou  contrebasse,  dénominalion  bizarre, 
puisque  cet  ophicléide  n'avait  plus  ni  forme  de  ser- 
pent ni  clés. 


1454  IcycrCLOPÉniE  de  I.A  HirsinfE  et  DICTIONVAtRE  DU  CONSERVATOIRE 


è- 


Fia.  439. 
Serpi'nls  à  6  clés. 


FiG.  440. 
Ophicléide  à  9  clés 


Cette  bizarrerie  ne  pouvait  durer,  et  le  nom  d'o- 
phicléide  l'ut  bientôt  aljaiidoiiné;  les  uns  adoptèrent 
le  mot  anijlais  binjle  (corne  de  butle),  soprano  ou 
contralto,  alto  ou  ténor,  baryton,  basse  et  contre- 
basse, les  autres  coraposèrent  le  nom  clavi-cor  ou 
clavicor  (cor  à  clavier),  nom  qui  sert  encore  à  dési- 
gner tous  les  instruments  de  cette  famille  sous  la 
forme  allemande  fiugelhoim  (/lMge/=  clavier,  ou  plus 
exactement  piano  à  queue,  et  horn  =  coT)  en  Alle- 
magne et  en  Angleterre;  puis,  on  imagina  les  neo- 
cor,  les  neoallos;  certains  même  allèrent  jusqu'au 
corhorn,  c'est-à-dire,  corcor,  ce  qui  indique  bien 
l'incohérence  qui  présidait  à  la  formation  de  tous 
ces  termes,  quand  il  eût  été  si  simple  de  reprendre  la 
vieille  appellation  latine  tuba,  à  laquelle  il  suffisait 
d'ajouter  la  désignation  du  s.ystème  à  pistons  et  le 
registre  de  l'instrument  dans  l'échelle  des  sons. 

Au  lieu  de  cela,  beaucoup  se  contentèrent  en  France 
de  prendre  le  qualificatif  du  registre  pour  le  nom 
même  de  l'instrumentet  dirent  :  un  alto, un  baryton, 
une  basse,  une  contrebasse,  ce  qui  n'indique  nulle- 
ment, en  somme,  la  nature  de  l'instrument,  et  c'est 
dans  ce  même  ordre  d'idées  fausses  qu'on  dit  et  qu'on 
écrit  encore  en  France  de  nos  jours  :  un  piston  pour 
un  cornet  à  pistons. 

Cependant,  tous  nos  facteurs  travaillaient  à  perfec- 
tionner le  mécanisme  des  pistons,  leur  perce,  l'ar- 
rondissement des  angles,  l'élargissement  de  la  forme 
des  instruments,  afin  de  favoriser  de  plus  en  plus  la 
bonne  et  franche  émission  des  sons,  ainsi  que  leur 
ampleur  et  leur  beauté. 

Pour  nous  rendre  compte  de  ces  recherches  vers 
le  bien  et  vers  le  mieux,  je  ne  puis  faire  autre  chose 
que  de  reproduire  ici  les  modifications  de  forme  et 
de  perce  générale] de  Vophicléide-alto  à  pistons,  de 
d83o  à  nos  jours. 


ff% 


Isa 


1845 


1839 


ISW 


1867 


FiG.  441. 


1870  Le  monopole. 

Les  transformations  d'un  alto. 


Voici  encore,  à  titre  de  document,  la  reproduction 
de  deux  planches  extraites  des  pièces  du  procès  en 
nullité  de  brevet  de  Kivet  contre  Sax  et  montrant 
bien  l'état  où  était  parvenue  la  facture  française  des 
instruments  de  cuivre  avant  la  prise  des  fameux 
brevets  de  Sax. 

C'est  alors  qu'Antoine-Joseph  dit  Adolphe  Sax,  — 
car  ce  nom  même  ne  lui  appartenait  pas,  comme  en 
témoigne  son  brevet  du  I.î  octobre  1843  pris  au  mi- 
nistère de  l'Agriculture,  du  Commerce  et  des  Tra- 
vaux publics,  —  c'est  alors  que  Sax,  venu  de  Belgique 
en  France  sous  les  auspices  du  général  de  Rumigny, 
voulut  inventer  quelque  chose  pour  justifier  la  con- 
fiance qu'avait  mise  en  lui  ce  haut  personnage. 

La  perce  existait  dans  les  clavicors,  néocors,  etc., 
surtout  dans  les  néo-altos  que  nous  avons  vus. 

Les  pistons  avaient  été  trouvés  par  Bu  hmel  trente 
ans  auparavant. 

La  forme  même  était  fixée  de  telle  sorte  qu'elle 
n'a  presque  pas  été  modifiée  depuis. 

.N'ayant  plus  rien  h  inventer  comme  perce,  comme 
mécanisme  ou  comme  forme,  et  réduit  comme  tous 
ses  confrères  à  chercher  de  simples  perfectionne- 
ment, il  imagina  un  nom  générique  pour  tous  ces 
instruments,  et  alors  que  les  BlChmel,  les  Stœlzel, 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1455 


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FiG.  442.  —  Photographies  de  documents  du  procès  Rivet  contre  S\x. 


Ur.r, 


EXCYCLOPÈDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOyXA  lltK  DU  <:0\'SERVATOIRE 


Fia.  ii3.  —  Pholo,-r;iiiIiics  de  aocumenls  ilu'pi'ocOs  Rivr.i  coiiLi-e  Sax. 


TEaflNlQUE,  ESTIliiTlQUË  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1457 


les  Kretzscbuan,  les  Halary,  les  Guichaud,  les  Péri- 
NET,  les  Uaoux,  les  Besson  et  bien  d'autres  que 
j'oublie  s'étaient  contentés  de  marquer  leur  passage 
dans  la  facture  instrumentale  i cuivre)  par  leurs 
seuls  travaux,  Sax  accola  son  nom  au  mot  allemand 
(1  horn  »,  synonyme  du  mot  français  «  cor  »;  tous 
les  néo-altos  ou  mieux  tous  les  bui;les  devinrent  des 
saxhorns:  quant  aux  clavicors,  dont  la  perce  était 
plus  étroite  et  correspondait  sensiblement  aux  trom- 
bones, et  qu'il  ei'it  peul-étre  été  utile  de  conserver 
pour  constituer  une  famille  avec  les  cornets,  Sax 
les  baptisa  :  saxo-trombas. 

11  est  à  remarquer  que  les  Belges  ont  continué 
d'appeler  tous  les  bugles  simplement  des  bugles, 
réservant  le  mot  tuba,  qui  aurait  dCi  logiquement 
devenir  le  nom  de  toute  la  famille,  à  la  seule  basse, 
et  le  mot  bombardon  aux  contrebasses. 

Quant  aux  saxotrombas,  qui  n'étaient  guère  autre 
chose  que  des  trombones  et  des  trompettes  auxquels 
on  avait  donné  la  forme  des  saxhorns,  puisque  sax- 
horns il  y  a,  pour  faciliter  leur  tenue  et  leur  jeu  aux 
cavaliers  au  temps  des  belles  et  excellentes  fanfares 
de  cavalerie  d'autrefois,  leur  succès  ne  fut  pas  de 
longue  durée,  et  ils  furent  vite  abandonnés  par  les 
cavaliers  mêmes  pour  lesquels  ils  avaient  été  créés. 
Aujourd'hui,  personne  ne  sait  vraiment  plus  ce  qu'é- 
tait au  juste  un  saxo-tromba. 

Pourtant,  un  de  ces  individus,  le  saxo-tromba 
alto  mil,  existe  encore  et  continuera  peut-être 
d'exister  jusqu'à  la  consommation  des  siècles.  Oh  ! 
n'allez  pas  le  chercher  chez  un   marchand  ou  chez 


un  fabiicant  d'instruments  de  musique,  vous  ne  le 
trouveriez  pas;  ne  le  cherchez  pas  non  plus  dans  les 
mains  d'un  musicien  militaire,  vous  ne  l'y  trouveriez 
pas  davantage,  et  ce  n'est  cependant  que  dans  les 
musiques  militaires  qu'il  a  pu  conserver  son  exis- 
tence envers  et  contre  tous  ;  il  n'y  fait  d'ailleurs 
de  mal  à  personne,  sauf  un  rappel  à  l'ordre  de 
temps  eu  temps  soit  au  chef  de  musique,  soit  au 
fournisseur  qui  se  sont  oubliés  à  indiquer  sur  une 
facture  ou  une  demande  de  réparation  ou  de  fourni- 
ture d'instruments  un  saxhorn  alto  au  lieu  et  place 
d'un  saxolromba  alto.  L'Intendance  ne  plaisante  pas 
et,  bien  que  les  derniers  saxotrombas,  si  vraiment 
il  en  existait  encore,  aient  disparu  en  1867  au  licen- 
ciement des  musiques  de  cavalerie,  l'Intendance  con- 
tinue à  exiger  leur  présence  vivace,  à  l'exclusion  de 
tout  saxhorn  alto,  sur  les  nomenclatures,  registres, 
inventaires,  factures,  etc.,  des  musiques  de  l'armée. 

Heureusement  pour  la  bonne  sonorité  des  musi- 
ques françaises,  cette  exigence  ne  va  pas  au  delà  du 
papier,  mais  il  faut  reconnaître  que  l'administialion 
comprise  ainsi  est  une  belle  chose! 

Il  reste  donc  bien  entendu  qu'en  l'état  actuel  de 
la  facture,  il  n'y  a  en  dehors  des  cornets,  trompettes, 
trombones  et  cors, qu'une  seule  famille  d'instruments 
à  perce  conique  et  à  pistons  qui  porte  différents 
noms  suivant  les  pays,  mais  qui  reste  famille  unique 
et  qui  se  décompose  en  sept  registres  différents 
allant  île  l'aigu  au  grave  comme  suit  : 

Saxhoin  soprano  ou  sopranino  en  Hfji  communé- 
ment appelé  petit  bugle  dont  l'étendue  est  : 


Ivli-nili'ii'  IliPTii'iijiiH 


É 


F.IPTUI 


f  Miliir  praliijin^ 


d»MH'pffaf- 


I-Hh!      t^Wl    !       yp  [y 


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Exemple  57. 
Saxhorn  conirallo  en  sTi,  communément  appelé  grand  bug'e  ou  simplement  bugle,  dont  l'étendue  est 


EtEiidnErtiiÉnràpiEiEtyEHtiipiE: 


(InFit  l'pfPfft 


i'ppI   yyt- 


Exemple  58. 


Saxhorn  alto  en  mi'-',  communément  appelé  alto  mi  ■•,  dont  l'étendue  est  : 


Exemple  59. 
Saxhorn  baryton  en  sto,  communément  appelé  baryton  $(■:>,  dont  l'étendue  est 


filwjjJMf^  nit^orii|iit'  hI  [w^tjrpTF 


92 


1458 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Saxhorn  Jjasse  en  ut  ou  en  ù'p,  à  qu.ilre  pistons,  1  t;né  aussi  dans  les  orchesire»  sons  )e   nom  de   tuba, 
ommunément  appelé  basse  en  )/(  ou   en  si\>,  dési-  |  donl  l'étendue  est: 


F.lpnriiip. 


—     F^pnf^^^e 


Jtfaistoiginirs 


|]iHiii-if|n«  *1'           _pralji]ue.  *  !•  sans  ré 

TîTTÎTTTTTrPT' — ^ iiiiin'lp^  nrfiwti'H  '  nravp 


Kl^iiilnH   llifiii'ii 


^^~^ 


cboRexistepas 


iiiii-lfsai'ri^lfH^ 


b-e- 


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lIlHll   IVFfli   l-HI^I  v<,\ 


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*  V  II  ilniil  l'pfffl  rftHl  HSL ^ 


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riiiiiiiniin'.irnJiiL- 


pmmiHiiassEiEiiiSfctE: 


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T.lpililnf  |ii-^lii|i|pf.^-fc->^ 

lll-<1illMi|-H  '    :^^- 


lIoiiI  lypr^-l.  l•^^^'^  1» 


INMii-lalia.^gf  P7 


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Exemple  01. 


Saxhorn  conirehasse  en  miy  dont  l'élendue  est  : 


T,l|Jiw1iip  Jhi^nT-iqiip  *¥ 


T^lHLitliitf  iii-uliiprF-*-^i IrrtTTiil  IVrrfl  i-hh1  hkI   *  ): 


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Exemple  152. 


Saxhorn  contrebasse  en  si  h  dont  l'étendue  est  : 


Fft^iniiît^  iiiHtiiM<^iiH  ^. ^HtMniin^  pi-^iifpiH*y.  fiiiiiLïi'rrf.t  ri'*'!  Hst  *^'.    " 


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Exemple  63. 


Depuis  l'admission  à  peu  près  générale  des  œuvres 
de  Ricliard  Wagner  dans  les  orchestres  français,  nos 
principaux  facteurs  conslrnisenl  des  basses  en  >'<  à 
cinq  et  à  six  pistons,  afin  de  donner  la  possibilité 
d'obtenir  le  ?-^rt  grave  et  d'assurer  plus  de  justesse 
par  des  doigtés  multiples  plus  ou  moins  compli- 
qués, aux  notes  défectueuses  des  basses  à  quatre 
pistons. 

Dans  ces  instruments,  le  cinquième  piston  est 
généralement  d'un  ton,  soit  descendant,  soit  ascen- 
dant, selon  les  systèmes,  ou  plus  exactement  selon 
le  désir  de  l'artiste  auquel  est  destiné  l'instrument; 
quelquefois  ce  piston  n'est  que  d'un  demi-Ion  el  ne 
sert  qu'à  la  transposition  de  certains  passages  trop 
chargés  d'accidents. 

Le  sixième  piston  allonge  l'instrument  d'une 
quinte  et  permet  ainsi  d'avoir  les  fa  graves  justes; 
de  plus,  il  permet  de  nouveaux  accouplements  de 


pistons  pour  la  recherche  de  plus  de  justesse  dans 
les  notes  graves. 

L'étendue  théorique  de  cbs  instr(mients  est  : 


m 


Exemjile  64. 


soit  quatre  octaves  et  demie,  mais  il  s'en  faut  de 
beaucoup  que  les  mcillonrs  artistes  puissent  réaliser 
toute  cette  exliaordinaire  élendue,et  si  l'instrument 
est  construit  h  1res  grosse  perce  el  muni  d'une  eni- 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENTS     liss 


hoiichiire  il  grain  aussi  lari.'e  que  possible,  afin  de 
favoriser  l'émission  des  noies  graves,  ce  seront  alors 
les  notes  aiguës  qui  manqueront;  il  est  viai  que,  si 
ces  instruments  conservaient  tous  les  avantages,  il 
n'y  aurait  plus  lieu  de  se  servir  des  contrebasses 
graves,  qui  n'ont  pour  elles  que  l'ampleur  de  leurs 
sons,  puisque  les  simples  basses  à  quatre  pistons  ont 
déjà  une  étendue  théorique,  au  grave,  supérieure  à 
la  leur. 

Cependant,  des  essais  onl  été  tentés,  des  efforts 
ont  été  faits,  des  progrès  ont  été  réalisés  pour  rap- 
procher le  timbre  des  saxhorns  de  celui  des  cors, 
dont  on  regrette  toujours  la  voix  si  pénétrante  et  si 
caractéristique,  sinon  dans  les  orchestres  symphoni- 
ques  où  le  recrutement  des  artistes  jouant  ce  ma- 
gnifique instrument  a  toujours  pu  se  l'aire,  du  moins 
dans  les  musiques  militaires  et  dans  les  musiques 
civiles  d'harmonie  ou  de  fanfare,  où  l'opposition  du 
règlement,  le  service  à  court  terme  et  la  difficulté 
même  de  l'inslrument  ainsi  que  son  prix  élevé,  ne 
permettent  que  bien  rarement  de  le  voir  figurer. 

Dans  ce  but,  on  a  rétréci  la  perce  de  la  branche 
d'embouchure,  on  a  allongé  et  rapelissé  le  grain  de 
l'embouchure  elle-même  pour  la  rendre  plus  sembla- 
ble à  celle  du  cor,  on  a  arrondi  la  forme  de  l'instru- 
ment, on  a  enfin,  ce  qui  a  constitué  le  pi'ogrés  le 
plus  appréciable,  rendu  la  perce  plus  régulièrement 
conique  et  l'on  a  baplisé  chacun  de  ces  essais  ou  de 
ces  modèles,  suivant  les  facteurs  ou  les  pays,  des 
noms  les  plus  suggestifs,  sans  jamais  atteindre  com- 
plètement le  but  qu'on  s'était  proposé. 

Voici  quelques-uns  de  ces  noms: 

Cor-alto, 

Alto-cor, 

Althorn, 

Teno?'/iO)')i,  quatre  termes  qui  n'ont  qu'une  seule  et 
même  signification; 

Biigic-horn,  en  un  ou  deu.x  mots,  cela  ne  peut 
toujours  vouloir  dire  que  bugle-cor  où  saxhorn-cor. 

Flicorno, 

Eufonia, 

Hélicon,  saxhorn  basse  ou  contrebasse,  de  forme 
ronde,  permettant  à  l'instrumentiste  de  tenir  son  ins- 
trument enroulé  autour  du  corps  pour  le  jouer  et  le 
porter; 

PeUiton, 

Pelitoni, 

Herkulesofon, 

Bnroxyton, 

Cornons, 

Cornophones. 

De  cette  liste  bien  incomplète,  je  le  répète,  et 
qu'on  ne  saurait  compléter  utilement,  parce  que 
toutes  ces  dénominations  varient  à  l'infini  suivant  le 
caprice  des  facteurs  ou  les  désinences  de  langage  de 
chacun  des  pays,  je  ne  retiendrai  que  les  trois  types 
les  plus  marqués  pour  établir  les  trois  principaux 
aspects  du  problème,  qui  consiste  à  perfectionner 
les  saxhorns  jusqu'au  point  de  n'avoir  plus  à  le- 
gretlcr  le  cor. 

L'hélicon  n'a  du  cor  que  la  forme  ronde;  la  perce 
et  l'embouchure  sont  celles  des  saxhorns  ;  if  est  plus 
commode  à  porter  pour  jouer  en  marchant,  mais, 
par  contre.  Il  ne  peut  se  porter  que  d'une  seule  ma- 
nière, même  quand  on  ne  joue  pas,  et  devient  ainsi 
bien  plus  incommode  et  plus  fatigant  pendant  une 
marche  un  peu  longue. 

11  a  enfin  contre  lui  d'avoir  toutes  les  tierces  (les 
sons  o)  beaucoup  trop  basses. 


A  ce  sujet,  il  nie  faut  revenir  une  dernière  fois  au 
principe  de  la  gamme  naturelle. 


FiG.  ii.'i.  —  Clairon 
chasseur. 


FiG.  4-41.  —  Hi'licon.  —  Branche  articulée  ninbile  permettant 
d'amener  l'embouchure  aux.  lèvres  de  l'exécutanl  sans  fausse 
position  de  la  tête. 

J'ai  dit  pages  1402,  1403,  exemple  f,  que  le  son,  5 
de  la  gamme  naturelle  est  légèrement  plus  bas  que 
ce  même  son  5  de  la  gamme  tempérée. 

Or  cette  dilférence,  très  légère  sur  les  tubes  longs 
et  de  perce  étroite  comme  le  cor  ou  la  grande  trom- 
pette sur  lesquels  ont  peut  atteindre  des  hariiao- 
niques  très  élevés,  s'accuse  de  plus  en  plus  dans  tes 
tulses  plus  courts  et  de  perce  relativement  pljas 
large,  comme  la  petite  trompette  et  le  cornet  qui 
sont  presque  cylindriques, 
puis  dans  les  saxhorns  qui, 
comme  les  précédents,  n'at- 
teignent plus  qu'aux  sons  8, 
mais  sont  de  perce  conique 
et  de  la  forme  ellipsoïdale 
ordinaire;  enfin,  pour  une 
cause  qui  échappe  à  la 
théorie,  celte  différence 
devient  insuppoilable  dans 
ces  mêmes  saxhorns  dès 
qu'on  leur  donne  la  forme 

ronde.  Ce  fut  la  principale  cause  de  l'abandon  du 
clairon  changeur  cvéé 
vers  1890;  ce  clai- 
ron, à  forme  ronde, 
avait  des  sons  :),  4  et  DǤ 
6  parfaitement  d'ac- 
cord avec  les  sons 
correspondants  du 
clairon  ellipsoïdal 
ordinaire,  mais,  dès 
qu'on  attaquait  les  sons  S 
nablement  faux,  et 
malgré  l'avantage, 
très  apprécié  des 
chefs  de  corps,  de 
mieux  faire  enten- 
dre les  sonneries  de 
marche  aux  troupes 
qui  suivaient,  il  fal- 
lut abandonner 
cette  forme  nouvelle 
pour  en  revenir  au 
vieux  clairon  avec 
pavillon  en  avant. 

L' alto- cor ,       qui 
n'est  qu'un  saxhorn 


Fitt.  440.  —  Clairon  s/ 7. 

cela  devenait  alxjoai- 


FiG.  4 17. 


AUo-C'.ir  m't  ■ 


I'if,0 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


FiG.  4iS.  —  Cor  alto  en  mi'n. 


alto   à   forme  ronde,   subit,   quoi   qu'en  disent   les 

facteurs,  la  même  lo' 
des  sons  o  beaucoup 
trop  bas. 

Le  cor-allo  est  encore 
lin  saxhorn  alto  dans  le 
genre  du  précédent, 
mais  dont  ou  a  rétréci 
la  branche  d'embou- 
chure, sur  laquelle  on 
a  fixé  une  embouchure 
se  rapprochant  de  l'em- 
bouchure du  cor;  c'est 
toujours  un  saxhorn  h. 
forme  ronde  avec  des 
sons  moins  amples. 
EnTin,  les  cornophones  sont  des  saxhorns  dont  on 
a  l'endu  la  perce  phis  régulièrement  conique,  et  dont 
l'embouchure  se  rapproche  de  celle  du  cor,  mais 
auxquels  on  a  conservé  la  forme  ellipsoïdale.  Mal- 
pré  sou  nom,  l'alto  n'a  pas  et  ne  peut  avoir  la  voix 
du  cor,  et  cela  pour  la  raison  capitale  que  la  longueur 
du  tube  est,  comme  celle  de  tous  les  saxhorns  alto 
mih,  de  moitié  plus  courte  que  la  longueur  d'un  cor 
également  en  miU  et  que,  alors  que  dans  ce  dernier 
les  sons  les  plus  employés  se  meuvent  entre  les  har- 
moniques l  et  12,  les  sons  correspondants  du  corno- 
phone  alto  vont  de  l'harmonique  2  à  l'harmonique  6; 
le  ti7nbre  ne  saurait  donc  être  le  même,  pas  plus  que 
la  petite  trompette  en  ut  ne  saurait  prétendre  à  avoir 
le  même  timbre  que  tessons  similaires  de  l'ancienne 
grande  trompette  en  ut,  dont  la  longueur  et  consé- 
quemment  les  harmoniques  étaient  doubles  ;  la  pe- 
tite trompette  est  infiniment  plus  facile  à  jouer, 
c'est  entendu,  mais  quant 
à  avoir  le  timbre,  la  péné- 
tration et  la  portée  de  la 
grande  trompette,  c'est 
tout  autre  chose. 

Le  coruophone  baryton 
en  stp  a  la  longueur  de 
l'ancien  cor  en  si:-:  haut,  et 
cela  est  suffisant  pour  ex- 
pliquer que  ses  sons  aigus 
se  rapprochent  du  timbre 
des  sons  du  cor;  malheu- 
reusement, sa  perce  plus 
large  ne  se  prête  peut- 
être  pas  aussi  aisément  à 
l'émission  de  ces  sons 
aigus. 

En  résumé,  ce  qui  donne  le  caractère  particulier 
des  sons  du  cor,  c'est  surtout  la  série  élevée  des 
harmoniques  de  cet  instrument,  série  obtenue  par 
les  proportions  d'un  tube  très  long  eu  égard  à  une 
perce  très  étroite  et  d'un  cône  e.xtrèmement  allongé; 
c'est  aussi  ce  qui  constitue  la  difficulté  de  cet  ins- 
trument, parce  qu'il  est  indispensable  d'avoir  l'o- 
reille et  les  lèvres  1res  sîlres  et  très  exercées  pour 
se  mouvoir  avec  quelque  assurance  au  milieu  de  tous 
ces  harmoniques  de  degrés  conjoints. 

Pour  conserver  le  caractère  du  cor  à  un  instru- 
ment dont  le  tube  serait  de  moitié  plus  court,  il 
taudrait  que  la  perce  de  ce  tube  fût  réduite  égale- 
ment de  moitié  dans  toute  sa  longueur,  mais  il  est 
à  craindre  qu'un  tel  instrument  ait  également  sa 
sonorité  réduite  de  moitié,  ce  que  l'on  veut  éviter  à 
fout  prix.  Au  lieu  de  cela,  les  facteurs  cherchent  la 
solution  du  problème  en  construisant  des  tubes  de 


Itaa^ 


FiG.  ■i'S9.  —  Cornophone  alto 
mi  ^ . 


moitié  plus  courts  pour  obtenir  des  harmoniques  du 
double  moins  élevés  dont  la  pratique  est  infiniment 
plus  aisée,  mais  dont  la  perce,  partie  de  Tembou- 
cliure  du  ;^'rand  cor,  souvent  même  plus  grande,  va 
en  s'élarjïissant  dans  un  cône  très  accusé;  le  résultat 
ne  peut  être  le  timbre  du  cor;  il  ne  peut  logique- 
ment aboutir  qu'au  timbre  de  saxhorn  plus  ou 
moins  perfectionné,  mais  timbre  de  saxhorn  tou- 
jours. 

Pour  conclure,  je  ne  puis  mieux  faire  que  de  réé- 
diter cette  réflexion  d'un  La  Palisse  quelconque  :  «  Il 
n'y  a  qu'un  instrument  qui  puisse  vraiment  rempla- 
cer un  cor,  —  c'est  un  autre  cor.  » 

Les  meilleures  méthodes  pour  les  saxhorns  so- 
prano, contralto,  alto  et  baryton  sont  celles  que  j'ai 
citées  pour  le  cornet  à  pistons. 

Pour  les  saxhorns  basses  et  les  trombones  à  pis- 
Ions,  ce  sont  celles  de  ; 

Michel  Blêgeiï  ; 

S.alabert; 

Gausinus. 

Sndrophone* 

Le  sudrophone,  ou  voix  de  sudre,  n'est  pas  un  nou- 
vel instrument,  mais  une  modification  imaginée  par 
Sudre  et  appliquée  par  lui  à  tous  les  instruments 
de  cuivre  pour  leur  ajouter  un  timbre  nouveau. 

Celte  modilication  consiste  en  une  ouverture  pra- 
tiquée à  la  naissance  du  pavillon,  ouverture  recou- 
verte par  une  membrane  de  soie  qui  vibre  aux  sons 
de  l'instrument,  à  la  manière  de  la  pelure  d'oignon 
du  mirliton  ou  du  bigotphone,  ou  plus  exactement, 
de   la   llùte   eunuque  ;   ces    vibrations  modifient    le 

MANIE^rE^■T   de   la    membrane    des    SCDnû^HU^ES. 

i.a    membrane    des    sudrophones    se    rompose 

essentiellement  d'un  doublé  cylindre,  se  pla- 
çant daus  un  petit  tube  Gxù  à  demeure  sur  le 

cote  du  pavillon,  et  dont    l'un    porte  la  soie 

dont  la  vibration  modifie  le  timlire  de  l'inslru- 

mont. 
/)  Pour  jouer  avec  le  timbre  du  cuti-re  ordinaire, 

tourne}-  le  cylindre  à  droite  en  le  prenant  par 

l'anneau  A,  et  Termer  ainsi  la  fenêtre  de   la 

membrane. 
-2)  Pour  faire  parler  la  membrane  et  modifier  Ip 

timbre,  tourner  l'anneau  A  à  gauche  et  ouvrir 

ainsi  la  ienètre  de  la  membrane. 

3)  Pour  obtenir  le  timbre  désiré,  régler  la  ten- 
sion de  1.1  membrane  par  la  vis  V.  Pour  ten- 
dre la  soie,  tourner  la  vis  peu  â  peu  à  droite, 
en  émettant  par  exemple  une  note  de  façon  à 
choisir  le  timbre  voulu  ;  plus  on  tend,  plus  le 
son  ^e  rapproche  de  celui  du  cuivre.  Pour  la 

détendre,  tourner  peu  a  peu  à  gauche:  on  obtient  le  timbre  d'ins- 
truments à  anche  ;  plus  on  détend,  plus  le  son  se  rapproche  de  celui 
des  instruments  à  cordes. 

NOTA.  —  Il  ne  faut  pas  que  l'instrumentiste  se  préoccupe  de  la  vibra- 
tion un  peu  forte  qu'il  entend  en  jouant;  cette  vibration  disparaît 
eiilièrement  à  une  courte  distance,  et  le  son  est  d'une  grande  pureté 
pour  lauiiileur. 

Avant  de  jouer  avec  la  membrane,  il  est  bon  de  la  mettre  à  la  tem- 
pérature de  l'airsonore  qui  va  venir  la  faire  vibrer  :  pour  cela,  res- 
piier  une  ou  dcu\  fois  sur  la  soie,  sans  sortir  la  membrane. 

4)  Pour  retirer  la  membrane,  la  saisir  par  l'anneau  A  et  tirer  en  lias, 
quand  le  taquet  /.  li\e  sur  le  cylindre,  se  trouve  devant  la  rainure  du 
tube  ti\e. 

5)  Une  fois  le  cylindre  retiré,  il  suftit.  poursorlir  la  membrane  de  soie, 
(le  saisir  le  cylindre  de  la  main  gauche  par  l'anneau  A  et  de  la 
droite  par  le  bouton  R,  puis  détourner  à  droite  ce  boulon  de  façon 
à  faire  glisser  le  taquet  5  dans  la  rainure  oblii]ue;  en  tirant  en  bas, 
les  deu\  cylindres  se  séparent  et  la  membrane  de  soie  apparaît. 

OBSERVATIONS,  —  Il  faut  retirer  la  membrane  le  moins  souvent 
possible  et  bien  faire  attention,  en  la  sortant,  de  ne  pas  la  frotter 
contre  le  tube,  ce  qui  pourrait  la  couper. 

Quand  l'instrument  est  au  repos,  avoir  soin  de  fermer  la  membrane 
comme  pour  jouer  en  cuivre. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1.61 


lirabre  de  rinstruinenl  et  le  rapproclient  de  celui  des 
instruments  à  cordes;  je  ne  dis  pas  qu'elles  le  rem- 
placent, mais  seulement  qu'elles  le  rapprochent,  et 
c'est  déjà  beaucoup.  Par  une  sorte  de  verrou,  l'ins- 
trumentiste peut  à  volonté  boucher  cette  ouverture 
et  rendre  ainsi  le  timbre  primitif  à  l'instrument,  qui 
possède  de  la  sorle  deux  timbres  bien  distincts. 

Quant  à  la  forme  nouvelle,  ou  plus  exactement  très 
ancienne,  car  elle  nous  ramène  à  la  forme  primitive 
des  fameux  ophicléides  ù  pistoru  de  vers  ISiiO,  quant 
à  la  forme  donnée  à  ces  instruments,  elle  n'influe 
en  rien  sur  les  timbres  et  n'a,  je  suppose,  qu'un  but  : 
celui  de  distinguer  ces  instruments  spéciaux,  des 
instruments  ordinaires,  et  d'attirer  l'œil  du  client  ou 
de  l'auditeur.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  sudroplione  est 
une  véritable  invention  qui  peut  et  doit  rendre  de 
réels  services,  au  moins  dans  les  fanfares  si  pauvres 
en  timbres  caractéristiques. 


FiG.  i5l.  —  Grand  buple. 


FiG.  152.  —  Allô. 


FiG.  453.  —  Bfirylon  ut 
el  sit,. 


FiG.  454.  —  Basse  11/ 
et  si\). 


Duplex. 

Les  duplex  ne  nous  apportent  aucun  principe 
nouveau;  les  instruments  qu'on  appelle  ainsi  ne  sont 
tout  simplement  que  l'accouplement  d'un  cornet 
avec  un  bugle,  ou  d'un  bugleavec  un  alto,  ou  d'un 


FiG.  455.  —  Contrebasse 
mi  y. 


FiG.  456.  —  Contrebasse 
si  \^  el  Hl. 


457.  —  Cornet. 


FiG  45S.  —  Trombone. 


clairon  avec  une  trompette,  ou  toute  autre  fantaisie 
du  même  genre  ;  les  deux  instruments  jumeaux  sont 
reliés  à  une  branche  d'embouchure  commune  et 
reçoivent  alternativement  l'action  du  souffle  de  l'ins- 
trunii'nliste  au  moyen  d'une  noix  ou  barillet,  sorte 
de  robinet  de  distribution  employé  également  sur 
certains  instruments  comme  le  cornet,  le  cor  ou  la 
basse  pour  mettre  l'instrument  en  si_^  ou  la,  en  mit» 
ou  fa  ou  eu  ul  et  st!>,  afin  d'éviter  l'embarras  d'un 
ton  de  rechange. 


FiG.  459.  —  BoriUet  simple.       Fig.  460.  —  Barillet  double. 


l'.ivillon  e.>  av.11. t.  Pdvillun  en  l'air. 

Fia.  461.  —  Ck>nlrillo  et  cornet  en  «tt>. 


1462. 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Je  n'ai  pas  besoin  d'insisler  pour  établir  que  ces 
instruments  ne  sont  et  ne  peuvent  être  que  des  pièces 
d'exposition  ou  de  vitrine.  En  etîet,  même  en  pre- 
nant le  cas  qui  parait  le  plus  logique  du  clairon- 
trompette,  pour  permettre  de  transmettre  des  ordres 
à  l'infanterie  ou  à  la  cavalerie,  l'instrument  est 
lourd,  il  exige  deux  embouchures  diirérentes,  un 
musicten  exercé,  intelligent  et  aux  lèvres  très  souples. 
N'est-il  pas  infiniment  plus  simple  de  mettre  à  la 
disposition  du  chef  commandant  les  troupes,  un 
clairon  et  un  trompette  qui,  bien  au  courant  chacun 
de  leur  instrument  et  de  leurs  sonneries,  ne  risque- 
ront ni  l'un  ni  l'autre  de  se  tromper  d'intonation 
ou  de  sonnerie  ? 

Quant  aux  autres  instruments,  n'en  parlons  pas; 
en  dehors  d'un  artiste  de  music-hall,  ils  ne  sauraient 
avoir  aucune  utilité. 

Au  cours  de  cette  étude,  je  n'ai  parlé  ni  des  em- 
bouchures rayées  de  Guilh.\ut,  ni  des  embouchures 
concentriques  de  Sudre,  ni  de  l'amplificateur  sys- 
tème Bal.\y,  ni  de  quantité  d'autres  innovations 
pour  tel  ou  tel  instrument  émanant  de  tel  ou  tel 
facteur;  c'est  que  la  tâche  serait  longue  d'énumérer 
toutes  les  merveilles  d'ingéniosité  que  l'on  voit 
figurer  dans  les  catalogues,  et  qui  témoignent  des 
efforts  de  chacun  pour  trouver  de  nouveaux  perfec- 
tionnements, si  minimes  qu'ils  puissent  être.  D'ailleurs, 
aucune  de  ces  innovations  ne  nous  apporterait  un 
nouveau  principe  à  étudier,  une  nouvelle  loi  à  con- 
naître, et  aucune  ne  peut  encore  se  prévaloir  d'être 
devenue  d'un  usage  général  ou  d'être  seulement  em- 
ployée par  tous  les  artistes  professionnels.  Dans  ces 
conditions.  J'estime  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  préjuger 
de  leur  succès  dans  l'avenir. 


DES  INSTRUMENTS  A   PERCUSSION 

Après  avoir  examiné  les  principes  des  instruments 
à  vent,  il  nous  reste  à  jeter  un  rapide  coup  d'œil  sur 
les  instruments  à  percussion  formant  le  complément 
du  matériel  sonore  de  nos  orchestres  de  symphonie 
d'harmonie  ou  de  fanfare,  vulgairement  appelés  ins- 
truments de  la  batterie  ou  accessoires. 

Nés  les  premiers  dans  l'humanité,  comme  éléments 
musicaux,  ils  sont  aujourd'hui  relégués  au  dernier 
rang,  malgré  leur  utilité  indéniable. 

Je  dis  qu'ils  sont  nés  les  premiers  comme  éléments 
de  musique.  En  effet,  l'homme  ne  chantait  pas  en- 
core, que  son  pas  de  marche  ou  de  course  exprimait 
déjà  une  cadence,  un  rythme,  simple  il  est  vrai,  mais 
suffisamment  marqué  et  régulier  pour  être  envisagé 
musicalement;  pour  peu  que  cethomrae  ait  des  armes 
pendues  à  sa  ceinture,  des  outils  rudimentaires 
s'entre-choquant  sur  son  épaule  aux  mouvements  de 
osu  corps,  en  voilà  assez  pour  distraire  son  oreille 
amusée;  n'enjolivons-nous  pas  encore,  de  nos  jours, 
le  coursier  qui  emmène  notre  charrette,  d'un  collier  de 
grelots  qui  n'ont  d'autre  son  appréciable  qu'un  bruit 
rythmique'? 

Si  le  pas  de  l'homme  marquait  un  rythme,  et  le  fai- 
sait marquer  aux  objets  qu'il  portait,  il  était  bien 
naturel  que  l'idée  lui  vint  de  renverser  les  rôles  et 
que,  prenant  deux  morceanx  de  bois  et  les  frappant 
l'un  contre  l'autre,  il  s'en  servît  pour  marquer  le 
rythme  de  la  marche,  de  la  comse  et  bientôt  de  la 
danse.  Désormais,  il  est  inoonlestable  que  cet  homme 


fait  de  la  musique;  ses  deux  morceaux  de  bois  devien- 
dront des  claquebois  et  des  castagnettes;  nous  en 
ferons  même  un  instrument  mélodique  dans  le  xylo- 
phone; ou  bien,  abandonnant  le  bois  pour  le  bronze, 
il  en  fera  des  cymbales,  des  grelots,  des  clochettes 
et  des  cloches  qui  formeront  les  joyeux  carillons  des 
Flandres;  enfin,  creusant  son  bois  et  le  recouvrant 
d'une  peau,  il  en  fera  un  tambour,  une  nacaire  ou 
une  timbale,  à  moins  que,  mettant  deux  peaux,  il  en 
fasse  une  caisse  petite  ou  grosse. 

Le  principe  de  production  du  son  sera  ici  toujours 
le  même  :  on  frappe  l'instrument,  soit  avec  un  objet 
de  même  nature,  soit  avec  une  baguelte  de  métal  ou 
de  bois  recouverte  d'étoiipe,  de  feutre,  d'épongé,  de 
cuir,  ou  bien  tout  simplement  à  nu,  mais,  dans  tous 
les  cas,  le  son  résulte  d'un  coup  frappé. 

Quant  au  son  lui-même,  il  dilTérerasuivantla  nature 
de  l'instrument,  sa  construction,  les  matériaux  em- 
ployés et  leur  disposition. 

Le  claquebois  fut  constitué  d'abord  par  deux  mor- 
ceaux quelconques  de  bois  que  l'on  frappa  l'un  contre 
l'autre;  puis,  on  en  a  fait  un  instrument  spécial  com- 
posé d'une  lame  de  bois  au  milieu  de  laquelle  une 
charnière  rudimentaire  fixait  une  deuxième  lame  plus 
courte  destinée  à  venir  frapper  la  première  pour  pro- 
duire le  bruit  rythmique. 


Fio.  462. 


Cet  instrument  primitif  est  connu  également  sous 
les  noms  de  crotale  ou  de  plataijé. 

Nous  le  retrouvons  en  Italie  sous  cette  forme  très 
améliorée  : 


FiG.  403. 


et  en  France, '^de  nos  jours,  pour  l'imitation  du  fouet, 
sous  cette  forme  : 


Fio.  464. 


TECHNIQI'E,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INTRUMENTS  A   VENT    1463 


A  défaut  de  claquehois,  ou  plus  souvent  pour  le 
renforcer,  on  employait  le  clai|uement  des  mains, 
comme   le  prouve   la   ligure   ci-dessous   provenant 


(Tun  bas-relief  trouvé  dams  les  ruines  de  ISinrve  et 
aujourd'hui  au  Muséum  Britannique. 

Nous  retrouvons  le  même  instrument,  perfectioûné 


el  pemieltant  des  rytiimes 
rapides,  dans  les  casta- 
gnettes si  populaires  en 
Espagne  et  déjà  connues 
de  l'antiquité  : 


FiG.  16G. 


Fis.  -iST. 


Pour  l'orchestre,  et  afin  d'en  rendre  le  manie- 
ment plus  facile,  on  construit  des  castagnettes  à 
manche  : 


Fiu.  468. 


FiG.  4Ô9. 


Dans  certains  pays,  les  enfants  remplacent  les 
castagnettes  par  deux  petites  lamelles  de  bois 
tenues  enlie  les  doigts  et  nommées  claquettes  ou 
cliquettes. 


FiG.  ni. 


FiG.  472. 


l'.nliii,  Carmen,  dansant  devant  don  José,  prend 
tout  simplement  deux 
tessons  ou  fragments 
d'assiette  pour  rempla- 
cer ses  castagnettes  ou- 
bliées. 

En  bois  encore  est 
la  crécelle,  jouet  d'en- 
fant ou  de  carnaval, 
employée  dans  un  for- 
mat plus  grand  au  théâ- 
tre pour  tigurer  la  fu- 
sillade, et  à  l'orchestre 
pour  imiter  le  craque- 
ment des  arbres  dans 
certains  morceaux  imi- 
lalifs  d'orage. 


PiG.  473. 


1464  Excn-ioFÉnih:  de  la  musique  et  dictionnaire  du  conservatoire 


FiG.  474.  —  Crécelle, 


FiG.  475. 


FiG.  170.  —  Crécelle. 

En  i-emplaçant  le  ressort  de  la  grande  crécelle  par 
une  bande  de  grosse  soie  enveloppant  en  partie  la 
roue  cannelée,  on  obtient  l'imitation  du  vent.  Ce  n'est 
plus  alors  un  instrumenta  percussion,  mais  un  sim- 
ple accessoire  de  théâtre  employé  exceptionnellement 
dans  une  grande  fantaisie  de  musique  imitative,  qui 
eut  autrefois  une  certaine  vogue,  ayant  pour  titre  : 
Le  Fremesbcrg,  de  Miloslaw  Kœnnem.inn. 


FiG.  477.  —  Ma-liine  pour  l'imitalion  du  vent. 

L'auteur  a  également  employé  dans  cette  compo- 
sition une  machine  pour  imiter  la  pluie  et  la  grêle, 
sorte  d'escalier  creux  en  zinc,  dans  lequel  des  pois  ou 
des  haricols  secs  descendant  ou  précipités  de  mar- 
che à  marche,  font  un  crépitement  imitatif  ;  il  y  avait 
encore  une  machine  pour  faire  les  éclairs,  grosse 
pipe  contenant  une  lampe  à  esprit-de-vin,  sur  laquelle 
on  souftle  de  la  poudre  de  Ijcopode,  puis  enlin,  une 
tôle  mince  suspendue  par  un  de  ses  angles,  et  que 
l'on  secoue  fortement  pour  rendre  le  bruit  du  tonnerre 
(procédés  employés  dans  les  théâtres). 


FiG.  478.  —  Machine  à  iniiler 
la  pluie  et  la  grêle. 

Tous  ces  engins  ne  sont  et  ne  peuvent  être  des 
instruments  de  rythme  ou  des  instruments  de  mélo- 
die; pas  plus  que  le  coup  de  pistolet  employé  par 
MÉHLiL  dans  l'ouverture  de  La  Chasse  du. Jeune  Henri, 
pas  plus  que  les  coups  de  canon  employés  dans  cer- 
taines cérémonies  solennelles  par  des  compositeurs 
ou  des  chefs  d'orchestre  voulant  impressionner  la 
foule',  ces  accessoires  ne  doivent  être  considérés 
comme  partie  intégrante  du  matériel  musical. 

L'imitation  de  la  caille  et  celle  du  coucou  qui  peu- 
vent s'obtenir  musicalement, 
se    font    aussi,    la    première 
avec    une    petite    caisse    de     ^^^ 
résonance  de  dimensions  cal-     I  f^         i 
culées  pour  donner  la  note 
voulue    à    l'aide    d'un    petit  ^'"=-  '''''■'■ 

maillet, 

la  seconde  au  moyen  d'un  tube  carré  en  bois,  sorte 
de  minuscule  luyau  d'orgue  percé  d'un  trou  aux 
quatre  cinquièmes  de  la  longueur  totale,  et  donnant 
conséquemment  la  tierce  de  la  fondamentale  ;  ce  trou 
se  bouche  avec  un  doigl;  les  deux  notes  sont  obte- 
nues en  soufllant  dans  le 
tuyau.  C'est,  en  somme, 
un  véritable  instrument 
à  vent. 


£H- 


FiG.  4S0. 


■  Coucou. 


FiG.  iSl.  —  Coucou. 


Le  xylophone  ou  halaf'o  du  Sénégal,  au  contraire, 
est  essentiellement  un  instrumenl  à  percussion,  com- 
posé d'un  certain  nombre  de  lames  d'un  Lois  très 
sonore  et  rendant  des  sous  parfaitement  distincts. 
Ces  lames  reposent  sur  deux  cordons  de  paille,  de 
caoutchouc  ou  de  chanvre;   on  les  fait  vibrer  avec 


1.  Le  canon  fut  employé  en  1615  dans  VOloferno  d'Hilaire  Grlsd- 
.MA>s  à  Dresde  ;  en  1ij43,  dans  le  Te  Dcum  de  Rauch;  enlfi-iS,  dans  le 
Currus  Triiniipltalis  du  mtMne  Rauch,  à  Vienne  (ceUe  dernière  œuvre 
avec  addition  de  mousquets)  ;  en  1785  ou  1788  par  Sarti,  dans  son  Te 
Deum  pour  la  victoire  d'Oc/^akov  en  Russie  et  par  Cari  Stamitz  d&ni 
un  concert  à  Nuremberg. 

Il  fut  encore  employé  en  1836  au  camp  de  Krasnoïé-Selo,  près  de 
Saint-Pélersbourg  ;  en  1867  par  Rossini,  dans  son  Hymne  au  Peuple 
Français,  et  enfin  en  1869  et  1872,  dans  deux  fiîtes  musicales  données 
ù  Boston  par  M.  Gillimore. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    14ii5 


deux  petits  marteaux  de  bois  dur;  le 
maître  Saint-Sakns  en  a  fait  un  emploi 
excellent  dans  la  Danse  macabre. 


Le  même  instrument,  avec  des  lames 
de  verre,  se  retrouve  sous  le  nom  d'har- 
monica dans  les  bazars  au  rayon  des 
jouets  d'enfants. 


FiG.  iSS.  —  Carillon  sans  claviT. 

Avec  des  lames  d'acier,  nous  retrouvons  encore  le 
nif^me  instrument  sous  les  noms  de  jeu  de  timbres 
ou  de  carillon. 


FiG.  481. 


FiG.  4S5. 


FiG.  4S6.  —  Carillon  ii  lames 
d'acier,  une  oclave  chroinalique. 


Les  lames  d'acier  remplacées  par  des  cordes  métal- 
liques tendues  sur  une  caisse  sonore,  nous  donnent 
le  cembalo  ou  Ujmpanon^  joué  avec  tant  de  maîtrise 
par  les  artistes  tziganes. 


1.  Voir  cluipitre^Hongrie  de  Bektha. 


Ces  cordes,  placées  dans  une  caisse[sonore  et  percu- 
tées par  des  marteaux  actionnés  par  un  système  à 
échappement  mû  parles  touches  d'un.clavier,  devien- 
nent les  éléments  de  l'instrument  de^concert  public 
ou  familial  par  excellence  :  le  piano. 

Gardant  la  caisse  sonore  et  le  clavier,  et  renonçant 
aux  cordes  pour  reprendre  les  lames  d'acier  montées 
sur  caisses  de  résonance,  nous  avons  le  Glockenspiel 
employé  par  Moz.art  dans  la  Fliitc  enchantée,  mais 
inliniment  perfectionné  par  A.  Mustel,  et  connu  sous 
le  non  de  célesta  Mustel. 


Flij.    4SS. 


Cunllun  à  clavier  ou  Gl.ickenspiel. 


En  acier  encore  et  vigoureusement  pneulée,  l'en- 
clume qui  sert  de  pédale  supérieure  dans  le  chœur 
des  lîohémiens  du  Trouvère  (2«  acte)  de  Vkhoi,  ainsi 
que  celle  de  l'acte  de  la  forg.;  de  Sicijfrkd  de  R.  Wa- 

GNÏR. 


FiG.  489.  —  Enclumes. 

Plus  trans|ioi table  et  infini- 
ment plus  léger  est  le  modeste 
triangle,  simple  tringle  d'acier 
doublement  coudée  qu'on  fait 
vibrer  au  moyen  d'une  petite 
batte,  également  d'aciei',  et 
qui  donne  une  note  légère 
dans  les  morceaux  d'allure 
champêtre. 

Uieii  que  celte  note  soit  ap- 
préciable à  l'oreille,  on  n'en 
lient  pas  compte  habituel- 
lement pour  prescrire  l'emploi 
du  triangle  dans  des  compo- 
sitions d'une  tonalité  quel-  Fn;.  lao. 
conque,  et  cet  instrument 
est  considéré  comme  donnant  un  son  indéterminé. 


1466 


EVCrCLOPÉD/E  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERV  \Tnin!': 


FiG.  491.  —  Diapason. 


De  même  ordre,  et  ce- 
pendant  considéré 
comme  instrument  <à  son 
essenliellement  détermi- 
né, fixe  et  éminemment 
régulateur,  est  le  diapa- 
son :  fourchette  d'acier 
construite  pour  fournir 
î  exactement  le  la^  de  8T0 
vibrations  à  la  seconde 
sous  le  choc  d'un  léger 
marteau  ou  d'un  objet 
dur  quelconque. 

Ici,  je  ne ciois  pas  sans 
intérêt  de  faire  la  remarque  suivante  : 

Il  est  ^îénéralement  admis  que  le  premier  son 
musical  perceptible  est  fourni  par  un  luyau  ouveit 
de  'il  pieds  ou  un  tuyau  fermé  de  16  pieds;  c'est  Vut 
grave  du  grand  orgue,  donnant32  vibrations  simples 
à  la  seconde,  indiqué  en  acoustique  nt,. 

Le  kl,  son  harmonique  -27  de  cet  ut,,  est  précisé- 
ment le  /Oj  du  diap;isoii  pris  comme  base  d'accord 
des  instrumenls,  et  il  devrait  donner  8G4  vibrations  à 
la  seconde. 

En  fixant  à  870  vibrations  le  lu  normal  du  diapason, 
dans  son  arrêté  du  16  lévrier  18o9,  le  niinislre  a  donc 
relevé  très  légèrement  la  gamme  normale,  et  ViUi 
du  grand  orgue  doil  donner  un  peu  plus  de  32  vibra- 
tions à  la  seconde  (exaclement  32,223),  ce  qui  ne  le 
rend  que  plus  appréciable  à  l'oreille,  mais  ce  qui 
complique  fâcheusement  les  calculs. 

Avant  celte  réglemenlation,  chaque  Ihéàtre,  chaque 
orchestre  avait  son  diapason  particulier  et,  comme 
le  nombre  de  vibratiOEis  différait  d'un  diapason  à 
l'autre,  il  s'ensuivait  que  lajustesse  des  instruments 
s'en  ressentait,  puis  que  la  tessiture  des  chanteurs 
se  trouvait  plus  ou  moins  tendue  selon  qu'ils  chan- 
taient dans  un  théâtre  ou  dans  un  autre,  ou  selon 
qu'une  œuvre  était  chantée  dans  un  même  théâtre, 
mais  à  des  époques  différentes. 

C'est  ainsi  que  les  relevés  scientifiques  qui  ont  été 
faits  du  /fl;i  servant  pour  l'accord  donnent  : 
Pour  l'Opéra  en  1700,  800  vibrations. 


la  Chapelle  Saint-Louis 
le  Théâtre  Italien 
l'Opéra 


le  Conservatoire 


1780,  818 
1823,  848 
1828,863 
1834,  868 
1836,  882 
183:;,  898 


Fia.  192.  —  Marche  ascensionnelle  du  diapason  en  France 
de  1700  à  1S55.  (CoUeclion  de  M.  Guslave  Lyok.) 

de  telle  sorte,  que  lorsque  l'on  exécute  de  nos  jours 
les  œuvresde  Lllli  [Amadisde Gaule,  1684, ou  Armidc, 
1686),  de  Rameau  [Hippolyte  et  Aricie,  1733,  Castor  et 
Pollux,  1737)  ou  de  Campra  (Achille et Déidamie,  1733), 


ces  œuvres  sont  chantées  et  entendues  près  d'un  ton 
(environ  7  commas)  plus  haut  qu'à  leur  création; 
pour  les  œuvies  de  Monsigny  (Le  Dési-rtcur,  1769), 
Grétry  (Les  Deux  Avares,  1770,  Hichnrd  Cœur  de  lion, 
1784),  Gluck  {Orphée,  ill\,Alceste,  1776),  la  différence 
s'atténue  jusqu'à  un  demi-ton  (4  commas)  ;  pour 
celles  de  Méhul  (Ariodant,  1798,  Joseph,  1807),  Boïel- 
D\m  [Lf  Calife  lie  Bagdad,  1800,  La  bame  Blanchp,iS2o), 
CiM.\B0SA  {Le  Mariage  secret.  1801),  Lesuhur  (Les  Bar- 
des, 1804),  Spontini  [La  Vestale.  1807),  RossiNi  (Le Bar- 
bier,  1819),  le  diapason  remonle  peu  à  peujusqu'à  une 
différence  d'un  peu  moins  de  deux  commas;  enfin 
les  premières  œuvres  d'AuBER  {La  Miette  de  Portici, 
1828,  Fra  Diavolo),  de  Meyebiieer  i  Robert  le  Diable, 
1831),  Celles  d'HÉROLD  (Zampa,  1831,  !'■  Préaux  Clercs, 
1832),  les  dernières  de  Rossim  [Le  Comte  Ory,  1828, 
Guillaume  Tell,  1820)  sont  entendue*;  presque  sans 
changement,  puis  le  diapason,  continuant  sa  marche 
ascensionnelle,  dépassa  le  la  normal,  et  les  œuvres 
d'IlALÉVY  (La  Juive,  183.ï,  Charles  VI,  1843),  de  Meyer- 
HEER  (Les  Huguenots,  1836,  Le  Prophète,  1849,  L'Etoile 
du  Nord,  18.54),  de  Do.nizetti  (La  Favorite,  La  h'ille  du 
Régim'nt,  1840),  de  Félicien  David  [Le  Désert,  1844), 
de  Berlioz  {La  Damnation  de  Faust,  184'i),  de  Victor 
Massé  (Galalhée,  )S.'i2,  Les  Noces  de  Jiaitnette,  18.ï3j, 
de  Verdi  (Le  Trouvère,  lS'6i,  LaTruviata.  1836,  Rigo- 
letto.  1857)  sont  entendues  maintenant,  au  contraire, 
avec  près  de  deux  commas  (1836)  el  près  d'un  demi- 
ton  (1833  à  1839)  plus  bas  qu'à  leur  création. 

Or,  pendant  toute  la  période  du  xvin'  el  du  premier 
quart  du  xix«  siècle,  les  grandes  orgues,  au  moins 
celles  possédant  le  jeu  de  32  pieds,  ne  pouvant  laisser 
descendre  leur  ut  grave  à  moins  de  32  vibrations, 
puisque  cet  ut  aurait  cessé  d'être  perceptible  à 
l'oreille,  on  élait  bien  obligé  de  maintenir  leur  taj  à 
864  vibrations,  au  moins,  ce  qui  constituait  un  écart 
parfois  considérable  entre  l'orgue  el  l'orchestre,  ainsi 
qu'entre  le  chant  à  l'église  et  au  théâtre. 

On  attribue  l'invention  du  diapason  a  l'Anglais  John 
Shore,  et  l'on  eu  fixe  la  date  à  1711,  mais  d'autres 
auteurs  affirment  que  le  diapason  d'acier  élait  en 
usage  en  France  dès  1700  et  même  1699. 

On  construit  aussi  des  diapasons  composés  d'une 
anche  libre  renfermée  dans  un  petit  tube  de  bois  ou 
de  métal,  dits  diapasons  de  bouche  à  l'usage  des 
violonistes;  ils  rentrent  alors  dans  la  série  des  ins- 
truments à  vent. 

Enfin,  on  établit  des  diapasons  en  acier,  montés 
sur  une  boite  de  résonance,  donnant  le  si'p,  à  l'usage 
des  harmonies  et  des  fanfares  dont  les  instruments 
en  .sî>  et  en  miçi,  ainsi  que  les  trombones  a  coulisse, 
quand  elles  en  possèdent,  peuvent  ainsi  s'accorder 
sur  une  note  à  vide  (do.  sol  ou  si  ft  obtenus  sans  abais- 
sement de  pistons  ou  sans  allongement  de  coulisse). 
11  va  de  soi  que  l'on  peut  construire  des  diapasons 
donnant  tous  les  sons  de  l'éohelle  musicale;  ce  n'est 
qu'une  queslion  de  dimensions.  C'est  ainsi  que  le 
diapason  allemand  donne  un  la  de  880  vibrations,  et 
le  diapason  italien  donne  le  do  au  lieu  du  la. 

Pour  terminer  les  instruments  d'acier,  je  suis 
obligé  de  remonter  aux  antiquités  grecque,  égyp- 
tienne et  juive'  afin  de  signaler  le  sis<re,  qu'il  faut 
bien  se  garder  de  confondre  avec  le  cistre,  qui  était 
au  temps  de  la  Renaissance  un  très  bel  instrument  à 
cordes  pincées. 

Le  sis(re  était  une  bande  d'acier  courbée  en  ellipse 
ou  en  hexagone  allongé  et  traversée  par  plusieurs 


1.  Voir  les  articles  Grèce,  Egypte,  etc. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOflŒ 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    l'iC7 


barrettes  d'acier  éfjalement,  se  mouvanl  librement 
(_'l,  proJuisant,  par  leur  choc  de  droite  on  de  mauclie, 
im  bruit  rytbiiiique;  quelquefois,  on  ajoulaitde  petits 
anneaux  aux  bari'ettes  pour  en  augmenter  l'effet. 


Fis.  493.  —  Sistre. 


FiG.  49-4 


•  Ts'anàt'sel,  sislre. 


FiG.  495. 


On  construisait  aussi  des  sistres  en  bronze,  et  cela 
nous  conduit  sans  heurts 
aux  insti'uments  rythmi- 
ques modeines  qui  les 
ont  remplacés. 

Ce  sont  d'abord  les 
grelots,  ordinairement 
cousus  ou  fixés  sur  une 
lanière  de  cuir,  qu'on 
agite  en  mesure  pour 
imiter  le  trot  ou  le  galop 
d'un  cheval,  accessoire  très  employé  au  théâtre. 

Ou  de  petites  ioiinetlfs  qui  donnent  un  bruit  plus 
i-lair  et  un  son  mieux  déterminé,  donc  plus  tonal. 

Autrefois,  on  réunissait  gre- 
lots et  sonnettes  pendus  en 
grand  nombre  sous  ce  qu'on 
appelait  le  chapeau  chinoU  ou 
jxivillon  chinois,  et  un  musi- 
cien agitait  toute  cette  son- 
naillerie  à  côté  de  la  grosse 
caisse  en  tête  de  chaque  régi- 
ment 

Plus  grosse  et  à  son  bien 
déterminé  est  la  clochette  ou 
petite  cloche  qu'on  emploie 
seule  (Prière  de  Fra  IHavolo), 
ou  groupées  à  trois  sur  un 
léger  bâti  (Ouverture  des  Soccs 
de  Jeannette). 


FiG.  496. 
Chapeau  chinois. 


FiG.  497. 


^r\ 


^rUTT 


FiG.  499. 


FiG.  500.  —  Tchoung  ou  Uchun^. 

Autrefois,  on  employait  aussi  des  timbres  fixés  les 
uns  au-dessus  des  autres  sur  une  tige, 
mais  les  notes  en  étaient  trop  aiguës 
et  leur  son  trop  faible  (lig.  502). 

Ces  timbres, qui  étaient  très  fragiles, 
ont  été  abandonnés  et  remplacés  pai 
les  timbres  d'acier  indiqués  page  i46o. 

Clochettes  et  timbres  ne  sont  guère 
employés  que  par  les  harmonies  et  les 
fanfares  qui,  jouant  dehijrs,  ne  peu- 
vent se  servir  que  d'instruments  ou 
d'accessoires  d'un  transport  aisé;  à 
l'orchestre,  à  l'orchestre  d'opéra  sur- 
tout, on  emploie  de  véritables  cloches 
dont  la  gravité  relative  se  prête  mieux 
aux  situations  dramatiques. 

Mais  ces  grosses  cloches  offrent  plu- 
sieurs inconvénients  :  elles  sont  d'un 
prix  fort  élevé,  elles  tiennent  beaucoup 
de  place,  employées  ou  non,  et  leurs 


FiG.  498.  —  Cloches  des  Nnces  île  Jeaiiiifite. 


FiG.  502.  —  Clochi' 


FiG.  .503.  —  Cloche. 


l'.6S 


EVCrCLOPÉOlE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


FlG.  504-50n 


vibrations    dépassent   quelquefois    la   puissance   de 
l'orchestre. 
Pour  remédier   à   tous    ces   inconvénients,    Jules 

Martin,  fondateur  de 
la  maison  Tournier, 
a  imaginé  vers  1867 
de  remplacer  les 
f^rosses  cloches  lour- 
des, encombrantes  et 
dispendieuses,  par 
des  tubes  en  bronze 
qui  sont  d'un  prix 
minime,  tiennent  très 
peu  de  place,  peu- 
vent aisément  se 
transporter  et  sont 
d'une  musicalité  plus 
grande  (fip.  K04-!jOo). 
Je  dis  que  ces  tu- 
lies-cloches  sont  d'une 
musicalité  plus  gran- 
de que  les  vraies  clo- 
ches; cela  demande 
une  explication. 

On  a  écrit  (je  ne 
me  rappelle  plusquel 
auteur)  que  la  cloche 
peut  donner  plu- 
sieurs notes  différentes  suivant  l'endroit  choisi  pour 
la  frapper.  Le  fait  n'est  pas  exact;  un  inslantjaprès 
qu'elle  a  été  frappée,  la  cloche  revient  toujours  à  sa 
tonalité  générale  unique;  ce  qui  est  vrai,  c'est  qu'au 
moment  du  choc,  certains  harmoniques  sortent  avec 
une  prédominance  plus  ou  moins  marquée  selon 
l'endroit  de  la  cloche  où  le  coup  a  été  donné,  mais 
cet  efîet  de  prédominance  de  tel  ou  tel  autre  harmo- 
nique ne  dure  que  l'instant  qui  suit  immédiatement 
le  choc,  et  cesse  dès  que  toutes  les  parties  de  la 
cloche  sont  entrées  dans  leurs  vibrations  normales. 
D'ailleurs,  il  est  généralement  admis  que  la  cloche 
doit  être  frappée  un  peu  au-dessus  de  l'évasement 
du  bord  formant  pavillon  afin  de  donner  immédia- 
tement le  maximum  de  sonorité  par  le  maximum  de 
vibrations. 

Mais  les  vibrations  de  la  cloche  sont  tellement 
multiples  et  diverses  que,  non  seulement  elles  déter- 
minent quantité  d'harmoniques  supérieuis,  mais 
encore  que,  dans  la  rencontre  des  centres  communs 
d'ondulations  sonores  des  diveis  harmoniques,  elles 
sont  encore  assez  puissantes  pour  créer  et  faire  en- 
tendre un  certain  nombre  d'Iiarmoniques  inférieurs 
différentiels  (voir  Acoustique). 

Ces  harmoniques  multiples  sont  l'une  des  causes 
qui  rendent  la  vérification  de  l'accord  des  cloches  si 
difficile,  car  ils  arrivent,  lorsque  l'on  est  près  de  la 
cloche,  à  être  si  puissants,  qu'ils  masquent  la  note 
fondamentale  réelle;  ils  ont  encore  l'inconvénient 
d'entrer  en  conflit  avec  l'harmonie  de  l'orchestre, 
lorsque  cette  harmonie  renferme  le  son  piincipal 
de  la  cloche,  non  comme  foiidamnitale  de  l'accord 
général,  injki»  eomme  note  complémentaire  de  cet 
accord. 

Le  tube-cloche  émet  bien  la  plupart  des  harmoni- 
ques de  la  cloche,  et  il  le  faut  bien  puisque,  sans  cette 
condition,  il  n'aurait  plus  le  même  timbre  et  ne  pour- 
rait plus  y  être  substitué,  mais  ces  harmoniques 
sont  de  beaucoup  moins  puissants  et,  par  cela  même, 
moins  gênants;  la  portée  du  son  de  la  cloche  peut 
s'étendre  à  un  nombre  respectable  de  kilomètres,  ce- 


lui du  tube-cloche  à  quelques  centaines  de  mètres  à 
peine:  or,  il  n'est  nul  besoin  d'enfermer  dans  une 
Salle  de  spectacle  ou  de  concert  de  dimension  forcé- 
ment restreintes  une  sonorité  volumineuse,  à  ce  point 
qu'elle  peut  paralyser  et  étouffer  même  tous  les  sons 
l'environnant,  mais  n'entrant  pas  dans  ses  divisions 
harmoniques  propres.  Le  son  du  tube-cloche,  moins 
puissant,  mais,  par  cela  même  et  puis  aussi  sans  doute 
par  la  forme  plus  régulière  de  l'instrument  qui  le 
produit,  plus  pur,  plus  tonal,  moins  encombré  d'har- 
moniques trop  prédominants,  se  lie  mieux  à  l'orches- 
tre, qu'il  ne  domine  et  ne  couvre  pas. 

Le  grelot  est  une  sorte  de  petit  globe  en  bronze 
dans  lequel  une  petite  lialle  métallique  produit  le  son. 
Ouvrant  le  grelot  par  le  côté  opposé 
au  point  d'attache,  et  fixant  intérieu- 
rement à  ce  point  d'altache  la  pe- 
tite balle  métallique  au  moyen  d'une 
petite  lige  mobile,  le  grelot  devient 
sonnette.     Enlevant     la 


Fio.  50B.  FlG.  507. 

Crotales  d'Egyple. 


balle  métallique  et  sa 
tige,  aplatissant  toute  la 
robe  de  la  sonnette,  nous 
obtenons  le  crotale,  ou 
petite  cymbale  à  paroi 
épaisse,  qu'on  emploie 
par  paire  en  frappant 
l'un  contre  l'autre. 

Je  dois  reconnaître  pour  la  vérité  historique  que 
ces  instruments  ont  étés  créés  à  l'inverse  de  ce  que 
je  viens  de  dire,  et  cela  se  comprend  aisément 
si  l'on  tient  compte  des  diffi- 
cultés de  fabrication.  Le  crotale, 
pièce  de  bronze  presque  plate, 
forgée  et  battue  au  marteau,  a 
été  connu  dès  la  plus  haute  anti- 
quité' et  a,  comme  le  claquebois, 
remplacé  le  rythme  des  mains 
frappées;  en  rabattant  les  bords 
toujours  à  la  forge  et  au  marteau, 
on  en  a  fait  des  sonnetles  et  des 
cloches  très  ouvertes,  puis  plus 
tard,  se  rapprochant  de  la  forme 
actuelle  en  en  rivant  les  côtés 
rapprochés,  enfin  le  procédé  du 
bronze  fondu  permit  de  faire  la 
sonnette,  la  cloche,  puis  le  grelot 
modernes. 

D'autre  part,  le  crotale  subit  une  autre  évolution 
par  la  diminution  d'épaisseur  de  sa  paroi  et  l'agran- 
dissement de  son  diamètre;  ce  furent  d'abord  les 
cymbales  assyriennes  : 


Fi.i.  5ÛS.  —  Sanfang 
de  Sainlc-Cécile  (Co- 
logne). Clocheduvio 
siècle. 


Fia.  509.  —  Cvmbales  assyriennes. 


1.  Voir  Egypie. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1.69 


et  ponipéiennes  : 


FiG.  510.  —  Scène  de  théâtre,  mosaïque  trouvée  en  1702 
prés  Pompéï. 

puis  les  cymbales  persanes  : 


Fi<;.  512. 

Cymbales  tuiques. 


FiG.  511.  —  Cymbali-s  persanes. 

enfin  les  cymbales  turques,  encore  en  usage  de  nos 
jours  (fi;:,  ri  12). 

Kn  étendant  encore  le  dia- 
mètre  de   la  cymbale,   re- 
pliant nu  peu  le  bord  et  fai- 
sant disparaître  la  bosselure 
du   centre,  les    Cbinois  ont 
créé  le  tam-tam  ou  gong  qui, 
suspendu  et  frappé  par  une 
batte  formée   d'un    tampon 
fixé  au  bout  d'un  manche,  produit  un  son  très  vilirant, 
se    rapprochant   beaucoup    du 
son  de  la  cloche,  et  pouvant  y 
être  substitué   en  bien  des  cas 
(fig.  ol31. 

Les  cymbales  et  les  tam-tams 
ou  gongs,  comme  le  triangle, 
sont  généralement  employés 
comme  simple  bruit  rythmique, 
sans  tonalité  définie,  bien  que 
leur  tonalité  réelle  soit  tout 
autant  appréciable  que  la  tona- 
lité de  la  cloche,  ainsi  que  le 
démontre  cette  série  d'instru- 
ments de  même  nature  em- 
ployés tantôt  seuls  et  tantôt  en  série  musicale. 

Revenons  maintenant,  pour  notre  dernière  série 
d'instruments  à  percussion,  aux  claqueboisde  la  page 
1462;  l'homme  a  pris  deux  morceaux  de  bois  pour 
les  frapper  l'un  contre  l'autre,  mais  ces  morceaux 
ne  sont  pas  toujours  pareils,  et  l'un  d'eux  peut 
n'être  qu'une  branche  ou  une  baguette  pour  frap- 
per sur  l'autre,  qui  peut  être  un  tronc  d'arbre  et  qui 
peut  même  être  creux;  un  jour,  le  hasard  peut  faire 
qu'une  peau  de  bête  soit  à  sécher  sur  ce  tronc,  et 
l'homme  remarque  que  la  sonorité  n'est  plus  la 
même  ;  le  bruit  est  devenu  un  son  plus  ou  moins  sourd, 


Fig.  513. 
Tam-tam  chinois. 


Fif..  51 4. 


315. 


mais  un  son  suffisamment  caractérisé  qu:  nd  même, 
et  la  nacairc  ou  timbale  est 
trouvée  (fig.  oi6). 

Dès  lors,  le  tronc  creusé 
par  la  vétusté  sera  remplacé 
par  un  tronc  creusé  par  la 
main  de  l'homme,  la  peau 
sera  fixée,  tendue  par  des 
lanières,  puis  le  tronc  d'ar- 
bre sera  remplacé  par  un 
tronc  en  bronze,  c'est-à-dire 
par  une  demi-sphère  de 
bronze  ou  de  cuivre  ou  de 
laiton,  et  ce  sera  le  fiU  de 
timbale  actuel,  après  avoir 
été  le  fût  de  la  nacaire  du 
moyen  âge  et  de  la  tympana 
antique 

Il  va  de  soi  qu'il  y  a  une  différence  considérable 
entre  la  tympana  antique 
et  la  timbale  moderne 
comme  instrument  musi- 
cal; la  peau  fixée  par  des 
lanières,  ou  même  par  des 
clous,  attachée  par  tous  les 
moyens  de  fortune  dont 
disposaient  les  peuples  pri- 
mitifs, ne  pouvait  otfrir 
qu'un  son  indéterminé  sans 
accord  possible;  certaines 
nations  garnissaient  même 
les  tympana  d'anneaux  de 
fer  ou  de  bronze  à  l'imita- 
tion des  sistres,et  ce  n'était 
pas  fait  pour  ajouter  de  la  musicalité  à  ces  instru- 
ments, dont  les  formes,  les  dimensions,  la  façon  de 
les  porter  ou  de  les  installer  pour  les  jouer  étaient 
très  différentes.  Les  seuls  points  communs  sont  la 


Fi«.  517. 
Tympana  antique. 


1470 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


foime  incurrée  du  fût,  la  peau  lecoiivranl  ce  lïi    el 
les  baguettes  qui  servent  à  frapper  la  peau. 


Fia.  518.  —  Tambours  persans. 


FiG.  519.  —  Timbale  très  ancienne. 


FiG.  520.  — Petite  timbale 
des  Arabes. 


Fm.  521.  —  Tambour 
des  troupes  chinoises. 


Fui.  r>22.  —  Timbale  Fia.  523.  —  Timbale 

des  anciens  Polonais.  guerrière  des  anciens. 


Fia.  5;5. 
Timbale  anlique. 


FiG.  526.  —  Timbale  iadienne 
en  fer. 


Fis.  527 


Ce  n'est  qu'à  partir  de 
la  Renaissance  que  nous 
voyons  les  timbales  mu- 
nies d'un  appareil  de  ten- 


FlG 


de  serrage;  dès  lors,  noi 


FiG.  528. 

sion  de  la  peau,  avec'vis 
seulement  l'accord  de  la 
timbale  avec  la  tonalité 
générale  des  autres  ins- 
Iruments  est  possible  et 
même  facile,  niais  encore 
il  devient  aisé  de  faire 
varier  cet  accord  dans 
l'étendue  et  la  limite  de 
sonoiité  ulilisable  d'une 
quinte,  ce  qui  permet, 
les  timbales  élant  ordi- 
nairement employées 
par  paire  (une  timbale 
dont  l'accord  peu  mon- 
ter du  fa  au  do  et  l'autre 

pouvant  monter  du  si  h  au  fa),  ce  qui  permet,  dis-je, 
de  faire  entendre  la  tonique  et  la  doninante  d'unn 
loiialilé  quelle  qu'elle  soit. 


FiG.  530. 


FiQ.  531.  —  Timbales  guerrières  des  Allemands 
(xvic  et  xyiiiî  siècles). 


Fia.  532. 
Timbale  d'orchostre. 


Fia.  533.  —  Timbale 
de  cavalerie  (xvii=  siècle). 


Telle  qu'elles  sont  construites,  les  timbales  man- 
quent encore  de  souplesse  dans  leur  mécanisme  poui 
opérer  leur  changement  de  tonalités.  Kn  effet,  si  pro- 


FiG.  534.  —  Bagui'llês  .rè]ii.iiL;.'. 


08- 


l''ia.  535.  —  Baguettes  détoupe  recouverte  iy  l'Cau. 


TECHMijVE,  ESTHirrJiHJE  ET  l'ÈDAGOGlE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    U71 


elle  que  suit  CK  i^hiiii^ement,  il  faut  visseï'  ou  dévis- 
ser six  clés  (vis  de  serrage  à  lèles  assez  semblables 


FiG.  536. 


à   la   (iHc-poignée   du  tire-bouchon),  et  n"aurait-on 
qu'un  quart  de  tour  à  faire  suliir  à  chacune  de  ces 


Kni.  537.  —  CorLi'ge  funèbre  des  Egyptiens. 
(l'L'iiiture  d'un  tombeau  de  Thèbes.) 

clés,  cela  demande  encore  un  moment  tel  que  le 
compositeur  est  contraint,  s'il  veut  modifier  sa  tona- 


=.J^ 


FiG.  538. 


—  Tambour  do  basque 
à  manche. 


lité,  de  ménager  [jlusieurs  mesures  à  compter  à  la 
partie  de  timliales  pour  permettre  le  changement 
d'accord.  On  a  essayé  plusieurs  systèmes  pour  obte- 
nir ce  clian;;ement  rapide  ou  instantané,  notamment 
l'introduction  dans  la  timbale,  sous  la  peau,  d'un 
certain  nombre  de  cercles  concentriques  qui,  éle- 
vés à  volonté  par  un  jeu  de  pédales  mues  par  le 
pied  du  timbalier,  viennent  rétrécir  la  partie  vibrante 
de  la  peau  et  en  élever  ainsi  la  tonalité  un  peu  à 
la  manière  des  péda- 
les de  la  harpe.  Mal- 
heureusement pour 
ce  système,  comme 
pour  ceux  qui  ten- 
dent à  obtenir  le  ser- 
rage automatique  des 
si.\  clés  simultanément,  les  diverses  parties  de  la 
peau  n'ont  jamais  une  élasticité  et  une  égalité  de  so- 
norité assez  parfaites  pour  se  prêter  à  ces  tensions 
ou  à  ces  rétrécissements  automatique»,  tout  en  con- 
servant la  justesse  désirable,  et,  si  égale  que  soit  la 
première  tension,  si  parfait  que  soit  l'accord  initial, 
la  mise  en  action  du  mécanisme  ne  tarde  jamais  à 
ne  laisser  que  des  désillusions  à  l'artiste  qui  compte 
sur  une  progressivité  absolue  et  de  l'égalité  des 
tensions  successives,  et  surtout  de  la  pureté  des 
accords  qui  devraient  en  découler. 

Bref,  jusqu'à  ce  jour,  aucun  artiste  ne  s'est  lallié  h 
aucun  de  ces  systèmes,  et  les  tnnbaliers  attendent 
encore  la  timbale  moderne  qui  leur  domiera  toutes 
satisfactions. 

Mais  retournons  au.\  ancêtres.  !Sous  avons  vu  com- 
ment la  peau  était  venue  se  tendre  sur  un  fiU  de  bois 


FiG.  539.  —  Musique  et  jeu.x.  (Peinture  égyptienne  antérieure  au  siège  de  Troie.) 


d'abord,   de   bronze   ensuite;  mais  ce  fût  de  bois 

creusé  était  lourd  et 
embarrassant,  et  en 
attendant,  ou  pendant 
son  évolution  vers  le 
bronze,  les  peuples 
anciens  trouvèrent  le 
moyen  de  tendie  ia 
peau  sur  la  couronne 
seulement  du  tronc 
primitif;  la  sonorité 
était  moindre,  mais 
l'instrument    devenait 


FiG.  :.40 
TyrnpanuH]  cribi. 


essentiellement  portatif.  Les  Egyptiens  en  firent  de 


FiG.  54t.  —  Tynipanum        Fis.  542.  —  Tambour  de  basque 
des  anciens.  à  grelots  (Cliine). 


carrés  et  de  ronds,  d'autres  y  adjoignirent  des  an- 
neaux, des  sonnettes,  des  grelots  ou  de  petites  cymba- 
les logées  par  paires  le  long  du  cercle,  les  baguettes 
furent  aliandonnées  et  remplacées  par  la  main,  voire 
la  tète,  les  genoux  ou  les  coudes;  mais  le  meilleur 
eli'et  en  est  tiré  parle  frottement  du  pouce  enduit  de 
colophane,  et  c'est  ainsi  qu'il  a  traversé  les  siècles 
ei  qu'il  nous  est  parvenu  sous  le  nom  de  tambour  de 
basque,  après  avoir  été  le  tijmpanum-cribi  (tambour- 
crible!  ou  tympanon  des  anciens,  le  toph  des  Hébreux, 
le  tambourin  des  Chinois,  le  tabor  des  Rretons  et 
des  Analais. 


Fia.  513.  —  Toph 
(  tièbreux). 


FiG.  54  i. 


Appliquant  le  principe  des  tambours  de  basque  ou 


1472 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


lamboiir  à  une  seule  peau, 
aux  timliales,  Ad.  Sax  a  eu 
'ingénieuse  idée  de  créer  les 
timbales  sans  frit. 

Ces  timbales  n'ont  certai- 
uemeul  pas  la  belle  sonorité 
pleine  des  timbales  ordinai- 
res,  mais   elles   s'accordent 
très  bien  et  sont  d'un  traus- 
"^  port    beaucoup    plus    aisé; 
"~      lorsque  j'avais  l'bonneur  de 
diriger  la  musique  du  4°  ré- 
piment  d'infanterie,  j'ai  eu 
l'occasion    d'employer    des 
timbales    reposant    sui'    ce 
même  principe,   qu'avait  construites   la   maison  A. 
Leconte,  aujourd'hui  disparue,  et  ces  timbales  m'ont 
rendu  des  services  très  appréciables.  On  peut  certai- 


FlG.  545. 


Fio.  546.  —  La  tablelle  accusatrice  et  le  tambour  à  conseils 
de  l'empereur  Yao. 

nement  regrelter  que  les  musiques  de  plein  air  n'en 
généralisent  pas  l'emploi. 

Enlln,  l'évolution  du  tympanon  se  compléta  de  la 
manière  suivante  : 

Après  avoir  supprimé  le  fond  de  la  timbale  pour 
en  faire  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  le  tam- 
bour de  basque,  on  allongea  les  parois  de  la  cou- 
ronne et  l'on  remplaça  l'ancien  fond  de  bois  ou  de 
métal  par  un  fond  factice  constitué  par  une  seconde 
peau  :  le  tambour,  ou  plutôt  les  tambours,  étaient 
créés.  Kn  effet,  caisse  claire,  caisse  roulante,  tambou- 
rin, grosse  caisse,  larole,  etc.,  ne  sont  toujours  que 
des  tambours  caractérisés  par  un  fût  recouvert,  d'un 
côté,  par  une  peau  de  batterie  (plus  épaisse)  destinée 
à  recevoir  la  mise  en  vibration  du  choc  d'une,   de 


deux  baguettes  ou  d'une  mailloche  (tampon  d'étoupe 
recouvert  d'une  peau  et  fixé  au 
bout  d'un  manche  de  bois  ou  de  .i^^**^   ''■> 

jonc),  quelquefois  de  la  main, 
et  de  l'autre  côté,  par  une  peatt 
de  timbre  (plus  mince)  destinée 
à  recevoir  sa  mise  en  vibration, 
des  vibrations  de  la  peau  de 
batterie  ;)ar  sympathie,  ou  plu-  p,g  -jg 

tôt  par  la  pression  de  l'air  con-    Tambourdos  Égyptien?, 
tenu  dans  la  caisse;  les  deux 

peaux  sont  tendues  par  une  corde  allant  alternati- 
vement de  l'une  h  l'autre  autour  du  fût. 


FiG.  517, 


Instruments  placés  à  la  porte  du  palais 
pour  connaître  la  vérité. 


Ti'i.  ''iO.  —  Concert  devant  ui  e  princesse  dans  l'Inde. 


FiG.  550.  —  Musiciens  réglant  la  danse. 


FiG.  551.  —  Gros  tambour  persan. 


FiG.  552.  —  Tambourin         Fig.  553.  —  Tambour  à  caisse 
de  l'Afrique  centrale.  Je  bois  (,Perse). 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 

Comme  on  peut  le  voir  par  les  lig.  365,  566  et  5(37, 
on  remplace  souvent  main- 
tenant la  corde  des  caisses 
petites  et  jïrosses,  par  des 
tringles  métalliques  termi- 
nées, à  l'un  de  leurs  bouts, 
par  des  vis  de  serrage. 
J'ai  dit  qu'on  dénomme 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    W-i 


FiG.  554. 


FiG.  555.  —  Tambour  royal 
de  Guinée. 


les  deu.x  peaux  :  peav  de  batterie  eljieau  de  timbre.  Ce 
dernier  qualificatif  n'est  vraiment  j  ustifié  que  pourles 


FiG.  556. 
Tambour  birman. 


FiG.  557.  —  Nakarah 
ou  timbale  des  Indien!^. 


tambours  proprement  dits  {tambours  militaires)  et 
pour  les  caisses  claires  et  roulantes 
(tambours  de  musique).  En  effet,  ces 
instruments  sont  les  seuls  qui  soient 
munis  du  timbre  constitué  par  une 
double  cordelette  en  boyau  fixée  en 
bas  du  fût,  passant  dans  de  petites 
ouvertures  ménagées  à  cet  effet  dans 
le  cercle  inférieur,  et   effleurant  la 

FiG.  a5S  —  Dule  ,.,  ..  ,     ^. 

ou  srand  tambour  peau,  dite  pour  cette  raison  de  tim- 
des  Indiens.  bre.  Ce  timbre,  qui  aboutit  de  l'autre 
côté  de  son  attache  à  un  petit  appa- 
reil de  tension  qui  le  fait  adhérer  plus  ou  moins 
à  la  peau,  produit  l'action  sui- 
vante :  quand  un  coup  de  ba- 
guette frappe  sur  la  peau  de 
batterie,  la  peau  de  timbre  en 
reçoit  une  commotion  sympa- 
[^,t  tbique  qui  la  fuit  se  heurter  au 
timbre,  lequel,  entrant  en  vibra- 
tion à  son  tour,  vient  à  cha- 
cune de  ses  vibrations  frapper 
la  peau  de  timbre  comme  une 
sorte  de  baguette  réflexe,  et 
donne  ainsi  un  grand  renforce- 
ment au  son  initial  du  coup  de 
baguette  sur  la  peau  de  batterie.  11  va  de  soi  que  plus 
le  timbre  est  tendu,  plus  son  action  réfiexe  est  éner- 
gique; plus  il  est  détendu,  plus  cette  action  est 
molle,  et  s'il  est  assez  détendu  pour  ne  plus  tou- 
cher à  la  peau,  ou  si  on  l'isole  par  l'interposition 
d'un  mouchoir,  par  exemple,  placé  entre  le  timbre 
et  la  peau  de  timbre,  son  action  sera  tout  à  fait  nulle  ; 
et  même,  la  peau  de  timbre,  se  trouvant  paralysée 
par  la  pression  du  mouchoir,  ne  vibrera  plus  par 
sympathie,  et  la  sonorité,  se  trouvant  réduite  à  la 

Copyright  by  Librairie  Delagrave,  I92S. 


FiG.  550.  —  Tambour 
des  .allemands. 


FiG.  560.  FiG.  561. 

Tambours  à  cordes. 

seule  peau  de  batterie,  sera  aussi  faible  que  possible. 

La  sonorité  des  tambours  peut 
encore  être  modifiée  (assombrie) 
par  l'apposition  sur   la    peau    de 


FiG.  562, 
Tambour  muni  du  timbre. 


FiG.  563. 
Baguettes  de  tambour. 


batterie   d'une  étoffe  légère  (drap  mince  ou  voile 


Fi.^.  56  i. 
Tarole  Grégoire. 


FiG.  565.  —  Caisse  plate 
en  cuivre  Ji  trinRles. 


épais)  qui  amortit  le  choc  des  baguettes  et  rend  le  son 
plus   sourd;  c'est  ce  qu'on 
appelle    le     tambour   voilé, 


FiG.  566. 
Caisse  claire  k  tringles. 


FiG.  567. 
Caisse  roulante  à  tringles. 


d'un  emploi  lugubre  dans  les  cérémonies  funèbre 

Les  fûts  se  font  en  bois  très  mince, 
en  tôle  de  fer,  en  cuivre  ou  en  alu- 
minium. 

Les  tambours  modernes  se  dési- 
gnent sous  les  vocables  suivants  : 

Caisse  plate  ou  tarole  (fig.  .ï6o  et  064), 
tambour  dont  le  fût  est  très  court. 

Caisse  claire  iflg.  560  et  566 1,  tam- 
bour dont  le  fût  est  un  peu  plus 
long  que  celui  de  la  caisse  plate. 

Caisse  roulante,  tambour  dont  le 
fût  est  plus  long  que  celui  de  la 
caisse  claire. 


Fio.  568. 
Caisse  roulante 
cm  tamliMurin. 


93 


1474  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOinE 


Cette  expression  de  caisse  roulante  est  assez  mal 
choisie,  attendu  qu'on  roule,  qu'on  fait  le  roulement 
(succession  très  rapide  des  coups  de  baguettes) 
tout  aussi  bien  sur  la  caisse  plate 
et  sur  la  caisse  claire  que  sur  la 
caisse  roulante,  et  le  terme  caisse 
sombre  qu'on  emploie  quelque- 
fois indiquerait  bien  mieux  l'op- 
position de  sonorité  avec  la 
caisse  claire,  mais  l'usage  veut 
que  ce  soit  une  caisse  roulante. 
A  défaut  de  caisse  roulante,  on 
obtient  un  efiet  approché  sur  la 
caisse  claire  en  desserrant  légè- 
rement le  timbre;  en  relâchant 
tout  à  fait  ce  timbre,  on  supplée, 
mais  plutôt  mal  que  bien,  aux 
effets  de  timbales  (mais  sans 
tonalité  déterminée)  ou  Je  tam- 
bourin. 

Tambourin  (fig.  569),  tambour 


FiG.  569. 


dont  le  fiit  est  très  long  et  sou- 


vent sans  timbre. 
Grosse  caisse   (fig.  570),  tambour   très  large,  sans 
timbre,  qui  se  porte  en  travers,  et  pour  le  jeu  duquel 
les  baguettes  sont  remplacées  par  une  mailloche. 


Fig.  570.  —  Grosse  caisse 
en  tôle  à  cordes. 


Fia.  571.  —  Gro.5se  caisse 
en  lôle  à  tringles. 


Il  ne  me  reste  plus  à  parler,  pour  terminer  les  ins- 
truments à  percussion,  que  de  la  simplex. 


FiG.  572.  —  Grosse  caisse  à  une  seule  peau, 
dite  simplex. 

M.  ScHMiDT,  alors  chef  de  musique  du  70'  régi- 
ment d'infanterie,  dans  le  but  de  rendre  la  grosse 
caisse  moins  encombrante  et  moins  lourde,  a  eu  l'idée 
d'appliquer  à  cet  instrument  le  principe  du  tambour 
de  basque  et  de  la  timbale  sans  fût  ;  il  a  donc  fait 
fabriquer  la  grosse  caisse  à  une  seule  peau  tendue 
sur  un  fût  réduit  aux  proportions  les  plus  courtes 
(en  fait  ce  n'est  plus  une  caisse).  La  légèreté  et  le 
moindre  encombrement  ont  donc  été  obtenus.  Seu- 


lement, il  arrive  ceci  :  alors  que,  dans  tous  les  tam- 
bours, les  deux  peaux  qui  n'ont  pas  la  même  épais- 
seur vibrent  ensemble,  mais  sans  donner  de  tonalité 
définie  et  précise,  la  grosse  caisse  à  une  seule  peau 
devient  une  grande  timbale  sans  fût,  avec  tonalité 
parfaitement  appréciable  demandant  un  accord  con- 
venable avec  la  tonalité,  non  seulement  du  morceau  à 
exécuter,  mais  encore  des  diverses  modulations  de 
ce  morceau;  or,  la  simplex  a  bien  des  vis  de  tension, 
mais  qui  sont  loin  d'avoir  la  puissance  des  clés  de 
timbales;  il  en  résulte  donc  que,  en  dehors  des  cas 
où  le  hasard  met  les  tonalités  de  l'exécution  en  assez 
bonne  relation  avec  le  ton  de  la  simplex,  il  ne  reste 
que  le  dilemme  :  ou  distendre  la  peau  pour  lui 
faire  perdre  toute  tonalité,  et  alors  l'instrument  ne 
saurait  plus  produire  aucun  elfet,  ou  conserver  une 
tension  raisonnable  et  fermer  l'oreille  aux  chocs  des 
tonalités  dissemblables. 

Sil'onvent  tirer  un  réel  avantage  de  la  grosse  caisse 
à  une  seule  peau,  dont  l'idée  est  excellente,  il  faut  : 

l^la  construire  assez  solidement  pour  que  le  cadre 
puisse  supporter  les  clés  Je  serrage  et  une  pression 
assez  puissante  pour  obtenir  une  variation  tonale 
d'au  moins  une  quinte,  afin  que  l'instrument  puisse 
toujours  faire  entendre  la  tonique,  ou,  à  défaut,  la 
dominante  des  tonalités  exécutées  ; 

2°  Prendre  pour  jouer  cet  instrument  un  artiste 
capable  d'accorder  sa  grosse  caisse  comme  le  ferait 
un  véritable  timbalier. 


DE  LA  CONSTRUCTION 
DES  INSTRUMENTS   DE   IVIUSIQUE 

liiKlraineiits  en  bois* 

Les  premiers  instruments  de  musique  de  la  caté- 
gorie dite  bois,  bien  que  certains  d'entre  eux  soient, 
de  nos  jours,  entièrement  en  métal,  furent,  tout  d'a- 
bord et  tout  naturellement,  coupés  dans  des  plantes 
creuses  ou  à  moelle,  comme  le  sureau,  le  roseau,  la 
canne  à  sucre,  le  bambou  ou  même  le  chaume  d'une 
forte  graminée,  suivant  le  pays  et  les  circonstances, 
suivant  aussi  la  nature  de  l'instrument.  11  va  de  soi 
que  la  syrinx  s'est  accommodée  du  roseau  plus  long- 
temps que  la  tlûte,  et  celle-ci  plus  longtemps  que  le 
chalumeau. 

Quoi  qu'il  en  soit,  lorsque  Vartiste  ne  fit  plus  lui- 
même  son  instrument,  et  qu'il  s'adressa  au  menuisier 
ou  mieux  à  l'ébéniste  de  ces  temps  anciens,  il  voulut 
avoir  un  instrument  plus  solide,  plus  résistant  et  plus 
joli,e\.  le  chaume,  le  sureau  et  le  roseau  furent  aban- 
donnés et  remplacés,  au  moins  pour  l'Europe,  par  le 
buis  ou  l'os,  comme  en  témoignent  les  noms  romains 
de  libi:i'  et  tibicinx  Jonnés  aux  flûtes  taillées,  dit- 
on,  dans  les  jambes  de  grues. 

Plus  tard,  l'ivoire,  les  bois  précieux,  surtout  l'é- 
bène,  l'argent  même  furent  employés  pour  la  cons- 
truction des  instruments  de  choix. 

Quant  aux  procédés  de  fabrication,  ils  étaient  des 
plus  simples  et  n'avaient  rien  de  scientifique.  On  s'en 
rendra  compte  par  l'état  des  sciences  et  de  la  méca- 
nique aux  dates  que  donne  Constant  Pierre  dans 
son  livre  si  documenté,  L's  Facteurs  d'instruments  de 
musique;  les  Luthiers  et  la  facture  instrumentale', 
pour  les  premiers  fabricants  spéciaux  d'instruments 
de  musique. 


I.  Paris,  Ed.  Sagot,  1893. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1475 


Om  ne  trouve  pas  Irace  de  fdseeiirs  de  trompes 
avant  1297  :  de  faiseurs  d'orgues  avant  1320,  et  la  pre- 
mière communauté  des  faiseurs  d'instruments  de 
musique  ne  fut  enregistrée  qu'en  lo90.  Encore  n'est- 
il  pas  établi  que  ces /ëseeucsde  trompes  n'étaient  pas 
des  ciiaudronniers  qui  faisaient  des  trompes  en  même 
temps  que  les  autres  pièces  de  leur  état,  de  même 
que  les  faiseurs  de  flûtes,  hautbois,  etc.,  n'étaient 
que  des  ouvriers  menuisiers  ou  ébénistes  construi- 
sant également  des  flûtes,  des  hautbois,  etc.;  tou- 
jours est-il  que  les  premiers  faisaient  partie  de  la 
communauté  des  forceliers,  d'abord,  puis,  plas  tard, 
de  celle  des  chaudronniers,  et  que,  en  1741,  les  table- 
tiers  construisaient  encore  des  instruments  de  bois, 
et  prétendaient  avoir  seuls  le  droit  de  les  tourner 
et  de  les  garnir  d'ivoire  ou  de  corne,  ne  reconnais- 
sant aux  facteurs  d'instruments  de  musique  que  le 
droit  de  fiyùr  et  de  perfectionner  lesdits  instruments. 

D'ailleurs,  la  facture  suivante,  extraite  des  comptes 
des  bàtimenis  du  roi  sous  le  règne  de  Louis  XIV', 
n'esl-elle  pas  édifiante  : 

«  1668, 6  aoust,  à  Jean  Joyeux,  facteur  d'orgues,  pour 
plusieurs  tuyaux  qu'il  afaits  pour  conduire  l'eau  daiis 
le  rocher  de  la  salle  du  festin 77  livres.  -> 

Quoi  qu'il  en  soit,  tabletiers  ou  spécialisles  n'a- 
vaient pas  de  procédés  de  fabrication  différents,  et 
une  tlûte  ou  un  hautbois  n'était  pas  tourné  autre- 
ment qu'un  barreau  de  chaise  ou  un  pied  de  table  ; 
c'est  sur  ce  que  l'on  appelait  encore  au  milieu  du 
.\ix«  siècle  un  tour  en  l'air  ou  à  perche  que  l'opéra- 
tion se  faisait-. 

Ce  tour  ditférait  des  tours  modernes  par  un  outil- 
lage plus  simple,  surtout  en  ce  que  la  pièce  à  tour- 
ner était  mue  par  une  corde  parlant  d'une  sorte  d'arc 
■en  bois  formant  ressort  et  fixé  au  plafond  (en  l'air), 
ladite  corde  s'enroulant  autour  de  la  pièce  à  tourner, 
•ou  mieux  autour  du  mandrin  supportant  cette  pièce, 
et  allant  aboutir  à  une  pédale  actionnée  par  un  des 
pieds  de  l'ouvrier. 

La  pièce  tournait  ainsi  dans  les  deux  sens  :  sens 
du  travail,  lorsque  l'ouvrier  pesait  de  son  pied  sur  la 
pédale,  sens  du  repos  ou  du  non-travail,  lorsque 
l'ouvrier  laissait  remonter  la  pédale  rappelée  en  l'air 
par  le  ressort  de  l'arc  fixé  au  plafond. 

L'on  comprend  aisément  qu'avec  un  tel  outillage, 
non  seulement  la  moitié  du  temps  de  l'ouvrier  était 
perdue,  mais  encore  l'outil,  ciseau,  bédane  ou  gouge^, 
continuellement  déplacé  par  le  mouvement  alterna- 
tif de  la  pièce  5.  tourner,  ne  pouvait  fournir  aucun 
travail  de  précision. 

L'instrument,  ou  plus  exactement  le  fragment  d'ins- 
trument, car  même  une  petite  flûte  est  toujours  di- 
visée en  deux  pièces,  une  grande  en  trois  ou  quatre, 
un  hautbois  en  trois,  etc.,  donc,  le  fragment  d'ins- 
trument tourné  extérieurement  était  fixé  sur  le  tour 
en  face  d'une  mèche  ou  tarière  en  acier  nommée 
perce,  qui  transperçait  la  pièce  dans  sa  longueur  et 
assurait  ainsi  la  régularité  toule  relative  de  la  perce, 
mais  toujours  sans  précision  absolue. 

Chaque  fragment  était  et  est  encore  relié  et  fixé  au 
fragment  suivant  par  une  sorte  de  tenon  ménagé 


1.  J.  GuiFFnEY,  Collection  de  documents  inédits  sur  t'Uistùire  de 
France. 

2.  Voir,  dans  YlUustration  du  24  avril  1920,  la  gravure  â  gauche 
de  la  page  10  des  annonces  représentant  un  ouvrier  tourneur  du 
xvn°  siècle. 

3.  C'est  ainsi  que  se  nomment  les  outils  destinés  à  obtotiir  sur  le 
liûur  des  surfaces  régulières  ou  évidées. 


dans  le  bout  inférieur  du  corps  supérieur,  et  qui, 
garni  de  fil  ou  de  filasse  autrefois,  presque  toujours 
maintenant  de  liège,  entre  avec  une  pression  suffi- 
santé  pour  en  assurer  la  solidité  dans  une  sorte  de 
douille  creusée  dans  l'épaisseur  du  bois  au  bout  supé- 
rieur du  fragment  inférieur. 


]:i 


S 


Fie.  J73. 

Les  divers  fragments  d'un  instrument  étant  ainsi 
préparés,  l'ouvrier /'é.seeîn-,  faiseur,  ou  /'ac?ewc,  suivant 
l'orthographe  ou  le  terme  de  l'époque,  régularisait  la 
perce  de  l'instrument,  donnait  la  conicité  voulue  au 
moyen  de  diverses  perces  à  main,  et,  c'est  dans  cette 
opération  et  dans  les  suivantes,  que  se  révélait  l'ha- 
bileté du  mailre  ouvrier. 

La  perce  générale  de  l'instrument  une  fois  bien  éta- 
blie et  régularisée  dans  toute  sa  longueur,  il  s'agissait 
de  percer  les  trous  de  notes. 

Nous  avons  vu,  pages  1408  et  suivantes,  les  em- 
placements théoriques  de  ces  trous,  mais  il  s'en  faut 
et  de  beaucoup,  que  la  théorie  soit,  eu  cette  matière 
comme  en  bien  d'autres,  d'accord  avec  la  pratique. 

En  voici  plusieurs  raisons  : 

1°  La  théorie  de  la  vibration  des  sons,  de  la  divi- 
sion des  cordes  et  des  corps  sonores  était  à  peu  près 
inconnue  des  facteurs  jusqu'à  ces  derniers  siècles. 

L'on  peut  d'ailleurs  affirmer  que,  de  nos  jours, 
beaucoup  d'ouvriers  facteurs  n'en  ont  pas  encore  la 
moindre  connaissance. 

2^  Pour  que  les  trous  de  notes  pussent  être  percés 
à  leur  emplacement  théorique,  il  faudrait  qu'ils  eus- 
sent une  dimension  telle  que  toute  la  colonne  d'air 
pût  s'en  échapper,  et  alors  les  doigts  ne  seraient  plus 
assez  gros  pour  les  boucher.  C'est,  du  reste,  pour 
cette  raison  que  l'on  est  obligé  de  mettre  un  tampon 
sous  chaque  doigt  sur  la  flûte  Bokhu,  instrument  qui 
se  rapproche  le  plus  de  la  perce  théorique. 

3".  Les  trous  devraient  être  d'une  dimension  pro- 
portionnelle au  diamètre  de  la  ;)erce  de  l'instrument, 
de  telle  sorte  que  la  flûte,  qui  était  conique,  à  l'inverse 
des  autres  inslruments,  devrait  avoir  ses  plus  grands 
trous  le  plus  près  de  son  embouchure,  ce  qui,  les 
tampons  n'étant  pas  inventés,  amènerait  des  pertes 
d'air,  les  doigts  n'étant  pas  assez  gros  pour  les  cou- 
vrir entièrement;  le  cas  échéant  même,  la  justesse 
et  la  sonorité  seraient  compromises  par  la  partie 
charnue  du  doigt  qui,  forcément,  pénétrerait  en  partie 
dans  le  trou  et  déformerait  ainsi  la  colonne  d'air. 

4°  En  admettant  un  instrument  sur  lequel  on 
aurait  pu  percer  les  trous  d'assez  grand  diamètre  à 
leur  emplacement  normal,  il  faudrait  encore  que  la 
naissance  du  son  (anche  ou  biseau)  fmt  êlre  mo- 
difiée proportionnellement  à  chaque  longueur  de 
colonne  d'air,  afin  que  le  nombre  de  vibrations* 
de  la  production  du  son  fût  en  rapport  constant  avec 
chaque  longueur  du  tuvau,  ce  qui  est  impossible.  La 
pression  croissante  des  lèvres  et  du  souffle  tend  bien 
îi  ce  résultat,  mais  dans  une  mesure  insuffisante. 

b"  Les  trous  qui  n'ont  pas  tout  le  développement 
qui  conviendrait  ont  pour  effet  de  ralentir  les  vibra- 
lions,  de  sorte  que  les  sons  sortent  plus  bas  qu'ils 
ne  devraient  èlre  eu  égard  k  l'emplacement  du  trou. 

Il  résulte  de  cette  dernière  raison  que  les  trous 
doivent  être  d'autant  plus  remontés  vers  la  tête  de 
l'instrument  (production  du  son)  qu'ils  sont  d'un  dia- 
mètre plus  petit,  afin  d'obtenir  des  sons  à  peu  prés 
justes. 


1476 


EyCYCLOPÉDlE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Comme  il  n  y  avait  aucune  règle  absolue  pour  la 
grandeur  des  trous,  pas  plus  d'ailleurs  que  pour  le 
ou  les  diamètres  de  la  perce,  chaque  facteur  établis- 
sait l'emplacement  de  ces  trous  d'après  un  gabarit 
spécial  à  chaque  atelier  ;  les  divers  trous  étant  tracés 
sur  l'instrument,  ils  étaient  percés  légèrement  plus 
petits  qu'ils  ne  devaient  être,  et  le  maître  habile, 
souvent  artiste  exécutant  lui-même,  se  réservait  de 
les  mettre  au  point  voulu  pour  obtenir  la  justesse; 
ce  travail  délicat  se  faisait  par  tâtonnements,  en  es- 
sayant chaque  note  (chaque  trou)  l'une  après  l'autre, 
et  en  agrandissant  le  trou  graduellement  jusqu'à  ce 
que  la  note  sortît  avec  toute  la  justesse  désirée;  si, 
par  un  agrandissement  accidentel  trop  fort,  la  note 
sortait  trop  haute,  alors  on  rétrécissait  le  trou  tant 
bien  que  mal  par  un  enduit  intérieur  de  cire,  de 
gomme  laque  ou  de  tout  autre  produit  similaire,  ou 
bien  on  rebouchait  le  trou  au  moyen  d'une  cheville 
de  même  bois  fortement  collée  et  qu'on  reperçait 
avec  le  plus  grand  soin,  à  nouveau;  toutefois,  cette 
réparation,  plus  solide,  mais  plus  coûteuse,  ne  se 
faisait  que  bien  rarement. 

Il  est  à  remarquer  que,  de  nos  jours,  le  finissage 
des  instruments  de  choix  ne  se  fait  pas  autrement. 
L'instrument,  dont  la  perce  et  les  trous  ont  été  ame- 
nés par  un  outillage  de  grande  précision  à  la  justesse 
presque  absolue,  n'en  est  pas  moins  essayé,  mais 
alors  seulement  qu'il  est  complètement  monté,  d'a- 
bord par  un  essayeur  employé  dans  la  maison,  les 
maîtres  facteurs  travaillant  eux-mêmes  devenant  de 
plus  en  plus  rares,  puis  par  un  artiste  habile  alta- 
ché    à  la  maison,  qui  fait  faire  par  un  ouvrier  les 


modifications  qu'il  juge  nécessaires  pour  obtenir  un 
instrument  parfait. 

Pour  donner  plus  de  solidité  aux  divers  corps  de 
l'instrument,  en  même  temps  que  pour  l'ornementa- 
tion, on  mit  à  chacun  des  bouts  extérieurs  des  corps 
de  petites  bagues  ou  viroles  en  corne,  en  ivoire,  en 
laiton,  en  argent,  voire  même  en  or. 

Puis  vinrent  les  clés. 

Ce  fut  d'abord  ce  que  j'appellerai  la  clé  de  prolon- 
gement du  petit  doigt  de  la  main  droite.  Il  s'agissait 
de  boucher  le  septième  trou  de  note  pour  donner  la 
fondamentale  Ut  de  la  longueur  totale;  il  fallait  don» 
une  clé  ouverte,  c'est-à-dire  une  clé  qui,  au  repos,  fût 
ouverte  et  ne  se  fermât  que  sous  la  pression  du  doigt. 

Pour  obtenir  ce  résultat,  on  lixait  un  peu  au- 
dessus  du  trou  de  note,  soit  en  les  vissant  directe- 
ment sur  le  corps  de  l'instrument,  soit  en  les  rivant 
sur  une  petite  plaque  métallique  fixée  par  une  ou 
deux  vis  sur  le  corps  de  l'instrument,  deux  petits 
tourillons  ou  supports  (boules  ou  bornes  en  termes- 
techniques). 


(?) 


1 


FiG.  57i. 

Sur  ces  deux  tourillons,  on  fixait  au  moyen  d'un 
petit  axe  vissé  dans  le  deuxième  tourillon,  une  lige 
portant  à  l'une  de  ses  extrémités  une  petite  cuvette 
garnie  d'un  tampon  d'ouate,  d'étoupe  ou  de  feutre 
renfermé  dans  une  enveloppe  de  baudruche  ou  de 
peau  très  fine. 


Q     (Ci  _^3 Tampon  dan- 
Tampon     lalvèoledela  clé 


FiG.  575. 


y-.  Sous  celte  clé,  on  fixait  un 

^.^^^"^^^^^^  ressort  qui,  s'appuyant  sur  le 

I     corps  de  l'instrument  ou  mieux 

Pig  ._g  sur  la  petite  plaque  des  touril- 

lons, maintenait  la  clé  ouverte. 


Pour  faire  agir  cette  clé,  on  disposait  sur  deux 
tourillons  semblables,  une  autre  tige  basculant  en 
sens  inverse  (fig.  577). 

Cette  sorte  de  clé  à  bascule,  inventée  pour  suppléer 
au  manque  de  longueur  du  petit  doigt  de  la  maia 


Fig.  577. 


droite,  a  été  employée  ensuite  pour  le  petit  doigt  de 
la  main  gauche  (clé  de  si  grave  et  double  clé  de  wu'ii). 
On  en  trouv^encore  des  applications  sur  des  clari- 
nettes d'ancrens  systèmes  et  de  prix  inférieur. 

En  changeant  le  ressort  de  côté  et  en  élargissant 
l'extrémité  de  la  tige  en  spatule  pour  le  doigt,  on  en 
fituneclé  fermée  qui  fut  employée  pour  le  miji,  le  sip, 
l'uf  t;,  la  clé  d'octave,  etc. 


Fui.  57S. 


En  la  courbant,  on  en  lit  une  clé  transversale,  d'à. 
bord  pour  le  faff  ou  le  /a;,  suivant  les  instruments^ 
puis  pour  le  so/jt-/a.-'. 


Cependant,  la  grande  clé  ouverte  avec  transmis- 
sion était  encombrante  et  peu  gracieuse  ;  pour  la 
rendre  à  action  directe,  on  en  modifia  la  forme- 
ainsi  : 


^ 


§ 


3y 


Fia.  580. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1477 


Et  pour  la  faire  relever,  on  inaugura  le  ressort  à 
aiguille  : 


T 


FiG.  5S1. 


De  la  sorte,  le  ressort  à  aiguille  maintenant  la  clé 
ouverte,  le  doiiit  appuyant  sur  la  spatule  fait  fermer 
directement  la  clé  sans  aucune  transmission. 

Avec  ces  modifications,  la  facture  a  fait  de  tels 
progrès,  que  non  seulement  les  tabletiers  et  autres 
ont  dû  abandonner  toute  collaboration  à  la  fabrica- 
tion des  instruments  de  musique,  mais  même  que 
les  facteurs  spéciaux  d'instruments  de  musique  se 
scindent  en  facteurs  d'instruments  de  cuivre  et  fac- 
teurs d'instruments  de  bois;  puis  ceux-ci  se  divisent 
encore  en  ouvriers  flùtiers  ou  finisseurs,  c'est-à-dire 
qui  font,  qui  travaillent  le  bois  des  flûtes,  des  haut- 
bois, des  clarinettes,  des  bassons,  qui  posent  les 
tourillons,  les  clés,  les  tampons,  et  en  ouvriers  clef- 
tiers  qui  construisent,  préparent,  ajustent  toutes  les 
parties  métalliques,  clés,  ressorts,  tourillons,  etc. 
Cependant,  les  hoisseliers  conservent  encore  la  fabri- 
cation des  tambours,  caisses  claires,  caisses  rou- 
lantes et  grosses  caisses  avec  fûts  en  bois,  les  fûts 
en  cuivre  et  en  tùle  de  fer  ou  d'aluminium  ressortis- 
sant du  chaudronnier. 

On  invente  le  système  des  anneaux  mobiles  qui  se 
posent  au-dessus  des  trous  de  notes  et  qui  permet- 
tent, par  des  tiges  de  correspondance,  de  faire  ouvrir 
ou  fermer  une  ou  plusieurs  clés  en  même  temps  que 
le  doigt  s'abaisse;  on  invente  les  clés  dites  à  double 
efïet,  qui  permettent  de  faire  ouvrir  une  clé  à  vo- 
lonté par  un  doigt  de  la  main  droite  ou  un  doigt  de 
la  main  gauche;  on  invente  notamment  pour  le  haut- 
bois, la  clé  d'octave  réellement  à  double  effet  qui, 
par  un  jeu  de  plusieurs  ressorts,  les  uns  plus  forts, 
les  autres  plus  faibles  et  se  neutralisant  l'un  l'autre, 
font  que,  selon  les  trous  de  notes  couverts,  c'est 
l'une  ou  l'autre  clé  d'octave  qui  s'ouvre  automati- 
quement sous  la  spatule  unique  pressée  par  l'instru- 
mentiste; on  invente  pour  l'un  ou  l'autre  instrument 
des  mécanismes  si  compliqués,  si  fins,  si  délicats 
qu'il  ne  suffit  plus  d'un  cleftier  pour  forger,  limer 
et  ajuster  la  clé;  il  faut  maintenant  un  forgeron 
spécialiste,  un  mécanicien,  et  même  un  mécanicien 
fcbabile,  pour  ajuster  ces  clés,  ces  anneaux,  ces  corres- 
pondances, équilibrer  ces  ressorts,  etc.,  car  le  méca- 
nisme de  certains  instruments  est  une  véritable  mer- 
veille de  précision. 

Bref,  plus  les  instruments  reçoivent  de  perfection- 
nements, plus  la  division  du  travail  s'impose,  et  il 
■est  indispensable  aujourd'hui,  même  au  petit  fac- 
teur qui  s'est  spécialisé  dans  la  confection  d'un  seul 
instrument,  d'avoir  dans  son  atelier,  et  un  outillage 
de  précision,  et  plusieurs  collaborateurs,  spécialistes 
■chacun  dans  sa  partie. 

Quant  à  l'industrialisation  de  la  facture  des  instru- 
ments de  musique  en  bois,  chaque  maison,  j'allais 
■dire  chaque  usine,  garde  jalousement  ses  secrets  {?|  de 
fabrication,  mais  il  n'est  pas  malaisé,  étant  donné 
l'état  de  la  mécanique  et  de  l'outillage  modernes,  de 
■se  figurer  quels  peuvent  être  ces  procédés. 

C'est,  tout  d'abord,  le  fragile  tour  à  perche,  inter- 
mittent et  sans  fixité,  remplacé  par  un  solide  tour 
de  précision,  mû  par  le  gaz,  la  vapeur  ou  l'électricité, 
sur  lequel  le  ciseau,  le  bédane  ou  la  gouge  tenus  à 
la  main  sont  remplacés  par  un  chariot  porteur  d'un 


outil  de  forme  ayant  exactement  le  profil  du  fragment 
d'instrument  il  tourner,  et  qui  achève  un  travail  par- 
fait en  trois  tours  de  vis  qu'opère  un  ouvrier  qui 
pourrait  n'être  qu'un  simple  manoeuvre;  ou  bien  en- 
core l'emploi  du  tour  à  reproduire,  sur  lequel  il  suffit 
déplacer  sous  une  molette  une  pièce  finie,  pour  que 
l'outil  reproduise  automatiquement  un  nombre  infini 
de  pièces  semblables. 

Pour  la  perce  intérieure, le  fragment  d'instrument, 
toujours  fixé  sur  le  tour  et  soutenu  par  une  lunette, 
reçoit  une  première  perce  d'un  foret  ou  d'une  tarière 
fixée  sur  un  support  placé  en  bout,  pour  assurer  le 
dégagement  des  copeaux  qui  pourrait  provoquer 
l'éclatement  de  la  pièce,  si  le  percement  complet 
s'opérait  en  une  seule  fois,  puis  sur  la  perce  définitive 
qui  achève  ainsi  rapidement  et  avec  précision  cette 
seconde  partie  du  travail. 

Ensuite,  il  n'est  pas  impossible  d'imaginer  —  bien 
que  plus  compliquée  — •  une  machine  qui  perce  en 
une  seule,  ou  tout  au  plus  en  deux  fois,  tous  les  trous 
de  notes  et  de  clés  de  ce  fragment  d'instrument,  et 
voici  celui-ci  prêt  à  recevoir  sa  garniture  métallique. 

Il  va  de  soi  que  chaque  fragment  d'instrument  exige 
un  outillage  particulier,  mais,  comme  ce  genre  de 
fabrication  procède  par  milliers  d'exemplaires,  les 
frais  de  premier  établissement  sont  vite  récupérés. 

Pour  la  partie  métaUique,  les  tourillons  sont 
naturellement  faits  au  tour. 

Quant  aux  clés,  anneaux  mobiles,  liges  de  corres- 
pondances, etc.,  deux  procédés  sont  employés  pour 
compléter  ou  remplacer  le  travail  du  forgeron  : 

1°  La  soudure  de  pièces  préparées  à  la  forge  avec 
d'autres  pièces  préparées  au  tour; 

2°  La  fonte. 

Ce  dernier  procédé  n'est  peut-être  pas  le  plus 
solide,  mais,  comme  il  est  plus  radical  et  surtout  plus 
expéditif,  c'est  le  plus  employé. 

Je  m'empresse  d'ajouter  que  —  même  dans  les 
maisons  de  grande  production  —  les  procédés  ultra- 
rapides  doivent  être  abandonnés  dès  que  ces  maisons 
ont  à  fournir  de  véritables  instruments  d'artistes,, 
car,  pour  très  précis  que  soit  l'outillage,  le  résul- 
tat artistique  n'est  toujours  qu'approché,  et  s'il  peut 
suffire  pour  la  clientèle  d'exportation,  si  les  exécu- 
tants de  nos  sociétés  populaires  peuvent  s'en  con- 
tenter, à  cause  du  bon  marché  de  ces  instruments 
faits  en  séries,  le  véritable  artiste  est  plus  exigeant, 
et  ne  saurait  accepter  pour  son  usage  persoimel 
qu'un  instrument  qui  lui  donne  toutes  les  satisfac- 
tions de  justesse,  de  solidité,  de  qualité  de  son  et  de 
perfection  dans  un  mécanisme  parfaitement  égalisé; 
c'est  pourquoi  ces  instruments  coûtent  cher  aujour- 
d'hui comme  autrefois,  et  c'est  pourquoi,  malgré 
leur  prix  élevé,  ces  instruments  d'artistes  laissent, 
somme  toute,  moins  de  bénéfices  h  leurs  producteurs 
que  les  instruments  de  facture  courante. 

Le  buis  fut  longtemps  employé  presque  exclusive- 
ment pour  les  fiûtes,  les  hautbois  et  les  clarinettes, 
l'érable  pour  les  bassons;  les  garnitures  seules  étaient 
en  bois  ditférents,  en  corne,  en  ivoire  ou  en  métal; 
plus  tard,  le  buis  et  l'érable  furent  brunis  à  l'acide  ou 
au  vernis.  Vers  1806,  Laurent  fit  des  flûtes  en  cris- 
tal; on  en  fit  aussi  en  ivoire;  enfin,  on  fit  des  cla- 
rinettes en  ébène,  et  peu  à  peu  les  flûtes  se  fabri- 
quèrent aussi  en  ébène,  en  grenadille  et  quelquefois 
en  palissandre,  jusqu'au  jour  où  la  flûte  Boëhm  se  fît 
presque  exclusivement  en  métal,  maillechort  ou 
argent. 

Pour   les  clarinettes,   l'ébène    a  prévalu;    on   eu 


1478 


ENCrCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


construit  cependant  en  ébonite  ou  vnlcanile,  sorte 
de  caoutchouc  durci;  les  becs  se  font  en  éb6ne,  en 
cristal,  en  ébonite  et  quelquefois,  mais  rarement,  en 
grenadille. 

Les  hautbois  et  cors  anglais  se  construisent  mainte- 
nant en  ébène  ou  en  palissandre,  rarement  en  grena- 
dille. 

Enfin,  les  bassons  se  font  en  palissandre  et  érable. 

Quant  aux  clés  et  garnitures  de  tous  les  instru- 
ments de  bois,  il  y  a  longtemps  que  le  cuivre  (sauf 
pour  des  instruments  de  prix  tout  à  fait  inférieur), 
l'ivoire,  la  corne  et  les  bois  différents  ont  disparu  ; 
le  maillechort  et  l'argent  sont  seuls  employés. 

Iu»>tranients  en  cuivre» 

Les  instruments  dits  de  cuivre  ont  pris  naissance 
dans  les  cornes  des  animaux,  que  l'homme  primitif 
évidait,  perçait  au  bout  pointu  et  dans  lesquelles  il 
soufflait,  soit  pour  s'amuser,  soit  pour  donner  un 
signal  de  ralliement.  De  là  les  noms  de  corne,  cornu 
romaine,  cor  d'appel,  cor  de  chasse  et  cor,  nom  géné- 
rique de  tous  les  instruments  de  cuivre  à  perce  coni- 
que, cor  en  français,  horn  en  allemand  et  en  anglais. 

Une  autre  origine  se  retrouve,  pour  les  pays  mari- 
times, dans  les  conques,  les  trompes  et  les  buccins 
(coquillages  en  spirale  avec  lesquels  on  obtenait  les 
mêmes  résultats  qu'avec  les  cornes),  d'où  les  noms 
de  bwccina  romaine,  trompe,  trompette  et  trombone. 

Enfin,  les  bergers  de  montagnes  des  pays  les  plus 
divers,  comme  la  Suisse,  la  Suède  et  la  Norvège,  la 
Roumanie,  la  Transylvanie  et  jusqu'au  Thibet,  em- 
ploient l'écorce  d'arbre  enroulée  en  spirale  pour  en 
faire  les  (rompes  et  trompettes  connues  commu- 
nément sous  le  nom  de  cor  des  Alpes. 

Néanmoins,  dès  que  l'homme  vil  en  société  à  peu 
près  organisée,  nous  voyons  apparaître  l'imitation 
de  la  corne  en  métal,  puis  l'instrument  s'allonge,  la 
perce  se  rétrécit  et  le  cor  ou  la  trompette  en  airain, 
en  bronze  ou  en  argent  est  cité  par  les  plus  anciens 
historiens  qui  nous  le  présentent  aussi  quelquefois 
sous  le  nom  de  tuba  (tube). 

C'est,  en  effet,  un  tube  plus  ou  moins  long,  plus  ou 
moins  conique,  quelquefois  cylindrique  dans  la  plus 
grande  partie  de  sa  longueur,  mais  se  terminant  tou- 
jours par  une  partie  conique  appelée  pavillon. 

Dès  lors,  il  est  tout  naturel  que  la  fabrication  de 
ces  instruments  soit  devenue  le  monopole  des  chau- 
dronniers, sauf  pour  les  instruments  en  argent, 
d'ailleurs  assez  rares,  qui  étaient  construits  par  les 
orfèvres,  et  cela,  jusqu'à  l'époque  des  premières 
recherches  d'un  mécanisme  quelconque  permettant 
d'obtenir  ou  les  notes  intermédiaires  entre  un  harmo- 
nique et  l'harmonique  suivant  (clés),  ou  un  change- 
ment très  rapide  de  tonalité  (pistons  ou  cylindres). 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  établi,  d'après  les  recherches 
de  Constant  Pierre',  qu'en  178o,  c'étaient  encore 
les  chaudronniers  qui  fabriquaient  les  instruments 
de  cuivre. 

Comme  pour  les  instruments  de  bois,  il  faut  dis- 
tinguer deux  genres  de  fabrication  :  la  facture  artis- 


tique, pour  laquelle  on  emploie  encore  aujourd'hui 
la  plupart  des  procédés  manuels  de  la  chaudronnerie 
d'autrefois,  et  la  facture  industrielle. 

Examinons  d'abord  la  facture  artistique. 

1"  L'embouchure. 


Fif..  582.  —  Embouchure,  aspect  extérieur. 


Fia.  583.  —  Embouchure,  coupe  intérieure. 

Tout  d'altord  forgée  et  travaillée  à  la  main,  puis  au 
tour,  l'embouchure  est  aujourd'hui  fondue,  puis 
percée,  travaillée  et  finie  au  tour.  Ce  tour,  autrefois 
actionné  par  la  main  de  l'homme,  est  aujourd'hui  mû 
par  une  machine  à  vapeur,  par  un  moteur  à  gaz  ou 
par  une  dynamo,  mais  le  travail  du  tourneur  est  en- 
core manuel,  c'est-à-dire  fait  avec  la  plaine,  le  grain 
d'orge,  etc.,  tenus  à  la  main  et  maintenus  sur  le 
support. 

L'avantage  de  ce  travail  manuel  est  de  permettre 
à  l'ouvrier  d'apporter  à  l'embouchure,  tout  en  lui 
conservant  les  proportions  et  la  forme  particu- 
lières exigées  pour  l'instrument  auquel  elle  est  des- 
tinée, d'apporter,  dis-je,  les  petites  modifications  de 
détail  que  peut  désirer  l'artiste;  ces  modifications 
portent  le  plus  souvent  sur  le  diamètre  et  l'épaisseur 
des  bords  du  bassin,  afin  que  la  nouvelle  embou- 
chure soit  bien  conforme,  pour  la  partie  adhérente 
aux  lèvres,  à  celle  que  l'artiste  a  l'habitude  de  jouer; 
puis,  aussi  quelquefois,  pour  que  l'artiste  puisse 
jouer  alternativement  le  cornet  et  le  bugle,  ou  le 
cornet  et  la  trompette,  sans  porter  atteinte  à  la  puis- 
sance, à  la  souplesse  et  à  la  délicatesse  de  ses  lèvres; 
la  profondeur  des  bassins,  leurs  formes,  la  finesse 
des  grains  sont  différentes  et  ce  qu'elles  doivent  être* 
pour  chacun  des  instruments  auxquels  elles  sont  des- 
nées, mais  les  bords,  les  parties  adhérentes  aux  lèvres 
sont  identiques  de  l'une  à  l'autre,  et  l'artiste  a  l'im- 
pression d'avoir  toujours  la  même  embouchure.  Les 
modifications  peuvent  aussi  porter  sur  la  grosseur 
relative  du  grain,  sur  la  profondeur  et  la  forme 
même  du  bassin,  soit  pour  faciliter  à  l'artiste  l'acces- 
sion aux  notes  aiguës  ou  graves  et  remédier  ainsi  à 
un  manque  de  puissance  ou  de  souplesse  des  lèvres, 
soit  poui  donner  plus  de  douceur  ou  plus  d'éclat  aux 
sons  que  l'artiste  tire  de  son  instrument. 

2°  Le  tube. 


3795- 


-C^l 


uidrique  -J 


FiG.  584. 


1.  Les  /"acteurs  d'imlruments  de  Musique,  Ed.  Sagot  éditeur. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1479 


Le  tube  est  toujours  divisé  en  plusieurs  tronçons, 
et  cela  pour  plusieurs  raisons,  dont  les  suivantes  : 
i»  la  dit'iiculté  d'avoir  des  feuilles  de  laiton  de  lon- 
gueur suffisante  pour  la  plupart  des  instruments; 
2°  la  difficulté  et  même  l'impossibilité  de  travailler 
à  la  main  des  tubes  de  si  petit  diamètre  près  de 
l'emboucliure  et  de  si  grande  longueur  (le  cor  en  mi  !> 
a  tout  près  de  quatre  mètres  de  longueur  de  tube, 
Je  l'embouchure  au  pavillon;  3°  le  tube,  n'étant 
jamais,  quel  que  soit  l'instrument,  ni  parfaitement 
cylindrique  ni  régulièrement  conique,  ne  pourrait 
se  rouler  convenablement  dans  sa  longueur  totale; 
t°  la  nécessité  de  placer  une  coulisse  d'accord  sur  le 
parcours  du  tube,  ce  qui  sectionne  forcément  ce 
tube;  5°  enfin,  le  deuxième  sectionnement  du  tube 
nécessité  pour  le  placement  du  mécanisme:  coulisse, 
cylindre  ou  pistou. 

Donc,  pour  former  le  tube,  l'ouvrier  commence  par 
découper  dans  une  planche  de  laiton  une  bande  sui- 
vant un  patron  approprié  au  tronçon  de  tube  qu'il 
veut  rouler  : 


FiG.  585 


Fin.  586. 

Planche  de  lailon  dans  laquelle  sont  découpées  les  diverses 

parties  de  l'instrument. 

puis  il  l'applique  sur  un  mandrin  en  acier,  sur  lequel 
il  commence  à  former  (rouler;  le  tube  en  pressant  de 
ses  mains  la  bande  à  droite  et  à  gauche,  ce  qui  en 
forme  une  sorte  de  gouttière  : 


f^S^ 


n 


Fis.  5S7. 


ensuite,  tournant  celte  gouttière  autour  du  mandrin, 
de  sorte  que  les  deux  bords  ouverts  se  présentent  en 
dessus,  il  les  rabat  au  marteau  l'un  près  de  l'autre 
de  façon  à  compléter  et  fermer  son  tube. 

Quelquefois,  ce  travail  de  fermeture  du  tube  est 
complété  par  le  passage  du  tube  dans  une  filière  d'a- 
cier ou  de  plomb. 


FiG.  5S8. 


Le  tube  fermé  est  ensuite  soudé,  ou  plus  exactement 
brasé  au  laiton  mélangé  d'argent,  ce  qui  le  rend  plus 
fusible. 


FiG.  580. 

Pour  les  gros  tubes,  ainsi  que  pour  les  fonds  de 
timbales,  on  consolide  encore  cette  soudure  en  agra- 
fant les  deux  bords  par  des  dents  levées  de  droite  et 
de  gauche  à  l'aide  de  pinces  spéciales. 

Le  tube  soudé,  il  s'agit  de  le  cintrer  pour  lui  donner 
la  forme  voulue  par  la  place  que  ce  tube  devra  occu- 
per dans  l'instrument  complet  (les  trompettes  de 
mail-coach  et  celles  employées  dans  Aida  sont  les 
seuls  instruments  droits  de  l'embouchure  au  pavillon|. 

Pour  faire  cette  opération  sans  risque'de  plissage 
ou  de  rupture  du  tube,  on 
remplit  ce  tube,  après 
l'avoir  graissé,  pour  éviter 
l'adhérence,  de  plomb  s'il 
est  de  petit  ou  de  moyen 
diamètre,  ou  de  résine  s'il 
est  plus  gros;  plomb  ou 
résine  refroidi,  on  procède 

au  cintrage  à  la  main  sur  cheville  de  bois;  la  courbe 
obtenue,  on  plane  au  marteau;  il  va  de  soi  que  les 


FiG.  591. 


grosses  culasses,  les  pavillons,  ainsi  que  les  ,fûts  'de 
timbales,  reçoivent  leurs  courbes  spéciales  parole 
martelage  exécuté  par  des  ouvriers  spéciaux. 


FiG.  592. 


FiG.  593. 


Ici  se  place  une  nouvelle  opération  :  le  bordage 
du  pavillon. 

Ce  bordage  est  fait  par  l'insertion  d'un  cercle  de 
fil  de  fer  dans  le  bord  du  pavillon  rabattu  au  mar- 
teau. 

Lorsque  les  divers  tronçons  de  l'instrument  sont 
ainsi  préparés,  on  les  assemble  bout  à  bout,  en 
entourant  la  jonction,  d'une  bague  ou  virole  'qui 
doit  en  assurer  la  fixité,  l'étanchéité  et  la  solidité, 
mais  là  se  place    un  détail  dont  on  ne   lient  nul 


1480 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIÇX  E  ET  DICTIO.V.VAIRE' DU  CONSERVATOIRE 


FiG.  594. 


compte  dans  la  fabrication  courante,  et  qui  a,  au 
contraire,  une  grande  importance 
dans  la  fabrication  ailistique.  Con- 
trairement à  la  théorie  qui  semblerait 
indiquer  évidemment  que  des  tubes 
fabriqués  sur  les  mêmes  mandrins, 
avec  les  mêmes  procédés,  par  le  même 
ouvrier,  doivent  donner  des  résultats 
identiques  et  doivent  être  éminem- 
ment interchangeables  sans  la  moin- 
dre différence  pour  la  sonorité,  la 
justesse  des  .harmoniques  et  la  faci- 
lité d'émission  des  sons,  dans  la  pra- 
tique il  en  va  tout  autrement;  si  l'on 
considère  quatre  tronçons  A,  B,  C,  D,  se  succédant 
de  l'embouchure  au  pavillon,  ces  tronçons  doivent 
être  essayés,  apparentés,  un  à  un;  et  si  l'on  construit 
en  même  temps  quatre  instruments  semblables,  ce 
qui  doniiera  les  quatre  séries  A,  B,  C,  D;  A',  B',  C, 
D';  A",  B",  C",  D";  A'",  B'",  C",  D'",  il  se  pourra  très 
bien  qu'après  l'apparentement,  les  quatre  séries 
soient  complètement  mélangées  et  que  les  quatre 
instruments  soient  constitués  ainsi  :  1°  A,  B",  C",  D'; 
2oA',  B'",  C,  D";  3°  A",  B',  C,  D'";  i"  A",  B,  C",  D; 
car,  et  c'est  là  le  fait  curieux,  il  ne  s'ensuit  pas 
qu'un  tronçon  qui  ne  s'apparente  pas  bien  avec  le 
ou  les  tronçons  précédents,  soit  défectueux  par  lui- 
même;  il  [l'ofl're  qu'un  résultat  relativement  médio- 
cre avec  celui-ci  et  il  donne  un  résultat  excellent  avec 
celui-là.  Je  ne  me  permets  pas  d'expliquer  les  raisons 
de  ces  <<  convenances  »,  mais  ces  faits,  qui  m'avaient 
été  déjà  afiîrmés  autrefois  par  de  véritables  artistes 
ouvriers,  m'ont  encore  été  confirmés  au  moment 
d'écrire  ces  lignes. 

Donc,  les  divers  tronçons  d'un  instrument  appa- 
rentés, assemblés  et  munis  de  bagues,  on  les  soude 
et,  pour  assurer  leur  solidité,  on  relie  les  divers 
circuits  du  tube  les  uns  aux  autres  par  des  entre- 
toises également  soudées  au  corps  de  l'instrument. 
ISous  voici  en  possession  d'un  tube  :  c'est  un  cor 
de  chasse,  c'est  une  trompette,  c'est  un  claron,  un 
claronceau  ou  un  clairon,  et  c'est  aussi  la  limite  de  ce 
que  pouvaient  faire  les  chaudronniers.  Tout  ce  qui 
nous  reste  à  savoir  est  exclusivement  du  ressort  de 
la  facture  instrumentale. 
C'est  d'abord  la  coulisse  d'accord. 
Pour  établir  celle-ci,  on  sectionne  le  tube  à  quel- 
que distance  de  l'embouchure,  ou,  plus  exactement, 
on  interrompt  le  tube  sur  un  parcours  plus  ou  moins 
long  selon  l'instrument;  on  soude  sur  chacun  de  ces 
bouts  sectionnés  un  tube-manclion  dont  le  diamètre 
intérieur  est  égal  au  diamètre  extérieur  du  tube  sec- 
tionné; on  consolide  ces  deux  branches  à  l'aide  d'en- 
Iretoises  ou  de  soudures  sur  le  corps  de  l'instrument, 
puis  ou  fait  la  coulisse  ou  pompe  d'accord  à  l'aide  d'un 
tube  cintré  en  son  milieu,  et  dont  le  diamètre  exté- 
rieur est  sensiblement  égal  à  celui  du  tube  sectionné, 
de  telle  sorte  que  les  deux  branches  de  la  coulisse 
puissent  entrer  à  frottement  doux,  mais  un  peu  ferme 
to.utefois,  dans  les  deux  manchons  des  tubes  sec- 
tionnés. 

Cette  coulisse,  qui  a  pour  but  de  permettre  un  cer- 
tain allongement  du  tube  général  de  l'instrument 
pour  le  mettre  exactementau  diapason  de  l'orchestre, 
est  tenue,  de  par  son  fonctionnement  même,  au  dia- 
mètre cylindrique  parfait  du  sectionnement  A  au 


sectionnement  A',  quelle  que  soit  la  conicité  théorique 
de  l'instrument  sur  lequel  elle  est  posée. 

Sur  les  saxhorns  soprano  et  contralto  (petit  et 
grand  bugle),  cette  coialisse  est  remplacée  par  un  sim- 
ple tube  sur  lequel  on  met  directement  l'embouchure, 
et  qui  glisse  dans  un  manchon  fixé  au  bout  extrême 
delà  branche  d'embouchure ,  manchon  terminé  par  un 
collier  de  serrage  servant  à  maintenir  le  f«6«  d'accord 
à  la  dislance  voulue. 

C'est  ensuite  le  mécanisme. 

Pour  le  trombone  à  coulisse,  ce  mécanisme  est  des 
plus  simples;  il  consiste  à  étendre  le  principe  de  la 
coulisse  d'accord  en  renversant  la  place  des  man- 
chons; les  deux  branches  sectionnées  sont  très  lon- 
gues (65  cm.),  et  les  manchons  très  longs  aussi, 
puisqu'ils  doivent  recouvrir  entièrement  les  branches 
sectionnées,  constituant  par  eux-mêmes  la  coulisse 
proprement  dite. 

€omme  cette  coulisse  doit  être  mue  à  la  main  avec 
souplesse  et  agilité,  le  frottement  y  est  tenu  beaucoup 
plus  doux,  et  seulement  sur  une  longueur  de  quatre 
à  cinq  centimètres  aux  bouts  des  branches  section- 
nées par  deux  bagues  très  minces  de  maillechort 
appelées  embouts^  : 


FiG.  595.  —  Embouts. 


FiG.  596.  —  Coulisse. 


> 


Pour  les  instruments  h  pistons,  le  mécanisme  est 
plus  compliqué,  car  il  s'agit,  non  d'allonger  plus  ou 
moins  une  coulisse  unique,  mais  d'ouvrir  ou  de  fer- 
mer instantanément  à  la  colonne  d'air  du  tube  géné- 
ral, l'accès  d'une,  de  deux  ou  de  trois  coulisses  sup- 
plémentaires, j 

Pour  obtenir  ce  résultat,  on  place  sur  le  parcours  ' 
du  tube  général,  qu'on  est  encore  obligé  de  section- 
ner à  cet  efTet,  le  système  des  pistons,  sortes  de  val- 
ves de  distribution  destinées  à  laisser  passer  droit 
la  colonne  d'air,  lorsqu'elles  sont  levées,  ou  à  la 
faire  dévier  dans  les  coulisses  supplémentaires  fixées 
aux  pistons,  lorsqu'elles  sont  abaissées. 

Voici  à  titre  de  curiosité  la  coupe  intérieure  des 
pistons  pour  chaque  note  de  la  gamme  de  do  ma- 
jeur ; 


1.  Ce  système  des  embouts  qui  supprime  le  frottement  de  toute  la 
longueur  delà  coulisse  est  dû  à  Clicrtuis. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A   VENT    1481 


FiG.  597  et  59S. 


Pour  construire  le  piston,  on  prenJ  un  tiihe  cy- 
lindrique d'un  diamèlre  un  peu  supérieur  à  celui  du 
tube  général  pris  au  seclioiinement  dont  je  viens  de 
parler,  on  le  perce  suivant  un  patron  itrès  précis, 
et  l'on  insère  dans  ces  ouvertures  des  coquilles 
destinées  à  servir  de  parois  à  la  colonne  d'air,  à 
continuer,  en  somme,  le  tube  général  soit  pour  sa 
traversée  immédiate,  soit  pour  son  détour  dans  la 
coulisse  supplémentaire  alTérente  au  piston. 

Le  travail  de  ces  coquilles  est  tout  ce  qu'il  y  a  de 
plus  délicat,  et  pour  l'accomplir  à  la  main  il  faut  des 
ouvriers  spécialistes  de  la  plus  grande  habileté;  c'est 
pourquoi,  dés  qu'une  »stne  prend  quelque  importancei 
on  s'empresse  de  suppléer  à  ce  travail  par  l'estam- 
page mécanique,  dont  les  frais  de  premier  outillage 
sont  bien  vile  couverts  par  l'accélération  et  la  préci- 
sion du  travail. 

Les   coquilles  posées  avec  soin  dans  les  alvéoles 

du  piston  qu'elles  dépassent  légèrement,  on  les  soude, 

puis,  soudées,  on  les   passe  dans  une  fraise  creuse 

qui   les  allleure   au  ras  du  piston, 

_=.      n  on  ferme  le  haut  et  le  bas  du  pis- 

M       e     k      ''°"  P'^'^  ''®"''  petites  cuvettes  sou- 
dées, la  cuvette  supérieure  suppor- 
tant une  tige  qui,  surmontée  d'un 
bouton,     viendra    sous    le    doigt; 
Fia.  599.  grattage  et  polissage  terminent  le 

travail  et  le  piston  est  prêt  (fig.  5991. 
Pour  contenir  les  trois  pistons  d'un  mécanisme, 
on  prend  trois  cylindres  percés  chacun  différemment, 


© 


afin  de  laisser  passer  la  colonne  d'air  dans  les  pis- 
tons et  dans  les  cou- 
lisses supplémentaires, 
et  on  les  insère  dans 
une  sorte  de  matrice  en 
bronze  appelée  «  fausse  ^"--  '^''°- 

coulisse  »  (fi g.  6001,  qui 

les  maintient  dans  un   écartement  et   un  parallé- 
lisme absolus. 

Alors,  on  réunit  ces  trois  cylindres  par  deux  petits 
fragments  de  tube  continuant  par  les  ouvertures  de 
côté  des  cylindres  la  perce  du  tube  général  fig.  601), 


FiG.  601. 

puis,  on  consolide  l'ensemble  par  de  petites  entretoi- 
ses soudées  en  haut  et  en  bas  des  cylindres  ;  on  soude 
les  têtes  des  coulisses  supplémentaires  (fig.  602). 


Fis.  602. 


/^^?33 


1482 


EXCYCLOPÈDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DlCTIONNAinE  DU  CONSEUVATOIRE 


on  ajuste  en  haut  et  en  bas  les  bouts  filetés  (fig.  603) 
destinés  à  recevoir  les  chapeaux  percés,  ceux  d'en  hau' 
pour  laisser  passer  les  tiges  des  pistons,  ceux  d'en  bas 
pour  laisser  échapper  l'air  intérieur  des  cylindres, 
qui  nuirait  au  bon  fonctionnement  des  pistons  s'il 
n'avait  pas  son  libre  écoulement  au  dehors  (fig.  604). 


Fis.  603. 


Fig.  604. 


On  soude  aux  tètes  de  coulisses  les  tubes-man- 
chons dans  lesquels  viennent  glisser  des  coulisses 
supplémentaires  (mécanisme 
semblable  ù  celui  de  la  coulisse 
d'accord),  on  introduit  un  ressort 
à  boudin  dans  chacun  des  cylin- 
dres, on  loge  par-dessus  le  ressort 
à  boudin  le  piston  afférent  à  cha- 
que cylindre,  c'est-à-dire  dont 
les  alvéoles  correspondent  exac- 
tement avec  les  seuls  tubes-en- 
treloises  lorsque  les  pistons  sont 
élevés  par  les  ressorts  à  boudin, 
et  avec  les  coulisses  supplémen- 
taires et  ces  mêmes  tubes-enlre- 
toises  lorsqu'ils  sont  abaissés  par 
la  pression  des  doigts,  on  visse 
les  chapeaux  sur  les  cylindres  et 
les  boutons  sur  les  tiges  des  pistons  ffig.  60S). 

Le  mécanisme  des  pistons  est  prêt;  il  ne  reste 
plus  qu'à  le  souder  aux  deux  sections  du  tube  géné- 
ral et  l'instrument  est  complet. 

Voici  encore,  à  litre  de  curiosité,  les  diverses  phases 
de  construction  d'un  tube  de  saxophone  alto. 


Fig.  606.  —  Formation  du  pavillon. 


F:g.  607.  —  Pavillon. 


Fig.  60S.  —  Culasse. 


Dans  la  facture  industrielle,  la  fabrication  des  ins- 
truments s'opère  naturellement  par  séries  nombreu- 
ses, avec  plus  de  rapidité  et  aussi  avec  beaucoup 
moins  de  soin. 

Comme  pour  les  instruments  de  bois,  les  grands 
fabricants  gardent  leurs  secrets  d'usine,  et  je  ne  puis 
en  donner  que  quelques  idées  générales. 

C'est  aussi  le  tour  avec  outils  de  forme  ou  le  tour 
à  reproduire  qui   sert  à  fabriquer  toutes  les  pièces 


Corps. 


Fig.  609. 


Corps  complet:  il  ne 
manque  plus  que  les  clefs. 


qui  peuvent  être  fondues  ou  mieux  prises  directement 
sur  le  cuivre  en  barres. 

L'embouchure  est  ainsi  tournée  automatiquement  ; 
de  même  pour  les  chapeaux  de  cylindres,  les  entre- 
toises, les  boutons  de  pistons,  les  tourillons  de  saxo- 
phone et  des  instruments  de  bois,  une  fabrication 
aidant  l'autre,  etc. 

C'est  encore  sur  le  tour  que  peuvent  être  percés, 
alésés  les  cylindres,  fraisés  les  pistons,  fileté  tout  ce 
qui  se  visse. 

Le  tour  peut  encore  servir  à  pavillonner  (emboutir 
les  pavillons],  à  cercler  les  pavillons,  à  établir  cer- 
taines coquilles  de  piston  concurremment  avec  la 
presse  à  étamper. 

D'autre  part,  l'emploi  des  tubes  livrés  sans  soudure 
par  l'industrie  cuprifère  ne  doit  pas  être  ignoré 
pour  les  branches  d'embouchures  et  toutes  les  par- 
ties cylindriques. 

11  n'est  pas  jusqu'au  cintrage  qui  ne  puisse  s'obte- 
nir et  ne  s'obtienne  automatiquement  sur  des  ma- 
chines spéciales. 

L'on  voit  par  ce  court  aperçu  tout  ce  que  peut  avoir 
d'accéléré  ce  genre  de  fabrication  qui,  pour  certaines 
parties,  offre  de  réels  avantages,  il  faut  bien  le  recon- 
naître, et  pourrait  même  produire  de  bons  résultats 
si  l'apparentement  était  fait  avec  soin. 

M. -A.  SOVER. 


ERRATA.  —  Fig.  231  (p.  1  lOS),  lire  :  tijrrhcnienne,  au  lieu  de: 
thibétaine.  —  Fig.  234  (p.  1431),  lire  :  E'rai/i/eh,  au  lieu  de  : 
E,  raqyeh.  —  Fig.  336  ip.  1433),  lire  :  Ancien  haulbuis.  Pommer 
(allemand),  au  lieu  de  Mixenharpe.  —  Fig.  337  (p.  1433),  lire  : 
lionçainc,  au  lieu  de  :  douzaine. 

Les  illustrations  qui  accompagnent  l'étude  de  notre^coliabora- 
teur  sont  empruntées,  pour  une  part,  aux  ouvrages  particuliè- 
rement autorisés  de  MM.  KssrMiB,  Lavoix,  Constant  Pikhre, 
Rambosson;  pour  l'autre  part,  aux  Albums  des  principaux  fac- 
teurs. (N.  des  Ed.) 


LA  FLUTE 

Par   Paul  TAFFANEL 

l'ROFliSSEnR    AU    CONSERVATOIRE    NATIONAL 

Et   Louis   FLEURY 


AVANT-PROPOS 


La  mort  est  venue  surprendre  Paul  Taffanel  quel- 
ques mois  après  qu'il  m'eut  oITert  de  collaborer  avec 
lui  pour  la  rédaction  de  cet  article.  M™'  Taffanel  et 
feu  Albert  Lavignac  m'ont  chargé  alors  de  l'hon- 
neur redoutable  de  mettre  au  point  le  travail  de 
mon  maître. 

La  rédaction  de  l'article  n'était  pas  commencée, 
mais  j'ai  eu  entre  les  mains  tous  les  documents, 
notes,  références,  que  Paul  Taffanel  avaient  accu- 
mulés durant  toute  une  vie  de  recherches  et  de  mé- 
ditations sur  un  sujet  qu'il  rêvait  de  traiter  à  fond. 
Il  est  certain  que  si  mon  maître  avait  vécu,  nous 
posséderions  un  ouvrage  définitif,  qui  serait,  pour 
notre  époque,  ce  qu'a  été  au  xviu"  siècle  l'admirable 
traité  de  Joachim  Quantz. 

L'article  qui  va  suivre  a  donc  été  entièrement 
rédigé  par  le  signataire  de  ces  lignes.  Je  tenais  à  le 
déclarer  pour  qu'on  n'attribuât  pas  à  Paul  Taffanel 
ce  qu'on  pourra  y  trouver  d'erreurs  ou  de  faiblesses. 
Mais  je  n'en  aurais  jamais  pu  écrire  une  ligne  si  je 
n'avais  bénéficié  de  la  documentation  de  mon  niaitre 
et,  plus  encore,  de  son  enseignement  incomparable. 
Si  ce  travail  présente  quelque  intérêt,  on  voudra  bien 
en  reporter  l'honneur  sur  le  musicien  éminent  qui  a 
été  le  plus  grand  flûtiste  de  son  temps  et  un  admi- 
rable éducateur. 

La  llûte  est  peut-être  le  plus  ancien  des  instru- 
ments connus,  et  son  origine  remonte  à  la  plus  haute 
antiquité.  Notre  intention,  toutefois,  est  de  limiter 
notre  article  à  l'étude  de  la  fliUe  moderne  et  de  ses 
ancêtres  directs  et  de  laisser  de  côté  tous  les  instru- 
ments désignés  à  tort  ou  à  raison  sous  le  nom  de 
flûtes  (il  ne  nous  appartient  pas  de  modifier  ici  des 
usages  de  plusieurs  siècles)  et  qui,  cependant,  n'ont 
aucun  rapport  avec  cet  instrument,  tel  que  nous  le 
connaissons  aujourd'hui. 

Le  mot  flûte  a  été,  en  effet,  employé  de  façon  si 
large,  qu'on  désignait  ainsi,  dans  l'antiquité,  à  peu 
près  tous  les  instruments  à  vent.  C'est  ce  que  cons- 
tate, en  termes  excellents,  l'auteur  d'un  article  paru 
dans  le  Magasin  pittoresfiue  (janvier  1868)  :  «  Chez  les 
anciens,  dit-il,  l'emploi  des  différentes  embouchures 
est  continuel,  et  ils  appellent  indistinctement  «  flûtes  » 
des  instruments  que  nous  serions  portés,  d'après  ce 
que  nous  croyons  savoir  de  leur  structure  et  de  leur 


timbre,  à  classer,  les  uns  parmi  les  flûtes  propre- 
ment dites,  les  autres  parmi  les  clarinettes,  les  autres 
parmi  les  hautbois  et  cors  anglais,  les  autres  parmi 
les  bassons,  d'autres  même  parmi  les  trompettes, 
sans  attribuer  toutefois  à  ce  classement  quelque 
chose  d'absolu.  » 

On  conçoit  qu'une  étude  approfondie  de  tous  ces 
instruments  dépasserait  de  beaucoup  les  bornes  que 
nous  nous  sommes  fixées,  et,  avouons-le,  celles  de 
notre  compétence.  Cette  étude  appartient  au.x  sa- 
vants spécialistes  de  ces  époques  disparues  et,  qu'il 
s'agisse  de  la  /li'ite  de  Pan  ou  si/riniji',  de  la  fliUe 
phrtjgienne,  de  la  flûte  simple  ou  monaulos,  de  la 
flûte  double  ou  de  tous  les  instruments  à  vent  em- 
ployés sous  le  nom  de  llûtes  dans  l'antiquité,  nous 
devons  nous  borner  à  renvoyer  le  lecteur  aux  arti- 
cles ayant  trait  à  la  musique  dans  l'antiquité  grec- 
que, égyptienne,  etc. 

C'est  pour  cette  même  raison  que  nous  aurions 
désiré  ne  nous  occuper  ici  que  de  la  véritable  «  flûte  » 
et  mentionner  seulement  un  autre  instrument  qui 
eut,  sous  ce  nom,  son  heure  de  célébrité  :  nous  vou- 
lons parler  de  la  flûte  à  bec,  connue  également  sous 
le  nom  de  flûte  douce  ou  flûte  d'Awj  le  terre.  Mais 
certaines  considérations  importantes  nous  obligent 
à  nous  y  arrêter  plus  longtemps  que  nous  ne  le  sou- 
haitions. 

D'abord,  nous  sommes  infiniment  mieux  rensei- 
gnés sur  cet  instrument  que  sur  les  flûtes  antiques. 
Ensuite,  son  usage  était  général  à  une  époque  relati- 
vement rapprochée  de  la  nôtre  (tout  ce  qui  a  été' 
écrit  par  les  compositeurs  français  ou  italiens  jus- 
qu'au milieu  du  xvn°  siècle  l'a  été  pour  la  flûte  à  bec). 
Puis,  le  son  de  cet  instrument  se  rapproche  beau- 
coup de  ce  qu'il  est  convenu  d'appeler  «  son  de 
flûte  ».  Enfin,  même  après  que  l'emploi  de  la  llûte 
Iraversière  se  fut  généralisé  en  France,  on  continua 
à.  jouer  de  la  flûte  à  bec,  et  c'est  seulement  après  une 
longue  lutte  que  la  llûte  Iraversière  a  définitivement 
vaincu  sa  rivale. 

A  vrai  dire,  la  llûte  à  bec  n'a  pas  complètement 
cessé  d'exister.  Un  modèle  réduit  de  cet  instrument 
figure  encore  dans  nos  orchestres  de  bals  :  nous 
voulons  parler  du  flageolet,  qui  est  à  la  flûte  à  bec  ce 
que  le  fifre  est  à  la  flûte  traversière  :  un  type  extrê- 
mement simple  et  en  quelque  sorte  synthétique  de 
l'instrument.  C'est  même  par  la  description  de  ces 
deux  instruments  primitifs  que  nous  parviendrions 
le  mieux  à  donner  une  définition  exacte  et  claire 
des  deux  types  de  flûte  que  nous  nous  proposons 
d'étudier. 


1484 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


LA  FLUTE   A   BEC' 

Nous  traiterons  sommairement  ici  de  la  pltc  à 
bec,  en  raison  de  l'importance  du  rôle  qu'elle  a  joué 
dans  la  musique. 

Ainsi  que  la  définit  Mahillon,  la  llùte  à  bec  con- 
siste en  un  instrument  à  souffle  humain,  composé 
d'un  corps  cylindrique  ou  conique,  percé  d'orifices 
qui  permettent  de  modifier  avec  les  doigts  la  lon- 
gueur de  la  colonne  d'air;  elle  comporte  une  bouche 
biseautée  pour  l'émission,  de  l'air'^. 

Nous  reproduisons  ici  deux  anciennes  flûtes  à  bec 
du  Musée  du  Conservatoire  de  Paris. 


Trou  â'^mêoutfiur^ 


Trou  O  fiméoucëure 


FiG.  610.  —  Flûte  douce 
en  ivoire. 

Elle  est  finement  sculptée.  Le 
corps  du  sifflet  est  orné  d'une 
tôte  de  poisson,  au-dessous  de 
aquelle  s'enroulent  des  feuilles 
d'acanthe.  Le  second  corps  est 
lisse,  percé  de  6  Irous  d'un  côté 
et  d'un  trou  à  la  partie  supé- 
rieure du  côté  opposé.  Le  3« 
corps,  qui  se  termine  en  enton- 
noir, est  supérieurement  gravé 
et  percé  d'un  trou. 

On  remarque  sur  le  2"  corps 
un  écusson  et  quelques  lettres 
gravées  à  la  pointe  à  l'état  frus- 
te. Voici  les  dimensions  exac- 
tes de  ce  bel  instrument  ;  long. 
totale  :  0  m.  30.  Corps  du  sif- 
flet: 0  m.  20;  2- corps;  Om.  19; 
3*  corps  :  0  m.  12;  diamctre  in- 
térieur du  l-"" corps  ;  0  m.  019; 
idem  à  la  hase  :  0  m.  014  (coll. 
Glapissant). 


Elle  est  en  bois  jaune  nuancé,  et 
longue  de  50  centimètres,  bec  com- 
pris. Le  bi'C,  et  la  garniture  en  ivoire, 
sont  ornés  de  colliers  de  perles  en 
ébène.  Sur  le  l"''  corps  supérieur  et  b' 
2*^  de  cet  instrument  du  temp  ;de 
Louis  XIV,  on  lit  gravé  au  feu,  entre 
4  llcurs  de  lis,  le  nom  de  Dupois.  fac- 
teur, qui  était  établi,  en  1691,  carre- 
four de  l'Etoile  à  Paris. 

Extrait  du  Cataloque  du  Musëf 
du  Conservatoire  de  Paris  (G.  Chou- 
quet). 


On  sait  que,  quelle  que  soit  la  forme  du  tube,  un 
ventre  de  vibration  se  produit  toujours  à  ses  deux 
extrémités,  et  que  le  tube  suit  la  loi  des  tuyaux  ou- 
verts donnant  la  série  des  harmoniques. 

Nous  n'envisagerons  ici  que  la  flûte  à  bec  «  à 
9  trous  »,  avec  laquelle  on  n'emploie  que  les  har- 
moniques 1  et  2.  Le  flageolet,  le  galoubet,  les  flûtes 
doubles  à  la  tierce  ne  possédant  qu'une  littérature 
musicale  insignifiante,  nous  ne  nous  en  occupe- 
rons pas. 

Aux  xvii=  et  xvme  siècles,  la  flûte  à  bec  {fisiula  en 
latin)  recevait  les  dénominations  suivantes  : 

Plockfiôte  ou  Plockpfeiffe  en  Allemagne. 

Recorder  en  Angleterre. 

Flûte  à  neuf  trous,  flûte  d'Angleterre  ou  flûte  ù 
bec  en  France. 

Flaulo  en  Italie. 

Comme  tous  les  instruments  au  xvi"  siècle,  les  flûtes 
à  bec  formaient  une  famille  dont  YOrganographia 
(1618)  de  Praetorius  nous  donne  le  détail;  elle  fixe 
aussi  l'étendue  de  ces  diverses  flûtes  conformément 
à  l'échelle  suivante'  : 


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Grosse 
Basse 

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Altus 

Basset 
Ténor 
Altus 
Cantus 

Basse 
Ténor 
Altus 
Cantus 

Ténor 
Altus 
Cantus 

Cantus 

CantaiE 

FiG.  612. 

Ces  flûtes  sont  de  tailles  fort  différentes;  alors  que 
la  petite  flûte  «  exilent  »  ne  compte  guère  que  20  cen- 
timètres de  longueur,  la  grande  basse  mesure  plus 
de  2  mètres. 

En  outre,  si  les  rôles  joués  par  la  petite  flûte  et  la 
grande  basse  demeurent  constants,  les  modèles  inter- 
médiaires servent  tantôt  de  basse,  tantôt  de  ténor,  sui 
vant  le  groupement  des  voix. 

Toutes  ces  flûtes  sont  construites  en  bois  dur;  leur 
corps  comprend  d,  2  ou  3  pièces.  Quand  les  dimen- 
sions de  la  flûte  ne  permetlent  pas  d'atteindre  facile- 
ment un  ou  plusieurs  orifices,  on  obvie  à  cet  incon- 
vénient au  moyen  des  clefs. 

La  plus  grande  basse  connue  est  celle  du  musée 
d'Anvers  ;  elle  mesure  2"", 62  de  longueur,  possède 
4  clefs,  et  donne  le  ré  de  8  pieds. 

Nous  remarquerons  que  les  flûtes  basses  sont  très 
difficiles  à  u  faire  parler  »;  il  en  est  surtout  ainsi 
pour  celles  qui  sont  munies  de  clefs;  car,  alors,  elles 
donnent  inévitablement  lieu  à  des  fuites  d'air.  Le 
son  en  est  toujours  très  faible. 


1.  Nous  devons  les  éléments  de  ce  chapitre  à  l'obligeance  de  M.  Le 
Cerf,  qtii  s'est  spécialisé  dans  l'étude  des  instruments  anciens. 

(N.  D.L.D.) 

2.  Mahili.on  :  Catalogue  du  Musée  iitfitrumentat  du  Conservatoire 
royal  de  Musique  de  Bruxelles. 

3.  PiiAEToiiiDs  .•  Ori/aiioffmp/iio  (1G18),  p.  21. 


i 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


La  huitième  proposition  tiaitaiit  des  inslrunienls 
dans  l'Harmonie  universelle  de  Mersenne  (1036)  qui, 
nous  olfre  un  intérêt  véritable,  est  une  élude  des 
fiûtes  douces  ou  d' Angleterre  (à  i)  trous). 

«  Ces  tlùtes,  dit  Mersenne,  sont  appellées  douces,  à 
raison  de  la  douceur  de  leurs  sons,  qui  représentent 
le  charme  et  la  douceur  des  voix  ;  on  les  appelle  à 
neuf  trous,  parce  que  le  huitième,  qui  est  proche  de 
la  patte,  est  double,  afin  que  cet  instrument  puisse 
servir  aus  gauchers  et  aux  droitiers.  " 

Suit  une  tablature,  précédée  d'une  explication  dé- 
taillée sur  la  manière  de  poser  les  doigts,  et  concer- 
nant le  modèle  le  plus  simple  d'une  flûte  douce.  Une 
planche  nous  donne  ce  modèle,  avec  le  prolil  de 
l'embouchure  en  biseau. 

Mersenne  nous  dit  encore  qu'il  e.xiste  d'autres 
flûtes  douces  que  celles-là,  notamment  de  plus  gran- 
des. «  Or,  dit-il,  les  plus  grandes  ont  des  boettes 
(boites)  alîn  d'enfermer  les  clefs,  sans  lesquelles  on 
ne  peut  fermer  les  trous,  à  raison  que  les  doigts  delà 
main  ne  peuvent  avoir  une  aussi  grande  étendue.  » 

Ainsi  donc,  voici  une  première  constatation  d'un 
système  de  touche  nouveau  :  des  clefs  destinées  à 
suppléer  à  l'insufrisance  des  doigts  on  de  longueur 
des  doigts.  Ce  fait  a  une  certaine  importance  pour 
nous.  En  effet,  nous  verrons  plus  loin  que  le  modèle 
de  flûte  traversière  décrit  par  Mersenne  ne  comporte 
pas  de  clefs.  Pour  trouver  un  tel  système  de  touche 
sur  une  flûte  traversière,  nous  devrons  attendre  l'ap- 
parition de  l'ouvrage  d'HoTTEiERRp:  en  170";;  et  rien 
n'aura  pu  nous  révéler  la  date  et  le  lieu  de  l'inven- 
tion qui  sera  la  base  de  tous  les  perfectionnements 
apportés  depuis  à  tous  les  instruments  à  vent.  iSous 
supposons  que  l'invention  des  clefs  est  d'origine  an- 
glaise et  qu'elles  ont  d'abord  été  appliquées  aux  llùtes 
douces.  Mersenne  dit  de  ces  grandes  flûtes  douces 
«  qu'elles  ont  été  envoyées  d'Angleterre  à  l'un  de  nos 
rois  ».  Il  est  permis  de  supposer,  toutefois,  que  l'ap- 
plication de  ce  système  de  clefs  aux  llùtes  traver- 
sières  est  due  à  un  obscur  fabricant  français.  Celait 
l'opinion  de  Qlantz,  le  célèbre  flûtiste  allemand, 
opinion  qu'il  a  formulée  dans  son  Traité  (1752).  11 
dit  que  ce  sont  les  Français  qui  se  sont  les  premiers 
servis  de  cette  clef,  notamment  Philbert  ou  Phili- 
bert, et  que  ce  perfectionnement  remonte  à  un  siècle 
environ.  D'après  lui,  nous  pourrions  donc  placer  cet 
événement  vers  1660  environ,  sans  cependant  donner 
à  cela  rien  d'absolu.  Mentionnons,  en  passant,  ce 
passage  bien  extraordinaire  du  chapitre  consacré 
aux  flûtes  douces  :  «  Mais  il  faut  remarquer  que  l'on 
peut  sonner  un  air,  ou  une  chanson  sur  la  tlûte 
douce,  et  en  même  temps  chanter  le  son  de  la  basse, 
sans  toutefois  articuler  la  voix,  car  le  vent  qui  sort 
de  la  bouche  en  chantant  est  capable  de  faire  son- 
ner la  tlûte,  de  sorte  qu'un  seul  homme  peut  faire 
un  duo.  » 

Nous  envions  le  bon  Mersenne  d'avoir  pu  assister  à 
une  audition  semblable! 

A  partir  de  la  fin  du  xvn«  siècle,  les  flûtes  sopra- 
nos en  fa  ^comprennent  presque  toutes  trois  parties, 
disposition  plus  commode  pour  la  fabrication  et  pour 
l'entretien.  De  la  sorte,  le  deuxième  trou  du  fa  devien  t 
inutile,  et  l'instrument  n'a  que  8  trous,  car  la  rota- 
tion delà  pièce  inférieure  permet  de  disposer  le  trou 
du /a  pour  la  main  droite  ou  pour  la  main  gauche. 

La  flûte  en  fa^,  la  plus  usuelle  et  presque  la  plus 
usitée  au  xvui'  siècle,  se  construisait  aussi  en  ivoire, 
ce  qui  lui  donnait  une  qualité  supérieure.  Ces  flûtes 
en  ivoire  sont  souvent  d'exquises  pièces,  qui,  par 


LA    FLUTE    1485 

leur  perce  très  régulièrement  conique  et  par  leur 
remarquable  ajustage,  témoignent  du  talent  des  fac- 
teurs des  xvii°  et  xviu«  siècles.  Toutefois,  nous  obser- 
verons que  la  perce  des  cornets  d'ivoire,  suivant  un 
axe  courbe,  représente  un  travail  encore  plus  minu- 
tieux et  encore  plus  surprenant. 

Un  bouchon  en  bois  s'ajuste  dans  le  bec,  de  façon 
à  laisser  passer  l'air  par  une  lumière  sur  le  biseau 
qui  est  laissé  dans  le  corps  de  l'instrument.  L'ajus- 
tage de  ce  bouchon  constitue  la  partie  la  plus  déli- 
cate de  la  construction;  il  reste  ensuite  à  elîectuer 
la  perce  des  trous,  et  c'est  là  qu'interviennent  l'empi- 
risme et  les  données  de  la  pratique,  car  les  flûtes  à 
bec  octavient  rarement  juste  pour  toutes  les  notes; 
l'octave  supérieure  a  des  tendances  à  être  trop  haute. 
Mais  certains  facteurs  parvenaient  à  corriger  ca  dé- 
faut grâce  à  une  disposition  ingénieuse  du  bec  et  de 
la  perce  des  trous. 

D'une  manière  générale,  on  peut  appliquer  aus 
flûtes  à  bec  l'appréciation  que  Quantz  donnait  en  1750 
dans  son  Essai  sur  la  flûte  traversière,  et  aux  termes 
de  laquelle,  sur  une  centaine  de  llùtes,  il  en  est  bien 
peu  de  bonnes. 

Parmi  les  noms  de  fabricants  de  Uùtes  à  bec  figu- 
rant dans  les  trois  remarquables  collections  de  ces 
instruments  quepossèdent  Paris,  Bruxelles  et  Vienne', 
nous  relèverons  les  suivants  :  Hotteterre,  Haka,  Zick, 
Steenbergen,  Oberlander,  Bœrhout,  B.  Reich,  Basse- 

LIER,  ROTTENBURG,  StANESBY,  HeYTZ,  RifFERT,  C.  KyrEL, 

Bauduin,  Lamrert,  l.-C.  Denneb,  H.  Rauch. 

A  la  fin  du  x\  iii=  siècle  et  au  début  du  xix",  on  a 
construit  des  flûtes  à  bec  à  plusieurs  clefs  pour  les 
dièses  elles  bémols;  mais  ces  flûtes  ont  de  vilains 
sons  de  flageolets  et  ne  présentent  aucun  intérêt. 

Pédagogie.  —  La  flûte  à  bec  est  construite  de  ma- 
nière à  donner  une  gamme  diatonique  généralement 
dans  le  ton  de  sa  note  la  plus  grave.  Mais  des  demi- 
tons  peuvent  se  faire  au  moyen  de  doigtés  fourchus, 
certains  d'entre  eux  sortant  plus  facilement  que  d'au- 
tres. 

Les  tons  usuels  de  l'écriture  musicale  sont  ceux  de 
fa,  si[i,  ut,  sol.  Les  autres  sont  difficiles  à  réaliser  de 
façon  juste. 

Que  si  nous  examinons  les  méthodes  de  flûtes  à 
bec,  nous  constatons  qu'elles  apparaissent  en  assez 
grand  nombre  à  partir  du  xvi=  siècle.  Pour  le  xvi'^  seu- 
lement, nous  connaissons  celles  de  S.  Virdung  (ISll), 
de  M.  Agricola  (l.'iiO),  de  Ganas'i  del  Fontego  (1o3S), 
de  Philibert  Jambe  de  fer  (looô),  auxquelles  on  peut 
joindre  les  intéressantes  considérations  pédagogiques 
contenues  dans  le  besiderio  de  Bottrigaki  d.'iOO). 

Le  xvii«  siècle  voit  paraître  les  traités  pédagogiques 
de  Mersenne  (Kl^O)  et  d'HorrETURRE  (1680).  Kn  1618, 
Praetorics  traite  de  manière  instructive  de  la  flûte  à 
bec.  Puis,  au  xvin',  V Encyclopédie  de  Diderot  fournit 
une  tablature  de  l'instrument.  Enfin,  nous  signale- 
rons les  nombreuses  méthodes  anglaises  que  \Velsch 
indique  dans  son  travail  intitulé  :  Lectures  on  the 
Recorder.  Dès  l.'iOO,  Bottrigari  souligne,  dans  la 
phrase  suivante  de  son  Desiderio,  la  grosse  difficulté 
que  présente  l'instrument  :  «  Le  ton  des  flûtes  s'é- 
lève ou  s'abaisse  en  ouvrant  plus  ou  moins  les  trous 
ou  en  mesurant  le  souffle.  » 

Il  faut  donc,  pour  jouer  ces  instruments,  posséder 
une  oreille  parfaitement  juste,   et  veiller  constam- 


1.  Paris  :  Musée  du  Conservatoire  national  de  musique.  Bruxelles  : 
Musée  du  Conservatoire  royal.  Vienne  ;  Kunsthistoriclies  Muséum. 


1486 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


ment  aux  doigtés.  Lorsque  la  flilte  s'échaulîe,  lors- 
que le  bouchon  devient  humide  et  gonfle  légèrement' 
le  ton  varie,  et  c'est  à  l'exécutant  à  corriger  son  into- 
nation par  le  moyen  qu'indique  BoTTRir.An;. 

Littérature.  —  Du  xvi»  au  xviii=  siècle,  —nous  n'en- 
visageons pas,  faute  de  documents  précis,  les  pério- 
des antérieures  au  xvi"  siècle,  —  la  tlùte  à  hecest  un 
instrument  très  employé,  dont  le  timbre  produit  de 
charmants  effets,  lorsqu'on  le  met  judicieusement  à 
contribution  et  surtout  lorsqu'on  n'en  abuse  pas.  La 
musique  religieuse  et  la  musique  profane  témoignent 
toutes  deux  du  fréquent  usage  de  la  flûte  à  bec.  C'est 
ainsi  qu'en  ce  qui  concerne  la  musique  religieuse, 
Praetorius,  au  III"  volume  de  son  Syntaijma  de  1618, 
signale  l'emploi  d'ensembles  de  flûtes  à  bec  dans  l'exé- 
cution des  motets  à  plusieurs  chœurs".  Praktorius 
prend  soin  de  signaler  l'inconvénient  qui  résulte  de 
la  faible  sonorité  des  grandes  flûtes  à  bec. 

Plus  tard,  des  symphonies  sacrées  de  Schltz  (1650) 
font,  àplusieurs  reprises,  état  des  flûtes  ténorsen  ut^. 
A  la  fin  du  xvii"  siècle,  M.  A.  Ch.vrpentmîr  se  sert 
fréquemment  de  toute  la  famille  des  flûtes  à  bec,  et, 
fort  judicieusement,  il  triple  les  parties  de  basse  (en 
sol^).  Parfois,  on  le  voit  joindre  les  flûtes  traversiéres 
(dessus  et  basse  en  la-)  aux  flûtes  à  bec-. 

Les  cantates  religieuses  de  J.-S.  Bach  révèlent  sou- 
vent  aussi  la  présence  de  la  flûte  à  bec;  la  plupart 
du  temps,  ces  instruments  interviennent  par  groupes 
de  deux,  et  exécutent  des  dessins  à  la  tierce  qui  font 
valoir  la  charmante  sonorité  qui  leur  est  propre. 

Ailleurs,  dans  la  cantate  Meine  Seele,  par  exemple, 
la  flûle  à  bec  apparaît  seule  de  son  espèce,  et  son 
timbre  vient  s'opposer  à  celui  du  hautbois. 

L'exécution  des  parties  de  flûtes  à  bec  oITre  parfois, 
chez  Bach,  de  grandes  difficultés,  car  le  musicien  se 
sert,  comme  il  l'a  l'ait  pour  le  clarino,  du  registre 
suraigu  de  l'instrument.  Néanmoins,  tout  ce  qu'il 
écrit  à  l'usage  de  la  flûte  se  trouve  parfaitement 
«  dans  les  doigts  »  du  flûtiste,  et  souligne  la  connais- 
sance approfondie  qu'il  avait  de  la  flûle  à  bec. 

Vers  1750,  la  flûte  à  bec  semble  cesser  de  se  faire 
entendre  à  l'église  et  au  concert.  C'est  ainsi  que  Quantz 
la  passe  sous  silence  dans  son  magistral  Essai  sur  la 
fliite  transversiè7-e,  au  cours  duquel  il  examine  tous 
les  instruments  employés  alors  à  l'orchestre. 

Si  nous  étudions  maintenant  l'usage  que  la  musi- 
que profane  fait  de  la  flûte  à  bec,  nous  remarquerons 
qu'au  XVI"  siècle,  cet  usage  revêt  deux  modalités  : 
tantôt  on  emploie  toute  la  famille  des  flûtes  à  bec, 
tantôt  celles-ci  sont  associées  au  luth  et  à  l'épinette; 
elles  se  joignent  rarement  aux  autres  instruments 
à  vent,  combinaisons  que  Bach  devait  réaliser  plus 
tard. 

En  15S8,  Thoinot  Arbeau  indique  la  flûte  à  bec 
comme  susceptible  d'accompagner  les  danses.  De  fait, 
aux  xvn'et  xvni'^  siècles,  cet  instrument  prend  place 
dans  la  musique  des  ballets,  des  opéras,  des  Masks 
anglais;  il  participe  à  l'exécution  des  sonates,  des 
concertos  et  des  cantates  profanes.  Son  rôle  n'est  pas 
affecté  d'un  caractère  pastoral,  comme  celui  de  la 
musette  et  du  hautbois.  On  attribue  plutôt  à  la  flûle 
à  bec  un  caractère  triste  et  mélancolique,  et  elle  ne 
servira  qu'exceptionnellement  pour  accompagner 
la  danse,  les  violons  semblant  désormais  chargés  de 
ce  soin. 

1.  Si/niniimn,  lome  III,  p.  150. 

2.  Par  exemple,  dans  le  Kyrie  da  toma  I,  fol.  68  de  l'exemplaire 
de  la  Bibl.  nalioiiale. 


Mersenne,  en  1636,  cite  un  exemple  de  quatuor  de 
flûtes  à  bec.  Si  M.  A.  Charpentier  continue  à  join- 
dre la  flûte  à  bec  basse  à  la  flûte  en  fa,  Lully  qui» 
à  plusieurs  reprises,  introduit  cet  instrument,  se  sert 
dans  sa  Payckf;  de  1674  d'un  groupe  de  6  flûtes  à 
bec,  dont  3  basses.  D'autres  part,  Montéclair  utilise 
la  flûte  à  bec  en  fa,  dans  ses  cantates  profanes. 

Au  xviu"  siècle,  on  voit  de  nombreuses  pièces  de 
Senallié,  de  Naudot,  d'HoTTETERRE,  de  CoRRETTE,  por- 
ter la  mention  :  «flûte  à  bec,  ou  musette,  ou  dessus 
de  viole.  » 

Kn  Italie,  nous  rencontrons  dans  VEurldice  de 
Péri  un  délicieux  exemple  de  l'emploi  de  la  flûte  à 
bec  sous  les  espèces  d'un  trio  de  2  flûtes  et  d'une  voix 
sans  basse.  Biancheri,  lui,  se  sert  de  2  flûtes  à  bec 
avec  l'orgue.  Quant  à  Monteverdi,  son  Orfco  laisse 
figurer  notre  instrument,  dont  la  présence  se  mani- 
feste pour  la  dernière  fois  dans  l'Alarico  de  Steffani 
(vers  f700|.  La  combinaison  adoptée  alors  est  celle 
d'un  dessus  de  flûte  à  bec  et  d'une  basse.  Chez  les 
ScARLATTi,  on  wi  trouve  plus  trace  de  la  flûte  à  bec. 
En  Angleterre,  Piir(;ell  se  sert  de  la  flûte  en  fa'^ 
et  de  la  flûte  basset  placée  une  octave  plus  bas  que 
le  dessus.  Les  œuvres  dramatiques  d'HAENDEL  utilisent 
la  flûte  à  bec,  et  trois  de  ses  sonates  pour  flûte  sont 
destinées  à  celle-là.  Un  de  ses  concertos  contient  un 
Anâanlc  pour  2  flûtes  à  bec  avec  quatuor  d'archets 
et  bassons,  Andantc  qui  est  noté  sur  la  partie  des 
hautbois,  de  sorte  que  les  exécutants  doivent  alors 
changer  leurs  instruments  pour  des  flûtes  à  bec. 
C'est  là,  du  reste,  une  habiUide  assez  répandue  et 
qui  s'explique  par  l'analogie  du  jeu  du  hautbois  et 
de  cette  espèce  de  flûte. 

La  musique  allemande  profane  fait  également  ap- 
pel à  la  flûte  à  bec  avec  des  œuvres  de  Telemann,  de 
Stossiger,  de  Forster,  de  Schultze,  de  Finger  et  de 
J.-S.  Bach.  Si  ce  dernier  n'a  pas  écrit  de  sonates  des- 
tinées à  cet  instrument,  du  moins  emploie-t-il  celui-ci 
dans  deux  de  ses  concertos  brandebourgeois,  où  la 
flûte  à  bec  joue  un  rôle  important.  De  même,  quel- 
ques cantates  profanes  du  cantor  de  Leipzig  admet- 
tent des  parties  de  cet  instrument.  Nous  noierons 
que  Bach  ne  s'est  servi  que  de  la  flûte  en  fa^. 

De  nos  jours,  on  a  tenté  quelques  essais  à  l'effet  de 
ressusciter  la  flûte  à  bec,  dont  la  présence  du  timbre 
est  indispensable  pour  se  faire  une  idée  exacte  de 
la  conception  et  de  l'exécution  originale  des  œuvres 
des  maîtres  ^ 


LA  FLUTE  TRAVERSIERE 

Gciiéralilés. 

La  flûle,  telle  que  nous  la  connaissons  aujourd'hui, 
nous  apparaît  au  premier  examen  comme  un  tube 
fermé  à  l'une  de  ses  extrémités,  ouvert  à  l'autre,  et 
percé  d'ouvertures  latérales  de  nombre  variable. 

A  la  réflexion,  si  nous  considérons  que  l'une  de 


3.  M.  Amolli  Doi.METSCH  est  parvenu  ;\  construire  des  flûtes  en  fa 
en  bois,  flûtes  qui  valenl  les  instruments  anciens  et  dont  M.  Rodolphe 
DoLMETSCH  se  sert  fort  habilement.  En  France,  quelques  artistes  et 
quelques  amateurs  (M"*  MoHi.AnuE,  iM.  Stiek)  ont  entrepris  Iclude 
delà  flûte  à  bec;  d'antres  efforts  s'appliquent  au  clarino.  aux  cornrts 
et  au  chîtarronc  (car  le  clavecin  et  le  luth  possèdent  aujourd'hui  leurs 
virtuoses,  et  M.  Doi.metsch  a  reconstitué  la  famille  des  violes). 

Il  y  a  donc  lieu  d'espérer  que,  dans  uu  délai  rapproché,  la 
musique  du  xvi»  au  xvni"  siècle,  du  moins  en  ce  qui  concerne  les 
œuvres  où  la  reconstitution  des  anciens  timbres  n'est  pas  trop  difli- 
cile,  pourra  être  jouée  sur  les  instruments  pour  lesquels  elle  fut  écrite. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 

ces  ouvertures  est  placée  très  près  de  l'extrémité 
fermée,  qu'elle  est  destinée  à  être  mise  en  usage  par 
la  bouche  de  l'exécutant  (d'où  sou  nom  d'embou- 
chure), que  sa  perce  latérale  est  utile  mais  non 
indispensable  à  la  production  du  son,  et  qu'elle 
pourrait  être,  à  la  rigueur,  placée  à  l'extrémité  du 
tube,  on  peut  dire  plus  justement  que  la  flûte  est  un 
tube  ouvert  à  ses  deux  extrémités. 

Une  expérience  le  prouve  de  façon  concluante  :  en 
débouchant  l'extrémité  fermée  d'une  flûte  et  en  se 
servant  de  cette  ouverture  comme  d'une  embouchure 
latérale  (voir  ci-dessous),  on  arrive  à  produire  un  son. 

Il  s'agit  là  d'une  expérience  purement  théorique  ;  le 
son  ainsi  produit  serait  d'une  extrême  imperfection 
et  il  ne  serait  d'aucun  intérOl,  croyons-nous  (quoiqu'il 
y  ait  eu  des  tentatives  faites  en  ce  sens),  de  faire 
entrer  ce  système  d'embouchure  dans  la  pratique. 

C'est  cependant  cette  constatation  qui  a  pu  faire 
classer  la  flûte  dans  la  catégorie  des  instruments  dits 
«  à  tubes  ouverts  ».  Cette  catégorie  ne  comprend 
guère  que  la  famille  des  flûtes,  certains  tuyaux 
d'orgue  et  quelques  instrumenis  exotiques. 

Si  donc  la  production  d'un  son  unique  nous  pa- 
raît être  suffisante  à  faire  entrer  un  tel  instrument 
dans  la  grande  famille  des  instruments  de  musique, 
nous  dirons  qu'un  tube  ouvert  à  ses  deux  extrémi- 
tés pourrait,  à  la  rigueur,  constituer  une  flûte. 

Pour  produire  un  son,  il  suffira  que  les  lèvres  de 
l'exécutant  projettent  à  l'intérieur  du  tube  un  souffle 
suffisant  pour  ébranler  la  colonne  d'air  et  mettre  en 
mouvement  les  vibrations  sonores.  Si  l'ébranlement 
de  la  colonne  d'air  est  déteiminé  par  le  passage  du 
souffle  sur  un  biseau  (forme  du  sifflet),  nous  avons  le 
principe  de  la  fli'ite  à  bec. 

Si,  au  contraire,  les  lèvres  mêmes  de  l'exécutant 
forment  seules  ce  sifflet,  nous  aurons  le  principe  de 
la  flûte  tmversiùre  (appelée  ainsi  parce  qu'elle  s'em- 
bouche par  une  ouverture  latérale  et  qu'elle  se  tient 
de  gauche  à  droite,  par  le  travers  du  corps). 

En  ce  cas,  l'instrument  vient  se  poser  parallèle- 
ment aux  lèvres,  le  bord  le  plus  près  du  corps  posé 
sous  la  lèvre  inférieure  et  le  trou  d'embouchure  dé- 
couvert des  2/:i  aux  3/4.  L'exécutant  dirige  son  souflle 
vers  la  paroi  intérieure  opposée.  Pour  donner  de 
cette  action  des  lèvres  une  image  vulgaire,  disons 
que  cette  façon  de  produire  un  son  est  la  même  que 
■celle  de  siffler  dans  une  clef. 

Imaginons  un  instrument  aussi  sommaire  que  pos- 
sible, et  contentons-nous  pour  le  moment  d'un  simple 
tube  fermé  à  l'une  de  ses  extrémités  et  muni  d'une 
ouverture  latérale  que  nous  nommerons  embou- 
chure :  nous  tirons  donc,  par  le  moyen  cité  précé. 
demment,  un  son.  Ici,  et  relativement  aux  causes  de 
la  production  du  son,  nous  renvoyons  pour  plus  de 
détails  le  lecteur  à  l'article  de  VEncydopédic  trai- 
tant de  l'Acoustique  en  général,  et  plus  spécialement 
au  chapitre  consacré  aux  vibrations  sonores  pro- 
duites dans  les  tubes  ouverts.  On  y  verra  que,  dans 
le  tube  que  nous  imaginons,  le  souffle,  après  avoir 
■été  projeté  sur  la  paroi  opposée  du  tube,  se  divise 
immédiatement  en  deux  segments  par  la  formation 
d'un  nœud  au  milieu  du  tuyau.  Si  ce  tube  a  les  di- 
mensions de  notre  flûte  actuelle,  c'est-à-dire  60.'i  mil- 
limètres de  longueur  '  sur  10  millimètres  de  diamè- 
tre, la  note  fondamentale  produite  aura  271,2  vibra- 
tions et  nous  donnera  la  note  ut. 


LA   FLUTE    1487 


Continuons  notre  expérience.  En  vertu  de  ce  prin- 
cipe que,  si  nous  divisons  par  la  force  du  souffle  la 
colonne  d'air  en  un  plus  grand  nombre  de  segments, 
nous  aurons  de  plus  en  plus  de  vibrations,  nous 
allons  obtenir  successivement  tous  les  harmoniques 
de  ce  son  fondamental.  Sur  notre  tube,  nous  obtien- 
drons successivement  les  notes  suivantes  :. 


Harmoniques 


rondamental 


^      ^^         e^ 


1.  La  longuevii    du  tube  sonore  est  tûujourà   prise  du  milieu   de 
\l'etubouchure  ù  l'extrémité  inférieure. 


271, a  54Z,4  &13,6        lOa^^      IS55        1CZ7,Z       I6ge,4       2169,6 

Ainsi  donc,  notre  simple  tube  est  capable,  en  tant 
qu'instrument  de  musique,  de  nous  donner  8  notes 
distinctes.  Remarquons  toutefois  que,  sauf  pour  la 
fondamentale,  les  sons  seront  imparfaits,  durs,  d'un 
timbre  désagréable,  mais  que,  sauf  le  7»,  tous  ces 
harmoniques  seront  justes. 

Pour  obtenir  les  autres  notes  de  la  gamme  nous 
pourrions  fabriquer  autant  de  tubes  de  différentes 
longueurs  qu'il  existe  de  notes.  Nous  tomberions  alors 
dans  le  système  de  la  flûte  de  Pan.  .Mais  si  nous  per- 
çons noire  tube  d'une  ouverture  latérale  à  n'importe 
quel  point,  l'elfet  sera  à  peu  près  le  même  que  si 
nous  réduisions  sa  longueur,  et  nous  obtiendrions 
alors  un  plus  grand  nombre  de  vibrations,  ce  qui  nous 
donnera  une  autre  note.  Nous  pouvons  donc  nous 
donner  la  possibililé,  en  perçant  différents  trous  fer- 
més par  les  doigts,  de  transformer  à  volonté  ce  tube 
unique  en  autant  de  tubes  de  différentes  longueurs, 
selon  que  les  doigts  donneront  passage  à  l'air  à  l'un 
ou  à  l'autre  point  du  tube. 

Or,  si  nous  remarquons  que  le  premier  harmoni- 
que de  la  note  fondamentale  est  l'octave  et  que  cet 
harmonique  est  (pour  presque  toutes  les  notes)  juste, 
nous  constaterons  que  le  percement  de  6  trous  suffit 
à  l'émission  de  deux  octaves  complètes.  Il  suffira, 
pour  produire  une  gamme  ascendante,  de  boucher  les 
six  trous  avec  trois  doigts  de  chaque  main  et  de  lever 
successivement  ces  doigts  en  commençant  par  le 
plus  éloigné  de  l'embouchure. 

C'est  à  quoi  paraît  s'être  bornée  l'ambition  des  cons- 
tructeurs de  la  llùte  primitive,  et  nous  serions  tentés 
d'arrêter  là  ce  petit  exposé  du  principe  de  la  flûte, 
pour  entreprendre  l'historique  des  perfectionnements 
qui  ont  abouti  à  la  flûte  actuelle.  .Mais  peut-être  sera- 
t-il  plus  clair  d'exposer  encore  quelques  principes 
supplémentaires  relativement  à  la  production  des 
notes. 

Nous  mettant  à  la  place  des  flûtistes  de  la  période 
primitive,  désireux  de  tirer  le  plus  grand  parti  pos- 
sible de  leur  instrument,  nous  trouvons  une  flûte  ca- 
pable tout  au  plus  d'être  jouée  dans  une  tonalité  uni- 
que (presque  toutes  les  flûtes  à  6  trous  étaient  accor- 
dées en  ré  majeur'',  ne  possédant  qu'une  étendue  de 
deux  octaves,  et,  par  conséquent,  d'une  trop  grande 
pauvreté  de  moyens  pour  ne  pas  appeler  le  perfec- 
tionnement). Les  documents  nous  manquent  pour 
établir  quel  a  été  le  premier  but  des  chercheurs  : 
soit  la  production  de  la  gamme  chromatique,  soit 
une  plus  grande  étendue  de  la  tessiture.  Il  paraîtrait 
plausible  que  le  premier  perfectionnement  ait  eu 
plus  d'importance  que  le  second,  et  cependant  un  des 


i.  C'est-à-dire  que  l'inslrument  donn.iit,  comme  note  fondamentule, 
un  re  majeur  quand  tous  ses  trous  étaient  boucliés. 


1488 


ENCYCLOPEDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


écrits  les  plus  anciens  sur  la  question  (l'Harmonie 
universelle  du  P.  Mersenne)  nous  révèle  qu'une  tlùte 
de  ce  genre  montait  jusqu'au  la  (3=  octave),  mais  ne 
connaissait  d'autre  tonalité  que  celle  de  ré  majeur. 

Il  y  a  eu  vraisemblablement  utilisation  des  qua- 
trièmes harmoniques,  comme  en  font  foi  les  tabla- 
tures que  nous  avons  pu  retrouver;  mais  ces  harmo- 
niques étaient  durs,  d'une  justesse  relative  et  d'une 
émission  difficile.  Soit  par  tâtonnements,  soit  par 
calcul,  les  th'i listes  trouvèrent  un  moyen  d'améliorer 
les  sons  défectueux  des  noies  harmoniques  en  ou- 
vrant un  ou  plusieurs  trous,  selon  le  cas,  entre  l'em- 
bouchure et  les  autres  trous  déjà  fermés. 

11  se  produit,  en  effet,  en  ce  cas  un  phénomène  que 
nous  signalons  succinctement.  On  a  vu  déjà  que  le  fait 
d'ouvrir  un  trou  entre  l'embouchure  et  l'extrémité 
inférieure  de  la  flûte  équivaut  à  peu  près  au  section- 
nement du  tube.  Mais  ceci  n'a  son  effet  absolu  que 
jusqu'à  la  production  d'un  certain  nombre  de  vibra- 
tions, et  dépend  également  de  la  position  et  du  dia- 
mètre du  trou  incidemment  ouvert. 

Il  arrive  qu'un  trou  ainsi  ouvert  au  milieu  de  trous 
fermés  n'exerce  pas  son  influence  totale.  11  peut  éle. 
ver  le  son  d'un  ou  plusieurs  degrés  (voir  tablature 
de  la  flûte  à  une  clef),  soit  clarifier  le  son,  soit  faci- 
liter la  production  d'un  harmonique. 

Dans  notre  instrument,  nous  n'avons  pas  de  trous 
spécialement  atTectés  à  cet  usage.  Ce  sont  les  trous 
servant  à  la  production  de  la  première  octave  qui 
peuvent  ainsi,  à  l'occasion,  modifier  les  notes.  Nous 
les  appellerons  «  trous  de  notes  »  dans  le  premier  cas, 
«  trous  auxiliaires  »  dans  le  second. 

Un  dernier  mol  sur  cet  instrument  sommaire  :  de 
quelle  matière  peut-on  faire  une  flûte'.'  Nous  ver- 
rons par  la  suite  qu'il  en  a  été  fait  de  toutes  sortes 
de  matériaux  :  bois  de  différentes  essences,  ivoire, 
métaux,  porcelaine,  cristal,  marbre,  à  base  de  caout- 
chouc, etc. 

Les  théoriciens  de  l'acoustique  prélendent  que 
seules  les  dimensions  du  tube  sonore  peuvent  avoir 
une  influence  sur  les  vibrations,  et  que  la  qualité  de 
la  matière  employée  pour  le  tube  n'a  aucune  impor- 
tance. 

Mais,  comme  nous  le  verrons  plus  tard,  les  théo- 
ries et  la  pratique  ont  été  si  souvent  en  désaccord  à 
propos  de  la  fabrication  des  flûtes,  que  nous  ne  pou- 
vons nous  en  tenir  aux  affirmations  des  théoriciens. 
L'expérience  prouve  que  la  matière  employée,  le 
plus  ou  moins  d'épaisseur  du  tube,  peuvent  modifier 
la  qualité  du  son  dans  des  proportions  considérables. 
Les  flûtes  ont  été  faites  de  bois,  à  de  très  rares  ex- 
ceptions près,  jusqu'au  milieu  du  xix=  siècle.  A  cette 
époque,  les  llûtes  de  métal  sont  venues  leur  dispu- 
ter la  suprématie. 


LES  TRANSFORMATIONS  DE  LA  FLUTE 

En  essayant  de  découvrir  les  origines  de  la  flûte 
actuelle,  nous  aurions  ainsi  remonté  aussi  loin  que 
possible  et  nous  avons  tenté  de  le  faire,  mais  ce  n'est 
pas  une  tâche  aisée.  Le  premier  spécialiste  qui  nous 
donne  des  détails  aussi  précis  sur  la  structure  de  la 
flûte  et  la  façon  d'en  jouer,  et  qui  peut  appuyer  ses 
dires  sur  une  expérience  personnelle,  est  Hottbteiire, 


dit  LE  Romain.  Un  ouvrage  de  lui,  paru  en  1707,  et 
intitulé  Principes  de  la  ftùte  traversiere  ou  flvle  d'Al- 
lemagne, de  la  flûte  à  bec  ou  flûte  douce  et  du  hautbois, 
nous  donne  des  détails  assez  précis  sur  l'art  déjouer 
des  deux  premiers  instruments.  Mais  il  reste  mal- 
heureusement muet  sur  leur  structure,  et  ne  nous 
instruit  en  aucune  façon  des  transformations  qu'a 
subies  la  flûte  avant  d'arriver  dans  ses  mains.  Appar- 
tenant à  une  famille  célèbre  de  fabricants  et  d'artistes, 
fabricant  lui-même,  appelé  par  ses  talents  à  voya- 
ger (il  alla  même  jusqu'à  Rome,  ce  qui  lui  valut  son 
surnom),  cet  artiste  remarquable  devait  donc,  selon 
toutes  probabilités,  être  en  possession  de  précieuses 
connaissances  sur  les  origines  et  les  modifications  de 
la  flûte.  Malheureusement,  il  ne  nous  en  dit  rien. 

Cette  absence  de  documents  est  d'autant  plus  re- 
grettable qu'au  moment  où  IIotteterre  jouissait  de 
la  célébrité,  la  flûte  venait  de  subir  une  transforma- 
tion capitale  (changement  de  proportions  de  la  perce 
intérieure),  et  la.  flûteà  bec  allait  céder  le  pas  à  la  flûte 
traversiere  (dans  le  traité  d'HoTTEiERRE  la  flûte  tra- 
versiere occupe  déjà  la  première  place).  11  eût  été  bien 
intéressant  de  savoir  par  un  homme  du  métier  com- 
ment ces  modifications  furent  amenées. 

Nous  devons  donc  nous  contenter  des  renseigne- 
ments vagues  que  nous  doimeni,  par  hasard,  des 
écrits  de  pure  fantaisie  ou  des  explications  que  nous 
fournissent  d'éminents  auteurs,  théoriciens  de  grand 
mérite,  sans  doute,  mais  dont  certaines  défaillances 
dans  des  détails  techniques  nous  obligent  à  ac- 
cepter les  dires  avec  une  grande  réserve. 

Nous  avons  dit  qu'à  l'époque  d'HoTTETERRB,  la 
flûte  û  bec  allait  céder  le  pas  à  la  flûte  traversiere.  11 
ne  s'ensuit  pas  pour  cela  que  cette  dernière  fût  tout 
à  fait  une  nouvelle  venue  en  France.  Deux  vers  de 
Guillaume  de  Machaut  (né  vers  la  fin  du  xiu"  siècle)  : 

Cors  sarrazinois  et  doussaines 
Tabours,  flaustes  traversaines, 

tendent  à  prouver  que,  dès  cette  époque,  les  flûtes  à 
bec  (doussaines)  et  traversières  étaient  connues  en 
France.  Même  remarque  dans  ces  deux  vers  d'Eusta- 
che  Deschamps  (xiv«  siècle)  : 

Harpe,  psaltérion,douçaine... 

Vielle,  fleuthe  IravereaiiiL"... 

Rauelais  fait  mention  d'une  <c  flûte  d'Alemant  »,  ce 
qui,  du  reste,  ne  prouve  pas  absolument  qu'il  s'agit 
d'une  flûte  traversiere. 

Un  ouvrage  plus  sérieux  de  Sébastien  Virdung, 
Musica  (jelutscht  und  auszgezoïjen  durcli  Sebastianum 
Virdung,  PreistervonAmherg,  e;c.,paru  à  Bâleen  1,'ill, 
contient  deux  dessins  qui  pourraient  constituer  de 
précieux  documents,  si  celui  qui  nous  intéresse  le 
plus  ne  nous  était  pas  entièrement  suspect  par  son 
manque  évident  d'exactitude.  Le  premier  de  ces  deux 
dessins  a  trait  à  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui 
galoubet.  Il  n'est  d'aucun  intérêt  pour  nous.  Le  second 
pourrait  représenter  une  tlùte  traversiere,  mais  la 
façon  tout  à  fait  incorrecte  dont  sont  indiquées 
les  places  des  trous  et  de  l'embouchure  rendrait 
injouable  un  instrument  construit  sur  de  telles  don. 
nées.  Cette  flûte  porte  le  nom  de  ÏAverchpfeiff  (pipeau 
transversal). 


^cl)it>câel. 


tîikÉûi 


uummutuliimiiuiniiiiiintlimiiniiinnniimiiiiimuminmimiiiwiwiinnii 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA    FLUTE    1489 


tll[ullUl[i[liiiilt(liiiiiii»»itUi»uuil(uauiuiiUiii<uu»iinihii»hiUMiiiiiu»~hiii"»»i"»iuûuKlmiHli~i»iliiMllllulllllUlllilUuJ 


MmW//IWIIIIIIIfl/lliiililuiliiiiiiil)liiiiiilliiiii 


iiiiii»iiiimi»iimiiiiM», 


FlG.  613. 

Agricola,  dans  son  Musica  Instrumentalis  Deutsch 
(1328),  et  Praeiorius,  dans  son  Tkeatrum  instrumcnto- 
)'um(  1628),  reproduisent  une  famille  de  quatre  flûtesde 
diflérenls  diapasons  {discantu^,  altus,  ténor,  bossus), 
dénommées  Sclnveylzer  pfeiffen,  lesquelles  sont  des- 
sinées de  façon  aussi  rudimentaire  que  celle  de 
ViBDUNG,  sans  aucun  détail  de  construction  et  d'é- 
chelle. 


^iscûntxvô. 


(liiiuuiuiiliuliuM 


Ll.tHlll(»ti»U»»»niLnU[.aLULLU 


""^"'"'1"'"' 


^Ltuâ. 


i.iuXLtuMiH.iiii.iLiiiiiiiiiiiriii.i iimiiriifliir,i,fuiiiri(L[iii,!>ià[iAu[ilinlllluM 


Cenox% 


:m 


.niii>iiiiiiu.»>nuu.Lniiiimm|i 


ukiLiVki.aiLmunn'Ln'.tumw 


gossuô. 


'""'■"I'"""""""'""""" 


Miûi 


ilnn.»m.iUill]iiilliiuil]liUiH.iliiMliiii.,iilllu]iNiiuii.^LlHjULlmlmlHJUmiii^liiLiA 

FiG.  61i. 


Dans  ce  même  ouvrage,  Aoricola  nous  donne  un 
dessin  destiné  à  servir  de  tablature  et  dont  les  pro- 
portions diffèrent  totalement  de  celles  des  tliîtes  re- 
produites plus  haut.  Où  est  la  vérité?  Probablement 
nulle  part.  Nous  donnons  le  dessin,  comme  les  autres, 
k  titre  de  curiosité  : 


rietl)lc  l)ûT)^- 


bTf- 


Llintke\)fln6' 


-  ^ie  6.  pf  eiff. 


Fio.  615. 


Nous  pourrions  citer  bien 
d'autres  auteurs,  reproduire 
bien  d'autres  llûtes,  et  nous 
n'en  serions  guère  plus  avancé,  toutes  ces  des- 
criptions, ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut, 
nous  paraissant  extrêmement  fantaisistes. 
■V  Beaucoup  plus  explicite  et  précis  est  le  Père 
)  Mersenne,  dont  le  célèbre  traité  de  l'Harmonie 
universelle,  paru  en  163ti,  nous  fournit  d'abon- 
dants documents. 

La  caractéristique  de  son  travail  est  qu'il  y 
donne  une  importance  assez  secondaire  à  la  llùle 
traversière,  au  rebours  des  précédents  qui  n'en  men- 
tionnaient guère  d'autre.  11  faut  voir  là  ce  fait  que 
la  flûte  à  bec  avait  conquis  peu  à  peu  en  France  une 
prépondérance  qu'elle  ne  devait  garder  environ  que 
jusqu'à  la  fin  du  xvn"  ou  au  commencement  du 
xviii'  siècle. 

La  partie  de  son  ouvrage  qui  nous  intéresse  est 
divisée  en  9  propositions  (ou  chapitres).  La  première 
proposition  contient  quelques  considérations  sur  les 
instruments  en  général. 

Dès  la  seconde  proposition,  il  est  question  des  llùtes, 
parce  que  Mersenne,  ayant  été  tenté  de  considérer  la 
tlùte  comme  le  plus  simple  des  instruments  à  vent, 
remarque  que  le  rocher  qui  reçoit  le  choc  du  vent, 
le  coquillage,  etc.,  sont  des  instruments  plus  sim- 
ples encore. 
La  troisième  proposition  a  trait  à  la  flûte 
— ^  de  Pan.  La  quatrième  aux  chalumeaux  ou 

llûtes  à  un,  deux  ou  trois  trous.  La  des- 
cription d'un  de  ces  instruments  ferait 
croire  qu'il  s'agit  peut-être  là  de  la  flûte  à 
l'oiijnon  ou  mirliton  (?).  La  5"  proposition 
est  une  description  de  la  flûte  à  3  trous 
(à  bec),  la  6"  de  la  flûte  à  6 
trous  (ou  flageolet). 
Il  a  été  question  plus  haut  de  la  8°  pro- 
position relative  aux  flûtes  à  bec. 

Mais  c'est  la  neuvième  proposition  qui 
est  pour  nous  d'une  importance  capi- 
tale. Elle  explique  en  elîet  «  la  figure, 
l'étendue  et  la  tablature  de  la  flûte 
d'Allemand  et  du  fifre  ».  Or,  la  flûte 
d'Allemand  et  le  fifre  sont  des  types 
extrêmement  primitifs,  mais  analo- 
gues, dans  leur  principe,  à  notre  flûte 
actuelle.  Bien  mieux  :  la  flûte  d'Alle- 
mand que  décrit  Mersenxe  est  cylin- 
drique, c'est-à-dire  semblable  en  ce 
point  à  l'instrument  d'aujourd'hui 
connu  sous  le  nom  de  flûte  Boehm,  alors 
que  l'abandon  par  Boedm  de  la  perce 
conique,  usitée  du  temps  d'HoTTETERRE, 
paraissait  être  une  innovation.  Mais 
écoutons  Mersenne  : 

«  Encore  que  j'eusse,  ce  semble,  dû 
joindre  cette  espèce  de  flûte  avec  le 
flageolet,  parce  qu'elle  a  six  trous  à 
boucher  comme  lui,  j'ai  néanmoins 
voulu  la  mettre  à  part,  à  raison  qu'elle 
ne  s'embouche  pas  par  le  haut  comme 
les  autres,  mais  par  le  trou  I,  de  sorte 
que  la  partie  ABC  ne  sert  que  d'or- 
nement. C  représente  le  lieu  où  se  ter- 
mine le  tampon  dont  on  bouche  le  haut 
de  cet  instrument,  de  peur  que  le  vent 
sorte  par  A  et  B  et  afin  qu'il  soit  con-  fig.  ai», 
I  traint  de  descendre  par  ED,  par  où  il 


i 


94 


1490 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


sort,  lorsque  les  six  trous  sont  bouchés,  d'où  il  s'en- 
suit que  la  longueur  de  cette  llùte  se  prend  seulement 
de  C  jusqu'à  F.  Or,  j'ai  laissé  la  courbure  dans  cette 
figure  parce  qu'elle  a  été  prise  sur  une  des  meilleu- 
res flûtes  du  monde  qui  était  courbée;  c'est  pourquoi 
j'en  marque  ici  la  grandeur  qui  est  d'un  pied  et  5/6. 
KUe  a  3  pouces  depuis  B  jusqu'à  son  embouchure- 
Or,  on  l'embouche  en  mettant  la  lèvre  inférieure  sur 
le  bord  du  l"'  trou  et  en  poussant  le  vent  fort  dou- 
cement. Du  tampon  C  jusqu'à  la  lumière  I,  il  n'y  a 
que  8  lignes.  Elle  est  percée  d'une  égale  grosseur 
tout  au  long,  ce  qui  n'arrive  pas  à  toutes  sortes  de 
chalumeaux,  comme  je  le  dirai  ailleurs,  et  cette 
grosseur  est  de  8  lignes. 

«  La  longueur  du  i'  trou  au  3'  est  de  13  lignes, 
celle  du  3=  au  4"  et  du  6°  au  7«  de  12  lignes  ou  envi- 
ron, mais  il  y  en  a  17  du  4  au  5.  Quant  à  leur  ouver- 
ture, celle  du  premier  est  la  plus  grande,  celles  du 
2  au  7  quasi  égales,  à  savoir  de  3  lignes,  mais  celles  du 


3  et  du  4  sont  un  peu  plus  larges,  et  finalement  celle 
du  5  a  4  lignes  en  diamètre.  Cette  flûte  sert  de  dessus 
dans  les  parties,  et,  conséquemment,  les  autres  doi- 
vent être  d'autant  plus  longues  et  plus  grosses  qu'elles 
descendent  plus  bas.  Par  exemple,  celles  qui  descen- 
dent d'une  octave  ou  d'une  quinzième  doivent  être 
doubles  ou  quadruples  de  celle-ci.  » 

Terminons  cette  longue  citation  par  ce  paragraphe 
concernant  la  matière  employée  :  «  Leur  matière  peut 
être  de  prunier,  de  cerisier  et  des  autres  bois  qui  se 
percent  aisément,  mais  on  choisit  ordinairement  du 
bois  d'une  belle  couleur,  et  qui  reçoit  un  beau  poli, 
afin  que  la  beauté  accompagne  la  bonté  de  l'instru- 
ment, et  que  les  yeux  soient  en  quelque  sorle  par- 
ticipants du  plaisir  de  l'oreille  :  on  les  fait  ordinai- 
rement de  buis;  elles  sont  aussi  fort  bonnes  de 
cristal,  ou  de  verre,  ou  d'ébène.  » 

Nous  donnons  ici  une  tablature  que  nous  avons 
simplement  adaptée  à  notre  notation  actuelle  : 


On  remarquera  que  la  gamme  chromatique  n'y  est 
pas  prévue. 

Il  y  a  beaucoup  à  apprendre  dans  cette  longue 
description  du  P.  Mersenne  que  nous  avons  donnée 
presque  intégralement,  à  dessein,  tellement  nous  y 
attachons  d'importance. 

1°  La  minutie  de  ce  travail  et  sa  précision  nous 
permettraient  de  reconstituer  une  flûte  exactement 
semblable  à  celle  qu'il  nous  décrit;  et  le  soin  qu'il 
prend  de  nous  avertir  que  la  figure  a  été  prise  »  sur 
une  des  meilleures  flûtes  du  monde  »  nous  permet 
de  supposer  qu'il  s'agit  là  d'une  sorte  d'instrument 
type  de  cette  époque.  Il  est  fâcheux,  toutefois,  que 
l'auteur  ne  nous  dise  pas  de  qui  il  tient  cette  flûte 
et  quel  était  l'artiste  qui  en  jouait. 

2°  Il  établit  que  jusqu'à  lui,  les  flûtes  traversières 
étaient  de  perce  cylinelrique.  En  elfet,  malgré  l'im- 
perfection du  dessin,  il  est  facile  de  constater  dans 
les  ouvrages  précédemment  cités  que  toutes  les  flû- 
tes étaient  percées  ainsi  (sauf  peut-être  celle  de  Prae- 

TORIUS). 

3"  Il  nous  signale  l'existence  de  toute  une  famille 
de  flûtes  (au  moins  quatre),  et  nous  confirme  ainsi 
l'existence  de  ces  "  concerts  de  flûte  »  sur  lesquels 
nous  aurons  à  revenir  plus  tard. 

Nous  ne  nous  expliquons  pas,  par  contre,  la 
«  courbure  »  de  l'instrument  qu'il  a  bien  soin  de 
mentionner  dans  le  texte,  comme  s'il  prévoyait  l'é- 
tonnement  que  nous  éprouverions  à  la  vue  du  des- 
sin. Nous  ne  voyons  pas  l'utilité  de  cette  disposition 
qui  ne  se  retrouve  nulle  part  ailleurs;  et  nous  sup- 
posons qu'il  s'agit  là  d'un  essai  du  fabricant,  à  moins 
qu'il  n'y  ait  eu  simple  déformation  accidentelle  sans 


préjudice  pour  la  sonorité!  Tout  ceci  n'est  qu'hypo- 
thèses. 

Cette  flûte  nous  parait  être,  enfin,  la  dernière 
trace  d'un  type  d'instrument  complètement  disparu. 
Ainsi  que  nous  l'avons  dit  précédemment,  70  ans  plus 
tard,  nous  serons  en  présence  d'un  type  de  flûte  très 
différent,  sans  que  rien  ne  puisse  nous  éclairer  sur  ce 
qui  s'est  passé  pendant  la  période  de  transition. 

L'ne  dernière  citation  de  Mersenne.  Comparant  la 
llûte  traversière  à  la  flûte  douce,  il  dit  qu'  »  il  est 
beaucoup  plus  difficile  de  faire  parler  cette  flûte  que 
celles  qui  s'embouchent  d'en  haut,  car  tous  peuvent 
user  de  celle-ci,  et  peu  savent  sonner  de  celle-là,  à 
cause  de  la  difflculté  que  l'on  trouve  à  disposer  les 
lèvres  comme  il  faut  sur  le  premier  trou  qui  sert  de 
lumière,  ce  qui  arrive  semblablement  au  fifre,  qui 
ne  dilfère  d'avec  la  llûle  d'Allemand  qu'en  ce  qu'il 
parle  plus  fort  et  qu'il  est  plus  court  et  plus  étroit  ». 

Une  dernière  conclusion  à  tirer  du  travail  de  Mer- 
senne  est  que  la  flûle  à  bec  paraît  être  arrivée  à  son 
point  culminant  (tant  au  point  de  vue  de  la  fabrica- 
tion que  de  l'usage  qu'on  en  fail),  tandis  que  la  flûte 
traversière  est  susceptible  de  perfectioimement. 

En  constatant  la  facilité  de  l'émission  du  son  dans 
la  flûte  à  bec  et  en  remarquant  assez  dédaigneuse- 
ment (|ue  «  tous  peuvent  jouer  de  celle-ci  »,il  la  ba- 
nalise, eu  quelque  sorte,  et  parait  assigner  un  rang 
supérieur  à  la  traversière.  «  Peu  savent  sonner  de 
celle-là,  ))  el  ceux-là  doivent  être  nécessairement  les 
aristocrates  de  leur  art. 

Mais  aussi  quelle  difl'érence  dans  le  résultat,  et 
que  la  llûte  à  bec  paraît  monotone  et  sourde  à  côté 
de  sa  rivale  !  De  la  première,  on  ne  peut  tirer  qu'un 


I 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA   FLUTE    1491 


son,  toujours  le  même,  assurément  agréable,  mais 
bien  uniforme.  De  la  seconde, au  contraire,  un  artiste 
habile  peut  lirer  les  effets  les  plus  variés,  et  il  ne 
faut  pas  nous  étonner  de  voir,  dans  le  Traité  d'Hor- 
TETERRE,  la  tlùte  traversière  passer  au  premier  plan. 
Certes,  Hotteterre  continue  à  enseigner  la  thUe  à 
bec,  et  même  à  en  jouer,  mais  comme  on  voit  tout 
de  suite  que  c'est  l'autre  qu'il  préfère!  Il  lui  donne 
la  première  place  dans  son  livre,  et,  alors  qu'une 
modeste  figurine  représente  une  flûte  à  bec  tenue 
par  deux  mains  anonymes,  une  superbe  gravure  de 
Picard  nous  montre  un  brillant  gentilhomme  (Hot- 
teterre lui-même,  croyons-nous)  jouant  d'une  flûte 
traversière  à  une  clef  qui  sera  l'instrument  de  tous 
les  virtuoses  du  xviii"  siècle  et  dont  certains  useront 
encore  au  début  du  xix'. 


Nous  avons  dit  précédemment  lout'notre  regret 
du  mutisme  qu'obseive  Hotteterre  en  ce  qui  con- 
cerne la  structure  de  la  flûte.  S'il  avait  apporté  à  ce 
travail  toute  la  patience  et  la  précision  de  Mersenne, 
nous  serions  en  possession  d'un  document  incompa- 
pable.  Fort  heureusement,  l'examen  sommaire  de 
l'instrument  qu'il  tient  entre  ses  mains  sur  le  fron- 
tispice de  son  Traité,  l'étude  de  sa  tablature,  nous 
prouvent  que  cet  instrument  n'a  rien  qui  le  distin- 
gue sensiblement  d'une  foule  de  flûtes  existant  en- 
core et  connues  sous  le  nom  de  tlûtes  à  une  clef.  La 
flûte  à  une  clef  est  l'instrument  du  xviii"  siècle. 
Quelque  modiflcalion  de  détail  qu'elle  ait  subie, 
elle  n'en  resle  pas  moins  un  instrument  dont  on 
possède  le  type  à  d'assez  nombreux  exemplaires.  Les 
musées,  et,  particulièrement  le  Musée  du  Conserva, 
toire  de  Paris,  en  possèdent  de  fort  beaux  modèles. 
Dès  lors,  notre  regret  est  moins  vif  de  ne  pas  avoir 
de  renseignements  écrits,  puisque  nous  pouvons 
nous-mêmes  procéder  à  cette  description  d'après  des 
modèles  authentiques.  Ceux  que  nous  avons  choisis 
et  que  nous  reproduisons  plus  loin  appartiennent  au 
Musée  du  Conservatoire  de  Paris. 

Au  premier  examen,  une  particularité  nous  frappe 
dans  le  premier  inslrument.  Alors  que  la  llùte  de 
Mersenne  était  de  perce  cylindrique,  celle-ci  nous 
apparaît  comme  de  perce  conique  (cône  tronqué 
dont  le  diamètre  le  plus  grand  se  trouve  du  côté  de 
l'embouchure).  Nous  avons  dit  plus  haut  noire  incer- 
titude au  sujet  de  la  date  de  cette  innovation.  Quelles 
sont  les  raisons  qui  ont  déterminé  l'invenlion  de  cette 
perce?  On  a  voulu  y  voir  une  question  de  solidité 
les  tlûtes  cylindriques  étant  trop  fragiles  si  le  bois 
était  mince,  trop  lourdes  s'il  élait  épais.  Cette  opi- 
nion n'a  pour  nous  aucune  valeur.  11  faut  plutôt  y 
voir  le  résultat  d'expériences  faites,  par  tâtonne- 
ments, par  les  facteurs,  pour  obviera  deux  inconvé- 
nients de  la  flûte,  décrits  par  Mersenne:  l'écartement 
des  trous  et  leur  grand  diamètre  devaient  être  une 
gène  pour  l'exécutant.  Comment  le  fabricant  de  flû- 
tes, dont  nous  ignorons  toujours  le  nom,  qui  mo- 
difia ainsi  la  perce  arriva-t-il  à  trouver  que  la  perce 
conique  permettait  de  rapprocher  les  trous  les  uns 
des  autres  pour  la  plus  grande  commodité  des 
doigts'.'  Nous  l'ignorons,  mais  le  fait  est  qu'en  l'ab- 
sence de  clefs  parant  à  cet  inconvénient,  le  rappro- 
chement des  trous  pouvait  être  considéré  comme 
une  amélioration.  De  même,  la  diminution  de  dia- 
mètre des  trous,  malgré  qu'il  en  résultât  une  dimi- 
nution de  puissance  du  son. 


M.  Lavoix  attribue  cette  tran.sformation  à  un 
fabricant  londonien  du  nom  de  Kunder;  mais  R.  S. 
RocKSTRO,  auteur  anglais  dont  le  traité  The  Flûte  est 
ce  qu'on  a  écrit  de  plus  complet. sur  la  question,  et 
qui,  Londonien  lui-même,  était  plus  près  des  sour- 
ces, ne  parait  pas  avoir  pu  contrôler  cette  asserlion. 

Ici,  nous  nous  trouvons  en  présence  d'un  fait  mys- 
térieux que,[malgré  toute  notre  bonne  volonté,  nous 
nous  sentons  impuissants  — comme  d'ailleurs  tous 
nos  devanciers  —  à  élucider.  Nous  avons  parlé  de  la 
llùte  décrite  avec  un  soin  minutieux  par  Mersenne. 
Nous  avons  aussi  fait  allusion  au  traité  d'HoiTETERRE, 
et  à  la  planche  qui  lui  sert  de  frontispice.  Le  flûtiste 
tient  là,  entre  ses  mains,  un  instrument  parfaite- 
ment reproduit  par  le  graveur,  et  dont  nous  retrou- 
verons aisément  de  semblables  dans  les  Musées  spé- 
ciaux. Soixante-dix  ans  se  sont  passés  entre  la 
publication  des  deux  ouvrages.  Telles  sont  les  diffé- 
rences de  structure  entre  la  flûte  de  Mersenne  et  celle 
d'HoTTETERRE,  qu'un  profane  aurait  peine  à  les  croire 
de  la  même  famille.  Mais  par  quelle  suite  de  trans- 
formations a  passé  la  construction  de  la  flûte  traver- 
sière? H  nous  est  impossible  d'en  retrouver  trace.  Il 
y  a  là  une  solution  de  continuité  que  nous  pouvons 
constater  et  que  nous  ne  nous  expliquons  pas.  Il  nous 
faut  donc  franchir  délibérément  ce  cap,  et  nous  con- 
tenter d'examiner,  en  détail,  la  llûte  en  usage  du- 
rant la  plus  grande  partie  du  xviu"  siècle,  celle  qui  a 
servi  aux  plus  grands  flûtistes  de  cette  époque,  aussi 
bien  en  Allemagne  qu'en  France  :  la  flûte  de  Blavet, 
de  Naudot  et  de  Quantz. 

Pour  cela,  nous  nous  sommes  servi  de  la  méthode 
qu'avait  adoptée  Mersenne,  et  nous  avons  choisi,  dans 
la  riche  collection  du  Musée  du  Conservatoire  de 
Paris,  une  flûte  traversière  aussi  parfaite  que  possi- 
ble. 11  nous  a  paru  que  celle  due  au  facteur  Delusse 
présentait  toutes  les  qualités  permettant  de  la  dé- 
crire comme  un  instrument  type.  Elle  est  le  meilleur 
des  instruments,  comme  le  traité  d'HoTTETEiiRE  est  le 
meilleur  des  traités. 

A  priori,  une  particularité  nous  frappe  :  la  flûte  de 
Mersenne  est  cylindrique;  celle-ci  est  conique.  Pour 
quelles  raisons  les  facteurs  de  la  fin  du  xvii»  et  du 
début  du  xviii=  siècle  ont-ils  adopté  cette  perce?  Il  est 
possible  que  ces  fabricanis  aient  été  partagés  entre 
le  désir  d'alléger  le  poids  de  l'instrument  (car  un 
cylindre  épais  eût  été  fort  lourd)  tout  en  lui  conser- 
vant une  certaine  solidité  i  un  cylindre  très  mince  eût 
été  sujet  à  se  fendre  très  facilement,  spécialement 
sous  l'influence  des  changements  brusques  de  tem- 
pérature). Il  est  plus  vraisemblable  encore  que  les 
facteurs,  tous  plus  ou  moins  instrumentistes  eux- 
mêmes,  ont  cherché  par  tâtonnements  à  améliorer 
la  sonorité,  et  ont  remarqué  que  la  forme  conique 
apportait  une  certaine  amélioration  à  la  sonorité. 
Ceci  n'est  qu'une  hypothèse. 

Autre  particularilé  encore  :  alors  que  la  (lûte  de 
Mersenne  parait  être  d'une  seule  pièce,  celle-ci  se 
compose  de  plusieurs  morceaux  démontables.  La 
raison  principale  est  que,  par  l'emploi  de  jointures 
de  différentes  longueurs  et  interchangeables,  il  était 
possible  à  l'exécutant  de  modifier  à  volonté  et  assez 
sensiblement  le  diapason  de  son  instrument.  Ceci 
nous  prouve  que  les  facteurs  n'accordaient  pas  une 
importance  bien  grande  aux  proportions,  car  ils 
n'auraient  pas  commis   cette   hérésie  de  modifier 


1492 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


ainsi  la  longueur  du  tube  sans  que  fussent  modifiés 
en  même  temps  les  intervalles  des  trous  ! 

Description  de  la  flûte  de  Delussb.  —  Elle  se  com- 
pose de  4  morceaux.  Elle  est  faite  de  bois.  Sa  lon- 
gueur totale  (en  parlant  de  l'embouchure)  est  de  0,624. 
L'embouchure  est  de  forme  plutôt  ovale,  de  9  mm. 
de  longueur  sur  6,5  de  largeur.  Les  trous  ont  respec- 
tivement 6,  6,  5  1/2,  6,  6,  b  mm.  de  diamètre  et  l'in- 
tervalle entre  eux  est  de  30,  29,  46,  28,  25  à  28  mm. 


La  clef  est  en  cuivre.  Elle  bouche  un  trou  de 
20  mm.  de  diamètre. 

Le  diamètre  du  tube  est  de  0,019  à  la  tête, 
0,012  à  l'intersection  entre  le  3«  et  V-  trou,  0,019 
à  l'extrémité  inférieure.  La  tête  est  munie  d'un 
bouchon. 

Nous  avons  essayé  cette  tlùte,  et  l'essai  nous  a  con- 
firmé dans  notre  première  impression  :  elle  nous  a 
paru  le  meilleur  de  tous  les  instruments  de  ce  type 
appartenant  au  Musée  du  Conservatoire. 


*  * 


FiG.  617.  —  Flûte  Delcsse. 


Nous  donnons  ici  la  tablature  de  la  flûte  à  une 
clef  telle  que  nous  l'avons  trouvée  dans  le  Traité 
d'HoTTETERRE  (nous  avous  dit  plus  haut  pourquoi  nous 
avions  dû  décrire  une  llûte  autre  que  celle  de  ce 
maître).   11   faut  dire  que  cet  ouvrage  excellent    a 


fait  autorité  durant  tout  le  xvin»  siècle  et,  qu'à  part 
le  Traité  de  Quantz,  toutes  les  méthodes  parues  au 
cours  de  ce  siècle  sont  de  simples  copies,  traduc- 
tions,  ou   d'assez  imprudents    plagiats   de  l'œuvre 

d'HOTTETERRE. 


i  J  «iJ  nJ  ^'1  ihi  1-^  \^  njjj  '1'^  "jij  ^l 'l'i  "1^ 


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On  remarquera,  dans  cette  tablature,  l'absence  de 
fa  naturel  dans  la  3«  octave.  Cette  note  était  vraisem- 
blablement impossible  à  produire. 


A  partir  de  ce  moment,  la  suprématie  de  la  flûte 
traversière  n'est  plus  contestée.  La  flûte  à  bec  ne  fut 
cependant  pas  brusquement  délaissée.  Nous  devons 
supposer  qu'il  se  produisit  pour  elle  ce  qu'il  se  pro- 
duisit pour  la  viole  de  gambe.  On  joua  d'abord  la 
viole  et  la  flûte  douce  concurremment  avec  le  vio- 
loncelle et  la  flûte  traversière.  Puis,  les  nécessités  de 
l'orchestration  nouvelle  firent  éliminer  peu  à  peu  de 
l'orchestre  et  de  la  musique  de  chambre  ces  instru- 
ments imparfaits,  dont  le  plus  grave  défaut  était  la 


faiblesse  de  sonorité.  Ils  ne  furent  plus  alors  prati- 
qués que  par  certains  amateurs  pour  tomber,  vers  la 
fln  du  sviii<:  siècle,  complètement  dans  l'oubli.  Il  est 
possible  qu'on  ait  fabriqué  encore  des  llûtes  à  bec 
vers  1777.  L'Alinanach  Dauphin  de  cette  date  nous 
dit  que  les  luthiers  sont  ceux  qui  ont  l'art  de  faire 
et  le  droit  de  vendre...  clavecins,  tlûtes  traversières, 
/lûtes  à  bec,  etc. 

Nous   avons   de   fortes  raisons    de  croire    qu'ils 
n'usaient  pas  fréquemment  de  ce  privilège. 


Revenons  donc  à  la  flûte  traversière.  U  suffit  de 
voir  la  tablature  d'HoiTETERRE  pour  comprendre  à 
quel  point  la  flûte  était  imparfaite.  L'emploi  conti- 


1 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA    FLUTE    1493 


nuel  des  «  fourches  »  rendait  les  gammes  les  plus 
simples  excessivement  compliquées.  Quant  à  la  jus- 
tesse, elle  élait  plus  qu'approximative.  Un  pouvait,  il 
est  vrai,  corrifj;er  la  justesse  des  notes  par  le  moyen 
des  lèvres,  mais  telle  devait  être  la  difficulté  à  vaincre, 
que  de  rares  artistes  devaient  en  être  capables. 

C'est  cependant  sur  cet  instrument  défectueux 
qu'une  série  de  grands  virtuoses  va  jouer  durant 
tout  un  siècle  et  en  fera  «  l'instrument  à  la  mode  » 
de  l'époque.  Et  son  usage  dure  jusqu'au  commence- 
ment du  xix'=  siècle!  Il  ne  faut  pas  croire,  toutefois, 
que  les  chercheurs  et  les  inventeurs  restaient  inac- 
tifs. Nous  sommes  amené  à  penser  que  les  lU'itistes 
d'un  talent  moyen  ou  médiocre, souffrant  de  l'imper- 
fection de  leur  instrument,  plus  portés  à  rejeter  la 
responsabilité  de  leur  insuccès  sur  les  défauts  de 
leur  lliUe  que  sur  leur  propre  insuffisance,  cherchè- 
rent à  améliorer  leur  instrument.  Mais  les  grands 
artistes,  de  Bla\et  (1700-1768)  à  Devienne  (1759-1803) 
se  servent  uniquement  de  la  tliUe  à  une  clef.  Ecou- 
tez Devienne  parlant  des  inventions  nouvelles  dans 
la  préface  de  sa  méthode  ;  «  Ce  n'est  pas  cependant 
que  je  veuille  blâmer  les  petites  clefs,  que  des  recher- 
ches justes  ont  fait  ajouter  à  la  lliUe  ordinaire,  pour 
remédier  aux  sons  bouchés,  qui  se  trouvent  dans  le 
bas:  tels  que  le  so/jt  ou  la  ii  et  le  si\y  ou  lai\  elles 
sont  d'une  grande  nécessité  dans  les  morceaux  lents, 
et  surtout  quand  les  notes  ci-dessus  désignées  sont 
soutenues;  quoique  je  ne  m'en  serve  pas,  je  les  ap- 
prouve, mais  dans  ces  cas-là  seulement,  car  pour  les 
traits  elles  deviennent  inutiles  et  ne  servent  qu'à 
ajouter  à  la  difficulté.  La  manière  la  plus  simple 
étant  souvent  la  meilleure,  je  ne  puis  trop  recom- 
mander aux  élèves  de  la  mettre  le  plus  souvent  en 
pratique.  » 

Il  est  fort  heureux  que  tous  les  flûtistes  de  cette 
époque  n'aient  pas  possédé  cette  grande  virtuosité  ou 
cet  esprit  accommodant.  On  verra,  au  contraire,  que 
les  chercheurs  d'améliorations  furent  innombiables. 
Une  des  premières  inventions  dignes  de  remarque 
est  celle  de  deux  clefs  ouvertes  fermant  deux  trous 
supplémentaires  percés  dans  une  extension  du  tube  à 
l'extrémité  inférieure.  Ces  clefs  ont  pour  objet  de 
donner  à  la  llùle  Vut  naturel  et  l'ut  it  graves.  Cette 
transformation,  dit  Quantz,  a  été  essayée  vers  1722, 
mais  a  été  désapprouvée  par  tous  les  tliàtistes,  car 
l'extension  du  tube  nuisail,  prétendaient-ils,  à  la 
qualité  du  son.  Il  faudra  attendre  un  siècle  pour 
qu'on  y  revienne,  et  l'on  entendra  à  nouveau  les 
mêmes  protestations. 

Le  même  Quantz  eut,  vers  1726,  lors  d'un  voyage  à 
Paris,  la  curieuse  idée  de  donner  plus  de  justesse 
à  son  instrument  par  l'adjonction  d'une  seconde  clef 
fermée  à  la  patte.  Dans  son  esprit,  l'une  des  deux  clefs 
devait  produire  le  ré  ::,  l'autre  le  mi  n  (on  voit  par  là 
quel  soin  scrupuleux  mettait  Quantz  à  l'obtention 
d'une  justesse  parfaite).  De  plus,  l'emploi  de  l'une  ou 
l'autre  clef  devait  apporter  une  amélioration  à  la 
production  de  certaines  autres  notes.  Ce  perfection- 
nement ne  parait  guère  avoir  été  goiUé 
en  Allemagne,  et  nous  n'en  trouvons  nulle 
trace  ailleurs. 

L'ne  autre  invention  que  Quantz  s'est 
attribuée  (on  la  lui  a  contestée)  est  celle 
du  bouchon  à  vis  permettant  de  modifier 
légèrement  le  diapason.  Cette  disposition 
a  été  conservée  sur  toutes  les  tlùtes  de- 
puis Quantz  et  existe  encore  sur  nos  ins- 
truments actuels. 


FiG.  618. 


11  nous  faut  attendre  jusqu'en  177't  pour  nous  trou- 
ver en  face  d'un  perfectionnement  vraiment  sérieux. 
Il  s'agit  de  la  perce  de  trois  trous  nouveaux,  munis  de 
clefs  fermées  pour  la  production  du  fanaturel,  du  sol^ 
et  du  si|7.  Là  encore,  l'incertitude  règne  sur  le  nom 
de  l'inventeur.  Les  uns  attribuent  l'invention  à  l'An- 
glais Josef  Tackt,  mais  W.-S.  Rockstro  ne  parait  pas 
vouloir  souscrire  à  cette  opinion  en  faveur  de  son 
compatriote.  Fétis  penche  pour  le  llùtiste  Petersen 
de  Brème  et  pour  le  facteur  Wolff,  mais  il  y  a  lieu 
de  douter  encore  du  bien  fondé  de  cette  assertion. 
Quoi  qu'il  en  soit,  cette  amélioration,  qui  aurait  dû 
révolutionner  le  monde  des  flûtistes  par  son  impor- 
tance, paraît,  au  contraire,  les  avoir  laissés  assez 
froids.  Les  grands  virtuoses  du  temps,  s'ils  la  con- 
naissaient, la  dédaignaient.  Cependant,  ces  trois  clefs 
pouvaient  être  d'un  usage  facultatif  (ainsi  que  le  fait 
remarquer  Devienne  dans  le  passage  de  sa  Préface 
cité  plus  haut),  et  ne  devaient  heurter  en  rien  les 
habitudes  prises. 

La  clef  de  /'ai]  était  peut-être  la  plus  nécessaire 
des  trois,  car  elle  donnait  à  la  Uûte  une  note  de  plus  : 
le  fa  naturel  de  la  3"  octave,  tout  en  améliorant  les 
deux  autres  fa.  On  se  rappelle  que  ce  fa  s  n'était 
même  pas  mentionné  dans  la  tablature  d'HoiTETERRE. 
Ce  trou  pour  le  fa,  placé  entre  les  4°  et  b«  trous, 
mais  latéralement,  du  côté  de  l'exécutant,  était 
actionné  par  une  clef  placée  en  travers  du  corps  de 
l'instrument.  Elle  devait  être  actionnée  par  le  3'^  doigt 
(annulaire)  de  la  main  droite.  Pour  produire  le  fa 
1 1"  et  2"  octave),  on  ouvrait  cette  clef  en  gardant  le 
doigté  du  mi  naturel,  et  la  note  ainsi  produite  était 
excellente. 

Le  trou  pour  le  solii  était  percé  à  peu  près  sur  la 
même  ligne  que  celui  du  fa  naturel,  mais  entre  le 
3"  et  le  4=  trou.  Il  était  actionné  par  le  petit  doigt  de 
la  main  gauche. 

Le  trou  pour  le  si  b  était  placé  entre  les  2°  et  3=  trous, 
longiludinalenient  aussi,  et  s'actionnait  par  le  pouce 
de  la  main  gauche. 

Nous  avons  dit  que  ces  perfectionnements  avaient 
été  généralement  dédaignés  par  les  virtuoses  ;  cer- 
tains artistes,  cependant,  en  faisaient  usage  à  une 
époque  que  nous  pouvons  déterminer.  Un  Uûtiste 
allemand  nommé  Riboch  déclare  les  avoir  adoptés 
vers  1782,  et  le  fabricant  Bichard  Potter  en  faisait 
dès  1774. 

Un  peu  plus  tard,  un  Italien  du  nom  de  Florio,  flû- 
tiste au  Boyal  Italian  Opéra  de  Londres,  fit  ajouter 
à  sa  flûte  les  deux  clefs  ouvertes  supplémentaires  à'ut 
naturel  et  !(<#  grave,  inventées  depuis  longtemps, 
puis  abandonnées.  La  flûte  ainsi  modifiée  fut  long- 
temps désignée  sous  le  nom  de  llùte  à  0  clefs. 

Cependant,  un  perfectionnement  réel  surgit  :  le  per- 
cement d'un  trou  supplémentaire  pour  Vut  naturel 
(médium  et  aigu)  placé  entre  le  premier  et  second 
trou.  Primitivement,  ce  trou  était  muni  d'une  cl«f 
ouverte,  et  on  le  tenait  fermé  constamment  par  le 
pouce  de  la  main  gauche.  Mais  bientôt,  on  lui  appli- 
que une  clef  fermée  placée  à  côté  de  la  clef  fermée  . 
de  si  il  (RiBOCH  s'attribue  cette  invention),  et  maniée 
également  par  le  pouce  de  la  main  gauche. 

Ce  perlèctionnement  marque  une  étape  importante 
dans  l'histoire  de  la  flûte.  L'instrument,  tel  que  nous 
l'avons  décrit  (mais  non  muni  des  clefs  à'ut  et  d'îii  jf 
graves),  est  encore  connu  et  fabriqué  de  nos  jours 
sous  le  nom  de  fiûte  à  cinq  clefs.  Nombre  d'artistes  et 
d'amateurs  ont  fait  leurs  premiers  essais  sur  cet  ins- 
trument, encore  en  usage,  d'ailleurs,  en  certains  pays. 


1494 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


ff) 


Malpré  ses  défauts,  cette  lliHe  présente  une  cer- 
taine homogénéité  de  son  qui  manquait  à  ses  devan- 
cières. En  effet,  jusque-là,  certaines  notes  ne  s'obte- 
naient qu'à  l'aide  de  doigtés  spéciaux  appelés  fourches. 
Outre  qu'elles  étaient  une  gène  pour  le  mécanisme, 
elles  n'avaient  pas  la  même  plénitude  que  les  autres. 
11  se  produisait  là  le  même  phénomène  qu'on  cons- 
^ — ^  .  tate  dans  le  cor  simple,  avec  l'alternance 
des  sons  ouverts  et  des  sons  bouchés. 
Munie  de  ces  cinq  clefs  indispensables,  la 
llûte  devenait  un  instrument  réellemenl 
ffl  chromatique,  très  défectueux  certes,  nous 

^  dirons,   plus   tard,   pour  quelles   raisons, 

mais  bien  supérieur  à  ses  devanciers. 

Cet  acheminement  vers  la  perfection 
redouble  l'ardeur  des  chercheurs,  et  si 
nous  voulions  mentionner,  même  très  suc- 
cinctement, tous  les  changements  appor- 
tés à  la  tli'ite  pendant  une  période  de  cin- 
quante ans  environ  après  l'invention  de 
ces  clefs,  un  volume  entier  y  suffirait  à 
peine.  Nous  éliminons  donc  résolument 
tout  ce  qui  n'offre  pas  d'intérêt  de  pre- 
mier ordre,  et  nous  mentionnons  seule- 
ment : 

1°  Les  inventions  qui  constituent  une 
amélioration  réelle  de  l'instrument. 

2°  Celles  qui,  sans  effet  immédiat,  ont 
provoqué  par  répercussion  des  recherches 
plus  fructueuses. 

Celle  du  fabricant  Tbemlitz,  en  1780, 
mérite  d'être  signalée.  —  Il  invente  une 
clef  dite  :  «  longue  clef  de  fa  n.  Cette  clef, 
de  forme  longue,  qui  court  le  long  de  la 
llûte,  couvrait  un  trou  placé  à  la  même 
hauteur  que  celui  déjà  existant  entre  les 
5«  et  6=  trous,  et,  s'actionnant  avec  le  petit 
doigt  de  la  main  gauche,  permettait  ainsi 
d'éviter  certains  glissements  de  doigts 
difficiles  (notamment  entre  mi  h  et  fa  na- 
turel). 

Plus  tard,  on  remarque  sur  une  th\te  de 
Laurent,  facteur  français,  un  trou  pour  l'ut 
naturel  placé  sur  le  coté  intérieur  du  tube 
et  fermé  également  par  une  longue  clef 
qui  s'actionnait  par  la  phalange  inférieure 
de  l'index  de  la  main  droite. 

Cette  clef  remplace  même  sur  la  plupart 
des  instruments  de  celte  catégorie  la  clef 
d'(/(  actionnée  par  le  pouce  de  la  main 
gauche. 

Le  Musée  du  Conservatoire  de  Paris  pos- 
sède plusieurs  types  de  ces  instruments.  — 
Une  de  ces  flfites  que  nous  avons  essayée, 
qui  a  appartenu  à  Tulou   et   sort   de   sa 
propre  fabrication,  nous  a  paru  être  un 
""j."'°„  excellent  modèle  de  la  fabrication  de  cette 
Tdloc.      époque.  Elle  est  en  bois  de  grenadiUe  et 
divisée  en  cinq  parties.  Elle  possède  seu- 
lement cinq  clefs  d'argent.  TiLou  en  avait  fait  cadeau 
à  son  ami  M.  Deneux  de  VarëiNne  et  la  considérait 
comme   une  excellente  Oûte,  sur  laquelle  il  avait, 
d'ailleurs,  joué  longtemps. 
La  longueur  totale   de   l'embouchure,  de  forme 


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ovale,  est  de  12  millimètres  environ  sur  9  mm.  de 
largeur.  Le  diamètre  du  tube  est  de  22  mm.  à  la  tête, 
de  9  mm.  à  la  jointure  du  milieu,  et  de  17  mm.  à 
l'extrémité  inférieure. 

Cette  tliHe  n'étaitcependant  pas  l'instrument  connu 
sous  le  nom  de  «  llûte  Tulou  ».  On  désignait  ainsi 
plus  volontiers  une  llûte  munie  de  8  clefs  dont  on 
trouvera  la  reproduction  sur  la  tablature  que  nous 
donnons  plus  loin.  Mais,  à  vrai  dire,  il  n'y  avait  pas  de 
flûte  type  à  cette  époque.  Chaque  llûtiste,  selon  ses 
préférences  personnelles,  faisait  ajouter  à  sa  flûte  à  a 
clefs  une  ou  plusieurs  des  clefs  nouvelles  décrites  pré- 
cédemment ou  prises  dans  les  inventions  suivantes. 

Mentionnons  encore: 

L'invention  d'une  clef  fermée  couvrant  un  trou 
percé  entre  le  trou  de  l'embouchure  et  le  premier 
tiou  de  note,  et  maniée  par  le  premier  doigt  de  la 
main  droite,  permettant  de  faire  plusieurs  trille^^ 
impossibles  avec  les  doigtés  ordinaires  :  stq  à  ulit 
(f«  et  2"  octave)  et  ufS  à  rtJi;  (2«  et  3"  octave). 

Celle  d'une  autre  clef  fermée  couvrant  un  autre 
trou  un  peu  au-dessous  du  précédent  et  permettant 
de  faire  le  trille  de  ut  a  à  ré'Cf  {{"  octave  et  i-°).  Ces 
deux  inventions,  attribuées  à  Cappeller  en  181 1 ,  sont 
d'autant  plus  dignes  d'être  notées  que  nous  nous  en 
servons  encore  sur  nos  llûtes  actuelles. 

Celle  de  Nolan  (1808):  une  clef  de  soli  ouverte, 
invention  qui  a  comme  originalité  de  permettre  à  un 
seul  doigt  de  fermer  cette  clef  en  ouvrant  d'autre  part 
un  trou,  contient  un  embryon  du  sytème  de  Iîœhm. 
Nous  le  constaterons  plus  tard. 

Miller,  en  ayant,  en  1810,  l'idée  de  construire  des 
llûtesen  métal;  Nicholson,  célèbre  llûtiste  anglais,  en 
faisant  considérablement  élargir  les  trous,  simple  re- 
tour aux  principes  de  la  flûte  de  .Merse.nne  ;  Pottgiks- 
SER,  trouvant,  en  182t,  un  système  de  touche  conte- 
nant en  embryon  le  système  des  anneaux,  préparent 
la  voie  à  leurs  successeurs.  On  retrouvera  dans  les 
inventions  de  Bœhm  la  trace  de  leurs  efforts.  Mais  tout 
ceci  n'obtient  aucun  succès  immédiat  et  n'entrera 
jamais  dans  la  pratique  sous  cette  forme.  Nous 
citons  les  noms  qui  précèdent  à  titre  de  noms  de 
précurseurs. 

Mentionnons,  à  titre  de  curiosité,  cette  fois,  l'ex- 
traordinaire invention  du  colonel  IIebsomen,  qui, 
ayant  subi  l'amputation  du  bras  gauche,  invente  un 
mécanisme  lui  permettant  de  remplacer  les  doigts 
absents  par  la  seconde  phalange  des  trois  premiers 
doigts  de  la  main  droite.  Enfin,  certains  fabricants 
allemands  allongent  le  tube  et  le  munissent  de  clefs 
supplémentaires  permettant  de  descendre  au  si,  sil.^, 
voire  jusqu'au  sol! 

Un  dernier  mot  encore:  il  s'agit  de  la  matière  em- 
ployée. On  fait  les  llûtes  de  toutes  sortes  de  bois  : 
buis,  coco,  ébène,  grenadille,  etc.  On  en  fabrique 
d'ivoire,  de  porcelaine  et  même  de  cristal  !  11  ne  paraît 
pas  que  ces  deux  dernières  matières  aient  donné 
d'heureux  résultats.  Nous  avons  essayé  une  fort  belle 
llûte  de  cristal,  munie  de  clefs  d'améthyste,  de  la 
main  de  Laurent  (commencement  du  xix=  siècle),  et 
en  avons  trouvé  le  son  exécrable.  Nous  donnons, 
pour  le  plaisir  de  l'œil,  la  reproduction  d'une  llûte  de 
porcelaine  (xvni°  siècle),  qui  ne  nous  parait  pas  pos- 
séder une  valeur  musicale  très  supérieure  : 


FiG.  620. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA   FLUTE    1495 


.La  véritable  flûte  en  iisa^e,  à  l'époque  que  nous 
abordons  (1831),  esl  la  fliUe  à  8  clefs.  C'est  elle  (avec 
variantes  insisnifiantes)  qui  est  l'instrument  de  tous 
les  lliUistes.  Elle  le  reste  longtemps  encore  bien 
après  l'apparition  de  la  lli'ite  Bœhm.  C'est  alors  le  mo- 
dèle du  Conservatoire.  Au  moment  où  un  système 
entièrement  nouveau  va  révolutionner  le  monde  des 
flûtistes,  nous  croyons  utile  de  donner  ici  la  tabla- 
ture complète,  telle  que  nous  la  trouvons  dans  une 
réédition  de  la  méthode  de  Devienne,  faite  sous  la 
direction  de  Dorus  : 


É  3 

ë  I 
Il 


maxn  gauchr 
moMO  LJUfuterda- 


Tnaùi  droite 
Tjtano  êerecha 


FlG.  621. 


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InJex 
InOice 

Annulaire. 

AnnnUr 

fndtx 

Indicé. 

Mcdjum- 

Annulaire  . 


P*u  \JSltC 

Poro  vsuet 


LA     SI     DO    BE    Ml 


TA  Sot  LA     SI    I>0    ftÉ    Ml    Ï-A    SôL  LA    M    Bu 


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D 

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B- 

A> 

FiG.  622. 


Il  paraîtrait  facile,  au  premier  abord,  de  donner  sur 
les  recherches  faites  par  les  créateurs  de  la  tlùte  ac- 
tuelle, des  renseignements  précis.  Rien  au  contraire 
n'est  plus  malaisé.  Deux  hommes  ont  eu,  presque 
siniuUanément,  l'idée  de  modifier,  du  tout  au  tout, 
la  fabrication  des  llùtes.  Tous  deux  ont  pensé  trouver, 
dans  les  principes  de  la  science  acoustique  le  moyen 
d'atteindre  à  la  perfection.  L'un  a  échoué,  l'autre  a 
triomphé.  Mais  il  est  arrivé  ce  qui  arrive  toujours  en 
pareil  cas  :  le  triomphateur  s 'est  fait  des  ennemis  qui 
ont  voulu  reporter  sur  l'inventeur  malheureux  tous 
les  mérites  de  l'invenlion.  On  sait  ce  qu'il  advient 
toujours  de  ces  sortes  de  querelles  :  un  débor- 
dement d'injures  et  d'accusations  épouvantables,  et 
nulle  lumière  sur  les  faits.  Le  premier  de  ces  deux 
hommes  s'appellait  Gordo.n,  et  le  second  Théobald 
Bœbm. 

Nous  avons  cherché  le  plus  consciencieusement  pos- 
sible à  nous  faire  une  opinion  claire  et  sans  parti 
pris,  et  nous  avons,  dans  ce  but,  consulté  le  plus  grand 
nombre  possible  de  documents.  Ceus  concernant  Gor- 
don sont  extrêmement  rares:  on  ne  trouve  nulle  part 
trace  d'une  de  ses  llùtes.  Les  dessins  qui  les  repré- 
sentent sont  confus,  et  les  explications  données  par 
son  plus  fougueux  partisan  (Rockstro)  sont  plus  con- 
fuses encore. 


Bœhm,  au  contraire,  a  pris  soin  d'expliquer  lui-même 
dans  un  opuscule  très  complet  les  principes  de  son 
instrumeni,  et  ne  l'aurait-il  pas  fait  que  nous  avons 
tous  sous  la  main  la  flûte  qui  porte  son  nom,  et  dont 
l'usage  est  devenu  à  peu  près  universel.  Malheureu- 
sement, il  reste  muet  sur  le  résultat  de  ses  premiers 
essais,  et  il  nous  faut  aller  chercher  ailleurs  que  dans 
ses  propres  écrits  quelques  éclaircissements  sur  les 
instruments  sortis  de  ses  mains  lors  de  ses  premières 
recherches. 

Il  nous  parait  équitable  de  rendre  hommage  à  la 
mémoire  de  Gohdo.v.  Ses  efforls  n'eussent-ils  servi 
qu'à  stimuler  l'ardeur  de  Bœhm,  qu'il  faudrait  lui  en 
être  reconnaissant.  Mais  nous  ne  pouvons  nous  em- 
pêcher de  penser  que  ses  premières  études  (il  était 
capitaine  aux  gardes  suisses' sous  la  Restauration) 
l'avaient  moins  préparé  que  Bœhm,  flûtiste  renommé 
et  fils  d'orfèvre,  à  la  fabrication  des  (lûtes.  11  esl 
mort  fou  avant  d'avoir  pu  mettre  pratiquement  en 
usage  un  seul  instrument  de  sa  seule  fabrication. 
Véritablement,  nous  avons  peine  à  nous  le  représen- 
ter comme  le  véritable  père  de  la  flûte  actuelle,  et, 
jusqu'à  preuve  du  contraire,  nous  persisterons  à 
attribuer  à  Théobald  Bœhm  le  mérite  de  l'invention 
qui  a  complètement  bouleversé  l'art  de  la  Uùte. 

Avant  de  parler  des  travaux  qui  devaient  aboutir 


14% 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


à  cette  transformation,  examinons  pourquoi  l'on  en 
désirait  avec  tant  d'ardeur  la  réalisation.  Quels  étaient 
les  défauts  de  la  tliUe  alors  en  usage,  et  pourquoi  les 
nombreux  changements  que  nous  avons  décrits  pré- 
cédemment n'étaient-ils  pas  suffisants  à  la  rendre 
parfaite'?  Nous  trouverons  ceci  exposé  avec  la  plus 
grande  compétence  et  la  plus  grande  clarté  dans  le 


Mémoire  présenté  aux  membres  de  l'Institut  par  le 
professeur  V.  Coche,  et  publié  par  l'auleur  en  1838 
sous  le  litre  de  Examen  critique  de  la  flûte  ordinaire 
comparé  à  la  flûte  de  Bœhm,  car  il  commence  son  tra- 
vail par  un  jugement  sévère  sur  la  llAte  employée  à 
celte  époque  sous  le  nom  de  llùte  à  12  clefs  (flûte 
qui  réunissait  toutes  les  clefs  que  nous  avons  men- 
tionnées jusqu'ici). 

«  De  tous  les  instruments  de  musique,  «  disait-il, 
la  flûte  est  le  plus  ancien,  c'est  celui  dont  l'usage  n'a 


jamais  été  interrompu  et  qui,  néanmoins,  est  tou- 
jours resté  aussi  imparfait.  Aussi,  les  perfectionne- 
ments auxquels  les  facteurs  ont  atteint  sont  loin  de 
satisfaire  les  artistes;  ils  comprennent  que  l'iiistru- 
menl  s'oppose  par  sa  construction  irrégulière  et  sa 
sonorité  douteuse  à  tous  les  développements  que  l'art 
et  le  talent  pourraient  obtenir.  Entre  la  flûte  qu'ils 
désirent  et  celle  dont  on  se  sert  aujourd'hui,  la  dis- 
tance est  grande.  Et  s'il  l'on  prenait  pour  point  de 
comparaison  la  flûte  vulgaire  à  6  trous  et  à  une  clef, 
on  pourrait  dire  que  la  différence  entre  elle  et  noire 
flûte  à  12  clefs  est  moins  grande  que  celle  qui  existe 
entre  celte  dernière  et  la  flûte  de  Bœhm. 

«  Ainsi,  de  tous  les  essais  tentés  par  des  facteurs 
ou  des  artistes,  aucun  n'a  remédié  aux  vices  primi- 
tifs de  la  construction  de  la  flûte  ;  ils  existent  encore 
intégralement  dans  l'instrument  actuel,  surchargé 
d'une  foule  de  clefs  qui  nuisent  à  sa  sonorité  et  com- 
pliquent les  embarras  du  doigté. 

«  On  peut  attribuer  la  défectuosité  de  la  flûte  au 
placement  inexact  des  trous  qui,  depuis  l'origine  de 
cet  instrument,  ont  été  percés  d'après  l'écartement 
naturel  des  doigts.  Par  ce  système,  la  plupart  des 
trous  ne  correspondent  pas  aux  fractions  de  la  co- 
lonne d'air  que  donnent  les  proportions  acoustiques. 
De  là,  naissent  les  différences  dans  la  grandeur  et 
la  distance  des  trous,  et,  par  suite,  des  intonations 
vicieuses  et  inégales,  telles  que  ttt  et  z(<#  de  la  2«  oc- 
tave, dont  l'un  sera  trop  haut  ou  trop  bas  par  rap- 
port à  l'autre,  telles  que  mi,  fa  jf,  sol,  lah,  la  naturel 
de  la  3"  oclave  qui  tendent  à  baisser  et  souvent  ne 
résonnent  pas  clairement,  le  peu  de  sonorité  et  l'iné- 
galilé  de  beaucoup  de  sons  lorsqu'ils  sont  produits 
au  moyen  d'un  doigté  plus  ou  moins  couvert,  ou  que 
les  flûtes  ditfèrent  de  construction,  l'embarras  que 
produit,  dans  plusieurs  tons,  l'action  de  glisser  les 
doigts  par  les  deux  clefs  de  fa,  le  grand  nombre  de 
trilles  défectueux,  telles  sont  les  difficultés  devant 
lesquelles  les  meilleurs  artisles  échouent  toujours, 
parce  que  ces  difficultés  proviennent  de  défauts 
inhérents  à  la  llùte.  » 

Suit  une  série  d'exemples  prouvant  que,  dans  la 
gamme  de  ré  majeur,  considérée  comme  la  plus  so- 
nore, les  notes  : 

ut-,  fa^  première  position,  si-,  mi',  fa^,  sol^,  la^ 
sont  trop  basses  ; 

Vut  #  trop  haut  ainsi  que  le  fa-  avec  la  deuxième 
position  ; 

le  »!(■'  et  mi-  faibles. 

La  gamme  de  mi  :.  est  d'une  sonorité  beaucoup 
plus  faible.  H  relève  des  défectuosités  pour  12  notes. 
Et  ainsi  de  suite... 

Ces  imperfections,  que  signale  Coche,  avaient  frappé 
tous  les  artistes  et  facteurs,  mais,  jusqu'en  1828  en- 
viron, tous  les  efforts  des  inventeurs  s'étaient  portés 
sur  des  modifications  de  détail.  Seul,  peut-être,  Pott- 
GiEssER  avait  eu  l'idée  de  modifier  radicalement  le 
système  en  usage  en  ne  tenant  aucun  compte  de 
l'instrument  existant.  Mais  il  n'avait,  en  somme, 
abouti  à  rien.  Un  capitaine  aux  gardes  suisse,  Gor- 
don, amateur  de  flûte,  eut  l'idée  de  créer  une  llûte 
entièrement  nouvelle.  Son  point  de  départ  était  bon  : 
il  désirait  construire  un  instrument  dont  les  propor- 
tions seraient  basées  sur  les  lois  de  l'acoustique  et, 
pour  cela,  percer  autant  de  trous,  les  placer  là  où 
ils  devaient  théoriquement  l'être,  sans  se  préoccuper 
de  la  commodité  des  doigts.  Puis,  ils  se  proposait  de 
trouver  un  système  de  mécanisme  qui  suppléât  à 
l'insuffisance  des  doigts. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA    FLUTE    1497 


•  Médiocre  technicien,  il  s'étail  adjoint  des  ouvriers 
français, avait  laitia  connaissance  de  Bœhm, travaillé 
chez  ce  dernier,  et  ses  recherches  avaient  abouti  à  la 
construction  d'une  tlûle  dont  aucun  spécimen  n'est, 
à  notre  connaissance,  en  circulation,  mais  dont  il 
reste  quelques  reproductions  dans  des  ouvrages  spé- 
ciaux. C'est  vers  la  fin  de  1830  que  s'était  produit 
cet  événement. 

Mais  que  pouvons-nous  tirer  de  l'examen  de  ce 
dessin?  Rocrstro,  dont  la  malveillance  a.  l'égard  de 
Bœhsi  éclate  à  chaque  ligne  de  son  livre,  exalte  Gor- 
don en  termes  lyriques,  mais  quand  il  s'agit  d'expli- 
,_^  quer   clairement    le  système  du 

malheureux  capitaine,  il  perd 
beaucoup  de  son  assurance.  Il 
nous  dit,  il  est  vrai,  avant  de 
procéder  à  cette  tâche,  que  le 
((  diagramme  de  la  planche  est 
évidemment  incomplet  autant 
qu'inexact,  une  partie  de  l'expli- 
cation accompagnante  est  donc 
conjecturale  »,  et  ailleurs  :  "  les 
proportions  du  tube  sont  donc 
montrées  inexactement  ». 

Nous  croyons,  nous,  que  le 
meilleur  moyen  de  servir  la  cause 
de  Gordon  est  de  donner  ici  la 
traduction  des  explications  de 
son  défenseur.  Nous  donnons,  en 
même  temps,  une  reproduction 
de  la  planche.  On  y  verra  que  le 
système  de  clefs  apparaît  extrê- 
mement compliqué,  et,  dans  les 
doigtés  de  la  tablalure  générale 
supposée  par  Mockstro,  il  en  est 
beaucoup  de  problématiques  ou 
douteux.  Le  meilleur  eût  été  d'es- 
sayer de  constiiiire  une  tinte  d'a- 
près les  dessins.  On  aurait  réel- 
lement vu  ce  qui  peut  résulter  de 
cet  amas  de  clefs,  de  mouvements 
contraires,  de  ressorts,  etc.,  et 
s'il  est  possible  d'obtenir  faci- 
lement l'occlusion  des  trous,  et 
sans  bruit. 

A.  Clef  fermée  du  trou  de  ré" , 
ouvert  par  le  2'=  doigt  (main  gau- 
che) à  a. 

B.  Clef  ouverte  du  trou  A'nti", 
fermé  par  le  l""'  doigt  (main  gau- 
che) à  b.  L'axe  est  à  b. 

C.  Trou  A'nt"  divisé,  fermé  par  le  pouce  de  la  main 
gauche.  Le  renflement  en  pointe  est  un  guide  pour 
le  pouce. 

D.  Clef  ouverte  du  trou  de  si,  fermée  par  l'action 
du  second  doigt  (main  gauche)  sur  le  croissant  rf quand 
il  ferme  le  trou  adjacent  de  si  >.  L'axe  devait  être  à  d, 
ou  près  de  d,  probablement  sous  le  croissant,  et  la 
tige  devait  passer  sur  6.  La  note  si  •'  était  doigtée  par 
la  pression  du  premier  doigt  de  la  main  droite  sur 
le  croissant  fd,  qui,  par  le  moyen  des  deux  leviers 
dd  et  dd  et  leur  lîl  correspondant,  fermait  D,  laissant 
le  trou  de  .s;  >  ouvert.  I)  pouvait  aussi  être  fermé  par 
le  l''  doigt  (main  j.'auche)  agissant  sur  /;  et  D  en 
même  temps,  ou  par  le  2"  doigt  (main  gauche)  sans 
fermer  le  trou  de  si  >. 

E.  Clef  ouverte  du  wi  ;.  L'axe  était  à  d,  et  devait 
être  la  seule  pièce  d'attache  à  la  tlùte.  En  fermant 
le   trou  adjacent  a,  le  3e  doigt  de  la  main  gauche 


FiG.  624. 


pressait  une  des  branches  e,  fermant  ainsi  E.  Là 
étaient,  naturellement,  deux  pièces,  l'une  pour  sou- 
lever la  pièce  entière  de  mécanisme,  l'autre  pour 
fermer  la  clef  de  sol  f..  Le  croissant  joint  à  e  devait 
être  employé  pour  fermer  E  en  laissant  le  trou  a  ou- 
vert. L'axe  e  devait  être  au-dessous,  et  la  lige  de  la 
clef  devait  être  indépendante.  A  ee  existait  un  joint. 
Quand  les  branches  étaient  appuyées,  E  était  ouvert 
par  l'action  du  4^  doigt  (main  gauche)  sur  le  levier  Ee. 

Ainsi,  sol  et  sol  jf  étaient  doigtés  comme  sur  la  tUUe 
ordinaire  et,  en  même  temps,  le  son  n'était  pas  voilé. 

re.  Levier  pour  faire  le  trille  sol-la  p  et  fa  i-sol  #  avec 
le  premier  doigt  de  la  main  droite. 

F.  Clef  ouverte  du  trou  de  sol,  reliée  aux  crois- 
sants fd,  f  et  /'.  La  clef  F  était  fermée  par  la  pres- 
sion de  n'importe  lequel  de  ces  croissants,  et  les  trous 
de  mi,  fa  et  fai  pouvaient  être  fermés  en  usant  les 
croissants  les  plus  près  ou  laissés  ouverts  si  nécessaire. 
La  note  fa  était  doigtée  par  l'action  du  premier  doigt 
de  la  main  droite  sur  le  croissant  fd,  fermant  en 
même  temps  le  trou  adjacent  de /'a  S-  Le/'ctJt  pouvait 
avoir  été  doigté  par  la  pression  de  fd,  pendant  que 
le  trou  restait  ouvert,  ou  par  l'action  du  2°  doigt  ou 
du  3'=  doigt  (main  droite)  sur  f  ou  f. 

G.  Clef  ouverte  de  ré»  fermé  par  le  petit  doigt 
(main  droite). 

H.  l.  Clef  ouverte  du  trou  de  réeint».  Les  louches 
de  ces  clefs  sont  à  h,  i;  les  iit^  et  m^  naturel  étaient 
donc  doigtés  par  le  petit  doigt  (main  droite). 

Après  cette  laborieuse  explication,  Rockstro  dé- 
clare :  «  La  clef  ouverte  du  ton  de  si,  et  les  diverses 
méthodes  de  la  fermer  constituent  un  départ  extrê- 
mement nouveau  et  un  très  i  important  perfectionne- 
ment »,  dont  on  peut  estimer  la  valeur  par  ^^ 
le  fait  qu'aujourd'hui  aucune  llùte  à  clefs 
ouvertes  n'est  faite  sans  elle,  ou  avec  cette 
clef  légèrement  modifiée. 

Puis,  il  donne  une  tablature  —  reconsti- 
tuée par  lui  —  que  nous  ne  croyons  pas  devoir 
reproduire  ici,  comme  étant  d'un  médiocre 
intérêt.  Finissons-en  avec  le  pauvre  capi- 
taine Gordon,  qui,  après  d'autres  essais, 
notamment  la  construction  d'une  autre 
flûte  assez  différente  de  la  première,  perdit 
tout  à  fait  la  raison  et  fut  enfermé  dans  une 
maison  de  fous.  11  nous  faut  maintenant 
parler  des  essais  de  Bœhm. 

Th.  Bœhm,  né  à  Munich,  en  i795,  croit- 
on,  était  fils  d'un  orfèvre.  Très  jeune,  il 
avait  pris  des  leçons  de  llûte  avec  Cappel- 
LER,  était  devenu  un  excellent  exécutant  et 
occupait  une  belle  situation  de  soliste,  quand 
lui  vint  l'idée  de  perfectionner  son  instru- 
ment. Une  édition  anglaise  de  sa  brochure 
donne  comme  date  de  ses  premiers  essais 
1818,  mais  les  autres  éditions  indiquent 
1828,  ce  qui  nous  paraît  plus  vraisemblable. 

Ses  premiers  travaux  n'ont  guère  d'autre 
but,  sembk'-t-il,  que  d'apporter  quelques 
améliorations  de  détail  à  l'instrument  en 
usage,  u  Je  réussis,  dit-il,  à  faire  quelques 
perfectionnements  essentiels  aux  languet- 
tes', aux  ressorts  et  aux  tampons,  ou  petits 
coussins  de  mes  flûtes,  mais  tous  mes  ef- 
forts pour  établir  l'uniformité  et  la  pureté  de 
l'accord  furent  sans  succès  tant  que  la  lar- 


1.  I.e   mot  languette  employé  par   Bceiim  désigne   les 
clefs,  ou  plateaux. 


Fia.  623. 


1498 


ENCyCLOl'ÉniE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


geur  de  tension  des  doigts  donnait  la  proportion  pour 
le  percement  des  trous.  » 

11  cherchait  donc,  sans  trouver,  et  se  voyait  dans 
l'obligation,  pour  vivre,  de  ne  pas  abandonner  sa  car- 
rière de  tlCitiste.  Vers  1831  (ou  1832),  il  se  décida  à 
livrer  à  la  circulation  un  instrument  modifié  qu'il 
présenta  à  divers  fabricants  de  Paris  et  de  Londres. 
Nous  donnons  ici  un  dessin  de  cet  instrument,  tel 
qu'il  a  paru  dans  un  prospectus  édité  parla  maison 
Geroch  et  WoLF. 

Cette  flûte,  qui  a  été  assez  minutieusement  décrite 
dans  ce  prospectus,  ne  contient  que  des  promesses. 
On  verra  cependant  que  Bœhu  avait  déjà  le  souci  de 
placer  les  trous  plus  en  rapport  avec  les  lois  de  l'a- 
coustique; et  ce  système  d'anneaux  reliés  par  une 
tige  contenait  une  indication  pour  les  perfeclionne- 
ments  futurs.  >'ous  ne  croyons  pas  devoir  nous  ar- 


rêter plus  longtemps  sur  cette  première  manifesta- 
tion de  l'esprit  inventif  de  Hœhu. 

Si  nous  avons,  sur  l'apparition  de  ce  premier  essai, 
une  date  précise,  nous  n'en  avons  pas  sur  celle  de 
la  seconde  tentative.  Dans  un  opuscule,  Hœhm  nous 
dit:  «  Dès  1832,  ma  nouvelle  flûte  était  achevée.  » 
Ne  s'était-il  écoulé  qu'un  an  entre  l'invention  des 
deux  instruments?  La  chose  est  peu  probable,  mais, 
après  tout,   possible.  Le  fait  est  que    la   diflërence 
entre  les  deux  instruments  est  sensible.  La  première      )] 
était,  nous  l'avons  dit,  une  promesse.  La  seconde  est      |i 
presque  une  réalisation.  Tout  le  bruit  fait  autourde      ■■ 
l'invention  de  Hœhm  date,  d'ailleurs,  de  l'apparition      [ 
de  cette  flûte,  et  si  Bœhu  lui-même,  dans  son  opus- 
cule, parait  ne  vouloir  tenir  compte  que  de  son  inven- 
tion de  1847,  le  public  et  les  artistes  avaient  surtout 
été  impressionnés  par  l'invention  précédente. 


FiG.  (i26. 


C'est  celte  flûte  que  Coche  présente  aux  mem- 
bres de  l'Institut  dans  son  Examen  critique,  et  pour 
laquelle  il  écrit  une  méthode.  Nous  en  trouvons  la  re- 
production dans  la  planche  de  sa  brochure.  Malheu- 
reusement, il  nous  donne  peu  d'explications  sur  cet 
instrument.  Comme  il  y  a  apporté  lui-même,  avec  la 
collaboration  du  facteur  Buffet,  quelques  modifica- 
tions, il  lie  s'étend  guère  que  sur  ces  modiricatious-là. 
Rocrstho,  avec  sa  partialité  habituelle,  passe  dédai- 
gneusement sur  cette  flûte,  qu'il  ne  nous  décrit  pas  en 
détail,  contrairement  à  ce  qu'il  fait  pour  toutes  les 
autres  invenlioiis,  même  les  plus  incohérentes. 
11  ne  peut  cependant  s'empêcher  de  payer  un  juste 
tribut  de  reconnaissance  à  Biequ  pour  l'établissement 
du  principe  de  la  clef  ouverte  de  sotid  (c'est  précisé- 
ment cette  invention  excellente,  selon  nous,  qui  n'a 
pas  été  adoptée  par  les  artistes  français).  Il  remarque 
aussi  que  le  mécanisme,  quoique  se  rapprochant 
beaucoup  de  celui  de  Gordon,  est  moins  compliqué. 
Il  n'y  a  en  eflèt  aucun  rapport  entre  ce  système  de 
clefs  et  d'anneaux,  reliés  par  des  tringles,  et  qui  dif- 
fère peu  du  système  actuel,  et  l'extraordinaire  sys- 
tème de  touches  de  Gordon,  de  sorte  que  nous  pou- 
vons hardiment  affirmer  que  Bœbm  a  fait  là  un  pas 
en  avant. 

C'est  à  Coche  que  nous  devons  peut-être  l'adoption 
de  la  flûte  Bœhm  en  France.  Avant  de  passer  à  l'in- 
vention défniitive  de  Bikhm,  voyons  ce  qu'élait  deve- 
nue la  2"  flûte  de  ce  dernier,  avec  les  modifications 
qu'il  avait  introduites  en  collaboration  avec  le  cons- 
tructeur Buffet.  La  planche  que  nous  reproduisons 
ici  nous  renseigne  parfaitement  sur  les  mérites  de 
cet  instrument. 

Coche,  malgré  son  enthousiasme  pour  le  nouveau 
système,  ne  cachait  pas  sa  répugnance  à  adopter  la 
clef  de  soZif  ouverte.  Il  en  donne  ainsi  la  raison  :  «Je 
me  souviens  qu'en  jouant  du  violoncelle,  j'avais  déjà 
remarqué  que  le  petit  doigt  de  la  main  gauche  et 
l'annulaire  étaient,  d'après  leur  éloignement  de  la 
position  de  la  main,  d'une  faiblesse  extrême.  Ma  re- 
marque s'applique  si  bien  à  la  flûte  que  je  me  déci- 
dai à  rétablir  la  clef  de  solU  fermée,  telle  qu'elle 
existe  sur  la  flûte  ordinaire,  et  à  mettre  une  corres- 
pondance à  la  clef  de  soiH  pour  utiliser  la  main 
droite  qui  se  trouve  levée  dans  les  trilles  et  les  grup- 


petti  faits  par  l'annulaire  et  le  petit  doigt.  En  effet, 
on  peut  les  employer  avec  plus  de  succès,  puisqu'il 
est  constant  que  les  deux  derniers  doigts  de  la  main 
gauche  sont  plus  faibles  que  les  premiers  doigts  de 
la  main  droite.  ■> 

C'est  cette  invention  que  Bœhm  a  déplorée  toute  sa 
vie,  car  le  rétablissement  de  la  clef  de  sol'f,  fermée 
nécessitait  le  percement  d'un  trou  «  duplicata  »  de 
celui  déjà  existant  et  compromettait  la  justesse  et 
la  pureté  de  certaines  notes  que  Bœhm  avait  eu  tant 
de  peine  à  établir.  Ceci  nous  amènera  à  parler  plus 
loin  d'une  invention,  due  au  tlùlisle  Dorus,  qui  éta- 
blissait un  compromis  entre  les  deux  systèmes. 

L'objection  de  Bœhm,  qu'il  avait  voulu  établir  un 
système  absolu  de  clefs  ouvertes,  est  assez  logique- 
ment réfutée  par  Coche  :  «  Si,  comme  travail  ration- 
nel, Bœhm  a  voulu  qu'en  levant  les  doigts  on  fasse  . 
une  progression  ascendante,  il  aurait  dû,  par  consé-B 
quent,  placer  la  clef  de  mi  \j  ouverte.  »  V 

Enfin,  Coche  ajoutait  à  la  flûte  Bœhm: 
1°  une  nouvelle  clef  pour  obtenir  sans  obstacle  le 
trille  à.'uli,  sur  réï,  qui  est  faux  et  difficile; 

2°  un  anneau  sous  le  troisième  doigt  de  la  main 
gauche,  tenant  à  la  clef  de  s/ ,.  et  permettant,  dans  le 
passage  rapide  sol-êi\^,  d'éviter  le  difficile  doigté  or- 
dinaire. Mais  Coche  remarquait  lui-même  qu'il  fallait 
l'employer  «  seulement  dans  une  exécution  rapide 
qui  ne  permet  pas  de  remarquer  cette  intonation 
douteuse  ».  C'est  peut-être  cette  invention  qui  a  incité 
Briccialdi  à  inventer  un  système  de  clef  pour  la 
production  automatique  du  si;i  dont  nous  parlerons 
en  temps  utile. 

Nous  entendrons  plus  lard  les  doléances  de  Bœhm 
concernant  le  rétablissement  de  la  clef  de  so/#  fer- 
mée. Mais  il  est  juste  de  remarquer  que,  si  l'étude 
du  nouveau  système  n'exigeait  pas,  en  général,  un 
très  grand  effort  des  flûtistes  habitués  à  l'ancien,  le 
changement  d'emploi  du  petit  doigt  de  la  main  gau- 
che était  un  obstacle  énorme.  Coche,  par  cette  con- 
cession, amenait  au  nouveau  système  des  adhésions 
qui  lui  eussent  manqué  sans  cela. 

Louis  DoRus,  qui  désirait  vivement  adopter  le 
nouveau  système,  chercha  à  son  tour  une  améliora- 
tion, et  crut  la  trouver  dans  l'invention  de  la  clef  qui 
porte  son  nom.  Nous  la  décrivons  minutieusement, 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOdlE 

ï  parce  qu'elle  a  vraiment  un  intérêt  intrinsèque,  et 

■  parce  qu'elle  n'a  jamais  élé  abandonnée  complète- 

■  ment.  Si  la  majorité  des  flûtistes  français  se  sert  de 
la  clef  de  so/S  fermée,  certains  ont  conservé  la  clef 
DoRus,  alors  que  personne  ne  se  sert  de  la  clef  de 

iso/jt  ouverte,  telle  que  l'a  imaginée  Bœhm. 

DoRus  avait  saisi  l'inconvénient  grave  du  perce- 
ment d'un  second  trou  pour  la  clef  de  soie  fermée, 
ill  désirait  conserver  à  la  flûle  de  Iîœhu  ses  qualités 
j  d'homogénéité  et  de  justesse,  que  le  percement  de 
:  ce  trou  compromettait. 

D'autre  part,  l'extrême  difficulté  résultant  de  l'u- 
sage absolument  nouveau  du  petit  doigt  de  la  main 
gauche  l'etfrayait. 
1  II  adopta  donc  un  compromis  entre  les  deux  sys- 
'f  tèmes.  RocKsTRO  en  a  donné  une  description  extrè- 
!  marnent  claire  que  nous  reproduisons  ici  : 
fi  A.  la  clef  de  soi #  avec 

sa  tige  et  son  tube,  ce 
dernier  fonctionnant 
sur  une  tringle  d'acier 
supportée  par  des  vis  à 
pointe  qui  passent  à 
travers  les  deux  piliers. 
0.  Ressort  faible  agis- 
sant sur  l'arrêt  a  et  ten- 
dant ainsi  à  fermer  la 
clef. 

B.  Anneau  entourant 
le  trou  de   la  relié  par 
le  tube  avec  le  manchon 
5.  Ce  tube  agit  également  sur  la  tringle. 

b.  Ressort  fort,  agissant  sur  le  manchon  h  et  maî- 
trisant le  ressort  plus  faible  a. 

La  clef  et  l'anneau  sont  tenus  en  l'air  par  la  pré- 
pondérance de  la  force  de  h  sur  celle  de  a.  Lorsque 
l'anneau  B  est  abaissé  par  l'annulaire  gauche,  a,  n'é- 
tant plus  maîtrisé  par  6,  cause  la  fermeture  de  A. 

ka.  Touche  de  la  clef  de  sol^  au  moyen  de  laquelle 
la  clef  est  ouverte  par  le  petit  doigt  de  la  main 
gauche,  lorsque  Best  abaissé. 

C.  Saillie  de  la  flCite  qui  sert  d'arrêt  pour  les  man- 
chons. 

Cette  invention  extrêmement  ingénieuse  pêche  ce- 
pendant par  deux  points  : 

1°  Le  mécanisme  est  extrêmement  délicat  et  se 
dérange  souvent; 

2°  Quand  le  ressort  h  est  livré  à  lui-même,  il  est 
extrêmement  dur,  et  le  trille  de  solU  la  devient  très 
difficile. 

Quelques  artistes  français  emploient  encore  la  clef 
DoRUs.  Ce  système  donne  incontestablement  plus  de 
clarté  aux  notes  de  la  main  gauche. 

Cependant,  Rœhm  cherchait  toujours.  Il  n'était  pas 
satisfait  de  ses  deux  premières  inventions.  Si  elles 
apportaient  une  amélioration  réelle,  spécialement 
sous  le  rapport  de  l'homogénéité  du  son,  ses  tliites 
n'étaient  guère  plus  justes  que  les  flûtes  de  l'ancien 
système.  Même  pourvues  de  certains  perfectionne- 
ments, elles  ne  répondaient  pas  à  ses  désirs.  En  le 
constatant,  il  nous  dit,  non  sans  quelque  emphase  : 
"  C'est  pourquoi  je  me  suis  décidé  d'avoir  recours 
à  la  science  et,  après  des  études  pendant  deux  an- 
nées des  principes  d'acoustique,  sous  la  direction 
bienveillante  de  M.  le  professeur  docteur  Cari  Shaf- 
haOtl;  et  après  beaucoup  d'expériences  faites  aussi 
exactement  que  possible,  je  réussis  enfin,  en  1847,  à 
construire  des  flûtes  d'après  un  système  basé  sur  la 
science,  pour  lesquelles,  aux  expositions  universelles 


LA   FLUTE    1499 


de  Londres  en  18al  et  de  Paris  en  ISoa,  les  plus 
hautes  récompenses  me  furent  décernées.  » 

Ici,  nous  demandons  la  permission  d'ouvrir  une 
parenthèse. 

Il  semblerait,  à  entendre  Bœhm,  que  sa  flûte  ait 
été  construite  sur  des  données  rigoureusement  scien- 
tifiques et  qu'il  en  soit  arrivé  là  avec  une  précision 
quasi  mathématique.  C'est  du  moins  ce  qui  ressort  de 
la  préface  de  son  opuscule.  La  suite  de  celte  brochure 
démontre  le  contraire,  et  ceci  n'est  pas  pour  diminuer, 
loin  de  là,  le  mérite  de  l'inventeur.  Kn  effet,  s'il  lui 
avait  suffi,  pour  arriver  à  son  but,  de  posséder  tout  ce 
qui  nous  est  connu  des  lois  de  l'acoustique,  il  n'aurait 
pas  passé  vingt  ou  vingt-cinq  ans  de  sa  vie  à  trouver 
les  proportions  exactes  de  l'instrument  actuel.  Un 
rigoureux  calcul  l'aurait  conduit  au  succès  sans 
coup  férir.  Mais  il  y  a  loin  de  la  théorie  à  la  prati- 
que, et  quoique  Bœhm  parle  avec  dédain  des  moyens 
empiriques,  qu'il  employait  lors  de  ses  premières 
recherches,  nous  constatons,  en  lisant  son  opuscule, 
que  ce  sont  précisément  des  expériences  empiriques 
qui  lui  ont  permis  de  corriger  jusqu'à  la  quasi-per- 
feciion  ce  que  les  données  purement  scientifiques 
sur  lesquelles  il  était  parti  avaient  donné  d'impar- 
fait. Là  où  un  physicien  aurait  échoué  ,  Bœhm  a 
réussi,  précisément  parce  qu'il  ne  s'est  pas  limité  à 
faire  des  calculs  sur  le  papier,  mais  que,  durant  des 
années  enlières,  il  a,  par  de  patients  tâtonnements, 
su  trouver  le  «  tempérament  »  nécessaire,  lit  si  le 
mot  de  Bulfon  :  «  le  génie  n'est  qu'une  longue  pa- 
tience »,  peut  être  appliqué  à  un  homme,  c'est  bien 
à  l'opiniâtre  constructeur  munichois. 

Les  recherches  pouvaient  se  diviser  en  deux  parts  : 
{"  les  proportions  du  tube,  de  l'embouchure  et  des 
trous;  2°  le  système  de  touche  s'y  adaptant. 

Dès  la  première  page  de  l'opuscule,  Hœhm  nous 
initie  à  sa  méthode  de  travail.  C'était  au  début  de 
ses  recherches,  alors  qu'il  jouait  encore  la  llûle 
conique,  universellement  en  usage.  11  remarque  que, 
seule  de  tous  les  instruments  à  perce  conique,  la  flûte 
s'embouche  du  côté  du  plus  grand  diamètre.  Il  fa- 
brique donc  une  flûte  conique  où  l'embouchure  est 
située  à  l'extrémité  la  plus  étroite.  Le  résultat  ne 
répond  pas  à  son  attente.  Alors,  il  fabrique  d'autres 
tubes  coniques,  diminue  de  plus  en  plus  l'élargis- 
sement du  cône  pour  arriver  au  cylindre  (simple 
retour  à  la  flûte  traversière  do  Mkusenne). 

Il  n'y  a  pas  là  que  des  calculs  précis;  l'empirisme 
lui  fait  trouver  ce  qu'il  cherchait  et,  dans  bien  des 
cas,  il  ne  triomphera  que  par  ce  moyen. 

Mais  le  grand  mérite  et  la  force  de  Bœhm  sont  d'avoir 
voulu  fortement  construire  son  instrument  sur  des 
données  scientifiques.  C'a  été  une  base  solide  pour 
ses  travaux,  et  les  connaissances  scientifiques  qu'il 
avait  acquises,  la  discipline  d'esprit  qu'il  lui  avait 
fallu  également  acquérir  pour  mènera  bien  ses  étu- 
des, l'ont  aussi  fortement  servi.  Nous  allons  essayer 
de  résumer  ses  travaux,  seulement  dans  leur  appli- 
cation pratique. 

Nous  avons  très  succinctement  exposé  au  début  de 
cet  article  la  théorie  des  tubes  ouverts.  Là  se  trouve 
naturellement  le  point  de  départ  des  recherches  de 
lÎŒBM,  ainsi  que  la  théorie  des  vibrations  et  de  la 
division  du  monocorde.  Nous  ne  le  suivrons  pas  dans 
cet  exposé,' qu'on  retrouvera  dans  l'article  de  VEncy- 
clopédie  traitant  de  l'Acoustique  générale. 

Dans  son  opuscule,  Rœuh  parle,  en  premier  lieu,  de 
ses  essais  de  18i6  sur  la  forme  et  les  dimensions  du 
tube.  Il  nous  dit  qu'ayant  fait  fabriquer  des  tubes 


1500 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


coniques  et  cylindriques  en  grand  nombre,  et  tous 
de  dimensions  et  diamètres  différents,  le  résultat 
pratique  de  ces  essais  fut  ceci  :  le  tube  devait  être 
cjlindrique,  d'une  largeur  de  diamètre  égale  au 
1/30  de  la  longueur  totale,  et  se  rétrécissant  selon 
une  certaine  proportion  géométrique  se  rapprochant 
de  la  parabole.  Ce  rétrécissement  commençait  au 
quart  supérieur  du  tube  pour  se  terminer  à  la  fer- 
meture de  liège  dans  une  proportion  de  1/iOdu  dia- 
mètre. 

Il  remarque  qu'une  flûte  n'exigeant  que  deux  oc- 
taves, construite  selon  ces  proportions,  avec  une 
longueur  de  606  millimètres  de  colonne  d'air  et 
un  diamètre  de  20  millimètres,  donnerait  des  sons  qui 
en  feraient  un  instrument  idéal  sous  le  rapport  de  la 
pureté,  de  la  plénitude  et  de  la  justesse. 

Mais  tous  ces  calculs  se  trouvent  défruits  par  les 
exigences  de  la  musique  actuelle,  laquelle  demande 
à  la  tlùle  une  étendue  de  3  octaves,  et,  pour  permettre 
l'émission  de  la  3»  sans  gâter  les  deux  autres,  il  doit, 
après  de  nombreux  tâtonnements,  réduire  le  diamè- 
tre à  19  millimètres. 

Autres  observations  concernant  la  tlûte  idéale:  le 
bouchon  de  fermeture  à  l'extrémité  supérieure  de- 
vrait être  assez  mobile  pour  pouvoir  changer  de  posi- 
tion selon  l'octave  dans  laquelle  on  joue.  Comme  il 
n'existe  pas  de  moyens  de  rendre  ce  bouchon  mobile 
en  cours  d'exécution,  Bœbm,  après  tâtonnements, 
trouve  un  «  tempérament  »  convenable,  en  fixant  ce 
bouchon  à  17  millimètres  du  milieu  de  l'embou- 
chure. 

En  ce  qui  concerne  la  forme  de  l'embouchure, 
Bœbm  donne  sur  la  production  du  son  des  explica- 
tions qu'on  trouvera  au  début  de  cet  article,  et  ses 
conclusions  sont  qu'une  embouchure  de  forme  quasi 
lectangulaire  aux  coins  arrondis,  de  12  millimètres 
de  long  sur  10  millimètres  de  largp,  avec  une  hau- 
teur de  parois  de  4  mm.  2,  serait  une  embouchure 
excellente  convenant  à  la  moyenne  des  exécutants. 
Notons  en  passant  que,  lors  de  ses  premiers  essais» 
il  avait  muni  l'embouchure  de  deux  parois  latérales' 
destinées  à  canaliser  le  souflle  au  sortir  des  leviers 
pour  l'amener  directement  dans  la  direction  conve- 
nable. Cette  disposition  a  été  presque  immédiate- 
ment abandonnée. 

Nous  arrivons  à  la  perce  des  trous.  Biehm  emploie 
là  le  système  des  tubes  de  différentes  longueurs,  don- 
nant à  chacun  une  note  de  la  gamme  chromatique. 
Pour  cela,  il  coupe,  en  commençant  par  le  bas,  son 
tube  jusqu'à  ce  qu'il  trouve  le  premier  degré  absolu- 
mentjuste.Kl  ainsi  de  suite.  Puis,  il  fabrique  un  tube 
divisé  en  autant  de  sections  qu'il  était  nécessaire, 
mais  s'ajoutantet  se  détachant  à  volonté. 

Alors,  remarquant  que  le  percement  d'une  ouverture 
équivaut  à  rétablissement  d'une  section,  il  fabrique 
un  tube  muni  de  trous  placés  exactement  à  l'endroit 
des  sectionnements  de  son  tube  divisé. 

Théoriquement,  si  l'ouverture  est  égale  au  dia- 
mètre du  tube,  le  résultat  doit  être  le  même  que  si  le 
tube  était  sectionné.  Dans  la  pratique,  ceci  se  trouve 
encore  démenti.  «  Même  quand  on  pourrait  faire 
les  ouvertures  assez  grandes,  dit-il,  pour  que  leur 
coupe  transversale  fût  égale  à  celle  du  tube,  les  on- 
dulations de  l'air  ne  soitiraient  jamais  rectangulai- 
rement  de  l'ouverture  avec  autant  de  facilité  que  de 
l'axe  du  tube.  Elles  rencontrent  donc  la  résistance 
que  leur  oppose  la  colonne  d'air  contenue  dans  la 
partie  inférieure  du  tube;  cette  résistance  est  si  con- 
sidérable, que   tous  les  tons    s'accordent  beaucoup 


trop  bas  quand  les  ouvertu- 
res sont  pratiquées  à  la 
place  des  divisions.  Donc,  les 
ouvertures  de  sons,  surtout 
parce  que  la  hauteur  de 
leurs  rebords  exerce  aussi 
une  intluence  d'abaissement, 
doivent  être  d'autant  plus 
rappi-ochées  de  l'embou- 
chure, plus  leur  coupe  est 
petite  et  plus  leurs  sons  sont 
élevés.  » 

Un  des  désirs  de  Bœhm 
avait  été  de  percer  tous  les 
trous  de  même  diamètre, 
comme  devant  donner  à 
toute  la  gamme  une  parfaite 
homogénéité  de  timbre  et  de 
puissance;  mais  nous  avons 
vu  que  ses  calculs  se  trou- 
vaient dérangés  par  la  difli- 
culté  d'établir  une  3"  octave 
aussi  bonne  que  les  deux 
premières. 

Nous  ne  le  suivrons  pas 
plus  avant  dans  ses  tâtonne- 
ments ou  ses  calculs,  et  nous 
remarquerons  seulement 
que,  dans  son  tube  délinitif, 
les  trois 'premiers  trous  du 
c(>té  de  l'embouchure  sont 
de  perce  beaucoup  moins 
grande  que  les  autres  et  sen- 
siblement plus  rapprochés 
de  l'embouchure. 

Un  tube  de  cuivre,  percé 
sur  ces  données  et  dépourvu 
de  tout  mécanisme,  est  en- 
core entre  les  mains  de  M. 
Chambille,  propriétaire  ac- 
tuel de  la  maison  Louis  Lot. 
Ces  trous  sont  fermés  à  l'aide 
de  simples  bouchons.  Seu- 
lement destiné  aux  expérien- 
ces de  l'inventeur,  cet  ins- 
trument primitif  nous  prouve 
que  Bœbm  avait  conscien- 
cieusement cherché  à  résou- 
dre le  problème  de  la  perce, 
sans  se  préoccuper  des  dif- 
licultés  du  mécanisme. 

Bœhm  s'est  préocupé  éga- 
lement avec  beaucoup  de 
soin  de  la  possibilité  de  chan- 
ger (dans  une  faible  mesure) 
le  diapason  de  l'instrument 
selon  les  nécessités  du  mo- 
ment. Mais,  des  expériences 
lui  prouvent  «  qu'une  IhUe 
ne  peut  être  accordée  que 
dans  un  seul  diapason  le  plus 
purement  possible,  et  que 
tout  raccourcissement  ou 
prolongation  au-dessus  des 
ouvertures  de  sons  doit  exer- 
cer une  iulluence  préjudi- 
ciable sur  l'intonation,  parce 
que,  dans  le  premier  cas, 
les  notes  élevées  se  trouvent 


o 

o 

a 

o 
o 
o 


^ 


o 
o 


0 


o 

o 
o 
o 


FiG.  628. 
Tube 
Bœhm. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA    FLUTE    1501 


(rop  hautes  en  proportion  des  notes  plus  basses,  et 
dans  le  second  cas,  au  contraire,  les  notes  basses  de- 

(Viennent  trop  hautes  en  proportion  des  notes  élevées  ». 

'  Cependant,  il  remarque  que  de  petites  différences 
de  diapason   peuvent  être    obtenues  par  une   bonne 

[insuftlation,  et  il  fait  les  pièces  de  tète  plus  courtes 

!de  2  millimètres  qu'il  n'est  théoriquement  indiqué, 

ipour  permeltre  à   l'exécutant  de  jouer  un  peu  plus 

jliaut  si  cela  lui  est  nécessaire. 

L'opuscule  de  Bœhm,  que  nous  continuons  à  exami- 

[ner,  contient  un  chapitre  consacré    aux   matériaux. 

'Nous  avons  effleuré  la  question  dans  la  première 
partie  de  notre  article.  Bœhm  émet  cette  théorie  que 
«  dans  l'excitation  des  vibrations,  il  faut  un  déploie- 
ment de  forces  proportionné  au  poids  de  la  masse; 
les  sons  d'une  flûte  seront  émis  d'autant  plus  facile- 
ment, et  le  développement  plein  de  leur  force  exigera 
d'autant  moins  d'effort  pour  l'insufllalion  que  le  poids 
d'un  tube  de  ffûte  est  mince  ». 

Nous  laissons  à  R(ehm  la  responsabilité  de  cette 
théorie.  Ses  expériences  lui  permettent  d'affirmer 
qu'  «  on  pourra  donc  produire  sur  une  fliite  d'ar- 
gent, dont  le  tube  est  tiré  mince  et  dur  et  ne  pèse 
que  129  grammes,  les  sons  les  plus  clairs  et  les  plus 
forts,  et  on  pourra  jouer  beaucoup  plus  longtemps 
et  sans  fatigue  que  d'une  flûte  de  bois,  laquelle, 
quand  même  elle  serait  tournée  le  plus  mince  pos- 
sible, pèse  toujours  encore  presque  le  double,  à  sa- 
voir 227  grammes  ». 

Les  préférences  de  Bœhm  vont,  à  n'en  pas  douter, 
à  la  flûte  d'argent  (ou  de  maillechort).  Mais  la  for- 
midable opposition  qu'il  rencontrera  à  ce  sujet  l'o- 
blige à  fabriquer  également  des  (lûtes  de  bois.  Dans 
ce  dernier  cas,  il  préconise  l'emploi  du  bois  de  coco 
ou  du  bois  de  grenadille. 

Nous  arrivons  au  chapitre  concernant  le  système 
de  touche.  C'est  sur  l'établissement  de  ce  système 
que  partisans  et  adversaires  de  Bœhm  ont  été  le  plus 
divisés. 

Pour  nous,  il  n'est  pas  douteux  que  Bœhm  ait  eu 
connaissance  des  travaux  de  ses  devanciers.  Mais  il 
n'est  pas  douteux  non  plus  que,  si  certains  d'entre 
eus  ont  eu  une  sorte  de  divination  de  ce  qu'il  était 
possible  de  faire,  aucun  n'a  pu  faire  entrer  quoi  que 
ce  soit  dans  le  domaine  pratique.  Seul,  Bœhm  a 
«  mis  quelque  chose  debout  »,  et  c'est  vraiment  par 
là  qu'il  s'est  montré  le  génial  inventeur  qu'il  était. 

Deux  essais  antérieurs  ont  pu  vraisemblablement 
lui  être  utiles,  s'il  en  a  eu  connaissance  :  la  clef  ou- 
verte de  soif  et  son  anneau  le  mettant  en  correspon- 
dance avec  le  trou  de  so/  naturel  (invention  de  Nolan), 
et  le  système  de  clef  à  anneau  de  Pottgiesser.  Nous 
résumons  ici  le  récit  des  expériences  de  Bcehm  sur  le 
système  de  touche. 

Le  tube  percé  selon  les  données  que  lui  avaient 
fournies  ses  expériences,  Bœhm  remarque  que  ses 
ouvertures  sont  trop  éloignées  ou  trop  grandes  pour 
être  fermées  directement  par  les  doigts.  Il  songe 
donc  à  les  munir  toutes  de  clefs  ou  d'anneaux.  Mais 
les  ouvertures  sont  au  nombre  de  15,  et  il  ne  dispose 
que  de  9  doigts,  le  pouce  de  la  main  droite  étant 
immobilisé  comme  point  d'appui.  S'il  veut  éviter  le 
système  défeclueux  des  glissements  de  doigts  (le 
plus  grave  défaut  du  mécanisme  de  l'ancienne  flûte), 
il  lui  faut  donc  de  toute  évidence  trouver  un  sys- 
tème permettant  d'actionner  plusieurs  clefs  en  même 
temps. 

Les  souvenirs  personnels  de  M.  Chambille  lui  per- 
mettent d'affirmer  que  Bœhm  trouva  en  M.  Villette, 


ouvrier  cleftier  de  la  maison  Godefroy  (plus  tard  L. 
Lot),  un  collaborateur  précieux  pour  l'invention  du 
système  de  touche. 

La  traduction  littérale  de  l'explication  de  Bœhm  sur 
son  système  est  comme  suit  :  «J'ai  atteint  ce  but  par 
l'emploi  d'axes  mobiles  auxquels  les  languettes  sont 
fixées  en  partie,  et,  en  partie,  peuvent  être  ouvertes 
en  glissant,  puis  être  reliées  entre  elles  aussi  bien 
qu'avec  les  axes  au  moyen  de  couplages.  Comme  ces 
axes  pouvaient  être  prolongés  à  volonté  et  que, 
par  conséquent,  les  languettes  qui  y  étaient  fixées 
pouvaient  être  mises  de  toutes  distances  à  portée 
des  doigts,  j'avais  obtenu  tous  les  moyens  pour  la 
construction  du  mécanisme  de  languettes.  » 

Cette  explication  ne  nous  parait  pas  extrêmement 
claire,  mais  la  difficulté  est  grande  de  donner  une 
définilion  exacte  et  intelligible  de  ce  système  terri- 
blement compliqué.  Nous  allons  tenter  de  le  faire 
par  l'exemple,  en  prenant  pour  base  de  notre  dé- 
monstration l'ensemble  des  clefs  actionnées  par  les 
trois  doigts  du  milieu  de  la  main  droite. 


Fis.  629. 

Une  lige  d'acier,  mobile,  d'une  seule  pièce,  est 
montée  sur  deux  piliers  rivés  à  45  degrés  environ 
sur  la  paroi  latérale  intérieure'  de  l'instrument. 

Sur  cette  tige,  viennent  s'adapter,  en  épousant  la 
forme,  plusieurs  tubes,  dont  la  réunion  a  l'appa- 
rence, quand  ils  sont  montés,  d'un  tube  unique.  A 
chacun  de  ces  tubes,  est  rattachée  une  clef  en  anneau 
destinée  à  couvrir  un  trou  de  note.  Elle  est  fixée  à 
la  tige  intérieure  par  une  petite  vis  qui  les  traverse 
tous  deux  de  part  en  part  et  qu'on  nomme  «  gou- 
pille ». 

Chacune  de  ces  clefs  est  munie  d'un  ressort  d'a- 
cier qui,  au  repos,  la  maintient  ouverte. 

Le  plateau  D  n'est  pas  destiné  à  être  actionné 
directement  par  un  doigt.  Indépendant,  comme  les 
autres,  il  n'est  jamais  fait  usage  de  cette  indépen- 
dance. Il  est  «  couplé  »  avec  chacun  des  trois  autres 
anneaux.  C'est-à-dire  que,  par  le  moyen  de  petites 
spatules  appelées  «  correspondances  »,  quand  un 
doigt  appuie  sur  le  plateau  A,  le  tube  correspondant 
de  A  auquel  est  fixée  cette  spatule  produit  par  le 
moyen  de  cette  dernière  une  pesée  sur  une  petite 
plate-forme  relice  par  une  goupille  à  la  tringle  mo- 
bile. Celle-ci,  s'abaissani,  entraine  avec  elle  le  pla- 
teau D. 

La  même  petite  plate-forme  est  sous  la  dépendance 
directe  du  plateau  B  et  agit  de  même  sur  la  tige, 
partant  sur  le  plateau  D. 

Enfin,  le  plateau  C,  par  un  autre  moyen  de  corres- 
pondance, agit  également  de  la  même  façon  sur  D. 

En  outre,  la  tige  mobile,  pouvant  être  prolongée 
indéfiniment,  se  prolonge,  en  etfet,  jusqu'à  l'autre 
extrémité  de  la  tlùle  et,  toujours  par  le  système  des 
correspondances,  agit  sur  le  plateau  plein  couvrant 
le  3*  trou  (en  partant  de  l'embouchure)  main  gauche. 


1.  L'expression  paroi  intérieure  doit  ùtre  prise  dans  le  sons  de  la 
position  de  la  flûte  entre  les  mains  du  flûtiste. 


1502 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICl  lOSNAlRE  DU  CONSERVATOIRE 


De  sorle,  qu'automatiquement,  les  ti'  et  8«  trous 
qui  se  trouvent  en  dehors  de  la  position  naturelle 
des  doigts,  se  trouvent  fermés  selon  les  nécessités 
par  un  doigt  inoccupé  à  ce  moment-là,  qui  ne 
couvre  pour  cela  qu'un  trou  placé  assez  loin,  et  dont 
l'occlusion  laisse  un  nomljre  de  trous  ouverts  assez 
grand  dans  l'intervalle  pour  n'avoir  aucune  influence 
sur  le  diapason  ou  la  sonorité. 

Ce  système  de  couplage  et  de  correspondance  se 
reproduit  sur  tout  le  mécanisme  de  la  flûte.  Nous 
avons  tenté  de  le  décrire  aussi  simplement  et  aussi 
clairement  que  possible,  tout  en  ne  nous  dissimulant 
pas  la  difficulté  de  la  tAche.  Une  démonstration 
CI  sur  pièces  »  serait  évidemment  plus  aisée.  Il  nous 
suffit  d'avoir  pu  démontrer  qu'il  était  possible,  tout 
en  gardant  à  chaque  clef  son  indépendance,  d'ac- 
tionner simultanément  deux  clefs,  pour  faire  com- 
prendre la  révolution  qu'apportait  ainsi  Bœhm  dans 
la  fabrication  des  instruments.  On  sait  que  ce  sys- 
tème de  touche  a  été  appliqué  avec  plus  ou  moins  de 
variantes  à  la  fabrication  de  tous  les  instruments 
de  bois  (hautbois,  clarinettes,  bassons,  etc.). 

En  possession  de  celte  invention,  Bœhm  imagine 
3  systèmes  de  mécanisme  complet,  absolument  dif- 
férents, qu'il  expérimente  et  desquels  il  tire  son 
invention  définitive. 

Nous  avons  dit  que,  pour  les  lii  ouvertures,  il  ne 
disposait  que  de  9  doigts.  Mais  il  se  débarrasse 
promptement  d'une  partie  de  ces  difficultés  en  lais- 
sant à  sa  flûte  les  trois  clefs  de  l'ancien  système 
pour  l'util,  i(«tt  graves  et  pour  le  reg.  Quant  aux 
clefs  fermées  pour  les  trilles  rc  et  réi,,  qui  s'action- 
nent toujours  par  la  main  droite  alors  que  celle-ci 
est  complètement  libre,  elles  ne  sont  pas  un  obstacle 
à  l'organisation  du  mécanisme.  Il  resie,  en  défini- 
tive, à  pourvoir  à  la  fermeture  de  10  ouvertures  en 
disposant  de  8  doigts. 

Bœhm  en  arrive  alors  au  choix  entre  les  deux  sys- 
tèmes de  clefs  ouvertes  ou  clefs  fermées.  11  adopte 
résolument  le  système  des  clefs  ouvertes. 

Il  en  donne  ainsi  la  raison  :  "  Je  ne  choisis  que 
des  clefs  ouvertes  parce  que  celles-ci  se  meuvent 
toujours  uniformément  avec  les  doigts,  et  que  des 
ressorts  faibles  suffisent  pour  les  soulever  prompte- 
ment, tandis  que  des  clefs  fermées,  pour  la  fermeture 
imperméable  à  l'air  de  grandes  ouvertures  de  son, 
exigent  des  ressorts  forts  et  font  des  mouvements 
opposés  aux  doigts.  » 

Nous  avons  dit  que  8  doigts  restaient  disponibles 
pour  la  fermeture  de  10  trous.  Placés  selon  la  posi- 
tion naturelle  des  mains,  ils  laissent  à  pourvoir  les 
trous  de  sol  et  si. 

«  Pour  cela,  dit  Bœhm,  il  fallait  deux  communi- 
cations de  clefs,  à  savoir  ;  le  couplage  de  la  clef  )»t,  fa 
et  fa  S  avec  l'axe  mobile  prolongé  de  la  clef  de  ml,  et 
les  couplages  de  la  clef  de  si  [>  et  de  la  clef  de  fa  J  avec 
la  clef  de  l'axe  si.  » 

Il  suffit,  en  effet,  d'appuyer  avec  le  doigt  du  sol  sur 
la  clef  du  dernier  trou  pour  fermer  par  le  moyen  d'un 
couplage  la  clef  du  trou  de  sol,  et  produire  ainsi  un 
fa  8,  et  de  fermer  la  clef  du  trou  de  fa  avec  le  doigt 
de  si  t]  pour  fermer  par  le  moyen  d'un  couplage  la 
clef  du  trou  de  siq  et  produire  ainsi  un  st'i.  Cepen- 
dant, par  le  moyen  de  leurs  ressorts,  ces  clefs  se 
relèvent  automatiquement  d'elles-mêmes  quand  on 
n'en  a  plus  besoin. 

Bœhm  tenait  beaucoup  à  son  système  de  clefs  ou- 
vertes, mais  il  eut  énormément  à  lultei'  pour  le  faire 
adopter,  et  la  plus  grande  opposition  se  lit  à  propos 


de  la  clef  de  sol  ;.  De  tous  temps,  les  flûtistes  avaient 
l'habitude  de  laisser  le  petit  doigt  de  la  main  gauche 
inemployée,  sauf  pour  la  fermeture  de  la  clef  fermée 
de  sol  if.  En  leur  demandant  de  se  servir  de  la  clef 
désola  ;i  rebours  de  ce  qu'ils  avaient  l'habitude  de 
faire,  il  trouva  une  résistance  tellement  forte  que 
l'inventeur  faillit  ne  rencontrer  aucune  adhésion 
chez  les  artistes.  Pour  la  faire  accepter,  Bœhm  dut 
donc  se  résigner  à  tolérer  une  modification  à  son 
système  de  touche,  mais  il  ne  l'accepta  qu'avec  les 
plus  grandes  protestations. 

On  remarquera  que  les  différences  de  doigté  entre 
la  flûte  à  8  clefs  et  la  flûte  de  Bœhm  sont  beaucoup 
moins  considérables  qu'on  ne  pourrait  le  croire.  Les 
ut,  lit  S, ré,  ré  », mi,  sol,  la,si{i"  octave)  ut  if,  ré, ré  a, 
mi,  sol,  la,  si  (2=  octave),  soil,  dans  le  système  inté- 
gral de  Bœhm,  quinze  notes  sur  les  trente-sept  de  la 
flûte,  s'obtiennent  par  le  doigté  de  l'ancienne  flûte, 
avec  la  simple  ditférencederinlerpositiondes  anneaux 
en  plateaux  entre  les  trous  et  les  doigts.  L'adaptation 
à  la  flûte  Bœhm  du  système  de  sot^  fermé  porte  ce 
nombre  à  16.  Or,  les  changements  sur  les  autres 
notes  sont  des  facilités.  Ceci  explique  l'étonnante 
rapidité  avec  laquelle  un  flûtiste,  ayant  fait  ses  pre- 
mières études  avec  une  flûte  de  l'ancien  système, 
s'adapte  au  doigté  de  la  nouvelle.  Dans  la  gamme 
d'ut  majeur,  les  doigts  se  lèvent  tour  à  tour  ration- 
nellement, de  l'ut  à  Si,  et,  du  ré"  à  si",  les  glisse- 
ments de  doigts  d'une  clef  à  une  autre  n'existent 
plus.  La  plupart  des  doigtés  de  la  3'  octave  n'offrent 
qu'une  très  légère  différence  avec  ceux  des  octaves 
inférieures.  Bref,  malgré  l'apparente  complication  de 
ce  système  de  tiges,  d'anneaux  et  de  clefs,  on  peut 
hardiment  affirmer  que  le  doigté  est  plus  simple  et, 
en  tout  cas,  plus  rationnel,  que  celui  de  l'ancienne 
flûte. 

Nous  donnons  ici  un  dessin  de  la 
flûte  de  Bœhm  tel  que  nous  le  trou- 
vons dans  l'ouvrage  de  Hockstro, 
d'après  un  modèle  de  1847. 

Nous  ne  croyons  pas  pouvoir  le 
présenter  comme  le  type  définitif 
de  l'instrument.  Plusieurs  modifi- 
cations y  ont  été  apportées,^  et  les 
flûtes  de  ce  modèle  ne  sont  plus 
d'usage  courant  aujourd'hui.  Avant 
d'arriver  à  la  description  du  mo- 
dèle courant,  mentionnons  une  in- 
vention extrêmement  importante 
due  au  flûtiste  Briccialdi  :  la  clef, 
appelée  depuis  clef  de  si  h,  permet- 
tant, par  un  système  de  correspon- 
dance ingénieux,  de  bémoliser  tous 
les  si  par  un  simple  déplacement 
du  pouce  de  la  main  gauche  sans 
changer  en  quoi  que  ce  soit  le  reste 
du  doigté.  Nous  trouverons  plus 
tard  ce  mécanisme  dans  notre  des- 
cription de  la  flûte  actuelle,  car  il  a 
été  universellement  adopté.  Ainsi, 
par  ce  système,  une  des  rares  »  four- 
ches »  du  doigté  de  la  flûte  Bœhm  a 
été  supprimée. 

Les  inventions  nouvelles  desti- 
nées à  améliorer  le  système  Bœhm, 
et  qui  ne  l'améliorent  pas  toujours, 
sont  nombreuses.  .Nous  en  citerons  Fiu.  030. 

peu. 

Remarquons  simplement  les  changements  appor- 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA    FLUTE    1503 


tés  ou  supportés  par  Bujhm  lui-môme  à  son  système. 
Les  anneaux  piiraitifs  entourant  la  cheminée  avaient 
fait  place  à  des  plateaux  pleins.  Louis  Lot,  sur  les 
^conseils  de  Doms,  perça  certains  de  ces  plateaux 
malgré  la  désapprobation  de  Bu:hm. 

Bœh.m,  qui  avait  eu  l'idée  de  percer  ses  trous  de 
doigts  selon  une  progression  mathématique,  avait  dû 
revenir  au  premier  système  de  trous  de  diamètres 
égaux.  On  verra  plus  loin  que  les  trous  de  l'instru- 
ment actuel  sont  divisés  en  4  séries  de  dilTérents 
diamètres,  s'élargissant  sur  l'extrémité  inférieure. 

Nous  arrivons,  du  reste,  à  la  description  de  cet 
instrument. 


LA   FLUTE  ACTUELLE 

Nous  désignons  ainsi  la  Iliite  de  système  Bœhm  en- 
seignée au  Conservatoire  de  Paris  au  moment  où  nous 
écrivons  cet  article  (1925),  el  en  usage  dans  tous  les 
orchestres  framais,  notamment  dans  les  théâtres 
subventionnés  el  dans  les  grands  orchestres  symplio- 
niques.  Si  certains  artistes  usent  d'un  instrument 
légèrement  moditié,  leur  nombre  est  si  infime  que 
nous  ne  pouvons  en  tenir  compte.  Nous  ferons  men- 
tion de  quelques-unes  de  ces  variantes  à  la  fin  de 
ce  chapitre.  On  trouvera  ici  un  dessin  représentant 
une  llùte.  C'est  la  reproduction  réduite  d'un  dessin 
qu'a  exécuté  pour  nous  M.  Lievrin,  ouvrier  de  la  mai- 
son L.Lot,  etlatlûleque  nous  décrivons  aujourd'hui 
est  un  inslrumenl  fabriqué  dans  cette  maison. 

Le  tube  mesure  76i)  mm.  de  longueur,  de  l'extré- 
mité inférieure  à  l'extrémité  extérieure  du  bouchon 
à  vis.  La  longueur  du  tube  sonore,  qu'on  mesure  du 
centre  de  l'embouchure  à  l'extrémité  inférieure,  est 
de  603  mm. 

Le  tube  se  divise  en  trois  parties  démontables  et  qui 
s'ajustent  au  moyen  de  «  tenons  ".  Il  est  en  argent, 
au  titre  900. 

La  «  tête  »,  ou  partie  supérieure  de  l'instrument, 
est  de  forme  parabolique.  A  l'embouchure,  son  dia- 
mètre est  de  17  mm. 

Près  de  la  jointure,  il  est  de  19  mm.  Le  trou  d'em- 
bouchure, qu'on  peut  modifier  dans  la  forme  et  dans 
les  proportions  sur  le  désir  des  artistes,  est  générale- 
ment de  forme  quasi  rectangulaire.  Nous  avons  vu 
d'autre  part  que  Bœhu  considérait  comme  les  meil- 
leures les  proportions  de  12  mm.  de  long  sur  10  mm. 
de  large  avec  une  hauteur  de  paroi  de  4  mm.  2. 

Sur  les  llûtes  de  bois  coniques,  dont  la  tête  est 
d'un  large  diamètre,  l'embouchure  est  percée  à  même 
le  tube.  Sur  les  fkUes  de  métal,  le  tube  ne  donnant 
pas,  à  cause  de  son  faible  diamètre,  une  assise  suf- 
fisante au  menton,  une  plaque,  exhaussée  sur  le  tube, 
reçoit  la  perce  du  trou  d'embouchure  qui  commu- 
nique avec  le  tube  par  un  conduit  appelé  cheminco. 

La  seconde  partie  s'appelle  le  «  corps  ».  Elle  est 
cylindrique,  d'un  diamètre  de  19  millimètres.  Elle  est 
percée  de  13  trous. 

Les  deux  premiers  sont  ouverts  sur  la  paroi  laté- 
rale intérieure  (du  côté  de  l'exécutant)  ;  leur  diamètre 
est  de  7  mm.  Ils  sont  couverts  par  des  clefs  fermées. 

Le  3'  trou  est  percé  sur  la  partie  supérieure.  Son 
diamètre  est  de  6  mm.  11  est  destiné  à  recevoir  une 
clef  ouverte,  mais,  comme  il  est  très  écarté  des  trous 
suivants,  le  doigt  actionne  cette  clef  par  un  plateau 
correspondant. 

Le  4«  trou,  de  7  mm.  de  diamètre,  est  placé  comme 
les  deux  premiers  sur  la  paroi  latérale  intérieure.  Les 


0',  6»,  7",  8=,  9«,  10«  H=,  et  12'  trous  sont  percés  à 
la  surface  supérieure.  Les  .ï«,  6%  et  7°  trous  ont  8  mm. 
de  diamètre  ;  les  9%  10°,  11»  et  12»,  9  millimètres. 

Le  8"  trou  est  en  «  duplicata  ».  L'un  est  percé  à  la 
surface  supéi'ieure,  l'autre  (pour  la  clef  de  solj}  fermée) 
sur  la  paroi  latérale  intérieure.  C'est  ce  dernier  dont 
la  perce  a  été  tant  critiquée  par  Bœhm. 

L'écartement  entre  ces  trous  dimiime  progressi- 
vement à  mesure  qu'on  s'éloigne  de  l'embouchure,  et 
l'on  voit  que,  presque  mathématiquement,  les  trous 
s'élargissent  en  s'éloignant. 

La  3»  partie  se  nomme  «  patte  ».  Elle  a  également 
19mm.  de  diamètre.  Elle  est  percée  de  3  trous  de  cha- 
cun 10 mm.  de  diamètre.  Le  l""-  estpercé  surla  paroi 
latérale  extérieure,  el  muni  d'une  clef  fermée.  Les 
deux  autres,  munis  de  clefs  ouvertes,  sont  percés  sur 
la  paroi  intérieure. 

Tout  ces  trous  sont  bordés  par  une  paroi  affectant 
la  forme  d'une  cheminée,  et  dénommés  ainsi,  d'ail- 
leurs. Ils  otfrent  donc  une  surface  plane  au  système 
de  plateaux  obturateurs  que  nous  avons  décrit  d'au- 
tre part. 

Pour  la  facile  compréhension  du  mécanisme  de  la 
llùte,  nous  avons  fait  exécuter  un  double  dessin  repré- 
sentant l'instrument  sur  deux  faces  et  montrant  ainsi 
tout  le  système  de  clefs.  Nous  avons  donné  à  chaque 
trou,  ou  clef  fermant  directement  un  trou,  une  lettre 
majuscule.  A  chaque  spatule  non  directement  ac- 
colée à  un  trou,  nous  avons  attaché  une  lettre  mi- 
nuscule. Nous  espérons  ainsi  rendre  l'explication 
aussi  claire  que  possible.  Il  est  toutefois  plus  aisé 
de  jouer  une  gamme  que  de  l'enseigner  par  ce 
moyen  !... 

N.  B.  —Nous  désignons  par  trous  ouverts  les  trous 
munis  d'une  clef  ou  d'un  plateau  qui  n'obturent  pas 
le  trou  au  repos,  et  par  trous  fermés  ceux  qui  sont 
obturés  au  repos  par  une  clef. 

A.  Trou  ouvert,  muni  d'un  plateau  plein.  Ce  plateau 
est  actionné  par  correspondance  par  la  spatule  a,  que 
manie  l'index  de  la  main  gauche. 

B.  Trou  ouvert  muni  d'un  plateau  plein  actionné 
par  la  spatule  b,  destinée  au  pouce  de  la  main  gauche. 

Le  pouce  peut  abandonner  b,  en  glissant  jusqu'à 
bb.  Alors,  tout  en  fermant  le  trou  B,  bb,  par  le  moyeu 
d'une,  correspondance,  ferme  aussi  le  trou  ouvert  C. 
Le  trou  B  peut  encore  être  obturé  par  le  moyen  de 
la  spatule  bbb,  qui  est  actionnée  par  la  seconde  pha- 
lange de  l'index  de  la  main  droite. 

Ce  trou  ouvert  G  est  muni  d'un  plateau  plein.  Il 
ne  reçoit  pas  le  contact  direct  d'uji  doigt,  et  est 
toujours  obturé  par  le  moyen  d'une  correspondance. 

D.  Trou  ouvert  munid'un  plateau  à  jour,  actionné 
par  le  majeur  de  la  main  gauche.  Si  C  n'est  pas  déjà 
fermé  par  bb,  ou  par  d'autres  correspondances  que 
nous  rencontrerons  plus  tard,  D  le  ferme  automati- 
quement. 

E.  Trou  ouvert  muni  d'un  plateau  à  jour  et  ac- 
tionné par  l'annulaire  de  la  main  gauche.  Il  ferme 
automatiquement  le  trou  ouvert  F  muni  d'un  pla- 
teau plein. 

FE.  Trou  fermé,  s'ouvre  parla  spatule  ff  que  manie 
l'annulaire  de  la   main  gauche. 

(i.  Trou  ouvert  muni  d'un  plateau  plein,  n'a  pas  de 
contact  direct  avec  le  doigt.  Il  est  fermé  automatique- 
ment par  le  plateau  à  jour  couvrant  le  trou  ouvert 
H  (index  de  la  main  droite). 

Ce  plateau  (de  H)  n'a  d'action  que  surH  et  G  quand 
les  trois  doigts  de  la  main  gauche  ferment  leurs  trous 
respectifs.  Mais  si  A  et  B  sont  seuls  fermés,  la  ferme- 


1504 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


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631. 


ture  de  H  produit  en 
même  temps,  par  le 
moyen  d'une  corres- 
pondance, la  fermeture 
deC. 

Même  action  produite 
par  la  spalule  ce  dans 
les  mêmes  conditions. 
I.  Trou  ouvert  muni 
d'un  plateau  à  jour.  Ce 
plateau  est  indépendant 
si  H  est  fermé.  Si  11  est 
ouvert,  I  ferme  auto- 
matiquement G.  I  est 
manié  par  le  majeur  de 
la  raaip  droite. 

J.  Trou  ouvert  muni 
d'un  plateau  à  jour.  Ce 
plateau  de  J  est  indé- 
pendant, si  H  est  fermé. 
Si  H  est  ouvert,  J  ferme 
automatiquement  G.  J 
est  manié  par  l'annu- 
laire, main  droite. 

K.  Trou  fermé  par 
une  clef  actionnée  par 
la  spalule  k. 

L.  Trou  ouvert  muni 
d'un  plateau  plein  ac- 
tionné par  la  spatule  1. 
M.  Trou  ouvert  muni 
d'un  plateau  plein  ac- 
tionné par  le  petit  rou- 
leau m. 

K,  L,  M,  sont  tous 
trois  actionnés  pas 
l'annulaire  de  la  main 
droite.  Les  spatules 
k,  1  et  m  sont  construi- 
tes de  telle  façon  que 
le  doigt  peut  glisser 
de  l'une  à  l'autre  sans 
s'accrocher  au  passage. 
0.  Trou  fermé  par  un 
plateau  plein  corres- 
pondant par  une  longue 
tige  avec  la  spatule  o, 
qu'actionne  l'annulaire 
de  la  main  droite. 

N.  Trou  fermé  par  un 
plateau  plein,  corespon- 
dant  par  la  même  tige 
avec  la  spatule  n,  qu'ac- 
tionne le  majeur  de  la 
main  droite. 

Toutes  ces  clefs,  spa- 
tules, correspondances 
ont,  dans  la  pratique, 
un  nom  qui  correspond 
généralement  à  une 
note  de  la  gamme.  C'est 
toujours  une  dénomi- 
nation fausse,  dont 
nous  n'avons  pas  voulu 
nous  servir  ici,  car,  par 
leur  double  emploi  de 
trous  de  note  ou  de 
trous  auxiliaires,  les 
ouvertures  de   la  flûte 


ne  sont  jamais  limitées  à  la  production  d'une  noie 
unique.  Pour  la  correspondance  musicale  du  ma- 
niement de  ce  mécanisme,  nous  renvoyons  le  lecteur 
à  la  tablature  de  la  flûte  Bœhm. 

DIFFÉRENTS   TYPES   USITÉS   AUJOURD'HUI 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  la  llûte 
lÎŒHM,  d'argent  ou  de  raaillechort,  que  nous  venons 
de  décrire,  est  en  usage  aujourd'hui  dans  tous  les 
orchestres  français  et  belges,  et  enseignée  dans  tous 
les  Conservatoires  et  Ecoles  de  musique  des  deux 
pays.  On  l'a  adoptée  également  dans  toutes  les  mu-' 
siques  régimentaires  françaises.  De  plus,  la  grande 
réputation  dont  jouissent  nos  flûtistes  à  l'étranger 
a  beaucoup  servi  à  la  l'aire  adopter  dans  d'autres  con- 
trées. Un  peu  partout  sur  la  surface  du  globe,  on 
trouve  des  musiciens  jouant  de  la  flûte  Bœhm  en 
métal. 

Chose  curieuse  :  le  pays  le  plus  rebelle  à  l'adop- 
tion de  ce  type  a  été  l'Allemagne,  patrie  de  Th. 
Hœhm.  Si  la  flûte  Iîœhm  est  jouée  mainlenant  dans  un 
grand  nombre  d'orchestres  allemands,  c'est  depuis 
relativement  fort  peu  de  temps.  Longtemps,  les  mu- 
siciens allemands  —  encouragés  d'ailleurs  dans  cette 
voie  par  des  chefs  d'orchestre  et  compositeurs  et 
non  des  moindres,  puisque  Wagner  était  du  nombre  — 
sont  restés  fidèles  à  l'ancien  système.  La  flûte  de 
métal  n'y  a  pas  encore  pénétré ,  sauf  rares  exceptions. 
Le  type  généralement  adopté  est  la  flûte  Bœhm 
clef  de  so/3  ouverte,  en  bois,  et  de  perce  conique.  L 
plupart  de  ces  flûtes  sont  munies  de  la  patte  de  si^ 
grave,  et  quelquefois  (plus  rarement)  de  la  patte 
de  si\i. 

On  trouve  encore,  dans  les  orchestres  secondaires  et 
dans  les  petites  villes,  des  flûtistes  jouant  sur  des 
instruments  d'anciens  systèmes.  Beaucoup  se  servent 
d'une  tête  d'ivoire,  et  ce  système  est  généralement 
celui  de  la  flûte  à  8  clefs,  avec  adjonction  de  clefs  de 
dill'érentes  sortes. 

Les  Russes,  les  Austro-Hongrois,  les  Suisses,  tous 
tributaires  de  l'Allemagne  en  ce  qui  concerne  la  mu- 
sique, jouent  généralement  les  flûles  en  usage  dans 
les  orchestres  allemands.  Nous  croyons  savoir  que 
la  flûte  Bœhm  a  été  jusqu'ici,  cependant,  peu  adoptée 
en  Russie. 

En  Angleterre,  le  système  Bœhm  domine.  Quelques 
artistes  d'origine  française  ou  belge  ont  essayé  d'y 
implanter  la  flûte  de  métal,  mais  il  n'y  ont  pas  réussi. 
Certains  chefs  d'orchestre,  tel  le  U"'  Richter  ',  exigent 
formellement  l'usage  de  la  flûte  en  bois,  seule  en 
honneur  dans  tous  les  grands  orchestres  symphoni- 
qnes  et  celui  de  Covent  Garden. 

Un  autre  système,  dénommé  «  système  Rud.\ll  »,  est 
également  usité  en  Angleterre.  11  a  été  inventé  par 
la  maison  Rudall  Carte  et  C'«,  la  première  qui  ait 
fabritpié  des  flûtes  du  système  Bœhm.  C'est  un  com- 
promis entre  l'ancien  el  le  nouveau  système,  que  cer- 
tains amateurs,  ayant  fait  leurs  premières  études  sur 
la  flûte  à  8  clefs,  adoptent  volontiers,  parce  qu'ils 
croient  trouver  moins  de  difflculté  au  changement  de 
doigté. 

S.  RocKSTRO  est  également  l'auteur  d'un  système 
de  flûte  qui  porte  son  nom  et  dont  il  existe  quel- 
ques exemplaires  en  Angleterre.  INous  le  mention- 
nons surtout  par  égard  pour  la  personnalité  de  l'in- 
venteur. 


1-  Chef  d'orchestre  jusqu'en  VH  'k  dos  Halle  Conecrls  de  Manchester. 


TECHNIQUE]  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  FLUTir  m>& 


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Copyright  by  Librairie  Velagrave,  t9SS. 


95 


1506 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Dans  les  grands  orchestres  américains,  il  n'existei 
pas  de  règle  absolue  pour  l'emploi  de  tel  ou  tel  sys- 
•tème.  Les  flûtistes,  presque  tous  d'origine  étrangère, 
jouent  l'instrument  de  leurpays  d'origine.  Or,  leschefs 
d'orchestre  faisant  de  plus  appel  aux  artistes  français 
pour  les  pupitres  de  petite  harmonie,  la  llùte  Bœhm 
en  métal  s'implante  de  plus  en  plus  là-bas. 

La  llûte  en  bois  est  très  usitée  en  Italie. 

De  l'ancienne  famille  des  flûtes  graves,  grâce  aux- 
quelles on  pouvait  exécuter  ces  fameux  <<  concerts  » 
dont  nous  parlons  d'autre  part,  il  ne  reste  pas  grand'- 
chose,  au  moins  dans  la  pratique  courante.  Mais  un 
instrument  a  pris  dans  l'orchestration  moderne  un 
rôle  important  :  nous  voulons  parler  de  la  petite 
flûte,  autrement  appelée  piccolo  ou,  en  italien,  otta- 

vino. 

La  petite  flûte,  comme  son  nom  l'indique,  est  une 

.réduction  de  la  grande,  mais  construite  sur  les  mêmes 

données,  avec  les  mêmes  proportions.  Elle  pourrait 

possédera  octaves  si  on  n'avait  pas  supprimé,  comme 

parfaitement  inutile,  la  patte  à'ut  et  d'»<3  grave. 

On  la  fait  généralement  en  bois,  de  préférence 
en  gienadille,  et  de  perce  conique.  La  longueur  du 
tube  de  l'extrémité  du  bouchon  à  l'extrémité  infé- 
rieure est  de  2-2  centimètres  (13  cent,  pour  la  tète  et 
19  cent,  pour  le  corps).  Le  diamètre  du  tube  varie 
entre  18  millimètres  au  bouchon,  20  au  renflement 
delà  tète,  18  à  lajointure  de  la  tète,  15  à  l'extrémité 
inférieure,  ceci  pour  le  diamètre  extérieur.  A  l'inté- 
rieur, le  diamètre  de  lajointure  est  de  8  millimètres 
et  de  5  1/2  environ  à  l'extrémité  inférieure. 

Le  diamètre  du  trou  de  l'embouchure  est  de  10  mil- 
limètres. Celui  des  trous  de  doigts  est  de  6  milli- 
mètres. 

Le  système  de  mécanisme  le  plus  courant  est  une 
combinaison  de  clefs  et  d'anneaux,  maison  fabrique 
aussi  des  petites  flûtes  à  plateaux  pleins  qui  donnent 
d'excellents  résultats. 

On  en  construit  également  de  maillechort  ou  d'ar- 
gent (rarement),  soit  à  anneaux,  soit  à  plateaux.  Un 
essai  a  été  tenté  d'une  combinaison  mixte  :  tèle  de 
métal  et  corps  de  bois.  Certains  artistes  s'en  décla- 
rent satisfaits,  mais  il  ne  paraît  pas  que  ce  système 
ait  donné  des  résultats  particuliers  et  se  soit  beaucoup 
généralisé. 

La  petite  flûte  donne  (comme  le  dit  son  nom  et 
celui  d'ottavino)  l'octave  supérieure  de  la  grande 
flûte.  Les  doigtés  sont  les  mêmes,  sauf  pour  une  seule 
note,  le  si",  dont  le  doigté  est  ainsi  modifié  :  la  clef 
de  trille  d'îi((i,  ré  t],  étant  actionnée,  au  lieu  de  la  clef 
de  trille  «(;  rej. 

La  première  octave  est  assez  faible  et  sourde,  et 
rares  sont  les  petites  tlûtes'assez  réussies  qui  donnent 
du  ré'  au  do'  une  sonorité  ronde  et  pénétrante.  La  se- 
conde octave  donne  de  meilleurs  résultats.  Dans  cer- 
tains passages  rapides,  la  petite  llûte  peut  remplacer 
la  grande  assez  avantageusement,  quand  les  difficul- 
tés de  mécanisme  rendent  insurmontables  à  cette 
dernière  certains  passages  redoutables  avec  le  doigté 
delà  3=  octave.  L'intervention  du  piccolo,  jouant  à  la 
2°  octave  avec  des  doigtés  plus  faciles,  devient  alors 
d'un  grand  secours. 

l^es  autres  variétés  de  flûtes  plus  ou  moins  en  usage 
à  l'heure  actuelle  sont  en  premier  lieu  : 

Le  piccolo  en  réK  en  usage  dans  les  musiques  mili- 
taires. S'il  est  accordé  un  demi-ton  plus  haut  que  la 
petite  flûte  d'orchestre,  c'est  parce  qu'il  rend  plus 
facile  l'exécution  de  la  partie  de  petite  flûte,  l'orches- 
tration militaire  élant  basée  sur  le  ton  de  si'j)  et  les. 


insti'uments  en  u<  jouant  toujours  dans  des  tons  moins 
courants. 

Viennent  ensuite  : 

La  flûte  en  wi|i,  dile  flûte  tierce,  puisqu'elle  est  ac- 
cordée une  tierce  mineure  plus  haut  que  la  flûte  type. 
Son  usage  est  des  plus  restreints.  On  peut  même  dire 
qu'elle  est  à  peu  prés  abandonnée. 

La  flûte  alto  en  siiJ  (également  d'un  usage  très 
rare). 

Enfin  la  flûte  basse  en  sol,  dont  on  a  vu  la  réap- 
parition dans  les  orchestres  depuis  quelques  années, 
et  qui  parait  vouloir  redevenir  d'un  usage  fréquent 
dans  certains  orchestres  symphoniques  (voir  le  cha- 
pitre de  cet  article  consacré  à  l'emploi  de  la  flûte 
dans  l'orchestre).  La  construction  de  ces  flûtes  a  sou- 
levé quelques  problèmes  quant  au  système  de  corres- 
pondances, car  l'écartement  des  trous  est  beaucoup 
plus  grand  que  sur  la  flûte  ordinaire.  Ces  difficultés 
ont  été  résolues.  Le  problème  de  la  sonorité  était  plus 
difficile  à  résoudre.  Jusqu'ici,  seule  l'octave  grave 
donne  un  résultat  satisfaisant.  Nous  ne  nous  attarde- 
rons pas  davantage  à  la  description  d'un  instrument 
qui  est  encore  d'un  usage  exceptionnel,  bien  qu'il 
faille  s'attendre,  comme  nous  le  disons  plus  haut,  à  le 
voir  réapparaître  de  plus  en  plus  dans  l'orchestration 
moderne. 


LES  DÉFAUTS  DE  LA  FLUTE  ACTUELLE 

La  flûte,  telle  que  nous  venons  de  la  décrire,  est  un 
instrument  perfectionné.  Ce  n'est  pas  un  instrument 
parfait;  mais  nous  croyons  qu'elle  approche  aussi 
près  que  possible  de  la  perfection,  et,  ainsi  que  le 
faisait  remarquer  fort  justement  Constant  Pierre 
dans  ses  Notes  d'an  musicien  sitr  les  instruments  à 
souffle  humain  (Rapport  publié  après  l'Exposition  uni- 
verselle de  1889)  :  ><  Depuis  la  découverte  de  Bœhm,  il 
n'y  a  plus  à  toucher  au  principe  de  construction  de 
la  flûte.  » 

On  y  a  malheureusement  touché,  et  le  plus  grave 
inconvénient  de  la  flûte  actuelle,  l'incertitude  du 
mib"'  (manque  de  clarté  de  certaines  notes  de  la  3° 
octave  etc.)  vient  certainement  de  la  modification  ap- 
portée au  système  Bœhu  par  le  retour  à  la  clef  de  sol:: 
fermée.  Il  ne  faut  pas  espérer  un  retour  à  la  clef  de 
solii  ouverte,  car  les  raisons  qui  y  avaient  fait  renon- 
cer en  1838  subsistent  aujourd'hui. 

Mais,  même  pourvue  de  ce  système  Bœhm  intégral, 
la  flûte  sera  cependant  un  instrument  faux.  Nous 
avons  dit  pourquoi  précédemment  :  l'étendue  de  trois 
octaves  ne  permet  pas  de  percer  les  trous  et  même 
le  tube  d'une  façon  rigoureusement  mathématique, 
et  la  flûte  devient  un  instrument  <i  à  tempérament  >-, 
comme  le  piano.  Nous  verrous  plus  tard  que,  plus 
heureux  que  le  pianiste,  le  flûtiste  peut  modifier  par 
une  bonne  insufflation  l'intonation  de  chaque  note, 
et  qu'il  peut  ainsi,  selon  la  gamme  qu'il  exécute, 
corriger  à  l'aide  des  lèvres  ce  que  l'instrument  pré- 
sente de  défectueux.  Et  si  l'on  a  pu  dire  avec  raison 
qu'il  n'y  avait  pas  de  flûte  juste,  on  peut  dire  éga- 
lement qu'un  bon  flûtiste  n'a  pas  le  droit  de  jouer 
faux. 

En  ce  qui  concerne  la  3' octave,  diverses  tentatives, 
dont  celle  de  Dorus,  ont  été  faites.  Nous  ne  saurions 
passer  non  plus  sous  silence  les  nombreuses  et  lon- 
gues recherches  du  facteur  français  Dj.\lma  Julliot 
pour  l'amélioration  générale  de  l'instrument.  Si  nous 
ne  pouvons  le  suivre  dans  toutes  ses  innovations,  qui, 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA   FLUTE    iôOI 


si  on  les  appliquait  toutes  à  la  fois,  alourdiraient  et 
«ompliqueraient  singulièrement  la  flûte,  on  doit  lui 
rendre  justice  pour  la  faoon  ingénieuse  avec  laquelle 
il  a  résolu  le  problème  de  la  clef  de  sot*:,  fermée  ne 
compromettant  pas  l'émission  de  la  3=  octave.  Grâce 
au  dispositif  qu'il  a  inventé,  le  plateau  de  l'annulaire 
■de  la  main  droite  peut  fermer  le  plateau  de  sois,  tout 
en  laissant  ouvert  celui  de  la.  11  en  revient  ainsi  au 
système  préconisé  par  Bœhm  et  améliore,  en  même 
temps  que  le  »(!^,  les  mi'  et  mi-,  bas  et  cotonneux  sur 
la  flûte  actuelle. 

Les  autres  défauts  de  la  flûte  sont  de  ceux  qu'on  ne 
peut  éviter.  Malgré  tout  le  soin  apporté  au  choix  de 
'  la.  matière  première  et  k  la  mise  au  point  du  méca- 
nisme, l'ensemble  de  clefs,  tampons,  ressorts,  corres- 
pondances, reste  assez  fragile  pour  que  le  seul  choc 
des  doigts  provoque  de  temps  en  temps  des  dérange- 
ments inévitables.  Le  système  des  correspondances 
est  particulièrement  délicat,  et  un  plateau  qui,  ac- 
tionné directement,  ferme  le  trou  hermétiquement, 
peut  très  bien  ne  pas  le  fermer  aussi  bien  sous  l'action 
•d'une  clef  correspondante  éloignée. 

De  même,  les  tampons,  fabriqués  d'une  matière  fra- 
gile et  molle,  subissent  tous  rapidement  l'usure,  sont 
sensibles  aux  variations  de  température,  et  laissent 
trop  souvent  un  interstice  se  produire,  au  grand  dom- 
mage de  la  pureté  du  son.  On  n'a  jusqu'ici  trouvé  au- 
cun remède  à  cela;  mais  on  peut,  jusqu'à  un  certain 
point,  prévenir  les  accidents  de  ce  genre  en  traitant 
son  instrument  avec  soin  et  précaution.  Il  est  bon 
qu'un  flûtiste  ne  soit  pas  absolument  ignorant  de  la 
structure  de  son  instrument,  et  qu'il  puisse,  à  la  ri- 
gueur, s'il  se  trouve  en  voyage,  y  efTectuer  quelques 
menues  réparations. 

Enfin,  nous  ne  saurions  passer  sous  silence  le  grand 
tort  causé  à  la  musique  par  la  hausse  persistante  du 
diapason.  Les  grands  orchestres  parisiens  soulfrent 
maintenant  d'un  mal  qu'ils  ont  créé  ou  laissé 
inconsidérément  se  répandre,  et  l'on  ne  sait  où  s'ar- 
rêtera cette  absurde  pratique.  Pour  les  inslrumenls 
à  vent  en  général  et  la  tlùte  en  particulier,  la  hausse 
inconsidérée  du  diapason  a  des  résultats  désastreux. 
A  l'heure  actuelle  (1925),  il  est  à  peu  près  impossible 
à  un  tlûliste  de  s'accorder  avec  les  autres  instruments 
de  l'orchestre,  s'il  persiste  à  se  servir  de  son  instru- 
ment tel  qu'il  lui  a  été  livré  par  le  fabricant.  Peu  à 
peu,  les  flûtistes  parisiens  ont  été  amenés  à  dimi- 
nuer la  longueur  du  tenon  qui  relie  la  tète  au  corps 
de  la  flûte. 

Si  le  la  initial  est  juste,  les  proportions  de  la  llûte 
ayant  été  bouleversées  par  ce  changement,  les  autres 
notes,  principalement  celles  de  la  3'  octave,  sont 
moins  justes  et  moins  pures.  Un  flûtiste  exercé  et  ha- 
bile arrive,  actuellement,  par  le  secours  des  lèvres,  à 
ramener  quelque  justesse  dans  son  exécution,  mais  | 


il  ne  peut  rendre  à  certaines  notes  leur  pureté  pre- 
mière. Le  fait^  et  le  sis  '  soufl'rent  particulièrement 
de  cet  état  de  choses. 


EMPLOI   DE   LA   FLUTE 

Le  rôle  de  la  flûte  est  double.  A  l'orchestre,  son 
importance  est  capitale,  parce  que  son  timbre  ne  se 
confond  avec  aucun  autre.  C'est  aussi  un  instrument 
soliste.  A  ceu.x  qui  voudraient  le  confiner  uniquement 
dans  son  rôle  d'instrument  d'orchestre,  nous  répon- 
dons par  la  longue  liste  de  chefs-d'œuvre  écrits 
pour  la  flûte  solo  ou  pour  la  flûte  instrument  de  mu- 
sique de  chambre.  Nous  examinerons  tour  à  tour 
l'emploi  de  notre  instrument  dans  l'une  et  l'autre 
catégorie. 

Mais,  avant  cela,  nous  devons  noter  quelques  ren- 
seignements sur  l'emploi  de  la  flûte  à  une  époque  où 
il  est  bien  difficile  de  distinguer  ce  qui  sépare  la 
musique  de  chambre  de  la  musique  d'orchestre. 

Le  plus  ancien  témoignage  que  nous  avons  pu 
trouver  de  l'emploi  des  flûtes  est  celui  de  Carloix, 
secrétaire  du  maréchal  de  Vieilleville,  qui,  rendant 
compte  de  l'arrivée  à  Metz,  en  1554,  de  madame  de 
Vieilleville  et  de  sa  fille,  madame  d'Espinay,  raconte 
en  ces  termes  ce  qu'il  a  entendu  à  un  concert  donné 
en  leur  honneur  : 

«  Avec  cinq  dessus  et  une  basse-contre  il  y  avoit 
une  espinette,  ung  joueur  de  luth,  dessus  de  viole,  et 
une  lleute-traverse,  que  l'on  appelle  à  grand  tort 
fleuste  d'Allemand,  car  les  François  s'en  aydent 
mieux  et  plus  musicalement  que  toute  autre  nation, 
et  jamais  en  Allemagne  n'en  fust  jouée  à  quatre  par- 
ties, comme  il  se  fait  ordinairement  en  France.  » 

Sans  nous  arrêter  à  d'autres  considérations,  nous 
pouvons  conclure  de  ce  qui  précède  que,  déjà,  il 
existait  à  cette  époque  et,  vraisemblablement,  de- 
puis un  certain  temps,  cette  forme  musicale  des 
concerts  de  flûtes,  dont  l'usage  se  conservera  très 
longtemps  encore.  Si,  comme  il  est  permis  de  le 
supposer,  le  rôle  des  instruments  au  xvi"  siècle  était 
principalement  de  soutenir  et  de  doubler  les  voix,  il 
était  tout  naturel  qu'on  pensât  à  fabriquer  des  famil- 
les d'instruments  correspondant  à  la  division  des 
voix. 

De  là  à  employer  celte  même  famille  d'instru- 
ments pour  des  intermèdes  instrumentaux,  il  n'y 
avait  qu'un  pas.  On  signale  un  intermède  de  ce 
genre  dans  \e  Ballet  comique  de  ta  Reijne  en  i:i82;  le 
P.  Meusenne,  dans  l'Harinonie  universelle  (1636),  cite 
deux  exemples  de  cette  combinaison  :  un  concert  à 
4  parties  pour  les  llûtes  à  bec,  et  un  air  de  cour  à 
4  parties,  probablement  pour  llûte  Iraversière  : 


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lEtx: 


Nous  arrivons  maintenant  à  une  époque  qui  nous 
est  mieux  connue,  et  nous  allons  pouvoir  fixer  ici  la 
division  de  ce  chapitre  de  notre  article  en  deux  par- 


ties, dont  la  première  sera  consacrée  à  la  Flûte  ins- 
trument d'orchestre. 
Si  vagues  que  soient  les  indications  des  composi- 


1508 


ENCrCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


teurs  pour  la  distribution  des  instruments  dans  la 
partition,  nous  avons  pu  démêler  à  peu  [près  le  rôle 
que  jouaient  les  tlùtes  dans  l'orchestre  du  xvii' siè- 
cle. En  général,  la  llùte,  ou  plutôt  les  tlùtes  ne  sont 
employées  à  l'orchestre  que  pour  renforcer  les  cordes 
(comme  les  autres  instruments  à  vent,  du  reste). 

Si  le  compositeur  désire  cependant  produire  quel- 
ques contrastes  par  l'emploi  de  divers  instruments  à 
vent,  il  les  classe  en  deux  catégories,  et  les  fait  alterner 
par  paquets.  Les  flûtes,  alliées  aux  instruments  de 
timbre  doux,  répondent  aux  instruments  plus  écla- 
tants. Elles  gardent  dans  tout  ceci  un  certain  ano- 
nymat. Les  parties  du  Persée  de  Lully  (1682)  nous 
donnent  un  excellent  exemple  de  la  manière  de  pro- 
céder du  compositeur.  Les  parties  de  tlûte  et  de  haut- 
bois sont  sur  la  même  ligne.  Quand  il  n'y  a  pas  d'in- 
dication, tous  jouent  (sauf  dans  les  endroits  où  on  se 
partage  en  grand  el  en  petit  chœur).  Lorsqu'une  seule 
catégorie  d'instruments  doit  jouer,  c'est  indiqué 
Flûtes  ou  Hautbois,  et  après  vient  l'indication  Tous. 

Peu  importe,  en  ces  conditions,  le  nombre  d'exé- 
cutants pour  chaque  instrument.  Puisqu'il  ne  s'agit 
pas  de  donner  à  l'orchestration  une  grande  variété 
de  couleur  par  l'emploi  calculé  d'instrument  à  tim- 
bre particulier,  personnel,  on  utilise  les  musiciens 


TAILLE  OU  FLUTE 
D  ALLEMAGNE  S 
QUINTE  DE  FLUTE 


qu'on  a  sous  la  main,  et  c'est  ainsi  que,  lors  de  la  mise 
en  scène,  au  Théâtre  de  la  Cour,  en  1060,  du  Serse 
de  Cavalli,  nous  trouvons  à  l'orchestre  neuf  flûtes, 
contre  6  téorbes  et  30  violons. 

Mais  la  flûte  prend  bientôt  une  plus  grande  im- 
portance par  le  relour  aux  concerts  de  flûte,  dont 
nous  parlions  au  début  de  ce  chapitre.  Ce  retour  à 
une  forme  musicale  tout  à  fait  oubliée,  prend  toute 
l'importance  d'une  nouveauté,  et  la  première  audi- 
tion de  concerts  de  ce  genre  soulève  une  surprise  et 
un  enthousiasme  unanimes. 

Saint-Kvremond  en  signale  un  qu'il  dit  avoir  en- 
tendu à  la  représentation  de  la  Pastorale  d'Issy  de 
Cambert,  en  16S9,  et  il  déclare  que  c'est  le  premier 
qui  ait  été  exécuté  depuis  les  Grecs  et  les  Romains.. 
Nous  avons  démontré  plus  haut  qu'il  fait  erreur. 
Quoi  qu'il  en  soit,  ce  concert  de  flûtes  paraît  produire 
grande  impression,  car  Li'lly  en  fait  entendre  un 
dans  son  Ballet  du  Triomphe  de  l'Amour,  représenté 
en  1681.  Le  prélude  de  V Amour,  dont  nous  donnons 
ici  un  fragment,  est  écrit  à  4  parties  pour  taille, 
quinte,  petite  basse  et  grande  basse  de  llûte.  Cette 
dernière  partie,  chiffrée,  sert  de  basse  continue  et 
parait  devoir  être  doublée  : 


PETITE  BASSEDEïIluTE 


CRATVDE.  B.s.SSE 
DE  FLUTE 


BASSE   CONTINUE 


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A  partir  de  ce  moment,  les  flûtes  prennent  une 
réelle  importance  dans  l'orchestre,  et,  dans  nombre  de 
partitions,  on  trouve  des  passages  où  elles  sont  tout 
à  fait  en  dehors.  Au  3«  acte  de  l'Opéra  Atijs,  le  Pré- 
lude pour  le  Sommeil  contient  un  dialogue  entre  les 
violons  el  deux  flûtes  à  découvert.  Au  4=  acte  de  ce 
même  opéra,  3  flùles,  à  découvert  également,  accom- 
pagnent un  choeur  de  fleuves. 

C'est  l'époque  de  la  lutte  entre  la  flûte  à  bec  et  la 
flûte  traversière.  Ces  deux  instruments  sont  employés 
simultanément.  On  essaye  de  démêler  leurs  qualités 
respectives  et  on  les  utilise  du  mieux  qu'on  peut.  La 
flûte  à  bec  est,  par  excellence,  l'instrument  doux  et 
pastoral.  On  reconnaît  à  la  flûte  traversière  plus  de 
puissance,  plus  d'expression  et  de  variété,  el  on  lui 
confie  les  passages  de  pathétique  tendre  qui  feront 
plus  tard  sa  fortune,  car  elle  y  excelle. 

La  coexistence  des  deux  instruments  nous  est 
donnée  par  l'examen  de  la  partition  à'Akxione,  de 
Marais  (1703),  et  nous  jugeons  nettement  les  dilïé- 
rences  dans  la  façon  de  traiter  les  deux  instruments. 
Les  passages  confiés  à  la  llùte  allemande  sont  assez 
en  dehors,  expressifs  et  doux.  Ceux  laissés  à  la  flûte 
{il  faut  lire,  évidemment,  ilûte  à  bec]  sont  également 


dans  la  douceur,  mais  dans  la  douceur  seulement. 
C'est  que  la  flûte  traversière  dispose  d'une  échelle 
de  nuances  et  d'une  variété  de  timbres  inconnus  à  sa 
devancière,  et  qu'elle  seule  peut  agrandir  le  domaiae- 
de  l'instrument. 

Aussi,  voyons-nous,  de  plus  en  plus,  la  flûte  traver- 
sière faire  figure  de  soliste  à  l'orchestre.  Dans  l'opéra 
de  Lully  Isis,  la  Plainte  de  Pan,  au  3<^  acte,  est  sou- 
tenue par  la  flûte,  dont  les  accents  prennent  alors 
un  caractère  réellement  pathétique.  Campra,  dans  le- 
trio  italien  de  son  Carnaval  de  Venise  (1699),  emploie- 
deux  flûtes  et  la  basse  : 


Flûtes 


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Nous  pourrions  multiplier  les  exemples  de  cet 
emploi  des  flûtes  «  à  découvert  »,  mais  nous  n'en» 
trouverions  pas  de  plus  remarquables. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA   FLUTE    1509 


'  Il  est  extrêmement  rare  que  la  flûte  joue  plus  liant 
que  la  ou  si;  le  plus  souvent,  on  l'emploie  dans  l'oc- 
tave grave  et  la  première  moitié  de  la  seconde  oc- 
tave. Citons  encore  Ll'lly  dans  la  marche  religieuse 
•à'Alceste,  où  le  timbre  de  la  tlilte  doublant  les  violons 
dans  la  première  octave  produit  un  effet  saisissant. 

Mais  c'est  au  xviii"  siècle  que  la  tlùle  brillera  de 
«on  plus  vif  éclat;  nous  trouverons,  même  dans  la 
musique  d'orchestre,  des  papes  restées  justement  cé- 
lèbres où  la  flûte  joue  un  rôle  prépondérant.  D'émi- 
■nents  virtuoses  tels  que  Buffardin,  Blavet,  Taillard, 
«n  France,  (Jl  antz  en  Allemagne,  ne  dédaignent  pas 
de  jouer  à  l'orchestre,  et  les  compositeurs  ne  man- 
quent pas  d'utiliser  leur  présence.  Jusque-là,  nous 
n'avions  que  de  courts  passages  où  les  flûtes  se  met- 
taient timidement  m  dehors,  et  les  compositeurs  leur 
confiaient  toujours  les  mêmes  effets  de  douceur 
plaintive  ou  de  grâce  pastorale.  Au  xviu"  siècle,  on 
commence  à  utiliser  à  l'orchestre  les  qualités  bril- 
lantes de  la  Uùte.  On  s'aperçoit  que  les  bons  flû- 
tistes, plus  que  n'importe  lesquels  des  membres  de 
l'orchestre,  triomphent  aisément  des  difficultés  tech- 
niques. Les  gammes,  les  arpèges,  les  trilles,  qu'ils 
exécutent  avec  une  grande  rapidité  et  sans  effort 
apparent,  appellent  la  comparaison  avec  le  ramage 
•des  oiseaux.  La  flûte  devient  le  Rossignol  de  l'or- 
chestre et  si,  comme  le  déclare  Ancelet  dans  ce  pas- 
sage de  ses  Observations  sur  la  musique,  elle  «  n'em- 
brasse pas  tous  les  genres  et  les  caractères  de 
musique,  tels  que  sont  les  airs  de  Démons,  de  Furies, 
■de  Guerriers,  de  Tempêtes  de  J/(i<e/o(s  »...,  elle  ne  peut 
trouver  un  meilleur  emploi  que  celui  de  Rossignol, 
principalement  quand  son  ramage  doit  répondre  aux 
■roulades  de  la  chanteuse. 

Haendel  écrit  ainsi  une  page  qu'on  peut  considérer 
comme  le  modèle  du  genre.  Tout  le  monde  connaît 
l'air  célèbre  de  VAlleijroe  Pensieroso,  que  tous  les  so- 
prani  légers  ont  popularisé  dans  toutes  les  langues. 
Il  convient  de  dire,  tout  de  suite,  que  cette  page,  et 
surtout  dans  la  partie  qui  nous  intéresse,  ne  compte 
pas  au  nombre  des  inspirations  les  plus  élevées  du 
maître.  11  est  permis,  sans  irrespect,  de  trouver  un 
peu  fastidieuse  cette  suite  de  traits  qui  pourraient 
■être  plutôt  un  exercice  de  chant  qu'un  air  de  con- 
cert. Mais  la  partie  de  flûte  y  est  traitée  de  main 
■de  maître. 

Dans  Hippolyte  et  Aricie  (V^  acte),  Rameau  intro- 
duit un  air  de  Rossignol  (supprimé  on  ne  sait  pour- 
quoi à  la  dernière  reprise  à  l'Opéra)  qui  est  bien  une 
■de  ses  plus  cliarmantes  inspirations.  Là  aussi,  la  voix 
«t  la  flûte  dialoguent,  mais,  heureusement,  sans  l'en- 
combrant étalage  de  virtuosité  de  l'œuvre  de  Haendel.  | 


Ces  deux  airs  ont  suscité  de  nombreuses  imitations, 
■sur  lesquelles  nous  aurons  à  revenir  plus  tard.  On 
doit  savoir  gré  à  Rameau  d'avoir  su  résister  à  la  ten- 
tation de  faire  un  air  brillant,  et  d'avoir,  tout  en 
produisant  le  maximum  d'effet,  gardé  le  sens  de  la 
déclamation  juste. 

Mais  c'est  dans  Gluck  que  nous  trouverons  les  plus 
frappants  exemples  de  l'emploi  judicieux  de  la  flûte. 

Gluck  demande  à  la  flûte  tout  ce  qu'elle  peut  don- 
ner de  force  expressive  et  de  pathétique.  Il  sait 
cependant  que  cette  force  a  des  limites,  et  s'il  lui 
demande  d'exprimer  une  plainte,  il  se  souvient  fort 
à  propos  que  la  flûte  est  seulement  l'instrument  des 
tendres  plaintes.  A  cet  égard,  nulle  page  de  musique 
de  flûte  ne  convient  mieux  au  caractère  de  l'instru- 
ment que  l'admirable  scène  des  Champs-Elysées,  au 
'i"  acte  d'Orphée.  Berlioz,  qui  cite  cette  page  en  entier 
dans  son  Traité  d'Orchestration,  s'exprime  en  ces  ter- 
mes :  «  En  entendant  l'air  pantomime  en  ré  mineur 
qu'il  a  placé  dans  la  scène  des  Champs-Elysées 
d'Orphie,  on  voit  tout  de  suite  qu'une  flûte  devait 
seule  en  faire  entendre  le  chant.  Un  hautbois  eût  été 
trop  enfantin  et  sa  voix  n'eût  pas  semblé  assez  pure, 
le  cor  anglais  est  trop  grave;  une  clarinette  aurait 
mieux  convenu  sans  doute,  mais  certains  sons 
eussent  été  trop  forts,  et  aucune  des  notes  les  plus 
douces  n'eût  pu  se  réduire  à  la  sonorité  faible, 
effacée,  voilée,  du  fa  naturel  du  médium  et  du  premier 
si  il  au-dessus  des  lignes,  qui  donnent  tant  de  tris- 
tesse à  la  flûte  dans  ce  ton  de  ré  mineur  où  ils  se 
présentent  fréquemment.  Enfin,  ni  le  violon,  ni  l'alto, 
ni  le  violoncelle,  traités  en  solo  ou  en  masses,  ne 
convenaient  à  ce  gémissement  mille  fois  sublime 
d'une  ombre  souffrante  et  désespérée;  il  fallait  préci- 
sément l'instrument  choisi  par  l'auteur.  Et  la  mélo- 
die de  Gluck  est  conçue  de  telle  sorte  que  la  flûte  se 
prête  à  tous  les  mouvements  inquiets  de  cette  douleur 
éternelle,  encore  empreinte  de  l'accent  des  passions 
de  la  terrestre  vie.  C'est  d'abord  une  voix  à  peine 
perceptible  qui  semble  craindre  d'être  entendue, 
puis  elle  gémit  doucement,  s'élève  à  l'accent  du 
reproche,  à  celui  de  la  douleur  profonde,  au  cri  d'un 
cœur  déchiré  d'incurables  blessures,  et  retombe  peu 
à  peu  à  la  plainte,  au  gémissement,  au  murmure 
chagrin  d'une  âme  résignée...  Quel  poète!...  » 

C'est  encore  Gluck  qui  nous  donne  un  des  meilleurs 
exemples  d'une  combinaison  de  flûte  dialoguant 
avec  la  voix,  exemple  d'autant  plus  frappant  que 
c'est  à  une  voix  de  ténor  que  s'allie  l'instrument 
qu'on  a  coutume  d'entendre  rivaliser  d'agilité  avec 
le  soprano.  iNous  voulons  parler  de  ce  délicieux  air 
du  sommeil  de  Renaud,  au  2«  acte  d'Armidc  : 


etc. 


«  Dans  la  scène  au  borddu  lleuve  enchanté,  la  déli- 
cieuse ritournelle  de  flûte  colorée  par  le  timbre  frais 
du  registre  moyen,  exprime  la  langueur  voluptueuse 
dont  l'àrae  du  héros  est  envahie,  au  milieu  des 
séductions  que  l'art  de  la  magicienne  a  semées  sous 
ses  pas  :  la  beauté  du  paysage,  le  parfum  des  fleurs, 
le  ramage  des  oiseaux,  l'ombrage  épais,  l'herbe 
molle.  »  (Gevaert,  Traité  d'Instrumentation.) 


Enfin,  Gluck  nous  montre  qu'il  sait  aussi  utiliser 
les  qualités  gracieuses  et  enjouées  de  la  flûte,  et 
dans  le  même  ouvrage,  Armide,  nous  trouvons  au 
ballet  du  o'  acte  cette  délicieuse  sicilienne  accom- 
pagnée par  de  légers  accords  au  quatuor,  et  qu'une 
note  de  l'auteur  recommande  déjouer  avec  beaucoup 
d'expression  : 


y%^^^^^ 


1510 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


On  remarquera  que  les  compositeurs  profitent  au 
fur  et  à  mesure,  dès  qu'ils  se  présentent,  des  perfec- 
tionnements apportés  à  l'instrument,  notamment  en 
ce  qui  concerne  la  tessiture.  Les  parties  de  flûte  de 
LuLLY  et  de  ses  contemporains  n'allaient  jamais  au 
delà  de  la  deuxième  octave.  Dans  la  scène  des 
Champs-El3sées,  en  plein  solo,  nous  trouvons  un  fa^. 
Mais  le  cas  n'est  pas  fréquent. 

Nous  n'avons  eu  à  nous  occuper  ici  que  de  l'orches- 
tre d'opéra.  Une  autre  forme  de  musique  surgit,  qui 
nous  retiendra  fortement,  la  symphonie,  où  la  flOite 
trouve  encore  à  s'employer  au  premier  rang.  Nous 
choisirons  nos  exemples  seulement  chez  les  grands 
maîtres,  pour  ne  pas  alourdir  notre  travail,  et  nous 
commencerons  par  Haydix,  Mozart  et  Beethoven. 

Dès  celte  époque,  l'orchestration  prend  une  place 
importante,  presque  prépondérante,  dans  la  science 

A  Adagio 


du  compositeur.  Celui-ci  dispose  d'un  plus  grand 
nombre  d'instruments.  Il  cherche  des  efTels  nouveaux 
imprévus  et  variés.  Il  ne  laisse  plus  rien  au  hasard 
et  multiplie  les  combinaisons.  On  ne  trouve  donc 
plus  que  très  rarement  des  soH  de  longue  haleine 
dans  la  musique  d'orchestre,  mais,  en  revanche,  les 
instruments  à  vent  ne  sont  plus  que  très  rarement 
employés  comme  doublures  des  cordes,  et  si  leur 
rôle  change,  il  n'en  est  pas  moins  intéressant,  au 
contraire. 

Mozart,  dans  ses  symphonies,  emploie  le  plus  sou- 
vent une  seule  llûte.  Dans  ses  opéras,  au  contraire, 
il  écrit  généralement  pour  deux.  Il  maintient  presque 
toujours  la  flùle  dans  le  registre  moyen.  Il  n'y  a  rien 
de  bien  saillant  ;i  citer  de  lui  dans  ses  symphonies, 
mais  il  fait  de  la  flûte  un  emploi  extrêmement  sai- 
sissant dans  le  finale  du  2°  acte  de  La  Flûte  enchantée  : 


wT^Vi:^ 


T^tirrh 


Nous  le  retrouverons  dans  la  seconde  partie  de  ce 
chapitre,  pourl'importante  contribution  qu'il  a  fournie 
à  la  littérature  de  llûte  soliste. 

Haydn  emploie,  lui  aussi,  le  plus  souvent  une  seule 
flûte  dans  ses  symphonies  et,  comme  Mozart,  il  là 


cantonne  généralement  dans  le  registre  moyen. 
Nombreux  sont  les  passages  où  il  la  laisse  «  en 
dehors  ».  Il  lui  conlie  des  traits  rapides,  doublant 
le  quatuor,  comme  dans  la  Symplionie  en  sol  : 


de  délicates  broderies,  comme  dans  la  Symphonie  à  la  Reine 


ou  encore  un  véritale  solo,  comme  cet  adagio  de  la  symphonie  très  peu  connue  (en  ré)  qui  porte  le  n»  24  : 


Là,  la  flûte  a  tout  à  fait  le  rôle  d'un  instrument  con- 
certiste. Elle  garde  la  mélodie  (fort  belle)  du  coni- 
mencemenl  à  la  fin,  et,  même,  un  point  d'orgue, 
placé  quelques  mesures  avant  la  fin,  exige  absolu- 
ment une  cadence. 

Nous  retrouverons  également  Haydn,  comme 
Beethoven,  d'ailleurs,  dans  la  seconde  partie  de  ce 
chapitre. 

Beethoven,  dans  ses  symphonies,  écrit  générale- 
ment deux  parties  de  fiûtes.  Il  ajoute  même  un 
piccolo  au  finale  de  la  V»  et  à  celui  de  la  Symphonie 


avec  chœurs.  \l  profite,  lui  aussi,  des  perfectionnements 
apportés  à  la  flûte  et  de  l'habileté  technique  des 
artistes  de  son  temps  pour  élargir  le  domaine  de 
l'instrument.  Il  écrit  ses  parties  jusqu'au  la'^,  et  ne 
craint  pas  de  confier  à  la  flûte  des  passage  rapides 
d'une  réelle  difficulté.  Il  l'emploie  avec  un  égal 
bonheur  dans  les  différents  caractères  qu'elle  peut 
emprunter.  Pastorale  et  gracieuse  dans  le  ballet  de 
Prométhce,  la  flûte  redevient  <■  rossignol  »  dans 
l'Andante  de  la  Vl"  Symphonie  : 


Elle  entonne  presque  un  air  de  bravoure  dans  l'Ouverture  n"  3  de  Léonore  : 


'^TTHuïr? 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA    FLUTE    1511 


Elle  exécute  un  trait  spirituel  et  périlleux  dans  le  finale  île  la  Sytnphonie  héroïque 


etdevientpaihétiquedans  l'adagio  de  la  IX"  Sympho- 
nie (doublant  le  basson). 


^-  P  ^'  1 


Nous  arrivons  maintenant  à  la  période  la  plus 
brillante  de  la  tlûle,  ce  qui,  dans  notre  pensée,  ne 
veut  pas  dire  la^meilleure.  L'instrument,  imparfait 
encore,  a  été  cependant  très  perfectionné.  De  grands 
virtuoses  se  sont  fait  connaître  :  Tclou,  Drolet,  en 
France,  Nicholson  en  Angleterre,  Furstenai  en  Alle- 
magne, exécutent  dans  les  concerts  leurs  propres 
compositions  où  ils  accumulent  les  difficultés  et  les 
casse-cou.  Les  compositeurs  sont  enclins,  tout  natu- 
rellement, à  obéir  à  cette  tendance,  et,  pendant  une 
très  longue  période,  ils  ne  confient  plus  guère  à  la 
fliUe  que  des  cascades.  Il  est  juste  d'ajouter  que 
cette  époque  est  également  celle  de  la  grande  virtuo- 
sité vocale,  qu'il  n'y  a  pas  d'opéra  possible  sans 
grand  air  pour  la  chanteuse,  et  que  la  llùle  est  toute 
désignée  pour  lutter  d'agilité  avec  la  cantatrice. 
L'exemple  de  Haendel  porte  ses  fruits,  et  c'est  par 


douzaines  que  nous  pourrions  citer  les  airs  avec  fl Cite- 
obligée  où  la  mélodie  disparait  sous  les  broderies, 
lesquelles  broderies  disparaissent  elles-mêmes  sous- 
ce  que  la  fantaisie  des  interprètes  y  ajoute.  La  pre- 
mii're  manifestation  de  ceite  sorte  d'art  est  le  Uossignol  ' 
de   Lebrun,   totalement   oublié   aujourd'hui,    donné- 
pour  la  première  fois  à  l'Opéra  en  1816,  avec  M"=  Albert 
Hymm  comme  principale  interprète  et  Tui.ou  comme 
llùtiste.  En  Angleterre,  une  mélodie  avec  accompa-- 
gnement  d'orchestre,  Lo  hère  tke  (jentle  larke  de  sir 
Henry  Hisiiop  (1782-1  S."):-!),  obtient  un  succès  qui  ne 
s'est  pas  démenti  encore.  Et  Donizrtti  écrira,  un  peu  ■ 
plus  tard,  l'aircélèbre  de  la  Folie  de  Lucia  de  Lamer- 
moor,  que  toutes  les  cantatrices  de  théâtre,  égarées  ■ 
au  concert,  ont  répandu  et  répandent  encore  à  tra-- 
vers  le  monde. 

Ne  méprisons  pas,  toutefois,  la  virtuosité.  Il  est 
bon  que  le   compositeur  n'ait  pas  son  inspiration  • 
limitée  par  la  crainte   d'écrire  «   trop   difficile   »;. 
d'autre    part,  il   serait   fâcheux   de    se    piiver  des 
ressources  immenses  de  la  tlùle  comme  instrument"" 
d'agilité.    RossiM  le   comprend  admirablement   en 
confiant  à  la  tlùte  les  délicates  broderies  qui  courent 
sur  le  motif  du  Hanz  des  Vaches  dans  l'ouverture  ds 
Guillaume  Tell  : 


Et  nous  trouverions  chez  les  symphonistes  des 
exemples  plus  frappants  encore  d'une  bonne  utilisa- 
lion  de  la  flûte  »  brillante  ». 


Mendelssohn  fait  grand  cas  de  la  flûte,  et  il  l'emploie 
avec  toutes  ses  ressources. 

Nulle  partition  ne  nous  le  démontre  mieux  que  celle 
du  Songe  d'une  nuit  d'été. 

Dès  les  premières  mesures  de  l'ouverture,  il  em- 
ploie les  flûtes  sous  une  forme  absolument  nouvelle 
en  leur  confiant  ces  accords  : 


clar. 


dont  Wagner,  plus  tard,  fera  si  grand  usage,  et  quf. 
donnent  cette  sensation  d'  «  élhéré  »  qu'on  ne  pour-- 
rait  attendre  d'aucun  autre  instrument.  Dans  le 
nocturne,  la  flûte  dialogue  poétiquement  avec  le  cor, 
et,  dans  le  scherzo,  elle  émerge  peu  à  peu  de 
l'orchestre  pour  terminer  seule  cetétincelantmorceau'> 
de  virtuosité  orchestrale  : 


-^é^^^^i=Y^^^ 


Nous  ne  pouvons  citer  tout  ce  que  nous  trouvons 
de  remarquable  dans  l'œuvre  de  Mendelssohn.  Nul 
compositeur,  à  notre  avis,  n'a  tiré  un  meilleur  parti 


des  ressources  multiples  de  la  flûte.  Regrettons  qu'il' 
n'ait  rien  laissé  pour  flûte  solo. 
Rien  de  bien  saillant  à  signaler  chez  les  UoraauT- 


1512 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTK3NNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


tiques.  Nous  ne  trouvons  dans  la  musique  de  Schu- 
bert, de  Liszt,  de  Weber  aucun  solo  marquant. 

Un  court  passage  de  la  P"  Symphonie  de  Schumann 
mérite  de  retenir  notre  attention.  Schlmann,  qu'on  ne 


peut  cependant  accuser  de  tiatter  le  goût  frivole  de 
son  temps,  introduit  dans  le  finale  de  cette  sym- 
phonie une  cadence  de  flûte  : 


Hâtons-nous  de  dire  que  cette  cadence  est  plutôt 
un  enchaînement  d'un  motif  à  un  autre,  qu'elle  est 
charmante  et  absolument  dans  l'esprit  de  l'œuvre, 
et  qu'elle  n'a  ainsi  aucun  rapport  avec  le  genre 
d'acrobatie  qui  sévissait  dans  la  musique  d'alors. 

Ce  serait  mal  connaître  Meyerbèer,  par  contre,  que 
de  le  croire  capable  de  résister  aux  suggestions  de  la 
mode.  Les  Huguenots  contiennent  (au  début  du  2"  acte) 
l'inévitable  cadence  de  llùte  que  les  exécutants  ont 
accoutumé  d'enrichir  de  ce  que  leur  suggère  leur 
propre  inspiration. 

Une  utilisation  beaucoup  plus  originale  de  la  flûte 
a  été  faite  par  Meyerbèer  au  2"  acte  du  Prophète.  U  se 
sert  là,  avec  beaucoup  de  bonheur,  du  registre  grave. 

«  Au-dessous  des  violons,  dont  les  dessins  en  sour- 
dine montent  au  ciel  et  ondulent  comme  des  nuées 
d'encens,  le  timbre  mystique  des  flûtes  sonne  comme 
.'les  notes  d'une  trompette  entendue  au  loin,  tandis 
que  le  bruit  assourdi  des  cymbales  et  de  la  grosse 
caisse  évoque  l'idée  d'une  cérémonie  publique  en- 
tourée de  pompe  et  d'éclat.  »  (Gevaert,  Traité  d'Ins- 
trumentation.) 

Berlioz,  si  enthousiaste  du  solo  de  llûte  d'Orphée, 
n'a  cependant  jamais  rien  confié  de  réellement  pa- 
thétique à  la  flûte,  tout  au  moins  rien  de  grande  en- 
vergure. Mais  il  a  su  utiliser  à  merveille  son  caractère 
pastoral,  dans  le  délicieux  trio  des  jeunes  Ismaélites 
de  la  seconde  partie  de  L'Enfance  du  Christ  : 


^z^j^j^^ 


pour  deux  flûtes  et  harpe.  Cette  pièce  d'un  charmant 
archaïsme,  extrêmement  poétique  dans  l'andante, 
d'un  naïf  enjouement  dans  le  petit  trio  à  2/4,  est  une 
des  rares  pièces  instrumentales  composées  par  Ber- 
lioz, et  c'est,  à  proprement  parler,  un  petit  chef- 
d'œuvre. 

Avec  Wagner, le  rôle  de  la  flûte  à  l'orchestre  change. 
Il  n'y  a  plus  place  (comme  pour  aucun  instrument, 
d'ailleurs)  pour  des  effets  de  virtuosité  personnelle. 
Quand  Wag.ner  emploie  les  flûtes  autrement  que  pour 
faire  masse  dans  la  sonorité  générale,  il  leur  confie 
spécialement  ce  qui  peut  donner,  comme  nous  le 
disions  plus  haut  à  propos  de  Mendelssohn,  une  sen- 
sation d'<(  éthéré  ».  Il  est  un  des  premiers  qui  aient 
écrit  pour  quatre  Uûtes  (trois  grandes  et  un  pic- 
colo).  Il  en  est  ainsi  pour  un  grand  nombre  de  ses 
ouvrages. 

Le  wagnérisme  ayant  produit  une  réaction  contre 
les  effets  de  la  virtuosité  à  l'orchestre,  le  rôle  de  la 
flûte,  instrument  soliste,  s'est  trouvé  un  peu  diminué. 
Il  lui  reste  cependant,  au  Ihéàtre,  une  ressource  :  le 
•  ballet.  C'est  sous  forme  de  musique  de  ballet  que  les 
compositeurs  peuvent  encore ,  sans  trop  se  faire 
honnir,  donner  libre  cours  à  leur  inspiration,  quand 
celle-ci  est  un  peu  légère.  Nous  trouvons  dans  la  mu- 
s_ique  de  ballet  de  ces  dernières  années  de  véritables 
soli  de  flûtes.  Nous  nous  bornerons  à  en  citer  deux  : 
la  variation  de  l'Amour  du  ballet  d'Ascanio  de  Saint-- 
Saëns  et  une  variation  du  ballet  de  Namouna  d'Ed. 
Lalo. 

Celle  d'Ascanio  utilise  le  double  coup  de  langue  : 


Celle  de  Xamouna,  qui  prend  place  dans  la  suite 
d'orchestre  tirée  de  ce  ballet,  est  une  page  remar- 
quable et  souvent  exécutée  dans  les  concerts  sym- 


Vite 


phoniques.  Le  fragment  de  ce  solo  que  nous  repro- 
duisons ici  est  extrêmement  difficile  : 


D'autres  compositeurs  modernes  ont  confié  à  la  llùte 
un  rôle  important  dans  l'orchestre;  nous  ne  pouvons 
songer  à  les  citer  tous,  et  nous  nous  bornerons  à 


quelques  exemples  caractéristiques.  Dans  le  domaine 
espiessif,  il  nous  semble  que  Bizet  et  Debussy  ont 
atteint  au  maximum  de  l'elïet  ou  de  l'émotion;  le 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA    FLUTE    1513 


premier,  avec  ce  délicieux  menuet  de  La  Jolie  Fille  de  Peith,  intercalé  depuis  dans  la  seconde  suite  d'or- 
chestre de  L'Arh^siennc  : 


et  plus  encore  peut-être  avec  rémouvant  morceau 
«n  forme  de  sicilienne  qui  souligne  la  rencontre  de 
Balthazar  et  de  la  Renaude  dans  L'Arlésienni',et  où 


^  \;a3 1  u  g^ 


l'emploi  des  deux  flûtes  est  parliculièrement  lieu- 
reux  : 


jy^^^fUç^^UMU^^ 


le  second,  dans  cette  page  admiralile,  qui  suffirait  à  1  peut-être  comme  l'œuvre  la  plus  caractéristique  de 
elle  seule  à  lui  assurer  l'immorlalité  et  qui  restera  |  son  génie  :  le  PrHude  à  l'Après-midi  d'un  Faune  : 


En  ce  qui  concerne  la  tlùte  agile,  la  flûte  brillante 
à  l'ancienne  mode,  c'est  chez  les  Russes,  grands  vir- 
tuoses eux-mêmes  de  l'orchestre,  que  nous  trouve- 
rons les  plus  frappants  exemples  de  ce  retour  à  la 
virtuosité.  Dans  l'ouverture  De  laGrande  Pdqiie  Russe, 


dans  le  Caprircio  espagnol,  Rimsky-Korsakokf  ne 
craint  pas  de  revenir  aux  grandes  cadences  de  l'o- 
péra italien,  —  telles  que  les  pratiquaient  Donizetti 
et  ses  prédécesseurs  ou  contemporains  : 


.ISotons,  pour  terminer,  un  retour  de  faveur  de  l'al- 
liance de  la  llùte  et  de  la  voix.  Le  morceau  de  so- 
_prano  avec  tlûte  obligée  a  régné  durant  une  longue 
période,  de  Haendel  à  Donizetti  (voir  plus  haut),  mais 
paraissait  à  peu  près  abandonné.  11  a  subi  un  retour 
de  faveur  depuis  quelque  vingt-cinq  ans.  Toutefois, 
les  compositeurs  qui  en  ont  fait  usage  ont  plutôt  re- 
■cherché  le  caractère  expressif  que  la  virtuosité.  On 
peut  citer,  dans  cet  ordre  d'idées,  la  remarquable  mé- 
lodie de  M.  George  Hue  :  Soir  Pairn,  qui  pourrait 
bien  être  le  modèle  du  genre,  et  qui  paraît  avoir 
incité  d'autres  compositeurs  à  entrer  dans  la  même 
voie.  Bien  mieux,  voici  qu'apparaissent  en  nombre 
respectable  des  mélodies  pour  voix  et  flûtes  seules.  Le 
premier  compositeur  qui  ait  fait  usage  de  cette  com- 
binaison est,  à  notre  connaissance,  M.  Cyril  Scott, 
avec  une  Idyllic  Fantasy  pour  soprano  et  flûte. 
MM.  Albert  Roussel,  Caplet,  Roland-Manuel,  J.Ibert 
viennent  de  faire  paraître  une  séiie  de  mélodies  pour 
la  même  combinaison,  évidemment  de  ressources 
limitées,  mais  très  agréables. 

La  petite  flrtie  dans  Inrchestratioii. 

Dès  le  xviii»  siècle,  les  compositeurs  ont  employé 
le  piccolo  dans  l'orchestre.  Ils  l'ont  généralement 
fait  avec  bon  sens,  ne  demandant  à  la  petite  tlùte 
que  ce  qu'elle  pouvait  donner,  c'est-à-dire  les  sons 
stridents  de  son  octave  aiguë.  Un  exemple  excellent 


de  cet  emploi  est  celui  de  l'ouverture  d'iphigénie  en 
Tauride  de  Gluck.  On  en  trouve  un  autre  plus  carac- 
téristique encore  dans  l'ouverture  de  Timoléon  de 
Méhul.  «  Son  intervention  dans  l'orchestre  drama- 
tique, dit  Gevaert,  a  pour  but  principal  de  reproduire 
des  sensations  externes  et  particulièrement  des  bruits 
stridents  :  soit  les  sifflements  de  la  tempête,  soit  les 
vociférations  d'une  horde  barbare,  soit  les  éclats 
d'une  joie  infernale.  »  Aussi,  la  voit-on  dans  plusieurs 
scènes  d'orage  {Si/mphonie  pastorale,  ouverture  de 
Guillaume  Tell,  etc.),  dans  des  scènes  de  joie  sau- 
vage (Danse  des  Scythes,  de  Gluck).  Reethoven  encore 
en  fait  un  usage  excellent  dans  l'ouverture  à'Eg- 
munt.  Les  derniers  accords  du  final  sont  renforcés 


par  le  sifflement  strident  de  la  petite  flûte,  et  leur 
énergie  en  serait  singulièrement  iliminuée  s'il  n'y 
avait  pas  l'apport  de  ce  coup  de  fouet  extrêmement 
violent.  De  même,  Berlioz  ne^  craint  pas  de  confier 
à  la  petite  llùle  une  tenue  sur  le  la^  à  l'accord  final 
de  la  Marche  Hongroise  de  la  Damnation  de  Faust. 
Mais  il  ne  se  borne  pas  à  ces  effets  de  force,  et  utilise 
à  merveille  la  sonorité  de  deux  ou  trois  petites  flûtes 
dans  la  Danse  des  Sylphes  : 


1514  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  El  DICTlONNAltŒ  DU  CONSERVATOIRE 


L'impression  diabolique  qui  se  dégage  do  celle 
curieuse  combinaison  de  timbres  atteint  son  maxi- 
mum d'effet  au  (^  suivant  (déformation  de  la  Chan- 
son de  Mépliislo)  : 


^^^^^^^,. 


Wagner  fait  un  large  usage  de  la  petite  flflte  {In- 
cantation du  Fcit,  et  surtout  la  Chevauchée  des  Val- 
kyries),  mais  toujours  pour  ces  effets  spéciaux. 

Le  piccolo  peut  rendre  les  plus  grands  services 
dans  l'orcheslre,  lorsqu'il  s'emploie  à  la  seconde  oc- 
tave pour  des  effets  que  la  3=  octave  delà  tlfite  ren- 
drait avec  difficulté.  Le  meilleur  exemple  de  cet  em- 
ploi judicieux  de  la  petite  tlûte  est  peut-être  le  lînal 
de  la  V''  SumphonU'  de  Bkbthovr.n,  lorsque  le  trille 
persistant  sur  le  sol  est  exécuté  avec  la  plus  grande 
aisance  par  la  petite  llilte,  alors  que  la  grande  tlûte, 
avec  son  mauvais  trille  sol-la,  3'  octave,  ne  pourrait 
donner  qu'une  sonorité  exlrèmemenl  défectueuse. 

De  nos  jours,  les  compositeurs,  à  la  reclierche  de 
sonorités  rares,  ont  tendance  à  se  servir  du  timbre 
mat  et  blanc  de  la  première  octave  du  piccolo 
pour  des  effets  spéciaux.  De  même,  emploient-ils  vo- 
lontiers les  sons  harmoniques  de  la  contrebasse.  On 
ne  peut  qu'applaudir  à  ces  subtilités,  à  condition 
qu'elles  ne  deviennent  pas  une  régie. 

La  petite  tlùte  a  fait  même  son  apparition  dans 
«  l'orchestre  de  chambre  ».  Dans  ce  curieux  Pierrot 
lunaire  qui  a  fait  couler  tant  d'encre,  Schœncerg 
use  largement  du  piccolo,  qu'il  fait  alterner  avec  la 
grande  tlûte,  la  partie  devant  être  jouée  par  le  même 
instrumentiste.  Là  encore,  dernier  reflet  d'un  roman- 
tisme qu'il  prétend  ridiculiser,  la  petite  lli'ite  est  sur" 
tout  employée  pour  des  effets  diaboliques. 

Après  une  disparition  de  près  de  deux  siècles,  on 
voit  réapparaître  à  l'orchestre  quelques  membres  de 
la  famille  des  flûtes  qu'on  croyait  à  jamais  disparus- 
Nous  avons  fait  mention  ailleurs  des  basses  de  tlûtes 
à  bec  et  basses  de  tlûtes  traversières  décrites  par 
Mersennë  et  autres.  Nous  n'avions  jamais  rencontré  de 
traces  de  l'emploi  de  tlûtes  basses  depuis  les  concerts 
de  fliite  de  la  fin  du  xvu"^  siècle.  Les  Uusses  paraissent 
vouloir  utiliser  à  nouveau  cet  instrument.  Rimsry- 
KoRSAKOFF  se  Sert  d'une  tlùte  en  sali  dans  son  ballet 
Mlada.  Ravel,  dans  Daphnis  et  Chloc,  s'en  sert  aussi. 
Stravinsry  l'emploie  également  et  lui  confie  une  par- 
tie extrêmement  imporlanle  dans  sa  Symphonie  pour 
Insirumcnis  à  vent  (dédiée  à  la  mémoire  de  Deuissy). 
Il  est  possible  qu'on  ait  à  se  louer  de  cette  rénova- 
lion,  mais  il  conviendra,  croyons-nous,  de  s'en  servir 
avec  tact.  Seule,  l'octave  grave  de  la  tlùte  basse  pos- 
sède une  belle  sonorité.  Quand  elle  se  confond  avec 
l'octave  grave  de  la  flûte  en  ut,  elle  lui  est  très  infé- 
rieure, et  son  octave  aiguë  est  insupportable. 

La  flrttc  dans  la  musique  dp  clianibrp. 

C'est  une  opinion  très  répandue  que  la  tlûte  ne 
peut  guère  sortir  de  son  rôle  d'instrument  d'orches- 
tre, parce  qu'e/Zemani/Mt;  de  répertoire. 


11  y  a  là  une  profonde  erreur  que  nous  pourrons 
détruire  par  ce  seul  exemple  :  le  distingué  flûtiste  de 
la  Chapelle  royale  et  de  l'Opéra  de  Berlin,  M.  Emil 
PitiLL,  a  publié,  il  y  a  quelques  années,  une  sorte  de 
catalogue  général  de  la  musique  de  flûte.  On  y 
trouve  environ  "  7  500  »  (sept  mille  cinq  cents)  titres 
de  morceaux  de  flûte,  avec  ou  sans  accompagnement 
de  piano  ou  d'orchestre,  ou  en  combinaison  avec 
d'autres  instruments.  Hâtons-nous  de  dire  qu'on  n'y 
trouve  pas  7  500  chefs-d'œuvre!  Par  contre,  le  cata- 
logue est  loin  d'être  complet. 

La  vérité  est  qu'on  a  beaucoup  écrit  pour  la  flûte 
et  que,  de  tous  les  instruments  à  vent,  c'est  de  beau- 
coup celui  qui  l'emporte  par  l'étendue  et  l'intérêt  du 
répertoire. 

Naturellement,  ce  sont  les  flûtistes  eux-mêmes  qui 
ont  fourni  la  plus  grande  part  de  cette  littérature. 
On  trouvera  quelques  renseignements  et  apprécia- 
tions sur  leurs  œuvres  dans  le  chapitre  de  cet  article 
consacré  à  la  biographie  des  flûtistes  célèbres.  H 
n'en  faut  pas  faire  li.  A  défaut  d'autres  mérites,  ces 
œuvres  de  virtuoses  auiaient  au  moins  celui  d'être 
bien  écrites  pour  l'instrument,  et  l'on  trouve  dans 
la  production  du  xvni'  siècle,  plus  spécialement, 
nombre  d'œuvres  de  valeur  écrites  par  de  simples 
flûtistes.  La  Barre,  Lavaux,  Boismortier,  Naudot, 
Lœillet,  Bla VET,  ScuiCKARD,QL!AN'TZ,FnÉDiîni(;uK Grand, 
ont  laissé  d'innombrables  cahiers  de  sonates,  con- 
certos, morceaux  d'ensemble,  qui  ne  le  cèdent  en 
rien  aux  productions  des  violonistes  ou  violistes  de 
la  même  époque.  La  plupart  de  ces  œuvres  dorment 
sous  la  poussière  des  bibliothèques.  Un  grand  nom- 
bre sont  restées  manuscrites,  et  celles  qui  sont  gra- 
vées, écrites  pour  la  plupart  avec  accompagnement 
de  basse  continue,  ne  sont  pas  réalisées. 

11  suffit  toutefois  de  jeter  les  yeux  sur  un  cahier 
de  sonates  de  Blavet  ou  de  La  Barre,  par  exemple, 
pour  constater  que  ces  éminents  flûtistes  étaient  des 
compositeurs  de  valeur,  dignes  d'être  mis  au  rang 
des  Le  Clair  l'Aîné,  des  Marais,  des  Iîebel,  des  Fran- 
CŒUR  et  autres  pe/î'ts  maîtres  du  xvni"  siècle. 

Nous  l'avons  déjà  dit  d'autre  part,  le  xviii'  siècle 
reste  l'époque  glorieuse  de  la  fiûte;  nous  en  avons 
donné  la  raison  principale  :  l'engouement  de  la  haute 
aristocratie  pour  cet  instrument,  et  la  nécessité  où 
se  trouvaient  les  compositeurs  et  les  flûtistes,  de 
fournir  de  la  musique  à  la  curiosité  de  leurs  élèves. 
En  outre,  le  timbre  de  la  flûte  convenait  admira- 
blement à  l'art  délicat,  sensible,  et  souvent  pastoral, 
de  cette  époque.  Sa  douceur  en  faisait  l'instrument 
idéal  de  la  musique  de  chambre.  Aussi,  les  morceaux 
d'ensemble  où  la  tlûte  joue  un  rnle  prépondant,  les 
sonates,  suites,  recueils  de  petits  airs  et  brunettes, 
pour  une  ou  deux  tlûtes  traversières,  avec  ou  sans 
basse,  sont  innombrables. 

Ces  sonates  sont  fréquemment  mêlées  de  pièces 
d'un  caractère  plus  fantaisiste  (voir  plus  loin  : 
Grands  virtuoses).  Les  suites  comportent  générale- 
ment des  airs  de  danse  :  sarabandes,  couiantes, 
gigues,  menuets,  rondos,  etc.  11  y  aurait  évidemment 
à  faire  un  choix  dans  cette  énorme  production,  mais 
on  aurait  grand  tort  de  ne  pas  remettre  au  jour  nom- 
bre d'ii'uvres  intéressantes  de  cette  période.  En 
outre,  les  recherches  qu'on  entreprendrait,  feraient 


TECHNIQUE,  ESTIIÉT/QUIC  ET  PËDAGOGJE 


LA   FLUTE    1515 


découvrir  sans  doute  des  (puvres  inconnues  de  véri- 
tables grands  maîtres.  Celles  qui  ont  été  déjà  pu- 
bliées sutTisenl  à  nous  prouver  qu'il  n'est  pas  un 
maître  du  xviii"  siùcle  (|iii  ri'nit  écrit  pour  la  tlûte 
quelque  ojuvre  importante,  l'our  ne  pas  nous  répé- 
ter inutilement,  nous  renvoyons  le  lecteur  au  cha- 
pitre biographique  pour  tout  ce  qui  concerne  les  œu- 
vres de  virtuoses,  et  nous  ne  mentionnons  ici  que  ce 
qui  nous  paraîtra  digne  d'intérêt  dans  la  musique  des 
maîtres. 

Il  faut  placer  au  premier  rang  Jean-Sébastien  Bach 
qui,  très  probablement  sous  l'influence  de  Fuédéric 
LE  Grand,  a  beaucoup  écrit  pour  la  fliite.  INon  seule- 
ment, son  œuvre  prend  une  place  considérable  dans 
la  littérature  spéciale  de  l'instrument,  mais  elle  oc- 
cupe un  rang  élevé  dans  l'ensemble  de  ses  composi- 
tions. Bach  s'est  servi  de  la  ilùtepour  toutes  les  for- 
mes de  composition  :  sonates,  concertos,  musique  de 
chambre,  accompagnement  des  voix,  etc.  Nous  con- 
naissons principalement  de  lui  : 

Trois  sonates  pour  flûte  et  clavecin. 

Trois  sonates  pour  llùte  et  liasse. 

Une  sonate  pour  deux  flûtes  et  basse  (transformée  jilus  tard  en 
sonate  de  viole  de  gamlie. 

Une  Sonate  à  trois  (soi  majeur)  pour  fluto,  violon  et  basse. 

Une  aulre,  en  ut  mineur.  (|ui  fait  partie  de  {'Offrande  musicale, 
bâtie  tout  entière  sur  le  thème  impose  par  Frkderic,  véritable 
chef-d'œuvre,  d'une  prodigieuse  habileté  d'écriture,  et  dont  l'an- 
dante  est  certainement  parmi  les  pages  les  plus  émouvantes  de 
Bach. 

Une  sonate  pour  tlùte  et  basse,  qu'on  n'a  pas  osé 
attribuer  sûrement  à  Bac;h  et  qui  pourrait  être  d'un 
de  ses  fils,  mériterait  de  prendre  place  à  côté  des 
autres. 

Mentionnons  encore  les  Concertus  BranJebourgcois, 
où  la  flûte  tient  un  rôle  important  :  celui  en  fa  pour 
violon,  fliUe,  hautbois  et  trompette,  celui  en  rc  pour 
flûte,  violon  et  cymbalo,  le  concerto  pour  violon  et 
2  flûtes  principales,  le  concerto  en  la  mineurpourflùte, 
violon  et  clavecin,  la  suite  en  û  mineur,  etc.  Rien  de 
tout  ceci  qui  ne  soit  digne  de  la  plume  de  Bach. 

Haendel  a  également  écrit  pour  la  llùte.  On  a  pu- 
blié de  lui,  jusqu'ici,  sept  sur  dix  de  ses  sonates  pour 
flûte  et  basse  et  ses  trios  pour  llùte,  violon  et  basse. 
De  ses  sonates,  qui  font  partie  d'une  série  contenant 
également  des  sonates  pour  hautbois  et  pour  violon, 
il  existe  des  versions  dilférentes,  des  arrangements, 
des  transpositions,  des  emprunts  de  morceaux 
d'une  à  l'autre,  qui  prouvent  que  l'auteur  n'attachait 
pas  à  tout  cela  une  importance  exagérée.  Certaines 
sont  fort  belles,  notamment  celle  en  mi  mineur  et  en 
sol  majeur. 

De  Benedetlo  Marcello,  Martucci  a  remis  au  jour  et 
réalisé  quatre  sonates  pour  tlûte  et  basse  extrêmemen' 
intéressantes. 

Leclair  r.\îné  a  laissé  plusieurs  sonates  pour  flûte 
et  basse,  et  nous  pourrions  citer  une  foule  de  pièces 
de  musique  de  chambre  où  la  flûte  tenait  une  partie 
importante,  si  nous  n'avions  le  souci  d'éviter  les  Ion- 
gueurs.  Encore  ne  mentionnons-nous  que  pour  mé- 
moire les  nombreuses  cantates,  religieuses  ou  pro- 
fanes (plus  de  quarante),  où  la  flûte  joue  un  rôle 
important.  Dans  certaines  d'entre  elles,  le  rôle  dévolu 
à  la  flûte  est  celui  d'un  soliste,  telle  la  première 
partie  de  la  cantate  italienne  ]Vo«  sa  che  sa  clolore, 
en  réalité  un  mouvement  de  concerto. 

Mentionnons  encore  les  pièces  en  concert  de 
Rameau,  écrites  primitivement  pour  3  instruments  : 
flûte  ou  violon,  viole  de  gambe  et  clavecin.  Elles  sont 
d'ailleurs  extrêmement  populaires. 


Mozart  déteslait  la  llùte,  dit-on;  cependant,  il  a  écrit 
pour  elle  deux  conceitos  {sol  rruij.  et  ré  maj.)  avec 
orchestre  et  un  andante  également  avec  orchestre. 
Nous  avons  de  lui  aussi  un  concerto  pour  llùte, 
harpe  et  orchestre,  écrit  à  l'intention  d'une  de  ses 
élèves  et  de  son  père  le  duc  de  Cuines.  Ces  quatre 
œuvres  sont  remarquables,  et  les  deux  premières 
fréquemment  exécutées.  Il  n'en  est  pas  de  même  des 
deux  quatuors  en  ré  et  en  /((  pour  llûte,  violon,  alto 
et  violoncelle,  si  rarement  entendus  dans  les  con- 
certs, on  ne  sait  pourquoi.  L'andanle  du  premier,  joué 
par  la  flûte  accompagnée  en  pizzicato  par  les  cordes, 
est  une  pure  merveille,  et  le  menuet  du  second,  d'une 
si  délicieuse  bonhomie,  mérite  bien  cette  humoristi- 
que appréciation  que  nous  avons  entendu  formuler 
par  un  maître  :  »  Cette  musique-là  guérirait  tous  les 
neurasthéniques.  » 

Haydn  a  laissé  quelques  trios  pour  piano,  flûte  et 
violoncelle,  et  une  sonate  en  sol  majeur  pour  flûte  et 
piano,  que  les  éditeurs,  pour  les  besoins  de  la  vente, 
ont  souvent  présentée  comme  une  sonate  de  violon. 
Hayd.n  lui-même  en  a  laissé  une  version  pour  quatuor 
à  cordes.  En  outre,  il  existe  ou  il  a  existé  le  manus- 
crit de  2  concertos  pour  flûte  et  orchestre.  Malheu- 
reusemeid,  ils  ont  été  égarés,  brûlés  peut-être  dans 
l'incendie  de  la  Bibliothèque  du  prince  Esterhazy,  et, 
malgré  d'opiniâtres  recherches,  on  n'a  pu  jusqu'ici 
les  retrouver. 

On  nous  a  signalé  dernièrement  des  quatuors  (avec 
llùte)  de  GossEï:,  et  nous  ne  mentionnons  pas  nombre 
d'œnvres  du  même  genre,  pour  ne  nous  en  tenir 
qu'aux  œuvres  des  plus  grands  maîtres. 

Nous  arrivons  ainsi  à  Beethoven.  La  Sérénade  en 
ré,  pour  tlûte,  violon  et  alto  est  de  beaucoup  ce  qu'il 
a  laissé  de  plus  intéressant  à  notre  point  de  vue.  On 
reste  stupéfié  du  parti  que  l'auteur  a  su  tirer  d'une 
semblable  combinaison  d'instruments.  Malgré  la 
quasi-absence  de  basse  (l'alto  y  est  en  effet  l'instru- 
ment le  plus  grave),  l'œuvre  comporte  tous  les  carac- 
tères de  la  musique,  avec  son  entr'acte  si  spirituel, 
son  menuet  à  variations,  si  élégant,  et  son  adagio 
réellement  pathétique.  L'œuvre  est  fréquemment 
exécutée.  Au  contraire,  on  ne  joue  jamais  les  varia- 
tions sur  les  airs  nationaux  pour  llûte  et  piano;  on 
pourrait  croire  qu'il  s'agit  là  d'une  œuvre  de  jeu- 
nesse, alors  que  ces  suites  de  morceaux  datent  au 
contraire  de  la  maturité  de  Beethoven.  Vraisembla- 
blement écrites  sur  commande,  et  dans  le  seul  but 
d'en  tirer  un  peu  d'argent,  ces  variations  seraient 
assez  insignifiantes  si,  de  temps  en  temps,  un  accord 
imprévu,  une  variation  plus  originale  ne  portaient  la 
griffe  du  lion. 

Mentionnons  par  curiosité  un  petit  duelto  en  deux 
mouvements  pour  deux  flûtes  sans  accompagnement, 
écrit  par  Beethoven  en  1792,  et  dont  le  manuscritest 
entre  les  mains  du  docteur  Prieger,  de  Bonn,  et 
une  sonate  (dont  l'authenticité  est  contestée)  et  qui 
nous  parait,  au  contraire,  contenir  en  germe,  malgré 
de  caractéristiques  maladresses,  un  certain  nombre 
de  thèmes  sur  lesquels  Beethoven  déploiera  plus 
tard  son  génie. 

.\vecle  XIX"  siècle  commence  une  ère  de  décadence 
pour  la  flûte,  décadence  qui  lui  vient  de  son  prodi- 
gieux succès.  C'est  l'époque  de  la  grande  virtuosité. 
fuLOU,  Drouet,  Bërbigl'Ier,  Furstenau,  Nicholson  et 
tant  d'autres  font  carrière  de  virtuose,  et  leur  répu- 
tation est  si  grande  qu'elle  n'est  éclipsée  par  celle 
d'aucun  violoniste  ou  pianiste. 

Un  solo  de  tlùte  est  une  attraction  courante  dans 


1,V16 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


un  concerl;  des  sociétés  de  concerts  synipiioniques 
se  sont  fondées  un  peu  partout,  et  les  virtuoses  de  la 
flûte  trouvent  fréquemment  l'occasion  de  jouer  avec 
accompagnement  d'orchestre.  Or,  le  répertoire  de 
«  concertos  »  dus  à  la  plume  des  maîtres  étant  assez 
pauvre,  les  fliHistes  jouent  volontiers  leur  propres 
oeuvres.  Malheureusement,  ils  ne  savent  pas  conser- 
ver à  la  tlùte  le  caractère  qui  lui  est  propre,  et  ils  ne 
craignent  pas  d'écrire,  pour  cet  instrument  délicat, 
des  pages  d'allure  pompeuse  et  emphatique  qui  lu' 
conviennent  aussi  peu  que  possible.  Alors  que  Mozart 
avait  limité  au  quatuor,  renforcé  de  quelques  bois, 
l'orchestration  de  ses  concertos,  les  virtuoses  compo- 
siteurs du  xix=  siècle  ne  craignent  pas  de  faire  entrer 
la  flfite  en  lutte  avec  la  grosse  harmonie. 

On  cherche  le  brin,  la  puissance  du  son.  Nicholson 
ne  se  conlenle  même  pas  de  l'instrument  qu'il  pos- 
sède. Il  en  fait  agrandir  l'embouchure  et  les  trous 
pour  obtenir  un  son  plus  puissant.  C'est,  à  propre- 
ment parler,  la  grenouille  qui  veut  se  faire  aussi 
grosse  que  le  bœuf.  Seul  de  son  époque,  peut-ètre> 
KuLH.\u  écrit  pour  la  flûte  dans  l'esprit  qui  lui  con- 
vient. Sa  récompense  est  que,  seules  aussi,  ses  com- 
positions ont  résisté  à  l'injure  du  temps.  On  ne  sau- 
rait cependant  refuser  à  Tulou  de  réelles  qualités  de 
compositeur,  et  ses  solos  écrits  pour  les  concours  du 
Conservatoire  restent  d'excellents  morceaux  d'étude; 
mais  qui  oserait  maintenant  les  mettre  au  pro- 
gramme d'un  concert,  et  que  reste-t-il  de  ce  fatras 
de  morceaux  brillants,  fantaisies  sur  des  airs  d'o- 
péra, airs  variés,  pots-pourris,  que  nous  devons  à  sa 
plume  trop  féconde  et  à  celle  de  ses  émules  ou  ri- 
vaux? Pas  grand'chose.  En  revanche,  les  innombra- 
bles séries  d'études  qu'ont  laissées  ces  maîtres  don- 
nent à  la  flûte  une  des  plus  riches  littératures  d'en- 
seignement musical  qui  soient.  Nous  les  avons 
menlioimées  dans  la  partie  biographique  de  notre 
article. 

Cette  prétention  des  virtuoses  du  xix"  siècle  de  faire 
de  la  flûte  un  instrument  de  grande  allure  et  de  grand 
fracas  a  eu  un  résultat  extrêmement  fâcheux  :  les 
véritables  maîtres  ont  délaissé  l'instrument.  Rien  de 
ce  qu'ils  auraient  pu  écrire  n'aurait  satisfait  sans 
doute  leurs  interprèles;  les  flûtistes  cherchaient 
avant  tout  à  placer  leurs  propres  élucubrations,  et 
nous  ne  possédons  rien,  comme  musique  de  flûte,  des 
maîtres  qui  en  faisaient  le  plus  judicieux  emploi 
dans  l'orchestre,  Mkndelssohn  entre  autres,  fsous 
devons  toutefois  à  Schubicht  de  charmantes  et  diffi- 
ciles variations  sur  un  thème  original.  Hummel  nous 
a  laissé  quelques  sonates,  et  il  nous  faut  ensuite  aller 
jusqu'à  Reinegkk,  mort  récemment,  pour  trouver 
une  oeuvré  de  flûte'  de  réelle  importance.  La  sonate 
•intitulée  Undine  est,  en  effet,  une  (Puvre  de  grand 
mérite,  et  qui  convient  admirablement  à  l'instru- 
ment. 

On  nous  a  signalé  de  Webeu  des  variations  que 
nous  n'avons  jamais  retrouvées,  et  ni  Schumann, 
ni  Brahms,  ni  tant  d'autres,  dont  nous  aurions  été 
heureux  de  posséder  quelque  chose,  n'ont  laissé  une 
ligne  de  musique  pour  llùte. 

Il  n'est  pas  jusqu'à  la  musique  de  chambre,  où  la 
flûte  jouait  un  rôle  si  important  au  xvni"  siècle,  qui 
n'ait  subi  le  contre-coup  de  ce  dédain.  Depuis  la 
Sérénade  de  Beethoven,  nous  n'avons  plus  rien  à 
signaler  de  digne  d'intérêt  pour  les  combinaisons 
de  flûte  et  cordes,  à  la  seule  exc^tion  d'un  trio  bien 
connu  de  Webeiî  pour  flûte,  violoncelle  et  piano. 
Encore   cette    œuvre    ne    compte-t-elle   pas,    dans 


l'esprit  des  amateurs  d'aujourd'hui,  parmi  les  meil- 
leures-de  W'Ei'.En.  Elle  contient  cependant  de  rares 
beautés. 

Fort  heureusement,  une  réaction  s'est  produite  de 
nos  jours;  la  flûte,  qui  paraissait  un  peu  délaissée 
comme  instrument  soliste,  a  repris  une  partie  de  son 
ancien  prestige,  grâce  au  talent  et  à  l'activité  de  quel- 
ques virtuoses,  principalement  en  France.  Le  retour 
en  faveur  de  la  musique  des  xvii''  et  xviii=  siècles  a 
nécessité  la  réapparition  de  la  flûte  sur  tous  les  pro- 
grammes de  musique  ancienne.  Les  compositeurs, 
auxquels  on  ne  demandait  plus  de  concessions  à  la 
virtuosité  pure,  ont  tous,  plus  ou  moins,  contribué  à 
enrichir  notre  répertoire.  Nous  ne  croyons  pas  devoir 
donner  un  grand  nombre  de  noms,  parce  que  nous  ne 
voulons  pas  faire  de  notre  travail  un  article  d'actua- 
lité; nous  pourrions  en  citer  beaucoup.  Une  excel- 
lente initiative  de  Th.  Duisois,  alors  qu'il  présidait 
aux  destinées  de  notre  Conservatoire,  n'a  pas  peu 
contribué  à  celte  renaissance.  Chaque  aimée,  le 
morceau  de  concours  de  fin  d'exercice  est  commandé 
à  un  compositeur  nouveau.  11  arrive  que  le  morceau 
n'est  pas  un  «  morceau  de  concours  »  idéal,  mais  le 
répertoire  s'est  enrichi  ainsi  de  quelques  œuvres 
intéressantes,  dont  certaines  ne  disparaîtront  pas  de 
sitôt. 

On  écrit  mieux  pour  la  tlûte.  On  utilise  certaine- 
ment ses  ressources  de  virtuosité,  mais  on  ne  la 
cantonne  plus  dans  les  traits  etles  variations,  et  l'on 
tire  grand  parti  de  son  beau  registre  grave,  en  accord 
en  cela  avec  la  bonne  tradition  du  xviii^  siècle. 

Une  autre  forme  de  musique  a  beaucoup  aidé  la 
flûte  à  reconquérir  son  ancienne  vogue  :  la  musique 
de  chambre  pour  instruments  à  vent.  Des  sociétés 
se  sont  fondées  (la  première  en  1879,  sur  l'initiative 
de  P.  Taffanel)  pour  l'exécution  de  ce  répertoire 
spécial.  Les  classiques  avaient  laissé  quelques  œu- 
vres pour  instruments  à  vent,  qui,  chose  curieuse, 
ne  comportaient  généralement  pas  de  partie  de 
flûte.  Pour  former  un  véritable  répertoire,  les 
artistes  ont  fait  appel  aux  compositeur?,  et  nous 
avons  maintenant  une  littérature  de  musique  pour 
instruments  à  vent,  avec  ou  sans  piano,  assez  nom- 
breuse, très  variée  et  d'un  intérêt  indéniable.  La  flûte 
y  joue  un  rôle  important,  et  c'est  un  répertoire  qui 
s'enrichit  chaque  jour. 

On  nous  permettra  de  mentionner,  à  ce  sujet,  que 
la  Société  Moderne  d'Instruments  à  vent  (fondée  en 
1893  par  Georges  Barbére)  a  donné,  depuis  cette 
date,  plus  de  cent  trente  œuvres  en  première  audi- 
tion. La  plupart  comportent  une  partie  de  flûte. 


LES  GRANDS  VIRTUOSES  DE   LA   FLUTE 

La  liste  est  longue  des  virtuoses  qui  se  sont  illus- 
trés sur  cet  instrument,  et  bien  que  nous  ayons  le 
dessein  de  ne  nous  arrêter  qu'auN  noms  vraiment  célè- 
bres, nous  aurons  à  en  mentionner  un  grand  nombre. 
D'ailleurs,  alors  même  que  nous  paraîtrions  accorder 
une  trop  grande  importance  à  cette  partie  de  notre 
travail,  nous  nous  justilierons  en  disant  qu'il  y  a  là 
comme  une  sorte  de  réparation  à  accorder  à  d'émi- 
nents  artistes,  dont  le  nom  est  tombé  injustement 
dans  l'oulili.'par  ce  seul  fait  qu'ils  jouaient  d'un  ins- 
trument moins  populaire  aujourd'hui  que  le  piano 
ou  le  violon. 

Il  n'en  était  pas  ainsi  au  temps  où  la  flûte  était  en 
faveur.  Le  xviii'  siècle  et  la  première  moitié  du  siï^ 


TECHNIQUE,  ESTIIÉTJnUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA    FLUTE    151-! 


auront  connu  la  grande  vogue  de  la  lli'ite.  On  en  verra 
d'autre  part  les  raisons,  dont  la  principale  a  été  la 
passion  de  quelques  princes  ou  grands  seigneurs 
pour  lallùte.  La  flûte  était  l'instrument  aristocratique 
par  excellence,  et  l'impulsion  donnée  par  les  ama- 
teurs princiers  du  xvin"  siècle  eut  sa  répercussion 
très  longtemps  après. 

Il  semble  établi  maintenant  que  les  deux  grandes 
écoles  qui  se  sont  partagé  le  succès  au  xviii=  siècle  ont 
été  la  française  et  l'allemande.  Peu  après,  alors  que 
la  llùle  traversière  pénétrait  en  tirande-Brelagne, 
l'école  anglaise  vint  également  à  biiller.  11  faut 
remarquer  toutefois  que  les  Anglais,  si  accueillants 
aux  étrangers,  auront  souvent  encore  été  nos  tribu- 
taires en  ce  cas,  et  plusieurs  de  leurs  virtuoses 
furent  d'origine  étrangère. 

Un  amateur  berlinois,  M.  Adolf  Goldbehg,  qui  s'in- 
téresse passionnément  à  tout  ce  qui  concerne  la  flûte, 
a  publié  récemment,  en  un  luxueux  volume,  une  longue 
liste  biographique  —  avec  portraits  —  de  flûtistes  plus 
ou  moins  célèbres.  Par  ordre  d'ancienneté  nous  trou- 
vons en  tète  de  liste  Conkad  von  Hoosr,  mentionné 
comme  flûtiste  et  fou  de  la  cour  de  l'empereur  Maxi- 
milien  1"  en  1482.  Peut-être,  en  cherchant  bien, 
aurions-nous  pu  découvrir  un  nom  de  flûtiste  français 
vers  la  même  époque,  mais  rien  ne  nous  indique  que 
nous  ayons  des  chances  de  réussir,  et  cette  exhuma- 
tion serait,  cro}'ons-nous,  d'un  intérêt  restreint. 


Période  ancienne. 

Ecole  française.  —  Nous  commencerons  par 
l'Ecole  française,  et  remonterons  seulement  à  la  fin 
du  xvn'  siècle.  A  celle  époque,  deux  artistes  parais- 
sent s'être  partagé  la  faveur  du  public,  et  leurs  noms 
sont  familiers  à  quiconque  s'est  occupé  de  cette 
période  de  notre  histoire.  L'un  deux,  Philibert  Re- 
BiLLK,  plus  connu  généralement  sous  son  prénom, 
tuansformé  en  Philbert,  était  flûtiste  à  la  musique 
royale  entre  1670  et  1715.  L'autre,  François  Pignon, 
dit  Descosteaux,  très  renommé,  exerçai!  son  art  à 
la  musique  royale  entre  1664  et  1670.  Il  ne  reste 
rien  de  lui  que  sa  réputation  de  virtuose  et  surtout 
de  jardinier,  car  il  a  servi  de  modèle  à  La  Bruyère 
pour  son  amateur  de  tulipes. 

Vient  ensuite  Pierre  Gaultier,  de  Marseille,  flûtiste 
et  imprésario  d'une  troupe  ambulante,  qui  mourut 
vers  1697,  après  avoir  laissé  quelques  pièces  en  duo 
ou  en  trio  pour  les  flûtes. 

Nous  avons  parlé,  d'autre  part,  de  la  famille  des 
HoTTETEHRE,  dont  le  membre  le  plus  distingué,  Jac- 
ques, ditle  Romain,  fut,  en  même  temps  qu'un  remar- 
quable virtuose,  un  fabricant  et  un  professeur  non 
moins  remarquable.  Son  Traité  a  eu,  à  son  époque, 
une  influence  considérable,  à  tel  point  que  tous  les 
ouvrages  similaires,  publiés  sur  le  même  sujet  pen- 
dant une  période  de  plus  d'un  demi-siècle  ,  ne  sont 
que  des  copies  plus  ou  moins  adroites  de  cet  ouvrage 
excellent.  L'article  flûte  de  VEncycloyjcdie  en  a  été 
directement  inspiré  en  ce  qui  concerne  l'exécution, 
et  d'autres  méthodes,  telles  que  le  Neirest  method  for 
learrwrs  on  Ihc  Germait  jlule,  parue  à  Londres  en  17.30, 
ne  sont,  dans  leur  partie  didactique,  qu'une  simple 
traduction  du  traité  d'HoTiETERRE.  Hotteterre,  qui 
devait  son  surnom  de  Romain  à  un  séjour  qu'il  lit  en 
Italie  dans  sa  jeunesse,  et  dont  le  Traitii  eut,  de  son 
vivant,  quatre  éditions  (1699,  1707,  1720,  1741),  plu- 
sieurs contrefaçons  à  Amsterdam,  ainsi  que  des  tra- 


ductions anglaises  et  allemandes,  Hotteterre,  disons- 
nous,  a  laissé  d'assez  nombreuses  œuvres,  la  plupart 
pour  2  flûtes  avec  ou  sans  basse.  11  est  mort  vers  le 
milieu  du  xviii"  siècle,  à  une  date  encore  indéterminée. 

Moins  populaire  que  celui  d'HoTïETERnE,  le  nom  de 
Michel  La  Rarhe  mérite  de  retenir  l'atteulion.  Né  en 
1675,  élève  de  Philbert  et  de  Descostkaux,  La  Rahhe 
était  vers  1700  membre  de  l'orchestre  de  l'Opéra,  et, 
vers  170i),  nous  le  trouvons  aussi  parmi  les  membres 
de  la  Musique  de  la  chambre.  Il  possédait,  disent  ses 
contemporains,  un  remarquable  talent  de  virtuose, 
mais  les  compositions  qu'il  a  laissées  nous  intéres- 
sent davantage.  Sa  contribution  à  la  littérature 
de  la  flûte  est,  en  elïet,  aussi  remarquable  que  consi- 
dérable. Il  publia  notamment  des  suites  pour  deux 
llûtes  traversières  sans  accompagnement,  et  de  char- 
mantes suites  de  pièces  pour  la  flûte  traversière  avec 
basse  continue.  Son  premier  livre  de  suites  contient 
un  avertissement  qui  nous  renseigne  sur  la  conception 
qu'il  avait  de  son  art:  «  Les  pièces,  nous  dit-il,  sont 
pour  la  plus  grande  partie  d'un  caractère  si  singulier 
et  si  durèrent  de  l'idée  qu'on  a  eue  jusqu'ici  de  la 
flûte  traversière,  que  j'avais  résolu  de  ne  leur  faire 
voirie  jour  qu'en  les  exécutant  moi-même.  » 

Les  qualités  d'un  véritable  artiste  peuvent,  en  elfet, 
s'y  faire  jour.  Si  les  pièces  vives  sont  de  simples  pe- 
tits airs  de  danse  d'un  tour  gracieux  et  spirituel, 
certains  airs  lents  (la  Sarabande  de  la  Sî(t(t'  en  sol 
majeur  en  est  un  exemple)  sont  empreints  d'un  réel 
pathétique  et  d'une  tenue  musicale  remarquable. 

N'oublions  pasJ.-Ch.  Naudot.  Rien  de  sa  vie  ne  nous 
est  connu,  sinon  que  la  publication  de  ses  nombreuses 
œuvres  s'esl  faite  entre  1720  et  1750.  .ses  morceaux 
pour  la  flûte  et  surtout  pour  des  combinaisons  de 
flûte  avec  d'autres  instruments,  sont  en  nombre  con- 
sidérable, et  l'on  a  même  de  lui  des  sortes  de  sympho- 
nies à  flûte,  3  violons,  alto  et  basse  qui  en  font  un 
des  précurseurs  de  la  symphonie  concertante  fleuris- 
sant en  France  dans  la  seconde  moitié  d  u  xviii<^  siècle. 
On  ne  saurait  assigner  à  ce  maître  remarquable 
un  rang  trop  élevé.  Ses  sonates  à  une  ou  deux  flûtes 
avec  ou  sans  basse  le  placent  au  rang  des  meilleurs 
parmi  les  petits  maîtres  de  son  temps. 

Nous  sommes  tenté  de  rattacher  à  l'école  fran- 
çaise J.-B.  Lœillet,  né  à  Gand  en  1653,  et  qui  fit  la 
première  partie  de  sa  carrière  de  virtuose  à  Paris 
(certaines  de  ses  compositions  y  furent  publiées  en 
1702).  Mais  les  Anglais  peuvent  le  revendiquer  aussi 
pour  un  des  leurs,  car  toute  la  seconde  partie  de  la 
vie  de  ce  remarquable  artiste  se  passa  à  Londres, 
où  il  mourut  en  1728,  après  y  avoir  fait  fortune.  U 
laissa,  en  effet,  16  000  livres  sterling,  somme  consi- 
dérable pour  l'époque. 

Bui'FARDiN,  né  à  Marseille  vers  1690,  est  le  premier 
de  nos  flûtistes  qui  ait  fait  une  longue  carrière  à 
l'étranger.  A  la  suite  de  l'ambassadeur  de  France,  il 
séjourna  à  Constanlinople,  où  il  rencontra  un  des 
frères  aînés  de  J.-S.  Bach,  auquel  il  enseigna  la  flûte. 
Entré,  dès  1715,  au  service  de  l'Electeur  de  Saxe  à 
Dresde,  il  devint  là  le  professeur  du  célèbre  Quantz; 
après  deux  voyages  à  Paris,  où  il  se  fit  entendre 
avec  un  énorme  succès  au  Concert  spirituel,  il  se 
retira  dans  cette  ville  et  y  mourut  en  1768.  On  ne 
connaît  aucune  œuvre  de  lui. 

On  en  connaît,  par  contre,  beaucoup  (on  pourrait 
dire  trop)  de  Boivin  de  Boismortier,  plus  remarquable 
par  son  extraordinaire  fécondité  que  par  la  valeur 
réelle  de  ses  innombrables  compositions  (il  a  écrit, 
par  douzaines,  des  sonates,  suites,  duos,  trios,  etc., 


1518 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


pour  tous  les  instruments).  Arrivons  au  véritable 
maître  français  de  la  Uûle  au  xviii»  siècle,  Michel 
Blavet. 

Blavet  était  né  à  Besançon,  en  1700,  de  parents  de 
modeste  condition.  Jusqu'en  172.3,  il  reste  dans  sa 
ville  natale,  mais  se  montre  de  bonne  heure  très 
doué  pour  la  musique  et  apprend  cà  jouer  de  divers 
instruments,  notamment  de  la  fliUe  et  du  basson. 
C'est  sur  le  conseil  du  gouverneur  de  sa  province 
qu'il  quille  sa  ville  en  1723,  et  va  se  fixer  à  Paris,  où 
le  prince  de  Carigiiaii  l'altache  à  sa  personne  dès  son 
arrivée.  Sa  grande  répiilation  paraît  dater  de  sa  par- 
ticipation au  Concert  spirituel  en  1726,  où  il  obtient 
un  succès  considérable,  fréquemment  renouvelé.  Il 
quitte  ensuite  le  prince  de  Carignan  pour  devenir 
surintendanl  de  la  musique  du  comte  de  Clermont. 
De  1740  à  1758,  il  appartient  à  l'orchestre  de  l'O- 
péra, après  avoir  fait  partie  delà  Musiquede  la  cham- 
bre, où  sa  présence  est  signalée  en  1738,  et  si  grande 
est  sa  réputation  de  virtuose  à  ce  moment  que  le  fait 
d'accepter  un  poste  de  musicien  à  l'Opéra  est  regardé 
par  ses  contemporains  comme  un  acte  de  condes- 
cendance. 

Blavet  fit  plusieurs  voyages  à  l'étranger  pendant 
qu'il  appartenait  au  comte  de  Clermont.  Sa  présence 
en  Prusse  est  signalée  sous  le  règne  de  Frédéric  l". 
Frédéric  II,  alors  prince  royal,  s'efforça  de  le  retenir 
auprès  de  lui,  mais  vainement. 

11  se  relira  en  1760  et  mourut  à  Paris  en  1708. 

L'œuvre  de  Blavet,  pour  être  moins  considérable 
que  celles  de  Boismortier  et  de  J.-B.  Lœillet,  l'em- 
porte de  beaucoup  par  la  qualité.  On  connaît  de  lui 
un  cahier  de  six  sonates  pour  deux  llûtes  traver- 
sières  sans  basse,  des  recueils  d'airs  et  brunettes,  de 
duos,  etc.,  mais  surtout  Irois  livres  de  6  sonates  pour 
Uûte  et  basse,  publiés  par  Ballard  en  1728,  1732  et 
1740.  Ces  sonates  sont  toutes  à  jouer  et  à  retenir,  et 
certaines  sont  de  véritables  petits  chefs-d'œuvre.  On 
y  remarque  les  meilleures  qualités  de  la  musique 
française  d'alors  :  des  idées  mélodiques  claires  et 
expressives,  beaucoup  d'esprit  et  d'enjouement  dans 
les  mouvements  vifs,  une  grâce  charmante  dans  les 
ariettes  ou  pièces  de  genre  introduites  avec  beaucoup 
d'à-propos  au  milieu  des  morceaux  traditionnels  de 
la  sonate,  el,  dans  certains  mouvements  lents,  ce  pa- 
thétique tendre  qui  caractérise  la  musique  du  temps 
et  où  Blavet,  comme  exécutant,  devail  exceller. 

Après  Blavet,  nous  devons  aller  jusqu'à  Devienne 
pour  trouver  un  Uùtiste  français  digne  de  son  devan- 
cier. Né  à  Joinville  en  1759,  élevé  dans  la  musique 
d'un  régiment,  il  jouait  el  composait  dès  le  plus 
jeune  âge  et  entrait  bientôt  dans  la  musique  des 
Gardes  suisses.  11  est  assez  curieux  de  constater  que, 
comme  plusieurs  de  ses  prédécesseurs,  Devienne 
jouait  également  du  basson  el  de  la  flûle.  C'est  en 
qualité  de  bassoniste  qu'il  entra  en  1788  au  Théâtre 
de  Monsieur,  puis  à  l'orchestre  de  l'Opéra  en  1706. 

Entre  temps,  lors  de  l'organisation  du  Conserva- 
toire national  de  musique  en  179o,  Devienne  était 
chargé  de  la  première  classe  de  flûte,  et  c'est  à  cette 
circonstaiice,  sans  doute,  que  nous  lui  devons  sa 
Méthode  tant  de  fois  rééditée,  remaniée  et  augmen- 
tée, encore  aujourd'hui  en  usage.  Cet  ouvrage  con- 
tient d'excellentes  choses,  à  cûlé  de  certaines  fai- 
blesses dues  à  l'esprit  routinier  de  l'auteur'.  11  donne 
d'utiles  conseils  sur  la  tenue,  la  respiration,  le  phrasé, 
qui  dénotent  évidemment  un  artiste  de  valeur.  Ses 


1.  Voir  le  chapitre  premier  de  cet  article 


compositions  pour  la  llûte  sont  extrêmement  nom- 
breuses, mais  tout  à  fait  délaissées  aujourd'hui. 

Si  nous  pouvons  nous  permettre  une  légère  incur- 
sion dans  un  domaine  qui  n'est  pas  le  nôtre,  rappe- 
lonsque  Devienne  a  laissé  un  opéra, Les  Visitandines, 
qui  n'est  pas  encore  tombé  dans  l'oubli. 

Il  est  mort  fou,  à  Charentoii,  en  1803. 

Complétons  la  liste  des  virtuoses  français  au 
xvni'^  siècle  avec  quelques  noms  moins  illustres  : 
Mahault  (?-1760),  les  frères  Piësche,  Lucas,  les  Phili- 
DOK,  Lavalx,  De  Gaix,  Chalais,  Courette,  Boi'rgoin, 
MouriET,  Handouville,  Pu'Ereal:,  les  Sallantin,  Bault, 
Maniiean,  Beiiout,  Delusse,  etc.,  et  nous  en  aurons 
terminé  avec  les  maîtres  de  la  tlùte  au  xviii"  siècle 
en  France. 

Ecole  allemande.  ^  Nous  reviendrons  de  beaucoup 
en  arriére  pour  parler  de  l'école  allemande,  fort  bril-  J 
lante  elle  aussi.  Là,  nous  pourrons  remonter  plus  | 
haut.  Nous  avons  incidemment  parlé  de  Conrad  van 
BoosE,  sur  lequel  nous  n'avons  guère  d'autres  ren- 
seignements que  la  constatation  de  son  existence. 
Vers  la  même  époque,  un  nom  bien  impiévu  dans 
une  élude  sur  la  llûte  vient  nous  surprendre.  Il 
apparaît,  en  effet,  que  le  réformateur  Martin  Luther 
(1483-lo46)  fut  un  amateur  de  llûte  assez  distingué 
pour  que  cette  particularité  ait  frappé  ses  contem- 
porains. Nous  ne  sommes  malheureusement  pas  ren- 
seigné sur  l'existence  de  flûtistes  professionnels  alle- 
mands, du  xvi=  au  xviL«  siècle.  C'est  assez  fâcheux, 
car  le  nom  de  fliUc  d'Allcnumd  donné  à  la  flûle  tra- 
versière  nous  prouve  que  cet  instrument  était  en 
vogue  en  Allemagne  bien  avant  qu'il  ait  pénétré  en 
France. 

L'artiste  dont  nous  trouvons  en  premier  le  nom 
est  Johann-Chrislophe  Denner,  né  à  Leipzig  le  13  août 
1655.  Fils  d'un  fabricant  d'instrumenls  à  venl,  très 
doué  pour  la  musique,  Denner  mena  concurremment 
l'étude  de  son  art  et  la  fabrication  des  instruments. 
Il  construisit  ainsi  des  llûtes  à  bec,  des  flûtes  traver- 
sières,  et  inventa  la  clarinette  vers  1690.  Mort  à  Nu- 
remberg, le  20  avril  1707,  il  laissa  deux  fils  qui  con- 
tinuèrent à  fabriquer  et  jouer  les  inslruments  selon 
la  tradition  paternelle. 

Dans  l'ordre  chronologique,  nous  nous  trouvons 
en  présence  du  plus  fameux  peut-être  des  flûlisles 
du  xvui'  siècle,  en  la  personne  de  Johanu-Joachini 
Quantz. 

Son  talent  d'instrumentiste,  son  ingéniosité  d'in- 
venteur, ses  compositions,  sou  célèbre  Essai,  les  cir- 
constances de  sa  vie,  la  place  qu'il  tenait  à  la  cour 
de  Frédéric  le  Grand  et  dans  le  monde  musical  de 
son  temps,  mériteraient  qu'on  accordât  à  sa  forte 
personnalité  plus  qu'un  simple  fragment  d'article.  II 
était  né  à  Oberscheden,  en  Hanovre,  le  30  janvier 
1697.  Fils  d'un  forgeron,  il  paraissait  convenu  qu'il 
suivrait,  selon  l'usage  du  temps,  le  métier  de  son 
père,  et  ce  projet  reçut  un  commencement  d'exécu- 
tion alors  que  Ouantz  avait  à  peine  neuf  ans.  Mais, 
orphelin  en  1 707,  confié  à  l'un  de  ses  oncles,  il  apprit 
de  ce  dernier,  tailleur  et  musicien  à  la  fois,  les  élé- 
ments de  la  musique.  Puis,  à  la  mort  de  son  oncle, 
Fleischkack  devint  son  piofesseur.  Ses  premiers  ins- 
truments furent  le  violon,  le  hautbois,  la  trompette, 
voire  la  viole  de  gambe  et  le  violoncelle.  Il  étu- 
dia aussi  le  clavecin  et  les  rudiments  de  l'harmonie. 
Il  est  assez  curieux  de  constater  que  la  flûte  n'ait 
pas  attiié  plus  lot  son  attention.  Ce  n'est  qu'après 
de  nombreux  voyages  à  travers  l'Allemagne,  coupés 


TECIIXJQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


de  séjours  plus  ou  moins  longs,  notamment  à  Dresde, 
où  il  jouait  du  hautbois,  que  Quantz  adopta,  en  1718, 
l'instrument  qui  devait  le  rendre  célèbre  dans  l'Eu- 
rope entière.  Son  premier  maître  fut  Bihfardin. 

Dresde  était  le  centre  des  occupations  du  jeune 
musicien,  mais  il  voyageait  fréquemment,  allant  en 
Pologne,  en  Silésie,  en  Bohème.  11  était  suTtout  for- 
tement attiré  par  l'Kalie.  Il  put  réaliser  son  désir  en 
1724,  et  alla  travaillei'  le  contrepoint  à  Rome  avec 
Gasparini  On  le  retrouve,  en  lli.'i,  à  Naples,  où,  sur 
les  instances  de  IIasse,  Alessandro  Scahlatti  consent 
à  entendre  Quantz,  malgré  son  aversion  marquée 
pourles  joueurs  d'instruments  à  vent,  qu'il  accusait, 
vraisemblablement  avec  raison,  déjouer  faux.  Quantz 
parvint  à  faire  revenir  le  vieux  maître  de  ses  préven- 
tions. 

Il  visite  nombre  de  villes  italiennes  et  vient  à  Pa- 
ris en  1726.  l'ne  représentation  à  l'Opéra  paraît  lui 
avoir  laissé  le  plus  fâcheux  souvenir  :  il  accuse  no- 
tamment les  musiciens  de  jouer  faux  et  de  mémoire. 
Mais  il  admire  cependant  ses  confrères  tlùtistes,  et 
par-dessus  tous,  Blavet. 

Ce  long  voyage  se  teimina  par  un  séjour  à  Lon- 
dres, où  il  m,  entre  autres  connaissances,  celle  de 
Haendel,  qui  tenta  vainement  de  l'y  retenir.  11  revint 
à  Dresde  en  1727,  entra  au  service  du  roi  de  Pologne, 
et,  enfin,  à  de  magnifiques  conditions,  à  celui  de  son 
élève,  le  Grand  Frédéric,  peu  après  que  ce  dernier 
fut  monté  sur  le  trône,  en  1741. 

Non  seulement  Quantz  ne  relevaitque  du  roi  seul, 
mais  il  avait  un  engagement  à  vie  de  2  000  thalers, 
plus  ce  que  devaient  lui  rapporter  ses  compositions  et 
la  fabrication  des  flûtes.  ISous  mentionnons,  d'autre 
part,  ses  elîorts  pour  l'amélioration  de  l'instrument. 
Il  mourut  à  Potsdam  en  1773. 

Son  ouvrage  le  plus  important  est  l'Essai  qu'il  pu- 
blia en  1732,  et  qu'il  dédia  à  son  royal  élève,  l'ouvrage 
le  plus  complet  à  tous  points  de  vue  qui  existe  sur  la 
llùte  au  xviii=  siècle.  Comme  compositeur,  Quantz  se 
distingua  par  une  fécondité  extraordinaire.  11  a  écrit 
plusieurs  centaines  de  concertos,  des  sonates  avec 
basse  continue  et  nombre  d'autres  pièces  non  réa- 
lisées, qu'il  serait  bien  intéressant  de  remettre  au 
jour. 

Johann-Georges  Tromlitz,  né  en  Saxe  vers  1730, 
plus  remarquable  comme  fabricant  de  llùtes  que 
comme  e-iécutant,  Georges  Likbksrind,  llûliste  du 
margrave  de  Bayreuth,  méritent  une  mention.  Mais 
nous  arrivons,  dans  l'ordre  chronologique,  à  un  flû- 
tiste dont  la  célébrité  est  indéniable.  Nous  voulons 
parler  de  Frédéric  le  Gr.\nd,  roi  de  Prusse. 

Il  nous  est  impossible  de  le  passer  sous  silence, 
non  seulement  parce  qu'au  dire  de  ses  contempo- 
rains, Frédéric  élail  un  flûtiste  de  valeur  digne  d'être 
comparé  aux  meilleurs  professionnels,  mais  encore 
parce  que  sa  passion  pour  son  instrument  a  donné 
au  développement  de  la  flûte  un  essor  énorme.  Ins- 
trument à  la  mode  parce  qu'un  prince  en  jouait,  la 
flûte  est  restée  sous  cette  impulsion  très  longtemps 
encore. 

Alors  qu'il  n'était  que  petit  piince,  Frédéric  aimait 
déjà  passionnément  la  flùfe,  d'autant  plus  passionné- 
ment que  son  père,  le  terrible  Frédéric-Guillaume, 
lui  en  avait  formellement  interdit  l'étude.  Mais  la 
reine,  se  faisant  sa  complice,  lui  fit  donner  des 
leçons  en  secret,  et  Quantz  lui-même,  nous  l'avons 
déjà  dit,  fit  plusieurs  fois  le  voyage  de  Dresde  pour 
enseigner  son  art  au  jeune  prince.  Celui-ci  n'eut  rien 
de  plus  pressé,  en  montant  sur  le  trône,  que  de  faire 


LA   FLUTE    I5li) 

venir  son  maître  auprès  de  lui  et  de  lui  donner  à  la 
cour  une  situation  magnifique. 

11  y  avait  tous  les  soirs  concert  au  Palais.  Le  roi 
y  tenait  sa  partie.  Si  certains  de  ses  contemporains, 
comme  Diderot,  lui  contestent  la  véritable  supério- 
rité, «  quel  dommage  qu'un  grain  de  sable  du  Bran- 
debourg en  gâte  l'embouchure,  »  dit  malicieusement 
le  philosophe  polémiste,  en  revanche  Voltaire,  non 
suspect  de  bienveillance  à  l'égard  de  Frédéric,  dit 
"  qu'il  jouait  dans  ses  concerts  aussi  bien  que  le 
meilleur  artiste  >i. 

Il  a  laissé  un  grand  nombre  de  compositions, 
parmi  lesquelles  environ  123  sonates  pour  flûte  et 
basse.  23  d'entre  elles,  choisies  et  réalisées,  ont  été 
publiées  par  la  maison  Breitkopf  et  Hartel.  La  vérité 
nous  oblige  à  dire  que,  dans  les  meilleures,  cer- 
tains passages  ressemblent  singulièrement  aux  com- 
positions de  Quantz,  mais  il  n'y  a  peut-être  là  qu'une 
coïncidence... 

Le  meilleur  titre  de  Frédéric,  à  nos  yeux,  est 
d'avoir  incité  les  compositeurs  de  son  temps  à 
écrire  pour  son  instrument.  Nous  lui  devons  ainsi, 
indirectement,  des  chefs-d'œuvre.  C'est  sur  un  thème 
choisi  par  lui  que  J.-S.  Bach,  en  visite  à  Potsdam  et 
honoré  à  l'égal  d'un  souverain,  composa  l'admirable 
Offrande  musicale,  dont  la  plus  belle  partie  est  peut- 
être  la  sonate  en  trio  [ut  mineur)  pour  flûte,  violon 
et  continue.  Nous  n'avons  pu  déterminer  si  c'est  sous 
la  même  influence  que  Bach  a  écrit  ses  autres  com- 
positions pour  la  flûte.  Cela  nous  parait  probable. 

Le  margrave  de  Bayreuth,  Frédéric  (1711-1763), 
éfait,  lui  aussi,  un  llûtiste  distingué  et  un  protecteur 
éclaiié  des  musiciens,  mais  il  est  loin  d'avoir  atteint, 
même  musicalement,  à  la  célébrité  de  son  parent. 
MentiotiMOiis  en  passant  Dulon  (1769-1826),  remar- 
quable artiste,  aveugle,  cependant,  dès  son  plus  jeune 
âge,  et  J. -Cil.  ScHiCKARD,  auquel  nous  devons  d'inté- 
ressantes sonates.  Ce  sont  les  derniers  représentants 
de  l'école  allemande  au  xviii"-'  siècle. 

Autres  écoles.  —  Nous  n'avons  pas,  à  la  même 
époque,  de  flûtistes  italiens  bien  remarquables,  sauf 
peut-être  Florio,  dont  toute  la  carrière  s'est  passée 
entre  Dresde  et  Londres.  Quant  aux  Anglais,  ils  ont 
surtout  brillé  dans  la  première  parlie  du  xix"  siècle. 
.Nous  les  retrouverons  plus  tard.  Notons,  toulefois, 
deux  noms  célèbres  à  plus  d'autres  titres  et  à  des 
époques  différeiiles  :  le  roi  Henry  VIII  jouait  de  la 
flûte,  mais  là  se  borne  ce  que  nous  savons  de  son 
talent.  El,  beaucoup  plus  tard,  Oliver  Goldsmith,  le 
délicieux  auteur  du  Vicaire  de  \Val;e/ield,  fut,  parait- 
il,  un  amateur  distingué.  Un  autre  amateur  a  mérité 
de  passer  à  la  postérité  :  le  général  écossais  Keid 
qui,  après  avoir  combattu  en  Amérique  durant  la 
guerre  de  l'Indépendance,  se  retira  à  Edimbourg 
et  laissa  foute  sa  fortune  à  l'Université  pour  la  créa- 
tion d'une  chaire  de  musique.  Il  a  laissé  six  sonates 
pour  flûte  et  basse.  On  exécute  annuellement  l'une 
d'entre  elles  au  cours  d'un  concert  donné  en  l'hon- 
neur de  sa  mémoire. 

Dix-iienviènie  siècle. 

École  française.  —  Le  premier  flûtiste  français 
qui,  dans  l'ordre  chronologique,  se  i)iésenfe  à  notre 
attention  parmi  les  virtuoses  de  la  flûte  à  8  clefs  est 
Berbiguier.  Né  en  1782,  à  Caderousse  (Gard),  d'une 
excellente  famille,  se  desfinant  au  barreau,  il  apprit 
en  amateur  la  llûte,  le  violon  et  le  violoncelle.   11 


152D 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


quitta  sa  ville  natale  à  vingt-trois  ans,  se  fit  admettre  au 
Conservaloire  de  Paris,  prit  des  leçons  de  Wunderlich 
pour  la  ilûle  et  de  Berton  pour  l'harmonie.  La  grande 
levée  enmasse  de  1813  luifit  quitter  lamusiquepour 
le  service  militaire.  Lieutenant  en  18Ui,  il  démis- 
sionna pour  reprendre  sa  carrière  de  musicien  qu  il 
quitta  avec  Paris  en  1830,  après  la  Révolution  de 
Juillet.  Il  mourut  en  1838. 

Ce  qui  caractérise  ISerbiguier  est  sa  culture  intel- 
lectuelle supérieure,  sans  doute,  à  celle  de  ses  con- 
frères d'alors,  et  qui  dut  lui  servir  beaucoup  dans  le 
professorat.  On  ne  trouve  aucune  trace  de  son  pas- 
sage dans  un  orchestre.  Il  jouait,  par  contre,  beaucoup 
en  virtuose,  ei  avait  une  grande  réputation  de  pro- 
fesseur. En  outre,  sa  production  est  considérable.  De 
ses  nombreux  concertos,  sonates,  fantaisies,  arran- 
gements, bien  écrits  pour  l'instrument,  mais  d'une 
faible  valeur  musicale,  il  n'est  rien  resté.  Toutefois, 
ses  Eludes,  incorporées  dans  son  excellente  Méthode, 
sont  encore  en  usage  aujourd'hui. 

La  caractéristique  de  son  jeu  était,  paraît-il,  la 
force;  tous  ses  efforts  tendant  à  en  acquérir  davan- 
tage, cela  ne  laissait  pas  que  de  donner  à  son  exécu- 
tion quelque  rudesse. 

TuLOU  (né  en  1786,  à  Paris),  qui  vivait  à  la  même 
époque,  mais  dont  la  carrière  s'est  prolongée  plus 
avant,  est,  certainement,  de  tous  les  llûtistes,  celui 
dont  le  nom  est  resté  le  plus  populaire,  tant  comme 
virtuose  que  comme  compositeur. 

Fils  d'un  musicien  (son  père  était  bassoniste  a 
l'Opéra  et  professeur  au  Conservatoire),  Tulou  entra 
au  Conservatoire  à  l'âge  de  dix  ans.  A  onze  ans,  il 
étudiait  la  llùte  sous  la  direction  de  Wunderlich.  Son 
jeune  âge  fui  la  seule  cause  pour  laquelle  on  ne  lui 
décerna  le  premier  prix  qu'en  1801,  mais,  dès  lors,  il 
se  plaça  au  premier  rang  des  tlûlistes  français. 
Après  avoir  fait  partie  de  plusieurs  orchestres  (entre 
autres  celui  de  l'Opéra  Italien),  il  prit  le  pupitre  de 
solisle  de  l'Opéra  en  1813,  succédant  ainsi  à  son 
maître  Wunderlich. 

La  première  représentation  de  l'opéra  de  Lebrun, 
le  Rossignol,  en  1816,  porta  au  plus  haut  degré 
l'enthousiasme  du  public  pour  Tulou.  Cet  opéra  con- 
tient en  effet,  une  très  importante  partie  de  flûte  qui 
convenait  spécialement  aux  qualités  du  jeune  artiste 
(sans  doute  y  avait-il  mis  lui-même  un  peu  la  main). 
Ce  grand  succès  n'a  pas  été  étranger,  certainement, 
à  la'production  de  ces  nombreux  airs  où  la  flûte  et  le 
chant  rivalisent  de  virtuosité,  et  qui  furent  si  long- 
temps à  la  mode. 

Les  opinions  républicaines  de  Tulou,  le  peu  de 
soin  qu'il  prenait  de  les  cacher,  firent  qu'on  lui  refusa 
les  postes  officiels  auxquels  son  talent  lui  donnait 
droit  :  celui  de  membre  de  la  Chapelle  royale,  au 
retour  des  Bourbons,  puis  celui  de  professeur  au 
Conservatoire  à  la  retraite  de  Wunderlich,  en  1819. 
Ces  injustices  révoltèrent  Tulou,  qui  démissionna  de 
l'Opéra  en  1822,  pour  se  consacrer  à  la  virtuosité 
pure.  On  lui  rendit  justice  plus  tard.  Il  reprit  son 
poste  à  l'Opéra  en  1826,  et  fut  nommé  professeur  au 
Conservatoire  en  1829.  Entre  temps,  Tulou  avait 
voyagé  (notamment  à  Londres,  à  diverses  reprises). 
11  "arda  longtemps  son  poste  au  Conservatoire, 
s'associa  entre  temps  avec  Nonon  pour  la  fabrication 
des  llûtes,  n'apportant  guère  à  l'association  que 
l'immense  prestige  de  son  nom.  Cette  exploitation 
lui  laissa  de  fort  beaux  bénéfices.  Il  se  retira  en  1856, 
à  Nantes,  où  il  mourut  en  1863. 
On  admirait  principalement  chez  Tulou  une  belle 


sonorité,  beaucoup  de  charme  et  une  grande  facilité 
de  mécanisme.  Au  dire  de  ceux  qui  l'ont  entendu,  il 
était  sans  rival  dans  l'exécution  de  la  musique  un 
peu  superficielle  à  la  mode  de  celte  époque. 

Très  démodées  à  l'heure  actuelle,  les  compositions 
de  Tulou  ne  servent  plus  guère  que  de  morceaux  d'é- 
tude. On  doit,  cependant,  mettre  à  part  la  presque 
totalité  de  ses  quinze  solos,  écrits  pour  les  concours 
du  Conservatoire,  et  qui  sont  véritablement  des  mo- 
dèles du  genre.  Ils  se  ressemblent  tous,  assez  fâcheu- 
sement. Cinq  concertos  ont  une  valeur  musicale 
supérieure.  On  ne  saurait  trop  en  conseiller  l'étude 
aux  jeunes  artistes. 

Urouet,  né  en  1792,  à  Amsterdam,  d'un  père  réfu- 
gié français  et  d'une  mère  hollandaise,  a  longtemps 
disputé  la  suprématie  à  Tulou.  Comme  son  rival,  il 
débuta  dans  la  carrière  en  enfant  prodige.  S'il  fallait 
en  croire  la  légende,  il  aurait  exécuté  en  public,  à 
l'âge  de  quatre  ans,  le  S^  concerto  de  Devienne.  Cette 
histoire  nous  parait  bien  invraisemblable,  mais  il  n'est 
pas  douteux  que  Drouet,  dont  les  premières  études 
avaient  été  négligées,  fut  néanmoins  de  bonne  heure 
un  remarquable  virtuose.  On  note  son  passage  au 
Conservatoire  de  Paris,  mais  seulement  comme  élève 
de  composition,  sous  Méhul  et  Reicha. 

Nommé,  en  1807  ou  1808,  flûtiste  du  roi  de  Hollande 
(Louis,  frère  de  Napoléon),  invité  par  l'Empereur  à 
jouer  à  la  cour,  gratifié  de  nombreuses  faveurs,  dont 
celle  d'être  exempté  de  la  conscription,  il  continua 
à  jouir  des  mêmes  privilèges  sous  la  Restauration, 
fut  le  professeur  du  duc  de  Berry,  et  fut  nommé,  en 
1815,  flûtiste  de  la  Chapelle  royale,  alors  que  ce  poste 
paraissait  devoir  revenir  à  Tulou. 

11  commença  peu  de  temps  après  à  voyager  en 
Europe,  obtint,  en  1817,  d'extraordinaires  succès  à 
Londres,  y  établit,  vers  1818,  une  fabrique  de  flûtes, 
puis,  abandonnant  cette  entreprise,  se  remit  à  courir 
le  monde,  coupant  ses  voyages  de  séjours  plus  ou 
moins  longs  dans  les  pays  les  plus  divers.  Mention- 
nons simplement  les  trois  années  qu'il  passa  à  Naples, 
comme  directeur  de  l'Opéra  royal,  sa  réapparition  à 
Londres  en  1829,  à  Paris  en  1832,  son  engagement 
comme  maître  de  chapelle  du  duc  de  Saxe-Cobourg- 
Gotha  en  1840,  poste  qu'il  garda  plus  de  treize  ans, 
son  voyage  à  New-York  en  1854.  Il  mourut  en  1873,  à 
Berne,  où  il  s'était  retiré. 

11  apparaît,  d'après  l'opinion  qu'avaient  de  lui  ses 
contemporains,  que  Drouet  a  dû  ses  grands  succès 
plutôt  à  ses  qualités  de  virtuose  proprement  dit  qu'à 
ses  mérites  purement  artistiques.  Fétis  prétend  qu'il 
jouait  faux  et  que  son  style  était  dénué  d'expression 
et  de  majesté,  mais  il  rend  hommage  à  la  facilité 
avec  laquelle  il  exécutait  les  passages  rapides  et  dif- 
ficiles. 

D'autres  critiques  mettent  Drouet  au  premier  rang 
des  flûtistes  de  son  époque. 

Ses  compositions  pour  flûte  et  piano  ou  orchestre 
sont  complètement  oubliées,  mais  il  reste  de  lui  une 
suite  de  cent  études  qu'il  est  utile  de  connaître. 

Elles  abordent  à  peu  prés  toutes  les  difficultés  de 
la  Uùte,  et,  par  la  persistance  de  la  difficulté  et  la 
monotonie  voulue  qui  en  résulte,  sont  d'un  excellent 
travail. 

Comme  Tulou,  Drouet  était  un  irréductible  parti- 
san de  l'ancienne  flûte,  et  joua  jusqu'à  sa  mort  la 
flûte  à  8  clefs. 

Un  autre  partisan  distingué  de  cette  école  fut 
Eugène  Walckiers,  né  en  1793,  à  Avesnes.  Plus  pro- 
fesseur que  virluose,  il  a  laissé  quelques  composi- 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA   FLUTE    1521 


—  WuNDEnucH  (1795-1892;  1804-1816).—  (iuiLLOu 
(1816-1828).  — TuLOL'(1829-I8;-;9).  — Coche  (1831-1841;. 
UoRUS  (1860-1868).  —  H.  Altés  (1868-1893).  —  Taf- 
TANEL  (1893-1908).  —  Hennebains  (1908-1914)  et, 
depuis  1919  (la  f;uerre  ayant  retardé  la  nomination 
d'un  professeur  titulaire),  M.  Pliilippe  Gaubert. 

École  allemande.  —  Il  nous  faut  maintenant  revenir 
on  arrière,  et  nous  reprendrons  l'Ecole  allemande  au 
début  du  xix«  siècle.  La  plupart  des  tlùtistes  qui  se 
sont  distingués  en  Allemagne  sur  la  flûte  à  3  ou 
8  clefs,  ont  vécu  à  dieval  sur  deux  siècles.  Citons 
entre  autres  :  Cari  Saust  (1773-?).  —  Muller  (1767- 
1817).  —  Georg  Michel  (l77o-182'?).  —  Georg  Bayr 
(1773-1833).  —  Dressler  il784-183o),  sur  la  carrière 
desquels  il  serait  supertlu  de  s'étendre  davantage. 
Un  nom  célèbre  à  juste  titre  nous  arrêtera  plus 
longtemps. 
Nous  voulons  parler  de  Frédéric  Kulhau. 
Né  le  13  mars  1786,  à  Uelzen,  en  Hanovre,  de  pa- 
rents extrêmement  pauvres,  il  apprit  la  musique  de 
très  bonne  heure,  d'abord  à  Brunswick,  puis  à  Ham- 
bourg. En  dehors  de  la  ilûle,  du  violon  et  du  piano, 
il  travailla  dans  cette  dernière  ville  la  composition 
sous  ScHWENKE.  Il  s'établit,  en  1810,  à  Copenhague,  y 
fut  engagé  comme  flûtiste  avec  le  titre  de  musicien 
de  la  Chambre  du  roi  de  Danemark,  fit  représenter 
avec  succès  plusieurs  opéras  [Rœvcrborgen,  Elisa),  et 
ne  quitta  plus  le  Danemark,  où  il  mourut  le  12  mars 
1832,  peu  après  l'incendie  de  sa  maison,  où  il  perdit 
tous  ses  manuscrits. 

Fort  heureusement,  il  nous  reste  une  large  collec- 
tion de  ses  œuvres  pour  la  llùte,  et  nous  pouvons 
hardiment  placer  Kulhau  au  premier  rang  des  com- 
positeurs qui  se  sont  spécialisés  dans  cet  instrument, 
il  n'y  a  pas  une  page  de  ce  mailre  qui  ne  mérite  de 
prendre  place  dans  la  bibliothèque  d'un  flûtiste,  et 
l'étude  de  ses  compositions  apparaît  comme  indis- 
pensable à  tout  élève  sérieux. 

Les  plus  populaires  de  ses  œuvres  sont  les  duos 
pour  deux  flûtes  sans  accompagnement,  en  six  séries 
(op.  10,  39,  80,  81,  87  et  102). 

Il  est  impossible  de  tirer  un  parti  plus  heureux 
d'une  semblable  combinaison.  Les  idées  y  sont  le 
plus  souvent  distinguées  et  très  mélodiques,  le  style 
reste  d'une  parfaite  tenue,  et  rien  n'y  est  sacrifié  k 
l'etfet.  Les  trios  pour  trois  flûtes,  le  quatuor  pour 
4  flûtes  (de  même  registre)  sont  un  tour  de  force 
d'écriture  musicale  et  resteront  les  modèles  du 
genre.  Notons  aussi  les  trois  solos,  les  six  divertisse- 
ments (flûte  et  piano),  et  nombre  d'autres  osuvres 
également  excellentes. 

A.-B.  FuRsTENAU,  dont  le  père,  Gaspard  Fïrstenau, 
était  lui-même  un  flûtiste  distingué,  est  aussi  un 
brillant  représentant  de  l'école  allemande.  Né  en 
1792,  il  se  produisit  très  jeune  en  public,  parcourut 
l'Europe  durant  toute  la  première  partie  de  sa  vie,  et 
fut  considéré  par  ses  compatriotes  comme  le  premier 
flûtiste  de  son  temps.  De  1820  jusqu'à  sa  mort,  il 
résida  à  Dresde,  où  il  avait  été  engagé  comme  premier 
flûtiste  de  la  Chapelle  royale,  sous  la  direction  de 
Weber  dont  il  devint  rapidement  l'ami.  Il  est  regret- 
table que  cette  intimité  n'ait  point  incité  le  célèbre 
compositeur  à  écrire  pour  la  flûte  (à  l'exception  du 
Trio  pour  flûte,  cello  et  piano).  Firstenau  lui-même  est 
l'auteur  d'un  nombre  considérable  de  compositions, 
peu  connues  aujourd'hui,  sauf  peut-être  ses  Etudes 
pour  flûte  seule.  11  mourut  à  Dresde  en  1852,  sans 
avoir  jamais  abandonné  la  flûte  de  l'ancien  système. 

96 


tions  estimées,  parmi  lesquelles  d'excellents  duos 
pour  2  flûtes.  Citons  enfin  Jules  Demersseman,  né  en 
Hollande  en  1833  et  mort  à  Paris  en  1866.  Cet  artiste 
■distingué,  élève  de  Tulou,  était  resté,  lui  aussi,  fidèle 
à  l'ancienne  flûte,  dont  il  jouait  admirablement.  Il 
faisait  partie  des  fameux  concerts  de  la  rue  Cadet; 
les  succès  qu'il  y  obtenait  et  son  évidente  facilité  de 
«omposition  l'engagèrent,  sans  doute,  àcomposer  pour 
son  propre  usage  des  morceaux  d'où  la  musicalité 
n'est  pas  exclue,  mais  qui  ont  cependant  comme  prin- 
•cipal  but  de  faire  valoir  les  qualités  de  l'instrumen- 
"tiste.  Ses  six  grands  solos  de  concert  (le  6'  est  proposé 
quelquefois  encore  comme  morceau  de  concours  au 
•Conservatoire)  donnent  le  mieux  la  mesure  de  son 
mérite. 

D'autres  flûtistes,  lels  que  Farrenc  (1794-1865), 
GuiLLOU  (1787-1830),  n'abandonnèrent  jamais  la  flûte 
à  8  clefs.  Plus  hardis,  Keuusat,  Brunot,  Camus,  Coche 
adoptèrent  l'invention  de  Bœhm  dès  qu'elle  fut  entrée 
dans  le  domaine  pratique.  Camus  écrivit  pour  elle  une 
bonne  mélhode  et  d'excellentes  études,  et  l'on  a  vu, 
d'autre  part,  avec  quelle  ardeur  Coche  se  jeta  dans  la 
■mêlée  pour  introduire  la  flûte  Bœhm  en  France.  Mais 
le  plus  glorieux  partisan  de  l'invention  nouvelle  fut 
certainement  Louis  Dorus  (né  à  Valenciennes  en  1812 
et  mort  à  Paris  en  1896),  dont  nous  avons  déjà  eu 
l'occasion  de  parler  au  sujetde  l'invention  de  la  clef 
qui  porte  son  nom. 

Elève  de  Guillot  au  Conservatoire  de  Paris,  où  il 
obtint  le  premier  prix  en  1828,  il  entra  en  1834  à 
l'orchestre  de  l'Opéra,  et  à  celui  du  Conservatoire  en 
qualité  de  flûte  solo.  Un  des  premiers,  il  résolut 
■d'abandonner  l'ancien  système,  dès  que  Bœhm  eut 
fait  connaître  son  invention  à  Paris;  mais  comme  il 
ne  pouvait  pas,  sans  études  préalables,  se  produire 
en  public  sans  être  sûr  de  lui-même  sur  le  nouvel 
instrument,  il  travailla  en  secret  la  flûte  BdCHXi  pen- 
dant plus  de  deux  ans,  ne  paraissant  sur  aucune  es- 
trade de  concert  pendant  cette  période,  et  gardant 
seulement  ses  emplois  d'orchestre  où  il  continuait  à 
jouer  l'ancienne  flûte.  Quand  il  se  sentit  tout  à  l'ail 
maître  du  nouvel  instrument,  il  parut  en  public,  et  ce 
fut  une  telle  révélation,  que  la  cause  de  la  nouvelle 
flûte  fût  gagnée.  Son  invention  de  la  clef  de  so/; 
aplanit  l'obstacle  qui,  peut-être,  eût  fait  échouer  la 
flûte  Bœhm,  tant  le  nouveau  doigté  pour  cette  note 
révolutionnait  les  habitudes  de  tous  les  artistes. 

DoRus  prit  la  succession  de  Tulou,  comme  profes- 
seur au  Conservatoire,  en  1860,  et  il  garda  ce  poste 
jusqu'en  186S.  Ce  fut  lui,  naturellement,  qui  intro- 
duisit au  Conservatoire  l'enseignement  de  la  flûte 
Bœhu.  Peu  après  sa  démission  de  professeur,  il  donna 
celle  de  flûtiste  à  l'Opéra  et  à  la  Société  des  concerts, 
et  vécut  dans  la  retraite  jusqu'en  1896.  Frère  de  la 
célèbre  cantatrice  madame  Dobus-Gras,  leurs  deux 
noms  furent  souvent  associés  sur  les  programmes  de 
concerts.  Il  a  laissé  la  réputation  d'un  virtuose  admi- 
rable; la  perfection  de  son  exécution  et  la  pureté  de 
son  style  sont  encore  présents  à  la  mémoire  des 
vieux  abonnés  de  la  Société  des  concerts. 

Il  a  laissé  quelques  compositions  oubliées  aujour- 
d'hui et  une  excellente  méthode.  Son  successeur  au 
Conservatoire  fut  Henry  Altés  (1826-1893),  auteur 
d'une  impoitante  méthode.  Nous  donnons  d'ailleurs 
ici  la  liste  des  professeurs  au  Conservatoire,  depuis 
sa  fondation,  liste  que  nous  empruntons  à  l'ouvrage 
de  Constant  Pierre  : 

Devienne  (1793-1803).  —  Schneitzhœfer  (1793- 
1800).  —  HuGOT  (1793-1803).  —  Duverger  fI79o-1802). 


1522 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Mentionnons    encore  Gaspard  Kummer  (179d-18.0„ 
auteur  de  compositions  estimées. 

Théobald  Bœhm,  même  s'il  n'avait  pas  révolutionne 
l'art  de  la  flCte  par  l'invention  qui  porte  son  nom, 
aurait  vraisemblablement  pris  place  dans  cette  par- 
tie de  notre  travail.  On  sait,  en  elfet,  qu  .1  était  nn 
virtuose  distingué,  fort  apprécie  a  Munich,  et  égale- 
ment connu  comme  virtuose  dans  plusieurs  capitales. 
Evidemment,  dans  la  seconde  partie  de  sa  vie,  il 
abandonna  quelque  peu  la  carrière  de  virtuose  pour 
sps  recherches  d'invenleur. 

Les  nécessités  de  sa  propagande  lui  firent  écrire  des 
morceaux  combinés  de  telle  sorte  qu  on  ne  put  réel- 
lement les  exécuter  que  sur  sa  tinte.  Ce  sont,  en  gé- 
néral d'aimables  morceaux  fort  brillants,  dont  cer- 
tains'(surtout  les  Variations  sur  ui,  '/'«»^'''^,  Sf"" 
liERT)  témoignent  d'une  réelle  musicalité.  Il  tant 
Dlacer  au  premier  rang  de  ses  compositions  ses  Etu- 
des, notamment  les  2i  Caprices  dédiés  aux  amateurs, 
indispensables  à  tout  flûtiste. 

La  llûte  Bœhm  avait  peu  à  peu  pénétre  partout  en 
Europe.  Un  seul  pays  lui  restait  fermé,  ou  peu  s  en 
faut  •  la  propre  patrie  de  l'inventeur.  Faut-il  voir  la 
les  raisons  de  l'infériorité  dans  laquelle  se  sont  trou- 
vés depuis  lors,  les  Allemands,  vis-à-vis  de  leurs 
rivaux  français,  mais  le  fait  est  qu'il  n'y  a  guère  de 
noms  à  opposer  aux  nôtres  dans  la  seconde  moitié 
du  xix'  siècle.  Nous  ne  voyons  guère  que  Soussmann, 
né  à  Berlin  en  1796,  el  mort  à  Sainl-Pétersbourg,  ou 
il  fit  toute  sa  carrière,  en  1848,  qui  mérite  une  men- 
tion particulière,  et  surtout  les  frères  Dopi-lkr,  Franz 
et  Charles  excellents  musiciens  et  virtuoses,  origi- 
naires de  Lamberg  (Galicie),  et  qui  se  «"^«n»; Ç°""f ''[^ 
tout  d'abord  en  jouant  des  duos.  Franz  (1821-1883) 
a  laissé  de  charmantes  compositions  pour  flûte  et 
piano,  restées  jusqu'à  nos  jours  au  répertoire  des 

flûtistes. 

Le  plus  remarquable  des  firitistes  compositeurs 
d'outre-Rhin  de  notre  époque  est  un  Danois,  Joa- 
chim  Andersen,  né  à  Copenhague  en  1847,  et  mort  en 
1009.  La  première  partie  de  sa  vie  est  remplie  par  sa 
carrière  de  flûtiste.  Il  fut  attaché  à  plusieurs  orches- 
tres importants,  el  visita  successivement  la  Suède,  la 
Finlande  et  la  Russie,  puis  l'Allemagne  Une  sorte  de 
paralysie,  ou  tout  au  moins  de  «  courbature  »  de  la 
langue,  l'obligea  à  abandonner  la  flûte  vers  1893,  et  il 
retourna  à  Copenhague,  où  il  dirigeadivers  orchestres. 
C'est  un  des  seuls  flûtistes  de  nos  jours  qui  ait  gardé 
la  tradition  de  la  génération  précédente  de  composer 
pour  la  flùle.  Sa  production  est  considérable  :  deux 
concertos,  un  grand  nombre  de  morceaux  de  con- 
cert et  un  plus  grand  nombre  encore  de  morceaux 
de  salon,  d'une  facture  un  peu  lourde,  mais  admi- 
rablement écrits  pour  l'instrument,  et  témoignant  de 
réelles  qualités  musicales,  mériteraienl  déjà  de  lui 
donner  une  place  distinguée  parmi  les  virtuoses 
compositeurs.  Mais  il  faut  surtout  mettre  hors  de 
pair  ses  Eludes,  qui  sont  de  beaucoup  ce  qu'on  peut 
trouver  de  plus  remarquable  en  ce  genre  depuis  de 
longues  années.  Il  en  existe  au  moins  7  ou  8  séries 
de  24,  dans  tous  les  tons,  et  bàlies  sur  un  plan  entiè- 
rement nouveau.  Elles  sont  particulièrement  utiles 
comme  préparation  aux  difliciiltés  de  la  musique 
moderne,  et  toutes  ont  un  intérêt  musical  indéniable. 

École  italienne.  —  Monzam  (1762-1839),  Sola 
(1786-?)  furent  des  virtuoses  italiens  distingués.  Le 
plus  connu  des  flûtistes  de  ce  pays  fut  surtout 
Giulio  Briccialdi  (1818-1881).  La  plus  grande  partie 


de  sa  carrière  se  passa  à  Londres;  il  a  laissé  un 
grand  nombre  de  compositions  dans  le  goût  super- 
ficiel et  brillant  qui  convenait,  à  cette  époque,  en 
ce  pays.  L'Angleterre,  au  xix«  siècle,  fut  pour  les 
flûtistes  un  champ  d'action  unique.  Nulle  part  la 
flûle  ne  fut  plus  que  là  1'  «  instrument  à  la  mode  ». 
On  nous  a  conté  cette  anecdote  typique.  Vers  le  milieu 
du  xixi^  siècle,  on  voulut  former  à  Oxford  un  orches- 
tre d'amateurs  recruté  exclusivement  parmi  les 
étudiants  des  nombreux  et  aristocratiques  collèges 
de  cette  ville.  Dès  la  première  réunion,  on  eut  la 
stupéfaction  de  compter  plus  de  cinquante  flûtistes, 
contre  4  ou  5  violonistes  seulement. 

École  anglaise.  —  Comme  toujours  en  Angleterre, 
les  virtuoses  d'origine  étrangère  prenaient  le  pas 
sur  les  artistes  indigènes;  nous  avons  cité  leurs  noms 
au  fur  et  à  mesure  de  notre  énumération.  Cependant, 
on  compte  de  fort  distingués  flûtistes  anglais  :  le  plus 
ancien  parait  être  Miller  (1731-1807).  Viennent  en- 
suite AsHE  (1759-1841)  et  Gunn  (1763-1824).  Rudall, 
né  en  1781,  était  un  très  habile  flûtiste,  mais  il  mé- 
rite surtout  d'être  cité  comme  fondateur  de  l'impor- 
tante marque  qui  porte  son  nom. 

Beaucoup  plus  populaire  est  le  nom  de  Nicholson, 
né  à  Liverpool,  en  1793. 

Très  doué  pour  la  virtuosité,  cet  artiste  fit  une 
carrière  extrêmement  brillante  et  fructueuse.  Il  re- 
cherchait.avanttout  l'ampleur  du  son,  et  voulait  ap- 
pliquer à  la  flûte  le  vibrato  du  violon,  ce  qui  n'était 
pas  sans  nuire  à  la  qualité  du  son,  et  du  style.  Il  a 
laissé  de  nombreuses  compositions  dans  le  goût  de 
son  temps. 

Richard  Carte,  propagandiste  et  fabricant  de  la 
flûte  Bœhm,  Richardson  (1814-1862),  Pratten  (1824- 
1868)  termineraient  notre  liste,  si  nous  ne  nous  fai- 
sions un  devoir  d'y  ajouter  le  nom  de  Richard. -S. 
RocKSTRO.  Ce  dernier  n'a  pas  laissé  la  réputation 
d'un  grand  virtuose,  mais  celle  d'un  bon  professeur 
et  d'un  érudit.  Son  ouvrage  intitulé  The  Flute  (Rudall 
Carte,  1831)  est  bien  certainement  le  plus  impor- 
tant qui  ait  été  publié  sur  ce  sujet,  et  témoigne  d'un 
efl'ort  considérable.  Nous  y  avons  trouvé  nombre  de 
renseignements  intéressants  et  précieux. 

Époque  acincllc. 

A  l'heure  où  nous  corrigeons  les  épreuves  de  cette 
étude,  il  nous  parait  intéressant  de  dresser  une  liste, 
forcément  incomplète,  des  flûtistes  occcupant  dans 
leurs  pays  respectifs  des  postes  officiels.  Les  histo- 
riographes futurs  de  la  llûte  nous  sauront  gré  de 
cette  attention.  Pour  ne  pas  surcharger  notre  travail, 
nous  nous  bornons  à  cette  simple  énumération  des 
virtuoses  les  plus  connus  : 

Paris.  Professeur  au  Conservatoire  :  M.  Ph.  Gadbert. 

société  des  Concerts  du  Conservatoire  :  M.  Moyse. 

Concerts  Colonne  :  O.  lÎLANycAKT. 

Concerts  Lamoureux  :  J.  Bodi.zk. 

Concerts  I^asdeloup  :  Crunei.i.k. 

Société  moderne  d'Instruments  à  Vent  :  Louis  Fledry. 

Société  des  Instruments  à  Vent  :  Pli.  Gadbi;bt,  R.  Le  Rot 

Opéra  :  J.  Iïoulze. 

Opéra -Comique  :  E.  PoRTBÉ-Movsrî. 

Lomlrfs.  Ptiiliirmonic  Society  :  A.  Fhansella. 

New  Queen's  Hall  orchestra  :  R.  Molchie. 

Londnn  symphony  orchestra  :  D.-S.  Wood. 

Hrtt:relli's.  l'rof.  au  Conservatoire  :  Dr  Mont. 

Vieiinf.  Van  Lekr  :  Opéra  et  Philharmonique. 

Wiener  syin]ihonic  :  Schienfui.d. 

Rome.  Prof,  ii  l'Académie  Sainle-Cécile  :  Vesgietti. 

Berlin.  Soliste  à  l'Oiiéra  :  Emil  Prill. 


TECHNIQUE,  EST/1  ÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 

.Y<«'-l'»rA.  Danirush  mcla-slra  ;  (1.  B,>r»i;rb'. 
Uostuit.  Busloii  sj'inphiiiiy  orthi'stra  :  Cl.  Laorent'. 
Chiciii/o.  Thomas  urchi'slra  :  Qcensel. 
Cincinnati.   Symphony  orchestra  ;  Ary  Van  Leedwen. 
Monle-Cnrlo.  Concorts  symphoninues  :  D.  Maqoarbe. 


L'ART   DU    FLUTISTE 

Ce  chapitre  n'est  pas  une  méthode,  et  nous  évite- 
rons, dans  les  lignes  qui  vont  suivre,  tout  ce  qui  pour- 
rait faire  doub'e  emploi  avec  les  nombreux  traités  à 
l'usage  des  exécutants.  Nous  ne  pourrions,  d'autre 
part,  passer  sous  silence  quelques  principes  d'exécu- 
tion qui  sont  le  complément  indispensable  d'un  tra- 
vail qui  ne  s'adresse  pas  uniquement  aux  flûtistes. 
Nous  éviterons,  toutefois,  d'énoncer  des  principes 
générau.'i  que  tout  musicien  ou  amateur  doit  con- 
naître. 

Le  son. 

Nous  plaçons  au  premier  plan  des  préoccupations 
d'un  flOitiste  la  recherche  d'une  bonne  sonorité.  On 
a  vu,  au  chapitre  premier  de  cette  étude,  que,  de  tous 
les  instruments  dits  de  hois,  la  flûte  est  de  beaucoup 
celui  dont  le  principe  de  construction  est  le  plus 
simple.  Entre  le  tube  sonore  elle  llùtiste,  nulle  inter- 
position. La  flûte  à  bec  comporte  un  sifflet,  la  cla- 
rinette une  anche  simple,  le  hautbois  et  le  basson 
une  anche  double.  Le  flûtiste  doit  produire  les  vibra- 
tions de  la  colonne  d'air  par  le  moyen  de  ses  seules 
lèvres. 

La  conformation  physique  du  flûtiste  joue  donc 
un  rôle  important  dans  son  exécution,  et  il  est  géné- 
ralement admis  que  certaines  formes  de  lèvres  sont 
défavorables.  La  mâchoire  inférieure  proéminente, 
par  exemple,  est  un  sérieux  obstacle  à  la  production 
du  son,  la  direction  du  souffle  ayant  tendance  à  se 
produire  de  bas  en  haut,  ou  bien  de  haut  en  bas.  11 
ne  faut  toutefois  pas  s'exagérer  ces  difficultés.  Un 
flûtiste  dont  les  lèvres  sont  ou  trop  grosses  ou  trop 
minces,  rencontrera  plus  d'obtacles  à  vaincre  qu'un 
collègue  plus  favorisé,  mais  il  devra  en  triompher 
par  un  travail  attentif  et  régulier. 

Ce  qui  peut  se  constater  facilement,  lorsqu'on  entend 
tour  à  tour  plusieurs  flûtistes,  c'est  que  chaque  exécu- 
tant possède  une  sonorité  qui  lui  est  personnelle.  Chose 
curieuse,  cette  personnalité  s'affirme  généralement 
dès  le  début;  un  professeur  exercé  peut,  presque  à 
coup  sûr,  après  quelques  semaines  d'étude,  classer 
son  élève  dans  la  catégorie  des  sonorités  puissantes 
ou  délicates.  Loin  de  chercher  à  uniformiser  les 
sonorités  de  ses  élèves,  il  devra  plutôt  tirer  parti  de 
leurs  qualités  et  même  de  leurs  défauts,  transformer 
en  force  ce  qui  était  brutalité,  en  délicatesse  ce  qui 
était  faiblesse,  etc. 

Il  est  naturellement  impossible  d'indiquer  avec 
exactitude  au  débutant  la  position  des  lèvres  par 
rapport  à  l'embouchure.  C'est  une  question  de  con- 
formation physique.  Deux  défauts  sont  à  craindre  : 
ou  le  flûtiste  couvre  exagérément  l'embouchure,  et 
il  lire  de  son  instrument  une  sonorité  faible,  voilée, 
qui,  dès  le  premier  essai  de  force,  éclate  en  harmo- 
niques qui,  dans  le  langage  vulgaire,  prennentle  nom 
de  couacs;  ou  il  la  découvre  exagérément,  et  le  son 
devient  gros,  cotonneux,  sans  vie,  avec  une  perte  de 
souffle  qui  se  traduit  par  le  mot  également  vulgaire 


LA   FLUTE    1523 


1.  Artistes  français. 


de  bavures;  dans  les  deux  cas,  la  justesse  est  impos- 
sible à  atteindre;  nous  dirons  pourquoi  au  paragra- 
phe suivant. 

L'émission  idéale  consisterait  à  utiliser  entièrement 
le  souflle  projeté  dans  l'embouchure,  mais  il  est  à 
peu  près  impossible  d'arriver  à  cette  absolue  perfec- 
tion. Une  certaine  quantité  d'air  se  perd  toujours 
durant  le  passage  du  souffle.  On  en  fera  la  remarque 
en  se  plaçant  devant  un  miroir  ou  une  bougie  allu- 
mée, placés  très  près  de  l'embouchure,  face  à  l'exé- 
cutant. Le  flûtiste  qui  parviendrait  à  jouer  sans  ter- 
nir la  glace,  ou  sans  faire  vaciller  la  flamme  de  la 
bougie,  aurail  atteint  le  ina.rimuin  de  rendement.  Un 
tel  e.xercice  peut  servir  à  l'amélioration  de  l'émis- 
sion. 

La  recherche  du  timbre,  l'utilisation,  dans  ce  but, 
d'un  léger,  presque  imperceptible  vibrato,  relèvent 
bien  plus  d'un  intelligent  empirisme  que  de  règles 
précises.  Il  est,  d'ailleurs,  bien  difficile  de  définir  avec 
certitude  ce  qu'il  est  convenu  d'appeler  un  beau 
son.  11  est  plus  aisé  de  décrire  les  défauts  à  éviter. 
La  recherche  excessive  d'une  grande  puissance  de* 
son,  surtout  dans  l'octave  grave,  présente  deux  dan- 
gers :  le  son  devient  cuivré  et  n'a  plus  de  rapports 
avec  ce  qu'il  est  convenu  d'appeler  un  son  de  flûte 
(ce  cuivrement,  si  je  puis  me  servir  de  ce  terme,  est 
parfaitement  perceptible  sur  une  flûte  en  bois,  et  c'est 
à  tort  qu'on  a  chargé  de  ce  défaut  l'utilisation  du 
métal  dans  la  construction  des  flûtes).  L'autre  dan- 
ger est  que,  sous  la  pression  violente  des  lèvres,  ou 
le  son  perd  de  sa  force  au  lieu  d'en  gagner,  ou  il 
octavie.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  le  seul  moyen 
d'obtenir  la  seconde  octave  est  de  serrer  les  lèvres, 
et  que  la  recherche  de  la  force  aboutit  toujours  à  utî 
resserrement  des  muscles.  On  doit  donc  procéder  à 
cette  étude  avec  les  plus  grandes  précautions. 

Il  est  toutefois  nécessaire  d'obtenir  un  minimum 
d'intensité.  Un  flûtiste  dont  le  son  est  trop  faible 
perd  toutes  chances  de  se  faire  entendre  dans  la 
masse  de  l'orchestre.  Mais  on  n'oubliera  pas  que  le 
volume  est  peu  de  chose  et  que  le  limbre  est  tout. 

La  justesse. 

Après  avoir  lu  cet  article,  surtout  le  premier  cha- 
pitre, le  lecteur  n'aura  pas  la  tentation  de  classer  la 
flûte  dans  la  catégorie  des  instruments  à  son  fixe. 
Si  incroyable  que  cela  puisse  paraître,  celte  opinion 
est  assez  répandue  dans  le  public,  et  l'on  confond 
volontiers  les  clefs  d'une  flûte  avec  les  touches  d'un 
piano.  On  étonnerait  beaucoup  d'amateurs  de  musi- 
que en  leur  faisant  entendre,  sur  la  même  note,  par 
le  moyen  du  plus  ou  moins  de  pression  des  lèvres  et 
de  l'ouverture  plus  ou  moins  grande  de  l'embou- 
chure, une  inflexion  qui  va  au  moins  jusqu'à  un  1/4 
de  ton  en  chaque  sens. 

Pour  les  mauvais  exécutants,  ceci  peut  passer  pour 
un  inconvénient;  pour  les  bons,  c'est  un  grand  avan- 
tage, car  ils  peuvent,  par  le  seul  moyen  des  lèvres, 
arriver  à  la  justesse  absolue.  Telle  que  nous  l'avons 
étudiée,  la  flûte  de  Bœhm  est  à  peu  près  juste,  c'est-à- 
dire  que  rien  dans  sa  structure  ne  s'oppose  à  l'ob- 
tention d'une  justesse  parfaite.  Certaines  notes,  ce- 
pendant, présentent  sous  ce  rapport  de  légères 
défectuosités.  Le  do»^  (tous  les  trous  étant  ouverts) 
est  généralement  trop  haut.  C'est  un  avantage  dans 
le  ton  de  ré,  lorsqu'il  esl  note  sensible.  C'est  un  grand 
défaut  lorsqu'il  devient  rén.  Le  ré  naturel^  est  légè- 
rement trop  bas.  Ceci  est  connu  de  tous  les  flûtistes 


1524  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  C.OXSERVATOIRE 


exercés,  qui,  instinctivement,  augmentent  légèrement 
la  pression  des  lèvres  loisqu'ils  rencontrent  cette 
note.  On  comprendra  qu'ici,  la  qualité  de  bon  mu- 
sicien est  inséparable  de  celle  de  bon  llûtisle,  et  que 
les  lèvres  doivent  obéir  à  l'oreille. 

La  double  particularité  suivante  est  à  la  base  de 
toute  sérieuse  étude  de  la  flûte. 

A)  Les  vibrations  augmentent  sous  la  plus  forte 
pression  des  lèvres  et,  inversement,  diminuent  par 
leur  relâchement. 

B)  Elles  augmentent  également  lorsque  le  \\\\- 
tiste  découvre  l'embouchure  et,  inversement,  dimi- 
nuent lorsque  l'embouchure  est  rentrée. 

Donc,  toute  augmentation  de  puissance  doit  avoir 
comme  correctif  une  légère  avancée  des  lèvres  sur 
l'embouchure,  et  la  diminution  d'intensité  doit  avoir 
comme  correctif  le  mouvement  contraire. 

11  est  faux  de  parier  de  positions  de  lèvres  spécia- 
les à  chaque  octave.  Les  lèvres  doivent  être  constam- 
ment en  mouvement,  selon  que  la  ligne  musicale 
monte  ou  descend,  selon  que  varie  la  nuance  exigée. 

Il  existe  des  doigtés  spéciaux,  employés  dans  des 
cas  déterminés,  pour  hausser  ou  baisser  certaines 
notes, et  tout  Uùtiste  exercé  doit  les  connaître  et  s'en 
servir  pour  plus  de  facilité.  Mais  on  peut  affirmer 
qu'avec  le  seul  secours  des  lèvres,  un  bon  tlûtiste 
doit  obtenir  une  justesse  rigoureuse. 

La  respiration. 

Ceci  est  un  point  capital  dans  l'art  du  flûtiste. 

Le  flûtiste  jouit  de  cet  immense  avantage  que  son 
instrument  exige  rarement  une  dépense  de  souffle 
dépassant  la  normale.  Le  jeu  des  poumons  se  fait 
avec  autant  de  facilité  que  dans  la  pratique  de  la 
conversation.  Certains  médecins  estiment  même  que 
la  pratique  de  la  tlùte  est  bienfaisante  aux  poumons, 
et  un  praticien  américain  la  préconisait  naguère 
comme  un  préventif  de  la  tuberculose! 

Sauf  en  des  cas  très  rares,  l'exécution  d'un  mor- 
ceau n'exige  du  flûtiste  aucun  effort  conduisant  à  la 
fatigue.  Mais  il  est  évident  qu'à  la  base  de  l'art  de 
respirer,  se  trouve  la  bonne  utilisation  du  souffle. 
Nous  avons  traité  cette  question  dans  un  précédent 
paragraphe. 

Le  Uùtiste  doit  se  convaincre,  en  premier  lieu,  que 
la  respiration  n"a  pas  seulement  pour  but  le  renou- 
vellement de  l'air  dans  les  poumons,  mais  qu'elle  est 
aussi  un  moyen  d'expression  :  le  meilleur  pour  la 
mise  en  valeur  des  phrases  musicales.  Quelles  que 
soient  ses  nécessités  physiques,  il  ne  doit  se  permet- 
tre aucune  respiration  qui  soit  en  conlradiction  avec 
le  développement  de  la  phrase.  Bien  mieux,  n'aurait- 
il  nul  besoin  de  respirer,  qu'il  doit  le  faire  si  la  ter- 
minaison d'une  période  exige  un  arrêt  quelconque 
du  son. 

On  conçoit  qu'une  bonne  tenue  est  nécessaire  au 
jeu  naturel  des  poumons.  Ceci  ressort  tout  autant  de 
l'hygiène  que  de  l'art.  Toute  position  du  corps  com- 
primant les  poumons  est  mauvaise.  Nous  ne  nous 
étendrons  pas  davantage  là-dessus.  On  trouve  de 
plus  amples  détails  sur  cette  question  dans  les  mé- 
thodes de  flûte.  On  peut  classer  en  3  catégories  les 
différentes  façons  de  respirer.  Ce  paragraphe  est  ins- 
piré de  la  Méthode  de  Flûte  Taffanel-Gaubert,  ré- 
cemment publiée  (Leduc,  éd.). 

1°  Les  respirations  longues;  elles  sont  employées 
dans  les  pbrases  de  longue  durée  ou  de  grande  inten- 
gité,  et  s'obtiennent  par  la  dilatation  la  plus  ample 


des  poumons.  Il  est  utile  de  respirerainsi  lorsqu'une 
pause  un  peu  longue  s'offre  au  cours  d'un  morceau. 

2°  L'aspiration  moyenne  —  la  plus  usuelle  —  qui 
n'exige  qu'une  admission  d'air  à  peine  supérieure  à 
la  normale. 

.3°  L'aspiration  brève,  aspiration  de  renfort,  desti- 
née soit  à  combler  un  léger  vide  des  poumons  qntre 
deux  membres  de  phrase,  soit  à  souligner  la  sépara- 
tion de  deux  phrases  musicales  au  cours  d'un  Irait. 

11  est  essentiel  de  proportionner  le  volume  d'air 
absorbé  à  la  longueur  ou  à  l'intensifé  de  la  phrase, 
sans  oublier  qu'à  intensité  égale  les  sons  graves  exi- 
gent plus  de  souffle  que  les  sons  aigus.  En  principe, 
il  est  bon  d'avoir  une  bonne  quantité  d'air  en  réserve; 
l'exagération  mènerait  à  la  suffocation,  et  aurait  pour 
danger  de  précipiter  l'expiration  au  détriment  de 
l'égalité  du  souffle. 

Bref,  il  convient  de  retenir  de  ce  qui  précède  que 
la  respiration  est  non  seulement  à  la  base  de  la  pro- 
duction du  son,  mais  qu'elle  est  également  un  élé- 
ment indispensable  du  style. 

Mécanisme- 

Un  bon  mécanisme  est  indispensable  au  flûtiste.  Il 
n'est  pas  d'instrument  auquel  on  demande  plus  de 
virtuosité.  Traits  rapides,  cadences,  fusées,  etc.,  la 
flûte  est  considérée  parles  compositeurs  comme  apte 
à  tout  faire,  et  la  musique  de  tous  les  temps  et  de 
foutes  les  écoles  regorge  de  difflculfés  techniques 
qu'un  bon  flûtiste  doit  pouvoir  surmonter. 

La  pratique  quotidienne  des  gammes,  arpèges, 
intervalles,  généralement  réunis  sous  le  vocable 
d'exercices  journaliers,  est  indispensable.  On  pla- 
cera le  souci  de  l'égalité  avant  celui  de  la  vitesse,  et 
on  n'oubliera  pas  que  toute  pratique  du  mécanisme 
qui  néglige  la  qualité  du  son  est  funeste. 

A  ces  exercices  doivent  s'ajouter  les  études  — dont 
la  littérature  de  flûte  foisonne  —  qui  apportent  un 
peu  de  variété  à  l'étude  aride  du  mécanisme  et  parcou- 
rent un  nouveau  champ  de  difflcultés.  Certaines  de 
ces  études  (dontcelles  de  Bœum  etde  Drouet  sont  les 
prototypes)  traitent  des  difflcultés  courantes  de  la 
flûte.  D'autres  (celles  d'ANDERSEN,  par  exemple)  sont 
plus  tourmentées,  modulent  sans  cesse  et  présentent 
au  flûtiste  des  difflcultés  plus  rarement  rencontrées. 
Il  sera  bon  de  les  travailler  conjointement,  ou  de  les 
faire  alterner;  on  évitera  de  s'obstiner  durant  de 
longues  périodes  sur  l'un  des  deux  genres  d'études. 

Slyle. 

Nous  ne  nous  étendrons  pas  sur  ce  sujet,  qui  nous 
entraînerait  trop  loin  et  nous  ferait  dépasser  les 
bornes  assignées  à  cet  article.  Il  prêterait,  d'ailleurs, 
à  des  considérations  qui  ne  sont  pas  spéciales  à  la 
flûte.  Nous  ferons  observer  toutefois  que  la  flûte  est  un  ♦ 
instrument  à  ressources  limitées,  que  l'écbelle  de  sa 
sonorité  est  restreinte,  et  que  certains  effets  ou  l'ex- 
pression de  certains  sentiments  devraient  lui  être 
interdits.  La  décadence  artistique  de  la  flûte  a  com- 
mencé au  début  du  ïix'  siècle,  lorsque  les  virtuoses 
de  cette  époque  ont  voulu  aborder  le  style  pompeux, 
les  grandes  envolées  et  les  grands  éclats.  Cette  école, 
qui  débuta  avec  Tulou  et  aboutit  à  I^emersseman,  nous 
a  valu  un  nombre  incalculable  de  grands  concertos 
et  de  solos  brillants.  Comme,  là-dessus,  s'est  greffe 
le  goût  des  fantaisies  à  variations  et  des  pots-pourris 
sur  les  opéras,  la  musique  de  flûte  n'a  plus  été  qu'un 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  FLUTE    1525 


prétexte  à  vains  tuilulutus  et  à  elTels  de  mauvais 
goût.  Une  heureuse  réaction  s'est  produite  en  ce 
dernier  tiers  de  siècle,  sous  l'influence  d'artistes 
parmi  lesquels  Paul  Taffanel  a  occupé  la  première 
place.  Il  est  à  reniaïquer,  d'ailleurs,  que  ce  change- 
ment s'est  produit  dès  (|ue  les  instrumentistes  —  du 
moins  en  France  —  ont  renoncé  à  écrire  pour  leur 
instrument. 

Cette  renonciation  a  coïncidé  avec  un  retour  de 
curiosité  pour  la  musique  du  xvni'  siècle,  où  la  flûte 
était  employée  avec  plus  de  tact  et  de  discrétion.  Il 
en  est  résulté  un  retour  à  un  style  plus  sohre.  C'est, 
en  eli'et,  l'extrome  sobriété  du  style  que  nous  nous 
permettrons  de  préconiser.  Il  nous  parait,  qu'avec 
une  technique  solide  et  une  sonorité  riche  et  variée, 
l'exacte  observance  des  désirs  de  l'auteur  conduit  à 
l'interprétation  idéale,  celle  qui  met  l'instrument  au 
service  do  la  musique,  et  non  pas  la  musique  ;'i  celui 
du  virtuose.  Mais  il  est  évident  que  ces  principes 
exigent  plus  d'art  et  de  science,  de  la  part  de  l'instru- 
mentiste, qu'une  fantaisie  désordonnée. 


LA  BIBLIOTHÈQUE    DU   FLUTISTE 

Un  catalogue  dressé  par  le  professeur  Phill,  de 
Berlin,  il  y  a  quelque  trente  ans,  sorte  de  compilation 
des  catalogues  et  prospectus  d'éditeurs,  prétendait 
offrir  à  l'amateur  tlùtisle  le  relevé  complet  de  ce  qui 
existait  comme  musique  de  llùte,  et  ceci  aboutissait 
à  une  liste  d'environ  ~  LiOû  morceaux.  Cet  intéressant 
travail  péchait  par  quelques  omissions  regrettables,  et 
surtout  par  un  excès  de  richesses,  car  la  plupart  des 
œuvres  mentionnées  ne  méritent  aucune  attention.  Il 
est  plus  malaisé  de  dresser  une  liste  des  œuvres  in- 
dispensables que  tout  flûtiste  doit  posséder. 

Nous  essaierons  de  le  faire,  en  nous  en  tenant  au 
strict  nécessaire. 

Méthodes  :  Taffanel-Gadbert  (méthode  avanl  toul  ctcslinéi' 
aux  études  supérieures). 

Devienne  (pour  les  débutants).  Mentionnons  les  méthodes 
Altés,  Ivoelher,  Prill,  Bro"K. 

£tudes  :  IS  Exercices  de  Berbiguier. 

54  Eludes  de  Drocet. 

100  Etudes  de  Drocet-Taffanel. 

Si  Caprices  (dédiés  aux  amateurs)  de  Bœhm. 

U  Eludes  de  HœHM. 

6  Grandes  Eludes  de  Camds. 

55  Etudes  (Extraites  de  la  Méthode)  de  Sodssman. 

Toutes  les  Etudes  (Op.  15,  21,  30,  33,  37,41,  60,  63)  d'AN- 

BSSSEN. 

li  Etudes  (avec  ace.  de  piano)  de  Pierre  Cames. 
Etudes  et  Ejcrciees  tcchinfjnes.  de  Moyse. 

Morceaux  d'Etude  pour  flûte  et  piano  :  Qu<lle3  que 
soient  nos  préférences  musicales,  nous  ne  pouvons  iiéi^li^er  les 
œuvres  de  fliitisles  dont  l'étude  peut  être  très  profitable  à  l'élève, 
sans  qu'il  songe  plus  tard  à  les  exécuter  en  public.  Cette  observa- 
tion ne  s'applique  pas  à  Fr.  Ivulhau,  dont  toutes  les  œuvres 
méritent  d'être  jouées.  I^es  trois  solos  (op.  57)  sont  à  la  base  do 
l'enseignement  de  la  tlùte. 

Tdlod.  Sotos  (principalement  le  5«,  le  7°  et  le  13^).  Concertos. 

LiNDPAiNTNER.  Coticerto  pathétique, 

Demersseman.  Solos  (principalement le  2«  et  le  6"). 

Th.  Bœhm.  Trois  airs  variés  (principalement  les  Yariatioiis  sur 
une  Valse  de  Schubert). 

Andersen.  Concerstuck  (op.  3). 

—  Fantaisie  caractéristique  (op.  16). 

—  Ballade  et  danse  des  sylphes  (op.  5). 
Langer.  Concerto  en  snl  mineur. 

Classiques  pour  flûte  et  piano  :  J.-S.  Bach,  e  sonates. 

G.-F.  Haendel.  7  sonates. 

Hatdn.  Sonate  en  sol  tiiaj.  ' 

Blavet  (Michel).  6  sonates  (principalement  les  n"'  1  et  4). 

B.  Marcello.  4  sonates. 

Hdmmel.  Sonate  en  la  majeur. 

Mozart.  Concerto  en  rc  majeur  (piano  réduction  d'orcheslre). 


—  Concerto  en  sol  majeur  (piano  réduction  d'orchestre). 

—  .\ndante  en  ut  majeur  (piano  réduction  d'orchestre). 
Schdbert.  Introduction  et  variations . 

Qdantz  (J.).  Sonates. 

—  Concerto  en  sol  majeur. 
Mattheson.  Sonates. 

J.  Stanley.  Sonate. 
J.-B.  LiEiLLET.  Sonates. 

Classiques  pour  flûte  et  instruments  divers  : 

J.-S.  ItAcn.  Suilc  en  si  mineur  (lli'ite  et  cordes). 

—  Sonate  en  sol  majeur  (flûte,  violon,  piano). 

—  Sonate  en  ul  mineur  (fliite,  violon,  piano). 

—  Sonate  en  sol  maj.  (2  flûtes  et  piano). 

—  Concertos  brandehottrgeois  (2,  5). 

—  Concerto  à  2  /lûtes  et  violon. 

—  Concerto  en  la  minear  (flùLe,  violon,  cembalo). 

Ct.-F.  Haendel.  Sonate  en  ut  mineur  (flûte,  violon,  piano). 

HAvnN.  Trios  (flûte,  violoncello  et  piano). 

J.-Ph.  Rameau.  Pièces  en  concert  (flûte,  viole  de  gambe,  piano). 

Gluck.  Scène  des  Champs-Elysées  {Orphée)  (flûte  et  cordes). 

Mozart.   Quatuors  en  ré  et  en  la  (flûte  et  cordes). 

Beigthoven.  Sérénade  {i\ntG,  violon  et  alto). 

Weber.   Trioinùla.  violoncelle  et  piano. 

Œuvres  modernes  pour  lesquelles  nous  avons  adopté 
le  classement  alphabétique  :  Albert  iL.).  introduction  el 
Alletiro.  Madrii/al  (flûte  et  piano). 

Benoît  (Peter),  l'ocmc  sijnijihonique  (flûte  et  piano,  ou  orchestre^ 

Berlioz.  DirertisscmenI  des  Jeunes  Ismaélites  ^^  flûtes  et  harpe). 

Bordes  (Ch.).  Suite  Basque  (flûte  et  quatuor  k  cordes). 

Bréville  (P.  de).  Une  l'iùle  dans  les  Verriers  (flùle  et  piano). 

BiJssER  (H.).  Prélude  el  S'her:.o  (flûte  et  piano). 

Camds  (Pierre).  Chanson  et  badinerie  (flûte  et  piano). 

Cait-et  (a).  Rêverie,  Petite  valse  (dùto  H  piano). 

Casella  (a.).  Barcarolle  et  scherzo  (flûte  et  piano). 

—  Siciliuno  e  burlesca  (flûte  et  piano). 
Ghamlnade.  Concertino  ^flûte  el  i)iaLo). 
CiEDi-.s  MoNi;iN.  S«i'/c  (flûte  et  piano). 
DuvERNOY.  Concertino  (flûte  et  piano). 

DoppLER  (Fr.).  Fantaisie  Pastorale  Hongroise.  Airs  Valaqnes. 

Debussy.  Sonale  (flûte,  alto  et  harpe). 

Dresden  CSem).  Sonale  (flûte  et  harpe). 

Enesco.    Cantabile  el  Presto  (flûte  et  piano). 

Fadhb  (g.).  Fantaisie  (flûte  et  piano). 

P.  O.  Ferrood.  Trait  Pièces  (flûte  seule). 

Gaubert  (Ph.).  yocturne  et  Allegro  scherzando  (flûte  et  piano). 

—  I'«  sonate  (flûte  et  piano). 

—  50  sonate  (flûte  et  piano). 

—  Fantaisie  (flùle  et  piano). 

—  Romance,  Madrigal,  etc.  (flûte  et  piano). 
German  (Kd.l.  .S«i/p  (flûle  et  piano). 
Godard  (Benjamin).  5u!(e  (flûte  el  piano'i. 
Gallon  (Noôl).  Suite  (flûte  et  piano). 

Hahn  (Raynaldo).  Variations  sur  un  thème  de  Mozart  (fl.  et  piano). 
Halphen  (F.).  Sicilienne  (flûte  et  piano). 

—  A'»iV  (flûte  et  piano). 

Henschel  (O.).  Thème  et  Variations  (flûte  et  piano). 
HcE  (Georges).  Nocturne  (flùle  et  orchestre  ou  piano). 

—  Gigue  (flûte  et  piano). 

—  Fantaisie  (flûte  et  piano). 

Inbhelbrecht  (D.).  Esquisses  Antiques  (fl.  el  piano  ou  harpe). 

Ibert  (Jacques).  Jeu.r.  (flûte  et  piano). 

JoNuEN  (.Joseph).  Sonate  (flûte  et  piano). 

iiEMPLER.  Capriccio  (flûte  et  piano), 

Kelly  (F. -S.).  Sérénade  (flûte  el  orchestre  ou  piano). 

Kœculin  (Ch.).  Sonate  (deux  flûtes). 

—  Sonate  (flûte  et  piano). 

Lerocx  (X.).  Deu.t  Romances  (flûte  et  piano). 

Lhfebvre  (Ch.).  Ueuj-  Pièces  (flûte  el  piano). 

Mel-Bonis.  Sonate  (flûte  et  piano). 

Mohead  (Léon).  Dans  la  Foret  Enchantée  (flûte  et  piano). 

MiLHAOD  (Darius).  Sonatine  (flûte  et  piano). 

MocauET  (Jules).  La  Flùle  de  Pan  (sonale)  (flûte  et  piano). 

—  Ei/ioguc  (flûte  el  piano). 
Pebilhou.  Ballade  (flûte  et  piano). 
PiLLois  (J.).  Bucoliques  (flûte  et  piano). 
Reinecke  (Cari).  Sonate  [Undiiie)  (flûte  el  pianol. 
Rabaud.  Andante et  scherzo  (flûte,  violon,  piano). 
RonssEL  (Albert).  Joueurs  de  flùle  (flûte  el  piano). 
Saint-Saens.  Romance  en  ré  bémol  (flûte  et  piano). 

—  Airs  de  ballet  d'Ascanio  (flûte  el  piano). 
ScHMiTT  (Florent).  Scherzo  Pastoral  (flûte  et  piano). 
Scott  (Cyril.)  Scotch  Pastoral  (flûte  el  piano). 
Taffanbl  (P.).  Andante  Pastoral  el  scherzo  (tinte  et  piano). 
TovF.Y  (D.  F.).  Variations  sur  un  Thème  de  Gluck  (flûte  et  quatno» 

à  cordes).  1 

WiDOR  (Ch.-M.).  Suite. 
Woollett  (H.).  Sonate  (flûte  el  piano). 


1526 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONSAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


PAUL  TAFFANEL 


Paul  Faffanel,  que  l'on  peut  considérer  comme  le 
plus  grand  tlùtiste  de  son  lemps,  et  dont  l'influence 
sur  l'école  de  (lùte  durant  toute  la  fin  du  xix'  siècle 
a  été  considérable  et  se  fait  encore  sentir  aujourd'hui, 
est  né  à  Bordeaux  en  1844.  Son  père  était  un  assez 
bon  musicien  et  jouait  lui-même  la  llùle  et  le  basson. 
Kn  1860,  le  jeune  ïaffanel  entrait  dans  la  classe  de 
UoRus,  qui  venait  de  prendre  celte  année-là  la  suc- 
cession de  TuLOL'.  Oès  la  première  année,  Taffanel 
obtenait  un  brillant  premier  prix  et  entrait  presque 
immédiatement  à  l'orchestre  de  l'Opéra-Comique, 
qu'il  devait  quitter  bientôt  pour  celui  de  l'Opéra. 
En  1864,  il  devenait  soliste  de  ce  théâtre,  et  ne  devait 
quitter  son  poste,  vingt-neuf  ans  plus  lard,  que  pour 
assumer  les  fonctions  de  premier  chef  d'orchestre. 
-Malgré  cette  lourde  charge,  le  jeune  musicien  n'avait 
pas  abandonné  ses  études,  et  il  obtenait,  en  1862  et 
1863,  les  premiers  prix  d'harmonie,  de  contrepoint 
et  de  fugue. 

Entre  temps,  il  avait  fait  partie  de  l'orchestre  des 
Concerts  Pasdeloup,  qu'il  devait  quitter  bientôt  pour 
la  Société  des  Concerts  du  Conservatoire,  dont  il  de- 
"vint  bientôt  soliste. 

En  1872,  Taffanel  avait  fondé  avec  Armkngai'd  et 
Jacquard  une  Société  de  musique  de  chambre  pour 
double  quintetle  à  cordes  et  à  vent.  Mais,  voulant 
donner  une  impulsion  plus  forte  à  la  musique  pour 
instruments  à  vent  seuls,  il  fonda,  en  1879,  cette 
célèbre  Société  de  Musique  de  chambre  pour  Instru- 
ments à  vent  qui  a  joui,  durant  vingt-quatre  ans, 
d'une  célébrité  européenne.  Cette  société  a  été  dis- 
soute en  189.'!,  lorsque  Taffa,nel,  abandonnant  son 
activité  de  virtuose,  prit  la  direclion  simultanée  de 
l'orchestre  de  la  Société  des  Concerts  et  de  celui  de 
l'Opéra.  Par  la  suite,  quelques  artistes  reprirent  le 
même  titre  et  se  réclamèrent  de  son  patronage  pour 
fonderune  Société  similaire, mais  il  convient  de  noter 
ici  que  la  longue  interruption  entre  la  dissolution  de 
la  première  et  la  fondation  de  la  seconde,  à  quoi  s'a- 
joute le  renouvellement  presque  total  du  personnel 
exécutant,  nous  permet  de  considérer  la  véritable 
Société  Taffanel  comme  ayant  terminé  son  existence 
en  1893. 

Cette  même  année  1893,  le  professeur  de  lliUe  Altés 
ayant  été  atteint  par  la  limite  d'âge,  Taffanel  prenait 
>la  direction  de  la  classe  de  tliHe  au  Conservatoire.  Le 
■hasard  lui  avait  fait  attendre  trop  longtemps  la  prise 
de  possession  d'un  poste  qu'il  devait  occuper  brillam- 
ment jusqu'à  sa  mort.  Il  donna  d'emblée  à  sa  classe 
une  impulsion  remarquable,  et  l'on  peut  dire  que  son 
-arrivée  dans  cette  maison  a  conféré  à  renseignement  de 
'la  llûle  un  éclat  inouï.  Il  a  tenu  avec  éclat  le   pupitre 
•de  premier  chef  d'orchestre  à  l'Opéra,  de  1893  à  1906, 
■et  celui  de  premier  chef  de  la  Société  des  Concerts, 
de  1893  à  1901. 

Malgré  les  nombreuses  obligations  qui  le  retenaient 

à  Paris,  Taffanel  a  beaucoup  voyagé,  tant  comme 

•directeur  de   sa   Société  d'Instruments  à  vent   que 

comme  soliste  virtuose.  A  cet  égard,  il  a  joui  d'un 

I  prestige  ignoré  avant  lui.  Les  virtuoses  flûtistes  de 

la  première  moitié  du  xn"  siècle  avaient,  il  est  vrai, 

connu  de  grands  succès.  Il  serait  puéril  de  nier,  par 

-exemple,  l'éclat  de  la  renommée  d'un  Drouet,  pour 


ne  citer  que  celui-là;  mais  c'est  à  Taffanel  que  re- 
vient l'honneur  d'avoir  assaini  le  répertoire  des  vir- 
tuoses llùtistes,  et  d'avoir,  non  pas  remis,  mais  mis  en 
hoimeurd'admirables  chefs-d'œuvre,  que  l'incroyable 
manque  de  goût  de  ses  prédécesseurs  avait  laissés 
dans  la  nuit.  Les  sonates  de  Bach,  les  concertos  de 
Mozart,  el,  en  général,  tout  ce  qui  constitue  la 
richesse  du  répertoire  de  la  flûte,  étaient  à  peu  prés 
inconnus  avant  que  Taffanel  les  mit  en  lumière. 
L'immense  prestige  qui  s'attachait  à  son  nom  lui 
permit  de  rompre  enfin  la  sorte  d'interdit  qui  pesait 
sur  la  llùte  en  tant  qu'instrument  soliste.  Taffanel 
s'est  fait  entendre  comme  soliste  dans  toutes  les 
capitales  de  l'Europe,  et  à  l'heure  où  nous  écrivons 
ces  lignes,  c'est-à-dire  à  trente-deux  ans  de  distance, 
son  souvenir  n'est  pas  effacé. 

Les  multiples  occupations  que  lui  donnait  sa  car- 
rière d'exécutant  n'ont  pas  permis  à  Taffanel  d'é- 
crire autant  qu'il  eût  sans  doute  désiré  le  faire.  Il  a 
laissé  d'innombrables  transcriptions  qui  ont  rendu  à 
la  cause  de  la  vraie  musique  des  services  insoupçon- 
nés, car  le  répertoire  des  amateurs  était  jusque-là 
d'une  indigence  regrettable.  On  connaît  de  lui  quel- 
ques/'an^iisies  brillantes  sur  des  airs  d'opéras  datant 
de  sa  jeunesse,  auxquelles  il  n'attachait  pas  d'impor- 
tance. On  lui  doit,  en  outre,  un  excellent  Quintette 
pour  instruments  à  vent;  une  Sirilicnne- Etude,  et 
un  morceau  écrit  pour  les  concours  publics  du  Con- 
servatoire :  Andante  pastoral  et  Allegretto  scher- 
zando.  Ce  bagage  est  mince  en  regard  de  ce  qu'on 
pouvait  espérerd'un  tel  musicien.  Peut-être  un  scru- 
pule exagéré  a-t-il  retenu  Taffanel,  que  la  fréquen- 
tation quotidienne  des  chefs-d'œuvre  rendait  trop 
difficile  pour  ses  propres  productions. 

Ce  qu'on  lui  doit,  c'est  d'avoir  provoqué  l'éclosion 
d'un  nombre  considérable  d'œuvres  pour  la  flûte  et 
pour  les  instruments  à  vent.  On  peut  dire  sans  exa- 
gération qu'à  de  rares  exceptions  près,  toute  la  musi- 
que de  quelque  valeur,  écrite  entre  1870  et  189b  pour 
l'une  ou  l'autre  de  ces  combinaisons,  a  été  composée 
à  son  intention.  Les  dédicaces  en  font  foi.  Ces  com- 
positions portent,  pour  la  plupart,  comme  un  reflet 
de  son  style,  et  c'est  fort  heureux,  car  ses  prédéces- 
seurs immédiats,  si  l'on  en  excepte  son  maître  Dorus, 
avaient  donné  à  la  flùle  un  caractère  bien  fait  pour 
éloigner  de  cet  instrument  les  véritables  musiciens. 
L'art  de  Taffanel  était  essentiellement  élégant,  souple 
et  sensible,  et  sa  prodigieuse  virtuosité  se  faisait  aussi 
peu  apparente  que  possible.  Il  détestait  l'emphase, 
piofessait  le  respect  absolu  des  textes,  et  la  souplesse 
lluide  de  son  jeu  cachait  une  extrême  rigueur  dans 
l'observance  de  la  mesure  et  des  valeurs.  11  avait  con- 
sacré un  temps  considérable  à  l'étude  des  problèmes 
de  l'acoustique  et  de  l'émission  du  son.  Sa  sonorité 
pleine  de  charme  était  cependant  très  ample.  Les 
quelques  conseils  de  technique  qui  forment  la  der- 
nière partie  de  cet  article  ne  sont  pas  seulement  le 
résumé  de  son  enseignement,  lis  visent  à  diriger  l'é- 
tudiant flûtiste  dans  la  voie  exacte  qu'avait  suivie 
Paul  Taffanel  pour  son  propre  compte. 

Il  est  mort  à  la  suite  d'une  longue  et  cruelle  mala- 
die, en  décembre  1908.  Il  était  officier  de  la  Légion 
d'honneur,  titulaire  de  plusieurs  ordres  étrangers  et 
membre  de  l'Académie  de  Musique  de  Suéde.  Cette 
notice  ne  serait  pas  complète  si  nous  ne  disions  qu'il 
élait  le  plus  droit  et  le  plus  bienveillant  des  hommes, 
et  qu'il  a  laissé  chez  ses  collègues  et  surtout  chez  ses 
élèves  le  souvenir  le  plus  profond. 

Louis  FLEURY. 


HAUTBOIS 


Par   M.    BLEUZET 


DE  LA  SOCIKTt;  DES  CONXERTS  DO  CONSERVATOIRE 


Le  hautbois  est  un  instiumenl  ù  vent  et  à  anche. 

11  se  compose  d'un  tuyau  en  bois  et  d'une  anche 
double. 

Le  tuyau  est  en  quelque  sorte  le  moule  de  la  co- 
lonne d'air;  c'est  sur  lui  que  se  percent  les  trous  et 
se  posent  les  clés.  Sa  perce  est  conique,  et  le  bas  du 
tube  s'évase  et  prend  à  peu  prés  la  forme  d'un  enton- 
noir :  c'est  ce  que  l'on  nomme  le  pavillon. 

L'anche  se  compose  de  deux  languettes  de  roseau 
très  minces,  placées  horizontalement  et  montées  sur 
un  petit  tube  de  métal  de  forme  conique.  La  partie 
étroite  de  ce  petit  tube  reçoit  les  deux  languettes  de 
roseau  et  la  partie  large  s'emboîte  dans  l'instrument. 


ORIGINE  ET  HISTOIRE   DU   HAUTBOIS 

Le  hautbois,  c'est-à-dire  l'instrument  dont  la  co- 
lonne d'air  est  mise  en  vibration  par  l'anche  à  double 
languette,  est  un  des  plus  anciens  instruments  à  vent. 

Les  (irecs  le  classaient  dans  la  catégorie  des  auloi. 

Auloi  était  le  terme  dont  ils  se  servaient  pour  dé- 
signer les  instruments  ù  vent  (sauf  les  cors  et  trom- 
pettes) qu'ils  employaient  dans  leurs  exécutions  mu- 
sicales. 

Les  Homains  se  servaient,  pour  désigner  la  même 
classe  d'instruments,  du  mot  tibiœ. 

Ordinairement,  les  écrivains  occidentaux  traduisent  aiilas,  et 
son  équivalent  tilii^  par  le  mot  /liUe,  on  entendant  par  là  notre 
flûte  à  bec.  Mais  c'est  là  une  désignation  vicieuse,  k  la  faveur  de 
laquelle  se  sont  perpétuées  les  idées  les  plus  erronées  sur  le  carac- 
lére  et  le  timbre  des  instruments  à  vent  employés  dans  l'anli- 
quité... 

écrit  Gevaeut'. 

Les  anciens  ont  bien  su,  en  effet,  indiquer  dans 
leurs  écrits  deux  familles,  deux  sortes  d'instruments  : 
des  auloi,  selon  l'acception  étroite  du  mol,  et  des 
syringes,  ou  syrinx  [fistulœ). 

Homère-  mentionne  les  deux  sortes  d'instruments  : 

Lorsque  Agamemnon  se  représente  le  camp  ennemi,  il  est 
frappé  du  grand  nombre  de  feux  qui  brûlent  devant  Troie,  du 
bruit  des  syriiigcs  et  des  auloi,  et  des  cris  tumultueux  des  guer- 
riers. 

Hérodote  également  : 

Quand  Alyatte,  roi  de  Lydie,  fit  la  guerre  aux  Mélisiens,  il 
conduisit  sur  le  territoire  son  armée,  laquelle  cnira  dans  le  pays 
an  son  des  sijriiiges,  des  pectis,  de  Vniilos  féminin  et  de  l'aido.s 
masculin'. 


i.  Histoire  et  Théorie  de  la  Musique  antique. 

2.  Iliade,  chant  X. 

3.  Hérodote  :  1.  I,  §  17. 


L'auecdole  suivante,  relative  à  Midas  D'AGRiGErjTË  : 

Pendant  qu'il  était  occupé  à  exécuter  le  morceau  de  concours, 
son  anche  vint  à  se  casser  dans  sa  bouche  et  alla  s'attacher  au 
lialais  ;  le  viituose  se  mit  alors  en  devoir  d'emboucher  l'instru- 
ment au  moyen  de  ses  seuls  tuyaux  comme  une  sijriuge.  Les  au- 
diteurs étonnés  prirent  plaisir  à  ce  genre  de  sonorité,  et  Midas 
obtint  le  premier  prix  ', 

que  cite  Gevaert,  marque  bien  aussi  la  distinction 
entre  la  (lùte  (syringe)  et  l'aulos. 

Plutarque,  dans  son  Dialogue  de  la  Musique,  ne 
laisse  aucun  doute  non  plus  : 

TÉLÉPHASE  DE  Megare  avatt  tant  d'aversion  pour  l'usage  des 
anches,  qu'il  ne  permit  jamais  aux  facteurs  de  tlùtes  d'eu  appli- 
quer sur  ses  instruments  ;  et  ce  fut  la  principale  raison  qui  1  em- 
pêcha de  disputer  le  prix  en  ce  genre  aux  jeux  Pythiques  '. 

Pollux  est  plus  précis  encore  : 

Les  instruments  à  vent  sont,  quant  à  l'espèce,  des  iiuloi  ou  des 
syriitgex...  Les  parties  des  nttlni  sont  :  l'anche,  les  trous,  les 
tuyaux,  l'holmos  et  l'hypolmion*. 


La  légende  attribue  l'invenlion  des  auloi  à  Hyagnis, 
roi  de  Lydie  vers  l'an  1506  avant  l'ère  chrétienne; 
son  fils  Marsyas  aurait  été  son  disciple,  et  c'est  lui 
qui  aurait  transmis  cet  art  à  Olympe  l'Ancien.  Pau- 
saniasdit  que  c'est  Ardale  de  Trézène  (ville  du  Pélo- 
ponèse),  fils  de  Vulcain. 

Piudare,  dans  sa  dernière  Ode  Pythique,  estime 
que  c'est  Pallas,  et  qu'elle  fabriqua  la  tibia  pour  imi- 
ter les  gémissements  des  sœurs  de  Méduse  après  que 
Persée  eut  coupé  la  tête  à  cette  dernière. 


4.  Sohot  :  Pinil.  in  Pylh.,  XII. 

.'j.  En  commentnnt  ce  passage  dans  ses  Jiemargues,  Burf-tte  écrit 
«  Xylander  et  Amyot  ont  bien  conçu  qu'il  s'agissait  ici  de  deui  instru; 
inents  et  d'en  iippliquer  l'un  sur  l'autre,  et  ils  ont  traduit  conformé, 
ment  .1  cette  idée,  avec  celle  ditVércoce  qu'Amyot  rend  ici  par  le  mot 
hautbois  ajXô;,  traduis.int  celui-ci  dans  tout  le  reste  du  Dialogue 
par  le  mot  (lûtes... 

"  -^'-'P-'.'i  est  un  clialumeau,  instrument  à  venl,  analogue  .'i  ce  que 
nous  appelons  t'anche  d'un  hautbois  d'un  tuyau  d'orgue,  et  a'jX6ç 
est  ici  une  (hite  à  bec.  .Si  l'on  retranche  le  bec  à  une  lliitç,  et  qu'en  la 
place  on  y  adapte  une  ancho,  on  fera  un  hautbois,  dont  le  son,  moins- 
doux  que  celui  de  la  liûte.  ressemble  à  celui  du  chalumeau,  s 

Plutarque  veut  donc  dire  que  T^lh-hane  avait  tellement  pris  en 
aversion  les  chalumeaui  qu'il  ne  permit  jamais  que  les  facteurs  d« 
ilûtes  (c'est-à-dire  de  toutes  sortes  d'instruments  à  vent)  appliquassent 
des  anches  aui  tlùtes  «{u'ils  fabriquaient  pour  son  usage,  et  fissent  de 
celles. ci  des  hautbois  ;  c'est-à-dire  quit  ne  voulut  jamais  jouer  que  d« 
la  flûte  douce  et  qu'il  s'abstint  de  paraître  aux  jeux  Pythiques,  oii 
sans  doute  les  flûtes  transformées  en  hautbois  avaient  prévalu. 

Les  flûtes  employées  dans  ces  jeux  s'appelaient  (selon  Pollux)  /lûtes 
parfaites,  parce  qu'apparemment  elles  étaient  plus  travaillées,  plus 
I)arfailes  que  les  autres. 

6.  Pollux  ;  I.  IV,  section  CT. 


1528 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


,  Ovide  prétend  que  c'est  Minerve. 

Mais,  selon  Plularque,  l'invention  de  la  tibia  doit 
être  attribuée  à  Apollon  : 

c'est  lui  en  effet  qui  a  inventé,  non  seulement  la  cilharc,  mais 
encore  la  liliia,  dont  quelques-uns  mal  à  propos  font  honneur  a 
l'un  des  trois  musiciens,  Marsyas, Olympe,  Hyagnis.  Une  preuve 
de  ce  que  j'avance,  c'est  que  toutes  les  danses  et  tous  les  sacri- 
tices  qui  composent  le  culte  de  celte  divinité,  se  font  au  son  des 
tibîn'f  comme  divers  auteurs  le  témoignent,  Alcée  entre  autres,  ■ 
dans  quelques-unes  de  ses  Hymnes.  De  plus,  la  statue  d'ApoLLOx 
à  Delos  empoigne  un  arc  de  la  main  droite,  de  la  gauche  porte  trois 
Grâces,  chacune  desquelles  tient  un  instrument  de  musique  : 
celle-ci  une  lyre,  celle-là  un  anlos,  et  celle  du  milieu  une  syruige 
qu'elle  embouche...  D'autres  assurent  qu'ApoLLON  lui-même  jouail 
de  l'auloi,  et  c'est  l'opinion  d'Alcman,  excellent  poète  lyrique'. 

Nous  pensons  que  l'origine  de  Vaulos  ou  tibia  est 
plus  simple  et  qu'elle  doit  être  plutôt  attribuée  au 
hasard. 

On  sait  à  quel  point  nos  ancêtres  alTectionnaient  la 
vie  champêtre.  Aussi,  n'est-il  pas  naturel  de  penser 
qu'en  soufflant  dans  un  roseau,  soit  pour  le  débou- 
cher, ou  même  simplement  par  désœuvrement,  un 
pasteur,  un  pâtre,  en  ait  fait  sortir  un  son? 

Si  Hyagnis  n'est  pas  l'inventeur  de  la  tibia.  Apulée 
dit  que,  du  moins,  il  doit  être  considéré  comme  l'in- 
venteur d'une  nouvelle  espèce  de  tibia,  libia  à  plu- 
sieurs trous,  ainsi  que  de  l'art  de  jouer  de  cette  tibia 
en  la  doigtant  :  «  choses  qui,  avant  lui,  étaient  res- 
tées ignorées.  »  ^^ 


Les  anciens  employèrent  toutes  sortes  de  matières 
pour  la  fabrication  de  leurs  aiiloi  ou  libia'. 

Les  uns  les  lirent  en  roseau,  d'autres  en  sureau 
dont  on  retirait  la  moelle;  chez  les  Egyptiens  les 
aiiloi  à  plusieurs  trous  étaient  faits  avec  des  tiges 
d'orge;  les  Alexandrins  les  firent  avec  le  lotus;  les 
Thébains  avec  des  os  de  mulets  ou  de  chevreaux; 
Callimaque  dit  que  Minerve  fut  la  première  qui  en 
fit  avec  l'os  libia  de  la  jambe  d'un  jeune  cerf  en  le 
perça^U  de  plusieurs  trous;  les  Scythes  employèrent 
des  ossements  d'aigles  ou  de  vautours.  Les  tibix  re- 
trouvées dans  les  fouilles  de  Pompéï  sont  en  ivoire. 
Les  Phrygiens,  les  premiers,  les  creusèreni  dans  du 
buis  et  les  appelèrent  herecynl.he. 

S'd  faut  en  croire  Pausanias  et  Athénée,  600  ans 
environ  avant  notre  ère  chrétienne,  la  fabrication  des 
mdoi  était  encore  des  plus  élémentaires.  Pendant 
longtemps  les  auloi  n'eurent  que  quatre  trous;  puis, 
on  en  fit  percés  de  trous  ovales.  Ensuite,  on  confec-^ 
tionna  des  boutons  ou  chevilles  qu'on  introduisait 
dans  les  trous  dont  l'exécutant  n'avait  pas  besoin 
momentanément.  Ces  chevilles  furentd'abord  pleines, 
puis  trouées,  probablement  pour  permettre  l'usage 
des  derni-lons  ou  même  des  quarts  de  ton,  puisque 
l'on  prétend  que  les  anciens  Grecs  connaissaient  le 
quart  de  ton. 

Promonos  de  Thèses  imagina  un  autre  procédé  : 
dans  une  tibia  percée  de  beaucoup  de  trous  (tibia 
muUifora)  et  au  moyen  de  douilles  ou  viroles  en  métal 
munies  chacune  d'un  trou  s'adaptant  à  celui  qui  était 
percé  dans  le  tuyau,  on  pouvait,  sans  changer  d'ins- 
trument, exécuter  dans  une  seule  octave  tous  les 
demi-tons  que  comportaient  les  mélodies  en  usage 
à  cette  époque  chez  les  aulètes  hellènes.  Selon  la 
position  de  la  douille,  le  trou  était  ouvert  ou  fermé, 
et  l'exécutant,  comme  avec  les  chevilles  pleines  ou 


1.  Plularque  :  Dialogue  sur  la  Afusiguc. 


trouées,  pouvait  supprimer  les  trous  dont  il  n'avait 
pas  besoin. 

Le  roseau  que  l'on  employait  pour  la  fabrication 
des  tuyaux  des  auloi  n'était  pas  le  même  que  celui' 
qui  servait  pour  faire  les  anches. 

Théophraste  dit  que,  environ  400  ans  avant  noire- 
ère  chrétienne,  le  roseau  que  l'on  employait  pour 
les  anches  se  coupait  vers  le  milieu  de  septembre, 
alors  que  Von  jouait  sans  ornements.  Le  roseau  coupé- 
à  cette  époque  ne  devait  être  utilisé  que  plusieurs 
années  plus  tard.  «  Il  fallait  le  jouer  longtemps  avant 
de  pouvoir  s'en  servir,  »  —  les  languettes  se  con- 
tractant beaucoup,  —  «  ce  qui  était  utile  pour  le  jeU' 
ordinaire.  » 

Plus  tard  (environ  300  ans  avant  J.-C).  la  date  de 
la  coupe  eut  lieu  au  mois  de  juin  ou  en  plein  été. 
On  laissait  encore  reposer  le  roseau  trois  années^ 
avant  de  s'en  servir,  mais  alors  il  n'était  plus  besoin 
de  travailler  longtemps  les  anches,  car  le  roseau  se 
prêtait  aux  entre-biiillenienls  nécessaires,  pour  jouer  des^ 
morceaux  de  virtuositc.  Les  anches  pouvaient  s'enle- 
ver à  volonté.  Elles  étaient  alors  placées  dans  une 
boite  ad  hoc  pour  être  préservées  de  toute  détério- 
ration : 

11  faut  aussi  que  les  anches  des  auloi  soient  compactes,  lisses 
et  uniformes,  afin  que,  grâce  à.  elles,  le  souffle  qui  les  pénètre  soit 
de  même  doux,  uniforme  et  sans  intermittence, 

écrit  Aristote-,  et  il  ajoute  que  les  anches  (zeiigés) 
humectées  et  imbibées  de  salive  ont  un  son  plus 
moelleux,  tandis  que,  sèches,  elles  donnent  un  mau- 
vais son. 

C'est  également  Aristote  qui  prétend  que  l'on  pince 
les  anches  avec  les  lèvres  : 

Quand  les  anches  sont  étroitement  unies,  le  son  devient  dur 
et  plus  éclatant  lorsqu'on  les  pince  davantage  des  lèvres. 

Nous  pensons  que,  très  souvent,  les  anciens  aulètes- 
devaient,  au  contraire,  enfoncer  complètement  l'an- 
che dans  la  bouche,  comme  le  font  encore  de  nos 
jours  les  Arabes  et  les  Orientaux. 

Cette  façon  de  jouer  donne  un  son  extrêmement 
brutal,  ce  qui  expliquerait  les  termes  retentissant, 
lugubre,  horrible  qu'employaient  fréquemment  les 
écrivains  anciens  en  parlant  du  timbre  des  auloi. 

L'invention  du  phorbéia^,  invention  que  l'on  attri- 
bue a  JVLvRSYAS,  vient  encore  à  l'appui  de  notre  façon 
de  penser.  En  enfonçant  complètement  l'anche  dans 
la  bouche,  les  lèvres  n'ont  aucun  point  d'appui,  les 
joues  se  gonflent  (de  là,  sans  doute,  les  expressions  : 
avoir  les  joues  jileines,  grosses,  enflées,  saillantes,  pro- 
tubérantes, remplies  de  vent;  avoir  les  yeux  écarquillds, 
farouches,  injectés  de  sang),  et  le  visage  est  vraiment 
disgracieux  à  voir.  Or  on  louait  un  aulèle  en  par- 
lant de  l'absence  de  grimaces.  C'est  probablement 
pour  éviter  ces  grimaces  et  le  gonflement  des  joues 
que  l'on  invenlule  phorbéia. 

Pourtant,  on  trouve  aussi  les  expressions  suivan- 
tes :  soufflant  bien;  ayant  un  son  mâle,  nerveux,  fort, 
juste,  retentissant,  saisissant,  suave;  ayant  une  émis- 
sion douce,  plaintive,  gracieuse,  séductrice,  le  son 
plein  et  continu,  etc.,  appliquées  aux  aulètes*.  Nous 
pensons  que  les  termes  :  émission  douce,  plaintive, 
gracieuse  devaient  surtout  s'appliquer  aux  auloi  d& 


2.  Gevaert  :  Histoire  et  théorie  de  la  musique  antique. 

3.  Le/^/(0r6eiaétait  une  sorte  de  peau  que  les  aulètes  se  mettaient  sur 
la  figure.  Cette  peau  serrait  les  joues  et  passait  sur  les  lèvres  en  lais- 
sant un  espaee  suffisant  pour  pouvoii-  introduire  l'embouchure. 

i.  On  vantait  l'aijilitr,  la  drxti-rité,  la  facilité  de  la  main,  de  la 
tangue  et  de  la  bouclie  des  aulètes. 


TECIINIQVE.  ESTHÉTIQUE  ET  PEDAGOdlE 


HAUTBOIS    15-29 


l'espèce  des  syritiges,  et  si  les  aulètes  onl  bien  joué 
de  Vaulos  proprement  dit  en  serrant  les  anches  avec 
les  lèvres,  c'est  à  partir  de  l'époque  où,  le  roseau 
étant  coupé  en  juin,  les  anches  se  prêtaient  ttii.r 
entre-bdillfments  nécessaires  pour  jouer  des  morceaux 
de  virtuosilt'. 


Nous  avons  vu  qu'Hérodote  mentionne  deux  espè- 
ces d'aiilot  :  les  auloi  féminins  et  les  auloi  masculins- 

Aristoxènk  divise  les  auloi  féminins  en  auloi  par- 
théniens,  enfantins  et  citharislériens,  et  les  auloi 
masculins  en  auloi  parfaits  et  plus  que  parfaits. 

Certains  auteurs  disent  que  les  auloi  à  anche  dou- 
ble de  la  famille  des  hautbois  devaient  être  compris 
dans  la  catégorie  des  auloi  féminins  et  se  nommaient  : 
gingras,  aulos  funèbre  des  Phrygiens,  tibia  clwrica  des 
Romains,  aulos  embalerios  et  aulos  dacliiikos. 

Nous  appuyant  sur  l'extrait  du  Dialogue  de  Plu- 
tarque  et  les  Remarques  de  Rurette,  d'un  autre  côté, 
sur  l'anecdote  de  Midas  d'AcRioENTE,  nous  pensons 
que  les  auloi  à  anche  double  devaient  également 
faire  partie  des  auloi  masculins. 

N'avons-nous  pas  vu  que  Téléphank  de  Mégare 
s'abstint  de  paraître  aux  jeux  Pythiques  parce  qu'il 
ne  permit  jamais  aux  l'abricanls  de  transformer  sa 
syringe  en  autos? 

L'anecdote  de  Midas  peut  très  bien  s'appliquer  à 
Vaulos  à  anche  double,  car  l'anche  devait  être  bien 
petite  pour  pouvoir  ainsi  se  cacher  dans  la  bouche, 
tout  en  permettant  à  l'exécutant  de  continuer  à 
soufller;  et  il  nous  paiait  certain  que  cette  anche 
devait  avoir  la  même  dimension  que  celles  des  haut- 
bois chinois  et  hindous,  c'est-à-dire  environ  deux 
centimètres. 

Ces  anches,  étant  doubles,  se  posent  simplement 
sur  l'extrémité  supérieure  du  tuyau,  et  la  partie  non 
aplatie  du  roseau  doit  s'adapter  exactement  à  l'ins- 
trument. Lorsqu'il  n'en  est  pas  ainsi,  on  peut  se 
rendre  compte  aisément  qu'un  certain  jeu  se  pro- 
duisant, l'anche  elle-même  ne  fait  plus  corps  avec 
l'instrument  et  qu'elle  peut  se  détacher,  être  aspirée 
et  se  cacher  dans  la  bouche  au  moment  où  l'exécu- 
tant aspire  l'air  nécessaire  pour  soufller. 

Or  Vaulos  ]}ythique  fait  partie  des  auloi  masculins! 

Peut-être  qu'en  limitant  ainsi  les  auloi  de  la 
famille  des  hautbois  aux  auloi  féminins,  les  auteurs 
avaient  pensé  que  l'anche  double  exigeait  le  tuyau 
à  perce  conique  et  que,  dans  ces  conditions,  la  lon- 
gueur du  tube  eût  été  trop  grande! 

Cependant,  en  Europe,  et  particulièrement  en 
France,  aux  xv°  et  xvi«  siècles,  on  a  fait  un  très 
grand  usage  d'instruments  de  perce  cylindrique 
dont  la  colonne  d'air  était  mise  en  vibration  par  les 
anches  doubles. 

M.  Mahillon,  dont  on  connaît  l'autorité  en  celle 
matière,  affirme  que  c'est  l'anche  double  qui  mettait 
en  vibration  la  colonne  d'air  des  tibirc  romaines  et 
des  auloi  grecs^  : 

Notre  conviction  est  basée  sur  ce  fait  que,  lors  d'un  rt'Cfnt 
voyage  à  Rome  (octobre  1892;,  nous  avons  trouvé  au  Musée  du 
Capitule  une  mosaïque  de  l'époque  impérinle  connue  sous  le  nom 
àeLe  Muselière  Capitoline;  elle  représente  des  masques  tragiques, 
et  des  tibix  exactement  semblaldes  à  celles  de  Pompéï.  Les  lilna- 
sont  mnnies  d'anches  à  double  languette...  Cette  mosaïque,  trou- 
vée en  1S28  sur  le  Mont  Aventin,  a  subi  des  restaurations,  mais 
la  partie  qui  intéresse  notre  sujel,  les  anches,  est  restée  iutat-le 
et  donne  ;ï  ce  document  un  caractère  d'authenticité  indiscutable. 


1.  Catalogue  du  Conservatoire  du  Musée  de  Eniselles. 


Et  il  ajoute  : 

Ce  changement  d'anche  n'influe  pas,  du  reste,  sur  la  détermi- 
nation de  l'échelle. 

Dans  ces  conditions,  puisque  l'anche  n'influait  pas 
sur  la  détermination  de  l'échelle  des  instruments, 
on  n'avait  pas  à  se  préoccuper  de  donner  ;i  ces 
tuyaux  cylindriques  les  mêmes  dimensions  que  celles 
nécessaires  pour  les  tuyaux  à  perce  conique,  et,  par 
cela  même,  les  emplacements  des  trous  à  boucher 
avec  les  doigts  n'avaient  pas  besoin  d'èlre  écartés 
démesurément.  Nous  verrons  que  les  grands  instru- 
ments (le  basson  moderne  a  conservé  cette  particu- 
larité) ont  eu  des  trous  percés  en  biais.  Ces  trous 
étaient  ainsi  percés  afin  que,  du  côté  extérieur  du 
tuyau,  ils  pussent  se  trouver  plus  facilement  sous 
les  doigts,  ceux-ci  étant  écartés  normalement. 

Il  ]iarait  que  ie  loiiriielioul  n'est  qu'un  reste  de  l'ancienne  /liile 
phnjiiieniie-,  etc., 

lit-on  dans  la  Grande  Encyclopédie. 

Le  tournebout  ne  descendrait-il  pas,  en  clfet,  des 
tibix  bachiques  ou  aidos  bombykos  qui  étaient  des 
instruments  ayant  un  tuyau  recourbé  comme  le 
tournebout? 


Les  auloi  furent  fréquemment  employés.  On  les 
trouve  dans  toute  espèce  de  cérémonies  :  que  ce  soit 
pour  conduire  les  guerriers  à  l'ennemi,  pour  accom- 
pagner les  danses,  les  chants,  ou  dans  les  proces- 
sions aux  temples  des  dieux,  dans  les  cérémonies 
funèbres -^ 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  le  gingra  iloit  être 
classé  parmi  les  auloi  à  anche  double.  Les  Athé- 
niens du  iv=  siècle  avant  J.-C.  s'en  servaient  parfois 
dans  leurs  banquets. 

L'ardeur  avec  laquelle  étaient  cultivés  ces  instru- 
ments devint  telle  que  bientôt  toutes  les  classes  de 
la  société  s'y  adonnèrent. 

Certains  rois  ne  se  contentèrent  pas  de  pioléger 
et  d'encourager  le  développement  de  cet  art;  un  des 
leurs,  le  dernier  des  Plolémées,  ambitionna  de  s'y 
distinguer  lui-même  et  en  tira  vanité  à  tel  poini,  dit 
Strabon,  «  qu'il  n'eut  pas  de  honte  d'en  instituer  des 
combats  à  sa  cour  et  d'y  disputer  le  prix  aux  combat- 
tants ».  Cela  lui  valut,  d'ailleurs,  de  la  part  des  Grecs, 
le  nom  d\mléte,  et  celui  de  Photingios  que  les  Egyp- 
tiens lui  donnèrent  par  mépris. 

Les  biographes  prétendent  que  Pindare,  le  prince 
des  poètes  lyriques  grecs,  ne  dédaigna  pas,  lui-même, 
d'acquérir  quelque  habileté  sur  l'instrument  national. 
Son  père  était,  du  reste,  aulète  de  mérite. 

A  l'époque  romaine,  les  tibix  étaient  également 
utilisées  dans  les  sacrifices,  et  les  joueurs  de  tibia 
avaient  rang  parmi  les  ministres  de  sacrificateurs. 

Les  Romains  s'en  servirent  également  dans  les  céré- 


i.  Diderot  et  d'Alembert  :  Grawfr  Encyclopédif. 

'A.  E.  David  écrit  :  «  11  est  indubitable  qui'  les  Hébreux  eurent  eru-ore 
une  u  lliïte  »  spéciale  pour  les  enterrements  et  cérémonies  funèbres  : 
tout  fait  croire  que  c'était  la  gingras.  Praetobius  l'apiielle  u  gin- 
gris  »  :  "  La  tibia  des  Phéniciens  était  longue  d'une  palme  (environ 
25  eentimètri-s)  et  appelée  ginf/ris.  Elle  produisait  un  son  strident  et 
sinistre  aux  sons  desquels  eux  et  les  Cariens  pleuraient  leurs  morts. 
Le  mot  (jiui/ris  parvint  aux  Athéniens  par  l'intermédiaire  des  fêtes 
d'Adonis,  qui  le  transformèrent  de  singris  on  .<  aulos  gingrina  ».  Le 
nom  gtïîK/rin a  disparut,  mais  les  Egyptiens,  dont  la  langue  est  parente 
de  celle  des  Phéniciens,  conservèrent  le  nom  de  //ïwprapour  une 
petite  tibia  à  son  grêle  employée  daps  les  soles,  n 

Gkvakrt  dit  que  les  Phéniciens  l'apiielaienl  adonis,  du  nom  de 
certains  chants  mélodiques  sur  la  mort  du  jeune  dieu  tué  par  un 
sanglier. 


1530 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOXNAinE  DU  CONSEIWATOinE 


nionies  funèbres;  mais  ils  en  firent  un  tel  abus,  que 
l'on  dut  élaborer  un  règlement  qui  en  fixait  lenonibi'e 
à  dix. 

Avec  l'ère  chrétienne,  et  surtout  après  l'abolition 
du  paganisme,  cet  art  cessa  presque  complètement 
d'être  cultivé. 


Nous  avons  dit  que  les  anciens,  pourjouer  de  leurs 
auloi   ou   tibiœ,  devaient   enfoncer  leurs  anches  en 
entier  dans  la  bouche! 
Les  Chinois,  les  Kgyptiens  et  les  Arabes  procèdent 
.      encore  de  la  même  manière. 
j-|)-j       Les  premiers  ont  des  instru- 
Q^    ments  très  courts  dont  le  corps 
ou    tube   est   fait   d'une   seule 
pièce. 

A    quelques    centimètres   de 
l'extrémité    supérieure    de    ce 
tube,  est  fixée  une  rondelle  qui 
sert  de  point  d'appui  pour  les 
lèvres   de    l'exécutant,  lorsque 
celui-ci  a  l'anche  entrée  dans 
la  bouche  et  souffle.  Cette  an- 
che, qui  est  très  couite  (sa  di- 
mension  varie,  selon  la  lon- 
gueur  de   l'instrument,    entre 
un  centimètre  et  demi  et  deux 
centimètres),  est  faite  d'un  seul 
morceau    de   roseau   dont  une 
simple  ligature  étrangle  forte- 
nient  le  milieu.  La  partie  du 
roseau  qui  se  trouve  au- 
dessous  de  cette  ligature 
doit  garder  sa  forme  pri- 
mitive   afin    de    pouvoir 
s'emboîter  exactement  sur 
le  haut  du  tube,  et  celle 
au-dessus  de  la  ligature 
est  aplatie  juste  ce  qu'il 
faut  pour  pouvoir  donner  les  vibrations  nécessaires 
à  l'émission  du  son. 
Le  roseau  que  les  Chinois  emploient  pour  la  fabri- 
cation de  leurs  anches  est  tel- 
lement mou,  filamenteux,  qu'il 
ne  pourrait  supporter  la  pres- 
sion directe    des  lèvres.  C'est 
probablement    la   raison    pour 
laquelle  les  instrumentistes  chi- 
nois enfoncent  l'anche  dans  la 
bouche  jusqu'à  la  rondelle  fixée 
au  tube. 

Cette  façon  de  jouer  donne 
à  ces  instruments  un  son  for- 
midable et  parfaitement  désa- 
gréable pour  nos  oreilles.  On 
pourrait  décrire  ce  son  comme 
(ila.nl  pcrrant,  horrible,  ainsi  que 
le  faisaient  les  écrivains  anciens 
en  parlant  des  auloi  et  en  par- 
ticulier du  giiigras. 

Ces  hautbois  sont  générale- 
ment faits  tout  en  cuivre,  mais 
il  en  existe  aussi  avec  un  pa- 
villon en  bronze,  d'autres  avec 
dillérents  ornements.  Leur 
peice  est  conique  et  s'évase  très 
rapidement,  presque  dès  le  mi- 
lieu du  tube. 


FIG.  6.1'.. 

Ancien  hautbois 

chinois. 


FiG.  635.  —  Haulbois 
kabvle. 


Les  seconds,  les  Kgyptiens,  ont  des  instruments 
qui,  dans  leurs  parties  principales,  ont  de  très  grands 
rapports  avec  nos  hautbois  européens. 

Les  écrivains  orientaux  ne  sont  pas  d'accord  sur  le 
nom  de  ce  hautbois.  Villoteau  dit  qu'il  n'y  a  peut- 
être  qu'en  Egypte  qu'on  lui  donne  un  nom  signifi- 
catif :  ce  nom  est  zamr,  ce  qui  veut  dire,  en  arabe,  un 
instrument  destiné  au  chant.  »  Mais  il  s'empresse  d'a- 
jouter qu'il  ne  l'a  jamais  vu  employé  ronjuintement 
avec  le  chant,  et  il  ne  le  croit  pas  propre  h  cet  usage 
à  cause  du  son  formidable  et  penant  i/u'il  rend. 

Ici  encore,  beaucoup  d'écrivains  orientaux  ont  em- 
ployé le  terme  flûte  pour  traduire  zamr  ou  zourna. 
La  description  des  différentes  parties  de  cet  instru- 
ment ne  laisse  cependant  aucun  doute  possible  à  ce 
sujet  : 

Lo  :iimr  comprend  cini)  parties  principales  :  1°  le  corps  de 
l'insli-unienl.  Nous  ajipolons  aip.?i  la  porlion  la  plus  élendue  et 
la  plus  vnlumineuse  du  zamr;  2°  la  lêto.  qu'on  nomme  fnsl: 
3"  un  iielit  bocal  ou  tube  qui  ]ii>rli'  le  nom  de  liiiilijch  ;  l"  une 
rondelle  appelée  en  arabe  sailitf  iiimioiinr ;  5°  l'anche,  que  l'on 
|)rononce  el  jinchiili  ' . 

Le  corps  de  ce  zamr  est  un  tube  en  bois  de  cerisier 
dont  la  perce  est  conique.  Vers  le  bas,  ce  tube  s'é- 
largit beaucoup  et  représente  presque  la  forme  d'un 
entonnoir  renversé  :  c'est  ce  que  nous  appelons  le 
pavillon. 

Sur  la  portion  du  corps  comprise  entre  le  haut  du 
tube  et  ce  pavillon,  et  sur  le  devant,  sont  percés  sept 
trous  qui  sont  placés  sur  une  même  ligne  et  à  égale 
distance  les  uns  des  autres.  Entre  les  deux  premiers 
de  ces  trous,  en  commençant  par  le  haut  du  tube,  et 
sur  le  derrière,  se  trouve  également  percé  un  autre 
trou  de  même  grandeur. 

La  partie  appelée  pavillon  comporte  sept  trous 
ainsi  disposés  :  dans  la  même  direction  que  ceux  du 
tube  sont  percés  trois  trous  ;  de  chaque  côté,  à  droite 
et  à  gauche  de  ceux-ci,  et  parallèlement  à  eux,  deux 
autres  trous  semblables  sont  placés,  l'un  en  face  du 
premier,  l'autre  en  l'ace  du  troisième.  Ces  sept  trous 
sont  plus  petits  que  ceux  du  tube. 

La  tête  du  zamr  est  un  morceau  de  buis  dont  la 
partie  inférieure  entre  dans  le  corps  de  l'instrument. 

Le  petit  tube  en  cuivre  est  de  forme  conique;  sa 
partie  large  s'emboîte  dans  la  tête  ci-dessus. 

La  rondelle  est  une  plaque  ronde  en  ébéne,  en 
ivoire  ou  en  bois  dur  quelconque.  Elle  est  percée 
vers  son  milieu  d'un  trou  qui  sert  à  laisser  passer  le 
haut  du  petit  tube  de  cuivre  jusqu'à  sa  partie  sail- 
lante. Là,  elle  se  trouve  arrêtée  et  retenue.  Cette 
rondelle  rappelle  celles  que  les  Chinois  fixent  sur 
leurs  hautbois. 

L'anche  est  en  paille  de  dourrah.  Elle  a  à  peu  près 
la  même  dimension  que  celles  des  Chinois  (environ 
16  millimètres;  mais  la  partie  aplatie  mesure  à  elle 
seule  13  millimètresi.  Naturellement,  étant  en  paille, 
elle  a  les  mêmes  inconvénients  que  celles  des  Chinois; 
d'où  vient,  pour  les  Egyptiens,  l'obligation  d'enfoncer 
dans  la  bouche  l'anche  el  le  petit  tube  de  cuivre  jus- 
qu'à la  londelle  qui  remplit  le  même  office  que 
celles  fixées  aux  hautbois  chinois. 

11  y  a  trois  sortes  de  zamr  ;  le  grand,  qui  se  nomme 
ijabù  zourna  ou  zamr-cl-kébir;  sa  longueur  totale  est 
de  S8.3  millimètres;  son  petit  tube  en  mesure  11.3. 

Le  moyen  s'appelle  zamr  ou  zourna;  il  mesure 
448  millimètres,  et  son  petit  tube  87. 


1.  Villoteau  :  Dissertation  sur  les  dù^erses  espécfis  d'uistrumenls 
de  musique  orientaux. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


HAUTBOIS    I53t 


Le  petit  ijourit  ou  zourna-(/our<i,  ou  encore  zamr-cl- 
sogahayr,  mesure  HI2  millimètres,  et  son  petit  tubeo2. 

Le  grand  zamr,  zaïnr-el-kébir,  est  à  l'octave  infé- 
rieure du  zmar-ct-soijaliaijr,  et  le  moyen  en  est  à  la 
quinte  inférieure. 

En  Egypte,  on  le  nomme  aussi  zanir  au  singulier 
et  zoummorali  au  pluriel. 

Les  Persans  le  nomment  zininui. 


Le  hautbois,  tel  que  nous  le  jouons  aujourd  iiui,  se 
compose  :  1°  d'un  tube  ou  tuyau  en  bois  se  sépa- 
rant en  trois  parties  :  deux  que  nous  nommons  corps, 
et  le  ti'oisième  pat'illon;  2"  de  l'anche. 

Nous  avons  dit  que  le  tube  en  bois  est,  en  quelque 
sorte,  le  moule  de  la  colonne  d'air;  c'est  sur  lui  que  se 
percent  les  trous  et  se  posent  les  clés. 

Les  hautbois  ont  eu,  pendant  des  siècles,  6  trous 
percés  sur  le  devant  du  lube,  sur  la  même  ligne  et  à 
égale  distance  les  uns  des  autres.  Comme  l'instrument 
n'avait  pas  de  clés,  l'exécutant,  pour  jouer,  tenait 
indilféremment  la  niaiu  gauche  au-des  sus  ou  au-des- 
sous de  la  main  droite  (en  ce  dernier  cas  il  s'appe- 
lait (jaucher).  Afin  de  donner  plus  de  facilité  pour  ce 
changement  de  position  des  mains,  les  fabricants 
perçaient  encore  deux  autres  trous,  l'un  à  droite, 
l'autre  à  gauche,  tous  deux  au-dessous  du  dernier 
trou.  L'exécutant  n'avait  plus  alors  qu'à  supprimer 
celui  qui  ne  lui  servait  pas.  Cette  façon  de  faire  était 
tellement  entrée  dans  les  habitudes,  que,  lorsqu'on 
mit  la  clé  d'ut  grave  sur  les  hautbois,  on  lui  lit  une 
double  branche,  ce  qui  permettait  de  la  faire  manœu- 
vrer indifféremment  avec  le  petit  doigt  de  la  main 
droite  ou  celui  de  la  main  gauche.  On  laissa  même 
cette  double  branche  après  l'addition  de  la  clé  de  mi  h, 
bien  qu'alors  on  ftU  obligé  de  mettre  la  main 
gauche  au-dessus  de  la  main  droite,  puisque  la  clé  de 
mi  h  ne  pouvait  se  faire  mouvoir  qu'à  l'aide  du  petit 
doigt  de  la  main  droite. 

Le  pavillon  sert  à  rendre  la  sonorité  des  notes 
graves  plus  large,  plus  ample.  Primitivement,  il  était 
orné  de  petits  trous  qui  servaient  à  augmenter  de 
volume  la  sonorité  des  notes  graves.  On  diminua  le 
nombre  de  ces  petits  trous  jusqu'à  deux  (en  1630  les 
hautbois  avaient  encore  ces  deux  trous  au  pavillon), 
puis  ou  n'en  laissa  qu'un  seul  qui,  jusque  vers  1834, 
servit  à  ajuster  \'tit  grave. 

L'unche  se  compose  de  deux  languettes  de  roseau 
très  minces,  placées  horizontalement  et  moulées  sur 
un  petit  tube  de  métal  di;  foime  conique 

Ces  deux  languettes,  qui  sont  fixées  sur  la  partie 
étroite  du  petit  tube  à  l'aide  d'un  fil  très  fort,  ordi- 
nairement du  cordonnet  de  soie,  sont  réunies  de 
façon  à  laisser  entre  elles  une  ouverture  qui  sert  à 
introduire  l'air. 

Leurs  bords  doivent  être  suffisamment  rapprochés 
pour  pouvoir  se  fermer  sensiblement  à  chaque  vibra- 
tion de  l'air. 

La  paitie  large  du  petit  tube  s'emboîte  dans  l'ins- 
trument. Celte  anche  est  appelée  anche  double  à  cause 
de  ses  deux  languettes. 

En  comparant  la  description  de  ces  deux  derniers 
instruments  (le  zamr  et  le  hautbois  européen),  on  re- 
marquera que  le  corps  et  la  tt'tc  du  zamr  se  trouvent 
contenus  dans  noire  hautbois.  Si  le  lube  ou  corps  de 
celui-ci  se  divise  en  trois  parties  (les  deux  corps  et 
le  pavillon),  c'est  uniquement  pour  la  commodité. 
Notre  anche  renferme  à  la  fois  le  petit  tube  et 


l'aiichr  du  zamr,  puisque  le  roseau  se  trouve  fixé  sur 
le  petit  tube. 

linfin,  le  roseau  que  nous  employons  pour  la  fabri- 
cation de  nos  anches,  ayant  suffisamment  d'élasticité 
et  de  résistance,  permet  d'avoir  la  pression  des  lèvres 
directement  sur  le  roseau  et  supprime  la  rondelle. 

Faut-il  en  conclure  que  le  hautbois  européen  des- 
cend directement  du  zamr? 

Ce  qui  est  certain,  c'est  que  la  Phrygie  fut  le  ber- 
ceau de  la  musique  instrumentale  et  que  ce  sont  des 
aulètes  phrygiens  qui  implantèrent  en  (Jrece  cel  art 
que  les  (Irecs  eux-mêmes  cultivèrent  avec  ardeur. 

Lorsque  ces  derniers  s'emparèrent  des  ports  "  les 
mieux  situés  »  de  la  mer  Méditerranée,  ils  furent 
suivis  de  leurs  instrumentistes  et,  certainement,  l'E- 
gypte tient  de  cette  émigration  une  grande  partie  de 
ses  instruments. 

Nous  pensons  donc  que  l'origine  de  notre  hautbois 
est  aussi  l'aulos,  et  plus  particulièrement  celui  que 
les  Phrygiens,  les  premiers,  creusèrent  dans  du  buis 
et  qu'ils  nommaient  berccynthe. 

Nous  avons  dit  qu'avec  l'abolition  du  paganisme, 
l'art  aulétique  cessa  presque  complètement  d'être 
cultivé. 

Aussi,  les  rares  écrivains  qui  font  mention  des  ins- 
truments de  musique  se  contentaient-ils,  comme  Isi- 
DonE  DP,  SÉviLLK  {\\i°  sièclei,  de  les  classer  en  deux 
catégories;  celle  qui  englobait  les  instruments  à  vent 
se  nommait  organùa. 

Chez  C.4ssioDoni:,  écrivain  latin  de  la  fin  du  v  siècle, 
le  terme  tibi^r  se  retrouve  encore  parmi  les  instru- 
ments qu'il  range  dans  la  catégorie  des  inflatibia'. 

Pendant  le  .Moyen  âge,  les  instruments  à  vent  s'ap- 
pelaient simplement  instruments  joués  par  sufjlacion. 
Et  très  longtemps,  dans  les  mots  troubadours,  trou- 
vera, jonglcu)s,  ménélriers,  etc.,  se  trouvèrent  réunis 
les  joueurs  de  toutes  sortes  d'instruments  : 

On  n'cHait  pas  un  parfait  m/'m'' trier  si  l'on  ne  savait  conter  en 
rnmiineten  latin...,  si  l'on  ne  savait  jouer  de  tous  les  instruments 
usités*. 

L'n  très  beau  manuscrit  du  xi'  siècle,  qui  provient 
de  l'Abbaye  de  Limoges  et  que  possède  la  Bibliothè- 
que Nationale,  Liber  Troporum,  contient  deux  dessins 
représentant  tous  deux  un  joueur  de  hautbois  accom- 
pagnant un  jongleur  dans  ses  exercices. 

Kn  .\llemagne,  le  ménétrier  ou  ménestrel  qui,  dans 
les  danses  allemandes,  avait  le  nom  de  pffiffcr,  iousih 
aussi  bien  du  hautbois,  de  la  cornemuse,  du  lifre,  du 
chalumeau  que  de  la  fliUe  proprement  dite. 

En  Kelgique,  les  instrumentistes  employés  par  les 
magistrats  des  grandes  villes  s'appelaient  Schal- 
meijcrs'^. 

Les  poètes  anciens  employaient  aussi  les  termes  : 
doussaine,  douçaine,  doucim,  etc. 

Cors  sarrazinuis  et  doussaines 
Tabours,  flaustes  traversaines 
iJemi- doussaines  et  flautes... 


i.  On  trouve  enrore  au  xii*  siècle  le  terme  tibi^  d;iiis  Fadvt  jogtar 
de  (jiraud  de  Cntein,'on. 

:;   KxsTKtR  :  La  Danse  des  Morts. 

3.  M.  Mahii.i.on  raiiporle  que  :  «  En  Belgique,  pendant  l.i  période 
lie  la  domination  eipagnote.  la  Schalmcï  runslitue  t't'-lément  princi- 
[lal  de  l;i  musique  qui  inlervicnt  dans  toutes  nos  fOtes  populaires  ;  c'est 
:i  l'importance  de  ce  rôle  qu'il  faut  attribuer  la  dénomination  de 
Srliatme'jers  que  l'on  impliquait  d'une  façon  générale  aux  jnstrumea- 
listes  employés  par  le  magistrat  des  villes  importantes  pour  se  faire 
entendre  aui  fêtes  et  aux  cérémonies  publiques.  »  {Catalogue  du  .Mu- 
sée du  Conservatoire  de  Bruxelles.) 


1532 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Plus  loin  : 


Cornemuses,  flajos  et  chevrettes, 
Douceines,  simballes,  clochettes'... 


Adenis,  surnommé  le  Roi,  ménestrel  de  Henri  III, 
duc  de  Brabant,  cile  la  doucinc,  dans  son  poème 
Cléomadès,  parmi  les  instruments  joués  pendant  un 
souper. 

Le  terme  hautbois  lui-même  a  servi  pendant  assez 
longtemps  à  désigner  plusieurs  sortes  d'instruments 
en  bois  qui  étaient  employés  pour  jouer  les  parties 
de  dessus.  On  l'écrivait  alors  haut-bois,  et  le  pluriel 
faisait  haulx-bois  ou  hautx-bois  : 

Jouant  des  hautx-bois  et  musettes-. 

Dans  un  volume  de  la  Collection  Philidou^,  on  voit 
un  Concert  donné  à  Louis  XIII  en  t627  par  les  vingt- 
quatre  violions  et  par  les  douze  auhois  de  plusieurs  airs 
choisis  de  différents  ballets. 

Ce  n'est  qu'à  partir  clu  régne  de  François  I",  que 
les  hautbois  se  trouvent  mentionnés  sur  les  registres 
de  la  cour.  Ils  faisaient  partie  à  cette  époque  de  la 
bande  instrumentale  de  la  cour.  Cette  bande  était 
composée  alors  de  douze  membres  qui  s'appelaient 
officiellement  :  les  hautbois,  sarquebutes,  violes  et  cor- 
nets. 

Cependant,  à  la  lin  du  xiv  siècle,  Philippe  le  Hardi, 
duc  de  Bourgogne,  avait  déjà,  outre  les  pages  de  sa 
musique,  des  harpeurs,  des  hautbois,  des  trompettes, 
etc.  Dès  la  première  moitié  du  xv»  siècle,  les  méné- 
triers, harpeurs,  hautbois  et  trompettes  du  duc  Phi- 
lippe le  Ron,  étaient  réputés  pour  les  meilleurs  qu'il 
y  ei'it. 

Le  duc  Charles  le  Téméraire  avait  à  sa  chapelle, 
outre  les  chantres,  chapelains,  clercs,  etc.,  \ts  joueurs 
de  (util,  de  viole  et  de  hautbois  de  sa  musique  de 
chambre. 

Le  hautbois  en  Europe  eut,  lui  aussi,  toute  une 
famille. 

Praetoril's  donne,  en  les  expliquant,  les  dessins 
des  Klein-Schalmey ,  Discant-Schabney,  Pommer-alto, 
Pommer-tenor  (nicolo  et  basset),  Pommer-Basse  et 
Gross  Quint-Pommer. 

Voici  quelques  extraits  de  son  texte  allemand  con- 
cernant les  Schalmeys  et  Pommer  : 

Les  Pommers  (en  italien  Boittliardoni  ou  Hombardone)  sont 
exactement  les  instruments  que  les  Français  appellent  hautbois... 
tous,  aussi  bien  les  gros  que  les  petits,  sont  nommés  Bombnrd  ou 
Pommer.  En  Italie,  le  Gross  Quint  Pommer  (Grand  Pommer  de 
basse)  est  appelé  Bomhardone  (espèce  de  contrebasse  de  hautbois) 
et  la  véritable  basse  :  Bombardo  ;  ils  ont  tous  deux  quatre  clés.  Le 
Pommer  lenor,  qui  a  aussi  quatre  clés,  peut,  à  la  rigueur,  être 
soufflé  comme  une  basse,  parce  que  dans  la  portée  le  snl  est  mar- 
qué à  la  basse  :  il  porte  à  cause  de  cela  le  nom  de  Basset.  Suit 
le  Nirolo,  qui  a  la  même  giandeur  et  la  même  liimicur  que  le 
Basset  (c'est-à-dire  que  sa  note  la  plus  aiguë  est  la  même  que 
celle  du  Basset),  mais  il  lui  est  différent  en  ceci,  qu'il  n'a  qu'une 
clé  et  que,  par  suite,  il  ne  peut  suivre  le  Ténor  Basset  que  jusqu'à 
Vut,  mais  ne  peut  descendre  plus  bas. 

Le  vieux  Pommer  alto  a  presque  exactement  la  taille  du  Sclial- 
iney,  à  cette  différence  près  qu'il  n'a  qu'une  clé  et  qu'il  est  une 
quinte  plus  bas  :  il  est  appelé  Bombardo  piccolo. 

Mais  le  DiscanI  suiierienr,  qui  n'a  pas  de  clé,  est  appelé  Sclial- 
viey  (en  italien  Piffaro,  en  latin  Giiiyrinu,  mot  tiré  du  cri  de  l'oie, 
cet  instrument  émettant  des  sons  semblables  à  ce  cri). 

Pour  ce  qui  est  du  ton,  la  plupart  dea  Sclialmeij  sont  un  ton 
au-dessus  des  trompettes  et  des  trombones.  De  plus,  il  faut  re- 
marquer ceci  :  autrefois  et  aujourd'hui  encore,  la  plupart  du 
temps,  les  instruments  à  vent  tels  que  flrttes,  pommer,  schal- 
meys, cors  tordus,  etc.,  sont  toujours  accordés  à  une  quinte  les  uns 
des  autres,  afin  qu'ils  aillent  trois  par  trois,  l'un  faisant  la  basse, 
l'autre  le  ténor,  le  troisième  l'alto  *. 


1.  Poème  sur  \a  Prise  d'Alexandrie  de  Gdillaume  de  MACHAUi.r. 

2.  Rabelais  :  Panlafiriœt. 

3.  Bibliotliùque  du  Conservatoire  natiooal  de  musique. 


Nous  voyons  reparaître  ici  la  confusion  entre  le- 
hautbois  et  le  chalumeau,  confusion  qui  était  déjà 
poussée  très  loin  par  Burette  dans  ses  Remarques  su- 
le  Dialogue  de  la  Musique  de  Plutarque  à  propos  de- 
Téléphan'e  de  Mégare. 

D'après  le  texte  ci-dessus,  devons-nous  dire  que, 
seuls  les  »  Pommer  >>  faisaient  partie  de  la  famill6-| 
des  hautbois? 

M.  Mahillon  écrits  que  le  Kleine  Schahney  était  le 
hautbois  suraigu;  le  Discant  Schalmey,  le  dessus  dfr 
hautbois  ou  hautbois  soprano,  le  type  de  l'instrument 
moderne  ;  le  Pommer-alto,  était,  d'après  lui,  la  haute- 
contre  que  J.-S.  Bach  appelait  oboë  di  caccia,  que 
nous  nommons  aujourd'hui  cor  atighiis. 

Pour  Kastner  aussi,  le  Schalmey  est  notre  dessus  de 
hautbois  : 

Au  xvii^  siècle,  les  hautbois  furent  divisés  en  France  en  plu- 
sieurs parties,  c'est-à-dire  qu'ils  formèrent  un  système  sid  aeneris 
composé  des  dessus,  des  hautes-contre,  etc.  Le  dessus,  en  alle- 
mand DiscuHl  Pommer,  avait  gardé  l'ancien  nom  de  chalumeau 
[Sehalmeii)^ . 


D'après  Praetorius,  le  Pommer-alto  avait 
et  le  Discant  supérieur  {Sclial- 
mey)  n'en  avait  pas  1  Or  le  dessin 
que  donne  le  Père  Mersenne  du 
dessus  des  grands  hautbois  n'a 
pas  de  clé  ;  c'est  la  haute-contre 
et  la  taille  qui  en  ont  une. 

Praetorius  dit  encore  que  le 
Schalmey  se  nommait  en  italien 
piffaro.  Nous  lisons  dans  le 
Voyage  musical  en  Allemagne  et 
en  Italie  de  Berlioz  : 

J'ai  remarqué,  à  Rome,  une  musique 
populaire  que  je  penche  fort  à  regarder 
comme  un  reste  de  l'antiquité,  je  veux 
parler  des  pifferi.  on  appelle  ainsi  des 
musiciens  ambulants  qui,  aux  appro- 
ches de  la  Noèl,  descendent  par  grou- 
pes de  -4  à  5,  armés  de  musettes  et  de 
pifferi  (espèces  de  hautbois),  donner  de 
pieux  concerts  devant  les  images  de  la 
Madone. 


une  clé,. 


M.  Mahillon  dit  :  «  Italie  :  Pif- 
fcra,  sorte  de  hautbois  grossiè- 
rement façonné.  » 

Le  Kleine  Schalmey  (qui  res- 
semble bien  à  notre  petite  mu- 
sette genre  hautbois)  devait  pou- 


FiG.  636.  —  Hautbois  et 
bombardes  aigus  et 
graves  des  xvi'  et 
xviii"  siècles,  d'après 
Lavoix. 


voir  évoluer  entre 


l'oreille 


M 


L 


,  ce  qui  donnait  pour 


Il  mesurait  environ  0.44  (éga- 


lement la  dimension  de  notre  musette). 


Le  Discant-Schalmey  entre 


et  mesu- 


4.  Nous  devons  la  traduction  de  ces  extraits  du  te&te  allemaDd  à. 
l'obligeance  de  M.  Aiuiré  FAecoN.\ET, 
■j.  Catulogue  d"  Musée  du  Conseruatoire  de  Bruxelles. 
6.  Kastneb  :  Parémioiogie, 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


HAUTBOIS    1533 


Tait  0.60  de  long  (la  dimension  de  notre  hautbois!!. 


Le  Pommer-alto  entre 


pour  roreille 


(ce  qui  fait  que  pour  ces  trois  instruments  l'étendue 

4 


était  la  même  : 


;  seule,  la  dimension  du 


tube  modifiait  la  hauteur  du  son).  Cet  instrument 
mesurait  0.77  et  avait  une  clé.  De  plus,  l'anche  se 
posait  sur  un  petit  bocal  comme  on  le  fait  encore 
pour  le  hautbois  d'amour,  le  cor  anglais,  le  hautbois 
baryton.  En  16:i6,  le  Père  Mersknne  dit  que  l'on  cou- 
vrait ce  bocal,  qiiilnomme petit  cuivrft,  par  un  mor- 
ceau de  bois  que  les  facteurs  nommaient  pirouette. 
Ici  encore,  nous  retrouvons  la  caractéristique  de 
notre  cor  anglais  :  diapason,  petit  bocal,  dimensions! 
Le  Pommer-ténor,  celui  qui  n'avait  qu'une  clé  et 
qui  se    nommait  Nkolo,  donnait    comme   étendue 

le  Basset,  qui  possédait,  d'après 

Praetorius,  quatre  clés,  avait  en  plus  du  précédent 

;~jM^  —  ^—  ;  leur  longueur  était  pour  tous  deux 


1  m.  3.3.  Eux  aussi  avaient  le  petit  cuivret  et  la  pi- 
rouette. 


Le  Pommer-basse  atteignait  le 


et  était 


long  de  1  m.  82;  il  avait  aussi  quatre  clés.  Mersenne 
fait  remarquer  que  cette  basse  est  «  si  longue  que  la 
bouche  ne  peut  atteindre  jusqu'en  haut,  c'est  pour- 
quoi Ion  use  d'un  canal  de  cuivre  au  bout  duquel  on 
ajoute  une  anche  pour  l'emboucher.  Or  ce  cuivret 
descend  aussi  bas  qu'il  est  nécessaire  pour  la  com- 
modité de  celui  qui  sonne  de  cette  partie  ». 

Enfin  le  Grand  Pommer  de   Basse,  qui  mesurait 


2  m.  94.  Ses  quatre  clés  donnaient  ^J'- 


yïïû 


On  voit  que  tous  ces  instruments  devaient  faire  une 
seule  et  même  famille  :  celle  des  hautbois. 


Avant  de  suivre  le  hautbois  dans  ses  transforma- 
tions et  dans  son  emploi,  nous  allons  jeter  un  coup 
d'oeil  sur  les  instruments  à  anche  double  qui  avaient 
la  perce  cylindrique. 


1.  Le  Musée  du  Conservatoire  possède  une  contrebasse  de  hautbois 
qui  mesure  2  m.  15  et  possède  neuf  clés,  dont  cinq  furent  ajoutées 
après  que  l'instrument  fut  fait.  C'est  probabloraeut  le  môme  que  celui 
que  nientionue  l'Almanachde  1781  :  -tM.  Lri'.K  a  fait  aussi  une  contre- 
basse de  hautbois  qui  fait  beaucoup  d'elVet  dans  un  grand  orchestre; 
M.  Lemarcuand.  basson  de  l'Opéra,  s'en  est  servi  six  mois  à  cespeclacle.  •> 
Malgré  son  grand  bocal  recourbé  qui  descend  sur  l'instrument,  il 
fallait  se  tenir  debout  pour  jouer  cette  contnrbasse  !  L'instrument  du 
Musée  du  Conservatoire  porte  la  marque  "  Delosse  ». 


(le  Père 


Fis.  637.  —  Krom-horn  ou 
tourneboul  (Hist.  de  la 
mus.  F.  Clément). 


D'abord   les    Cromornes,  ou   Tourneboul 
Mebsenne  dit  :    le  Tornebout). 

Ces  instruments  se  compo- 
saient :  1"  d'un  grand  corps 
ou  tube  recourbé  en  forme  de 
croce  ayant  la  perce  cylindri- 
que, sur  lequel  on  perçait  les 
trous  et  on  posait  les  clés 
quand  il  y  en  avait;  2'^  d'un 
bocal  de  forme  conique  dont 
la  partie  large  s'emboîtait 
dans  le  grand  corps  et  la  par- 
tie étroite  recevait  l'anche; 
3°  de  l'anclie  qui  était  à  dou- 
ble languette  et  se  posait  sur 
le  bocal. 

Généralement,  on  dit  que 
pour  sonner  de  cet  instru- 
ment, on  se  servait  d'une  cap- 
sule qui  était  destinée  à  recou- 
vrir l'anche  et  le  bocal.  A  cette 
capsule  était  faite  une  ouver- 
ture taillée  en  forme  de  bec,  et  c'est  cette  ouverture 
qui  se  mettait  dans  la  bouche. 

Avec  ce  système  d'embouchure  «  couvert,  la  pres- 
sion sur  les  anches  par  les  lèvres  était  impossible. 
Aussi,  étant  donné  la  perce  cylindrique  de  ces  ins- 
truments, il  était  impossible  d'oclavier,  même  en 
forçant  le  son  et,  par  conséquent,  d'obtenir  un  nom- 
bre de  sons  plus  grand  que  le  nombre  de  trous  dont 
ils  étaient  percés. 

Cette  façon  de  jouer  ne  leur  donne  qu'une  éten- 
due d'une  neuvième  (sauf  pour  les  instruments  gra- 
ves qui  avaient  plusieurs  clés),  ce  qui  correspond 
au  son  du  pavillon  trous  et  clés  bouchés  et  son  des 
trous. 

Pierre  Trichet,  «  Bourdelois  »,  n'est  pas  de  cet  avis, 
et  il  prétend  : 

Je  dis  que  leur  garniture  (aux  Tournebouts)  n'est  suère  diffé- 
rente de  celle  des  hautbois  ;  car  tant  aux  uns  qu'aux  autres,  il 
faut  des  anches  à  chacun  d'eux,  laquelle  on  met  dans  la  bouche 
lorsqu'on  veut  sonner  et  après  que  l'on  a  fait,  on  couvre  l'anche 
d'une  bortte,  qui  s'unit  avec  le  tournehout  pour  empêcher  que 
l'anche  ne  se  gâte  pas,  etc.'. 

Une  suite  de  De  Grinis,  faite  pour  M.  le  comte 
Darcours  en  l'an  1660,  vient  corroborer  l'affirmation 
de  Pierre  Trichet. 

Dans  cette  suite,  qui  est  écrite  pour  5  cromor- 
nes,  De  Grinis  les  fait  évoluer  :  le  premier  entre 


le  second 


I 


£ 


le  troisième 


quatrième 


m^ 


le 


quième 


On  pourrait  être  surpris  de  voir  une  suite  écrite 
pour  0  instruments  de  cette  même  famille;  niais  le 
Père  Meusemne  dit  aussi  qu'on  en  «  fait  des  concerts 
entiers  à  5  et  6  parties  >.  La  famille  complète  com- 
prenait :  le  soprauino,  le  soprano,  l'alto,  le  ténor,  la 


2.  Traité  des  in-sii'uments  de  musique. 


1534 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


basse  el  la  conire-basse.  Ces  deux  derniers  avaient 
une  ou  deux  clés,  et  mesuraient  respectivement 
1  m.  63  el  environ  2  mètres. 

La  dilîérence  de  longueur  de  tube  entre  la  contre- 
basse de  hautbois  el  celle  des  croraornes,  vient  de  ce 
que  ces  derniers  avaient  la  perce  cylindriqne  et  très 
étroite.  C'est  cette  différence  de  dimension  qui  fait 
que  les  cromornes  furent  si  fréquemment  employés 
en  Europe  et  particulièrement  en  France,  où  ils  exis- 
taient dès  le  XV  siècle,  et  où  ils  servaient  jjénérale- 
ment  de  basse  aux  liaulbois. 

Mais  leur  sonorité  étant  creuse,  sourde,  ce  qui 
faisait  dire  qu'ils  sonnaient  en  bourdon,  ces  instru- 
ments furent  bien  vite  délaissés  à  l'apparition  des 
bassons  pour  être  remplacés  par  eux. 

Nous  avons  à  voir  maintenant  les  cornemuses 
genre  cromornes  que  Praetorlus  déQnit  ainsi  : 

Les  «  Corna-musen  >>  n'ont  pas  deux  tuyaux,  mais  un  seul 
comme  les  Basanelli  et  les  Krumhorner  (cors  tordus  ou  cro- 
mornes)... Comme  sonorité,  ces  instruments  ressemblent  aux 
cors  tordus,  à  cette  dilïérence  près  cependant  qu'ils  jouent  plus 
en  sourdine  et  plus  gracieusement. 

Cette  différence  de  sonorité  venait  de  ce  que  l'ex- 
trémité inférieure  du  pavillon  des  cornemuses  était 
bouchée  au  lieu  d'être  ouverte,  comme  cela  a  lieu 
pour  tous  les  instruments  de  la  famille  des  hautbois. 
Le  son  sortait  par  de  petits  trous  qui  étaient  percés 
dans  le  pavillon. 

Il  y  avait  également  loule  une  famille  :  le  soprano, 
l'alto,  le  ténor  et  la  basse.  Aucun  de  ces  instruments 
n'avait  de  clé. 

Les  Basanelli  se  maniaient  comme  les  cornemuses 
el  étaient  encore  p/tis  ?»!((■/.?.  Ils  avaient  sept  trous,  et 
le  trou  du  bas  avait  une  clé. 

On  trouve  encore  actuellement  en  Arabie  et  en 
Egypte  un  instrument  de  perce  cylindrique  dont  la 
colonne  d'air  est  mise  en  vibration  par  l'anche  dou- 
ble; c'est  VErwiyeh.  Cet  instrument  est  tout  en  buis 
et  se  compose  de  trois  parties  :  la  tête, 
le  corps,  le  pied. 

Son  anche  est  faite  d'un  seul  bout  de 
tige  de  jonc  marin  aplati  sur  une  partie 
de  sa  longueur,  de  faron  à  former  les 
deux  languettes  nécessaires  à  l'émission 
du  son.  Cette  partie  aplatie  est  fort 
amincie  pour  faciliter  cette  émission. 

Le  jonc  marin  que  les  Arabes  emploient 
pour  faire  leurs  anches  est  tellement 
épais,  résistant,  que  les  exécutants  sont 
obligés,  lorsqu'ils  ont  terminé  de  jouer, 
de  placer  le  bout  des  deux  languettes 
dans  une  sorte  de  ligature,  afin  de  pou- 
voir faire  conservera  l'anche  l'ouverture 
nécessaire  pour  l'émission  du  son  (nous 
avons  dit  que  cette  ouverture  doit  être 
relativement  étroite). 

Cette  ligature  elle-même  est  faite  de 
deux  petites  bandes  plates  de  roseau 
aminci,  qui  sont  liées  l'une  à  l'autre  par 
les  deux  bouts,  de  façon  que,  plus  on  diminue  l'ou- 
verture, plus  on  comprime  l'anche.  Une  seconde 
ligature,  semblable  à  la  première,  est  mise  à  l'en- 
droit où  le  jonc  cesse  d'être  aplati  pour  maintenir 
cette  partie  inférieure  dans  sa  forme  ronde,  afin 
qu'elle  s'adapte  bien  exactement  sur  le  haut  du  tube 
de  buis. 


Vers  la  fin  du  xv'  siècle,  l'on  fit  venir  à  la  cour  de 


FiG.  638. 

Eriqyeh. 

{Hist.  de  la 

mitmiue, 
F.  Clément) 


France  un  groupe  de  bergers  jouant  du  hautbois,  de 
la  cornemuse  el  de  la  muselle  de  Poitou'. 

Ces  hautbois  de  Poitou  étaient  semblables,  dans 
leurs  parties  essentielles,  aux  autres  hautbois. 

Comme  pour  les  cromornes,  ou  tournebouls,  on 
prétend  que  ces  hautbois  de  Poitou  se  jouaient  à  cou- 
vert, c'est-à-dire  l'anche  cachée  dans  une  capsule. 
Mais  le  Père  Mersenne  écrit  :  d  Or,  l'étendue  de  ces 
hautbois  (de  Poitou)  est  semblable  à  celle  de  nos 
grands  hautbois.  » 

Nous  avons  remarqué,  en  décrivant  les  cromornes, 
que,  n'ayant  pas  la  pression  directe  des  lèvres  sur 
les  anches,  on  ne  pouvait  avoir  d'étendue  supérieure 
au  nombre  des  trous  ou  clés  que  possédaient  les 
instruments.  Le  même  phénomène  se  produit  ici, 
avec  cette  légère  différence  cependant  que,  l'anche 
double  étant  associée  à  la  perce  conique,  en  forçant 
le  son  et  en  ouvrant  légèrement  le  trou  qui  se  trouve 
sous  l'index  de  la  main  gauche  lorsque  l'instrument 
est  tenu  normalement,  c'est-à-dire  la  main  gauche 
sur  le  corps  du  haut,  il  est  possible  d'octavier  les 
deux  ou  trois  sons  les  plus  graves. 

La  famille  des  hautbois  de  Poitou  était  composée 
du  Dessus  ou  Soprano,  de  la  Taille  et  de  la  Basse. 
Cette  basse  était  repliée  en  deux  (comme  le  basson) 
afin  d'être  plus  portative  et  d'avoir  tous  les  trous 
tellement  disposés  que  l'on  pût  les  boucher  avec  les 
doigts. 

Ces  hautbois  furent  très  fréquemment  employés; 
mais  c'est  surtout  dans  les  fêles  champêtres,  dans  les 
réjouissances  publiques  que  leur  succès  fut  le  plus 
grand.  Ils  furent  adjoints  à  la  bande  instrumentale 
de  la  Cour  au  début  du  xvn'  siècle. 

Mais  vers  le  milieu  du  xvn"  siècle,  celle  bande,  qui 
avait  pris  le  nom  de  Grands  hautbois  de  l'Ecurie,  ne 
comprenait  plus  que  des  Dessus,  Hautes- contre  et 
Tailles  de  hautbois  el  des  Bassons.  Ces  derniers  avaient 
remplacé  les  basses  et  contrebasses  de  hautbois; 
quant  aux  cromornes,  cornemuses  et  hautbois  de 
Poitou,  ils  avaient  été  abandonnés  par  leurs  titu- 
laires. 

A  cette  époque,  les  hautbois  avaient  un  son  puis- 
sant, violent  même.  Le  Père  Mersenne  dit  qu'on  les 
employait  pour  les  fêtes  «  à  raison  du  grand  bruit 
qu'ils  font  et  de  la  grande  harmonie  qu'ils  rendent, 
car  ils  ont  le  son  le  plus  forl  et  le  plus  violent  de 
tous  les  instruments,  si  l'on  excepte  la  trompette  ». 

C'est  à  cause  de  ce  son  violent  que  nous  les  voyons, 
jusqu'à  la  fin  de  la  monarchie,  comme  principal  élé- 
ment musical  dans  l'armée 2.  Lulli  a  écrit  pour  les 
hautbois  des  marches  à  4  parties^. 

I^énéralement,  les  hautboïstes  jouaient  en  même 
temps  du  violon.  Ces  deux  sonorités  en  vinrent  à 


1.  Philippe  de  Commînes  fait  le  récit  Slli^■ant  chms  son  Histoire 
durant  Ir  régne  de  Louis  XI :  a...  L'on  6t  venir  du  Poitou  des  bergers 
qui  savaient  jouer  de  hautbois,  cornemuse  et  niusetle  et  ch.inter,  pour 
rt^jouir  le  roi  Louis  ,\1  pendant  sa  grande  maladie  nirlancolique  ;  des- 
quels tout  le  Limousin  et  la  Basse  Marche  ne  manquent  piis,  car  il 
n'y  a  point  de  paroisses  qu'il  n'y  ait  nombre  de  telles  gens  qui  en 
savent  très  bien  sonner,  même  les  gavottes  et  branles  du  Poitou  tant 
simples  que  doubles. 

u  C'est  une  chose  admirable  de  voir  de  pauvres  rustiques  qui  ne 
savent  [toint  de  musique,  jouer  néanmoins  toutes  sortes  de  branles  t( 
quatre  parties,  soit  :  supérieure,  taille,  haute-contre  et  basse-contre 
sur  leurs  cornemuses,  musettes,  hautbois,  etc.  » 

tî.  Les  HoTTETKiiHE,  Philidor,  Pi.u.MET,  BuuTET,  ctc.,  sont  hautbois 
des  1'"  el  2«  compagnies  des  Mousquetaires  du  Roi  vers  la  fin  du 
XVII"  siècle. 

;j.  11  y  a  quelques  années,  à  Versailles,  M.  de  Bricqueville  fit  exé- 
cuter quelques  marches  écrites  à  4  parties  de  hautbois  par  Lolli.  — , 
liAENDEi.  fait  encore  accompagner  par  le  hautbois  l'air  martial  de 
Roderigo  dans  Gia  ijrida  la  tromba. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


HAUTBOIS    1535 


dominer  les  autres,  et  une  sorte  de'  rivalité  s'établit 
entre  elles. 

C'est  alors  que,  sous  l'impulsion  de  Iailli,  les  vio- 
lons prenant  beaucoup  plus  d'importance,  les  haut- 
boïstes (les  PuiLiDOR,  les  Dkscosteai'.n,  les  Hottk- 
TERRE,  etc.)  cheiclièrent  à  réaliser  de  leur  mieux  les 
exigences  de  la  musique  de  l'époque,  surtout  de  la 
musique  de  chambre. 

Mais,  bien  que  l'abbé  de  Pures  écrive  vers  la  fin 
du  xviii'  siècle  : 

...  Les  hauUiois  ont  un  chant  élevé  et  de  la  manière  dont  on  en 
joue  maintenant  chez  le  roi^et  à  l'aris,  il  y  aurait  peu  do  choses  à 
en  désirei-,  —  Ils  font  des  cadences  aussi  justes,  les  tremblements 
aussi  doux,  les  diminutions  aussi  régulières  que  les  voix  les 
mieux  insii-uites  et  les  instrum'.'nts  les  plus  parfaits... 

malgré  cet  éloge,  le  hautbois  dut  céder  le  pas  au 
violon,  et  alors  il  fut  rapidement  éclipsé  aussi  bien 
dans  les  ballets  que  dans  la  suite  instrumentale. 


Etpourméritercelélogieux  compliment,  qu'étaient 
les  instruments  que  possédaient  ces  hautboïstes? 

Mon  hautbois  de  Hotteterre  est  en  buis  très  fin,  teinté  à  l'eau- 
forte...  Il  est  muni  de  deux  clés  d'argent...  La  clé  de  mi  '^  est  à 
patte  arrondie  et  celle  d'ut  naturel  à  double  touche  formant  un 
grand  V,  etc., 

écrit  le  comte  d'Adhémar. 

Nous  venons  de  voir  que  les  Hotteterre  étaient 
parmi  les  hautboïstes  les  plus  en  renom  à  l'époque 
qui  nous  intéresse.  Ils  furent  en  effet  très  réputés,  et 
non  seulement  comme  instrumentistes,  mais  encore 
comme  fabricants  ;  un  d'eux,  que  l'on  surnomme 
le  Romain,  passe  même  pour  être  l'inventeur  d'un 
double  chalumeau  ajouté  à  la  musette,  chalumeau 
possédant  6  clés'.  Un  Hotteterre  a  laissé  beaucoup 
de  musique  écrite  pour  le  hautbois,  soit  à  plusieurs 
parties  de  hautbois  ou  musettes,  ou  hautbois  avec 
d'autres  instruments,  et  une  méthode  :  Principes  de 
la  lliUe  traversièrc...  et  du  hautbois  dans  laquelle 
ïutiK  grave  n'est  pas  mentionné.  Freillon  Poncein 
le  mentionne  bien  dans  sa  Méthode,  mais  il  dit  : 
«  Les  quinze  sons  dièses  commencent  sur  l'ut  d'en 
bas,  la  clef  «  à  demi  bouchée  ».  On  peut  faire  le  si 
d'en  bas  sous  la  clef  toute  bouchée.  » 

On  comprendra,  dans  ces  conditions,  que  Hotte- 
terre ait  préféré  ne  pas  en  faire  mention.  Le  haut- 
bois avait  ■  déjà  suffisamment  de  défectuosités  de 
toutes  sortes  (les  nombreuses  fourches,  les  trous  à 
déboucher  à  demi,  etc.),  sans  ajouter  encore  cette 
clé  à  fermer  à  moitié! 

C'est  avec  toutes  ces  défectuosités  ajoutées  au 
manque  total  d'homogénéité  dans  la  succession  et... 
au  manque  de  justesse,  que  les  hauboïstes  du  xviii» 
siècle  essayèrent  de  lutter!  On  voit  qu'ils  ne  man- 
quaient pas  de  courage! 

L'al)bé  de  Pures  ne  semble  pas  préoccupé  par  ces 
difficultés.  Selon  lui,  c'est  la  fatigue  provoquée  par 
le  souffle  qui  empêcha  le  hautbois  de  devenir  l'égal 
du  violon. 

Ce  qui  surprend  le  plus,  c'est  que  tous  ces  défauts, 
manque  de  justesse,  d'homogénéité  et  imperfection 
du  mécanisme  existent  encore  au  début  du  xis=  siècle 
en  France^. 


1.  M.  h.  Thuinan  pri'-lond  >\ue  l'inventeur  est  Martin  Hotteterre. 

2.  FriiNcciun  (L.-J.),  chef  d'orchestre  de  l'Opéra,  écrit  en  1772  : 
«  Le  hautbois.  —  Cet  instrument  n'est  pas  parfait  dans  tous  ses  tons; 
il  y  en  a  que  l'art  de  l'exécutant  ne  peut  pas  rendre  parfaitement 
justes...  Lui  grave  est  toujours  faui,  c'est-i-dire  trop  haut  pour  être 


Pourtant,  les  clés  pour  les  sons  soljt  et  /a;  avaient 
été  ajoutées  au  hautbois  par  (Gerhard  Hofuann,  dès 
1727.  Il  est  incontestable  que  ces  deux  clés  étaient 
extrêmement  importantes  :  non  seulement,  la  pre- 
mière supprimait  la  difficulté  de  déboucher  à  demi- 
le  troisième  trou  (celui  qui  se  trouve  sous  l'an- 
nulaire de  la  main  gauche),  ou  de  boucher  un  seul 
des  deux  petits  trous  mis  à  sa  place,  mais  surtout, 
elle  donnait  la  certitude  d'avoir  le  ,so/S  juste.  Quant 
à  la  seconde,  elle  supprimait  la  fourche  (l=r  et 
3'  doigts  de  la  main  gauche)  et  rendait  ce  son  moins 
sourd,  plus  franc,  plus  homogène. 

Praetorius  ne  nous  dil-il  pas  que  les  Grands  Pom- 
mer avaient  quatre  clés?  lin  1<J36,  le  Père  Mersennk 
mentionne  que  la  Musette  d'Italie,  que  l'on  nommait 
sourdetine,  avait  un  chalumeau  comportant  !,">  clés! 

Même  en  France,  un  des  Hotteterre  a  inventé  un 
second  chalumeau  qui  est  ajouté  à  celui  qui  existait 
déjà  à  la  musette,  «  ce  second  chalumeau  a  6  clefs 
qui  servent  à  faire  les  it  et  les  '0  »  ! 

On  peut  se  demander  comment  il  se  fait  que 
Hotteterre  n'ait  pas  songé  à  adapter  ce  perfection- 
nement sur  le  hautbois. 

A  en  juger  par  les  fragments  suivants,  il  semble 
bien  que  tous  les  artistes  n'ont  pas  cherché  à  pousser 
les  fabricants  dans  cette  voie  du  perfectionnement. 

VoGT,  qui  fut  un  hautboïste  très  distingué  et  ap- 
précié, professeur  au  Conservatoire  (adjoint  dès  1802 
et  titulaire  en  1816),  après  avoir  mentionné''  deux 
clés  que  Sallantin,  professeur  au  Conservatoire  avant 
lui,  avait  fait  ajouter  au  hautbois  (l'une  :  notre  clé 
de  si  naturel  grave  actuelle  qui  servait  alors  à  ajus- 
ter Vut  grave  toujours  trop  haut,  l'autre  appelée  clé 
de  faii,  qui  elle  aussi  servait  à  «  ajuster  «  le  fajf], 
VoGT,  disons-nous,  écrit  : 

c'est  ici  la  place  de  dire  un  mot  des  hautbois  dont  on  se  sert 
maintenant  en  Allemagne  et  qui  ont  un  plus  grand  nombre  de 
clefs  que  les  nôtres.  Il  en  existe  qui  en  ont  jusqu'à  9.  Les  clefs 
ont  été  imaginées  pour  pouvoir  parcourir  avec  plus  de  facilité 
les  gammes  où  les  accidents  se  multiplient,  tels  que  »ii[),  /n'i,, 
fa  min.,  ut  min.,  »«[j,  etc. 

Cet  .avantage  est  trop  fortement  contre-balancé  par  l'inconvé- 
nient qui  résulte  des  clefs  en  ne  bouchant  pas  quelquefois  bien 
berméliquemcnt  les  trous  au-dessus  desquels  elles  sont  adaptées, 
inconvénient  qui  se  présente  assez  fréquemment  sur  nos  hautbois 
qui  n'ont  que  quatre  clefs{\)  et  à  plus  forte  raison  doit  être  plus 
redoutable  sur  ceux  où  il  s'en  trouve  S  à  9. 

D'ailleurs,  Vogt  ne  semble  se  préoccuper  que  de  la 
justesse,  et,  prévoyant  qu'on  pourrait  lui  objecter 
que,  puisqu'on  a  ajouté  deux  clés  depuis  celles 
ajoutées  par  Sallanti.n,  on  pouvait  en  augmenter  le 
nombre,  il  s'empresse  de  dire  que  les  deux  clés 
ajoutées  en  France  étaient  indispensables  poiM-j'owej' 
juste  et  ne  pouvaient  pas  nuire  à  l'exécutant  («  abstrac- 
tion faite,  dit-il,  de  l'inconvénient  dont  je  parle  ci- 
dessus...  »)  par  la  manière  dont  elles  sont  placées, 
tandis  que  "  les  autres  ne  contribuent  pas  au  per- 
fectionnement de  la  justesse  et  peuvent  entraver 
l'exécution,  parce  qu'elles  sont  placées  à  côté  des 
trous  de  l'instrument  qui  sont  percés  à  des  distances 
rapprochées,  qu'il  est  à  craindre  à  chaque  instant 
qu'en  voulant  boucher  un  trou,  le  doigt  touche  à 
une  de  ces  clefs,  etc.  ». 

Certes,  toutes  les  clés  ajoutées  aux  hautbois  alle- 
mands ou  autrichiens  n'étaient  pas  pratiques,  et,  en 


considéré  comme  naturel  et  trop  bas  pour  être  dièse  même  en  forçant 
le  vent;  pour  l'avoir  juste  il  faut  lâcher  les  lèvres.  Le  /"aif  est  trop 
bas  même  en  forçant  le  son.  Le  si\)  trop  haut  ;  le  si  trop  bas,  mais  on 
peut  le  faire  juste  eu  forçant  le  vent.  Le  /"«if  qui  est  trop  bas  au 
grave  est  juste  au  médium,  etc.  » 
3.  Mt'tiiode  manuscrite  povr  le  hautbois. 


1536 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


tous  cas,  plusieurs  d'entre  elles  étaient  bien  compli- 
quées! 11  est  bien  certain  que,  dans  le  modèle  de 
hautbois  à  10  clés  que  donne  Sellner  dans  sa  mé- 
thode parue  à  Vienne  en 
182o,  les  clés  ne  sont  pas 
toujours  heureusement  dis- 
posées. Il  n'en  est  pas  moins 
vrai  que  quelques-unes  d'en- 
tre elles  sont  absolument 
indispensables. 

Ces  dix  clés  sont  celles  de 
si  naturel  grave,  ut,  utH,  mi  h 
qui  a  un  double  effet;  fa  qui, 
lui,  a  un  triple  effet;  /a S, 
sol^,  sib  à  double  effet,  ut 
du  médium  et  enfin  la  clé 
d'oclave  que  Sellner  appelle 
«  clé  pour  couler  ». 

Kn  faisant  remonter  jus- 
qu'au pouce  de  la  main  gau- 
che la  clé  de  si  grave  et  une 
branche  de  double  effet  de 
fa,  le  fabricant,  K.  Koch,  de 
Vienne,  alourdissait  et  com- 
pliquait bien  inutilement  le 
mécanisme  (ainsi  pour  la  clé 
de  si  grave  qui  remontail 
jusqu'au  milieu  du  corps  du 
haut,  afin  de  pouvoir  démon- 
ter l'instrument,  il  faisait 
replier  cette  clé  sur  elle- 
même  à  la  hauteur  de  sépa- 
ration des  deux  corps  à  l'aide 
d'une  charnière  sur  laquelle 
on  serrait  une  vis.  Cette  vis 
retenait  la  clé  droite  lorsque 
l'instrument  était  monté). 

Mais,  à  côté  de  ces  défauts, 
il  est  incontestable  que  les 
clés  de  sol$  et  laU  que  nous 
avons    déjà     mentionnées, 
celles  d'utjt  grave,  de  fa,  à'itt  du  médium  et  surtout 
la  clé  d'oclave  étaient  vraiment  nécessaires.  Pour- 
quoi ne  pas  avoir  pris  les  meilleures? 

Cet  instrument  avait  aussi  une  «  pompe  pour  ac- 
corder ». 

Fréquemment,  à  cette  époque,  les  fabricants  munis- 
saient les  hautbois  qu'ils  faisaient  de  plusieurs  corps. 
Ces  corps  de  rechange  servaient  à  modiller  le  diapa- 
son. Certains  hautbois  avaient  jusqu'à  trois  corps 
du  haut  (c(  corps  de  rechange  »),  ce  qui  donne  une 
différence  de  diapason  de  prés  d'un  demi-ton  entre 
le  plus  grand  et  le  plus  petit. 

Mais  les  hautboïstes  français,  contemporains  de 
VoGT,  ne  partageaient  pas  tous  son  opinion,  et  nous 
voyons  au  contraire  Brod,  qui  fut  également  un 
hautboïste  de  grand  talent,  se  plaindre  que  les  haut- 
bois de  Deh'ssk  n'ont  que  deux  clés. 

Dans  la  notice  de  la  seconde  partie  de  sa  Méthode 
de  hautbois,  parue  vers  183.Ï  (il  venait  d'acheter  à 
Delusse  son  fonds  de  fabrication),  il  écrit  qu'ayant  re- 
marqué «  que  beaucoup  de  ses  élèves  »  éprouvaient 
de  la  difficulté  à  prendre  la  moitié  du  premier  trou 
(index  de  la  main  gauche)  «  soit  pour  le  mi[y  du 
médium  ou  le  re  et  le  mih  d'en  haut  »,  il  a  imaginé 
d'adopter  sur  ce  premier  trou  un  plateau  percé  lui- 
même  d'un  autre  trou  plus  petit  que  celui  qui  est 
dans  le  bois  et  qui,  »  étant  juste  de  la  grandeur  con- 
venable aux  sons  qu'il  doit  favoriser  »,  donne  une 


Fis.  639. 
Hautbois  Sellner. 


sûreté,  une  sécurité  inconnues  jusqu'alors.  —  Puis  ; 

Je  cherchais  depuis  longtemps  quel  serait  le  moyen  le  plus 
simple  d'utiliser  le  si  naturel  grave...  J'ai  enfin  reconnu  que  le 
meilleur  était  d'ajouter  une  clé  au  petit  doigt  de  la  main  droite 
qui  doubla  l'effet  de  la  grande  dont  on  se  sert  pour  rendre  l'ut 
d'en  bas  juste  *. 

A  l'Exposition  de  1839,  Brod  exposa  un  hautbois 
qui  fut  jugé  «  remarquable  non  seulement  par  la 
qualité  du  son,  mais  encore  par  la  disposition  de 
toutes  les  parties  qui  le  constituaient  ».  Malheureuse- 
ment, Brod  ne  put  mettre  bien  longtemps  son  expé- 
rience et  son  beau  talent  de  hautboïste  au  service  des 
améliorations  du  hautbois,  car  il  mourut  celte  même 
année  (1839)  sans  avoir  seulement  connu  l'opinion  du 
jury  de  l'Exposition  sur  son  instrument-. 

Celui  à  qui  nous  devons  incontestablement  ce  pas 
énorme,  ce  pas  que  l'on  peut  qualifier  de  décisif, 
qui  a  été  fait  dans  la  fabrication  des  hautbois,  est 
Frédéric  Triebert. 

Son  père,  Georges-Louis-Guillaurae  Triebert  (né  à 
Laubacb,  Allemagne,  le  27  février  1770),  vint  à  Paris  à 
pied,  nous  dit  son  petil-fdsM.  Raoul  Triebert,  ancien 
hautbois-solo  de  l'Opéra.  Son  livret  de  la  préfecture 
de  police,  délivré  à  Paris,  est  du  11  thermidor  an  XII. 

11  débuta  à  Paris  chez  un  ébéniste,  qu'il  quitta 
bientôt  pour  faire  des  instruments  de  musique. 

Frédéric  lui  succéda  en  1848,  et  c'est  lui  qui  a 
mené  perce  et  mécanisme  à  un  tel  degré  de  perfec- 
tion que  FÉTis  écrivait  en  1853  en  parlant  des  haut- 
bois de  Triebert  : 

La  qualité  de  son  très  pure  est  celle  qui  a  été  toujours  pré- 
férée dans  les  hautbois  français;  tous  les  détails  du  mécanisme 
sont  terminés  avec  une  grande  perfection.  I.a  clé  du  demi-trou, 
ajoutée  au  hautboispar  ce  facteur,  est  une  heureuse  innovation, 
en  ce  qu'elle  fait  disparaître  une  des  plus  grandes  difficultés  du 


1.  M.  C.  PiEBRE  dit  à  ce  sujet  que  Ccvu-lier  fils  aîné,  de  Saint-Omer, 
exposa  en  1834  un  hautbois  avec  une  clé  de  si  grave  donnant  effec- 
tivement ce  son  ;  cette  clé.  disait-il.  <■  ne  servant  sur  les  autres  haut- 
bois qu'à  corriger  Vut  toujours  trop  haut  ». 

2.  En  observateur  et  chercheur  qu'il  était,  Brod  ne  se  contenta  pas 
de  perfectionner  le  mécanisme  du  hautbois.  Il  savait  l'importance  qu'a 
[lour  le  hautboïste  la  fabrication  des  anches!  aussi,  le  voyons-nous, 
toujours  à  l'Exposition  de  1839,  présenter  une  u  machine  à  gouger  le 
roseau  pour  les  anches  du  hautbois  ».  fuis  (dans  la  Notice  de  ta  se- 
conde partie  de  sa  Méthode)  il  signale,  «  un  outil  »  qu'il  a  confec- 
tionné (imité  du  taille-plume).  «  Cet  outil,  dit-il,  sert  i  donner  au  roseau, 
lorsqu'il  est  gougé,  la  forme  convenable,  et  a  l'avantage  de  tailler 
toutes  les  anches  à  la  même  largeur  et  à  la  même  forme.  »  Nous 
nommons  maintenant  cet  outil  ;  h  taille-anches  ».  Ces  deux  inventions, 
qui  ont  été  naturellement  perfectionnées  depuis,  ont  énormément  faci- 
lilé  la  tâche  îles  hautboïstes. 

Il  remarque  aussi  que  les  petits  tubes  sur  lesquels  sont  fixées  les 
deux  languettes  de  roseau  ont  une  grosse  importance  ;  «  La  confec- 
tion de  ce  petit  tube  peut  iniluencer  beaucoup  sur  la  justesse  de  l'ins- 
trument, u 

Quand  ce  petit  tube  est  trop  large  de  perce,  il  manque  de  justesse  : 
cei'tains  sons  trop  hauts  dans  le  fnrte  deviennent  trop  bas  dans  le 
pianissimo.  Et  si  l'aigu  est  facile  d'émission,  le  grave  devient  bien  plus 
difficile  d'émission  et  même  de  tenue.  D'après  nos  observations,  le 
modèle  devrait  avoir  : 

^^ 

<^aQOZ  15/ 
/lOO 

à  la  partie  ijui  reroit  les  laug^ueUes,  et 


à  la  partie  qui  s'emboîte  dans  l'instrument. 


TUCHMQVE.  ESTHETIQUE  ET  PEDAGOGIE 


HAUTBOIS    1537 


dciigli'  de  rinslrument  cl  donne   plus  de  sûreté   dans  l'exécu- 
liun.  etc.  '. 

C'est  à  Krédéric  THiKBEur,  nous  assure  M.  Haoïil 
TiiiKBEBT,  que  Barriît,  hautbois-solo  de 
Covent  (jatden,  venait  demander  conseil 
pour  les  clés  qu'il  désirait  ajouter  au  haut- 
bois qui  porte  son  nom-. 

Frédéric    Triebert    mourut    le    10    mars 
1878. 


Le  hautbois  a  progressé  sans  à-coups, 
sans  transformation  brusque  de  son  méca- 
nisme. 

Une  seule  tentative  auiait  pu  le  lancer 
dans  une  voie  nouvelle  :  l'application  du 
mécanisme  appelé  système  Bikhm. 

Dans  ce  nouveau  sijstcme,  les  dimensions 
du  tube  n'étaient  plus  les  mêmes;  la  lon- 
f:ueur  totale  était  de  :  0,343.  Le  pavillon  à 
lui  seul  mesurait  :  0,103.  Le  son  était  loin 
d'avoir  les  qualités  que  Pétis  se  plaisait  à 
recounaitre  aux  hautbois  français;  il  était 
très  gros,  vilain  {on  pourrait  même  dire 
qu'il  y  était  dénaturé).  La  justesse  laissait 
beaucoup  à  désirer.  Enfin,  non  seulement, 
le  doigté  différait  de  celui  du  hautbois 
auibuis  ordinaire,  surtout  pour  la  main  droite, 
ARRET,    mais  encore,   pour  le  jouer,  il  fallait  des 

anolies  plus  larges  de  roseau! 
On  conçoit  facilement  que,  dans   ces  conditions, 
les  artistes  n'aient  pas  adopté  cet  instru- 
ment. 

F.  Triebert,  le  premier,  essa\a  d'en 
simplifier  le  micainmiie,  ou  plutôt,  de  le 
rapprocher  davantage  de  celui  du  hautbois 
ordinaire;  il  en  modifia  la  perce.  Dans  la 
suite,  on  chercha  encore  à  lui  adapter 
une  perce  plus  étroite,  mais  cela  ne  donna 
guère  le  résultat  attendu! 

Pendant  un  certain  temps,  il  fut  em- 
ployé, mais  seulement  dans  les  musiques 
militaires.  Il  avait,  il  est  vrai,  pour  ce 
genre  de  sonorité,  l'avantage  du  volume 
de  son. 

On  fait  bien  encore  actuellemejit  des 
hautbois  «  système  Biehm  »,  mais  cela 
devient  de  plus  en  plus  rare,  et  les  chefs 
de  musique  eux-mêmes  y  ont  renoncé 
depuis  bien  des  années. 


r,      ^.,  Tout   en    continuant    les    modifications 

FiG.  oit.  1  1       ■         I-      •!■■ 

Mécanisme    de  ce  hautbois,  r.  Iriebert  ne  cessait  pas 

système      de  chercher  le  mécanisme  désiré. 

Bœhm.  Ygpj,  1840,  il  avait   trouvé   un    S3stème 

que  nous  nommons  maintenant  n»  .3.  On 

peut  dire  que  c'est  ce  système  n°  3  qui  a  servi  de 

base  pour  toutes  les  amélioralions  qui  ont  suivi. 

Nous  aurons  toujours  en  eiîet,  en  principe,  la 
même  disposition  des  clés  d'ut,  ut  c  et  mi  h  graves 
par  l'auriculaire  de  la  main  droite;  la  clé  du  double 


1.  Nous  venons  de  dire  ce  qu'écrivait  Brud  en  I8-i5  au  sujet  de  ce 
dL'rai-trou  I 

i.  On  peut  lire,  en  effet,  à  la  fin  de  la  préface  de  sa  Méthode  de 
hautbois  ;  o  ...Je  me  plais  à  reconnaître  que  M.  F.  Triebert,  par  ses 
éludes  relatives  à  la  perce  des  tiautbois  et  à  ses  connaissances  en  mé- 
canique, a  contribué  puissamment  au  pragrès  de  cet  instrument.  >• 

Copyright  b)j  Librairie  Delograve,  1920. 


elîet  de  mifi  (auriculaire  gauche);  les  si  h  et  ut  mé- 
dium et  aigu  (index  droit);  le  demi-trou  et 
les  deux  clés  d'octave. 

Le  n»  4  fait  disparaître  l'impossibilité  de 
triller  ut»  et  ré::  qui  existait  sur  le  n"  2, 
et  a  de  plus  une  clé  pour  la  cadence  tl'(;( 
et  ré  (médium  el  aigu). 

Sur  le  n"  3,  la  disposition  des  clés  de 
la  main  gauche  est  modifiée  :  toutes  ces 
clés  se  trouvent  réunies  sur  une  seule  trin- 
gle, et  sont  commandées  par  une  seule 
patte  descendant  sous  l'index  droit;  les 
trous  d'î^  et  de  sî;i,  au  lieu  d'être  percés 
sur  le  côté  du  hautbois,  se  trouvent  sur  le 
dessus  de  l'instrument.  Cette  disposition 
donnait  un  peu  plus  de  sécurité  aux  instru- 
menlisles  contre  l'envahissement  de  l'eau 
dans  ces  trous. 

Un  plateau,  placé  sous  la  première  clé 
d'octave,  et  commandé  par  le  pouce  de  la 
main  gauche,  permet  de  faire  les  sî  l.  et  ut  Fu;.  642. 
imédiura  et  aigu)  en  levant  simplement  ce    Système 
pouce,  évitant  ainsi  les  mouvements  gau-  i'''"*''^"'^ 
ches  que  la  main  droite  devait  faire  avec 
les  no"  :i  et  4  pour  passer  des  doigtés  réguliers  de  s(i. 
et  même  d'ut  aux  trous  du  corps  du  bas,  dans  cer- 
taines successions  de  notes. 

Mais  ce  plateau  est  défectueux  comme  mécanisme 
et  difficile  à  bien  régler'. 

Enfin,  un  autre  plateau  percé  d'un  petit  trou  et  mis 
à  la  place  de  l'anneau  du  majeur  de  la  main  droite, 
permet  d'avoir  le  ré  aigu  plus  juste. 

Plus  tard,  on  ajouta  à  ce  n°o  la  clé  décadence  pour 
S!  et  lits  médium  et  aigu,  et  en  allongeant  le  pavil- 
lon, le  .Si  [i  grave.  On  appelle  ce  <(  système  »  le  n° 
On  fait  encore  actuellement  des  hautbois  de  ce  sys- 
tème. 

Nous  arrivons  enfin  au  hautbois  n"  6,  dont  les  prin- 
cipales amélioralions  se  retrouvent  exactement  sem- 
blables   dans   le  n"    6',   que  .M.    Georges  Gillet  fit 


3.  Ce  plateau  n'a  aucun  rapport  avec  la  clé  de  si 
nous  avons  parlé  à  propos  des  hautbois  autrichiens 
mécanisme  en  est  absolument  différent  et,  alors  que 
pour  sin  et  ut,  la  clé  de  K"i:n  ne  servait  qu'>  pour  le  s 


au  pouce  duat 
de  E.  KucH.  Le 
le  plateau  sert 


97 


Iô38 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIO.VNAIRE  DU  CO.VSERXATOIRE 


adopter  pour  sa  classe  de  hautbois  du  Conservatoire 

en  1881. 

Dans  ce  système,  dit  sysiéine  dû  Conservatoire,  un 
anneau  ajouté  pour  l'index  de  la  main  droite  lait 
mouvoir,  à  l'aide  d'une  correspondance,  les  clés  de 
sib-et  ut  du  corps  du  haut,  supprimant  à  la  fois  les 
mouvements  incommodes  des  n"^  3  et  4,  elle  plateau 
de  si  il  et  ul  du  ii"  a. 

Lacle  de  soI»sl  ici  2  pattes  :  la  première  garde  sa 
place  primitive  (auriculaire  de  la  main  gauche),  la 
seconde  est  sur-  le  côté  du  corps  du  haut  et  descend 
sou.s-riudex  droit  à  la  place  de  la  patte  des  clés  de 
sil-.  et  ul  du  no  5.  Cette  clé  de  sol'i  est,  en  quelque 
sorte,  commandée  par  l'anneau,  ou  plutôt  par  une 
pelile  tige  reliée  à  cet  anneau  qui,  lorsque  l'anneau 
estabaissé,  vient  s'appuj'er  sur  le  plateau  supportant 
le  tampon  qui  ferme  le  trou  de  sol::.  Grâce  à  un  ingé- 
nieux et  pourtant  bien  simple  mécanisme,  tout  en 
ayant  l'index  droit  appuyé  sur  l'anneau,  il  est  possi- 
ble de  conserver  l'auriculaire  gauche  appuyé  sur  la 
première  patte  de  la  clé  de  sol  if,  et  on  a  ainsi  le  trille 
de  fai  sûl%.  Ce  mécanisme  simplifie  les  successions 
des  notes  conjointes  dans  lesquelles  se  trouvent  fnif 
et  s  ol-c,  et  permet,  gràceà  la  seconde  patte,  les  liai- 


sons 


i^^S 


f^5f 


Enfin,  il  donne  les  deuxiè- 


mes doigtés  de  mi  et  fa  aigus,  doigtés  si  utiles  dans 
le  chromatique,  surtout  au  point  de  vue  justesse. 

Ce  n"  6",  système  du  Conservatoire,  possède,  de 
même  que  le  5",  un  sif.  grave. 

Avec  ce  nouveau  système,  l'avantage  ne  résidé 
pas  seulement  dans  le  perfectionnement  du  méca- 
nisme. Grâce  à  ce  perfectionnement  et  à  l'allonge- 
aient du  tube  provoqué  par  l'addilion  du  si'!.  grave', 
non  seulement  la  sonorité  générale  de  l'instrument 
se  trouve  améliorée;  elle  est  plus  moelleuse  et  plus 
ample,  mais  encore  certains  sons,  le  fui  et  le  mil^ 
du  médium  par  exemple,  sortent  et  surtout  tiennent 
beaucoup  mieux;  les  si[i  et  ut  (médium  et  aigu)  oui 
le  sou  plus  homogène,  moins  cru  (cela  tient  à  ce  que 
le  trou  de  sol,  sous  l'index  droit,  se  trouve  bouché 
quand  on  joue  ces  deux  notes). 

La  tablature  que  dnniie  cet  instrument  est  repré- 
sentée fig.  647. 

Des  améliorations  ont  été  successivement  appor- 
tées à  ce  système,  soit  pour  permettre  des  trilles 
nouveaux,  soil  pour  en  ajuster  d'autres.  Ainsi,  id  et 
ut%  graves  étaient  impossibles  à  Iriller-,  réit  mi'', 
i((Jf  Si'-  pas  justes.  Maintenant,  on  peut  dire  que  tous 
les  trilles  sont  faisables  sur  le  hautbois,  à  moins  de 
vouloir  faire  triller  sur  les  notes  de  l'extrême  aigu  , 
et  encore! 

Il  y  a  quelques  années,  M.  Lorée  a  imaginé  de 
sul)slituer  des  plateaux  à  Ions  les-anneaux  existant 
sur  le  hautbois. 

Bien  qu'on  puisse  trouver  un.p]eu  de  complication 
dans  le  mécanisme  de  ce  nouveau,  modèle,  s^/stciiie  à 
platiaux,  il  faut  reconnaître  que 'certains  enchaîne- 
ments de  doigtés  y  sont  simpliliés.  Par  exemple,  dans 
la  succession  de  notes  conjointes  contenant  la-'  et 
si\i,  il  suffit  de  lever  ou  baisser  le  majeur  de  la  main 
gauche.  Le  .siU  ainsi  obtenu  se  faisant  par  une  fouT- 

1.  On-abien  essaye  île  faire  descendre  le  hauthois  .lu  la,  mais  on  a 
dii  y  reooneer,  car  la  justesse  généralL'  de  l'iiislrunient  en  soullVait 
beaucoup. 

2...M.  iontE.y  a  rtniéilie  en'  1 889. 

3.  MM.  KouEnr  clSElsiEnen-i9»i.' 

4.  M.:  KoBEBT  eiiiil91'2. 


che  (index  et  annulaire  de  la  main  gauche:,  le  son  en 
est  bien  un  peu  sourd,  mais,  comme  ce  doigté  nie 
doit  servir  que  dans  la  vitesse,  cet  afi'aiblissement  du 
son  n'a  qu'une  importance  relative  et  ce  doigté  peut 
rendre  de  grands  services. 

M'ais  si  cette  fourche  de  .si  h  n'a  pas  beaucoup  d'im- 
portance, il  n'en  est  pas  de  même  pour  celle  du  fa 
(index  et  annulaire  de  la  main  droite). 

Ici,  la  difl'érence  du  son  avec  le  fa  de  clé  est  géné- 
ralement assez  sensible,  et  il  est  assez  difficile  de  ne 
pas  prendre  cette  fourche  lorsque  l'on  vient  du  rt'  ou 
du  mi  1,  même  dans  un  mouvement  lent,  sans  ris- 
quer d'avoir  un  accident.  Aussi,  comme  plus  on  joue 
fort,  plus  la  différence  entre  la  sonorité  de  ce  fa  de 
fourche  et  les  noies  voisines  est  sensible,  nn  arrive 
parfois,  pour  remédier  à  cet  inconvénient,  à  ajouter 
la  clé  de  mi\j  au  doigté  de  fa  de  fourche. 

Nous  avouons  ne  pas  aimer  cette  façon  de  faire, 
et  cela,  pour  deux  raisons  :  là  première,  parce  que  le 
fa  de  fourche  pris  ainsi  estforcément  un  peu  liant, 
éclatant,  criard  même,  enfin  pas  homogène.  La 
seconde,  parce  que,  s'habituant  à  ce  doigté  et  ayant 
le  petit  doigt  pris  constamment  par  cette  clé  de  mi  h, 
l'instrumentiste  finit  par  éprouver  une  telle  gêne 
pour  se  servir  du  fa  de  fourche  dans  la  vitesse,  qu'il 
en  arrive  a  redouter  les  passages  dans  lesquels  ce  fa 
de  fourche  revient  souvent. 

On  avait  pensé  à  ajouter  au  hautbois  la.  clé  de 
l'ésonance  qui  existe  surle  cor  anglais,  le  hautbois 
d'amour,  etc.,  pour  le  fà  de  fourche,  mais  cela  faus- 
sait certaines  noies  comme  lé  srfr  et  surtout  le  fa^, 
cette  clé  de  résonance  restant  ouverte  pour  toutes 
les  notes  ne  compoitant  pas  lé  médius  de  la  main 
droite  appuyé. 

Eli  1907,  iM.  UoREUT  trouva  le  moyen  d'employer 
cette  clé  de  résonance  pour  le  fa  de  fourche  exclu- 
sivement. Cette  note  a  maintenant,  grâce  à  ce  per- 
lèctionnement,  la  même  sonorité  que  le  fa  de  clév  et 
il  n'y  a  plus  à  redouter  son  influence  sur  les  autres 
notes  de  l'instrument. 

C'est  ce  système  Cons'ri'alnire,  qu'il  soit  avec  ou 
sans  plateaux,  qui  est  à  l'heure  actuelle  générale- 
ment employé  en  France.  Les  Conservatoires  et  Eco- 
les de  Musique  succursales  du  Conservatoire  de 
Paris  l'ont  également  adopté. 

A  l'étranger,  en  Allemagne,  en  Amérique,  en  Italie, 
en  .Norvège,  en  Suède,  pr-esque  partout,  on  le  rencon- 
tre joué  par  des  professionnels,  et  si  beaucoup  de 
hautboïstes  étrangers  ne  le  jouent  pas  encore,  on 
commence  à  le  voir  figurer  (soit  exactement,  soit 
avec  quelques  petites  modifications)  sur  les  catalo- 
gues des  grandes  maisons  étrangères. 

Les  Conservatoires  étrangers  tels  que  ceux  de 
Bruxelles,  Liège  et  Gand,  Home,  Milan,  Uologue, 
rurin,  etc.,  ont  gardé  leur  indépendance,  el  chacun 
d^eu\a.'son  syslàne  (système  qui  dilfére  généralement 
très  peu  d'un  Conservatoire  à  l'autre). 

S'il  n'est  pas  possible  de  dire  que  le  hautbois  est 
arrivé,  en  France,  àson  apogée  de  perfectionnement, 
car  on  ne  sait  pas  ce  que-  l'avenir  réserve,  on  peuti 
dire  que  le  système  n"  6-'  actuel  est  à  la  fois  le  plrts 
simple  et  celui  qui  renferme  les  détails  de  mécanisme 
les  plus  indispensables  sans  en  contenir  d'inutiles. 

EWIPLOI   DU    HAUTBOIS" 

■ 

Nous  avons  dit  que  le  hautbois  avait  été  rapidement 
éclipsé  dans  la  Suite  instrumentale  et  dans  les  Ballets. 


TECI/XIQUE,  ESTflETInUE  ET  PEDAGOGIE 


HAUTBOIS    J539 


4fâ//7  gauche 


Mèi'n  dfoite. 


1540 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSEliVATOIHE 


Après  avoir  compté  au  ballet  de  la  Raillerie,  en 
1639,  8  liaiilbois  ou  flûtes  pour  10  violons,  on  trouve  à 
celui  des  Amours  (Ugiiisés,  en  1664,  o  bois  pour  10  vio- 
lons; au  Carnaval,  en  1608,  8  bois  pour  :)8  violons. 
Pourlaut,  à  la  tin  du  xvii'=  siècle,  pour  24  violons,  on 
voyait  de  nouveau  6  hautbois. 

A  partir  de  ce  momeni,  sauf  dans  les  œuvres  de 
J.-S.  lÎACH  qui  écrit  encore  trois  parties  distinctes  de 
hautbois,  ou  deux  parties  de  hautbois  et  deux  de  cor 
anglais,  deux  de  hautbois  d'amour  et  deux  de  cor 
anglais,  ou  encore  une  de  hautbois,  une  de  hautbois 
d'amour  el  une  de  cor  anglais,  le  haulhois  n'a  plus 
que  son  dessus  employé  dans  l'orchestre. 

LuLLY  el  Rameau  font  encore  doubler  (et  même  tri- 
pler) les  parties  de  hautbois  dans  les  f\  mais  ces 
instruments  sont  bien  vite  traités  plus  discrètement, 
et  bientôt  on  ne  trouve  plus  que  deux  hautbois  dans 
les  orchestres  (un  par  partie). 

Les  grands  classiques  ont  eu  fréqueniraenl  recours 
au  hautbois. 

C'est  à  sa  sonorité  si  franche,  si  captivante,  que  le 
hautbois  doit  d'être  employé  avec  tant  de  succès,  que 
ce  soit  comme  élément  pastoral,  agreste,  pittoresque, 
ou  pour  exprimer  la  douce  joie,  la  naïveté,  la  can- 
deur. 

D'autres  voient  surtout  en  lui  le  côté  douloureux, 
l'interprète  immédiat  du  sentiment  ou  le  côté  fémi- 
nin'^. 

Avec  son  timbre  incisif,  le  hautbois  ne  passe  jamais 
inaperçu  dans  l'orchestre,  et  quand  une  fois  l'oreille 
l'a  entendu,  sa  sonorité  mordante  se  détache  toujours 
de  la  masse-'. 

Nous  avons  dit  avec  quels  iiisliuments  les  haul- 
boistes  de  1630  jouaient  lorsqu'ils  avaient  reçu  les 
éloges  de  l'abbé  de  Pures,  et  il  faut  avouer  qu'ils 
avaient  un  très  grand  mérite,  d'autant  plus  que  les 
compositeurs  faisaient  volontiers  doubler  les  parties 
de  premiers  violons  par  les  premiers  hautbois  et 
celles  des  seconds  violons  par  les  seconds  hautbois. 
11  est  vrai  que  Rameau  note  dans  sa  partition  des 
Ta.'ents  Lyriques  où  il  fait  évoluer  les  premiers  vio- 
lons et  hautbois  jusqu'au  mi^  : 

I  ' 

((  On  peut  n'exécuter  que  les  a  et  les  ti  si    l'on 

veut,  »  mais  généralement  les  parties  ne  comportent 

aucune  simplification. 

Et  les  sonates  et  concertos  de  H.endelI  (Nous 
nous  sommes  demandé  bien  souvent  comment  les 
hautl)0ïsles  du  temps  de  H.e.n'del,  dont  le  hautbois 
était  l'instrument  favori,  ont  pu  exécuter  ces  mor- 
ceaux.) 

Les  successeurs  des  Philidor,  Hotteterre,  Descos- 
TKAUX  surent  imiter  l'exemple  de  leurs  aines,  et,  au 
xviii'  siècle,  le  son  avait  déjà  pris  ce  timbre  péné- 
trant et  un  peu  douloureux  qui  séduisit  J.-S.  Bach, 
H.E.N'DEL,  Gluck  et  tous  les  grands  classiques.  Les 
etforts  des  hautboïstes  tendaient  surtout  alors  vers 
la  musique  de  chambre. 

1.  Dans  fsis  et  Annid''  les  hautbois  et  trompettes  éLaipnL  tantôt  au 
nombre  de  (j,  tantôt  de  8  et  quelquefois  do  12. 

■1.  Kien  que  dans  l'œuvre  de  Belthuvkx  el  Gi.r-.K,  tous  ces  diiVéreiits 
états  d'ûinc  sont  exprimés  par  le  hautbois.  Agreste,  pittoresque, 
oyeux  dans  la  Si/mphonie  Pastorale  {selici'zol.  dans  celui  de  la  9" 
{Si/mphouie  aorc  clurursf  et  dans  l'allégro  de  la  7"  Ayinplioitie,  il  est 
tondre,  touctiaiit  dans  l'andante  île  la  Sf/mpltotiii'  eti  ut  mineur  lors- 
qu'il préfiarc  Ut  rentrée  du  thème,  et  devient  désolé,  pathétique  dans 
la  Symphonie  Héroïque  ou  dans  l'air  de  Floi-estan  de  Fidelio  (début 
du  3"  ,aele!.  Chez  Ch.uck,  il  est  plaintif,  triste,  douloureux  dans  Iphi- 
i]''nic  en  Aididi'  ou  en  7'auyide,  Alceste,  Armide,  etc. 

3.  Aussi,  l'exccutanl  doit-il  s'attacher  à  atténuer  le  son  le  |)lus  pos- 
sible, lorsqu'il  n'a  pas  àjoner  une  partie  prédominante  on  seulement 
imporiinte. 


Avec  ce  genre  de  musique,  et  aussi  avec  la  façon 
d'orchestrer  à  la  fin  du  xviii=  siècle,  particulièrement 
avec  les  symphonies  d'HAVD.>(  et  Mozart,  le  son  s'af- 
tine  de  plus  en  plus.  (Peut-être  certains  artistes  tom- 
bent-ils dans  l'exagération'  !)  Au  début  du  xix=  siècle, 
nous  sommes  bien  loin  de  l'instrument  ayant  le  son 
«  le  plus  fort  et  le  plus  violent,  si  l'on  en  excepte  la 
trompette  ». 

Haydn,  .Mozart,  Beethoven  emploient  presque  exclu- 
sivement 2  hautbois,  mais  l'orchestration  ne  tarde 
pas  à  évoluer  de  nouveau,  et  les  compositeurs  revien- 
nent graduellement  aux  familles  d'instruments. 

Depuis  environ  cinquante  ans,  l'orchestre  comprend 
presque  toujours  2  hautbois  et  1  cor  anglais.  R.  Wa- 
gner a  adopté  pour  Lohengrin,  la  Tétraloyie  et  Parsifal 
3  hautljois  et  1  cor  anglais.  H.  .Strauss  écrit  même 
dans  .S'a/omi' 2  hautbois,  1  cor  anglais  et  i  hecUelphone 
(hautbois  baryton  descendant  au  do,  si\j  ou  la). 


m 


9-* 


A  l'orchestre,  les  grands  classiques  font,  en  général, 
monter  le  hautboisjusqu'au  ré,  mais,  cependant,  Bee- 
thoven n'hésite  pas  à  lui  faire  atteindre  le  fa  : 


^^^-fim 


{Fidelio  :  air  de  Florestan.) 

Plus  tard,  R.  Wagner  arrive  nusot  (mais  seulement 
dans  le  ff''). 

Maintenant,  il  n'est  pas  rare  de  renconti'er  le  /a S 
aigu  dans  les  parties  de  hautbois  d'orchestre. 

Dans  les  œuvres  écrites  spécialement  pour  le  haut- 
bois, Mozart  n'a  pas  hésité,  lui  non  plus,  à  le  faire 
monter  au/'a;  le  sol  se  rencontre  dans  le  Concerto  de 
Kaliwoda,  Concertino  de  GuiLUAt_'D,  Pastorale  et  Danser 
de  M.  G.  RopARTz,  où  l'auteur  le  fail  arriver  par  une 
gamme  rapide  : 


et  dans  une  pièce  de  M.  G.  .Alahv.  M.  Golouer  monte 
au  /■(!.#  aigu,  dans  sa  fantaisie  avec  ovc/ieslrc  |iar  : 


Le  répertoire  classique  du  hautbois  n'est,  hélas! 
pas  très  varié.  En  voici  les  principales  œuvres  :  Coii- 
cevlos  et  Sonates  de  H.endel;  Concerto  de  Mozart'''; 
3  Romances  de  R,  Sciiumann;  Trio  pour  2  hautbois  et 


i.  Lorsque  l'on  apprit  la  mort  de  Bnun  à  Chkrluini,  celui-ci  répon- 
dit simplement  ;  «  Brup,  petit  son  1  »  El  pourtant,  Brod  é!ait  un  artiste 
de  tout  premier  ordre! 

5.  Or  du  H/iin  el  Si>  ijfrii'd. 

6.  Le  premier  mouvement  a  été  retrouvé,  paraît-il,  il  y  a  quelques 
années.  Ce  concerto  ne  se  Itouve  pas  meD'ionnê  sur  le  catalogue 
général  des  œuvres  île  Mozart. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  l'EDAGOGIE 


HAUTBOIS    ir.41 


COI'  annlais  de  Beethoven;  Sonates  ii  trois  de  H.endel'  ; 
Quatuor  de  Mozart  pour  liaulbois,  violon,  alto  et  vio- 
loncelle; Quintettes  pour  piano,  hautbois,  clarinette, 
COI-  et  basson  de  Mozart  et  Meethoven. 

Mais  nous  conseillons  beaucoup  aux  hautboïstes 
l'élude  approfondie  des  sonates  de  J -S.  Bach  et 
Ht-ndkl  pour  violon  et  piano  ou  flfite  et  piano,  qui 
sont  presque  toutes  dans  le  registre  du  hautbois.  Kt 
nièmi'  certaines  sonates  pour  piano  et  violon  de 
Haydn,  Mozart  ou  Beethoven,  et  les  concertos  de 
Mozart  pour  violon  ou  QiUe  (notamment  celui  pour 
tlilte  en  ré).  Pour  les  concertos  de  violon,  on  transpo- 
sera d'oclave  les  notes  trop  hautes  ou  trop  basses. 

PRINCIPAUX   VIRTUOSES   DU    HAUTBOIS 

Parmi  b;s  hautboïstes  qui  ont  été  les  plus  remar- 
quables, nous  connaissons  déjà  les  Philidor-,  Descos- 
tealx,  Hotteterre.  En  Allemagne,  triomphait  Barth 
(Christian-Samuel),  né  à  Glauchau  en  173a.  Il  fut  un 
virtuose  remarquable  et  compositeur  (élevé  de  J.-S. 
Bach).  Il  fit  partie  des  chapelles  de  Hudolstadt,  Wei- 
mar,  Hanovre,  Cassel  et  Copenhague,  où  il  mourut 
en  1809. 

LEiiRUN(Ludwig-August),néà  Mannheimenl746,  fut 
lui  aussi  un  virtuose  célèbre  en  son  lemps.  Bien  que 
faisant  partie  de  l'orchestre  de  la  cour  à  Munich,  il 
lit  de  nombreuses  tournées  eu  .Allemagne  et  à  l'élran- 
ger.  Il  esl  mort  à  Berlin  en  1790.  11  laisse  des  con- 
certos pour  hautbois,  des  trios  pour  hautbois,  violon, 
violoncelle,  etc. 

Fischer,  né  à  Fribourg-en-Bris^au  en  1733,  mourut 
à  Londres  le  29  avril  1800,  pendant  l'exécution  d'un 
solo  de  hautbois,  des  suites  d'une  attaque  d'apo- 
plexie. 

Il  devait  être  élève  de  son  père,  près  de  qui  se  ren- 
dit à  Londres  Sallantin,  de  1790  à  1792,  pour  se  perfec- 
lioiiner. 

Sallantix  naquit  à  Paris  eu  17o4;  attaché  à  l'or- 
chestre de  n  ipéra,  de  1773  à  1813,  il  fut  nomméjpro- 
fesseur  au  Conservatoire  en  1793. 

Vient  ensuite  toute  la  lignée  des  professeurs,  suc- 
cesseurs de  Sallantin  : 

VoGT='  (Auguste-Gustave),  né  à  Slrasliouig  le  18  mars 
1781.  —  i"  prix  an  VII.  —  I"  hautbois  de  la  musique 
particulière  et  de  la  chapelle  impériale,  du  19  thermi- 
dor à  1814-,  et  pendant  les  Cent-jours.  Musicien  de 
1'=  classe  (germinal  au  Xljaux  grenadiers  à  pied  de  la 
garde  impériale;  à  Milan,  pour  le  couronnement, 
mis  eu  congé  le  1"  septembre  1808;  l"'  hautbois 
de  la  chapelle  du  roi,  28  décembre  1814;  réformé 
pour  opinions  bonapartistes  et  pour  avoir,  comme 
garde  national,  combattu  contre  l'armée  étrangère 
lors  des  deux  invasions;  réintégré  le  1"  janvier  1819 
jusqu'en  1830.  Musicien  de  1'=  classe  à  la  musique 
de  l'état-major  des  gardes  du  corps,  du  l"^''  août  au 
l'^'  septembre  1822;  l'"'  hautbois  de  la  musique  par- 
ticulière de  Louis-Philippe,  du  l"  mai  1839  à  1848. 
A  fait  partie  des  orchestres  de  rOpéia-Comi(|ue  dès 
1803;  de  l'Opéra,  de  juillet  1812  au  31  mars  1834; 

1.  Bien  que  ces  «  sonates  »  soient  (écrites  pour  a  2  hautbois  »  et 
M  basse  chitl'ree  u,  on  les  joue  souvent  à  deui  hautbois  et  basson. 
Nous  pensons  que  celle  façon  de  faire  ne  trahit  [las  la  pensée  de  l'au- 
teur, les  harmonies  étant  dans  ce  cas  complètes  .'i  trois  parties.  H.t.NOEi. 
a  écrit  un  trio  de  deux  hautbois  et  cor  anglais  pour  accompagner  le 
contralto  dans  Afhalie  12»  acte). 

2.  Anne-Danican  Philidor  ,  hautboïste  réU'bre ,  fut  directeur  du 
Concert  Spirituel  de  l'-lb  à  1740. 

3.  RiEMANN  signale  également  Pfeiffer,  <•  hautbois  de  génie,  un  des 
premiers  professeurs  de  Beethoven  ».  .Sans  autre  indication! 


hautbois  solo  de  la  Société  des  Concerts  en  1828. 
Professseur  au  Conservatoire  adjoint  dès  1802;  titu- 
laire de  1816  à  1833.  Vogt  est  mort  le  30  mai  1870. 

Verroust  (Stanislas!,  né  à  Hazebrouck  (Nord),  le 
10  mai  1814.  1"  prix  1834.  Fait  partie  de  l'orchestre 
de  l'Opéra  en  1839  (13  mai).  Chef  de  musique  de  la 
2^  légion  de  la  garde  nationale  en  181-8,  l"'  hautbois 
à  la  chapelle  impériale  en  1853.  Professeur  au  Gym- 
nase musical  militaire.  St.  VERROusTestnomméprofes- 
seur  au  Conservatoire  en  1853,  position  qu'il  garda  jus- 
qu'en 1863.  Il  est  mort  à  Hazebrouck,  le  11  avril  1863. 

Trierert  (Charles-Louis)  est  né  à  Paris  le  3  octobre 
1810;  1"  prix  en  1829,  il  fait  partie  des  orchestres  de 
l'Opéra-Comique  en  1830,  de  l'Opéra,  du  1"  avril 
1834  au  31  août  1839  et  du  1"  janvier  1849  au  31  mai 
18:iO,puis  passeau  Théâtre-Italien  en  1850.  Fait  partie 
de  la  Société  des  Concerts  le  23  novembre  1853.  Pro- 
fesseur au  Conservatoire,  de  1863  à  1867,  Charles  Trie- 
rert est  mort  à  Gravelle  (Seine)  le  18  juillet  1867. 

Berthélemy,  né  à  Saint-Omer  (Pas-de-Calais)  le 
4  novembre  1829;  l"  prix  en  1849,  fait  partie  de  l'or- 
chestre de  l'Opéra  (de  183.5  à  1868)  et  de  la  Société 
des  Concerts.  Professeur  au  Conservatoire  en  1867, 
Berthélemy  est  mort  à  Paris  le  13  février  1868. 

Colin  (Charles),  né  à  Cherbourg  le  2  juin  1832; 
1"  prix  de  hautbois  en  1852,  d'orgue  en  185't,  d'har- 
monie et  accompagnement  en  1S;)3,  2'=  grand  prix 
de  Home  en  1837,  Colin  fut  nommé  professeur  au 
Conservatoire  eu  1868  et  y  resta  jusqu'en  1881 .  Il  esl 
mort  le  26  juillet  1881. 

Avant  de  parler  du  professeur  actuel,  M.  Georges 
(iiLLET,  nous  allons  encore  donnerla  biographie  d'une 
famille  d'artistes  dont  plusieurs  membres  obtinrent 
sur  le  hautbois  une  telle  haljilelé  «qu'ils  passèrent 
pour  l'avoir  inventé'  ». 

Les  Bësozzi  se  sont  fait  connaître  comme  virtuoses 
sur  le  «hautbois»,  le  basson,  la  tliUe.à  Turin,  Parme, 
Dresde  et  Paris.  Burney' écrit  en  1770  qu'il  a  entendu 
un  concerto  de  hautbois  exécuté  par  Besozzi,  neveu 
du  célèbre  basson  et  hautbois  de  Turin.  L'un  des  des- 
cendants des  Besozzi,  Louis-Désiré,  est  né  à  Versailles 
le  3  avril  1814.  Grand  prix  de  Rome,  il  est  moi  t  à 
Paris,  après  une  longue  carrière  vouée  à.  l'enseigne- 
ment, le  H  novembre  1879. 

Mentionnons  également  Sellner,  dont  nous  avons 
parlé  déjà  à  propos  des  hautbois  à  10  clés;  Sellner, 
né  à  Landau  le  13  mars  1887,  mourut  à  Vienne  le 
17  mai  1843,  après  avoir  été  professeur  de  hautbois 
et  directeur  des  Concerts  d'élèves  au  Conservatoire. 

N'oublions  pas  Brod  (Henry),  né  à  Paris  le  13  mars 
1799, qui  obtint  son  1"  prix  au  Conservatoire  en  1818 
et  lit  partie  de  l'orchestre  de  l'Opéra  de  1819  à  1839; 
un  des  fondateurs  de  la  Société  des  Concerts,  où  il 
se  nt  1res  fréquemment  applaudir  comme  virtuose'''. 
Facteur  de  hautbois,  Brod  mouiul  le  6  avril  1839.  au 
moment  oi'i  ses  etlorts  allaient  être  couronnés  de 
succès 

N'oublions  pas  davantage  GriDÉ  (Guillaume),  pro- 
fesseur de  (hautbois,  depuis  1885,  au  Conservatoire 
de  Bruxelles.  Giidf.  fut  un  hautboïste  remarquable 
doublé  d'un  excellent  musicien.  11  est  mort  pendant 
la  guerre,  après  avoir  été  un  des  directeurs  du  théâtre 
de  la  Monnaie  de  Bruxelles. 

Citons  enfin  M.  Gillet  (Georges),  le  professeur 
actuel  du  Conservatoire  de  Paris. 


4.   H.  Lavoix. 

.i.  Célèbre  auteur  anglais  d'une  Histoire  de  la  mtivf'çue.  {Eewart.) 
fi.  Il  atreclionnait  1.'  genre  musette  tr,''S   pittoresijue  et  avait  une 
netteté  d'exécution  irréprochable.  (Er.uART  ) 


15/42 


E'A'Cycl.OI'ÈlllE  DE  f,A  MUSt{)UE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


•.M.  Geor.ges  (;,illet  est  né  ,à  Louviers  (Eure),  le 
17  mai  I8.')4.  11  obtint  son  i"  prix  au  Conservatoire 
en  18&9  (il  avait  par  conséquent  quinze  ans!),  et  fil 
successivementparlie,  en  qualité  de  hautbois  solo,  du 
ThéàtreJtalien  (salie  Ventadour)  de  1872  à  1874;  de 
|.'0pérar.C<3niiquf  ,de  1878  à  1895;  de  l'Opéra  de  1895 
à  1904. 

Fondateur  des  Conceits  Colonne,  il  y  reslade  1872 
à  1876,  pour  entrer  à  la  Société  des  Concerts,  toujours 
comme  hautbois  solo,  de  1876  à  1899. 

M.  G.GiLLET  est  aussi  un  des  fondateurs  de;la-Société 
des  <i  Instruments  à  vent  ».  Il  a  été  nommé  professeur 
au  Conservatoire  en  1881. 

On  peut  dire,  sans  crainfce,  que  M.  G.  Gillet  est  le 
plus  e.^traordinaire  virtuose  hautboïste  qui  ait  existé. 
Sa  qualité  de  son.était  délicieuse,  d'une  finesse,  d'une 
limpidité  qui  n'excluaient  cependant  pas  la  fon-e. 
Avec  cela,  un  mécanisme  parfait  et  une  facilité  d'ar- 
ticulation prodigieuse  (nous  prenons  à  témoin  ceux 
qui  l'ont  adiiiiré  soil  à  la  Société  des  Concerts,  aux 
concerls  Colonne,  d'Harcourt,  ou  aux  belles  séances 
de  la  Société  des  o  Instruments  à  vent  »). 

M.  G.  GiLLET  a  non  seulement  rendu  au  haullKiis 
cette  sonorilé  jolie  et  puissante  qui  est  actuellement 
la  caractéristique  du  son  du  hautbois  français,  mais 
il  a  donné  un  essor  formidable  à  cet  instrument  en 
ressuscitant,  pour  ainsi  dire,  les. gmnds  maîtres  clas- 
siques. 

Il  n'hésitait  pas,  en  effet,  adonner  l'exemple  en 
exécutant  de  façon  supérieure  les  sonates  et  concer- 
tos de  WMmth  et  même  des  fragments  de  Sonates  pour 
flûte  ou  violon  et  piano  de  J.-S.  I^ach,  le  Quatuor  de 
MozABT,  le  Trio  de  Beethoven,  etc. 

Il  est  arrivé  ainsi  à  donner  .à  la  France  celte 
pléiade  de  hautboïstes  qui  font  l'admiration  des  chets 
d'orchestre  étrangers  invités  à  venir,  à  Paris,  diriger 
les  grands  orchestres. 


MUSETTE 

I,a  musette  aenre  Jinutbois,ia.ppeiée  aussi  musrt/c  hre- 
toune,  est,  en  quelque  sorte,  an  petit  hautbois.  Klle  en 
a  la  forme  et  se  compose  d'un  corps  et  d'une  anche 
à  double  languette. 

idle  est  généralement  en  so/,  eta  6  trous  latéraux 
sur  le  devant  et  un  7'^«ur  la  face  antérieure.  Son 
doigté  est  le  même  que  celui  du  hautbois  de  modèle 
l'orrespondant'. 

Son  usage  a  été,  pensons-nous,  très  restreint,  et  elle 
a  été  employée  surtout  pour  les  danses  rustiques  et 
partieidièrennent  dans  certaines  contrées. 

Le  Mitiisée  idii  Conservatoire  possède  une  musetie 
rusliij&e<en  msage  dans  .le  ^Gers.  Elle  n'a  pas  de  cli:  et 
ses  trous  sont  percés  nu  ter  rouge,  u  On  la  fabi-ique 
dans  la  forêt  de  Jupille-.  « 

M.  Raoul  'rniEBERT  dit  que  son  père  a  inventé  nn 
hantbois  /x(s<i!)nii/  pojii'  remplacer  la  musette  ordi- 
naire. Cet  linstrumenl  a  toujours  le  son  plus  ample. 
Est-ce  l'instrument  dont  parie  St.  Virroust? 

En  cré:int  le  li.iulbûis  pastoral,  nous  nous  sommes  proposé 
J'uliliser  les  h.inll)Oïste.s  ûr  n\2inients(]iii,pn'si|uetoujours,n'exé- 
cutent  dans  les  niarchps  qu'une  pnrtio  iusi'ïnifiante. 

l.e.otorme  produit  pai'  leèauthois  eBoit,  employé  avaeidisser- 


I.  Nous  avons  joué  une  musette  ,1e  Cuvu.libr  qui  présente  t^eUo 
particularité,  d'être  ubsolumont  juste  lorsqu'elle  esl  jouée  aver  une 
anc-liede  hautboisondM>aiirc'.ElJ(N(w)ssèilcj(fuatre  clés. qui  ont. ét6  ajou- 
tées ..iprps  roup.  J'.llr;  tvil.  '.'Il    ■(»/  et  m«6UT('iÛ.3.S. 

"1.  CnouQr'KT,  Cafa/uifue  fhi  .Uutc''  ,du  Conaervaloire  de  mv.'iiqiie- 


nomeut  dans  les  morceaux  di'  repus,  disparait  presq.ue  entière- 
ment aumilieudelairuyante  harmonie  d'un  pas  redoublé;  c'est 
alors  que  peut  très  brillamment  intervenir  le  timbre  puissant  de 
nrtlre  hautbois  en  la\,^. 

Le  catalogue  de  F.  Tuikbert  mentionne  :  hautbois 
pastoral  en  sol  et  la  |>  à  4  et  10  clés. 

Le  Musée  du  Conservatoire  possède  aussi  une  basse 
de  musette.  Cet  instrument  est  à  perce  très  large  etâ 
un  son  considérable.  L'anche  double  se  pose  ici  sur 
un  bocal  en  cuivre  de  forme  conique;  il  est  replié  sur 
lui-même  en  forme  de  cercle. 


HAUTBOIS  D'AMOUR 

Le  hautbois  d'amour  est  un  instrument  qui  se  place 
entre  le  hautbois  ordinaire  et  le  cor  an-  ,i 

glais;  il  est  en  la.  A 

■11  se  ■compose  :  t"  d'un  tuyau  en  bois  de  W: 

peree  conique  qui  se   divise  en  trois  par-         |lj| 
ties  :  les  deux  corps  et  le  pavillon,  lequel,  il  i 

au  lieu  d'aller  en  s'évasant  comme  celui  du 
hautbois,  prend  la  forme  d'une  ijomme  ; 
2°  d'un  bocal;  3»  d'une  anche  double. 

Le  hautbois  daniour  doit  avoir  le  son 
plus  voilé,  moins  mordant  que  celui  du 
hautbois  ordinaire.  11  faut  s'attacher  à  ne 
pas  lui  laisser  prendre  non  plus  le  son 
du  cor  anglais,  celui  du  hautbois  d'amour 
devant  être  plus  elieminé. 

Cet  instrument  ne  semble  pas  avoir  été 
usité  en  France,  car  on  n'en  trouve  aucune 
tîrace  dans  les  compositions  musicales. 

Le  Mercure  Musical  de  1749  annonce  : 
«  BizEY,  inventeur  de  plusieurs  instruments 
à  vent,  avertit  qifil  travaille  toujours  avec 
succès  et  perfectionne  plus  que  jamais. 


et  M.  Constant  Pierre  di't  que  ce  fabricant  a  Ha'iùbifs' 
laissé  lin  hautbois  d'amour  qui  a  figuré  à  d'amour. 
l'esposition  de  Londres  en  1890'. 

'Faut-il  attribuer  à  Rizey  l'invention  du  hautbois 
d'amour  en  France? 

•Si  le  hautbois  d'amour  n'était  pas  connu  en 
France,  par  contre,  en  .Allemagne,  on  l'utilisait  très 
fréquemment.  Celui  qui  s'en  est  le  plus  servi  et  lui 
a  consacré  les  plus  belles  pages  est  sans  contredit 
J.^S.  Bach.  Il  lui  a  confié  «  les  plus  pathétiques  canti- 
lènes  »,  écrit  .M.  Widor. 

Kn  effet,  quoi  de  plus  délicieux  que  l'air  de  la  .1/esse 
en  Si  mineur,  et  nous  conseillons  de  beaucoup  tra- 
vailler sur  cet  instrument  ces  pages  admirables,  que 
ce  soit  dans  la  Messe,  le  Défi  de  Phirbus  et  de  l'an,  le 
Magnificat,  etc.  J.-S.  11\ch  l'emploie  également  à  àet 
.S'parlies  distinctes  ;  il  emploie  encore  2  hautbois  d'a- 
mour et  '2  cors  anglais  dans  VOralorie  de  Noël,  etc. 

Les  compositeurs  modernes  semblent  vouloir  de 
nouveau  faire  appel  à  son  timbre  :  M.  Gédalge  l'em- 
ploie dans  sa  dernière  symphonie;  M.  Le  Boucher 
dans  une  suite  d'orchestre  au  Bois  sacré;  M.  R. 
Stbauss  dans  sa  Symphonie  domestii/itc. 


COR   ANGLAIS 

Le  cor  anglais  est  un  grand  hautbois  d'amour.  Par 
conséquent,  il  se  compose  également  d'un  tube  en 
bois,  de  perce  conique,  d'un  bocal   et  d'une  anche 


3.  S.  VBitftousT,  Méthode  de  hautbois. 

4.  Constant  Pjebuf.  Les  Facteurs  d'Instruments  de  musique 


TECHiXIOUE,  ESTHETIQCE  ET  PEDAGOGIE 


HAUTBOIS    1543 


double.  Son  pavillon  a  la  même  l'orme  que  celui  du 
hautbois  d'amour. 

Il  es(  à   la  quinte  du  hautbois,  c'est-à-dire  en  f'n. 
Etant  au   hautbois  ce  que   l'alto  esl  au  violon,  il 
serait  plus  lopiqiie  de  le  nommer  hnnlboiti-alto'. 

'Il  devrait  ce  nom  de  cor  an^ihiis  à  la  forme  en 
demi-cercle  que  lui  donna,  pour  en  f'arilHer  le  munie- 
ment  {'.},  un  Itautboiste  de  Bei'f^ame,  Jean  Peiilendès, 
établi  à  Strasboiiri,'  vers  1760.  Avec  cette  forme  en 
demi-cercle,  l'instrument  ressemblait  à  ceriaiu  cor 
de  chasse  usité  en  Angleterie  vers  la  même  époque. 
Si  cette  l'orme  semblait  à  certains  faciliter  le 
maniement  de  l'instrument  (ce  qui  n'est  pas  notre 
avis,  car  nous  trouvons  au  contraire  celte  disposi- 
tion très  incommode  pour  en  Jouer),  par  contre,  elle 
lui  donnaitde  bien  grands  inconvénients:  parexemple, 
l'impossibililé  devant  laquelle  on  se  trouvait  de  pas- 
ser une  perce  à  l'intérieur.  Or,  comme  le  cor  anfilais 
de  forme  aiquée  était  fait  d'une  succession  de  petits 
arceaux  ou  anneaux  en  bois  ajoutés  les  uns  aux 
autres,  cela  donnait  dans  la  perce  des  aspérités,  des 
inégalités  qui  en  rendaient  le  son  beaucoup  moins 
intense.  Pour  cacher  tous  ces  anneaux,  et  aussi  pour 
donner  à  l'instrument  un  peu  de  solidité,  on  recou- 
vrait ces  instruments  de  cuir. 

TniEBERT    avait    imaginé    de    découper    dans   une 

planche  de  buis,  d'une  épaisseur  sulfisante,  un  mor- 
ceau de  bois  de  la  forme  du  cor  anglais  arqué  qu'il 

mettait  dans  de  l'eau  bouillante.  Ensuite,  il  le  faisait 

paï.ser  sous  une  presse  jusqu'à  ce  que  le  morceau  de 
bois  fût  devenu  droit;  puis  on  le   «  tournait»,  c'esl- 

à-dire  qu'on  lui  donnait  sa  forme  extérieure,  et  on  le 

perçait  vivement  intérieurement  ;  enfin,  on  le  laissait 

reprendre  sa  forme  naturelle. 

Cela  avait  au  moins  l'avantage  d'avoir  une  perce 

bien  lisse,  bien  égale,  mais  cela  ji 'enlevait  nullement 

l'inconvénient  du  passage  de  l'eau  sur  les  trous  de 

la  partie  tenue  par  la  main  droite-. 

On  fit  encore  des  cors  anglais  arqués  jusque  vers 

1870. 

En  183:-),  dans  sa  métliode,  Bhod  écrit  qu'il  a  trouvé 

un    modèle    «    plus  avantageux   »,   et   qui   n'a  que 

«  4  pouces  I  2  »  de  plus  que  le  hautbois,  au  lieu  de 

«  10  »  comme  les  anciens  : 

J'ai  obvié  à  ceUe  différcnco  [r.n-  l,i  lorme  du  hocal  :  et  il  ajoute  ; 
ce  tiaulljois-allù  remplace  parfaileuienl  le  cor  anglais  et  doit, 
comme  on  le  concevra  sans  peine,  avoir  une  grande  préférence 
sur  lui.  tant  par  sa  justesse  et  la  perfection  que  l'on  peut  apporter 
dans  sa  perce,  que  par  sa  forme  plus  présentable. 

Le  cor  anglais  descend  de  la  haute-contre  onhanl- 
bois  de  chasse,  oboé  di  caccia,  selon  J.-S.  Bach. 

Sous  ce  dernier  nom  (olwr  di  c(iccià\,  il  fut  beau- 
coup emplo\é  par  J.-S.  Bach  dans  ses  cantates,  snit 
en  instrument  soliste  accompagnant  la  voix,  soit 
mélangé  aux  hautbois,  hautbois  d'amour. 

Dans  la  musique  de  théâtre,  c'est  (jLL'cr  qui  l'em- 
ploya le  premier  dans  Alcexte  (l'édition  italienne 
publiée  en  1760  mentionne  :  corno  englese\. 

Bien  qu'il  fCit  joué  pour  la  première  lois  à  l'Opéra 
par  VoGT,  eu  1808,  dans  Ale.ijcindre  chez  Apelle  de 
C.\TEL,  il  devait  être  connu  eu  France,  tout  au  moins 
de  nom,  dès  1779. 


Iji  l'f'proiUiisanl.  écrit  Constant  Pierre,  d'^ipros  la  Giiielle  îles 
Deii.r-l'oiils,  linéiques  notes  sur  un  instrument  nouveau,  appelé 
liulle  d'amour,  joué  à  Vienne  par  des  iJoliémiens,  \'.Avaiil-e(iurtur 
de  1779  nous  apirend  qu'il  partici|)ait  duhaulljois  de  chasse  ordi- 
naire, du  vnr  iiufjlais  et  du  hautbois  '. 

Le  cor  anglais,  dit  Berlioz,  est  une  voix  mélancolique-,  rêveuse, 
assez  noble,  dunt  la  sonorité  a  quelque  chose  .l'effacé,  de  Imiilain, 
qui  la  rend  supérieure  à  loule  autre,  quand  il  s'agit  d'émouvoir 
en  faisant  renaître  les  images  et  les  sentiments  du  passé,  quartd 
le  compositeur  veut  faire  vibrer  la 
cordeisecrètedes:  tendres  souvenirs.  B  « 

Son  registre  grave  est  au- 
jourd'hui bien  plein,  bien  puis- 
sant, celui  du  médium  corres- 
pond très  exactement  aux 
belles  notes  d'une  vraie  voix  de 
contralto,  mais  son  aigu  esl  un 
peu  grêle,  un  peu  soulfreteiix. 
Nous  ne  rappellerons  pas 
tous  les  ouvrages  dans  lesquels 
les  compositeurs  ont  fait  appel 
au  cor  anglais.  Disons  seule- 
ment que,  dans  ses  cantates, 
J.-S.  Bach  l'écrivait  en  clé  A'iU 
3"  ligne;  les  compositeurs  ita- 
liens qui  précèdent  Vkrdi  le  no- 
taient en  clé  de  fa  4=  ligne  ;  les 
Français  anti'rieurs  à  Halkvy 
en  clé  d"î(/  seconde.  A  présent, 
on  se  sert  de  la  clé  de  sot. 

Paimi  les  plus  belles  pages 
confiées  au  cor  anglais,  nous 
mentionnerons  le  solo  de  .l/'//i- 
fred  de  15.  Schumann,  ceux  que 
Berlioz  lui  a  confiés,  soit  dans 
l'ouverture  du  Carnaval  no- 
main,  celle  de   Rob-Roy,  dans 

la  llnmnation  de  Faust,  la  Si/m-     __., 

phonie  h'an/astiijue,  C.  Franck   rapproché. 

dans  l'd^i/aiphonie rnré  mineur, 

li.  W'vcnkh  dans  Tannhnaser,  et  surtout  dais  Tristan 

et  hotde. 

Depuis  que  le  cor  aniilais  a  |iiis  sa  forme  \ 
définitive,  il  a  suivi  tous  les  perfectionne-  ]a 
ments  du  hautbois  jusqu'en  1890 ou  1900.  A  M 
cette  époque,  M.  Lorée  a  trouvé  le  moyeu  lu 
de  disposer  les  clés  de  telle  façon  que  les 
doigts  n'ont  plus  besoin  d'un  écartement  plus 
grand  que  pour  le  hautbois  ordinaire.  Il  le 
nomme  système  à  doi(jt('  rapproché.  Depuis,  il 
y  a  adapté  le  mécanisme  du  hautbois  à  pla- 
teaux. 

Le  mécanisme  reste  le  même  pour  ces  deux 
instruments  que  pour  le  liautbois  «  s\stéiue 
Conservatoire  ». 


HAUTBOIS-BARYTON 

Le  hautl'Ois-harijton  se  compose,  lui  aussi, 
d'un  tube  se  divisant  en  deux  giands  corps 
et  d'un  pavillon  »  en  forme  de  pomme  ■>; 
d'un  bocal  et  d'une  anche  double.  Bizev  en  a 
laissé  un  qui  avait  deux  clés  en  cuivre. 


Kio.  Ui9.         FiG.  650. 
Système        Mécanisme 
:i  doigté         du  hautnois 
à  plateaux. 


1.  Nous  devons  faire  remarquer  que  R.  Wag.vrh.  dans  Parsi/n/,  a 
noté  la  partie  de  cor  anglais  obor-alto.  —  Une  notice  des  éditeurs  dos 
pirtitions  tUr  Sirf/frifd  et  Tristan  et  Isofde  dit  bien  que  R.  WA<;i\En. 
trouvant  le  limltri-  du  cor  anglais  trop  faible  pour  l'orchestre,  a  fati 
construire  un  instrument  spécial  qu'il  nomme  oboi'-altu,  et  qu'il  d<^si- 
rait  que  les  parties  de  cor  anglais  de  ses  ouvrages  fussent  jouées  a\ef 
cet  instrumeut.  Nous  avouons  n'avoir  jamais  eu  confîrraatioe  de  celti- 
allégation. 


2.  Le  musée  du  Couservatoire  de  P,rii\elles  pos'i'ilc  un 
cor  anglais  (marque  Cuvti.i.iEn  à  Saint-IJmer)  dont  tes  deux 
corps  s'emboîtent  dans  un  barillet  coudé,  de  sorte  qu'ils 
forment  entre  eux  ■■  pour  faciliter  te  uianiemerd  de  l'inslru- 
ment  »  tni  angle  d'environ  l  iU°.  —  (^ctte  disposition  n''-n- 
Irvait  pas  l'inconvénient  de  l'aire  rouler  l'eau  dans  les  trous 
du  corps  inférieur  Fio.6d1. 

3.  Constant  PiKiuiE. 


15'i4 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Brod  en  donne  un  modèle  dans  sa  méthode  de 
hautbois. 

F.  Triebert  mentionne  sur  son  catalogue  •  "  Bary- 
ton... genre  hautbois  n"  4,  plus  le  si  ^  et  1'»;  corres- 
pondance au  pouce.  » 

M.  LoRÉE  lui  a  adapté  le  mécanisme  du  hautbois 
moderne,  le  rendant  ainsi  propre  à  figurer  dans  les 
orchestres  modernes. 

Le  hautbois-baryton  descend  de  l'ancienne  taille 
de  hautbois;  il  est  à  l'octave  grave  du  hautbois.  Il  a 
une  très  belle  qualité  de  son  que  Brod  comparait  à 
la  voix  de  ténor,  ou  à  celle  dont  il  poi  te  le  nom. 

c<  Ce  sera  une  admirable  basse  le  jour  où  l'on  vou- 
dra grouper  tous  les  instruments  de  même  famille, 
et  constituer  un  foyer  de  sonorité  intense,  presque 
agressive,  au  centre  de  l'orchestre,  tout  à  côté  des 
cors'.  » 


Jusqu'à  présent,  son  emploi  a  élé  fort  lestreint. 
M.  R.  Strauss  a  fait  appel  à  cette  famille  dans  Sa- 
Inmr  :  2  hautbois,  1  cor  anglais  et  1  hautbois-baryton 
qu'il  rempLice  par  Vhcckciplione. 

Ce  nouvel  instrument  est  un  hautbois-baryton  avec 
une  perce  plus  large,  ce  qui  lui  donne  un  son  plus 
l'oit,  mais  qui  tranche  un  peu  trop  dans  l'orchestre. 

Il  est  en  ut,  et  M.  Heckel  en  fait  qui  descendent  au 
do,  si  h  et  même  la  grave.  Ils  donnent  : 


"£1 


-pfi^ 


1.  WiDun,  Traité  d'instrumentation. 

M.  BLELZET. 


LA  CLARINETTE 

Par  M.  MIMART 

ANCIRX    PROFBSSEUR    AU    CONSERVATOIRE 


ORIGINE   ET  ÉVOLUTION   DE   L'INSTRUMENT 

La  chirinelle  est  oiiginaire  de  l'Allemagne;  c'est 
à  Jean-Christophe  Dennicr  (Leipzig,  16o5;  iNûremliei';:, 
1707)  qn'en  est  due  l'iiivenlion. 

Les  écrivains  qui  se  sont  occupés  de  l'histoire  de 
cet  instr'ument  s'accoideiit  pour  en  faire  remonter 
l'apparition  aux  environs  de  1700.  Lavoix,  dans  son 
ouvra^çe  L'Instrumentât  ion,  donne  la  dale  de  1080 
pour  les  premieis essais  de  Dknner  dans  la  consti'iic- 
tion  de  son  nouvel  inlrument,  et  1701  pour  l'appari- 
tion de  la  première  clarinelle. 

Hugo  RiEMAN.N  dit  : 

«  Denn'er  (J.-C),  llls  d'un  faltricant  de  cors,  qui,  de 
Leipzig,  vint  s'établir  à  Nuremberg,  devint  très  habile 
dans  l'art  de  la  fabrication  des  instruments  à  vent 
en  bois;  ses  essais  d'amélioration  de  l'ancien  chalu- 
meau français  l'amenèrent  a  inventer,  vers  1700,  la 
clarinelle,  qui  devint  rapidement  un  des  principaux 
instrumenis  de  l'orchestre.  »  (H.  Hieman.n,  Diction- 
naire de  Mi(Siique.) 

L'ancien  chalumeau  d'orchestre  dérivait  de  son 
congénère  champêtre  que  se  fabriquent  encore  ac- 
tuellement les  paysans  habitant  les  légions  où  pousse 
le  roseau. 

Les  Italiens  prétendent  que  les  anciens  chalumeau.x 
français  élaient  un  perfectionnement  de  la  Ciara- 
metla,  rustique  instrument  de  musique,  encore  en 
usage  dans  quelques  contrées  de  l'Ilalie. 

La  Ciaramella  esl  faite  d'un  tube  de  roseau,  fermé 
à  l'un  de  ses  orilices,  percé  de  sept  trous  et  fendu 
obliquement  sur  un  de  ses  côtés,  près  de  l'extré- 
mité bouchée.  La  languette  de  roseau  ainsi  oljtenue, 
et  sulOsamment  aniuicie,  constitue  l'anche.  Kn 
embouchant  ce  tuyau  de  manière  que  leurs  lèvies 
recouvrent  entièrement  l'encoche,  les  joueurs  de 
cet  instrument,  dont  le  souftle  en  passant  par  cette 
ouverture  met  l'anche  eu  vibration,  obtiennent  des 
sons  grossiers,  il  est  vrai,  mais  qui  ne  sont  pas  sans 
analogie  avec  ceux  de  la  clarinette. 

11  est  possible  que  le  chalumeau  ait  été  le  résultat 
de  perfectionnements  apportés  à  la  ciaramella;  mais, 
que  cela  soit  ou  non,  il  est  évident  que  ce  rudime;i- 
taire  instrument  contient  les  éléments  constitutifs 
de  l'ancien  chalumeau  el,  par  conséquent,  de  la  cla- 
rinette, l'anche  battanle  associée  à  un  tuyau  cylin- 
drique. Cette  association  remonte  très  loin,  ainsi 
qu'on  peut  en  juger  par  VAryhuul,  très  ancien  cha- 


lumeau égyptien  dont  le  Musée  du  Conservatoire  de 
Paris  possède  un  spécimen. 

De  ce  que  les  essais  de  transformation  du  chalu- 
meau ont  eu  lieu  en  Allemagne,  il  ne  faut  pas  con- 
fondre le  Schalmeij  allemand  avec  le  chalumeau.  Le 
schalniey  était  une  sorte  de  hautbois  qui,  malgré  son 
anche  doulde,  était  souvent,  au  cours  du  xvii"  siècle, 
en  iM-ance,  désigné  parle  mnlrhalumeau. 

Le  véritable  chalumeau  français  se  composait  :  du 
corps  de  l'instrument,  —  un  tube  cylindrique  géné- 
ralement en  bois  de  buis,  —  d'une  anche  battanle 
(anche  simple  naturellement)  faite  d'une  languette  de 
roseau  montée  sur  une  sorte  de  bec  placé  à  l'inté- 
rieur d'une  boîte  terminant  l'instrument.  Cette  boite 
s'accompagnait  elle-même  d'un  tube  servant  à  l'em- 
boucher; le  souffle  arrivait  donc  sur  l'anche  comme 
dans  certains  jeu.x  d'orgue;  cet  instrument  n'avait 
pas  de  pavillon;  il  se  terminait  comme  le  flageolet. 
Son  échelle  des  sons,  très  réduite,  se  composait  uni- 
quement delà  série  des  sons  fondamentau.x  obtenus 
parl'ouverture  successivedes  huit  trous  latéraux  dont 
il  était  percé  : 


♦ 


^V^^^ 


:*=^ 


Les  chalumeau. 'c  élaieil  encore  instruments  d'or- 
chestre pendant  la  seconde  moitié  du  xvin"  siècle.  Us 
formaient  une  famille  complète.  Le  soprano  ou  dis- 
cant,  l'alto  ou  quarte  ou  haute-contre,  le  ténor  ou 
taille  et  la  basse  ou  basse  taille.  C'est  dans  ces  diffé- 
rents instruments  qu'il  faut  voir  l'origine  des  clari- 
nettes soprano,  des  clarinettes  d'amour,  des  clari- 
nettes alto,  des  cors  de  basset  et  des  clarinettes  basses. 

La  façon  tlont  l'anche  de  ces  chalumeaux  était  mise 
en  vibration  ne  permettait  qu'accidentellement  la 
production  des  harmoniques;  ce  sont  les  recherches 
faites  dans  le  but  de  les  obtenir  régulièrement  qui 
ont  conduit  Dkn.nek  à  faire  du  chalumeau,  son  nouvel 
instrument,  la  clarinette.  Ue  bonne  heure,  en  Alle- 
magne, on  s'ingénia  <i  perfectionner  le  chalumeau 
français.  Ceux  que  fabriquait  Ue.nner  étaient  percés 
de  huit  trous.  Le  premier  (petit  doigt  de  la  main 
droite)  était  double,  c'est-à-dire  formé  de  deux  trous 
assez  petits  et  réunis. 

Ils  étaient  déjà  munis  de  deux  clés,  l'une  actionnée 
par  le  pouce  gauche,  la  seconde  par  l'index  gauche; 
les  trous  que  recouvraient  ces  clés  étaient  percés  en 


1546 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIliE 


face  l'un  de  l'autre  el  de  même  diamètre.  L'instru- 
ment, tout  l)ouclié,  donnait  le  fa  grave  :    *_/'    ^ — | 


el,  tout  ouvert,  le  srti  : 


^^''-'-^^ 


était  obtenu  en  tenant  fermée  la  clé  du  pouce  et 
ouverte  la  clé  de  l'index,  le  reste  de  l'instrument 
ouvert.  La  clé  du  ponce  servait  à  faire  monter  à  la 
douzième  les  sons  fondamentaux. 

L'étendue  de  cet  instrument  était  de  deux  octaves 
et  une  quinte  à  partir  du  /'a  grave.  La  longueur  était 
de  0",50;  il  n'avait  pas  de  pavillon. 

Sur  ces  chalumeaux,  Denner  avait  déjà  supprimé 
la  boîte  enfeimant  le  bec,  et  créé  le  modo  actuel 
d'embouchure  et  de  fixation  de  l'anche  sur  le  bec, 
ce  qui,  du  reste,  était  de  toute  nécessité  pour  aider 
à  la  production  des  sons  harmoniques  élevés. 

En  définitive,  l'invention  proprement  dile  de  la 
clarinette  se  réduit  à  |5eu  de  cJhose. 

Denneu  reporta  plus  liaiil,  vers  l'emlioucliure,  le 
trou  de  la  olé  du  pouce  paucbe,  et  dut,  par  consé- 
quent, en  diminuer  le  diamètre;  et,  pour  éviter  que 
la  salive  n'envahit  un  espace  aussi  réduit,  il  le  garnit 
intérieurement  d'un  petit  tube  en  cuivre  dépassant  à 
l'intérieur  de  la  perce.  Le  nouvel  emplacemenl  de  ce 
trou  eut  pour  effet  de  faciliter  énormément  l'émission 
des  douzièmes. 


11  évasa  l'exlrémilé  de  l'instrument  et  lui  donna  la 
forme  d'un  pavillon  de  trompette.  La  clarinette  était 
faite;  le  premier  instrument  de  ce  genre  parut  en  1701. 

Dès  l'origine,  la  série  des  notes  fondamentales  de 
la  claiinetle  porta  le  nom  de  regisire  du  chalumeau, 
en  souvenir  de  l'instrument  qui  lui  avait  doimé 
naissance;  il  garde  encore  cette  dénomination.  Les 
notes  composant  ce  registre  avaient  un  son  mat. 

La  série  des  douzièmes  prit  le  nom  de  registre  de 
clarine,  parce  que  ces  sons  étaient  éclatants,  criards 
même,  el  ressemblaient  assez  à  ceux  des  trompettes. 
On  l'appelle  aujourd'hui  registre  de  clairon.  La  na- 
ture particulière  de  cessons,  ainsi  que  la  forme  du 
pavillon,  firent  donner  au  nouvel  instrument  le  nom 
de  clarinette  ou  petite  Irompette. 

On  sait  que  les  trompettes  sonnant  dans  le  registre 
aigu  portaient,  à  celte  époque,  le  nom  de  clarine. 

Cette  inégalité  dans  la  sonorité  des  deux  registres 
de  la  clarinette  a  subsisté  Jusqu'à  l'apparition  de  la 
clarinette  à  Ireize  clés. 

Frédéric  Béer,  qui  fut  professeur  au  Conservatoire 
en  18.32,  l'apprécie  en  ces  termes  :  «  Avant  l'usage  des 
clés  adoptées  auiourd'luii,  les  différents  registres  de 
la  clarinette  ne  pouvaient  se  marier  entre  eux  d'une 
façon  agréable.  Les  sons  du  chalumeau  étaient  très 
sourds;  par  contre,  ceux  du  clairon  sortaient  toujours 
éclatants;  ils  n'étaient  surpassés  en  intensité  que  par 
les  sons  suraigus.  »  (F.  \^RV.^,  MHhode  de  clarinette.) 

Nous  donnons  ici  l'étendue  de  la  clarinette  à  deux 
clés;  les  notes  surmontées  d'un  zéro  ne  s'obtenaient 
que  par  des  doigtés  dits  fourchus  : 


0    o 


.^by^jr*»*  •«« 


-i^WL 


P^ 


^ 


^^♦^g-tf' 


,°^d.l^^-r- 


Sur  cet  instrument,  on  comprendra  facilement 
l'absence  du  si'f  (troisième  ligne);  cette  note  n'existe 
que  comme  harmonique  Iroisième  du  vni  grave;  oi' 
les  premières  clarinettes  ne  descendant  qu'au  fa 
grave,  la  production  du  >■(::  était  donc  impossible. 

Intonations  vicieuses  résultant  du  percement  des 
trous  d'après  l'éeartement  naturel  des  doigts,  notes 
sourdes  ou  trop  éclatantes,  manque  absolu  d'homo- 
généité dans  la  succession  des  sons  de  ses  dilférents 
registres,  tous  ces  inconvénients  expliquent  if  peu 
de  sympathie  que  la  clarinette  oblinl  tout  d'^ibord. 
Elle  resta  assez  longtemps  dans  cet  étal  précaire;  ce 
n'est  que  vers  le  milieu  du  xviii'  siècle  que  l'on  com- 
mença à  l'améliorer.  Le  fils  de  Denner  allongea  la 
clarinette  et  la  munit  de  la  iroisième  clé  permettant 
de  donner  le  mi  grave;  celte  clé  se  prenail  avec  le 
pouce  droit.  D'aucuns  prétendent  que  ce  perlection- 
nement  doit  être  attribué  à  Fritz  B.\rtiiold,  facteur 
d'instruments  à  Brunswick  (mort  en  I76()).  Il  est 
probable  que  Bartiiold  a  tout  simplement  changé  la 
place  de  la  clé  de -mi  grave  en  la  mettant  sous  l'action 
du  petit  doigt  gauche.  Cette  amélioration  fut  capitale. 
Si  la  clarinette  demeure  encore  très  défectueuse 
sous  le  rapport  de  la  justesse  et  de  la  sonorité,  du 
moins  la  succession  de  ses  sons  s'opère-t-élle  sans 
solution  de  continuité.  Le  nouvel  instrument  va 
prendre  son  essor,  il  attirera  de  plus  en  plus  certains 
artistes  qui  chercheront  à  le  perfectionner,  et  c'est 
ainsi  que,  de  progrès   eu   progrés,   il   deviendra  ce 


qu'il  est  actuellement,  un  des  plus  riches  et  un  des 
meilleurs  organes  de  l'orchestre. 

Peu  après  Barthold,  Joseph  Bker  i  1744-18111,  fon- 
dateur de  la  prrmière  école  allemande  île  clarinette, 
augmente  de  deux  le  nombre  des  clés  el  obtient  le 


/■((  tf  el   le  so/ it  grave:;    -*/•  ft  *•*—  'i  ainsi  que 


leur  douzième 


Si,  par  l'usage  de 


ces  deux  nouvelles  clés,  s'enrichit  l'échelle  chroma- 
tique de  la  clarinette,  nombreuses  sont  encore  les 
notes  ne  s'obleiiaiil  que  par  des  doigtés  particuliers  à 
chaque  instrunientisle.  Les  fabricants  d'instruments, 
à  celte  époipie,  ne  possédaient  pas  celte  réj^ularité 
dans  la  production  que  l'on  constate  actnellemenl 
chez  les  bons  facteurs;  les  instruments  ne  sortaient 
pas  rigoureusement  semblables  des  mains  de  l'ou- 
vrier, et  telle  note  qui  sur  une  clarinette  se  faisait 
à  l'aide  d'un  certain  doigté,  sur  un  autre  instrument 
en  exigeait  un  dilférent. 

Née  en  Allemagne,  la  clarinette,  en' tant  qu'inslru- 
ment  d'orchestre,  parait  avoir  été  utilisée  pour  la 
première  fois  en  Belgi(|ue. 

liEVAERT   {Traité  d'orchcxlraliim)   cile   la  partition 


TECIINKJVE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOdlE 


LA  CLARINETTE    1547 


d'une  messe  composée  en  1720,  dans  laquelle  l'auteur, 
Jean-AJain-Joseph  Faher,  maître  de  chapelle  de  la 
cathédrale  d'Anveis,  utilise  le  nouvel  instrument. 

C'est  le  prenw«r 
exemple  de  l'emploi 
d''  la  clarinette.  KUe 
lie  fît  son  apparition 
en  France  que  lou;,'- 
temps  après;  Rameau 
s'en  sert  dains  -son 
opéra  Acanthe  «<  Ce- 
phise  (l'bll.  Dans  un 
de  ses  ouvrages,  Cé- 
line |17o6),  le  cheva- 
lier d'HBHBAiN  em- 
ploie une  clarinette 
en  ré;  Francœur,  dans 
Aurore  et  Ccphale 
(1766^,  fait  usage  des 
clarinettes  en  sib-  F" 
1770,  Gaspard  et  Sab- 
ler introduisirent  la 
clarinette  dans  l'or- 
chestre de  l'Opéra  (G. 
Gholql'kt,  Histoire  de 
in  musique  dramatique 
en  Frarice). 

Ce  n'est  qu'en  Fran- 
ce que  Gluck  connu! 
la  clarinette,  puisqu'il 
ne  l'utilisa  que  dans 
les  ouvrages  qu'il  écri- 
vit et  fit  exécuter  à 
Paris.  On  peut  en  cher- 
cher un  témoignage 
dans  ce  fait  que,  dans 
la  partition  de  VAI- 
ceste  donnée  à' Vienne 
en  n.ï7 ,  on  ti-ouve 
encore  les  antiques 
chalumeaux. 

Mozart,  également, 
employa  pour  la  pre- 
mière fois  la  clari- 
nette dans  la  sym- 
exécuter  à  Paris  en 


FiG.  652. 

Clarinette 

à  trois  clefs. 


FiG.  6.53. 

Clarinette 

à  5  étés.  Beek. 


fit 


phonie   qu'il   composa   et 
1778. 

A.  ses  débuts  en  France,  la  clarinette  ne  fut  qu'ex- 
ceptionnellement utilisée  à  l'Opéra;  elle  n'y  eut  sa 
place  obligée  qu'au  commencement  du  .\ix"  siècle, 
époque  à  laquelle,  aussi  bien  en  France  (]u'en  Alle- 
magne, elle  devint  un  des  éléments  indisfiensables 
de  l'orchestre  symphonique. 

Dans  les  musiques  mililaires,  au  contraire,  les 
clarinettes  furent  introduites  à  la  lin  ilu  rèsne  de 
Louis  XV,  et  y  occupèrent  le  premier  rang  sous  celui 
de  son  successeur,  menaçant  de  se  substituer  aux 
hautbois.  Cette  substitution  n'était  point  due  uni- 
quement à  la  beauté  de  leur  timbre,  à  leur  étendue 
et  à  la  facilité  relative  potrr  l'époque  des  effets  que 
l'on  pouvait  en  obtenir;  il  faut  en  chercher  la  cause 
dans  l'insuffisance  des  hautbois  qui,  seuls  avec  les 
tambours,  exécutaient  les  marches  guerrières  et  les 
signaux  militaires.  Quant  aux  hautbois  de  l'époque, 
la  perce  en  étail  large  et  la  construction  très  rudi- 
meutaire;  aussi,  leurs  sons  étaient  rudes,  mais  ils 
parvenaient  à  dominer  les  tambours;  plus  tard,  ils 
furent  perfectionnés,  et  si  leur  timbre  acquit  de 
la   finesse,   en  revanche,  ils  parurent   insuffisants 


pour  le  rôle  auquel  ils  avaient  été  destinés;  or  les 
clai'inettes  arrivaient  à  point  pour  les  remplacer. 

Xavier  Lkfebvre,  en  t7'.»l,  ajouta  la  sixième  clé, 
petit  doigt  de  la  main  gauche,  pour  obtenir  avec  jus- 
tesse le  don  du  chalumeau  et  le  .so/Jf  du  clairon. 
C'est  ik  Ivan  Mullkr  (1780-1834)  qu'est  due  (1812) 
l'invention  de  la  clarinette  à  treize  clés.  Cet  habile 
artiste  en  confia  la  construction  à  Gentelet,  fabricant 
d'instruments  à  vent  à  Paris.  Si  cet  instrument  laisse 
encore  tant  soit  peu  à  désirer  sous  le  rapport  de  la 
justesse,  son  apparition  marqua  néanmoins  un  pro- 
grès considérable  dans  l'évolution  de  la  clarinette; 
il  répondait  dans  une  très  large  mesure  aux  besoins 
de  l'époque,  il  réalisait  sur  ses  devanciers  des  pro- 
grès tellement  évidents  que  son  succès  fut  immense, 
et,  aujourd'hui  encore,  malgré  lesavantages  quepro- 
cuie  l'emploi  du  système  Iî.ehm',  la  clarinette  à  treize 
clés  est  usitée  dans  la  plupart  des  pays  d'Kurope  et 
d'Amérique. 

L'apparition  du  système  Muldbr  opéra  une  révolu- 
tion total-e  dans  l'étude  de  cet  instrumenl,  qui  fut 
recherché  et  cultivé  par  un  grand  nombre  d'artistes. 
Le  jeu  des  clarinettistes  s'améliora  considérable- 
ment, plusieurs  même  furent  de  brillants  virtuoses, 
au  premier  rang  desquels  il  faul  citer'  Karl  Iîaermann 
qui,  en  1818,  vint  se  faire  entendre  a  Paris,  et  Fré- 
déric liEEii,  professeui'  au  Conservatoire  de  Paris;  ce 
dernier,  par  son  brillant  talent,  par  l'élendue  de  ses 
connaissances  théoriques  et  par  la  valeur  de  ses  com- 
positions, a  vraiment  droit  au  litre  de  fondateur  de 
l'école  française  de  clarinette.  .Nombreux  ont  été  les 
essais  d'amélioration  de  la  clarinette  à  treize  clés, 
et  les  citer  tous  serait  impossible;  mentionnOTis  les 
principaux. 

SiMioT,  facteur  d'instruments  à  Lyon,  s'occupa 
beaucoup  de  la  clarinette.  Parmi  les  inconvénients 
inhérents  à  la  construction  de  cet  instrument,  l'é- 
coulement par  le  trou  du  pouce  du  produit  de  la 
condensation  de  la  vapeur  d'eau  contenue  dans  le 
souftle  de  l'exécutant,  est  un  des  plus  désagréables. 
L'ingénieux  facteur  tenta  d'y  remédier  en  imaginant 
pour  ce  trou  un  tuyau  en  métal  faisant  saillie  à 
l'intérieur  de  l'instiument.  En  1823,  il  exposa  une 
clarinette  sans  âme,  dite  à  mécanique;  en  1828,  il 
conslrnisil  un  modèle  de  clarinette  muni  de  diTi-neuf 
clés. 

On  sait  que  la  différence  de  doigté  entre  la 
clarinette  à  treize  clés  et  le  système  ISœum  a  été  le 
principal  obstacle  à  l'adoption  de  ce  dernier. 
Beaucoup  de  facteurs  se  sont  ingéniés  a  construire 
des  instruments  qui,  tout  en  conservant  le  doigté 
de  la  clarinette  à  treize  clés,  devaient  posséder  les 
avantages  procurés  par  le  système  des  anneaux 
mobiles. 

En  184.1,  F.  Lefervre  réalisa  la  construction  d'une 
claiinette  dans  laquelle  il  avait  supprimé  les  noies 
factices  de  la  clarinette  à  treize  clés  au  moyen  d'an- 
neaux mobiles,  tout  en  ne  changeant  rien  à  la  posi- 
tion de  la  main  gauche.  Plus  (ard,  ce  facteur,  en 
collaboration  avec  A.  Romeho,  professeur  à  Madrid, 
constiuisit  la  clarinette  Romeho,  d'un  mécanisme 
merveilleux...  mais  très  compliqué. 

En  18'to,  le  clarinettiste  Blaniol  lit  construire  un 
insirunient  qui,  sans  changer  les  doigtés  de  la  clari- 
nette à  treize  clés,  devait  procurer  les  mêmes  avan- 
tages que  le  système  Bœhm. 

En  18.Ï2,  Gysse.ns  fit  une  clarinette  dont  les  trous, 


1.  Voir  art.  Flûte. 


1548 


EMCYCLOPÈDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONSAIRE  DU  COySEP.VATOIRE 


les  clés  et  les  anneaux  élaienl  disposés  de  manière 
à  allier  la  justesse  et  les  lacililés  du  système  Bœhm 
au  doigté  de  la  clarinette  à  treize  clés. 

Actuellement,  à  part  la  véritable  clarinette  Muller, 
que  les  facteurs  construisent  en  lirande  quantité,  il 
existe  difTéreiits  types  d'instruments,  très  en  usage, 
sur  lesquels  sont  combinés  les  deux  systèmes  Hœhm 
et  Muller  : 

1°  La  clarinette  à  quatorze  clés  :  cette  quatorzième 
clé  {index  droit)  est  placée  sur  le  côté  de  l'instrument; 
elle  sert  à  triller  la  et  si  h; 

2°  l,a  clarinetle  à  treize  clés  et  deux  anneaux  sur 
le  corps  de  la  main  droite,  pour  supprimer  le  fa  par 
la  fourche; 

3"  La  clarinette  à  quinze  clés  et  deux  anneaux  (cet 
insirument  est  ordinairement  catalogué  sous  le  nom 
de  demi-BiKHM). 

Les  clarinettes  à  treize,  quatorze  et  quinze  clés, 
avec  ou  sans  anneaux  sur  le  corps  inféiieur,  sont 
en  usage  en  Angleterre,  en  Belgique,  en  Italie,  en  Ls- 
pagne,  aux  Etats-Unis  et  dans  les  différents  pays  de 
l'Amérique  du  Sud. 

Les  clarinettes  demi-BŒHM  sont  plus  parliculière- 
ment  employées  en  Allemagne,  en  Autriche,  en 
Suéde  et  en  Russie.  Il  n'est  pas  inutile  dédire  qu^, 
dans  tous  ces  pays,  l'usage  de  la  clarinette  système 
BcEHM  commence  à  se  répandre.  L'Italie  et  l'Espagne 
emploient  à  peu  près  également  les  deux  systèmes 

BœUM  et   MCLLER. 

Ln  France,  le  système  Bi>:hm  est  d'un  usage  presque 
exclusif. 

De  son  origine  à  l'invention  du  système  à  treize 
clés,  l'étendue  de  la  clarinette  était,  avons-nous  dit, 
d'un  chromatisme  très  relatif,  à  cause  de  la  quantité 
do  notes  rendues  bouchées  par  les  doigiés  factices 
qu'on  était  obligé  d'employer  pour  les  obtenir. 

L'impossibilité  presque  absolue  pour  l'exécutant 
de  jouer  dans  d'autres  tons  que  ceux  pour  lesquels 
les  clarinettes  étaient  établies  a  fait,  qu'au  milieu 
du  xviii'  siècle,  on  construisait  des  clarinettes  dans 
tous  les  tons,  l'iustard,  les  clarinettistes,  pour  éviter 
d'avoir  à  transporter  un  si  grand  nombre  d'ins- 
truments, munirent  leurs  clarinettes  de  pièces  de 
rechange  plus  ou  moins  longues.  (C'est  la  raison  de 
la  division  actuelle  de  l'instrument  en  plusieurs 
parties  ajustées  avec  des  tenons.)  Fn  fait,  les  clari- 
nettistes du  xvni"  siècle  étaient  dans  la  même  situa- 
tion que  les  cornistes  jouant  le  cor  simple;  ils  de- 
vaient donc,  comme  ces  derniers,  posséder  des  tons 
de  rechange. 

Tous  ces  insiruments  sont  tombés  en  désuétude; 
ils  ne  pouvaient,  avec  leurs  vices  de  construction, 
résister  au  système  à  treize  clés  qui  venait  précisé- 
ment faire  disparaître  la  plus  grande  pailie  de  ces 
défauts. 

Il  en  a  élé  de  même  pour  les  clarinettes  d'amour 
en  fa  et  en  .so/,  jouées  en  Allemagne  dans  la  seconde 
moitié  du  xvui''  siècle,  dont  le  pavillon  était  spliéri- 
que;  pour  le  cor  de  basset  en  fa,  utilisé  de  bonne 
heure  en  Allemagne,  on  commença  à  en  construire 
à  Passau   (Bavière)   vers  1750.  Il  descendait  jusqu'à 

\'ul  ;  *y  ^^  -|  à  l'aide  d'un  allongement  de  l'ins- 
trument; son  pavillon  était  souvent  recourbé  comme 
celui  de  la  clarinette  alto  en  mi  [-,  actuelle. 

Les  instruments  les  plus  généralement  employés 
aujourd'hui,   en   Kr.Tnce,   sont  :  dans  les  orchestres 


syniplioniques,  les  clarinettes  en  si'b  et  en  la.  la 
clarinette  alto  en  fa  et  les  clarinettes  basses  en  si  h  et 
en  la.  Les  musiques  militaires  emploient  les  petites 
clarinettes  en  util?  et  les  clarinettes  en  si  |i.  Jusque 
dans  ces  dernières  années,  on  avait  toujours  attribué 
les  premiers  essais  de  clarinette  basse  à  Grenseb,  de 
Uresde  (179:i). 

Les  lecherches  faites  à  ce  sujet  par  M.  Constant 
Pierre  nous  permettent  de  revendiquer  la  clarinette 
basse  pour  une  invention  française,  dont  le  mérite 
revient  à  G.  Lot,  facteur  d'instruments  à  vent  à  Paris, 
dans  la  seconde  moitié  du  xvni=  siècle.  Les  journaux 
de  l'époque  (mai  1772)  parlent  d'un  nouvel  instru- 
ment que  le  sieur  G.  Lot  vient  de  construire,  et  qu'il 
appelle  Basso  Tuba  ou  basse  de  clarinette.  Cet  ins- 
trument descend  aussi  bas  que  le  basson  et  monte 
aussi  haut  que  la  flûte;  il  est  d'une  forme  particu- 
Hère  et  contient  plusieurs  clés  pour  l'usage  des  semi- 
tons.  Les  sons  graves  imitent  de  fort  près  ceux  d'un 
oi'gue  dans  l'action  des  pédales  (C.  Pierre,  La  Fac- 
ture instr  liment  aie). 

Egalement  français  sont  les  premiers  essais  de 
clarinetle  contrebasse.  On  les  doit  à  Dumas  qui,  en 
181l)-M,  ayant  dé|à  fait  une  clarinette  basse  nom- 
mée basse  guerrière,  inventa  une  clarinette  contre- 
basse qu'il  appela  contrebasse  guerrière. 

En  I8.'t9,  WiEPBOCHT  imagina  une  clarinette  contre- 
basse en  ut,  (ju'il  appela  bali/phon;  elle  descendait 


au  un 


m 


o 

8?Bassa 


Sa  forme  générale  rappelait 


celle  du  basson;  ses  trous  étnient  tous  bouchés  par 
des  clés.  Dans  ces  dernières  années,  parurent,  en 
Erance,  la  clarinette  pédale  de  Fontaine-Bessou  et 
la  clarinette  contrebasse  Evette  et  Schaeffer. 

La  clarinetle  pédale  est  en  bois  avec  les  raccorde- 
ments en  métal;  celle  d'EvETTE  et  Schaeeter  est  toute 
en  métal,  à  l'exception  du  bec,  bien  entendu;  son 
mécanisme  est  le  système  à  treize  clés. 


JEU   DE    LA   CLARINETTE.  —   PRINCIPAUX  VIRTUOSES 

A  ses  débuts  en  France,  la  clarinette  ne  fut  pas 
jouée  comme  elle  l'était  en  Allemagne  où,  dès  son 
origine,  les  clarinettistes  placèrent  le  bec  dans  la 
bouche,  l'anche  en  dessous. 

Cette  façon  de  jouer  explique  la  supériorité  de  la 
première  école  allemande  de  clarinette,  qui  se  main- 
tint jusqu'à  la  rél'orine  de  l'embouchure  en  France, 
où  les  clarinettistes,  à  rencontre  de  leurs  collègues 
allemands,  jouaient  l'anche  en  dessus.  11  est  singu- 
lier que  les  nombreux  avantages  que  procurait 
aux  exécutants  la  façon  allemande  n'aient  point  été 
immédiatement  compris  en  France.  C'est  Frédéric 
Béer  qui  imposa  chez  nous  la  manière  de  jouer  de  la 
clarinette  l'anche  en  dessous. 

Les  principaux  virtuoses  français  ont  été  : 

Xavier  Lefekvre  (176.3-1820);  professeur  au  Con- 
servatoire de  Paris,  en  1795,  il  porta  à  six  le  nombre 
des  clés  de  la  clarinette. 

Frédéric  Buer  (1794-18.38),  successeur  de  Lefebvre 
au  Conservatoire  en  1832,  très  habile  clarinettiste,  qui 
composa  pour  son  instrument  de  nombreux  solos  et 
airs  variés. 

Franco  Dacosta  (1778-1866),  premier  prix  en  l'an  VI, 
fit  partiejde  la  musique  de  la  Garde  du  Directoire, 


TECt/yroUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAdUGIE 


LA  CLARINETTE     lôiti 


devint  plus  lard  clieT  de  la  musique  des  Gardes  du 
cor|)s  de  Cliarles  X,  lit  partie  de  l'orchestre  de  l'Opéra 
et  fut  un  des  fondateurs  de  la  Société  des  Concerts 
du  Conservatoire.  Il  a  laissé  plusieurs  fantaisies  et 
concertos  pour  son  instrument. 

Hyacinthe  Klosé  (1808-1880),  soliste  de  la  Société 
des  Conceris,  qui  songea  à  appliquera  la  clarinette  le 
système  des  anneaux  mobiles  inventés  par  Théobald 
Bœhm;  il  lit  adopter,  au  Conservatoire,  le  système  de 
clarinette  que,  sur  ses  données,  venait  de  construire 
L.-A.  Blffet.  Il  fut,  après  BEEn,  professeur  au  Con- 
servatoire; il  a  écrit,  lui  aussi,  pour  l'instrument,  de 
nombreux  solos  et  airs  variés,  véritables  morceaux 
de  classe  que  l'on  pourra  toujours  très  utilement 
travailler. 

Adolphe  Leroy, élève  de  Klosé,  lui  succéda  d'abord, 
eu  18o3,  connue  soliste  à  la  Société  des  Concerts,  puis, 
en  1869,  comme  professeur  au  Conservatoire,  fonction 
qu'il  n'exerça  que  sept  ans.  En  1876,  il  dut  aller  de- 
mander à  un  climat  plus  clément  (|ue  celui  de  Paris 
le  rétabKssement  d'une  santé  chancelante;  ce  fut  en 
vain,  irélas!  Il  mourut  en  1880.  Son  successeur  au 
Conservatoire  fut  encore  un  élève  de  Klosé,  Cyrille 
liosE  (1830-1903),  virtuose  dont  la  carrière  fut  aussi 
longue  que  lu-illanle. 

Les  clarinettistes  étr'angers  qui  se  sont  le  plus  dis- 
tingués, soit  comme  virtuoses,  soit  comme  profes- 
seurs ou  compositeurs,  sont  pour  l'Allemagne  : 

Joseph  Beei\  (1744-1814),  le  fondateur  de  la  pi'e- 
miere  école  allemande  de  clarinette. 

.loseph  BAErisiAN.N  (1781-1834;. 

Ileiniann  Bender,  auleur  d'une  excellente  méthode 
pour  la  clarinette  à  treize  clefs. 

F.  Vanderhagen  (1753-1822),  surtout  célèbre  par  ses 
deux  méthodes,  l'une  pour  la  clarinette  à  cinq  clés, 
l'autre  pour  la  clarinette  à  treize  clés. 

Les  clarinettistes  italiens  sont  nombreux.  .\ous 
citerons  les  principaux,  qui  furent  : 
,  C.-B.  (lAiiUARO  (178o-1828).  virtuose  parfait,  auteur 
d'un  grand  nombre  d'études  et  de  duos;  B.  Garclli 
(1797-18771;  .1.  Bimisom  (1813-1893);  l.uigi  Bassi  (1833- 
1871),  clarinettiste  très  distingué,  a  écrit  pour  l'ins- 
trument principalement  des  fantaisies  sur  des  airs 
d'opéras. 

LivERAN'i  (1805-1874),  virtuose  et  compositeur'  de 
grand  mérite,  fut  le  premier,  en  Italie,  à  l'econ- 
naitre  la  supérior-ité  du  système  Bœhm,  et  à  le  faire 
adopter  dans  son  école,  d'où  sortirent  les  meilleurs 
clarinettistes  de  l'Italie. 

Eruesto  Cavallin'i  (1807-1873)  fut  aussi  remarquable 
comme  virtuose  que  comme  compositeur.  Il  se  place, 
sans  contredit,  au  premier  rang  des  clarinettistes 
italiens  du  xix"  srècle. 

li.  SiMNA  (1823-1893). 


LE   SON    DE    LA   CLARINETTE 

Avant  de  passer  à  la  descriplion  de  la  clarinette 
système  Bij;hm,  rappelons  le  plus  brièvement  pos- 
sible quelques  éléments  d'acousti(|ue'.  Une  vibration 
simple  est  le  mouvement  d'aller'  ou  de  retour  d'une 
molécule  vibrante. 

Une  vibi-atioii  double  ou  complète  est  le  mouve- 
ment d'aller  et  de  retour  de  cette  même  molécule. 


1.  Voir  art.  Acoustique. 


Viol 


viol 


Les  vibrations  vont  progressivement  en  décroissant 
d'amplitude,  mais  chacune  d'elles  conserve  la  même 
durée. 

L'onde  simple  est  la  distance  parcourue  par  le  son 
pendant  une  vibration  simple;  l'onde  complète  est 
celle  parcourue  pendant  une  vibration  complète. 

Les  points  où  les  ondes  animées  de  vitesses  con- 
traires se  rencontr'ent  sont  appelés  nœuds  de  vibra- 
tion. La  vitesse  de  l'air  y  est  nulle,  mais  la  derrsité  y 
subit  de  continuelles  variations;  au  milieu  de  l'onde, 
le  mouvement  vibratoire  est  plus  grand,  mais  il  n'y 
a  pas  de  variations  de  densité;  cet  endroit  se  nomme 
ventre  de  vibration.  La  dislance  qui  sépar'e  deux 
nii'uds  de  vibration  est  la  même  que  celle  qui  sépare 
deux  ventres. 

Il  y  a  deux  espèces  de  tuyaux  :  ouverts  et  fermés 
ou  bouchés. 

Lor-squ'ils  sont  ouverts  ci  leurs  deux  exti-émités,  ils 
se   nomment    tuyaux   ouverts;    ils 
ont  alors  un  nœud  de  vibration  au 
centre  et  un  ventr-e  à  chaque  extré- 
mité. 

Quand  une  de  leurs  extrémités 
est  ouverte  et  l'autre  fermée,  ils 
sont  appelés  tuyaux  fermés  ou  bou- 
chés; ils  ont  alors  un  nœud  lic 
vibration  contre  la  paroi  de  l'ori- 
Oce  fermée  et  un  ventre  à  l'extré- 
mité ouverle. 

La  longireur  d'irn  tuyau  ouvert 
est  égale  à  celle  de  l'onde  simple. 

La  longueur  d'un  tuyau  fermé 
est  celle  d'une  demi-onde  simple. 

Un  tuyau  fermé,  donnant  le  réi 
de  290,2  vibrations  [mi  grave  de  la 
clarinette  en  sir>),  aurait  une  lon- 
gueur de  340  (vitesse  du  son)  divisée  par  290,2  vibra- 
tions, soit  1,17  représentant  l'oirde  simple.  La  demi- 
oirde  simple  en  loirgueurdu  tuyau  fermé  est  de  (1,585. 
0,."i85  est  donc  la  longueirr'  d'irn  tiryarr  fermé  renfor- 
çarrt  un  son  produit  par  290,2  vibrations;  en  tuyau 
ouvert,  cette  longueur  serait  de  1,17.  Ce  qui  peut  se 
vérifier  à  l'aide  de  l'expérience  suivarrte  : 

On  prend  un  tuyau  ouvert  ,'i  ses  deux  extrémités, 
est,  pr-ès  de  son  or'ilice  supérieur,  on  fait  vibrer  un 
diapasorr  normal;  si  ce  tuyau  n'est  pas  accordé  pour 
cette  note  ou  si,  du  moin':,  il  n'a  pas  la  longueur' 
voulue  pour-  renforcer  ce  son,  le  diapason  ne  réson- 
nera qu'avec  sa  faible  intensité  or-dinaire;  mais,  si 
l'on  donne  au  tuyau  une  longueur  de  39  centi- 
mètres, qui  est  celle  de  l'onde  produite  par  un  son 
de  870  vibrations,  et  si  l'on  approche  à  nouveau 
de  l'orifice  supérieur  de  ce  tuyau  le  diapason  en 
vibratiorr,  il  résoirnera  avec  une  intensité  remar- 
quable. 

Si  l'on  boirche  l'orilice  inférieur  de  ce  tuyau,  en 
approchant  le  diapason  de  l'ouverture  srrpérieure,  on 
ne  constatera  aucun  renforcement  du  son,  mais  que, 
dans  ce  tuyau,  on  verse  progressivement  de  l'eau,  on 
corrstatera  le  maximum  d'intenjité  de  résonance 
lorsque  l'eau  aura  atteint  la  moitié  de  la  hauteur  du 
tuyau.  (Mahillon.) 

Cette  expérience,  qui  donrre  exactement  l'idée  d'irir 
tuyau  ouvert  et  d'un  tuyau  fermé,  prouve  bien  que, 
pour  rerrforcer  un  certain  son,  un  tuyair  ouvert 
doit  avoir  une  longueur  doirble  de  celle  d'un  tuyau 
fermé. 

Les  tuyaux  fermés,  avons-nous  dit,  ont  toujours 
un  nœud  de  vibration  contre  la  paroi  de  l'extrémité 


FiG.  654. 
Tuyaux  ouverts. 


■i:>.-)0 


ESCYChOPÈDIE  DE  LA  MUSJQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSEliVATOlRE 


bouchée  et  un  venlre  à  rexlrémilé  ouverte;  avec  un 
seul  nœud  et  un  seul  ventre,  on  a  le  sob 
fondamental  ou  son  1. 

En  forçant  la  pression  de  l'air  dans  ce 
tuyau,  au  lieu  de  l'oclave  du  son  fonda- 
raeiilal  (comme  cela  se  produit  dans  les 
tuiyau.x  ouverts),  on  n'obtiendra  que  la  quinte 
s<upérieuie  du  son  fondameiilal,  parce  que 
la  nécessité  pour  les  tuyaux  fermés  d'avoir 
toujours  un  rtœud  au  fond  et  un  ventre  à 
l'extrémité  opposée  ne  permet  pas  d'autie 
subdivision  de  la  colonne  d'air  que  celle 
représentée  par  la  figure  656- 

Les  ondes  sont  devenues  trois  fois  plus 
petites,  les  vibrations  ont  triplé,  et  on  saute 
aui son'  trois,  représenté  par  la  douzième  du 
son  fondamental  (fig.  637)- 

1, a  clarinette  est  un  tuyau  cylindnique  dont 
la  colonne  d'air  est  mise  en  vibration  par 
une  anche  simple  en  roseau. 

Elle  se  comporte  acoustiquemeut  comme 
les  tuyaux  fermés,  parce  que  la  place  de 
l'anche  est  celle  du  maximum  des  vacialLons  de 
pression  et  du  minimum  de  vilesse  des  molécules 
d'air  dont  les  conséquences  sont  la  formation  d'un 
nœud  de  vibration  à  cette  extrémité  du  tuyau. 

Tout  ce  que  nous  avons  dit  à  |»roposi  des-Huyaux 
fermés  s'applique  donc  à  la  clarinel'te';  et  explique 
pourquoi  cet  instrument  est  quintoyant  et  ne  peut 
donner  que  les  harmoniques  impairs.  11  suffit  de 
praiiquer  une  petite  ouverture  au  tiers   supérieur 


lov 

Fis. 655 
.Son 
fonda- 
mental 


de  la  longueur  dui  tuyau  de  la  clarinetle  pour  que  le 
son  fondamental  saute  à  la  douzième.  L'ouverture 
pratiquée,  mettani  cette  partie 
du  tuyau  en  communication 
avec  l'air  extérieur,  occasionne, 
à  cet  endroit,  la  formation  d'un 
ventre,  et  on  a,  dès^  lors,  le  par- 
tage de  la  colonne  d'aii'  en  (rois 
parties  et  la]production  du  sou  .i 
ou  douiiènie  de  la  fondamen- 
tale. 

Nous  avons  vu  que  la  lon- 
gueur théorique  d'une  clari- 
nette en  S!  b  devrait  être-  de 
O'",o8o  en  sous-entendant  la 
perce  de  0°',015>  qui  est  géné- 
ralement admise  avec  quelques 
ditl'éi'ences  légères  variant  d'un       lolv  loiv 

fadeur  à  l'autre.  (On  appelle  Fig.  6ôg.  Fi«.  657. 
perce  les  proportions  intérieu- 
res du  tuyau  des  instruments  à  vent.)  La  clarinetle 
est  plus  longue  que  cela  :  elle  mesure,  bec  compris, 
environ  0™,71  ;  l'écart  entre  om,?!  et  Om,b8o  pro- 
vient de  ce  que  la  perce,  au  lieu  de  continuer  à  être 
cylindrique,  se  termine  par  un  évasement  (le  pavil- 
lon) ;  letuyau,en  s'élargissant  ainsi,  nécessite,  pourla 
production  de  la  note  la  plus-grave,  une  plus  grande 
longueur  que  ne  l'indique  la  théorie. 

Le  tuyau  de  laclarinelte  donne,  à  l'aide  de  certains 
doigtés,  18  sons  fondamentaux  sans  les  enharmo- 
niques : 


WWW^^^'^^"^^ 


Avec- les- mêmes?  doigtés,  mais  en  maintenant  ouveil  le  trou  de  résonance,  on  obtient  la   série  des 
douzièmies!  : 


.^,.u^l^'^i^'~K 


Les- quatre  dernières  s'obtiennent  plus  réi;ulipve- 
ment  et  avec  plus  de  justesse  par  des  doigtés  dilfé- 
rents  de  ceux  des  sons  fondamentaux: 

Le  trou  qiiintov-aiit,  nécessan-e  au  partage  de  la 
colonne  d'an-,  doit-Atre  très  petit.  Une  ouverture  trop 
grande  donnerait  lieu  à  la  production  d\in  nouveau 
son  fondamenlal.  Au;fia- i»t  à'mesure  que  l'on  gravit 
l'échelle  desi  sons  foivdamontaux pa^r^l'ouverl-uire  suc- 
cessive-des  trouis^latéraux,  les  tiers  de'  tuyau  devien- 
nent de  plus  en  plus  petits.  Chaque  son  Ibndamenlal 
devrait  donc  avoir  sou  ouverture  quintoyaiite  paiti- 
culièrfi,.ou,  si  l'on  préfère,  l'emplacement  de  cette 
ouverture  devrait  tlnVoriquemenl  varier  pour  cliaque 
son  fondamental.  On  comprendra  facilement:  qu'il 
seraiti  matéiiellenient  impossible  de-  conslruire  un 
mécanlsmede  olarinelte  d'un  ell'et  si  complexe.  On 
a  donc  été  obligé  de  placei-  cette  ouverluie  en  un 
point  moyen.  Son  diamètre  a  été  calculé  de  façon 
à  pouvoiri  serivin  à  donner  le  /n  S  qui  manque  pour 


clialumeau 


V  médium 


relier  le  dernier  son  fondamental  la  avec  la  pre- 
mière douzième  n  ;. 

Les  conséquences  de  l'emplacement  moyen  qu'oc- 
cupe ce  trou  se  font  sentir  dans  l'acoord  des  clari- 
nettes: fiénéi-ale-nient,  les-  sons  graves  sont  toujoui's 
légalement  éloignés  de  leiirsdouzièmes.Les  facteurs 
remédient,  dans-  lai  mes-nre  du  possible,  à  cet  iné- 
vilalde  inconvénient,  en  admettant  dans  l'accordide 
la-olaT-i  nette  un  terme  moyonentre  ces  rapports. 

Cette  particularité  qu'ollre  la  clarinette  de  ne  pou- 
voir donner  que  les  harmoniques  impairs  rend  son 
doigté  très  différent  de  ceux  de  la  tlùte  ou  du  haut- 
bois, qui  sont,  eux,  des  instrumeiits  octaviants;  il 
pourrait  sembler  que  cela  diit  lui  constituer  une 
infériorité;  loin  de  là.  elle  se  prêle,  avec  lapins 
grande  facilité, à  l'espression  de  tous  les  sentiments 
que  veut  bien  lui  confier  le  compositeur. 

Son  étendue  est  la  plus  grande  de  tous  les  instru- 
ments à  vent  : 


clairon 


A 


aigu 


w^ 


,4>  4*^1 


ia.Ht»?S* 


,.é»4«' 


««••-^ 


^^4wi>(^ 


^,.,,.^-IM-"-l- 


sur-  aiijt 


TECHNIQUE.  ESTUÉTKJIE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  CLARINETTE     ibM 


Elle  pmiL  même,  selon  l'habileté  du  virtuose,  aller 
au  delà  à  l'aigu.  Cette  étendue,  jointe  à  son  articu- 
lation rapide,  est  pour  Ijeaucoup  dans  cette  richesse 
d'expression.  Mais  la  diversité  des  limlires  de  ses 
dillérenls  ré;.'istres  constitue  la  véritable  supériorité 
de  la  clarinette. 

Le  chalumeau  de  la  clarinette  possède  une  sono- 
rité creuse,  mordante,  qui  devient  caverneuse  au  bas 
de  l'échelle.  Webeh  a  utilisé,  avec  un  rare  bonheur, 
l'expression  menaçante,  terrifiante  même,  dont  ces 
notes  sont  susceptibles. 

Le  clairon  possède  une  force,  un  éclat  et  une  cha^ 
leur  incomparables.  Selon  Briilioz  (Traité  d'orches- 
tration), la  clarinette  est  un  instrument  épiq.ue, 
comme  les  cors,  les  trompettes  ;  sa  voix  est  celle  de 
riiéroique  amour. 

Si  les  masses  d'instruments  de  cuivre  dans  les 
musi(iues  militaires  éveillent  l'idée  d'une  troupe 
guerrière,  couverte  d'armures  étincelantes,  la  voi.v 
des  clarinettes,  entendue  en  même  temps,  sem- 
Ide  représenter  les  amantes  que  le  bruit  des  armes 
exalte. 

Ce  caractère  fièrement  passionné  appartient  prin- 
cipalement à  la  clarinette  en  sifi,  quiest,  par  excel- 
lence, l'instrument  des  virtuoses.  Son  timbre  réalise, 
au  plus  haut  degré,  les  qualités  maîtresses  de  cette 
voix  instrumentale;  la  plupart  des  solos  lui  sont 
destinés. 

La  famille  des  clarinettes  est  nombreuse.  On  cons- 
truit de  ces  instruments  en  beaucoup  de  tonalités 
dilVérentes.  Les  principaux,  à  pari  la  clarinette  en 
^i  b,  sont  : 

1"  La  petite  clarinette  en  mi  >,  dont  la  sonorité  est 
aigre  et  crue;  cet:  instrument  est  principaleraeiil 


usité  dans  les  musiques  militaires,  où  il  collabore 
très  utilement  au  jeu  des  clarinettes  en  si^}.  Berlioz, 
W.4fi,Mîn  el.S.\iMi-SA,i-;NSiont  exceptionnellement  intro- 
duit la  petite  clarinette  en  mif  dans  l'orchestre  sym- 
phoniqu.e  ; 

~"  La  clarinette  en  ut,  qui  possède  un  timbre  tenant 
le  milieu  entre  celui  de  la  petite  clarinette  et  celui 
de  la  i-lariaette  en  si  p.  La  sonorité  de  la  clarinieUe 
en  «/,  trop  accentuée,  devient  très  facilement  vnl- 
iiaire; 

•'t"  La'  claiinette  en  la-  a  le  son  légèrement  voilé, 
ce  qui  lui  donne  ua  caractère  un  p&tt  sombre,  mais 
tendre  et  élé^iaque;. 

4"  Les  clarinettes  altos  en  fa  et  en  mi  ,i  ont  une 
sonorité  grave,  digne,  qui  n'exclut  pas  une  certaine 
bonhomie. 

Bien  que  la  clarinette  d'amour  et  le  cor  de  basset 
ne  soient. plus  usités  de  nos  jours,  nous  savons  que 
le  timi)re  du.. cor  de  hassal.o lirait  les  mêmes  carac- 
tères que  celui  de  la  clarinette  alto  en  /■a....\i£.^DELs- 
soHN,  dans  un  Concerlstucl;  pour  clarinette,  cor  de 
basset  et  piano,  a  tiré  un  parti  merveilleux  du. carac- 
tère de  cet.  instrument.  t)n  joue  cette  piecc:  avec  la 
clarinette  alto  en /■((,  las.  ((■(  yravesrfjueJ.'on  rencontre 
se. font  à. l'octave. supérieure.) 

La  clarinette  d'amour  possédait  un  timbre  dajis  le 
genre  de  celui  de  la  clarinette  alto;  mais  le  pavillon 
sphéjique  dont.elle  était  munie  rendai.t.oette  sonorité 
encore. plus  voilée,. plus  luwitéri'eiise-.. 

"Les  clarinettes  basses  en  si  f-.  et  en  la,  dans  lear 
meilleur  registre,  le  chalumeau,  ont  une  sonorité 
grave,  douce,  maisr-  trésr  puissaiilCi  La,  tonalité  des 
clarinettes  slexprime. par  l'eJïet.ré^l  que  produit, l'uj 
écrit.  piOiir.  ces  instruments  : 


Petite  cisrinette  en  mit  produit  l'effet  réel 


Clarinette      en      lit 


Clarinette      en       si  b  d° 


Clarinette      en     Ta' 


L'ut 


écrit  pijur  ; 


Clarinette  alto  en  fa  à° 


'  Clarinette  alto  enTniil»  d° 


Clarinette.  basse^n.SliP  d° 


Clarinette  ba&se  en  la.  d" 


^ 


^ 


^ 


,  Clarinetis££asseen&i.bi  dî 


^ 


1552 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


CLARINETTE   EN  SIb  SYSTÈME  BŒHM 

En  1839,  L.-A.  nuiFEr,  facteur  d'inslruments  àvenl 
établi  à  Paris,  exposa  des  flûles  et  petites  flûtes 
Bœhm  et  une  clarinette  construite  d'après  le  même 
système  d'anneaux  mobiles,  mais  que  Bœhm  n'avait 
pas  cherché  à  appliquer  à  la  ciariuette.  C'est  avec 
le  concours  du  célèbre  clarinettiste  Klosé  qu'Au- 
f^uste  Blfkkt  trouva  le  moyen  de  doter  la  clarinette 
des  perfectionnements  qui  ont  été  adoptés  par  tous 
les  fadeurs  français  et  que  l'on  commence  à  suivre  à 
l'étranger.  (C.  Pierre,  Lei  Facteurs  d'inslniments  île 
musique.] 

La  clarinette  se  divise  ordinairement  en  cinq  par- 
ties :  le  bec,  le  baril,  le  corps  supérieur  ou  corps  de  la 
main  gauche,  le  corps  inférieur  ou  main  droite  et 
le  pavillon. 

Nous  disons  se  divise  ordinaiiemeni,  parce  qu'on 
construit  des  clarinettes  sans  baril,  principalement 
pour  l'armée,  et  aussi  des  clarinettes  dont  les  deux 
corps  sont  réunis.  Ce  sont  celles  du  système  Evette  et 
Sdhakffer  descendant  au  mi  b  grave.  Elles  possèdent 
un  double  ell'el  de  la  clé  de  mi  [i  grave  et  un  méca- 
nisme spécial  qui  permet  de  triller  très  facilement 
et  avec  justesse  fa^  et  so/f.  C'est,  du  reste,  ce  méca- 
nisme qui  ne  permet  pas  la  division  de  l'instrument 
en  deux  corps. 

Autrefois,  on  employait  principalement  le  buis  pour 
la  fabrication  des  clarinettes;  cette  matière  est  pres- 
que complètement  abandonnée. 
'"'""'"^  On  se  seit  actuellement  de   la 

grenadille,  de  l'ébonite,  mais 
surtout  de  l'ébène. 

Le  mécanisme  et  les  garni- 
tures se  font  en  maillecliort  poli 
ou  argenté;  on  en  fait  aussi  en 
cuivre  et  en  argent. 

Les  becs  les  plus  générale- 
ment employés  sont  en  ébonite; 
on  en  fabrique,  néanmoins,  en 
ébène,  en  grenadille  et  en  cris- 
tal. Ce  qui  a  déterminé  les  fac- 
teurs à  employer  de  préférence 
l'ébonite  pour  la  construction 
des  becs,  c'est  l'insensibilité  de 
cette  matière  aux  variations 
atmosphériques. 

La  perce  de  la  claiinelte  est 
cylindrique,  du  moins  dans  la 
plus  grande  partie  de  sa  lon- 
gueur; à  ses  deux  extrémités, 
elle  est  conique.  Deux  cônes 
renversés  reliés  par  un  cylindre 
représentent  la  perce  d'une 
clarinette  (lig.  658). 

En  A,  à  l'extrémité  supé- 
rieure du  coips,  près  du  bec, 
le  diamètre  de  la  perce  est 
de  0™,(Ho3;  c'est  la  base  du 
cône  dont  le  sommet  B  n'a  que 
0™,0I  't9  de  largeur. 

De  B  à  C,  le  diamètre  O-^.OliO 
reste  constant;  c'est  la  paitie 
cylindrique  de  la  perce. 

De  C  à  D,  elle  redevient  coni- 


-B 


que,  mais,  cette  fois,  le  cône  est  beaucoup  plus 
prononcé.  En  D,  le  diamètre  de  la  perce  est  de 
0'°,0238.  Cet  évasement  est  continué  par  le  pavillon, 
dont  l'orifice  mesure  0",06  de  largeur. 

Ces  mesures,  bien  entendu,  ne  sont  pas  absolues; 
elles  représentent  des  moyennes  dont  les  facteurs 
ne  s'écartent  guère. 

Le  baril  est  une  pièce  qui  sert  à  allonger  le  tuyau 
de  la  clarinette.  Le  but  de  cet  allongement  est  de 
remettre  l'instrument  au  diapason,  lorsque  celui-ci 
s'est  élevé  sous  l'inllueiice  de  la  température  am- 
biante, et  aussi  sous  celle  du  souffle  de  l'exécutant. 
C'est  sur  les  deux  corps  de  l'instrument  que  sont 
percés  les  trous  latéraux  que  recouvrent  les  doigts 
et  les  clés. 

Le  pavillon  ne  sert  que  pourla  note  la  plus  grave, 
dont  il  renforce  la  sonorité.  Le  bec  muni  de  son  an- 
che est  l'appareil  producteur  du  son. 

Dans  le  bec  on  distingue  : 

La  lable  générale  ABC,  qui  se  divise  en  deux  pai- 
lles :  AB,  surface  plane  ou  table  proprement  dite, 
BC,  déclivité  formant  l'ouverture  du  bec.  D,  chambre; 
c'est  dans  cette  partie  du  bec,  sous  l'anche,  que  se 
forme  le  nœud  de  vibration.  E,  E,  points  où  se  placent 
les  lèvres  de  l'exécutant.  La  lèvre  supérieure  sur  !•:,  la 
lèvre  inférieure  surE.  F,  tenon  ou  partie  s'embo'.tant 
dans  le  baril. 


n 

AB  rdi/e. 

E 

BC  Mec/jv/té /ôrmjnl /ouveréure. 

D  Chamirr. 

E  E"  Biseau  et  points  où /es 
lèvres  se  placent 

F_  Tenon  parue  oui  s  emboîte 
dans  le  ha  ni 


FiG.  liôy. 


FlG.  GjS. 


AB   Table 
BC    Ouverture 

D  t^ambre 

E  Biseau 

F  Début  de  la  père f 

G    Corffe 

ÎJ.  Tenon 


L'anche  est  une  languette  flexible  en  roseau,  dont 
la  fonction  est  de  briser,  en  mouvements  réguliers, 
uncourant  d'nirqui,  sans  cet  intermédiaire,  s'échap- 
perait en  un  souftie  continu. 

Sur  l'anche,  on  distingue  le  talon  .\B  et  le  biseau 
BC  (partie  diminuant  graduellement  d'épaisseur;  le 
côté  de  l'anche  opposé  au  biseau  doit  être  rigoureu- 
sement plan.  C'est  une  des  conditions  essentielles  à 
son  bon  fonctionnement;  les  autres  sont  :  la  qualité 
du  loseau,  son  degré  de  maturité  et  la  finesse  de  l'ex- 
trémité proportionnelle  à  la  longueur  du  biseau. 

L'amincissement   ne  s'opère   pas   également  sur 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  CLARINETTE    1553 


toute  la  surface   du  biseau;    il    est   plus    prononcé 
sur  les  côtés;  le  milieu  doit 
former  en  quelque  sortejun  dos 
d'âne.  Ce  n'est  qu'à  \in  ou  deux 
AR  a/o»    millimètres  de   l'ex- 
trémité que   l'épais- 


BC   Aseâu 


seul'  du   milieu   ile- 
vient  égale  à  celle  des  côtés. 

Une  ligature   en  métal  sert 
à  fixer  l'anche  sur  le  bec. 

Dans  la  clarinette,  le  son  est 
produit  par  les  vibrations  de  la 
colonne  d'air  engendrées  par 
les  battements  de  l'anche.  .Mais  ce  n'est  pas  l'anche 
qui  commande  à  la  colonne  d'air; 
au  contraire,  celle-ci  contraint  l'an- 
che à  vibrer  syjichroniquement  avec 
elle,  quelle  que  soit  sa  longueur. 

Les  nombreux  raccourcissements 
de  la  colonne  d'air  par  l'ouverture 
des  trous  latéraux  sont  facilités  par 
les  propriétés  que  possèdent  les 
languettes  de  roseau,  qui  sont  une 
grande  flexibilité  et  une  extrême  sensibilité  à  la 
pression  du  souftle. 

Dans  la  production  des  notes  élevées  du  clairon, 
les  lèvres  jouent  un  assez  grand  rôle.  Par  leur  pres- 
sion, elles  diminuent  légèrement  la  longueur  de  la 
lame  vibrante,  et  favorisent  ainsi  une  plus  grande 
rapidité  des  battements  de  l'anche  nécessaires  à 
l'émission  des  harmoniques  élevés;  dans  ce  cas,  les 
lèvres  se  comportent  comme  les  rasettes  mobiles  des 
tuyaux  à  anches,  dans  la  laclure  d'orgues'. 
g  ^,        D'après  ce  que  nous  savons  de  l'ancienne 

façon  de  jouer  de  la  clarinette,  on  peut 
conclure  que  le  son  actuel  des  clarinet- 
tistes ne  ressemble  plus  du  tout  à  celui 
qu'obtenaient  les  instrumentistes  du  com- 
mencement du  xix«  siècle. 

Les  causes  de  l'amélioration  du  son  ré- 
sident, d'abord,  dans  la  qualité  des  anches 
qui  sont,  maintenant,  beaucoup  mieux 
faites,  et  ensuite,  dans  la  façon  toute  dilTé- 
rente  dont  les  becs  sont  tablés. 

Dans  ce  dessin  de  l'ancienne  table  des 
becs,  la  ligne  AB  représente  l'anche,  la 
ligne  CDE  la  table.  Au  point  D.  conimeiice 


A  -  BIC 
Fis.  ()63. 


l'ouverture  qui  va  en  augmentant  progressivement 
jusqu'.i  l'extrémité  du  bec  E.  Ce  genre  ilc  table  né- 
cessitait des  anches  fortes,  afin  de  pouvoir  l'ésister 
à  la  pression  des  lèvres  qui  agissaient  avec  d'autant 
plus  de  vigueur  vers  le  point  B  de  l'anclie,  que  celle- 
ci  formait  levier.  Il  est  facile  de  concevoir  que  les 
nuances  douces  étaient,  dans  ces  conditions,  inter- 
dites à  un  exécutant  qui  ne  pouvait,  qu'.i  l'aide  d'un 
souftle  puissant,  entretenirles  vibrations  d'une  anche 
dont  chaque  batlemenls  venait  frapper  fortement  la 
table  du  bec.  De  là,  ces  sons  éclatants,  criards  même, 
caractéristiques  de  l'anche  battante. 

Tout  autre  est  le  bec  actuel  dont  la  figure  donne 
le  profil  de  la  table  (les  courbes  ont  été 
très  exagérées  dans  la  figure!,  AB  l'an- 
che, CDE  la  table.  Au  point  D,  se  trouve 
le  point  d'appui  de  l'anche.  Cette  table,  à 
rencontre  de  l'aMcienne,  exige  des  anches 
très  fines,  très  flexibles;  une  antre  con- 
séquence résulte  de  ce  dispositif;  le  point 
d'appui  réduit  considérablement  la  surface 
de  la  table  sur  laquelle  viennent  fr.ipper 
les  battements  de  l'anche  en  vibrations, 
et  le  son  gagne  en  rondeur  et  en  finesse, 
parce  que  ce  sont  principalement  les  vi- 
brations de  la  partie  libre  de  l'anche  qui 
déterminent  la  production  du  son.  On 
peut  donc  dire  maintenant  que  l'anche 
associée  au  tuyau  de  la  clarinette,  de 
qu'elle  était  autrefois,  estdevenue  mixte,  c'est-à-dire 
libre  et  liattante.  Cette  belle  qualité  de  son  des  cla- 
rinettistes français  a  été,  à  rétrar)ger,  l'objet  de 
nombreuses  critiques.  Or.  a  souvent  reproché  à  nos 
virtuoses  d'avoir  dénaturé  le  son  de  la  clarinette. 
Ces  critiques  ne  sont  pas  plus  fondées  que  celles  qui 
consistei'aient  à  prétendre  que  les  machines  des 
grands  express  européens  nesonlplusdes  locomotives 
parce  qu'elles  ne  ressemblent  plus  au  type  imaginé 
pai'  .Stephenson.  Evidemment,  le  son  de  la  clarinette 
n'est  plus  le  même,  mais  les  instrumenls  ont  été 
également  modifiés.  IVous  croyons  aujourd'hui  que 
la  clarinette  a  atteint  son  apogée;  il  est  pourtant  fort 
possible  que  des  améliorations,  que  nous  ne  stiupçon- 
nons  pas,  lui  soient  encore  apportées,  améliorations 
qui  modifieront  encore  sa  sonorité,  .\lors  comme 
aujourd'hui,  ce  sera  toujours  vraiment  de  la  clarinette 
que  l'onjouera. 


bal  tante 


ÉTENDUE    DES    CL.\RIN'ETTES   A    2,    A    3,  ;a    5,    A    tî,   A    13   CLÉS,    ET    BŒIIM 

Les  croix  placées  au-dessns  de  certaines  notes  indiquent  des  doigtés  fourchus;  ces  notes  sont  sourdes,  ou  Irop 
hautes  ou  trop  basses.  T.B.:=  trop  bas,  T.H.^  trop  hauL 

IjBS  notes  placées  sur  la  seconde  portée  manquent  dans  l'écheilo  des  sons  de  l'instrument  indiqué. 


Clarinette 
à  2  clés 


-^    . 


^     ^^5-     ^^^     -^-    ^; 


Tjr 


TH        TB 


TH 


1.  Voii'  Ortfur. 


15,-.4  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIUE 


I 


p.-   j|o         O ÎJUlk- 


4^^ 


bA    ^^      :g:    jt^       lE:      g      g    ^g      § 


T.B. 


T.H. 


T.H. 


T.B. 


l-'01g<03    t»CtlPcîI 


Clarinette  )~^       ^      z^i 
clés.    I   j;       ^     .igL 


à  3 


TT 


^^    \>Ty    hxs 

T.H.     't.B. 


-cr- 


T.H. 


P'  It^ 


^     1^*^     T.H.   ^'T.B.  Tir 


!?o     i^ 


-rr- 


-en- 


^ 


g 


Q — ^}<i       "     ^^nt 


Xi. 


^Q.  Xt       |o. 


T.B. 


T.H. 


T  H 


l-rDoifftoal'actiG^Mj 


Clarinette 
à  5  clés. 


I^©:      T3-    |-a- 


bxy      îto^      ^ê^^     i^e-' 
T.H.      'T.B. 


"O- 


..     |[.>       o     |to       «>     t'"     il°       '*     ^l^>        °     #°     ^^ 


TH.     T.B 


T.H. 


^     tfo        o      jJLo- 


-o- 


iA_J^_ii^    ^    ^    g  ^g    = 


T.H. 


T.H. 


TH. 


IJOlg-l0l>-fe&t4^»5 


Clarinette 
à  6  clés 


TH.    'T.B. 


T.K 


P-O.     \ 


SX 


rte- 


ja.    ,l';ja.      S     :9:    ^B      — 


'l'.B. 


T.H. 


T.H. 


i 


TËCH.\J{)CK,  ESTItÉTKjl  E  ET  PÉDAGOGIE 


LA  CLARINETTE    1-.5 


Clarinette 
à  13  clés 


—    :ë:|t:«:    tr  #tt 


bTT    t]-l 


TT" 


o    l^o    :33^ 


TT" 


[ja_ 


o    flo 


TT- 


l>o      [\> 


<>    go 


o    go 


bâ  1,^  A  »^  e  ttf^  g  g  tig  g  "i 


JQ. 


~*    l^oiffiés  fûc-tiros- 


Clarinette 
Bœhm 


$ 


7^    tj.Q     ^:  h 


-Ci     flXL       ^t 


-Q.    #-^     :^    t:S 


lloifi-too  factiiM 


CONSEILS   D  EXECUTION 

Noire  intention  n'est  pas  de  faire  ici  une  méthode; 
néanmoins,  il  nous  a  paru  intéressant  de  donner 
quelques  indications  sur  les  moyens  à  eniployei- 
pour  obtenir  un  bon  son  de  cjarinelle. 

Tout  tl'abord,  il  faut  posséder  une  denture  régulière, 
des  lèvres  assez  Ioniques  pour  pouvoir  se  replier  inté- 
rieurement sur  les  dents,  de  façon  à  éviter  ce  qui 
s'appelle  ■■  mordre  le  bec  n;  soit  qu'ils  aient  été  mal 
commencés,  soit  qu'ils  n'aient  absolument  pas  pu 
s'habituera  replier  la  lèvre  supéiieure,  il  y  a  encore 
des  clarinettistes  qui  jouent  en  mordant.  Quelles 
que  soient  leurs  qualités  de  virtuoses,  ils  ne  peuveni 
avoir  qu'un  son  dur,  sans  souplesse. 

I>endant  lunptemps,  on  ne  devrait  que  filer  des 
sons  (on  entend  par  son  filé  une  noie  qu'on  altaqui' 
doucement,  qu'on  au^'menle,  puis  qu'un  diminue),  et 
pendant  cette  ingi-ate  période,  les  éludes  de  méca- 


nisme devraient  être  sévèrement  proscrites;  le  heu.  t 
inhabile  des  doigts  sur  l'instrument  déplace  à  chaque 
fois  l'embouchuie,  qui  ne  |ieut,  ainsi,  .«e  former 
convenablement.  L'étude  des  sons  filés  devrai!,  à 
l'e.Nclusion  de  tout  autre  travail,  se  poursuivre  pen- 
dant au  moins  trois  ou  quatre  mois.  D'abord,  iluns 
le  chalumeau;  ensuite,  dans  le  clairon,  les  change- 
ments de  doigtés  se  laisant  pendant  la  respiration. 
Une  des  grosses  difficullés  que  rencontient  ceux  qui 
commencent  l'étude  de  la  clarineltc  est  le  passage 
du  chalumeau  au  clairon.  Contrairement  à  l'usage 
qui  consiste  à  faire  travailler  le  passage  du  chalu- 
meau au  clairon,  il  est  préférable  de  s'e.xercer  à 
aller  du  clairon  au  chalumeau;  le  contraire  s'obtient 
ensuite  bien  plus  facilement.  Toutes  ces  études  préli- 
minaires doivent  avoir  lieu  en  présence  du  professeur, 
le  commençant  ne  devant  même  pas  avoir  d'instru- 
ment chez  lui. 

Lorsque  ces  premières  études  sont  terminées,  on 
peut,  sur  les  cnnseilsd'un  professeur,  ti'availler  clieï 
soi  et  consulter  avec  fruil  les  niTubodes  qui  ont  été 
faites  pour  la  clarinette  |jai-  Heeu  et  Klusiî,  mailre* 
inconleslables  et  incontestés. 

P.  MIMAHT. 


LE   BASSON 


Par  MM.  LETELLIER 

rKOKËSSliCR    AO    CONSKUVATOIRE    NATIONAL    DE    MCSIQCE 

et  Ed.  FLAMENT 

LAUKKXT  DD  CONCOCKS  DH  ROME 


HISTORIQUE   DU   BASSON 
Les  origines  de  i'iiistrnmeiil. 

Au  xvi<^  siècle,  avant  l'invention  lUi  basson,  les 
basses  des  instruments  à  anche  étaient  tenues  par 
plusieurs  sortes  d'instruments  graves  appartenant  a 
la  famille  des  hautbois  appelés  bombards  ou  bombai - 
,fes'.  Ces  iustiuments.Miui  étaient  formes  d  un  lou^; 
tuyau  de  dix  pieds,  élaienl  plus  faciles  à  manier  et 
surtout  très  fatigants  pour  l'exécutant,  llssejouainut 
avec  un  bocal  comme  le  basson.  Ils  ont  entièrement 
disparu  depuis  trois  siècles. 

Ils  posséilaient  quatre  clefs  et  l'étendue  suivante  : 


S 


En  1539,  un  ecclésiastique  de  Ferrare,  l'abbé  Afra- 
Nio  DF.G1.1  ALBONESi,  né  à  Pavie  en  1*80,  réunit  deu.x 
des  instruments  dont  nous  venons  de  parler,  les  fit 
communiquer  au  moyen  d'un  système  de  tuyaux 
auxquels  il  adapta  nu  soufflet,  et  créa  amsi  le  pre- 
mier basson-,  qui  fut  construit  par  un  certain  Jean- 
lîapliste  liAViLius,  de  Ferrare. 

Il  lui  donna  le  nom  de  phiigutus,  parce  que  ces 
tuyaux  ainsi  réunis  semblaient  torraer  un  fagot,  par 
opposition  aux  bomliardes  qui  ne  se  composaieul 
que  d'uu  seul  morceau;  l'anche  n'entrait  pas  en  coii- 
lact  avec  les  lèvres  de  l'instrumentiste  et  était 
introduite  dans  une  sorte  d'embouchure  en  forme 
de  bassina  Ce  n'est  que  quelques  années  plus  tard 
(au  début  du  xvn"^  siècle)  qu'un  facteur,  .Sigismoud 
ScuELTZEn,  tlébarrassa  \e  fagot  des  tuyaux  du  soulllet 

1.  En  Allcniii;'ne  ce*  inslrumcnts  (■t:iient  appelés  Bomhnrl,  llmii- 
mert  ou  Pomwnv. 

2.  Celle  m:iihiiic  .<.  élC'  ilécrile  par  le  neveu  d'Ai  nASio,  Ainbroise 
Tiif.sÉE,  dans  Introduction  in  Chaldaicum  litignm  (in-4".  Pavie,  1.^39). 

Le  dessin  Je  cel  instrument  esl  reprcsMilé  dans  la  Grande  Ennj. 
cloiiétlîe. 

3.  Il  est  trîîs  difficile  de  pouvoir  donner  des  indications  piécises 
sur  le  l>a-soii  de  Valibi-  AniiMO,  les  détails  que  Ion  a  sur  cet  inslru- 
inentilant  1res  roslreinls.  En  tout  cas,  d:ins  le  basson  primitir,  lo  son 
n'étant  pas  produit  directement  par  le  soufllc  humain,  cet  instrument 
tenait  ilavantage  de  l'oi  f;ue  que  du  basson  actuel,  dans  leiluel  linstru- 
mentiste  prend  l'anclie  directement  entre  les  lèvres  et  se  trouve  ainsi 
absolument  mailre  de  l'expression  du  son. 


et  en  fit  véritablement  le  basson  connu  sous  le  nom 
de  doitlcine'',  ainsi  désigné  à  cause  de  son  intona- 
lion  très  douce.  Cet  instrument  avait  sa  famille 
complète,  de  la  contrebasse  au  sopiano.  Pr.tjtohius 
(1570-1621),  qui  nous  décrit  le  basson  de  cette  épo- 
que (xvi'-xvii"  siècle),  nous  donne  le  détail  de  cette 
famille  : 

1"  le  Qtiint-fagott  ou  Doppel  fagolt,  à  la  quinte 
grave  du  ',i'; 

•2°  le  Quart  fiigotl,  à  la  quarte  grave  du  3''; 


3°  le  Chorisl-fagutl,  étendue  de  '^         /t^ 


4"  le  Fagolt  piccoh',  à    la    quirte  supérieure   du 
précédent; 


5°  le  Discanl  fagott,  étendue  de 


I,' 


Les  bassons  étaient  alors  formés  de  plusieurs 
pièces  de  bois,  à  peu  prés  comme  les  bassons  moder- 
nes ;  on  en  comptait  trois  espères. 

t.a  première  avait  douze  Irons  et  trois  ciels. 

La  seconde  avait  le  même  nombre  de  trous,  mais 
pas  de  clefs;  plusieurs  de  ces  trous  se  bouchaient 
avec  des  chevilles  que  l'on  enlevait  ou  niellait  à 
volonté  pour  Jouer  dans  certains  tons. 

Ceux  de  la  troisième  espèce  s'appelaient  co((;i(n/ds, 
parce  qu'ils  étaient  plus  petits  que  les  autres;  ils 
avaient  onze  Irons  et  trois  ciels,  on  s'en  servait  pour 
les  basses  de  musettes  L'étendue  la  plus  grande  de 
ces  bassons  ne  dépassait  pas  deux  octaves. 

U  y  avait  aussi  le  cervelas  français  et  le  racketlen 
allemand,  qui  avait  la  forme  d'uu  cylindre  de  quel- 
ques pouces  de  haut. 

On  complaît  encore  plusieurs  fagots  primitifs,  tels 
que  les  bassanclli,  les  ncfn/ari  et  les  sodci/jifcs;  ces 
insirumenls  avaient  h  [leu  près  le  même  timbre  et  ne 
lardèrent  pas  à  être  remplacés  par  le  basson. 

Eu  France  et  surtout  en  Allemagne,  le  basson  était 
fort  en  usage  dans  les  musiques  militaires. 

Kn  1741,  les  uhians  du  maréchal  de  Saxe  et  les 
gardes  françaises  avaient  des  bassons  dans  leurs  nii:- 
siques. 

i.  Ou  encore  (foutciiw-lai^  >ftf>. 


TECnXIQl'E,  ESTHÉTIQUE  ET  PEDACOCIE 


LE    BASSON     1557 


Le  basson  fui  intioduil  dans  les  musiques  militai- 
res russes  sous  le  rc^ne  de  Pierre  le  Grand.  0[i  s  y 
servait  aussi  de  certains  instruments  ayant  à  peu 
près  la  même  forme  que  le  basson,  le  serpent  el  le 
basson  russe,  mais  ces  instrunienls  dilleraient  du 
basson  par  leur  embouchure  en  métal. 

Vers  la  Cin  du  \\ii\'  siècle,  il  était  d'usai;e  en  Alle- 
magne, dans  toutes  les  villes  de  garnison,  que  la 
musique  exécutât  pendant  la  jiarade  uu  certain 
nombre  de  moiceaux  d'harmonie  pour  deux  haut- 
bois, deux  clarinettes,  deux  cors  et  deux  bassons. 

Vers  la  môme  époque,  certains  facteurs  fabri- 
quèrent des  bassons  de  différentes  grandeurs  et  de 
diverses  tonalités,  donnant  la  tierce,  la  quarte,  lu 
quinte  et  même  l'octave  du  basson  actuel. 

Ces  instruments  étaient  d'un  usage  courant  en 
Allemagne;  ils  ser.-aienl  pour  l'accompagnement 
des  chœurs  dans  les  églises,  où  chaque  voix  était 
doublée  par  l'un  d'eux.  Ils  furent  rarement  employés 
en  France. 

Le  timbre  du  basson  tierce  aurait  quelque  rapport 
avec  celui  du  saxophone  alto,  le  son  en  est  doux  et 
agréable.  Cet  instrument'  fut  joué  en  1833,  à  Bor- 
deaux, par  un  nommé  Keigrmans  et  ensuite  par  Kscai- 
gnet  pour  remplacer  le  cor  anglais  manquant  dans 
certains  orchestres  de  piovince. 

Perfeclîoiiiieiiieiil  du  l>:i><soii  en  Fi-aiice. 

Les  premiers  et  principaux  facteurs  qui  fii'ent  des 
bassons  au  xvu"  siècle  lurent  Colin  HoxETTEnRE  et 
Son  lils  Jean  (1092),  Puilidob  Ual'sselet  et  I^oset', 
tous  de  la  même  époque.  Ce  ne  fut  guère  qu'au 
xviii»  siècle  que  les  facteurs  français  construisirent 
des  bassons  de  différentes  grandeurs.  Le  perfection- 
nement du  basson  fut  peu  marqué  jusqu'en  1731. 

A  cette  époque,  deux  nouvelles  ciels  s'ajoutèrent 
aux  anciennes:  celle  de  min  et  celle  di'  la\^. 

Le  si  :,  naturel,  le  do  et  le  fu  ;  graves  n'existaient  pas. 

Pour  suppléera  ce  manque  de  clefs,  on  était  obligé 
de  ne  boucher  certains  trous  qu'à  moitié,  ce  qui 
était  fort  incommode  dans  les  mouvements  vifs. 

Depuis  celte  époque,  plusieurs  facteurs  apportèrent 
quelques  progrès  dans  la  fabrication  du-  basson. 
INÔiis  ne  citerons  que  les  noms  des  plus  célèbres. 

En  1732  :  Thomas  Lot. 

En  1769  :  Jacques  Delusse  et  Chrislophe  Delusse 
(17»3i,  dont  l'un  lit  un  basson  soprano  à  7  ciels  que 
possède  le  Conservatoire  de  Paris. 

Kn  J77r)  :  Prudent  Tiiiénot,  qui  avait  à  celle  époque 
une  grande  renommée  pour  sa  fabrication. 

En  17H2  ;  Dominique  Porthaux,  inventeur  d'un 
nouveau  bocal  en  bois'-  et  facteur  de  bassons  à  .5  et 
7  clefs. 

En  1788:  Savary  père,  et  plus  tard  son  fils  Jean-M- 
colas  (1823). 

Ce  dernier  s'adonna  spécialement  à  la  fabrication 
du  basson,  et  acquit  en  son  temps  une  grande  répu- 
tation. 

Il  fut  premier  prix  du  Conservatoire  en  1808  et 
inventeui'  d'une  petite  branche  à  coulisse  mécanique 
et  crémaillère   permettant  d'accorder  l'instrument. 


Savary  jeune  fit  en  1827  un  basson  «  oltavina  », 
instrument  très  rare  en  France. 

Le  fonds  do  Savary  jeune  fut  acheté  par  un  nommé 
(JALKNUKR,  qui,  en  t8;i3,  inventa  un  basson  militaire 
en  si  ■  portant  son  nom. 

Cet  instrument  fut  dénommé  (ialnndronoiiie.  J.-F. 
SiMii.T,  faclHur  à  Lyon  avant  1808,  fut  un  de  ceux 
qui  s'attachèrent  au  perfectionnement  du  basson.  11 
ajouta  à  la  petite  branche  une  pompe  d'accord.  En 
1817,  il  supprima  le  bouchon  de  liège  fermant  la 
culasse,  par  une  plaque  en  métal  glissant  à  volonté 
pour  permettre  l'écoulement  de  la  salive  '. 

ïniEiîEiiT  (Cuillaume),  fabricant  de  bassons,  né  à 
Lambach,  grand-duché  de  Hesse-Darmsladl  |27  fé- 
vrier 1770-b  juin  1848),  naturalisé  Français  el  établi 
à  Paris,  26,  rue  Dauphine. 

Pe/é  (de  1800  à  1830)  lit  un  basson  à  7  clefs,  cons- 
truisit également  des  contrebassons  vers  1823. 

AdlerI  Frédéric-Guillaume),  établi  à  Paris  vers 
1808,  apporta  lui  aussi  de  grandes  améliorations  à  la 
f.ibiicalion  du  basson».  En  1827,  il  en  exposa  un  à 
(o  clefs.  Cet  instrument  était  supérieur  aux  anciens 
par  son  timbre  el  sa  justesse. 

lin  1818,  Halarï,  fadeur  à  Paris,  conslruisit  des 
bassons  en  cuivre. 

En  1832,  WiN.NEN  el  son  lils  inventèrent  une  variété 
de  basson,  ie  bassonore'' . 

Kn  1834,  Georges  Schl-hert  achela  le  fonds  de  la 
maison  Adler  ainsi  que  celui  de  Savary-Galakder. 
Ses  lils,  qui  furent  tons  premiers  prix  de  basson  au 
Conservatoire,  ne  s'adonnèrent  pas  à  la  fabrication. 
Hacilman-  fut  l'invi-nteur  d'un  nouveau  mécanisme 
pour  le  basson  d'après  les  conseils  du  fameux  vir- 
tuose WiLLENT-BoRDOGM.  Ce  Système  fut  perfec- 
tionné par  le  célèbre  facteur  A.  Sax,  qui  remplaça 
les  tious  par  des  clefs. 

En  1843,  Eugène  Ja.vxourt,  qui  fut  plus  lard  pro- 
fesseur au  Conservatoire  de  Paris,  fit  de  grandes 
niodirications  au  mécanisme  du  basson,  avec  le  con- 
cours de  Buffet  et  Crampon,  facteurs  de  talent. 
Ces  modifications  furent  les  suivantes  : 
1"  Transformation  des  anciennes  clefs  dites  à  bas- 
cules par  des  clefs  ,à  tringles. 

2"  Addition  d'une  clef  de  bocal  se  prenant  avec  le 
petit  doigt  de  la  main  gauche  et  permettanl  de 
boucher  le  petit  trou  de  ce  bocal»,  ce  qui  donne  aux 
notes  graves  plus  de  sûreté  et  permet  de  les  attaquer 
beaucoup  plus  piano. 

En  1830,  Eugène  Jant.ourt  et  le  facteur  Frédéric 
Thierert  jugèrent  utile  de  déplacer  l'ancien  trou  du 
la,  placé  sur  la  culasse  et  dont  la  perce  était  mathé- 
matiquement défectueuse.  Ils  le  remplacèrent  par 
un  plateau  se  manœuvrant  avec  l'annulaire  de  la 
main  droite;  ce  qui  donne  à  la  note  plus  de  sûreté 
et  ilejustesse  el,  eu  même  temps,  évite  un  trop  grand 
èciut  des  doigts. 

En  1831,  Adolphe  Sax  construisit  des  bassons  en 
métal. 

Thierert  (Frédéric  ,  né  à  Paris  le  1«''  mars  1813, 


1.  Le  cercefas  fran;ais  cl;iit  une  variété  du  tagoU  ou  basson;  il  fut 
princiitatement  employé  dans  les  églises  jusciue  vers  la  lin  du  xvu«  sk;- 
cte.  11  fut  hors  d'usage  après  celle  épocjue. 

2.  I^e  musée  du  Cons-Tvatoire  de  Paris  en  possède  un  en  fa, 

3.  RusET  (1662)  est  l'auteur  du  cervelas,  ee  furieux  et  rarissime 
instrument  que  possède  le  Conservatoire  de  Paris. 

4.  Nous  ne  voyons  pas  beaucoup  pour  le  boeal  l'usage  du  bois  rein- 
ptaeant  le  métal. 


5.  Oueliiues-unes  do  ces  notes  sont  lirees  du  livre  les  Facteurs 
irinstrnmeiit  de  mtisif/ufi,  par  Constant  Pikrre. 

II.  tîien  que  l'on  eiit  augmenté  le  nombre  de  ses  clefs  en  1751.  Ce  ne 
fut  que  vers  1800  qu'AoLKS,  facteur  à  Paris,  el  Sibiiot,  à  Lyon,  amé- 
liori'rent  le  basson  d'une  manière  eflicace  en  y  rajoutant  différentes 
clefs.  Ai.ME.NR'FDEB.  en  Allemagne,  modifia  aussi  l'instrument. 

7.  Le  lils  WiNNEN  présenta  le  bassonore,  invente  [lar  feu  son  père 
et  lui,  à  l'Eipositionde  1S34.  Cet  instrument  fut  perfectionné  en  1844 

8.  Sur  les  anciens  bassons  la  clef  de  bocal  n'existant  pas,  le  trou  de 
ce  dernier  était  toujours  ouvert,  ce  qui  nuisait  beaucoup  à  la  sùrclé 
des  notes  graves. 


1558 


ENCYCLOPÉûIh:  DE  LA  MIJSlnVE  ET  DICTION.XAIHE  DU  C0.\SERVAT01IiE 


fils  (le  Guillaume  Tkikbert,  l'ut  l'innovateur  des 
principaux  perfectionnements  du  basson  moderne. 
Il  apporta  de  giands  changements  dans  la  labrica- 
liondii  basson.  î\  lui  donna  une  forme  plus  éléf-'ante 
et  modifia  la  perce  en  la  rendant  plus  évasée,  ce 
qui  permet  aux  notes  ;;raves  d'avoir  plus  d'am- 
pleur. Il  appliqua  aussi  au  basson  le  système 
B(EHM  (ISo.ïl.  Ce  système,  qui  était  complètement  de 
son  invention,  bien  qu'il  l'ait  désigné  sous  le  nom  de 
celui  du  célèbre  tlùliste  allemand,  avait  un  but, 
celui  de  rendre  plus  facile  le  doigté  du  basson  et 
de  supprimer  certaines  difficultés  que  l'on  avait 
avec  l'ancien;  malheureusement,  deux  points  essen- 
tiels ont  nui  à  son  succès  :  le  son,  qui  était  métalli- 
que, et  la  complication  du  mécanisme,  qui  avait 
l'inconvéïiient  de  se  déranger  facilement.  Li' prix  de 
cet  instiiiment,  qui  était  fort  élevé  (mille  francs), 
avail  à  lui  seul  compromis  son  succès'. 

Il  l'ut  aussi  inventeur  d'un  système  à  tringles  avec 
adjonction  d'un  mécanisme  pliant,  supprimant  les 
tenons  et  emboîlures,  et  d'une  nouvelle  boile  à  char- 
nière établissant  une  correspondance  correcte  entre 
les  deux  ouvertures  de  la  culasse,  ce  qui  en  favorisait 
le  nettoyage. 

Le  démontage  de  l'instrument  était  instantané,  et, 
la  divison  des  corps  étant  mieux  répartie,  son  volume 
se  trouvait  réduit  et  plus  portatif. 

Il  remplaça  aussi  le  bouchon  de  la  culasse  par  une 
cuvetle  en  mêlai,  et  en  modifiant  la  perce  du  bocal, 
il  obtint  une  homogénéité  paifaile  des  notes  graves 
et  de  l'aigu. 

L'essai  tenté  par  Frédéric  Triehkrt  en  appliquant 
le  système  Bœhm  au  basson  n'ayant  pas  réussi,  en 
1875,  avec  le  concours  de  P.  Gol'mas,  successeur 
de  Buffet  et  Crampon,  le  célèbre  professeur  Eugène 
Jancourt  apporta  de  grandes  modifications  à  la 
perce  et  au  mécanisme  du  hasson. 
Ce  perfectionnement  fut  le  suivant  : 
Basson  à  anneau.x  mobiles,  plateau  et  vingt-deux 
clefs  (fig.  661). 


lioralion  sensible  réalisée  dans  la  perce,  dont  le 
cône  est  plus  mathématiquement  régulier  dans  toute 
son  étendue.  Le  son  n'en  a  subi  aucune  altération. 
Les  deux  anneaux  de  la  main  gauche  et  de  la  droite 
ouvrent  ou  ferment  deux  Irons  auxiliaires  qui  don- 
nent bien  plus  de  sonorité  aux  notes  mi |,  et  mi  na- 
turel du  médium  et  si-,  de  la  fourche-  aux  deux 
octaves. 

Une  clef  posée  sur  la  culasse  ilo»  clef  de  la  tabla- 
ture Jancol'ht)  est  d'une  grande  utilité  pour  certains 
tr-illes. 

Une  nuire  clef  (21"),  placée  sur  la  petite  branche, 
se  manœuvrant  avec  le  pouce  de  la  main  gauche,  sert 
à  triller  le  fa  de  la  3=  octave  avec  le  s,ol  naturel,  et 
également  une  autre  (22=);  placée  sur  la  culasse,  per- 
met de  triiler  le  /'a*  et  le  so/it  2=  octave. 

MM.  EvETTE  et  .SciiAEFFER,  successcurs  de  Coumas, 
iiprès  de  longues  et  sérieuses  éludes,  sont  arrivés  à 
fabriquer  des  bassons  parfaits  de  sonorité  et  de  jus- 
tesse. Ils  ont  apporté  différentes  modilications  dans 
le  mécanisme  de  l'instrumenta 

1°  Une  clef  permettant  de  faire  le  trille  de  fa-:,  et 
so/;  à  l'octave  grave  et  médium'*;  des  rouleaux  ont 
été  ajoutés  aux  clefs  de  /a;  et  si  n  de  la  culasse 
comme  aux  clefs  de  /'ajf  et  sol  Jf. 

2°  D'après  mes  conseils  (L.  Letellier),  ils  firent 
un  nouveau  bocal  (marque  L|  permettant  de  monter 
et  descendre  facilement,  et  surtout  d'une  grande  jus- 
tesse^ tandis  que  l'ancien  était  très  défectueux  sous 
ce  rapport. 

3"  Pour  éviter  l'usure  de  la  petite  branche,  un  tube 
en  ébonile'"'  a  été  introduit  dans  la  perce''.  Ce  corps, 
étant  dur  et  très  lisse,  permet  à  la  salive  de  s'écouler 
facilement  et  donne  plus  de  sonorité  dans  toute  l'é- 
tendue de  l'instrument,  et  surtout  dans  les  notes 
aiguës. 


FiG.  G65.  —   Basson  .1ancoi-b'i-.  Modèle  (lu  Conservatoire. 

l'ne  des  modifications  de  ce  système  est  une  amé- 


1.  Il  n'y  eut  (lu'uti  artiste  qui  en  fit  l'essai  à  t'orchestre  ;  A.  Marzoli, 
fadeur  et  bissoiiiiiste  auTllcJti'(^  Italien  de  Paris. 


Ils  donnèi'ent  à  l'instrument  une  forme  plus  élé- 
gante et  plus  de  symétrie  dans  le  mécanisme. 

Il  faut  encore  citer  MM.  Lecomte  et  C",  inventeurs 
d'un  basson  (18891  tout  en  métal,  ayant  la  même 
[lerce,  et  le  même  mécanisme  que  le  basson  en  bois; 
l'instrument  est  plus  léger.  Le  sou  métallique  se 
rapproche  un  peu  de  celui  du  saxophone.  Cet  ins- 
trument était  en  maillechort. 

.MM.  Henri  Selmer,  Alexandre  Hobert,  Couksnon  et 
autres-  facteurs  fabriquèrent  également  des  bassons 
h  peu  près  du  même  mécanisme  que  ceux  que  nous 
venons  de  citer. 


-.  Le  luot  fmirc}iii  sigjiilie  t'enipjoi  desfdoigleâ  avec  les  tenus  à  la 
|il:ice  des  olels. 

3.  A  l"l'\positiori  (le  1S89,  MM.  Ii\ETrE  et  Sch.i^.ffkr  présentèrent 
trois  bassons  aigus  (en  Hii  ^,  fa  et  soï\,  c'est-à-dire  à  la  tierce  mi- 
neeri-,  à  la  quarte  et  à  la  quinte  supérieure  du  basson  ordinaire,  mais 
ces  insh-unients  ne  sont  plus  employés  de  uos  Jours. 

'(.  l)ansle  syslèiue  perfeclionué  de  E.  .lANCorar,  on  ne  peut  le  f.iire 
qu'à  la  t^  octave. 

5.  Avec  ce  bocal,  on  évite  (jne  le  sic  ^"octave  donne  un  ul  ;  et  ijue 
cet  ut  même  octave  donne  un  ut ^,  inconvénient  de  l'ancien  bocal. 

6    Caoutchouc  durci. 

7.  Comme  dans  le  basson  allemand. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   BASSON    1559 


La  fabrication  du  basson  à  rélranger. 

La  Belgique  (maisons  Maiullon  et  Albert  frères, 
(Je  Bruxelles)  et  l'Italie  (maisons  Maino  et  Oasi,  de 
Milan,  Giorgi  et  Schaffner,  de  Florence)  fabriquèrent 
des  bassons  à  peu  près  du  même  système  que  le  bas- 
son français'. 

L'Angleterre-,  l'Amériqne  et  l'Espagne-*  se  servent 
généralenienl  de  la  fabrication  française. 

Le  basson  allemand-  dilVère  beaucoup  du  basson 
français;  la  perce  n'est  pas  la  même,  ainsi  qne  le 
mécanisme;  quelqnes  doigtés  sont  dilférents,  et  la 
sonorité  est  beanroup  moins  vibrante.  La  culasse 
comporte  beaucoup  plus  de  clefs,  et  certains  instru- 
ments n'ont  pas  de  clefs  de  bocal. 

Le  principal  facteur  moderne  allemand  est  Wilhelm 
Heckel,  de  Biebrich-sur-Rhin. 

Résnnié  rétrospectif. 

Basson  antique  :  ancien  basson  à  7  trous  sur  le 
côté  et  une  clef  en  bas.  Cet  instrument  appartient  à 
la  catégorie  des  courtauds,  dont  on  se  servait  au 
XVI'-  siècle  (1.5801. 

Basson  à  fusée  ou  Backetten-fagott  :  genre  de 
basson,  dont  le  tube  a  neuf  tours  de  développement. 
11  fut  inventé  vers  1680  par  Deuner,  de  Leipzig. 

Bassanello  (nelli)  :  variété  du  basson.  On  les 
construisait  de  trois  grandeurs  différentes,  basse, 
taille  et  dessus.  Ces  instruments  avaient  été  inventés 
par  un  compositeur  italien,  Giovanni  Bassano,  de 
Venise. 

Schryari  :  variété  de  bassons  appelés  ainsi  du 
nom  de  leur  inventeur. 

Chorist  et  Discant  fagott  :  variétés  de  bassons 
aigus  employés  principalement  en  Allemagne.  Ces 
instruments  servaient  à  l'accompagnement  des 
chœurs  dans  Les  églises,  où  chaque  voix  :  discantus, 
altus,  ténor  et  bassus,  se  trouvait  fidèlement  doublée 
par  un  basson. 

Basson  quarte,  basson  quinte  :  diminutifs  du 
basson  à  une  quarte,  quinte  au  dessus. 

Basson  soprano  :  en  fa,  en  bois,  à  quatre  et  en- 
suite sept  clefs,  datant  du  xvin''  siècle. 

Bassonore  :  variété  de  basson  ayant  une  étendue 
de  trois  octaves  et  une  tierce;  l'anche  est  plus  forte 
que  celle  du  basson  et  a  un  son  des  plus  volumi- 
neux. Cet  instrument  fut  inventé  par  Nicolas  Win- 
NEi'î  et  son  fils  vers  I8.!2. 

Basson  russe  on  basson  serpent  :  instrument  de 
bois  à  pavillon  de  cuivre  ayant  remplacé  le  serpent. 
Il  est  muni  di>  six  trous  ouverts  et  de  quatre  Irons 


1.  tu  Italie,  en  plus  tics  bassons  fr.tneai^  .i  Jotize  et  <lix-sept  clefs 
(anciens  systèmesi  et  ceux  ;i  viiij^l-iloux  clefs,  tringles  et  anneaux,  on 
compte  deijuls  ISS.'i  le  basson  de  G.  Crfimonksi  adopta  p.ar  M.  A*.  Mai-- 
DDRA  au  Conserv.-itoire  et  à  la  Scala  di;  Milan. 

2.  Kn  Ainsïieterrc.  .MM.  SirvAw,,  -SiurH,  Wahd  et  iiJs  fabriq,uent 
également  des  bassons,  mais,  de  nit'lme  qu'en  Améi-inue,  l'on  se  sert 
plutùi  de  la  facture  française. 

S.  M'.  Francisco  yriXTANA,  premier  basson  de  la  musique  de  l'i  garde 
reyaie  d'Espagne  i  Alabarderosl,  est  inventeur  d'un  syslènie  s'adaptant 
SUE  le  basson  français,  permettant  d'exécuter  certains  traits  infaisables 
avec  le  mécanisme  ordinaire. 

4,  Kn  .\llemac;ne,  Autriche  et  Russie,  l'on  joue  beaucoup  le  basson 
ALHErtRUEDER  à  dïx-neuf  OU)  winjft-trois  clefs  à  bascule. 


bouchés  à  l'aide  de  clefs  de  cuivre  garnies  di;  tanï- 
pons.  11  fut  inventé  en  1780  par  J.-J.  RiGino,  de  Lille; 
l'on  s'en  servait  à  l'église  et  dans  les  musiques  mili- 
taires, en  Russie  principalement. 

Tritonikon  :  sorte  de  contrebasson  en  cuivre, 
fabriqué  en  i8,'ili.  Cet  instrument  a  une  étendue  de 
deux  octaves;  par  sa  tonalité  en  mi [7,  il  convient 
surtout  aux  musiques  militaires,  où  il  est  encore  eu 
usage  en  Autriche-Hongrie  el  en  Russie. 


ÉTENDUE   DE   L'INSTRUMENT,    DE   SON   INVENTION 
A   NOS  JOURS 

lltcndiic  lies  tloulcines  (bassons  primitifs). 

Ces  instruments  formaient  une  famille  coraplèle 
allani  de  la  contrebasse  au  soprano,  et  s'étendaient 
du  contre-fé  grave  au  si  (clef  de  sol)  au-dessus  des 
lianes  : 


m 


f 


Depuis  son  origine  jusque  vers  1810,  l'étendue  du 
basson  n'allait  que  du  si  n  grave  au  la  aign.  Bien  que 
son  échelle  fût  chromatique,  certaines  notes  man- 
quaient (le  sii  et  le  do  S  grave  n'existaient  pas). 


De  cette  époque  à  1845,  l'étendue  de  l'instrument 
allait  du  si,,  grave  au  conlre-réi  clef  A'ut  (4"  ligne). 
De  lS4.:i  à  nos.jouKs,  l'échelle  actuelle  de  l'instrument 
va  chromatiquemenl  du  si'  grave  au  contre-fa  aigu 
clef  (i'iU  : 


m 


(jnelques  compositeurs,  notamment  R.  Wagner, 
font  descendre  le  basson  jusqu'au  lai,  grave,  mais  ce 
cas  est  rare.  Pour  obvier  à  cet  inconvénient,  les  mai- 
sons KvETTE  et  Schaeffer,  en  France,  et  Hkckel,  en 
Allemagne,  ont  fabriqué  un  bonnet  plus  long  que  le 
bonnel  actuel,  permettant,  sans  rien  changer  à  la 
sonorilé  et  au  mécanisme,  de  donner  cette  note 
grave  par  l'adjonction  d  une  nouvelle  clef. 


m 


L INSTRUMENT  ACTUEL 

Le  basson  en  ut,  en  usage  dans  les  orchestres,  a 
la  dimension  d'un  tuyau  d'orgue  de  huit  pieds,  divisé 
en  deux  morceaux  parallèles,  de  manière  à  pouvoir 
être  manié  plus  facilement. 

Il  est  généralement  fabriqué  en  bois  d'érable,  mais 
on  emploie  aussi  le  palissandre.  Ce  bois,  étant  plus 
dur  et  moins  spongieux  que  l'érable,  peut  se  con- 
server plus  longtemps  et  donne  à  l'instrument  une 
sonorité  plus  Ixomogène  et  plus  puissante. 


15G0 


ENCyCLOPÉDIH:  DE  LA  MUSIQUE  ET  DWT/Ot\yAIHE  DU  CONSERVArOIliE 


La  perce  du  basson  est  conique. 

L'instrument  se  divise  en  cinq  parties,  quatre  en 
bois  et  une  en  métal  : 

\  °  Le  petit  corps  ou  petite  brandie  (lig.  666).  —  Sur 
cette  partie  de  l'instrument,  les  trous  sont  percés  en 
biais  pour  éviter  l'écartement  des  doisls. 

2"  La  culasse,  et  son  bouchon  mobile  ou  cuvette  en 
métal  que  l'on  retire  de  temps  en  temps  pour  enlever 
la  salive  contenue  dans  l'instrument. 

De  même  qu'à  la  petite  branche,  les  trous  sont 
également  en  biais  (fig.  667). 

3°  Le  rjrand  corps  ou  grande  branche  (fig.  6G8). 

4"  Le  pavillon  on  bonnet  (fig.  660). 

n 


i 


FiG.  606. 


Fig.  607 


o 

Fig.  668. 


Fig.  669. 


Fto.  i; 


Le  bocal  (fig.  670),  seule  partie  de  l'instrument 
qui  soit  complètement  en  métal. 

Le  son  est  produit  par  une 
anche,  entièrement  en  roseau  et 
à  double  palette,  qui  s'adapte 
au  bout  du  bocal  (fig.  G?!)- 

On  monte  l'instrument  de  la 
manière  suivante  : 

Prendre  la  culasse  de  la  main 


droite; 


avec  la  main  gauche 


A 


1"  Placer  la  petite  biatiche; 

i^^Mettre  le  grand  corps  et  le  verrou  qui  maintient 
ensemble  les  deux  tronçons. 

3"  Mettre  le  pavillon  ou  bonnet  et  ensuite  le  bocal, 
de  manière  que  le  petit  trou  vienne  bien  en  l'ace  de 
la  clef  de  bocal  qui  se  trouve  sur  la  petite  branche. 


Fui.  67 d 


Fig. 675. 


4"  Adapter  ensuite  au  bout  du  bocal  l'anche  en 
roseau. 

Le  poids  de  l'instrument  est  supporté  par  un  cor- 
don passé  autour  du  col;  au  bout  de  ce  cordon,  se 
trouve  un  porte-mousqueton  que  l'on  accroche  à 
l'anneau  de  la  culasse. 

Le  basson  demande  beaucoup  de  soin;  il  faut  le 
démonter  après  avoir  joué  et  passer  un  écouvillon 
dans  le  petit  corps  et  dans  la  culasse;  il  faut  aussi  ne 
pas  laisser  encrasser  les  trous,  avoir  soin  surtout 
de  ne  pas  le  laisser  à  l'humidité;  il  faut  nettoyer  le 
bocal  tous  les  dix  jours  et  veillera  ce  que  le  petit 
trou  ne  se  bouche  pas. 


L'ANCHE 


FI6.672. 


Fig.  673. 


L'anche  est  la  pièce  la  plus  essentielle  et  la  plus 
délicate  de  l'instrument,  car  c'est  d'elle  que  dépend 
la  qualité  du  son. 

Nous  ne  saurions  trop  recommander  aux  profes- 
seurs d'enseigner  à  leurs  élèves  ce  travail  si  délicat 
et  duquel  dépendra  la  qualité  maîtresse  de  l'instru- 
mentiste, la  sonorité. 

Si  le  basson  est  parfois  gratifié  de  l'appellation 
instrument  burlesque,  c'est  que  beaucoup  de  person- 
nes en  ont  entendu  jouer  avec  un  mauvais  son. 

Une  anche  de  mauvaise  qualité  sera  le  plus  sou- 
vent fausse;  si  une  anche  —  de  bonne  ou  mauvaise 
qualité  —  a  été  mal  grattée,  elle  donnera  le  plus 
souvent  im  son  grêle  ou  souffreteux  très  désagréa- 
ble à  entendre  (Voir  page  1.Ï61). 

11  est  donc  essentiellement  important  à  tout  bas- 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   BASSON    1561 


soniste  de  savoir  arranger  une  anche  el  même  Je  la 
construirn  lui-même. 

Pour  corislruire  une  anche,  ou  prend  un  canon  de 
roseau  d'un  jaune  éclatant,  ûil  jaunc-sortn,  ayant  le 
grain  Un  el  bien  serré. 

Ou  le  coupe  sur  une  lonf;ueur  de  12  centimètres 
el  on  le  fi'nd  eu  morceaux  de  18  millinièti-es  de  !ai'i;e. 

Chacun  dr  ces  morceaux  sert  à  élablir  mie  aiiche. 

Pour  les  évider.  on  les  applique  sur  un  moule  en 
bniii,  creusé  dans  la  forme  du  roseau  et  ayant  la 
mètne  longueur. 

On  doit  amincir  le  roseau  au  moyen  d'une  i-'ouge. 

Le  roseau  étant  diminué  jusqu'à  l'épaisseur  d'uu 
millimètre  et  demi,  ou  emploie,  pour  achever  de  l'a- 
mincir et  de  le  rendre  éyal,  uu  grattoir  rond  dont  on 
se  sert  aussi  à  l'ellet  d'allaiblir  le  milieu  du  morceau 
de  roseau,  destiné  à  être  ployé  pour  rapprocher  les 
deux  parties  de  l'anche. 

On  doit  laisser  plus  de  force  au.K  deux  extrémités 
du  roseau,  nlin  qu'elles  puissent  supporter  la  liga- 
lurc. 

Cette  opération  finie,  il  faut  entailler  l'écorce  dans 
la  partie  du  milieu,  ensuite  l'aire  tremper  pendant 
une  demi-heure  le  roseau  pour  le  rendre  plus  llcxi- 
ble  et  l'empêcher  de  se  fendre;  ce  pli  doit  êti'e  fait 
bien  exactement  au  milieu  du  morceau,  afin  que  l'ex- 
trémité destinée  à  recevoir  la  ligature  n'ait  pas 
besoin  d'être  recoupée.  Cette  opération  se  fait  très 
facilement  si  l'on  emploie  un  moule  eu  acier  ayant 
la  forme  de  l'anche. 

Après  avoir  taillé  le  roseau  des  deux  côtés  pour  lui 
donner  la  forme  du  moule,  on  passera  deux  anneaux 
en  fil  de  fer. 

Le  premier  anneau  se  place  à  peu  près  au  milieu 
de  l'anche,  à  .3  centimètres. 

Le  second,  uu  peu  moins  grand  que  le  pre- 
mier, se  place  à  '  millimètres  au-dessous  du  pre- 
mier. 

Il  faudra  faire  plusieurs  encoches  au  roseau  sur  la 
partie  destinée  à  recevoir  la  ligature,  puis  on  le 
fendra  en  cinq  ou  six  endroits  dans  la  partie  infé- 
rieure de  l'anche  pour  l'aider  à  prendre  la  forme 
ronde  du  bocal.  Pour  cela,  on  se  sert  d'un  mandrin 
de  fer  dont  l'extrémité  doit  arriver  en  diminuant  an 
premier  anneau  au  point  de  donner  à  la  partie  infé- 


rieure de  l'auclie  la  forme  circulaii'e  et  le  diamètre 
du  bocal. 

Le  troisième  ainieau  se  place  à  8  millimètres  du 
second,  eu  serrant  fortement  sui'  le  mandrin,  afin 
que  l'anche  s'adapte  bien  sur  le  bocal  sans  avoir  la 
nioindredéperdition  d'air;  ensuite,  on  lait  laligalure 
avec  de  la  petile  ticelle  que  l'on  enduil  d'une  couche 
de  vernis. 

On  posera  à  plat  la  partie  de  l'anche  destinée  à 
faire  l'embouchure  sur  un  morceau  de  bois  dur  et 
uni  afin  de  couper  très  net  l'extrémité  du  roseau 
pour  séparer  les  deux  parties  de  l'anche. 

Une  fois  l'anche  montée,  la  partie  la  plus  délicate 
est  le  grattage  par  lequel  on  obtient  la  justesse  et  la 
belle  sonorité. 

On  doit  éviter  le  roseau  spongieux  qui  donne  à 
l'anche  une  sonorité  sourde  et  ne  produit  les  notes 
graves  qu'avec  peine. 

Le  meilleur  roseau  pour  la  fabrication  des  anches 
est  celui  qui  croît  en  France  dans  les  départements 
du  Var  et  des  Alpes-Maritimes. 

Celui  des  parties  méridionales  de  l'Italie  est  aussi 
excellent. 

Il  faut  nettoyer  de  temps  à  autre  le  bout  de  l'an- 
che, car  la  salive  forme  un  liraou  qui  assourdit  la 
vibration  du  roseau.  Pour  cela,  on  se  sert  d'une 
épingle. 


LE  CONTREBASSON 

Le  conlrebasson  est  un  instrument  à  vent,  en 
bois  ou  en  métal,  accordé  une  octave  plus  bas  que  le 
basson.  Son  étendue  comprend  toute  l'échelle  chro- 
matique A'ut  à  .so;  : 


^ 


La  partie  du  conlrebasson  est  notée  à  l'octave  au- 
dessus  du  son  réel  : 


Ecriture 


don' 


Effet  réel 


CB   ^ 


Le  conlrebasson  est  muni  de  six  ou  de  quinze  clefs, 
et  a  remplacé  dans  l'orcheslT-e  ancien  la  contrebasse 
de  bombarde  appelée  bomijardone  en  Ilalie. 

Cet  instrument  est  très  ancien,  mais  son  origine 
demeure  assez  vague;  d'après  Michel  PRAETonius 
(1071-1621),  compositeur,  organiste  et  célèbre  musi- 
cographe allemand,  auteur  fameux  du  Si/ntagiiia  niu- 
sicum,  source  presque  unique  en  ce  qui  concerne  les 
instruments  en  usage  au  x\i<^  et  au  début  du  xvii«  siè- 
cle, le  conlrebasson  daterait  du  xvi<--  siècle,  comme 
il  l'indique  dans  son  ouvrage.  Praetorius  nous  dit 
également  qu'à  son  époque  un  facteur  allemand  tra- 
vaillait à  la  construction  d'un  Conlra-j'agoll  (conlre- 
basson; à  l'octave  inférieure  du  Chorist-fagott-. 


1.  Certains  facteurs  riioilernes  font  descendre  le  conlrebasson  ju5- 
qu':tu  SI  k  S'Mve. 

2.  Voir  plus  haut  :  Les  origines  de l'Instrame  ut. 


Ceci  iudicjuerait  donc  que  cet  inslrtiment  daterait 
bien  de  la  liu  du  xvi»  et  du  début  du  xvu"  siècle,  et 
qti'il  aurait  été  inventé  et  mis  en  usage  par  les 
Allemands. 

L'ancien  conlrebasson  avait  la  forme  d'un  immense 
basson,  d'après  Ikm.Niiv  (célèbre  musicographe  an- 
glais n20-|Stt;.  Cet  instrument  avait  16  pieds  de 
long  (c'est-à-din;  un  peu  plus  de  2  mètres  de  hau- 
teur), mais  bien  que  le  conlrebasson  ft'lt  usité  en 
Allemagne  depuis  plusieurs  années,  il  n'existait 
pas  encore  en  Angleterre,  el,  en  celte  occasion, 
Haendel  dut  eu  faire  construire  un  par  le  fadeur 
Stambv  pour  l'exécution  de  son  Ht/mne  du  Couron- 
nement. 

Au  commencement  du  xix''  siècle,  un  fadeur 
autrichien,  C.  Sciii^sTER.de  Vienne,  construisit  uu  con- 
lrebasson muni  de  six  clefs  en  cuivre  et  descendant 


15G2 


ENCrCLOPÉDlË  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


jusqu'au  la  grave.  Cet  instrument    ligui'e  au  musée 
du  Conservatoire  de  Paris. 

On  suppose  que  le  contrebasson  fut  introduit  en 
France  vers  1800,  époque  où  \a.  Création  (de  Haydn) 
fui  jouée  chez  nous;  en  tout  cas,  cet  instrument  exis- 
tait certainement  en  France  en  1822,  puisque  à  celte 
époque  fut  donnée  la  première  représentation  iTAhi- 
diii  (de  NiGOLo),  la  partition  de  cet  ouvrage  contenant 
une  partie  importante  de  contrebasson. 

livuMANN  (1800-1830)  fabriqua  des  contrebasssons. 
Adleu  en  fabriqua  également. 

TiuEHEfiT  et  A.  iMabzoli  en  lirent  un  dont  on  se  sert 
depuis  1863  a  la  Société  des  concerts  du 
Conservatoire  de  Paris. 

MM.  EvETTE  et  ScHAEFFER  Construisirent 
un  contrebasson  en  bois  descendant  à  ïiil 
grave,  et  pourvu  de  quinze  clefs  moulées 
sui-  tiingles.  Ces  trous  sont  remplacés  par 
es  plateau.^   pour  éviter   un  trop  grand 
écarlemenl    des  doigts,    inconvénient 
des  anciens  instruments.  La  longueur 
de   ce   contrebasson,    de    même    que 
lui   de  Marzoli,  est  la  même  que  celle 
[les  anciens   contrebassons    (soit    un   peu 
lus  de  2  métrés).  Cet  instrument  appar- 
ent également  à  l'orchestre  de  la  .Société 
des  concerts  du  Conservatoire. 
Depuis  plusieurs  années,  en  Allemagne 
en  .Autriche,  pour  remédier  à  l'emploi 
instruments  trop  longs  et  peu  pratiques 
(peu    portatifs),   ou   fabiiqiie   des  contre- 
ssons  ayant  les  mêmes  dimensions  que 

bassons. 
M.  H.  Selmer,  facteur  à  Paris,  fabrique 
aussi  des  contrebassons  en  bois  du  même 
doigté  que  le  basson  et  moins  longs  que 
le  basson  ordinaire. 

MM.  EvETTE  et  ScHAEïïi'ER  en  consti'uiserit  tout  en 
métal  de  la  longueur  d'un 
basson  ordinaire  et  ayant 
le  même  doigté  (figure 
676). 


Fio.  670. 


FiG.  677. 


Fia.  07S. 


.M.  Mauti.n  Thibouville  en  a  construit  un  tout  en 
métal  (fig.  677). 

Il  y  a  aussi  le  contrebasson  du  facteur  Cerveny, 
de  Biiniggratz  (Autriche),  en  métal  ;  son  doigté  est 
tout  différent  du  basson  (fig.  678). 

A.    MoRTON,    facteur    à    Londres,   construisit    un 
contrebasson  en  bois,  il  prit  comme  mo- 
dèle  un   contrebasson   allemand    fabriqué 
par  HASE^'luset  dont  il  modifia  la  forme  en 
le    rendallt    moins   long    et   plus    portatif 
(1    m.   21)  de  haut).  Cet  instrument  a  été   (|, 
employé  dans  les  principau.v  théâtres   et   J 
concerts  de    Londres   et   dans   différentes   f 
musiques  militaires   (principalement  dans   ,'? 
la  garde).  J 

En  France,  Fontaine  Besson,  en  collabo-  ,|: 
ration  avec  Morton  (18901,  modifia  l'ins- 
trument de  ce  dernier  en  lui  faisant  donner 
le  si-  grave  (exactement  l'octave  du  bas- 
son), celui  A.  MoRToN  ne  s'arrètant  qu'à 
Vut  (ligure  679). 

En   Italie,   on   joue    le   contrebasson  en 
bois  au  théâtre  et  au  concert  de  Milan. 

Le  facteur  moderne  allemand  W.  Hecrel, 
de  Biebrich-sur-Khin,  fabrique  des  contre- 


bassons en  bois  et   d'autres   en  bois  éga- 


Fi&.  679. 


lement  avec  lé  pavillon  grave  en  métal. 

Ces  instruments  descendent  les   uns  au   do   et  les 

autres  au  si  h  grave. 


EMPLOI   DU    BASSON 

.Nous  croyons  qu'il  est  indispensable  d'étudier  ici 
d'une  façon  très  documentée  la  manière  d'employés 
le  basson,  soit  en  concertiste,  soit  à  l'orchestre. 

Indiquons  d'abord  l'étendue  de  l'instrument  dans 
ces  deu.x  cas  : 


1°  Etendue  à  l'orchestre; 


-  îf^ 


m 


2"  Etendue  du  basson  en  concertiste. 


m 


bo 


Emploi  (In  basson  s'i  l'orchestre. 

!I  y  a  deux  parties  distinctes  de  basson  à  l'orches- 
tre :  le  premier  basson  nu  soliste,  et  le  deuxième 
basson. 

Le  premier  emploie  toujoure  des  anches  plus  fortes 
que  le  deuxième,  à  cause  de  la  pai'tie  presque  tou- 
jours chantée  qu'il  doit  remplir,  et  pour  laquelle  il 
recherchera  une  sonorité  assez  forte  et  jolie,  de  façon 
à  se  mettre  en  dehors. 

Tout  différent  est  le  rôle  du  second  basson,  qui  se 
sert  d'anches  plus  faibles,  et  dont  la  sonorité  doit 
presque  toujours  être  effacée,  sa  partie  étant  consi- 
dérée  comme  remplissant  l'harmonie    wn  comme 


TEClINlnVE,  ESriIÊTInlE  ET  FÉDAGOGIE 


LE   BASSON    1S63 


iloublaiit  les  violoncelles  et  les  contrebasses.  C'est 
aussi  lui  qui,  le  plus  souvent,  donnera  la  basse  de 
riiarmonie;  ses  notes  graves  seront  employées  aussi 
iVéquetuMicnl  i|iie  le  pédalier  de  grand  orgue  pai- 
un  organiste. 

Employons  donc  toujours  le  premier  basson  au 
point  de  vue  expressif  et  le  second  basson  comme 
basse  du  quintette  à  vent  qui,  dans  l'orcbestre,  s'ap- 
pelle <■  l'Iiarmonie  »  (fliites,  bautbois,  clarinettes,  cors 
et  bassoMSI. 

Les  plus  gi'ands  auteurs  ont  généralement  em- 
ployé à  l'orcbeslre  deux  bassons:  néanmoins,  on  en 
rencontre  quelquefois  davantage  dans  plusieurs  œu- 
vres célèbres.  Citons  les  œuvres  de  WAr..NER,  où  il  y  a 
presque  toujours  trois  bassons,  et  le  Sifiunl  de 
lii;vKR,  ainsi  que  Salammbii  écrils  pour  quatre  bassons 
et  un  contrebasson. 

Dans  Wagmbr,  l'écriture  est  toujours  la  même  :  le 
premier  basson  jouant  tous  les  solos,  le  deuxième 
remplissant  l'harmonie  ou  renforçant  le  premier; 
et  le  troisième,  comme  nous  le  disons  plus  baut, 
toujours  employé  comme  basse  soutenant  l'harmu- 
nie,  ou  doublant  les  autres  basses  de  l'orchestre. 

Aucun  doute  n'est  donc  possible  :  le  deuxième 
basson  s'emploie  à  l'orchestre  comme  un  spécialiste 
des  notes  graves. 

Ecrivons-le  donc  en  employant  l'étendue  suivante  : 


m 


!;. 


Ensuite,  indiquons-lui   les  nuances  piano  avec  la 
gradation  suivante  : 

I"  Dans  le  pianissimo  (pp)  : 


m 


pp 

2"  Dans  le  piano  [p] 


Dans  le  mezzo-forte  [mf] 


^ 


W  1x3 

et  dans  \e  forte,  écrivons-le  indilTéi'emment  du  grave 
à  l'aigu. 

l'our  écrire  notre  premier  basson,  employons  le 
procédi''  contraire,  et  n'oublions  pas  que  les  anches 
fortes  ne  joueront  jamais  piano  dans  le  grave,  tan- 
dis que  l'aigu  soilira,  au  contraire,  avec  une  grande 
facilité. 

Ou  écrira  donc  pour  le  premier  basson  comme 
suit  : 

1"  Dans  le  forte  {f)  : 


ifû 


m 


2"  Dans  le  mezzo-forte  {mf]  : 


m 


l^^- 


:i°  Dans  le  piano  (p)  : 


^ 


\"  Dans  le  pianissimo  (pp)  : 


Nous  voilà  suffisamment  documeiilés  sur  l'étendue 
de  l'instrument  à  l'orchestre;  nous  étudierons  plus 
loin  l'emploi  du  basson  en  conceitiste. 

Le  ooiitrebassoii    à    roi-fheï*tre 
et  son  histoire. 

Ce  furent  le  grands  maîtres  allemands  qui,  les  pre- 
miers, employèrent  le  contrebasson  à  l'orchestre. 

Ce  fut  probablement  Haexdel  qui,  pour  la  pre- 
mière fois  fit  entrer  le  contrebasson  dans  son 
orchestration.  On  le  trouve  dans  VHi/mne  du  Cou- 
ronnement (17271. 

H.WDN  l'emploie  dans  ses  œuvres,  entre  autres,  dans 
/'(  Cn'alion,  et  en  1785,  Mozart  se  sert  du  contre- 
basson. 

Le  contrebasson  étant  voué  aux  elfets  puissants  et 
terribles,  le  maître  Beethove.n  l'emploie  dans  ses 
compositions  les  plus  grandioses,  dans  la  sympho- 
nie en  ul  (3")  et  dans  celle  avec  chœurs  (9=).  Ici, 
le  contrebasson  fait  entendre  sa  vois  lugubre  et 
caverneuse.  BEETHOVE^'  l'emploie  également  dans  sa 
fantaisie  orchestrale  La  Bataille  il*  Viloria  (1813), 
œuvre  écrite  en  l'honneur  du  célèbre  général  anglais 
lord  Wellington. 

11  le  fait  aussi  entrer  dans  la  composition  d'une 
marche  militaire  que  le  maître  écrivit  en  ISIO. 

Wehir  l'ail  également  entrer  le  contrebasson  dans 
son  orchestration. 

Me.ndelssohn  a  écrit  une  partie  de  contrebasson 
très  importante  et  obligée  dans  sa  symphonie  La 
liéfnnnation. 

Pendant  la  Kévolution  française,  il  fut  question, 
dans  un  projet  sur  le  Conservatoire  (1794),  de  créer 
une  classe  de  contrebasson  comprenant  un  profes- 
seur et  quatre  élèves,  mais  dans  la  suite,  cette  classe 
ne  fut  point  créée. 

En  Allemagne,  vers  la  lin  du  wiii"  siècle,  les  musi- 
ques militaires  comprenaient  aussi  des  contrebas- 
sous. 

En  France,  en  IS2j,  le  contrebasson  fut  également 
très  employé;  toutes  les  grandes  musiques  d'infan- 
terie et  celles  delà  garde  royale  en  avaient  deux  ou 
trois.  A  la  même  époque,  les  musiques  allemandes 
employaient  également  les  bassons,  conlrebassons 
el  aussi  des  cors-basse  ou  serpents  (quelquefois  ces 
trois  sortes  d'instruments  ensemble).  La  musique  de 
la  garde  prusienne  avait  deux  conirefagotli,  et  il  en 
était  de  même  en  Autriche,  pour  les  musiques  d'in- 
fanterie. Ces  instruments,  de  même  que  les  bassons, 
furent  en  usage  dans  les  musiques  militaires  jus(]u'à 


1564 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTION IV AIRE  DU  CONSERVATOIRE 


l'époque  (1846)  où  Sax  inventa  la  famille  des  saxo- 
phones et  saxhorns. 

Le  conlrehassoii  à  l'octave  inférieure  éUmt  à  l'u- 
nisson de  la  contrebasse  à  cordes,  le  coiilcebasson 
fut  généralement  plus  apprécié  en  Allemagne  que 

chezi'nous,  où  il  n'est 
guère  employé  qu'à  la 
Société  desconcei'ls  du 
Conservatoire  à  l'O- 
péra, et  dans  les  grands 
concerts,  malgré  le  bel 
elfet  qu'il  produis  dans 
les  œuvres  des  grand 
maîtres  tel  que  Beetho- 
ven, VViîi!Rn,  iMenuels- 
soHN,  etc.  Mais  aujour- 
d'hui, nous  paraissons 
revenir  au  système  ins- 
trumental qui  fui  en 
honneurs  aux  xvi=  et 
xvn«  siècles,  et  l'on  re- 
conslitue  les  familles 
sonores  qui  avaient  été 
abandonnées  depuis 
quoique  temps;  cer- 
tains instruments  peu 
em])loyés  depuis  chez 
nous,  tels  que  le  cor 
anglaise!  le  contiebas-, 
son,  viennenl  anjour- 
d'inii  eni'iciiir  et  com- 
pléter    les      ditféreiits 


FiG.  6S0. 


quatuors  d'instruments  à  vent,  et,  depuis  quelques 
années,  les  compositeurs  modernes  français  et 
étrangers  emploient  le  contrebasson  dans  leurs 
œuvres. 

Les  représenlalions  de  Salomc  du  compositeur  al- 
lemand Uichard  Strauss  données  à  l'Académie  natio- 
nale de  niusi(|ue  de  Paris  nous  ont  valu  d'entendre 
pour  la  première  fois  le  nouveau  contrebasson  de 
MM.  EvETTE  et  SciiAKFKER,  instrument  parlait,  d'une 
sonorité  merveilleuse  et  très  douce  dans  toute  l'é- 
tendue de  l'instrument.  Le  doigté  est  le  même  que 
pour  le  basson  français;  son  échelle  est  presque  de 
trois  octaves  (du  .si;,  grave  au  sol  aigu). 

Dans  sa  paititiou  de  SalointK  Richard  Strai'ss  a 
mis  cet  instrument  tout  à  fait  en  dehors,  en  lui  con- 
Manl  un  passage  en  solo,  qui  a  été  exécuté  à  l'Opéra 
d'une  faeon  remarquable  pai'  M.  Marcel  Couppas. 

Citons  les  piincipaux  compositeurs  ayant  fait  em- 
ploi du  contrebasson  :  MM.  Ambroise  Thomas,  dans 
Françoise  de  Rimini  (1882);  Verdi,  dans  Don  Ciirlos 
1(857);  Reyer,  dans  Sigurd  (1884),  Salammbô  (1890), 
etc.;  Saiint-Saëns,  dans  Henri  VIII  (1883),  Ascanio 
(1890);  les  Barbares,  les  Nuces  de  Prométkée  (1867), 
Etienne  Marcel^  (1879),  Samson  et  Dalila  (1877)  et 
autres  œuvres;  Massenet,  te  Cid  (188j),  Tliais  (1894), 
Esrlarmomle  (1889),  etc.;  Vidal,  Erlanger,  etauti'es 
ont  également  écrit  pour  le  contrebasson. 

Le  contrebasson  est  très  fréquemment  employé 
dans  la  symphonie  moderne,  et  plusieurs  composi- 
teurs ont  écrit  pour  lui  des  parties  très  importantes. 
Paul  Dukas,  dans  son  Apprenti  Sorcier,  lui  donna  une 
partie  obligée  où  il  joue  en  solo  : 


Richard  Strauss  l'emploie  également  en  solo  dans  sa  Salomé  et  dans  la  totalité  de  ses  œuvres,  de  même 
que  tous  les  symphonistes  modernes.  En  Allemagne,  le  contr'ebasson  est  également  très  en  usage. 
Voici  le  passage  de  Salomé  auquel  nous  faisons  allusion  plus  haut  : 

Plus  retenu  1  =80 


Solo 


CONTREBASSON 

(Effetune  octave 
au  dessous  .  ) 


CORS,  BASSON,, 


Emploi  dii  liasson  en  concertiste. 

Après  nous  être  bien  pénétrés  de  l'étendue  indi- 
quée p.  1562,  nous  allons  examiner  la  façon  d'eni- 

1.  Lorsque  cet  ouvrage;  fut  représenté  ù  Lyon  en  1879,  le  contre- 
basson manquant  en  province,  sa  partie  fut  jouée  par  un  sarruso- 
phone  cotilrel):is?e. 


ployer  le  basson  en  soliste,  soil  avec  piano  ou  avec 
orchestre,  soit  encore  avec  accompagnement  d'ins- 
truments divers. 

Ici,  aucune  règle  ne  viendra  nous  gêner  pour  l'é- 
lendue  de  l'instrument  comparativement  aux  nuan- 
ces, le  virtuose  bassoniste  employant  toujours  des 
anches  très  fortes  qui  produisent  un  joli  son,  bien  en 
dehors. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   BASSON    1565 


Doni-,  d.iiis  le  solo,  liberté  absolue,  à  pari  une 
Iéf;èi'e  exception  (|ue  nous  allons  citer  el  qui  intéresse 
retendue  de  l'inslrument. 


D.-ins   l'aigu,   u    partir    du   i/o  j  : 


*f^ 


ne  pas  écrire  les  noies  suivantes  attaquées,  c'esl-à- 
dire  avec  un  coup  de  langue  sur  chaque  note  : 


Mauvais 
écrire  au  contraire  ces  notes  en  les  liant  : 


Ensuite,  ne  point  les  employer  dans  des  I rails  en 
notes  vives  : 

Allegro 


JiauTa-.5 


Andanlc 


Bon 


Il  csl  entendu  que  ces  notes  ne  s'emploieront  que' 
rarement  dans  des  elTels  spéciaux,  et  toujours  en 
intervalles  chromatiques  ascendants  ou  descen- 
dants, en  commençant  à  partir  du  doi  et  avec  les 
deux  nuances  forte  ou  mczzo-forle  : 


^oij  mf  BoTi 


è 


ppp 


Uauvats 

Un  seul  point  concorde  avec  l'emploi  à  l'orches- 
tre :  c'est  que  l'on  n'écrira  jamais  y;ù(ii('ss/mo  dans  le 
grave;  on  se  conformera  donc  pour  le  grave  à  ce  que 
nous  avons  dit  pour  le  basson  à  l'orchestre. 

Il  y  a,  dans  l'ouverture  du  Tnnnhàuii'r ,  un  passage 
bien  curieux  dans  la  partie  de  premier  basson,  et  dont 
l'exécution  est  presque  impossible  :  Wa^'-ner  emploie 
dans  ce  passage  un  mi  aigu  directement  atlaqué,  et 
suivi  du  mi  à  l'octave  inférieure  : 


T^^ 


C'est  là  une  exception  extraordinaire,  et  nous 
nous  demandons  quelle  pouvait  bien  être  la  pensée 
de  l'auteur  au  moment  où  il  écrivait  ces  quelques 
mesures!  Ce  trait,  dans  tous  les  cas,  est  presque 
inexécutable,  surtout  lorsqu'on  le  joue  avec  des 
anches  d'orcheslre. 


1?  BASSON  (solo) 


Dans  les  grands  concerts,  où  la  partie  de  premier 
est  doublée  par  un  ripieno,  il  est  possible  d'en  donner 
une  exécution  à  peu  près  parfaite.  Voici  de  quelle 
manière  : 


-BASSOJV(npien" 


De  la  respii-ntioii. 

Il  faut  avoir  une  poitrine  assez  fortement  consti- 
tuée pour  jouer  du  basson,  les  notes  graves  étant 
surtout  très  fatigantes  à  tenir.  Aussi,  à  l'orclieslre, 
bien  souvent,  on  se  voit  obligé  de  se  diviser  les  trop 
longues  tenues  qu'un  auteur  insouciant  a  cru  d'  voir 
indiquer  dans  son  œuvre. 

Les  compositeurs,  [lourtant,  devraient  y  veiller;  ce 
n'est  pas  en  prescrivant  des  tenues  inlerminaldis 
qu'ils  obtiendront  de  bons  elfets. 

11  devrait  leur  suffire,  au  contraire,  d'arranger  un 

Noti;  Ki'ave  :  deux  lionnes 
0^12         mesures  sans  ri;spirer. 


iliaque  assurée  parlopréparîbon 


.  peu   leurs  parties  de  basson,  de  lac  ou  à  ne  pas  les 
I  rendre  épuisantes  :  l'exécution  en  di'viendi'ait  bien 
meilleure. 

Donnons  la  juste  mesure  de  la  respiration  pour  le 
basson  : 

Prenons  un  mouvement  lent  quelconque  don- 
nant, par  exemple,  du  72  à  la  noire  au  métronome 

J  =  72). 

Partons  de  ce  point,  et  commençons  par  dresser  le 
tabb'au  exact  de  la  respiration,  «mi  (lartant  de  la  note 
la  plus  grave  pour  aboutir  à  la  [dus  aigué  (style  d'or- 
chesirej  : 

Note  aigue  :  iroismesurcs  '/^  sans  respirer 


')<-       I      I      X-  -  Il  IN--       I        I       t^^^E^ 


\>'0  [)0 


br 


I56(i 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIO.VNAJHE  DU  CONSERVATOIRE 


Comme  on  le  voit  par  l'exemple  ci-dessus,  il  esl 
plus  pénible  au  bassoniste  Je  tenir  une  note  grave 
qu'une  note  aiguë.  On  pourra  se  servir  de  notre 
tableau  pour  en  tirer  une  gradation  exacte  du  souftle, 
en  commençant  par  le  siii  grave,  et  en  augmentaui 
successivement  la  tenuo  des  notes  jusqu'au  point 
extrême  [do  i  aigu). 


1^  BASSON 


2'^'BASSON 


^^ 


f  ^- 


W^ 


11  existe  à  l'orchestre  un  moyen  de  donner  l'illu- 
sion d'une  tenue  de  basson  interminable  :  il  suffit 
simplement  de  faire  participer  le  premier  basson 
et  le  second  à  la  même  tenue,  au  moyen  d'un  relai 
intelligemment  ordonné  (il  en  est  de  même  pour 
tous  les  instruments  à  vent)  : 

J'<f 


^ 


t 


-<== 


^^ 


f^ 


etc. 


/"=/ 


Pour  tout  ce  qui  est  en  dehors  des  tenues,  détaché, 
arpèges,  gammes,  etc..  on  se  conformera,  en  ce  qui 
concerne  la  durée  d'une  respiration,  au  même  prin- 
cipe et  au  même  nombre  de  mesures,  comme  nous 
l'avons  indiqué  plus  haut. 

En  consultant  la  fin  de  la  Symphonie  pastorale,  on 
verra  que  Bkethove.n,  lui-même,  n'avait  pas  toujours 
réglé  la  dose  de  respiration  pour  ses  inslriiments  à 
vent  (voyez  plus  loin). 


I.cs  iiilorvnlles. 


Nous  ne  parleions  ici  que  des  intervalles  commen- 
çant à  partir  de  la  tierce,  et  nous  réserverons  les 
autres  plus  petits  pour  notre  élude  sur  les  trilles. 

Eu  général,  du  moment  que  l'on  emploie  le  basson 
en  staccato',  les  intervalles  les  plus  écartés  lui  sont 
permis,  à  part  les  quelques  petites  exceptions  que 
imos  mentionnons  sur  le  tableau  ci-arpès  : 


■Ne  pas  employer  avec  des  valeurs  trop  pelites  ou  des  mouvement*  trop  vil': 


feS 


>     ,  '^  Simili  T 


La  difficulté  s'accroit  dans  les  combinaisons  en  notes  liées,  et  plus  les  intervalles  sont  écartés,  plus  dif- 
ficile est  l'émission  du  son.  On  évitera  ici  d'employer  des  nuances  par  Irop  p/aiio,  de  façon  à  favoriser 
l'exécutant. 

Nous  donnons  ci-dessous  un  laljleau  des  intervalles  qu'il  ne  faudra  employer  qu'avec  réserve  : 

jSe  ps5  employer  autrement  ij^ue  dans  des  mouvements  lents  . 

^.r^i  mC^L>^  , ,  Il ^.^^ 


jO  itJv  \i. 


Il  n'y  a  vraiment  que  dans  les  solos,  ou  que  dans 
les  concertos  de  basson,  que  l'on  exécute  exactenienl 
les  liaisons  marquées  par  l'auteur.  Lorsque,  à  l'or- 
chestie,  on  rencontre  des  liaisons  difficiles  à  rendre, 
cette  difficulté  est  surmontée  en  les  supprimant  tout 
simplement,  et  en  remplaçant  ces  liaisons  par  un 
coup  de  langue  dans  le  son;  s'il  est  adroitement 
donné,  il  offrira  l'illusion  de  la  plus  parfaite  liaison. 

Le  «Ictaelic. 

Après  la  sonorité,  le  détaché  est  une  des  ]ilus 
grandes  qualités  que  puisse  avoir  un  bassoniste. 
Aussi,  tenons-nous  à  en  parler  ici,  en  déterminant  ses 
ell'els  et  la  manière  de  l'employer  sans  abus. 

Le  viituose  qui  détache  liien  exercera  toujours  sur 


1.  Voj'//.  ci-di.-'^^oiis  détache 


le  public  un  grand  attrait,  même  (comme  il  est  forcé 
de  le  faire  parfois)  s'il  interprète  un  morceau  de  mau- 
vaise musique  ! 

La  syllabe  ^u,  prononcée  autant  de  fois  qu'il  y  a 
de  notes,  donne  une  idée  de  ce  qu'il  faut  faire,  dans 
l'embouchure  de  l'instrument,  pour  exécuter  un 
Irait  en  détaché  : 


4      #«»#      «tf«9       ^   0    a>  t» 


fWv- 


lu.lu  ,lu,l»j,  etc. 


Il  existe  une  foule  de  mauvais  morceaux  pour 
basson  :  transcriptions  de  la  Nonna,  pot-pourri  sur 
Hvjolcllo ;  il  y  a  même  en  vente  chez  un  éditeur  de 
Liège  un  morceau  intitulé  Mélange  de  ileyvrbeer  el 
dont  la  lecture  produit  toujours  une  iirande  sensa- 
tion d'hilarité  1   Lt  pourtani,  ces  morceaux  ont  été 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    BASSON    15G7 


liieii  lies  fois  Joués  avec  un  certain  succès,  grâce  aux 
délachés  dont  ils  sont  remplis.  Vers  1830  siirtoul,  les 
vocalises  et  airs  variés  se  trouvèrent  fort  en  honneur. 

Il  ne  faut  pas  abuser  de  ce  précieux  auxiliaire  ; 
nous  allons  du  reste  donner  quelques  conseils  rela- 
tifs à  son  emploi  à  l'oichestre  ou  dans  les  solos. 

1"  Dans  un  mouvement  vif,  il    ne  faut  pas  écrire 


pendant  louf^lemps  des  traits  en  détaché,  car,  au 
bout  de  quelques  noies,  la  lanj^ue  ^e  fatigue  et  l'exé- 
cution devienl  impossible.  Dans  ce  cas,  on  atténue 
la  difficulté  en  mettant  une  liaison  sur  deux  ou  plu- 
sieurs notes;  la  langue  se  repose  pendant  la  liaison, 
et  peut  reprendre  ensuite  la  fin  du  trait  sans  en  rien 
gâter.  Exemple  ; 

-|-Bepos 


M,.-       ^iim3-u:^i^vii^ 


2"  Dans  les  notes  graves  au-dessous  du  mi  : 


il  ne  faudra  pas  écrire  du  détaché  dans  un    mouve- 
ment trop  vif. 

H"  Dans  les    tons   follement  diésés  ou    bémolisés, 
on  tienilra  compte  de  la  même  observation  que  dans 


le  ,^  2",  tout  en  l'appliquant  il  toute  l'étendue  de 
l'instrument. 

Beethoven  a  merveilleusement  employé  les  notes- 
piquées  dans  son  ouverture  àeLiionore,  n"  3. 

C'est  un  peu  après  la  deuxième  sonnerie  de  la 
trompette  dans  la  coulisse  que  revient  à  l'orchestre 
le  thème  principal  de  l'ouverture,  présenté  en  sol 
majeur  à  la  première  (lùte,  avec  de  petites  vaiia- 
tions,  et  souligné  par  quelques  touc/ies  '  de  basson, 
finissant  par  une  gamme  eu  détaché  : 


FLUTE 


BASSON 


fete^^^i^ 


9TJATU0IL<Î 


^^ 


^m^ 


^, 


ê 


"^ 


i£: 


^^ 


-»'^ 


W 


~^r 


\^ 


Les  arpèges. 

A  rencontre  de  ce  qui  se  produit  pour  la  clarinette, 
le  basson  ne  se  prête  pas  aisément  à  l'exécution 
d'arpèges  compliqués;  néanmoins,  on  peut  lui  en 
confier  quelques-uus,  en  ayant  soin  d'ohseiver  les 
conseils  donnés  ci-dessous  : 

Dans  les  tons  ne  renfermant  pas  trop  d'altérations, 
on  pourra  écrire  des  arpèges  sous  difTérentes  formes, 
à  condition  que  le  mouvement  ne  soit  point  trop  vif. 
Plus  il  y  aura  d'altérations,  moins  on  emploiera 
de  tiaits  rapides,  que  cela  soit  en  lié  ou  en  détaché. 


BASSON 


ORCHESTRE 


î.e  tJ'ille. 

Sur  notre  insirument,  le  trille  peut  bien  s'employer 
ave''  facilité,  et  son  ell'et  peut  donner  à  une  œuvre 
orchestrale  nn  cachet  aussi  joli  qu'imprévu. 

Au  point  de  vue  du  basson  pris  en  concerliste,  le 
trille  se  trouve  fort  souvent  employé  ;  on  eu  remar- 
que même  un  abus  dans  nombre  de  morceaux  plus 
ou  moins  intéressants. 

Deblssy  en  a  doimé  un  curieux  exemple  dans  son 
l'riHude  à  l'après-midi  d'un  faune;  et  beaucoup  d'au- 
teuis modernes  l'onl  égalementemployé  avec  succès  ; 

ir 


^^sS 


m^ 


i 


1.  Dans  le  langage  d'orchestre,  on  appelle  louche  uu  petil  fragment  <.!■-■  trait  venant  se  poser  sous  un  .lUlre  et  le  soulignant  spirituellcn-ent. 


1568 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOSNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Qu'il  nous  siillise  de  donner  ci-dessous  deux  tableaux  renfermant  les  trilles  défendus  et  ceux  que  l'on  ne 
devra  employer  qu'avec  précaution  : 


TaWeau  des  trilles  impraticatles  . 


m 


riez. 


-trir 


:±ez 


\xs        |?TT  B  1 


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Trilles  peu  usités  

[  mais  possibles   dans  les  mouvements  lents  , 


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Les  notes  à  «lonble  doi{!;lé. 

Qui  pourrait  se  figurer  que  le  basson,  comme  le  cor, 
a  ses  notes  bouchées  et  ses  notes  claires?  Cela  pour- 
tant existe,  et  nous  pensons  qu'il  est  bon  de  parler 
ici  de  ces  deux  soi}orités  qui,  malheureusement, 
nexislent  que  pour  quelques  notes  de  l'instrumenl. 
Au  point  de  vue  de  la  poésie  orchestrale,  il  serait 
curieux  pour  un  compositeur  d'employer  ces  deux 
couleurs  dans  un  passage  qunlconque  de  solo;  nous 
allons  donc  parler  un  peu  de  la  manière  de  se  servir 
des  notes  à  double  doigté. 

Le  bassoniste  emploie  toujours  pour  cerlaines 
notes  deux  manières  de  combinaison  de  clefs.  La 
première,  appelée  manuT''  e.ciirp^sive,  consiste  à 
prendre  un  doigté  donnant  le  plus  joli  son  à  l'iristru- 
raent;  la  deuxième,  au  cnnlraii'e,  s'emploie  loujours 
dans  la  virtuosité,  et  con>isle  à  prendre  le  doigté  le 
plus  simple  et  le  plus  facile  :  c'est  la  manière  pra- 
tique. 

Plusieurs  notes  de  l'instrument  ont  donc  deux 
sonorités,  résultat  des  deux  comidnaisons  que  nous 
venons  d'expliquer.  Kous  exposons  ci-dessous,  en  un 
petit  tableau,  le  caractère  et  la  sonorité  de  ces  notes  : 


1°  Les   deux    sif 


^= 


peuvent  donner  deux  sonorilés  :  la  première,  très 
belle  et  sonore;  la  deuxième,  1res  sourde,  en  prenant 
le  doigté  de  la  fourche. 


Le   fa  if   : 


^ 


pris    avec    le   doigté 


normal,  aura  un  son  assez  Joli  et  un  peu  brutal;  en 
prenant  le  doigté  d'éclm,  on  obtiendra  une  sonorité 
lointaine  et  faible. 


3°  Le  réfci,  assez    sourd 


^ 


se     fera 


toujours  avec  un  seul  doigté;  néanmoins,  si  l'on  veut 
lui  donner  une  grande  force,  on  indiquera  au  bas- 
soniste de  preildre  la  clef  de  la'p  eu  plus  du  doigté 
ordinaire. 


4°  La  même  combinaison  pour  le  mi[j  : 


pour  lequel  on  prendra  la  clef  de  ini^i  grave,  afin  de 
donner  un  son  plus  fort. 


0°  Le  mi  t)  : 


y. 


est  la  note  dont  on  se 


sert  le  plus  en  employant  deux  doigtés  :  le  premier, 
appelé  fourche,  aura  un  son  très  joli  et  expressif,  tel 
celui  du  violoncelle;  le  second,  qui  s'obtient  avec 
deux  doigts  seulement,  donnera  un  son  grêle  et  non 
exempt  de  mélancolie. 


3'   Le  sol»  aigu       h- 


est  employé  sur 


basson  au  moyen  d'une  foule  de  doigtés.  Qu'il  nous 
sul'lîse  de  dire  que  le  son  naturel  est  très  foi't,  un  peu 
violent  même,  et  que  le  son  piano  pourra  s'obtenir 
en  chanseant  le  doigté  de  difl'érentes  manières. 

Terminons  ces  quelques  considérations  en  disant 
que  les  doubles  doigtés  pourraient  doimer  des  ell'els 
intéressants  de  sonorité,  à  condition  de  ne  les  em- 
ployer que  dans  des  notes  tenues. 

Le  coup  de  Iaii$;ne. 

Très  usité  par  les  instruments  en  cuivre,  le  coup 
de  langue  peut  cependant  s'appliquer  au  basson  et 
produire  de  curieux  effets,  h  condition  de  n'être 
employé  que  rarement,  et  seulement  sur  quelques 
notes  de  l'instrument,  du  si  n  au  sii^  aigu  : 


m 


9«= 


On  arrive  ainsi  à  faire  du  détaché  avec  des  notes 
très  brèves  et  des  mouvements  très  vifs. 

Comme  exemple,  voici  un  passage  de  la  transcr-ip- 
tion  pour  le  basson  de  la  Sonate  de  Grieo  en  la 
mineur  (pour  violoncelle  et  piano)  : 


TECIIXlnUE.  ESTIlÈTIQUIi  ET  l'ÉllAGOCIE 


LE  BASSON    156!) 


Cl»  IVafîiiifnt  serait  d'un  rendu  impossible,  étniit 
ddiiiié  le  moiiveinent  Irop  rapide  (nllcfiro  ngiîatn).  On 
résout  la  diriicullé  à  l'aiile  du  coup  de  langue,  et  au 
moyen  de  l'accentuai  ion  suivante,  qui,  nous  l'avons 


dit  déjà,  ressemble  à  celle  employée  à  tout  moment 
par  les  instruments  en  cuivre,  les  pistons  et  les  trom- 
pettes principalement  : 


L^ 


lieux  notes 
detacKees 


Une  Tiotfe  de 
gorge. 


Ce  passage  s'exécutera  donc  ainsi 


Ce  (juifait  exacleincnt  ,  au 
point  de  vue  de  1  exécirbon: 


tu        iuL 

c L 


deuxdéiac^ié^ï 
aimples 


___r 

un  détache 
artificiel 

avec  la  gorg^e 


i^^m  ^^^U 


tu  lu  ^u      tu  tu  ku     lu  lu.  \n 


liésumons-nous  en  disant  que  le  basson  possède 
à  présent  une  manière  spéciale  pour  faire  les  notes 
piquées  dans  un  mouvement  très  vif,  à  condition  que 
ces  notes  soient  écrites  on  l'ytlime  ternaire,  de  façon 
à  favoriser  la  combinaison  d'exécution  et  de  coup  de 
langue  que  nous  venons  de  décrire. 

SAiNT-SAhiNs,  dans  PAaé/0)i,  a  écrit  pour  le  premier 
basson  une  partie  en  détaché  qu'il  est  impossible 
d'exécuter  sans  l'emploi  du  détaché  artificiel;  en 
Allemagne,  Kichard  Strauss  a  écrit,  dans  son  Don 
Quichotte,  des  parties  de  hautbois  et  de  clarinette  qui, 
toujours  au  moyen  du  même  procédé,  arrivent  à 
imiter  le  bêlement  des  brebis  ! 

Les  iiiiancos  iiievéenlables. 

«  Trop  fort,  les  bassons,  trop  foi't  !  •< 

Quiconque  assisterait  à  une  répétition  des  grands 
concerts  entendrait  fréquemment  le  chef  d'orchestre 
employer  celte  expression  à  l'égard  des  pauvres  mu- 
siciens qui,  parfois,  n'en  peuvent  mais! 

Il  est  difficile  de  jouer  pianissino  sur  un  basson, 
et  les  auteurs  modernes  ne  paraissent  nullement  se 
préoccuper  de  la  sonorité  ou  de  la  puissance  d'un 
instrument.  L^s  jeunes  compositeurs  ont  du  talent, 
ils  travaillent  leur  technique,  mais  ne  se  soucient 
guère  de  connaitre  à  fond  les  instruments  à  vent; 
quelques  études  sur  leur  étendue  et  sur  les  doigtés 
défeiiiiPux  leur  suflisenl  pour  se  lancerde  suite  dans 
le  domaine  de  la  symphonie  et  de  l'opéra  ! 

Faut-il  les  blâmer?  Non,  puisque  les  plus  granils 
maîtres  de  notre  époque  leur  donnent  l'exemple  de 
compositions  qui,  pour  être  admirables,  ne  laissent 
pas  que  d'être  insuflisamment  réglées  au  point  de 
vue  de  la  connaissance  de  la  sonorité  des  instru- 
ments. 

Ouvrez  donc  la  partition  de  ]a.  Si/mphonie  pathétique 
de  TcHAiKOvsKY,  et  observez  la  nuance  indiquée  au 
premier  basson,  à  la  dernière  mesure  de  la  page  36. 
Savez-vous  comment  s'y  prend  le  pauvre  soliste 
pour  exécuter  ce  passage?  Non,  n'est-ce  pas?...  Eh 
bien,  apprene/.  que  l'obligation  de  rendre  la  nuance 
écrite  le  met  dans  la  nécessité  d'intioduire  dans  son 
pavillon'  un  lanipon  de  ouate  qui,  en  donnant  au 
basson  un  son  dénaturé,  lui  enlève  presque  toute  sa 
sonorité  et  favorise  la  nuance  indiquée  :  ppppppp! 


1.  Cette  sourdinu  n'a  6té  employée  que  |iar  quelques  bassonistes 
éjirouvant  de  la  difficulté  à  jouer  pianissimo  dans  le  grave. 

Copyright  by  Liltrairie  Delagrave.  lO'^G.  _„ 


CLARINETTE 


BASSON 


^^^^ 


m^à 


PPPPF 


Du  reste,  à  parler  franchement,  tout  en  reconnais- 
sant comme  chef-d'œuvre  la  Si/mphonie  paliiéli^iw, 
nous  sommes  forcé  de  convenir  que  ce  passage  est 
tout  simplement  mal  orchestré  :  il  y  a  dans  l'orches- 
tre un  instrument  grave  qui  aurait  très  bien  pu  con- 
tinuer ce  dessin  de  la  clarinette,  tout  en  produisant 
une  sonorité  parfaite  et  un  très  fjrand  piaiiissino, 
c'est  la  clarinette-basse. 

Dans  Liszt  aussi,  on  rencontre  des  nuances  impos- 
sibles, et  la  première  partie  de  Faust-Symphonie 
oblige  encore  le  pauvre  basson  à  employer  sa  sour- 
dine! 

La  sonorité» 

La  plus  grande  partie  des  mélomanes  ne  se  doute 
pas  de  ce  que  donne  exactement  la  vérilablo  sonorité 
de  notre  instrument. 

l'ne  fausse  tradition  lui  a  toujours  prêté  un  timbre 
très  guilleret,  grotesque  même,  jusqu'à  l'excès!  Ll 
cela  tient  à  ce  que  le  basson  ne  peut  èlre  véritable- 
ment joué  que  par  de  vrais  artistes,  et  non  pai'  des 
amateurs;  l'élude  du  son  demandant,  par  elle-même 
un  temps  considérable. 

Un  instrumentiste  inexpérimenté  jouera  presque- 
toujours  un  quart  de  ton  trop  bas;  de  plus,  il  ne 
pourra  souftler  que  dans  des  anches  très  faibles,  qui 
donneront  une  sonorité  comparable  à  celle  d'un 
mirliton;  aussi,  de  suite,  le  public  portera-t-il  sur 
notre  instrument  un  mauvais  jugement. 

Un  a  dit  aussi  que  les  notes  aii/uvs  du  basson 
étaient  «  maigres  »  et  <i  souffreteuses  ..,  alors  que  le 
'jravc  avait  une  sonorité  «  pleine  »,  toute  pontifi- 
cale! Vérilablement,  il  ne  doit  pas  y  avoir  de  ditfé- 
rence  entre  le  grave  et  l'aigu;  celui  qui  sait  jouer 
de  son  instrument  aura  les  mêmes  sons  en  haut  et 
en  bas. 

Le  public  des  grands  centres  artistiques  est  véri- 
tablement le  seul  qui  entende  jouer  réellement  du 

99 


1570 


ENCYC.LOFÈDIE  DE  LA  MUSIQI'E  ET  nrCTrOX.VAfRE  OU  COySERVATOIRE 


basson.  Celui-là  commence  à  comprendre  quel  admi- 
rable rôle  lui  est  donné  dans  les  plras  grandes  œu- 
vres classiques  et  modernes,  et  combien  ce  rôle  n'a 
absolument  rien  qui  tienne  du  "  grotesque  ». 

Nous  croyons  avoir  suflisamment  docunienté  les 
jeunes  compositeurs  pour  pouvoir  terminer  ici  notre 
étude  sur  «  la  manière  d'employer  le  basson  ».  Une 
seule  cbose  est  belle  dans  l'instrument,  c'est  avant 
tout  lasonor/,<é  .■  sonoiité  si  diflicile  à  obtenir  pour  les 
jeunes  bassonistes,  et  si  délicate  à  employer  pour  les 
jeunes  auteurs. 

Les  jolis  sons  de  basson  sont  rares;  ils  font  prime 
autant  que  les  stradivarius  des  violonisles,  avec  cette 
différence  que  c'est  l'Instrumentiste'  qui  fait  le  son, 
et  non  le  luthier! 

Une  vieille  coutume  nous  a  appris  pendant  notre 
jeunesse  à  juger  le  basson  comme  un  instrument 
bouffon,  et  beaucoup  de  compositeurs  sont  persua- 
dés qu'il  est  impossible  de  l'employer  autrement! 
Comme  ils  se  trompent!  Noire  instrument  est  bien 
digne  de  figurer  à  l'orchestre  comme  le  ><  violoncelle 
de  l'harmonie  ".  11  peut  être  pathéticpie  ou  aimable, 
brillant  on  triste;  il  peut  donner  à  la  l'ois  la  pédale  de 
l'orgue  on  le  détaché  de  la  Uùle!  Que  dire  de  plus? 
Eh  bien!  nous  dirons  qu'aux  futurs  compositeurs, 
ia lecture  de  ce  qui  précède  donnera  une  assurance 
considérable;  et  l'analyse  des  traits  célèbres,  que 
nous  allons  donner  ci-après,  sera  certainement  pour 
eux  le  guide  le  plus  précieux  qu'ils  puissent  trouver. 
M.  Castil-Rla/.e  a  écrit  sur  le  basson  un  très  inté- 
ressant article  dans  le  IhcHonnaire  de  comei-salion . 
Les  qualités  expressives  de  l'instrument  y  sont  dé- 
eiiles  de  charmante  façon. 

N'oublions  pas  que  Haydn  jouait  du  basso.n,  et  que 
le  grand-père  de  Himsky-Korsakoi  f  était  bassoniste 
à  l'orchestre  du  Conservatoire  de  Saint-Pétershouig! 


LE   BASSON   A   L  ORCHESTRE 

Quel  est  le  compositeur  qui,  pour  la  première  fois, 
employa  le  basson  à  l'orchestre? 

Question  bien  difficile  à  résoudre  exactement! 

D'après  plusieurs  auteurs,  il  paraîtrait  que  ce  fut 
Caubert  qui,  en  167 1 ,  l'introduisit  dans  l'orchestration 
de  son  opéra  Pomnne. 

Nous  nous  permettrons  de  quitter  un  instant  le 
sujet  principal  de  cet  article,  pour  remettre  au  point 
quelques  malentendus  que  cet  opéra  a  trop  souvent 
suscités. 

1°  Contrairement  à  l'opinion  de  plusieurs  auteurs, 
Pomnne  est  bien  le  premier  opéra  de  Cambert,  et  il 
ne  reste  qu'un  seul  exemplaire  imprimé  de  cette 
œuvre  à  la  Bibliothèque  Nationale;  c'est  un  petit 
livre  ne  contenant  que  le  chant,  les  paroles  et  quel- 
quefois une  basse  chiflTrée. 

Au  Conservatoire,  nous  trouvons  seulement  la 
copie  d'un  acte  de  cet  opéra;  mais  le  manuscrit  est 
plus  complet  et  renferme  quelques  pages  d'orches- 
tration'-. 

2°  Dans  la  préface  de  sa  méthode  de  basson,  Jan- 
couttT  nous  dit  :  «  Il  était  le  seul,  avec  la  fli"ite,  des 
instruments  en  bois  en  usage  dans  les  orchestres.  » 

Or,  nous  trouvons  à  la  page  23  de  Pomone  l'indi- 


1.  Voyez  chapiire  sur  les  anclies. 

2.  Rappelons  toutefois  que  Pomone  fut  précédée  de  deux  ouvrages 
lyriques  de  Gambebt,  la  Pastorale  d'isxy  (163!!),  et  la  eomédie  en 
musique  A'Âruine  rt  Eacchus  (même  aunco).  (N.  U.  L.  D.) 


cation  suivante  :  «  Bergers  et  hautbois  entrent  sur  le 
théâtre,  »  el,  à  la  page  26,  une  indication  d'orches- 
tration :  «  Violons  et  hautbois.  » 
Il  y  avait  donc  des  hautbois  dans  Pomone. 
Dans  les  quelques  pages  d'orchestralion  que  nous 
avons  trouvées,  il  n'est  pas  fait  mention  de  la  partie 
de  basson;  on  ne  peut  donc  donner  une  affirmation 
exacte. 

Poursnivons  nos  recherches  et  voyons  quel  est 
l'auteur  qui,  immédiatement,  succéda  à  Camrert  : 
Nous  trouvons  le  grand  Lully. 
Il  est  indiscutable  que  ses  œuvres  renferment  pour 
la  plupart  une  partie  de  basson.  D'après  Lavoix-, 
Lully  faisait  toujours  orchestrer  ses  œuvres  par  ses 
musiciens,  et  il  est  probable  que  ce  fut  l'un  d'eux 
qui,  pour  la  première  fois,  eut  l'idée  d'employer 
notre  instrument  dans  l'orchestration. 

Le  basson,  en  ce  temps-là,  avait  seulement  trois 
clefs  :  celles  de  si'r,  ré  et  fa  graves;  malgré  sa  grande 
imperfection,  plusieurs  virtuoses  s'étaient  déjà  dis- 
lingués;  citons  parmi  ceux-là:  Jadin,  Schubart  et 
RiTTER  (dont  les  biographies  n'ont  pu  être  retrouvées 
pour  le  chapitre  consacré  aux  virtuoses  du  basson). 
Le  nombre  des  bassons  employés  à  l'orchestre  fut 
presque  toujours  de  deux  et  plus  tard  de  quatre. 

Gluck,  Haydn,  Mozart  et  Beethoven  en  employèrent 
toujours  deux;  ces  deux  derniers  auteurs  ajoutèrent 
parfois  un  contrebassou  dans  leurs  œuvres  capi- 
tales. 

Mendelssohn,  Schumann,  Schubert,  écrivirent  pour 
deux  bassons. 

Verdi,  dans  ses  opéras,  en  employa  également 
deux,  et  Meyerbeer  presque  toujours  quatre. 

Quant  à  Wagner,  il  fut  le  véritable  novateur  de 
l'orchestration  à  /ro/s  bassons;  sa  manière  d'instru- 
menter se  trouva  suivie  par  presque  Ions  les  auteurs 
modernes. 

Pourtant,  il  est  très  curieux  de  parler  de  deux 
exceptions  extraordinaires  retrouvées  dans  l'orches- 
tration de  deux  œuvres,  l'une  de  Catel  et  l'autre  de 
Lesl'elir. 

1°  Nous  trouvons  une  Ouverture  composée  par  le 
"  citoyen  Catel  h  en  1794,  et  comportant  dans  son 
orchestration  : 

'i-  premiers  bassons; 
4  deuxièmes  bassons; 
4  serpents. 

2"  Dans  la  copie  d'un  Humnc  patriotique,  musique 
du  «  citoyen  Lesueur  »,  pour  le  concert  donné  par 
l'Institut  National  de  musique,  le  17  brumaire,  an  III 
de  la  République,  nous  trouvons  dans  forchestre  : 
6  bassons  d'accompagnement  ; 
10  bassons  de  chœurs; 
:i  serpents. 

En  1795',  l'Institut,  considéré  sous  le  rapport 
d'exécution  dans  les  fêtes  publiques,  forme  un  or- 
chestre composé  au  minimum  de  100  musiciens, 
instruments  à  vent,  parmi  lesquels  nous  trouvons 
18  bassons  et  4  contrebassons! 

Ce  sont  là,  du  reste,  de  très  rares  exceptions  qui 
ne  furent  pas  suivies,  car,  actuellement,  bon  nombre 
de  théâtres  n'emploient  même  plus  les  deux  bassons 
obligés;  un  seul  leur  sul'fil,  pour  raison  d'économie. 
Quant  aux  music  hall's  et  aux  petits  théâtres,  la 
présence  de  trois  trombones  leur  paraît  autrement 

2.  Lavoïx,  Histoire  de  la  ynusigue.  Voir  aussi  les  ouvrages  plus 
récents  de  M.  Pruniéres  (Lully)  et  de  M.  de  la  Laurencie  (Lully). 

3.  l>«c»nienls  puisés  dans  le  livre  de  H.  Constant  Pif.rbb  sur  le 
ConserL'atotre. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   BASSON    1571 


nécessaire  que  celle  de  deux  bassons;  seuls,  nos 
f'pands  cenlies  artistiques  en  emploient  toujours  le 
nombre  imposé  par  les  auteurs. 

Nous  donnons  ici  quelques  exemples  de  l'emploi  du 
basson  à  l'orchestre  depuis  IIaydm  jusqu'à  nos  jours. 

Le  basson  daus  les  œuvres  de  Haydn. 

1,'orcheslratioii  des  célèbres  symphonies  de  Haydn 
renferme  une  foule  de  solos  pour  le  basson. 


Le  côté  aimable  et  sautillant  de  notre  inslrument 
se  trouve  toujours  mis  en  valeur,  et  il  n'est  pas  rare 
de  voir  le  basson  doubler  à  l'octave  grave  la  partie 
des  premiers  violons. 

C'était  là,  en  effet,  une  habitude  chez  le  mailre  qae 
de  se  servir  du  basson  pour  mettre  en  relief  un  mo- 
tif quelconque;  aussi,  beaucoup  d'auteuis,  notam- 
ment Beethoven,  suivirent-ils  son  exemple.  Noas 
donnons  ci-dessous  quelques  fragments  des  sympho- 
nies où  ce  mode  d'orchestration  est  le  plus  employé  : 


BASSON 


QUATUOR 


Symphonie  «  Londres  »  [caractère  mélodique]'. 


fe^f 


^ 


V 


^ 


n 


^^m 


^m^ 


f 


Symphonie  "  La  Reine  »  [caractère  aimable]. 


MEME 


ORCHESTRATION  • 


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n-"i.}(  ---' 


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TT 


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^m^ 


i^ 


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Symphonie  n°  13  [caractère  sautillant] 


S 


^ 


^t3=fgg 


^iiâ 


-y-n    I  Mlf^ 


au  1^!^  !  m 


11  en  est  ainsi  dans  toutes  les  œuvres  autres  que 
ces  symphonies,  notamment  dans  la  Création  et  les 
Saisons.  Donnons  maintenant  un  exemple  très  inté- 


ressant où  le  basson  est  seul  employé  :  voici  un  thème 
exposé  par  la  llûte  et  donné  en  réponse  par  notre 
instrument  : 


FLUTE 


BASSON 


QUATUOR 


^l^|1T»1l     ."JEf^ 


etc. 


1.  Un  certain  nombre  d'indices  lonaui  des  exemples  de  musique  qui  suivent  sont  gjnTÔs  de  iacoQ  incorrecte,  (\.  I).  L.  b. 


1572 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Le  basson   ilaiis  les  s^tiiiphoiiics  de  Beethoven. 

iNous  allons  entrer  dans  la  partie  la  plus  longue  de 
notre  analyse  des  tiaits  de  basson;  nous  estimons 
que  ce  sera  la  plus  intéressante,  car  jamais  un  ins- 
trument ne  ifut  mieux  employé  que  dans  ces  neuf 
symphonies  dont  l'incroyable  clarté  orchestrale  bril- 
lera toujours  d'un  incomparable  éclat. 

1"  Symphonie  (en  ut  majeur).  —  Comme   on  l'a 


déjà  dit  bien  souvent,  Bkethoven,  à  l'époque  où  il 
composait  ses  deux  premières  symphonies,  était 
encore  [sous  l'impression  du  génie  de  Mozart  et  de 
Haydn.  Aussi,  son  orchestration  en  subit-elle  une 
grande  intluence;  à  ce  point  que  l'écriture  de  ses 
instruments  à  vent  fut,  pour  ainsi  dire,  semlilable  à 
celle  de  ses  deux  prédécesseurs. 

Dans  l'AIlcyro  con  hrio,  nous  citerons  seulement 
un  délicat  petit  trait,  exposé  par  le  premier  basson, 
auquel  le  hautbois  et  la  flûte  répondent  aussitôt  : 


BASSON 


^ 


^ 


^'  'Q  h 


=F== 


VIOLONS 


j^%%J 


FLUTE 
HAUTBOIS        I  '^       >- 


^^ 


* 


mk 


feM 


m=^ 


1^ 


2'  Symphonie  (en  ré).  —  Nous  relevons   dans   le  I  d'abord  exposée   fortissimo,  puis  continuée  par  le 
Final  une  formule  amusante  roimaut  arpège  ;  elle  est  |  basson  jouant  piano  et  staccato  : 


a  2 


BASSON 


■M     ^  '■ 


^ 


#f^|j.;l|fTiii,,l1i^lTiMi1|3 


jp 


ff 


^^ 


^^ 


f 


-?^ 


^^»^ 


il^te 


VIOLONS 


^^ 


Wl 


w^ 


j» 


flS 


Vecresc         pp 


f 


Nous  retrouvons  plus  tard  le  même  passage  en  fa  j  tée  par  le  basson,  qui  rappelle  ici  un  véritable  chan- 
majeur;  il  est  précédé  d'une  phrase  expressive  chan-  |  leur  qu'accompagne  le  quatuor  : 


BASSON 


ÇUATUOR( 


3«  Symphonie.  —  C'est  avec  la  3''  Symphonie  [hé- 
i  oïque)  que  nous  entrons  dans  la  deuxième  manière 
de  BeethoveiN  ;  l'orchestration  devient  plus  intense, 
le  basson  est  employé  de  façon  plus  intéressante. 

La  première  partie  renferme  une  foule  de  combi- 
naisons pour  les  inslrunicnts  à  vent  qui  chantent 
toui'  à  tour,  comme  en  se  répondant  l'un  à  l'autre. 


Mais  le  basson  n'occupe  réellement  le  premier 
rang  que  dans  l'admirable  Marche  funèbre. 

Pendant  des  pages  entières,  nous  remarquons  le 
quatuor  accompagnant  »  l'harmonie  »  ;  citons  entre 
autres  ce  dessin  d'une  profonde  mélancolie,  souli- 
gné par  les  notes  brèves  du  quatuor  : 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    BASSON    1573 


BASSON 


On  sait  quel  exlraoïdiiiairf  tour  de  l'orce  en  contrepoint  renferme  le  Final,  où  les  tlirTérents  thèmes  sont 
exposés  par  tous  les  instruments  à  vent,  dans  des  caractères  de  toutes  nuances;  le  liusson  ne  se  trouve  pas 
négligé,  et  sa  partie  devient  ici  de  première  importance. 

Comme  exemple,  nous  donnerons  un  passage  délicat  comportant  un  groupe  de  trois  croches  en  détaché, 
el  aboutissant  à  une  formule  expressive  en  appogiature  : 


MSSON 


■VIOLONS 


6^ 


te 


^ 


1    1.  > 


^ 


Y 


4'  Symphonie  (en  si  bémol).  —  Lorsqu'un  pro- 
gramme de  concert  comporte  la  Symphonie  n"  i  en 
Sî6é?)!0<,  le  pupitre  des  bassons  s'agite  et  s'inquiète; 
qui  se  douterait  qu'un  simple  trait  de  quatre  me- 
sures est  la  cause  de  tant  d'émoi"? 


BASSON 


Le  Final  comprend,  en  effet,  un  solo  écrit  entieie- 

ment  en  staccato  par  Bkethoven,  et  dont  l'e.xéculion 

est  impossible,  surtout  avec  le  mouvement,  pai-  trop 

«  réel  »,  adoplé  parfois  par  certains  chefs  d'orchestre. 

Donnons  d'abord  la  version  écrite  par  Beethoven  : 


Impossible   d'exécution,    cette    première   version  1  traditions)  en  une  nouvelle  accentuation    que  nous 
s'est  trouvée  transformée  (de  par  les  plus  anciennes  (  indiquons  ci-dessous  : 


L'exécution  en  devient  alors  possible,  tout  en  res- 
tant assez  vétdieuse,  et  la  légère  modification  passe 
inapeiçue  aux  oreilles  du  puMic. 

On  a  dit  que  Beethoven  écrivait  parfois  sans  indi- 
quer d'accentuation  dans  les  Irails,  laissant  ainsi  à 
l'exécutant  le  soin  de  marquer  les  liaisons  ou  les 
points,  selon  son  goùtpersonnel... 

Supiiosez  donc  une  pièce  de  Molière  écrite  sans 
points  ni  virgules,  en  somme  sans  aucune  ponctua- 
tion, ce  soin  étant  laissé  au  lecteur  a^rissant  d'après 
ses  propres  impressions!  La  pensée  de  l'auteur,  dans 
ce  cas,  ne  disparaitrait-elle  pas? 

Il  est  aussi  nécessaire  à  la  musique  qu'à  la  proso- 
die ou  à  la  versilîcation  d'avoir  ses  phrases  ponc- 
tuées selon  le  goùl,  l'inspiration,  les  exigences  de 
l'auteur. 

C'est  donc  pour  ces  raisons  que  nous  sommes  per- 
suailé  que  l'auteur  de  la  4^  Symphonie  a  voulu,  dans 


son  final,  le  trait  de  basson  complètement  en  détaché. 

Néanmoins,  comme  le  rendu  de  ce  trait  nous 
paraît  impossible  dans  le  mouvement  indiqué,  nous 
pensons  que  l'auteur  l'a  dû  comprendre  dans  une 
allure  un  peu  ralentie.  Donc,  à  notre  avis,  le  chef 
d'orchestre  ferait  bien  de  ralentir  légèrement  le 
mouvement  7  [mesures  avant,  pour  le  reprendre  t'i 
mesures  après. 

Du  reste,  la  musicalité  nous  semble  devoir  se  prê- 
ter aisément  au  mode  d'interprétation  que  nous 
préconisons,  comme  il  ]est  facile  de  s'en  rendre 
compte  en  consultant  la  partition  d'orchestre,  aux 
pages  "2  et  7.3  lédition  Brfitkopf). 

5°  Symphonie  (en  ut  mineur).  —  La  .'i"  Symphonie 
est  certainement  la  plus  connue  des  œuvres  de 
Beethoven,  et  il  n'existe  aucun  bassoniste  qui  n'ait 
joué  cette  page  admirable. 


1574 


ENCVCLOPÉniE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Dans  V Allegro  con  brio,  se   trouve  un  dessin  très  1  trompette;  il  est,  dans  la  première  reprise,  exposé 
énergique,   ressemblant    assez   à  une   sonnerie   de  |  par  les  cors  : 


î/  i/ 


CORS 


les  bassons  l'exposent  à  leur  tour  avec  force,  dans  la  deuxième  partie  du  morceau  : 


BASSONS; 


fc/       11 J 


-73 V- 


J^ 


{f  ^J 


^f 


VAndcwte  nous  offre  deux  solos  remarquables,  et  nous  ne  saurions  trop  engager  les  jeunes  musiciens 
à  méditer  sur  ces  deux  passages,  qui  leur  démontreront  combien  le  basson  est  un  instiument  éminemment 
expressif  : 

/"  wlo.  —  Le  basson  répond  à  un  dessin  donné  par  la  claiinetle  : 


CLARINETTE 

-1 


Dolce 


BASSON 


ÇUATUOTi 


t        ^         M       1^ 


i'    solo.  —  Passage  très  connu,  que  les  bassonistes  exécutent  souvent  en  «  écho  »  ',  à  partir  de  la  lin  de 
la  3"^  mesure.  Cette  nuance,  qui  n'est  pas  indiquée  par  l'auteur,  n'en  est  pas  moins  du  plus  heureux  ell'et  : 


BASSON 


ÇUATUCK 


m 


-^-^ 


^#^ 


FF 


fia  moto 


P 


M=4 


^^=^ 


Tf 


^ 


^ 


^ 


\    \^      VA 


m 


t=^^ 


^ 


^ 


il 


13^ 


i 


^ 


^ 


Le  morceau  suivant   nous  donne  un    exemple  de  1  pianissimo,    que  le    quatuor    seul    accompagne   en 
basson  employé  dans  un  passage  très  mystérieux  et  |  pizzicati  : 


BASSON 


QUATUOR 
FùcX'icaU 


^^^  1'^[7'l^^VtU^^L_^s^Éâ 


pp 


Ife 


±z 


i 


^ 


^ 


^ 


=4-±: 


±=!t 


É 


^ 


m 


^^ 


TT^ 


-V-Sr 


m. 


^ 


1.  Eiprcssio»  pas  très  bien  déOnie,  mais  que  l'on  emploie  très  fréquemment  à  l'orchestre. 


TEC/IMnl  E.  ESTHÉTIQUE  ET  PEDAGOGIE 


LE   BASSON    I57i 


Z  Bassons 


gafesfeaétJE^'  ^  |^  '  tT-|r^irrM^-^=1=ff^E^ 


à 


PP- 


-^4^^ 


^ 


m 


7^ 


ÉÊ|É 


fei 


Éït 


élÈ; 


i 


fct 


PP^ 


:iz±i 


m 


m.^\.  ^  .-H^xJL^^Ftrt^  ii^  I V  -4^iMJ+4l4^ 


Sempre  £p 


I.e  premier  basson  conlinue  alors  seul,  avec  pizzicati  de  violoncelles,  le  dessin  SLiivanl,  de  plus  eji   plus' 
piano  : 


BASSON  ET    '")••  I  Ll     J    M    I  1  '^   ^   iT^'     1=F^ 


VIOLONCELLES  = 


^ 


^|:±=;±^ 


S 


J     I  J    i^  |J   I  J     J    J   I     _[ 


j^ 


l'uis,  comme  un  dernier  appel,  il  répond  aux  premiers  violons  en  un  dessin  de  trois  noires,  assez  vélil 
leiix,  étant  donné  la  nuance  pianissimo  : 


BASSOK 


ÇUATUOR 


L'Allégro  en  (J;  qui  suit,  de  même  que  celui  de  la 
0'  Symphonie,  est  un  des  plus  beaux  finales  de  Beetho- 
ven; tout  3' est  débordant  de  sonorité  et  d'enlliou- 
siasme.  Aussi,  les  bassons  ont-ils  à  jouer  une  partie 
fort  importante  et  surtout  très  sonore. 

Citons  un  solo'  brillant,  dont  Tetlet  est  toujours 
très  grand,  surtout  lorsqu'il  est  rendu  par  quatre 
bassons,  comme  cela  a  lieu  dans  les  grands  orchestres 
(soit  deux  de  plus  que  ne  l'indique  la  partition!  : 


1.  Kn  leriiies  d'orchestre,  le  raot  solo  veut  dire  passage  en  dehors 
csecutp  par  deui  ou  plusi'-urs  instrumentistes  appartenant  au  même 
pupitre. 


Il  est  à  leinarquer  (jup  presque  tous  les  grands 
chefs  d'ochestre  lonl  jouer  les  symphonies  de 
Heethoviîn  pour  quatre  bassons-,  savoir  : 

1°  Le  premier,  ^olo,  jouant  toute  la  partie  de  pre- 
mier basson  ; 

i"  Le  premier,  ripkno,  aidant  le  premier  solo  et 
jouant  dans  les  passages  que  l'auteui- indique  for- 
tissiuio; 

3°  Le  deuxième,  solo,  jouant  toute  la  partie  de 
second  basson; 

4°  Le  deuxième,  ripieno,  aidant  le  second  basson 
et  jouant  avec  lui  dans  les  foi  tissimo. 

Celte  manière  d'inlerpréter  la  symphonie  est  excel- 
lente, quoique  peu  praticable  en  delior.s  des  grands 

-.  Cette  manière  d'exécuter  des  œuvres  orchestrale?,  en 'doublant 
les  instruments,  demande  un  quatuor  très  nombreux. 


1576 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQVf  ET  DICTIONNAIIŒ  DU  CONSERVATOIRE 


Centres  arlistiques,  daiis  les  emiroits  où  l'on  ne  dis- 
pose pas  toujours  d'un  nombre  suffisant  de  basso- 
nistes. 

6  Symphonie  (Pastorale).  —  C'est  l'œuvre  la  plus 


desciiptive  de  Beethoven,  comme  aussi  la  plus  inté- 
ressante pour  les  instruments  à  vent.  Les  solos  de 
basson  y  ahondent,  et  l'on  relève,  dans  le  Scherzo,  un 
solo  pour  le  2°  basson,  évoquant  avec  le  hautbois  et 
le  cor  une  danse  champêtre  : 


AUeji 


2ÎBASS0N 


La  fin  dujpremier  morceau  nous  donne  un  exemple  du  même  f.'enie  entre  la  clarinelte  et  le  premier 
basson  :  ' 


CLARINETTE 


BASSON 


Solce ,        3 


%yxThrr] 


^^m 


j  «I  *  *  *=? 


^ 


Comme  nous  l'avons  dit  déjà,  le  basson,  utilisé  à 
la  manière  de  Haydm  et  de  Mozart,  est  ici  toujours 
placé  en  solo;  sa  partie  n'a  i  ien  à  envier  à  celle  des 
pr'emiers  violons,  qu'il  vieni  souvent  souligner  de  sa 
note  expressive. 

Du  temps  de  P.ketiioven,  le  basson  n'était  pas  aussi 
perfectionné  qu'aujourd'hui,  et  nous  nous  deman- 
dons'parfois  comment  nos  prédécesseurs  pouvaient 
■e  tirer  d'alfaire  à  l'orchestre,  et  comment  ils  arri- 
vaient à  rendre,  sur  des  instruments  primitil's,  des 
traits  [qui,  de  nos  jours,  nous  paraissent  encore 
d'exécution  bien  dil'licile. 

Ouvrez  la  partition  de  la  Pastorale,  à  la  page  38 
(138)  de  l'édition  lÎHErrKOPF ;  considérez,  à  la  troisième 
mesure  les^arpèges  du  basson  et  de  la  clarinette,  en 
a'-oompagnement  du  thème  exposé  par  la  llùte,  sur 
b-  bruissement  des  violons.  L'arpège  de  la  clarinette 
fri'  lermine  normalement  sur  la  note  aiguë  : 


tandis  que  celui  du  basson  est  coupé  à  la  fin,  et  se 
termine  sur  une  note  plus  grave  : 


Cette  particularilé  provient  de  ce  que  le  basson  ne 
possédait  pas,  en  J808,  de  clef  de  si\j  aigu.  Aussi, 
de  nos  jours,  les  composileurs  sont-ils  plus  heureux 
par  suite  des  nombreuses  lessources  que  vient  leur 
oITriicet  instrument  perfectionné.  Et  les  chefs  d'or- 
chestre de  tout  temps  ne  se  gênèrent  nullement 
pour  changer  parfois  une  note  ou  deux  dans  une 
partie  quelconi]ue  des  œuvres  classiques;  en  un  mot, 
leur  grande  compétence  artistique  leur  permit  de 
réaliser  le  «  désir  »  que  les  anciens  n'avaient  pu 
satisfaire,  en  faisant  jouer  par  les  instruments  à  vent 
les  noies  que  les  progrès  de  la  facture  moderne  ren- 
dent aujourd'hui  accessibles. 

La  partie  de  basson  se  trouve  ainsi  modifiée  : 


m^-^^i^M 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   BASSON    1577 


C'ost  dans  le  F/na/ que  se  trouve  un  trait,  bien  difli-  I  les   ^^rands   orchestres   en    partageant    la    dilTiculté 
cile  à  rendre  sans  respiration,  et  qui  s'exécute  dans  |  entre  deux  instruments  : 


CPsssage  devant  ître  joué  par  les  deux  lassons.) 


S^ffl 


p^ 


Deux  difficultés  se  rencontrent  :  i°  la  longueur  de 
non-iespiratiou;  2°  la  liaison,  mesure  par  mesure, 
riiii,  étant  donné  la  vitesse,  devient  aussi  gênante. 


Nous  donnons  ci-dessous  la  manière  de  jouer  ce 
passage  sans  accroc'  : 


Zî  Basson  seul 


Enlree  du  IV  1>asson. 


Telle  est  l'interprétation  en  usage  dans  les  grands 
concerts  :  l'efîet,  en  aucune  façon,  ne  laisse  à  dé- 
sirer. 

7'  Symphonie  (en  ia).  —  Le  célèbre  Allcyrelto  de 
cette  symphonie  est  une  des  pages  de  Beethoven  que 
l'on  connail  le  plus;  sa  grande  simplicité  a  bien 
souvent  tenté  des  tianscripteurs  plus  ou  moins  habi- 
les qui  l'ont  arrangé  pour  tous  les  instrumeiUs,  avec 
ou  sans  piano. 


Jancourt,  dans  sa  MHhode  de  basson,  en  donne 
une  version  assez  intéressante  au  point  de  vue  de 
l'instrument;  nous  regrettons  que  cette  ti'anscriplion 
soil  à  peu  près  la  seule,  prise  dans  les  symphonies  de 
Beethoven,  que  nous  rencontrions  dans  sou  ouvrage. 

Nous  relevons,  dans  ce  morceau,  une  phrase  très 
mélodique,  traitée  en  imitation  entre  le  hautbois,  la 
ilùte  et  le  basson,  ce  dernier  jouant  un  peu  fort,  de 
manière  à  compenser  la  sonorité  des  deux  instru- 
ments auxquels  il  répond  : 


j>,  nuance  indiquée 


BASSON 

FLUTEeti 
HAUTBOIS  I 


ÇllATUOR 


^^^-,^0^ 


S'  Symphonie  (en  fa).  —  A  part  ï AUeijratto  schetzanJo,  la  S'  Symiikonie  renferme  pour  le  basson  une  foule 
de  solos  des  plus  intéressants  qui  permettent  au  chef  de  pupitre  de  faire  valoir  ses  qualités  de  viituose. 

Notons,  d'ahord,  dans  la  première  partie,  deux  passages  vraiment  remarquables,  écrits  tous  deux 
en  noies  piquées  : 


SflSSON 


QUATUOR 


H^i  '  ^  I  i  '  ^Jjyj^jJzjj^i^^izdit^ 


fe 


P^ 


=F=F 


Si 


^^=f=i^ 


=F=F 


^ 


^=F 


i 


g^m^Ttef^ 


=F^F 


^3E 


^3E 


fe^ 


Sem^re  p 


1.  IJrriCum  :  Ki  2-^  uult  île  l.i  1' 


niL-5U:c  usl  un  si  et  (lUD  un  la. 


1578 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOMNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


et,  plus  tard,  un  autre  solo  des  plus  amusants  : 


BASSON 


ÇUATUOR 


~SV' 'à    r-           «1     — 

5     ''' 

-^^^Eftla 

— i 

=H 

rt'         * — K — >■ 

ZJfM^- 

p 

l— i 

^^^^ 

'    1 

Duus  le  Menuetlo,   Iîeethoven  n'hésite  pas  à  employer  le   basson  absolument  en  solo  avec  accompa- 
gnement de  quatuor  : 

(Joue  yorte) 


tï 


BASSON 


ÇUATUOR 


Bien  que  la  nuance  originale  soit  pp,  le  premier 
basson  devra  pourtant  jouer  de  façon  à  ne  pas  être 
couvert  parle  quatuor. 

Le  Final  AUeijro  vivace  renferme  une  combinaison 


BASSON  ET 
TIMBALES 


unique  en  son  genre  dans  les  annales  de  l'orchestra- 
tion; c'est  un  effet  de  timbales  doublé  par  le  basson, 
et  produisant  une  sonorité  des  plus  curieuses  : 


9"  Symphonie  (avec  chœurs).  —  11  nous  semble 
que  rarement  le  basson  fut  mieux  employé  que  dans 
cette  œuvre  gigantesque  où  tous  les  éléments  de  la 
musique  sont  tiaités  avec  une  maîtrise  absoUiment 
incomparable. 

Dans  le  premier  morceau.  Allegro  ma  non  troppo. 


notons  d'abord  un  effet  des  plus  curieux  de  pizzicato 
que  les  deux  bassons  font  entendre  à  l'octave  et  pia- 
nissimo, pendant  que  le  hautbois  et  la  clarinette 
exhalent  un  thème  plaintif  et  douloureux  (deuxième 
thème  du  morceau). 


BASSONS 


7      ^  >. 


V)     ^ 


m 


pï^^nr^ 


p^ 


l- 


k  HAUTBOIS  El  CLAniNETTE 


f.^ 


QUATUOR 


îf^ 


M\ 


n 


TECHNIQUE.  ESTHETIQUE  ET  PEDAGOGIE 

Plus  loin,  nous  voici  leveiius  au  premier  lliùnie  de 
la  sym|ihonie;  ce  thème  se  trouve  au  basson  solo  et 
doit  être  exécuté  forte,  quoique  Beethoven  l'ait  indi- 
qué piano;  ce  qui  prouve  que  les  plus  f;''aiids  mai- 


LE   BASSON    1579 


très  n'ont  pas  toujours  eu  dans  l'oreille  le  timbre 
exact  et  la  force  de  sonorité  que  les  instruments  à 
vent  sont  à  même  de  rendre  dans  certains  cas  : 
Passage  marqué  piano  et  joué  forte  : 


BASSON 

SOLO 


Passage  marqué  piano   et  joue    forte- 


f 


g^ 


m 


f 


T=^ 


Thème  douUé  à  deux  octaves  par  les  premiers  violons  pia/io 


¥ 


p 

ÇUATUOR 


<l     «I 


T 


-^f-^ 


CORS 


) 


^ 


* 


î^ 


^m 


Le  Scherzo  molto  vivace  nous  oiïre  également  un  1  bassons;  c'est  la  reprise   du  thème  en  mi  mineur 
passage   très  intéressant  joué    piano   par  les  deux  |  formant  un  elîet  mystérieux  tout  à  fait  joli  : 


BASSONS 


gUATUOR 


Plus  loin  encore,  nous  trouvons  au  0  un  contr^oint  joué   par  les  bassons,  en   accompagnement  du 
chant  exposé  par  les  hautbois  et  les  clarinettes  : 


HAUTBOIS  ET  t. 
CLARINETTES 

BASSONS 


Le  début  de  V Adagio  suivant  est  célèbre;  l'exé- 
cution en  est  assez  vétilleuse,  Je  premier  basson  de- 
vant jouer  dans  la  sonorité  du  deuxième,  et  l'attaque 
devant  se  faire  plutôt  pianissimo  : 


Z BASSONS 

SOLO 


Dans  la  suite  de  ce  morceau,  Iîeethoven,  selon  sa 
manière,  emploie|toujours  le''premier  basson  comme 
doublant  les  (premiers  violons  à  une  ou  plusieurs 
octaves  de  différence;  l'elfet  en  est  toujours  joli  et 
d'une  sonorité  parfaite. 

Dans  le  Fin»/  avec  chouirs,  on  pourra  remarquer 
que  le  souci  de  l'écriture  vocale  n'a  pas  empêché  le 
célèbre  auteur^de  soigner  à  tout  instant  la  partie  de 
l'orchestre.  Le  basson  a  toujours  à  exécuter  une  partie 


de  première  importance,  contenant  des  effets  de  so- 
norité à  peu  près  semblables  à  ceux  que  nous  venons 
d'étudier  dans  ces  neuf  symphonies,  neuf  chefs-d'œu- 
vre, devant  lesquels  tout  musicien  sincère  devra  tou- 
jours s'incliner. 

Aux  jeunes  auteurs  commençant  l'orchestration, 
la  lecture  de  ce  qui  précède  donnera  une  assurance 
énorme  ;  elle  leur  fera  connaître  le  basson  mieux  que 
ne  pourrait  le  faire  n'importe  quel  traité  d'instru- 
mentation. 


Mcndeissoliii. 

Mexdelssohn  n'a  pas  écrit  pour  le  basson  des  solos 
aussi  importants  que  ceux  que  nous  trouvons  dans 
Beethoven;  il  le  fait  plutôt  converser  avec  les  autres 
instruments  à  vent,  et  le  traite  souvent  de  façon  ai- 
mable : 


U,80 


ESCVCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOlfiE 


CLARINETTE 


2  BASSONS 


ORCHESTRE 


^^a 


m 


-y^    r 


Symphonie  écossaise.  —  Avant  l'altaque  du  Final,  nous  trouvons  un  passage  très  poétique,  dialogué  avec 
la  clarinette  et  soutenu  par  les  tenues  du  qualuor  : 


CLARlNETTEl 

SOLO 


BASSON 

SOLO 


QUATUOR 


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Berlioz. 

+ 
La  Damnation  de  Faust.  —  Aii-  de  Méphisto  : 


ABASSONS     3#^y^^^[H/it»^     ^       1    1 


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La  Course  à  l'abime. 
I  "A         > 


(imiLatîoii  clerugisseTaents) 


BASSONS 


HAUTBOIS 


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TECiixinuE,  j-:sTni:riQUE  et  pÈnAcnaiK 


LE   BASSON    l.-.sl 


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itë: 


Anibroise  Thomas» 


Hamlet.  —  Pantomime  : 


BASSONS 


Un  peu  m  arqué 

fT\l-''solo 


Bizet. 


Dans  VArlt'aienne  et  Carmen,  nous  trouvons  deux  solos  très  connus;  le  premier,  écrit  pour  deux  bassorjs, 
paraît  assez  gauche  d'exécution,  et  beaucoup  d'artistes  préfèrent  le  jouer  seul,  quoique  la  respiration  soit 
assez  pénible  : 


Andantuio 


!"■  basson 


2.!  basson. 


SunÀJjL 


■BASSON 

VIOLONCEUE 
tT  COR 

2° 


^ 


feSde 


^^^m^^^^^^^ 


i^^^^ 


Ce  solo  fait  toujours  un  amusant  contraste  avec  la 
note  sombre  qui  le  précède  dans  le  prélude  de  V Ar- 

lésienne. 


L'exécution  par  deux  bassons  ne  sera  jamais 
excellente,  à  cause  de  la  différence  de  sonorité  qui 
existe  toujours  entre  deux  instrumentistes. 


1582  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Bien  joué    par  un  seul,  basson,  il  fera  beaucoup  d'effet,  à  condition  que  de  petites  respirations  y  soient 

ajoutées  avec  goût. 

Liszt* 

Faust-Symphonie  (l'inslrunient  est  ici  employé  de  façon  très  pathétique)  : 

lento  assai 

y w  [)  i     1  fr 

TIMBAIES 


BASSON 


BASSON 


Rinisky-Horsakow. 

Schèhérazade.  —  Le  plus  joli  et  le  mieux  écrit  des  solos  de  basson  à  l'orchestre  : 

r 

Andantino     0  =112 
Capricioso,  quasi  rccitando      " 

BASSON     rx^î!  I  ^^— ^    "-^ — y   ^^^a^^^  ■  '     'M 


ORCHESTRE 


TECHVrnr'E,  ESTIIÈTlQfni  ET  PÉDAGOGIE 


LE    BASSON    1583 


Tchaikowskj'. 

Symphonie  pathétique.  —  Ici,  notre  instrument  se  trouve  employé  de  merveilleuse  façon;  le  célèbre 
auteur  russe  se  sert  constamment  de  ses  notes  graves,  comme  dans  le  début  ci-dessous  : 


Adagio  Basson 


Le  dernier  morceau  aussi  renferme  un  très  dramatique  «  solo  ..  pour  les  deux  bassons  : 

Adetyio   gBaSSonS  ■  ■         Viminiiendo 


Saint-Saëns. 

Samson  et  Dalila.  —  Le  basson  imitant  le  cor  : 


^ 


^ 


/./><> 


Phryné  (amusant  accompagnement  de  basson-solo) 


Z*5y 


1584  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  OU  CONSERVATOIHE 


Richard  Slrao<>s. 


La  Vie  d'un  Héros 

Sehr  rnhgi 


BASSON 


ORCHESTRE  < 


«/¥• 


(  Zart  ai'sSTuc'ksvoll) 


^^1}^  hHh^ 


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V    f'i    h 


~La  luiance  pp  est  changée  en  ?7i/'"| 
par  le  solisle.  J 


Vincent  d'Iiiil.y. 

Le  Camp  de  Wallenstein  (une  liés  amusante  exposition  de  fuguejpour  trois  bassons)  : 
AU  ""  mod  "^  e  g^ocoso 


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BASSONS  ; 


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TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGfE 


LE   BASSON     1585 


Charpentier. 

Impressions  d'Italie  (A  mules)  : 

BASSON 


Dakas. 


3BA3SONS 


L'Apprenti  Sorcier. 


QUATUOR 
Pizz,. 


WiMî  1  'H  ''  liJi^ivMiVM>ii.iJ]^ 


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LE   BASSON    ET   LA    MUSIQUE   DE   CHAMBRE 

Comme  nous  l'avons  dit  dans  la  partie  liistorique 
■d-e  cet  ouvfaf^e,  les  chefs  de  musiques  militaires  alle- 
mandes eurent  l'idée,  à  la  (in  du  Jtviii"  siècle,  de  faire 
exécuter,  pendant  la  parade,  des  morceaux  pour 
deux  hautbois,  deux  clarinettes,  deux  cors  et  deux 
bassons. 

En  France,  les  quatuors  pour  instruments  à  cor- 
des étaient  connus  depuis  bien  longtemps  déjà, 
lorsque,  pour  la  première  fois,  on  eut  l'idée  de  grou- 
per entre  eux  les  instrument  â  vent. 

C'est  au  Conservatoire  que  revient  l'honneur  d'a- 


voir innové  dans  ce  genre  de  musique  excessivement 
intéressant,  et  voici  le  premier  programme  mention- 
nant la  présence  d'un  ou  de  plusieurs  bassons  parmi 
leurs  confrères  de  l'harmonie  : 

«  Programme  du  concert  du  7  brumaire  an  III 
(7  novembre  1794).  —  Théâtre  de  la  rue  Keydeau. 

—  Exercice  annuel  de  l'Institut  national  de  musique. 

—  i'"  partie  :  1.  Ouverture  pour  instruments  à  vejit, 
composée  par  le  citoyen  Méhul;  —  2°  partie  :  1. 
Ouverture  pour  instruments  à  vent,  composée  par  le 
citoyen  Catel.  » 

Ainsi,  pour  la  première  fois,  les  instruments  à  vent 
sont  groupés  en  petit  nombre  et  exécutent  des  œu- 
vres nouvelles  composées  dans  le  style  des  quatuors 
à  archet. 

100 


1586 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Cet  essai  fut  couronné  de  succès  et  se  renouvela 
souvent,  en  variant  le  nombre  dés  instrumentistes. 

Le  14  octobre  1797,  à  la  suite  de  la  distribution 
des  prix  de  l'Institut  de  musique,  nous  trouvons  au 
programme  :  «  N»  8.  Symphonie  concertante  pour 
/li'ite,  Corel  basson  de  Catel,  exécutée  par  MM.  Mon- 
DRU,  Dauphat  et  Dossio.v.  » 

Une  autre  symphonie,  en  1799,  pour  flûte,  haut- 
bois, cor  et  basson,  composée  par  Devienne,  et  exé- 
cutée par  MM.  Grandiean,  Gilles,  Blangy  et  Judas. 

«  Eu  1801,  l'exercice  des  élèves  fut  très  remarqua- 
ble; le  citoyen  Judas  y  exécuta  un  morceau  avec  un 
tel  succès,  que  le  ministre  de  l'Intérieur  lui  envoya 
le  lendemain  un  très  beau  basson,  pour  remplacer 
celui  qu'il  avait  perdu  à  la  bataille  de  Marengo.  » 
[Le  Monde  musical,  1891.) 

Ce  même  auteur  composa  ensuite  un  morceau 
concertant  pour  cor  et  basson,  qui  fut  joué  par 
MM.  CoLi.N  et  Henry  le  .'i  septemlire  1803. 


Quelques  années  s'écoulent  sans  que  nous  ayons 
à  enreaistrer  de  nouveaux  essais;  en  1811  et  1819, 
nous  retrouvons  aux  programmes  deux  œuvres  déjà 
exécutées  précédemment;  et  enfin,  en  1822,  a  lieu  la 
premiêie  exécution  d'un  quintette  de  Heicita. 

Le  basson  a  l'occasion,  alors,  de  se  faire  apprécier 
comme  le  ferait  un  violoncelle,  et  les  œuvres  de 
Reicha  sont  le  véritable  «  type  »  du  genre  de  com- 
position pour  instruments  à  vent. 

D'autres  œuvres  furent  composées,  à  la  même 
époque,  par  Alexandre  Melciuob,  un  bassoniste  de 
grand  talent,  doublé  d'un  compositeur  habile;  puis- 
vint  le  grand  Beethoven  qui  écrivit  une  partie  de 
basson  admirable  dans  son  grand  quintette  pour 
piano,  liautbois,  clarinette,  cor  et  basson,  que  l'on 
entendit  pour  la  première  fois  à  Paris  en  1842. 

La  deuxième  partie  de  ce  quintette  reii terme  la 
phrase  dont  nous  donnons  ci-dessous  la  reproduc- 
tion : 


BASSON      |-^M^ 


PIANO 


L'essor  était  donné,  puisque  Mozart  aussi  avait 
composé  une  œuvre  identique;  il  ne  restait  plus  qu'à 
achever  la  création  définitive  du  véritable  groupe- 
ment des  instruments  à  vent,  qui  prit  le  nom,  en 
187'.»,  de  «  Société  de  musique  de  chambre  pour  ins- 
truments à  vent  »,  l'ondée  par  Paul  l'AFrANEL. 

Le  basson  solo  était  M.  Espaignet;  puis,  vinrent 
M.M.  Villaupret,  Ad.  Bourdeau,  Jacquot  et  enfin 
M.  Letellier,  qui  s'adjoignit  comme  secop.d  .M.  Ch. 

liOURDEAU. 

C'est  à  la  salle  Pleyel  qu'eurent  lien  les  séances 
très  suivies  de  cette  société,  séances  au  cours  des- 
quelles M.  Letellier  donna  l'audition  complète  des 
œuvres  célèbres  pour  le  basson. 

L'émulation  aitisliqiie  ne  tarda  pas  à  se  produire, 
puisque,  en  189."),  M.  George  Barrf.re  fonda  aussi  | 


une  société  d'instruments  à  vent,  dont  le  pupitre  de 
basson  fut  composé  de  MM.  Ed.  Flament  et  G.  Her- 

MANS. 

Les  travaux  incessants  de  ces  deux  sociétés  inlj- 
ressèrent  vivement  les  compositeurs  modernes,  qui 
se  mirent  à  produire  une  grande  quantité  d'œuvres 
pour  instruments  à  vent  où  les  parties  de  basson  se 
trouvèrent  souvent  traitées  de  façon  remarquable. 

ISotre  instrument  doit  à  ces  deux  phalanges  de 
viituoses  une  grande  reconnaissance  pour  j'avoii'. 
en  quelque  sorte,  fait  connaître  plus  intiineineiil  au 
public;  aussi,  jouit-il  maintenant  dune  considé- 
ration semblable  à  celle  que  connaissait  depuis  très 
longtemps  le  violoncelle. 

Que  l'on  prenne  la  partie  de  violoncelle  d'un  quin- 
tette de  Mozart  ou  celle  de  basson  de  son  quintette  à 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    BASSON    15S7 


venl,  ou  verra  que  leur  rôle  est  absolumenL  identi- 
que au  point  de  vue  des  senliiiients  à  exprimer; 
dans  Bkethoven  également,  l'écriture  est  pareille. 

.^ous  donnons  ci-dessous,  par  ordre  alphabétique, 
une  liste  coniplrie  des  œuvres  de  musique  de  cham- 
bre dans  lesquelles  la  partie  de  notre  instrument 
présente  le  plus  d'intéièt;  malheureusement,  les 
éditeuis  n'ont  imprimé  que  fort  peu  des  œuvres 
modernes,  que  nous  ne  mentionnons  ici  qu'à  titre 
purement  documentaire  : 

Alary  (g.;.  —  Sexliior,    pour  tli'itc,  tiautbois,  darinelle,   cor, 

basson  et  piano.  V.  Dunlilly.  édiipur. 
Beethovkn.  — Ollello  (op.  1U3),  pour  2  haulbois,  2  clarinetles, 

2  corset  2  Lassons,  Breitkopf  cl  Hiirlel,  éiiileurs  à  Leipzig. 
■ —  Octiiiir.  pour  2  hautbois.  2  clarinettes,  2  cors  et  2  bassons, 

mêmes  éditeurs. 

—  Sf-rtiior,  pour  2  clarinettes.  2  corset  2  bassons,  mêmes  édit. 

—  QuiulftUj  en  mi  7,  pour  piano,  haulbois,   clarinette,  cor  et 

basson,  mêmes  éditeurs. 

—  Trio,  pour  piano,  flûte  et  basson'. 

Bkrnard  (Emile).  — Divertissement  (op.  36),  pour  double  quin- 
tette à  vent. 

Caplut  (André).  —  Quintette,  pour  flûte,  hautbois,  clarinette, 
basson  et  piano. 

—  Unité  Persane,  pour  2  flùles,  2  hautbois,  2  clarinettes,  2  cors 

et  2  bassons. 

Colo:mer  (B.-M.).  —  Caprice  Moldave,  pour  flûte,  hautbois,  clari- 
nette, cor,  basson  et  piano. 

I)Esi.ANi>RRs.  —  Trois  Piëees  en  (/ninfetle,  pour  flûte,  hautbois, 
clarinette,  cor  et  basson.  Editées  chez  l'auteur,  (39.  rue 
Truff'aut,  Paris. 

DcBois  (Th.).  —  /"■  suite,  pour  2  flûtes,  hautiois,  2  clarinettes, 
Corel  2  bassons.  Editée  au  Ménestrel,  rue  Vivienne,  Paris. 

—  Au  Jardin,  petite  suite  pour  2  flûtes,  hautbois,  2  clarinettes, 

cor  et  basson,  même  éditeur. 
Dyck  (V.).   Si/mphonie,  pour  2  flûtes,   haulbois,    2   clarinettes, 
2  cors,  sasnphone  alto  et  2  bassons  [inédit\ 

—  Quintette,    pour   flùle ,   haulbois,   clarinette   et   2    bassons 

[inédit]. 
Ehrhart  (J.).  —  Sérénade,  pour  double  quintette  à  vent. 
Enesco  (g.).  —  Di.rtuor,  pour  double  quintette  à  vent. 
Flament  (É).  — Fantasia  con  fnga,  septuor  pour  flûte,  hautbois. 

cor  anglais,  clarinette,  cor  et  2  bassons. 

—  Poème  nocturne,  pour  fliite,  hautbois,  clarinette,  cor,  basson 

et  piano.  Evette,  éditeur,  Paris. 

Gaobekt  (Ph.).  —  Pièce  Romtniliiiiie ,  pour  flùle,  basson  et 
piano. 

GoovY  (Tli.).  — Suite  Gauloise  (op.  20),  pour  flûte,  2  haulbois, 
2  clarinettes,  2  cors  et  2  bassons. 

Hah.n  (Reynaldo).  —  Le  Bat  de  Béatrice  d'Esté,  pour  2  harpes, 
2  flûtes,  haulbois,  2  clarinetles,  trompette,  2  cors,  2  bas- 
sons, timbales  et  piano.  Edité  au  Ménestrel,  rue  Vîvienne, 
Paris. 

HcRÉ(Jeau).  —  Pastorale,  pour  3  flûtes,  haulbois,  cor  anglais. 
2  clarinettes,  cor,  2  bassons  et  piano. 

liMiY  (Vincent  d'V  —  Chanson  et  danses  (op.  SO),  pour  flûte,  haul- 
bois, 2  clarinetles,  un  cor  et  2  bassons.  Durand,  éditeur, 
place  de  la  Madeleine,  Paris. 

KR0.MMER  (1760).  —  Quatuor,  pour  basson  principal,  2  altos  et 
violoncelle  (ancienne  édition  devenue  maintenant  introu- 
vable). 

Lacroix  (E.).  —  Sextuor,  pour  flûte,  haulbois,  clarinette,  cor, 
basson  et  piano  (inédit). 

Lampe  (\V.).  —  Sérénade,  pour  2  flûtes,  2  hautbois,  cor  anglais, 
2  clarinettes,  clarinetle-basse,  4  cors,  2  bassons  et  contre- 
basson. 

Lazzaki  (.Silvio).  —  Octuor,  pour  flûte,  hautbois,  cor  anglais, 
clarinette,  2  cors  et  2  bassons. 

Lefeevre  (Ch.).  —  Suite  (op.  57),  pour  flûte,  liautbois,  clari- 
nette, cor  et  basson. 

Maonard  (A.;.  —  Quintette,  pour  flûte,  haulbois,  clarinette,  bas- 
son et  piano. 

Malherbe  (Ed.).  —  Sextuor,  pour  flûte,  hautbois,  cor  anglais, 
clarinette,  cor  et  basson. 

MoREAC  (Léon).  —  Sueturne,  pour  double  quintelle. 

MooQDET  (J.).  —  iympltoniette  en  ul  majeur  (op.  12),  pour  dou- 
ble quintette. 

MozAET.  —  Quintette,  pour  hautbois,  clarinette,  cor,  basson  et 
piano. 

—  Sérénade  en  ut,  2  hautbois,  8  clarinetles,  2  cors  et  2  bassons. 

—  si-)  (1780),  pour  2  hautbois,  2  clarinettes,  cor  de  basset, 

■i  cors,  2  bassons  et  conlrebassou. 


i.  C''  Trio  fut  exécuté  peur  la  première  fois  li  Paris,  Salle  Picyel, 
pir  MM.  DiEMER,  P.  Taffaski,  et  L.  Letellikr. 


—  mi  r,,  pour  2  hautbois,  2  clarinettes,  2  cors  et  2  bassons. 

—  Ces  œuvres  sont  éditées  chez  Breitkopf  et  Harlel  à  Leipzig. 
PiEKNÉ  (G.).  —  Pastorale  variée,  pour  flûte,  haulbois.  clarinette, 

Irompelle,  cor  et  2  bassons.  Durand,  éditeur,  4,  place  de 
la  Aladeleine.  Paris. 

—  Preludio  et  Fughetta.  pour  2  flûtes,  hautbois,  clarinette   cor  et 

2  basions. 
Reinecke  (C).  —  Ucletle  (op.  216)  pour  flûte,  hautbois,  2  clari- 
nettes, 2  cors  et  2  bassons. 

—  Sextuor  (op.  271),  pour  flûte,  hautbois,  2  clarinetles,  cor  et 

basson. 

HoDssEL.  —  nivertissemcnt  (op.  6),  pour  flûte,  hautbois,  clari- 
nette, basson,  cor  et  piano,  édité  chez  Ponscarme. 
27,  boulevard  Haussmann,  Paris. 

Seitz  (a.).  —  Suite  rustique,  pour  flûte,  haulbois,  clarinette,  cor 
et  basson. 

Sporck(G.).  —  Pat/sages  normands,  pour  double  quintette  à  venl. 

Strauss  (Richard).  —  Suite  en  si  'r,  majeur,  pour  2  flûtes,  2  haul- 
bois, 2  clarinettes,  4  cors,  2  bassons  et  conlrebasson. 

Wagner  (E.).  —  Suite,  pour  2  flûtes,  haulbois,  clarinette,  bas- 
son et  piano  [inédit]. 

Waii.lv  (de).  —  Ottetto  (op.  22),  pour  flûte,  hautbois,  2  clari- 
nettes, cor,  trompette  et  2  bassons,  édité  chez  Kaudoux, 
37,  boulevard  Haussmann,  Paris. 

WooLLETT  (H.)  —  Quintette,  pour  flûte,  hautbois,  clarinette,  cor 
et  basson. 


LES  VIRTUOSES  DU    BASSON 

Ozi  (Etienne),  né  à  Nîmes  le  fi  décembre  1754, 
mort  à  Paris  le  '6  octobre  1813. 

Débuta  en  1779  dans  les  concerts  spirituels,  où  le 
public  entendait  chaque  année  l'élite  des  virtuoses. 
Il  eut  un  succès  brillant,  et  acquit  une  réputation 
qu'il  soutint  dans  les  concerts  du  théâtre  Feydeau  et 
dans  plusieurs  autres  donnés  depuis. 

Une  exécution  nette  et  précise,  une  expression 
simple  et  naturelle,  une  grande  pureté  de  son,  carac- 
térisaient paiticulièrement  son  jeu. 

Le  basson  conservait  entre  ses  mains  cet  accent 
mélancolique  et  touchant  qui  appartient  à  son 
timbre. 

0.'!i  fut  reçu  à  la  chapelle  du  roi  et  y  l'ut  traité 
avec  distinction.  Sa  droiture  et  sa  bonté  le  rendirent 
toujours  étranger  à  l'envie,  et  son  caractère  lui  fit 
autant  d'amis  que  son  talent  lui  fit  d'admirateurs. 
Devenu  père  d'une  nombreuse  famille,  il  n'hésita 
point  à  se  livrer  à  un  travail  pénible,  pour  la  sou- 
tenir avec  honneur,  car  il  joignait  aux  qualités  de 
l'artiste  celles  qui  distinguent  l'honnête  homme. 

Ayant  cessé  de  jouer  en  public,  il  fut  placé  à  l'or- 
chestre de  l'un  des  plus  grands  théâtres  de  Paris,  et 
il  ne  chercha  plus  qu'à  s'y  acquitter  de  ses  devoirs 
avec  une  exactitude  et  un  soin  qui  donnaient  encore 
plus  de  relief  à  son  talent,  en  y  ajoutant  le  charme 
de  la  luodeslie. 

En  1802,  il  fut  nommé  premier  basson  de  la  cha- 
pelle et  de  la  musique  particulière  de  S.  M.  l'empe- 
reur. 11  avait  été  membre  du  Conservatoire,  depuis 
la  création  de  cet  établissement,  et  il  y  a  formé  des 
élèves  qui  furent  connus  du  public. 

On  lui  est  redevable  de  plusieurs  ouvrages-  qu'il  a 
composés  pour  le  basson,  et  qui  sont  d'autant  jilus 
utiles  qu'il  existe  fort  peu  de  musique  pour  cet  ins- 
trument. Il  est  l'auteur  d'une  méthode  qui  a  été 
adoptée  par  le  Conservatoire. 

Ozi  mourut  à  Paris  le  5  octobre  ISIU. 

KoG.vT,  né  à  Paris  en  173». 

Musicien  très  précoce,  gagnait  déjà  sa  vie  à  l'âge  de 
treize  ans.  Il  occupait  à  .Notre-Dame  les  fonctions 
d'enfant  de  chœur  et  de  joueur  de  serpent,  travailla 


2.  Ces  ouvrages  soot  maiiiteDtmt  introuvai  1 


15S8 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSlnilE  ET  DICTIOSNMHE  OU  CO.VSEHVATOIHE 


ensuite  le  hasson  et  réussit  à  entrer  à  la  musique  de 
la  garde  nationale. 

Son  talent  fut  remarqué  du  gouvernement,  qni,  le 
21  novembre  179.1,  le  nommait  professeur  au  Con- 
servatoire dans  trois  classes  différentes:  solfège, 
basson  et  préparation  au  chanl. 

Ses  élèves  turent  nombreux,  et  sa  renommée  ne 
cessa  de  s'accroître,  lorsqu'il  mourut  à  Paris,  le  2it 
octobre  IS17. 

LAYER^A^toine),né  vers  17:i7,  musicien  des  plus 
curieux,  travailla  la  clarinette  et  le  basson  et  sul, 
malgré  la  dilférence  considérable  d'embouchure,  se 
rendre  célèbre  sur  chacun  de  ces  deux  instruments! 

Appelé,  en  1793,  à  la  musique  de  la  garde  nationale 
et  ensuite  au  Conservatoire,  comme  professeur  de 
clarinette  (17951. 

La  même  année,  il  entre  comme  basson  a  I  orcliestre 
de  l'Opéra,  et  continue  ces  deux  iinpcirtantes  fonc- 
tions jusqu'à  l'an  VIII, où  il  meurt  le  It  l)riimaire. 

Devienne  (Français),  né  à  JoinviUe  (llaute-Mai'ne) 
le  31  janvier  17.ï9. 

Comme  son  collègue  Laykr,  Devienne  se  fit  remar- 
quer par  un  talent  très  original,  menant  également 
de  front  deux  instruments  :  la  fli'ite  et  le  basson. 

Entre  à  l'Opéra  en  1778,  et  ensuite,  comme  sergent, 
à  la  musique  de  la  garde  nationale  en  1793. 

Devienne  occupait  déjà  au  Con'^ervatoire  la  place 
de  professeur  de  tlùte  depuis  l'an  111  (178:i). 

Il  mourut  à  Cliarenton,  le  o  septembre  1803. 

Ciii'irnx,  né  vers  1778,  remporta  au  Conservatoire 
un  second  prix  de  basson  en  l'an  V,  el  n'enl  pas,  par 
la  suite,  la  chance  d'obtenir  un  premier  prix. 

Malgrécela,  il  se  lit  remarquer  par  son  grand  talent 
et  aussi  par  ses  grandes  qualités  de  musicien. 

Contrairement  à  ses  collègues  instruiuentisles, 
CouRTiN  n'hésita  pas  à  continuer  ses  études,  et  entre- 
prit des.  travaux  d'harmonie,  de  fugue  et  de  compo- 
sition; il  s'y  révéla  comme  un  travailleur  remar- 
quable et  passionné  pour  le  professoral,  el  occupa 
au  Conservatoire  la  place  de  professeur  d'harniouie. 
Décédé  vers  ISÛO. 

DossiON,  né  à  Paris  le  10  aoiU  1770.  Tiavaille  le 
basson  au  Conservatoire,  ou  il  rempuite  le  premier 
pri.'i  en  l'an  V. 

Se  fait  remarquer  ensuite  dans  dillérents  orcliP>- 
tres  :  aux  théâtres  de  l'Ambigu  et  de  l.uuvois,  el  à 
l'Opéra,  où  il  reste  jusqu'en  1829. 

Travailleur  remarquable,  il  obtient  ensuite  la 
place  de  chef  de  musique  de  la  H«  légion  de  la  garde 
nationale. 

Entre  temps,  Dossion  avait  occupé  la  place  ili;  bas- 
son h  la  Société  des  concerts  (18281  et  aux  Concerts 
Valenliuo  (1837).  Décédé  vers  1841. 

FouGAs  (lluillaume),  né  à  Paris  le  22  anùt  17Si). 
Travaille  le  salfège,  l'harmouie  et  le  basson.  Oli- 
tient  le  premier  prix  en  l'an  Vil,  et  passe  ensuite  ;i 
l'orchesire  du  théâtre  de  la  Porte  Saint-Marlin. 

Admis  dans  la  musique  de  la  garde  nationale  l'i 
peu  après,  à  l'orchestre  du  'l'béûlre  Italien,  il  r'onli- 
nue,  malgré  ces  deu.\  occupations,  à  travaillei  lluu - 
niouie  et  la  composition. 

Four.AS  se  lit  remarquer  par  plusieurs  leuvri-s 
impoitantes  écrites  pour  le  basson,  entre  autres  des 
duos,  etc. 


Ces    œuvres    sont,    malheureusement,    devenues 
introuvables  de  nos  jours. 
Décédé  à  Paris  le  H  janvier  1854. 

Savary  (Jean-Nicolas),  né  à  Guise  (Aisne)  au  mois 
de  septembre  1786. 

Se  rendit  célèbre  par  ses  travaux  de  facture  ins- 
trumentale, et  apporta  à  la  construction  du  basson 
de  très  importantes  améliorations  qui  rendirent  de 
grands  services  aux  musiciens  de  son  temps. 

Ses  instruments  furent  recherchés  des  virtuoses 
pendant  1res  longtemps,  et  sou  exemple  seivit  de 
modèle  à  tous  les  autres  facteurs  qui,  après  lui,  cou- 
tinuèrent  à  perfectionner  le  basson.  ■ 

Virtuose    remarquable,    Savary   avait  oblenu,   au  " 
Conservatoire,  le  premier  prix  en  1808,  el  s'élait  fait 
remarquer  comme  instrumentiste    à   l'orchestre  du 
Théâtre  Italien. 

Décédé  vers  1850. 

Rarizel  (Charles-Dominifpie-Joseph),  né  à  Merville 
(Nord)  le  3  janvier  1788. 

Travaille  le  basson  et  vient  à  Paris,  où  il  oblient  le 
premier  prix  eu  1807. 

Passe  ensuite  le  concours  pour  le  grade  de  chef  de 
musique  militaire,  et  fait  la  campagne  d'Espagne 
en  1808.  "       \ 

Aussitôt  de  retour,  Barizel  reprend  son  hasson, 
el  se  fait  recevoir  comme  musicien  à  l'oichesti'e  de 
l'Opéra  en  1814. 

L'année  suivante,  il  repart  en  campagne  pour  la 
liussie,  et  se  fait  remarquer  de  l'empereur;  Iîaiuzel 
obtient  la  croix  de  la  Légion  d'Iioniieiir. 

Nommé  professeur  de  basson  au  Conservatoire 
eu  1S:J9. 

Décédé  en  1858. 

Melchior  (Alexandre),  né  à  Toulouse  le  21  juin 
1792. 

Un  des  fondateurs  des  sociétés  de  musique  de 
chambre  pour  instruments  à  vent,  pour  lesquelles  il 
composa  beaucoup  d'oeuvres,  trios,  quatuors,  etc. 

Il  remporta  au  Conservatoire  le  premier  prix  de 
basson  en  1810,  el  travailla  ensuite  la  composition. 

Ses  Q'uvres  sont,  mallieureiiseiuent,  introuvables 
de  nos  jours. 

.Melchioii  avait  appartenu,  comme  instrumentiste, 
h  la  troupe  du  théâtre  de  l'.Xmbigu. 

Décédé  vers  I8fi2. 

Heickmans  (Adolphe),  né  dans  la  Moselle,  le 
22  juillet  179.H. 

Travaille  le  solfège  et  le  basson;  vient  ensuite  à 
l'.-irisau  Conservatoire,  où  il  oblient  le  premier  prix 
en  1810. 

.Mène  ensuite  une  vie  très  mouvementée;  d'abord 
musicien,  en  Kspagne  au  réginnuildu  comte  d'Orsay, 
il  revient  en  Fi'ance  eu  l!S2l,à  Orléans,  au  2°  régi- 
ment de  la  g.irde  suisse. 

(Juitte  laruiée  pour  l'Opéra,  où  il  reste  du  6  aoùf 
1X22  au  l*-'-  mars  1833. 

liempoite  alors  de  nombreux  succès  d'inslrumen- 
tisle,  notamment  à  la  Société  des  concerts  ;1S2H). 

I.a  passion  des  voyages  le  reprend  bienlOt,  et 
Heickmans  quitte  sa  situation  pour  entrer  comme 
chef  do  musique  dans  un  régiment  hollandais  à. 
Hatavia,  où  il  Huit  ses  jours  vers  18f9. 

liRriiALER  iAuguste),  né  en  décembre  1800. 


TECIINIQI  E,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   BASSON    1589 


Ktiidie  d'abord  le  solfège  et  apprend  ensuite  le  bas  - 

:      son.  Arrivé  au  Conservatoire,  il  obtient  bientôt  le 

î     second  prix  en  1823,  et  le  premier  l'année  suivante. 

Ses  grandes    qualités  de  virtuose   impeccable  le 

firent  remarquer  dans  tous  les  grands  orchestres  où 

il  fut  engagé. 

Bauman,  né  vers  1801,  remporte,  à  Paris,  le  pre- 
mier prix  de  basson  au  concours  de  1822. 

Qiiillant  la  France  pour  toujours,  il  s'engage 
comme  soliste  à  l'orchestre  de  llayraarket  (Lon- 
dres). 

Virtuose  de  premier  ordre,  Haiîman  ne  larde  pas  à 
se  trouver  très  en  vue  parmi  les  grands  artistes;  la 
place  de  premier  basson  lui  est  olt'ei'le  au  théâtre  de 
Covent-darden,  et  ce  nouveau  posie  lui  valut  de  suite 
de  très  beaux  succès.  Mort  à  Londres  vers  1869. 

GoKKK.N  (Jean-Fraiiçois-Barthélemy),  né  à  Paris  le 
2.!  janvier  1801  (3  pluviôse  an  111). 

Il  rendit  de  trrs  grands  services  à  l'enseignement 
du  basson,  autant  comme  professeur  que  comme 
compositeur,  et  écrivit  une  méthode  1res  célèbre  et 
une  foule  de  solos,  duos,  etc.,  que  l'on  joue  encore 
de  nos  jours. 

Travaille  de  bonne  heure  la  iiuisique,  et  entre 
comme  engagé  volontaire  au  15'  régiment  d'infan- 
terie légère,  le  1"  juin  1813;  musicien  gagiste  au 
3°  régiment  de  la  garde  royale,  le  31  novembre  181.ï, 
CoKKE.N  passe  ensuite  aux  gardes  du  corps  de  la 
compagnie  de  Noailles  {{"'  novembre  1819),  et  entre 
comme  élève  au  Conservatoire,  où  il  obtient  le 
premier  prix  en  1820. 

Passe  ensuite  à  l'orchestre  du  Théàtie  Italien  et 
bientiit  à  celui  de  l'Opéra,  où  il  reste  jusqu'en  1862. 

Le  chef  d'orchestre  Pasdelouc,  en  fondant  ses 
concerts,  s'adressa  à  Cokken  et  lui  confia  le  poste 
de  basson  solo. 

Celui-ci  s'y  rendit  lellement  remarquable,  qu'en 
18o2,  le  gouvernement  lui  oITril  la  place  de  profes- 
seur au  Conservatoire,  où  il  forma  de  nombreux 
élèves  jusqu'à  sa  mort  (187»). 

CoiïSEN  avait  aussi  appartenu,  comme  basson  solo, 
à  la  Société  des  concerts  et  à  la  musique  de  la  cha- 
pelle impériale. 

DivoiR  (Adolphe-Josephi,  né  à  Lille  le  il  juin  1803. 
Arrive  à  Paris  et  se  fait  recevoir  comme  élève  dans 
la  classe  de  basson;  après  deux  concours  remarqua- 
bles, le  premier  prix  lui  est  décerné  en  1827. 

AussitiH  sorti  du  Conservatoire,  Divoiii  se  fait  re- 
cevoir au  Théâtre  Italien  comme  premier  soliste, 
ainsi  qu'à  la  musique  de  la  garde  nationale. 

Ces  nombreuses  occupations  ne  l'empêchent  pas 
de  travailler  l'harmonie  et  l'orgue;  il  se  fait  recevoir 
maitre  de  chapelle  de  l'église  Saint-Louis  d'Antiu,  et 
professeur  à  l'institution  des  Frères  de  Passy. 

Après  un  brillant  concours,  Divnin  passe  a  l'Opéra 
le  I"  mars  1833,  où  il  occupe  la  place  de  basson  solo 
juscpi'au  28  février  1868. 

Mort  à  Paris  le  16  mai  1881. 

WiLLENT-BoRDOGN'i  (Jeau -  Baptiste  -  Joseph) ,  né  à 
Douai  (Nord)  le  8  décembre  1809. 

Tiavaille  le  basson  et  vient  se  perfectionner  au 
Conservatoire  de  Paris,  où  il  remporte  le  premier 
prix;  WiLLENT  n'avaient  pas  dix-sept  ans  et.  malgré  son 
jeune  âge,  il  commence  à  donner  des  concerts  à  l'é- 
tranger, où  son  grand  talent  de  virtuose  est  vivement 
apprécié. 


Après  quelques  années  passées  à  Londres,  il  se 
trouve  rappelé  à  Paris  à  l'orchestre  de  l'Opéra  Italien, 
où  la  place  de  soliste  lui  est  olferte.  Willent  y  reste 
jusqu'en  1834,  et  part  pour  New-York  redonner  avec 
succès  des  concerts. 

Peu  de  temps  après,  c'est  au  tour  de  la  Belgique  à 
solliciter  son  grand  talent;  la  place  de  professeur  de 
basson  au  Conservatoire  de  Bruxelles  lui  est  pro- 
posée; mais  Paris  le  réclame  bientôt,  et  Wille.nt 
revient  dans  son  pays  natal  avec  le  double  titre  de 
basson  solo  à  l'Opéra  et  de  professeur  au  Conserva- 
toire (1849). 

Une  méthode  de  basson  et  di^  nombreuses  fantai- 
sies furent  composées  par  Willbnt-Bordogni. 

Décédé  vers  1872. 

MoLKT  (André-Joseph),  né  à  Cambrai  le  9  novembre 
1815.  Travaille  le  solfège  et  le  basson  et  remporte  à 
Pans  un  beau  premier  prix  en  1839. 

Appelé  en  Uussie  par  un  superbe  engagemenl, 
MoLET  y  reste  très  longtemps  et  forme  de  très  nom- 
breux élèves. 

Décédé  à  une  date  inconnue. 

.Iancol'i\t  (Louis- Marie- Eugène),  né  à  Chàteau- 
l'hierry  le  15  décembre  1813,  décidé  à  Boulogue- 
sûr-Seine  le  29  janvier  1901.  Officier  de  l'Instruction 
publique. 

Avant  été  présenté  à  Dossio.n,  qui  l'engagea  à 
travailler  le  basson,  le  jeune  Jancourt,  séduit  par  le 
timbre  et  le  caractère  de  cet  instrument,  n'hésita 
pas  à  s'y  adonner,  quoiqu'il  fût  déjà  assez  avancé 
sur  la  llùte.  11  y  avait  alors  pénurie  de  bassonisl,es, 
à  cause  des  obstacles  qu'on  éprouvait  à  jouer  d'un 
instrument  imparfait  et  du  peu  de  ressources  qu'il 
olfrait;  au  Conservatoire  même,  on  recrutait  dilHci- 
lement  des  élèves;  les  concours  de  1831  à  1833  n  eu- 
rent aucun  concurrent. 

Jancourt  entra  au  Conservatoire  le  4  décembre  1834; 

il  se  mit  résolument  au  travail  et,  par  son  applica- 
tion, devint  bientôt  l'élève  favori  de  F.  Gebauer.  Deux 
faits  montreront  l'ardeur  qu'il  déployait  à  l'étude. 
.Non  content  de  travailler  beaucoup  en  dehors  de 
ses  classes,  il  emportait  son  basson  au  théâtre  et 
profitait  d'un  acte  où  sa  présence  n'était  pas  nécessaire 
.1  l'orchestre  pour  descendre  dans  le  troisième  des- 
sous, où  il  s'exerçait  à  dompter  l'instrument  rebelle. 
Une  autre  fois,  ayant  entendu  Willent  exécuter  sa 
Giauilc  Fantaisie,  i\.  rentra  chez  lui,  et,  pendant  une 
partie  de  la  nuit,  sans  souci  des  voisins,  il  essaya  de 
s'assimiler  les  etl'ets  du  maitre,  dans  la  crainte  de  les 
oublier  s'il  attendait  au  lendemain. 

Des  eil'orts  aussi  persévérants  ne  pouvaient  man- 
quer d'être  couronnés  de  succès;  le  second  prix  lui 
lut  décerné  au  concours  de  1835  après  six  mois  d'é- 
tudes seulement,  et  l'année  suivante,  il  obtint  son  pre- 
mier prix.  Avant  d'aller  plus  loin,  nous  rapporterons 
un  trait  tout  à  l'honneur  de  F.  Gebauer.  Notre  élève, 
léger  d'argent,  avait  acquis  un  mauvais  basson,  sou- 
vent réfractaire;  son  maître,  pour  ne  pas  le  voir  s  at- 
tarder sur  un  pareil  instrument,  lui  en  prêta  un  des 
siens,  avec  lequel  il  concourut  en  183;')  et,  enchanté 
de  ce  premier  résultat,  lui  en  fit  présent'. 

.lusqu'alors,  le  basson  avait  un  rôle  obscur,  voué 
le  plus  souvent  à  doubler  la  basse;  la  plupart  des 
artistes  qui  avaient  essayé  de  l'élever  au  rang  d'ins- 
trument solo  avaient  échoué  devant  des   obstacles 


1.  C'est  ce  liassonqiie  Jancucrt  a  oITcrt  au  Musée  du  Conservatoire 


1590 


EiXCyr.LOFÉOIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIHE  DU  CONSERVATOIRE 


insurmontables;  en  outru.ilétaitdevenu  ridicule  entre 
les  mains  de  médiocrités.  Kuf^ène  jANCounT  comprit 
qu'il  y  avait  un  autre  parti  à  lirer  du  basson  qui,  ;i 
côté  de  certains  défauts,  possédait  de  réelles  qualités; 
d'ailleurs,  il  ne  faut  pas  oublier  que  les  autres  ins- 
truments n'étaient  pas  sans  reproclie,  et  que  ce  n'est 
qu'à  force  d'iiabileté  que  les  virtuoses  les  plus  remar- 
quables parvenaient  à  en  atténuer  les  imperfections. 
Donc,  dans  le  but  de  faire  valoir  ces  ressources,  au- 
tant que  pour  se  créer  une  situation,  il  recherchait 
toutes  les  occasions  de  se  faire  entendre  en  public  ; 
ce  fut  d'abord  au.Y  concerts  du  Prytanée,  dans  des 
solos  et  duos  qu'il  exécutait  avec  les  hautlioistes 
Dflab.^hre,  SoLER,  Trieiîert  OU  ViîKRODST,  puis  aux 
concerts  Valentino,  où  il  réussit  bientôt  à  se  mettre 
en  évidence. 

En  1840,  une  place  de  premier  basson  étant  deve- 
nue vacante  à  l'orchestre  de  l'Opéra-Comique  par  le 
décès  de  A.  IIknrv,  Janxourï,  qui  l'avait  déjà  rem- 
placé lors  de  la  première  représentation  de  la  Doubla 
Echelle,  concourut  avec  succès  et  lui  succéda.  Peu 
après,  un  concert  au  bénéfice  des  inondés  de  Lyon 
futorganisé  àce  théâtre;  il  exécuta  saFan/a/sie,  op  3, 
qui  lui  valut  de  chaleureux  applaudissements,  non 
seulement  de  la  part  du  public,  mais  encore  de  ses 
nouveaux  collègues. 

Ayant  obtenu  un  congé  de  trois  mois,  il  se  rendit  à 
Londres,  en  ISil,  puui'  les  concerts  de  bninj  Laiie. 
L'année  suivante,  avec  le  concours  de  Decourcelle, 
VoGT,  Triebert,  a.  Dupont,  Lecerf,  il  organisa  un 
concert  à  son  bénéfice  dans  les  salons  du  facteur 
SouFLETo,  où  il  se  voyait  encore  acclamé.  Les  témoi- 
gnages ne  manquent  pas  dans  la  presse,  mais  nous 
ne  reproiluirons  que  celui  de  Berlioz,  hahituellement 
peu  prodigue  de  louanges,  et  qui  ne  passe  pas  préci- 
sément pour  un  critique  complaisant  : 

«...  Il  a  fallu  du  courage  et  une  véritable  vocation 
musicale  à  Jancourt  pour  abandonner,  ainsi  qu'il  l'a 
fait,  à  ce  qu'on  nous  a  ^dit,  les  mystères  de  la  phar- 
macopée, les  charmes  de  la  chimie,  afin  de  mieux 
cultiver  le  basson,  cet  instrument  ingrat  et  diflicile, 
dont  les  sons  graves,  attaqués  trop  brusquement, 
donnent  dès-intonations  qui  ne  sont  pas  sans  ana- 
logie avec  le  mot  contraire  de  l'énigme  que  donne  à 
deviner  le  précieux  abbé  de  Beaugénie,  dans  le  Mer- 
cure galant.  Jancourt  chante  bien  sur  cet  instrument, 
et  ce  n'est  pas  la  moins  rare  et  la  moins  belle  qualité 
chez  la  plupart  de  nos  instrumentistes;  il  a  dit  un 
Air  varié  et  une  Fantaisie  sur  des  motifs  de  la  Lucie 
de  Lainermoor,  morceaux  composés  ou  arrangés  par 
lui,  avec  aplomb  et  d'un  bon  style'.  » 

Un  mois  après,  Ja.ncourt  était  admis  à  se  faire 
entendre  à  la  Société  des  Concerts  du  Conservatoire; 
bien  qu'il  eût  à  lutter  avec  le  souvenir  de  Barizel, 
WiLLENT  et  CoKKEN,  il  Se  tira  à  merveille  de  cette 
reiloutable  épreuve,  qui,  croyons-nous,  ne  fut  pas 
sans  iiitKience  sur  son  admission  définitive  dans  la 
célèbre  sociélé. 

Engagé  à  l'Opéra,  il  n'y  resta  que  onze  mois;  des 
conditions  plus  avantageuses  le  firent  retourner  à 
l'Opéra-Comique,  qu'il  ne  quitta  plus  qu'en  18(52-  A 
partir  de  cette  époque,  il  continua  à  visiter  la  pro- 
vince, et,  jusqu'en  1866,  on  le  retrouve  avec  Charles 
Triebert,  Alard,  FRANcnouiiE,  Leroy,  Banel'x  dans 
les  villes  composant  l'Association  de  l'Ouest,  et  à 
Eperiiay,  Limoges,  Caen,  Angers,  Tours,  Bar-le-Duc, 
^'ancv. 


\.Ilnmp.et   Gazettr  musicalf  da  13  mars  1812. 


Lntié  comme  premier  basson  aux  Italiens,  au  mois 
d'octobre  1866,  il  démissionna  le  1"  octobre  1869, 
époque  à  laquelle  il  termina  ses  trente  aimées  de 
service  à  la  .Société  des  Concerts,  dont  il  fut  membre 
du  Comité  pendant  près  de  dix  ans. 

Là  se  termine  la  carrière  du  virtuose;  artiste  cons- 
ciencieux, ayant  par-dessus  tout  le  respect  de  son  art, 
il  estimait  qu'après  trente-cinq  ans  d'activité  il  devait 
se  retirer  avant  que  ses  moyens  ne  vinssent  à  le 
trahir;  cependant,  il  tint  encore  la  partie  de  basson 
dans  des  quintettes  de  Beethoven  à  Niort  (187It), 
Orléans  (1876)  et  Angers  (1877). 

Professeur  de  basson  au  Conservatoire  royal  de 
Bruxelles,  il  remplaça  le  célèbre  Cokken,  comme  pro- 
fesseurau  Conservatoire  national  de  musique  deParis, 
de  187a  à  1891. 

Il  nous  reste  à  parler  des  œuvres  de  E.  Jancourt  qui 
s'arrêtent  à  l'op.  il5,  y  comprisles  morceaux  de  mu- 
sique militaire.  Il  existe  peu  do  compositions  pour 
le  basson,  et,  sans  contredit,  c'est  lui  qui  a  le  plus 
écrit  pour  l'instrument.  Cette  disette  de  morceaux 
l'avait  forcé  à  se  créer  lui-même  un  répertoire  pour 
ses  concerts,  qu'il  fut  amené  à  compléter  plus  tard 
pour  les  besoins  de  sa  classe.  Les  solos  sont  au  nombre 
de  cinquante;  vingt-six  sont  faits  sur  des  motifs  d'o- 
péras-, les  vingt-quatre  autres,  parmi  lesquels  on 
remarque  quelques  airs  variés,  une  cantilène,  une 
rêverie,  sept  solos  dans  ki  coupe  moderne,  lui  sont 
propres.  Ces  morceaux  sont  presque  tous  publiés,  six 
seulement  sont  inédits.  Scrupuleusement  traités,  ils 
se  distinguent  par  la  mélodie  pleine  de  couleur  et 
d'expression;  les  traits  présentent  parfois  des  pas- 
sages difficultueux,  mais  ils  sont  bien  doigtés  et  des- 
tinés à  faire  valoir,  sous  divers  aspects,  la  virtuosité 
de  l'exécutant.  L'harmonie  en  est  toujours  pure  et  soi- 
gnée; on  y  trouve  de  jolis  dessins  et  contre-chants 
qui  ressortent  plus  au  quatuor  qu'avec  le  piano. 
Citons  encore  quinze  duos,  presque  tous  publiés,  pour 
basson  et  hautbois,  sur  des  motifs  d'opéras,  et  douze 
sur  des  ouvrages  classiques,  puis  seize  transcriptions 
ou  arrangements  pour  deux,  trois  ou  quatre  bassons, 
d'œuvres  de.MozART,  Beethoven,  Kuhlau,  Tulou,  Bla- 
sius,  G.  YvoN,  Vern,  etc.,  restés  inédits  et  destinés  à 
ses  élèves,  tant  pour  leur  former  le  goût  que  pour 
leur  faire  acquérir  des  qualités  de  mécanisme. 

Enfin,  l'ouvrage  leplus  importantd'Eugène  Jancourt 
est  la  méthode  de  basson  (op.  13)  qu'il  composa  en 
184;;,  sur  la  demande  d'AuRER  à  qui  elle  est  dédiée. 
La  méthode  d'Ozi,  longtemps  employée,  n'était  plu'^ 
en  rapport  avec  les  progrès  accomplis,  et  celle  de 
WiLLENT  était  insuffisante.  Une  nouvelle  méthode 
était  indispensable,  et  celle  de  Jancourt  est  la  plus 
complète  qui  ait  été  écrite.  Elle  forme  un  volume 
de  'MO  pages,  conduit  progressivement  l'élève  des 
exercices  élémentaires  aux  sonates  les  plus  diffi- 
ciles, et  se  termine  par  26  études  mélodiques  qui 
demandent  une  grande  habileté  d'exécution. 

Le  nom  de  Jancourt  restera  attaché  à  l'histoire  du 
basson,  non  seulement  comme  virtuose  et  comme 
compositeur,  mais  encore  |)ar  les  perfectionnements 
qu'il  a  apportés  à  l'instrument  en  vue  de  supprimer 
les  défectuosités  qu'un  artiste  de  talent  parvient  bien 
à  atténuer,  mais  qui  l'embarrassent  souvent  et  le 
forcent  à  perdre  un  temps  précieux  pour  s'en  rendre 
maître.  Après  l'essai  mallieureux  que  lit  K.  Triebert 
en  appliquant  le  système  Kœhm  au  basson,  Jancourt 
reconnut  qu'il  ne  fallait  pas  dénaturer  le  caractère  de 


î.  H  n'en  a  été  publié  que  onze  cliez  Uichaull,  O'Kclly  on  Gounias. 


TECHSIQl'E,  ESTHÈTKJVE  ET  PEDAGOGIE 


LE  BASSON    1591 


l'instrument,,  et,  désiieiix  de  lui  conserver  son  doigté 
et  son  timbre  particulier,  avec  l'aide  des  facteurs 
ÎRiEiiERTet  GouMAs,  il  chercha  régalité  de  son  parle 
déplacement  de  plusieurs  trous  et  l'addition  de  ciels 
auxiliaires,  mues  par  des  anneaux,  puis  il  ajouta  une 
clef  permettant  de  faire  plusieurs  trilles  jusqu'alors 
impossibles.  Pour  mettre  en  lumière  les  avantages 
obtenus  et  familiariser  avec  les  modilicalions  dues 
ti  -aux  facteurs  précédents  et  celles  qui  lui  sont  person- 
'(  nelles,  il  publia,  en  187G,  une  Kliid'-  de  basson  perfec- 
tionné qui  l'orme  le  complément  de  sa  méthode. 

l  EsPAiG.NET  (Jean),  né  à  Bordeaux  le  :!l  octobre  18^3, 

■mort  en  1909  à  Monte-Carlo. 

Travaille  le  basson  et  obtient  à  vingt  ans  le  premier 
prix  au  Conservatoire  de  Paris. 

Devenu  de  suite  un  virtuose  réputé,  Espatgnet  joua 
;  dans  presque  tous  les  grands  concerts  et  les  théâtres 
i  en  renom  de  la  capitale,  où  son  exlraordinaire  sono- 
rité lui  valut  toujours  de  grands  succès. 

Kemplace  .Iancourt  comme  soliste  à  la  Société  des 
concerts  et,  entre  temps,  travaille  aussi  le  «  petit  bas- 
son en  fa  »,  qu'il  fit  entendre  pour  la  première  fois 
à  Paris. 

11  a  composé  des  études  et  transcrit  beaucoup 
d'exercices  pour  les  élèves  du  Conservatoire;  ses 
éludes  de  Kreutzer'  sont  devenues  indispensables  à 
l'enseignement  et  favorisent  énormément  le  travail 
du  staccato. 

Il  se  fit  remarquer  par  la  manière  originale  dont  il 
grattait  ses  anches  à  l'enrers,  c'est-à-dire  en  retour- 
nant le  roseau,  qu'il  remettait  ensuite  dans  la  posi- 
tion normale. 

LiNOF  (Jules -.\mable- Constant),  né  à  Arras  le 
29  juillet  1824.  Vient  à  Paris  se  présenter  au  Conser- 
vatoire, où  il  est  reçu  élève  de  la  classe  de  basson. 

Premier  accessit  en  1844,  second  prix  en  1843,  et 
enfin  premier  pris  l'année  suivante,  Linof  se  fit  aus- 
sitôt remarquer  par  ses  grandes  qualités  d'instru- 
mentiste. 

Il  occupa  à  Paris  le  poste  de  soliste  dans  les  con- 
certs et  les  théâtres  les  plus  réputés. 

Mort  le  4  novembre  1877. 

Verroust  (André-Charles-Joseph),  né  à  Hazebrouck 
le  27  février  1826.  Travaille  la  musique  avec  son 
frère  et  vient  avec  lui  se  préseuler  à  Paris  dans  les 
classes  de  hautbois  et  de  basson. 

Premier  prix  en  1842,  Veruoi'st  passe  à  l'orchestre 
du  Vaudeville,  et  ensuite  à  l'Opéra  (1"  juillet  184a). 

Sous-chef  à  la  musique  de  la  garde  nationale  en 
1848,  il  se  fait  ensuite  recevoir  comme  soliste  à  la 
Société  des  concerts  (18.il). 

Mort  à  Paris  le  lo  janvier  1887. 

Gautier  de  Savignac  (Hyacinihe),  dit  «  Jullien  »,  né 
à  Meuvaines  (Calvados)  le  10  novembre  1827.  Etudie 
le  solfège  et  le  basson  et  vient  à  Paris  se  perfec- 
tionner. 11  remporte  le  premier  prix  en  18o3.  Après 
s'être  fait  remarquer  dans  les  orchestres,  comme 
soliste  de  premier  ordre,  «  Julliex  »  se  trouve  appelé  à 
Marseille  comme  professeur  de  basson  à  l'école  de 
musique.  Ses  élèves  furent  nombreux  et  deviiuent 
presque  tous  instrumentistes  de  grand  talent. 

Décédé  à  Marseille  en  1921. 


1.  Elirait  de  la  biographie  publiée  par  Con^^taut  Pierre  dans  La 
Musique  des  familles  le  2{i  juillet  1SS6. 

2.  Transcrites  d'après  les  études  de  violon. 


Villaufret  iFrançois-Mai-ie),  né  à  Rennes  le 
21  mars  1833.  Re.çu  à  Paris  comme  élève  de  la  classe 
de  basson,  où  son  tempérament  exceptionnel  le  fit 
reniarquer,  il  entre  àl'orchestre  de  l'Opéra  le  1=''  juin 
ix:i2,  c'esl-à-dire  un  mois  avant  son  premier  con- 
cours 1 

Ce  brillant  succès  fut  suivi  d'un  beau  premier  prix, 
et  ViLi.AinRETse  Irouva  de  suite  consacré  comme  vir- 
tuose de  lout  premier  ordre. 

Le  15  octobre  1867,  la  Société  des  concert*  lui 
olfril  la  place  de  basson  solo,  et  ce  nouveau  poste  lui 
procura  encore  de  plus  grands  succès. 

Fatigué  par  une  carrière  bien  remplie,  Villaufret 
prit  sa  retraite  à  l'Opéra  le  l°r  avril  1888,  et  n'en 
profila  que  trois  mois!...  —  Il  mourut  le  28  juillet 
suivant. 

Lalaisde  (Désiré-Alexis-Joseph),  né  à  Aire  (Pas- 
de-Calais)  le  IGjanvier  1847.  Celui  que  l'on  appela  le 
loi  des  bassons. 

Doué  des  plus  grandes  qualités  de  virtuose  que 
l'on  puisse  imaginer,  il  obtient  au  Conservatoire  le 
premier  prix  en  1864,  et  acquiert  une  colossale  re- 
nommée comme  virtuose  bassoniste  jusqu'en  1880, 
où  il  part  pour  Londres  pour  y  dofnier  des  concerts. 

Ses  succès  deviennent  retentissants,  et  l'on  cite  des 
concerts  où  il  toucha  mille  francs  pour  jouer  deux 
soles! 

A  appartenu  à  beaucoup  d'orchestres,  à  l'Eldo- 
rado, au  Théâtre  Lyrique  et  aux  concerts  Pasde- 
Loop  et  Lamourecx,  ensuite  à  l'Opéra-Comique,  ainsi 
qu'aux  gi'andes  auditions  de  Mancheslrr. 

Un  solo  de  basson,  intercalé  dans  une  pièce  que 
l'on  jouait  alors  aux  Folies-Dramatiques,  valut  à 
Lalande  un  succès  extraordinaire;  se  figure-t-on  le 
public  enthousiaste  applaudissant  un  artiste  de  l'or- 
chestre d'un  aussi  petit  théâtre? 

On  raconte  aussi  qu'un  imprésario  l'engagea  pour 
jouer  i(  en  olown  »  sur  la  scène  d'un  Music-hall  de 
Londres,  et  que  celui-ci  avait  imaginé  de  placer  sur 
le  basson,  de  petits  pétards  ('/)  destinés  à  partir 
pendant  les  variations  d'un  air  varié! 

.Mais  tous  ces  amusements  acrobatiques  n'ôtèrent 
rien  de  la  grande  réputation  de  Lalande,  qui  ne 
cessa  de  s'accroître  jusqu'en  1903,  où  il  mourut. 

BoiRDEAU  (Eugène),  né  à  Paris  le  14  juin  18bO. 

Musicien  précoce,  travaille  le  solfège,  le  piano  et 
le  basson. 

Seconde  médaille  en  186li,  premier  prix  de  basson 
en  1868,  alors  qu'il  était  déjà  à  l'Opéra-Comique 
depuis  un  an,  continue  ses  études  et  étudie  le  grand 
orgue;  ce  qui  lui  vaut  bientol  le  poste  de  maître  de 
chapelle  des  Pères  Passionnistes  de  l'avenue  Hoche 
à  Paris. 

Devient  ensuite  premier  basson  solo  de  l'Opéra- 
Comique  loù  il  reste  jusqu'en  1902),  et  organiste  du 
grand  orgue  de  l'église  Saint-Philippo  du  Houle. 

M.  BouRDEAU  aélé  professeur  au  Conservatoire  na- 
tional de  musique  de  1891  à  1922.  Ses  qualités  de 
musicien  en  l'ont  un  professeur  de  grand  mérite, 
et  le  nombre  de  ses  élèves  est  grand,  de  même  que 
celui  de  ses  premiers  prix. 

Particularité  curieuse  :  M.  Bourdeau  fait  partie 
d'une  véritable  famille  de  bassons,  dont  les  premiers 
prix  sont  légion  :  A. -F.  Bourdeau,  premier  prix  en 
1836;  C.-E.-.\l.  Bourdeau,  en  1861;  E.  Bourdeau,  en 
1868;  C.-M.  Bourdeau,  en  1877. 

Parmi  ses  œuvres   principales,   nous    trouvons  î 


15'.)2 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  COyiSERVATOinE 


pli!sieurs  messes  el  motets,  deux  solos  de  concours 
pour  basson,  une  méthode  et  des  exercices. 
Chevalier  de  la  Légion  d'honneur. 

I.i-.TELLiBR  (Léon),  né  à  Marseille  le  16  mars  IS'if), 
entra  au  Conservatoire  de  celte  ville  en  1873,  y  sui- 
vit les  cours  de  liasson,  ayant  comme  excellent  pro- 
fesseur H.  JuLLiEN,  obtint  un  second  prix  en  1876  et 
un  premiei'  prix  en  1877;  venu  à  Paris  pour  com- 
pléler  ses  études,  et  admis  dans  la  classe  du  célébrt' 
maître  1-.  Jancocht,  il  y  remporta  un  premier  prix  en 
1879.  Nous  le  voyons  soliste  des  concerts  Colonnk 
de  1883  à  l«8î);  après  un  brillant  concours,  fut  reçu 
basson  solo  à  l'orchestre  de  l'Opéra  en  1887,  et  oc- 
cupa ce  poste  jusqu'en  1924  ;  il  est  également  basson 
solo  au  célrhre  orchestre  de  la  .Société  des  concerts 
du  Conservaloire  de  1890  à  1921. 

M.  Letellier  fait  aussi  partie  de  la  Société  des  Ins- 
truments à  vent  fondée  par  le  regretté  maître  Paul 
Tai'fanel. 

Il  s'est  fait  fréquemment  entendre,  comme  soliste 
concertiste,  dans  différents  cercles  artistiques,  à 
Pai'is,  en  province  et  à  l'étranger.  Nommé  profes- 
seur au  Conservatoire  national  de  musique  en  1922. 
Officier  de  l'Instruction  publique. 

.Sou  nis  a  également  obtenu  un  brillant  premier 
prix  à  sa  première  année  au  Conservaloire  en  1904. 
Actuellement  basson  solo  à  la  Symphonie  de  New- 
York. 

Flament  (Edouard),  né  à  Douai  (.Nord)  le  27  aofll 
1880. 

Après  avoir  commencé  ses  études  musicales  dans 
sa  ville  natale,  il  arrive  à  Paris  et  se  tait  de  suite 
recevoir  comme  élève  dans  la  classe  de  basson  de 
IM.  BocRDEAU.  Après  huit  mois  d'études,  il  remporte 
le  premier  prix,  à  l'âge  de  dix-sept  ans. 

Passe  ensuite  à  l'orchestre  Lamoueieu.x  où  il  reste 
jusqu'en  1906.  Abandonne  l'orchestre  pour  se  consa- 
crer uniquement  à  la  virtuosité,  et  se  fait  entendre 
dans  les  grands  centres  artistique?,  notamment  à 
Berlin. 

Basson  solo  de  la  Société  moderne  d'instruments 
à  vent  et  de  la  Société  des  instruments  anciens,  il  a 
composé  un  Concerstnck  pour  basson  et  orchestre 
dédié  à  son  maître  M.  Bourdeau,  qu'il  a  fréquemment 
joué. 

Gomme  co.mposileur,  a  obtenu  au  Conservatoire 
un  accessit  d'hai'monie,  un  second  prix  de  fugue  et 
une  mention  au  concours  de  Rome,  1908. 

Premier  prix  de  piano  (accompagnement),  a  fait  le 
concours  RuBiNSTEiN  1905. 


Les  principaux  bassonistes  actuellement  solistes 
dans  nos  grands  orchestres,  sont  : 

M.  E.  VizENTiNi,  soliste  au  Grand  Opéra  et  aux 
Concerts  Lamoureux. 

M.  OuBBADOi's,  Société  des  Concerts  du  Conserva- 
toire. 

M.  G.  Dhebin,  Opéra-Comique  el  Concerts  CoLON^  e 

M.  Hénon,  Concerts  Pasdeloup. 

Parmi  les  virtuoses  célèbres  à  l'étranger,  nous 
citerons  : 


AlMENHADER,  BëSOZZI,  BiSCflOFF,  BOHMER,  Brandt,  Gzer- 
WE.NKA,     CzEYKA,     DiETTEB,     DURING,     ElCHNER,     EiSLER, 

Eri»:st,  Hollmayer,  Humann,  Huntsch,  Ki'mmer,  Rei- 
necke,  ScHONiGER,  Wagner,  Wfisse,  Jacobi,  W'esten- 
HOLz,  Zahn,  Joboli. 

Et  actuellement  : 

MM.  KoHLER, 'soliste  à  l'Opéra  de  Berlin,  Garl 
SciiiiMBERG,  premier  basson  de  la  Philharmonique  de 
Berlin;  Fbeitag,  professeur  au  Conservatoire  de 
Leipzig. 

Amérique  : 

MM.  Berniiardi,  soliste  à  l'Opéra  de  New-York; 
Louis  Letellier,  soliste  à  .New-York  Symphoiiy;  Lans, 
Irisson  solo  a  l'orchestre  du  Boston-Symphoiiy. 

Angleterre  : 

M.  WoLFF,  soliste  à  l'orchestre  du  Covent-liarden 
à  Londres. 

Autriche- Hongrie  : 

MM.  BôHM,  soliste  au  Théâtre  de  Vienne;  Dolezs, 
professeur  au  Conservatoire  de  Prague.  Wieschen- 
DORFF,  professeur  au  Conservatoire  de  Budapest. 

Belgique  : 

M.  BÉRAUDÉs,  basson  solo  du  théàtie  de  la  Monnaie 
à  Biuxelles. 


Hollande  : 

M.    Kruse,    professeur 
terdam. 


au    Conservatoire   d'Ams- 


Allemagne  : 

Dp  I7:i0  à  nos  jours  : 
MM.   I'u(imlii;h,  Arnold, 


Bart,   Bender,   Bendloch, 


Italie  : 

MM.  ToRUNi  et  Orefici  (Turin). 

Russie  : 

MM.  Christel,  professeur  au  Conservatoire  de 
Moscou;  HoRNiK,  professeur  au  Conservatoire  d'O- 
dessa. 


ENSEIGNEMENT   DU    BASSON 

Le  basson  aa  Conservaloire  de  Paris'. 

D'après  les  meilleurs  documents,  nous  apprenons 
que  c'est  en  179o  que  fut  fondée  à  Vlnstitut  national 
de  musique  la  première  classe  de  basson. 

Cela  ne  veut  pas  dire  qu'à  ce  moment-là,  on  man- 
quait de  liassonistes;  bien  au  contraire,  ceux-ci 
devaient  être  1res  nombreux,  car  nous  avons  trouvé 
dans  un  programme  de  concert  donné  le  17  brumaire 
an  III  (7. novembre  1794)  une  ouverture  composée 
par  le  citoyen  Catel  et  dont  rorchestralion  compor- 
tait 4  premiers  bassons  et  4  seconds. 

Où  apprenait-on  le  basson  avant  179:1  ?  Voilà, 
certes,  une  énigme  que  nous  n'avons  pu  résoudre 
encore,  et,  cependant,  nous  devons  constater  qu'à 
cette  époque,  la  France  comptait  des  virtuoses  de 
premier  ordre,  tels  que  Tulol',  F.  Gebauer,  Ozi  et 
Th.  Delcambre. 

(Juatre  classes  de  basson  furent  créées  d'un  seul 
coup'-!  Elles  se  trouvèrent  sous  la  direction  des 
quatre  virtuoses  dont  nous  venons  déparier. 

Est-ce  eu  raison  du  nombre  considérable  d'élèves 
que  le  gouvernement  nomma  tant  de  professeurs, 

1.  Tous  les  documents  reliUifs  à  ce  ctïapitre  ont  été  puisés  dans 
l'admirable  volume  <le  Const.intPiERRK  sur  le  Consfruatoire, 

■i.  En  ce  temps,  le  Conservaloire  avait  surtout  en  vue  ta  musique 
en  plein  air,  et  le  ba<:son  était  à  peu  près  la  seule  basse  d'harmonie 
existante. 


TECHS'inrE,  ESTHÈTIQVE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   BASSON    1593 


011  bien  par  un  sentiment  d'égalité  en  faveur  de  ses 
quatre  meilleurs  bassonistes'.' 

Toujours  est-il  que  l"on  rêvait  d'une  quantilé 
énorme  de  bassons,  d'une  véritable  armée!  Un  projet 
(|iiii  nous  trouvons  donne  encore  une  bien  autre  idée 
(b'  ces  anibilions.  Jugeons-en  : 

1795.  —  Projet  d'organisme  de  l'Institut  national  de  Musique 
—  HnssoH  :  IS  professeurs  et  72  (Mèves. 
Cfintrebansiin  *  :  un  professeur. 

Oeprojet'nousparaitètre  un  peu  antérieur  à  la  créa- 
lion  véiitable  de  nos  classes,  et  nous  supposons  que 
legnuvernement  aura  limité  ces  ambitions  à  quatre 
professeur,?,  ce  qui  était  déjà  bien  joli! 

Voici  donc  le  basson  parfaitement  installé.  Nos 
quatre  professeurs  collaborent  jusqu'en  1799,  où  nous 
constatons  la  disparition  de  Tulou. 

l'eu  de  temps  après,  F.  Gebaueh  quitte  aussi  l'Ins- 
titut national,  et  l'on  nomme  de  suite  leurs  succes- 
seurs :  lîonAT  et  Veillard. 

Nous  avons  donc,  en  1800,  toujours  quatre  profes- 
seurs :  Ozi,  Th.  Delcambre,  Uor.Ai  et  Veillard. 

Mais  ces  deux  derniers  ne  semblent  guère  se  plaire 
en  la  compagnie  de  leurs  anciens  ;  ils  partent  en- 
semble en  1802. 

Le  gouvernement,  jugeant  inutile  de  nommer  à 
nouveau  des  professeurs,  garde  jusqu'en  181.3  Ozi  et 
Th.  Delcaubre. 

Et  nous  remarquons  qu'en  1808  il  y  avait,  en  plus 
des  deux  professeurs,  deux  répétiteurs  et  douze 
élèves  pour  les  deux  classes. 

Ozi  meurt  le  15  octobre  1813-,  et,  cette  fois  encore, 
on  ne  donne  plus  de  successeur  au  disparu. 

Th.  Delcasirbe  reste  seul  jusqu'en  1824,  et,  à  par- 
tir de  cette  date,  nous  ne  trouverons  jamais  plus 
qu'un  seul  professeur  de  basson  au   Conservatoire. 

Voici  quels  furent  ces  professeurs  jusqu'à  nos 
jours. 

De  1824  à  1<S:!8  :  F.  Gebauer;  proljablement  le  fils  , 
ou,  tout  au  moins,  un  paient  de  V.  Gebauer  nommé 
plus  haut; 

1849  à  18'i.8:   Barizel  ; 

1849  à  1872  :   Willent; 

1872  à  1873  :  Cokken; 

187;;  là  1891  :  J.\ncourt; 

1891  à   1922  :  E.  Bourdeau; 

1922:  Léon  Letellier. 

lÎARizEL  fut  le  premier  professeur  ayant  préalable- 
men  obtenu  une  récompense  au  Conservatoire  :  pre- 
mier prix  en  1807,  jjremier  concours. 

Cokken  et  Willent  eurent  également  des  premiers 
prix  au  premier  concours,  tandis  que  Jancoi'rt  mit  un 
peu  plus  de  temps  à  obtenir  le  même  titre:  il  eut  le 
second  prix  en  1835,  et  le  premier  prix  l'année 
suivante. 

M.  Eugène  Bourdeau  a  également  remporté  le 
second  prix  en  1867,  et  le  premier  prix  l'année  sui- 
vante. 

Et  maintenant  que  nous  avons  parlé  des  profes- 
seurs, voyons  un  peu  les  élèves,  et  cherchons  les 
noms  des  premiers  lauréats  du  Conservatoire.  Nous 
trouvons  : 

En  l'an  V,   premier  prix  :    Dossion;  second  prix, 

COURTIN. 

Si,  en  179.Ï,  les  élèves  bassons  étaient  très  nom- 
breux, nous  ne  pouvons  savoir  si  le  nombre  des  récom- 
penses se  trouva   en  rapport  avec  leur  effectif,  car 


1.  Voir  plus  liaut  Contrebasson. 

2.  Voir  plus  liaut. 


aucun  document  ne  fournit  de  renseignements  sur 
ces  concours  avant  l'an  V. 

En  1808,  trois  bassonistes  seulement  se  présentent 
au  concours 'et,  en  1809,  le  concours  n'a  pas  lieu, 
faute  de  concurrents! 

Uuftile  était  la  raison  d'un  pareil  abandon'?  Sans 
doute  les  nombreuses  campagnes  napoléoniennes'? 

L'année  1810  amène  un  seul  concurrent;  en  1811, 
pas  d'élèves,  et  jusqu'à  l'année  1818,  nous  ne  trou- 
vons plus  d'indications. 

Nous  relevons  ensuite  deux  concurrents  en  1818, 
quatre  en  182.T,  et  cinq  en  1826. 

La  classe  semble  alors  remonter  un  peu  jusqu'en 
1831,  où,  brusquement,  nous  ne  trouvons  plus  rien 
jusqu'en  1834. 

De  1834  à  1846,  deux  à  trois  élèves;  et  jusqu'à 
18.54,  le  nombre  s'accroît  sensiblement,  pour  arriver 
à  sept. 

Les  classes  deviennent  assez  nombreuses,  elles  prix 
se  disputent  entre  trois,  quatre  et  cinq  concurrents. 

L'année  1883  nous  semble  être  le  point  de  départ 
jusqu'à  nos  jours  d'une  plus  grande  aftluence  d'é- 
lèves, qui  deviennent  de  plus  en  plus  nombreux 
jusqu'au  concours  de  1893,  où  neuf  bassonistes  se 
disputèrent  les  prix  ;  depuis  l'année  1893  à  l'année 
présente  1926,  le  nombre  des  élèves  n'a  fait  qu'aug- 
menter. 

Nous  donnons  ci-après  un  tableau  de  tous  les  mor- 
ceaux de  basson  composés  pour  les  concours  du 
Conservatoire  de  Paris,  de  1824  jusqu'à  nos  jours 
(les  morceaux  des  concours  antérieurs  à  cette  épo- 
que n'ont  pu  être  retrouvés)  : 

1S21.  Coiuertn  de  Krthaler. 

De  1S2S  il  1S35,  morceaux  inconnus. 

1835.  Concerto  en  «/(fragments)  Gebadeh. 

1836.  Air  suisse  en  sol,  — 
De  !S3(i  u  18  40,  morceaux  inconnus. 
ISiO.  Cditcerlo  de  Berbigcikr. 

1841.  Concerto  de  Babizel. 

1842.  Concerto  de  BARriEL  et  Bebb. 
1S13.  Concerto  de  Babizel. 

1814.  —  — 

18  45.  Concerto  e/i  .<»(  mi"eur  de  Barizel  et  Bkrh. 

1846.  Concerliuo  de  Barizel  et  Bi;br. 

1847.  Conccriinn  inconnu. 

18 15.  Concerto  de  Berbiol'ikb. 

1849.  Fiintiiisie  de  Willent. 

1850.  Fantaisie  de   Oerh. 

1851.  La  Ueliiiicolii-,  fantaisie  de  Willent. 

1852.  Introduction  et  Polonaise  de  Cokken. 

1853.  Concerlino  de  Berr. 

1854.  Anilanle  et  Romlo  de  Cokken. 

1855.  Oi/icer/o  (fragments)  de  Berr  et  Cokken. 

1856.  Fantaisie  de  Willent. 

1857.  Solo  de  Cokken. 

1858.  Solo  de  ToLon  et  Cokken. 

1859.  —  —  — 

1860.  Su(i/ de  Cokken. 

1861.  —  — 

1862.  /"  So/o  de  Cokken. 

1863.  S"  Concerlino  (fragments),  Berr. 

1864.  Concerlino  de  Cokken. 

1865.  Concerto  (fragments),  Weber. 

Pour  la  première  fois,  nous  voyons  apparaître 
1 -admirable  concerto  de  basson  composé  par  C.  M. 
de  Weber. 

1366.   I"  Morceau  tlu  Concerto  de  Weber. 

1567.  Concerto  en  ut  mineur  de  Berr. 

1568.  Concerto  (fragments),  auteur  inconnu. 

1869.  Fraf/riicnts  du  Concertode  Weber. 

1870.  Fragments  du  Concerto  de  Berr. 

1871.  Pas  de  concoure,  guerre  franco-allemande. 

1872.  Concerlino  de  Bervii.liers. 

1873.  Concerto  en  re  raiycuri fragments),  Cokken. 

1874.  !"  Concerto  de  Cokken. 

1875.  Andanleet  final  du  Concertode  Weber. 


1594 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONS  AIRE  DU  CONSERVATOIRE 


1576.  o'c  Holo  de  Jancourt. 

1577.  /'"■  Morceau  du  Concerto  de  Mozart. 

Le  concerto  do  Mozart  est,  pour  le  basson,  le  plus 
beau  joyau  de  sou  réperloire,  et  il  est  curieux  de 
constater  que  c'est  seulement  en  1877  qu'on  le  Joue, 
pour  la  preminre  fois,  aux  concours  du  Conser- 
vatoire. 

1878.  Coucerto  de  Weber. 

1879.  4*' Solo  (fragments),  .Jancoobt. 
ISSO.   S"  Sn/o  de. Jancockt. 

1581.  Frugmenls  du  Coiiccrliuo,  Ferv.  Dwm. 

1582.  S' A'o/o  de  jAxcopttT. 
1SS3.   1"^  Solo  — 

1584.  /<!'  Morceau  du  Coitcerlo  de  Mozart. 

1585.  j'' Sff/n  de  Jancoort. 
ISSO.  7C     —  _ 
1887.  ,ç<!     —  _      ^ 

ISSS.  Audanle   et  finiil  du  ijuiccrlo  i\p  Weber. 

1889.  Concertiiio  de  Jancouut. 

1890.  I'!  Solo  — 
1801.  !)o     _  _ 

1892.  Coucerto  de  "WiiiiEU. 

1893.  _         Mozart. 

1894.  l<^r  Solo  de  concours,  E.  Boordeac. 

1895.  Concerto  {Adiiijio  et  Final).  Weber. 
1891).  Foiitoinie liouiirnise i\c  WiîBiaî. 

1897.  Anduiitc  et  Houdo  du  Coucerto,  Mozart. 

1898.  Solo  de  Concert  de  (i.  1-Thrnk. 

C'est  à  ]iartii'  de  1898  que  Tadministration  du 
Conservatoire  décida  de  confier  à  des  compositeurs 
connus  la  composition  de  ses  morceaux  de  concours 
pour  le  basson,  comme  pour  les  autres  instruments 
à  vent. 

J-es  iieuieii.v  etîels  de  cette  décision  ne  se  firent 
pas  attendift,  si  l'on  en  juge  par  le  Solo  de  Concert 
de  I\l.  (ialiiiel  PiERNÉ,  —  morceau  remarquable  et 
d'une  cliaiinante  musicalité. 

1899.  Solo  de  P.  Pdset. 

1900.  Fantaisie  de  BooRGADT-DoconDRAY. 

1901.  Solo  de  Concert  ic  C\\w\e^  René. 

1902.  Fonlnisic  V«n«  par  .\ndré  Bi.och. 

1903.  Mlei/ro  de  lu  sonate  en  si  [,  de  H.  Dallier. 
•   1901.  Morceau  de  Concours  de  X.TwDoa, 

1905.  lutrodttctioH  etRondo\>Ar  k.   Bertelix. 

1906.  Solo  de  Concert  de  Tt.  I-^ierné. 

1907.  1"  Solo  de  concours,  E.  Bourdead. 
I90S.    /or  Morceau  du  concerto  de  Weber. 

1909.  liécit  et  thème  raric  de  Henri  Busser. 

1910.  Cottcerstûck  pour  liassou.E.  Cooi.s. 

1911.  l'riHude  et  Scherzo  pour  liasson,  E.  Jeanjean. 

1912.  tf«//«rfe  de  Jules  Mcoquet. 

De  19i:)  à  1926,  les  oeuvres  qui  ont  été  jouées  au 
Concours  sont  : 

Solo  de  (1.  r'ri:BNK. 

1'^''. Solo  de  BouiuiEAU. 

Pièces  deCouconrs  de  II.  BnssER. 

Concerto  de  Weber. 

Aller/rode  H.  Dallier. 

/'■'■  nioreeiru  du  (Concerto  de  Mozart. 

Sonate  de  G.  Saint-Saens. 

Cantilène  et  Rondeau  de  H.  Bdsser.  ,, 

Adai/io  et  Rondo  du  Concerto  de  Weber. 

Les  premiers  morceaux  de  cette  liste  sont,  pour  la 
plupart,  iiiédit.s;  beaucoup  parmi  eux  sont  introu- 
vables, depuis  longtemps  déjà;  on  pourra  trouver 
les  autres  dans  le  répertoire  du  «  Virtuose  basso- 
niste ». 


REPERTOIRE   DU   VIRTUOSE   BASSONISTE 

Les  niéthoiles  du  liasson. 

Béer  (F.).  —  Méthode  de  basson  (édition  ancienne), 
BocBDEAij  (E.).  —  Méthode,  en  un  volume.  Evette,  éditeur,  Paris. 
CoKKEN.  ^  Nourelle  édition  de  la  Méthode  de  Béer  en  deux  parties. 
E.  Gérard,  éditeur,  Paris. 


Jancotîrt.—  Méthode,  en -2  volumes,  (^^stallal,  éditeur  à  Paris. 
Ozi.  —  Méthode  de  basson  (édition  ancienne). 
Willent-Bordooni.  —  Méthode  complète  pour  le  basson.  Trou- 
penas,  éditeur  ii  Paris  (édition  ancienne'. 


Les  exercices  [loiir  ba<«so». 

BoDBDEAn  (E.).  —  Gammes  et  Arpèges,  en  2  volumes.  Evette,  édi- 
teur à  Paris. 

EsPAiGNET  (J.).  —  Transcription  pour  le  liassoa  des  études  de  : 
L.  Spohr,  .1.  Mavsedeb,  Krectzkr,  Kiorillo,  Rode, 
Mazas.  Evette,  éditeur,  Paris. 

FoENTE  (.J.-D.  H.  DE  la).  —  û  Craudcs  Eludes.  Van  Eck,  éditeur  i 
La  Haye. 

Gasibabo  (J.-B.).  —  IS'Etudes.  Lemoine,  éditeur  h  Paris. 

Jancodrt.  —  S6  Etudes. 

—  32  E.rereices  progressifs. 

—  30  Mélodies  graduées,  en  2  suites. 

—  'Jfl  Mélodies  plus  éteudues. 

—  Elude  du  l'usson  perfectionuc. 

—  Grande  Etude  pour  le  basson.  Evette,  éditeur  à  Paris. 
Orefici  (Alberto).  —  tO  Etudes.  Gustave  Gori,  éditeur  il  Turin. 
Orselli.  —  13  E.vercices,  ctiez  Ricordi,  éditeur,  Paris. 


Les  concertos  poiii*  basson. 

AiMOND  (L.).  —  2' Concerto  de  basson  avec  orchestre.  Frey,  édi- 
teur. 

David.  — Concerlino  eu  si  'r,.  Costallat,  éditeur  à  Paris. 

Flament.  —  Concerlsttick  en  la  mineur  pour  basson  et  orclie.«tre. 
Evette,  éditeur  à  Paris. 

Haacke  (Cil.).  —  Concerto  pour  basson  et  orchestre.  Tlummel, 
éditeur  à  Berlin. 

Mozart.  —  Concerto  en  si  (7,  pour  basson  et  orchestre.  Breilkopf 
et  Hiirtel,  éditeurs  à  Leipzig. 

Weber.  —  Concerto  en  [a,  pour  basson  et  orchestre.  Richaul,  édi- 
teur à  Paris. 


Les  solos  pour  basson. 

.'Vlmenr.eder.  —  Romance  de  Joseph  (variée).  Costallat,  éditeur. 

Beethoven.  —  Op.  5,  Sonate  e»  fa,  transcrite  par  E.  Jancoort. 
Costallat,  éditeur. 

BerthI':ltn.  —  Inirodnction  et  rondo. 

Bloch.  —  Fantaisie  variée. 

BoDRDEAU.  —  Z'^'"  solo  cu  Ut  uiincur . 

BotjRCiAtiLT-DucoDDiiAY.  —  Fantaisie. 

BcssER.  —  Récit  et  thème  varié.  Evette,  éditeur. 

CoKKEN.  —  Dott;e  Mélodies  eu  i  suites  d'après  Bordogni.  Costal- 
lat, éditeur. 

—  Variations  de  Hode.  Costallat,  éditeur. 

D.ALLiER.  —  Allegro  de  la  sonate  pour  basson  et  piano.  Evette, 
éditeur. 

Demersseman.  —  Introduction  et  Polonaise.  Costallat,  éditeur. 

Flament.  —  Elégie  pour  basson  et  orgue.  Evette,  éditeur. 

Gebacer.  —  Variations  sur  Marchc'ik  Polichinelle.  Costallat,  édi- 
teur. 

—  Variations  sur  la  Hongroise  et  la  Tyrolienne.  Costallat,  éditeur. 
R.  Glieue.  —  2  pièces  pour  basson  et  piano. 

—  llumoresiiue  Interlude.  Max  Eschig,  rue  Laffitte,  Paris. 
Janoocut.  —  Fantaisie  cl  Thème  varié  en  sol.  Costallat,  éditeur. 

—  -f"  air  varié.  Costallat,  éditeur. 

— •  Cavaline  d'.Kuna  Bolena.  Costallat,  éditeur. 

—  Variation  sur  la  yorma.  Costallat,  éditeur. 

—  Allegretto  de  la  7' Sumphonie  de  Beethovkn.  CustiiUat,  éditeur. 

—  Variation  sur  un  Thème  de  Cabaea.  Costallat,  éditeur. 

—  Fantaisie  sur  la  Somnumhula.  Costallat,  éditeur. 

—  fr  solo  en  sol.  Costallat,  éditeur. 

—  6'"  Fantaisie  en  ré.  Costallat,  éditeur. 

—  Si.t  Mélodies  faciles.  Costallat,  éditeur. 

—  !''•:  et  i<-  Suites  sur  des  mélodies  de  Schubert,  Proch,  Bellini. 

Costallat,  éditeur. 

—  .-liV  varié  facile  en  fa.  Costallat,  éditeur. 

—  Souvenir  d'Italie  sur  des  motil's  de  Domzetti.  Costallat,  éditeur. 

—  Fantaisie  sur  Don  Juan  de  Mozart.  Costallat,  éditeur. 

—  t'«  olo  en  ré.   Costallat,  éditeur. 

—  /"^  Adagio  Religioso.  Costallat,  éditeur. 

—  2' Largo.  Costallat,  éditeur. 

—  >?"  Cantalnle.  Costallat,  éditeur. 

— ■  Etude  mélodiiiue  en  si  7  mineur.  Costallat,  éditeur. 

—  Romance  sans  paroles.  Costallat,  éditeur. 

—  Etude  mclodif/ue  en  mi  mineur.  Costallat,  éditeur. 

—  Fantaisie  variée.  Costallat,  éditeur. 

—  Air  varié  faeile  en  fa.  Costallat,  éditeur. 

—  Air  raric  en  ut.  Costallat,  éditeur. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   BASSON    1595 


jANCOnBT.  —  ô'c  Sotu. 

—  V  Siito.  Evolte,  éditeur, 

—  5°  Si)to. 

—  G"  Soin. 

—  8^ Solo.  Mâchai-,  éditeur. 

—  90  Solo. 

—  S^  solo  en  l'i'  timjt'tn'.  Evette,  éditeur. 
KmciiLiN.  —  Trois  pièces  pour  liasson  el  pi;ino. 
Kn.MMEH.  —  Voriittion  sur  une  inuziirka.  Gostallat,  éditeur. 
Lacroix.  —  l'reiiiiirc  Tendresse.  Costallat,  éditeur. 

—  Suite  pour  Ipasson  et  piano.  Costallat,  éditeur. 
Lai.liiît.  —  Faiilaisie  lirillunle.  Costallat,  éditeur. 

—  Fantaisie  sur  des  motifs  de  Chopin.  Costallat,  éditeur. 
Liste.  —  Grande  Sonate  en  fa.  Gostallat,  éditeur. 
MENDiîL.'isoHN.  —  Alki/retto   de  la  2'  sijmplwitie,  par  J\ncoubt. 

Costallat,  éditeur. 

MozAiiT.  —  Larno  du  Quintette  en  /n, /)«!•  Jancocrt.  Costallat,  édi- 
teur. 

PiERNK.  —  Solo  de  concert  eu  re  mineur.  Evette,  éditeur. 

Pixis.  — Duo  sur  un  motif  alleniiind.  Costallat,  éditeur. 

Pdget.  —  Solo  en  ut  mineur. 

René  (Charles).  —  Solo  de  cooeerl. 

Saint-Saens.  —  Souille  pour  basson  et  piano.  Durand,  éditeur. 

SOHOMANN.  —  Rêverie,  par  Jancocrt.  Costallat,  éditeur. 

Taddou.  —  Morceau  de  concours. 

Valter.  —  Trois  Thèmes  variés  eu  sol,  en  ut,  eu  ut.  Costallat,  édi- 
teur. 

Verrodst.  —  Variations  sur  un  thème  de  Bellini.  Costallat, édi- 
teur. 

—  Variations  sur  un  thème  de  Hommel.  Gostallat,  éditeur. 

—  Premier  Air  varié  sur  un  thème  espagnol.  Costallat,  éditeur. 
Vidai,  (Paul).  —  Mélodie.  Girod,  éditeur. 

Weber.  —  Andanle  et  Roudo  hougrois.  Costallat,  éditeur. 
Wili,i;nt-IÎ()Rdoum.  —  Solo  en  ré.  Costallat,  éditeur, 

—  Op,  17,  Soiiale  en  fa.  Costallat,  éditeur, 

—  Op,  30,  Sonate  en  ut  mineur  (pour  piano  et  violoncelle),  Costal- 

lat, éditeur. 


CONCLUSION 

Il  faut  véritablement  se  trouver  en  possession  d'une 
forte  dose  de  courage  et  d'aplomb  pour  oser  exécu- 
ter en  public,  chez  nous,  un  solo  de  basson  1 

C'est  qu'on  ne  pardonne  pas,  en  France,  aux  clio- 
ses disgracieuses;  t?t,  quiconque  aborde  les  plancln-s, 
doit  toujours  avant  tout  paraître  sympathique  et  gra- 
cieux. 

Eh  oui,  pauvre  virtuose  1  lu  n'es  guère  rassuré 
lorsque  tu  arrives  en  scène  avec  ton  grand  instru- 
ment!,,. Déjà,  les  jeunes  filles  sourient  et  cachent 
leurs  tftes  moqueuses  derrière  les  éventails;  c'est 
alors  que  tous  les  soucis  d'une  exécution  jamais 
assurée  viennent  mettre  en  désarroi  le  peu  d'aplomb 
dont  tu  étais  pourvu!,,.  L'anche  ira-t-elle?  n'3'  a-t-il 
pas  de  l'eau  dans  un  trou?  les  clefs  bouchent-elles 
bien?,,.  Mais  l'accompagnateur  a  commencé  le  pré- 
lude, et  il  faut  attaquer  la  première  note  du  mor- 
ceau :  instant  solennel.,,  moment  terrible! 

Et  pourtant,  le  progrès  aidant,  un  jour  viendra  où 
le  basson  aura  enfin  conquis  la  place  qu'il  mérite, 
et  que  nos  voisins  lui  ont,  du  reste,  déjà  réservée 
depuis  longtemps  dans  leurs  concerts. 

Les  Allemands,  en  parliculier,  aiment  le  basson  et 
surtout  le  «  virtuose  bassoniste  »;  pourtant,  chez 
eux,  il  est  assez  rare  de  rencontrer  des  musiciens 
jouant  aussi  bien  de  leur  instrument  que  les  Fran- 
çais :  d'abord,  parce  qu'ils  ne  saventpas  arrangerleurs 
anches  avec  perfection  (voyez  Anche),  ensuite,  parce 
que  la  perce  de  leur  basson  donne  une  sonorité  très 
inférieure  à  la  nôtre. 

Il  appartient  ici  de  rendre  un  hommage  mérité  à 
ScHiLLEB,  qui  donna  souvent,  au  Beetboven-Saal  de 
Berlin,  des  séances  de  musique  inslrumentale  du 
plus  grand  intérêt;  le  basson  y  lut  fort  en  honneur, 
et  les  journaux  berlinois  s'enthousiasmèrent  devant 
l'exécution  du  Concerto  de  Moz.\ut. 


Nous  devons  aussi  à  la  Société  de  musique  de 
chambre'  d'avoir  fait  apprécier  notre  instrument  en 
.Mlemagne,  au  cours  des  intéressantes  séances  qu'elle 
donna  à  lîonn,  —  au  Kammerinusikfest,  —  à  Mu- 
lhouse, à  Zurich  et  à  Berlin,  —  salle  de  l'Académie 
de  chant,  ainsi  que  dans  les  principales  villes  de  la 
.Suisse,  en  Italie,  à  Milan,  en  Espagne,  à  Madrid,  et  en 
Portugal,  à  Porto,  etc. 

Chaque  l'ois  que  les  concerts  Colonne  ou  Lauou- 
RELx  vont  faire  un«  tournée  en  Allemagne,  les  bas- 
sons se  trouvent  toujours  très  appréciés  du  public  et 
de  la  presse,  dont  les  élogieux  comptes  rendus  ne 
font  jamais  défaut. 

Les  liassonisles  allemands  se  spécialisent  tous  dans 
un  seul  travail,  soit  au  concert,  soit  au  théâtre;  et  il 
est  bien  rare  de  les  voir,  comme  chez  nous,  occuper 
deux  postes  différents.  Cela  tient  à  ce  que  les  ap- 
pointements sont  plus  élevés  qu'en  France,  et  aussi 
à  ce  que  les  sociétés  de  concerts  ne  chôment  jamais 
en  été. 

La  Philharmonique  de  Berlin,  par  exemple,  joue 
d'un  bout  de  l'année  à  l'autre  dans  toute  l'Allema- 
gne, tandis  que  nos  grands  concerts  parisiens  ne 
font  qu'une  saison  de  six  mois,  sans  presque  jamais 
jouer  le  soir. 

La  célèbre  maison  Breitf.opf,  de  Leipzig,  est 
presque  la  seule  qui  ait  édité  des  œuvres  pour 
basson  et  orchestre.  Le  Concerto  de  Mozart  s'y 
trouve  imprimé  remarquablement,  et  l'on  peut,  pour 
une  somnie  insignifiante,  s'en  procurer  la  partition 
complète. 

II  serait  à  souhaiter  que  l'on  entende  à  Pans 
cette  œuvre  admirable,  exécutée  avec  orchestre,  et 
dont  les  extraordinaires  elTets  de  sonorité  mettent  le 
basson  sous  un  jour  tout  à  fait  nouveau. 

Le  public  est  trop  habitué  à  entendre  toujours, 
dans  les  concerts,  soit  du  chant,  soit  du  violon,  vio- 
loncelle ou  piano,  pour  qu'un  jour,  d'autres  artistes 
ne  viennent  pas  lui  prouver  qu'en  musique  tous  les 
instruments  sont  intéressants. 

En  ce  qui  concerne  le  nôtre,  il  est  certain  que  son 
grand  perfectionnement,  ajouté  aux  qualités  remar- 
quables des  virtuoses  modernes,  l'alTranchira  bien- 
tôt des  faux  et  grotesques  préjugés  dont  on  l'atfubla 
toujours. 

Le  nord  de  la  France  nous  a  donné  de  grands 
encouragements,  car  presque  tous  les  jeunes  gens  de 
ces  contrées  possèdent  un  instrument  à  vent;  plu- 
sieurs jouent  du  basson,  et  figurent  en  bonne  place 
aux  pupitres  des  musiques  d'harmonie  justement 
célèbres  qui  font  la  gloire  des  principales  cités  sep- 
tentrionales. 

La  première  condition  à  observer  pour  le  basso- 
niste de  concert,  c'est  d'être  bien  accompagné  au 
piano. 

.Nous  ajouterons  même  :  accompagne  d'une  ma- 
nière spéciale;  voici  pourquoi  :  les  notes  de  limbrr 
si  différent  ne  donnent  pas  toutes  la  même  force 
dans  la  sonorité  de  noire  instrument;  le  pianiste 
doit  apporter  une  extrême  attention,  pour  qu'un 
accompagnement  trop  fort  ne  vienne  pas  couvrit-  les 
sons  donnés  par  le  virtuose. 

Quand,  aux  concours  du  Conservatoire,  arrivait  le 
jour  mémorable  du  basson,  le  directeur.  Th.  Dunois, 


I.  Fondation  Taffasel.  Les  membres  de  cette  Société  étaient  coin- 
posés  de  MM.  P.  Gacbekt  (nùtej,  L.  Bas  et  L.  Ki.eozet  (h.intboisi, 
P.  MiMAnx  et  H.  Lefebvre  (cl.iriuettcs),  L.  Lf.tfi.mer  et  Ch.  BornijFAi; 
(bassons)  Wdjllermoz  et  J.  Pénable  (cors)  et  M.  Gabriel  Gbovi.f/  (pia. 
niste. 


1596 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIHE 


préparai!   dans   son  sous-main  un  petit  Itillet  ainsi 
conçu  : 

«  Monsieur  l'acconipaiînateur, 
«  Jouez  moins  fort,  S.  V.  P.  » 

Et,  tous  les  ans,  cette  même  note  servait  invaria- 
blement à  calmer  l'.utlenr  du  pianiste! 

Pour  bien  aceompa^iier  le  basson,  il  faut,  autant 
que  possible,  supprimer  la  pédale  «  forte  »  et  n'em- 
ployer que  la  sonorité  simple,  agrémentée  parfois  de 
la  pédale  «  sourde  ».  On  ne  doit  jouer  avec  force 
que  dans  les  <i  tutti  »,  en  ayant  soin  de  voiler  com- 
plètement les  notes  graves  du  piano,  lorsque  le  bas- 
soniste jouera  dans  ce  registre. 

Si  les  auteurs  modernes  ont  composé  pour  l'ins- 


trument de  très  intéressants  morceaux  au  point  de 
vue  musical,  il  est  regrettable  de  constater  que 
l'exécution  de  ces  œuvres  ne  donne  pas  toujours 
satisfaction  à  l'auditoire. 

En  ell'et,  le  piano  se  trouve  toujours  trop  impor- 
tant, et  surtout  trop  concertant  avec  le  basson;  ces 
lieux  instruments  ne  font  pas  entre  eux  bon  ménage; 
l'un  d'eux  doit  laisser  briller  l'autre. 

.Nims  voyons  donc  que  l'accompagnement  d'un 
morceau  de  ce  genre  devra  toujours  être  simplement 
écrit,  et,  par  conséquent,  d'une  manière dillérenle  du 
mode  de  composition  actuel  ;  les  immortels  Conceitos 
de  Mozart  et  de  Weber  donneront  aux  compositeurs 
la  ligne  de  conduite  à  suivre  sur  la  façon  d'écrire 
leur  partie  de  piano. 

LÉON  LETKLLIliR,  Edouard  FIAMENT. 


LA  TROMPETTE  ET  EE  CORNET 


Par  M.   Merri  FRANQUIN 

PEOl-'ESSKCB    HONORAIRE    Ali    CONSERVATOIRK    NATIONAL    DE    MCSIQDE    DE    TARIS 


ORIGINE   DE   LA   TROMPETTE.    SON   USAGE 
DANS  L  ANTIQUITÉ 

On  ne  peut  préciser  exaclement  l'époque  orijiinelle 
de  la  trompette,  du  moins  si  l'on  enlend  par  ce  mot 
un  instrument  ayant  des  sons  analogues  à  ceux  que 
nous  lui  connaissons  aujourd'hui,  car  tout  porte  à 
croire  qu'à  son  début,  la  trompeitea  dû  se  confondre 
avec  la  thUe,  ou  plutôt,  qu'elle  a  été  une  des  variétés 
de  la  tlûte.  H  n'est  pas  douteux  que  les  premiers 
hommes,  qui  ont  eu  l'idée  de  tirer  des  sons  des  ro- 
seaux, des  cornes  et  des  coquilles,  lesquels,  selon 
toute  vraisemldance,  ont  été  les  iustr'umeiils  primi- 
tifs, n'ont  fait,  au  commencement,  que  souiller  dans 
ces  divers  otijet'^,  qui  rendaient  des  sons  dllférents 
selon  leur  l'orme  intérieure;  ils  n'ont  pas  cherché, 
tout  d'aboid,  à  perlectionner  ces  sons  au  mo\en  de 
l'émission  savante  que  l'on  a  appliquée,  depuis,  à 
tous  les  instruments  à  veril  en  général.  Nous  citerons 
ici  le  passaf;e  suivant,  extrait  du  Précis  hisioiique  'le 
la  Tviimiiette,  pai-  Dauveuné,  professeur  au  Conser- 
vatoire de  1833  à  1869  :  Méthode  de  tnmi.ette,  p.  x  : 
..  Ne  semlile-t-il  pas  que  l'idée  de  la  tromp.  tte 
drtt  se  présenter  nalnrellement  à  quiconque  s'avisa 
de  souftler  dans  une  corne  de  bœuf  ou  de  liélier  préa- 
lablement perforée;  dans  un  roseau  pei'ce  ou  dans 
une  conque  ouverte  aux  deux  extn'milps  de  son 
hélice?  (.Nii  n'eût  compris  aussitôt  infaillihlemi'nt 
l'ulililé  d'une  pareille  découverte,  soit  pour  rassem- 
blei  des  troupeaux,  soit  pour  appeler  aux  armes  un 
peuple  menacé  de  quelque  hostilité;  pour  dimner  des 
signaux,  ou  bien  encore  pour  se  réunir  en  certains 
jours  de  fête,  à  certaijies  heures  du  jour?  Les  pre- 
mières trompetles  ont  donc  été,  ou  de  gros  roseaux, 
ou  des  morceaux  de  bois  creusés,  ou  des  cornes 
d'animaux',  ou  de  grosses  coquilles'^  Toutes  ces 
espèces  de  trompettes  sont  encore  en  usa^xe  dans 
plusieirrs  pays,  comme  elles  l'ont  été  chez  les  plus 
anciens  peuples  de  la  terre.  " 

11  par-aît  évident  que,  dans  la  pensée  de  Daiveiiné, 
la  llùte  et  la  trompette  étaient  ('omondues  et  que, 
seuls,  la  grosseur  de  l'objet,  sa  longueur,  le  d'gré.le 
puissance  des  sons  qu'il  rendait,  ainsi  que  l'usage 
qui  en  était  fait,  décidaient  de  l'une  et  de  l'autie 
appellation.  Le  fait  que  les  premières  trompettes 
onl  été  de  gros  roseaux  ou  de  grosses  coquilli-s 
prouve  bien  que  ces  mêmes  objets,  petits  au  Vu-n 
d'être  gros,  ayant  formé  les  tlilles,  les  Ironipiiies  de 
cette  époque,  étaient  de  grosses  flûtes,  ou  les  ilûtes 


1.  Mi'-tlt.  DAOVF.nst%  p.  \xiii,  f.  3,  4,  tromperie  |iriniiri\e. 

2.  Ibid..  p,  XXVI,  t.  15,  IroinpeUe  priinilMC. 


de  petites  trompettes.  Du  reste,  il  est  à  remarquer 
que,  même  dMios  jours,  plus  les  sons  de  la  trompette 
sont  aigus,  plus  ils  ont  de  ressemblance  avec  ceux  de 
la  tlûle^  Si,  pour  appuyer  cette  opinion,  nous  obser- 
vons les  bas-reliefs  des  anciens  monuments,  nous  y 
voyons  des  personnages  jouant  des  instruments  qui 
peuvent  aussi  bien  être  considérés  comme  des  flûtes 
que  comme  des  trompettes. 

La  trompette  tyrrhénienne,  assez  semblable  à  la 
flûte  phrygienne  pai' le  diamètre,  et  dont  le  pavillon 
était  renversé  comme  celui  de  la  plupart  de  nos 
trompetles  modernes,  rendait  un  son  fort  aigu;  ce 
qui  prouve  qu'elle  n'était  pas  longue.  La  r-essem- 
t.lance  de  cette  Ir-ompette  avec  la  llûte  phrygienne, 
qiraut  à  la  forme  et  au  peu  de  longueur  <lu  tube, 
ainsi  que  ses  sons  fort  aigrrs,  sont  une  r-aison  de  plus 
à  l'appui  de  la  théorie  de  i'orijiirre  commune. 

La  description  que  fait  l'historien  Josèphe  du 
Chatzotzeroth  ou  Chatzotzi'va  des  Hébreux,  donne 
presque  autant  d'idées  de  la  tlûte  ancienne  ou  mo- 
derne que  de  la  trorn|)etle  :  u  C'était  un  tube  d'ar- 
gent, droit,  long  d'une  coudée,  à  peu  près  de  la  gros- 
seirr  de  l'arrcienne  lli'Ue  en  hois;  légèrement  conique, 
avec  ui'B  étroite  embouchure,  et  peu  d'évasement  au 
pavillon*.  » 

Le  cornet  à  bouquin  était  une  espèce  de  tlûte  cour- 
bée, faite  ordinairement  de  corne,  employée  pour 
appeler  les  vaches. 

D'après  toules  ces  remar^rpies,  on  s'explique  par- 
faitenrerit  que  les  anciens  auteurs  aient  pu  confondre, 
selon  les  circonstances  et  l'emploi  qui  en  était  fait, 
les  flûies  avec  les  trompettes  et  les  cor'uets. 

La  Irorrrpelte,  pas  plus  que  la  flûte,  n'a  eu  d'inven- 
teur; c'est  la  nature  qui  l'a  créée,  et  c'est  l'homme 
qui  l'a  découverte  et  perfectiorrnée.  Tous  les  noms 
cités  par  les  écrivains  ilésigneni,  sans  doute,  des 
personnes  (lui  ont  appor-'té  une  modification  à  cet  ins- 
trument, (|uairt  à  sa  forme,  à  la  matière  enrployée 
à  sa  construction,  à  la  manière  de  s'en  servir  ou  à 
l'usage  auquel  on  le  di^slinait. 

Les  relatives  inventions  dont  il  est  parlé  dans  toute 
l'histoire  de  la  tiorrrpette  n'ont  été  que  des  perfec- 
lionnements,  des  systenres  nouveaux,  et  marquent 
seulement  des  étapes  dans  sa  carrière;  mais  c'est 
toujours  la  flûle,  la  tronipelte"  et  le  corrief^^  qui  sont 
le  point  de  départ  de  tous  les  instiiiinerrts  à  vent. 

3.  La  tromp'^tre  en  &i\}  surat<7ii  (roct.'ivt;  du  cornet  a  pistons  mo- 
ilcrne   pourrait  s'nppel  T  (rimtpetlP-fliUe, 

4.  Josè-plle.  Ant.  jwlaiqui's,  liv.  IlL  *li.  14, 

;i.  Tmmia'tte.  iliuiiriulif  de /roni;>",  e«pi;<e  de  cn([uille  de  meren  spi- 
rale. —  Ktun.  grecipie  :  strombox,  nom  d'une  corpiille  dont  on  faisait 
une  trompette;  —  étym.  provenc.  :  tnnnba,  trompa;  —  ilalieu, 
Irtimbu;  latin,  tuba;  —  espagil. ,  fromôn,  trompa;  du  latin  turbo, 
toupie. 

0.  Coriiel.  diminutif  de  C  TJie. 


1538 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Tous  les  auteurs  qui  ont  écrit  sur  la  Ironipette,  en 
parlent  couinie  d'un  instrument  au  son  noble  et  ma- 
jestueux, et  dont  les  eiïets  sont  grands  et  sublimes. 
Nous  pouvons  ajouter  que  son  utilité  est  devenue  de 
premier  ordre  dans  la  musique  d'orchestre  symplio- 
nique  et  de  théâtre,  car,  en  même  temps  que  la 
puissance  et  la  douceur,  elle  expiime  merveilleuse- 
ment tous  les  sentiments. 

..  La  trompette  se  trouve  partout  où  il  existe  des 
hommes  vivant  en  société  ;  elle  est  comme  l'indice  de 
la  civilisation:  elle  se  mélo  à  toutes  les  institutions 
politiques  et  religieuses;  elle  préside  à  toutes  les  cé- 
rémonies et  à  toutes  les  fêtes;  elle  déclare  la  guerre, 
donne  le  signal  des  combats,  sonne  la  retraite  des 
vaincus,  proclame  le  ti'iomphe  des  vainqueurs.  Dans 
les  jeux,  elle  applaudit,  par  ses  fanfares,  à  la  vic- 
toire de  ceux  qui  reçoivent  des  couronnes;  elle  pré- 
cède les  conquérants,  annonce  l'ariivée  ou  les  entre- 
vues des  souverains,  assiste  à  leurs  traités,  sanc- 
tionne, pour  ainsi  dire,  leurs  serments;  elle  annonce 
aussi  la  naissance  des  grands  et  des  puissants  de  la 
terre  elles  accompagne  encore  au  tombeau'.  » 

Les  peuples  les  plus  éclairés  de  l'antiquité  eurent, 
pour  cet  instrument,  la  plus  hanle  estime,  comme  le 
prouvent  les  emblèmes  dans  lesquels  on  voit  toujours 
la  trompette  dans  la  main  des  Dieux,  dans  celle  des 
prêtres,  des  héros  etautres  personnages  distingués'-. 

Nul  instrument  n'a  été  plus  utile  à  l'homme,  aussi 
bien  dans  la  vie  civile,  religieuse  et  agricole  ([u'à  la 
"uerre.  C'est  le  seul  dont  le  nom  ait  été  prononcé 
par  la  bouche  de  rKternel,  que  Dieu  ait  désigné  à 
Moïse.  Suivant  l'Histoire  sacrée.  Dieu  lui  ordonna 
l'usage  des  trompettes  et  lui  commanda  d'en  faire 
deux  d'argent  battu  au  marteau  pour  convoquer  les 
chefs  des  douze  tribus  d'Israèl,  alin  d'assembler  le 
peuple  hébreu  et  de  donner  le  signal  du  départ  du 
Sinai;  il  lui  prescrivit  la  manière  de  s'en  servir  en  ces 
ilifférentes  circonstances,  désignant  les  prêtres,  en- 
fants d'Aaron,  pour  sonner  les  trompi'ttes  sacrées. 
Dieu  ht  la  recommandation  expresse  de  s'en  servir 
pour  la  guerre,  les  sacrifices  religieux,  les  fêtes  solen- 
nelles et  les  festins. 

L'origine  des  trompettes  du  temple  qui  se  con.ser- 
vaient  dans  l'Arche,  estainsiracontéedans  l'Ecriture  : 
H  Les  Juifs  étaient  encore  dans  le  désert  lorsque  le 
Seigneur  dit  à  Moïse  :  Fais-toi  deux  trompettes  d'ar- 
gent, tu  les  feras  massives,  et,  avec  elles,  tu  pourras 
convoquer  la  multitude  quand  il  faudra  partir.  Un 
seul  son  avertira  les  chefs  des  milieux;  un  son  plus 
long  avertira  ceux  qui  sont  à  l'est  du  camp;  un 
second  son,  ceux  qui  seront  au  midi;  poin-  assem- 
bler le  peuple,  un  simple  son,  mais  prolongé.  Les 
fils  d'Aaron  {cohérinnes)  sonneront  ces  trompettes; 
l'Eternel  se  souviendra  de  vous,  et  vous  serez  déli- 
vrés de  vos  ennemis;  et  au  jour  de  votre  joie,  vous 
sonnerez  des  trompettes  sur  vos  holocaustes  et  vos 
sacrifices  pacifiques.  » 

Enfin,  c'est  le  son  de  la  trompette  qui  doit  réveil- 
ler le  genre  humain  du  sommeil  de  la  mort,  au  juge- 
ment dernier. 

La  fêle  des  Trompettes  était  la  troisième  des  cinq 
grandes  fêtes  juives.  Elle  se  célébrait  le  jour  de  Tsiri, 
septième  mois  de  l'année  civile  répondant  à  la  lune 
de  septembre.  Cette  fête  était  établie  soit  en  mé- 
moire du  tonnerre  qui  éclata  sur  le  mont  Sinaï  le 
jour  de  la  promulgation  de  la  loi,  soit  en  l'honneur 


i.  Dsiivi-iiNt,  Méthode  de  trompette, 
ï.  /Oui. 


de  la  création  du  monde.  Aussi,  c'était  l'époque   où 
les  Juifs  se  souhaitaient  une  heureuse  année. 

Cette  fête  était  la  même  que  celle  des  Expiations; 
elle  était  annoncée  au  son  du  clialzolzcioth,  mais 
pendant  les  huit  jours  que  durait  la  fête,  on  n'en- 
tendait d'autres  instruments  que  le  sfoi>har,  avec 
lequel  on  proclamait  encore  l'année  du  Jubilé. 

Végèce  donne  les  renseignements  suivants  sur  les 
usages  de  la  trompette  chez  les  Romains  : 

«  La  légion  romaine  a  toutes  sortes  d'instruments, 
qui  sont  :  la  trompette,  le  cornet  et  le  cor  {cornu  et 
buccina).  C'est  la  trompette  (tuba)  qui,  dans  les  com- 
bats, sonne  la  charge  et  la  retraite.  Les  cors  et  les 
cornets  n'interviennent  que  pour  augmenter  le  bruit 
de  guerre,  exciter  tout  d'abord  l'ardeur  des  combat- 
tants, et,  en  dernier  lieu,  célébrer  l'action  pas  leurs 
lanlares.  Hors  de  là,  quand  ces  derniers  instruments 
retentissent,  ils  n'indiquent  rien  aux  soldats,  et  ne 
sonnent  que  pour  les  enseignes  qui  en  connaissent 
les  différents  signaux.  Par  cette  raison,  quand  les 
troupes  doivent  marcher  sans  enseignes,  ce  sont  les 
trompettes  {tuba)  qui  sonnent,  et,  toutes  les  fois 
que  les  enseignes  doivent  faire  un  mouvement,  ce 
sont  les  cornets  qui  les  en  avertissent;  enfin,  lors- 
qu'il s'agit  d'aller  combattre,  ce  sont  les  trompettes 
elles  cors  réunis  qui  donnent  le  signal.  C'est  encore 
au  son  de  la  trompette  qu'on  monte  et  qu'on  des- 
cend les  gardes  ordinaires  et  des  graiid'gardes  hors 
du  camp;  qu'on  va  il  l'ouvrage,  que  se  font  les  re- 
vues, et  les  soldats  se  règlent  sur  ce  que  l'on  sonne. 
Ces  différents  usages  sont  observés  dans  les  exer- 
cices et  dans  les  manœuvres,  afin  qu'en  temps  de 
guerre,  les  soldats  accoutumés  aux  appels  de  ces 
instruments  ne  puissent  se  méprendre  et  obéissent 
aussi  proniplement  aux  ordres  du  général,  soit  qu'il 
l'aille  charger  ou  s'arrêter,  soit  qu'il  faille  poursuivre 
l'ennemi  ou  batti'e  en  retraite.  » 

«  On  appelait  ordinairement  .Eneatores  ou  Ahena- 
lores  (qui  sonnent  de  l'airain)  les  musiciens  qui 
jouaient  des  trompettes,  et,  en  général,  tous  ceux 
qui  étaient  atlachés  en  cette  qualité  au  service  des 
armées,  quelle  que  fût  d'ailleurs  la  nature  de  l'ins- 
trument dont  ils  faisaient  usage.  Cela  n'empêchait 
point,  toutefois,  de  donner  aux  joueurs  de  tuba,  de 
lituus,  de  buicina  et  de  cornu,  un  nom  particulier  en 
rapport  avec  l'espèce  de  trompette  que  chacun  d'eux 
avait  spécialement  adoptée.  11  y  avait  donc  les  tubi- 
c/wes  jouant  de  la  tuba,  les  /i(icijies  jouant  du  lituus, 
les  buccinatores  jouant  de  la  buccina,  et  les  cornicines 
jouant  du  cornu,  qui  formaient  aulanl  de  classes  dis- 
tinctes, et  qui,  en  raison  des  services  importants 
qu'ils  rendaient,  jouissaient  de  grands  privilèges 
parmi  leurs  concitoyens,  et  occupaient  un  rang  élevé 
dans  la  milice.  Végèce  les  met  au  rang  des  princi- 
paux soldats  de  la  légion.  >>  Leur  fête  se  célébrait  tous 
les  ans  à  Rome,  le  23  mai,  jour  appelé  Tubilustrium; 
c'était  ce  jour-là  qu'avaient  lieu  la  purification  et  la 
consécration  de  leurs  instruments. 

Pendant  les  repas  des  chefs,  ces  musiciens  inter- 
venaient souvent  pour  égayer  les  convives  par  le  son 
belliqueux  des  trompettes  guerrières.  Cet  usage 
d'employer  la  musique  dans  les  festins  militaires 
s'est  conservé  jusqu'à  nos  jours. 

En  Italie,  l'usage  de  la  trompette  s'est  continué 
au  moyen  âge  comme  au  temps  des  Romains. 

L'extrait  suivant  du  Ccrcmonial  roïnnin  le  prouve 
sui'lisammont  : 

«Dès  qu'un  pape  est  élu,  les  douze  trompettes  du 
Saint-Père,  celles  de   la  ville  et  des  différents  corps 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDACOdlE 


LA  TROMPETTE  ET  LE  CORNET    lô!i9 


luilitaii'es,  aceompa;,'iiées  de  timbres  et  de  tam- 
bours, exécutent  des  faiifai-es,  ainsi  que  pendant  la 
marche  du  conclave  à  l'église  de  Saint- Pierre,  lois 
(lu  couronnement  du  pape. 

((C'était  surtout  au  magnifique  fesliii  qui  sedonnait 
autrefois,  que  les  trompettes  se  faisaient  entendre. 
C'était  la  seule  musique  instrumentale  qui  figurait 
à  ce  repas,  qui  n'a  plus  lieu  aujourd'hui.  C'est  sur- 
tout aux  cérémonies  du  grand  jubilé,  lorsqu'il  csl 
annoncé  au  peuple  iomain,que  les  dou/,e  trompettes 
du  pape  exécutent  des  fanfares.  Douze  veneurs,  avec 
des  cors  d'argent,  se  joignent  à  eux:  ce  qui  forme  un 
ensemble  assez  agréable  qui  ouvre  le  jubilé.  Lorsque 
le  pape  va  à  l'église  de  Saint-Pierre,  en  grande  céré- 
monie, pour  faire  ouvrir  les  portes  du  jubilé,  il  est 
accompagné  de  tout  le  clergé  de  Uome  et  précédé 
de  ses  douze  trompettes,  qui  sonnent  tout  le'  temps 
que  dure  la  procession.  Le  jubilé  finit  par  la  clôture 
des  portes  saintes,  au  son  des  trompettes  qui  accom- 
pagnent le  cortège  sacré.  »  (Extrait  du  Cérémonial 
romain.} 

Le  Cérémonial  de  France,  recueilli  par  Théodore 
Codefroy,  avocat  au  paileinent  de  Paris,  et  publié 
en  1619,  dit  qu'à  toutes  les  fêtes,  tournois,  entrées, 
baptêmes,  sacres,  funérailles  des  rois  et  des  reines 
de  France,  depuis  1464jusqu'en  1594,  les  trompettes 
figuraient  comme  de  rigueur;  et  les  instrumentistes 
étaient  assimilés  au  rang  des  officiers  attachés  aux 
maisons  royales  et  à  celles  des  princes.  Aussi,  distin- 
guait-on l'artiste  trompette  de  celui  qui  ne  servait 
que  pour  attirer  la  foule  du  peuple  à  son  de  trompe 
et  proclamer  les  ordonnances. 

Dans  les  Travaux  de  Mars  ou  de  l'arl  d'i  la  f-uerre 
(Paris,  1691),  il  est  dit  que  le  trompette  doit  être  un 
homme  de  fatigue  et  vigilant,  pour  être  prêt,  à  toute 
heure,  à  exécuter  les  commandements  de  sonner.  Il 
est  dit  aussi  que  le  trompette  doit  être  "  un  homme 
discret,  principalement  quand  il  est  employé  dans 
es  pourparlers,  où  il  ne  doit  jamais  se  servir  d'autres 
^ermes  que  ceux  dont  il  est  chargé,  et  ne  s'ingérer 
jamais  de  donner  aucun  conseil,  afin  que,  dans  les 
conférences  et  dans  les  traités,  on  ne  trouve  point 
d'ambiguïté,  ni  de  sentiment  contraire  à  ceux  qu'il 
a  proposés  ».  {Cérémonial  de  France.) 


EMPLOI    DE   LA  TROIVIPETTE   DANS  LES    ORCHESTRES 

((  Le  timbre  de  la  trompette  est  noble  et  éclatant  ; 
il  convient  aux  idées  guerrières,  aux  cris  de  fureur 
et  de  vengeance,  comme  aux  chants  de  triomphe.  Il 
se  prête  à  l'expression  de  tous  les  sentiments  éner- 
giques, fiers  et  grandioses,  à  la  plupart  des  accents 
tragiques.  Il  peut  même  figurer  dans  un  morceau 
joyeux,  pourvu  que  la  joie  y  prenne  un  caractère 
d'emporteraentou  de  grandeur  pompeuse.  »  (Berlioz^ 
Traité  d'orchestration,  p.  191.) 

Baril  et  Haciitlc!  («Hx-Iiuitième  siècle). 

Le  premier  emploi  des  trompettes  dans  la  musique 
de  théâtre  en  Fiance  remonte  à  1074,  dans  l'opéra 
d'Alceste  de  Ouinal'lt  et  Lully.  Ces  instruments 
avaient  figuré  déjà  sur  la  scène,  où  des  musiciens, 
vêtus  de  costumes  de  théâtre,  les  mettaient  en  jeu'. 
Mais,  en  17ijl,  ils  prirent  définitivement  place  dans 
l'orchestre  de  l'Académie  royale  de  musique. 

Dans  la  musique  d'église,  Haendkl  et  Bach  nous 


ont  légué  des  compositions  immortelles  dans  les- 
quelles les  parties  de  trompette  ont  fait,  jusqu'à  nos 
jours,  l'étonnement  de  tous,  à  cause  de  l'élévation 
de  leur  registre,  et  ont  donné  lieu  à  bien  des  dis- 
cussions. 

Bien  des  choses,  vraies  ou  non,  ont  été  dites  à  ce 
sujet.  Beaucoup  de  personnes,  et  même  des  écrivains 
célèbres,  ont  tiré  des  conclusions  erronées  du  fait 
que,  depuis  cette  époque,  les  trompettistes  étaient 
impuissants  à  exécuter  ces  parties. 

La  plupart  en  ont  conclu  qu'il  avait  existé  des 
trompettistes  extraordinaires  d'habileté,  et  (|ue  In 
race  en  était  perdue  ou  l'enseignement  oublié.  Nous 
allons  tâcher  de  réparer  cette  erreur,  et  de  prouver 
que  ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  suppositions  n'est 
fondée. 

Admettons  tout  d'abord,  si  vous  le  voulez,  que  ces 
parties  ont  été  jouées  sur  de  vraies  trompettes  et 
dans  le  registre  qu'on  leur  attribue. 

1°  Le  diapason  était  moins  élevé  que  de  nos 
jours; 

2°  Le  rôle  de  la  trompette  dans  les  orchestres 
n'avait  pas  encore  pris  beaucoup  d'extension;  ce 
qui  pouvait  permettre  à  quelques  artistes,  ayant 
le  don  particulier  du  suraigu,  de  se  livrer  à  l'étude 
exclusive  de  ce  registre  exceptionnel.  C'étaient  des 
spécialistes,  et  non  des  trompettistes  ordinaires  d'or- 
chestre tels  que  les  professionnels  modernes; 

3"  11  est  à  croire  que  ces  parties  de  trompette 
n'étaient  guère  praticables  et  que  leur  exécution 
était  loin  d'être  parfaite,  comme  on  en  vena  la 
preuve  plus  loin. 

Dal'verné  dit  à  ce  propos  : 

((  Dans  ces  compositions,  les  trompettes  ne  figu- 
raient jamais  qu'en  ré  ou  en  ut.  alors  que  l'artiste, 
par  une  étudia  spéciale,  formait  ses  lèvres  à  ce  irenre 
d'exécution,  et,  joint  à  cela,  se  servait  d'une  embou- 
chure disposée  pour  faciliter  l'émission  drs  sons 
aigus,  mais  qui,  en  échange,  en  altérait  la  qualité. 
Cependant,  la  difficulté  de  pouvoir  saisir  ces  notes 
aiguës  avec  précision  fit  que,  plus  lard,  on  aban- 
donna ce  genre  d'exécution,  n 

Ce  plus  tard  veut  dire  le  jour  où  l'emploi  de  la 
trompette  s'est  considérablement  dévclopiic  p.ir  l'in- 
vention des  corps  de  rechange. 

((  .Même  du  temps  de  Mozart,  la  trompette  avait 
déjà  pris  une  autre  direction  ;  la  preuve  en  est  que  ce 
grand  maître  sentit  la  nécessité  de  modifier  certains 
elfets  de  cet  instrument  dans  les  oratorios  du  Messie 
et  des  Féti's  d'Alexandre  de  Haendel,  qu'on  exécuta 
alors  en  Allemagne,  et  auxquels  il  jugea  nécessaire 
de  refaire  une  instrumentation  nouvelle,  eu  rapport 
avec  le  goût  et  les  ressources  instrumentales  de  l'é- 
poque-. "  (Méthode  de  Trompette  de  Dauverné.) 

Cependant,  les  notes  de  ces  parties  existent  théori- 
quement dans  \a.trompette  simple  à  corps  de  rechange, 
et  on  peut  les  faire  entendre  si  on  n'est  pas  rigou- 
reux au  point  do  vue  de  la  justesse  de  ces  notes  entre 


elles   et  de  leur  précision.  Pourtant  le  : 


n'existe  pas  et  l'on  ne  peut  le  rendre  qu'à  la  ma- 
nière des  cors,  en  son  bouché;  de  même  que  les  : 


1.  C.vstil-Blaze,  Appendice  de  l'Académie  royale  de  Musique  de 
1661  à  IS55. 

2.  Ksl-il  possible  que  les  ressources  inslnimeaUlcsfussent  moindres 
i'jd'.T  une  ^'poide  antérieure  ? 


1600 


Eyr.yr.i.opÈniE  de  la  musique  et  dictionxaiue  du  co.vservatoire 


É 


qui  ne  sont,  sur   la  trotnpeltc  simple. 


qu'une  seule  et  même  note,  ainsi  que  : 


Il  aurait  fallu  obtenir  le  si  i;  en  baissant  Viit  au  moyen 
de  la  main  dans  le  pavillon,  le  fa  en  baissant  le  fa, 
le  fajt  en  baissant  le  sol,  ie  so/jf  en  baissant  le  la,  et 
le  la  en  baissant  le  sih- 

Ce  n'étaient  pas  seulement  les  compositions  de  Bach 
et  de  HAENDEL'qui  étaient  écrites  dans  ce  lefiislre 
élevé;  il  en  était  de  même  de  toutes  celles  de  leurs 
contemporains;  il  existe,  <le  la  même  époque,  des 
morceaux  pour  plusieurs  trompettes  :  Triciniiim  et 
quatricinium,  concPVlt  à  VII  claiini  con  lynifiani  du 
xvni«  siècle,  dans  l'ouvrage  de  J.-E.  Altenrl'rg  \Ei%ai 
d'une  instruction  pour  l'art  hùroir/ue  et  musiiai  des 
trompettes),  écnis  dans  le  même  regisire. 

Kn  l'absence  de  preuves  convaincantes,  et  en  étant 
réduit  aux  conjeclui'es,  nous  préférerions  la  suppo- 
sition suivante  que  nous  croyons  être  la  vraie  :  il 
n'est  pas  impossible,  et  il  est  même  probable  à  notre 
avis,  pour  ne  pas  dire  certain,  que  ces  parties  ont  été 
jouées  sur  des  trompettes  pins  basses  d'une  octave, 
de  par  leur  consti'uction,  que  celles  qui  ont  été  en 
usage  jusqu'à  nos  Jours,  c'es'-à-die  sur  des  trom- 
pettes de  même  longueur  de  tuyau  que  le  coi-.  Un 
pourra  nous  demaud'T  également  où  sont  ces  trom- 
pettes; mais  nous  leions  observer  (\ue  nous  u'aTHr- 
mons  pas,  et  quenous  sommes  ici,  bien  malgré  nous, 
dans  le  domaine  des  suppositions.  Dans  celle-ci,  les 


notes  : 


^  ^ 


écrites  pourlatrompel  le 


en  ré,  et  qui  font  entendre  à  l'oreille  : 


auraient,  avec  cette  trompette  supposée,  donné  en 


notes  réelles  :    fe^-»  *f*  ^^     '*"   pourrait  alors 


s'expliquei'  et  comprendre  que  le  concerto  poiii' 
trompette  en  fa  de  Hach,  écrit  absolument  dans  lo 
même  registre  et  la  même  étendue  que  les  parties 
de  trompette  en  ré  (tout  comme  si  l'élévation  d'une 
tierce  mineure,  dans  un  pareil  resistre,  ne  comptait 
pour  rien),  ce  qui,  d'après  la  manièi'e  d'exécuter 
l'écriture  de  nos  jouis,  donnerait,  en  notes  réelles  : 


on  pourrait  concevoir-,  disons-nous,  que  ce  concerto 
ait  pu  être  exécuté  du  ti-mps  de  Uach,  i]uoiqiie  avec 
d'énormes  diflicultés  de  précision  et  de  justesse,  avec 
une  trompette  de  la  tonalité  et  de  la  longueur  de 
tube  du  cor.  Tout  en  exécutant  l'écriture  selon  l'usage 


moderne,    la    notation 


^ 


i 


aurait 


donné  en  notes  réelles  à  l'oreille,  avec  la  trompette 


en  fa 


.  ce  qui  serait  infiniment 


plus  logique  et  plus  compréhensible,  si  on  n'a  pas 
le  parti  pris  de  voir  partout,  dans  le  passé,  du  mer- 
veilleux et  du  fantastique. 

:Nous  nous  refusons  absolument,  pour  notre  part, 
à  croire  que,  du  temps  de  Fîach,  on  ait  pu  exécuter 
ces  parties  dans  le  registre  pratiqué  de  nos  jours. 
C'était  donc,  à  notre  avis,  une  trompette  en  fa  plus 
basse  d'une  octave  que  notre  trompette  simple  en  fa, 
une  tromba  ou  iromptite  dechasse',  ou  un  instrument 
quelconque,  mais  non  une  trompette  au  sens  que 
nous  attachons  aujourd'hui  à  ce  mot.  Autrement, 
nous  serions  forcé  de  nous  convaincre  que,  non  seu- 
lement il  a  existé  un  artiste,  ou  plutôt  une  géné- 
ration d'artistes,  pour  ainsi  dire  surhumains,  »  et 
nous  croyons  que  leurs  noms  seraient  restés  à  la  pos- 
térité 1),  mais  que  c'est  l'art  de  la  fabrication  qui  a 
rétrogradé  subitement,  dans  l'espace  de  quelques 
années,  en  laissant  se  perdre  dans  l'oubli  un  ins- 
trument si  étonnant.  Le  lait  seul  de  l'existence  de 
ce  concerto  est  un  argument  de  la  [ilus  haute  valeur 
en  faveur  de  notre  Ihéoiie.  Ce  concerto,  écrit  exacte- 
ment dans  le  même  registre  et  la  même  étendue  que 
pour  la  trompette  en  ut  ou  en  ré  (registre  considéré 
déjà,  avec  raison,  comme  surprenant  d'acuité  avec 
le  ton  de  ré),  jusiilierait,  ou  du  moins  autoriserait 
notre  supposition,  car  si  la  trompette  en  fa  avait  pu 


monter  jusqu'au 


note  réelle  : 


il  n'y  avait  pas  de  raison  pour  que  la  liompettc  en 


ré   ne    montât   pas  jusqu'au 


et    pour 


oreille  : 


au  lieu  de  la  limiter  au  : 


comme  on  Ta  fait,  puisque,  nous  le  répétons,  la  théo- 
rie et,  par  conséquent,  la  pratique,  n'ont  d'autres 
limites  dans  l'aigu  que  celles  des  facultés  humaines. 
S'il  était  prouvé  que  les  parties  de  trompetle  de 
Bach,  de  Hakndfx  et  d'autres  auteurs  encore,  ont  été 
jouées  sur  des  trompettes  de  même  longueur  de  tube 
que  les  nôtres  et  dans  le  registre  qu'on  attribue,  de 
nos  jours,  à  l'écriture,  nous  nous  demanderions  pour 
(]uel  motif  Bach,  Haendel,  etc.,  n'ont  pas  écrit  de 
même,  pour  la  trompette  en  sol  (dans  la  même  éten- 
due) ton  fondamental,  c'est-à-dire  le  plus  aigu  delà 
trompette  simple.  Le  résultat  eût  été  encore  plus 
merveilleux  au  point  de  vue  de  l'acuité,  et  on  aurait 
eu  alors  les  notes  réelles  : 


1.  l,a  trompette   de  rliasse   est    un   eor    construit  clans   des  pro- 
norliûns  très  étroites  alin  d'obtenir  un  timbre  éclatant.  (Mahillun.) 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA    TROMPETTE  ET  LE  CORNET    1601 


¥ 


Il  est  probable  que  si  les  compositeurs  ne  l'ont  pas 
fait,  c'est  que  le  ton  do  sol  n'existait  pas  et  que  la 
trorapetle  la  plus  baute  était  celle  de  fa;  nouvelle 
preuve  que  les  trompettes  de  cette  époque  étaient 
différentes  des  trompettes  simples  à  corps  de  re- 
change en  usaf^e  dans  les  orcbestres,  de  1770  à  1891. 
Ces  différences,  avant  l'invention  des  systèmes  chi'o- 
maliques,  ne  pouvaient  porler  que  sur  la  longueur 
et  le  diami'tre  du  tuyau,  c'est-à-dire  sur  la  tonalité 
fondamenlale.  D'autre  pari,  il  est  probable  que,  s'il  y 
a  eu  modification  sur  la  longueur,  elle  a  été  dans  le 
sens  de  l'élévation,  c'est-à-dire  du  raccourcissement 
du  tuyau. 

Si  noire  supposition  était  vraie,  comme  il  est  pro- 
bable, la  modification  faite  par  Mozart  s'expliquerait 
d'une  manièie  plus  Uatteuse  pour  ses  contemporains, 
car,  au  lieu  qu'il  l'eût  faite  dans  le  sens  de  la  facilité, 
Comme  on  l'a  cru,  la  niodiPication  aurait  eu,  au  con- 
traire, pour  résultat  d'élever  le  registre  de  l'exécution 
tout  en  abaissant  l'écriture,  du  fait  delà  construction 
des  trompeltes  une  octave  au  dessus. 

Il  faudrait,  dans  ce  cas,  interpréter  à  rebours  l'ex- 
plication que  donne  Dauverné  sur  la  modification 
inaugurée  par  Mozart  dans  la  manière  d'écrire  pour 
la  trompette;  explication  qui  viendrait  ainsi  à  l'appui 
■de  notre  théorie.  La  phrase  suivante  :  «  Mozart  jugea 
nécessaire  de  refaire  une  instrumentation  nouvelle 
■en  rapport  avec  le  goût  el  les  ressources  instrumen- 
tales de  l'époque,  »  signifierait  que,  ces  ressources 
ayant  augmenté,  l'orchestration  devait  bénéficier  du 
progrès  accompli. 

On  pourrait  se  demander,  maintenant,  pour  (piplles 
raisons  Bach,  Hakndel  et  leurs  contemporains  au- 
raient excepté,  de  leur  écriture,  les  notes  : 


^ 


quiexistent  dans  cette  trompette  supposée. 

On  peut  trouver  la  raison  de  celte  lacune  dans  le 
fait  que,  avant  la  construction  de  cette  trompette,  ou 
avant  son  emploi  dans  les  orchestres,  les  trompettes 
généralement  en  usage  ne  devaient  donner  que  les 
notes  du  clairon,  du  cornet  et  de  la  trompette  mo- 
derne sans  emploi  des  pistous  : 


m 


11  est  permis,  dés  lors,  de  supposer  que,  dans  le 
coninieiicement  de  l'emploi  de  cette  trompette  basse 
en  trompette  aigui',  ou  n'a  pas  utilisé  toutes  les 
ressources  du  nouvel  instrument  dans  son  emploi 
nouveau';  pas  plus  qu'on  n'a  utilisé  toutes    celles 


1.  Une  preuve  iuilisculable  de  ce  fait  nous  est  fouriM   par  l'absence 


totale  du 


i 


!*_ 


dans  toutes  les  compositions  de  celte  épo- 


■que;   et  cependant  cette  note  existe  theoriquenicul,  non  seulement 
Cop'jrii/hl  Ijy  librairii'  Velagrave,  1924. 


des  autres  trompettes  et  du  cornet,  puisque  les 
instruments  modernes  ont  vu  jusqu'ici  s'agrandir 
leur  étendue  pratique  d'une  façon  presque  perma- 
nente. On  peut  admettre  que,  pour  la  trompette  en 
question  qui  demandait  une  nouvelle  étude  plus 
développée  et  plus  complic[uée,  on  se  soit  contenté, 
tout  d'abord,  de  greffer  sur  l'échelle  pratiiiuée  de  la 
ou  des  précédentes  trompettes,  les  notes  : 


^Ha^-^-5 


ce  qui  donnait,  en  tout 


et,  comme  effet,   quand  la  trompette  était  en  ré  : 


On  ne  manquera  pas  de  faire  remarquer  que,  puisque 
Bacu  a  écrit  le  concerto  pour  trompette  en  fa  dans 


la  même  étendue,  c'est-à-dire  jusqu'au  : 


écrit,  noie  réelle  : 


(d'après  notre  suppo- 


sition), on  ne  comprendrait  pas  que,  pour  celle  en  ut 
ou  en  rd,  il  n'ait  pas  atteint  celte  même  note  réelle 


qui  serait  écrite  : 


pour  la  trompette  en 


ut,  el    £imr^        I     pour  la  trompette  en  n';  ce  (|iii 


aurait  donné,  à  ces  trois  différentes  trompettes,  la 
même  étendue   dans  l'aigu,   c'est-à-dir(^  jusqu'au    : 


note    réelle,    d'après    noire    version;    au 


lieu  d'avoir,  comme  il  l'a  fait,  limité  l'éciilure  au 


lL  I    écrit,    ou   ^-  ^    réels   pour   les 


tiompetles  en  ré  ou  en  ni. 

Mais  l'on  peut  répondre  à  cette  objection  f|ue  les 
trompetti'S  eu  iit  Qi  en  ré  avaient  le  tube  plus  long 
que  la  trompette  en  fa.&l  que,  plus  le  lube  est  long, 
plus  les  émissions  y  soûl  imprécises  et  dangereuses, 


sur  notre  trompeltc  5up;'0sée,  mais  au=si  d;ins  ni^trc  tiompctlc  sini[ile, 
à  corps  de  reciiang-'. 


1«02 


ENCÏCLOPÉDIB  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


principalement  dans  l'aigu.  C'est  le  seul  motif,  à 
notre  avis,  pour  lequel  Bach  a  écrit  dans  la  même 
étendue  pour  l'oreille  les  trompettes  en  ut,  en  rê  et 
en  /■(/.  On  a  probablement  pensé,  avec  raison,  qu'en 


fixant  la  limite,  dans  l'aigu,  au 


écrit. 


soil  : 


exéeiilé  (pour  nous)  pour  des  trom- 


pettes d'une  telle  longueur  de  tube,  en  nn  quelcon- 
que de  ces  tons  qu'elles  fussent,  la  difficulté  d'émis- 
sion, pour  la  sûreté  et  la  précision,  était  assez 
grande  ' . 

Ajoutons  encore  que,  dans  la  musique  de  Rach, 
les  partie.',  de  corni  da  caccia,  et  celles  de  tromha 
sont  éciites  exactement  dans  la  même  étendue,  au 
point  qu'on  pourrait  les  confondre.  On  ne  peut  ce- 
pendant pas  supposer  que  le  cor  jouait  réellement 
dans  un  pareil  registre,  car  de  tels  sons  n'auraient 
plus  été  ceux  du  cor.  Il  exécutait  donc  une  octave 
au-dessous  de  l'écriture,  c'est-à-dire  dans  le  registre 
pratiqué  de  nos  jours.  Dés  lors,  pourquoi  n'en  aurait- 
il  pas  été  de  rnème  pour  la  ti-oniba? 

Le  corno  étant  dans  les  mêmes  tonalités  que  la 
tromba  et  écrit  exactement  dans  le  même  registre  et 
la  même  étendue,  il  est  peimis  de  croire  qu'il  était 
de  même  longueur  de  tube,  et  que  ces  deux  instru- 
ments Jouaient  l'un  et  l'autre  à  l'octave  au-dessous 
de  l'écriture  pour  l'oreille  Leui-  différence  était  dans 
le  genre  de  leur  perce,  dans  la  forme  de  l'embou- 
chure, et,  conséquemment,  dans  la  nature  de  leurs 
sons.  Si  ces  raisons  ne  paraissent  pas  encore  con- 
vaincantes, rappelons  que,  non  seulement,  le  même 
registre  est  appliqué,  au  cor  et  à  la  trompette,  dans 
l'érrilure  de  B,\cn,  mais  que  ce  registi'e  est  également 
le  même  pour  le  hautbois  et  la  flûte  traversière-. 
Donc,  si  l'écriture,  pour  la  trompetle,  est  descendue 


tout  à  ce 


"P  ^^    ^ 


comme  limite  dans 


i.  A  l'appui  de  celte  opinion,  on  peu!  rem.irquer  qne  l'on  a  agi  de 
même  avec  ta  trompette  simple  :i  corps  de  recbange  sur  laquelle  on 


no  dépassait  pas  en  prin,i|ii 


écrit  quel  que  lût  le  ton 


du  I  orjts  de  rechange,  comme  il  est  dit  ailleurs;  et  encore  celte  note 
n  elail  usitée  qu'autant  qu'elle  ne  dépassait  pas  le  /n'  en  note 
réelle,  c'est-:'i-dire  que  le  corps  de  rechange  le  plus  aigu  pour  lequel 
celle  noie  s'écrivait  était  celui  de  ré;  rarement  celui  de  mi\i  qui  don. 


réel.  Les  corps  de  rechange  plus  aigus  ne  dépa-^' 


lil  le  : 


saient  j)as  le 


»  On  peut  voir,  du  reste,  que  I'  cor  a  conlijiué  jusqu'à  nos  jours  à 
s'écrire  dans  ec  même  registre.  Il  en  a  été  de  même  au  sujet  du  cor- 
net à  pistons,  jusqu'au  jour  où  il  a  abandonné  ses  tonalilés  graves 
(les  mêmes  que  celles  de  la  Ironipelte  anciennel  pour  les  tons  de  si^ 
et  la  aigus  Logiquement,  c'est  le  contraire  qui  aurait  eu  lieu  si  on 
avait  commencé  par  écrire  dues  le  registre  de  son  e^éeution. 


l'aigu,  au  moment  précis  de  l'invention  des  corps  de 
rechange,  c'est  que  l'instrument  a  haussé  d'une  oc- 
lave  par  la  conslructioii  de  la  nouvelle  trompette 
(nous  prenons  toujours  le  ton  à'ut  comme  point  de 
comparaison),  de  sorte  qu'au  lieu  d'avoir  perdu  une 
quinte,  on  aurait  gagné  une  quarte.  Ex.  :  trompette 


de  Bach 


■    ^    <='^e'  ■■   ^ 


ïr.  à  corps  de 


recbange 


écrit  et  réel. 


Les  compnsilions  de  Lully  et  de  Philidor  pour  les 
ensembles  de  trompettes  datent  d'une  époque  anté- 
rieure à  celle  de  lUcii.  Klles  sont  écrites  dans  le 
même  registre,   sauf  qu'elles  ne  dépassent  pas   le 


^. 


m 


dans  l'aigu,  tandis  que  le  grave  se  limite 


On  a  donc  gagné  en  étendue  dans  le 


cours  du  xvni"  siècle  jusqu'à  Bach.  Mais  il  est  évident 
que  les  instruments  étaient  du  même  type,  et  que  le 
progrès  s'était  réalisé  dans  l'exécution.  Peut-être 
aussi  que,  de  même  que  de  nos  jours,  le  diapason 
était  plus  élevé.  Dansée  cas,  on  l'aurait  abaissé  du 
temps  de  Bach,  et  la  conséf|uence  de  rab.iissement 
aurait  été  l'élévation  d'une  tierce  dans  l'écriture  pour 


l.i  trompette.  Enfin,  nous  voyons  que  le  : 


f^ 


est  exclu,  ou  à  peu  prés,  des  compositions  de  Lullv 
et  de  PuiLiDon.  La  partie  de  basse  est  attribuée  aux 
timbales.  Or,  si  ces  parties  de  trompettes  avaient  été 
exécutées  dans  le  registre  adopté  de  nos  jours,  c'est 
que  les  instruments  auraient  été  au  moins  aussi 
aigus  que  notre  ancienne  trompette  simple  à  corps 
de  rechange,  et,  dans  ce  cas,  on  n'aurait  pas  eu 
recours  aux  timbales  pour  remplacer  la  basse,  la 
trompette  y  aurait  suffi  aisément.  Onn'ima:;ine  pas, 
en  elfet,  un  quatuor  de  trois  trompettes  et  des  tim- 
bales, dans  lequel  la  troisième  partie   de  trompette 


ne  dépasse  pas  Vui 


¥ 


dans  le  grave.  Im- 


possible de  supposer,  non  plus,  que  l'on  ne  possédait 
.luciine  trompette  pouvant  descendre  facilement  au 


note  réelle. 


.Si  nous  rapprochons  de  ce  fait,  celui  que  Bach  et 
Haendkl  eux-mêmes   n'ont  que   rarement   employé 
cette  note,  cela  nous  autorise  à  supposer  qu'elle  était 
trop  grave,  c'est-à-dire  trop  difficile.  Or,  elle  ne  peu 
être  difficile  que  si  elle  fait  entendre  à  l'oreille  le  : 


TECIINIOL'E,  ESTHÉTIQUE  ET  PtOAGOGIE 


LA  TROMPETTE  ET  LE  CORNET    160S 


Zf;- 


le 


(ou  le  /((  avec  la  trompelte  en  ré)  et  non 


Si  l'on  objecte  que  ce  :  -  V-         ^ 


étant  faisable,  quoique  difficile,  sur  la  trompette  en 
ré,  Bach  n'avait  pas  de  raison  de  la  supprimer  tota- 
lement du  concerto  pour  trompette  en  fa  (sur 
laquelle  il  était  moins  difficile,  puisque  moins  Ijas 
d'une  tierce  mineure),  nous  répondrons  que  les  com- 
positeurs, ne  pouvant  connaître  à  fond  toutes  les 
difficultés  de  tous  les  instruments,  sont  obligés  de  se 
baser  sur  des  principes.  Or,  étant  admis  que  le  sol 
était  difficile,  il  n'est  pas  étonnant  que  Bach  n'ait  pas 
fait  de  différence,  au  sujet  du  grave,  entre  la  trom- 
pette en  ré  et  celle  en  fa,  ainsi  qu'il  l'a  prouvé 
au  sujet  de  l'aigu,  et  que,  dans  un  morceau  com- 
posé spécialement  pour  mettre  en  relief  cet  instru- 
ment, il  ait  évité  d'écrire  une  note  aussi  basse,  la 
crovant  difficile. 


guoi  qu'il  en  soit,  lo  fait  acquis  demeure  toujours, 
à  savoir  que  le  sol  :  ^^=}  est  une  note  facile 


avec  la  trompette  en  rejouant  dans  le  registre  adopté 
aujourd'hui,  et  que,  cependant,  Bach  et'HvEM.n  l'ont 
généralemi^nt  évitée,  et  que  Lullv  et  I'hilidor 
exclue  totalement,  d'où  nous  concluons  que  , 


ont 
tail 


le 


W 


qu'ils  entendaient  indiquer  et,  pour 


loreille,  ta  avec  la  trompette  en  rc,  et  non  le    : 
Vp- ■  C'est-à-dire  que  la  trompette  était  h  loc- 


lave  au-dessous  de  l'ancienne  Irompetle  à  corps  de 
rechange,  et  deux  octaves  au-dessous  de  la  Irompetle 
moderne  en  ré  en  usage  pour  les  œuvres  de  Bach. 


Théorie 


Trompette  de  Bach  supposée.  —  (S'écrivait  une  oclave  plus  haut.) 


.  A.\.'h  '^^ 


Trompette  ancienne  à  corps  de  rechange  sans  emploi  des  pistons. 


Trompette  moderne  (en  ut)  sans  emploi  des  pistons. 

!      i  -i      ^  ■■'  «    •  ■*-ti  -•-  ^ 


m 


^ 


Fraliquc. 


Tr  de  BACH 
en  ut 


'  Tràcopps^crechange        id.  (OiromatK^e 


Tr.  rr.oderae 
en  ut 


^«ic-* 


fondamentales 


1604 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MVSIQVE  ET  DICTIONS  AIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Comme  on  le  voit,  à  chaque  translormalion,  la 
troriippllc  gagnait,  dans  la  pratique,  une  quarle  juste 
dans  l'ai^n.  En  revanclie,  la  trompelle  simple  à  corps 
de  reclianj^e,  sans  pistons,  perdait  cinq  notes  du  mé- 
dium sur  la  tromha  de  Iîacb,  mais  elle  avait  l'avan- 
tage de  pouvoir  jouer  dans  Ions  les  Ions. 

Si  nous  prenons,  comme  terme  de  comparaison, 
la  trompette  moderne  et  que  nous  admettions  qu'elle 
joue  dans  le  ref-dstre  logique  de  sa  construction, 
nous  trouvons  que  l'ancienne  trompette  à  corps  de 
recliangi>  joue  une  octave  au  dessus,  d'après  cette 
comparaison,  et  la  trompette  de  Bach  deux  octaves 
au  dessus,  si  elle  a  été  celle  que  nous  croyons. 

An  sujet  de  la  trompelt-  de  Rach,  on  voit  qu'un  tel 
écart  entre  le  registre  de  construction  et  celui  de 
l'écriture,  tel  que  nous  l'entendons  au.nurd'hui,  eiit 
été  impossible;  et  nous  croyons  avoir  prouvé,  d'an- 
tre part,  que,  seule,  une  telle  trompette  comportait 
théoriquement  celte  écriture.  Dès  lors,  une  conclu- 
sion s'impose  :  la  trompette  de  Bach  était  celle  que 
nous  supposons,  c'est-à-dire  une  tromitc  de  cha>ise 

(iromia). 

Le  lait,  d'une  pari,  que  Bach  et  Hakndel  ont  traite 
le  corno  et  la  ti-omha  d'une  manière  identique,  leur 
donnant  le  même  registre  et  1.  même  étendue,  et 
celui,  d'autre  part,  que  ces  deux  instruments  ne 
figurent  jamais  ensemble  sur  la  même  partition,  si 
ce  n'est  à  l'unisson  on  en  accolade  pour  doubler  les 
parties,  ou  bien  pour  laisser  la  faculté  de  les  jouer, 
au  choix,  avec  les  corni  ou  avec  les  trombe  ;  ces  deux 
con-lalations  nous  donnent  la  certitude  que  les  com- 
positeurs les  considéraient  simplement  comme  deux 
variétés  d'un  même  instrument,  à  peu  près  comme 
il  en  est  aujourd'hui  au  sujet  de  la  trompette  et  du 
cornet:  qne'le  mot  conw  désignait  une  tronilia  aux 
sons  plus  doux  ou  moins  éclatants;  nu  que  le  mot 
tromha  était  appliqué  à  un  corno  d'une  sonorité  plus 
claire  et  plus  forte. 

11  est  probable  qu'à  celle  époque,  ces  deux  instru- 
ments n'avaient  pas  de  caractère  au>si  distinct  que 
.e  cor  et  la  tronipeite  modernes  au  point  de  vue  du 
timbre,  et  qu'il  existait  encore  un  reste  de  la  confu- 
sion qui  avait  régné,  à  leur  sujet,  dan<  l'antiquité. 
Du  reste,  on  peut  croire  qu'entre  les  deux  termes  : 
tvomha  (trompette  de  chasse)  et  corna  da  cac-ia  (cor 
de  chasse),  la  dilîérence  de  signilication  n'était  pas 

très  grande.  \      ... 

Le  cornet  à  pistons,  à  son  origine,  s  écrivait  éga- 
lement dans  le  même  registre  que  le  corno  et  la 
Iromba  de  Bach  et  de  Hak.ndel,  et  même  au  delà  dans 
l'aigu.  Quand  il  était  en  ré,  par  exem|)le,  récriture 


allait  jusqu'au 


c'est-à-dire  une  octave 


?■(!  jouant 


son  réel 


rendaient  tous  deux  le  même 


au-dessus  de  l'écriture  usitée  pour  la  trompette  à 
corps  de  rechange,  et  pourtant  il  n'a  jamais  exécuté 
à  cette  hauteur. 

Le  cornet  à  pistons  en  ré  était  dans  la  même  tona- 
lité'loiidamentaleet  de  même  lo.gueur  de  tube  elfec- 
til'  que  la  trompette  çn  ré  à  corps  de  rechange.  Le 


cornet  en  ré  jouant 


et  la  trompette  en 


Contrairement  à  la  trompette  qui,  en  élevant  sa 
tonalité  d'une  octave,  abaissait,  en  conséquence,  son 
écriture  pour  obtenir  les  mè  g  es  sons,  le  cornet  à 
pistons,  quoique  ayant  accompli  la  même  ascension 
de  tonalité,  comparée  au  rorno  de  Bsch,  avait  con- 
servé le  principe  d'écriture  de  ce  dernier,  et  donnait 
les  mêmes  sons,  avec  un  peu  plus  d'extension  dans 
l'aigu,  comme  la  trompette  à  corps  de  rechange  vis- 
à-vis  de  la  trnmba  de  Bach. 

Or  donc,  les  deux  nouveaux  instruments  jouant 
dans  le  même  registre,  quoique  différant  par  l'écri- 
ture, il  eu  est  résulté  que  lorsqu'on  est  revenu  aux 
exécutions  des  œuvres  de  ces  anciens  maîtres,  on  ne 
s'est  plus  rappelé  que,  depuis  l'époque  de  l'invention 
des  trompettes  à  corps  de  rechange,  on  avait  abaissé 
réciiliirc  sans  abaisser  l'exécution,  et   on    a   voulu 
exécuter,  ou  l'on  a  voulu  que  l'on  exécutât  l'ancienne 
écriture  d'après  le  même  principe  que  la  nouvelle.  Le 
cornet  à  pistons  n'a  pas  succédé  directement  au  cor, 
comme  la  trompette  aiguë  a  succédé  à  la  tromba.  Il 
n'a  pas  passé,  comme  elle,  par  le  système  des  corps 
de  rechiuig''  sur  le  cornet  simple  (le  clairon).  Le  cor 
a  conservé  la  longueur  de  son  tuyau.  Ce  n'est  que 
lors  de  rinvention  du  système  des  pistons  que  le  cor 
itigu  a  été  créé  sous  le  nom  de  cornet  à  pistons.  C'est 
ce  f|ui  fait  que  l'ancienne  écriture  lui  a,  de  nouveau, 
été  ap[)liquée,  quoique  cet  instrument  fOit  construit 
une  oclave  au-dessus.   Voilà  pourquoi  la  trompette 
et   le  cornet  interprétaient  diliéremment  l'écriture. 
Lequel  de  ces  deux  instruments  était  dans  la  tradi- 
tion? Lequel  l'avait  perdue?  Pour  nous,  il  n'y  a  au- 
cun doute,  c'est  le   cornet,  instrument  relativement 
nouveau,  qui  l'a  reprise.  La  trompette  l'a  perdue  pen- 
dant le  règne  des  corps  de  rechange.  Une  preuve  de 
plus  que  l'écriture,  pour  les  instruments  de  cuivre, 
éiait  basée,  non  sur  le  registre  réel  de  l'échelle  des 
sons,  mais  sur  la  tonalité  fondamentale  de  construc- 
tion de  l'instrument,  c'est  que,  de  nos  jours  encore, 
on  voit  l'écriture  du  cor  plus  élevée  que  celle  du  cor- 
net; et,  cependant,  le  cor  est,  de  par  sa  construction, 
environ  deux  octaves  plus  bas  que  le  cornet  moderne  '. 
C'est  que  le  cor  joue  une  octave   plus   bas  relative- 
ment à  l'échelle  générale  des  sons,  et  une  octave 
plus  haut   relativement  au  registre  de  sa  construc- 
tion, comparé  au  cornet;  c'est-à-dire  qu'il  ne  joue 
qu'une  octave  plus  bas,  quoiqu'il  soit  construit  deux 
octaves  au  dessous. 

Le  fait  que  le  système  des  corps  de  rechange  a  été 
inventé  uune  vingtaine  d'années  après  la  mort  de 
Bach,  et  environ  onze  ans  après  celle  de  IIaendel, 
c'est-à-dire  à  l'époque  de  Mozart,  ce  fait,  coïncidant 
avec  laliai^seraeat  du  registre  de  l'écriture,  peut 
peser  d'un  grand  poids  en  faveur  de  notre  hypothèse, 
car,  indiscutablement,  la  fabrication  réalisait,  à  ce 
moment,  un  progrès,  auquel  on  ne  peut  raisonnable- 
ment l'aire  correspondre  une  rétrogradation  de  l'art. 
Ainsi  tout  s'expliquerait  :  l'invention  du  système 


1.   Pour  expti.iuer   l'apparente  conlr.idiclion  atei:   ce  qui  csl  clil 
plus    h:iul,  il  sulTira   Je   rappeler  que  le  conicl,  à  ses  déb.ib-,  civil 


eou'^lriiit  tiatis  les  nièmC5  lonalile?  graves  quf  l'.incicnne  Irompctle  ; 
corps  de  reclian 


TEC.IiyiQUE,  ESriIÈTlQVE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  TROMPETTE  ET  LE  CORNET    160 


drs  l'orpsde  rt-change  aurait  enlraiiié  la  coiistruclioii 
(le  la  ti'ompetle  uiio  oclave  plus  liant  sans  changei- 
le  princ'ipe  d'exécution  de  l'écriture;  c'esl-à-dii'e  que 
la  niiuvelle  tiompelle  à  corps  de  reckunçje  jouant,  du 
lait  (le  l'élévation  de  sa  tonalité  l'ouilamenlale  par  la 
construction,  une  octave  au  dessus,  mais  se  limitant 


écrit,  quel  que  fût  le  tonde  recliaii 


constituait  un  j.'rand  proyi-ès  dans  le  sens  de  l'éléva- 
tion du  regislre  d'exérulion. 

.Notre  supposilioii  aurait  le  l.iiple  avantage  d'éti'e 
logit|ue,  compréhensible  et  non  humiliante  pour  une 
généi'alion  de  trompeltistes  et  de  l'acteurs  d'instru- 
ments. L'hisloire  de  la  Ironipetle  n'aurait  pas  à  enre- 
gistrer une  période  de  décadence  excessive,  inexpli 
quéo  et  inexplicable,  qu'aucun  de  ces  événi'metits  qui 
font  reculer  l'humanité  ne  pourrait  justilier  ni  excu- 
ser. La  trompette  aurait  continué  régulièrement, 
conune  les  antres  instruments,  à  marchei'  dans  la 
voie  du  perl'eclionnt'inent.  La  modilicalion  faite  par 
Mozart  aux  parties  de  trompette  du  Messie  de  IIaicn- 
d;;l,  ainsi  que  le  changement  suhil,  opéré  par  tous 
li's  compositeurs,  dans  la  manière  d'écrire  pour  la 
Irompelle,  aurait  été  la  conséquence  du  progrès. 

C'est  en  17.t1,  un  an  après  la  mort  de  Bach  et  huit 
ans  après  celle  de  Hae.ndel,  que  la  trompette  l'ut  ad- 
mise définitivement  dans  l'oichestre  de  l'Académie 
royale  de  musique,  ce  qui  est  une  preuve  que  son 
emploi  y  devenait  de  plus  en  plus  salisfaisanl.  Don^, 
il  y  avait  progrés.  Or,  comment  expliquci'  que,  quel- 
iliii's  années  après,  les  composileni's  eussent  modilic 
l'éiritnre  pour  la  Irompelle  dans  le  but  de  diminuer 
la  difliculté  en  réduisant  son  étendue  dans  l'aigu? 
que  MozAHï  ait  même  Jugé  nécessaire  de  l'aire  une 
inslrnmentatiûu  nouvelle  des  Fêtes  d'Alexandre  et 
du  Messie  de  Haendel'? 

Comment  supposer  que  les  trompetlistes  eussent 
dégénéré  de  la  sorte  aussi  précipitamment'.'  Ils  au- 
raient perdu,  tout  d'un  coup,  uneqtiinle,  et  même  une 
septième  mineure  !  Cela  est  inadmissible.  A  partir  de 
ce  moment,  les  tiotnpettes  ne  dépassaient  plus  le  : 


réel,  quel  que  fût   le  corps  île  rei'liange. 


el  on  en  évitait  la  fréquence,  surtout  en  notes  lon- 
gues. ^'était-ce  pas  la  preuve  que  la  trompette  avait 
subi  une  transformation  dans  sa  construclion  el, 
partant,  une  modification  dans  l'écriture  qu'on  lui 
di'Sti:;ait'? 

.Nous  ne  voyons  pas,  quant  à  nous,  d'autre  moyen 
de  résoudre  la  question,  si  controvei'sée,  de  la  trom- 
pette de  l'iACH.  Si  ce  n'est  pas  encore  la  vérité, 
nous  souhaitons  que  noire  erreur  contribue  à  la 
trouver. 

Dans  tous  les  cas',  on  a  eu  tort  de  croire  que  les 
trompettistes  d'alors  étaient  d'irne  habileté  disparue. 
.Nous  allons  maintenant  donner  la  preuve  du  con- 
traire, même  en  nous  plaçant  au  point  de  vue  le  plus 
tlalteur  pour  les  anciens. 

Oulilions  donc,  pour  l'instant,  le  raisonnement 
qui  précède,  et  inettons-nous  au  point  de  vue  des 
contradicteurs,  c'est-à-dire  admettons  (\ue  les  par- 
ties de  tromba  ont  été  jouées  sur  des  trompeltes  et 
dans  le  registre  usité  de  nos  jours.  Si,  du  temps  de 
Mozart,     on   a   jugé    utile   d'abandonner    ce    genre 


d'exécution,  c'est,  apparemmeni,  que  les  résultats 
laissaient  h  désirer,  el  que  la  difficulté  en  était  recon- 
nue à  peu  près  irrsurmontable;  car,  s'il  était  vrai 
(|ae  ces  parties  eussent  été  jouées  dans  h'  registre 
réel  de  l'écritui'e,  cela  ne  prouver.!  it  pas  i|u'elles  l'ont 
été  à  la  perfection.  Or,  aujourd'hui,  avec  les  trom- 
pettes en  )■(■  et  nt  aigu,  avec  lesquelles  on  obtient,  à 
la  luis,  la  justesse,  la  précision  et  la  silreté,  on  joue 
1res  correctement  ces  parties  des  œuvres  de  Hm.h  et 
de  Hakmikl.  m.  Teste  en  a  donné  le  premier  l'exem- 
ple, l'ii  l'rance,  en  1874,  comme  on  le  verra  à  l'arti- 
cle srrr  la  trompette  aiguë;  puis  en  jouant,  en  tota- 
lité, la  Messe  en  si'l;  mineur  de  Bach,  dans  l'hiver  de 
1S90  h  1891,  à  la  Société  des  Concerts  du  Conserva- 
toire de  Paris,  ainsi  que  d'auli'es  œuvres  du  même 
anteui-  el  de  Hae.ndel.  Mehri  FnANQUiNet  Lachan.^id, 
tous  deux  successivement  premiers  trompettes  solos 
audit  orchestre,  ont  imité  cet  exemple  avec  le  même 
succès  que  leur  pi'édécesseur,  dans  l'exécution  de 
celte  \le--sc  qiri  fait  partie,  depuis  lors,  du  répertoire 
des  concerts  de  cette  Société.  On  joue  partout,  au- 
jourd'hui, les  reuvres  de  Bach  et  de  Haënuel  avec  les 
trompettes  à  pistons,  o.r  à  cylindres,  en  ré  aigu. 

Dans  le  but  d'atténuer  la  grande  dilliculté  de  ce 
genre  d'exécution,  on  a  essayé  et  on  essaye  encore  de 
nos  Jours  l'emploi  de  trompettes  plus  aiguës  :  /<(. 
sol,  si[,  oclave  aiguë  du  cornet  à  pislons  moderne. 
Mais  les  sons  que  rerrdent  ces  instruments  perdent 
de  plus  en  plus  le  caractère  de  la  Irompelle. 

Le  mérite  des  trompettistes  modernes  n'est  pas 
dimiruié  par  l'invention  des  norivelles  ti'ompetles 
aiguës  en  ut  et  en  ré.  Nous  prouverons  que  si  la  dif- 
liculté, quant  à  la  justesse  et  à  la  précision,  est  pres- 
i|uesuppriruce,  elle  demeure  égale, sinon  supérieure, 
au  point  de  vue  de  l'émission  des  sons  et  de  la  foi'ce 
physique. 

Plus  le  tuyau  est  court  (c'est  le  cas  de  la  trompette 
en  ré  aigu),  plus  le  son  exige  de  force  pour  se  pro- 
duire, altendii  que  la  résistance  de  l'air  extérieur 
s'augmente  en  raison  directe  du  raccourcissement 
du  tuyau,  l'ous  les  professionnels  se  rendent  certai- 
nemenl  compte  de  ce  fait  d'apparence  illogique,  à 
savoir  que  l'aigu  exige  moins  d'eli'orts  surun  instru- 
ment grave  (pie  sur  un  aigu,  et,  inverseinerrt,  ipie 
le  grave  s'obti.-nt  plus  facilement  sur  un  instrument 
d'un  registre  de  construction  élevé  que  sur  un  instru- 
merrt  à  long  tuyau'.  (Nous  donnons  ici  aux  termes 
aitju,  fjrave,  leur  signification  réelle  à  l'oreille,  rela- 
tivement à  l'échelle  générale  des  sons,  et  non  relati- 
vement au  registre  particulierde  l'instrument.)  Ainsi, 


lue:  jp^l 


sur  une  tron:- 


on  croit  généralement  que  : 

pette  en  ré  aigu,  demande  moins  de  force  muscu- 


laire que  : 


sur  une  trompette  en  ut  ou  que 


1.  On  peut  s.^  rendie  comple  de  ce  principe  on  ctoiinaiit  U    on.l.i- 
iiienUlc  avec  la  Irompelle  en  ul  :       )'  i,        pnis  !■  s  noies  descen- 


rlinles  an  moyen  des  pistons;  m  verra  que  la  difliiullé  déniss^un 
n'ans;mente  que  faiblement  relalivcment  au  degré  d'allai-^emc.l^  -.li-S 
sous. 


1606 


K.Xr.YCI.OPÈDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


sur  une  Lrompelte  en  fa,  ou  que  : 


i 


_Q_ 


sur  l'ancienne  trompette  en  rr,  par  sa  construction, 
plus  basse  d'une  octave  que  la  Irompette  moderne, 
mais  ce  n'est  qu'une  erreur  de  rima;.'ination.  On 
peut  s'en  convaincre  et  constater  la  loi  naturelle  à 
cet  égard  en  donnant  alternativement  une  note  aif^uë 
à  vide  et  avec  l'emploi  des  pistons.  La  même  com- 
paraison peut  être  faite  au  sujet  du  grave.  Les  notes  : 


^ 

^*^*^»*. 


sont  plus   faciles  ù  rendre  avec 


'S* 


la  trompette  en  nt.  aigu  que 


-m 


'S*  » 


'li» 


avec  la  trompette  en  fa,  surtout  dans  la  nuance 
piano,  mais  les  sons  sont  moins  volumineux.  Dans 
ce  registre,  le  choc  de  l'air  expulsé  contre  l'air  exté- 
rieur étant  lieaucoup  plus  doux,  la  proximité  de  ce 
dernier  favorise  les  émissions. 

Il  est  évident  que  ce  raisonnement  n'est  applicaljle 
qu'aux  instruments  jouant  dans  l'aigu,  et  non  aux 
instruments  de  basse,  dont  la  perce  est  trop  grosse 
pour  les  sons  élevés. 

Alors,  dira-t-on,  pourquoi  abandonner  le  système 
de  l'instrument  grave  pour  jouer  dans  l'aigu?  — 
C'est  que  si  l'aigu  s'obtient  avec  un  peu  moins  d'ef- 
forts sur  un  instrument  plus  long  de  tuyau,  ce  regis- 
tre est  beaucoup  plus  diflicile  au  point  de  vue  de  la 
sûreté  et  de  la  précision  quand  il  est  fourni  par  le 
registre  supérieur  d'un  instrument  grave  que  s'il 
représente  le  registre  médium  d'un  instrument  aigu. 

Si  le  trombone,  malgré  la  longueur  de  son  tuyau, 
n'offre  pas  au  même  degré  ces  dangers,  c'est  que  le 
diamètre  de  sa  perce  est  proportionné  à  la  longueur 
du  tuyau  et  à  son  registre  d'exécution,  où  les  har- 
moniques sont  moins  rapprochés. 

L'usage  des  trompettes  aiguës  ne  constitue  donc 
pas  une  économie  de  dépense  de  force  physique. 
Leur  seul  et  suffisant  avantage,  au  point  de  vue  de 
la  difficulté,  est  de  pouvoir  obtenir  l'aigu  avec  plus 
de  sûreté,  de  précision  et  de  justesse. 

Ajoutons,  pour  terminer  ce  chapitre,  que  l'abus 
des  sons  aigus  tenus  meurtrit  les  lèvres  et  épuise  la 
poitrine  ;  cet  abus  est  encore  nuisible  en  ce  sens  que 
le  public,  ignorant  en  la  matière,  base  trop  sou  estime 
sur  l'exécution  de  ces  sons  aigus,  ce  qui  pousse  quel- 
ques artistes  à  ne  viser  que  ce  but  en  négligeant  l'étude 
des  belles  qualités  de  style,  de  sonorité" et  de  senti- 
ment musical. 

Comme  on  ne  manquera  pas  de  nous  demander 
la  conclusion  de  notre  théorie,  ajoutons  que  pour 
exécuter  les  parties  de  trompette  de  Bach  telles 
qu'elles  ont  été  créées,  nous  ne  voyons  qu'un  seul 
moyen,  c'est  de  les  faire  jouer  par  des  trombonistes 
sur  la  trompette  basse  en  usage  dans  les  œuvres  de 
Wagner,  qui  a  écrit  la  partie  de  trompette  basse  exac- 
tement dans  le  même  registre  que  les  parties  de 
trompette  de  Bach. 

Quoique  la  trompette  dont  se  servent  les  trombo- 
nistes' soit  une  octave  au-dessus  de  la  trompette  de 
Bach,  comme  construction,  elle  joue  dans   le  même 


registre,  tout  en  exécutant  une  octave  plus  bas  par 
rapport  à  son  registre  fondamental,  c'est-à-dire  à 
son  registre  de  construction. 


LES  REPRÉSENTANTS  DU   GENRE  TROMPETTE 
ET  LEUR   EMPLOl- 

Trompetlp  simple  on  naturelle 
à  corps  de  rechange. 

On  appelle  trompette  simple  la  trompette  naturelle,] 
par  opposition  à  la  trompette  chromatique,  c'est-à- 
dire  celle  à  pistons  ou  à  cylindres. 


Fk;.  ûSl.  —  TroinpcUe  de  cavalerie 
et  trompettes  d'harmonie. 

Cette  trompette  a  complètement  disparu,  en  France, 
des  orchestres  et  des  musiques  militaires.  Elle  n'est 
plus  en  usage  que  dans  la  musique  de  scène,  dans  les 
fanfares  spéciales,  et  comme  instrument  de  guerre" 
dans  l'armée.  Il  en  est  de  même  en  Allemagne,  en^ 
Italie,  en  Belgique  et  dans  toutes  les  autres  nations 
civilisées.  Toutefois,  on  l'utilise  encore  dans  quelques 
écoles  de  musique,  pour  habituer  les  élèves  à  avoir 
une  bonne  attaque  précise  et  sûre. 

L'introduction  en  France  de  la  trompette  à  corps 
de  rechange,  que  l'on  pouvait,  en  ce  temps-là,  appeler 
perfectionnée,  date  de  1770  ;  elle  fut  importée  d'Alle- 
magne. 

Le  perfectionnement  consistait  simplement  en  ce 
que  l'instrument,  au  lieu  d'être  d'une  seule  pièce, 
comme  précédemment,  était  formé  de  deux  parties 
dont  l'une  s'emboîtait  dans  l'autre.  C'était  la  pre- 
mière, celle  à  laquelle  s'adaptait  l'embouchure,  que 
l'on  a  nommée  corps  de  rechanye,  et  qui  donnait,  se- 
lon son  développement,  les  différentes  tonalités  que 
l'on  a  appliquées,  depuis,  à  la  trompette.  On  en  a 
l'ail  usage  jusqu'au  moment  où  la  trompette  mo- 
derne, dite  trompette  en  ut,  l'a  délinilivement  rem- 
placée dans  tous  les  orchestres^. 

La  trompette  simple  a  continué  d'être  en  usage, 
même  pendant  la  période  de  l'ancienne  trompette  à 
pistons,  à  laquelle  le  système  des  corps  de  rechange 
était  également  appliqué,  et  dont  nous  parlerons  plus 
loin.  A   l'Opéra  de  Paris,  cette  période  va  de  1S26  à 


1.  C'est  rolre  trompette  ancienne  à  pistons,  appelperommunèmenl 
trom|iette  on  fa,  et  qui  est  en  réalité  en  sol,  de  son  ton  le  pins  aigu. 

2.  Voir  aussi  sur  cette  iiuestion  VOrganographir  i]tiiérale  dps  ins- 
truments a  embouchure  de  il.  Henri  Séha,  professeur  au  Conserva- 
toire de  Rruvclles. 

3.  Dans  la  [dupart  des  autres  nations,  la  trompette  moderne  est  ea 
sih  et  en  la,  tonaliti!-s  do  cornet  à  pistons  moderne. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  TROMPETTE  ET  LE  CORNET    i'^"7 


■  1891.  l.ps  trompettistes  avaient  une  boite  qu'ils  pla- 
çaient (levant  eux  aux  pieds  du  pupitre,  et  qui  conte- 
nait une  trompette  simple  et  une  trompette  à  pistons 
avec  tous  les  tons  de  reclian^ie  qui  s'adaptaient  indif- 
féremment à  chacune  des  doux  trompettes,  selon 
que  c'était  l'une  on  l'autre  qu'ils  avaient  en  main; 
c'est-à-dire  selon  que  le  passade  à  jouer  était  chro- 
matique ou  composé  seulement  d'iiarmoniques  na- 
turels simples.  Un  jeu  unique  de  tons  de  rechange 
suffisait  pour  les  deux  trompettes. 

En  attendant  l'invention  du  système   des  pistons, 
«elui  des  tons  <le   ierliiin;/f   constituait  .lonc  un  réel 


progrès  en  donnant  à  la  trompette  la  faculté  de  jouer 
dans  piesque  tous  les  tons,  à  la  condition  que  It' 
compositeur  laissât  les  mesures  de  silence  néces- 
saires au  changement  des  corps  de  rechange. 


Ton  de  ré,  Ton  de  /"((. 

Fie.  6S-3.  —  Corps  itn  rechanse. 


Etendue  théorique  de  la  trompette  simple  en  ut  grave,  à  l'octave  de  la  trompette  moderne  en  ut. 


Le  fa  est  entre  fat,  etfai}  ;  lelaentre  sol»  etla  ^ 


Toutes  ces  notes  peuvent  se  faire  entendre  sur  la 
trompette  simple  en  ut  f,'iave,  mais  seulement  pour 
conlirmer  la  théorie.  Dans  la  pratique,  on  ne  doit 
pas  dépasser  cette  étendue. 


Exceptionnel 


Le  fa  ne  peut  s'obtenir  juste  qu'au  moyen  de  la 
main  gauche  obstruant  une  partie  du  pavillon,  à  la 
manière  du  cor.  Le  contre  «<  était  très  rarement  em- 
ployé et  n'était  guère  praticable  qu'avec  les  tons  de 
si  [},  siq  et  ut;  il  était  très  difficile  et  très  dangereux. 

Trompette  ù  conlisse. 

L'invention  des  corps  de  rechange  a  donné  l'idée 
d'appliquer  le  système  de  la  coulisse  à  la  trompette 
comme  cela  se  pratique  sur  le  trombone.  La  coulisse 
servait  à  baisser  d'un  demi-ton  et  d'un  ton'.  Dau- 
VERNÉ  introduisit  une  modification  à  ce  système  en 
donnant  à  la  coulisse  un  demi-ton  de  plus-.  L'em- 
ploi de  la  coulisse  pour  la  trompette  n'a  pas  eu  de 
durée;  elle  a  été  remplacée  par  les  clefs,  presque 
aussitôt  aijandonnées,  à  leur  tour,  pour  le  système 
des  pistons  ou  cylindies. 


m 


T 


FiG.  683.  —  Trompettes  à  coulisse. 


1.  Trontpette  à  coulisse,  système  anglais,  ilepuis  le  Hon  de  fa  jus- 
qu'au Ion  ti'ut  ^ravp. 

i!.  Trompette  à  coulisse,  système  français,  depuis  le  ton  de  sol  jus- 
qm'au  ton  de  ta\?  grave. 


La  coulisse,  bonne  pour  le  trombone,  exige,  pour 
être  praticable,  un  registre  d'exécution  permettant 
de  la  manoîuvrer  sans  avoir  à  craindre  qu'un  écart 
inappréciable  en  apparence  altère  d'une  manière 
sensible  la  justesse  du  son,  ce  qui  serait  le  cas  pour 
la  trompette. 

Cette  difficulté  insurmontable  d'obtenir  la  préci- 
sion et  la  justesse  dans  des  successions  de  notes 
exigeant  de  rapides  déplacements  de  la  coulisse, 
sans  nul  avantage  au  point  de  vue  du  timbre,  seul 
objectif  des  partisans  de  la  coulisse, a  été  cause  de 
son  abandon  définitif. 

L'initiative  de  l'application  de  la  coulisse  :t  la 
trompette  est  attribuée  à  John  Hide,  célèbre  profes- 
seur anglais. 

Trompette  à  clefs'. 

L'idée  de  percer  de  trous  les  instruments  de  cuivre, 
comme  on  le  faisait  depuis"longtemps  pour  ceux  en 
bois,  est  attribuée  à  un  .\llemand  nommé  WEiniMiEH. 
D'autres  auteurs  désignent  l'Anglais  Hallid.^y,  qui, 
ayant  appliqué  ce  système  à  la  trompette,  aurait, 
sans  le  vouloir,  créé  le  bugle  ou  clairon  à  clefs. 

Cet  instrument  fut  connu  en  France  de  18i:>  à 
1816,  et  adopté  dans  toutes  les  musiques  de  régi- 
ments d'infanterie  et  de  cavalerie  de  la  garde  royale 
et  de  l'armée. 

L'application  de  ce  système  à  la  trompette  a-t-elle 
nécessité  une  forme  particulière  ou  un  pavillon 
plus  développé  ?  Toujours  est-il  que  l'instrument 
qui  en  a  été  l'objet,  non  seulement  n'avait  pas  les 
sons  de  la  trompette,  mais  un  timbre  encore  plus 
voilé  que  celui  du  clairon*  et  rappelant  celui  de 
l'antique  cornet,  c'est-à-dire  de  la  corne.  (C'est  sans 
doute  parce  que  les  cornes  du  buffle  servaient  à 
fabi  iquer  les  cornets  primitifs,  qu'on  a  tiré  le  nom 
de  bugle  de  celui  de  ce  bœuf  sauvage.) 

La  trompette  à  clefs,  en  usage  en  Allemagne  avant 

3,  Trompette  à  clefs  dite  italienne,  système  allemand.  Méthode  llAr* 

\  tRNK,   \\V,    f.  S. 

4.  Le  clairon  de  celte  époque  u'avail  pas  les  sons  du  elairon  moderne, 
qui  ressemblent  de  plus  en  plus  à  ceu\  de  la  trompette.  Ils -■[.tient 
franchement  voilés,  comme  ceux  du  bugle  qui  n'est,  comme  il  'stdil 
ailleurs,  autre  chose  qu'un  clairon  muni  du  sjsl^mc  des  pistons  et 
avant  conservé  les  sons  voiles  de  riostiunicnt  primitif. 


1G0,S 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOWAIRE  DU  C(i.\SEnVAT()IliE 


l'emploi  des  pistons,  celle  que  les  Ireres  Gaini!ATté, 
trompellisles  d'origine  italienne,  attachés  à  l'Opéra 
Italien  de  Paris  en  même  temps  qu'à  l'Académie 
Hoyale  de  musique,  firent  entendre  dans  plusieurs 
concerts,  avait  la  l'orme  du  bugle  moderne'.  Dau- 
VKRNÉ  dédnit  ainsi  le  caractère  de  celte  trompette  ; 
i<  Cet  instrument  a  assez  d'analogie  avec  la  trom- 
pette ordinaire,  sanf  les  clefs,  mais  il  est  beaucoup 
moins  satisfaisant  sous  le  rappoi't  de  la  qualité  du 
son,  qui  est  tant  soit  peu  nasillard.  » 

Bngle  on  clairon  chromaliqnc^. 

Le  bugle  est  devenu  un  instrument  de  premier 
ordre,  quand  ^il  est  bien  joué,  et  il  est  de  la  plus 
grande  utilité  ponr  le  solo  chanté  dans  les  musiques 
militaires,  ainsi  que  dans  les  fanfares,  où  le  fondu 
de  ses  sons  forme  un  contraste  heureux  avec  les  sons 
clairs^et  mordants  de  la  trompette  et  du  trombone. 
Il  est  même  surprenant  qu'il  ne  soit  pas  encore 
employé  dans  les  orchesires,  où  il  jouerait,  bien 
mieux  et  plus  logiquement  que  le  cornet  à  pistons 
moderne,  le  rôle  de  cor  aigu  pour  lequel  ce  dernier 
instrument  avait  été  créé. 

En  géuéial,  le  bugle,  en  P'rance,  n'a  pas  la  sonorité 
pleine  et  ample  qu'il  devrait  avoir.  S'il  a  conservé 
le  caractère  des  sons  voilés,  c'est  grâce  aux  fabri- 
cants qui  luf  ont  maintenu  la  perce  conique  et  un 
pavillon  développé,  mais  les  sons  que  l'on  en  tire 
sont  souvent  maigres  et  creux.  Cela  tient  à  ce  que, 
par  une  fausse  compréhension  de  l'art,  que  nous 
avons  signalée  plus  haut,  on  recherche  trop  l'eLl'et 
dans  le  mérite  de  l'aigu.  Dans  ce  but,  on  adapte  une 
embouchure  qui  manque  île  profondeur,  de  creux  ou 
d'ampleur  du  grain,  croyant  ainsi  faciliter  ce  regis- 
tre, mais  c'est  au  détriment  de  la  belle  qualité  des 
sons.  De  plus,  la  nécessité  dans  laquelle  se  trouvent 
tous  ceux  (|ui  jouent  du  bugle  en  France,  de  jouer 
en  même  temps  du  piston,  n'est  pas  non  plus  pour 
les  aider  à  remédier  à  ce  défaut. 

Puisque  le  pelil  bwjlc  existe  et  qu'il  est  créé  pour 
l'aigu,  que  n'en  use-t-on  davantage'.'  Et,  au  lieu  d'a- 
voir, comme  dans  ceitaines  fani'ares,  un  ou  deux 
petits  bugles  avec  15  ou  20  bugles,  et  même  beaucoup 
plus,  pourquoi  ne  pas  avoir  4  ou  S  petits  bugles?  On 
serait  dispensé  de  faire  monter  le  bugle  jusqu'au 
contre-»^  ou  au  contre-rt',  comme  on  le  fait,  ce  qui 
n'est  pas  du  tout  dans  sa  nature.  Gel  instrument, 
pour  donner  tout  ce  que  l'on  serait  en  droit  d'atten- 
dre de  ses  qualités  de  sonorité  naturelle,  ne  devrait 


jamais  dépasser  le  : 


[>A 


qui  devait  être  une 


note  exceptionnelle,  de  même  que  la  et  la  •. 

Tronipelle  ù  pistons'. 

L'adaptationdu  système  des  pistons  à  la  trompette 
ne  fut  faite  en  France  que  vers  la  fin  de  l'année  1826. 
Dauverné  s'exprime  ainsi  à  ce  sujet  :  «  C'est  dans  les 
premiers  jours  du  mois  d'octobre  1826,  que  le  cé- 


1.  Autre  trompette  à  clefs.  Méthode  Dadvërné,  p.  xw.f.O. 

2.  Bugle.  Catat.  Thibocvillë-Lamy,  p.  149. 

3.  Méthode  Dauverné,  p.  xxv,  f.  11*.  Tr.  .'i  deu\  pistons. 
Id.,  ibid  ,  f.  !0.  Tr.à  trois  pistons. 

Id.,  ibid.,  f.  12.  Tr.  à  trois  cylimlres. 

Id.,  ibid.,  f.  13.  Tr.  à  trois  pistons. 

Autre  Forme  de  trompette  en  /a.Catal.  Tii.-Lamy,  p.  (G9. 


lèbre  Spontini,  alors  directeur  général  de  la  musique 
de  S.  M.  le  roi  de  Prusse,  adressa  à  M.  Buiii.,  chef  de 
musique  des  Gardes  du  corps  du  Hoi,  ainsi  qu'à  moi 
qui  faisais  aussi  partie  de  celte  musique,  une  trom- 
pette de  ce  nouveau  système,  mais  qui  laissait  à  dé- 
sirer sous  le  rapport  de  la  sonorité  et  de  la  justesse 
dans  le  jeu  des  pistons.  » 

Le  défaut  de  sa  sonorité  a  été  pendant  longtemps, 
même  alors  qu'il  n'existait  plus,  une  arme  aux  mains 
des  partisans  de  la  routine,  qui  en  prenaient  prétexte 
pour  proscrire  l'emploi  du  système  des  pistons,  grâce 
auquel  les  instruments  de  cuivre  peuvent  maintenant 
remplir,  à  l'orchestre,  un  rôle  en  rapport  avec  la  ri- 
chesse de  leurs  timbres  et  les  nuances  de  leur  sono- 
rité. 

La  trompette  à  pistons  fit  son  entrée  dans  l'or- 
chestre, en  1827,  dans  l'opéra  de 
Macbeth  de  M.  Ciujlabd,  ouvrage 
qui  n'eut  que  peu  de  représenta- 
tions, mais  elle  y  reparut  deux  ans 
plus  lard,  en  1829,  dans  Guillaume 
Tell,  pour  la  marche  du  3'  acte; 
puis  dans  Robert  le  Diable,  la  Juive, 
les  Hiii/uenots,  etc.,  oii,  l)ien  sou- 
vent, elle  jouait  les  parties  écrites 
pour  la  trompette  simple. 

L'invention  en  est  attribuée  à 
Stoëlzel,  mais  on  cite  aussi  le 
Silésien  Rluhmel  qui  serait  arrivé 
au  même  résultat  par  des  moyens 
différents. 

Cette  différence  ne  pouvait  résul- 
ter que  du  nombre  des  pistons,  ou 
de  l'emploi  d'un  des  deux  systè- 
mes ascendant  ou  descendant. 

On  a  d'abord  employé  le  système 
à   deux   pistons    descendants    qui,    sur    r.iiicieniie 
trompette,    limitait    la    gamme,    ilans   le  gi'ave,  au 


FiG.  GSl. 

Trompette 

k  deux  pistons. 


taudis  que,   sur  le  cornet   à   pistons,   il 


excluait    les    notes 


#* 


T-" 


=^ 


:iEc 


Aussi,  l'adjonction  du  '.i"  pistor  ne  se  fit  pas  attendre 
sur  la  Irompette  et  le  cornet.  I.iî  cor,  pouvant  substi- 
tuer au  piston  la  main  dans  le  pavillon,  a  persisté 
davantage  dans  le  système  à  deux  pistons  descen- 
dants, et  il  n'y  a  pas  beaucoup  d'années  qu'il  était 
encore  en  usage. 

Aujourd'hui  le  système  des  trois  pistons  descen- 
dants est  généralement  adopté;  si  ce  n'est  au  sujet 
de  certaines  basses  ou  contre-basses  auxquelles  on  a 
pu  adapter  utilement  un  système  mixte  de  quatre  et 
même  de  six  pistons,  les  uns  descendants,  les  autres 
ascendants,  et  à  la  trompette  à  cinq  pistons  depuis 
1916. 

La  Irompelte  avait  été,  jusqu'ici,  de  tous  les  ins- 
truments de  musique,  le  plus  réfractaire  au  progrès, 
grâce  à  l'entêtement  des  anciens  professionnels  et 
à  leur  opposition  à  ce  que  les  jeunes  fissent  usage 
(Tînstrumenls  plus  avantageux*;  grâce  surtout  aux 


i.  Le  même  fait  se  produit  de  nos  jours  au  sujet  do  la  nouvelle 
trompette  à  5  pistons. 


TECIIMQVE,  ESTHÉTIQUE  ET  FÉOAOUGIE 


LA  TROMPETTE  ET  LE  CORNET    1609 


cornetlistes,  Iransfuyes  de  la  trompette,  qui  voulaieiil, 
à  loiit  prix  que  le  cornet  conservât  l'avance  prise 
siH'  elle  et  la  situation  qu'il  lui  avait  ravie  dans  les 
orcheslies.  Le  meilleur  moyen  d'y  parvenir  était  évi- 
demment de  refuser  tout  progrès  au  perfectionne- 
ment de  la  trompette,  et,  par  conséquent,  de  lui  lais- 
ser le  monopole  des  couacs.  Sachant  paifaitement 
qu'après  l'invention  des  pistons,  le  seul  moyen  de  se 
perl'ectiormer  et  de  mettre  à  profit  ce  système  était 
d'élever  les  tonalités  fondamentales  de  la  trompette, 
ils  prétendaient  que  seules  les  Irompettes  basses 
jouant  dans  l'aigu  étaient  de  vraies  trompettes. 


Fio.  6S5.  —  Trompetlo 
;i  trois  pisLons. 


FiG.  08i!.  —  Trompette 
à  6  pistons. 


Les  autres  musiciens  se  faisaient  inconsciemment 
leurs  complices  (on  trouve  toujoui'S  des  aides  volon- 
taires quand  il  s'agit  de  faire  de  l'opposilion  au  pro- 
giès).  Il  est  juste  d'ajouter,  pour  les  excuser  lusqu'ii 
un  certain  point,  qu'à  chaque  raodilication  de  cons- 
truction de  l'insrument,  les  déhnts  sont  difficiles 
et  que  les  efforts  les  plus  intelligents  ne  donnent  pas 
imniédialeraent  les  résultats  que  comporte,  en  réa- 
lité, la  modilicalion,  aussi  bien  du  fait  de  la  fabrica- 
tion que  de  celui  des  artistes,  insuflisaniment  fami- 
liarisés avec  le  nouveau  sj'stème. 

L'immobilité  de  la  trompette  a  donc  permis  au  cor- 
net de  mettre  h  profil,  pour  la  remplacer,  le  nouveau 
système  des  pistons,  en  abandonnant  ses  anciennes 
tonalités  graves  pour  s'élever  jusqn'an.\  tons  de  la  et 
si'i^,  qui  l'éloignent  de  son  origine  en  lui  faisant  perdi'e 
en  partie  le  caractère  des  sons  voilés. 

Le  cornet,  en  effet,  depuis  le  milieu  du  six»  siècle, 
remp'ace  la  trompette  pour  jouer  les  parties  chro- 
matiques, et  même  certaines  parties  de  trompette 
st»(/)/(;  dans  lessolosqui  auraient  exposé  celle-ci  à  des 
accidrnts  facilement  évitables  avec  le  cornet  aigu. 

La  trompette  a  donc  mis,  grâce  à  la  rivalité  du 
cornet  à  pistons,  près  de  trois  quaits  de  siècle  à 
bénéficier  complètement  de  l'invention  des  pistons. 
Ce  retard  considérable  sur  les  autres  instruments  à 
vent  a  été  cause  de  sa  déchéance  temporaire,  prin- 
cipalement dans  les  musiques  militaires,  où  la  partie 
la  plus  artistique  de  son  rôle  naturel  a  été  attribuée 


au  cornet  ù  pistons.  On  nn'ltait  la  trompette  aux 
mains  des  plus  inhabiles,  conformément  au  rôle 
elTacé  qu'on  lui  attribuait,  ce  qui  n'était  pas  pour  la 
relever. 

A  I  Opéra,  la  tiompette,  n'utilisant  que  fort  peu  le 
système  des  pistons,  n'avait  guèi'c  à  jouer  que  des 
parties  de  trompette  simple. 

On  a  continué  à  ne  l'employei'  que  pour  les  appels, 
les  annonces  et  les  sonneries  de  guerre;  à  l'associer 
aux  timbales  pour  les  elTets  di;  rythme,  ou  an  tam- 
bour et  à  la  grosse  caisse  poiu'  augmenter  le  bruit. 
C'est  ainsi  qu'on  mettait  cet  instrument  si  difficile 
et  d'une  belle  sonorité  naturelle  aux  mains  des 
moins  habiles  cornettistes,  dans  les  musiques  mili- 
taires. Nouvelle  cause  de  défaveur  pour  elle  et  de 
triomphe  pour  le  piston. 

On  peut  dire  que,  en  France,  la  trompette  doit  sa 
résurrection  aux  nations  étrangères,  ou  plutôt,  à  la 
musique  étrangère.  Il  a  fallu  l'admission  de  Lohen- 
ijrin  à  l'Opéra  de  Paris,  pour  que  la  trompette  reprit 
son  essor  en  adoptant  délinitivement  et  obligatoire- 
ment, grâce  à  cette  circonstance,  les  tonalités  aiguës 
pratiquées  par  le  coinet  à  pistons. 

C'est  ainsi  que  la  trompette  s'est  laissé  devancer 
de  plus  d'un  demi-siècle  par  les  autres  instruments 
dans  la  voie  du  progrès. 

Tous  les  instruments  à  vent,  et  même  la  contre- 
basse à  cordes,  n'ont-ils  pas  été  profondément  mo- 
difiés depuis  un  demi-siècle,  ces  modifications  ren- 
contiant  toujours  de  l'opposition'?  La  contrebasse  à 
i[uatre  cordes  a  subi  le  reproche,  au  début,  d'avoir 
moins  de  son  que  l'ancienne  à  trois  cordes  ;  d'aucuns 
préféraient  la  tlùte  en  bois  à  la  nouvelle  llnte  en 
métal;  la  midtiplicitë  des  clefs  à  la  clarinette,  au 
hautbois,  an  basson,  trouvait  des  détracteurs,  etc. 

Mais  aujourd'hui  que  la  trompette  a  pris  l'exten- 
sion qu'elle  comportait,  qu'il  en  existe  dans  tous  les 
registres  et  dans  tous  les  tons  et  que  les  trompettistes 
ont  acquis  une  habileté  qui  les  met  pleinement  à  la 
hauteur  de  leur  responsabilité,  il  est  regrettable 
qu'on  ne  restitue  pas  à  la  trompette,  dans  les  or- 
chestres, piincipalement  à  l'Opéra  et  dans  les  mu- 
siques militaires,  tout  au  moins  les  parties  que  les 
compositeurs  lui  avaient  destinées;  car,  indépen- 
damment des  anciens  opéras  de  Meyeuheur,  de  llos- 
siNi,  dlL\LÉvv,  etc.,  où  les  parties  de  trompette  chro- 
matiqne  sont  encore,  actuellement,  tenues  également 
par  les  pistons,  des  opéras  pins  modernes,  tels  que 
coirx  de  Vi'.nnr,  de  Gocnod,  de  P.^LArjiLHE,  de  Rkyer, 
de  Massenet,  etc.,  comporti'ut  aussi  des  parties  de 
trompettes  jouées  également  par  les  pistons.  Cette 
restitution  serait  d'autant  plus  logique  et  équitable 
que,  dans  ces  parties,  quand  il  se  trouve  un  passage 
dépassant  l'étendue  ordinaire  dans  l'aigu,  les  cornet- 
tistes se  récusent  en  se  déclarant  impuissants,  et  re- 
connaissent, pour  la  circonstance,  que  le  cornet  n'est 
pas  rme  trompette;  d'oral  la  nécessité  de  transporter 
le  passage  au  pupitre  des  trompettes. 


Etendue  théorique  en  écriture  usuelle  de  l'ancienne  trompette  à  pistons  en  ut  grave 
à  l'octave  basse  de  la  trompette  en  ut  moderne. 


I 


NotdlioTi  et  effet 


^^^ 


^t-*».^-*^ 


,..^^^^^'^'^ 


:  jjîii^^t-^'* 


^^^®*^ 


;«* 


.r>^>*»* 


^,ll«*it^J" 


1610 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Toute  celte  étendue  peut  se  faire  entendre  sur  la 
trompette  à  pistons  en  ul  grave. 

Les  six  notes  les  plus  basses  nécessitent  une  em- 
bouchure de  trombone. 

Dans  la  pratique,  on  ne  donnait  à  cette  trompette 
que  l'élendue  de  la  trompette  en  ut  moderne  : 


^ 


Le  con(re-»<  élait  généralement  excepté,  tandis  qui' 
le  sol 


-^ 


cessait  d'iHre  usité  pour  les  tons 


au-dessus  de  mi\^. 

Tous  les  instruments  de  cuivre,  quelle  que  soit 
leur  tonalité,  possèdent  théoriquement  l'étendue  de 
la  trompette  en  ut  grave. 

Avec  le  ton  de  sol,  le  plus  aigu  de  la  trompette 
ancienne,  ou  peut  faire  entendre  toutes  les  notes  du 
grave,  même  avec  une  embouchure  de  trompette. 

Exemple  pour  confirmer  la  théorie,  mais  non 
pour  la  pratique  : 


'^- 

- 

^ 

lîotescéellfs 

*)         

V FI i M   it^     *      » 

Par  contre,  l'émission  des  notes  les  plus  aigut-s 
(toujours  pour  la  théorie)  esl  rendue  plus  difficile 
avec  des  tons  plus  aigus  que  celui  d'ut. 

Cetle  difliculté  diminue  progressivement  en  des- 
cendant jusqu'au  ton  de  sol  8'  Imissc,  ton  qui  -n'a 
jamais  été  utilisé,  parce  qu'il  est  impraticable  pour 
l'usage,  mais  qui  existe  néanmoins  : 


I 


m 


L'intervalle  vide 


de:P 


dans  la  gamme 


chromatique  de  la  trompette  en  ut  grave,  comme 
dans  toutes  les  autres,  ne  pouvant  être  comblé  chro- 
matiqiiement  ni  diatoniquement  avec  le  système 
actuel  des  trois  pistons",  sépare  nettement,  dans  le 
grave,  le  registre  praticable  de  celui  qui,  jusqu'à 
nouvel  ordre,  n'est  que  théorique-. 

Dans  l'aigu,  le  registre  est  limité, pour  la  pratique, 
aux  forces  humaines  qui  ne  permettent  guère  de  dé- 


P^ss^f"    ■   f-k    [    note   réelle,  avec  les  systèmes' 


modernes,  quel  que  soit  l'instrument  dont  on  fait 
usage,  en  exceptant  la  trompette  en  î'éaigu  employée 

1.  Ti'.  :  en  uL-iii.  .m|t  fl  l'i.  Calai.  Th.-Lamv,|i.  i69. 

2.  Voir  la  nouvollo  Ironipette  a  ;")  pistons  qui  supprime  celle  iulrr- 
niption. 


dans  les  œuvres  de  Bach  qui  la  fait  monter  jusqu'au  : 


ce- qui  donne 


comme  note 


réelle. 

On  peut  se  demander  pourquoi  la  trompette  an- 
cienne  en  ut  grave  descendant  chromaliquement, 
Ihéoiiquement,  et,  pouvons-nous  dire,  pratiquement 
aussi  (puisque  cette  limite  est  atteinte  avec  le  même 
instrument  quand   il  est  joué  en  trompette  bassfT, 


jusqu  au 


1 


fr 


n'a  été  utilisée  que  jusqu'à 


m 


comme  la  trompette  en  ut  moderne  qui 


est  une  octave  au  dessus.  C'est  que  cette  trompette 
basse  était  jouée  avec  une  embouchure  de  trorapetle 
ténor,  c'est-à-dire  jouée  dans  l'aigu. 

Aussi,  voyons-nous  aujourd'hui  les  parties  de  trom- 
pette ()(7s,se  jouées  par  les  trombonistes  avec  des  em- 
bouchures de  même  grandeur  que  celles  dont  ils 
foni  usage  pour  le  <ro)?!bojie,  seulement  un  peu  moins 
profondes  et  à  ijrain  légèrement  plus  petit  pour  élre 
en  rapport  avec  la  perce  du  tube  de  la  trompette 
dont  ils  se  servent  et  qui  n'est  autre,  nous  le  répé- 
tons, que  notre  ancienne  trompeite  dans  son  ton 
A'ut,  qui,  du  rôle  de  trompette  aiguë  (qu'elle  avait), 
esl  descendue  à  celui  de  trompette  basse  (qu'elle 
aurait  dû  toujours  avoiri  par  le  simple  changement 
d'embouchure  et  d'exéculant. 

On  a  adapté  le  système  des  pistons,  naturellement, 
sur  ce  même  instrument,  au  lieu  de  proliter  de  cetle 
invention  pour  construire  la  trompette  en  ut  aigu 
que  nous  avons  aujourd'hui,  et  qui  a  eu  tant  de  peine 
à  se  faire  admettre;  cependant,  il  est  logique  que, 
pour  jouer  dans  l'aigu,  on  lasse  usage  d'instruments 
aigus,  et  que,  puisque  notre  ancienne  trompette  reni- 
plil  à  merveille  te  rôle  de  trompette  basse,  conforme 
à  sa  construction,  nous  ayons  une  autre  trompette 
aiguë  pour  jouer  les  parties  aiguës. 

I.a  Ironipelte  en  ut  moderne. 

Il  nous  parait  dit'licile  de  donner  la  date  exacte  de  ; 
la  première  apparition  des  trompettes  aiguës  dans 
les  orcliestres.  De  même  qu'à  l'origine,  avant  l'er 
ploi  des  métaux  poui-  la  fabrication  des  instrumenls 
la  trompette  primitive  a  été,  selon  les  rirconslances, 
confondiie  avec  le  cornet,  de  même,  les  premières 
trompettes  aiguës,  à  système  chromatique,  pouvaient 
aussi  bien  être  prises  pour  des  clairons,  des  bugles 
ou  des  cornets  que  pour  des  trompetles.  On  sait  que 
c'est  en  voulant  faire  une  trompette  à  clefs  que  ion 
a  donné  naissance  au  bugle.  Comme  nous  l'avons 
déjà  expliqué,  l'application  du  système  des  clefs  aux 
instruments  de  cuivre  aigus  n'a  produit  que  des 
lypessans  originalité.  Le  remplacement  des  clefs  par 
les  pistons  ou  eylirulies  n'a  pas  lait  disparaître  ins- 
tantanément les  défauts  contractés  avec  les  premiè- 
res, et  il  s'est  passé  un  certain  temps  avant  que  le 
véritable  timbre  de  la  troni|iette  ait  pu  être  retrouvé 
sur  les  instruments  chi-omatiques  aigus.  C'est  de 
l'époque  où  ce  résultat  a  été  à  peu  prés  atteint  que 


I 


TECII.XKjVE.  ESTIIliTIOVE  ET  PÉDAGOGIE 


LA   TROMPETTE  ET  LE  CORNET    1611 


FiG.  oS7. 

Trompottr 

mnili'rne  en  «/, 

»'|7  et  hi. 


nous  faisons  daler  .ipiiroximativement  les  déhuls, 
dans  l'orchestre,  de  la  tionipetleai(L;U(' 
à  pistons  en  si  i  et  la,  puis  en  ut  et 
en  rv. 

Los  premières  trompettes  aiguës  à 
pisloiis  ont  été  fal)riquées  vers  ISîia; 
mais  elles  ne  fnrent  pas  goûlées,  à 
cause  de  leur  sonorité  sans  caractère, 
et  leur  usage  se  lit  attendre  encore 
longtemps.  11  est  à  remarquer  que, 
quoiqu'elles  aient  été  perfectionnées 
depuis  celte  époque,  les  trompettes 
d'Allemagne  ont  conservé  comme  un 
souvenir  de  cette  sonorité  ini-claire, 
mi-voilée,  mais  le  timbre,  la  clarté,  le 
mordant  et  l'éclat  sont  des  qualités 
qui  distinguent,  de  nos  jours,  les 
trompettes  fraix-aises. 

La  plus  usitée,  en  France,  des  liom- 
peltes  aiguës  est  celle  d'i((  (trompelte 
en  lit).  Dans  les  autres  nations,  on  fait 
plus  généralement  usage  des  tons  de 
S(  I'  et  lu,  parce  que  le  cornet  en  ut  n'y  a  pas  été  aussi 
répandu  qu'en  France  où  beaucoup  de 
corneltistes,  du  temps  d'AnBAN,  et  sur 
son  conseil,  l'avaient  adopté,  non  seu- 
lement pour  faciliter  la  transposition 
des  parties  de  trompette,  mais  souvent 
J-I^^Jtaj.      encore,  même  pour  exécuter  des  par- 
[  'i_>  n  C,.      lies  de  cornet  éci'ites  pour  les  tons  de 
si  .   et  /((,  et  cela  dans  l'intérêt  de  la 
sûreté  de  l'exécution,  c'est-à-dire  pour 
la  facilité;  car  le  timbre  de  cet  instru- 
ment   par    lequel    on   espérait    mieux 
remplacer  la  trompette,  éloigne  encore 
^      I  plus  le  cornet  de  son  caractère  et  de 

/    \        son  origine. 
/     \  La  conquête  des  tonalités  aiguës  per- 

^        \^  met   aujourd'hui  à   la   trompette    de 
s'acqnitler   de  son   rôle,   quelque   dif- 
TrompeUe      '"^"'^   ^I"  ''    Paraisse,   et  de   reprendre 
moderne  en  r«,  sa  place  usurpée  par  le  coinet  à  pis- 
ré  i>  et  «/.       tons.    M.    Teste    l'a    fait    entendre    le 
premier   à    Paris     Ayant    à   jouer   la 
partie  de  première  trompette  du  Messie  de  Haendel, 
que  Lamourei'x  lit  exécuter  au  Cirque  d'Été  en  février 
1874,  et  dont  il  donna  une  série  de  représentations. 
Teste   fit   construire,  à   cette  occasion,   une   trom- 
pette en  ré  aigu,  qui, par  le  moyen  d'un  changement 
de  coulisse  d'accord,  faisant  l'effet  d'un  curps  de  re- 
change, se  mettait  en  ut.  Ce  genre  de  trompette  n'est 
pas  encore  entièrement  abandonné'. 

Vers  la  même  époque,  (jin'nen,  du  Théâtre  Hoyal 
de  la  Monnaie  de  lirnxelles,  joua  également  la  partie 
de  première  trompette  du  même  ouvrage,  non  avec 
la  trompette  en  ré  aigu,  qui  n'avait  pas  encore  fait 
son  apparition  en  Belgique,  mais  avec  celle  en  Si  h, 
beaucoup  moins  favorable  au  point  de  vue  de  la  sû- 
reté, pour  l'exécution  de  l'œuvre  en  question. 

Le  succès  de  Teste  fut  considérable,  et,  dés  ce 
jour,  il  utilisa  cette  trompette,  principalement  dans 
la  tonalité  iVui,  et  aussi  dans  celle  de  ré,  à  l'orchestre 
des  Concerts  populaires  de  Pasdelout',  le  vulgarisa- 
teur de  la  musique  classique  en  France.  La  sûreté 
et  la  précision  qu  il  obtenait  sur  cette  nouvelle  trom- 
pette lui  assurèrent  une  telle  supériorité  sur  tous  ses 
confrères  des  autres  orchestres  qu'il   se  vit  bientôt 


1.   Modèle  dans  le  catalogue  BessoiN. 


appelé  à  la  Société  des  Concerts  du  Con.servatoire, 
comme  premier  trompette,  où  il  brilla  au  premier 
rang  des  solistes  pendant  de  longues  années.  Peu 
après  son  admission  dans  cet  orchestre,  que  dirigeait 
alors  Deldevez,  chef  d'orchestre  de  l'Opéra,  Teste 
se  vit  nommer  premier  trompette  à  ce  théâtre,  où  il 
était  déjà  en  qualité  de  trompette  et  cornet. 

.Son  exemple  fut  suivi  par  les  trompettistes  des 
autres  concerts  sympboniques  qui  se  créèrent  par  la 
suite  :  les  Concerts  Colonne,  puis  les  Concerts  Lamou- 
REUX.  Il  a,  quelques  années  après,  récollé  de  nou- 
veaux lauriers  avec  ce  même  instrument  en  exécu- 
tant la  partie  de  trompette  obligée  de  l'air  de  Samson 
de  Haendel,  que  Carlotta  Patti  vint  faire  entendre 
aux  Concerts  populaires  de  Pasdeloup. 

La  mf^me  exécution  eut  encore  lieu  en  1882,  au 
même  concert,  avec  la  même  interprète;  celte  lois,  la 
partie  de  trompette  obligée  était  jouée  (toujours  avec 
la  trompette  en  ré  aigu)  par  l'auteur  de  cet  article, 
qui  eut  l'honneur  d'être  associé  au  triomphe  de  la 
célèbre  cantatrice. 

Dans  cet  air,  le  point  d'orgue  avait  été  considé- 
rablement développé  par  Ritter,  aussi  bien  pour  la 
trompette  que  pour  le  chant;  ajoutons  que  ce  déve- 
loppement du  point  d'orgue  exigeait  impérieusement 
l'emploi  d'une  trompette  chromatique. 

A  cette  occasion,  le  Figaro  faisait  paraître,  le 
15  février  IS82,  sous  la  signature  de  Cli.  Daucourt,  un 
article  duquel  nous  extrayons  les  lignes  suivantes  : 
«  Tous  les  efîels  que  comporte  cet  air  de  haut  style, 
dont  chaque  note  présente  une  difficulté  à  franchir, 
ont  été  obtenus  par  M"""  Carlotta  Patti,  avec  l'auto- 
rité d'une  artiste  qui  possède  tons  les  secrets  de  l'art 
du  chant.  Aussi  son  succès  a-t-il  été  très  grand.  Il  est 
juste  d'associer  à  ce  succès  M.  Franouin,  qui  a  exé- 
cuté la  partie  de  trompette  avec  une  étonnante  sûreté 
et  un  rare  bonheur.  » 

L'hostilité,  à  l'Opéra,  réunissait,  contre  cette  nou- 
velle trompette,  non  seulement  les  corneltistes  qui 
en  prenaient  ombrage  par  instinct  de  conservation, 
mais  aussi  les  trompettistes  eux-mêmes  qui  voyaient 
cette  nouvelle  trompette  taire  brèche  dans  la  place 
et  menacer  d'en  déloger  les  anciennes  (ce  qui  est  un 
fait  accompli  depuis  1891),  et  les  cornets  à  pistons 
(que  l'on  remplace  par  des  trompettes  modernes  par 
voie  d'extinction). 

Cette  hostilité  fut  telle,  de  part  et  d'aulre,  que  Teste, 
ayant  à  cœur  de  prouver  qu'il  pouvait,  lui  aussi,  con- 
tinuera jouer  de  l'ancienne  trotnpette,  revint  à  celle- 
ci ,  réservant  la  nouvelle  pour  les  concerts  classi- 
ques du  dimanche,  à  la  Société  des  Concerts  du 
Conservatoire  où  il  l'utilisait  concurremment  avec 
la  trompette  simple.  De  sorte  que,  jusqu'en  1891,  on 
ne  s'est  servi,  à  l'Opéra  de  Paris,  {|ue  des  anciennes 
trompettes,  simples  ou  chromatiques.  Auparavant, 
on  n'avait  guère  fait  usage  de  la  nouvelle  trompette 
en  ut  qu'accidentellement,  notamnient,dans  ^igurdAc 
Ueyer,  à  cause  de  l'élévation,  exceptionnelle  à  cette 
époque,  des  parties  de  trompette  de  cet  ouvrage; 
et  aussi  dans  d'autres  opéras  ou  ballets  nouveaux, 
qui,  sans  être  aussi  aigus  pour  la  trompette,  ollraienl 
néanmoins  des  difficultés  d'exécution  et  des  dangers 
tels  qu'on  jugeait  prudent  de  faire  certains  traits 
avec  la  nouvelle  trompette.  .Mais  lorsqu'on  a  monté 
Lohengrin  (en  1891),  il  a  fallu  forcément  renoncera 
jouer  les  anciennes  trompettes,  car  on  ne  pouvait 
en  faire  usage  dans  un  opéra  qui  exige  des  change- 
ments de  tons  (corps  de  rechange)  excessivement 
fréquents,    plusieurs    dans    une    même    mesure,   et 


1612 


ES'CVCLOPÉDIE  DE  LA   MUSIQUE  ET  OrCTIONXAllŒ  OU  COXSEliVATOlRIi 


quelquefois  un  pour  chaque  note,  c'est-à-dire  sans  ces- 
ser de  jouer,  ce  qui  eût  été  al)solument  impossil)le. 
Uès  lors,  l'adoption  de  la  trompe  lie  moderne  qui,  seule, 
permettait  de  transposer  les  parties  avec  une  facilité 
relative,  s'imposait.  Cn  de  nos  collègues,  Lalli;ment, 
persistant  à  von  loii' jouer l'auciennelrompetle  13"  trom- 
pette), s'est  vu  intimer  l'onlre  d'avoir  à  premire  la 
trompette  en  ut  moderne  par  Chailes  Lahouheux  qui 
dirigeait  l'exécution  de  cette  œuvie. 

Ce  qui  paraît  étrange,  c'est  que  ces  changements 
de  tous  paraissent  n'avoir  aucune  raison  d'être,  les 
parties  étant  écrites  pour  trompettes  chromatiques. 
On  ne  peut  que  supposer  que  celte  façon  d'écrire 
pour  les  liompeltes  a  été  inspirée  au  maître  par  un 
facteur  d'instruments  en  possession  d'un  systèmi' 
spécial  comme  le  serait  la  trompelte  ;'i  six  pistons 
inventée  par  Ad.  Sax.  C'est  ainsi  qu'a  disparu  tota- 
lement, de  l'orchestre  de  l'Opéra  de  Paris,  l'ancienne 
trompette. 

l/usage  de  la  trompette  moderne,  en  l'rance,  date 
doue,  d'après  notre  appréciation,  de  IS74'. 

On  ne  pourrait  blâmer  les  Ironifieltisles  modernes 
de  l'ahandon  des  trompettes  anciennes,  lois  même 
que,  conlrairenicnt  à  notre  avis,  il  y  aurait  lieu  de 
les  regretter,  car,  au  fond,  ils  n'en  sont  pas  les  au- 
teurs. C'est  tout  le  monde  qu'il  faudrait  en  accuser, 
nolamnienl  le  progrès,  c'est-à-dire  l'orchestration 
moderne.  La  trompette  n'avait  reçu,  en  fait  de  per- 
fectionnement, que  l'adaptation  des  pistons,  ce  qui 
lui  donnait  plus  de  ressources,  mais  ne  facilitait  nul- 
lement son  jeu.  Celte  ada[italion  augmentait,  au  con- 
traire, la  difficulté  au  point  de  vue  ilu  mécanisme  et 
de  l'intonation,  c'est-à-dire  de  la  précision,  et  auto- 
risait les  compositeurs  à  donner  beaucoup  plus  d'ex- 
tension à  l'écriture.  Tous  les  antres  instruments  a. 
vent,  étant  perfectionnés  dans  le  sens  de  la  facilité, 
de  lajnslesse,  etc.,  meltaient  trop  en  relief  les  défauts 
et  l'aridité  de  la  trompelte.  Celait,  en  apparence,  un 
•grand  avantage  de  ne  plus  èlre  obligé  de  changer 
de  tons  à  chaque  instant  et  de  posséder  loule  la 
gamme  chromatique;  mais,  au  point  de  vue  de  la 
facilité  d'exécution,  nul  progrès;  la  Irompetle  de- 
meurait exactement  ce  qu'elle  était  auparavant, 
tant  pour  la  difficulté  de  son  jeu,  de  ses  dangers  de 
couacs,  que  pour  sa  situation  anormale  de  trompette 
grave  jouée  dans  l'aigu,  de  ((rtsse  jouant  les  ténors. 

Ajoutons  que  le  timbre  clair,  incisif  et  très  en  de- 
hors de  la  trompette  supporte  moins  que  celui  des 
autres  instruments,  les  imperfections;  et  que  lel  dé- 
faut dejuslesse  ou  d'impureté  [lourra  passer  inaperçu 
sur  ces  derniers,  ou  du  moins  n'être  pas  très  choquant, 
tandis  que  la  même  imprécision  sera  intolérable  sur 
la  Irompetle.  On  sera  alors  convaincu  du  mérite  1res 
réel  des  artistes  qui  ont  joué  passablement  de  ce  ter- 
rible instrument  pendant  la  longue  période  où  l'on 
n'avait  que  la  trompette  ancienne  (basse  jouant  dans 

1.  A  part  les  œuvres  de  H\.;n  et  de  Hakwdei,  dans  lesquelles  on  a 
modernise,  pour  ainsi  dire,  l'exôcutioii  des  parties  de  Irotnpette  qui 
no  demandent,  de  nos  juui's,  qu'une  giaade  force  musculaire  des 
livres  de  la  part  des  trompettes,  jointe  à  la  force  pulmonaire,  et 
n'exigent  que  liés  peu  d'art  et  pas  de  finesse,  les  principales  œuvres 
modernes  où  la  trompi  tte  joue  un  rôle  de  premier  ordre  et  qui  soi'nt 
dignes  d'être  citées  ici  se  rt-iluisent  aux  suivantes  :  t"  Sepluor  de 
Ssixt-Saéns  pour  trompette,  piano  et  instruntmts  à  cordes;  S"  Séré- 
nade d'Alphonse  bt:vtR^o^,  même  composition  instrumentale  isep- 
tuor);  :!•  Suite  en  ré  de  Vincent  d'Indv  (seiHiwr  pour  inslrumenls  à 
vent);  4'  Pastorale  varier  de  Gabriel  PiERNft  imème  composition  ins- 
trnmcnlale).  Pour  ces  (Cuvres,  le  trompettiste,  comme  les  autres  ins- 
truinenlistes.joue  assis,  mais  nous  devons  mentionner  (quoi  qu'il  soit 
dit  plus  haut)  l'air  de  l'oratorio  de  Samsn7i  de  Haendei-,  avec  accom- 
pagnement de  ti-ompelle  obligée  (le  trompettiste  jouant  debout  à  côté 
de  la  thanteusel. 


l'aisu).  Ou  conviendra,  nous  l'espérons,  que  ces  rai- 
sons sont  suffisantes  pour  en  légitimer  l'abandon, 
ainsi  que  l'emploi  de  la  trompelte  modei  ne. 

La  trompelte  moderne  est  construite  d'après  les 
mêmes  principes  que  l'ancienne,  avec  la  seule  dilïé- 
rence  que  la  longufur  du  tube  n'est  que  de  1  m.  314 
pour  la  trompelte  en  ut,  tandis  qu'elle  est  de  1  m.  909 
pour  la  trompette  en  fa.  l'Ile  est  enseignée  aujour- 
d'hui dans  tous  les  Conservatoires  du  monde,  et 
presque  exclusivement.  Le  Conservatoire  de  Paris 
maintient  enrore  l'enseignement  de  la  trompette 
ancienne  avec  et  sans  pistons,  cela  seulement  pour 
initier  les  élèves  à  toutes  les  trompettes  qui  ont 
été  en  usage  dans  les  orchestres,  et  aussi  pour  les 
habituer  à  attaquer  avec  précision. 

Pour  le  service  des  grands  orchestres,  c'est  le  ton 
il'«(  qui  est  préféré  en  France.  A  l'étranger,  on  se  sert 
généralement  des  tons  de  si  j?  et  la,  parce  que  la  trom- 
pette moderne  y  a  succédé  directement  au  cornet 
pour  l'exéculion  des  parties  de  trompette  chromati- 
ques et  naturelles,  tandis  qu'en  France,  AiuiAN.s'elfor- 
çaiit  de  répandre  l'usage  du  cornet  en  ut  (dont  il  a  eu 
l'idée  le  premier)  pour  remplacer,  de  plus  en  plus, 
la  trompette,  a  obtenu  le  résultat  contraire  en  provo- 
quant, malgré  lui,  la  construction  de  la  trompette 
moderne  qui,  à  son  tour,  détrône  le  cornet  à  pistons. 

Les  œuvres  de  Rach  et  de  Haendel  sont  jouées, 
dans  tous  les  pays,  comme  il  est  déjà  dit,  avec  la 
trompette  en  re  aigu. 

11  devient  de  plus  en  plus  indispensable  aux  pre- 
miers trompettes  d'avoir  une  trompette  en  ul  pou- 
vant se  mettre  en  ré  et  ré[j  par  le  moyen  de  corps 
de  rechange  mobiles.  Aux  autres,  une  trompette  en 
ut  pouvant  se  mettre  en  si'n  et  la  parle  même  moyen 
ou  à  l'aide  de  barillets  fixes;  plus  une  trompette 
basse  en  ut  (même  tonalité  fondamentale  que  notie 
ancienne  trompette  à  corps  de  rechange,  c'est-à-dire 
une  octave  au-dessous  de  la  trompelte  raoderuei, 
celle-ci  jouée  par  un  tromboniste. 

La  trompette  moderne  en  ut,  même  avec  ses  tons 
de  rechange,  étant  encore  insuffisante  pour  exécuter 
facilement  toutes  les  parties  de  trompette  ancieime, 
l'auteur  de  cet  article  a  imaginé  un  nouveau  système 
(syslème  Mehui  Kbanquin,  professeur  au  Conserva- 
toire national  de  musique  de  Paris  de  trompelte  à 
5  pistons  dont  on  voit  la  description  plus  loin,  et 
qui  se  met  instantanément,  et  sans  cesser  de  jouer, 
dans  tous  lestons  utiles,  grâce  à  l'action  combinée  et 
facultative  des  4«  et  .';«  pistons. 

Ce  système,  en  supprimant  toute  limite  dans  le 
grave  comme  il  en  est,  nalurellemenl,  dans  l'aigu, 
permet,  au  moyen  de  la  transposition  que  tout  trom- 
pettiste doit,  de  nos  jours,  connaître  à  fond,  de 
jouer  la  trompette  exclusivement  dans  sou  ton  d'ut, 
ce  qui  donne  le  précieux  avantage,  au  point  de  vue 
de  la  précision  et  de  la  st'ireté,  d'avoir  constamment 
à  l'oreille  l'intonation  réelle  de  chaque  note,  au  lieu 
d'appeler  ré,  ou  mi  h,  ou  sol,  ou  de  tout  autre  nom,  la 
note  réelle  ut;  de  transformer  les  notes  difficiles, 
dangereuses  ou  fausses  en  notes  faciles,  stlres  etjustes 
par  le  choix  des  nombreux  doigtés  que  le  système 
permet  d'appliquer  a  chaque  note  et  à  chaque  trait. 
Le  système  de  la  trompette  à  o  pistous  a  été  imaginé 
en  1915,  construit  en  1910,  inauguré  au  concours 
public  du  Conservatoire  de  Paris  en  1917,  1918,  1919, 
1920  avec  un  très  grand  succès.  Puis,  en  1920,  lors  de 
la  démobilisation  et  du  retour  des  anciens  dans  la 
vie  civile,  une  vague  formidable  d'opposition  a  arrêté 
le  développement  de  son  expansion  et  inlimidé  les 


TËCHNKJVE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  TROMPETTE  ET  LE  CORNET    1613 


jeunes  qui  faisaient  usage  de  cette  trompette  à  la 
satisfactiDn  de  tous,  compositeurs,  chefs  d'orchestre 
et  pulilic.  Les  jeunes  ont  eu  peui'  de  la  mise  à  l'index 
dont  ils  se  sont  sentis  menacés  de  la  part  de  leurs 
aînés  qui  n'étaient  pas  munis  de  cet  instrumeut.  L'op- 
position a  eu  moins  d'influence  auprès  des  artistes 
professeurs  de  la  province,  où  la  nouvelle  trompette 
continue  doiicemrnt  ses  progrès. 

Tous  les  élèves  qui  l'ont  adopté  an  Conservatoire 
deParisont  obtenu  leur  l"'"' prix  d'excellence  en  deux 
et  trois  ans  d'étude.  Pendant  celte  périodo  et  comme 
couronnement,  le  dernier  qui  en  a  t'ait  usage  (jus- 
qu'ici) au  Conservai oire,  M. 
BiscARA,  a  eu  l'honneur  d'être, 
désigné  pour  exécuter  le  mor- 
ceau de  concours  au  concours 
public  de  la  distribution  des 
pri.fjen  t92(i  (ce  qui  ne  s'était 
jamais  vu  pour  la  trompeite 
depuis  que  le  Conservatoire 
existe),  accompagné  par  l'au- 
teur du  morceau,  Théodore 
Dubois,  ancien  directeur  du 
Conservatoire,  membre  de 
rinstilul. 

IN'onvelIe  li*uui|ielte 
eu  nt  à  cinq  pisioiis. 

Système  Merri  Franquin, 
professeur  au  Conservatoire 
national  de  musique  de  Paris. 

Les  trois  pistons  primitifs 
sont  conservés  sans  modilica- 
lion.  La  nouvelle  trompetle 
peut  donc  se  jouer  sans  faire 
usage  des  4'  et  5=  pistons. 

Le  i"  piston,  actionné  par 
le  pouce  de  la  main  droite, 
hausse  d'un  ton.  Le  5°,  ac- 
tionné par  le  pouce  de  la  main 


FiG.  6S0.  —  Nouvelle 
trompeite  à  5  pistons. 


gauche,  baisse  d'un  ton  et  demi  ou  de  deux  tons 
à  volonté. 

Klle  se  met  dans  les  tons  suivants  : 

1"  en  ut,  ton  initial,  tous  pistons  levés; 

2°  en  ré,  le  i"  piston  abaissé; 

3"  en  sti),  les  4*  et  o"  pistons  abaissés; 

4"  ensiji,  les 4°  et  5'  pistons,  la  coulisse  duo"  tirée; 
à  2  Ions  par  le  moyen  d'une  crémaillère. 

5"  en  ta,  le  o",  sa  coulisse  non  tirée; 

6°  en  /ah,  le  5«,  sa  coulisse  tirée  à  2  tons. 

La  nouvelle  trompette  permet  de  descendre  chro- 
niatiquement  jusqu'au  contre-u/  au  lieu  de  se  limiter 
au  /a;.  Les  notes  dangereuses  .so/;et  la  aigus  devien- 
nent les  notes  faciles /'a;  et  sol  par  l'abaissement  du 
4"  pislon.  Les  notes  ré,  la,  mi,  d'une  justesse  défec- 
tueuse, de  même  que  le  re  h  grave  et  le  /ajf  grave, 
acquièrent  une  justesse  parfaite.  Tous  les  doigtés  et 
les  Irilles  difficiles  son!  simplifiés. 

Tablature  générale  des  doigtés  pouvant  être  utili- 
sés sur  la  trompette  à  5  pistons  indépendamment 
du  doigte  de  la  trompette  à  3  pistons  qui  de- 
meure toujours  fondamental  et  facultatif  à  par- 
tir du  /a  #  grave. 

Les  4=  et  5"  pistons  peuvent  n'être  employés  que 
pour  corriger  les  délauts,  diminuer  les  dangers  d'ac- 
cidents, simplifier  les  doigtés  difficiles  et  suppléer 
à  l'insuffisance  d'étendue  dans  le  grave  de  la  trom- 
peite à  3  pislons.  Ce  dernier  défaut  est  capital  en  ce 
qu'il  fait  obstacle  à  l'exécution  intégrale  et  fidèle  des 
parties  écrites  pour  l'ancienne  trompette  qui  descen- 
dent jusqu'à  réii  dans  les  œuvres  des  anciens  auteurs 
classiques,  et  au  ?ni  h  dans  celles  des  modernes  clas- 
siques. Avec  la  nouvelle  trompette  en  u(  à  5  pistons, 
on  descend  facilement  jusqu'au  réif  et,  un  peu  moins 
facilemeiif,  jusqu'aux  ?■(■  h  et  iit. 

Dans  la  pratique,  il  est  préférable  de  se  limiter  au 
ré  Ci.  En  résumé,  avec  le  nouveau  système,  le  grave 
comme  l'aigu  n'ont  d'autres  limites  que  celles  des 
facultés  humaines. 


Poigléa 
théoriques 
et  pratiques 


loiqtés 
prauques 


Dans  le  ton  d'ut,  les  coulisses  sont  allongées  ainsi  : 
la';i'-"  de  13  à  15  mm.;  la  2=  de  1  à  2  mm.,  la  3"  de 
18  mm. 


u 


il 


-9 


Principaux  emplois  des  4°  et  5"  pistons. 

Cette  nouvelle  trompette,  complète  à  tous  les 
points  de  vue,  a  été  précédée  de  la  trompette  à  4  pis- 
tous, encore  incomplète,  quoique  conslituant  un 
grandprogrès.  M.  FRANyt'iN  en  aconfié  la  construction 
à  la  maison  Millereau  vers  1888.  Après  en  avoir  fait 
usage  aux  coticerts  Colonne  et  à  l'Opéra,  il  l'a  dé- 
laissée parce  qu'elle  ne  lui  donnait  pas  une  entière 
satisfaction  au  point  de  vue  de  la  sonoiité,  défaut 
commun  à  tous  les  nouveaux  systèmes  au  début  de 
leur  fabrication.  Vers  1912,  l'idée  lui  vint  de  faire 
une  nouvelle  tentative  et  d'en  proposer  la  construc- 
tion à  Lunaison  JérûnieTHiBouviLLE-LAMY,  qui  réussit 
à  donner  toute  satisfaction. 


1614 


EiSCYCLOPÈDIE  DE  LA  MVSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Néanmoins,  ce  nouvel  iiislrumenl,  tjui  supprimait, 
à  peu  pii'S,  les  dangers  de  couacs  sur  les  notes  diflî- 
cilesso/if,  la,  ai^us,  demeurait  toujours  impuissant  â 
combler  le  vide  causé,  dans  le  prave,  par  l'élévation 
des  tonalités  des  trompettes  modernes.  Vide  préju- 
diciable, comme  il  est  dit  ailleurs,  à  l'exécution 
fidèle  des  parties  de  trompette  ancienne  et  mo- 
derne. Il  fallait  donc  compléter  ce  progrès.  Enfin, 
les  loisirs  regrettables  causés  par  la  guerre  ont 
permis  à  M.  Franolun  de  reprendre  le  cours  de  celte 
étude,  qui  l'amena,  en  1913,  à  la  création  de  la  Irom- 
pette  à  5  pistons  décrite  plus  liant,  et  dont  la  cons- 
truction a  été  réalisée  en  191(3  par  la  maison  citée  ci- 
dessus. 

C'est  peut-être  le  lieu  ici,  pour  prouver,  une  fois 


de  plus,  la  nécessité  d'un  perléctiounenient  à  la 
trompette  moderne,  de  signaler  le  ;««h  au-dessous 
de  la  portée  de  la  Sérénade  {septuor)  de  M.  Alphonse 
DuviîRNOY,  qui,  contrairement  à  celui  du  Seidiior  de 
Saint-Saens,  est  une  note  solo,  dont  la  transposi- 
tion ferait  un  effet  désastreux.  Cependant,  le  hasard 
veut  que  ce  qui  précède  et  ce  qui  suit  cette  note 
permet  d'allonger  momentanément  la  coulisse  du 
3«  piston  (avecJa  trompette  en  sii^  à  3  pistons)  et  de 
donner  ainsi  le  faïf  (î)*(|i  réel),  mais  c'est  très  diffi- 
cile au  1  oint  de  vue  de  la  sonorité  et  de  la  justesse, 
et  dangereux  pour  ce  qui  précède.  C'est  probable- 
ment le  motif  qui  a  fait  délaisser  cette  œuvre,  qui, 
cependant,  pour  l'intérêt  de  la  trompette,  est  d'une 
importance  supérieure. 


Notes  et  documents  concernant  les  tonalités  des  trompettes  d'harmonie  pour  la  défense 
de  l'enseignement  de  la  trompette  moderne.  Toniques  à  deux  octaves  de  la  fondamentale. 

De  la  trompi.lte  ancienne,  de  la  trompette  moderne,  de  la  trompette  basse, 
du  trombone  et  du  cornet  a  pistons. 


lïiusité 


TROMPETTE    ANCIENNE 


^^Tons  supplémentaires 
N       ou  mixtes 


t{,o     qoz 


ftf — |:jo     l'o^-^  ~^J^=g»^ 


TROMPETTE    B'ÂSSE 


,>r    TROMBONE 


É 


É 


ÎTiusite 


TROMPETTE    MODERNE 


;,„-^,„/'t>o    tjo      ^'    ^^^=^ 


v&  I 


->-r 

M 


CORNET  A   PISTONS  ANCIEN 


bo 


^        '   \>f>  Iqo  l^o  i^o       '-'^^ 


CORNET   A   PISTONS    MODERJJE 


^ 


* 


La  trompette  ancienne  (dite  en  fa)  est  dans  la 
mfime  tonalité  (même  longueur  de  tube)  que  le 
trombone.  C'est  une  trompette  basse  jouée,  de  nos 
jours,  par  des  Iromlionisles. 

Elle  a  été  proscrite  par  Golon.ne  et  Lamoureux  de 
leurs  concerts  symphoniques  vers  1880.  Lamoureux 
en  a  interdit  l'usage  à  l'Opéra  en  1891. 

Elle  était  déjà  abandonnée  depuis  longtemps  dans 
les  orchestres  symphoniques  des  pays  étrangers  et 
dans  tous  les  théâtres  du  monde  entier.  L'Italie  a 
adopté  un  peu  plus  tard  la  trompette  moderne.  La 
trompette  ancienne  a,  pour  ainsi  dire,  totalement 
disparu  des  musiques  militaires  françaises  depuis 
nombre  d'années.  Pour  les  mêmes  raisons  qiie  tous 
ses  confrères,  l'auteui'  de  la  dernière  mélhode  de 
trompette  ancienne,  parue  jusqu'à  ce  jour,  déclare 
lui-même  qu'il  ne  joue  que  la  trompette  moderne 
en  lit. 

En  France,  dans  la  plupart  des  Conservatoires  et 
Ecoles  de  musique  des  départements,  les  professeurs, 


comme  les  élèves,  ignorent  complètement  la  trom- 
pette ancienne,  dont  ils  ne  possèdent  aucun  spécimen. 

11  y  a  eu,  et  il  }■  a  encore,  à  la  musique  de  la  Carde 
républicaine,  un  certain  nombre  de  premiers  pri.v 
de  trompettes  en  fa-  l's  jouent  du  bugle,  du  petit 
bugle,  de  la  trompette  en  ut  ou  du  cornet  à  pistons, 
jamais  de  la  trompette  en  fa. 

Sur  43  premiers  prix  sortis  de  la  classe  de  trom- 
pette, de  1896  à  1914,  13  l'ont  obtenu  en  jouant  de 
la  trompette  en  fa,  et  tous  les  autres  ont  appris  à  en 
jouer,  ainsi  que  de  la  trompette  à  corps  de  rechange 
(trompette  simple).  Aucun  d'eux  n'a  jamais  joué  île 
la  trompette  ancienne  dans  les  orchestres. 

Réponses  au  questionnaire  Gabriel  Pierné  eu  1900 
sur  les  tons  à  employer  de  préférence. 

M.M.  Gabriel  Pierné  :  La  trompette  en  ut. 
Paul  Vidal  :  Trompettes  modernes  en  ut,  sauf  le 
cas  de  sonneries  pittoresques. 


TEClhMQIE,  ESTHÉTI(JVE  ET  PEDAGOdlE 


LA   TROMPETTE  ET  LE  CORNET     1615 


Colonne  :  Les  trompeties  en  al. 

Chevii.l.miii  :  l,es  Uompeltes  s'écrivent  mainlenanl 
en  ut. 

Guy  Uoi'AKTz  :  Employer  les  trompettes  en  u<  aigu. 

Xavier  Leroux  :  Pour  les  trompettes  et  cornets,  le 
Ion  A' Ht,  en  attendant  le  jour  béni  où  tous  les  ins- 
truments seront  en  ut. 

P.  HiLLEMACHER  :  Uepuis  quelques  années,  les  trom- 
pettes préconisent  le  ton  A'ut;  le  Conservatoire  ne 
s'est  pas  encore  rendu  à  ce  raisonnement  et  main- 
lienl  dans  ses  classes  la  Irompelte  en  fa. 

Gabriel  Parés  :  La  1"  trompetle  en  ut. 

Victorien  Joncières  :  Pour  les  trompettes  et  les 
cornets,  le  Ion  d'ut. 

Le  Borne  :  Trompette  en  ut  et  piston  en  si\?. 

Georges  Hi  e  :  Il  faudrait  lout  écrire  en  ut:  c'est  le 
ton  le  meilleur  pour  la  trompette. 

Georges  .Marty  :  Celui  qui  donne  le  plus  d'étendue, 
en  tenani  compte  de  la  facilité. 

Pfeiffer  :  Pour  les  trompettes,  maintenant,  le 
ton  d'ut. 

Alary  :  .^prés  expérience  comparative,  a  choisi  la 
trompette  en  ut. 

Gaston  .Serpette  :  Le  ton  d'ut  me  parait  le  meilleur. 

Gabriel  Marie  :  Pour  les  tionipettes,  ut. 

Camille  Saint-Sakms  :  Les  trompettes  en  ut. 

La  question  n'a  pas  été  adressée  au  trompettistes 
et  aux  cornettistes. 


Récapitulation. 


LlîS    COMPOSITEDRS. 


Trompe 

ttc 

en  si  'n . 

2 

— 

en  ut  . . 

15 

— 

en  ré  . . 

1 

— 

en  mi  ■> . 

5 

— 

en  mi  if. 

1 

— 

en  fil  . . 

4 

Les  cueps  d  orcbestri:. 

Trompette  en  «/. . .     i 

—  en  mi  t> . .     l 

—  en  ^(  . . .     2 


Extrait  d'un  article  du  «  Figaro  »• 

Cet  article,  paru  le  lendemain  du  concours  publié 
en  1004-,  est  signé  :  Gabriel  Faoré  : 

«  ...  Durant  le  concours  des  classes  d'instruments 
de  cuivre  qui  clôturait  hii  r,  au  Conservatoire,  la  lon- 
gue série  des  épreuves  publiques,  les  seuls  concur- 
rents qui  nous  aient  causé  une  complète  satisfaction 
sont  ceux  de  la  classe  de  trompette. 

"  ...  J'ai  dit  combien  s'était  montrée  supérieure 
la  classe  de  trompette.  Uien  ne  saurait  mieux  le  dé- 
montrer que  les  cinq  récompenses,  soit  une  pour 
chacun  des  cinq  concurrents.  » 

(A  ce  concours,  on  n'avait  joué  que  la  trompette 
en  lit.) 

Dans  les  réponses  ci- dessus,  celle  de  M.  Cii.  Silver 
a  été  omise;  la  voici  :  «  Malheureusement,  la  vraie 
trompette  n'existe  presque  plus  dans  nos  orchestres. 
Les  instrumentistes  se  servent  d'un  instrument  en 
qu'ils  appellent  une  trompette  et  qui  n'est  qu'une 
ut  sorte  de  cornet  à  pistons  meilleur  que  l'ancien,  un 
peu  moins  vulgaire  de  son,  mais  qui  ne  remplacera 
jamais  la  vraie  trompetle,  n'ayant  ni  son  éclat,  ni 
sa  l'oice,  ni  son  étendue.  » 

Ti-ailé  d'orchestratiois  de  Kcrlio/.  ([i.  !'.):!). 

.<  C'est  ici  le  lieu  de  faire  remarquer,  au  sujet  des 
dernières  notes  ctigués  de  ces  exemples,  qui  toutes 


liroduisent   le  mi'me  sot 


qu'elles  sont 


d'une  émission  moins  chanceuse  et  d'une  meilleure 
sonorité  sur  les  Ions  liiiiila  que  sur  les  /«».■;  bas.  Ainsi, 


si ..  Iiaul  du  cornet  en  la  : 


b. 


le  la  liant 


du  cornet  en  .si  7 


É 


et  le  sot  haut  du  cor- 


net en  ut 


sont  incomparablement  meil- 


leurs et  plus  faciles  à  attaquer  qur   le  fii   haut  du 

4- 


cornet  en  re 


net  en   mi  (i 


et  que  le  ini  haut  du  cor- 


Toutes  ces  notes,  cepen- 


dant,  font  entendre   le   même   : 


Cette 


remarque  est,  d'ailleurs,  applicable  à  tous  les  inslru- 
raents  de  euivre.  » 

On  ne  saurait  mieux  exprimer  l'utilité,  nous  dirions 
même  la  nécessité  de  l'emploi  des  inslnnrrents  aigus 
pour  jouer  dans  l'aigu.  Ne  pas  oublier-  surtout  que 
Berlioz,  selon  l'usage  de  son  époque,  traitait,  t'orcé- 
inent  et  à  regret,  le  cornet  comme  une  espèce  de 
trompette,  et  que  c'est  à  ce  point  de  vue  ((u'il  a  écrit 
les  lignes  ci-dessus,  qui  résument  notre  plaidoyer  en 
faveur  de  la  trompette  moderne. 

En  Allemagne,  la  trompetle,  dans  les  grands  or- 
chestres, joue  non  seulement  toutes  les  parties  écrites 
à  son  intention,  mais  même  les  parties  de  cornet  des 
ouvrages  français;  parties  dont  la  plupart  n'ont  été 
conliées  aux  cornets  que  pour  cause  d'impuissance 
de  la  Irompelte  à  l'époque  oii  ces  ouvrages  ont  été 
composés,  cai',  il  rr'y  a  pas  de  doirte  possible,  ces  par- 
ties sont  généialement,  au  fond,  de  vraies  parties  de 
tr-ompette. 

Au  srrjet  d(?  la  r'éponse  de  M.  Silveu,  nous  ferons 
observer  que  si  l'ancienne  trompette  a  disparu  des 
orchestres  en  même  temps  que  l'ancienne  orches- 
tration,c'est  que,  pour  un  nouveau  genre  de  construc- 
tion il  faut  généralement  de  nouveaux  outils.  La 
trompette  a  suflisammenl  souffert  de  la  méconnais- 
sance de  cette  vérité.  Ou  reste,  on  doit  reconnaître 
que  l'orcheslr-ation  moderne  doit  bien  un  peu  sa  rai- 
son d'être  aux  modifications  et  perfectionnements 
apportés  à  une  foule  d'instruments  et  particulière- 
ment aux  instruments  à  vent. 

.Mais  alfirmer  que  la  trompette  moderne  n'a  ni 
l'éclat,  ni  la  force,  ni  l'étendue  de  l'ancienne,  c'est 
inexact  :  les  sons  sont  ditféients,  il  est  vrai,  mais  non 
moins  éclatants  et  inoins  clairs.  Ils  ont  plus  de  mor- 
dant, et  la  sûreté  avec  laquelle  se  font  les  émissions 
permet  aux  instrumentistes  d'attaquer'  franchement 
et  de  donner  toute  la  force  nécessaire,  ce  dont  on 
abuse  même  quelquefois.  Quant  à  l'étendue,  cette 


161G 


EXCyCLOPÉOIE  DE  LA  Ml'SIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIHE 


dernière  objection  n'a  plus  de  raison  d'être  avec  la 

Irompelte  à  cinq  pistons. 
On  était  si  bien  habitué  aux  accidents  Je  la  trom- 
pette et  du  cor  que,  à  l'orchestre,  l'idée 
de  trompette  était  inséparable  de  celle 
de  couac.  Donc  un  instrument  avec 
lequel  on  faisait  peu  ou  pas  de  couacs  ne 
pouvait  être  une  vraie  trompette  et  ne 
méritait  que  le  nom  de  piston.  Voilà, 
en  général,  quel  était  le  mobile  incon- 
scient de  l'opinion  des  détracteurs  de  la 
trompette  moderne.  Cependant,  le  cor- 
net à  pistons  étant  une  espèce  de  trom- 
pette, il  n'est  pas  surprenant  que,  dans 
certaines  circonstances,  la  vraie  trom- 
pette ail  quelques  points  de  ressem- 
blanee  avec  lui;  mais  alors,  il  faut  ren- 
verser la  phrase  et  dire  :  u  Le  piston 
ressemble  à  la  trompette.  »  Du  reste, 
des  confusions  de  ce  genre  se  font  aussi 
au  sujet  d'autres  catégories  d'instru- 
ments,  par   des    gens  insuffisamment 


FiG.  690. 

Chatzotzeroth 

llébreu. 


habitués  à  distinguer  leur  genre  de  sonorité  et  même 
quelquefois  par  des  personnes  plus  expérimentées. 
Les  premières  trompettes  et  cornets  que  l'on  a 
fabriqués  avec  les  métaux  étaient  fort  courts.  On 
attribue  au  Chatzotzevoth\  au  Scofar  et  au  Keren 
des  Hébreux  {p.  38),  une  longueur  de  tube  d'environ 
un  mètre,  et  les  tonalités  de  fa  ou  sol  de  notre  dia- 


pason 


-    l'octave  haute  de  nos  anciennes 


(Voir  tonalitéij 


Fis.  691.  —  Trompettes  juives,  nommées  Schofar,  nommées 
aussi  Keren  (corne)  et  Yobel  (juljilalion,  retentissement). 


trompettes  à  corps  de  rechange. 

Nous  lisons,  à  l'appui,  les  lignes  suivantes  {Maga- 
sin Pittorcsi/iie,  Vivrel,  p.  313)  :  !■  La  ligure  8  représente 
une  trompette  de  cuivre  conservée  à  la  Bibliothèque 
Nationale,  dans  le  département  des  antiques.  Cette 
trompette,  qui  a  1  m.  17  de  longueur,  a  été  rappor- 
tée de  la  Colchide  et  donnée  à  labibliothèque  duroi, 
en  1824,  par  Gamba,  alors  consul  de  France  à  Teflitz. 
C'est  la  véritable  trompette  antique  dont  l'usage  s'est 
perpétué  dans  ce  pays;  le  son  en  est  très  perçant  et 
porte  à  une  très  grande  distance.  »  —  Cette  trom- 
pette était  exactement  dans  la  même  tonalité  fonda- 
mentale que  notre  trompette  à  pistons  en  ré  aigu, 
dont  on  fait  usage  aujourd'hui  pour  exécuter  les 
œuvres  de  Bach  et  de  Haendel.  Or,  la  trompette  en 
ut  (moderne)  a  une  longueur  théorique  de  1  m.  314. 
Cependant,  personne  jusqu'ici  n'a  accusé  la  trom- 
pette en  ré  aigu  de  ne  pas  être  une  trompette'.  Ce 
n'est  pas  à  celle-là  qu'on  en  veut;  c'est  à  la  trom- 
pette ut,  si  (7  et  la,  celle  qui  dispense  d'avoir  recours 
au  cornet  à  pistons  pour  jouer  les  parties  de  trom- 
pette. 

Dans  ce  cas,  la  Irompetle  n'aurait  droit  qu'aux 
tonalités  ci-après  : 


I 


t,^h«l>#lprj?= 


b*^: 


Les  tonalités  de 


^# 


^ 


les  plus  faciles. 


parce  que  du  médium,  seraient  réservées  exclusi- 
vement au  cornet  à  pistons.  Le  lecteur  jugera  ce 
raisonnement. 

Le  tableau  donné  plus  loin  nous  montre  que  les 
tonalités  des  premières  trompettes  de  métal  étaient 
plus  élevées  que  celle  de  nolie  trompette  en  rit.  L'idée 
vint  ensuite  de  tirer  parti  des  ressources  qu'ollVait 
le  cuivre  pour  construire  des  Ironipelt'-s  longues.  Il 
est  probable  que  l'expression  vraie  tiomjjetti'  date  de 
cette  époque. 

Les  premières  trompettes  courtes  en  métal  sont 
devenues  de  vraies  trompettis,  lorsqu'on  a  fabriqué 
tes  premières  trompettes  longues,  parvenues  aussi 
au  rang  de  vraies  trom  ettes  lors  de  l'invention  des 
systèmes  chromatiques,  à  l'exclusion  de  celles  aux- 
quelles on  adaptait  ce  système.  Cependant,  ces  der- 
nières sont  devenues,  à  leur  tour,  de  vraies  trompettes 
lorsque,  pour  mettre  à  profil  le  systèmechrouiatique, 
on  a  construit  les  trompettes  modernes.  Il  n'est  pas 
impossible  que  ces  dernière  ,  qui  ont  été  les  pre- 
mières ujvties  trompettes  de  métal,  moins  le  système 
des  pistons  (il  y  a  si  longtemps,  qu'on  l'a  oublié!), 


ne  le  redeviennent  lorsqu'un  nouveau  progrès  se  sera 
réalisé. 

Âu.sujet  de  la  qualification  de  vraie  trompette,  que 
les  adversaires  de  la  trompette  moderne  voulaient  ne 
donnerqu'à  l'ancienne  trompette  (simple ou  .i  pislons) 
exelusivemerit,  nous  dirons  qu'elle  doit  s'appliquer 
à  tous  les  instruments  à  embouchure  dits  de  cuivre, 
quels  qu'ils  soient,  s'ils  ont  des  sons  clairs  et  écla- 
tants, et  s'ils  sont  construits  selon  le  principe  de  la 
perce  cylindrique,  c'est-à-dire  à  tontes  les  trom- 
pettes anciennes  ou  nouvelles  dont  nous  donnons  la 
nomenclature.  Pour  mieux  dire,  le  domaine  des  tona- 
lités de  la  trompette  n'a  pas  plus  de  limites  qui' 
l'étendue  du  registre  de  ses  sons,  qui  n'est  borné  lui- 
même  que  par  la  limite  des  forces  humaines  dans 
l'aigu  et  au  fa'i  dans  le  grave  pour  la  trompette  et 
le  cornet  à  3  pistons.  La  trompette  à  K  pistons  sup- 
prime la  limite  dans  le  grave. 

H  faudrait  pouvoir  établir  une  démarcation  pré- 
cise, dans  les  deux  octaves  de  ses  tonalités,  entre  ce 
qui  serait  de  la  vraie  trompette  et  ce  qui  cesserait  de 
l'être.  L'ignorance  ou  la  mauvaise  foi  prétend  qu'il 
faut  excluie  du  domaine  de  la  trompette  les  tona- 
lités pratiquées  par  le  cornet  à  pistons  : 

l.  Rappelons  ipic  nous  avons  ailo]itt;  pour  prlucific  <l<>  ilùsigiier  K's 
tonalités  tic  la  trompette,  non  par  la  fonlanionlale  (le  chaque  ton, 
mais  par  le  i'  tiarmoniqup  ou  son  i,  soit  deux  oclavesau-ilcssus. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  TROMPETTE  ET  LE  CORNET    1617 


,t>»bi«   * 


Eli  deçà  et  au  delà,  on  accorde  que  «  c'est  de  la  trom- 
pette »,  car  personne  ne  songe  à  interdire  à  celle-ci 


les  tonalités  de  : 


-^*tl*l'*  *  * 


dont 


cornet  à  pistons  ne  fait  pas  usage. 

Il  faudrait  donc,  pour  contenter  les  détracteurs  de 
la  trompette  moderne,  que  celle-ei  s'interdise  sim- 
plement les  tons  les  meilleurs,  les  plus  naturels,  les 
plus  logiques  et  les  plus  pratiques  de  l'échelle  de  ses 
tons. 

On  ne  doit  pas  condamner  un  instrumi-nt,  ni  même 
s'en  faire  une  mauvaise  opinion  parce  qu'on  l'aura 
entendu  rendre  de  mauvais  sons;  encore  moins  s'il 
s'agit  d'un  système  ou  d'un  type  d'instrument.  Il 
faudrait  s'assurer  auparavant  si  l'instrument  est  bien 
construit,  ou  si  l'exécutant  met  en  relief  les  qualités 
ou  seulement  les  défauts  de  cet  instrument,  ce  qui 
est  souvent  le  cas  lorsqu'il  est  Joué  pa['  des  personnes 
(]iii  n'en  ont  pas  fait  une  étude  approfondie  ou  qui 
jouent  plus  souvent  du  cornet  à  pistons  que  de  la 
trompette.  Celles-ci  ne  recherchent  pas  la  sonorité, 
mais  seulement  la  facilité.  Elles  n'ont  dans  l'idée  que 
la  sonorité  du  piston,  et  lorsqu'elles  font  choix  d'une 
trompette,  elles  donnent  la  préférence  à  celle  qui 
leur  donne  satisfaction  sur  ce  point.  La  question  du 
choix  de  l'embouchure  est  elle-même  viciée  par  la 
même  raison.  Les  beaux  sons  de  la  trompette  sont 
plus  difliciles  à  obtenir  et  plus  chanceux  que  les  sons 
bâtards. 

Il  n'est  donc  pas  surprenant  que  l'on  ne  trouve  pas 
toujours  les  sons  de  la  trompette  satisfaisants.  Mais 
nous  devons  ajouter,  pour  la  défense  de  la  trompette 
moderne,  que  tout  ce  qui  est  dit  ci-dessus  se  rap- 
porte également  à  la  trompette  ancienne. 

Citons  à  l'appui  le  fait  suivant  :  —  Dans  un  con- 
cours d'admission  à  l'orchestre  de  l'Opéra,  les  con- 
currents jouant  tous  la  trompette  en  fa,  que  quel- 
ques-uns d'entre  eux  n'avaient  (mi  main  que  depuis 
peu  de  temps,  le  directeur,  piésident  du  jury,  lit 
celte  réflexion  juste  au  moment  où  celui  qui  fut  élu 
venait  déjouer  :  «  Mais  ils  ont  tous  dessous  éraillés  !  » 
.Sur  quoi  le  chef  d'orchestre  de  répondre  :  «  Oui,  mais 
cela  disparaît  à  l'orchestre.  )>  —  11  aurait  dû  ajouter: 
il  y  a  une  bonne  raison  pour  cela,  c'est  (|u'à  l'or- 
chestre on  ne  joue  pas  la  même  trompette. 

Observons,  en  outre,  que  si  le  cornet  a  eu  tant  de 
succès  autrefois,  c'est  qu'il  évoquait  le  souvenir  de  la 
trompette  quand  on  s'est  appliqué  à  lui  en  donner 


les  allures.  C'est  la  preuve  évidente  que  celle-ci  n'a- 
vait rien  perdu,  auprès  du  public,  de  la  faveur  dont 
elle  avait  joui  dans  toute  l'histoire  de  l'humanité 
depuis  l'origine  de  cet  instrument. 

C'était  la  trompette  qu'on  admirait  dans  le  nou- 
veau cornet. 

L'opposition  qu'il  a  rencontrée  lui-même  ;i  ses  pre- 
miers débuts,  alors  qu'il  était  cependant  un  véritable 
cornet,  opposition  qui  s'est  changée  en  engouement 
desqu  lia  eu  abandonné  sa  famille  pour  s'approcher 
de  celle  de  la  trompette,  était  encore  un  hommage 
indirect  du  public  à  celte  dernière.  ° 

C'est  ainsi  qu'.\Ki!AN  a  pu  dire  :  «  Le  cornet  a  eu 
des  commencements  plus  modestes,  et  il  n'y  a  pas 
encore  beaucoup  d'années  que  les  masses  l'accueil- 
laient avec  une  superbe  indilférence,  en  même  temps 
que  le  bataillon  sacré  de  .la  routine  contestait  ses 
qualités,  et  s'efforçait  d'en  proscrire  l'application  • 
phénomène  qui,  d'ailleurs,  ne  manque  jamais  de  se 
produire,  à  l'origine  de  toute  invention  nouvelle  si 
excellente  soit-elle,  et  dont  l'apparition  du  saxhorn 
et  du  saxophone,  instruments  plus  jeunes  que  le  cor- 
net, a  fourni  une  éclatante  et  nouvelle  preuve.  » 

Mais  si,  au  lieu  de  s'être  laissé  devancer,  la  trom- 
pette avait  adopté  la  première  les  tonalilés  aiguës  de 
si;,  et  la,  personne  n'aurait  protesté.  Dans  cette  sup. 
position,  il  est  non  moins  certain  que  l'élévation  des 
tonalités  du  cornet  venant  après  celle  de  la  trompette, 
l'hostilité  qu'elle  aurait  provoquée  contre  le  cornel' 
eût  été  plus  violente  et  plus  irrésistible  que  celle 
qu'a  subie  la  trompette  en  itt,  car  elle  eût  été  plus 
logique. 

Pour  les  partisans  de  l'enseignement  exclusif  de 
l'ancienne  trompette,  reproduisons  le  passage  sui- 
vant du  discours  du  ministre  de  l'intérieur,  an  \, 
10  nivûse  (31  décembre  1801)  : 

«  .Mais  c'est  surtout  par  la  perfection  des  instru- 
ments que  la  musique  moderne  a  fait  des  progrès... 
car,  jeunes  élèves,  les  arts  ne  reconnaissent  pas  de 
bornes;  ils  marchent  de  création  en  création,  et 
leur  horizon  s'agrandit  à  mesure  qu'on  avance.  » 

Mais  ce  qui  est  bizarre  et  incompréhensible,  c'est 
d'accepter,  sans  protester,  les  sons  du  cornet  rem- 
plaçant ceux  de  la  trompette  et  de  récriminer  quand 
celle-ci  reprend  possession  de  son  rôle,  sous  le  pré- 
texte qu'elle  ressemble  au  piston.  Ce  qui,  en  résumi-, 
a  de  la  ressemblance  entre  ces  deux  instrumenis, 
c'est  la  rareté  des  couacs;  or,  dés  qu'il  y  a  pro- 
grès, il  n'en  faut  pas  davantage  pour  voir  sur^jir  des 
ennemis,  et  le  bataillon  sacré  de  la  routine,  selon  l'ex- 
pression d'ARBAN,  ne  manque  jamais  une  occasion 
de  faire  une  levée  de  boucliers.  Pourtant,  quel  ins- 
trument de  cuivre  est  plus  qualilié  que  la  trompette 
pour  prétendre  aux  tonalités  aiguës  que  l'on  veut  lui 
contester  jusqu'à  nos  jours  (au  xx«  siècle)? 


Etendue  de  la  trompette  moderne  (à  pistons)  en  ut,  si  ; ,  si  i.,  et  la,  et  en  ré  i;  et  ré  b  ascendants 


T^egistre 
difficile  eL 
dangereux 


rhporiq^ie 

nonîmposajble 

âfjire  entendre? 

avec  le  ton  delà 


:Thé 


Etendue  courante  et  relativement  facile 


I.   11   n'est  plus  dangereus 
siir_l.T  nouvelle  Irompcltc  à  4 

ou  H  .ï  pistons' système"  SI  ef fi 
l'Viipii|uin, 


102 


iiJlS 


Eyr.yCLOPÉUlE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DIC.TIOSSAIRE  DU  CO.VSKUVATome 


Avec  les  tons  de  rechange  tle  si  -  el  la,  la  tlifficullé, 
dans  l'aigu,  diminue  proportionnellement  à  l'ahais- 
sementdiij  ton  (sauf  Je  sa/ if  et  le  .la  .qm  demeurent 
toujours  danijereux),  de  sorte  qu'on  peut,  avec  ces 
tons-la,  user  de  l'ai^n  avec  plus  d«  liberté,,  mais  en 
évitant  toujours  l'excès,  c'est-à-dire  la  trop  grande 


fréquence  de  ces  notes,  surtout  en  valeurs  Ioniques. 
Le  grave  théorique  peut  se  faire  entendre  ' . 

l.es  tonalités  de  toutes  les  trompettes  connues, 
avec  leurs  tons  de  rechange,  forment  la  gamme  chro- 
maliqiie  suivante  : 


Total  24  trompettes. 

Tonalité  de  l'ancienne  trompette  à  deux  octaves 
de  la  fondamentale  : 


Tous  ces  tons  étaient  employés  à  la  trompette 
simple.  La  trompette  à  pistous  n'utilisait  couram- 
ment que  les  .tous  de  mih,mi  :,  fa,  fa #  et  soi 


Depuis  187'j  environ,  il  avait  été  ajouté  les  Ions 
supplémentaires  de  /n  ■  et  lai  à  l'aiau. 

Tonalités  des  trompettes  modernes  : 


t^^^"^     I 


*  *  !>*  - 


LeSrtrompettes  en  wup,  fa  aigus,  so-/ et  si  (vsiiraiirn  s 
ne  [jortent  pas -de  ton  de  rcciiange. 


Etendue  de  la  trompette  à  pistons  en  fa,  mi;,  mih  : 


{^r^-^-y*"^^ 


^^^'4'4'~' 


iTion  impossibles; 


L'u>age  a  toujours  été  de  ne  pas  écxire  plus  bas 
ni  plus  haut  que  :    fcU  M  .   Le 


ton  le  plus  grave  pour  lequel  cet  iit  a  été  écrit,  «st 
celui  de  mi  h-  Or,  une  telle  partie,  destinée  à  être 
transposée  par  une  trompette  en  rit  (moderne)  a>Tint 
les  tons  (le  rechange  de  si  h  et  la,  ■est  jouaWe  jusqu'à 
cette  limite.  En  lasupposant  écrite  pour  la  trompette 


en  mib,  eebte  m9*e  est  rendue  par  le 


■^^ 


de  la  trompette  en  ?a.  Maiê,  la  transposition  d'une 
partie  de  trompette  en  wîU  i»ar  une  trompette  en  la 
offrant  la  difficulté  d'un  grand  nombre  d'altérations 
à  la  clef  (six  g  ou  six  h),  'l  peut  être  préférable  de 
tirer  la  ooi*s6e.î,de™a'BièpeâiréaHseriine  longueur 


1.  I.eton  t\e  sol  grave  n'ajimiais  èlé  utilisé  ù  l'orcbeslrc.  Il  n'est, 
par  conséquent. que  tliéoriquc. 


Au  lieu  de  : 
sntstiiuer: 


de  deux  tons  au  lieu  d'un  ton  et  demi  qu'elle  possède 
habitu-ellement,  et  de  jouer  la  partie  avec  la  Iroiu- 
pette  en  si  h  qui  n'occasionne  qu'un  f  à  la  clef.  L'a- 
baissement simultané  des  trois  pistons  donne  alors 
le  /rt  q  au  lieu  du  /aj,  ce  qui,  sur  la  trompette  en  si  ■, 


fait  en 


tendre    le    :    fjQ     ^ 


ou    r    : 


de  la  trompette  en  mi  />-. 

Les  compositeurs,  qui   écriraient  pour   cette  an- 
cienne trompette,    agiront  prudemment  en  n'usant 


qu'avec    ménagement    des    notes 
surtout  pour  les  tous  au-dessus  de  mi'.-: 


■^M 


2.  Oans  ce  cas,  le  doigté  est  niodilii'  de  la  fa<^on  suivante  ilans  le 
registre  inférieur  seulement  : 


^     i»»     #"lry- 


^WTW^Yi 


Malheui-eusemouL,  cette  sub>*tiUition  de  doigtés  dans  les  registres  [moyen  el  grave  doime  dos  sons  naturellement  si  faux  qu'il  est  extrêmement 
ililûcile  d"y  remédier  d'une  façon  satisfaisante  au  moyen  de  l'action  des  lèvres  sur  les  instruments  à  3  pistons. 


TECHNKJVE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  TROMPETTE  ET  LE  CORNET    UU> 


Troiii|>o(tos  cil  r»'  aigu  et  jtu-dcssus. 

La  trompette  en  ré  aigu,  indispensable  pour  exé- 
cutof  les  œuvres  de  l'époque  de  Bach  et  de  Haendkl, 
peut  porter  les  Ions  de  réU,  ut  et  même  si  h]  et  sth. 
Mais  le  ton  de  .st  i;  est  rarement  utile  et  Jamais  indis- 
pensable. Quant  au  ton  de  s;  f»,  il  est  préférable  ([u'il 
soit  Joué  sur  une  trompette  construite  dans  la  tonalité 
fondamentale  A' ni  ou  di;  si'<,  à  cause  des  proportions 
de  la  perce  et  de  la  longueur  des  coulisses  des  pis- 
Ions,  principalement  celle  du  i'  piston,  qui  n'a  pas 
sul'lisamment  de  développement  sur  une  trompette 
en  ré  pour  être  accordée  en  ii:^.  Cependant,  si  on  ne 
possède  qu'une  trompette  en  ré,  on  peut  avoir  une 
cotilisse  de  rechange  pour  le  2*  piston,  que  l'on 
n'utilise  qu'avec  le  ton  de  si\i,  ou  même  avec  le  ton 
d'il/.  Cette  trompette  est  utile  à  un  premier  trompette 
pour  les  concerts  symplioniques,  et  le  sera  proba- 
blement encore   davantaj^e   dans    l'avenir,   même  à 


l'Opéra.   La   trompette   en   mi  \t    aigu 


ne  possède  ordinairement  aucun  ton  de  rechange; 
elle  peut  être   utile  dans   les  musiques    militaires, 
comme  le  petit  bugle  dont  elle  est  à  l'unisson. 
Sou  étendue   est   la  même,  théoriquement,  que 


celle  des  trompettes  en  itt  et  en  ré  : 


P 


^± 


notes  réelles 


mais  la  difficulté  d'at- 


teindre l'extrême  aigu  est  encore  augmentée  relati- 
vement au  degré  d'élévation  de  sa  construction.  L'u- 
sage est,   comme  pour   le  petit  bugle,  de  rarement 


dépasser    le 


note    réelle 


quoique  l'aigu  }'  exige  moins  de  force.  Les  trom- 
pettes en  fa  et  en  iol  aigus  (chacune  sans  tons  de 
rechange)  ont  été  construites  dans  le  but  de  faciliter 
davantage  l'aigu  dans  les  circonstances  exception- 
nelles; principalement  pour  ue  pas  avoir  à  dépasser 


note   réelle  : 


^ÙVlM. 


Mais,  à 


notre  avis,  elles  ne  sont  pas  nécessaires,  la  troiii- 
pette  en  ré  aigu  pour  l'orchestre  et  celle  en  mi  \^ 
pour  les  musiques  militaires  suffisant  amplement  à 
exploiter  les  foires  hum  aines;  et,  les  notesemployant 


plusieurs  pistous 


■m 


n'étant  guère  plus 


dangereuses  que   les   autres,  dans    un    tuyau  aussi 
court. 


Quant  à  la  trompette  en  sjl,  suraigu 


^ 


dont  on  fait  usage  pour  exécuter  le  concerto  pour 
trompette  en  fa,  de  Bach,  nous  avons  déjà  dit  qu'elle 
lie  pouvait  avoir  aucune  autre  utilité,  et  cette  utilité 
même  est  discutable,  les  sons  qu'elle  rend  étant  sans 
orignialité.  .Son  étendue  est  la  même  que  celle  de  la 
trompette  en  ut.  Bach  la  fait  monter  Jusqu'au  : 


d'après  l'exécution  moderne.  On  parvient  à  Jouer  ces 
parties  au  moyen  d'une  embouchure  spéciale  à  bas- 
sin moins  creux  et  à  grain  plus  petit.  Il  n'est  pas 
prudent,  de  modilier  la  largeur  de  l'embouchure  à 
laquelle  on  est  habitué,  à  moins  de  s'y  préparer 
longtemps  à  l'avance. 

Tronipotte.s  antiques. 

Le  chatzotezroth,  le  schofar  et  le  Iceren  des  Hébreux 
et  des  Egyptiens  étaient  en  fa  ou  en  sol  de  notre  dia- 
pason, c'est-à-dire  dans  les  tonalités  les  plus  élevées 
de  l'échelle  de  nos  trompettes  modernes,  et  ne 
(levaient  produire,  dit-on,  que  les  notes  : 


Cette  appréciation  a  été  tirée  de  l'étendue  pratique 
des  trompettes  anciennes  à  corps  de  rechange;  mais 
nous  ferons  observer  que  les  trompettes  primitives 
sont  reproduites  de  nos  Jours,  du  moins  celles  en  fa 
et  eu  sol  dont  il  est  question  ici,  avec,  en  plus,  le 
système  des  pistons,  et  qu'on  les  lait  monter,  sans 


trop  de  peine,  jusqu'au 


^    qui  donne  à 


l'oreille 


;  selon  que  c'est  [a  trompctti' 


en  fa  ou  celle  en  .so/.  Or,  dans  l'antiquité,  il  y  avait 
certainement  aussi  des  trompettistes  doués  de  force 
de  lèvres,  et  nul  doute  que  ceux-ci  possédaient, 
comme  nous,  l'étendue  des  harmoniques  : 


É 


ce  qui,  avec  la  trompette  en  sol  suraigu,  donnait  à 
l'oreille 


•^^^m 


un  ton  de  moins,  dans 


l'aigu,  que  la  trompette   en  ré  employée  dans  les 
œuvres  de  B.^ch  telles  qu'on  les  exécute  de  nos  jours. 


l.  Erratum  :  I.a  3'  note  est  u:  cl  flou  si. 


1620 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MCSIQUE  ET  DICTIOSSAIRE  DU  CONSERVATUIRE 


Cependant,  on  ne  peul  rien  afrirmer  de  préds  au 
su  jel  de  la  noie  la  plus  aiguë. 

Celle  ivompelle  devait  avoir,  pour  être  en  fa,  de 
00  cm  à  1  m.  de  longueur  de  tube  effectif.  Or,  Dau- 
VERNÉ  dit:  "La  plupart  des  auteurs  s'accordent  a  dire 
que  le /i/»(u,s  était  plus  petit  que  la  luba;  il  avait  sur- 
tout le  canal  plus  élioil  et  donnait  des  sons  clairs, 
ai"us  et  slridenls.  Celui  qui  est  représenté  sur  un  tom- 
beau vu  à  Home  par  liartholin,  parait  cependant  avoir 
un  mètre  et  demi  deJoaf^,îmais  la  plupart  de  ceux 
qu'on  voit  ailleurs  ont  à  peine  un  demi-metre  ■■ 

Une  telle  longueur  de  luyau  donne  la  tonalité  d'xt 
ou  même  de  ré,  à  l'octave  au-dessus  de  nos  Irom- 
peUes  en  ut  aigu  qui  mesurent  1  m.  .■514,  et  de  celles 


en  )•(■  .-  1  Ml.  (71.  Celle  trompette  ne  pouvait  pruduire 
que    les    notes 


■     ^^>    '1     "° 


3tes     ri-elles    : 


-^^    -^     ^^ 


de  notre  dia- 


pason, si  elle  était  en  ré.  Mais  il  est  probable  que 
l'on  n'en  tirait  qu'un  seul  son,  la  note  do  ou  ré  dans 
la  portée,  é'.aiit  donné  l'usage  que  l'on  en  faisait. 


Registre  de  chaque  trompette  spécisilr  en  notes  écrites  : 


Inusiti'i     Difficile 


TromiK'tte  basse,  à  pistons,  jouée  par  les  trombonistes. 
I      I        ^  iiifficili 


l^F^i=^ 


ê^ 


^^?|E 


iDifftcile 


Tris 
':  difficile 


.fa^S^f^ 


^k^-^^ 


rroiupelli'  f-'u  [il. 


Difficile  .  L    L-fl 


Difficile 


iBifficile 


•i  Très  difficile 


W^ 


♦  H*- 


Tronîpelte  en  la  aigu. 


^ 


^ 


Wricilé 


I"  Très  difficile 


^^^.^^jfcàfe^lMl 


iïir^'F^Tp^" 


Trompelte  en  si  h  aigu. 


I   Très  dii'ficile 
Difficile  I  u    ^^DA 


Trompette  en  iil  aigu. 


Très  difficile 


Ijirficilji 


Trom]>ette  en  ul  aigu. 


Hé  moins  eniDoins  difficile 

0 


^'ï* 


^'-^--^-n^- 


•-*¥=^ 


U^*J"¥ 


['Difficile  ""[Très difficile 


Trompette  en  ré  et  rr  -,  aigu. 


Trèsdifficila 


ppfFpl^^ 


^^^ 


TECHNIQUE,  ESTIIÈTIQVE  ET  PÉDAGOGIE LA  TROMPETTE  ET  LE  CORNET    1621 

Tiompetle  en  mi  j»  aigu. 


'  Très  difficile 


Troinpetle  en  fa  aigu. 


:^^.4^^lt^''t'*^ 


:^77|7^ 


1  Très  dirricile. 


^P^^ 


Trompette  en  sol  aigu  et  en  s;  j  suraigu. 


Très  difficile 


Ixcéssivemmt  difiïcile 


I 


=,^M'^^*>"^^'^ 


^^î^^ 


'^*-^^- 


'ii^'-'s^ 


En  ce  qui  concerne  la  tfompelte, 

Toutes   ces  notes   réelles   sont  données   par  le  : 


depuis  : 


3    écrit  des  tons  indiqués,  mais  seulement 


b* 


jusqu  à  : 


Au  dessous, 


;'est-;i-dire  avec   lous  les  tons  de  la  trompette  an- 


qui  est  plus  haut  d'une  quinte  juste,  devait  jouer 


de  : 


les  notes  indiquées  suf 


cette  échelle  sont  données  par  le  : 


écrit. 


On  remarquera  que  la  trompette  proprement  dite, 
c'est-i-dire  celle  jouant  dans  le  registre  aigu,  com- 
prend des  tonalités  plus  basses  que  le  trombone  ténor 
qui  joue  dans  le  registre  grave. 

Avec  les  tons  graves,  la  fondamentale  ne  peut  se 
faire  entendre  sur  la  tiompelte. 

Nous  ferons  observer,  surle  tableau  de  la  page  1623, 
que  depuis  le  ton  de  sol  et  au-dessous,  le  plus  aigu  de 
l'ancienne  trompette,  la  trompette  joue  'une  octave 
au-dessus  de  l'écriture,  relativement  aux  trompettes 
modernes. 

Il  était  diflicile  de  comprendre  que  le  cornet  en 


Sib 


I 


ayant  à  transposer  une  partie  de 


trompette  ancienne  en 


fCit  obligé 


de  jouer  une  quarte  au-dessus  de  la  notation.  Ex 
trompette  en  mi-',  note  écrite  :    fK    "    ^  le  cornet 


de  même  que  les  trompettes  modernes. 

La  trompette,  comme  le  cornet,  complète  ordi- 
nairement sa  dénoiuination  par  le  nom  de  son  ton 
le  plus  aigu.  La  trompette  en  ut  et  le  cornet  en  ut 
portent  les  tons  de  si is,  sib  et  Za.  La  trompette  en  ré 
aigu,  ceux  de  rdb  et  ut.  La  trompette  et  le  cornet 
en  sib  ne  portent  que  le  Ion  de  la. 

Pistons. 

Le  système  des  pistons  a  été  inventé  par  Jean-Henri 
Stoëlzel,  originaire  de  Scheibenberg,  en  Saxe,  où  il 
naquit  le  17  septembre  1777.  Il  l'appliqua  d'abord 
au  cor,  son  instrument  particulier.  Il  en  conçut 
l'idée,  parait-il,  en  1806,  et  ce  ne  fut  que  sept  ans 
après  qu'il  se  fit  entendre  à  Breslau,  en  Silésie,  sur 
cet  instrument.  Le  résultat  ayant  été  satisfaisant,  il 
publia  sa  découverte  en  1814  et  joua  dans  plusieurs 
concerts.  Le  roi  de  Prusse  reconnut  l'importance  de 
cette  découverte;  il  témoigna  sa  satisfaction  à  Stoël- 
zel en  l'admettant,  comme  premier  cor,  au  nombre 
des  musiciens  de  la  chapelle  royale,  et  en  lui  accor- 
dant un  privilège  de  dix  ans,  dans  tout  le  royaume, 
pour  la  fabrication  des  instruments  de  cuivre  munis 
de  son  nouveau  système. 

On  a  fait  beaucoup  d'opposition  à  l'application  de 
ce  système  à  la  trompette. 

Il  est  incomparablement  plus  difficile  de  faire 
adopter  une  modification  à  un  instrument  ancien 
que  de  faire  bénéficier  un  instrument  nouveau  d'un 
progrès  accompli. 

Une  invention  nouvelle  nécessite  un  nouveau 
type;  un  nouveau  type  n'a  souvent  des  chances  d'être 
adopté  que  par  des  hommes  nouveau.x.  Une  grande 
partie  des  instruments  de  cuivre  n'ont  pris  naissance 
qu'avec  et  par  l'invention  du  système  des  pistons.  Au 
sujet  de  ces  derniers,  on  a  trouvé  tout  naturel  qu'ils 
vinssent  au  monde  munis  du  système,  et  nulle  pro- 
testation ne  s'est  élevée  contre  ce  fait;  mais  quand  il 


1622 


E.X(:yCLOPi:/)IE  de  la  MUSIQI  E  et  niCTlON.\A[UE  du  COSSEliVATDUΠ


TabIfiKi  <les  loiialitéH  de  In  |ilnp:ii'l  des  iiistruiiietiiK  de  enivre 

en  désig;naul  eha<iae  (on  pai*  l'tietave  redonblée  dn  ton  fondamental 

c'est-à-dire  par  le  son  4  an  lieu  dn  sou  1. 


Sons  voilés  ,1e  Cor 


iîQi    Tr.ens\bsur.3!gii\    Sons  claiTS.laTrompetie 

yecEnduâveuiEira  *^ 

LpcûflE  concerto  pourTrA 

enfa  deBacH     \       .  longueur 

ïtvënâol  1-1  \  des  tuyaux 

o"'  s  0 


\  10  5 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  TROMPETTE  ET  LE  CORNET    1623 


Tableau  cxplicalif  de  réci'itnrc  pour  les  trompcllcs. 


Tonalité  des 
corps  il  rechange 
Trompettes  sons  4- 

en  j     _Vo 

Si  b  sur-aigu 


fonclainentâks 
réeEes 

SOTlsl 


Kotes 
écrit.e  â 
exécution 


sol  grawe 
inusité 


1624 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


s'est  agi  des  instiumenls  anciens,  lo  cor,  la  trom- 
pette et  le  trombone,  c'était  une  autre  affaire;  il  ne 
fallait  pas  toucher  à  leur  manière  il'ètre  qui,  n'ayant 
jamais  changé  jusqu'à  ce  jour,  devait  èlre  éternelle- 
ment immuable  et  sacrée,  comme  tout  ce  qui  est 
ancien.  Celait  un  sacrilège  de  vouloir  les  dénaturer 
(nous  appelons  cela  iierfeclionncr).  Le  système  des 
pistons  était  excellent  pour  tous  les  instruments  de 
cuivre,  excepté  pour  ceux  qui  avaient  eu  le  tort 
d'exister  avant  cette  invention.  C'est  hi  même  con- 
tradiction qui  a  lieu  aujourd'hui  au  sujet  de  l'élé- 
vation des  tonalilés  de  la  trompette.  Le  cornet  à  pis- 
tons, étant  un  instrument  nouveau  auquel  le  système 
des  pistons  a  donné  naissance,  pouvait  user  de  tous 
les  avanlages  des  progrès  de  la  fabrication,  mais  le 
cor,  la  trompette  et  le  trombone,  instruments  an- 
ciens, devaient  demeurer  à  Jamais  dans  leur  forme, 
dans  leurs  tonalités  etdans  leurs  moyens  mécaniques. 
Voilà  le  raisonnement  qui  arrête  ou  ralentit  toute 
espèce  de  progrès.  (Voir  trompette  à  o  pistons.) 

M.  Antoine  Halahy  adapta  le  système  de  Stoëlzel 

au  cornet;Ou  cor  de  poste  (en  allemand  Post-Ilorn), 

espèce  de   petite  trompette   dont  les  postillons,  en 

Allemagne,  se  servaient  pour  annoncer  le  départ  et 

l'arrivée  des  voyageurs. 

Les  pistons,  obéissant  à  la 
simple  pression  des  doigts,  met- 
tent les  coulisses  qu'ils  action- 
nent en  communication  avec  le 
luvan  principal.  Les  pistons 
l'ont  ainsi  baisser  l'instrument, 
le  |iremior  d'un  ton,  le  deuxième 
d'un  ilemi-ton  et  le  troisième 
d'un  Ion  et  d^'mi.  Par  leur  em- 
ploi et  leurs  diverses  combinai- 
sons, on  obtient  toute  la  gamme 
cliromalique  dans  loule  l'éten- 
due de  l'instrument.  Nous  ne 
parlons  ici  que  du  système  des 
pistons  descendants,  à  peu  près 
„  ,  iT  seul  usité  pour  les  insirumenis 
Calai.  TiiiBODviLLK,  de  cuivre  aigus.  Quant  au  sys- 
p.  170,  f.  20,  23.  tème    des    pistons   ascendants, 

appliqué  quelquefois  aux  instrn- 
nienls  iiraves',  c'est  le  contraire  qui  a  lieu,  le  souille 
suit  la  ligne  directe, c'est-à-dire  la  plus  courte  quand 
ceux-ci  sont  abaissés.  Les  tuyaux  additionnels  ne 
sont  parcoui'us  que  pendant  que  leurs  pistons  corres- 
pondants sont  levés. 

Dans  l'un  comme  dans  l'autre  système,  chaque 
piston  abaissé  et  chaque  combinaison  de  pistons  re- 
présententexactement  une  nouvelle  trompette  simple. 
La  trompette  en  itt  moderne  peut,  comme  l'ancienne, 
faire  oflice  de  trompette  simple.  11  sul'fit,  pour  cela, 
de  maintenir  abaissés  un  ou  plusieurs  pistons,  dont 
l'effet  est  absolument  semblable  à  celui  des  corps  de 
rechange  mobiles.  L'invention  du  système  des  pis- 
Mns,  qui  a  eu  de  si  heureuses  conséquences,  a,  tout 
•  I  abord,  augmenté  considérablement  la  difliculté  du 
yi\  de  la  trompette  ancienne,  et,  de  ce  joui',  il  n'a 
I  .us  été  suffisant,  pour  les  trompettistes,  d'avoir  de 
linnnes  lèvres  et  de  l'oreille. 

S'il  avait  été  possible  de  ne  faire  usage  que  d'un 
■'Mil  ton,  celui  de  fa,  par  exemple,  il  eût  été  préfé- 
lable  de  donner  aux  notes  leurs  noms  réels,  comme 
(in  le  fait  pour  le  trombone  qui  est  en  sib  par  sa 


construction,  et  que  l'on  joue  cependant  comme  s'il 
était  en  (//.  La  note  produite  avec  la  coulisse  fermée 
s'appelle  stp,  au  lieu  que,  sur  la  trompette  ancienne 
à  pistons,  de  même  longueur  de  tube  que  le  trom- 
bone, et  par  conséquent  dans  la  même  tonalité,  on 
nomme  cette  même  note  à  vide  iil,  quoiqu'elle  soit, 
en  réalité,  un  si  [i. 

On  aurait  pu,  dans  ce  cas,  disons -nous,  donner 
aux  notes  leurs  noms  réels,  au  lieu  dédire  :  do,  ri',  mi, 
fa,  sol,  la,  si,  do,  pendant  que  l'oreille  entend  fa.  sol, 
la,  silt,  do,  ré,  mi,  fa.  Cela  eût  diminué  la  difficulté 
dans  d'énormes  proportions,  mais  l'obligation  de 
faire  usage  des  corps  de  rechange  rendait  impos- 
sible une  étude  différente  de  doigté  pour  chacun  d'eux. 
De  cette  complication  inévitable  résultait  donc  une 
difliculté  inouïe  pour  s'assimiler  les  intonations  de 
tous  ces  tons  ou  corps  de  rechange.  Avec  la  trom- 
pette en  lit  moderne,  celte  très  grande  difliculté  est 
fort  atténuée,  même  avec  ses  tons  de  rechange, 
parce  que  leurs  tonalités  ne  sont  jamais  éloignées 
les  unes  des  auties,  que  leurs  harmoniques  pratica- 
bles sont  plus  espacés,  et  que  le  tube  est  plus  court, 
ce  qui  favorise  la  sûreté. 

On  est  généralement  revenu  aujourd'hui  de  l'erreur 
qui  consiste  à  croire  que  le  système  des  pistons  déna- 
ture le  son  des  instruments  de  cuivre.  Cette  erreur 
a  toujours  été,  comme  beaucoup  d'autres,  répandue 
et  cultivée  avec  soin  par  ceux  qui  avaient  intérêt  à 
la  propager,  et  ceux  qui  trouvaient  plus  commode 
de  condamner  un  système  que  de  l'étudier. 

Un  examen  attentif  et  consciencieux  convaincra 
aisément  qu'une  simple  adjonction  de  longueui'  de 
tuyau,  si  elle  est  bien  faite,  ne  peut  ni  alfaiblir  ni 
dénaturer  la  sonorité. 

Dans  tous  les  cas,  si  le  système  des  pistons  pou- 
vait porter  atteinte  au  caractère  de  la  sonorité,  ce  ne 
pourrait  être  ù  celle  de  la  trompette  ni  à  celle  du 
trombone.  Les  tubes  supplémentaires  que  comporte 
le  système  étant  nécessairement  à  coulisse  et,  par 
conséquent,  de  forme  cylindrique,  leur  adaptation 
aux  instruments  à  perce  identique  ne  peut  apporter 
aucun  trouble  à  l'originalité  de  leurs  sons.  Si  des 
remarques  contraires  ont  pu  être  faites,  il  fallait  en 
attribuer  la  cause  à  une  fabrication  défectueuse,  à 
un  vice  de  l'embouchure  ou  à  l'inhabileté  des  exé- 
cutants. 

Quant  aux  coudes  et  détours  que  l'emploi  des  pis- 
tons impose  au  parcours  du  soulHe,  ils  peuventi 
dans  certains  cas  et  dans  une  certaine  mesure,  si  la 
fabrication  n'est  pas  perfectionnée,  augmenter  la  dif- 
ficulté d'émission  des  sons  de  la  trompette,  mais  non 
en  dénaturer  le  timbre. 


1.  On  commence  à  l'apjilic^uei- .mx  insirumenis  uigus  cic|)uis  (luel- 
ijncs  années  (l!)22j. 


LE   CORNET 

Le  cornet,  qui  a  tiré  son  nom  de  corne,  Va.  conservé 
aussi  longtemps  qu'il  en  a  imité  la  forme,  c'est-à- 
dire  jusqu'au  jour  oii  il  a  été  remplacé  par  le  clai- 
ron, qui  s'est  appelé  primitivement  kii-mème  cornet 
de  voltigeurs,  et  à  qui  on  a  maintenu  une  sonorité 
de  même  nature  (c'est  l'instrument  dont  on  a  l'ait  le 
bugle  en  y  appliquant  le  système  chromatique). 

L'histoire  du  cornet  est  tellement  liée  h  celle  de 
la  trompette  qu'elle  se  confond,  pour  ainsi  dire,  avec 
elle,  pendant  toute  l'antiquité;  nous  pourrions  même 
dire  jusqu'à  nos  jours  ;  car  si  le  cornet  à  pistons  mo- 
derne date  d'un  peu  moins  d'un  siècle  environ,  il  n'a 
été,  au  fond,  qu'un  ressuscité,  du  moins  quant  à  son 


♦ 


TECHNIQl'E,  ESTHÉTIQUE  ET  PÈDACOGIE 

nom,  car,  comme  il  est  dit  ci-dessus,  il  a  continué,  en 
réalité,  d'exisiei-  sous  le  nom  de  clairon.  Ce  dernier, 
ayant  donné  naissance  au  bugle  par  l'adaptation  du 
système  chromatique,  perpétuait  la  tradition  de  l'an- 
tique corni't,  lorsque  le  cornet  à  pisions  moderne  a 
élé  créé  dans  le  but  de  faire  suile  aux  tonalités 
ascendantes  du  cor  poui'  le  service  des  orchestres. 

Le  cornet  pi  imilif  a  élé,  comme  la  tlùte  et  la  trom- 
pelle,  le  point  de  départ  d'instiMnnents  à  vent  sou- 
vent coul'ondus  sous  une  même  dénomination.  Gomme 
eu.v,  il  a  toujonis  élé  employé,  tant  dans  la  vie  civile, 
religieuse  et  agricole  qu'à  la  guerre.  Les  rabbins 
prétendent  que  la'première  trompette,  ou,  plus  exac- 
tement, le  premier  cornet  à  bouquin,  keren,  fut  une 
des  cornes  du  bélier  immolé  à  Dieu  par  Abraham  à 
la  place  de  son  fils  Isaac. 

Le  cornet  a  été  défini  de  plusieurs  manières  selon 
l'usaae  auquel  il  a  été  employé.  Ex.  :  Cornet  :  sorte 
de  petite  trompe  rustique  ou  de  petit  cor;  —  espèce 
de  grande  llrtte  d'une  seule  octave  qui,  dans  les 
chœurs,  sert  à  soutenir  la  voi.x.  —  Cornet  à  bouquin  : 
instrument  à  vent  très  ancien,  en  bois  recouvert  de 
Cdir,  qui  alfectait  différentes  formes;  —  trompe  gros- 
sier.: faite  d'une  corne  de  bœuf,  au  son  de  laquelle 
les  pâtres  réunissent  leurs  troupeaux. 

Post-Horn  :  cornet  ou  cor  de  poste. 

Cornet  de  voltigeurs  :  instrument  mililaire  en 
cuivre  qui  a  été  remplacé  par  le  clairon. 

Quelle  que  fût  la  dimension  de  la  corne  dont  on  a 
fait  les  premiers  cornets,  elle  était  toujours  relati- 
vement très  conique;  de  là,  la  nature  des  sons  larges 
et  voilés  ou  sombres,  caractère  que  l'on  a  conservé 
aux  instrumenis  de  cuivre  de  la  famille  du  coi-. 

Les  sons  de  la  trompette  et  du  cornet,  lorsqu'ils 
sont  dans  la  même  tonalité,  ne  diffèrent  qu'à  cause 
de  la  forme  intérieure  ou  de  la  perce. 

Leur  forme  extérieure  n'a  aucune  inlluence  sur  la 
nature  du  son.  La  dilférence  de  longueur  du  tuyau 
effectif,  elle- même,  modille  la  sonorité,  mais  ne  change 
pas  le  caractère  des  sons  de  l'instiument;  ceux-ci 
sont  clairs  ou  voilés  selon  que  la  perce  est  cylindrique 
ou  conique.  C'est  surtout  lorsque,  avec  l'emploi  des 
métaux,  on  a  développé  la  longueur  du  tuyau  des 
instruments,  que  la  dillérence  des  timbres  s'est  aftîr- 
mée.  Ici  le  proverbe  :  «  Les  extrêmes  se  touchant,  » 
trouve  son  application  ;  c'est  dans  le  registre  médium 
que  les  instruments  de  cuivre  diffèrent  le  plus  entre 
eux.  Ils  sont  la  nettement  séparés  en  deux  classes 
distinctes  :  les  sons  clairs  et  éclatants,  la  trompette 
et  le  trombone  d'une  pai'l  ;  de  l'autre,  le  cor  et  ses 
variétés.  Dans  l'extrême  g"ave  comme  dans  l'extrême 
aigu,  ils  se  rapprochent  de  plus  en  plus,  au  point 
que  les  oreilles  insuflisammenl  expérimentées  les 
confondent. 

Cornet  à  pisions. 

Avant  de  commencer  cet  article,  nous  nous  deman- 
dons pour  quel  motif  le  cornet  a  besoin,  pour  sa 
désignation,  d'un  complément  indirect.  Pourquoi 
appelle-l-on  cet  instrument  cornet  à  pistons'.'  >ious 
voyons  que  l'on  dit  tout  court,  trompette,  tromijone, 
cor,  bugle,  et  ainsi  de  tous  les  autres  instruments. 
On  ne  dit  pas  la  trompette  à  pUtnmt,  le  trombone  à 
coulisse,  le  cor  à  pistons,  le  bugle  â  pistons;  le  complé- 
ment ne  s'ajoute  que  lorsqu'il  s'agit  de  la  comparai- 
son entre  deux  systèmes  :  la  trompette  simple  et  la 
trompette  à  pistons;  le  trombone  à  coulisse  et  le  trom- 
bone à  pistons;    le  cor  simple  et  le  cor  à  pistons;  la 


LA   TROMPETTE  ET  LE  CORNET    1625 

MiiliebaôSC  à  trois  eonles  et  la  r^iitrcbasse  h  (\ua.lve 
cordes,  etc.  Mais  pour  le  cornet  qui,  comme  instru- 
ment d'orcheslre,  n'exi-le  pas  auliementqu'à  pistons 
ou  à  cylindres  (ce  qui  est  la  même  chose),  on  ne 
compiend  pas  l'utilité  de  le  spécifier.  Le  complément 
lui  est  plus  iiiulib'  qu'aux  autres  instruments. 

Cette  unique  exceplion  dans  la  désignation  des 
intruments  de  musique  ne  serait-elle  pas  due  au 
fait  que  la  sonorité  du  mot  cornet  tout  court  ne  don- 
nerait que  très  imparfailement  l'idée  des  sons  que 
rend,  de  nos  jours,  cet  instrument?  Et  à  ce  que  le 
complément  est,  en  quelque  sorte,  devenu  néces- 
saire pour  dissimuler,  à  l'oreille,  l'espèce  de  con- 
tradiction qui  existe  aujourd'hui  entre  le  nom  et  la 
chose  qu'il  désigne? 

Depuis  longlemps,  on  en  est  même  arrivé  à  sup- 
primer le  nom  pour  ne  laisser 
subsister  que  le  complément.  Il 
n'y  a  plus  guère,  en  effet,  que 
dans  les  documents  administra- 
lifs  où  l'on  dit  encore  :  cornet 
à  pistons;  partout  ailleurs  on  dit: 
le  pistou.  Le  complément  a  pris 
la  place  du  nom. 

L'invention  du  cornet  à  pis- 
tons, avons-nous  dit,  est  attri- 
buée à  Sloklzel,  l'inventeur  du 
système  des  pistons;  mais  le 
cornet  chromatique  existait  déjà 
sous  la  forme  d'un  bugle  à 
clefs,  que  l'on  appelait  cor  aigu, 
et  qui  était  en  si\'  comme  le 
bugle  à  pistons  moderne.  L'ap- 
plication du  système  des  pistons  a  f.iil  un  bugle  de 
ce  cor  aigu,  qui  n'était  antre  qu'un  claiioii  à  clefs, 
et  on  a  créé  le  cornet  à  pis- 
tons. 

DuFRÈNE  lit  entendre  ce 
nouveau  cornet  à  deux  pis- 
tons, à  Paris,  en  1830,  no- 
tamment dans  les  concerts 
des  Cliamps-lilysées  et  dans 
les  bals.  Son  succès  fut  im- 
mense, mais  on  s'aperçut 
bientôt  que  cet  inslrumenl 
à  deux  pistons  n'était  pas 
complet,  et  on  y  ajouta  le 
3"  piston  qui  permettait 
d'obtenir  toute  la  gamme 
chromalique. 

Le  nouveau  cornet  à  pis- 
tons était  donc  un  petit  cor 
ou  cor  aigu.  Sa  forme  même 
ainsi  que  la  nature  de  ses  sons  indiquaient  son  ori- 
gine. Comme  la  trompette,  il  était  destiné  à  être 
joué  dans  son  registre  aigu,  et  il  était  construit 
dans   les  mêmes    tonalités.    Ses    tons    de    rechange 


Fiii.  an.  —  Bugle 

à  cl;.s(Dauverné 

XXV,  lig.  9). 


FiG.  604.  —  Cornet 
à  trois  pistons. 


étaient  ceux  de 


■    Vr>  a       — f    auxquels  on  ajouta 


bientôt  les  tons  supplémentaires  ascendants  de  la  ., 
/((  t;  et  si  b- 

Le  cornet  à  pistons  ne  différait  de  la  trompette 
ancienne  que  par  la  nature  des  sons  et  par  l'écriture. 
Leur  registre  d'exécution  était  le  môme.  Théorique- 
ment, la  longueur  de  son  tuyau  était  la  même;  mais 
le  cornet  s'écrivait  une  octave  plus  haut  que  la  trom- 


1626  ENCyCLOPEDIE  DE  LA  MISIQVE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


peLte.  Ainsi  Vui  : 


s'écrivait   ainsi   : 


de  la  trompette  en  fa 


pour  le  cornet  en  /(/, 


et   les  demx   imslruments   donnaient  : 


note  réelle.  Il  en  est  résulté  que  le  cornet  n"a  pas  eu 
à  cbanger  sa  manière  d'écrire,  en  s'élevaiit  dans  les 
tonalités  de  la,  si'r  ut,  tandis  que  la  trompette  l'a 
élevée  d'une  octave  h  partir  de  ces  mêmes  tonalités 
et  au-dessus. 


ïr.  en  soZ  :  écrit  : 


^^     effet:    ^ 


Tr.  en  ia , 
oix  Cornet 


écrit: 


effet: 


Les  tons  supplémentaires  de  la  et  s(  [>,  étant  d'une 
émission  plus  sûre,  ont  été  peu  après  utilisés  à  l'ex- 
clusion de  tous  les  autres,  si  ce  n'est  pour  l'étude. 
La  sonorité  de  ces  tons,  plus  claire  et  voisine  de 
celle  de  la  trompette,  a  bientôt  l'ait  oublier  l'ori- 
gine du  cornet  et  le  but  dans  lequel  il  avait  été  créé, 
et  on  en  a  lait  usage  pour  remplacer  la  tiompelte 
dans  tout  ce  qui  était,  trop  diflicile  ou  trop  dange- 
reux pour  elle  tant  qu'elle  conservait  ses  anciennes 
tonalilés  graves.  Etant,  de  ce  fait,  impuissante  à  s'ac- 
quitter de  son  rôle,  la  trompette  s'est  vu  dérober 
par  le  cornet  les  parties  les  plus  intéressantes  dans 
les  orcbestres  et  les  musiques  militaires. 

Néanmoins,  pendant  iO  ou  50  ans,  le  cornet  avait 
conservé,  comme  un  reste  de  son  origine,  un  lien  de 
parenté  avec  le  cor,  fils  du  cornet  primitif  et  père  du 
cornet  à  pistons  tout  à  la  fois.  Les  premiers  artistes 
qui  se  sont  livrés  à  l'étude  du  cornet  à  pistons  étaient 
des  cornistes  dont  quelques-uns  ne  cessaient  pas 
pour  cela  déjouer  du  cor  et  d'exceller  sur  ces  deux 
instruments  en  même  temps;  tels  Schi.otmann,  un 
des  plus  brillants  cornettistes  de  cette  époque,  qui 
était  premier  cor  solo  au  tbéàtre  des  Italiens,  puis, 
plus  taid,  premier  cor  solo  à  l'Opéra;  Forestier, 
premier  prix  de  cor  du  Conservatoire,  professeur 
de  la  classe  de  cornet  à  pistons  au  Gymnase  musical 
militaire;  Maury,  premier  pris  d«  cor,  bugle  solo 
et  sous-cbef  de  musique  de  la  Garde  Républicaine, 
qui  fut  professeur  de  cornet  à  pistons  au  Conserva- 
toire de  1874  à  1880.  Bien  d'autres  encore,  parmi  les 
plus  renommés  cornettistes,  étaient  des  cornistes. 

Les  succès  obtenus  sur  le  cornet  à  pistons,  à  ses 
débuts,  par  les  cornistes  précités,  excitèrent  les  meil- 
leurs des  trompettistes  à  adopter  ce  nouvel  instru- 
ment, que  le  public  accueillit  avec  enthousiasme,  des 
qu'il  eut  adopté  le  caractère  d«  la  trompette,  et  cette 
dernière  fut  abandonnée  à  son  malbetneux  sort. 
Parmi  ces  trompettistes  devenus,  de  ce  fait,  tronipet- 
tistes-corneltistes,  il  faut  citer  :  Arban,  premier  prix 
de  trompette  du  Conservatoire  (élève  de  Dauvehné), 
célèbre  virtuose,  vulgarisateur  du  coup  de  langue 
composé  (appelé  communément   :    coup  de  langue), 


professeur  de  la  classe  de  cornet  à  pistons  depuis 
sa  création,  en  1869,. jusqu'en  1814  ;  et  de  1880  jusqu'à 
sa  mort  en  1889.  Ensuite,  son  brillant  élève  favori, 
Chava.nne,  élève  à  la  classe  de  trompette  de  Dauver.né. 
au  Conservatoire,  en  même  temps  qu'à  celle  de 
saxhorn  ou  bugle  d'An.BAN  (alors  professeur  de  cette 
classe  nailitaire),  qui  remporta,  dans  la  même  jour- 
née, en  1868,  un  premier  prix  de  trompette  et  un 
premier  prix  de  saxhorn',  et  qui  est  devenu  aussi 
célèbre  sur  le  cornet  que  sur  la  trompette. 

P"oi);EsTiER,  cormiste  avant  d'être  coniettisle,  diri- 
geait ou  aurait  désiré  diriger  le  cornet  dans  sa  voie 
naturelle.  Il  est  facile  de  constater  que,  dans  son 
enseignement,  il  est  entraîné,,  à  regret,  vers  une 
orientation  qu'il  diésapprouve;  on  y  trouve  des 
conseils  qui  nous  confirment  sa  conviction  et  sa  ten- 
dance. C'est  ainsi  que,  dan.s  sa  méthode,  à  l'article 
sur  la  formation  du  son,  il  conseille  l'emploi  des  tons 
graves  pour  l'étude;  il  ajoute  plus  loin  :  »  Enfin, 
comme  le  son  des  tons  aigus  du  cornet  —  celui  de 
si/  en  particulier  —  est  d'une  aature  raide  et  crue, 
on  pourra,  en  le  reportant  sur  les  tons  graves  qui 
sont,  au  contraire,  d'une  aature  douce,  ramener  le 
premier,  et  le  modifier  par  l'étude  et  l'observation, 
de  telle  sorte  qu'il  acquière  un  charme  incompa- 
rable avec  sa  nalui-e  primitive.  » 

Enfin,  à  l'article  Embouchure,  Forestier  dit  encore  : 
«  Le  cornet  a,  par  sa  nature,,  une  qualité  de  son  un 
peu  nasale,  et  l'embouichure  à  bassin  curviligae  dont 
on  se  sert  généralement  ne  tend  pas  à  diminuer  ce 
défaut.  Après  bien  des  essais,  j'ai  remarqué  qu'une 
embouchure  conique,  amailogne  à  celledes  cors,,  mais 
légèrement  creusée  dans  le  haut  du  bassin,,  donne 
une  qualité  de  son  plus  ronide  et  plus  veloutée  ;  c  est 
la  forme  que  j'ai  adoptée  et  que  je  conseille.  » 

Arban,  par  ses  brillantes  qualités  de  virtuosité,, 
jointes  à  son  audace,  a  rendu  le  cornet  populaire 
dans  son  nouveau  caractère  de  cornet-trompette. 

Forestier,  quoique  grand  artiste  comme  Arban, 
mais  moins  audeieieux,  a  entraîné  dans  sa  défaite  le 
véritable  cornet. 

Le  cornet,  en  s'élevant  daus  les  tonalités  aiguës, 
n'a  pas,^  ou  peu  rencontré  d'opposition  ;  tandis  que  la. 
trompette,  a  qui  appartenait  cette  évolution,  qui  ne 
pouvait  pas  lui  faii'e  perdre  son  caractère  et  qui,  au 
contraire,  l'affirmait  iJ.e  plus  en  plus,  y  a  éprouvé  les 
plus  grandes  difficultés.  Le  motif  de  cette  contradic- 
tion se  trouve  dan*  la:  fait  que  le  cornet  antique,  qui 
s'était  perpétué  sous  le  nom  de  clairon  et,  en  dernier 
lieu,  de  bugle,  n'avait  jamais  été  introduit  dans  les 
orchestres.  Le  nomL  de  cornet  n'était  plus  appliqué, 
depuis  des  siècles,  qu'aux  instruinents  employés 
pour  les  signaux. 

Le  cornet  à  pistons  étant  donc  un  instrument  nou- 
veau dans  l'orchestre,  on  l'a  accepté  tel  quel  sans 
protestation.  Lorsque  la.  trompette  a  voulu  faire  la 
même  chose,  on  s'y  est  opposé  :  la  place  était  occupée 
par  le  conaet. 

Toutes  les  parties  jouées  pan  les  cornets-,  dans  les 
aaciens  opéras,  sont  des  parties  écrites  pourla  trom- 
pette. Il  [i'y  a  que  dans  les  opéras  créés  depuis  le 
dernier  qiuart  du  xix,'  siècle  qu'ils  ne  jouent  que  les 
parties  indiquées  pour  le  cornet,  lorsqu'il  y  en  a. 
Cette  époque  coïncide  avec  celle  de  l'admission  délL- 
nilive  de  la  trompette  moderne  à  l'Opéra  de  Paris. 

Mais  auparavant,  les  trompettistes,  eux-mêmes,  se 

1.  Buiiie  il'uiie  forme  spi'ciale  imaginée  par  Sax  et  aflectée  aujour- 
d'hui à  tous  les  instramenls  de  cuivre  à  pistons  autres  que  les  petits 
cuivres  ai',^us. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA   TROMPETTE  ET  LE  CORNET    1627 


sont  servis  accidentelleinent  du  conift  à  pistous  pour 
exécuter  certains  solos  considérés  comme  trop  dan- 
gereux pour  l'iincifnrie  trompette  (ce  qui  prouvait 
déjà  la  nécessité  de  modilier  la  construction  de  cette 
dernière).  Do  là  à  écrire,  pour  le  cornet  à  pistons, 
les  morceaux  qui,  par  leur  caractère,  appartenaient;» 
la  trompette,  il  n'y  avail  qu'un  pas;  ce  pas  a  été  fran- 
chi, et  le  cornet  a  accaparé  de  plus  en  plus  le  r61e 
lie  la  trompette,  jusqu'au  jour  cependant  où  les 
compositeurs,  se  départant  enlin  de  leui'  modération 
excessive,  ont  écrit  au-dessus  du  re^;istre  ordinaire. 
Ce  jour-là,  il  a  bien  fallu  avouer  que,  si  le  cornet 
à  pistons  avait  cessé,  depuis  longtemps,  d'être  un 
cornet,  il  n'était  pas  encore  une  trompette.  Le  fait 
s'est  produit,  pour  la  première  fois,  à  une  répé- 
tition de  Siourd  de  Keveh  à  l'Opéra  de  Paris.  Dans 
cet  opéra,  les  cornets  à  pistons  exécutent  encore  ac- 
tuellerjeiit  les  parties  de  trompettes  chromatiques- 
A  la  lecture  de  cet  ouvrage,  à  l'orchestre,  il  y  avait 
au  pupitre  des  trompettes  chromatiques,  conlié  aux 
pistons,  une  rentrée  solo  qui  monte  jusqu'au  si^ 
(noté  réeHe)  de  valmir  longue.  Cette  note  n'ayant  pas 
été  atteinte,  M.  Heyer  en  demanda  la  raison  eu 
affirmant  qu'elle  avait  été  rendue  ailleurs'.  On  lui 
a  alors  avoué  que  le  cornet  était  impuissant  à  rem- 
placer la  trompette  en  cette  circonstance.  A  la  répéti- 
tion suivante,  le  passage  était  transféré  au  pupitre 
des  trompettes,  au  moyen  d'un  échange  momentané 
des  parties. 

A  la  création  d'Othello,  à  l'Opéra  de  Paris,  un 
fait  de  c*  iieim-  s'est  produit  de  nouveau,  non  au 
sujet  de  l'aigu  cette  fois,  mais  à  cause  de  l'ellet  qui 
n'était  pas  celui  que  désirait  Verdi.  Dans  cet  opéra,  les 
parties  de  trompettes  du  deuxième  pupitre  étaient 
et  ont  toujours  continué  a  être  jouées,  depuis,  par 
les  cornets  à  pistons.  Sur  la  réclamation  de  Verdi, 
à  la  première  répétition,  on  lit,  à  la  répétition  sui- 
vante, un  éciiaiige  des  parties  de  trompettes  et  de 
cornets,  ou  plutôt,  on  opéra  un  déplacement  momen- 
tané des  trompettistes  et  des  cornettistes,  en  faisant 
placer  les  trompettistes  au  pupitre  affecté  d'ordinaire 
aux  cornetlistes,  et  vice  versa. 

Abba.^  dil  dans  sa  Méthode  de  cornet  à  pistons,  au 
chapitre  Cornet  a  pistons  en  ut. 

"  Il  est  indispensable  de  jouer  le  cornet  à  pistons 
en  )/(  et  en  .si;  aussi  bien  que  le  cornet  en  siu,  car 
ils  peuvent  rendre  cle  très  grands  services  dans  les 
orchestres,  surtout  quand  on  est  appelé  à  jouer  des 
pai'ties  de  trompettes.  Comme  instrument  solo,  le 
cornet  en  ul  est  des  plus  brillants,  et  possède  un 
timbre  plus  distingué  que  celui  en  si  i.  Dans  les 
théâtres  consacrés  aux  représentations  lyriques,  on 
ne  saurait  s'en  passer,  à  cause  des  transpositions 
qui  y  deviennent  beaucoup  plus  faciles  que  sur  le 
cornet  en  sî'K  et  surtout,  en  raison  de  la  sûreté  avec 
laquelle  on  peut  atteindre  les  sons  les  plus  aigus.  » 

Ce  passage  est  lui  nouvel  hommage  rendu  invo- 
lontairement à  la  trompelle  en  ut  aigu;  car  si  le 
cornet  en  ut  est  préférable  au  cornet  en  si[>,  et  s'il 
a  un  timbre  plus  distingué,  c'est  uniquement  par 
le  motif  qu'eu  élevant  sa  tonalité  il  se  rapproche  de 
plus  en  plus  de  la  trompette.  -ii^S 

Cependant,  le  public,  et  aussi,  nombre  d'artistes 
en  étaient  arrivés  à  une  compréhension  fausse  du 
caractère  du  cornet  à  pistons.  C'est  ainsi  que  l'on 
faisait,  et  que  l'on  fait  encore  aujourd'hui,  des  ré- 


1.  Il   faisait  allusion    au  Théâtre    de  la  MoaDaie    à    Bruxelles  ou 
Sigurd  a  été  créé. 


Ilexions  comme  celle-ci  :  Ce  piston  joue  bî<  n.,  il  a  les 
sons  clairs,  sans  remarquer  que  les  jolis  sons  du 
cornet  devraient  être  veloutés  et  voilés.  C'est  comme 
si  l'on  disait  :  ce  cor  a  des  sons  de  trombone,  ou  ce 
hautbois  a  des  sons  de  clarinette. 

Pour  arriver  au  résultat  désiré,  Abba.n'  avait  ima- 
giné un  système  de  cornet  qui,  tout  eu  corrigeant 
les  défauts  de  justesse,  donnait  à  l'instrument  une 
étendue  suflisante  dans  le  grave  pour  dispenser 
d'avoir  recours  aux  tons  de  rechange,  sauf  dan» 
quelques  rares  exceptions. 

Ce  nouveau  système  exigeait  une  nouvelle  étude 
du  doigté;  cet  inconvénient  et  la  mort  prématurée 
d'ARB.\N  tirent  que  l'invention  lut  abandonnée. 

(Quelques  années  avant  sa  mort,  Arban  exerçait 
ses  élèves  à  imiter  le  son  de  la  trompette  sur  le  cor- 
net en  leur  faisant  employer  le  plus  de  pistous  pos- 
sible dans  Les  notes  tenues  ou  arpégées.  Les  notes 
à  vide  se  faisaient  en  abaissant  deux  pistons;  pour 
d'autres  notes,  qui  s'obtiennent  dans  le  doigté  ordi- 
naire avec  un  ou  deux  pistons,  il  en  employait  trois. 
Mais,  au  lieu  de  trouver  ainsi  le  son  de  la  trompette, 
il  ne  réussissait  qu'à  donner  au  cornet  un  son  dur, 
criard,  creux,  sans  consistance,  et  qui  le  rendait 
encore  plus  vulgaire  par  la  raison  que  les  coulisses 
qu'actionnent  les  pistous  étant  forcément  de  forme 
intérieure  cylindrique,  tandis  que  le  cornet  simple 
est  de  perce  conique,  cet  abus  des  pistons  ne  pou- 
vait donner  qu'un  résultat  vicieux.  Il  faisait  perdre 
ainsi,  davantage  encore,  le  son  du  cornet,  sans  trou- 
ver celui  de  la  trompette. 

Il  n'y  a  pas  encore  bien  longtemps  que  les  trom- 
pettistes étaient  considérés  comme  incapables  de 
tenir  un  emploi  de  trompette  même,  s'ils  n'avaient 
acquis  auparavant  une  renommée  comme  coi'uet- 
tistes.  Cette  anomalie  venait  du  l'ait  que,  dans  l'étude 
de  la  trompette,  on  se  bornait  au  genre  soi-disant 
trompette,  comme  si  un  instrument  de  musique  de- 
vait exclure  de  la  pratique  et  surtout  de  l'élude  un 
genre  quelconque.  Certains  examinateurs  au  Con- 
servatoire voulaient  même  se  montrer  sévères  à  cet 
égard.  Mais,  ce  qu'il  y  avait  de  plus  préjudiciable  à 
la  trompette,  c'est  qu'elle  était  le  seul  instrument  qui 
fût  victime  de  ce  parti  pris-. 

Les  bons  cornettistes  admis  à  occuper  des  places 
de  trompettes  finissent  quelquefois  par  jouer  réelle- 
ment bien  de  cet  instrument,  si  leur  organisation  y 
est  favorable;  Igs  autres  restent  médiocres  toute  leur 
vie,  parce  que  leur  tempérament,  qui  se  prêtait  assez 
bien  au  jeu  du  cornet,  est  iusutfisant  pour  celui  de 
la  trompette.  Ces  derniers  ont,  généralement,  sur  la 
trompette,  des  sons  quelquefois  bruyants,  mais  grêles 
et  anémi(iues  ou  ternes,  parce  qu'ils  sont  obligés  de 
sacrifier  la  sonorité  pour  pouvoir  se  tirer  d'all'aire 
au  moyen  d'une  embouchure  et  d'un  instrument 
construits  ou  choisis  spécialement  dans  le  seul  but 
de  favoriser  soit  l'aigu,  soit  la  sûreté,  selon  le  besoin, 
au  détriment  des  autres  qualités. 

L'étude  de  la  trompette  renferme  en  elle  celle  du 
cornet  et  du  bugle,  et  en  diminue  sensiblement  la 
difficulté. 

Le  cornet  à  pistous  est  exclu  au  jourd'hui  des  grands 
orchestres  allemands.  Les  parties  de  cornets  des  ou- 
vrages français  y  sont  jouées  par  les  tronipeltes,  les- 
quelles sont  aussi  prélérées  pour  les  musiques  mili- 
taires, et  même  pour  la  musique  de  danse.  Cependant, 

^.  l'uus  les  genres  n'eLaient-ils  pas  permis  au  cornet  à  pistons, 
mémo  le  genre  trompette,  puisque  l'on  admettait  qu'il  remplaçait  cette 
dernière? 


162S 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


l'usage  du  cornet  n'a  pas  totalenienl  disparu  en  Alle- 
magne. Il  y  est  joui  exclusivement  en  si\-'  et  en  la: 
le  cornet  en  ut  y  est,  pour  ainsi  dire,  inconnu. 

En  Belgique,  il  est  exclu  des  grands  orchestres  de 
musique  symphonique,  mais  il  est  encore  employé 
dans  les  théâtres  de  second  ordre,  dans  les  musiques 
militaires,  les  fanl'ai'es  et  la  musique  de  danse,  où  la 
trompette  a  pourtant  commencé  à  pénétrer  de  même 
qu'en  France.  Dans  ces  derniers  orchestres,  son  im- 
portance décroît  dejour  en  joui-,  au  lur  et  à  mesure 
des  progrès  de  la  trompette. 

Jusqu'à  l'époque  des  opéras  à  trois  parties  de 
trompette,  c'est-à-dire  Jusqu'à  la  première  repré- 
sentation de  Lolieiifirin  en  1891,  à  l'Opéra  de  Paris, 
li's  cornets  ont  Joué  les  parties  des  trompettes  chro- 
matiques. Depuis  ce. jour,  le  cornet  n'a  été  considéré 
comme  une  trompette,  dans  la  création  des  opéras 
nouveaux,  que  lorsque  ces  opéras  comportaient 
quatre  parties  de  trompette.  Mais,  dans  ceu.\  à  trois 
parties,  le  cornet  n'était  point  employé;  tout  le 
pupitre  avait  congé.  Deux  artistes  du  pupitre  des  trois 
Irompelles  jouaient  les  deu.x  premières  parties,  ce 
qui  leur  laissait  leur  roulement  habituel  des  congés, 
et  un  trompette  externe  jouait,  à  chaque  représen- 
tation, la  troisième  partie.  Il  a  été  l'ait,  cependant, 
une  exception,  pour  la  Malaclella,  ballet  de  M.  Vi- 
dal. La  partition  comporte  trois  jiarties  de  trom- 
pette, et  la  troisième  partie  est  jouée  par  un  cornet. 
Dans  les  opéras  à  quatre  parties  de  trompette,  les 
cornets  jouaient  les  parties  chromatiques,  mais  lors- 
que l'opéia  n'avait  que  deux  parties  de  trompette, 
quoique  r/iromaïir/wfs,  c'étaient  les  trompettes  qui  les 
jouaient  et  qui  les  jouent  encore. 

Nous  avons  parlé  plus  haut,  au  sujet  de  Siijurd  et 
d'Othello,  àe  chasses-croisés,  par  ordre,  opérés  entre 
les  trompettes  et  les  cornets,  mais  des  échanges  de 
pupitres  et  de  parties  avaient  déjà  eu  lieu  volon- 
tairement dans  des  opéras  plus  anciens.  Hobert  le 
Diable,  par  exemple,  comportait  quatre  parties  de 
trompette,  dont  deux  simples  et  deux  chromatiques; 
mais  les  deux  pupitres  ne  jouaient  qu'alternative- 
ment, jamais  simultanément.  Ainsi  de  Faust  et 
d'Alda.  Or,  puisqu'il  n'y  avait  jamais  à  employer 
que  deux  arti.^tes  à  la  lois,  on  considérait  comme 
inutile  d'en  déranger  quatre.  Pour  éviter  cet  incon- 
vénient, on  imagina  la  combinaison  suivante  :  on  se 
partagea  les  opéras;  les  ti'ompettes  furent  chargés 
de  jouer  intégialement  Hubert  le  Diable,  sans  le 
secours  des  cornets,  sauf  le  duo  dans  les  coulisses, 
écrit  pour  deux  trompettes  et  qui  fut  attribué  aux 
cornets.  Ces  derniers  se  cliargèi'ent  aussi  d'assurer 
le  service  intégralement  dans  Faust  et  dans  Aida. 
Dans  les  Uugucnnts  (quatre  parties  de  trompette'), 
on  fait  plusieurs  fois,  durant  la  représentation, 
échange  de  cahier  entre  les  deux  pupitres  de  trom- 
pettes et  de  cornets,  afin  de  donner  toujours  aux 
cornets  les  parties  les  plus  chromatiques  et  les  plus 
artistiques. 

Roiné'i  et  .Itdletle  coinpoite  deux  parties  de  trom- 
pette et  deux  de  cornet.  Les  deux  pupitres,  comme 
dans  les  opéras  déjà  cités,  ne  jouant  jamais  en 
même  temps,  un  autre  arrangement  eut  lieu.  11  fut 
convenu  qu'un  seul  trompette  et  un  seul  cornet  assu- 
reraient ce  service  et  joueraient  les  deux  cahiers. 

La  trompette  joue  la  partie  de  1"  tionipette  el 
celle  du  2^  piston.   Le  coinet,  la  partie  du  I''''  piston 

1.  MfcVKHUKE»  n'a  jiiiiiais  écrit  qui^  pour  la  IrompeUe;  le  solo  tiii 
Projihrlr[l;i  Marchfj  d'tSacrs),  que  l'on  croil  g.»néraienient6cril  jioiif 
le  cornel,  était  égalemc  U  destine  ii  ta  lroni|ieLlc. 


et  celle  de  la  2'  trompette.  Le  service  est  combiné 
de  façon  que  les  troisièmes  de  chaque  pupitre  ne  se 
trouvent  j^imais  ensemble,  afin  qu'il  y  ait  toujours  au 
moins  un  soliste  sur  les  deux  instrumentistes,  l^orsque, 
parmi  eux,  se  trouvent  un  soliste  et  un  troisième, 
c'est  le  soliste  qui  joue,  dans  tout  l'opéra,  la  pre- 
mière partie  de  trompette  et  la  première  partie  de 
piston,  quel  que  soit,  d'ailleurs,  l'instrument  que 
cet  artiste  ait  en  main.  11  est  bien  évident  cependant 
que,  dans  cet  opéra,  les  parties  de  piston  sont  tout 
simplement,  au  fond,  des  parties  de  trompette  chro- 
matique ivoirla  marche,  principalement). 

Dans  Ascanio  de  Sainï-Saëns,  ce  fut  une  autre 
combinaison.  Cet  opéra  comporte  trois  parties  de 
trompette  et  trois  parties  de  piston.  De  même  que 
dans  les  opéras  ci-dessus,  les  deux  pupitres  ne 
jouaient  jamais  ensemble.  Pour  éviter  le  dérange- 
ment de  six  artistes  pendant  que  trois  pouvaient  suf- 
fire, au  lieu  que  l'entente  se  fasse  par  pupitre  comme 
dans  les  autres  opéras,  on  avait  convenu  que  le  pre- 
mier trompette  et  le  premier  cornet  établiraient, 
entre  eux  deux,  un  roulement  de  service  à  part,  et 
qu'il  y  aurait  toujours  l'un  deux  à  chaque  représen- 
tation. 

Les  second.i-pieiniers  de  chaque  pupiti'e  agissant 
de  même,  ainsi  que  les  troisièmes,  il  y  avait  toujours, 
de  cette  façon,  les  trois  exécutants  exigés  par  la 
partition.  C'était  un  mélange  de  trompettes  et  de 
cornets.  Tantôt  deux  trompettes  et  un  cornet,  tantôt 
deux  cornets  et  une  trompette.  Quel  que  fût  le  pupi- 
tre indiqué  sur  la  partition,  la  première  partie  était 
toujours  jouée  par  l'instrument  désigné;  quant  aux 
autres  parties,  c'était  variable. 

Jusqu'au  23  février  1880,  époque  où  fut  créé  un 
emploi  de  troisième  trompette,  il  y  avait  eu,  à 
l'opéra,  un  pupitre  de  deux  trompettes  el  un  autre 
de  trois  cornets.  Le  troisième  cornet  devait  jouer  la 
partie  de  seconde  trompette  en  cas  de  maladie  d'un 
titulaire  de  ce  pupitre.  Depuis  cette  époque,  et  pen- 
dant une  douzaine  d'aimées,  les  deux  pupitres  ont 
été  composés  chacun  également  de  trois  titulaires, 
jusqu'au  jour  où  le  troisième  cornet  a  pris  sa  retraite 
et  où  on  l'a  remplacé  par  un  quatrième  trompette. 
Ce  qui  fait  qu'il  y  a  actuellement,  à  l'Opéra,  quatre 
ti-ompettes  et  deux  cornets  titulaires -. 

TECHNIQUE  DE   LA  TROIVIPETTE    ET   DU   CORNET 
Coulisses. 

L'abaissement  de  chacun  des  trois  pistons  détourne 
la  colonne  d'air  du  tuyau  principal,  lui  fait  parcourir 
une  longueur  de  tuyau  supplémentaire,  traverser 
une  seconde  fois  le  piston,  perforé  à  cet  elfel,  pour 


2.  AeLuellemeut  (cii  1926),  une  nouvelle  modilicalion  vient  d'être 
opéréeâ  l'Opéra  de  Paris  ;  un  titulaire  du  pupiu-e  des  trompettes  ayant 
pris  sa  retraite,  on  a  réduit  les  deux  pupitres.  Iroinpeltes  et  cornets  à 
pistous  à  cinq  exécutants  au  lieu  de  six  ;  trois  trompettes  ne  jouant 
esclusivenient  que  les  parties  de  trompetle  et  sur  la  trompelLc;  et 
deux  cornets  à  pistous  jouant  les  pai'lies  de  cornet  à  pislons  sur'  te  cor- 
net el,  de  plus,  dos  parties  secondaires  de  trompette  sur  la  trompette, 
cela  conformément  au  roulement  ét.tlili  viiUc  les  cinq  arli>les  pour 
les  congés. 

On  peut  donc  dire  que,  des  inaintenanl,  le  cornet  à  |  i>totis  :i  ter- 
miné ^on  évolution  en  se  jetant  complèlemeiit  dans  la  tronipelle 
dans  la  plupart  des  orchestres.  Des  e\périeiires  sont  l';iites  en  ce  mo- 
ment mêiue  par  les  derniers  [. artisans  du  cornet  à  pistons  pour  luj 
conserver  sa  forme  extérieure,  tout  eu  iniilant  la  forme  interieuie  de 
la  trompette.  Ainsi  la  lutte  entre  ces  d-ux  insli-urnenis  prend  fin,  car 
Paris,  imitant  les  nations  étrangères  qui  i  ont  devance,  on  ne  voit 
plus  guère  de  coi-nets  dans  les  orclieslres,  nién^c  secondaires. 


TEC-INIQUE.  ESTlIKTlnUE  ET  l'ÉDAGOGlE 


LA   TROMPETTE  ET  LE  CORNET     IG29 


que  le  snuflle  re|iremie  son  cours  direct.  Ce  luyau 
inoliile,  replié  sui  Uii-mème,  dont  li^s  deux  branches 
sont  soudées  au  piston,  se  nomme  coulisse;  on  l'al- 
longe à  volonté,  selon  le  Ion  ou  corps  de  rechange 
que  l'on  adapte  à  l'inslrumenl.  La  longueur  variable 
des  coulisses  est  proportionnée  à  l'abaissement  ou  à 
l'élévation  de  la  tonalité  fondamentale  de  l'instru- 
ment. Klle  s'augmente  en  raison  directe  de  l'abaisse- 
ment de  cette  tonalité,  toutes  proportions  gardées. 
Kxemple  :  si,  sur  une  trompette  ou  un  cornet  en 
lit,  jouant  juste  avec  ses  coulisses  fermées,  nous 
mettons  le  ton  de  sii{,  il  nous  faut,  pour  obtenir  la 
justesse  de  toutes  les  notes,  tirer  la  coulisse  du 
deuxième  piston  (qui  baisse  d'un  demi-ton)  de  1  à 
2  millimètres,  celle  du  premier  piston  (qui  baisse 
d'un  ton)  de  4  ou  5  miUimoIres,  et  celle  du  troi- 
sième piston  (qui  baisse  d'un  ton  et  demi)  d'un  centi- 
mètre environ.  Si,  au  lieu  du  ton  de  si':,  nous  mettons 
celui  de  si'i,  ce  sera  de  plus  du  double  qu'il  faudra 
tirer  chaque  coulisse,  et  ainsi  de  suite  pour  chaque 
ton  descendant.  Plus  l'abaissement  produit  par  le 
ton  de  rechange  est  important,  plus  grand  doit  être 
l'allongement  des  coulisses,  relativement  au  degré 
d'abaissement  de  la  tonalité.  Exemple  :  pour  la 
irompette  en  siU  aigu,  le  premier  piston  a  une  lon- 
gueur réelle  de  coulisse  d'environ  17  cenlimélres  à 
l'extérieur  du  tube,  tandis  que  pour  la  trompette  en 
fa,  la  coulisse  du  même  piston  est  d'environ  23  cen- 
timètres; cependant,  sur  l'une  comme  sur  l'autre 
Irompette,  le  premier  piston  baisse  également  d'un 
ton.  C'est  pour  cette  cause  que  les  notes  que  l'on 
obtient  au  moyen  de  l'abaissement  simultané  de  plu- 
sieurs pistons  sont  naturellement  trop  hautes,  parce 
que  l'emploi  de  chaque  piston  donne,  en  réalité,  une 
tonalité  dill'érente  à  l'instrument.  Exemple  :  la  cou- 
lisse du  deuxième  piston,  étant  accordée  sur  la  trom- 
pette en  tit,  baisse  à  peu  près  exactement  d'un  demi- 
ton;  mais,  si  cette  même  coulisse  entre  en  fonction 
en  même  temps  que  celle  du  premier  piston  qui  met 
en  si[^  la  trompette  en  ut,  la  coulisse  du  deuxième 
piston  n'a  plus  la  longueur  suffisante  pour  baisser 
d'un  demi-ton  un  instrument  qui,  du  ton  d'ut  sur 
lequel  était  accordée  cette  coulisse,  est  descendu  au 
Ion  de  Si  1  par  l'effet  de  l'abaissement  du  premier 
piston.  D'où  il  résulte,  disons-nous,  que  toutes  les 
notes  employant  plusieurs  pistons  sont  trop  hautes. 
Tant  qu'il  ne  s'agit  que  de  deux  pistons,  les  lèvres 
exercées  remédient  à  ce  défaut,  mais  lorsque  les 
trois  pistons  sont  abaissés  simultanément,  l'écart  est 
tellement  grand  que  les  artistes  les  plus  habiles  ne 
rectitlent  la  justesse  qu'avec  les  plus  grandes  dif- 
ficultés, et  en  altérani,  d'une  façon  plus  ou  moins 
sensible,  le  timbre  de  l'instrument.  Sur  les  instru- 
ments aigus,   les   deux  seules   notes   qui  emploienl 


obligatoirement  Irois  pistons  sont  : 


sur  le  fa%,  l'inconvénient  n'est  pas  sensible  à  cause 
de  sa  gravité  qui  facilite  l'abaissement  par  les  lèvres, 
et  dont  le  timbre  moins  clair  rend  les  défauts  moins 
apparents.  Il  ne  reste  donc  que  l'iitif  ou  ri}  ■•  qui  soit 
une  note  réellement  défectueuse,  car  il  n'y  a  pus 
d'autre  doigté  pour  l'obtenir  sur  les  trompettes  à 
trois  pistons.  On  a  adopté,  il  y  a  quelques  années,  un 
anneau  à  la  coulisse  du  troisième  piston.  On  intro- 
duit, dans  cet  anneau,  le  petit  doigt  de  la  main 
gauche  au  nioven  duquel  on   peut  allonger  la  dite 


coulisse  sans  cesser  déjouer,  et  obtenir  ainsi  la  jus- 
tesse du  rù  n  grave.  Mais  ce  moyen  ne  peut  s'employer 
que  très  rarement,  lorsque  la  note  est  isolée,  ou  dans 
les  mouvements  lents,  ou  encore  quand  cette  note 
est  la  première  ou  la  dernière  d'une  série. 

Coulisse  «rnocorcl. 

La  coulisse  appelée  coulisse  d'accord  est  celle 
qui  fait  partie  de  l'instrument  simple  (sans  partici- 
pation des  pistons);  elle  sert  à  accorder  l'instrumenl 
dans  ses  notes  harmoniques  naturelles;  elle  est 
construite  de  façon  à  laisser  cà  l'artiste  la  faculté  de 
l'allonger  à  volonté  jusqu'à  concur'i'ence  des  varia- 
tions possibles  du  diapason  dans  les  orchestres. 

Tonalités'. 

Le  nom  de  tonalités  est  appliqué  ici  aux  difïérents 
tons  de  rechange  que  peuvent  porter  le  cornet  et  la 
trompette. 

La  longueur  elt'ective  du  tube  détermine  la  tonalité 
de  l'instrument.  Plus  le  tube  est  court,  plus  l'instru- 
ment est  aigu. 

Le  cornet,  qui  possédait  autrefois  tous  les  tons  de 


ré  à  s(  ,  :    ^p 


=^ 


T>- 


n'a  plus  aujourd'hui,  dans 


la  pratique,  que  ceux  de  ut 


^^^gf 


La  Irompette  ancienne  à  corps  de  rechange,  dont 
ceux  en  usage  ont  été  de  aol  à  la 


'-^^ 


pour  la  trompette  simple,  n'employait,  dans  la  pra- 
tique, comme  trompette  à  pistons  que  ceux  de  : 


W^*M''\\'' 


Mais  il  y  a  aussi  des  trompettes  aiguës   et  sur- 

aif;;uës  jusqu'en    -(L  [[    ;   celle   en   ré  ait:u  est 

principalement  utile  pour  l'exécution  des  œuvres  de 
lUcH  et  de  Haendel.  Son  emploi  tend  à  se  répandre 
peu  à  peu  dans  la  musi(iue  moderne.  Ce  qui  fait  la 

1.   Pour  désigne!-  les  tonaliti's  nous  employons,  non  la    fondamen- 
tale ou  son  I,  mais  la  tuniqn-i   ;"t   i^cux  Oftaves,  c'est-à-dire  le   son  i- 


V.\.    troniprtle    anrur 


ut,   fondamenlal 


le    :     ^ 


tromi  etle  moderne  en  uf.  fcindamcn- 


t.Ie 


m 


dpsifînnlion 


1G30 


EycvcLOPÉniB  de  là  musique  et  dictionnaire  du  conservatoire 


bagatelle  de  24  tonalités  appartenant  ou  ayant  ap- 
partenu à  la  trompette.  Pour  quiconque  n'a  jamais 
soufflé  dans  un  instrument  de  cuivre,  il  existe  un 
mo3-en  simple  et  infaillible  de  se  rendre  compte  de  la 
tonalité  de  l'instrument  que  l'on  a  en  main,  quel  que 
soit  le  Ion  ou  corps  de  n-clunige  qui  lui  est  adapté.  11 
suffit  de  frapper  sur  l'embouchure  bien  à  plat,  avec 
la  paume  de  la  main,  pour  entendre  distinctement  la 
fondamentale  (son  1)  exacte  et  précise.  Ex.  :  la  trom- 


pette en  nt  aigu  donne  : 


-    ;  l'ancienne  trom- 


pette en  ut  donne  :     -^^ 


Pcpfe. 

On  nomme  perce  la  forme  intérieure  que  le  facteur 
donne  à  l'instrument,  ou  aux  proportions  du  tuyau. 
La  perce  est  grosse,  petite  ou  moyenne,  cylindrique, 
conique  ou  mixte. 

C'est  par  la  perce  que  l'on  obtient  les  dilîérentes 
variétés  des  sons.  La  perce  conique  produit  les  sons 
voilés  et  doux;  la  perce  cylindrique  donne  la  clarté 
et  l'éclat. 

La  grosse  perce,  c'est-à-dire  à  diamètre  intérieur 
large,  favorise  l'émissi  ui  des  notes  graves  et  donne 
la  grosseur  du  son.  La  petite  perce,  à  diamètre  inté- 
rieur étroit,  donnant  des  sons  d'un  volume  plus 
réduit,  est  favorable  au  registre  aigu. 

On  peut  avoir  des  sons  creux  ou  maigres  avec  une 
grosse  perce,  et  des  sons  ronds  et  gros  avec  une 
petite.  Cela  dépend  à  la  fois  de  l'eniboucbure,  de  la 
conformation  de  la  bouche  de  l'instrumentiste  et  de 
sa  manière  d'émettre  les  sons.  Les  meilleures  perces 
sont  d'un  diamètre  proportionné  à  la  longueur  du 
tube,  attendu  que  l'essentiel  n'est  pas  d'avoir  de  gros 
ou  de  petits  sons,  mais  de  les  avoir  ronds,  timbrés, 
beaux  et  expressifs,  c'est-à-dire  vivants.  La  question 
du  diamètre  ou  grosseur  de  la  perce  est  donc,  comme 
beaucoup  d'autres,  non  seulement  une  question  de 
construction  de  l'instrument,  mais  aussi  de  tempéra- 
ment et  de  constitution  de  l'artiste. 

Enibonchure. 

L'embouchure  est,  sans  contredit,  l'un  des  organes 
les  plus  importants,  après  l'instrument  lui-même, 
de  tous  ceux  qui  composent  la  famille  des  instru- 
ments de  cuivre;  c'est  l'espèce  de  bocal  qui  s'adapte 
à  l'instrument  et  qui,  posé  sur  les  lèvres,  reçoit  le 
soufille  destiné  à  former  le  son. 

Klle  a  ordinaii^enient  la  forme  extérieure  d'une 
cloche  et  est,  elle-même,  composée  de  quatre  parties 
essentielles  :  \°  les  bords;  2"  le  bassin;  3°  le  grain; 
4°  la  queue  ou  canal,  qui  pénètre  dans  l'instrument 
pour  y  conduire  les  vibrations  formées  dans  le  bas- 
sin. Nous  ne  nous  occuperons,  tout  d'abord,  dans 
cet  article,  que  de  l'embouchure  proprement  dite, 
réservant  chacune  des  parties  qui  la  composent  pour 
être  traitées  en  détail  ci-après. 

.Nous  croyons  devoir,  auparavant,  signaler  une 
erreur  trop  répandue,  et  nuisible  à  ceux  qui  étudient 
un  instrument  de  cuivre.  Cette  erreur  consiste  à 
croire  que  les  diti'érenls  degrés  de  l'échelle  des  sons 


s'obtiennent  par  une  plus  ou  moins  grande  pression 
de  l'embouchure  sur  les  lèvres.  S'il  eu  était  ainsi, 
comment  pourrait-on  concevoir  qu'on  ait  pu  jouer  de 
l'ancienne  trompette  chromatique?  Celle  où  le  même 
doij,'lé  peut  proiluire,  outre  la  note  voulue,  toutes 
les  notes  diatoniques  immédiatement  voisines,  s'il 
avait  fallu  donner,  pour  chacune  d'elles,  un  degré  de 
pression  dilTérent'?  C'aurait  été,  daiis  certains  cas, 
un  mouvement  de  va-et-vient  de  la  main  gauche  qui 
aurait  ressemblé,  toutes  proportions  gardées,  au  ma- 
niement d'une  coulisse.  Ces  chocs,  répétés  fréquem- 
ment sur  les  lèvres,  quand  les  notes  sont  rapides 
et  arpégées,  auraient  t6t  fait  de  les  meurtrir  et  de 
leur  faire  perdre  toute  souplesse  et  toute  action  à 
la  formation  des  sons.  Les  lèvres  joueraient,  dans 
oe  cas,  un  rôle  passif,  et  se  trouveraient  constam- 
ment entre  l'enclume  et  le  marteau.  Ce  ne  serait 
plus  leui'  force  et  leur  souplesse  qui  assureraient  la 
supériorité  à  jouer  dans  l'aigu,  mais  la  force  du  poi- 
gnet jornle  à  la  force  des  poumons.  Ou  devine  ce  que 
deviendraient  alors  les  lèvi-es,  en  jouant,  parexemple, 
la  Messe  en  *il)  mineur  de  Bach  (Méthodf  de  trom- 
pette moderne  et  de  cornet  à  pistons,  par  M.  FR.4NCH'rN). 

Les  premiers  qui  ont  émis  celte  idée  ne  se  sont  pas 
suffisamment  observés  ou  n'ont  pas  assez  réfléchi. 
Leurs  successeurs  les  ont  copiés  sans  réfléchir  davan- 
tage. Dans  l'émission  des  sons  et  leurs  diffeients 
degr-és  d'élévation,  ce  sont  précisément  les  lèvres 
seules  qui  doivent  agir.  La  main  gauche  doit  se  J 
borner  à  tenir  f'inslru  nient  avec  fermeté,  et  elle  doit  r 
remplir  seulement  l'office  d'arc-boutant.  L'appui  des 
lèvres  sirr  les  bor'ds  de  f'embouchur-e  peut  varier 
légèrement  selon  q«€  l'on  joue  dans  l'aigu  ou  dans  le 
grave,  dans  la  nuance  piano  ou  forte,  selon  la  force 
d'expulsion  de  l'arr,  à  laquelle  les  lèvres  doivent 
résister  pour  la  diriger;  mais,  contrairement  à  une 
opinion  (répandue,  ce  senties  lèvres  qui  appuierrt  sur 
l'embouchure  et  non  l'embouchure  sur  les  lèvres.  L'é- 
tude bien  comprise  de  l'nislrnnrenf  consiste  princi- 
palement à  donner  aux  lèvr'es  la  force  et  la  sou- 
plesse, afin,  justement,  de  leur- laisser'  plus  de  liberté 
dans  leur's  mouvements  en  atténuant  de  plus  err  plus 
le  degré  de  leur  appui  sur  les  bords  de  l'embou- 
chure. 

Les  instrumentistes  les  plus  habiles  sont  ceux  qui 
appuient  le  moins  l'embouchure  sur  les  lèvres,  et  qui, 
à  cause  de  cela,  obtiennent  de  plus  beaux  sons  avec 
moins  de  fatigue,  les  lèvres  n'étant  pas  paralysées, 
ni  écr-asées  ou  rneurtr-ies.  Les  différents  degrés  des 
sons  s'obtiennent  au  moyeu  de  la  tension  et  du  rap- 
prochement r-elalif  des  lèvres  l'une  vers  l'autre.  De 
là,  la  nécessité,  pour  la  main  gauche  qui  tient  l'ins- 
trunient,  de  lui  faire  suivre  ce  mouvement  pour  que 
le  point  d'appui,  le  soutien,  de-meure  toujours  suffi- 
sant. Pour  l'émission  des  sons  gr'aves,  les  lèvres  se 
rebichent,  pénètrent  davantage  dans  te  bassin,  et,  à 
cet  effet,  la  main  gauche  est  encore  chargée  de  faire 
céder-  lirrslrument  afin  de  leur  laisser  toute  liberté. 

Celte  définition  pouvant  paraître  compliquée, 
hàtons-B©us  4e  dire  qu'elle  n'est  faite  qu'en  vue  de 
prévenir  contre  des  théories  er-ronées,  car  tous  ces 
mouvements  sont  insignifiants  et  se  font  instincti- 
vemerrt.  Le  seul  principe  à  observer-,  et  celui-ci  est 
capital,  c'est  d'appuyer  le  moins  possible  l'embou- 
chni-e  sur  les  lèvres.  La  pression  ne  doit  s'opérer- 
qu'en  cas  d'impuissance  dans  une  exécutiorr,  quand 
on  ne  peut  fair-e  mieux,  et  jamais  pendant  l'é- 
tude. Dauver.\é  dit,  darrs  sa  Méthode  de  tronifiette  : 
«  Pour  moduler  les  sons,  on  augmente  ou  l'on  di- 


TECHSIQVE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÊDAGOGiE 


LA  TROMPETTE  ET  LE  CORNET    163I 


miiine  ^,'raJuellemoiil,  la  pression  de  remboiichiire  et 
le  resserreraeiit  des  lèvres,  suivant  qu'on  veut  Jonnei' 
un  son  aif,'ii  ou  grave;  c'est  donc  la  pression  propor- 
tionnelle de  l'emboncliure  sur  les  lèvres  qui  règle  les 
intervalles  des  tons  sur  la  trompette.  » 

Dauverné  a  confondu,  dans  son  interprétation, 
la  cause  avec  l'elfet.  Le  resserrement  des  lèvres  ou 
leur  tension,  c'est  exact,  et  leur  degré  d'appui  sur 
l'embouchure  s'augmente  en  raison  directe  du  degré 
d'élévation  des  sons  et  de  leur  nuance,  mais  non  la 
pression  de  l'embouchure.  On  a  pris  le  moyen  pour 
ce  qui  n'est  que  la  conséquence.  L'expulsion  de  l'air 
étant  plus  serrée  et  pins  vigoureuse  pour  l'aigu  que 
pour  le  grave,  les  lèvres  qui  la  dirigent  exigent  un 
point  d'appui  plus  solide  pour  empêcher  la  fuite 
du  souftle  au  dehors.  La  seule  fonction  de  la  main 
gauche  doit  être  à  peu  prés  de  maintenir  à  l'instru- 
ment une  résistance  minimum  de  soutien,  suflisante 
comme  point  d'appui  représenté  par  les  bords  de 
l'embouchure;  ce  qui  signifie  que  si,  exceptionnel- 
lement, il  y  a  pression  inévitable,  elle  s'exerce  par 
les  lèvres  sur  l'embouchure,  et  non  par  l'embouchure 
sur  les  lèvres,  ce  qui  est  tout  à  fait  différent. 

Arraw  donne  sur  ce  sujet,  dans  sa  Méthode  de  cornet 
à  pistons,  la  définition  suivante  :  «  Pour  faire  sortir  les 
notes  hautes,  il  est  nécessaire  d'opérer  une  certaine 
pression  sur  les  lèvres,  de  manière  à  leur  donner 
une  tension  proportionnée  au  degré  de  la  note  qu'on 
veut  obtenir.  »  On  ne  conçoit  pas  bien  que  la  pres- 
sion de  l'embouchure  sur  les  lèvres  leur  donne  de  la 
tension  ;  nous  sommes  même  persuadé,  au  contraire, 
qu'elle  l'affaiblit  ou  qu'elle  l'annule.  Puisqu'il  faut 
aux  lèvres  une  tension  plus  ou  moins  forte,  il  est  évi- 
dent, si  l'on  tient  compte  de  ce  qu'elles  s'appuient  sur 
les  dents,  qu'une  pression  quelconque  exercée  par 
un  objel  en  métal,  tel  que  leinbouchure,  et  par  une 
surface  étroite  telle  que  les  bords,  au  lieu  d'aug- 
menter cettç  tension,  ne  peut  que  l'affaiblir  ou  la 
supprimer,  en  interrompant  la  communication  des 
muscles  de  l'extérieur  à  l'intérieur,  c'est-à-dire 
avec  la  fraction  des  lèvres  prisonnière  dans  l'em- 
bouchuie.  Mais  il  faut  plutôt  interpréter  ladélinition 
d'ARiîAN  de  la  manière  suivante  :  pour  faire  sortir  les 
notes  hautes,  il  est  nécessaire  d'augmenter  le  degré 
d'appui  des  lèvres  sur  l'euiboucluire,  proportionni-l- 
lemeul  à  celui  de  la  tension  plus  grande  des  lèvres, 
pour  résister  à  la  force  d'expulsion  de  l'air. 

Nous  lisons,  d'autre  part,  dans  la  Méthode  de  cor- 
net il  pislo7is  de  Forestier  :  ■<  Le  grain  de  l'embou- 
chure ne  devra  pas  èlre  trop  élroil,  ni  les  bords  trop 
minces.  Dans  le  premier  cas,  le  son  est  grêle;  dans 
le  serond,  les  lèvres  se  fatiauent  promplement.  »  Et 
plus  loin,  dans  la  même  méthode,  page  lo  :  «  Il  faut 
aussi  éviter  d'exercer,  sur  les  lèvres,  une  trop  forte 
pression  qui  n'aurait  d'autre  résultat  que  de  les 
paralyser  et  d'empêcher  le  son  de  se  produire  avec 
pureté.  I) 

Il  est  compréhensible  que  les  lèvres  se  fatiguent 
vite  si  c'est  le  degré  de  pression  des  bords  sur  elles 
qui  détermine  la  hauteur  des  sons.  S'il  en  était  ainsi, 
on  pourrait,  sans  inconvénient,  exagérer  la  largeur 
des  bords;  or,  précisément,  cette  exagération  aurait 
pour  conséquence  l'obligation  de  faire  pression; 
tandis  qu'avec  des  bords  trop  minces,  le  simple  appui 
des  lèvres  sur  eux  suffirait  à  les  fatiguer  hâtivement, 
comme  le  dit  Forestier  (voir  plus  loin.  Bords).  Une 
bonne  embouchure  doit  être,  relativement  à  l'instru- 
ment auquel  elle  est  adaptée,  plutôt  large  qu'étroite. 
Pour  obtenir  une  belle  sonorité,  l'embouchure  et  l'ins- 


trument doivent  êlre  construits  d'après  les  mêmes 
principes.  Une  embouchure  à  bassin  curviligne 
iidaptée  à  un  instrument  à  perce  conique,  donne  des 
sons  criards,  secs  et  creux.  Inversemenl,  une  embou- 
chure à  bassin  conique  adaptée  à  un  instrument  à 
perce  cylindrique  donne  de  mauvais  sons  sans  carac- 
tère. On  ne  devrait  jamais  jouer  du  bugic  avec  une 
embouchure  de  cornet,  surtout  avec  celles  générale- 
ment en  usage  aujourd'hui  pour  c«t  instrument.  Une 
embouchure  de  cornet  appliquée  à  la  trompette,  ce 
que  nous  voyons  souvent  faire  par  des  cornettistes 
qui  veulent  jouer  de  la  trompette  sans  en  avoir  fait 
une  étude  sérieuse,  donne  naturellement  de  mauvais 
sons;  mieux  vaudrait  encore,  dans  ce  cas,  jouer 
la  partie  de  trompette  franchement  avec  le  cornet. 
Le  caractère  de  la  trompette  étant  l'éclat,  la  clarté 
du  timbre  et  la  puissance,  il  est  préférable  de  favo- 
riser ces  ([ualilés  dans  le  choix  de  son  embouchure 
avant  de  s'occuper  de  la  facilité  d'émission  des  sons. 
Le  cornet  à  pistons  moderne,  qui  tient  le  milieu 
entre  les  sons  voilés  et  les  sons  clairs,  qui  est  moitié 
bugle,  moitié  trompette,  doit  avoir  une  embouchure 
mixte. 

Attendu  que  l'échelle  des  tonalilés  de  la  trom- 
pette est  excessivement  étendue,  et  que  toutes  les 
trompettes  qui  la  composent  dilFérent  énormément 
entre  elles  quanta  la  longueur  du  tube,  à  la  grosseur 
de  la  perce,  au  volume  d'air  qu'elles  absorbent,  etc., 
pour  tous  ces  motifs,  qui  ne  sont,  en  réalité,  que  la 
conséquence  de  la  longueur  effective  du  tube,  il  est 
indispensable,  croyons-nous,  d'adopter  une  embou- 
chure, sinon  pour  chacune  d'elles,  ce  qui  serait 
exagéré  et  inutile,  mais  pour  chaque  série  de  trom- 
pettes, que  nous  pouvons  diviser  ainsi  :  trompette 
en  fa,  trompette  en  ut,  et  trompette  en  ré,  lorsque 
celle-ci  est  employée  spécialement  pour  les  œuvres 
de  Rach.  Total,  pour  les  trompettistes,  trois  embou- 
chures ne  dilîérant  seulement  que  par  la  forme  du 
bassin  et  le  grain,  et  semblables  (|uant  aux  autres 
parties. 

Eu  principe,  plus  le  ,tube  est  court,  c'est-à-dire, 
plus  Finstrument  est  aigu,  moins  le  bassin  de  l'em- 
bouchure doit  êlre  profond.  .\u  contraire,  plus  l'ins- 
trument est  long  de  tube,  c'est-à-dire  grave  par  sa 
construclion,  plus  le  grain  de  l'embouchure  doit  être 
éloigné  des  lèvres,  et  le  bassin  profond,  [larce  que, 
pour  jouer  dans  legrave,  les  lèvres  pénètrentdavan- 
tage  dans  le  bassin  que  pour  l'aigu.  L'embouchure  du 
trombone  est  pUis  profonde  (quoique  conservant,  ou 
devant  conserver  la  forme  curviligne  qui  distingue 
les  embouchures  de  (rorapettel,  que  celle  de  la  trom- 
pette en  fa,  iiii  -•,  etc.,  parce  que  le  tronibuneioue  dans 
le  registre  grave.  I.,a  trompette  moderne,  plus  courte 
de  tube,  exige,  pour  tirer  de  cet  instrument  toutes  les 
qualités  qu'il  comporte,  une  einboiichure  moins  pro- 
fonde que  celle  de  la  trompette  en  fa.  La  trompette 
en  rc  aigu,  utile  principalement  pour  les  oeuvres  de 
Bac;u,  doit  porter,  pour  cet  usage  spécial,  une  em- 
bouchure encore  un  peu  moins  profonde,  quoique 
cette  trompette  ne  soit  qu'à  un  ton  de  dilFérence  de 
la  trompette  en  ut,  et  que  la  longu&ur  de  leur  tube 
ne  varie  que  d'environ  14  centimètres.  Mais  le  registre 
extraordinairement  aigu  dans  lequel  elle  joue  dans 
ces  occasions  en  fait  une  trompette  spéciale  ;  l'em- 
bouchure doit  donc  être  spéciale  aussi. 

F,n  règle  générale,  il  faut  qu'il  y  ait  équilibre  entre 
les  proportions  de  longueur  du  tube,  de  son  diamè- 
tre, de  la  profondeur  et  de  la  largeur  du  bassin  de 
l'erabouchuTe  et  du  diamètre  de  son  grain,  etc.,  le 


1632 


EACrCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


tout  combiné  de  façon  que  les  sons  qui  en  résultent 
soient  ronds  el  gias,  quels  que  soient  leur  volume  et 
leur  degré  d'élévation  et  de  puissance.  Pour  main- 
tenir cet  équilibre  favorable  à  une  belle  sonorité,  il 
faut  que  toute  modification  à  l'ini  des  facteurs  qui 
composent  l'enihoucbure  (lai'geui' des  bords,  du  bas- 
sin, profondeur  de  l'embouchure,  son  évasement,  dia- 
mètre du  grain,  etc.,)  eiitiaine  une  modilîcaliou  en 
sens  inverse  à  l'un  ou  à  plusieurs  des  autres  facteurs. 

A  une  emboucbure  large  il  faut  un  grain  plus  petit 
ou  un  bassin  moins  profond  ou  moins  creux,  c'est-à- 
dire  dont  le  vide  soit  moins  grand.  Les  bords  larges 
ne  peuvent  être  bons  qu'avec  une  embouchure  à  bas- 
sin étroit,  etc. 

On  ne  peut  fixer  des  dimensions  précises  au  sujet 
des  dilîérentes  parties  qui  composent  l'embouchure. 
Les  règles  que  nous  donnons  ne  sont  qu'approxi- 
matives, et  restent  soumises,  pour  le  plus  ou  le 
moins,  à  la  conformation  de  la  bouche  de  l'instru- 
menliste  et  à  son  tempérament.  Par  exemple,  des 
lèvres  épaisses,  occupant  plus  de  place  dans  le  bassin, 
nécessitent  conséquemmeiit  un  peu  plus  de  profon- 
deur et  de  largeur  de  celui-ci  que  des  lèvres  min- 
ces. Dans  le  premier  cas,  un  bassin  trop  plat  serait 
trop  occupé  par  les  lèvres  qui  ne  laisseraient  pas 
l'espace  vide  nécessaire  à  la  formation  du  son.  Dans 
le  second,  avec  un  bassin  curviligne  trop  profond, 
les  lèvres  laisseraient  un  vide  trop  grand  qui  leur 
causerait  une  fatigue  exagérée,  et  les  briserait. 

Un  instrumentiste  doué  d'une  grande  force  mus- 
culaire et  pulmonaire  peut  faire  usage  impunément 
d'une  embouchure  à  bassin  relalivenient  lariie  el 
profond,  tout  en  conservant  la  iorme  curviligne 
avec  un  gros  grain,  sans  perdre  le  timbre  ni  l'éclat 
de  la  trompette,  mais  c'est  une  exception.  Il  n'en 
serait  pas  de  même  d'un  instrumenlisle  moins 
robuste,  qui  épuiserait  rapidement  ses  forces  avec 
une  embouchure  dont  les  dimensions  seraient  exa- 
f-'érées. 

C'est  donc  unequeslion  assez  délicate  el  complexe 
que  celle  du  choix  d'une  bonne  embouchure.  Il  est 
important  que  ce  choix  soit  judicieusement  fait  de 
bonne  heure,  car  il  serait  préférable  de  ne  plus  en 
changer.  Cependant,  l'inconvénient  est  moins  grave 
qu'on  le  prétend,  et  nous  sommes  persuadé  par 
l'expérience  que  lorsque  l'on  constate  un  obstacle 
invincible  au  progrés,  et  que  l'on  s'est  assuré  que 
cet  obstacle  ne  vient  ni  de  l'insuffisance  ni  du  mau- 
vais procédé  de  travail,  on  doit  porter  son  observa- 
tion sur  l'emboucliure,  et  vérifier  si  elle  réunit  bien 
toutes  les  conditions  qui  conviennent  à  la  conforma- 
tion et  à  la  nature  de  l'instrumentiste. 

Nous  avons  connu,  jadis,  des  élèves  très  studieux, 
bons  musiciens,  qui,  malgré  tous  leurs  etl'orts,  sont 
demeurés  faibles  instrumentistes,  et  se  sont  aperçus, 
malheureusement  trop  tard,  et  par  hasard,  qur  tout 
le  mal  venait  d'une  embouchure  non  a|;ipropriée  à 
leur  tempérament  et  à  la  conformation  île  leur 
bouche. 

L'embouchure  est  la  partie  la  plus  délicate,  celle 
qui  a  la  plus  grande  part  d'influence  sur  la  destinée 
d'un  instrumentiste.  Son  importance  à  cet  égard  est 
supérieure  à  celle  de  l'instrument  lui-même. 

Elle  est  elle-même  un  instrument.  On  ne  saurait 
apporter  trop  de  soins  à  son  choix. 

Nous  disons  donc,  que,  contrairement  aux  affir- 
mations de  quelques  artistes  qui  ont  eu  le  bonheur 
de  réussir,  au  début  de  leurs  études,  à  se  procurer 
une  embouchure  favorable  à  leur  nature,  on  ne  doit 


pas  hésiter  à  en  changer  toutes  les  fois  qu'après  une 
observation  soignée  et  attentive,  avec  des  remarques 
judicieuses,  ou  aura  acquis  la  conviction  que  l'on  est 
fondé  à  le  faire. 

Plusieurs  grands  artistes  de  notre  connaissance, 
trompettistes,  cornetlisteset]cornistes,  en  ontchangé 
nombre  de  fois  pendant  leur  carrière,  sans  que  cela 
ait  nui  à  leur  talent,  .^joutons  cependant  qu'on  ne 
doit  pas  se  hâter,  et  qu'il  faut,  auparavant,  se  rendre 
bien  compte  si  la  gène  qu'on  éprouve  n'est  pas  pas- 
sagère et  si  elle  ne  provient  pas  d'une  cause  étrangère 
(suite  de  surmenage,  insuffisance  de  travail,  état  de 
santé,  etc.).  Même  dans  un  de  ces  cas,  l'erreur  serait 
sans  conséquence.  Il  est  toujours  temps  de  revenir  à 
la  précédente  embouchure  :  ce  n'est  que  l'alfaire  de 
quelques  jours  pour  s'y  habituer  à  nouveau. 

C'est  ici  le  lieu  de  remarquer  encore  que,  si  le 
principe  qui  consiste  à  obtenir  les  dilFérents  degrés 
d'élévation  des  sons  au  moyen  de  la  pression  plus 
on  moins  forte  de  l'embouchure  sur  les  lèvres  était 
vrai,  la  conséquence  logique  et  naturelle  de  ce  fait 
serait  alors  l'obligation  de  garder  à  perpétuité  la 
même  embouchure,  loi's  même  qu'on  la  reconnaîtrait 
défectueuse,  caries  fibres  étant  brisées  par  cette  pres- 
sion, à  l'endroit  précis  où  appuient  les  bords,  on  ne 
pourrait  impunément  recommencer  cette  opération 
sur  un  autre  point;  on  concevrait  alors  que  tout 
changement  de  diamètre  du  bassin  pourrait  être  dé- 
sastreux. Heureusement,  il  n'en  est  pas  ainsi;  nous  en 
donnons  une  preuve  incontestalile  en  disant  que  l'on 
peut  obtenir  les  sons  de  toute  l'échelle,  de  ceux  de  la 
l.rninpelte  on  dncornel.en  plaçant  l'instrument  sur 
iinu  table,  nu  simplement  sur  le  dos  de  la  main,  et 
sans  autrement  toucher  à  l'instrument.  Dans  cette 
expérience,  il  ne  peut  y  avoir  pression.  11  est  vrai 
aussi  que  les  sous  ainsi  obtenus  ne  seraient  pas 
convenables  à  une  exécution,  mais  il  faut  reconnaî- 
tre que  non  seulement  il  n'y  a  pas  pression,  mais 
qu'il  manque  même,  dans  ce  cas,  le  point  d'appui 
nécessaire  qui  doit  permettre  aux  lèvres  de  résistera 
la  poussée  de  l'air. 

Nous  le  répétons,  il  est  préférable,  en  principe, 
d'adopter,  pour  les  trompettes  aiguës,  une  embou- 
chure relativement  grande,  mais  peu  profonde,  avec 
un  bassin  de  forme  curviligne  plus  caractérisée  que 
pour  la  trompette  en  fn;  un  peu  évasée,  c'est-à-dire 
légèrement  arrondie  à  l'intérieur  du  bassin,  et  avec 
un  grain  plutôt  largo  (pi'élroit.  Par  ce  moyen,  le 
gros  grain  donne  l'ampleur  du  sou  ;  la  forme  du  bas- 
sin donne  le  timbre,  l'éclat  et  le  mordant  de  la 
trompette  en  facililant  l'ai;ru;  l'évaseinent  du  bassin 
donne  au  son  la  rondeur  que  le  timbre  métallique 
et  l'éclat  pourraient  lui  ôter.  L'embouchure  profonde 
et  conique  est  propre  à  donner  les  sons  voilés  et 
doux;  elle  facilite  l'émission  des  sons,  diminue  les 
dangers  de  couacs,  mais  augmente  la  fatigue  pour 
jouer  dans  l'aigu,  dans  la  nuance  fortissimo;  c'est 
poui'  ce  motif  que  son  grain  doit  être  plus  petit, 
l'ampleur  du  son  se  trouvant  oljtenue  par  la  profon- 
deur du  bassin. 

C'est  une  erreur  très  répandue  de  croire  qu'une 
embouchure  petite,  à  bassin  étroit,  facilite  l'aigu. 
Seuls,  la  forme  intérieure  du  bassin,  c'est-à-dire  son 
peu  de  profondeur  et  le  principe  curviligne,  combinés 
avec  la  grosseur  du  grain,  exercent  une  iniluence 
à  ce  sujet.  Quant  à  la  largeur  du  bassin,  elle  n'a 
aucun  inconvénient,  si,  comme  nous  l'avons  expli- 
qué, il  y  a  compensation  en  sens  inverse  sur  la 
profondeur. 


TECHNIQUE,  ESTIIÈTIorE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  TROMPETTE  ET  LE  CORNET    16.33 


Les  Jiinansioiis  intérieures  de  l'embouchure  ont 
une  inlluence  appréciable  sur  le  diapason  de  l'ins- 
trument. La  prol'oiideur  du  bassin,  sa  largeur  ainsi 
que  la  grosseur  du  grain,  sont  autant  de  causes  qui 
le  font  baisser. 

Lne  embouchure  dont  la  forme  intérieure  n'est 
pas  en  conformité  avec  celle  de  la  perce  de  l'instru- 
ment, non  seulement  dénature  le  son,  de  celui-ci,  mais 
elle  le  fausse,  soit  dans  l'aigu,  soit  dans  le  grave. 

La  longueur  totale  d'une  embouchure  de  trompette, 
y  compris  la  queue,  peut  varier  de  8  à  9  centimètres 
pour  les  trompettes  anciennes.  Pour  les  trompettes 
aiguës,  elle  peut  être  réduite  sans  inconvénient  à 
7  centimètres.  Pour  le  plus  ou  le  moins,  c'est  au 
fabricant  d'instruments  à  en  décider,  d'après  les 
combinaisons  qu'il  a  établies  dans  la  branche  d'em- 
bouchure. 

L'embouchure  du  cornet  à  pistons  possède  une 
longueur  totale  d'environ  67  millimètres. 

Le  diamètre  extérieur  d'un  bord  à  l'autre,  pour  la 
trompette  comme  pour  le  cornet,  est  en  moyenne  de 
26  à  27  millimètres. 

Les  bords. 

Les  bords  de  l'embouchure  sont  la  partie  sur  la- 
quelle s'appuient  les  lèvres.  Nous  avons  expliqué,  en 
traitant  de  l'embouchure,  la  nature  et  le  degré  de  cet 
appui.  Les  bords  sont  larges,  étroits  ou  moyens.  Ceux 
qui  préconisent  les  bords  larges  se  basent  sur  le  fait 
qu'ils  meuririsseut  moins  les  lèvres,  et,  de  ce  fait, 
pernieltent  déjouer  plus  longtemps. 

Ils  auraient  raison  si  les  divers  degrés  d'élévation 
des  sons  s'obtenaient  au  moyen  d'une  plus  ou  moins 
grande  pression  de  l'embouchure  sur  les  lèvres,  mais 
nous  avons  prouvé,  à  l'article  Emboiichuri\  qu'il  eu 
est  autrement.  De  plus,  les  bords  larges  emprison- 
nent trop  les  lèvres,  leur  retirent  leur  souplesse  et 
exigent  un  appui  plus  fort.  Ensuite,  les  sons  obtenus 
ainsi  manquent  en  général  de   finesse  et  de  netteté. 

Les  partisans  des  bords  minces  font  valoir,  avec 
juste  raison,  que  les  lèvres  se  trouvent  plus  libres 
dans  leurs  mouvements,  que  leur  souplesse  est  plus 
favorisée,  et  que  les  sons  qui  eu  résultent  sont  meil- 
leurs. Ce  serait  donc  parlait  s'il  s'agissait  de  jouer 
toujours  dans  le  gi-ave  ou  le  médium  ;  mais,  pour  laigu 
et  la  force,  les  lèvres,  plus  tendui'S,  s'appuyant  davan- 
tage sur  les  bords,  se  paralyseraient  ti'op  vite,  surtout 
dans  les  notes  tenues  avec  force,  si  le  point  d'appui 
était  trop  étroit  Kestent  donc  les  bords  moyens  qui 
réunissent  le  mieux  les  conditions  assurant  l'équilibre 
nécessaire  à  une  bonne  exécution. 

Indépendamment  de  la  largeur  des  bords,  il  y  a 
aussi  la  forme  de  leur  surface.  Celle-ci  peut  être 
ronde,  plate  ou  mixte.  De  même  que  pour  la  largeur, 
une  forme  mixte  est  seule  pratique  avec  une  largeur 
moyenne.  Les  bords  plats  paralysent  l'action  des 
lèvres,  et  les  bords  ronds  ne  présentent  qu'une  sur- 
face réelle  d'appui  très  minime  qui  les  rend  compa- 
rables aux  bords  minces,  quelle  que  soit  leur  largeur. 
Gomme  eux,  ils  briseraient  les  lèvres  dans  l'aigu  et 
la  force.  Ils  doivent  présenter  une  surface  mi-ronde, 
mi-plate,  c'est-à-dire  avoir  l'extrémité  de  chaque 
côté  légèrement  arrondie,  de  façon  qu'il  n'y  ait  pas 
d'arête,  et  que  les  lèvres  puissent  se  mouvoir  et  glisser 
librement. 
Tous  ces  détails  ne  sont  indiqués  que  comme  règle 

générale,  qui  peut  comporter  des  exceptions  selon 

la  conformation  de  la  bouche  du  trompettiste.  La 

Copyright  by  Librairie  Delagrave,  1935. 


moyenne  de  la  largeur  des  bords  est  de  quatre  milli- 
mètres pour  la  trompette  comme  pour  le  cornet. 

Dans  le  but  d'atténuer  la  dureté  des  bords  sur  les 
lèvres,  on  a  inventé,  il  y  a  quelques  années,  des  bords 
en  caoutchouc  que  l'on  a  fixés  sur  des  embouchures 
de  métal  ou  de  verre.  Mais,  à  notre  avis,  les  lèvres, 
ayant  besoin  de  liberté  pour  se  mouvoir  à  l'aise,  glis- 
sent mieux  sur  une  surface  lisse  et  dure  comme  le 
métal  que  sur  le  caoutchouc. 


BstSHÎn. 

On  nomme  bassin  la  cavité  de  la  partie  supérieure 
de  l'embouchure  de  forme  conique,  ovale  ou  curvi- 
ligne, qui  reçoit  le  choc  de  l'air  expulsé  par  la  bou- 
che, et  dans  laquelle  se  formeot  les  ondes  so:ior.-s. 

Le  bassin  remplit  la  fonction  la  plus  importante 
de  toutes  celles  qui  concourent  à  la  qualité  et  à  l'é- 
mission des  sons.  C'est  de  sa  forme  et  de  ses  dimen- 
sions que  dépendent,  en  grande  partie,  le  volume, 
le  timbre,  la  puissance,  l'éclat  ou  la  douceur,  la  clarté 
ou  le  voile  des  sons.  Il  contribue  puissamment  à  faci- 
liter soit  l'aigu,  soit  le  grave. 

Non  plus  que  pour  les  bor.ls,  nous  ne  pouvons 
donner,  pour  le  bassin,  des  dimensions  exactes,  puis- 
qu'elles dépendent,  en  partie,  de  la  conformation  et 
du  tempérament  de  l'instrumentiste.  Cependant,  l'ex- 
périence nous  a  démontré  que  la  largeur  moyenne 
permettant  de  donner  à  la  forme  du  bassin  toutes 
les  qualités  nécessaires  à  la  nature  des  sons  que 
l'rnstrumenl  doit  produire,  est,  au  minimum,  celle 
d'une  pièce  de  50  centimes  française  (environ  18  mm.), 
pénétrant  dans  le  bassin  et  en  remplissant  exacte- 
ment l'orifice.  C'est  la  largeur  convenable  aux  lèvres 
minces.  Les  lèvres  plus  fortes  se  trouvent  très  bien 
d'un  bassin  que  fermerait  hermétiquement  une  pièce 
de  10  fr.  française  en  y  pérrétrant.  Certaines  confor- 
mations peuvent  s'accommoder  d'une  largeur  encore 
[dus  grande,  si  elles  sont  associées  à  une  constitu- 
tion robuste.  La  largeur  du  bassin  peut  donc  varier 
de  17  à  19  mm. 

En  principe,  les  bassins  larges  donnent  une  plus 
lii-lle  qrralité  de  son,  et  les  lèvres  y  sont  plus  à  l'aise 
pour  en  varier  les  degrés  par  leurs  mouvemenls. 


Crrain. 

Le  grain  est  l'endroit  précis  où  la  cavité  de  l'em- 
bouchure est  réduite  à  son  plus  petit  diamètre.  Il 
est  ordinairement  à  la  base  même  du  bassin;  un  peu 
plus  ou  un  peu  moins  éloigné;  il  relie  le  bassin  à  la 
queue  qui  pénètre  dans  la  branche  d'embouchure. 
C'est  le  grain  qui  réunit,  en  les  pressant,  les  ondes 
sonores  formées  dans  le  bassin,  et  donne  au  son  la 
fermeté,  la  tension  et  le  mordant.  La  grosseur  ou  la 
maigreur  des  sons  dépend,  en  partie,  du  diamètre 
du  grain,  lequel  est,  en  moyenne,  de  5  millimètres, 
pour  la  trompette  comme  pour  le  cornet. 

Comme  toutes  les  autres  parties  qui  composent 
l'embouchure,  il  doit  être  soumis  à  l'ensemble  des 
autres  proportions  de  forme  du  bassin  et  à  la  lon- 
gueur du  tuyau  effectif  de  l'instrumenl.  Un  grain 
large  ne  peut  s'appliquer  logiquement  à  un  bassin 
très  profond;  inversement,  un  bassin  de  faible  cavité 
exige,  comme  compensation,  un  grain  d'un  diamètre 
plus  développé.  Le  plus  ou  moins  d'évasement  du 
bassin  doit  entraîner  également  une  modification  du 
grain  en  sens  inverse. 

103 


1634 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MVSIQl'E  ET  DlCTIOSNArRE  DU  CONSERVATOIRE 


La  coiilormation,  ou  plutôt  la  force  physique  de 
l'instrumentiste,  peutpermettre  ou  exiger  une  modi- 
fication à  ce  princip'-.  Un  instrumentiste  doué  d'une 
force  au-dessus  de  la  moyenne  peut  et  doit  appli- 
quer à  son  embouchure  un  grain  plus  développé,  par 
la  raison  que,  de  rai'me  qu'un  bassin  d'une  bonne 
largeur,  un  grain  phitût  large  qu'étroit  favorise  la 
belle  qualité  des  sons;  mais  c'est  à  la  condition  de 
posséder  une  force  physique  suflisante  pour  utiliser 
ses  développements  et  les  nourrir,  si  l'on  peut  s'ex- 
primer ainsi;  sinon,  les  sons  qui  en  résulteraient  ne 
seraient  que  larges  et  gros,  mais  vides,  creux,  secs 
et  sans  portée. 

Pl;icciiieiil  de  l'eiiibouchare  sur  les  lèvres. 

11  y  a  peu  de  chose  à  dire  sur  la  position  de  l'em- 
bouchure sur  les  lèvres.  Instinctivement,  on  la  pose  de 
la  manière  la  plus  avantageuse.  La  plupart  des  pro- 
fesseurs qui  donnent  des  conseils  à  ce  sujet  se  pren- 
nent pour  modèles,  et,  cependant,  ils  n'ont  pris  eux- 
même,  en  général,  conseil  que  de  la  nature.  On  doit 
donc  choisir,  avant  tout,  la  position  la  plus  naturelle 
et  la  plus  favorable  à  l'émission  des  sons.  Le  plus 
grand  nombre  pose  l'einliouchnre  un  tiers  sur  la 
lèvre  supérieure  et  deux  tiers  sur  la  lèvre  inférieure. 
HorizontalemenI,  elle  est  généralement  à  peu  prés 
placée  au  milieu.  .Mais  il  y  a  de  célèbres  exceptions 
qui  prouvent  qu'il  n'y  a  pas  de  règles  absolues  à  ce 
sujet.  FoBKSTiER  et  Arban  ont  été  d'avis  différents. 
Le  premier  conseille  la  position  deux  tiers  sur  la 
lèvre  supérieure  et  un  tiers  sur  la  lèvre  inférieure;  le 
second  recommande  le  contraire.  Chacun  d'eux  donne 
nalurellement  la  préférence  à  la  position  adoptée 
par  lui-même. 

Pour  notre  part,  nous  nous  bornerons  à  dire  que, 
sans  nous  être  laissé  influencer  par  aucun  conseil, 
autre  que  celui  de  la  nature,  nous  avons  adopté  la 
position  indiquée  par  Arb.a.n.  Par  la  raison,  peut- 
être,  que  c'est  la  nôtre,  cette  position  nous  semble 
préférable  pour  une  conformation  de  bouche  ordi- 
naire. Il  nous  paraît  aussi  que  la  lèvre  inférieure  est 
généralement  plus  agile  et  plus  forte  pour  exécuter 
les  mouvements  subtils  et  rapides  qu'exigent  les 
divers  degrés  des  sons.  Pour  ce  motif,  nous  donne- 
rions la  préférence  à  la  position  qui  laisse  plus  de 
liberté  d'action  à  cette  dernière  ,  c'est-à-dire  à  la 
position  deux  tiers  sur'  la  lèvre  inférieure.  Mais,  nous 
le  répétorrs,  nous  n'osons  en  faii'e  une  règle  absolue. 

Lèvres, 

Les  lèvres,  pour  le  jeu  des  instruments  de  cuivi'e, 
sont  à  la  fois, concurremment  avec  le  souftle,ce  que 
l'archel  et  les  doigts  sont  aux  insirumenis  à  cordes. 
Ce  ri'est  pas  par  erreur  que  nous  disons  les  doigts. 
En  elfel,  si,  dans  le  jeu  des  instruments  à  archet,  les 
doigts  ont  une  part  d'iniluerrce  directe  sur  la  qualité 
et  l'expression  des  sons,  ils  n'en  ont  aucune  sur  les 
sons  de  la  trompette  et  du  cornet,  et  leur  action  se 
borne  au  fonclioimement  des  pistons;  hors  de  là, 
leur  action  est  nulle. 

Les  lèvres  constituent  l'élément  le  plus  important, 
l'organe  le  plus  précieux,  et  dorrt  la  qualité  a  la  plus 
grande  intluence  dans  l'art  de  jouer  de  la  trompelte 
et  du  cornet. 

Les  lèvres  sont  plus  ou  moins  douées  de  force  et 
de  souplesse,  et  cela  ne  dépend  ni  de  leur  épaisseur 


ni  de  leur  finesse.  Nous  n'affirmerions  pas  que  des  • 
lèvres  minces  fussent  favorables  au  jeu  des  instru- 
ments de  basse,  mais  nous  pouvons  assurer  que  des 
lèvres  grosses  ou  minces  peuvent  être,  les  unes  et 
les  autres,  excellentes  pour  jouer  de  la  trompette  ou 
du  cornet. 

Leurs  qualités  ne  viennent  pas  de  leur  forme,  mais 
de  la  force  des  muscles  de  toute  la  face.  Cette  force    , 
est  plus  ou  moins  naturelle  et  peut,  dans  une  mesure    \ 
importante,  abréger  le  temps  des  premières  études.    ' 

Les  bonnes  lèvres  sont  celles  (]ui  permettent,  non 
seulement  de  jouer  avec  une  facilité  relative  dans 
l'aigu  aussi  bien  que  dans  le  grave,  mais  qui  don- 
nent à  ceux  qui  en  sont  possesseurs,  la  faculté  de 
jouer  longtemps  sans  fatigue  excessive. 

lutoiiation. 

L'inlonation,  dans  la  signification  que  nous  don- 
nons ici  à  ce  mot,  était,  sinon  la  plus  grande,  du 
moins  une  des  principales  difficultés  du  jeu  des  trom- 
pettes anciennes,  et  notamment  des  trompetles  chro- 
matiques anciennes  (voir  Pistons). 

Difficulté  qui,  si  elle  avait  élé  comprise  des  audi- 
leurs  de  l'époque,  aurait  rendu  ces  derniers  .peut- 
être  plus  indulgents  lorsqu'il  arrivait  un  accident 
à  un  trompettiste.  Avec  les  trompettes  simples,  on 
n'avait  en  main  qu'un  seul  instrument  à  la  fois, 
instrument  ingrat  au  point  de  vue  des  lèvres  et  de 
leur  précision;  mais  l'oreille  pouvait,  par  une  étude 
approfondie,  s'habituer  aux  intonations  de  chaque 
ton  ou  corps  de  rechange.  D'autant  plus,  qu'au  moyen 
de  la  transposition,  on  pouvait  toujours  donner  aux 
noies  leurs  noms  réels,  n'ayant  pas  à  s'occuper  du 
doiglé.  Par  ce  moyen,  la  difficulté  de  s'assimiler  les 
intonations  d'une  douzaine  de  Ions  était  r'emplacée 
par  celle,  incomparablement  moindre,  de  la  transpo- 
sition. 

Mais,  avec  les  tr'ompeltes  à  pistons,  ce  moyen 
n'était  pas  applicable,  ou  bien  il  aurait  entraîné  l'obli- 
gation d'étudier  un  doigté  différent  pour  chaque  ton; 
ce  remède  eiU  été  pire  que  le  mal. 

.Soyons  donc  justes  envers  nos  prédécesseurs;  si, 
de  leur  temps,  les  parties  de  trompettes,  comme 
celles  des  autres  instruments,  dans  les  orchestres, 
étaient  moins  compliquées  que  de  nos  jours,  les 
difficullésélaienldiiréi'entes,  mais  toutaussi  grandes, 
et  les  accidents  étaient  beaucoup  plus  inévitables. 

I.,a  trompette  moderne,  se  jouant  principalement 
en  7//,  n'olfre  pas  la  dilliculté  d'une  intonation  parti- 
culière. Quant  à  ses  ton  s  de  rechange,  ils  ne  s'éloignent 
guère  du  ton  d'iit,  et,  de  plus,  les  harmoniques  utili-l 
ses  de  ces  tons  aigus  étant  moins  nombr'eux  et  plusl 


espacés  jusqu'au  : 


i*L. 


il  en  résulte  une  plusl 


grande  sûreté  ou  pi'écision,  tandis  que,  sur  les  tromi 
petles  chromatiques  anciernies,  les  harmoniques  sel 
succédant  diatoniquement  commencent  au  : 


en  montant.  En  outre,  les  émissions  se  font  avec  plus 
de  srireté  dans  un  tube  court  de  trompette  aiguë  que 
dans  un  tube  long,  jouant  dans  le  même  registre. 


TECHNiniE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  TROMPETTE  ET  LE  CORNET    HiîS 


Éiui.ssion. 

Les  émissions  des  sons  sonl  di;  deux  sortes  :  l'at- 
tai|ue  et  la  pose  du  son.  Elles  comportent  chacune 
de  telles  modifications  que  l'on  peut  passer  de  l'at- 
taque la  plus  violente,  la  plus  dure,  à  la  pose  du  son 
la  plus  moelleuse  par  degrés  presque  imperceptibles. 
Le  mot  attaque  signifie  une  émission  brusque,  plus 
ou  moins  dure  et  plus  ou  moins  violente,  tandis  que 
l'expression  poser  le  son  indique  une  émission  chan- 
tante, c'est-à-dire  plus  ou  moins  tendre  ou  moelleuse, 
selon  le  sentiment  que  l'on  veut  exprimer. 

Ces  deux  sortes  d'émission  sont  expliquées  et  étu- 
•diées  dans  la  méthode  de  trompette  et  de  cornet  à 
pistons  de  Merri  Franquin. 

Doigté* 

Le  système  des  pistous  est  descendant  sur  la  trom- 
pette et  le  cornet;  il  s'indique  par  les  numéros  1,  2,  3, 
l'index  étant  posé  sur  le  piston  1.  Le  premier  baisse 
d'un  ton,  le  deuxième  d'un  demi-Ion,  le  troisième 
d'un  ton  et  demi.  Par  leurs  combinaisons,  on  obtient 
toute  la  gamme  chromatique.  Le  système  ne  pouvant 
baisser,  en  totalité,  que  de  trois  tons,  la  progression 
descendante  se  limite  forcément  à  la  quinte  dimi- 
nuée du   son   2    des    harmoniques  de    l'instrument 


simple,  c'est-à-dire  au  : 


z     sur  les   trom  ■ 


iJ^ 


peltes  modernes  et  le  cornet,  et  au  :    -*^r 


1^ 

sur  les  trompettes  anciennes,  la  fondamentale  ou 
son  1  n'étant  usitée  sur  aucune  espèce  de  trompette, 
ni  sur  le  cornet.  (Voir  tableau  des  tonalités.) 

La  plupart  des  notes,  sur  les  trompettes  anciennes, 
pouvant  se  produire  au  moyen  de  plusieurs  doigtés 


dilférents,  on  avait  (l'abord  choisi  le  plus  simple  et  le 
plus  facile.  Plus  tard,  on  modifia  le  doigté  à  l'avan- 
tage de  la  justesse. 

A  l'or'igine  de  leur  invention,  on  évitait  l'abaisse- 
ment simultané  de  plusieurs  pistons,  sauf  à  partir 


du  : 


et  au-dessus.  C'est  ainsi  que  : 


:i^-ir^HT^ 


sur  la  trompette,  se  faisaient,  l'une  avec  le  preminr 
piston,  et  l'autre  avec  le  deuxième.  Ces  deux  notes 
sont  les  plus  scabreuses  sur  les  trompettes  anciennes, 
avec  le  doigté^  usuel.  Elles  sont  plus  faciles  avec 
l'emploi  d'un  seul  piston;  mais,  faites  ainsi,  elles 
sont  trop  basses,  en  leur  qualité  de  septième  harmo- 
nique, de  même'que  le  si'b  de  la  trompette  simple. 
Les  trompettistes  évitaient  ainsi  une  difficulté  pour 
tomber  dans  une  autre.  La  nécessité  de  hausser  les 
sons  par  le  moyen  des  lèvres,  à  moins  de  se  résigner 
à  jouer  faux,  était  une  cause  de  couacs,  tout  comme 
l'allongement  du  tube  actif  par  l'emploi  des  pistons, 
et  encore,  malgré  l'etfort  des  lèvres,  la  justesse  obte- 
nue n'était  qu'approximative,  la  dillicullé  elles  dan- 
gers de  couacs  étant  plus  grands  pour  hausser  que 
pour  baisser.  Cet  usage  venait  du  début  de  l'invention 
du  système,  alors  qu'il  était  à  deux  pistons.  On  a 
continué  longtemps  à  employer  ce  doigté;  on  ne  fai- 
sait usage  du  troisième  piston  que  lorsqu'on  ne  pou- 
vait faire   autrement,  c'est-à-dire  dans  le   registre 


i'rave  seulement 


2  2      11 

3  3     î        2 

3 


Doigté  de  la  troiupelte  moderne  et  da  cornet. 


Théorique 

I    0     I      I      z     0 


liûigté  exceptionnel 


Doigté  usuel 


Doigté  de  la  trompette  ancienne. 


_,        ;'-l?1-l>n^33        Q1^,„Z1120      1      1     2    0    12    0      2     1      1      2    0     2°^°%^'' 

^y^H-H-T^ .:  M 1..,..  Il  I  'ii,,L^^ 

Doigte  exceptionnel  »^  "^tt  ,    ,"311121122.323       3        ^\  T 

3  2\  233233Î51  l  i* 

333  2  3  L 


11  existe  encore  d'autres  doigtés  inutilisables,  soit 
à  cause  de  la  difficulté  ou  de  leur  manque  de  justesse. 

C'onac  (accident). 

L'accident  que  l'on  nomme  vulgairement  couac,  si 
fréquent  autrefois  sur  la  trompette  et  le  cor,  devenn 


rare  aujourd'hui,  est  le  résultat  d'une  impréci^dn 
de  la  tension  des  lèvres  dans  l'émission  du  son.  Celle 
imprécision  est  souvent  causée  elle-mé;ne  par  celle 
de  l'oreille  ou  par  l'accord  défectueux  des  conliv.ses 
de  l'instrument.  Lue  fausse  position  .le  l'embouihure 
sur  les  lèvres,  des  lèvres  insuflisammnnt  préparées, 
provoquent  aussi    le    couac.    Plusieurs   conditions 


1630 


EKCYCI.OPÈDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOS S'AIRE  IW  CONSERVATOIKE 


peuvent  concourir  à  auf^raeriter  ou  a  diminuer  .e 
danser  •  une  embouchure  étroite,  un  ^raai  petit, 
une  petite  perce  relativement  à  la  longueur  du  tuyau, 
un  son  mince  ou  anguleux,  sont  des  causes  qui  favo- 
risent cet  accident. 

Coup  de  lansue  ou  articulations. 

L'espression  usuelle  coup  de  lamjue  est  inexacte. 
La  langue  ne  produit  pas  le  son;  elle  précise  la  net- 
teté des  émissions  et,  selon  sa  position  dans  Li 
bouclie,  contribue  à  l'ampleur  et  à  la  qualité  des 
sons.  Elle  exécute  les  diverses  articulations,  mais 

elle  ne  trappe  pas.  .      .        ,   ,,  , 

Nous  nous  conformons,  néanmoins,  a  1  usage  de 
ceite  appellation  qui  a,  du  moins,  Tavantage  de  la 
simplicité  et  qui  exprime  l'elfet  produit  sur  I  oreille. 

11  y  a  deux  espèces  de  coups  de  langue  :  le  coup  de 
-  langue  simple  et  le  cmp  de  langue  compose 

Le  coup  de  langue  simple  comprend  le  d'Haché  or- 
dinaire, le  staccato  et  le  coup  de  langue  dans  le  son, 
ainsi  nunim  ■  parce  que  les  sons  sont  allonges  les 
uns  vers  les  autres  et  presque  liés;  on  1  appelle  aussi 
détaché  d'ins  le  son,  ou  bien  détaché. 

La  syllabe  ta,  prononcée  avec  plus  ou  moins  aa 
sécheresse,  de  dureté  ou  de  douceur,  doit  èlre  uni- 
quement employée  pour  la  première  espèce  :  coup 

de  langue  simple.  , 

1  a  seconde  espèce,  le  coup  d>i  langue  compose  est 
formée  du  coup  de  langue  binaire  et  du  coup  detan- 
que  ternaire,  appelés  aussi,  tous  deux,s(acç<i/o.  Cette 
dernière  appellation  est  insuffisante  et  impropre, 
attendu  que,  de  même  que  le  coup  de  langue  simple, 
le  coup  de  langue  composé  se  fait  avec  plus  ou  moins 
de  sécheresse  ou  de  lié,  de  dureté  ou  de  douceur;  il 
comporte,  comme  le  premier,  le  détache  ordinaire, 
le  staccato,  et  le  coup  de  langue  dans  le  son  ou  lie 

A  pin  Plié 

Le  coup  de  langue  binaire  s'obtient  au  moyen  de  la 
prononciation  des  syllabes  ta  et  Aa  alternativement  • 
ta  ka  ta  ka  ta.  Celte  articulation  permet  de  réaliser 
une  grande  vélocité,  du  l'ail  que  la  langue  ne  vient 
loucher  les  dents  que  pour  la  syllabe  la,  c'est-à-dire 
qu'elle  ne  fait  qu'un  seul  mouvement  en  avant  pour 
la  production  de  deux  notes,  la  syllabe  ka  résullanl 
presque  entièrement  du  recul  de  la  langue  dans  la 
prononciation  ta,  à  tel  point  qu'on  est  obligé  de  la 
retenir,  pour  ainsi  dire,  pour  éviter  l'inégalité.  Dans 
son  second  mouvement  en  avant,  vers  les  dents  , 
pour  la  répétition  de  la  syllabe  (<i,  elle  prononce  alors 
te  ta  d'un  seul  coup.  De  cette  alternance,  résulte  une 
économie  de  temps  qui  se  traduit  par  une  grande 
vélocité,  impossible  à  obtenir  avec  le  coup  de  langue 
simple. 

La  syllabe  ka,  même  isolée,  produit  le  son,  mais 
elle  n'est  applicable  qu'intercalée  entre  deux  ta. 
Exemple  :  ta  ka  ta,  sinon  l'émission  est  défectueuse; 
mais,  en  alternant  les  deux  syllabes,  on  arrive,  avec 
l'élude,  à  les  rendre  absolument  égales,  au  point  de 
confondre  le  coup'  de  langue  composé  avec  le  coup 
Je  langue  simple,  ce  qui,  d'ailleurs,  doit  être  le  but 
de  son  étude.' 

Le  coup  de'langue  composé  était  appelé,  primiti- 
vement, double  et  triple  coup  de  langue,  selon  qu'il 
était  binaire  ou  ternaire  : 


~^        taka  ta  la  ta 


ta  ta  la  ta  ta  lia  ta 


puis,  staccato  binaire  ou  ternaire. 

Le  coup  de  langue  ternaire,  appelé  autrefois  coup 
de  langue  de  trompette  (on  prononçait  alors  :  ta  da 
ga  da)  estcomposé  des  syllabes  M  ou  da  et  y»,  avec  la 
dillérence  qu'au  lieu  d'alterner  régulièrement,  on 
prononce  deux  la  pour  un  ka  :  ta  la  ka  ta  ta  A".  La 
vélocité  ainsi  obtenue  est  presque  égale  à  celle  du 
coup  de  langue  binaire.  En  effet,  les  trois  syllabes  la 
ta  ka,  s'obtiennent  avec  une  grande  rapidité. 

Cette  articulation  est  appelée  aujourd'hui,  par 
abréviation,  simplement  coups  de  langue.  On  dit  : 
tel  passage  ne  peut  s'exécuter  qu'en  coups  de  langue; 
ce  qui  signifie  que,  seul,  le  coup  de  langue  composé 
permet  d'atteindre  le  degré  de  vitesse  voulue. 

Respiration. 


1.  Nous  croyons  iiiulilc'ti'iippelpi-  l'.iUention  des  élèves  sur  les  mou- 
V'ïmeiits  qu'exécule  la  lau^'ue  dans  ces  artii-ulalion»,  ces  mouyements 
étant  eiactcnient  les  mêmes  que  pour  le  parler. 


Expliquer  tous  les  mouvements  des  organes  qui 
concourent  à  ,1a  respiration  serait  une  tâche  super- 
flue ici.  Une  preuve,  entre  autres,  qu'une  telle  expli- 
cation serait  inutile,  c'est  que  les  professeurs  qui  en 
ont  traité,  chanteurs  et  instrumentistes,  sont,  en  géné- 
ral, en  complet  désaccord  entre  eux.  Nous  ne  pren- 
drons parti  ni  pour  les  uns  ni  pour  les  autres,  mais, 
nous  basant  comme  eux  sur  notre  propre  expérience, 
nous  dii'ons  que,  dans  l'action  de  respirer,  nous  en 
pensons  qu'au  but  sans  nous  occuper  des  moyens 
que  la  nature  se  charge  de  trouver  plus  sûrement 
que  nous  ne  le  ferions  nous-même.  Nous  respirons  à 
fond  sans  nous  soucier  si  l'air  que  nous  respirons  va 
dans  le  diaphragme  ou  dans  les  poumons. 

Il  nous  suffit  d'en  emmagasiner  la  plus  grande 
quantité  possible;  que  ce  volume  d'air  dilate  la  poi- 
trine ou  agisse  sur  le  diaphragme,  peu  importe,  du 
moment  qu'il  s'échappe  nalurellement  avec  force, 
dans  l'expirai  ion,  sans  la  moindre  iiression  volontaire 
(sauf  pour  le  forli:isiiiio),  par  la  seule  tendance  qu'ont 
les  organes  dilatés  à  reprendre  leur  position  nor- 
male, les  lèvres  étant  chargées  de  régler  la  sortie  de 
l'air.  (.IJ^^/iorfe  Eranquin.) 

Beaucoup  de  gens  croient,  h  tort,  que  le  jeu  des 
instruments  de  cuivre  est  nuisible  à  la  santé  des 
constitutions  faibles.  C'est  là  une  erreur  que  l'expé- 
rience signale  tous  les  jours  par  de  nombreux 
exemples,  car,  bien  des  jeunes  gens  d'apparence  ché- 
tive  ont  vu  leur  tempérament  se  fortifier  par  l'usage 
d'un  de  ces  instruments.  Tandis  que  l'effet  contraire 
n'a  jamais  été  constaté.  S'il  est  arrivé,  par  hasard, 
quebpie  accident  regrettable  à  l'un  de  ces  profes- 
sionnels, il  n'a  jamais  été  imputable  à  la  pratique 
raisonnable  du  jeu  de  l'instiument.  Comme  dans 
toute  chose,  le  surmenage  peut,  avec  le  concours 
d'autres  circonstances  malheureuses,  contribuer  sans 
doute  à  altérer  la  santé,  mais  cette  conséquence  est 
commune  à  tous  les  genres  d'exercices. 

Nous  croyons,  à  ce  sujet,  devoir  reproduire  ici 
l'opinion  de  Forestier  {Méthode  de  cornet  à  pistons)  : 
«  C'est  une  erreur  de  croire  que  les  instruments  à 
vent  fatiguent  la  poitrine  :  c'est  là  un  vieux  préju"é 
qui  a  fait  son  temps,  et  les  médecins  reconnaissent 
aujourd'hui  que  l'exercice  de  la  respiration,  bien 
dirigé  et  sagement  pratiqué,  loin  de  nuire  à  la  sarité 
générale,  peut  au  contraire  développer  une  poitrine 
faible  et  lui  donner  la  force  et  l'énergie  qui  lui  font 
défaut.  En  effet,  le  poumon  est  comme  un  soufflet 
qui  injecte  l'air  dans  le  sang. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  TROMPETTE  ET  LE  CORNET    1637 


/  «  L'élude  ilo  riiisirunient,  en  obligeant,  h  prerulre 
■  de  longues  respiiations,  donne  aux  nionvements  tho- 
(raciqiies  la  force  et  l'ampleur  qui  manquent  anx 
estomacs  débiles.  Kn  nn  mot, cette  sorte  de  gymnas- 
tique interne  produit  sur  les  organes  respiratoires 
i  les  ell'ets  bienCaisants  que  la  gymnastique  usuelle 
•  produit  sur  les  memlires.  » 

Arninre. 

!     11  a  loujours  été  d'usage   de  ne  pas  mettre  d'ar- 
1  mure  à  la  clef  pour  les  anciennes  trompettes.  Ce 


principe  était  préférable  par  la  raison  que,  bien  son- 
vent,  ces  parties  étaient  transposé.-s.dans  les  orches- 
tres, au  moyen  d'un  ton  pins  favorable  que  le  ton 
indiqué,  ce  à  quoi  n'ont,  sans  doute,  pas  pensé  ceux 
qui  comparent  la  trompette  et  le  cor  à  la  clarinette 
en  mi['  et  au  saxborn  en  mih- 

Dans  ces  conditions,  l'armure  de  la  clef  pouvait 
Hre  une  cause  d'erreurs  et  aurait  augmenté  lu  diffi- 
culté. 

Citons  un  exemple  :  l.a  marche  d'Hamlet  (trom- 
pettes en  iniii)  débute  ainsi  : 


vmi  ij>;î^?^t^3^ 


EtE 


aucun  Irompelliste  expérimenté  n'aurait  été  assez 
imprudent  pour  exécuter  ce  solo  surl'ancienne  trom- 
pette avec  le  ton  indiqué,  car,  outre  que  le  lu,  une  des 
deu.K  plus  mauvaises  notes  de  l'inslru ment,  y  foisonne, 
l'effet  serait  médiocre,  même  exempt  d'accident. 
L'alternance  du  ré  H"  harmonique  (bas)  du  piston, 
avec  le /a  8»  hai'nionique  produit  des  pistons  1,  2, 
par  conséquent  haut,  ne  pouvant  donner  qu'un 
résultat  défectueux  et  oITrir  de  grands  dangers,  fai- 
sait une  obligation  de  transposer  le  passage.  Deux 
tons  seuls  étaient  possibles  à  cet  effet,  ceux  de  mil-' 
et  de  fait.  Ce  dernier  était  préférable,  puisqu'il  pnr- 
metlait  l'emploi  exclusif,  pour  la  rentrée  solo,  des 
noies  de  latrompelte  simple,  c'est-à-dire  sans  emploi 
des  pislons. 

Ainsi  donc,  nous  adaptons  le  ton  de  fai/f-  Avec  ce 
ton,  nous  n'avons  plus  qu'cà  nous  rappeler  que  nous 
jouons  en  clef  d'î/?  quatrième  ligne  avec  deux  bémols 
à  la  clef,  et  que  les  altérations  accidentelles  doivent 
être  exécutées  telles  qu'elles  sont  écrites,  sauf  devant 
les  si  el  les  mi  qui  sont  loujours  exécutés  un  demi- 
ton  pins  basque  ne  l'indique  le  signe.  Quelles  que 
soient  les  modulaliousqui  se  succèdent  dans  le  cours 
du  morceau,  notre  principe  ne  varie  pas,  et  nous 
sommes  dispensés  du  souci  de  nous  rappeler  quels 
ont  été  les  changements  d'armure  depuis  le  début. 
Cette  considérai  ion  a  son  importance  quand  il  s'agit 
de  jouer  sans  ou  avec  peu  de  répétitions,  impor- 
tance qui  augmente  encore  quand  le  morceau  ilure 
tout  un  acte,  comme  dans  les  opéras. 

Sans  citer  d'autres  cas,  en  voilà  pins  qu'il  n'en 
faut,  pensons-nous,  pour  justifier  l'ancien  principe 
d'éciire  sans  armure  pour  les  trompettes  anciennes- 
Quant  aux  parties  de  trompettes  modernes,  elles 
sont  rarement  transposées,  et  lors  même  qu'elles  le 
seraient,  l'armure  n'oiïrirait  qu'une  difficulté  secon- 
daiie,  attendu  que  la  dilficulté  de  l'intonation  n'a 
pins  guère  d'importance  avec  ces  trompettes,  ce  qui 
est  une  préoccupation  de  moins,  et  non  des  moin- 
dres, permettant  de  porter  une  attention  plus  appli- 
quée à  la  lectuie. 

Diflicnltés. 

La  plus  grande  difficulté,  dans  le  jeu  de  la  trom- 
pette moderne  et  du  cornet,  consiste  à  attaquer  ou  à 


poser  le  son  sur  les  notes  : 


avec  précision 


;    et  pureté  de  son  Une  attaque  sur  l'une  ou  l'autre  de 
ces  deux  notes  expose  beaucoup  plus  que  les  autres 


aux  couacs,  de    même  que  les  noies 


sur  les  trompettes  anciennes.  Sni- la  trompette  à  cinq 
pistons,  ce  danger  disparait  complèleinent  et  est  rem- 
placé par  une  sùrelé  d'attaque  absolue,  comme  aussi 
sur  la  trompette  à  quatre  pistons  du  même  système, 
le  quatrième  piston  haussant  d'un  ton  la  tonalité  de 
la  trompette. 

Le  registre  le  plus  difficile  est  Vaiijti.  Nous  pou- 
vons même  diie  que  c'est  la  piincipale  difficulté  du 
jeu  des  instruments  aigus  ou  jouant  dans  l'aigu,  de 
posséder,  à  la  Ibis,  les  trois  registres  :  grave,  médium 
el  aigu. 

L'émission  des  sons  pianisiiino,  dans  la  trompette, 
est  plus  difficile  que  dans  le  coinet  à  cause  de  la 
clarté  et  de  l'éclat  de  son  timbre,  conséquence  de  sa 
perce  (forme  intérieure  cylindrique  au  lieu  d'être 
conique  comme  celle  du  cornet). 

Le  jeu  fortissimo  n'est  pas  une  difficulté  quand  on 
possi'de  la  pose  de  son  pianissimo.  Les  difficultés  de 
doigtés  sont  sans  importance  sur  les  instruments  de 
cuivre,  attendu  que  les  exercices  de  ce  genre  n'oc- 
casionnent aucune  fatigue  physique,  et  que  l'on  peut 
y  consacrer  tout  le  temps  nécessaire,  sans  ménage- 
ment, contrairement  aux  exercices  sonoies.  C'est  dire 
que  le^doigté  peut  s'étudier,  au  besoin,  sans  avoir  l'ins- 
trument à  la  bouche.  C'est  même  un  bon  moyen 
d'employer  utilement  le  repos  des  lèvres.  (Voir  l.i 
Méthode  de  Merri  Fbanquin  pour  trompette,  cornet 
à  pislons  el  bugle. 

Pour  terminer  ce  travail  concernant  la  trompette, 
nous  devons  ajouter  que  quoique,  depuis  les  exem- 
ples donnés  par  Wagner,  les  compositeurs  du  monde 
entier  aient  beaucoup  développé  l'usage  de  la  trom- 
pette dans  les  orchestres,  en  lui  attribuant  un  rôle  de 
plus  en  plus  musical,  au  lieu  de  ne  l'employer  que 
pour  le  bruit  ou  les  appels,  les  annonces,  etc.,  les 
œuvres  auxquelles  participe  cet  instrument  comme 
soliste  dans  la  musique  d'ensemble  sont  demeurées 
rares  jusqu'ici.  iNous  prions  le  lecteur  de  se  reporter 
à  la  note  1  de  la  page  1612. 

Merri  FRANQUIN. 

ADDENDUM  ET  ERRATUM 

P.  1590,  1"  col.,  1"  ligne  :  lire  :  timbales  au  lieu  de  limhies. 

P.  1606.  note  2,  ajouîer  :  N.  D.  L.  R. 

P.  1608,  2'  colonne,  1"  ligne  ;  lire  :  Gambatii  au  lii'ii  de 
Gainbatté. 

P.  1612,  note  1  :  ajouter  :  Enlin.  Vision  lie  .kiiiiae  ilWu  .li_' 
Pacl  Vidal. 


LE  COR 


Par  M.  J.  PENABLE 


DK  LA  SOCIÉTÉ  DES  CONCERTS  DU  CONSERVATOIRE 


Le  cor,  ainsi  le  définit  Larousse,  est  un  instrument 
à  vent,  contourné  en  spirale. 

Il  existe  cependant  une  espèce  de  cors,  qu'on  ap- 
pelle cors  russes,  droits  comme  un  porte-voix  et  ne 
possédant  chacun  qu'un  seul  Ion. 

Tel  que  nous  le  connaissons  aujourd'hui,  le  cor 
comporte  trois  espèces  bien  distinctes  :  Le  cor  de 
chasse,  le  cor  d'harmonie  et  le  cor  à  pistons. 

LE  COR   DANS  L'ANTIQUITÉ 

Déjà  E.-L.  Gerder,  dans  son  Musik  Lfxihon,  paru  en 
1790,  chante  l'éloge  du  cor  de  chasse,  quand  il  dit  : 
•  Un  insirument,  qui,  à  tel  moment  dans  le  silence 
du  cabinet,  par  ses  sons  mélancoliques,  émeut  le 
cœur  tendre  des  belles,  el,  à  un  autre  moment,  ramène 
dans  les  bois  et  sur  les  montagnes  le  chasseur  rude 
et  insensible  à  son  divertissement  favori,  —  un  ins- 
trument qui,  entre  les  mains  d'un  maître  dans  la 
salle  du  concerl,  attire  tant  l'admirateur  ou  con- 
naisseur et  à  un  autre  moment  encourage  le  guerrier 
à  la  bataille  sanglante,  —  pourrait-il  être  aulre  que 
le  cor  de  chasse,  que  nous  entendons  Journelletnent 
dans  la  plaine  et  dans  la  forêt,  dans  l'église  et  à  la 
salle  de  concert'?  » 

Avec  moins  d'exubérance,  mais  d'une  façon  non 
moins  précise,  J.  ROhlman.n  écrit  dans  la  Nouvelle 
Revue  pour  la  Musique,  année  187)  :  «  Le  noble  son 
du  cor  de  chasse ,  la  particularité  de  son  coloris 
riche  en  nuances,  sa  résonance  abondante  le  rendent 
propre  à  être  employé  en  tout  genre  de  pièces  de  mu- 
sique, car,  non  seulement  le  cor  de  chasse  possède  en 
propre  le  caractère  joyeux  de  la  musique  de  chasse, 
il  renferme  également  des  nuances  romanesques, 
même  mélancoliques  dans  son  caractère  musical.   » 

Les  Uomains,  évidemment,  avaient  su  tirer  un  parti 
artistique  du  leur:  leurs  armées  avaient  des  orches- 
tres el  ceux-ci  comptaient  des  coricines  musiciens 
qui  jouaient  dans  des  cors  en  cuivre  et  en  airain. 

Alexandre  avait  un  cor  dont  la  grande  voix  de  ras- 
semblement portait  à  plus  de  o  stades  (18  km.),  et  si 
l'on  en  croit  un  jésuite  allemand  qui  s'est  amusé  à 
reconstruire  un  tel  motmment  d'acoustique,  les  don- 
nées et  la  portée  en  seraient  exactes;  l'anneau  avait 
2"n,40  de  diamètre,  et  il  fallait  trois  perches  poui'  sou- 
tenir cet  instrument  géant. 

Le  moyen  âge  ne  semble  pas  avoir  fait  grand  usage 
artistique  de  tous  ces  cors  de  dimensions  si  variées, 


dont  il  s'est,  par  ailleurs,  beaucoup  servi  à  la  guerre 
comme  an  château.  Chaque  guerrier  avait  son  cor; 
certains  d'entre  les  guerriers  étaient  même  équipés  de 
telle  sorte  qu'ils  pouvaient  sonner  du  cor  sans  lever  le 
heaume  de  leur  casque;  les  chefs  en  avaient  de  spé- 
ciaux, telles  ces  défenses  d'éléphant  si  ornementées; 
les  plus  hautes  dames  en  faisaient  usage,  el  l'inven- 
taire d'Anne  de  Bretagne  mentionne  un  cor  garni  d'or. 

Dans  les  plaines,  le  cor  appelait  au  combat  ou  à  la 
chasse.  Au  manoir,  il  sonnait  ■<  à  table  »;  cela  s'ap- 
pelait corner  l'eau,  pour  rappeler  aux  convives  qu'ils 
devaient  procéder  auparavant  à  quelques  ablutions. 

Des  cors  de  la  condition  la  plus  simple  et  faliriqués 
seulement  de  cornes  d'animaux  sont  déjà  mentionnés 
chez  les  peuples  les  plus  anciens  et  furent  appelés 
chez  les  Ethiopiens  kenet  et  keren,  chez  les  Hébreux 
aussi  bien  keren  que  schnfar  (fig.  fi9ri);  chez  les 
Indiens  nursingh   (lig.   696),   chez  les  Grecs   kegas^ 


Fia.  695. 


Fis.  696. 


Il   furent    utilisés   pour  annoncer  les  sacrifices  et 
poui'  la  convocation  du  peuple. 

Le  cor  (fig.  697)  dont  Alexandre  le  Grand  (.336-323 
av.  J.-G.)  s'est,  dit-on,  servi  pour 
convoquer  ses  guerriers  à  la  dis- 
tance importante  de  100  stades 
(2  milles  géographiqu  s) ,  ne 
sera  mentionné  ici  que  de  nom, 
attendu,  que,  par  suite  de  la 
grandeur  requise,  il  saurait 
aussi  peu  être  désigné  comme 
instrument  à  vent,  dans  le  sens 
que  nous  y  attachons,  que  le  cor 
pour  signaler  les  brumes,  em- 
ployé de  nos  jours  pour  des  buts 
analogues. 

En  dehors  des  cornes  d'animaux,  on  a  utilisé  aussi» 
dans  la  suite,  pour  la  fabrication  des  cors,  du  boia 


Fi(3.  697. 


TECHSKjCE.  ESTHETIQUE  ET  PÈnACOCIE 


LE    COR    1639 


de  l'écorce  d'arbre,  du  métal  (fig.  698,  699),  du  verre 
(Og.  700)  de  l'ivoire  (fig.  701). 


Fig.  698. 


Fis.  700. 

Un  cor  de  ce  dernier  genre  offre  un  intérêl  histo- 
rique, en  ce  sens  qu'il  aurait  été  la  propriété  de  Ro- 
land,'le  neveu  de  Charlemagne  {lig.  702)  : 

La  léf^ende  rapporte  que  le  son 
de  ce  COI-  (nommé  olifant]  portait 
tellement  loin,  que  Charles  le 
Grand  (r.harleniagne)  aurait  en- 
tendu l'appel  de  secours  de  Ro- 
land, étendu  privé  de  toute  aide 
dans  les  Pyrénées  (778),  à  plu- 
sieurs milles  de  distance;  Roland, 
dans  son  angoisse  mortelle,  au- 
rait si  violemment  sonné  du  cor, 
que  les  artères  du  cou  se  déchi- 
rèrent et  que  le  cor  éclata. 

Ce  cor  l'ut  conservé  dans  le 
couvent  de  Nonnemveith,  prés 
Rolandseck,  sur  le  Rhin,  enlevé 
de  là  par  Charles  IV  et  incorporé 
au  trésor  du  dôme  de  Saint-Guy 
à  Prague;  il  s'y  trouve  encore 
actuellement  ',  et  non  pas  au  Mu- 
sée de  Londres,  comme  certains 
le  prétendent.  Toutefois,  tous  les  matériaux  prénom- 
més, utilisés  pour  la  fabrication  des  cors,  étaient  plus 
ou  moins  fragiles  et,  pour  cette  raison,  insuflisanls 
pour  l'usage  quotidien.  En  conséquence,  on  se  tourna 
de  plus  en  plus  du  côté  des  instruments  l'abriquiis  en 


FiG.  702. 


Fig.  703. 


Fiu.  701. 


niét.il,  qui,  au  début,  imitèrent  seulement  la  corn 
d'animal  peu  courbée,  mais,  au  cours  du  temps,  du 
xir'  au  xvi^  siècle  (lig.  703  à  708),  passèrent  à  la  forme 


Fig 


Fig.  "OS. 


Fig.  709. 


i.  Suivant  LOrnnnmicalion  aullienlique  de  M.  Skraup,  tnailre  de  cha 
pelle  du  Dôme  a  Prague. 


contournée,  de  laquelle  peu  à  peu,  au  siècle  suivant, 
sortit  le  simple  instrument  que  nous  dénommons 
((  cor  naturel  "  ou  cor  d'harmonie  (fig.  7o9'i,  parce 
qu'une  grande  partie  des 
sons  sur  cet  instrument  sont 
produits  par  l'assourdisse- 
ment que  provoque  la  main 
droite  posée  dans  le  pavil- 
lon. Les  premiers  de  ces 
cors  élaienten  Es  [mibémol]  ; 
toutefois,  on  les  fabriquait 
plus  tard  en  diverses  gran- 
deurs (ou  accords)  pour  pou- 
voir jouer  en  divers  tons. 

Ainsi  donc,  le  cor  chroma- 
tique aciuel  à  (lisions  et  à 
clefs  a  eu  des  transformations  artistiques  et  musi- 
cales relativement  peu  nombreuses.  Son  ancôtie  est 
la  corne,  devenue  au  svii"  siècle  le  cor  en  cuivre,  et, 
au  commencement  du  ,xix',  le  cor  simple  ou  d'har- 
monie, duquel  est  dérivé  depuis  quelques  années 
l'instrument  en  usage  aujourd'hui. 

Ceci  suffit  pour  dire  qu'avec  la  Ilùte,  le  cor  est 
assurément  l'ainé  des  instruments  employés  encore 
de  nt'S  jours.  L'industrie  des  premiers  hommes 
l'inventa  en  se  servant  de  quelque  corne  d'animal,  et 
un  tour  au  Musée  du  Conservatoire  prouve  la  variété 
des  liéli'S  auxquelles  le  cor  fut  emprunté,  et  plus 
tard,  le  progrès  aidant,  celle  des  mèiaiix  employés. 

Voir  donc  n°  o93'-  le  schofar  si  liiiement  sculpté 
dans  une  corne  de  bélier  (ce  cor  liturgique  hébraïque, 
qui  remonte  à  la  plus  extrême  antiquité,  est  encore  en 
usage  dans  les  cérémonies  du  Grand  Pardon;  ajou- 
tons, pour  montrer  ranalo;;ie  de  la  racine  avec  notre 
mot  cor  :  «  Les  Laliiis  disaient  :  cornu,  et  les  Grecs 
kérus,  »  que  certains  schofars  s'appellent  keren  :  les 
olifants  d'ivoire  (n»»  594,  o^o,  o96,  597,  ce  dernier  très 
ancien)  et  suitoiit  l'admirable  et  peut-être  unique 
pièce  (n°  4)21  qui  mesure  l^'.SOde  haut,  et(|ui  donne 
par  ses  dimensions  un  aperçu  de  ce  que  pouvait  être 
le  cor  lét;endaire  dn  Roland. 

Citons  encore  un  cor  en  fer  du  xvi"^  siècle.  D'autres 


2.  Ces  numéros  sont  ceux  du  calalugue  du  Musée  du  Cunseivatoite 
par  Gustave  Chûuqoet,  son  ancien  conservateur. 


ENC.yCLOl'ÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIO.VyAIRE  DU  CO>ISERVATOirtE 


1640 

e 

n  verre  de  Venise  et  en  cuivre  (xvii°  siècle),  qui 
nous  conduiseiil  au  célèbre  cor  de  Dauprat,  enjcuivre 
garni  d'argent  donné  en  pris  au  Conservatoire,  en 
1798,  à  celui  qui  devait  plus  lard  illustrer  son  ins- 
trument et  son  nom. 

Enfin,  un  petit  instrument  en  buis  (n"  SOI),  qui 
donne  le  son  de  la  trompe  de  chasse,  —  il  es t]d'ai Heurs 
encore  en  usage  chez  noschevriers  des  montagnes,  — 
finit  toute  la  gamme  de  la  facture  du  cor.  Toutes 
les  bêles  y  ont  contribué  :  aurochs,  buffles,  boeufs, 
béliers  ou  éléplianls,  et  tous  les  métaux,  airain,  fer  ou 
cuivre,  sans  oublier  le  verre  et  le  bois. 

Je  dois  aussi  parler  ici  du  cor  des  vaches  ou  cor 
des  Alpes,  très  commun  en  Allemagne  et  en  Suisse 
parmi  les  bergers  montagnards;  ceux-ci  s'en  servent 
pour  charmer  leurs  loisirs,  et  aussi  quelquefois  pour 
correspondre  entre  eux,  s'appeler  d'une  montagne  à 
l'autre,  et  rassembler  leurs  troupeaux. 

Le  cor  des  Alpes  consiste  en  un  tuyau  long  d'envi- 
ron trois  ou  quatre  pieds;  le  col  supérieur  a  près 


d'un  pouce  de  diamètre,  puis  l'instrument  s'élargit        | 
insensiblement  en  allant  vers  l'autre  extrémité,  et  se 
termine  en  pavillon  comme  la  clarinette;  ce  tube  es' 
ordinairement  l'ait  d'écorce  d'arbre;  on  lui  adapt 
une  embouchure  en  métal  ou  en  corne  assez  sem' 
blable  à  celle  du  trombone. 

Le  cor  des  Alpes  ne  peut  guère  donner  que  cinq 
tons  pris  dans  deux  octaves;  par  exemple  :  ut,  sol,  ut, 


—  ■    ou  d'autres  tons  en 


mi,  sol  : 


partant  d'une  autre  tonique;  les  notes  plus  élevées 
ne  pourraient  s'obtenir  qu'avec  beaucoup  de  diffi- 
culté; mais  les  bergers  savent  tirer  un  si  bon  parti  de 
ces  cinq  notes  qu'ils  en  forment  des  mélodies  d'un 
rythme  fort  original,  que  relève  encore  le  timbre 
tout  particulier  de  l'instrument;  par  exemple  : 


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Cette  mélodie,  la  plus  répandue,  est  peut-ètie  la  mère 
de  toutes  les  autres;  c'est  celle  qui  a  dû  servir  de 
thème  aux  nombreuses  variantes  qu'on  en  a  données. 

L'accord  du  cor  des  Alpes  dépend  naturellement 
de  la  grandeur  de  l'instrument.  J'ai  parlé  de  cet  ins- 
trument parce  qu'il  est  parfois  d'un  bon  elTet  au 
théâtre;  on  l'a  même  imité  dans  plusieurs  opéras, 
il  est  donc  essentiel  de  connaître  les  dispositions  de 
ses  cinq  tons  et  le  genre  de  mélodie  auquel  on  les  ap- 
proprie. {Traité  d'Instrumentation  de  Kast.neh,  p.  42.) 

Tous  ces  ancêtres  guerriers,  cynégétiques  on  gas- 
tronomif|ues,  n'ont  laissé  aucun  souvenir  artisli(|ue, 
hormis  quelques  sonneries  de  chasse,  dont  l'ancien- 
neté réputée  est  peut-être  musicalement  probléma- 
tique. 


LE  COR   DE  CHASSE   OU  TROIViPE 

Il  consiste  en  un  tube  plusieurs  fois  contourné  qui, 
à  l'embouchure,  commence  avec  un  diamètre  d'envi- 
ron 3/4  de  centimètre,  et  s'élargit  graduellement  de 
plus  en  plus,  pour  finir  en  un  pavillon,  dont  le  dia- 
mètre est  d'environ  28  à  30  centimètres.  La  longueur 
du  tube  dépend  chaque  fois  de  l'accord  de  l'instru- 
ment et  s'élève  pour  le  cor  aigu  B  à  environ  2  m. 
7b  cm.,  pour  le  cor  mixte  F  à  3  m.  78  cm.,  pour  le  cor 
basse  C  à  4  m.  72  cm. 

Pour  donner  le  ton  sur  le  cor  de  chasse,  on  se  sert 
d'une  pièce  d'embouchure  métallique  en  forme  d'en- 
tonnoir avec  bord  étroit;  certains  joueurs  se  servent 
également  de  pièces  d'embouchure  en  forme  de 
chaudron. 

Pour  chaque  cor  de  nouvelle  construction,  il  faut 
encore  ce  que  l'on  appelle  des  v  traits  ou  feuilles  d'ac- 
cord »,  qui  servent  à  modifier  suivant  les  besoins 
l'accord  propre  à  l'instrument. 


Le  cor  de  chasse  s'écrit  sur  la  clef  de  sol  2'  ligne  et 
Si'  tient  de  la  main  droite.  Cet  instrument  ne  donne 
que  les  notes  suivantes  :  sol  giave.tZo,  mi,sol,sib,do, 
lé,  mi,  fa,  sol.  Les  cors  de  chasse  les  plus  usités  sont 
en  Ht,  ré,  ou  mi[y.  Quelque  rétréci  que  soit  le  cercle 
des  notes  qu'on  puisse  parcourir  sur  le  cor  de  chasse, 
on  ne  laisse  pas  quelquefois  d'y  produire  des  mélo- 
dies d'un  très  bon  ePet,  comme  par  exemple  celles 
que  liossiNi  a  introduites  dans  son  Rendrz-vous  de 
chasse,  où  l'on  remarque  un  chant  original  et  mer- 
veilleusement nuancé  {Traité  de  Kast.xkii,  p.  47). 

En  Kiance,  les  cors  de  cha^se  sont  généralement  en 
rt!  (par  exemple  dans  les  chasses  ioyaI.es);  cependant, 
il  y  a  des  amateurs  qui,  par  fantaisie,  ont  adopté  des 
cors  de  chasse  dans  d'autres  tons. 

Par  sa  sonorité,  la  trompe  ou  cor  de  chasse  trans- 
met à  de  grandes  dislances,  au  moyen  de  fanfares 
connues  des  chasseurs,  toutes  les  péripéties  de  la 
chasse.  Elle  guide  et  excite  les  chiens,  et  anime  les 
chevaux.  Klle  n'est  usitée  que  dans  ce  qu'on  appelle 
la  grande  chasse  ou  chasse  à  courre,  laquelle  com[irend 
primipalrment  la  chasse  au  cerf,  daim,  chevreuil, 
chamois,  sanglier,  loup  et  renard. 

On  distigiie  la  trompe  Damjiicrrc  à  deux  tours,  ou 
grande  trompe,  la  demi-trompe  h  trois  tours,  et  la 
petite  trompe  à  huit  tours.  La  longueur  totale  du  tube 
sonore  est  la  même  pour  chacune  de  ces  trompes^ 
elles  sont  donc  au  même  diapason. 

On  ne  se  sert  guèi'e  aujourd'hui  que  de  la  derai-j 
trompe  comme  étant  la  plus  commode. 

On  garnit  habituellement  la  trompe  d'un  cordoii 
de  laine  afin  de  préserver  les  mains  du  contact  du 
cuivre. 

Je  crois  bon  de  reproduire  ici  les  sonneries  ou  fan4 
fares  de  cor  de  chasse  ou  trompes  les  plus  usitéesl 
et  dans  l'ordre  où  on  les  sonne  généralement  ein 
chasse  réglée: 


diîcf^i-^ 


TECHNIQUE.  EsrilÈTIQVE  ET  PÈnAGOCIE 


LE    COR    1641 


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LE  COR  SIMPLE   NATUREL   OU    COR   D'HARMONIE 

Le  cor  est  peut-être  l'instrument  le  plus  romanii- 
que,  son  timbre,  plein  et  vibrant  comme  la  voix  du 
ténor,  pouvant  rendre  la  joie,  l'amour,  la  douleur 
et  l'espérance.  Ses  tons  naturels  sont  moelleux  et 
nourris,  et  ses  notes  bouchées  ont  un  caractère  de 
mélancolie  bien  prononcé. 

Le  ton  doux  propre  aux  cors  le  rapproche  le  plus, 
entre  Ions  les  instruments  à  vent,  de  la  voix  humaine, 
et  expliiiue  son  emploi  heureux  dans  toutes  les  com- 
positions ilorclieslre  d'orignie  récente.  C'est  à  cet 
^mploi  si  étendu  qu'il  faut  sans  doute  attribuer  aussi 


les  manifestations  élogieuses  de  quelques  écrivains 
musicaux. 

Le  cor,  qui  est  presque  toujours  employé  double, 
savoir  :  corno  primo,  corno  secundo,  s'écrit  avec  la 
clef  de  sol  2'  ligne;  cependant,  les  sons  graves,  s'ils 
se  prolongent  pendant  plusieurs  mesures,  s'écrivent 
quelquefois,  pour  le  second  cor,  avec  la  clef  de  fa 
'i"  ligne. 

Les  sons  qu'il  peut  donner  naturellement  sont  les 
suivants  : 


1642 


b'ycyCLOPÉOlE  DE  I.A  MUSIQUE  ET  DICTfn.WXAIRE  DV  CO.\'SERVATn!RE 


on  les  appelle,  pour  cette  raison,  sons  naturels.  Les 
tons  et  demi-tons  qu'on  produit  en  introduisant  la 
main  dans  le  pavillon  ne  doivent  s'employer  qu'avec 
précaution,  et  s'appellent  sons  bouchés. 

Pour  chaque  ton,  on  a  besoin  d'un  nouvel  accord, 
qui  s'obtient  au  moyen  d'un  corps  de  rechange,  car 
les  cors  jouent  presque  toujours  en  ut  majeur. 

11  faut  que  le  compositeur  ait  soin  d'indiquer  l'ac- 
cord, dans  la  partition  et  dans  la  partie  sépai-ée  ;  le 
plus  bas  de  ces  accords  est  si  |i,  que  l'on  indique  :  cor 
en  sH>  grave.  On  ajoute  le  mot  grave  parce  qu'il  y  a 
encore  un  autre  accord  en  si[->. 

Cet  accord  est  une  octave  et  un  ton  entier  plus  bas 
que  le  violon  ou  la  clarinette  en  ut,  et,  pour  cette  rai- 
son, juste  d'une  octave  plus  bas  que  la  clarinette 
en  sî't». 


LE   COR   A   PISTONS 

Le  cor  d'harmonie,  si  superbe  de  sonorité,  si  éton- 
nant de  ressources  qu'il  fût,  grâce  à  ses  tons  de  re- 
change, offrait  des  difficultés,  des  incommodités  de 
pratique  qui  n'avaient  échappé  ni  aux  facteurs,  ni 
aux  virtuoses,  ni  aux  compositeurs. 

Dès  les  premiers  temps  du  cor,  on  avait  essayé  Je 
remédier  à  l'insuffisance  de  son  étendue  par  des 
essais  de  cors  à  trous  qui,  du  moyen  âge  au  xix"  siècle, 
ont  laissé  peu  de  traces. 

Privé,  en  effet,  de  l'avantage  du  doigté  dont  jouissent 
les  autres  instruments  à  vent,  le  cor  exige  de  celui 
qui  s'y  di'Stine  une  bonne  organisation  musicale  et 
un  goût  artistique  très  développé. 

Tout  ce  que  l'on  peut  en  dii'C,  c'est  que,  pour  l'époque 
moderne,  les  archives  du  ministère  de  la  guerre  gar- 
dent dans  deux  ordonnances  des  traces  des  services 
musicaux  militaires  du  cor  à  trous. 

Le  i4  juin  1820  et  le  "22  décembre  1822,  le  nombre 
des  instrumentistes  jouant  les  cors  à  trous  était 
ainsi  fixé  dans  les  musiques  militaires  :  quatre  dans 
la  musique  de  la  garde  royale,  deux  dans  les  musi- 
ques de  la  ligne. 

C'est,  en  elfet,  aux  préoccupations  musicales  qui 
avaient  fait  rechercher  ces  cors  à  trous,  que  l'on  doit, 
presque  concurremment  avec  le  développement  artis- 
tique du  cor  simple,  la  l'évolution  d'abord  timide,  puis 
rapidement  li'iomphante,  des  cors  h  pistons. 

Déjà,  à  la  fin  du  xvin"  siècle,  un  Allemand,  Hal- 
TENHOLF,  avait  ajouté  au  cor  de  Hamcl  une  pompe  de 
coulisse  pour  réglei-  la  justesse,  quand  l'intonation 
s'élève  par  les  elfels  de  la  chaleur. 

En  18io,  un  Allemand  de  Silésie,  Stôlzix,  inventa 
un  cor  auquel  les  Allemands  donnèrent  tout  de  suili; 
le  nom  de  cor  chromatique  à  pistons. 

L'invention  consisluil  en  deux  pistons  placés  sur 
la  pompe  du  cor  ordinaire,  et  mettant  l'air  en  com- 
munication avec  des  tubes  ouverts  pour  chaque  note. 
Dès  lors,  beaucoup  de  dilficultésd'exécution  allaient 
être  vaincues.  Après  avoir  passé  par  dill'érentes  phases 
dans  sa  faliricalion,  le  cor  fut  muni  de  trois  pistous, 
et,  ainsi  ti'ausl'ormé,  il  fut  définitivement  adopté  dans 
les  orchestres. 

C'est  vers  1855,  <i  l'apparilion  des  œuvres  de  Uichard 
\VA(;.\Eii,  que  se  fit  celte  adoption,  et  le  corniste  llx- 
LARY,  derO[>éra,  a  toujours  joué  du  cor  à  pistons. 

Pour  compléter,  qu'il  soit  mentionné  ici  que  (Char- 
les Cla7.c.i:t,  à  Londres  (né  en  17ol),  un  dilettante, 
réuiiis.-iait  ensemble  un  cor  Es  mi  bémol  et  un  cor 
Drt';  en  réalité,  il  ne  jouait  que  par  une  seule  em- 


bouchure, mais,  par  une  clef,  il  amenait  l'afllux  d'air 
à  celui  des  cors  dont  il  lui  fallait  justement  les  sons. 
Toutefois,  en  utilisant  ce  cor,  lesdeux  pavillons  étaient 
gênants. 

Aussi  peu  de  succès  avait  l'invention  de  Kolukl,  à 
Saint-Pétersbourg  (1760),  qui  adapta  au  cor  des  clefs 
(analogues  à  celles  des  instruments  à  vent  en  bois) 
pour  faciliter  le  chromalisme;  toutefois,  l'instrument 
manquant  toujours  de  pureté,  de  même  que  de  tons 
bas,  la  nécessité  toujours  encore  existante  de  l'as- 
sourdissement et  l'inégalité  des  sons  qui  en  résul- 
tait, ne  firent  pas  paraître  cette  invention  comme 
un  perfectionnement  du  cor. 

Comme  je  le  disais  plus  haul.en  lS14ou  181  ii,  Stûl- 
ZEL,  à  Breslau  (en  commu- 
nauté avec  le  hautboïste  Bli  h- 
mel),  apportait  enfin  un  per- 
fectionnement essentiel  au  coi' 
de  chasse,  en  y  adaptant  deux 
soupapes  imperméables  à  l'air 
(soupapes  de  douille)  (fig.  7l()i, 

Une  des  soupapes  abaissait 
le  cor  d'un  demi-ton,  l'autre 
d'un  ton  entier,  les  deux  en 
semble  d'un  ton  et  demi. 

En   1819,  ces    inventions 
furent  élargies  par  Mulleu   à 
Mayence  et  Sahler  à  Leipzig, 
en    construisant    des   cors   de 
chasse  avec  trois  pistons  sui- 
vant l'idée  de  Stôlzel.  La  troi- 
sième soupape  abaissait  le  cor  de  un  ton  et  demi 
et,  par  cette  amélioration,  le  cor  de  chasse  fut  porté 
au  degré  de  perfectionnement  auquel  il  atteint  à 
l'époque  actuelle. 

En  dehors  des  soupapes  de  douille  déjà  mention- 
nées  (fig.  711),  on  utilise   encoi'e   des  soupapes  à 


Fig.  710, 

Cor  d'harmonie 

:i  2  pistnns. 


levier  (fig,  712),  à  glissement  (fi;, 
papes  rotatives  (fig.  71'i-). 


7131,  et  des  sou- 


Flu.  713. 


Fn;,  71  i 


Ces  soupapes  iirovoqnenl  toutes  l'abaissement  du  1 
ton   du    cor   de   chasse;    une    idée   plus   récente  de-1 
Oswald  lîôHLicH  à  Vienne,  consistani  à  élever  le  sou  du 
cor  au  moyen  des  soupapes,  n'a  pas  pu  s'acclimateiv 

La  plupart  des  difficultés  qui  exisleut  pour  le  corj 
sont  donc  surmontées  par  le  cor  ;i  pistons,  qui  a  les-J 
sons  du  cor  oïdinaire,  mais  auquel  on  a  adapté  deux  . 
ou  trois  pistons,  au  moyen  desquels  on  peut  donner  ! 
avec  plénitude  et  avec  la  plus  grande  précision  tous-J 


TECHNIQUE,  ESTHÈTIQVE  ET  fUDAGOGIE 


LE   COR    164Î 


les  sons  qui  restent  sourds  et  ilouleux  sui-  le  cor  ordi- 
naire, par  exemple  les  sons  ; 


)        ,  ,  I    I    1  ^,mI^ 


ceux-ci,  sur   le  cor  à  pistons,  deviennent  justes  et 
pleins  comme  les  autres  sons  naturels  du  cor  ordi- 


naire, excepté  toutefois 


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de 


l'octave  inférieure. 

Mais  il  est  à  regretter  que  cet  instrument  ne  soit 
pas  encore  généralement  adopté,  parce  que  l'on 
pourrait  produire  avec  lui  de  (brt  bons  effets. 

Les  pistons  ont  la  propriété  de  baisser  l'instrument 
d'une  tierce  mineure  et  de  donner  trois  tons  ou  corps 
de  rechange  fictifs,  différents,  qui,  ajoutés  à  celui  qui 
est  sur  la  grande  coulisse,  les  met  au  nombre  de  qua- 
tre. Si  on  a,  par  exemple,  le  corps  de  rechange  fa,  les 
autres  tons  seront  mi,  mi\f,ré,  avec  lesquels  il  est  facile 
de  former  tous  les  autres  (c'est  ainsi  qu'est  cons- 
truit le  cor  à  pistons  en  Allemagne);  mais  l'expé- 
rience a  prouvé  qu'il  était  difficile  de  produire  avec 
ce  seul  corps  de  rechange  les  tons  aigus  iol,  la,  si[^, 
et  les  tons  graves  ut,  t^i'p,  que  le  timbre  des  pre- 
miers n'était  pas  si  brillant,  que  celui  des  seconds 
manquait  de  volume  et  perdait  beaucoup  de  son 
caractère  particulier;  c'est  pour  cela  qu'on  a  coi- 
servé  tout  les  corps  de  rechange  du  cor  ordinaire 
pour  le  cor  à  pistons,  qu'on  traite  sous  ce  rapport 
comme  le  cor  ordinaire;  et  si  l'on  observe  cela,  on 
peut  faire  toutes  les  modulations  avec  d'excellentes 
notes.  Il  faut  donc  se  servir  du  corps  de  rechange, 
dans  les  morceaux  qui  seraient  écrits  en  sol,  la,  siU 
altos  ;  ré,  ut,  si  [i  graves  ;  à  ces  tons  près,  le  cor  à  pis- 
tons en  fa  présente  toutes  les  ressources  possibles. 

Comme  tous  les  tons  en  sont  bons,  des  passages 
tels  que  celui-ci  produisent  un  très  bon  elfet  : 


Les  deux  tableaux  synoptiques  ci-après  aideront 
à  faire  mieux  encore  ressortir  les  avantages  du  cor  à 
pistons  pour  aplanir  les  diflicultés  souvent  insur- 
montables que  trouvent  certains  cornistes  dans  l'em- 
ploi du  cor  simple. 

Le  3"  piston  étant  ascendant,  il  faut  que  l'instrument 
soit  un  ton  plus  haut,  c'est-à-dire  qu'il  faut  mettre 
sur  le  cor  le  ton  de  sol,  pour  jour  en  fa.  Indépen- 
damment des  avantages  spéciaux  qu'il  possède 
comme  iloiglé  et  facilité  dans  l'émission,  il  peut  s'em- 
ployer comme  le  cor  à  3  pistons  ordinaires. 

L'emploi  du  3°  piston  ascendant  a  l'avantage  d'offrir 
une  grande  sécurité  dans  l'attaque  du  : 


zl 


fm^ 


Pour  la  justesse,  avoir  soin  Je  tirer  la  coulisse  du 


3'  piston  presque  d'égale  longueur  que  celle  du  1""',  e 
tenir  la  coulisse  d'accord  entièrement  enfoncée.  Si 
le  coriis  sonore  élait  trop  bas,  enfoncer  la  coulisse 
du  3"  piston.  Kn  tirant  la  coulisse  du  3'  piston,  l'efifet 
est  contraire  aux  autres,  le  corps  sonore  baisse,  et 
le  piston  monte. 


EMPLOI   DU   COR 

Avec  le  cor  d'harmonie,  aussi  bien  qu'avec  tous 
les  autres,  pour  l'orchestre  et  la  musique  militaire, 
on  ne  peut  donner  avec  effet  que  certains  sons  de 
l'accord  dont  on  se  sert,  et  encore  quelques  notes 
étrangères  à  cet  accord. 

Comme  le  cor,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  s'emploie 
dans  l'orchestre  et  dans  la  musique  militaire,  par  un 
premier  et  un  second,  il  faut  observer  que  le  pre- 
mier ne  doit  jamais  descendi-e  aussi  bas  que  le  se- 
cond, ni  le  second  monter  aussi  haut  que  le  premier 
{Trait'}  de  Kastner,  p.  43). 

La  relation  la  plus  ancienne  de  l'utilisation  du  cor 
de  chasse  dans  l'orchestre  nous  est  donnée  parMich. 
Praetorius  (lr)7l-162l),  qui  l'introduisit  sous  le  nom 
de  i<  trompette  de  chasseur  ». 

C'est  sans  doute  J.  Fus  (1600-1741)  qui,  le  premier, 
a  employé  les  cors  de  chasse  par  couples  dans  l'or- 
chestre. 

Le  cor  n'est  réellement  né  pour  la  musique  que  le 
jour  où  un  facteur  inconnu,  dont  des  historiens,  plus 
patriotes  peut-être  que  véridiques,  ont  voulu  faire  un 
Krançais,  inventa,  vers  1680,  ce  long  tube  de  cuivre 
enroulé  sur  lui-même,  commençant  par  une  embou- 
chure et  finissant  par  un  pavillon.  On  cite  ce  cor  en 
Allemagne  vers  1690;  il  devient  alors  de  la  grande 
famille  artistique,  puisqu'il  est  admis  dans  les  or- 
cTîêstres  d'outre-Rliin.  Chez  'nous,  on  ne  le  voit,  en 
toute  certitude,  que  plus  d'un  demi-siècle  plus  lard, 
en  17S7. 

Mais  ce  cor,  pour  artistique  qu'il  fût  déjà  devenu, 
n'était  qu'un  instrument  d'orchestre  rudimentaire, 
aux  ressources  réduites.  C'était  un  vulgaii'e  cor  de 
chasse  dont  l'étendue  était  assez  restreinte. 

Un  heureux  et  artistique  hasard  devait  tout  à 
coup  le  Iranslormer  en  l'un  des  instruments  les  plus 
riches  en  ressources  et  en  beauté. 

Ln  corniste  allemand,  Hampl,  —  nous  sommes  en 
1760,  —  espéra  qu'en  introduisant  dans  le  pavillon 
un  tamponi  de  coton,  il  pourrait  maîtriser  la  sonorilé 
de  son  insti'ument  et  en  obtenir  des  sons  plus  doux  et 
pins  voilés.  La  trouvaille  donna  un  autre  résultat  :  le 
son  sortit  un  demi-ton  plus  haut.  En  promenant  le 
tampon.  Hamcl  obtint  toute  une  échelle  :  le  cor  deve- 
nait chromatique.  Il  s'aperçut  plus  tard  que  la  main 
faisait  même  un  meilleur  office  que  le  tampon.  Ce  fut 
une  révolution  dans  l'art,  l'orchestration  et  la  facture. 
Du  coup,  les  composileiu's  reconnurent  avec  éclat  ce 
nouveau  et  superbe  collaborateur  :  J.-.I.  Rousseau, 
dans  les  airs  militaires  qu'il  a  composés,  a  introiluil 
des  parties  de  cor  en  sol,  Méhil  fit  accompagner  par 
des  sons  bouchés  les  dernières  paroles  d'un  mourant, 
et  obtint  ainsi  un  elTet  d'émotion  intense. 

Bach  et  Haendel,  Gluck,  Webrr,  Beetboven  firent 
appel  au  cor  dans  leurs  pages  les  plus  célèbres. 

Dans  les  passages  d'un  mouvement  lent  et  reposé, 
le  cor  est  un  des  instruments  les  plus  convenables, 
et  des  solos  de  cor  comme  ceux  d'Assîir  (Salieri)  et 
des  Capuletti  et  Montecchi  (Belli.ni)  sont  parfois  d'un 
etTet  magique.  Chacun  a  pu  admirer  la  puissance  des 


1044 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOSNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


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TECHMQCE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   COR    16i5 


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16'i6 


ENCYCLOPÉDIE  DE  La  MCSJQUE  ET  DICTIOS .\A[RE  VU  CONSERVATOinB 


quatre  cors  de  lorcheslre  dans  les  cliœurs  des  chas- 
seurs d'Euryanle  et  du  Freischûtz  (Webkb). 

Les  facteurs  d'instruments,  principalement  Raoux 
et  son  successeur  Labbaye,  donnèrent  au  cor  simple 
ou  d'harmonie  l'étendue  la  plus  complète  en  adjoi- 
gnant dix  corps  de  rechange.  L'exécutant  jouait  tou- 
jours eu  ut  pour  les  yeui,  mais  Taisait  entendre  pour 
l'oreille  tous  les  sons  naturels  de  toutes  les  gammes. 

Et  le  cor  simple  traver'sa  tout  de  suite  un  Age  épi- 
que qui,  pour  court  qu'il  lût,  a  été  singulièrement 
brillant. 

Le  caractère  mystérieux  et  poétique  du  cor  fut 
particulièrement  mis  en  valeur  par  Weber  dans 
l'ouverture  du  Frcischùlz,  où  il  employa  quatre  cors, 
par  Mendelssohn  dans  le  Songe  d'une  nuit  d'été,  par 
Beethoven  dans  sa  Symplionif  pastorale,  dans  la  Sym- 
phonie héroïque  et  au  2°  acte  de  Fiilclin;  on  connaît 
aussi  le  célèbre  quintette  du  grand  maître  pour  instru- 
ments à  vent.  Mais  le  cor  n'est  pas  seulement  l'iater- 
prèle  poétique  du  rêve  et  du  mystère,  et  les  maîtres 
les  plus  illustres,  reconnaissant  ses  qualités  d'éclat, 
en  ont  tiré  des  elfets  de  terreur  demeurés  classiques 
autant  que  fameux.  Il  suffit  de  citer  la  chasse  infer- 
nale du  Fri'ischiitz,  et  l'air  de  la  haine  d'Armide  de 
Gl'CK.  D'ailleurs,  s'il  fallait  faire  une  nomenclature 
comp'ète  de  l'emploi  qui  a  été  lait  du  cor  simple  par 
les  grands  compositeurs,  il  faudrait  mentionner  tout 
le  réperlou-e  et  tous  les  maîtres. 


Bien  qu'il  n'emploie  pas  le  cor  simple,  mais  le  cor 
à  pistons  dont  je  parlerai  tout  à  l'heure,  on  doit 
cependant  une  place  spéciale  à  Richard  Wagner,  qui 
a  laissé  du  rôle  orchestral  du  cor  des  exemples  typi- 
ques et  illustres;  faut-il  rappeler  le  cor  de  Siegfried, 
la  fameuse  chevauchée  de  la  Walkyr'ie,  le  prélude  de 
l'Or  du  Rhin,  où  figurent  8  cors,  et  le  caractère  voilé, 
si  empli  de  mystère,  obtenu  avec  la  sourdine  dans 
VOr  du  Rhin,  motif  du  Tarnhelm  et,  dans  ParsifaI, 
le  finale  du  l"  acte? 

Dans  l'Africaine  de  Meyerbeer,  on  emploie  deux  cors 
d'harmonie  et  deux  cors  à  pistons,  ce  qui  permet,  par 
ces  derniers,  l'exécution  de  certains  passages  que  ne 
pourraient  faiie  les  piemiers. 

.Notre  grand  compositeur  Reyer  a  écrit  les  quatre 
cors  de  Sigurd  pour  cor  simple  avec  les  tons  de  re- 
change en  dilférents  tons,  afin  de  permettre  à  l'un  de 
faiie  ce  que  l'autre  ne  peut  pas  exécuter, et  pour  avoir 
toujours  des  notes  à  vide,  c'est-à-dire  les  notes  du 
corps  sonore.  Avec  les  changements  de  tons,  l'émis- 
sion du  son  devient  difficile,  tandis  qu'avec  le  cor  à 
pistons,  toute  difficulté  disparait.  L'émission  est,  en 
elfet,  la  même  d'un  bout  à  l'autre  du  trait;  il  y  a, 
par  suite,  plus  d'homogénéité  et  d'égalité  dans  l'exé- 
cution. 

Je  ne  crois  pas  qu'il  existe  de  difficultés  plus 
gra\ides  que  dans  Roméo  et  Juliette,  de  Berlioz  : 


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TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


Les  quatre  cors,  eu  ell'et,  sonl  écrits  dans  des  tuas 
diiïéreiits  aliri  d'obtenir  les  meilleures  notes  de  cha- 
cun des  instriimoiitistes;  mais  cela  ne  suffit  pas  pour 
obtenir  une  excellente  égalité  de  sons,  car  il  faut 
bien  tenir  compte  de  la  présence  de  quatre  cornistes 
ayant  chacun  un  son  différent.  Le  cor  à  pistons,  au 
contraire,  égalise  les  sons  dans  la  phrase,  étant  donné 
que  le  sentiment  est  expi  inié  pai'  le  même  individu. 

Si  la  musique  était  écrite  pour  tel  ou  tel  ton,  ce 
n'était  pas  voulu,  comme  on  l'a  bien  souvent  pré- 
tendu :  c'était  nécessaire,  obligatoire,  puisqu'on  ne 
disposait  pas  d'autre  moyen  que  des  tons  de  re- 
change. 

J'ai  cependant  entendu  fréquemment  des  compo- 
siteurs se  plaindre  de  cet  instrument  incomplel,  dont 
les  sons  bouchés  arrivaient  à  occasionner  des  vides 
dans  l'orclii'stre.  Aujourd'hui  que  le  cor  à  pistous 
supprime  les  sons  bouchés,  et  qu'il  est  adopté  dans 
tous  nos  orchestres,  il  permet  aux  compositeurs  d'é- 
crire avec  plus  de  facilité. 

Ils  en  arrivent  alors,  pour  pioduire  des  effets 
cherchés,  à  rétablir  les  sons  bouchés  dont  ils  se 
plaignaient  précisément  auparavant. 


LES   CORNISTES  CÉLÈBRES 

Le  premier  virtuose  corniste,  qui  devait  laisser 
comme  prolesseur  un  renom  si  retentissant,  que  plus 
d'un  siècle  et  demi  parvint  à  peine  à  le  ternir,  est  le 
fameux  Rodoliue  ou  Hloolch.  Avant  d'écrire  le  traité 
de  solfège  qui  a  popularisé  son  nom  et  sa  méthode, 
Rodolphe  n'itait  qu'un  professeur,  devenu  rapide- 
ment un  virtuose  du  cor.  Né  à  Strasbourg,  selon  Kétis 
et  RiEMANN,  le  14  octobre  1730,  dès  l'âge  de  sept  ans, 
il  jouait  à  la  fois  du  cor  et  du  violon. 

A  seize  ans,  il  jouissait  d'une  grar  de  réputation  de 
corniste.  Hn  1734,  ilétait  à  Parme  au  service  du  duc, 
et  c'est  dans  cette  ville  que  le  compositeur  Traktta, 
séduit  par  les  qualités  de  son  du  corniste,  écrivit 
pour  lui  le  premier  accompagnement  de  cor  obligé, 
dans  un  air  chanté  par  la  cantatrice  Petraglia. 

En  1765,  RoDOLi'HE,  alors  premier  corniste  de  l'O- 
péra, lit  entendre,  pour  la  première  fois,  un  accom- 
pagnement de  cor  concertant  :  air  de  BoYER,  "Amour 
sous  ce  riant  ombrage  »,  chanté  par  Legros.  En  1770, 
il  faisait  partie  de  la  musii|ue  des  appartements  du 
roi,  et  en  1774,  de  la  Chapelle  royale. 

11  approchait  alors  les  grands  de  la  terre  et  les 
voisins  du  trône,  et  put  remeltre  au  ministre  Amelot 
le  plan  complet  de  la  création  d'une  école  royale  de 
musique.  On  sait  qu'en  1 784,  Gossec, plus  heureux  près 
du  marquis  de  Breteuil,  réalisa  le  rêve  de  Rodolphe 
et  aida  à  fonder  le  Conservatoire,  dont  il  fut  nommé, 
dès  sa  création,  professeur  d'harmonie.  Le  virtuose 
corniste  était  un  compositeur  émérite  qui  avait  appris 
son  ait  de  Traetta,  déjà  nommé,  et  de  .Iomini,  lors 
d'un  séjour  à  .Stutlgaid  à  la  cour  du  duc  de  Wur- 
;  temberg  ;  quatre  ballets  et  trois  opéras  ou  opéras 
comiques  attestaient  la  valeur  du  choix. 

Ce  fut  comme  professeur  de  sa  classe  qu'il  écrivit 
le  plus  fameux  dis  solfèges  et  son  traité  d'accompa- 
gnement. La  littérature  spéciale  du  cor  lui  doit  deux 
concertos,  dix  fanfares  faciles  pour  deux  cors,  vingt- 
quatre  pour  trois  cors;  Rodolphe  est  mort  à  Paris,  le 
18  aoilt  1812.  Il  avait  été  aussi  premier  violon  aux 
,    théâtres  de  Stuttgard,  Bordeaux,  .Montpellier  et  à 

Paris,  à  la  Comédie  française. 
I       Mares  ou  Maresch,  né  à  Chotieborz  (Bohême),  vers 


LE    COR    16'i7 

I71'J,  mort  à  Saint-Pétersbourg,  le  30  mai  1794,  fut 
élève  (le  IIampl,  mais,  comme  tous  les  cornistes  et  tous 
les  instrumentistes  de  ce  temps,  il  jouait  également 
du  violon. 

En  1748,  il  alla  en  Russie,  devint  musicien  de  la 
Chambre  impériale,  et  c'est  là  qu'il  inventa,  en  17.ï4, 
pour  les  musiciens  rudimentaires  qui  l'entouraient 
la  dite  «  musique  russe  de  cor  de  chasse  ... 

On  a  vu  précédemment  que  les  cors  russes  sont 
droits  et  ne  possèdent  qu'un  seul  Ion.  Chaque  ai  liste 
n'a  donc  sur  sa  partie  que  les  pauses  nécessaires  et 
ce  ton  qu'il  demie  lor3(|ue  les  notes  l'exigent.  Corap. 
ter  les  pauses  avec  exactitude,  voilà  le  point  essen- 
tiel. Les  artistes  de  cor  russe  ont  acquis  en  la  matière 
une  telle  précision  qu'on  serait  tenté  de  croire  qu'il 
n'y  a  qu'un  seul  artiste,  tandis  qu'ils  sont  au  moins 
une  trentaine  pour  former  un  chœur.  Ils  exécutent 
des  symphonies  entières,  des  concertos,  marches, 
chorals,  et  en  général  tout  ce  qui  peut  s'exécuter  au 
moyen  de  plusieurs  instruments. 

On  a  vu,  dans  le  courant  de  cet  acticle,  que,  no- 
blesse artistique  à  part,  les  plus  grands  maîtres  de 
l'art  ont  fait  accomplir  au  cor  d'harmonie  le  même 
tour  de  force. 

Jean  Lebrun,  né  à  Lyon  le  16  avril  I7.')'J,  eut  une 
carrière  et  une  fortune  étonnamment  brillantes  et 
rapides,  dont  le  retentissement  même  l'ut,  pour  le 
malheureux  artiste,  cause  de  la  tin  la  plus  mise- 
ra Ide. 

Corniste  virtuose  de  haute  réputation,  il  devait  une 
renommée  particulière  à  l'éclat  et  à  la  facilité  des 
sons  suraigus.  Il  était  premier  cor  à  l'Opéra  de  Paris 
(1786-1792),  quand  le  désir  de  fuir  les  jours  dange- 
reux de  la  Terreur  et  de  brillante^  propositions  alle- 
mandes l'entrainèrent  à  Berlin.  H  y  demeura  jusqu'en 
1808,  c'est-à-dire  au  delà  du  temps  où  il  était  permis 
d'espérer  qu'un  Fiançais  pilt  vivre  en  Prusse,  et  il 
revint  à  Paris.  Mais  là,  jalousé  et  surtout  suspect,  il 
ne  put  trouver  à  utiliser  ses  talents  et,  ruiné,  misé- 
rable, renonçant  à  tout  espoir  de  trouver  une  situa- 
tion, il  s'asphyxia. 

Frédéric  Ui-vernov,  de  la  célèbre  lignée  musicale 
des  Dlvernov,  est  un  des  cornistes  qui  ont  laissé 
dans  l'histoire  de  la  littérature  du  cor  une  des  traces 
les  plus  durables.  Ce  fut,  en  elîet,  le  premier  cor  de 
l'Opéra  et  l'un  des  premiers  titulaii'es  de  la  classe 
de  cor  au  Conservatoire.  C'est  lui  qui  dirigeait  cette 
classelors  de  la  fermeture  momentanée  de  la  grande 
école  de  musique  en  181.5.  Enlin,  Duvernoy  a  laissé 
un  gros  bagage  musical,  dont  quantité  de  concertos 
pour  cors  et  pièces  de  musi(iue  de  cliambre  avec 
parties  de  cor.  .\é  à  Montbéliard,  le  10  octobre  1763, 
il  est  mort  à  Paris,  le  19  juillet  1838. 

Citons  aussi  Pu.nto,  de  Vienne,  pour  lequel  Bee- 
thoven écrivit  sa  fameuse  sonate  pour  cor. 

ZiRiNo  à  Paris,  Spandau  à  La  Haye,  Nelmann  à  Ber- 
lin, le  sonneur  de  cor  Libtzeb  à  SaUbourg,  pour  lequel 
Mozart  avait  composé  ses  quatre  concertos  pour  cor 
de  chasse,  Schon,  musicien  de  la  chambre  du  roi  de 
France,  comptent  parmi  les  plus  réputés. 

Johann  Amo.n  fut  élève  de  Punto,  et  celui-ci  l'avait 
associé  à  ses  triomphales  tournées,  où  il  l'emmena 
comme  second.  Il  était  né  à  Bamberg,  en  1768.  11 
occupa  successivement  les  postes  de  directeur  de  l'é- 
cole de  musique  de  la  ville  d'ileilbronn  el  de  maître 
de  la  chapelle  du  prince  Attegen-Wallenstein.  La  mort 
le  surprit  en  cette  qualité,  le  2o  mars  I82.j.  Compo- 
siteur fécond,  il  avait  écrit  quantité  d'oeuvres  dont 
peu  se  rapportaient  uniquement  à  un  instrument.il 


1648 


ESCYCLOPÈDIE  DE  LA  MUSIQVE  ET  DICTIOS'NAIRE  DU  COXSERrATOIRE 


devait  à  ses  fondions  officielles  d'écrire  des  sympho- 
nies el  des  messes. 

A  signaler  anssi  les  deux  Belloli. —  1°  Luigi,  né 
à  Castell'ranco  (Bologne),  le  2  février  1770,  mort  le 
17  novemlire  1817,  était,  en  1812,  professeur  de  cor  à 
Milan,  où  il  a  laissé  le  souvenir  d'un  virtuose  accom- 
pli et  d'un  compositeur  de  haut  mérite.  Il  a  écrit  'la 
musique  de  plusieurs  opéras  et  une  méthode  de  cor 
(poslhume). 

2°  Agoslino,  successeur  du  précédent  à  l'Opéra  de 
Milan,  compositeur  également  heureux,  puisque,  de 
1816  à  1823,  la  scène  milanaise  ne  représenta  pas 
moins  de  quatre  opéras  de  lui. 

Artot,  corniste  franco-belge  fort  connu,  eut  une 
destinée  bizarre  autant  que  brillante.  Il  s'appelait  de 
son  vrai  nom  Maurice  Mo.nt.\gney,  et  était  né  à  Mont- 
béliard,le  3  février  1772.  Il  devint  chef  de  musique 
d'un  régiment  français,  fit  diverses  campagnes  de  la 
Révolution,  dont  celle  de  la  Belgique.  Il  demeura  dans 
ce  pays,  et  occupa  le  premier  pupitie  de  cor  installé 
à  l'orchestre  du  Théâtre  de  la  Monnaie. 

Il  était  en  même  temps  maître  de  chapelle.  Il  mou- 
rut le  8  janvier  1829,  laissant  une  descendance  artis- 
tique singulièrement  éclatante.  Son  fils  aîné,  Jean- 
Désiré,  qui  était  né  à  Paris  en  1803,  fut  son  successeur 
au  Théâtre  de  la  Monnaie  et  devint  premier  cor  solo 
à  la  toujours  célèbre  musique  belge  des  Guides;  en 
1843,  on  le  trouve  professeur  de  cor  au  Conserva- 
toire de  Bru.ïelles,  et  en  18  i9,  cor  solo  de  la  chapelle 
particulière  royale.  Artiste  fort  estimé,  corniste  agile, 


il  mourut  à  Saint-Josse-ten-Noode,  le  25  mars  1887. 
Ses  deux  collaborateurs  (quoique  ne  relevant  pas 
d'une  étude  sur  le  cor)  avaient  eu  même  heureuse 
fortune.  Son  frère  Alexandre  fut  un  violoniste  vir- 
tuose fort  renommé,  dont  l'humeur  voyageuse  fit 
applaudir  le  vigoureux  talent  dans  les  deux  mondes, 
el  sa  sœur  Marguerite,  cantatrice  experle,  un  instant 
pensionnaire  de  l'Opéra  de  Paris,  longtemps  fêtée  à 
celui  de  Berlin,  a  épousé  le  célèbre  chanteur  espa- 
gnol Padilla. 

Je  puis  en  citer  encore  beaucoup  d'autres  tels  que 
Kenn,  Donmsch,  Dauprat,  Galley,  Garrigi'e,  Mohr, 
dont  la  méthode  pour  cor  est  assez  répandue,  Baneux, 
Meifred  (comme  cor  à  pistons),  car  que  doit-on  enten- 
dre p;u-  virtuose?  La  première  qualité,  el  qualité  indis- 
pensable du  virtuose,  est  de  captiver  son  public,  de 
le  mettre  dans  l'obligation  de  l'écouter  en  lui  impo- 
sant le  solo  ou  le  concerto.  Il  doit  lui  faire  constater 
les  difficultés  d'exécution,  ses  qualités  de  conception 
et  son  talent  dans  l'interprélation  par  la  couleur,  le 
charme,  les  nuances  qu'il  met  dans  la  traiiuction 
exacte  de  la  pensée  de  l'auteur.  Il  doit  prendre  le 
public  par  son  côté  sensible,  el  cela  peut  arriver  par 
l'impression  découlant  d'une  simple  phrase,  surtout 
quand  l'artiste  a  su  s'imposer  dès  le  début. 

Pour  terminer,  je  dirai  qu'il  existe  peu  d'ouvrages 
théoriques  sur  l'étude  du  cor. 

Je  ne  vois,  à  raa  connaissance,  en  France,  que  les 
méthodes  de  Mohr,  Donnich,  Dauprat,  Gallay,  Dl'ver- 
NOv,  Meifred,  Me.ngal  et  celle  que  j'ai  fait  paraître. 


Jean  PENABLH:. 


LE  TROMBONE 


Par  M.  G.  FLANDRIN 


VE^    CaNCBRTS    rOLnXM': 


Le  trombone,  parmi  les  iiislrumeuls  de  cuivre  à 
embouchure,  est  seul  à  posséder  une  tablature  natu- 
rellement complète;  de  sa  structure  particulière  nail 
l'absolue  justesse,  son  mécanisme  est  simple  et  pro- 
cède des  émissions  successives  de  sept  corps  sonores' 
répondant  tous  aux  lois  de  la  résonance  :  le  premier 
corps  sonore,  soit  l'instrument  dans  sa  plus  petite 
longueur,  établit  la  tonalité  de  construction;  les  six 
autres  déroulent  d'i  premier  par  demi-tons  des- 
cendants au  moyen  d'une  coulisse  glissant  sur  deux 
tubes;  sa  forme  rappelle  celle  d'une  trompette  re- 
courbée^. 

Consti'uit  sur  divers  corps  sonores,  le  trombone 
a  donné  autant  de  .timbres  nouveaux,  celui  de  si''^ 
a  produit  les  meilleurs  résultats,  et  le  Conservatoire 
lui  accorde  avec  raison  la  faveur  à  laquelle  il  a  droit. 
Les  besoins  de  l'orchestration  ancienne  ont  amené 
les  facteurs  à  construire  des  trombones  à  coulisse 
de  diverses  hauteurs,  ce  qui  créa  une  famille  se  com- 
posant de  six  instruments  échelonnés  de  la  façon 
suivante  ;  contre-basse,  basse,  ténor,  alto,  sopiano 
et  piccolo,  groupe  intéressant,  de  plus  en  plus  dé- 
laissé, si  on  en  Juge  par  l'orchestration  moder'iie  qui 
emploie  trois  trombones  ténors  au  lieu  des  trom- 
bones basse,  ténor  et  alto;  l'historique  de  la  famille 
aide  à  se  rendre  compte  de  l'utilité  des  divers  instru- 
ments se  partageant  une  certaine  étendue  musicale; 
aucun  n'a  le  mérite  du  trombone  ténor,  mais  ils  le 
complètent  avantageusement,  soit  dans  le  grave,  soit 
dans  l'aigu. 

La  disparition  des  instruments  classiques  (motivée 
d'autre  part)  se  faisant  sentir  et  le  progrès  s'impo- 
sant,  on  tenta  de  substituei'  au  trombone  à  coulisse 
le  trombone  à  pistons,  dont  la  forme  et  le  nombre 
des  pistons  vaiient  beaucoup  sans  rien  ajouter  à  l'é- 
tendue de  l'instrument. 


ORIGINE  ET   HISTORIQUE   DU   TROMBONE 

Le  trombone  à  coulisse  apparaît  à  une  date  très 
reculée;  Rabelais'*  le  fait  remonter  aux  anciens  Hé- 
breux, mais  aucun  dessin  de  ce  temps  ne  nous  en 
est  parvenu;  la  trompette  turque,  appelée  surme  en 
Egypte,  d'après  de  Laborde  et  Villoteal',  donne  assez 
vaguement  l'idée  du  ti  ombone  en  esquissaiit  la  cou- 
lisse et  le  pavillon;  plus  siirement,  le  trombone  fait 


partie  de  la  famille  des  tubœ  (Irompeites  des  Latins 
qui  le  nomment  tuba  ductilia'^}  ;  les  Romains  connais- 
saient la  tuba  duclilis  en  usage  chez  les  Hébreux  «. 

L'étymologie  du  mot  trombone  parait  tirée  du 
grec  slrombos  ou  du  latin  ^trombu.i,  dénommant  une 
sorte  de  coquille  à  l'imitation  de  laquelle  on  a  fait  la 
trompe;  ce  qui  semble  soutenir  cette  version,  c'est 
que  des  trompes  primitives  sont  nés  les  cors,  et  que 
le  ix=  siècle  vit  des  cors  recourbés  à  tuyaux  mobiles 
qui  sont  de  véritables  trombones;  on  a  des  manus- 
crits de  cette  époque  où  se  trouvent  décrits  ces  ins- 
truments, désignés  au  moyen  âge  sous  le  nom  de 
sacquebuCe'' . 

Voilà  qui  laisse  à  penser  que  le  trombone  serait 
né  de  combinaisons  diverses  appliquées  successive- 
ment aux  cors  et  aux  trompettes  ;  son  timbre  si  parti- 
culier occupe,  en  elfet,  en  quelque  sorte  le  milieu  entre 
les  deux,  tenant  sa  douceur  de  l'un  et  sa  puissance  de 
l'autre  ;  certains  auteurs  prennent  pour  racine  tromba, 
mot  italien,  qui  désigne  les  trompettes  en  général'; 
d'autres  s/ro)«6o/(,  par  ironie  peut-être,  pour  souli"ner 
les  grondements  dont  il  est  capable. 

De  curieuses  légendes  existent  sur  le  trombone  à 
coulisse;  dans  la  préface  de  la  Méthode  de  .N'elua.nn 
son  invention  est  revendiquée   par  Tvbtée,  683  ans 
avant  J.-C.  ;  d'autres  accordent  le  mérile  de  la  décou- 
verte à  OsiRis. 

En  17.38,  on  aurait  découvert,  dans  les  ruines  de 
Pompéi,  deux  trombones  superbes,  dit  .Neuma.n.v,  dont 
les  embouchures  étaient  en  or,  alors  que  les  instru- 
ments étaient  en  bronze  ;  le  roi  de  .\aples,  ajoute-t-il 
aurait  donné  un  de  ces  ti'ombones  au  roi  d'.\n"leterré 
George  II,  (|ui  était  présent  aux  fouilles. 

M.  \V.  Chapell,  dans  une  note  écrite  par  lui  il  y  a 
plus  de  cinquante  ans,  confirme  cette  assertion  et 
ajoute  que  l'instrument  ainsi  trouvé  existe  dans  la 
collection  de  Windsor;  mais  le  conservateur  de  cette 
collection  a  nié  en  avoir  connaissance. 

Devant  l'abondance  d'histoires  plus  ou  moins  di- 
gnes de  foi,  il  est  préférable  de  s'en  tenir  aux  docu- 
ments parvenus  jusqu'à  nous. 

On  a  quelques  raisons  de  croire  que  la  plus  ancienne 
trace   des  instruments  à  coulisse    qui   soit  connue 
est  la  figure  presque  informe  d'une  sacquebute  où 
saqiid.ute^  du  ix°  siècle;  cette  figure  existe  dans  un 


1.  Voir  strui  lure  du  trombone  ténor;  étyiiiologie  liu  mot. 

2.  IJera. 

3.  Ténor. 

4.  Rabelais,  liwe  I,  cbap.  23. 


5.  DucHHs,  ù  coii-luire. 

6.  Se'on  Virgile  et  Isidore 

7.  C.isiniir  CoLusto,  La  MusigWf  p.  133. 

8.  Nom  français  de  l'instrument  :  saquer,  sacquer,  mot  ancien  nui 
vput  dire  traîner  avec  soubresauts;  bouter  (vieux)  :  pousse-,  d'où 
fyarpieboule,  comme  b'juic-sdie. 

104 


1S50 


EycrCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOX XAIRE  nv  C.OXSEnVATOmE 


manuscril  assez  bien  conservé  de  Boulogne-sur-Mer. 
L'enluminure  de  l'époque,  or  et  arpent,  est  relative- 
ment difficile  à  reproduire,  le  reclo  ayant  traversé 


FiG.  715. 

le  verso  et  vice  versa,  bien  qu'imparfaite,  elle  repré- 
sente, de  façon  à  ne  pas  s'y  tromper,  suivant  quelques 
chercheurs  éiudits,  le  trombone  à  l'état  rudimen- 
taire. 
M.   Mahillon,  ancien  conservateur   du   musée   du 


FlH.  716. 


Conservatoire  de  Bruxelles,  à  qui  fut  attribuée  celle 
trouvaille,  s'est  défendu  de  celle  paternité;  dans  une 
brochure  intitulée  :  Le  Trombone,  son  kisloire,  sa  théo- 
rie, sa  constitution';  selon   lui,  lesdits  chercheurs 


1.  Celte  brocliuri',  tr.ijuint  tics  instruments  à  veut  en  général  et  du 
trombone  eït  jiarticuliiT,  est  très  concise;  elle  se  recomman'le  sur- 
tout de  HsLMiiOLTZ,  natif  de  Potsdam  (I8Î1-I894). 


confondraient  sflf^ifrbuïe  avec  jamfcKÏe,  et  l'enluminure 
dont  il  est  question  laisserait  à  supposer  que  la  sam- 
bute  est  un  instrument  à  cordes  dont  la  structure 
imitait  assez  bien  la  forme  du  Ironibone. 

Quoi  qu'il  ensoil,  serronsl'histoire  le  plus  possible. 

L'absence  de  documents  marquant  les  x'',  xi'  et 
xii""  siècles  esl  à  peu  près  coniplèle;  cependant,  on 
peut  admettre  l'existence  du  trombone  pour  celte 
période,  en  s'appuyant  sur  une  peinture  le  repré- 
sentant clairemenl;  M.  Widor  dit  (|ue  le  s.m°  siècle 
fait  voir  l'emploi  du  trombone  dans  la  célèbre  pro- 
cession de  Saint-Marc  de  Venise,  où  défilent  aussi 
des  trompettes  longues  dont  le  pavillon  est  supporté 
sur  l'épaule  de  pelils  pages;  cette  procession  très 
mouvementée  esl,  paraît-il,  reproduite  aujourd'hui 
sur  des  panneaux  d'un  certain  prix  et  assez  encom- 
brants. 

La  structure  de  l'instrument  de  celte  époque  décèle, 
par  conséquent,  une  existence  rétrospective. 

Dans  une  peinture  murale  de  l'Hôtel  de  Ville  de 
Paiis,  fort  documentée,  on  voit  la  sacqucbute-  au 
milieu  d'un  groupe  de  niusiciensduxv=siécle,où  ligu- 
renl  harpe,  trompette  marine,  cornet  à  bouquin,  etc., 
et  saluant  avec  la  foule  l'entrée  de  Louis  XI  à  Paris 
le  30  août  1461'. 


VII      II 


^ 


^) 


Fie.  717. 


Sacquebute  du  xvii^  siècle. 


Parmi  tous  les  admirables  instruments  anciens, 
peints  sous  la  tribune  de  l'orgue,  l'église  de  Gonesse* 
nous  a  conservé  une  forme  parfaite  du  trombone  à 
coulisse;  la  slruclure  de  l'instrument  est  bien  celle 
qui  subsiste  aujourd'hui. 

Cette  figure  peut  avoir  quelque  analogie  avec  les 
posaiini'n  des  légendes  du  Nord  dont  il  est  question 
plus  loin. 

Jusqu'en  loOO,  l'emploi  de  la  saquebute  ne  semble 
pas  bien  précis;  les  quelques  notes  qui  suivent  indi- 
quent seulement  sa  présence  dans  les  fêtes  officielles 
et  marquent  sa  progression  à  partir  de  cette  époque: 

<<  Quittance  31  décembre  I.tIS,  de  Ghiistophe  Pl.\i- 
sANXF,  joueur  de  saquebute  du  lloi^.  « 

Dans  un  volume  publié  en  1520,  à  Bàle,  par  S.  Vir- 
DC.NG ,  le  trombone  est  cité  parmi  les  instruments 
connus  en  France;  il  y  avait,  dit-on,  un  fabricant  de 
trombones  nommé  Hans  Menscel,  qui  faisait  des 
instruments  de  marque;  le  nom  seul  du  facteur 
nous  en  est  parvenu. 

En  1636,  le  Père  Mersk.ViNE,  au  cours  de  ses  recher- 
ches, croit  avoir  retrouvé  la  description  du  trombone 
dans  un  passage  d'Apulée,  écrivain  latin  du  ii'=  siècle, 
auteur  du  curieux  roman  Z' Ane  rf'or,  et  cite  la  saque- 
bute dans  une  liste  d'instrumenls  en  usage  de  son 
temps. 

Le  czar  Pierre  le  Grand,  amateur  de  concerts 
bruyanis,  'se  faisait  jouer  des  morceaux  de  saque- 
butes  et  cornets  à  bouquin  pendant  ses  repas"  (1682- 
n-15). 


2.  La  sacquebute  de  cette  époque  est  représentée  le  pavillon  non 
recourbé  en  avant,  mais  situé  droit  au-dessus  de  l'-'paulc  gauche  du 
musicien. 

3.  Tatlegrain,  1892. 

4.  Environs  de  Paris,  Seine-et-Oiso. 

5.  Noti"  conservée  à  la  liibliutliétiue  ndionab-,  ins  fr.  7S33. 

6.  Casimir  Coi.om»,  La  Mu-siquc,  page  iiO. 


TECHNIQUE,  lisriiiiriuvE  ht  FÈDMlOaiE 


LE    TROMBONE 


1(î:i1 


Sous  Louis  XIV,  dès  10'j;i,  !■  corps  do  musique  de 
la  u  Grande  Kcurie  du  Koi  »  célèbre  des  fêtes  musi- 
cales, el  celles  de  rKpiphaiiie  sont  de  grandes  solen- 
nités; d'après  un  étal  de  1708,  cette  musique  com- 
prenait huit  joueurs  de  fifres  et  tamhouiins,  douze 
grands  hautbois,  le  quatuor  des  cromornes,  basse, 
ténor,  alto  et  soprano,  douze  trompettes,  cornets, 
saqueboutes,  etc.;  l'un  des  devoirs  de  la  charge  de 
«  grand  écuyer  de  Krance  »  était  de  faire  servir  aux 
entrées  des  lois  et  autres  solennités  lesdits  instru- 
ments, pour  rendre  la  fête  plus  brillante. 

L' Hisloif'  (le  l'  A<:ad>'mie  des  Sciences ,  noi,  comprend 
la  saipiebute  dans  une  liste  d'instruments  anciens. 

Dans  un  catalogue  des  instruments  à  vendre  chez 
J.-Keinhard  Storck,  facteur  d'instruments  de  musi- 
que «  Au  concert  des  Cigognes  »,  près  le  pont  Cor- 
beau, à  Strasbourg,  1784,  on  trouve  la  dénomination 
des  dilférents  individus  de  la  famille  des  tromboni 
el  leurs  prix  ainsi  délinis  :  le  premier  dessus,  vingt 
livres;  le  second,  trente  livres;  pour  la  taille,  qua- 
rante livi'es;  et  pour  la  basse,  quarante-huit  livres'. 
Ceci  établit  bien  l'existence  des  trombones  soprano, 
alto,  ténor  et  basse;  les  saquebutes  du   xvi°  siècb^ 
dit  Casimir  Colouh,  sont  de  ditférents  l'.alibres,  et  l'on 
en  joue  à  plusieurs  parties;  il  est  l'ait  mention,  dans 
les  auteurs,  du  premier  dessus,  du  deuxième  dessus, 
du  bourdon  et  de  la  basse. 

Chronique  de  Puris,  1791,  p.  781.  Translation  du 
coips  de  Voltaire  au  Panthéon.  —  Strophes  de  Chénier, 
musique  de  Gosseg  exécutée  avec  des  instruments 
antiques  copiés  sur  la  coloime  Trajane  :  /«6a  curva, 
buccins,  etc  :  cette  liste  pourrait  s'augmenter  sans 
gagner  en  intérêt. 

Le  plus  ancien  document  complet  et  authentique 
de  l'emploi  des  trombones  à  l'orchestre  s'établit  en 
1607  :  MoNTEVEUDi,  maître  de  chapelle  de  Saint-Marc 
de  Venise,  fait  entendre  un  groupe  de  cinq  de  ces 
instruments  da:;3  son  Orfeo;  M.  Vincent  a'l.\Dv,  dont 
l'érudition  est  si  coi}nne,  a  leuianié  eji  pailie  celte 
partition  qui  comporte  des  instruments  aujourd'hui 
disparus,  et  l'a  fait  entendre  à  la  Srludn  Cantnrum,  où 
elle  lut  ti-és  goûtée  parles  amateurs  de  curiosités  mu- 
sicales anciennes  et  artistiques;  outre  le  manuscrit 
original,  qu'il  a  eu  entre  les  mains  lors  de  la  recons- 
titution de  l'œuvre,  il  existe  deux  copies  du  temps 
identiques,  et  donnant  les  mêmes  dispositions  instru- 
mentales; à  l'exception  du  prélude,  les  trombones 
ne  sont  employés  dans  l'ouvrage  que  pour  les  scènes 
infernales  et  n'entrent  qu'à  l'enlr'acte  du  troisième 
acte,  comme  il  est  dit  dans  une  note  manuscrite-. 
Vincent  d'I.ndy  ajoute  :  .■  Il  y  a  cinq  trombones,  plus 
deux  cornetti,  que  nous  remplaçons  par  des  trom- 
pettes, le  cornetto  étant  un  instrument  disparu^.  " 

Dans  l'entr'acte  du  troisième  acte,  les  trombones 
sont  écrits  :  le  piemier  en  clé  d'ut  2"  ligne,  les 
deuxième  el  troisième  en  clé  d'ul  3"  ligue,  les  qua- 
trième et  cinquième  en  clé  de  fa  troisième  ligne'"  : 
à  l'entrée  d'Orfeo,  scène  II,  il  y  a  une  sinfonia  uni- 
quement jouée  par  quatre  trombones  soli,  le  premier 
en  clé  d'ut  y  ligne,  les  autres  en  clé  d'ut  4=  ligne. 
Les  trombones  paraissent  également  à  l'entiée  du 


chmur  d'Ksprits  infernaux,  doublant  les  voix  comme 
l'usage  s'en  répandit  alors  généralement;  les  trois 
premiers  doublant  les  parties  de  ténors,  les  deux 
autres  doublant  les  barytons  et  basses  avec  l'aide 
de  la  régale,  d'un  orgue  de  bois,  de  deux  violes  de 
gambe  et  d'une  contre  basse  à  cordes;  à  la  2"  scène 
du  IV»  acte,  ils  doublent  également  les  parties  vocales 
avec  la  même  disposition,  puis  ils  observent  le  silence 
jusqu'à  la  fin  de  l'ouvrage. 

Quant  au  prélude,  il  est  cUrieuM  pour  l'époque, 
parce  que  Montevehdi  y  mentionne  que  cette  pièce 
doit  sonner  un  ton  plus  haut,  les  trompettes  jouant 
en  son  forcé  avec  sourdine»;  cette  remarque  sur  la 
manière  d'écrire  la  trompette  est  intéressante;  elle 
paraît  avoir  été  très  usitée",  et  prouve  que  nos  com- 
positeui's  modei'nes  n'ont  rien  inventé  sous  ce  rap 
port;  les  trombones  de  ce  prélude  sont  notés  en  clé  d'ut 
%",  3"  et  4=  lignes,  le  deuxième  trombone  est  désigné 
sous  le  nom  de  vulgano''.  Ici,  sans  aucun  doute,  la 
partie  était  destinée  à  un  trombone'. 

11  faut  encore  retenir  l'appréciation  de  Vincent 
d'Indv  sur  le  rôle  du  trombone  dans  la  musique  du 
xvi'  au  xvu=  siècle,  rôle  très  considérable  selon  les 
écrits  datant  de  celle  époque;  le  trombone  fut 
employé  couramment  comme  la  famille  des  violes, 
comiie  celb-s  des  hautbois  et  des  cromornes. 

Le  trombone  est  donc  l'un  des  plus  anciens  instru- 
ments à  vent,  par  suite,  des  plus  vénéi'ables,  par  l'an- 
tiquité de  sa  tradition;  il  possède  cette  particularité 
d'avoir  conservé  sa  forme  primitive  alors  que  tous  les 
instruments  ont  subi  de  notables  changements'. 

La  forme  du  trombone  en  général  a  peu  varié,  en 
effet;  le  buccin  nous  oll're  un  pavillon  représentant 
une  tête  de  lion,  de  serpent  ou  de  dragon,  sans  plus 
d'intérêt;  le  rôle  du  buccin  se  réduisait,  à  peu  de 
chose  près,  h  doinier  la  Ionique  el  la  dominante;  la 
coulisse  est  loni'de  el  grossière;  en  outre,  l'instru- 
meul  ne  parle  pas,  manque  de  vibration'";  on  en 
trouve  sans  pompe  d'accord ",  qui  fut,  du  leste,  appli- 
quée assez  tard  par  l'iEiventeur  Uiedlorer  (1821). 

Ou  voit  le  buccin  eu  progrès  dans  les  lutrins  au 
commencement  du  xix»  siècle,  et  plus  tard  dans  les 
musiques  de  cavalerie. 


1.  Constant  PiErutF.  ;  Les  Facteurs  d'instruments  de  Mttsiijite,prL'cis 
historiiiue. 

2.  Ici  ouïrent   es  tronbones,  cornets  et  réglâtes,  el  ici  se  taisent  tes 
violes  à  bras,  l'orgue  de  bois  et  le  cembnlo,  —  et  la  scène  change. 

3.  Le  cornetto  était  une  sorte  de  clialunieau  à  trous  se  jouant  avec 
une  embouchure. 

4.  Inusitées  de  nosjoursrelalivenientan  trombone,  la  clé  d'?(f  i^  li-ne 
et  la  c\i  de  fij  3    ligne  dénoncent  l'existcn.-e  d'instruments  de  diverses 

auteurs. 


LA   FAMILLE   DES  TROMBONES 
Troiuboiie  coiitrcbasse* 

Le  trombone  contrebasse  fut,  dit -on,  employé 
comme  accessoire  guerrier  servantà  donner  l'alarme 
sur  les  remparts;  monté  sur  une  sorte  d'alfùt,  il 
mesurait  environ  quinze  pieds  de  longueur  sans 
compter  le  lortil'-;  il  n'en  existe  aucun  spécimen  ou 

.').  La  sourdine  îles  instrunieids  de  cuivre  à  embouchure  est  une  sorte 
di-'  cnne  creui  eti  bois,  carton  ou  métal,  qu'on  fixe  dans  l'interi-^ur  du 
pavillon  ;  elle  Lut  donner  par  1  instrument  des  sons  nasillards  et  comme 
éloignés,  plus  élevés  que  quand  l'instrument  est  naturel;  plus  l'instru- 
ment est  petit,  plus  il  est  sensible  à  la  faculté  île  hausser  le  son. 

tj.  Kap|)elée  et  établie  dans  la  Mêtltode  de  Irompell:'  de  Djiuvaust 

7.  ."Snm  qui,  d'ordinaire,  était  afîecté  ù  la  partie  de  trompette  grave. 

8.  Voir  sur  VOrfeo  :  II.  I'kusièbes,  La  Vie  et  i'œuiire  Je  C.  .Ifon- 
teverJi    19261,  pp.  62  et  suiv. 

9.  Les  quatre  trombonistes  qui  sont  peints  d'après  des  carions  d'Al- 
bert Dlirer  au-dessus  de  la  porte  de  la  Salle  Impériale  de  l'II6lcl  de 
Ville  de  Nuremberg,  peinture  datant  de  1616,  jouent  dans  des  instru- 
ments à  peu  de  chose  près  semblables  à  nos  lr..mbones  aciuels,  landis 
que, dans  la  même  peinture,  tous  les  autres  inslruments  dilTèicnt  beau- 
coup de  ceux  que  nous  connaissons  aujourd'hui. 

10.  Ancien  insirunient  à  vent,  défini  par  Dauvëum?,  sous  forme  trom 
petto  (l/e^iorfe). 

11.  Voir  structure  trombone  ténor. 

1-2.  Tuyaut  repliés   en  ronddiuilci  tub -,  |)ré,'é  la  it  le  pivillou 
Mi'Uiode  de  trombone  par  Bef.k  et  Dieppo. 


1(152 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


dessin  précis;  on  suppose  qu'il  devait  produire  quel- 
qjjes  sons  ou  mugissements  propres  à  donnei'  l'éveil 
par  leur  puissance;  nul  doute  qu'il  ne  soit  question 
de  cet  instrument  formidable  au  xiv"  siècle,  où,  sous  le 
nom  de  sacquebule,  il  servait  aux  signaux,  de  même 
qu'au  temps  des  guerres  d'Italie  sous  Charles    Vlll 
(1483-98),  dont  des  gravures  de  sacquebuliers  le  lais- 
sent vaguement  reconnaître  (V.  d'Indy).  Il  fui  connu 
en  Allemangne  sous  le  nom  de  Gross   Posaiine'.  Le 
trombone  contrebasse,  si  peu  avantagé  pour  l'art, 
devait  disparaître,  et  la  musique  ne  put,  pour  cette 
cause,  le  sauver  de  l'oubli,  quand,  en  1835,  un  fac- 
teur  d'instruments,    Halary,  établit   et  exposa  un 
modèle  de  trombone  contrebasse  muni  d'une  double 
coulisse;  ce  système  ingénieux  pour  l'époque  obtint 
une  récompense,  mais  il  ne  fut  pas  employé  en  rai- 
son d'i  sa  médiocrité  de  sou  et  de   la   résistance  de 
son  mécanisme;  c'était  de  nouveau  l'abandon,  mais 
l'idée  de  restituer  l'instrument  en  l'établissant  musi- 
calement était  éveillée  et  devait  suivre  son  cours. 

On  est  parvenu  dernièrement  à  le  rétablir  à  l'aide 
d'un  nouveau  système  supprimant  son  énormité;  deux 
modèles  différents  en  existent  aujourd'hui,  très  faciles 
à  jouer;  le  modèle  I'ol'rmer,  récompensé  à  l'Exposi- 
tion de  1900,  elle  modèle  MAQUARRB(Jean),  d'inven- 
tion plus  récente. 

Le  trombone  contrebasse  est  appelé  à  rendre  de 
grands  services  dans  l'orchestration  future  et  dans 
l'exécution  des  parties  graves  déjà  écrites^,  mais 
conliéesàson  défaut  au  bombardon^  qui  nuit  à  l'effet 
des  timbres  clairs*. 

Tout  développé,  l'instrument  mesure  cinq  mètres 


Système  Halary.        ModMe  Fournier.     IWodcle  Maquarbe  (Jean). 
FiQ.  71S.  —  Trombones  conlrebasses. 

treize  centimètres,  la  longueur  de  ses  branches  divi- 
sible en  sept  positions  par  la  coulisse  est  de  soixante- 
deux  centimètres  (0  mètre  620)  ;  il  est  construit  sur 
si  h  grave'';  il  exige  beaucoup  de  souffle  et  doit  s'em- 
ployer surtout  pour  ajouter  aux  effets  d'étendue. 


Exposition  des  sept  positions  avec  leur  armure". 


Étendue  chromatique  du  trombone  contrebasse'. 


^^^^^^''^^^^^^^_ 


u 


Troniboiie  basset 


Le   trombone  basse^    est  parvenu   jusqu'à   nous, 


1.  En  Allemagne, .les  tromboues  portent  le  nom  de  posaune  qui 
s'iipplique  aussi  à  la  trompeUe,  plus  particulièrement  à  celle  di-s 
•  Anciens  »,  chez  le?  historiens  et  lês  archéologues,  et  à  celle  di'sangps, 
dans  les  passages  des  théologiens  et  des  poètes  relatifs  au  jugement 
dernier  (Casimir  Colomh,  La  A/iisiqup,  p.  132l.  La  gross  posamie 
evécutait  les  parties  d<*  b;isses  éirilea  sur  la  clé  de  fa  4«  li^ne  et  5» 
ligne,  â  cause  de  la  gravilé  des  sons  de  l'instrument  ;  on  indM|uait 
aur  lu  musique  trombone  4«,  ou  siuiplenu  nt  trombone  (Bf-eh  et  Djei-po). 

2.  Wagner  a  écrit  une  partie  pour  le  trombone  contrebasse  dans  le 
Cr'imscule  des  Dieux.  Verli,  également,  dans  FaUta/l'. 


W^pppp^ 


ki 


mais  il  est  dédaigné  par  les  instrumentistes  en  rai- 
son de  sa  lourdeur  et  d'un  manche  servant  à  attein- 
dre les  positions,  ce  qui  rend  aussi  l'instrument 
insoumis  à  la  justesse  et  a  l'exécution  du  plus  simple 
trait;  on  possède  deux  modèles  de  tons  différents;  le 
premier,  construit  surso/b,   mesuie  tout   développé 

3.  Contrebasse  en  cuivre,  octave  grave  de  l'oijhicléïde. 

4.  Trompettes  et  trombones. 

5.  Yùir  structure  du  troiiil)one  ti'-nfir  dont  il  est  roctave  basse, 

6.  +  Ce  sigii-  marque  la  plaie  des  noies  pédales  ioeiitribles. 

7.  Les  uoires  indiquent  les  demi-tons  du  centre  musical,  auquel 
sont  ramenés  tous  les  instruments  de  la  famille,  c'est-à-dire  comme  s'ils 
étaient  tous  en  ut, 

8.  Kd  Allemagne  :  Cro''S-Quart  Po'iaiinp. 


TECtINIQVE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


i  m.  74  cm.  ;  la  longueur  divisible  de  ses  branches  est 
deOrn.  71  cm.,  le  manche  atteint  la  lonjiueur  de 
Om.  31  cm.;  le  second, construit  un  ton  au-dessous, 
soit  sur  fa  ^,  atteint  les  proportions  ridicules  de  cinq 


LE    TROMBONE    1653 


mèli'es  qnaranle  et  un  centimèti'ys,  sa  longueur  divi- 
sible 0  m.  84,  le  manche  0  m.  37. 

L'étendue  de  ces  deux  instruments  réunis  est 
résumée  dans  celle  d'un  trombone  basse  nouveau 
système. 


F,a  7 19.  -  Trombone  basse  k  manche.  p...  720.  -  Trombone  basse  nouve.iu  sy,léme. 

Exposition  de  la  résonance  des  sept  positions  du  trombone  en  sol;  et  leur  armure'. 


Étendue  chromatique  du  trombone  en  soP 


k^^Wj^ 


^^^^^^p 


Les  maîtres  anciens  ont  beaucoup  écrit  pour  cet 
instrument,  unique  à  l'orchestre  par  son  timbre  et 
son  anijileur  de  son;  les  compositeurs  actuels  en 
sont  privés ,  et  confienl  sa  partie  à  un  Iroisiéme 
trombone  ténor  qui  ne  possède  ni  l'élendue  ni  la 
sonorité  désirables. 

De  nomlireus  essais  ont  été  tentés  pour  remédier 
à  ces  inconvénients  du  trombone  basse;  ils  ont 
abouti  à  l'établissement  d'un  instrument  réunissant 
les  qualités  de  puissance,  et  surtout  de  timbre  noble 
■des  trombones  basses  abandonnés  en  France. 


Construit  sur  solii,  ainsi  que  son  prédécesseur,  le 
trombone  basse  moderne  possède,  outre  la  tablature 
complète  exposée  plus  haut,  quatre  positions  dou- 
bles, plus  deux  nouveaux  corps  sonores,  utij  et  si  I) 
graves  n'existant  que  sur  le  trombone  en /■«  Ij  grave '. 

Le  mécanisme  du  nouvel  instrument  est  très 
simple  et  ses  dimensions  sont  ramenées  à  peu  de 
chose  près  à  celles  du  trombone  ténor,  sa  virtuosité 
est  la  même;  la  longueur  divisible  des  branches 
est  de  0  m.  62,  et  il  bénéficie  de  la  suppression  du 
manche. 


Exposition  des  neuf  positions  dn  nouveau  trombone  basse  et  leur  armure. 


Tnba. 

Dès  l'apparition  des  pistons  appliqués  à  la  trom- 
pette par  LAiiBAVE  (18-20)  et  plus  tard  par  D.  Jahn  au 

1.  Le  signe  +  indiiiue  les  notes  péd.iles  inexigibles. 

S.  Le  Irombone  basse  ne  s'écrit  jjlus,  sans  danger,  après  sol  i,  aigu. 


trombones  on  construisit  un  trombone  basse  qui  fut 
décoré   du  nom   de  tuba.    Cet   instrument   n'a   du 


3.  Inslrumentinulilisable,  mais  toujours  cité. 

4.  Le  signe  +  marque  la  place  des  notes  pédales  inexigibles. 

5.  L»3  positions  f  appuyées  >  sont  les  produits  d'un  système  abais- 
sant l'instrument  d'une  tierce  mineure. 

6.  Récompensé  eu  1834. 


165 


ENCVr.l.npfiDlE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIDV XAIRE  />U  CO.VSEliVATOlKE 


trombone  que  les  liihes  cylindriques  égaux  dans 
toutes  les  parties;  il  produit  des  sons  ranques  très 
liésai^réables  et  épr(]iive  une  ^'rande  difTicnllé  à 
nuancer,  aussi  ne  trouva-t-il  place  que  dans  les  fan- 
fares de  cavalerie  en  servant  de  basse  aux  tronipelles. 
Sa  forme  entraîna  une  erreur  de  désignation  qui 
s  applique  au  luba  actuel  de  perce  conique,  leni- 
plaçanl  à  l'orcheslre  l'opbicléide  disparu'.  Ad.  Sax 
en  construisit  un  en  mib  à  six  pistons  qui  n'eut  pas 
plus  de  succès. 


Fia.  72J.  —  Tuba  grave  ancien. 


Troinlione  ténor. 


Le  trombone  «enor  2,  le  plus  avantagé  de  la  famille, 
régnant  seul  dans  les  orchestres  français,  doit  être 
pris  comme  type  pour  servira  établir  la  structure 
du  trombone  en  général;  il  se  compose  de  tubes 
cylindriques  dans  toute  leur  longueur;  ces  tubes,  de 
perce  égale',  se  terminent  par  un  évasemenl brusque 
nommé  pavillon;  ce  pavillon,  recourbé  en  avant  et 
muni  d'une  pompe  d'accord,  forme  la  première  partie 
de  l'instrument. 

La  seconde  partie  comprend  deux  tubes  de  lon- 
gueur égale  portant  le  nom  de  branches,  relirs  par 
une  lige  nommée  barrette  S  et  qui  sont  munis  chacun 
à  leur  extrémité  d'un  tube  court  en  melchior',  pour 
établir  le  glissement  de  la  coulisse. 
^  La  troisième  partie  est  formée  par  la  coulisse 
s'adaptant  avec  précision  sur  les  branches,  glissant 


H 


l\ 


en  remontant  jusqu'aux  arrêts  formés  de  deux  petits 
tampons  creu.\  garnis  de  liège''  établissant lepremier 
corps  sonore'. 

La  coulisse  elle-même  se  compose  de 
deux  tubes  de  perce  plus  grosseque  les  bran- 
ches, reliés  aussi  en  haut  par  une  barrette, 
et  en  bas  parun  bocal"  muni  d'un  siphon'  ; 
elle  joue  un  grand  rôle  aujourd'hui  par  son 
extrême  mobilité. 

Finalement,  une  embouchure  percée 
droite,  c'est-à-dire  ne  formant  pas  cuvette 


V 


FiG.  722.  —  Trombone  ti>nor 
jij     et  son  pavillon. 


Fio.  723.  Branclies.  —  Cou- 
lisse adaptée  aux  embouts 
el  indications  des  positions. 


à  l'intérieur,  favorisant  l'émission  et  la  pureté  du  son. 
Le  trombone  ténor  est  construilsur  si'i  raédium  '", 
son  timbre  est  unique  et  ses  moyens  sont  innombra- 
bles ;  sa  longueur  est,  l'instrument  tout  développé,  de 
3  m.  95  cm.;  la  divisibilité  de  ses  branches,  des  man- 
chons à  la  naissance  des  embouts,  est  de  0  m.  59. 


Exposition  des  sept  positions  du  trombone  ténor" 


Étendue  chromatique  du  trombone-ténor '- 


1.  Le  tuba  aclui-I  (sans  tenii-  compte  de  l'erreur  de  genre)  a  donc 
usurpé  te  nom  d'un  vrai  tuba^essayé  naguère  sous  une  forme  nouvelle  ; 
pour  lors,  rien  de  commun,  comme  son  et  moyens,  entre  ces  deuj 
instruments,  f|ue  la  forme  imitée  et  le  nom. 

2.  En  Allemagne  :  Ténor  Posaune. 

3.  Diamètre  intérieur  des  tubes. 

4.  Terme  de  fabricants. 

5.  Ces  tubes  se  nomment  embuuts. 
0.  Mandions. 

7.  On  entend  par  corps  sonore  la  succession  des  sons  obtenus  du 
graTe  à  l'aigu  sur  un  tube  fixe  muni  d'une  embouchure  et  d'un  pavil- 
lon, soit  II  note  foudamentalc  ou  pédale,  l'octave,  la  quinte,  l'octave, 
la  tierce,  la  quinte,  la  Mptiémo,  l'octave,  la  neuvième,  la  dixième,  etc. 
Or,  le  trombone  a  ceci  de   particulier,  .|u'après  son   premier  .corps 


sonore,  il  peut  s'allonger  sii  fois  cbro  uatiq  lemeil,  donnant  à  cl.aque 
allongement  successif  une  série  nouvelle  toujours  plus  bas»e  il'un 
demi-Ion.  Ce  sont  ces  sept  corps  sonores  que  l'on  nomme  positions'; 
de  la  comliînaison  de  ces  positions,  le  trombone  à  coulisse  tire  l'.ivan- 
tagc  de  l'absolue  justesse,  la  correction  des  intervalles  bas  selon  les 
lois  de  la  résonance  n'étant  qu'un  jeu,  grâce  à  l'oreille  et  au^talent 
de  l'instrumentiste. 

8.  Tube  arrondi. 

0.  Clef  automatique  laissant  échapper  l'eau  dès  qu'on  pose  l'instru- 
ment debout. 

10.  Même  hauteur  que  la  voix  de  ténor,  le  grave  en  plus. 

il.  Le  signe  -^  marque  les  pédales  inexigibles. 

t'2.  Passé  r«t  aigu,  le  trombone  ténor  ne  s'écrit  plus  sans  danger. 


TECHNIQUE.  ESTHETIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    TROMBONE    1655 


Ces  corps  sonores  ou  positions  peuvetil  èlre  piali- 
qiiés  par  le  trombone  à  pis- 
Ions.  Cet  instrument  s'au- 
torise d'un  mécanisme  ap- 
plique iieureusement  aux 
perces  coniques,  tels  li' 
cornet  à  pistons,  le  buglr, 
le  tuba,  etc.,  dont  l'émission 
du  son  est  reUilivemenl  fa- 
cile, sans  toutefois  jouir 
des  avantages  acquis  à  ces 
instruments;  sa  perce  cy- 
lindriqup  le  met  en  état 
d'infériorité  comparative- 
ment aux  instruments  ci- 
dessus  indiqués,  par  la  dif- 
ficulté d'émettre  le  son  et 
d'observer  même  la  jus- 
tesse consentie  aux  instru- 
ments à  tempérament. 

Or,  ce  qu'on  exige  essen- 
tiellement    du    trombone, 
c'est  la  justesse,  ce  sont  la 
,,  ,,  pureté  du   son,  le    timbre, 

\^-^_^/  la  force,  etc.;  il  est  incon- 

testable que,  seul,  le  trom- 
bone à  coulisse  possède  ces 
moyens,  vu  sa  colonne  d'air 
interrompue  et  la  facilité  qu'il  donne  de  distinguer 
dans  tous  les  tons  les  intervalles  à  modifier. 

Exemple  :  Damnation  de  Faust  (Brri-ioz)  : 

Maëstoso  ^_    i-    «-^ 


Fi6.  724.  —  Trombsne  à 
4  pistons  :  module  de  l'armi 


^^^^^Ê 


Le  trombone  à  coulisse  exécutera  bien  fa  double 
dièse,  tandis  que  le  trombone  à  pistons  donneras  / 
naturel  déjà  trop  bas  chez,  lui  ;  le  mi  dièse  subira  le 
même  sort,  et  s^Ta  remplacé  par  fa  naturel. 

Trombone  à  six  pistons. 

Le  trombone  S.\x,«  six  pistons  et  à  tubes  indépeu- 


Fm.  725.  —  Trombone  h  six  pistons  indépendants, 
dants,  pou  ravoir  été  copié  sur  le  trombone  à  coulisse'. 


i.  Siibslitiilion  des  pillons  aux  positions,  soit  première  position 
rempliicée  par  le  prpmier  piston,  ainsi  de  suite,  la  septième  position 
représentée  par  l'instrument  â  vide  sans  se   servir  d'aucun   piston  ; 


n'est  guère  plus  heureux;  il  jouit  d'une  sonorité 
relative,  mais  il  se  complique  d'une  préparalion  de 
doigté  dont  un  tromboniste  craint  les  disgrâces;  en 
outre,  les  difficultés  d'accord  dans  les  modulations 
lui  sont  aussi  redoutables  qu'à  ses  congénères-. 

On  a  aujourd'hui  des  cors,  des  cornets,  des  trom- 
pettes et  des  trombones  à  pistons  ;  ce  mécanisme 
donne^une  grande  égalité  de  son  et  une  grande  faci- 
lité au  jeu  ;  mais  il  faut  bien  avouer,  dit  Casimir 
Colomb,  que,  dans  certains  cas,  le  timbre  primitif  est 
altéré  et  dénaturé,  et  que  c'est  une  faute  pour  un 
chef  d'orchestre  que  de  faire  exécuter  par  des  ins- 
truments modernes  des  parties  écrites  par  les 
maitres  pour  les  anciens  instruments  du  même  nom  ; 
l'ignorance  des  exécutants  peut  trouver  cela  plus 
commode,  l'insouciance  du  chef  d'orchestre  peut 
s'en  contenter,  mais  le  caractère  d'une  œuvre  est 
absolument  faussé  par  une  pareille  négligence''. 

Ces  instruments-,  peu  avantagés  dans  l'orchestre 
symphonique,  paraissent  avoir  surtout  rendu  des 
services  aux  musiques  militaires,  populaires,  etc., 
bien  plus  qu'à  la  musique  elle-même,  par  leur  faci- 
lité d'emploi  comparative;  les  essais  dont  ils  furent 
l'objet  sont  si  nombreux  qu'il  serait  fastidieux  de 
les  énumérer  eu  y  joignant  ceux  du  trombone  a 
coulisse,  aucun  intérêt  artistique  ne  s'y  attachant 
du  reste. 

Xi-oiuboiie  alto. 

Le  complément  naturel  du  trombone  ténor  à  l'or- 
chestre est  le  trombone  alto'%  formant  avec  le  trom- 
bone basse  un  trio  homogène  et  présentant  une  éten 
due  utilisée  dans  la  musique  classique. 
.Après  l'abandon  du  trombonebasse, 
le  trombone  alto  n'avait  plus  guère  de 
raisons  d'exister;  les  compositeurs, 
non  sans  regrets,  durent  en  prendre 
leur  parti,  se  résigner  à  écrire  des 
accords  rapprochés,  et  remplacer  quel- 
quefois des  sonorités  manquantes  par 
des  forte  exagérés  qui,  peut-être,  ne 
sont  pas  étrangers  à  l'abus  qu'on  fait 
aujourd'hui  du  trombone. 

La  disgrâce  du  trombone  alto  fut 
aussi  motivée  par  la  médiocre  qualité 
de  son  qu'il  donnait;  objet  de  tenta- 
tives d'améliorations,  il  fut  construit, 
tour  à  tour,  sur  fa  b,  mi  i\^  et  rêb, 
sans  résultats  appréciables,  car  la 
structure  générale  de  l'instrument 
était  seule  laulive;  il  fut  doté  derniè- 
rement d'une  perce  spéciale  demi-cylindrique,  dont 
l'application  su  résume  dans  l'établissement  d'un 
tube  plus  petit  que  l'autre,  d'une  coulisse  plus  longue 
et  de  l'adjonclion  d'un  pavillon  plus  en  rapport  avec 
l'instrument;  il  apparaît  aujourd'hui  comme  élégant, 
sonore  et  bien  timbré,  prêt  à  revendiquer  sa  place 
en  s'appuyant  sur  de  nombreux  prosélytes. 

Inutile  de  reproduire   les  anciens  types,  tous  les 

matbeureu=emcnt,  1-s  pistons  ne  peii»enl  npporler  la  sensibilité  de  ta 
C3ulis5e  et  restent  soumis  aux  lois  de  la  résonance,  malgré  des  com- 
binaisons ingénieuses  de  doigtés  f.ictices. 

2.  Saint-Saéss,  dans  le  Déhige,  tire  parti  de  sa  faculté  chromatique 
dans  certaines  tonalités. 

3.  La  Musique,  p.  13iî. 

4.  Les  trombon -s  à  pi-ton«,  quels  qu'il  soient. 

5.  En  Allemagne  :  Alto  Posnun''. 

6.  ArabroUe  Thomas  a  .crit  un    solo  important  p..ur    trombone  alto 
en  mi  a,  dans  l'ouierturedu  Comte  d,;  Cnnna.jnola.  (1811  ). 


Fia.  726. 
Trombone- alto. 


llîôf. 


E!Vr.yCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOS'NAIRE  DU  COSSERVATOIRE 


mêmes,  proportions   gardées';    le   nouveau    modèle 
est  rétabli  sur  ré  [i   qui  lui  donne  une  sonorité  per- 
so melle  et  précieuse. 
Sa  longueur'  totale  est  de  3  m.  20,  sa  divisibilité 


des  mandions  aux  embouts  est  de  47  cenlimètres. 
L'écriture  de  sa  partie, depuis Gllcr,  Bach, Mozart, 
Beethoven,  WiiBEH,  Berlioz,  Wagner,  prouve  sa  valeur 
et  son  utilité. 


Exposition  des  sept  positions  du  trombone-alto - 


Péd.      <'-'^f'\V 


V  


fiendue  chromatique  ^ 


^^^^^^ 


Sp(ï 


g 


Trombone  soprano» 

Peu  de  compositeurs  ont  écrit  pour  le  trombone 
soprano'';  on  trouve  une  partie  écrite  par  Bach  dans 
sa   Cantate  pour  tous  lea  temps,  Gluck  en  avait  écrit 

une  dans  Alceste{Cor- 
netto). 
____j,_^         Les  résultats  obte- 
II  >^   nus    naguère  sur  cet 
iusirumeut  lurent  sa 
soprano\     condamnation,  et  les 
1  ecberches   se  porlè- 
renl  sur  la  trompette  à  coulisse,  mais  les  mêmes  rai- 
sons les  firent  échouer  l'un  et  l'autre;  en  eflet,  sur  le 


CI 


2 


Π


Fir,.  723.  —  Trombone 


Iromborie  soprano,  le  son  dégénère  dès  la  troisième 
position  nn'h',  et  la  trompette  à  coulisse  éprouve  le 
même  sort;  construite  à  l'envers  du  trombone''  et  sur 
Aï!)  également,  elle  ne  donne  que  trois  demi-Ions, 
/'ail,  mi  if,  mi  \i;  des  combinaisons  établies  sur  les 
[iroduits  de  ces  corps  sonores  ont  apporté  une 
gamme  chromatique  incomplète  et  inexploitable*. 
Fort  des  remarques  faites  et  appliquées  au  tiom- 
lione  ailo,  on  construisit  sur  ces  données  un  nouveau 
trombone  soprano,  et,  après  de  nombreu.\  essais,  on 
réussit  à  établir  un  instrument  qui  rappelle  la  jolie 
sonorité  de  la  trompette  en  faii^,  muni  qu'il  est  de 
sept  positions  parfaites  et  d'une  sûreté  de  son  impec- 
cable. 


Exposition  des  sept  positions  du  trombone-soprano'" 


Étendue  chromatique* 


1.  Le  Mus6i.'dii  C'iiiS'ïrvaloire  iIl*  Pan-  jinssède  un  trombone  altu 
ancien.  N"  661.  Riedlokkr. 

2.  Le  signn  -|-  marque  les  prtdalcs  inexigibles. 

3.  Passé  ie  miti.le  trombone  allô  ne  sï-crit  plus  sans  danger. 
ÈEiTHovEN  n'n  pas  craint  d'écriie  un  fa  ^  *'''r;"  ''^"^  ^-i  ^)  mplionie  en  ut 
miiieur;  est-ce  pour  6viler  un  daiig^er  aux  li'ompetles  simples  il  than- 
genientdc  Ions  en  u'^age  alors,  ou  est-ce  une  Sonorité  de  son  choix? 

4.  En  Allemagne  :  Klein-Alt-Posnimr. 

.  lien  existe  un  ancien  dans  la  coUeition  du  baiondeLéry. 


1^   Au\  suivants  d"e"iplii|uer  ces  singuiarili's. 

7.  Trumpelte  anglaise  construite  sur  Lruis  demi  Lons,  la  coulisse 
rcmjntant  au-desBus  de  lY'panle  delViécutant  au  lieu  de  s'allonger 
dev.tnt  lui. 

8.  Méthode  de  tronipi'tte  i\<^  Dalivehné. 

'J.  Aba-idonnêe  dejuiis  ))eu  par  le  Cuaservatoire,  p^-urdes  niisons 
d'eiii|i!oi  dirficile. 

10.  Le  signe -f  induiuo  les  pédales  non  esigibles. 

11.  Passé  le  50/ aigu,  le  trombone  sopran:ine  s'écrit  plus  sans  ditngf^r. 


TEr.llMQUE,  ESTHÈTIQVE  ET  PÉnAGoGIE 


LE    TROMBONE     K.57 


TromUoae  pict-olo. 

Alicuii   document  n'existe  qui  stifll>e  à  nioliver  In 


c 


SD 


—  Trniiilione  piccolo. 


présHiicf  du  trniiilioiie  piccolo,  réiahli  .1  tili  e  de  curio- 
sité et  comme  coiM[ilériieiil  de  l;i  famille  ;  cons- 
truit SIM'  lie  MOuveaiiK  piiiicipes,  déiivanl  du  trom- 
bone ténor,  dont  Il  est  l'octave ai;.'Ui',  il  possède  aussi 
sept  [lositlons  liien  tiuibrl'es;  sa  lonixiieiii'  tnlale  est 
de  I  m.  06;  sa  divisiliililé,  des  mandions  aux  embouts, 
est  deO  m.  29;  en  raison  de  son  exi;;uité',  il  permet 
une  certaine  virtuosité. 


Exposition  des  sept  positions  du  trombone  piccolo'. 


Ëtesdue  chromatique^ 


^^P^pipipp 


Selon  les  'principes  des  anciens,  ces  six  instru- 
ments doivent  être  traités  en  ut  (c'est-à-dire  au  ton 
-de  l'orcheslro),  bien  que  pas  un  seul,  comme  on  l'a 
vu,  ne  soit  dans  celte  tonalité*. 


ENSEIGNEMENT   ET  EMPLOI   DU   TROMBONE 

L'enseignement  officiel  du  trombone  en  France  est 
récent;  ce  précieux  instrument,  relégué  parmi  les 
objets  guerriers  et  plus  lard  parmi  les  accessoires 
d'orchestre,  survivant  malgré  tout  à  sa  disgrâce  °, 
fut  tiré  du  néant  par  GiiEauBiMi,  directeur  du  Conser- 
vatoire royal  de  musique,  qui  obtint  du  gouverne- 
ment la  création  d'une  classe  de  trombone  (1833-36). 
Cette  classe  n'enseigna  et  n'enseigne  encore  que  le 
trombone  ténor,  à.  l'exclusion  de  tous  les  autres,  ce 
qui  explique  l'absence  du  plus  petit  ouvrage  d'ensei- 
gnement relatif  à  la  famille. 

Le  premier  professeur  fut  Vobaron;  son  enseigne- 
ment apparut  un  peu  embrouillé  et  incomplet,  faute 
de  principes,  assez  difficiles,  cela  se  conçoit,  à  établir 
au  début;  il  a  laissé  une  Miilhodo  sur  laquelle  les  dé- 
butants s'exercent  encore  aujourd'hui. 

Son  successeur  Diepco  enseigna  plus  clairement 
et  produisit  de  nombreux  élèves  de  valeur;  il  écri- 
vit, en  collaboration  avec  Beeb,  une  Méthode  qui 
ajoute  peu  à  la  tliéorie  du  trombone;  très  enthou- 

1.  Trom;)ette  en  si\;. 

2.  Le  signe  4-  marque  le^  pédales  inexigibles. 

3.  Après  «i  [,  aigu,  le  trombone   piccolo  n^  s'écril  pts  sans  d.in's-er. 

4.  Si,  selon  une  ancienne  err^-ur,  nous  désignons  le  ténor  par  l'ex- 
prcssion  en  ut,  c'est-à-dire  un  Ion  au-dessus  de  son  premier  corps 
sonore,  tous  les  autres,  sans  plus  de  raisons,  devront  nionli-rd'uu  ton 
dans  leur  appellation;  il  est  donc  nécessaire,  pour  la  clarté,  de  s'en 
tenir  à  leurs  noms  respeclil's,  sans  s'occuper  d'autre  chose  que  de 
l'étendue  otrerte  par  ces  instruments  réunis  ou  sectionnés  selon  les 
besoins  ou  la  fantaisie  du  compositeur. 

5.  Dans  des  mains  inhabiles,  il  est  en  cTet  ridicule  ù  voir  et  hor- 
rible à  entendre  ;  il  fut  donc  souvent  voué  au  dédain  ni;ilgré  son  inno- 
•cence. 


sia^te  de  son  instrument,  il  atleignil  à  la  célébrité 
l'ar  une  virtuosité  et  une  maîtrise  extraordinaires  ; 
c'est  sons  son  iniluence  évidente  que  certains  solos 
sont  écrits  dans  les  belles  sonorités  de  l'instrument 
qu'il  a  su  asservira  car  il  n'accordait  (avec  affecta- 
lion)  qu'une  valeur  relative  à  tout  ouvrage  ne  com- 
portant pas  de  solo  importani,  o'a  tout  au  moins  de 
partie  ardue. 

BiiRLioz  écrivit  sa  Sym^/honie  funèbre  (aux  victimes 
delà  révolution  de  1848)  où  le  trombone  brille  dans 
un  récitatif  de  grand  caractère,  précédant  un  solo 
non  moins  imposant  ;  l'opéra  d'HALÉvv  Le  Juif 
errant  (1852),  comporte  un  grand  solo;  Guido  et 
Ginevra  contient  peut-être  le  plus  haut  et  le  plus 
dramatique  solo  de  trombone  qui  existe.  Ambroise 
TuoMAs  a  écrit  dans  Uamict  le  solo  difficile  du  1'''  acte, 
2'  tableau. 

C'i'st  bien  sous  Dieppo,  ce  maître  exécutant'',  que 
l'instrument  prend  un  véritable  essor. 

Professeur  par  intérim  au  Gymnase  militaire",  il 
dut  créer,  sous  l'impulsion  du  général  Mellinet,  ins- 
pecteur des  musiques  régimentaires,  l'enseignement 
du  trombone  Sax  à  six  pistons  (1866);  l'emploi  de 
cet  instrument,  devenu  obligatoire  à  l'Opéra,  dans 
les  musiques,  etc.,  causa  à  cette  époque  la  presque 
disparition  du  trombone  à  coulisse. 

Delisse,  élève  de  IJieppo,  succéda  à  son  professeur; 
non  moins  brillant  instrumentiste,  il  fit  sa  carrière  à 
l'Opéra-Comique  et  à  la  Société  des  Concerts;  son 
enseignement  fut  solide;  homme  du  monde,  violon- 
celliste agréable,  peintre  disl.ingué,  il  eut  plus  d'am- 


6.  DiKpi'o  était  venu  à  Paris  comme  clarinettiste;  celte  anomalie 
explique  sa  collaboration  avec'BEER,  professeur  de  cKarinelte. 

7.  Une  craignait  point  île  se  rendre  chej  les  compositeurs  avec  son 
initruraent  pour  leur  en  faire  connaitre  les  ressources;  Bkhlioz,  entre 
autres,  usa  souvent  de  cette  complaisance. 

8.  Caserne  école  (disparue  avec  l'Empirei  ou  les  régiments  envoyaient 
en  pension  pour  un,  deux  ou  trois  ans  des  élevés  solistes,  suivant  aussi 
des  coursd'harmouic,  de  composition,  et  destinés  à  re'ioiiveler  les  ca- 
dres des  sous-chefs  et  chefs  de  musi<|ue  de  l'armée. 


1658 


ÏSCVCLOPÉOIE  DE  LA  MUSKJI'E  ET  DICTfOVNArRh'  PU  COVSERVATOIRE 


bition  pour  ses  élèves  que  pour  hii-nième  ;  sons  son 
impulsion  et  grâce  à  ses  conseils  tecliuiques,  de  nom- 
breux solos  de  concerl,  airs  variés,  solos  de  concours, 
furent  éci-ils  par  Demersuann  '  ;  ces  morceaux  brillants 
et  bien  conçus  pour  l'instrument  particulier  qu'est  le 
trombone  à  coulisse,  lui  ouvrirent  une  voie  nouvelle  ; 
il  transcrivit,  dans  le  bul  d'ennoblir  l'étude  de  l'ins- 
trument, de  la  musique  de  Beethoven,  Mozart,  Haydn, 
Mendelssohn,  Chopin,  Schumann,  etc.,  quatuors,  trios, 
duos,  solos,  qu'il  accompagnait  fort  bien  au  piano; 
cela  faisait  sourire  quelques  professeurs  de  ses  collè- 
gues: i(  Je  supplée  à  ce  qui  manque,  disail-il,  et  quand 
mes  élèves  auroul  sucé  cette  mamelle,  ils  ne  sauront 
plus  faire  de  mauvaise  musique.  » 

A  la  suppression  du  Gymnase  militaire,  il  lutta 
contre  l'intrusion  du  trombone  à  pistons,  quel  qu'il 
fût,  dans  sa  classe,  et,  par  son  énergie,  fonda  la  véri- 
table école  du  trombone  à  coulisse,  dès  1873 

La  pénurie  causée,  chez  les  trombonistes,  par 
l'emploi  passager  du  trombone  Sax,  provoqua,  dans 
la  réorganisation  des  musiques  militaires,  le  choix, 
comme  instrument  réglementaire,  du  tronilione  à 
quatre  pislous  encore  en  usage  actuellement. 

Delisse  a  laissé  un  opuscule  s'adressant  plutôt  aux 
artistes  qu'aux  élèves  proprement  dits,  ce  qui  crée 
une  lacune  dans  l'enseignement^. 

Le  professeur  actuel  est  M.  Golullai'd;  il  a  succédé 
à  Allabd  (Louis),  élève  de  Delisse,  qui  avait  leniplacé 
ce  dernier  à  l'Opéra-Gomique  et  à  la  Société  des 
Concerts'. 

Les  virtuoses  sur  le  trombone  sont  peu  nombreux 
à  citer;  aucune  page  de  musique  du  reste  ne  fut  écrite 
pour  eux'.  Chose  curieuse  et  à  remarquer,  cet  ins- 
trument si  répandu  dès  le  xvn°  siècle,  en  Italie,  en 
Allemagne  et  en  Angleterre,  était  presque  inconnu 
en  France. 

Dans  leur  primitif  emploi,  les  trombones  formaient 
un  chœur  douhlant  les  voix,  les  remplaçant  au  besoin, 
et  ne  trouvaient  guère  place  que  dans  les  solennités 
religieuses  ou  princicres  :  «  C'est  ainsi,  dit  V.  d'Indy, 
qu'on  le  rencontre  toujours  à  cette  époque,  soit  à  la 
cour  des  princes  qui  avaient  assez  d'argent  pour  se 
payer  le  luxe  d'un  chœur  complet  de  tous  les  instru- 
ments", soit  dans  les  fiHes  religieuses,  cantates  ou 
sonates  d'église;  ils  doublent  toujours  litléralt-ment 
les  voix  ou  se  séparent  d'elles  pour  jouer  un  chœur 
instrumental  à  quatre  ou  cinq  parties;  la  musique 
solennelle  de  ce  temps  foui'mille  d'exemples  de  cette 
nature;  les  compositeurs  écrivaient,  pour  les  versets 
de  certains  hymnes,  des  ensembles  de  trombones  à 
cinq  parties  à  la  place  des  violes,  pour  varier''.  >> 

L'usage  de  doubler  les  voix  a  prévalu  longtemps; 
on  le  retrouve  chez  Hach  dans  plusieurs  de  ses  can- 
tates, notamment  dans  celles  de  la  Fêle  de  Piiqiies  et 
de  Pour  tous  les  temps;  Beethoven  lui-même,  dans  le 
Creao  ae  sa  Messe  en  rf,  fait  jouer  les  trombones  tou- 
jours à  l'unisson  des  voix,  au  cours  delà  fugue  finii  le. 

Les  compositeurs  qui  ont  traité  avantageusement 
les  trombones  alto,  ténor  et  hasse  sont  légion;  tous 

1.  Célèbre  lliUiste  compositeur. 

2.  Il  n'y  a  pis  de  i)rogression  outre  les  premiers  ouvrages  d'ensei- 
gnement cités  et  cet  opuscule. 

3.  Ou  consultera  utilement  I  excellente  Urgaitotjraphir  fjtjnérale  des 
instruments  a  embouchure,  lie  M.  Henri  Séh.\.  professeur  au  Conser- 
vatoire rojal  de  Bruielles  (l''25). 

4.  VoB»RON  dut  fiiire  travailler  ses  premiers  élèves  sur  oe  la  musiqu  e 
écrite  pour  le  basson. 

5.  Comme  les  princes  de  Gonzaguc  et  de  M  intoue,  pour  lesquels 
MoNTEVERDL  composa  son  Orfeo. 

6.  H.  ScH0rz(l53.')-lt37i),  précurseur  de  Bach  :  Dictionnaire  de  niu- 
t'jue  d'Hugo  RiEMANN. 


semblent  s'être  rendu  compte  des  sonorités  it  de 
l'étendue  offertes  par  ces  instruments,  car,  depuis 
Clucb'',  mainte  partition  offre  ce  trio  d'instruments 
traité  au  ton  de  l'orchestre. 

La  critique  n'a  pas  épargné  le  trorahone,  et,  en 
1906',  on  pouvait  lire  cet  aveu  qui,  pour  être  tardif, 
n'en  est  pas  moins  éloquent  :  «...  Tel  iiistrumeut  comme 
le  trombone  que  j'avais  souvent  pris  à  la  blague  me 
semble  triomphal  aujourd'hui  ;  jadis,  il  me  semblait 
aussi  curieux  de  lire  la  mention  :  "  i"  prix  de  trom- 
bone »  sur  un  bristol,  que  de  voir  celle  de  :  "  garçon 
d'accessoires  du  théâtre  de  la  Chimère  »,  souligner  le 
nom  d'un  humhle  citoyen  de  Landerneau  sur  une  carte 
de  visite.  »  On  conçoit  les  luttes  soutenues  par  les 
défenseurs  de  cet  instrument  unique  si  peu  considéré 
ou  vulgaire,  et  resté  pourtant  le  roi  indétriJnaLile  des 
instruments  de  cuivre. 

Les  compositeurs  contemporains,  sans  le  défendre 
outre  mesure,  s'en  servent  avantageusement  en  tant 
que  ténor,  tout  en  se  trompant  quelquefois  ;  le  maître 
Saint-Saëns,  dans  sa  Sijmphonie  en  ut  mineur  avec 
orgue,  semble  céder  à  l'idée  que  le  premier  trombone 
est  le  plus  habile  des  trois,  et  il  lui  conlie  un  passage 
dont  la  tessilure  est  bien  relative  au  trombone  basse; 
sa  raison  est  certainement  l'alisence  d'un  instrument 
grave  dans  ce  timbre,  puisqu'il  a  tracé  une  page  émou- 
vante pour  le  Irrimiione ténor  daussa.1/arr/i«  Héroïque, 
en  lui  confiant  un  motif  plein  de  poésie,  écrit  dans  la 
belle  portée  de  l'iustiument. 

Vincent  d'Indy  comprend  aussi  que,  à  part  les  effets 
d'orchestre,  on  peut  faire  parler  le  trombone,  et  il  le 
prouve  en  lui  confiant  le  dernier  soupir  de  Wallen- 
stein,  dont  la  délicatesse  consacre  les  moyens  de  l'ins- 
trument employé  absolument  en  solo. 

Haendel  a  employé  le  tromlione  dans  Israël  en 
Egypte,  el  MozAHT,qui  semble  avoir  connu  le  rôle  de 
chaque  instrument  mieux  que  tout  autre  musicien, 
l'appréciait  hautemeni,  comiTie  le  démontrent  ample- 
ment les  grands  accords  qui  se  présentent  dans  l'ou- 
verture et  dans  l'opéra  de  la  Fli/te  enchantée;  dans 
Don  Juan,  il  a  réservé  les  trombones  pour  les  scènes 
de  la  Statue";  il  les  em|doie  encore  dans  son  Requiem, 
pour  représenter  les  trompettes  du  jugement  dernier. 

Die  Srhôpfung  (Messe  de  la  Créationi  offre  aussi 
trois  trombones  classiques  intéressants'". 

Beethoven,  ne  disposant  certainement  pas  de  trom- 
bonistes aussi  habiles  que  ceux  d'aujourd'hui,  qui,  en 
plus  d'une  technique  supérieure,  possèdent  des  ins- 
truments parfails,  a  cependant  écrit  des  choses  qui 
nous  étonnent.  Sa  considération  pour  l'instrument 
sensible  et  nerveux  qu'est  le  trombone  lui  a  lait  com- 
poser, étant  à  Linz  en  1812,  trois  Equali",  dont  deux 
furent  fondus  dans  le  Miserere  exécuté  à  ses  funé- 
railles'-; ces  morceaux  paraissent,  d'après  les  clés, 
avoir  été  écrits  pour  deux  trombones  altos,  un  trom- 


7.  la  première  apparition  des  trombones  à  l'Académie  de  musique 
parait  être  due  à  VOrphée  de  Gi.uck,  oii  ils  jouent  seulement  d.ins  le 
premier  chœur,  doublant  les  parties  vocales  ;  ce  premier  cliicur  u'ayant 
pas  été  modifié  par  Gluck,  devait  être  un  reste  de  l'Or/i/i  e  écrit  pré- 
rédemmenl  par  lui  en  italien  :  ['Orjihér  français  est  de  1774;  c'est  v.ts 
cette  date  qu'on  peut  placer  l'inlroduction  du  trombone  à  l'Opéra. 

On  ne  trouve  nulle  trace  de  trombone  dans  les  leuvres  de  Liii.i.y,  pas 
plus  que  dans  les  opéras  de  Rahsau,  de  Destoucuis,  de  Campra  et 
autres  de  la  môme  époque. 

8.  Concours  du  Conservatoire. —Journal  l'/nlr,vixi,ieant,V)  juillet 
|106. 

9.  Première  représentation  .'i  Prague,  le  Î9  ocliibre  1787.  La  pièce 
fut  reprise  à  Vienne  le  7  mai  1788. 

10.  835-838  cliez  Costallat  et  C". 

11.  Petits  quatuors  pour  voii  égales  :  éd.  Bueitkopf,  Leipzig,  el  chez 
CosTAui.AT  et  C",  Pans. 

12.  Adaptation  aus  paroles  du  Miserere  par  Seïfbied. 


TEC.lIMnlli.  EsriŒTl()UE  ET  PÉDAGnGIE 


LE    TROMBONE     Um 


bonc  téiiur  et  un  Iroinlione  basse,  mais  peuvent  être 
exécutés  par  quatre  ténors.  Bketuovkn  tire  un  elFet 
inoubliable  des  trois  iristrunienls  dans  sa  /A'°  Sym- 
phonie  avec  clumtrs;  la  Symphonie  pastorale  ((inale), 
où  il  n'emploie  qu'un  alto  et  un  ténor,  l'ait  supposer 
une  recherche  d'effets  divers,  car  dans  le  chœui'  des 
Derviches  des  /iî(i»es  d'Athnies,  on  trouve  le  trombone 
basse  doublé  de  l'alto,  l'oclave  au-dessus. 

Quelques  compositeurs  se  sont  servis  seulement  du 
trombone  basse  dans  plusieurs  de  leurs  ouvrages  : 
Cherubkni,  les  Deux  Journies,  VVeber,  Concertatùck, 
Bennett,  /(?.<  A'uïades,  etc.  Celte  manière  présente  seu- 
lement l'avantage  de  doubler  les  contrebasses  a  cor- 
des, dans  certains  passages,  en  leur  apportant  un 
timbre  plus  vibrant,  et  d'appuyer  quelques  rentrées 
d'orclieslre.  Werer  rend  pleine  justice  à  ces  instru- 
ments dans  le  FreisckiUz. 

Schubert  emploie  trois  trombones  dans  l'ouverture 
de  Teiifels-Lnstschloss;  ses  premières  symphonies 
ofTrent  d'intéressants  exemples  de  leur  utilisation  et, 
dans  sa  Grande  Si/inphonie  en  ut,  il  n'y  a  pas  un  mou- 
vement qui  ne  conticine  un  passage  capital  pour 
eux;  ses  messes  sont  remplies  d'exemples  de  leur 
emploi  magistral,  notamment  celle  en  ini\^- 

IMendels^oh.n  a  coulié  au  trombone,  dans  l'entrée  et 
la  terminaison  du  LoUgesanij  ',  une  des  plus  grandes 
phrases  qu'il  ait  écrites;  l'effet  des  trombones  dans 
l'ouverture  de  Ruy-lila.<,  contrastant  avec  le  réseau 
délicat  des  cordes,  est  apprécié  de  tous  les  musiciens. 

RefonnatioH-Si/mphonie  est  aussi  un  modèle  de 
clarté;  la  forme  bizarre  employée  dans  la  musique 
d'Alhalie,  où  le  trombone-allo  joue  dans  l'aigu  et  les 
trompettes  dans  le  grave,  fournit  un  champ  d'obser- 
vations curieuses. 

ScHLUANN  a  produit  un  bel  effet  avec  les  trois  par'- 
ties  de  trombone  dans  le  petit  prélude  qui  précède 
le  finale  de  sa  Premier'^  Symphonie,  de  même  que 
dans  la  troisième  on  /ni'ii,  où  l'alto  exécute  une  par- 
tie à  peu  près  impiaticable  à  un  premier  trombone 
ténor;  il  oblient  de  grands  effets  dans  Le  Paradis  et 
la  Péri,  Faust-symphonie,  et  un  grand  contraste  dans 
Mànfred. 

Tous  les  maîtres  ont  jugé  le  trombone  noble, 
grand,  grave,  dramatique,  après  Gluck  qui  s'en  sert 
si  heureusement  dans  Alceste  (Vienne,  1776),  en  écri- 
vant le  cri  formidable  des  trois  trombones  répondant, 
telle  la  voix  courroucée  des  Dieux  des  enfers,  à  l'in- 
vocation d' Alceste;  dans  le  deuxième  acte  d'iphigénie 
en  Tauride  (1779),  les  mêmes  instruments  lancent  une 
gamme  mineure  sur  laquelle  se  dessine  le  chœur  des 
Furies;  ces  modèles  ont  été  quelque  peu  oubliés. 

Berlioz  désigne  le  trombone  comme  le  chef  des 
instruments  épiques,  avec  sa  sonorité  remarquable  et 
particulière,  avec  son  énergie  vibrante,  solennelle, 
merveilleuse  dans  les  chœurs  guerriers,  religieux, 
marches  Iriomphales,  elc;  aussi,  en  obtienl-il  des 
effets  inattendus  dans  ses  œuvres  ;  sa  Symphonie  fan- 
tastique comporte  trois  (rombones  classiques,  im- 
pressionnants dans  la  marclie  au  supplice. 

La  disparition  définitive  des  trombones  classiques 
oblige  les  compositeurs  à  tirer  paiti  de  ce  qui  existe; 
ils  écrivent  une  basse  pour  un  lénor  et  un  alto  pour 
nu  autre  ténor;  deux  instruments  sur  trois  jouent  un 
rôle  qui  leur  est  étranger,  et  les  instrumentistes  d'au- 
jourd'hui sont  souvent  obligés  d'exécuter,  non  sans 
danger,  des  parties  hors  de  leurs  moyens.  Wagner 
écrit  aussi  de  deux  manières,  pour  les  trombones 


t.  Syniplioiiie  cantate,  ou  hymne  de  louange. 


classiques  et  pour  trois  trombones  ténors;  il  semble 
quelquefois  regretter  les  premiers  en  employant  le 
bonibardon  pour  le  grave  el  la  trompette  basse  pour 
l'aigu  ;  à  citer  dans  les  Maîtres  Chanteurs,  un  effet 
paiticulier  de  trombone  basse  solo,  accompagnant 
les  premiers  mots  de  Hans  Sachs  :  «  Rêve,  rêve;  tout 
n'est  que  rêve.  » 

César  Kra.nck  emploie  avantageusement  trois  trom- 
bones ténors  dans  PsycM,  Rédemption,  Les  Béatitudes, 
dans  ses  symphonies;  mais  il  évite  avec  soin  les  dis- 
tances offertes  par  les  trombones  basse  et  alto. 

Notre  époque,  en  son  esprit  d'art  ftouveau,  a  intio- 
duit  l'abus  du  trombone;  sauf  les  maîtres  qui  en 
discernentremploi,  beaucoup  decompositeurs, comp- 
tant en  obtenir  des  effets  grandioses,  n'en  tirent  que 
du  bruit  :  un  de  nos  plus  éminents  chefs  d'orchestie  * 
atlressa  un  jour  ce  mot  à  ses  artistes  distraits  pen- 
dant une  répétition  :  »  Messieurs!  ce  qu'il  y  a  de  plus 
beau  après  la  musique,  c'est  le  silence.  »  Si  on  ap- 
plique ce  principe  à  la  musique  elle-même,  on  en 
déduira  que,  souveni,  le  trombone  perd  de  ses  efl'els 
de  grandeur  el  de  son  coloris  en  raison  de  l'insis- 
tance à  le  faire  entendre.  L'auteur  anglais  d'un  lécent 
traité  d'inslrumenlalion,  EbeneIî-Prout,  s'exprime 
très  justement  de  la  façon  suivante:  «  On  rencontre 
des  exemples  de  l'emploi  des  trois  trombones  forte 
en  pleine  harmonie  dans  presque  toutes  les  partitions 
modernes.»  Kn  elfel,  la  tendance  généralede  l'époque 
actuelle  est  de  beaucoup  Irop  les  employer,  et  il 
ajoute  :  "  Ou  peut  établir  comme  règle  générale  et 
même  sûre  que  l'effet  produit  par  les  trombones 
ser'a  en  proportion  inverse  de  la  fréquence  de  leur 
introduction  dans  la  partition;  même  dans  les  pas- 
sages pleins,  on  doit  s'en  servir  avec  sobriété  et  . 
grande  discrétion,  à  cause  de  leur  puissance,  car  la 
prédominance  constante  de  cette  couleur  sonore 
donne  de  la  rudesse  et  de  la  vulgarité  à  l'orchestre,  et 
devient  bientôt  fatigante  pour  les  auditeuw.  >> 

L'emploi  des  trombones  peut  donc  se  résumer 
ainsi  :  recherche  des  belles  sonorités,  rythmes  de 
grand  caractère,  utilisation  opportune  pour  en  tirer 
des  teintes  particulières,  des  chorals,  fugues,  con- 
trechanls,  etc.  •■;  employer  le  médium  et  l'aigu  en  se 
servant  du  grave  passagèrement;  on  a  ainsi  le  moyen 
de  faire  chanter  les  instruments,  même  le  trombone 
basse,  ce  qui  est  parfois  impossible  au  troisième 
trombone  ténor;  même  règle  d'observations  pour 
tous  les  instruments  de  la  famille. 

L'écriture  des  Irois  trombones  ténors,  fort  bien 
conçue  dans  beaucoup  d'ouvrages  importants,  peut 
sembler  satisfaisante  à  nombre  de  compositeurs  qui, 
n'ayant  du  reste  entendu  que  celle-ci,  lui  trouvent 
une  homogénéité  de  son  parfaite.  Cela  ne  peut  tou- 
cher les  classiques;  la  grande  composition  actuelle 
et  future  nerecberchera-l-elle  pas  toujours  les  diver- 
sités, l'étendue  des  timbres  connexes,  enfin  tout  ce 
qui  peut  apporter  des  effets  que  tant  de  génies  n'ont 
point  dédaignés,  mais  recherchés? 

La  restitution  de  la  famille  des  trombones  aidera 
peut-être  un  jour  à  combler  une  lacune  dans  l'or- 
chestration future,  car  actuellement,  les  instruments 
de  cettu  famille  sont  employés  couramment  à  Paris  ; 
il  y  a  là  l'indice  d'une  évolution  dans  laquelle  les 
compositeurs  joueront  un  grand  rôle. 


2.  Edouard  Colonne. 

3.  Albbechstbeugeh,  Sàmintliche  Schriften  ûbcr  Geiu-ralbass  Bar- 
monielehre  und  Tonsezlkun^t  zu'm  Setbst'itntemcht.  Dritter  Band, 
Amveisung  fur  Composition  :  on  indique  que  le  trumbone  employé 
duns  la  musique  de  danse  apporte  à  ce  genre  une  ettrômc  ironie. 


LE   SAXOPHONE 


Par   Victor  THIELS 


ANclKN  sors- ;fii:i"  lu",  ianfahk  a  i,  opkra  ' 


HISTORIQUE   ET  DESCRIPTION  DU   SAXOPHONE 

Jusqu'en  l'année  1840,  les  orchestres  composés 
d'instruments  à  vent  et  dénommés  «  Harmonies  »  ou 
«  Musiques  militaires  »,  présentaient  une  anomalie 
grave  au  point  de  vue  de  la  «  théorie  des  sons  ». 
Divisés  en  deux  catégories  absolument  distinctes  (les 
instruments  en  bois  et  les  instruments  en  cuivre), 
ces  orchestres  ne  pouvaient  arriver  à  donner  l'illu- 
sion d'une  homogénéité  suffisante,  en  ce  sens  que  la 
trop  grande  diirérence  des  timbres  et  de  la  sonorité 
empêchait  les  instruments,  alors  en  usage,  de  s'unir 
harmonieusement. 

La  science  de  l'acouslique  étant  restée,  jusque-là, 
fort  peu  étendue  et  très  incomplète,  on  en  était 
réduit  aux  tâtonnements  en  ce  qui  concerne  les  lois 
du  timbre  et  les  vibrations  des  ondes  sonoi'es.  Une 
réforme,  ardemment  souhaitée,  s'imposait  dans  la 
facture  in»lrumentale. 

Ce  fol  à  Adolphe  Sax,  né  à  Dinaiit  (Belgique;en  1814-, 
que  revint  l'honneur  de  s'illustrer  et  de  conquérir 
une  place  gloiiense  dans  l'histoire  universelle  de  l'art 
musical,  en  prodnisant  des  inventions  qui  révolution- 
nèrent l'organisiition  des  harmonies  et  fanfares,  et 
servirent  de  point  de  départ  à  une  industrie  devenue 
essentiellement  française  et  occupant,  à  l'heure  ac- 
tuelle, des  milliers  d'ouvriers.  (Adolphe  Sax  est  le 
créateur  des  saxhorns,  saxotrombas  et  des  saxtubas 
qui  furent  brevetés,  en  même  temps  que  les  saxo- 
phones, vers  ISio.i 

Devenu  très  habile  dans  l'art  de  la  facture  instru- 
mentale, par  suite  de  son  active  paiticipalinn  aux 
travaux  de  l'atelier  de  son  père  (Charles-Joseph  Sax, 
fabricant  d'instruments  de  musique,  élabli  à  Bruxelles 
depuis  1815),  excellent  virtuose,  en  raison  des  études 
musicales  entreprises  et  menées  à  bien  sous  la  direc- 
tion de  Bender,  chef  de  la  musique  des  Guides  belges, 
Adolphe  Sax  commença,  d'abord  vers  1841,  à  se 
préoccuper  des  perfectionnements  susceptibles  d'être 
apportés  aux  instruments  connus  à  cette  époque. 
Puis,  bientôt,  il  fut  amené  à  conclure  que  s'imposait 
la  création  d'un  type  spécial  et  nouveau  qui,  par  la 


nature  même  de  son  timbre  et  de  sa  sonorité,  de- 
viendrait le  trait  d'union  entre  les  deux  catégories 
existant  déjà. 

Doué  d'une  nature  extrêmement  énergique  et 
essentiellement  combative,  Adolphe  Sax,  plutôt  que 
d'être  rebuté  par  l'insuccès  des  premier  essais,  fut, 
au  contraire,  encouragé  par  les  grandes  diflicullés 
du  problème  qu'il  lui  fallait  résoudre.  Il  s'efforça  de 
découvrir  les  données  encore  inconnues  de  la  théorie 
des  sons,  dont  l'ignorance  pai'alysait  les  progrès  de 
la  facture  instrumentale. 

Son  génie,  patiemment  appliqué  à  surprendre  le 
secret  des  manifestations  sonores  suscitées  par  ses 
expériences  nombreuses  et  diverses,  l'amena  rapi- 
dement à  la  découverte  de  cette  loi  fondamentale 
d'acoustique  :  «  Le  timbre  du  son  est  déterminé  par 
les  pioportions  données  à  la  colonne  d'air  en  raison 
de  celles  du  corps  de  l'instrument  qui  la  contient.  » 

Partant  de  ce  principe  même,  il  conçut  l'idée  d'u- 
tiliser les  propriétés  de  la  parabole  (auxquelles  nul 
n'avait  songé  avant  lui),  et  à  les  appliquer  au  nouvel 
instrument  qu'il  se  proposait  de  construire.  (Adolphe 
Sax  a  conçu  l'idée  d'appliquer  les  propriétés  de  la 
parabole  à'ia  construction  des  salles  de  théâtre  et  de 
concert.  Des  projets  et  des  plans  ont  été  imprimés 
en  1860,  mais  aucune  réalisation  n'a  encore  été  faite.) 

Ce  fut  donc  en  confectionnant  un  cône  de  forme 
parabolique  qu'il  parvint  à  atteindre  le  but  qu'il 
poursuivait,  non  plus  en  tâlonnanl  comme  ses  prédé- 
cesseurs, mais  scientifiquement,  avec  une  sûreté  et 
une  certitude  absolues  qui  restaient  acquises  pour  ses 
inventions  futures. 

A  cet  instrument,  qu'il  fit  breveter  en  1845,  Adolphe 
Sax  donna  le  nom  de  saxophone,  et,  pour  que  la  liai- 
son fiH  absolument  complète  entre  tous  les  autres 
instruments,  de  registres  très  dilférents,  il  créa  la 
famille  en!ière  des  saxophones. 

Famille  des  saxoplioiies. 

La  famille  des  saxophones  se  canifiose  de  sept  indi- 
vidus dont  nous  donnons,  ci-dessous,  l'étendue  et 
l'effet  réel  : 


<JOhAAiviMM'  jkX 


1.  Nous  adressons  tous  nos  ronierciemenls  à  M.  A.  LAMutur  qui  a  bien  voulu  revoir  et  comploter  l'article  de  M.  Thiels,  di'cédf. 

(N.  U.  L.   D.) 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  SAXOPHONE    1661 


cJt>fclgM^tALj>T 


fcdhiiMMtiiiM_4*«4: 


:^*l4»-fer-é+4' ïj 

r^ 

—. r-"^r*^r~i i  ■  k"«-  ïi-wr 

b,  j.,  <  ln*:tto! 

V^^M- 

^mm% j. 

(»^;^i  iii  [^ 

:    ■■    \     \     \    ^    [ 

•   i  '• 

:  1.1  b  •   «  4  * 

^3=     ■     ■    ■    =   ■    •          ■  :   ■•   .  L.,..^^^i  ii^M^vt^'^'H^^ -j 

'  èbM»  m  ^^^  ^^ 

i  |i    *  j)  <    '  ■-  " 

m 

\/)vJin  .ituM 


Saxoph' 

ine  contrebasse  de  : 

A 

&     a 

— 

basse 

B 

b 

— 

barvlon 

G 

c 



ténor 

D 

d 



allô 

E 

e 

— 

soprano 

V 

r 

— 

sopranmo 

(} 

g- 

N.-B.  —  Tous  les  saxophones  en  si  b  se  fonl  aussi 
en  ut;  tous  les  saxophones  en  wîifi  se  font  égale- 
ment en  fa.  Dans  ce  cas,  l'effet  réel  est  un  ton  plus 
haut  que  pour  les  saxophones  en  si>  et  en  miU.  Pour 
les  instruments  possédant  le  si\i  grave,  l'effet  léel 
se  trouve  augmenté  d'un  demi-ton  chromatique  en 
descendant.  Nous  donnons  ici  les  images  des  repré- 
sentants modernes  de  la  famille  des  saxophones,  à 
l'exception  de  celles  des  saxophones  basse  et  contre- 
basse. 

A  l'origine,  le  saxophone  avait  une  étendue  de  trois 
octaves  en  parlant  du  si  h  au-dessous  de  la  portée. 
L'inventeur,  ayant  reconnu  la  sonorité  défectueuse 
des  notes  aiguës,  supprima  celles-ci  et  ne  laissa,  à 
chacun  des  individus  composant  la  famille,  que  l'é- 
tendue qu'il  possède  encore  aujourd'hui. 

Nous  devons  à  la  vérité  d'indiquer  que,  peu  de 
temps  après  l'apparition  du  saxophone,  Adolphe  Sax 
apporta,  lui-même,  tous  les  changements  qu'il  croyail 


Fio.  72i.     FiG.  725.  Fio.  "26.  Fio.  727.  —  AUo 

.Snpranino     Soprano  Soprano  tormo  alto  ai/l,. 

wii?.  droil.si'l?  si\). 

ou  ul. 


1652 


E\i:yGLOPÈDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DtC riOVXAll{E  DU  CONSEliVAVOIliE 


Fia.  728.  —  Ténor  si\,  ou  ul. 


Fi  ;.  729.  —  Barvlon  ini^ 


nécessaires  a»  perfectionnement  de  cet  instrument. 
Il  fit  subir  au  mécanisme  des  traiisforni  Uioas  appe- 
lées à  en  l'acililer  le  doigté;  il  prit  brevets  sur  brevets 
pour  l'adjonction  de  clés,  dites  de  correspondance', 
fl  devant  servir  à  vaincre  les  plus  grandes  difficultés 
d'exécution,  mais,  bientôt,  reconnaissant  l'inutililé  de 
ces  complic.ilions,  il  en  revint  au  système  primitif, 
lequel  sert  toujours  de  liase  à  la  fabricalion  moderne. 
En  1880,  désireux  de  suppléer  l'alto  à  cordes,  man- 
quant souvent  à  l'orchestre  symphonique,  il  créa  un 
modèle  de  saxophone  alto  descendant  jusqu'au  la 
(note  correspondant  à  ru<  fçrave  de  l'alto  à  cordes).  Le 
timbre  de  cet  instrument  (pourvu  d'une  membrane 
placée  sur  le  tube)  produisait  des  effets  spéciaux  de 
sonorité,  tout  en  se  rapprochant,  très  sensiblement, 
du  timbre  de  l'alto  à  cordes. 

La  roiv  dn  !^a  voplione. 

Dans  son  Histoire  et  théorie  de  la  musique  dans  l'an- 
tiquité, Gevaert  a  écrit  :  «  Un  célèbre  facteur  de  notre 
époque  a  trouvé  un  nouveau  type  d'instrument,  «le 
saxophone  »,  en  adaptant  l'anche  simple  à  un  tuyau 
conique  de  forme  parabolique.  La  construction  de 
cet  instrument  suppose  un  état  beaucoup  plus  avancé 
de  la  facture  instrumentale  que  celui  auquel  lesGrecs 
étaient  parvenus.  Parmi  tous  les  autres  instruments 
actuellement  connus,  c'est  là  une  exception  unique 
à  la  règle.  » 

L'exception  unique  à  la  règle,  dont  parle  Gevaert, 
lient  justement,  à  la  forme  particulière  donnée  au 
tube  formant  le  corps  de  l'instrument;  c'est  à  cette 
nouveauté,  à  cette  innovation  dans  la  facture  instru- 
mentale, que  le  saxopb.one  doit  ses  grandes  qualités 
de  timbre  et  sa  sonorité  si  différente  de  celle  de  tous 
les  autres  instruments  à  vont. 


IJiins  le  saxophone,  les  vibrations  de  l'anche  ne  se 
comportent  pas  de  la  même  façon  que  dans  les  ins- 
Iruinents  à  perce  conique  et  cylindrique,  où  elles  sui- 
vent directement  la  ligne  droite  intérieure  du  tube. 
Le  bec  du  saxophone,  très  évasé  au  centre,  se  rétrécit 
à  la  partie  s'adaptant  au  tuyau  métallique;  celui-ci 
(dont  le  dessin  paraissant  purement  conique  est  ce- 
pendant déformé  par  les  lignes  païaholiques),  oblige 
les  vibrations,  en  les  renvoyant  d'une  paroi  à  l'autre, 
à  s'entre-cpoiser  et  à  former  comme  une  sorte  de 
groupement  d'anneaux  d'ondes  sonores  qui  se  dérou- 
lent, en  une  suite  ininterrompue,  jusqu'aux  orilices 
de  sortie.  (On  croit,  généralement,  môme  parmi  les 
saxophonistes,  que  le  son  n'est  mis  en  communica- 
tion avec  l'exlérieur  que  par  le  pavillon  de  l'instru- 
ment; c'est  là  une  erreur  que  nous  tenons  à  relever; 
le  son  s'échappe,  non  seulement  par  le  pavillon,  mais 
aussi  par  les  ouvertures  pratiquées  sur  le  tube  sonore. 
Ces  ouvertures,  surmontées  des  plateaux  et  des  clés 
composant  le  mécanisme,  servent  aix  sectionnements 
de  la  colonne  d'air  et  donnent  ainsi,  à  chacune  des 
noies  composant  l'étendue  générale,  l'intonation  qui 
lui  est  propre.) 

Bëiilioz,  dans  son  Traité  d'insirumenlation,  s'ex- 
prime ainsi  au  sujet  de  l'invention  m  Tveilleuse 
d'Adolphe  Sax  :  i<  Ces  nouvelles  voix,  données  à  l'or- 
chestre, possèdent  des  qualités  rares  et  précieuses, 
douces  et  pénétrantes  dans  l'aigu,  pleines  et  onc- 
tueuses dans  le  grave;  leur  médium  a  quelque  chose 
de  profondément  expressif.  C'est,  en  somme,  un 
timbre  sui  generis,  offrant  de  vagues  analogies  avec 
les  sons  du  violo  icelle,  de  la  clarinette,  du  cor 
anglais,  et  revêtu  d'une  demi-teinte  cuivrée  qui  lui 
donne  un  accent  particulier.  Propres  aux  traits 
rapides  autant  qu'aux  cantilènes  gracieuses  et  aux 
elt'ets  d'harmonie  religieux  et  rêveurs,  les  saxophones 
peuvent  figurer  avec  un  grand  avantage  dans  tous 
les  genres  de  musique,  mais,  surtout,  dans  les  mor- 
ceaux lents  et  doux.  Le  timbre  des  notes  aiguës,  pro- 
duites sur  les  saxophones  graves,  a  quelque  chose  de 
pénible  et  de  douloureux.  Celui  de  leurs  noies  bas- 
ses est,  au  contraire,  d'un  grandiose  calme  el,  pour 
ainsi  dire,  pontilical.  Tous,  le  baryton  et  la  basse 
principalemeni,  possèdent  la  faculté  d'enfler  et  d'é- 
teindre le  son,  d'où  résultent,  dans  l'extrémité  infé- 
rieure de  l'échelle,  des  effets  qui  leur  sont  tout  à  fait 
particuliers  et  tiennent,  un  peu,  de  l'orgue  expressif.  » 

UossiNi,  à  qui  fut  donnée  l'inappréciable  satisfac- 
tion arlistiqu;  d'entendre,  un  des  premiers,  ces  voix 
nouvelles  mises  à  la  disposition  des  compositeurs, 
fit  ainsi  l'éloge  de  l'invention  d'Adolphe  Sax  :  «  Je 
n'ai  jamais  rien  entendu  d  aussi  beau  !  » 

Meyërbeer,  écoutant  pour  la  première  fois  le  saxo- 
phone, émit  cette  réflexion  dont  le  laconisme  même 
indique,  au  plus  haut  point,  le  degré  d'enthousiasme 
provoqué  chez  son  auteur  par  l'audition  de  cet  ins- 
trument :    «  Voilà,  pour  moi,  l'idéal  du   son!  » 

Mais  que  pourrait-on  trouver  de  plus  joliment 
écrit  el  de  plus  poétiquement  descriptif  que  cette 
appréciation,  due  encore  à  la  plume  de  Berlioz,  et 
qu'il  publia  dans  le  Journal  des  Débats  du  21  avril 
1849  :  "  La  voix  du  saxophone,  dont  la  famille  com- 
prend sept  individus  de  faille  différente,  fient  le  mi- 
lieu entre  la  voix  des  instruments  en  cuivre  et  celle 
des  instruments  en  bois;  elle  participe  aussi,  mais 
avec  beaucoup  plus  de  puissance,  de  la  sonorité  des 
instruments  à  archet.  Son  principal  m^Tite,  selon 
moi,  est  dans  la  beauté  variée  de  son  accent,  tantôt 
grave  et  calme,  tantôt  passionné,  rêveur  ou  mélan- 


TECHiMQi'E,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉnAauGlE 

colique,  ou  vague  conimi:  léeho  alFaibli  il'uii  éclio, 
comme  les  plaintes  iiidislincles  de  la  luise  dans  les 
bois  el,  mieux  encore,  comme  les  vibrations  mysté- 
rieuses d'une  cloche  longtemps  après  qu'elle  a  été 
frappée.  Aucun  autre  iustrumenl  de  musique  exis- 
tant, à  moi  connu,  ne  possède  cette  curieuse  sono- 
rité, placée  sur  la    limite  du  silence.  » 

Cette  définition  du  saxophone,  exposée  avec  tant 
d'élégance,  nous  interdit  le  moindre  commentaire. 
Nous  tenons  à  laisser  le  lecteur  sous  l'inlluence  du 
charme  étrange  qui  se  dégage  de  l'écriture  de  I!krlioz, 
et  nous  n'oserions,  sans  crainte  de  profanation,  ajou- 
ter le  plus  petit  mot  à  l'éloge  d'un  instrument  dont 
les  qualités  ont  su  inspirer  celte  page  inoubliable  à 
l'illustre  el  immortel  génie  du  maître  incontesté. 

EMPLOI   ET   ENSEIGNEMENT   DU   SAXOPHONE 
Dans  les  musiques  militaires,  dans  les   harmonies 


Q^J-  /VviJtA^ 


LE  SAXOPHONE    1663 


et  les  fanfares,  les  saxophones  sont  devenus  des 
instruments  indispensables;  ilssont  utilisés  dans  tous 
les  genres  de  coniposilion.  Leur  emploi  constant, 
pour  l'exécution  du  trail,  du  solo  et  de  l'accompagne- 
ment, justifie  pleinement  les  réformes  prévues  par 
l'inventeur  lorsqu'il  conçut  l'idée  de  la  réorganisa- 
tion de  ces  orchestres  spéciaux.  Adolphe  Sax  est 
l'auteur  du  système  d'organisation  des  musiques  de 
l'armée  française.  Ce  système  comporlait,  à  l'origine, 
le  classement  des  musiciens  tel  qu'il  existe  encore, 
à  l'heure  act  lelle,  dans  la  musii]ue  (le  la  Garde  répu- 
blicaine et  dans  les  musiques  des  équipages  de  la 
flotte  à  Brest  et  à  Toulon. 

Plusieursde  nos  maiti-es  contemporains  ont,  aussi, 
tiré  des  ell'els  merveilleux  de  l'introduction  du  saxo- 
phone dans  les  orchestres  syuiphoniques. 

Nous  citerons  L'Arlésienne  de  Rizet,  Ouverture, 
saxophone  alto  mil,  '• 


Hérodiade  et  Werther  de  Massenet  :  Hérodiade,  <■  Vision  fugitive  »,  saxophone  alto  mili 


y-u.  iZ^  •-^^• 


Qcmu.  'JLtty cnny. 


?MVWi-y- 


Werther,  •<  Les  larmes  »,  saxophone  alto  m/(i  : 


^alr- 


(û\.ik.) 


Pairie,  de  Paladilbe  (saxophone  ténor  si  [7);  Hamlel, 
d'Ambroise  Thomas  (saxophones  allô  el  baryton  ?7îJh); 
La  Vie  du  poêle  et  les  Impres^vnis  d' Italie,  de  Çtuslave 
Charie.ntier  (saxophones  soprano  sily  et  alto  mi|i); 
Le  Fils  de  l'étoii',  de  Camille  Erlanger  (saxophone 
soprano);  la  Symphonie  domrstique,  dç  Richard 
Strauss  (Qualuor);  Vincent  d'Indv,  Fervaal  (Trio  : 
soprano  si  b;  sax.  alto  mi  b,  ténor  st'b);  La  Légende  de 
saint  Christophe  {Sextuor  :  soprano,  altos,  ténor,  bary- 
ton, basse)  ;  Suite  de  danses,  ballet  arrangé  par  Mes- 
sager et  P.  Vidal  (saxophone  alto  ini  h)  ;  V.  d'Indv  a 
également  écrit  des  parties  de  saxophone  appelées  à 
soutenir  les  chœurs  et  le  résultat  obtenu  a  été  con- 
cluant, en  ce  sens  qu'il  a  prouvé  que  le  son  de  cet 
instrument  (qui  se  rapproche  sensiblement  de  la  voix 


humaine)  donne  beaucoup  plus  de  puissance  et  d'ho- 
mogénéité à  l'exécution  des  chœurs,  supprime  toute 
solution  de  continuité  et  soutient  la  justesse  en  lais- 
sant, cependant,  l'illusion  que  les  masses  chorales 
chantent  seules. 

A  notre  avis,  cet  emploi  du  saxophone  est  absolu- 
ment insuflisant;  sa  présence  à  l'orchestre  sympho- 
nique  n'est  pas  asse/.  marquante.  Dans  les  ouvrages 
ci-dessus  indiqués,  les  compositeurs  ne  l'ont  fait 
apparaître  que  très  passagèrement  et,  pour  ainsi 
dire,  incidemment.  Nous  osons  prétendre  que  c'est 
là  une  erreur  et,  puisqu'il  nous  est  permis  de  dire 
tout  le  bien  que  nous  pensons  de  cet  instrument, 
ajoutant  notre  faible  appréciation  à  celle  due  aux 
voix  autorisées  de  Rossi.ni,  de  Meyerbeicr,  de  Burlio?, 


1664 


ESCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTlONyAlRB  DU  CO.VSEHVATOlfiE 


enfin,  nous  assuions  fermement  que  le  saxophone, 
employé  avec  loute  sa  famille,  a  sa  place  parfaite- 
ment indiquée  dans  la  musique  moderne,  et  qu'il 
peut  et  doit,  avec  un  grand  avantage,  figurer  dans 
un  orchestre  quel  qu'il  soit. 

Nous  devons  avouer,  cependant,  que  le  recrute- 
ment des  véritables  artistes  saxophonistes  est  assez 
difficile,  et  peut-être  trouvons-nous  là  l'explication 
de  la  réserve  des  compositeurs  en  ce  qui  concerne 
l'emploi  du  saxophone  à  l'orchestre  symplionique. 
Nous  avons,  personnellement,  cru  pouvoir  remédier 
à  cette  insulluance  en  publiant,  chez.  Lemoine,  une 
méthode  complète  pour  tous  les  saxophones.  Cet 
ouvrage ,  accessible  aux  élèves  de  hi  première 
heure,  est  suivi  de  quinze  grandes  études  mélodiques, 
divisées  en  trois  séiies,  au  moyen  desquelles  le 
saxophoniste  ordinaire  peut  ariiver  à  se  perfection- 
ner dans  la  connaissance  approfondie  de  son  instru- 
ment en  se  familiaiisant  avec  les  plus  grandes  dif- 
llcultés  d'exécution.  Nous  espérons  avoir  fait  œuvre 
profitable,  et,  cependani,  nous  affirmons  que  le  plus 
sûr  moyen  de  donner  au  saxophone  la  place  qui  lui 
convient,  serait  le  rétablissement  de  la  classe  de  cet 
instrument  au  Conservatoire  i!e  Paris. 

Cette  classe,  instituée  en  183S,  sur  la  proposition 
d'AiBER  (alors  directeur  du  Conservatoire),  a  fonc- 
tionné, avec  un  réel  succès,  pendant  treize  années, 
sous  la  direction  d'Adolphe  Sax,  l'inventeur  même 
de  l'instrument.  Les  résultats  obtenus  avaient  dé- 
passé toutes  les  espérances,  puisqu'il  est  dit,  dans  le 
compte  rendu  du  concours  de  1863:  '<  La  classe 
de  saxophone  a  donné  des  résultats  exceptionnels; 
elle  se  composait  de  treize  élevés;  tous  ont  été  lé- 
compensés.  »  Pourtant,  cette  classe  n'existait  que 
depuis  cinq  années!  Cela  ne  prouve-l-il  pas,  indu- 
bitablement, que  l'élude  du  saxophone  est  relative- 
ment facile,  et  que  l'on  pourrait,  entrés  peu  de  temps, 
doter  les  orchestres  d'excellents  exécutants  appelés 
à  prouver  que  cet  instrument  ne  doit  pas  être  con- 
sidéré comme  une  quantité  négligeable'.' 

En  1871,  malgré  les  réclamations  d'Ambroise 
TuoMAs  (directeui'  k  cette  époque),  on  prétexta  d'un 
manque  de  fonds  pour  suspendre  cet  enseigne- 
ment. En  1892,  les  membres  de  la  commission  de 
réoiganisalion  du  Conservatoire  soumirent  à  l'ap- 
probation du  ministre  de  l'instruction  publique  un 
piojet  d'arrêté  dans  lequel  il  était  question  du  réta- 
blissement de  celte  classe,  mais  aucune  solution 
n'a  encore  été  donnée  à  celte  proposition. 

Nous  souhaitons  ardemment  que  les  compositeurs 
actuels,  reconnaissant  les  qualités  incontestables  de 
l'invention  d'Adolphe  Sax,  utilisent  les  timbres 
merveilleux  qui  leur  sont  offerts  en  écrivant,  dans 
leurs  oeuvres,  des  parties  pour  le  saxophone  employé 
avec  loute  sa  famille.  Ils  auront  ainsi,  tout  en  béné- 
ficiant des  sonorités  nouvelles  apportées  à  l'orches- 
tre, donné  une  grande  impulsion  à  cet  instrument 
d'avenir,  et,  peut-être  alors,  en  haut  lieu,  se  préoc- 
cupera-l-ond'en  favorisera  nouveau  l'étude,  et  d'aug- 
menler  dans  une  noiable  proportion  le  nombre  des 
artistes  saxophonistes,  en  rétablissant,  au  Conserva- 
toire de  Paris,  la  rlasse  de  saxophone  qu'on  n'aurait 
jamais  di*!   y  supprimer,  puisqu'elle  existe,  comme 


par  une  sorte  de  protestation,  dans  les  Conservatoires 
de  certaines  villes  de  province! 

Les  saxophones  graves  (contrebasse,  basse  et 
baryton),  employés  successivementdans  l'étendue  de 
leur  première  octave,  possédant,  au  plus  haut  degré, 
la  faculté  d'entier  et  d'éleindre  le  son,  olfrent  ainsi 
une  sonorité  et  un  timbre  qui  se  rapprochent  très 
sensiblement  de  l'orgue  expressif,  mais  avec  une 
intensité  et  une  force  incomparablement  supérieu- 
res. Indépendamment  de  leur  grande  utilité  dans  les 
passages  religieux  ou  majestueux,  ces  instruments, 
écrits  en  combinaison  de  force  avec  toutes  les  basses 
de  l'orchestre,  peuvent  donner  à  celui-ci  des  elfets 
d'une  puissance  extraordinaire. 

Les  saxophones  moyens  (le  baryton  dans  ses  notes 
aiguës,  le  ténor  et  l'alto  dans  toute  leur  étendue), 
présentant  une  qualité  de  son  pénétrante,  pleine, 
onctueuse  et,  par-dessus  tout,  profondément  expres- 
sive, doivent  être  employés  successivement  ou  si- 
multanément pour  accompagner  les  situations  de 
charme,  de  langueur,  de  joie  douce  ou  de  trislesse 
résignée. 

Les  saxophones  aigus  (l'alto  dans  le  haul,  le  so- 
prano dans  loute  son  étendue  et  le  sopranino  dans 
ses  notes  inférieures),  employés  successivement  ou 
simultanément  avec  accompagnement  de  harpes, 
sont  tout  indiqués  pour  souligner  les  passages  cé- 
lestes, mystiques,  vagues  et  mystérieux. 

Les  saxophones  suraigus  (le  soprano  dans  ses 
notes  élevées  et  le  sopranino  dans  toute  son  étendue), 
écrits  simultanément  en  fortissimo,  peuvent  être 
d'une  grande  ressource  dans  les  diveitissements  de 
guerriers  anciens  ;  leur  timbre,  déjà  si  particulier, 
deviendrait  (par  l'intensité  même)  mordant,  acre, 
barbare,  el  présenterait,  ainsi,  une  certaine  analogie 
avec  la  musette  gueriiere  anlique. 

En  résumé,  le  compositeur,  pénétré  des  qualités 
principales  de  chaque  individu,  peut,  en  employant 
la  famille  entière  des  saxophones, airiver à  des  effets 
précieux  au  point  de  vue  de  l'homogénéité  dans 
l'étendue  du  timbre,  et  cela  en  empruntant  à  chacun 
des  instruments  de  cette  famille  les  propriétés  otl'rant 
les  éléments  les  plus  protitables  à  l'idée  générale. 

L'introduction  du  saxophone  à  l'orchestre  symplio- 
nique nous  parait  donc  sufUsamment  justifiée  en  ce 
sens  que,  déjà  très  utile  dans  ses  divers  registres 
employés  par  catégories,  il  devient  indispensable 
dans  les  effets  d'ensemble  où  il  est  appelé,  sinon  à 
remplacer  l'orgue  souvent  absent,  du  moins  à 
donner  à  l'exécution  plus  de  cohésion,  plus  de  sou- 
tenu, plus  de  liaison  même  entre  les  instruments 
d'orchestre  divisés  quelque  peu  brutalement  en  doux 
sonoi-ités  peut-être  trop  nettement  opposées  :  l'har- 
monie et  le  quatuor. 

Là,  comme  à  l'orchestre  militaire,  le  saxophone  a 
son  rôle  tout  indiqué.  Le  méconnaître,  ne  pas 
profiter  des  grandes  ressources  qu'il  peut  apporter 
dans  n'importe  quel  genre  de  musique,  est  une  fai- 
blesse. L'artiste  qui  hésite  à  enrichir  son  coloris  par 
l'emploi  de  cet  instrument  (donl  les  perfections 
rares  sont' cependant  si  précises)  écarte  ainsi,  de  son 
plein  gré,  une  des  couleurs  les  plus  captivantes  de 
sa  palette  orchestrale! 

Victor  TIIIKLS. 


LE  SARRUSOPHONE 


Par  R.  LERUSTE 


DE    LOKCHKSTllK    DE    L  OPliRA-COMIQUR 


ORIGINE   ET  DESCRIPTION   DE  L  INSTRUMENT 

Le  sarriisoplione  fut  coiislruit  par  Galtrot  aîné, 
qui  le  fil  breveler  en  1830. 

Ce  facteur  écrit,  dans  sa  demande  de  brevet  :  «  J'ai 
donné  le  nom  de  sarrusophone  à  ces  instruments, 
voulant  ainsi  donner  un  témoitjnage  puljlic  de  recon- 
naissance à  mon  ami  Sarrl's,  chef  de  musi(iue  au 
13"  de  lipne,  pour  le  concours  qu'il  m'a  pi'èlé  dans  ma 
nouvelle  invention.  »  (Arts  et  Métiers,  brevet  2803i.) 

Il  est  probable  que  l'idée,  pas  entièrement  neuve 
cependant,  mais  reprise  et  mise  au  point,  appartient 
à  Sarrus;  cependant,  l'application  de  celte  idée  re- 
vient au  constructeur  Gautrot. 

Lesari'usophoneesl  un  instrumenta  vent,  en  cuivre, 
de  perce  conique  et  à  anche  double.  Il  se  compose  de 
trois  pièces  :  le  corps,  le  bocal  et  l'anche.  Il  a  vingt 
trous  (dont  trois  d'octave,  un  de  résonance  et  un  de 
trille);  ils  sont  tous  fermés  par  des  clés  mues  par  nn 
mécanisme  à  tringles. 

Son  doigté  est  facile  et  ressemble  à  celui  de  la 
flûte  dite  BoEHU  et  du  saxophone.  On  lui  prête,  à  tort, 


celui  du  basson,  dont  il  n'a  aucun  des  inconvénients. 

Sa  sonorité  se  rapproche  beaucoup  de  celle  du 
hautbois  pour  les  types  aigus  et  du  basson  pour  les 
types  graves,  mais  elle  est  plus  puissante. 

Son  étendue  est  de  deux  octaves  et  une  sixte  ma- 
jeure (du  si'b  au  sot),  avec  tous  les  degrés  chromati- 
ques, soit  trente-trois  sons  : 


0- 


^ 


>Ji.   = 


Il  convient  d  faire  reniai'quer  que,  comme  pour 
tous  les  insti'uments  à  vent,  la  totalilé  de  l'échelle 
chromalique  est  rarement  employée.  Pour  le  sarru- 
sophone, l'échelle  des  sons-  ne  parcourt  ordinaire- 
ment que  deux  octaves  et  une  tierce  majeure  de  Vfit 
au  ?7Jt  ; 


(ï 


Ê         ^ 


^^ 


Il  existe  toute  une  famille  de  sarrusophones,  com- 
posée de  neuf  types.  Ce  sont:  les  contrebasses  en  si  h, 
en  ut  et  en  mi[r,  la  basse  en  si\y,  le  baryton  en  mif?, 

le  ténor  en  sî'h,  l'alto  en  mi  |>,  le  soprano  en  si 

et  le  sopranino  en  mi  p.. 


Fio.  730.  —  Contrebasse  si  ^. 
(Celles  en  iil  et  [mi  l,  sont  de 
même  type,  mais  plus  petites.) 

Copyright  by  Librairie  Delagrave,  19'26. 


Fia.  731. 
Barylon  «;/[, 


FiG.  731.  Fio.  735* 

Soprano  Sopranino 

siij.  mi\f. 

105 


1606 


Excyr.LOPÈnrE  de  la  musique  et  />icTioy\'AmE  nu  conservatoiru 


TncHXfQiJE,  nsrnkrinuE  et  pédagogie 

Les  contrebasses  et  liasses  ont  trois  clés  d'octave, 
ies  autres  sarrusophones  n'en  possèdent  que  deux. 
Seul,  le  sopraiiiiio  n'a  pas  de  bocal. 

La  famille  des  sarrusopliones  parcourt  six  octaves 
du  tob(en  dessous  de  la  contrebasse  à  cordes)  jus- 
<iu'au  ab  le  plus  aigu  de  la  llûte. 


LE  SARRUSOPHONE    1667 


Ml 


^1 


h*! 


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I  I  ^  ^ 


k 


II» 


I*. 

iiH 


Tableau  des  anches  des  divers  sarrusophones  en 
grandeur  réduite  de  moitié.  iU',ipir:,  .mm.  Couts- 
iNO.N  el  C".) 


;  h  i 

FlQ.  73S. 
a,  sopiMQiao  cil  m/[»;  (i,  soprano  en  si\^;  c,  alto  en  mUr;  d,  linor  en 
«/[?;  e,  baryton  en  mi\^;  /,  contrebasse  en  si\f;  (j,  contrebasse  en 
ut;  /i,  contrebasse  on  m(b:  i,  basse  en  sifi. 

Les  sarrusophones  sopranino  et  soprano  se  tien- 
nent coinine  le  hautbois;  tons  les  autres  se  tiennent 
sur  le  côté  comme  le  basson  et  sont  maintenus  par 
une  courroie. 


FiG.  739. 


FiG.  7i0. 


En  1856,  Gautrot  ne  construisit  que  cinq  sariifio- 
pliones  : 

La  contrebasse  en  si  b; 


1668 


EACrCLOPÉDIE  DE  LA  MVSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  1)11  CDNSEnVATOlHE 


La  basse  en  si[>; 

Le  lénor  en  sib  ; 

Le  mezzo-soprano  en  mi\^; 

Le  soprano  en  si\^. 

La  contrebasse  et  la  basse^ parcouraient  deux  oc- 
laves  et  une  sixte  mineure  (du  si'i,  au  S')/)  ;  le  ténor, 
le  mezzo-soprano  et  le  soprano  n'avaient  qu'une 
étendue  de  deux  octaves  et  une  quinte  diminuée  (du 
si\\  au  fa).  Us  étaient  percés  de  dix'-sept  trous,  bou- 
chés par  des  clés  à  charnière. 

Les  trois  trous  ajoutés  depuis  sont  celui  de  si[>, 
celui  de  résonance  et  celui  du  trille  siti  à  ut. 


EMPLOI   DU   SARRUSOPHONE 

Les  tonalités  choisies  indiquent  suffisamment  que 
ces  instruments  étaient  surtout  construits  pour  les 
musiques  militaires,  en  vue  de  remplacer  les  bassons 
el  les  hautbois  qui  venaient  d'èlre  supprimés  (l84o)». 

Par  leur  manque  d'homogénéilé  dans  la  sonorité, 
par  les  difficultés  de  leur  doislé  (aggravées  encore 
par  les  tonalités  chargées  de  bémols)  et  par  leur  peu 
de  puissance  dans  l'orchestre  militaire,  les  bassons 
étaient  loin  de  rendre  les  services  qui  les  font  indis- 
pensables dans  la  symphonie.  Les  hautbois,  eux- 
mêmes,  n'avaient  pas  encore  les  facilités  de  doigté  et 
l'égalité  de  son  qu'ils  ont  acquises  depuis. 

La  décision  ministérielle  ordonnant  leur  suppres- 
sion dans  les  musiques  militaires,  toute  radicale  et 
peu  raisonnée  qu'elle  nous  paraisse  soixante  ans  plus 
tard,  semblait  être  justifiée  pour  l'époque. 

Les  sarrusophones  olîraient  donc  de  grands  avan- 
tages, puisqu'ils  parcouiaienl  cinq  octaves  et  une 
quinte  de  même  timbre  avec  une  grande  ampleur  de 
son  et  un  doigté  facile.  Mais  l'opposition  d'Adolphe 
Sax,  alors  tout-puissant,  empêcha  leur  adoption  dans 
les  musiques  militaires. 

Estimant  qu'il  allait  être  lésé  dans  ses  intérêts, 
Sax  entreprit  de  présenter  le  sarrusophone  comme 
une  contrefaçon  du  saxophone.  Or,  il  est  indiscutable 
que  ces  deux  instruments  sont  aussi  dissemblables 
que  le  sont  la  clarinette  et  le  hautbois.  En  effet,  dans 
le  saxophone,  la  colonne  d'air  est  mise  en  vibration 
par  une  anche  simple  fixée  sur  un  bec  de  clarinette; 
dans  le  sarrusophone,  au  contraire,  c'est  une  anche 
double  montée  sur  un  bocal  qui  y  remplit  le  même 
rôle.  Nous  ne  parlerons  que  pour  mémoire  des  diffé- 
rences de  proportions  dans  les  diamèties  respectifs  de 
ces  instruments. 

Sax  fit  un  procès  très  long  à  Gautrot,  et  le  perdit. 

Exclus  des  musiques  militaires,  les  sarrusophones 

semblaient  voués   à    l'oubli.    Mais  le  sarrusophone 

contrebasse  en  ut,  que  Gautrot  avait  construit  un  peu 

plus  tard,  avait  éveillé  l'attention  des  compositeurs. 

GouNOD  le  signalait  ainsi  :  "  Le  sarrusophone  est  aux 
cuivres  tempérés  ce  que  les  tubas  sont  aux  cuivres 
éclatants,  c'est-à-dire  leur  véritable  contrebasse.  Il 
remplit,  en  outre,  d'une  manière  très  utile,  les  fonc- 
tions de  contrebasson.  » 

Dès  1867,  Saint-SAiiNS  s'en  servit  :  «  Sa  partition 
Les  Noces  de  PromMhie ,  couronnée  au  concours  de 
l'Exposition  universelle  de  186",  comprenait  une  par- 
tie de  contrebasson  qu'il  se  trouvait  fort  embarrassé 
de  faire  exécuter  par  suite  du  défaut  d'instrument. 
Quelqu'un  lui  proposa  d'y  substituer  le  sarruso- 
Dhone  contrebasse,  dont  il  fut  entièrement  satisfait. 


iloititeiir  de  l  Armée,  10  scplcmiri'  1S45. 


Plus  tard,  il  en  fit  construire  un  à  ses  frais  qu'il  donna 
au  Grand  Théâtre  de  Lyon  pour  les  représentations 
d'Etienne  Marcel  (1879),  et  un  autre  qu'il  offrit  à  un 
musicien  de  Paris,  qui  s'en  servit  pour  l'exécution 
des  fragments  de  Samson  el  Dalila,  de  la  Créution, 
des  cinquième  et  neuvième  Symphonies  de  Beethoven, 
des  fragments  d'Etienne  Marcel  aux  concerts  du  Chà- 
telet  et  Pasdelol'p,  puis  enfin  au  Théâtre  du  Chàleau- 
d'Kau  pour  l'audition  intégrale  de  ce  dernier  ouvrage 
(18842).  „ 

Cependant,  l'instrument  restait  encore  peu  connu, 
quand  Massenet  écrivit  pour  lui  une  partie  impor- 
tante dans  son  opéra  d'Esclarmonde,  représenté  à 
l'Opéra-Comique  en  1889.  Il  lui  conlia  même  un  solo 
dans  le  quatrième  acte  de  cet  ouvrage. 

Cette  fois,  le  sarrusophone  s'imposait  tout  à  fait 
à  l'orchestre,  et  Saint-SAËws  écrivait  quelque  temps 
après  :  «  Enfin,  vous  pouvez  l'entendre  en  ce  moment 
dans  Escla7'monde.  Je  le  crois  définitivement  installé 
dans  l'orchestre  moderne.  » 

Depuis,  il  figure  dans  presque  toutes  les  partitions 
nouvelles,  el,  comme  il  peut  jouer  tout  ce  qui  a  été 
écrit  pour  le  contrebasson,  il  est  entré  dans  les  or- 
chestres les  plus  réputés  :  Opéra,  Opéra-Comique, 
Concerts  Colonne  et  Lamoureux,  etc. 

On  pourrait  objecter  que  remplacer  un  instrument 
par  un  autre  est,  en  art,  un  véritable  sacrilège;  mai» 
il  fallait  opter  entre  deux  maux.  D'un  côté,  le  con- 
trebasson, qui  est  construit  suivant  les  proportions 
du  basson  (perce  étroite  légèrement  conique),  est 
incapable  d'instantanéité  dans  l'émission  des  sons 
graves;  il  est,  de  plus,  d'une  justesse  douteuse,  dont 
nos  oreilles  modernes  ne  sauraient  plus  s'accom- 
moder, et  d'une  lourdeur  d'exécution  inadmissiblfr 
dans  les  traits,  même  peu  rapides,  écrits  pour  lui. 
Aussi,  les  orchestres  étrangers  ont-ils  adopté,  sous  le 
nom  de  contrebasson,  une  basse  à  anche,  de  perce 
large  et  fortement  conique,  dont  la  parenté  avec 
celui-ci  est  foi't  éloignée  D'un  autre  côté,  le  sarruso- 
phone, qui,  s'il  n'a  pas  tout  à  fait  le  timbie  du  con- 
trebasson, s'en  rapproche  le  plus  et,  par  surcroît, 
possède  toutes  les  qualités  qui  manquent  à  ce  der- 
nier. 

Voici  la  li  ste  des  œuvres  dans  lesquelles  le  sarru- 
sophone a  été  employé,  soit  sous  son  nom,  soit  pour 
remplacer  le  contrebasson.  Quelques  compositeurs 
écrivent  encore  "  contreliasson  ou  sarrusophone  »  : 

Bach  :  Cantate  pour  la  fcle  de  Pâques;  Beethoven  : 
■j' el  I)'  Symplioniei,  Fidelio,  Messe  solennelle,  les  Daines 
d'Athènes;  Berlioz  :  Les  Fmncs  Juges;  Brahms  :  I",  3' 
et  i'-  symphonies,  Academische  Fest-ouverlure;  Bru- 
neau  :  Messidor,  l'Ouraijan,  l'Enfant-Roi;  Brunkl  ; 
Vision  du  Dante;  Camondo  :  Le  Clown,  Evocation  s'idé- 
rale;  Charpentier  :  La  Vie  du  Poète;  Coindreal'  :  Le 
CIt'valicr  Moine  et  les  Diables  dans  l'ablaye;  Cools  : 
Symphonie;  Deuussy  ;  La  Mer,  Ibériii,  Rundcs  de  Prin- 
tenij^s;  Duuois  :  Notre-Dame  de  la  Mer,  Xaviére  (partie 
ajoutée  à  lareprise  190!>),  Symphonie  française  ;Dukas: 
L'Apjirenti  sorcier,  Ariane  et  Barbe  bleue;  Erlanger  : 
Saint  .lean  l'Hospitalier  :  Fn.\ycR  :  PrHude,  choral  et 
fugue  (oi'chestrés  par  G.  Pierné);Gerns]irim  :  /''^  sym- 
phonie; Haydn  :  La  Création,  les  Saisons ;Hvi'.  :  .Intnesse, 
Titania;EvRÉ  :  Xocturne ;  d'Indy  :  Fermai  (rempla- 
çant la  clarinette  contrebasse  à  la  3"  représen- 
tation de  cet  ouvrage  à  l'Opéra-Comique)  ;  Lampe  : 
Sérénade  pour  instruments  à  vent;  Lai'arra  :  Haba- 
nera:  S.  La/.zari  :  Armor,  Ffte  bretonne;  11.  Leroux  : 


:'.  C   l'icHni-:.  La  Facture  Instrumenta 


TECHNIQUE,  ESTHÈTIOVE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  SARRUSOPHONE    1669 


Miltiam  Raldi/f.  les  P,:rses,  IcCknuineau;  Marty  :  Le 
duc  de  Ferrure:  Masse.net  :  Esclurmoiule,  le  Minje, 
Knimairc,  Thais,  la  Navarraise:  ME^DF.LSsonN  :  lit'for- 
malion;  Micssaokii  :  MnUun''  Chri/santhème,  te  Clievalicr 
d'Harmenthal,  l'ortunio;  MozKKr -.Silrônari,-  pour  ins- 
truments à  vent;  (',.  Pikrné  :  L'An  Mil,  la  fille  d^  Taba- 
rin,  la  Croisude  des  enfants,  les  Enfants  à  Bethléem; 
P.  PiERNÉ  :  Adiitjio;  PucciNi  :  La  Tusca  ;  P.  Puget  :  Beau- 
coup de  bruit  pour  rien;  Uabaud  :  Poème  symphonique 
sur  Job;  Ravkl  :  hapsodie  espagnole  ;  Sain-t-Saëns  : 
Les  Noces  de  Promet  liée,  Etienne  Marcel,  Samson  et 
Dalila,  Proserpine,  3'  symphonie,  Henri  VIII,  Hymne 
à  Victor  Hugo,  Parysatis,  Marche  du   couronnement 


d'Edouard  VH,  //tf/t;Me;SALVAYRE  :  So/an(y<?;ScRiABiNE  : 
Le  liicin  Poème;  Soudry  :  La  Mer;  Ricii  \nD  Strauss  : 
Don  .Iiian,Mort  et  Transfiguration,  les  Equipées  de  TM 
Eulcnspiegel,  Salitmé,  la  Vie  d'un  héros,  Symphonie 
domestique.  Sérénade  et  suite  pour  instruments  à  vent, 
Guntram;  P.  Vidal  :  Jeanne  d'Arc;  Wagner  :  Grande 
Marche  de  fête,  Parsifal,  Rienzi  (remplaçant  le  ser- 
pent). 

Quelques  elTels  doivent  être  particulièrement 
signalés. 

Dans  Esclarmonde,  en  solo  avec  les  contrebasses  à 
cordes  : 


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Ilans  Titania,  pédale  pianissimo  dans  l'extrême  grave  à  quatre  octaves  de  deux  flûtes,  deux  hautbois, 
un  cor  anglais,  clarinette,  cors  et  le  qualuor,  finissant  à  la  dernière  mesure  avec  le  quatuor  et  deux  cors  : 


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Dans  Xavière,  en  solo  avec  la  clarinette  basse,  avec  des  tenues  de  cors  seulement 


Dans  le  Chemineau,  ("exemple,  basse  pianissimo  I  Second  exemple,  basse  pianissimo   de    trois   iront 
d  une  trompette  de  deux  trombones  avec  sourdine  :     bones  : 


1670  B.XCyCLOPÉOIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOXyURE  DU  <:nv<iEnVArOinE 


•ètua^i^ 


^^àr'cJrmM  ^-tai-c^ 


Dans  l'An  Mil,  uni  aux  tuhas  dans  un  ensemble  fortissimo  de  Ions  les  enivres 


Dans  la  Croisade  des  enfants,  son  tenant,  seul  foule  la  masse  orchestrale 


Dans  le  même  ouvrage,  appui  avec  les  bassons  de  toute  la  masse  chorale  et  instrumentale  : 


TECHNIQUE,  ESTIIÉT/QLE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  SARRUSOPHONE    1671 


f  Dans  le  l'réliiilc,  Cliornl  cl  Fugue  de  César  Kranxk 
(orchestré  par  G.  Piebné),  soiilenanl  dans  le  fortis- 
simo tout  le  poids   de    l'orcliestie.    A    la    dernière 


mesure  pianissimo,  il  donne  l'impression  d'une  basse 
profonde  semblalde  an  16  pieds  (fonds)  d'un  orgue 
puissant. 


Signalons  également  : 

Dans  La  Fille  de  Tabarin,  supportant  (ont  le  poids 
de  l'orchestre; 

Dans  La  Tosca,  pédales  répondant  à  l'orgue  et  re- 
liant celui-ci  à  l'orchestre. 

A  remarquer  aussi  la  scène  de  la  prison  dans  Fit/  - 
lio,  où,  remplaçant  le  contrebasson ,  il  double  la 
basse  des  violoncelles  et  contrebasses. 

M.  Colonne  qui,  l'un  des  premiers,  employa  le 
sarrusophone,  lui  fait  souvent  doubler  les  contre- 
basses de  son  orchestre,  notamment  dans  la  Hui- 
tième Symphonie  de  Beethoven  et  dans  le  Faitsl  de 

ScilUMANN. 

Ce  procédé  donne  beaucoup  de  rondeur,  sans  être 
choquant  cependant.  Le  sarrusophone,  en  raison  du 
mordant  de  son  timbre,  se  marie  assez  complète- 
ment aux  contrebasses  pour  ne  pas  déceler  trop 
ostensiblement  sa  présence. 

M.  WiDOB  lui  consacre  un  article  très  remarquable 
dans  sa  Teelininue  (!■■  l'Orchestre  moderne;  en  voici 
quelques  extraits  : 


«  C'est  l'instrument  rival  du  contrebasson,  rival 
avantagé,  hàtons-nous  de  le  dire,  sous  le  double  rap- 
port de  l'émission  et  de  l'inlensité  dans  le  grave.  » 

«  Adjoint  aux  violoncelles  et  aux  contrebasses,  le 
sarrusophone  fait  l'effet  d'une  gambe  d'orgue  ou 
d'une  bombarde  très  douce;  il  leur  prête  une  nervo- 
sité caractéristique.  Il  a  deux  octaves  d'une  vraie 
plénitude,  d'une  solidité  remarquable.  » 

«  Tous  les  degrés  du  sarrusophone  sont  maniables 
comme  ceux  d'un  hautbois  ou  d'un  cor  anglais;  on 
peut  les  attaquer  forte  ou  piano,  les  enfler  ou  les 
diminuera  volonté.  L'émission  reste  aussi  nette  dans 
le  bas  comme  dans  le  Ijaut  de  l'échelle.  » 

«  Même  dans  un  mouvement  rapide,  on  peut  écrire 
des  traits  staccato.  » 

«  On  peut  traiter  l'instrument  relativement  au 
basson  comme  le  contrebasson  relativement  au  vio- 
loncelle. " 

On  peut  ajouter  que,  malgré  leur  extrême  gravité, 
les  notes  de  l'octave  inférieure  ont  une  émission 
prompte,  instantanée,  contrairement  aux  autres 
instruments  graves,  conirebassons,  tuyaux  graves 
des  orgues. 


1GT2 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIO.V.VAIItE  DU  CONSERVATOIRE 


Il  s'écrit  comme  la  contrebasse  à  cordes,  c'est- à- 
dire  qu'il  donne  l'octave  grave  du  son  écrit. 

Les  deux  premiers  sons  si  [?  et  si  S  graves  sonl  u.i 
peu  durs,  et  ne  doivent  pas  être  employés  dans  le 
pianissimo.  Au  delà  de  la  seconde  octave,  l'émission 
devient  pénible  ;  il  est  vrai  que  les  notes  de  cette 
oclave  trouvent  rarement  leur  emploi. 

Les  tonalités  qui  lui  conviennent  le  mieux  sont 
celles  A'nt,  de  wl,  de  ré,  de  lu,  de  fa,  de  si\^,  de»ni'!i 
et  de  /a  b  majeurs  avec  leurs  relatifs  mineurs. 

Les  liaisons  ascendantes  sont  faciles,  les  liaisons 
descendantes  le  sont  moins,  surtout  quand  l'inter- 
valle est  grand;  elles  deviennent  de  plus  en  plus 
dangereuses  a  mesure  qu'on  descend.  Cette  défec- 
tuosité est  d'ailleurs  commune  à  tous  les  instruments 
placés  à  ce  degré  de  l'échelle  des  sons  perceptibles. 
Tous  les  trilles  sont  praticables,  à  l'exception  de 
ceux-ci  :  si[,  h.  ut,  ai  t;  à  do  S,  dans  le  grave  ;  t/o  5  à  ré  ï 
dans  les  trois  octaves,  fa  à  sol  b  dans  les  trois 
octaves. 

Le  sarrusophone  contrebasse  est  le  seul  employé 
jusqu'à  présent  à  l'orchestre  symphonique.  La  basse 
et  le  baryton  pourraient  y  donner  des  elfets  intéres- 
sants. 

.Jusqu'au  commencement  du  présent  siècle,  le  sar- 
rusophone contrebasse  en  iit  ne  descendait  pas  au 
delà  du  (lo  grave,  sans  doule  par  analogie  avec  le 
contrebasson  donl  c'était  la  note  extrême. 

MM.  CouF.sNON  et  C'"^,  les  successeurs  de  Gautrot, 
qui  ne  cessent  d'apporter  des  amélioralions  aux 
sarrusophones,  ont  voulu  faire  disparaître  cette 
anomalie,  (iiàce  à  eux,  nous  possédons  maintenant 
un  inslrument  qui  donne  exactement  l'octave  grave 
du  basson. 

Les  sarrusophones  soprano,  baryton,  basse  et 
contrebasse  rai'p  sont  depuis  longtemps  employés 
dans  les  musiques  mililaires  espagnoles. 

Le  sanusoplione  contrebasse,  bien  qu'il  ne  soit 
pas  encore  réglementaire,  pénèlie  peu  à  peu  dans 
les  musiques  militaires  et  dans  les  harmonies 
françaises. 


MM.  Karre.n  et  Farigoix,  des  équipages  de  la  Hotte, 
Verbregghk,  du  1"  génie;  Chomel,  du  .31'  de  ligne; 
Mastio,  à  Armentières,  l'ont  installé  dans  leur  mu- 
sique. 

M.  Gabriel  Parés,  après  l'avoir  essayé  à  la  musique 
des  équipages  de  la  flotte  de  Toulon,  l'introduisil, 
il  y  a  quelques  années,  à  la  musique  de  la  Garde  ré- 
publicaine, où  il  rend  de  grands  services  en  continuant 
les  basses  des  saxo^ihones  à  l'extrême  grave;  il 
comble  ainsi  une  regrettable  lacune.  En  ell'et,  pour 
représenter  les  violoncelles  et  contrebasses  de  la 
symphonie,  l'orchestre  militaire  ne  possède  que 
des  saxophones  barytons,  qui  ne  descendent  qu'au 
ré'y  du  violoncelle';  on  est  donc  contraint  de  confier 
aux  saxhorns  contrebasses  mil-i  et  si (7  les  dessins 
des  contrebasses  à  cordes,  ce  qui  alourdit  considé- 
ra bb' m  eut  l'orchestration. 

Kniin,  le  sarrusophone  contrebasse  introduit  à 
l'extrême  basse  de  l'harmonie  militaire  le  son  anché 
qui  lui  manque  depuis  la  disparition  des  bassons. 
Il  y  peut  aussi  suppléer  (ou  doubler,  s'il  y  a  lieu) 
les  contrebasses  à  cordes,  dont  il  a  le  mordanl  de 
l'archet. 

La  rondeur  de  son  des  saxophones  graves,  quel- 
que précieuse  qu'elle  soit  à  un  autre  point  de  vue, 
est  impuissante  à  produire  des  effets  similaires. 

Les  saxophones  basses,  peu  utilisés  jusqu'à  présent 
en  raison  de  leur  poids,  seraient-ils  améliorés  et 
rendus  porlatifs  par  une  nouvelle  disposition  de  leur 
tube,  qu'ils  ne  sauraient  toujours  pas  procurer  à 
l'harmonie  le  son  anché,  dont  la  rentrée  dans  l'en- 
semble instrumental  des  bandes  militaires  produit 
un  effet  de  soulagement  analogue  à  la  rentrée  de  la 
contrebasse  à  cordes  dans  l'ensemble  orchestral. 

Le  sarrusophone  corvtrebasse  en  îni'Ji  possède 
l'étendue  elfeclive  des  deux  saxhorns  contrebasses 
mi\i  et  si|i  (il  la  dépasse  même  au  grave).  Il  peut  les 
remplacer  momentanément  ou  les  souder,  pour  ainsi 
dire,  en  donnant  plus  de  légèreté,  de  douceur  et  de 
couleur  aux  assises  de  l'harmonie  : 


Fantaisie  sur  Samson  et  Dalila  de  Saint-Saëns  (G.  Meister) 


Le  chef  de  la  musique  de  la  Garde  républicaine 
l'apprécie  ainsi  dans  son  Traité  d'instnimentation  : 
«  Le  sarrusophone  contrebasse  est  appelé  à  rendre 
de  très  importants  services;  il  donne  une  basse 
superbe,  d'un  timbre  très  appréciable,  surtout  en 
l'absence  des  contrebasses  à  cordes.  Nous  recom- 


mandons son  emploi,  ayant  acquis  la  ceililude  que 
cet  instrument  est  parfait  en  tous  points.  » 

Dans  son  ouverture  de  Rollon,  M.  Pares  l'a  mis  en 
lumière  avec  un  rare  bonheur,  en  lui  faisant  doubler 
à  l'octave  grave  les  trombones  cors  et  bassons  : 


TECHNIQUE,  ESTflÉTIQVE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  SARRUSOPHONE    1673 


Le  sarrusophone  soprano  trouve  son  emploi  dans 
les  Tanfares,  pour  rappeler  le  timbre  du  liautbois, 
instrument  qui  n'est  pas  admis  dans  leur  compo- 
sition. La  fanfare  parisienne  «  La  Sirène  »  a  adopté 
presque  toute  la  famille  :  le  sopranino,  le  soprano, 
l'alto,  le  ténor,  la  basse  et  la  contrebasse. 

GouNOD  a  écrit  un  Se.cluor  pour   sarrusophones 


soprano,  alto,  ténor,  baryton,  basse  et  contrebasse, 
qui  a  pour  titre  Choral  et  Musette.  11  existe  aussi  un 
Solo  de  Blauckemann  pour  sarrusophone  basse  avec 
accompagnement  de  TanTare,  un  Prélude  fugué  pour 
sarrusophone  contrebasse  et  piano  de  M. ^^ Francis 
Casadesus,  une  méthode  de  Coyo.n  et  une  méthode 
du  signataire  de  celte  étude. 

».  LERUSTE. 


LE  TUBA 


Par  Joseph  BROUSSE 

TnD\    SOLO    Dlî    L\    SOCIliTÉ    DES    CO^CIiRTS    DO    GON'SERVATOIai'.    r-Vf    D^    l/op&HA 


HISTORIQUE   DU  TUBA 

Le  tuba  dérive  de  l'opliicléide,  qui,  lui-nn'me,  vieiil 
du  serpent. 

Dés  l'année  1764,  les  instruments  à  anche,  à  clefs 
et  [en  cuivre,  parmi  lesquels  figurail  le  serpent, 
avaient  commencé  d'exisler  légalement  dans  les 
Gardes  françaises,  qui  comptaient  seize  musiciens 
par  régiment. 

De  1785  à  1788,  l'infanterie  de  ligne  s'empara  de 
ces  instruments.  En  ^7^9,  quai'a nie-cinq  musiciens 
des  Gardes  françaises,  la  plupart  cnlants  de  troupe 
de  ce  corps,  formaient  le  no3au  de  la  musique  de  la 
Garde  nationale  de  Paris.  Ils  avaient  été  recueillis 
et  rassemblés  au  momerit  de  la  liévolution  par 
Sarrftte,  capitaine  à  l'étal-major  de  la  capitale,  qui 
avait  obtenu  à  cet  efl'i't  l'autorisation  de  M.  dr  la 
Fayette,  commandant  général. 

L'Institut  musical,  sous  le  nom  de  Conservatoire, 
qui  fut  créé  le  12  thermidor  an  III,  comprenait  alors 
cent  quinze  artistes  employés  a  célébrer  les  fêtes 
patriotiques,  et  à  former  des  élèves  pour  toutes  les 
branches  de  l'art  musical. 

Plus  lard,  un  Allemand  nommé  Weidingeh  ima- 
gina de  percer  les  tubes  de  certains  instruments  de 
cuivre,  comme  cela  se  praliquail  depuis  longtemps 
pour  les  instruments  de  bois,  et  d'y  adapter  des  clefs 
mobiles,  de  façon  à  donner  aux  inslrumenls  une 
échelle  aussi  étendue  que  possilde. 

Gel  artiste  a\ant  fait  à  l'ancien  clairon  l'applica- 
tion de  son  système,  il  en  résulta  l'instrument  qu'on 
appelait  alors  bmjle  ou  trompette  à  riefs  (rophicléïde 
dérive  du  même  principe  et  en  est  la  conséqueiicei- 

Vers  1814,  l'invention  des  pistons,  due  au  .silésien 
Blûhmel,  et  exploitée  tout  d'abord  par  Stolzel  et 
ensuite  par  Wieprecht,  qui  tendait  au  même  but 
par  des  moyens  dilférents,  compléta  celle  heureuse 
révolution. 

Appliquésd'abord  au  cor, les  pislonsenvahireritsuc- 
cessivement  le  cornet,  la  ti'ompelte,  le  trombone,  etc. 
D'un  autre  côté,  la  création  de  plusieurs  autres 
instruments  de  cuivre,  le  basson  russe,  le  tuba,  etc., 
vint  signaler  la  même  péi  iode. 

Historiquement,  l'Allemagne  recul  son  [uemier 
tuba  en  1835,  des  ateliers  de  Mouitz,  où  il  fut  cons- 
truit sur  les  données  de  Wieprkcht,  directeur  géné- 
ral de  musique. 

Adopté  immédiatement  par  le  2*' régiment  d'infan- 
•terie  de  la  Garde,  il  ne  larda  pas  à  se  substituer. 


comme  en  France,  à  ses  prédécesseurs,  le  serpent 
et  l'ophicléide. 

Actuellement,  la  famille  des  tubas  est  représentée 
en  Allemagne  par  quatre  variétés  :  tubas  en  ut;  en 
*('  h  ;  en  la  et  en  fii,  que  renforce  le  tuba  contiebasse. 

C'est  à  l'active  sollicitude  du  grand  maître  Si'O.n- 
TiNi  que  nous  sommes  redevables  de  l'iulroduclion 
en  France  des  instruments  à  pistons.  C'est  lui  qui 
envoya  de  Rerlm  à  Pari<,  de  182.3  à  1831,  nombre 
de  cors  h  pistons,  de  Irompette^  ou  cornets  à  2  ou 
3  pistons  ou  rcnlilles  (les  premiers  connus  à  Paris), 
notamment  au  professeur  de  cor  Dalphat,  et  au 
chef  de  musique  des  Gardes  David  Bldl,  et  c'est 
d'après  ces  exemplaiies  que  les  fadeurs  de  Paris  se 
mirent  à  fahiiquer  les  premiers  instruments  a.  pis- 
tons. 

Vers  1836,  apparaissent  les  premiers  barytons  si'f^ 
à  3  pistons,  quelques  basses,  siu  cl  î(^  à  3  pislous, 
ces  derniers  limités  au  /'«;  ; 


m 


i^o— 

par  conséquent  incomplets,  puisqu'il  existait  un  viJfr 
decinq  notes  entre  ce  /'a;  et  \'iit  grave  «  pédale  »  : 


Ces    mêmes    inslrumenls  descendaient  encore  de 
Viit  grave  au  conUe-fag  (pédale)  : 


hihii,B 


Mais  ces  notes  «  pédales  »  avaient  une  trop  faible 
sonorité,  parce  que  l'instrument  possédait  une  perce 
insuftisanle  pour  alimenter  ces  sons  graves. 

En  somme,  c'était  l'époque  des  tâtonnements  dans 
la  fabrication  des  inslrumenls  en  général,  et  on  était 
loin  de  la  perfection. 

Heureusement, quelques  annéesplus  tard,  l'arrivée 
en  France  d'Adolphe  Sax,  artiste  de  grand  talenl, 
mécanicien  et  acousticien  accompli,  vint  ouvrir  à  la 
facture  iiistrumenlale  et  oITrir  par  ses  inventions 
et  ses  perfectionnements  les  plus  remarquables,  le 
moyen   d'oblenii'    me  admiralile   sonorité,  tout  en 


Ti:r.n\iauE,  esthétique  et  fèdagogie 


LE    TUBA     KÎ75. 


supprimant  les  cléldutri,  les  vicies  radie  uix  Je  l'an- 
cienne fabrication. 

C'est  à  partir  de  1810  que  S\x  invenla  et  créa  plu- 
sieurs familles  d'instruments,  enire  autres  la  famille 
complète  des  sax-horns  et  saxo-lrombas,  depuis  le 
petit  sax-liorn  mi  »  jusqu'au  sax-liorn  contrebasse  si|-, 
où  figurent  les  sax-horns  barylons  si  h  à  3  pistons  et 
les  basses  siu  et  ut  à  3  et  4  pistons. 

En  IS.'Ja,  les  sax-horns  contrebasses  7)i('  1>  el.sî  h  bour- 
dons figuraient  à  l'Kxposition  universelle  de  Paiis  ; 
instruments  parliculléroment  curieux,  puisque  le 
premier  mesure  1  m.  0,'i  de  hauteur  etO  m.  80  de  dia- 
mètre du  pavillon,  le  second  2  m.  "5  de  hauteur  et 
Ira.  oO  de  diamètre  du  pavillon;  il  correspond  aux 
32  pieds  de  l'orgue. 

Ensuite,  en  186o,  ce  furent  les  Iromboues  à  6  pis- 
tons indépendants  (ténors  et  contrebasses),  employés 
depuis  1867  àla  fanfare  de  l'Opéra,  et  les  trombones 
contrebasses  à  3  et  à  4  pistons  indépendants. Le  troni- 
bonne  contrebasse  à  4  pistous  indépendants  a  été 
employé  pour  la  première  fois  à  l'orchestre  de  l'O- 
péra en  1803,  dans  la  Walkjjrii',  ensuite  dans  la  Tétra- 
logie de  \VAr,.NKR  et  dans  les  divers  ouvrages  qui  né- 
cessitent l'emploi  de  ce  merveilleux  instrument. 

l'infln,  vers  1807,  les  sax-horns  basses  si  ^  et  ut  h.  5 
et  6  pistons  dépendants. 

Les  sax-horns  basses  si^^  h  3  et  4  pistons  firent 
leur  apparition  dans  Tarniéeen  184o,  conimele  men- 
tionne une  décision  ministérielle  en  date  du  19  août, 
qui  délermiuait  la  nouvelle  composition  instrumen- 
tale des  musiques  mililaires. 

A  cet  effet,  un  intéressant  concours  eut  lieu  le 
22  avril  de  cette  même   année  entre   la  musique  de 


Gafiaka,  alors  directeur  du  iiwnnase  musical,  et  celle 
de  Sax  qui  avait  motivé  par  ses  iiouveau.x  instru- 
ments cette  épreuve  de  réorganisation. 

Indépendamment  de  ces  deux  musiques,  plusieurs 
autres  de  l'infanleiie  avaient  été  également  convo- 
voquées  pour  le  même  jour,  de  manière  à  offrir  un 
terme  de  comparaison  entre  l'ancien  système  et  le* 
deux  nouveaux  proposés  par  Gabafa  et  Sax. 

Ce  brillani  et  imposant  tournoi  fut  exécuté  an 
Champ  de  Mars. 

La  commission,  environnée  de  généraux,  colonels, 
officiers  supérieurs,  arlisles  et  écrivains  célèbres, 
était  au  poste  d'honneur. 

Après  ces  épreuves,  vinrent  celles  qui  concernaient 
l'organisation  des  fanfares.  Dans  toutes  ces  expé- 
riences, le  système  ^ax  triompha  pleinement,  et 
disons  tout  de  suite  que  la  puissance  et  l'ampleur 
des  sax-horns  basses  et  contrebasses  avait  surtout 
excité  l'admiration  la  plus  vive. 

De  184a  à  1874  environ,  le  luba  en  iil  à  3  et  4  pis- 
tons ne  fut  guère  employé  que  dans  les  orchestres  de 
bal,  où  il  remplissail  les  mêmes  fonctions  quel'ophi- 
cléide.  Dans  l'orchest;  e  réduit,  son  rôle  se  bornait  à 
jouer  simplement  la  pari  ie  de  basse,  tandis  que,  dans 
l'orcheslre  complet,  il  doublait  parfois  le  violoncelle 
el  triomphait  avec  tji  ii  dans  les  ryllimes  ardents  du 
contre-cliunl. 

Le  tuba  à  4  pistous  commença  a  être  employé  à 
l'Opéra  vers  1874.  En  1880,  on  ajouta  un  a»  piston  ve- 
nant consacrer  dJQnitivennnl  le  tuba,  auqiel  s'a  dj  oi- 
gnit encore,  en  1892,  un  piston  supplémentaire  trans- 
positeur  réalisant  enfin  l'instrument  actuel,  dont  le 
premier  est  sorli  des  ateliers  de  la  maison  Coinrois 


Cl  ./''rii})f/fr. 


FiG.  735.  —  Sax -bourdon  en  ra/Jj. 


ti.  itianyer, 
Fk!.  736.  —  Tuba  en  iil,  k  (5  pistons  dépendants. 


vre 


ESr.yr.Loi'ÉniE  de  la  musique  et  piCTioyyArnE  pu  coysERi'ATninE 


EMPLOI   DU  TUBA 


Wagner,  qui  semble  avoir  eu  une  prédilection  mar- 
quée pour  les  inslrumentsde  cuivre,  a  employé  dans 
la  Tétralogie  jusqu'à  cinq  de  ces  instruments,  comme 
en  témoignent  les  deux  passages  suivants  : 


Voici  donc  une  quarantaine  d'années,  rexécution 
du  répertoire  qui,  jusque-là,  avait  dû  se  contenter  de 
l'étendue  de  l'ophicléide  dont  la  gravité  avait  pour 
ultime  limite  le  si  h  grave  : 


1»^ 


put,  grâce  au  luba  à4,  oet  6  pistons,  prolonger  celte 
étendue  d'une  quinte  an  grave  : 


ifadice  I 
inusité  ; 


^^wïïmriî 


Celte  nouvelle  élendue  fut  surtout  employée  au 
début  par  Wagnkr,  dans  ?es  ouvrages.  Depuis,  de 
nombreux  compositeurs  ont  suivi  l'exemple  de  Til- 
lusli-e  mailre,  et  rendu  indispeniable,  à  l'orchestre, 
le  tuba  à  6  pistons  dépendants. 


La  'Walkyrie  (2'  acte).  Le  Sort. 


Ifw 


La  Walkyrie  (1"  acte).  Entrée  d'HundiiKj. 


Adoplhe  Sax  fils  a  créé,  spécialement  pour  la  Tétra- 
logie, 4  instruments  :  2  barytons  et  2  basses  si'b 
saxo-trombas. 


Cl.  Branyer, 
riG.  7iu  ol  "il.  —  Inslriimenls  i  pavillon  leversiblo. 


(.•(.  Ura'igfT. 


TECHMQl  i:.  ESTHÈTIQI'E  ET  PÉDACOGIE 


LE    TUBA    IfiTT 


Ces  quatre  liibas,  qui  doivent  à  l'orij^inalilé  de 
leur  pavillon  réversible  des  sonorités  modifiables 
au  gré  de  l'artiste,  donnent,  pavillon  relevé,  en  //', 
des  notes  éclatantes  où  passe  l'appel  frémissant  dos 
clameurs  de  "uerre  : 


^S 


M 


-ô  ^ 


Jfî 


et  «  pavillon  baissé  "  au  ras  du  sol,  en  pp,  l'impres- 
sion d'une  couleur  de  son  ij^norée,  rêveuse  et  capti- 
vante dont  on  ne  saurait  se  lasser,  comme  dans 
l'exemple  de  la  Walkyrie  (Le  Sort),  p.  1676. 

Dans  la  THndogie,  si  les  4  tubas  si[>  et  le  tuba 
contrebasse  jouent  toujours  ensemble,  ce  dernier 
j^arde"  pourtant  le  rôle  prépondérant  et  se  libère 
spontanément  parfois  de  la  voix  de  ses  collèf^ues, 
soit  pour  interpréter  la  colère  d'Hunding,  soit  poui' 
traduire  l'expression  massive  du  motif  des  géants, 
soit  enfin  pour  rugir  avec  Fafner. 

Le  combal  de  SiegVied  lui  offre  peut-èlre  sa  plus 
belle  incarnation  dans  le  personnage  du  dragon-sei- 
pent,  sortant  de  sa  caverne  pour  jeter  l'épouvante  au 
cœur  de  son  adversaire. 

L'auditoire  surprend,  à  cette  scène,  une  union  si 
profondément  intime  de  la  voix  et  de  la  sonorité 
pour  rendre  une  même  expression  de  terreur,  i|u'il 
ne  peut  se  soustraire  à  des  rétlexes  comme  à  la  me- 
nace d'un  danger  collectif. 

Et  ces  phénomènes  d'ordre  psychique,  par  assimi- 
lation du  sentiment  au  timbre,  nous  font  bien  com- 
prendre   pourquoi   le    tuba    contrebasse,  d'ailleurs 


construit  à  l'octave  grave  du  tuba,  ne  possède  aucun 
rival  en  puissance  sonore,  et  peut,  à  lui  seul,  domi- 
ner un  orchestre,  si  nombreux  qu'on  le  suppose. 

Dans  les  orchestres,  d'harmonie  ou  de  fanfare,  il 
quitte  son  appellation  de  tuba  pour  prendre  celle  de 
sax-horn  contrebasse  si\i. 

Il  est  alors  d'un  ton  plus  bas,  par  conséquent,  que 
le  tuba  contre-basse,  employé  à  l'orchestre  sympho- 
nique  qui,  lui,  est  toujours  en  î(<. 

Le  sax-horn  contrebasse  si  h  remplit  les  mêmes 
fonctions  que  la  contrebasse  à  cordes.  La  contre- 
basse en  H[^  ne  possède,  en  général,  que  3  pistons, 
bien  suffisants,  puisque  la  partie  ne  dépasse  jamais 
le  /'ait  des  sons  graves  : 

Effet 


Pour  la  contrebasse  d'orchestre  svniphonique,  les 
quatre  pistons  sont  indispensables,  car  la  partie  est 
souvent  écrite  jusqu'au  mi\-:  giave  dans  la 'plupart 
des  ouvrages  : 

Effet 


m 


t-D 


Nous  pouvons  voir,  par  les  exemples  suivants,  les 
ressources  diverses  qu'offre  le  magnifique  instru- 
ment qu'est  le  tuba  : 


Namouna  (Ballet). 


L'ilo. 


Large 


Salammbô. 


Rei/er. 


^nij 


La  Burgonde. 


i^ 


/// 


Tj  cr- 


Vidal. 


Tbamar  [Poème  Symphonique). 


Très  lent 


Balakirew. 


1678 


ESC) CLOPÈlllË  DE  I.A  MISIOLE  ET  DICTJO.W.XA/BE  DU  COSSERVATOIRE 


Waijncr. 


Les  Maîtres  Chanteurs. 


Lent 


Lent  -  Solennel 


E 


E 


FF 


o  o\©. 


wmi 


Dans  les  ff,  il  triomphe  sur  toute  l'étendue  grâce  à 
sa  vigueur  et  à  sa  puissance  de  sonorité. 
Dans  les  pp,  il  aborde  le  registre  grave  avec  une 


majesté  qui  rappelle  la  sérénité  souveraine  du  grand 
orgue.  Enfin,  le  tuba  à  6  pistons  possède  l'échelle 
chromatique  exceptionnelle  de  quatre  octaves  : 


-ff- 


Quant  au  rôle  du  piston  Iranspositeur,  il  consiste 
à  baisser  la  tonalité  normale  de  l'instrument  d'un 
demi-ton  et  devient  ainsi  d'un  grand  secours  pour 
les  traits  rapides  et  chargés  d'accidents. 

C'est  ainsi  que,  pour  l'exécution  d'un  motif  écrit 
dans  la  tonalité  de  si  majeur,  il  suffit  d'abaisser  le 
piston  transpositeur  pour  que  le  diapason  de  l'ins- 


trument se  trouve  un  demi-ton  plus  bas  (sib,). 

L'opération,  on  le  devine,  a  pour  effet  de  suppri- 
mer les 5  dièses  de  l'armatuie. permettant  ainsi,  et  par 
simple  transposition,  d'e.\écuter  le  passage  comme 
s'il  était  éciit  en  ut,  et  cela  avec  une  grande  simpli- 
cité de  doigté,  comme  dans  cet  exemple  emprunté 
au  Prophète  : 


rtaintmir  le  piston  transpositeur  bais«.e  .  Lire  la  clef  dut  2'C'liqne  en  supprimant  ies  5» 

-^-H-M/^^ — _  1     rn  I       r-^  '  '    ' 


Résultai 


Pour  tous  les  passages  à   tonalités  difficiles,  on  1  trouve  placé  entie  le   4=  et  l'ancien  5';  ce  dernier 
opère  de  la  même  manière.  devient,  par  conséquent,  le  6'  dans  lu  tablature  géné- 

11  est  à  remniquer  que  le  piston  transpositeur  se  |  raie  qui  suil  : 


A    u  I  d« 


r,-^  Piston 

Descendant   d  un'e  seconde    majeure 
(  un   "ton  ) 


Zlî^Piston 

DescendaHÉ  d'une  seconde    mineure 
(un  demi  ton  ) 

ï^'Rston 

Descendant  d'une  tierce     majeure 
(  Etoiis) 

4"!' Fiston 

Descendant  d'une   quarte   juste 
(Ztons/,) 

5^*" Piston  {Transpositeur) 
De&cendant   d'une  seconde  mineure 
(un  demi  ton) 

G'îl'Rslon 

Descendant  d'une   quinte   luste 
(Stonsy^) 


*t — 

*» 

-e>- 

■^ 

^ 

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TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    TUBA     lfi79 


^,nêj6>ol|o  ô  D  «  ©  «  If  ee^o  l|0  D  Otto  o 


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U»l;lUôÂU4l4^4444ê??«||#^^'??^èè''?!?^?? 


^^-elte-e-e-e 


C'est  une  grave  erreur  Je  croire,  comme  beaucoup 
le  font,  que  le  tuba  est  lourd  dans  l'exécution  et 
réfraclaire  à  l'enlèvement  rapide  des  traits.  Il  faut 
une  fois  pour  toutes  dissiper  ces  prévenlions  en  décla- 
rant que,  sur  ce  point,  le  tuba  ne  le  cède  en  rien  aux 

Salammbô  (4  acte). 

Moderato 


petits  sax-horns,  et  qu'il  peut  les  égaler  en  vitesse 
sur  toute  l'échelle  chromatique. 

Voici  des  exemples  qui  suffiront  à  le  démontrer, 
encore  qu'il  soit  possible  d'eu  citer  de  plus  rapides  : 

Rnjer. 


^^^^m 


^ 


Salomé. 


Richard  Strauss. 


Allegro 


lJ'';'M^'^'^ 


Les  Maîtres  Chanteurs. 


Ail?  inolto 


Wagner. 


È 


iiii^JMJ^TTj^ 


j[,jjn^rr^îi'^''fTi» 


m 


i 


w^ 


^f^ 


JEU   ET   ENSEIGNEMENT   DU   TUBA 

La  cause  initiale  de  la  fausse  appréciation  signalée 
ci-dessus  ne  peut  être  imputée  qu'à  l'artiste  qui,  dès 
le  début  de  ses  éludes  musicales,  fait  mauvais  choix 
en  adoptant  un  instrument  peu  en  rapport  avec  sa 
constitution. 

Le  tuba,  surtout,  réclame  un  sujet  possédant  d'ex- 
cellents poumons.  Pour  s'en  rendre  compte,  il  suffit  de 
considérer  la  robuste  physionomie  du  cylindrage  de 
cetinstrument,  «  grand  buveur  d'air  comme  l'orgue  ». 


Ici,  le  souffie  devient,  plus  que  dans  tout  autre  ins- 
tiument,  l'auxiliaire  indispensable  de  l'interprétation 
musicale,  en  ce  sens  qu'il  exige  un  eff'ort  édttqui\ 

Il  y  aurait  beaucoup  à  dire  sur  ce  sujet,  je  me  bor- 
nerai à  quelques  notes. 

Il  ne  suffit  pas,  par  des  expirations  automatiques, 
de  jeter  l'air  dans  les  tubes  à  grosse  perce  qui  carac- 
térisent l'instrument,  ce  que  le  premier  venu  pour- 
rait faire;  il  faut  assurer  dans  toute  son  étendue 
l'alimenlation  réglée  du  volume  d'air  considérable 
qui  est  l'agent  dynamique. 

On  comprend  bien  que  ce  résultat  est  la  fonction 
principale  de  la  capacité  thoracique  de  l'artiste,   et 


1680 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOSNAIRE  DU  COSSERVATOIRE 


que,  cette  capacité  réalisée,  il  reste  encore  à  la  faire 
concourir  normalement  au  but  poursuivi. 

C'est  ce  que  j'entends  par  elFort  éduqué,  qui  prend 
ici  figure  de  gymnastique  ou  de  cullure  respiratoire. 

L'aspiration  par  la  gorge  ou  les  bronches,  en 
même  temps  qu'elle  provoque  dans  l'instrument  des 
vibrations  discordantes,  voue  tût  ou  tard  l'instrumen- 
tiste aux  suffocations  de  l'asthme. 

Encore  n'est-ce  pas  le  seul  risque  à  courir,  car  l'aii' 
humide  ou  froid  appelé  brusquement  dans  la  poi- 
trine peut  déterminer  les  accidents  redoutables  de  la 
laryngite,  de  la  bronchite,  voire  de  la  pneumonie. 

Kn  résumé,  une  mauvaise  respiration  est  préjudi- 
ciable à  la  santé  de  l'artiste,  dont  elle  entrave  l'ave- 
nir; l'insuccès  et  le  découragement  n'ont  pas  d'autre 
cause  que  la  négligence  de  cette  éducation  absolu- 
ment indispensable. 

Pour  parer  à  ces  multiples  dangers,  il  faut,  autant 
que  possible,  renoncer  à  la  respiration  buccale  et 
adopter  la  respiration  nasale,  qui,  elle,  ne  procède 
que  du  muscle  diaplirajine,  seul  capable  d'assurer  à 
l'inslrumentiste  une  complète  et  normale  respiration. 

On  conçoit  que,  dans  ces  condilions,  un  entraîne- 
ment préparatoire,  puis  quotidien,  soil  nécessaire. 

Une  fois  toutes  ces  précieuses  observations  mises 
en  pratique,  il  est  aisé  de  comprendre  que,  sur  le  luba, 
on  doit  acquérir  le  maximum  de  vélocité  dans  toute 
l'étendue  de  l'instrument,  ainsi  que  toutes  les  belles 
qualités  de  l'instrumentiste  qui  font  le  «  virtuose  » 
et  qui  attirent  inévitablement  sur  lui  les  sympathies 
de  l'auditoire. 


11  me  reste  à  parler  de  l'elTacement  dans  lequel 
l'enseignement  officiel  tient  cet  instrument  si  inté- 
ressant. 

Les  classes  du  Conservatoire,  ouvertes  au  cornel,  à 
la  trompette,  au  cor,  au  trombone,  à  la  clarinelte, 
au  basson,  au  hautbois  et  à  la  llilte,  ne  le  sont  pas  en- 
core au  tuba. 

Il  en  résulte,  en  particulier  pour  les  musiques 
tant  militaires  que  civiles  et  pour  les  orchestres 
syraphoniques, une  infériorité  en  artistes  spécialisés, 
que  le  Conservatoire  seul  est  à  même  de  faire  dispa- 
raître par  la  création  d'une  classe  de  tuba. 

Cette  classe  une  fois  créée,  on  imagine  aisément  les 
services  incalculables  qu'elle  rendrait  aux  orchestres 
syraphoniques  et  encore  plus  aux  orchestres  d'har- 
monie et  fanfares,  en  raison  du  plus  grand  nombre 
d'artistes  jouant  de  cet  instrument. 

Non  seulement,  ces  élèves  du  Conservatoire  devien- 
draient de  vrais  virtuoses,  mais  encore  ils  pour- 
raient propagerleur  talent  dans  toutes  les  phalanges 
artistiques. 

En  ce  qui  me  concerne,  ayant  beaucoup  vécu  avec 
les  chefs  de  musique  de  l'armée,  puisque  je  fus  sous- 
chef  au  f  régiment  du  génie,  je  puis  traduire  leur 
avis  unanime,  qu'une  classe  de  tuba  au  Conseiva- 
toire  réaliserait  un  rêve  que  beaucoup,  pour  ne  pas 
dire  tous,  caressent  depuis  longtemps,  rêve  qui  ne 
vise  qu'au  souci  d'une  plus  parfaite  cohésion  instru- 
mentale et  artistique. 

Joseph  BHOUSSE. 


NOTES  SUR  LE  SERPENT  ET  L'OPHICLÉIDE 

Par  Paul  QARNAULT 


LE  SERPENT 

Le  serpent,  en  ilalien  serpenlone,  basse  de  la 
famille  des  [cornelli,  droit,  courbe  ou  replié  surlui- 
mérae  pour  mieux  permeltre  au  serpentiste  d'en 
atteindre  les  neuf  trous,  peut-être  inconnu  de  Prsto- 
Rius,  fut  cependant  décrit  par  MerseiNne. 

Le  serpent  était  un  tuyau  en  bois  formé  de  deux 
fragments  évidés,  collés  ensemble  et  recouverts  de 
cuir.  Il  était  muni  d'une  embouchure  en  forme  de 
bassin  dans  le  genre  des  embouchures  de  trompette 
(A),  mais  naturellement  plus  forte. 

La  note  la  plus  grave  en  était  le  la  _,  au-dessous  de 
Viit,  grave  du  violoncelle,  sonnant  à  l'égal  du  trom- 
bone basse,  mais  le  serpent  était  généralement  en  si  b 
avec  une  étendue  de  trois  octaves  (I,  page  2.30),  et  il 
fut  le  plus  grave  des  instruments  à  vent  en  bois  jus- 
qu'à l'invention  du  contrebasson  (xviu^  siècle). 

L'abbé  Lebf.uf  a  raconlé  que  le  chanoine  Edme 
GciLLAUME  aurait  inventé  une  «  machine  »  capable 
de  donner  un  nouveau  mérite  à  l'accompagnement 
du  chant  grégorien,  ayant  trouvé  le  Sfcret  pour  toui- 
ner  un  cornet  en  forme  de  serpent,  vers  l'an  lo'JO;  il 
résulterait,  cependant,  des  comptes  de  l'archevêché 
de  Sens,  14"i.3,  que  le  serpent  de  l'église  fut  réparé, 
et  ainsi,  le  Bulletin  de  la  Sociélé  des  Sciences  hislari- 
ques  de  l'Yonne,  1830,  mettrait  fin  à  une  légende  (B, 
Préface);  par  ailleurs,  il  parait  vraisemblable  que 
le  serpent  fut  très  connu  en  Italie  dès  le  milieu  du 
xvi=  siècle,  autant  que  l'on  en  peut  juger  par  les 
pièces  originales  et  rarissimes  que  le  Musée  du  Con- 
servatoire national  de  musique  à  Paris  présente  sous 
les  n""  634,  633  et  636  |C,  page  Io6). 

Si,  d'un  côté,  le  serpent  du  xvin'siècle  accompagna 
les  chantres  au  lutrin,  aux  processions  et  convois 
funèbres,  d'un  autre  côté,  il  doubla  longtemps  les 
trombones  des  musiques  militaires;  ces  dernières 
graves  fonctions  lui  valurent  l'estime  et  même  la  pro- 
tection du  Directoire. 

Le  cousin  germain  du  grand  Philidor,  Nicolas- 
Danican  Pbilidor  (1699-1769),  est  signalé  dans  le 
supplément  de  la  Bioyrapkie  des  musiciens  de  Fétis 
comme  «  serpentiste  à  la  Chapelle  royale  de  1747  à 
1769». 

Le  Conservatoire  de  musique  de  Paris,  fondé  en 
exécution  de  la  loi  du  16  thermidor  an  III  (3  août 
1793),  devait,  tout  à  la  fois,  former  des  élèves  et  colla- 


1.  Les  lettres  A,  R,  C,  etc.,  renvoient  à  la  Bibliogr.iphie  figurant  à 
la  fin  de  l'article.  [N.  D.  L.  I).] 


borer  à  la  célébration  des  fêles  nationales  (D,  p  124), 
les  musiciens  de  la  Garde  nationale  supprimée  étant 
astreints  à  faire  partie  du  Conservatoire  avec  les 
mêmes  émoluments;  aussi,  l'arrêté  de  vendémiaire 
an  IV  (21  août  1893),  attribuant  au  Conservatoire 
40  places  de  professeur,  en  réservait-il  logiquement 
deux  aux  classes  de  serpent  (D,  page  128),  l'enseigne- 
ment se  partageant  également  entre  les  instruments 
à  cordes  et  les  instruments  à  vent,  comme  il  suit  : 

Violon, 4  professeurs; 

Violoncelle,  2  professeurs; 

Contrebasse,  1  professeur; 

Clarinette,  1  professeur; 

Kliite,  2  professeurs; 

Haulhois,  1  professeur; 

Trompette,  1  professeur; 

Serpent,  2  professeurs. 

Dans  des  projets  d'organisation  de  l'an  Vli  (1798 
(qu'il  serait  trop  long  de  reproduire  ici),  soit  pour 
Paris,  soit  pour  douze  écoles  spéciales  de  musique 
en  province  (D,  p.  337),  mille  considérations  philoso- 
phiques et  politiques  ayant  été  exposées,  on  arrivait 
à  une  conclusion  singulière  pour  les  lecteurs  du  xx« 
siècle  : 

«  Sans  abandonner  absolument  les  instruments 
à  cordes  dont  la  pratique  est  d'un  usage  agréable 
dans  l'int^Tieur  des  édilices,  l'enseignement  sera 
plus  spécia!ement  dirigé  vers  les  instruments  à  vent 
dont  l'elfet  plus  puissant  et  plus  mâle  convient 
davantage  aux  marches  raililaires,  aux  jeux  qui  se 
font  en  plein  air  et  à  la  nature  des  alTections  qui 
sont  propres  à  des  républicains.  Il  en  résultera  cet 
avantage  que  l'armée,  suffisamment  fournie  de  musi- 
ciens français,  n'aura  plus  recours  aux  Allemands  qui 
remplissaient  nos  musiques  militaires.  ■»  [Rapuort 
(le  Leclerc  au  Conseil  des  Cinq-Cents.) 

El,  le  Conseil  des  Cinq-Cenis  de  décider,  dans  la 
séance  du  6  vendémiaire  an  VIII,  que  les  classes  d'ins- 
truments à  vent  seraient  avantagées  dans  les  pro- 
portions suivantes: 

Violon,  8  professeurs; 

Violoncelle,  4  professeurs; 

FliUe,  4  professeurs; 

Hautbois,  2  professeurs; 

Clarinette,  2  professeurs; 

Cor,  6  professeurs  ; 

Rasson,  6  professeurs; 

Trompette,  1  professeur; 

Trombone,  I  professeur. 

Serpent,  1  professeur. 

Sans  doute,  Leclerc  et  le  Conseil  des  Cinq-Cents 
n'aimaient  pas  la  musique  du  «  vieil  temps  »  et  n';ip- 

100 


1682 


ENCyCLOPÈDIE  DE  LA  iWSIQIE  ET  DICTION.^ AIliE  DU  CO,\SEHVATOIRE 


préciaieiU  point  à  sa  juste  valeur  loiclieslration  du 
divin  Mozart,  déjà  mort  depuis  sept  ans!  Du  moins, 
leurs  conclusions,  nettement  favorables  k  l'enseigne- 
ment intensif  des  instruments  à  vent,  donnèrent-elles 
quelques  années  de  survie  ollicielle  au  serpent,  que 
nous  retrouvons  dans  quelques  orchestres,  comme 
dans  les  musiques  jouant  aux  cérémonies  nationales. 
Et  nous  pouvons  en  citer  un  dans  des  orchestrations 
de  GossFx  (D,  page  98),  deux  dans  une  symphonie 
de  Devienne,  an  IH  (D,  page  98),  trois  dans  les 
chants  patriotiques  de  Lebrun  et  Lesueur,  an  IIl 
(D,  page  100),  quatre  dans  une  ouverture  de  Catel 
(D,  page  991),  etc. 

Plus  tard,  en  1799,  Berton  (1767-1844)  nous  en 
donne  un  bel  exemple  dans  Montana  et  Stéphanie  : 
la  marche  religieuse  conduisant  les  époux  à  l'autel 
est  accompagnée  en  notes  tenues  par  le  serpent, 
d'une  harmonie  (ils  devaient  être  deux  ou  trois)  grave 
et  religieuse  dont  l'expression  était  ravissante,  nous 
assure  Choron  ((i,  page  o6). 

Si  les  règlements  de  l'an  111  avaient  prévu  six 
emplois  de  professeur  de  serpent  (D,  page  lOS),  du 
moins  l'arrêté  de  vendémiaire  an  IV  en  avait  réduit 
le  nombre  à  deux,  et  finalement,  d'après  les  états  du 
personnel  enseignant  (D,  page  107),  seul,  de  1765  à 
1800  (an  Vlll),  Mathieu  (J. -!!.),  né  à  liillone  (1762), 
professa  le  serpent  au  Conservatoire;  s'il  fut  réformé 
en  1S02  (D,  page  loi),  nous  ignorons  le  nom  de  son 
successeur,  si  toutefois  il  en  eut  un,  ce  qui  n'est  pas 
démontré. 

Qui  dit  II  enseignement  »  annonce  «  méthodes  et 
élèves  »,  la  liste  n'en  sera  pas  longue. 

L'arrêté  de  ventôse  an  Vlll  (18  mars  1800)  (D,  pa- 
"es  139,  230),  conlirmant  la  nomination  de  Mathieu, 
établit  l'unité  del'enseignement  dans  toutes  les  par- 
ties de  l'art  musical  en  imposant  aux  membres  du 
Conservatoire  l'obligation  de  former  les  ouvrages 
nécessaires  à  cet  enseignement,  et  de  les  faire  approu- 
ver par  l'assemblée  générale  des  membres  du  Con- 
servatoire : 

Tout  le  monde  connaît,  dans  cet  ordre  d'idées,  les 
méthodes  suivantes  : 

1"  Violon,  rédigée  par  Baillot,  Uode,  KHbx'XZER, 
adoptée  en  ventôse  an  X  (1802); 

2«  Piano-Forte,  rédigée  par  L.  Adam,  adoptée  en 
germinal  an  KII  (1804); 

3«  Violoncelle,  rédigée  par  Baillot,  Levasseur, 
Catel,  Baudiot,  adoptée  en  prairial  an  Xlll  (1805), 
sans  que  nous  ayons  jamais  pu  savoir  que  Mathieu 
ait  soumis  une  méthode  de  serpent  à  ses  collègues. 
Mais,  en  revanche,  un  serpentiste,  J.-B.  Métoven, 
ex-ordinaire  de  la  musii]ue  de  la  Chambre  et  de  la 
Chapelle  des  rois  Louis  XV  et  Louis  XVI  de  1760  à 
1792,  nous  a  transmis  les  noms  {V,  page  139)  de  ses 
contemporains  ou  bien  de  ses  meilleurs  élèves, 
Aubert,  r.ouBERT,  LuMEL,  MoNjoiE,  Paulin,  dans  un 
projet  de  méthode  de  serpent  qui  ne  fut  d'ailleurs 
pas  adopté  par  l'assemblée  des  membres  du  Conser- 
vatoire; ceux-ci,  en  elTet.  donnèrent  la  préférence  à  la 
méthode  de  l'abbé  Nicolas  Hoze  (1745-1819),  ancien 
maître  de  musique  des  Saints-Innocents,  alors  que, 
d'aulre  part,  Gos-^ec,  en  l'an  VIII,  avait  également 
r'idigé  une  méthode  de  serpent  que  nos  leeleuis  re- 
trouveront dans  les  Principes  i^lémcnlaires  de  mmi'jvc 
arrétùs  par  les  memljres  ilii  Conservatoire  (B.  N.  V"». 
1353)  (la  presque  totalité  de  l'ouvrage,  que  l'on  peut 
trouver  également  à  la  bihliollièque  du  Conservatoire, 
est  attribuée  à  (iossEc). 

L'ensemidedecesméthodes  fut  présenté,  le  9  févriei' 


1805,  à  l'empereur  (D,  page  160|,  qui  en  accueillit 
l'hommage,  "  daignant  encourager  les  tiavaux  du 
Conservatoire  par  l'assurance  de  la  continuation  de 
sa  protection  >i;  mais  le  professeur  Mathieu  avait  été 
réformé  en  fructidor  an  X  (1802)  et  la  protection 
impériale  ne  pouvait  ari'êler  le  cours  des  modifica- 
tions qui  allaient  liansformer  le  serpent  à  clefs  on 
ophicléide  (du  grec  ophis,  serpent,  et  kleis,  eidos, 
clef,  d'après  Larousse),  avec  modifications  de  Fir.iior, 
1804,  de  PiFFAULT,  1806,  etc. 


L'OPHICLEIDE 

Si  l'ophicléide  fut  d'or'igine  hanovrieniie,  comme 
l'assure  EscuDiER  da.ns  son  Dictionnaire  île  musique, 
sans  en  donner  la  moindre  preuve,  du  moins  les  ser- 
pentiïtes  français  n'essayèrent  point  de  s'opposer  à 
son  emploi,  comme  naguère  les  violistes  avaient 
défendu  la  viole  (1740)  «  contre  les  entreprises  du 
violon  et  les  prétentions  du  violoncel  [sic]  n  ;  toute- 
fois, nous  pensons  avec  Riemann  que  Prospero  Gi;i- 
viER,  dont  le  nom  n'a  rien  de  germanique,  en  fut 
l'inventeur. 

Egalement  d'origine  latine  le  nom  d'IlERiiENGE, 
ancien  serpentiste  de  la  paroisse  royale  de  Saint- 
Germain-l'Auxerrois,  auteur  de  la  Méthode  de  ser- 
pent et  de  serpent  à  clefs  à  l'usage  des  églises,  1816 
(H,  page  65);  Hermenge  nous  semble  l'opportuniste 
transfuge  île  la  vieille  école  du  serpent  à.  celle  de 
l'ophicléide  naissant. 

ISlt),  quelle  coïncidence  de  dates!  Est-ce  que  La- 
voix  (K,  page  298)  n'a  pas  signalé  des  compositions 
de  Beethoven  de  celle  même  année  1816  pour  l'an- 
cien orchestre  de  sérénade  que  nous  trouvons  à  l'ori- 
gine de  l'harmonie  militaire  moilerne,  dont  les  bas- 
ses étaient  soutenues  par  les  contrebassons,  trom- 
bones basses  et  serpents! 

Si  personne  n'avait  songé  à  défendre  le  serpent 
au  commencement  du  xix"  siècle,  Berlioz  nous  en  a 
nettement  donné  les  raisons  dans  son  Traité  d'Ins- 
trumenlalion.  Nous  le  citerons  textuellement  (I, 
page  230)  :  «  Le  timbre  essentiellement  barbare 
du  serpent  eût  convenu  beaucoup  mieux  aux  céré- 
monies du  culte  sanglant  des  druides  qu'à  celles  de 
la  religion  catholique,  où  il  figure  toujours,  monu- 
ment monstrueux  de  l'ininlelligence  et  de  la  gros- 
sièreté du  sentiment  et  du  goiU  qui  dirigent  dans 
nos  temples  l'application  de  l'art  musical  au  service 
divin.  11  faut  excepter  seulement  le  cas  où  l'on 
emploie  le  serpent,  dans  les  messes  des  morts,  à 
doubler  le  terrible  plain-cliantdu  des  irx  :  son  froid 
et  abominable  hurlement  convient  sans  doute  alors  ; 
il  semble  même  revêtir  une  sorte  de  poésie  lugubre 
en  accompagnant  ces  paroles  où  respirent  tous  les 
épouvantements  de  la  mort  et  des  vengeances  d'un 
Dieu  jaloux.  C'est  dire  aussi  qu'il  sera  bien  placé 
dans  les  compositions  profanes,  lorsqu'il  s'agira  d'ex- 
primer des  idées  de  cette  nature,  mais  alors  seule- 
ment. Il  s'unit  mal,  d'ailleurs,  aux  autres  timbies  de 
l'orchestre  et  des  voix,  et,  comme  basse  des  instru- 
ments à  vent,  le  bass-tuba  et  même  l'ophicléide  lui 
sont  de  beaiieoup  préférables.  »  (1839.) 

Berlioz  paraît  avoir  eu  l'intuition  de  l'opinion  de 
la  Sacrée  Congrégation  des  liites  qui  n'autorisait 
l'emploi  de  l'orgue  aux  messes  de  Ih'quiem  que  «  si 
le  genre  de  musique  était  bien  d'un  ell'et  lugubre  », 
soit  dit,  en  latin,  oryanorum  pulsatio  tono  liigubri 
permiiti   piotest    in   missis    defunclormn,    in  Savane 


TECIIXIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDÀCUGIE 


LE  SERPENT  ET  L'OPHICLÉIDE    1683 


31  Murl.  1(120.  \l\EG>i\KR.  L'on/lie.  Naiic\',  ISoO,  page 
395.) 

Si  l'opliicléide  eut  l'avantage  de  renaître  des  cen- 
dres du  serpent,  d'avoir  ses  méthodes  el  ses  virtuoses, 
du  moins  le  (^oiisei'vatoire  parut  l'ignorer,  abandon- 
nant son  enseignement  aux  gymnases  niililaires; 
d'ailleurs,  dès  180(3  (l),  page  lôOi,  la  suppression  des 
classes  de  trompette  el  trombone,  sans  doute  rendues 
aux  mémos  gymnases,  marquait  un  retour  aux  ins- 
truments à  cordes  précédemment  sacrifiés  par  le 
Conseil  des  Cin(|-Cenls  aux  instruments  à  souflle'. 

lit  laréorganisation  du  Conservatoire  de  1817  s'ins- 
pirait fort  peu  des  principes  de  la  loi  du  16  thermidor 
an  III  (D,  page  348l.  "  Art  1.  —  Le  Conservatoire  est 
chargé  de  l'enseignem'^nt  nécessaire  aux  élèves  qui  se 
destinent  à  l'exercice  de  l'art  musical  ;  »  moins  encore 
le  règlement  du  5  juin  1822  spécifiant  que  cet  ensei- 
gnement devait  préparer  des  sujets  propres  à  remplir 
les  cadres  des  établisseme[its  royaux  de  musique, 
tels  que  la  Chapelle  du  roi,  l'Académie  royale  de 
musique  et  l'Opéra-Comique  (D,  page  2io).  La  Res- 
tauration n'homologuait  point  les  règlements  du 
Directoire. 

Quoique  l'ophicléide  eût  pris  place-  à  l'orchestre 
de  l'Opéra  en  1817,  dans  \'Olijmpie  de  Spo.ntini,  —  et 
nous  le  retrouverons  en  1823,  à  Notre-Dame,  dans  le 
Credn  de  la  Messe  du  Sacre  de  Cherl'bi.ni,  plus  tard 
encore  à  l'Opéra,  en  |8j2,  dans  le  Juif-Ernint  d'\\.\- 
LÉvy  concurrement  avec  le  tuba, —  le  Conservatoire 
royal  ou  impénal  de  musique  restait  sourd  à  ses 
perfectionnements. 

Déjii,  vers  1823,  à  Paris,  Ti'rlot  fabriquait  le  ser- 
pent-basson droit  ou  ophy-baryton  de  FoRviELLK,  et 
le  même  Herue.ngk,  déjà  cité,  publiait  une  méihode 
élémentaire  de  serpr'nl-FoRviELLE  iiu'il  dédiait  à  IJel- 
CAMBRE,  pensionnaire  de  l'A.  H.  de  Musique,  profes- 
seur à  racole  royale  et  premier  basson  de  la  musique 
du  roi  (H,  page  6^1};  en  effet,  nous  connaissons 
Th.-J.  Delcambre  (I7t)2-t828)  qui,  de  sergent  à  la 
musique  de  la  Garde  nationale  (1792)  (et  peut-être 
serpentiste),  était  devenu,  dès  l'an  III,  professeur  de 
basson. 

Devons-nous  supposer  que  les  musiques  militaires 
et  les  grandes  maîtrises  utilisaient  nombre  d'ophi- 
cléidistes  formés  par  des  gymnases  militaires  à  l'heure 
où  les  serpents  de  toute  espèce  étaient  relégués  dans 
les  petites  églises  de  campagne?  Nous  le  pensons, 
en  retrouvant  el  les  métliodes  et  les  noms  des  exécu- 
tants qui  ont  eu  quelque  renommée,  jusqu'au  mo- 
ment où  les  bass-tubas  de  la  famille  des  saxhorns 
ont  définitivement  éliminé  à  son  tour  l'ophicléide  des 
orchestres. 

Cependant,  Berlioz  fut  indulgent  pour  les  ophi- 
cléides  basse  et  alto  il,  p.  226)  ;  il  souhaita  même  des 
exécutants  robustes  pour  l'ophicléide  contrebasse, 
du  9«i_i  au  la^;  dame  Nature  lui  a  refusé  cette  joie, 
et  cet  instrument  à  vent  monstre  n'a  pas  eu  plus  de 
succès  qu'un  autre  monstre,  l'octo-basse  à  cordes,  de 
VuiLLiUMË...  et  Berlioz  d'écrire  dans  ses  Mémoires 
vol.  II,  Paris,  1878,  G.  Lévy,  page  2391,  o=  lettre  à 


Ferrand,  Prague,  184.'i)  :  «  Nous  n'avons  pointde  classe 
d'ophicléide,  d  où  il  résulte  que  sur  100  ou  150  indi- 
vidus sou  filant  à  cette  heure  à  Paris  (1844!  dans  ce  dif- 
ficile instrument,  c'est  à  peine  s'il  en  est  trois  qu'on 
puisse  admettre  dans  un  orchestre  bien  composé ^î 
un  seul,  M.  Caisslnus,  est  d'une  grande  force.  » 

CAi_;ssiNUs(1806-lS85i,avec  la  collaboration  deBEER, 
directeur  du  Gymnase  musical,  a  laissé,  en  effet,  un 
Manuel  complet  de  l'ophicléide,  renfermant  une 
quarantaine  d'œuvres,  et  aussi  des  airs  d'opéras  ita- 
liens (!  ajustés  »,  comme  l'on  disait  autrefois,  pour 
son  instrument  favori. 

PouGiN,  dans  son  Supplément  h  la  Biographie  de 
FÉTH,  consacre  quelques  lignes  à  ce  Pagani.ni  de  l'o- 
phicléide qui  se  fit  entendre  avec  succès  en  soliste 
dans  les  concerts  Musard,  et  professa  pendant  seize  ans 
au  Gymnase  musical.  Selon  le  même  auteur,  il  aurait 
été  membre  de  la  Société  des  concerts  du  Conserva- 
toire à  titre  d'externe;  de  nnîme,  Elwart,  dans  l'His- 
toire de  la  Socii'té''^,  n'enregistre  que  les  noms  des 
ophicléidistes  de  1828,  Pavart,  et  de  1859,  Lahou. 

Cornette  (1795-1878)  a  dédié  à  Auber,  en  1836,  une 
Méthode  d'ophicléide  qui  renferme  des  variations 
aussi  brillantes  que  difficiles  sur  la  cavatine  d'il  Cro- 
ciato  de  Meyerbeer*.  Combien  il  nous  intéresserait 
de  connaître  l'opinion  de  Mëyerbeer  sur  cette  trans- 
cription-trahison! 

En  résumé,  né  sous  le  premier  Empire,  l'ophicléide 
devait  disparaître  des  orchestres  ai-tistiques  sous  le 
second  pour  se  réfugier  dans  les  petites  églises  de 
la  campagne  ou  dans  l'orchestre  des  bals  cham- 
pêtres. 

Meyerreer  l'avait  employé  dans  Robert  le  Diable 
(1831);  Wagner,  dans  ses  premières  œuvres,  en  dou- 
blait volontiers  le  violoncelle  au  grave;  Berlioz  en 
voulait  cinq  dans  son  Requiem  (1837),  mais,  par  la 
suite,  il  n'y  avait  plus  de  place  que  pour  le  tuba  de 
la  famille  Sax  ;  mieux  encore,  Berlioz  avait  indiqué 
par  corrections  autographes  le  remplacement  des 
ophicléides  de  ses  premières  œuvres  par  des  tubas, 
des  quatuors  de  tubas  (E,  459). 

Ainsi  disparut  complètement  l'instrument,  ayant 
vécu  moins  longtemps  que  ses  virtuoses,  les  octogé- 
naires Cal'Ssinl's  et  Cornette. 

Bibliographie.  —  A.  —  Kieman.s.  Uktioiuiuire  de  Musique. 
t'aris,  1913,  l'crrin. 

B.  — Gantez.  Ëiilrelien  des Musicieii.i,d'Hprès\'édiHon  d'Auïerre 
de  1613.  Paris,  1878,  Glauilin. 

G.  —  G.  Chooquet.  ilusie  du  Coiisenaluire  national  de  musique. 
Paris,  ISSi,  Uidot. 

D. —  C.  PiKRRE.  Conservatoire  nnliiinal de  musique.  Paris  1900 
Imprimerie  nationale. 

E.  —  Lavoix.  Histoire  de  /'iiislrumeiilatioii.  Pari?,  1878,  Didol. 

F.  —  Wi.;cKKRi.iN.  Dernier  Musiciaiui.  Paris,  1899,  Gariiier. 

G.  —  Choron  el  J.-A.  de  Lxfaoe.  Uiinael  Rorel,  1838.  Tome 
III.  Instrumentation. 

H.  —  Heoi.ard.  Clironique  musicale.  Tome  IV.  Paris,  187  i. 
Pilon. 

I.  —  Berlioz.  Traite  d'instrumentation  et  d'orchestration.  Paris 
Lemoine. 

Iconographie.  —  Diderot  et  d'Alsmbert.  Instruments  de 
musique  A::  {'Encyclopédie,  PI.  VII,  tig.  1. 


1.  De  ce  ternie  »  vieux  français  i«,  l'st  dérivée  l'expression  cour.Tnle 
mo  Icrnesouvent  entendue  duns  les  orchestres,  les  50H/)7t'Wr5  désignant 
égalcmentlps  cornirtes.  trompeltiUes,  tubisles  aussi  bien  que  les  llù- 
listes  et  instrumen listes  à  anche. 


2.  BeriLioz  envisageait  l'emploi  de  trois  ophicleidas  dans  ses  vastes 
orchestrations  (I,  p.  ii95),  un  en  ut  el  deux  en  ai  r>. 

3.  Art.  4  et  3  du  Règlement  de  la  Société  des  concert)  de  ISiS. 

4.  Gazette  musicale,  183t),  page  176. 

Paul  GARNAULT, 


LES  TIMBALES,  LE  TAMBOUR 
ET  LES  INSTRUMENTS  A  PERCUSSION 


Par  Joseph  BAGQERS 


DE  L  ORCHESTRE  DE  LOFERA  COMIQUE  ET  DR  LA  SOCIETE  D|:S  CONCEBTS  DU  CONSERVATOIRE 
PROFESSEDR  AD  CONSERVATOIRE 


ORIGINE  ET   HISTORIQUE   DE    LA  TIMBALE 

Voici  commenl  un  auteur  de  la  fin  du  xviii»  siècle 
envisage  l'étymologie  du  mot  timbale'  : 

«  Ce  mot  provient  du  mot  latin  lijmpanum,  qui 
lui-même  est  l'équivalent  du  nom  grec  x^ij^Ttavov, 
dérivant  de  l'hébreu  thop,  dont  les  Grecs  ont  formé 
le  verbe  xJitxio,  c'est-à-dire  frapper. 

«  Tup,  en  langue  sanscrite,  signifie  taper,  frapper. 

«  Ti/mpana,  pluriel  de  tijmpanum,  en  latin,  ins- 
truments de  percussion. 

c.  Tab,  racine  romane  dont  on  a  dérivé  le  mot 
taper,  tamburel,  tambour. 

.(  Tambala,  expression  de  la  vieille  langue  romane  : 
une  forme  tambale. 

<.  Tcpsti,  ancien  slave,  frapper,  faire  du  bruit  ; 
instruments  de  percussion. 

«  Tapac  ou  tupac,  en  polonais,  taper,  battre; 
frapper  sur  un  tympanon  ou  timbale;  battre  du 
tambour. 

«  Tabar,  en  irlandais,  faire  du  tapage.  Cette  ex- 
pression désigne  les  instruments  de  percussion,  tels 
que  le  tympanon,  la  timbale  ou  le  tambour. 

«  Tabales  ou  atabalcs,  en  Kspagne,  au  Maroc,  et 
aussi  en  vieux  français. 

((  Tambussare,  en  italien,  faire  du  bruit  sur  un  tym- 
panon ou  tymbale,  battie  du  tambour. 

«  Tiipatî,  en  langue  russe,  signifie  taper,  frapper 
sur  un  tympanum  |on  désigne  aussi  par  cette  ex- 
pression un  petit  tympanon  ou  petite  tymbale  et  un 
petit  tambour.)  » 

Pour  expliquer  logiquement  le  sens  du  nom  de 
tympanon,  tympanum  ou  tumpnnon,  donné  par  les 
anciens  peuples  à  tous  les  instruments  à  percussion, 
même  si  cette  percussion  s'elfectue  sur  des  cordes 
comme  dans  le  psaliérion,  il  suffit  de  consulter  un 
livre  d'anatomie  où  il  est  dit  que  «  le  tympan  est 
une  membrane  mince,  transparente,  tendue  comme 
une  cloison  et  séparant  le  conduit  auditif  de  la  caisse 
du  tympan  ou  oreille  moyenne  ». 

En  latin,  tympanum  (anatomie)  :  concavité  de 
l'oreille,  sur  laquelle  est  tendue  une  membrane  vi- 
brante. 


1.  AiTENiuiRG,  Verst'cli  eiter  Anteitttng  ziir  heroïsch^musUialisclicu 
Trompeter  uni  Pauker-Kunsl  (ZweiTlicile,  Halle,  1793). 


Au  figuré,  lorsqu'un  cri  perçant  se  fait  entendre, 
l'on  dit  :  Ce  cri  m'a  percé  le  tympan. 

"  Les  Hébreux,  dit  Altenrcrg,  les  Egyptiens,  les 
Assyriens,  les  Partlies,  les  Perses,  etc.,  firent  usage 
de  tympanons,  de  diverses  formes  et  de  diverses 
grandeurs. 

«  Ces  instruments  sont  composés  d'un  fût,  ou 
<run  cercle  de  bois  ou  de  métal,  sur  lequel  on  tend 
une  peau  que  l'on  frappe  avec  de  petites  baguettes ^  » 

Martini  et  Vkngk  donnent  le  modèle  figuré  ci- 
contre.  Prt.-ETORius  et  le  Père  Mersenne  le  donnent 
également. 

Ce  dessin  se  rencon- 
tre sur  d'anciennes  piè- 
ces de  monnaie'. 

On  ne  peut  nier  l'exis- 
tence des  tympanons  à 
ces  époques  anciennes, 
puisque,  dans  l'Ancien 
Testament,  on  lit  :  <c  La- 
ban  dit  à  Jacob  :  Pour- 
quoi ne  m'avez- vous 
pas  averti  de  votre  départ?  Je  vous  aurais  conduit 
avec  des  chants  de  joie  et  au  son  des  tympanons' 
et  des  lyres  ^.  » 

Les  Grecs,  comme  bien  on  pense,  ne  planquèrent 
pas  d'utiliser  les  instruments  à  percussion  dont  les 
peuples  anciens  avaient  tiré  de  si  grands  avantages, 
soit  pour  exhorter  les  peuplades  à  la  guerre,  soit 
pour  les  cérémonies  religieuses. 

Dans  VHistoirc  de  la  Musique  de  Fétis,  on  voit  la 
reproduction  d'un  bas-relief  trouvé  à  Koyoundjek 
par  M.  Layard,  et  représentant  quatre  musiciens, 
dont  deux  jouent  des  cithares  de  formes  diverses,  le 
troisième  frappe  sur  un  tympanon  (genre  de  tambour 
de  basque  moderne')  et  le  quatrième  fait  résonner 
des  cymbales  (petits  disques  de  métal). 

Les  liomains,  (|ui  ne  voulaient  le  céder  en  rien  à 
leurs  devanciers,  utilisèrent  également  (et  cela  en 
toutes  circonstances)  les  instruments  à  percussion  ; 


Fia.  742.  —  Tympanon. 


2.  Altenburg,  ïoco  cit.,  page  127. 

3.  PB.KTOftics,  Syntagmatis  mu^ici,  l.  I,  planche  XI,. 

4.  Saint  Isidore  de  Si-'ville  et  Papias  duniient  la  description  de  cet 
instium'nt  :  ••  C'est  un  cenlc  de  bois,  avec  une  penu  tendue  seule- 
ment d'un  seul  côté,  à  la  manière  d'un  crible.  »  (Saint  Isidore,  Ori- 
gines, lib,  II,  chap.  21.) 

5.  Geni'Sf,    XX,    27.    —    1'em-,i:,     Tra-hiclion    lie    la    Hible.    I.  IX 
pages  401  cl  suivantes. 

G.  Fétis,  Histoire  de  la  .Uusigite,  page  3i's,  figure  10. 


TECIJ.VKJIJE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LES  TIMBALES,   LE  TAMBOUR     1685 


i(  Il  n'y  avait  pas  de  fiHes  ou  de  danses  qui  ne  fus- 
sent acconipasnées  pai'  le  son  des  Ironipeltcs  et  des 
tympans  dinibales)  '.  » 

«  A  la  décadence  de  l'empire  romain,  on  connaissait 
la  construclion  d'un  genre  de  tambour  donnant  trois 
sons'-.  «  Et  encore  :  «  Les  peuples  de  l'Inde  font  usage 
d'un  grand  tambour  du  nom  de  ntujiiar  ou  nakarah. 
«  Cet  instrument  est  fort  ancien  :  on  le  reconnait 
dans  un  groupe  du  temple  antique  de  Permullune; 
on  y  voit  des  chameaux,  montés  par  des  personnages 
jouant  du  nakarah  (cet  instrument  se  bat  avec  des 
bagnetles)-'.  » 

{■'ktis  écrit  :  «  Chez  les  Iruiiens,  on  nomme  nivjuar 
une  sorte  de  timbnle  dont  le  corps  en  bois  est  posé 
sur  un  pied  et  se  bat  d'un  seul  côté''.  » 

D'après  lui,  «  les  Malais 
ont  des  espèces  de  tambours 
de  toutes  formes  et  de  toutes 
dimensions,  dont  ils  font  un 
bruit  assourdissant  dans  cer- 
taines circonstances  solen- 
nelles; quelques-uns  de  ces 
tamboui's  ne  se  battent  qu'a- 
vec les  mains  et  produisent 
un  son  faible.  On  n'en  fait 
usage  que  pour  accompagner 
les  instruments  à  cordes. 

(I  Au   bruit  des  tambours 

les   Malais    ajoutent   le    son 

métallique  et  formidable  des  tams-tams  et  des  gongs 

ou  gourujs,    semblables   à   ceu.ic  des  Chinois,   mais 

dont  le  diamètre  est  de  quatre  ou  cinq  [lieds^.  » 

Les  instruments  à  percussion  ont  donc  été  en 
usage  chez  tous  les  peuples  anciens  et  modernes. 

Pfl.BTORus,  philosophe  et  écrivain,  cite  au  xvi'  siè- 
cle, en  Pologne  et  en  Allemagne,  l'usage  de  grands 
tymjianons  {heerpaiiken). 

Ces  instruments  tirent  leur  apparition  en  Kiance 
en  lio7,  sous  le  nom  de  nacaire^. 

Le  mot  nacaire  vient  du  persan  nakaret,  de  l'arabe 
nakar,  du  bas  latin  nacara  et  du  bas  grec  iirrakavn  ; 
ces  mots  signifient  :  battre  le  tambour  et  soyiner  de  la 
tromprKe. 

Le  mot  nacaire  provient  du  mot  nacre,  cet  instru- 
ment rappelant  par  sa  forme  les  coquilles  de  nacre 
rejetées  par  la  mer". 

En  poussant  plus  loin  nos  recherches,  nous  voyons 
que  le  mot  sonner  était  en  usage  dans  l'ancien  temps 
pour  tout  ce  qui  rendait  un  son.  De  plus,  tous  les 
corps  sonores  employés  pour  les  instruments  à  per- 
cussion, et  cela  depuis  les  époques  les  plus  l'eeulées, 
rappellent,  eu  elfet,  la  foi-me  des  coquilles  ou  con- 
ques de  nacre  que  rejette  la  mei-.  C'est  donc  par  assi- 
milation que  l'on  avait  donné  aux  timbales  le  nom 
de  nacaires;  mais,  en  France,  on  s'est  rapporté  à 


Fm.  713.  —  Naguar. 


1.  Histoire  Jiomaine.  Justin,  Iiist.  lai.  ri«  siècle. 

2.  J.  Aili'ien  dkla  Fage.  Hist.  de  hi  masiqu>i  et  de  la  danse,  tome  I, 
pages  494  et  495. 

3.  J.  Adrien  DE  LA  Face,  loco  cit. 

4.  J.  Fétis,  Hiil.  de  la  Musique,  livre  II,  p.  310  et  311. 

5.  J.  Fé^ns,  Ibid.,  p.  93  et  93. 

6.  D'après  divers  historiens,  dont  G.  Kastmer,  dans  son  Manuel 
général  de  Musique  militaire,  donne  nombre  de  citations,  et  suivant 
nos  recherclies  personnelles,  nous  voyons  que  le  mol  nacaire  est 
dérivé  du  langage  d.>  ditTérents  peuples  et  a  été  orttiographié  de  diverses 
manières,  mais  est  bien  synonyme  de  sonner  de  la  trompette  et  battre 
du  tambour.  Nous  retrouvons  dans  le  Dictionnaire  du  vieux  tanrjaije 
par  Lacombe,  la  citation  suivante  : 

Tambours,  trompes  et  naquaires, 
Eu  temps  de  lieui  ça  et  Ù  sonnent, 
Que  toute  la  contrée  estonnent. 


l'expression  de  la  vieille  langue  romane,  oij  il  est. 
fait  mention  de  la  forme  tambale,  afin  de  bien  carac- 
tériser cet  instrument,  et,  se  basant  sur  son  ancienne 
dénomination  grecque  tijtnpanon  (voir  plus  haut),  on 
a  écrit  par  la  suite  li/mlialle  et  niralenient  timbale. 

Cependant,  certains  pays  ont  conservé  poui'  dési- 
gner cet  instrument  l'ancienne  dénomination  grecque 
et  latine,  c'est-à-dire  tympana  ou  limpana. 


L'origine  de  la  timbale  remonte  à  la  plus  hante 
antiquité. 

«  Tons  les  peuples  ont  fait  usage  d'instruments  de 
percussion  formés,  soit  d'un  cercle  de  bois  ou  de 
métal,  soit  d'un  bassin  ou  cylindre  creux,  que  l'on 
recouvrait  d'une  peau  et  que  l'on  percutait  au  moyen 
de  petites  baguettes''.  » 

Il  est  donc  impossible  de  préciser  à  quels  peuples 
nous  sommes  redevables  de  la  création  de  la  timbale, 
puisque,  d'après  les  uns,  ce  seraient  les  Arabes,  d'a- 
jires  les  autres,  les  Indiens,  les  Péruviens,  les  Holten- 
tots  et  mêmes  les  Nègres  de  dilFérentes  contrées  de 
l'Afrique.  Les  Persans  appillent  les  timbales  byk, 
les  Arméniens  thum-piik,  les  Parthes,  tabala,  etc. 

On  trouve  encore  chez  les  Turcs  un  genre  de  tim- 
bale ou  tambour  qui  se  nomme  tabt,  taebel  ou 
ilaival^. 

«  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  les  premiers  instru- 
ments de  musique  connus  à  l'ère  hébraïque  furent 
la  fliUf,  la  lyie,  la  trompette  et  le  lyinfaniim^.  « 

A  ces  époques  anciennes  e.xislaient  deu.x  genres 
de  tympana  : 

1"  Le  tympamum  léger;  2°letympanum  grave". 

En  lisant  la  Rible,  on  voit  écrit,  h  différents  para- 
graphes, des  récits  où  il  est  fait  mention  des  tim- 
bales ou  tympana  : 

«  Moïse  ayant  fait  traverser  la  mer  Rouge  aux 
Israélites,  les  femmes,  en  signe  de  joie,  dansèrent 
au  son  des  tympana.  »  {E.rode,  .\V,  20.)  »  La  tille  de 
Jephté,  allant  à  la  rencontre  de  son  père,  chantait 
et  dansait  au  son  des  tympana.  »  {Juges,  XI,  p.  3't.) 

De  même,  les  femmes  phrygiennes  célébraient  les 
Mystères  de  la  mère  des  Dieux  au  son  des  timbales 
de  bronze  frappées  avec  des  baguettes  d'airain  et 
avec  la  main  (c'est  ainsi  que  l'on  jouait  de  cet  ins- 
trumenl). 

On  remaïqncia  qu'à  ces  époques,  c'étaient  sirrtout 
les  femmes  qui  se  servaient  de  ces  instruments;  elles 
faisaient  usage  du  tymi:unum  léger  (cercle  de  bois, 
avec  un  peau  tendue  seulement  d'un  seul  côté;  dans 
les  temps  modernes,  ces  instruments  furent  classi- 
fiés  sous   la  dénomination  de  lambourde  baigne"). 

Mais  on  voit  aussi  dans  d'autres  récils  de  la  Bible 
que  :  «  Salomé,  atin  d'imiter  le  bruit  du  tonnerre, 
entraînait  après  son  chariot  des  timbales  ou  grands 
chaudrons  recouverts  de  peau,  sur  lesquelles  des 
esclaves  frappaient  avec  des  baguettes;  cela  rendait 
une  sonorité  telle,  que  le  peuple  croyait  ainsi  enten- 
dre la  foudre  de  Jupiter'^.  » 

«  Ces  instruments  étaient  ce  que  l'on  nommait  des 
tympana  graves'^.  »  Les  Egyptiens  se  servaient  de  tym- 

7.  ScHNFinER,  Hist.  de  la  musique,  pages  1  et  suivante-. 
S.  ."^cHELLiNG,  [Juioersal  Leiikon  der  Tonimnst,  tome  V,  page  39S. 
0.  AiTESBciiG,  Versuch  ciner  Anleitunq  zur  heroiseh-musikalischen 
Trompeter  und  Pauker-Kunst.  Halle,  ng.ï. 

10.  KiRCHKB,  Musurgla  unii-ersalis,  tome  I, 

11.  G.  Kastner.  M'-thode  d  Instruments  fi  percussion. 

12.  Vekce,  Traduction  de  la  Bible,  ton>e  IX,  p.  401  et  suivantes. 

13.  G.  Kastner,  loco  cil. 


686 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


pana  piincipalemenl  pour  les  Mystères  de  ta  grande 
mère  des  Dieux,  qu'on  appelait  la  Déesse  VeslaK 

En  recherclianl  autant  que  possible  l'origine  de  la 
timbale,  nous  voyons  que,  dans  les  temps  primitifs, 
pour  faljriquer  les  premiers  ustensiles  de  percussion, 
on  faisait  sécher  une  peau  épaisse,  puis  on  la  roulait 
en  forme  de  gros  tube;  sur  les  côtés,  on  ajustait  d'au- 
tres peaux  très  minces,  que  l'on  fixait  à  ce  tube  au 
moyen  de  brancliages  et 
de  lianes;  ensuite,  avec  la 
main  ou  de  pelils  bâtons, 
l'on  frappait  dessus,  ce  qui 
rendait  des  sonorités  stri- 
dentes. 

Dans  la  suite,  la  peau 
séchée  et  roulée  en  forme 
de  tube,  afin  de  former 
corps  sonore,  fut  rempla- 
cée par  des  troncs  d'aibres 
que  l'on  creusait  et  sur 
lesquels  on  ajustait  des 
peaux  dont  on  raclait  le 
poil;  ces  peaus  étaient 
retenues  au  fiU  par  des  branchages  et  des  boyaux 
d'animaux^. 

Plus  tard,  on  se  servit,  pour  former  le  fût,  de  gros 
potirons  ou  de  calebasses^  que  l'on  vidait  et  faisait 
sécher,  après  quoi,  on  y  fixait  la  peau,  sur  laquelle 
on  frappait  à  l'aide  de  petits  bâtons. 


Les  peuples  hébreux  firent  grand  usage  des  instru- 
ments à  percussion,  aussi  voit-on  dans  la  Bible  des 
récits  où  il  est  mentionné  :  «  Pour  fêter  de  joyeux 
avènements  ou  événements,  pour  accompagner  les 
fanfares  et  les  chants,  on  se  servait  de  grands  vases 
en  or,  en  argent,  ou  en  autres  métaux,  que  l'on  re- 
couvrait d'une  peau,  sur  l,iq\ielle  on  frappait  à  l'aide 
de  baguettes,  dont  la  pointe  était  garnie  d'un  tam[)on 
d'étoupe.  »  (lîONNANNi,  Gabiniietto  armonico,  p.  116.) 


Fia.  Ti6.  —  Timlxile  des  Hébreux*. 


J.  F.  Blanchini,  Vusica  vettrum,  p.  48. 

2.  G.  KAsr.NER.  ilans  le  Manuel  yénéi'al  de  Musique  milHaire,  p.  215, 
ivre  1,  cli,)|).  i.  cile  un  article  ?ur  la  musique  mililaire,  article  (^crit 
par  un  auteur  anglais  :  ■■■  Les  pliiloso|ihos,  dit-il,  en  s'etrorç;int  de 
distinguer  l'homme  des  autres  créatures  anirnéi's,  l'ont  défini  un  ani- 
mal rieur,  un  animal  cuisinier;  pourquoi  n'ont-its  pas  ajouté  un  ani- 
mal qui  bat  du  tambour?  La  première  chose  que  fait  un  sauvage 
après  avoir  pourvu  aus  besoins  de  son  estomac,  c'est  de  creuser  un 
tronçon  d'arbre,  de  le  couvrir  d'une  peau  d'animal  et  de  frapper 
avec  un  bdton  .^ur  celle  ingénieuse  mac/une.  Voilà  l'agrcable  passe- 
temps  (|ui  nous  est  arrivé,  sans  alléralioa,  à  travers  les  âges  :  seule- 
ment, à  la  place  d'un  tronc  d'arbre,  nous  fabiiquons  un  barillet  et  nous 
le  recouvrons  d'une  peau  d'âne.  » 

3.  On  nomme  calebasse  le  fruit  de  certaines  cucurbitacées,  ayant 


11  était  d'usage,  chez  les  anciens  Turcs,  lors  des 
mariages  mahomélans  ou  de  grandes  fêtes,  de  mettre 
sur  le  dos  des  esclaves  deux  tympana,  qu'un  musi- 
cien frappait  avec  de  longues  baguettes. 

Joints  aux  instruments  en  usage  à  ces  époques, 
les  tympana  servaient  dans  les  cortèges  pour  ryth- 
mer les  marches  et  les  danses. 

'I  Les  adeptes  de  Mahomet  plaçaient  d'énormes 
timbales  sur  le  dos  des  éléphants,  des  chameaux  ou 
des  chevaux,  et  les  victoires  s'annonçaient  au  son  des 
trompettes  et  des  timbales '.  » 

Les  timbales  ont  donc  été  de  tous  temps  en  hon- 
neur et  en  usage,  depuis  les  Hébreux,  les  Kgyptiens, 
les  Assyriens,  les  Turcs,  les  Grecs,  les  Romains,  etc., 
et  l'on  retrouve  dans  certaines  contrées,  telles  que 
l'Egypte,  l'Algérie,  etc.,  de  petites  timbales  dont 
l'origine  remonte  certainement  à  la  plus  haute  anti- 
quité. 

Les  timbales  des  Péruviens  étaient  en  bois  et 
allongées.  Celles  des  Ilottentots  étaient  en  terre  et 
larges;  celles  des  Japonais  sont  en  forme  de  bou- 
teille dont  le  fond  est  garni  de  peau;  on  les  tient 
d'une  maiii,  on  les  percute  de  l'autre. 

Les  timbales,  suivant  les  pays  ou  contrées  dont 
elles  sont  originaires,  ont  été  dénommées  de  ditîé- 
rentes  'arous. 

Ain?i  l'on  coniiait  : 

Atzehi^'roscim  (tambour  ou  timbale  des  Hébreux). 
Cet  instrument  est  en  forme  d'écuelle  et  on  le  frap- 
pait avec  un  pilon. 
Tumpanon  (tympnnon  ou  timbale  des  Grecs). 
Les   labalas   (instrument   de  percussion,  timbales 
des  Persans). 

Doandah  (assemblage  circulaire  d'insiruirieiils  de 
percussion,  qui,  suivant  leur  grandeur,  donnent  des 
sons  plus  ou  moins  élevés  (timbales  de  Uirnianie). 

Ëacciociolo  (tambour  rustique  de  la  Toscane,  qui, 
comme  l'alzebéroscinr  des  Hébreux,  est  en  forme 
d'écuelle  et  se  percute  avec  un  pilon). 

Iluchttell  (petite  timbale  ou  tambour  en  usage 
chez  les  peuples  noirs  de  l'Afrique  et  de  l'Amérique; 
on  le  nomme  aussi  tambour  mexicain.  Cet  instru" 
ment  se  frappe  avec  les  doigts). 

Tamburdk  ou  iabir.  Instrument  de  percussion  en 
usage  chez  les  Persans. 
Tcmbunj.  'l'imbale  ou  tambour  d'Arménie. 
Taboordd.  En  idiome  kymrique  ou  celtique  signifie 
timliale  ou  tambour. 

(  hariinba  des  Cafres  (instrument  à  percussion  en 
usage  encore  de  nos  jours  chez  les  haiiitants  de  la 
colonie  africaine  du  cap  de  lioiuie-Espéraiice). 

Cet  instrument  est  formé  de  seize  caleliasses  de 
différentes  grandeurs  rangées  entre  deux  planches, 
et  dont  on  tire  des  sons  en  frappant  avec  deux 
petites  baguettes  sur  des  tranches  d'un  bois  sonore 
placé  sur  leur  ouverture. 

D'après  l'énuraération  de  ces  instruments,  l'on 
voit  que  tous  les  peuples  ont  conservé  la  coutume 
de  se  servir  d'instruments  à  percussion;  aussi,  la 
timbale  et  le  tambour  ont-ils  été  un  peu  confondus 
l'une  avec  l'autre  ;  mais,  dans  les  temps  modernes,  ces 
instruments  furent  divisés  en  catégories  distinctes  : 
1°  Les  timbales. 


la  forme  d'une  citrouille.  En  laissant  sécher  ce  fruit,  après  l'avoir 
vide,  les  peuples  orientaui  se  servirent  de  ces  calebasses  pour  former 
le  corps  sonore  des  instruments  à  percussion. 

4.  Les  Turcs  copièrent  ce  modèle  et  firent  usage  de  même  de  ce 
genre  de  timbales. 

5.  BoKNAXNI,  toco  cil.,  p.  11". 


TECIIMQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LES  TIMBALES,  LE  TAMBOUR    16S7 


2"  Le  tambour. 
3°  Le  tambour  de  basque. 
4"  La  grosse  caisse. 

La  grande  diltérence  entre  la  timbale  et  les  autres 
insirunients  à  percussion,  c'est  que  : 

«  La  timbale  est  un  instrumenta  percussion,  don- 
nant, à  la  volonté  de  l'exécutant,  des  sons  de  liauteur 
variable,  mais  toujours  musicalement  appréciables; 
contrairement  aux  autres  instruments  à  percussion, 
qui  ne  produisent  qu'un  bruit  d'intonation  indéter- 
minée et  imprécis,  c'est  à-dire  instruments  à  tim- 
bre '  )i . 

D'après  divers  bistoriens  et  suivant  nos  recbercbes 
persoinielles,  nous  voyons  que  ce  furent  les  Sarra- 
sins, lors  de  l'invasion  de  l'Espagne,  qui  introduisi- 
rent les  timbales  dans  ce  pays. 

Comme  l'elTet  produit  par  ces  instruments  fut 
trouvé  merveilleux,  certains  pays,  tels  que  la  Pologne 
et  l'Allemagne,  fabriquèrent  des  timbales  à  l'imita- 
tion des  mu>iques  sarrasines. 

Pr.etoril's,  dans  son  Syntagma  musicum  de  161 't- 
1020,  cite  les  timbales  guerrières  des  Polonais  et 
des  Allemands.  Ce  sont  les  heerpaiiken,  en  usage  aux 
xvi=  et  XVII''  siècles. 

Déjà  Thoinot  Arbeau,  dans  son  Orchésographie  de 
1389,  vise  explicitement  les  timbales  :  «  Le  tambour 
des  Perses,  écrit-il  (duquel  usent  aulcuns  Allemands 
le  portant  à  l'arçon  de  la  selle)  est  composé  d'une 
demy-sphère  de  cuyvre  boucbée  d'un  fort  parchemin 
d'environ  deux  pieds  et  demy  de  diamètre,  et  faict 
bruit  comme  un  tonnerre  quand  la  ilicte  peau  est 
toucbée  avec  basions*.  >>  D'aulre   part,  en  relatant 
l'entrée  de  César  Borgia  à  Cbinon,  en  149S,  Brantôme 
parle  d'instruments  à  percussion  joués  par  trois  mé- 
nétriers de  ce  personnage,  mais,  comme  le  remarque 
Kastnfh,  il  s'agit  ici  de  cymbales  et  non  de  timbales^. 
On  avait,  du  reste,  appris  en  France  à  connaître  les 
timbales,  et  cela  dès  1457,  époque  où  le  roi  de  Hon- 
grie Ladislas  envoya  <les  ambassadeurs  accompagnés 
de  timbaliers.  Seulement,  il  est  peu  probable  que  les 
timbales  fussent  en  usage  dans  les  troupes  françaises 
au  XVI'  siècle;  peut-être  l'étaient-elles  dans  quelques- 
unes  des  troupes  étrangères  au  service  des  rois  de 
France,    de   ces    troupes    qui    excitaient  l'ironie   de 
Brantôme  en  lui  faisant  trouver  x  MM.  les  étrangers 
plus  prompis  aux  trompettes  et  labourins  d'argent 
que  de  cuivre'*  ». 

Du  reste,  à  cette  époque,  les  grands  seigneurs,  en 
France,  usaient  d'instruments  divers,  tels  que  trom- 
pettes, timbales  et  cymbales,  à  l'imitation  de  la  no- 
blesse germanique  qui  en  faisait  emploi,  d'après 
FoRRiL,  antérieurement  au  jv"  siècle. 

Toujours  est-il  qu'au  xvii»  siècle,  Mersenne,  au 
cours  de  son  livre  VII,  consacré  aux  instruments  à 
percussion,  ne  traite  guère  que  du  tambour  propre- 
ment dil;  rependani,  on  relève  le  passage  ci-après, 
lequel  vise  évidemment  la  timbale  : 

«  A  quoy  l'on  peut  adjousler  le  lambour  d'airain 
que  l'on  frappe  du  baston  pour  joindre  son  bruit  aux 
sons  des  cymbales.  La  peau  de  ce  tambour  se  bande 
avec  les  chevilles^.  » 

Nous  sommes  ici  en  présence  de  la  véritable  tim- 


1.  Joseph  Baggkrs,  MHhode  de  timbales  et  instruments  à  perçus- 
tion,  p.  1,  p:ig.i  7. 

2.  Georges  Kastner,  Manuel  général  de  Musique  militaire^  liv.  I, 
p.  94. 

3.  Brarilôme,  Œuvres,  l.  II,  pp.  209-210  (Sociolé  llisl.  de  France), 
^ï.  Kast.neii,  loco  cit. 

4.  Kastneb,  tùco  cit.,  pp.  98-99. 

5.  MEusEiNNi;,  /harmonie  universelle  (I636J.  liv.  VII, 'p.  i9. 


baie,  comme  celle  que  Mersen.ne  décrit  à  l'article 
Tambour  {timbale  des  Polonais). 

Fn  Angleterre,  les  anciens  Disguisings  compor- 
taient fréquemment  l'emploi  du  lambour  et  du  fifre, 
et  cet  usage  se  continua  dans  les  Masks  où  il  est  très 
souvent  fait  mention  d'instruments  à  percussion 
désignés  sous  le  nom  de  «  drnms  ).  ;  ce  sont  donc  des 
tambours,  et  les  timbales  proprement  dites  ne  sem- 
blent apparaître  que  fort  raremenf^. 

Pourtant,  Kastner  assure  que  deux  timbales  figu- 
raient dans  la  musique  qui  jouait  pendant  les  repas 
de  la  reine  F>lisabetb,  et  que  Henri  VIII  disposait  aussi 
d'une  musique  analogue,  constituée  uniquement  de 
fifres  et  de  timbales''. 

Sous  le  règne  de  Louis  XIV,  les  timbales  furent 
adoptées  définitivement  en  France,  car  les  guerres 
que  fit  ce  monarque  permirent  à  dilférents  corps  de 
troupes  de  s'emparer  de  timbales  prises  à  l'ennemi, 
dont,  en  signe  de  gloire,  on  leur  donnait  l'autori. 
sation  de  se  servir;  aussi,  par  la  suite,  toute  la 
cavalerie  de  la  maison  du  roi  fut-elle  dotée  de  tim- 
bales, sauf  cependant  les  dragons  et  les  mousque- 
taires qui  ne  furent  pas  autorisés  à  en  posséder. 

Mais  toutes  les  parades 
militaires  et  les  grandes 
fêtes  qui  furent  données 
sous  le  règne  du  lioi  So- 
leil, virent  figurer  des  lira- 
baies*. 

On  peut  lire  dans  l'ou- 
vrage intitulé  :  Les  Tra- 
vaux lie  Mars  ou  l'art  de 
la  guerre,  publié  par  l'in- 
génieur Alain  Manesson, 
qui  fut  maître  de  matlié- 
matiqnes  des  pages  de 
Louis  XIV,  les  lignes 
suivantes,  dans  lesquelles 
l'auteur  dépeint  le  type  du 
limbalier  et  le  caractère 
guerrier  des  timbales  :  «  Le 

timbalier  doit  être  un  liomme  de  cœur,  et  chercher 
plutôt  à  périr  dans  le  combat  que  de  se  laisser  enlever 
avec  ses  timbales.  Il  doit  avoir  un  beau  mouvement 
dans  le  bras  et  l'oreille  juste,  et  se  faire  un  plaisir  de 
divertir  son  maître  par  des  airs  agréables,  dans  les 
actions  de  réjouissance.  Il  n'y  a  point  d'instrument 
qui  rende  un  son  plus  martial  que  la  timbale,  princi- 
palement quand  elle  est  accompagnée  du  son  de 
quelques  trompettes'.  »  ^^ 

Sous  Louis  XV,  la  magnificence  des  fêtes  militaires 
ne  le  céda  en  rien  à  la  somptuosilé  du  règne  précé- 
dent. Les  timbales  furent  encore,  si  possible,  plus  ea 
honneur,  et  le  luxe  dont  on  les  entourait  ne  fit  que 
les  classer  davantage  tout  en  les  popularisant. 

Louis  XVI,  subissant  le  même  entraînement  que 
ses  devanciers,  fut  accusé  de  prodigalité.  11  chercha 


Fies.  747. 


G.  Paul  Reïeii,  Les  Masques  anglais  (1909),  pp.  427  cl  suivantes. 

7.  IC&sTiNEEt,  loco  cit.,  p.  99. 

8.  G.  Kastner,  Manuel  général  de  Musique  militaire.  Sous 
Louis  -KIV,  les  quatre  compagnies  des  gardes  du  corps  de  la  maison 
du  roi  avaient  chacune  sept  Ironipettcs  et  un  tiniLalicr.  Il  y  avait  par 
compagnie  un  trompette  qui  restait  auprès  du  roi  pour  son  service 
particulier,  sous  le  titre  do  »  irompette  des  plaisirs  ».  Il  y  avait  aUMi 
un  linquième  timbalier  Jé|  eiidant  du  corps,  qui  restait  ^■gaiement 
auprès  du  roi  sous  le  m6me  titre.  Ce  timbalier  marchait  'a  la  tète  du 
guet,  derrière  le  carrosse  du  roi,  battant  de  ses  timbales,  comme  lu 
trompettes  qui  marchaient  au-devant  du  carrosse  semaient  de  leur» 
trompettes.  Le  timbalier  en  charge  à  cette  époque  était  tiré  de  la 
compagnie  de  N'oailles.  Il  se  nommait  Claude  Baueluii,  et  recevait  sur 
la  cassette  1.200  livres  par  an.  Voir  Etat  de  la  France  de  1708,  t.  l, 

9.  A.  Manesson,  Les  Travaux  de  Mars,  Paris,  1671-1685. 


168Ï* 


ESC.YCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTlOi\NAIftE  DU  COXSETiVATOIl:E 


FiG.  718. 


à  réduire  un  peu  partout  le  luxe  exagéré  des  temps 
passés;  aussi,  les  timbales  furent-elles  supprimées 
par  ordonnance  r03ale  du  2o  mars  1776.  Seuls  les 
gardes  du  corps  fuient  autorisés  à  les  conserver. 

Mais  il  faut  croire  que  cette  ordonnance  de  suppres- 
sion de  timbales  ne  fut  pas  considérée  comme  très 
sévère,  puisque  nous  retrouvons  encore  l'usage  de 
cet  instrument  dans  tous  les  corps  d'élite  du  royaume, 
et  l'on  affirme  que,  lorsqu'un  corps  de  troupes  passait 
en  pays  ennemi,  les  timbales  et  timbaliers  étaient 
toujours  entourés,  afin  que  nul  ne  pût  s'en  moquer. 
Car,  ainsi  que  nous  l'avons  mentionné,  on  considé- 
rait à  cette  époque  les  timbales  comme  «  trophées 

d'honneur  »,  tels  les  dra- 
peau.x'. 

C'est  pourquoi,  lors- 
que les  troupes  ren- 
tiaient  dans  leurs  caser- 
nements, les  timbales 
étaient,  ainsi  que  le  dra- 
peau, mises  en  réserve, 
sous  la  garde  du  colonel 
du  régiment. 

Pendant  les  événe- 
ments qui  troublèrent  la 
fin  du  xviii»  siècle,  prise 
de  la  Bastille,  émigra- 
tion, fuite  et  retour  de 
la  famille  royale,  invasion  étrangère,  et  enlin  Con- 
vention nationale,  puis  proclamation  de  la  Répu- 
blique, guerres  européenne  et  civile,  etc.,  la  mu- 
sique fut  assez  délaissée  ainsi  que  les  orchestres 
■militaires,  mais,  pendant  le  Consulat  et  l'Empire,  on 
rétablit  les  corps  de  troupes;  aussi,  retiouvons-nous 
à  cette  époque  la  cavalerie  de  la  garde  consulaire  et 
de  la  garde  impériale,  possédant  des  timbales. 

On  choisissait  de  préférence  de  Jeunes  garçons 
que  l'on  revêtait  de  liches  costumes.  Les  timbales 
étaient  dorées  ou  garnies  <ie  tabliers  en  satin,  en 
velours,  en  drap  ou  en  damas  tout  brodé  d'or  et  d'ar- 
gent, portant  les  armoiries  du  prince  ou  du  colonel 
qui  commandait  le  corps  de  troupes. 

Afin  de  guider  le  cheval 
et  pour  laisser  au  timba- 
lier sa  liberté  de  mouve- 
ment des  bras,  on  le  fai- 
sait toujours  accompa- 
gner par  deux  militaires; 
aussi,  par  analogie,  on 
nommait  ceux-<;i  »  les 
cuisiniers  »,  car  ils  étaient 
préposés  à  la  garde  des 
marmites,  ce  qui  était  une 
|ilaisanlerie  soldatesque. 
On  disait  aussi  «  faire 
bouillir  le  chaudron  ». 

Si,  dans  quelques  mili- 
ces,   on    a   employé    des 
nègres  pour  servir  de  tim- 
baliers, c'était  surtout  en 
vue  de  l'elfet  à  produire  sur  la  foule. 

Les  jours  de  parade,  on  voyait  s'avancer,  à  la  tête 
de  la  musique  du  régiment,  un  homme  à  la  figure 


FiG.  "50, 


noire,  habillé  richement,  chamarré  d'or  et  de  brode- 
ries, monté  sur  un  beau  cheval  blanc  ou  bai,  llanqué 
de  deux  limbales  garnies  d'étoffes  brodées  et  dorées. 

Edmond  Neukomm, 
dans  son  Histoire  de 
la  Musique  militaire 
(page  13),  s'exprime 
ainsi  : 

«  Quant  aux  costu- 
mes des  timbaliers,  ils 
variaient  à  l'infini,  ne 
se  rapportant  généra- 
lement pas  à  l'uni- 
forme des  régiments 
auxquels  ils  apparte- 
naient, mais  se  faisant 
toujours  remarquer 
par  une  grande  ri- 
chesse. » 

Mais  toute  cette  tra- 
dition de  costumes  et 
de    mascarades    n'eut 

qu'un  temps.  Cependant ,  nous  trouvons  encore 
sous  le  régne  de  Napoléon  111,  dans  les  musiques 
de  la  garde  impériale,  des  timbaliers  à  cheval. 
.Naturellement,  il  n'est  déjà  plus  question  des  anciens 
timbaliers  guerroyant  à  la  tête  des  armées,  mais  de 
simples  musiciens  auxquels,  en  vertu  d'anciennes 
coutumes,  on  voulait  bien  encore  donner  un  certain 
apparat. 

Pendant  la  guerre  franco-allemande  (1870-1871), 
les  régiments  de  la  garde  impériale  furent  licenniés, 
et  avec  eux  disparurent,  en  France,  les  timbaliers  à 
cheval. 

Jusqu'ici,  nous  avons  parlé  uniquement  des  tim- 
bales et  timbaliers  mililuires;  nous  allons  maintenant 
nous  occuper  de  la  timiialedans  les  orchestres  civils. 
Mais  il  était  intéressant  de  conslaler  que,  de  tout 
temps,  la  timbale  a  été  en  usage,  d'abord  chez  les 
peuplades  et  dans  les  cohortes  guerrières,  puis  dans 
les  aimées  régulièies-. 

Certains  facteurs  ont  fabriqué  (sans  doute  en  vue 
de  faciliter  le  transport)  des  pieds  de  timbales 
pliants. 

Ce  système  n'est  pas  à  recommander,  car  souvent, 
en  cours  d'exécution,  par  le  mouvement  que  subissent 
les  timbales  du  fait  des  changements  successifs  d'ac- 
cords, les  charnières  s'amollissent,  et,  le  pied  se  re- 
pliant de  lui-même,  la  timbale  perd  son  équilibre  et 
tombe. 


FiG.  7i 


1.  ■  Dans  les  marches  el  les  revues,  le  timbalier  se  tenail  à  la  léle 
de  l'escadron,  trois  ou  (]uatre  pas  devant  le  commandant.  Mais  pen- 
dant le  conibar,  les  Uinbalîcrs  i^taient  posté ^,  sur  les  ailes,  dans  les 
iûlervallcs  des  escadrons,  pour  recevoir  les  ordres  du  major  ou  de 
l'ai'le-ntajor.  "  (G,  Kastneb,  Manuel  ijiint^ral  de  Musique  jiiilitnire, 
livre  1,  p.  tuti  el  I07.J 


DESCRIPTION  ET  EMPLOI   DE  LA  TIMBALE 

La  timbale  est  un  instrument  à  percussion  don- 
nant, à  la  volonté  de  l'exécutant,  des  sons  de  hauteur 
variable,  toujours  musicalement  appréciables.  La 
timbale  se  compose  essentiellement  d'un  fl^t  ou  bas- 
sin hémisphérique,  surmonté  d'une  partie  cylin- 
drique. A  l'extrémilé  ouverte  du  bassin  est  tendue 


2.  Tous  ces  documents  sont  extraits  des  ouvrages  suivants  ; 
Edgard  Boutarie,  l'Institution  militaire  de  la   France  avant  les 
armées  permanentes. 
L.  I>urieux,  L'Armée  en  France. 

A.  Daily,  La  France  militaire  illustrée.  • 

Jacquemin,  L'Histoire  du  costume  civil,  reliqienx  et  militaire. 
L'Epopi'e  du  coutume  militaire  français,  illuslré  pir  .lob. 
Pascal.  Histoire  de  l'armre  française.  L'armée  a  travers  les  âges,  cic. 
G.  Kastneb,  Manuel  général  de  Musique  militaire,  etc. 


TfCliy/nl'E,  ESTIIÈTinUK  ET  PÉDAGOGIE 


LES  TIMBALES,   LE  TAMBOUR    ISS'i 


une  peau  tannée,  sur  laquelle  l'exécutant  frappe  avec 
des  baguettes. 

La  tension  de  celte  peau  est  réglée  par  des  vis 

placées  à  la  circonfé- 
rence, ce  qui  permet 
d'obtenir  une  éclielle 
graduée  de  sons. 

L'action  de  faire  ré- 
sonner l'iiislrument  se 
nomme  blouser  dcstiin- 
balfu. 

Aucune  encyclopé- 
die,  ni  dictionnaire,  ne 
donne  l'élymologie  ou 
l'origine  de  l'expres- 
sion blouser. 

D'après  des  recher- 
ches et  des  rappro- 
chements, en  voici  l'ex- 
plication : 

Sous  le  règne  de 
l.ouis  .\II  (dit  le  père 


Fio 


/,  fût  en  cuivre  {pour  une  bonne  tim- 
bale le  fût  doit  être  d'une  seule 
pièce  et  martelé  à  la  main.  Fabri- 
cation spéciale);   :',  lenon   à  écrou     du    peu|de),    parmi  les 


que  l'on  ajuste  au  fût;  S,  cercle  avec 
anneaux  sur  lequel  on  enroule  la 
peau;  ■/',  clefs  à  vis;  5,  peau;  6r  [ued 
in(]('pond;mt  et  stable  sur  lequel  on 
pose  la  timbale. 


jeii.x  populaires,  exis 

tait  celui  de  la  blouse. 

La    blouse  était  un 

long  vêtement  en  laine 

ou    autre    tissu    dont 

étaient  vêtus  les   gens  du   peuple;   aux  heures  de 

récréation  et  pour   se  distraire,    quelqu'un  letirait 

sa  blouse  :  on  la  tenait  peu  tendue  par  lés  raan- 


Fia.  752. 

ches,  et  les  deux  autres  extrémités;  puis  on  y 
plaçait  une  boule  de  bois;  alors,  au  moyen  d'une 
baguette,  on  donnait  un  coup  sec  dans  la  blouse  I 
suivant  la  façon  dont  le  coup  était  porté,  la  boule 
sautait  et  roulait  à  terre  ilans  un  espace  désigné; 
après  un  certain  nombre  de  coups,  on  savait  si  l'on 
avait  gagné  ou  perdu  la  partie,  on  appelai!  cela  : 
jouer  à  la  blouse  ;  aussi,  par  analogie,  étant  donné  la 
façon  de  frapper  sur  les  timbales,  et  le  fait  que,  pour 
les  garnir,  on  les  entourait  d'un  sarrau  ou  blous", 
peu  à  peu  l'expression  se  vulgarisa,  et,  finalement, 


fut  adoptée  :  blouser  dis  timbales  (action  de  frapper 
sur  les  timbales). 

Pour  blouser  les  timbales,  l'on  se  sert  de  baguettes. 

Ces  baguettes  se  composent  d'une  tige  dont  une 
des  extrémités  de  forme  spbérique,  ou  tête,  peut  être 
recouverte  : 

1°  De  plusieurs  épaisseurs  de  peau;  ce  modèle  seit 
pour  jour  forte  dans  les  ensembles; 

2°  De  petites  éponges  très  fines  (éponges  de  Venise  |  ; 
on  s'en  sert  dans  le^  passages  de  douceur  et  lorsque 
les  timbales  sont  à  découvert; 

3"  De  feutre  très  doux  ou  de  molleton. 

L'extrémité  de  la  baguelte  que  tient  la  main  de 
l'exécutant  se  nomme  manche,  la  partie  médiane 
tige,  l'extrémité  qui  frappe  sur  la  timbale,  tête. 

On  fabrique  des  baguettes  de  timbales  avec  diverses 
matières  : 

1°  En  bois  de  frêne,  d'une  seule  pièce; 

2°  Kn  fer,  d'une  seule  pièce; 

3"  En  acier  (manche  de  bois,  tige  d'acier,  tête  de 
bois*  ; 

4°  En  baleine  (manche  de  bois,  tige  de  lialeine, 
tête  de  bois); 

5°  En  baleine  d'une  seule  pièce,  sauf  la  tête  qui  est 
en  bois; 

Qo  En  jonc,  d'une  seule  idèce; 

7°  En  jonc,  avec  tète  de  bois; 

8°  En  jonc  (manche  de  bois,  lige  de  jonc,  tèle  de 
bois),  etc. 


Fi«.  ~4Ô^.  —  Uagueltes  d'époiigc. 


Pl'i 


■  Baguelles  iJ'iHfiupe  recouverte  de  po-nu. 


La  notation  des  parties  de  timbales  s'écrit  en  clef 
de  fa  4«  ligne;  le  son  noté  est  le  son  réel  donné  par 
l'instrument  et  non,  comme  on  le  croit  communé- 
ment, l'octave  supérieure  de  ce  son. 

Les  compositeurs  antérieurs,  au  début  du  xi.k'  siè- 
cle, avaient  l'habitude  de  noter  uniformément  les 
parties  de  timbales  par  la  tonique  et  la  dominante 
du  ton  d'ut  (ces  itistruments  ne  servant  alors  qu'à 
donner  la  tonique  et  la  dominante).  Lorsque  le  ton 
changeail,  ils  indiquaient  simplementau-dessus  de  la 
portée  la  nouvelle  tonalité  : 


"fimbales  en 


RÉ  AX-  (^    J  ^^ 


ê^ 


8 


Timbales  en  Mi  \> 


^ 


_6 


Timbales  en   Ré 


^ 


e^ 


etc. 


* 0- 


Cette  notation  est  aujourd'hui  abandonnée,  mais 
il  est  bon  de  le  signaler  ici,  car  l'exécutant  peut 
encore  la  rencontrer  dans  de  vieilles  parties  d'or- 
chestre. 

Ce  fut  J.-B.  Lij'LLv,  compositeur  de  musique,  né  à 
Florence  en  163-3,  qui,  ayant,  eu  1672,  olilenu  du  roi 


Louis  XIV  le  privilège  de  l'Académie  royale  de  mu- 
sique, introduisit  pour  la  première  fois  les  timbales 
à  l'orchestre  de  l'Opéra  de  Paris. 

Les  timbales  prirent  surtout  une  grande  impor- 
tance dans  les  orchestres  symplioniques  d'Allemagne. 

IIavd.n  (1732-1809),  Mo/.aut  {17o6-I7'.>I),  Rkethovisn 


'1690 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


(1770-1827),  etc.,  mirent  en  lumière  les  ressources 
artistiques  que  l'on  pouvait  tirer  des  limbales,  sur- 
tout, lorsque,  comme  Brethoven  l'a  désiré,  «  cet  ins- 
trument est  joué  par  un  musicien  adroit  et  doué 
d'une  grande  délicatesse  d'oreille  »;  pour  démontrer 
■combien  l'on  pouvait  obtenir  de  justesse  sur  cet  ins-  | 


Irunient,  il  écrivit  dans  plusieurs  symplionies  des 
passages  où  les  timbales  se  trouvent  tout  à  coup 
complètement  seules;  il  est  Tacile  alors  de  se  rendre 
compte  si  l'instrument  a  été  accordé  avec  soin. 
Exemples  : 


Timbales 


8'  Symphonie, 
SOLO 


~PP* 


m 


^ 


m 


20 


^ 


etc. 


Tim- 
l>ales 


SOLO 


5«  Symphonie. 


"^  i  i  \1  1  1  \1  i  i  \1  1  1  \1  t  i  1^^ 


^ 


.')■■   J  M   IJ 


^^  I  J  J  J   I  J-J 


etc. 


Timbales 


Adagio 


4'  Symphonie  en  sif?. 


cresc. 


A  peu  près  à  la  même  époque,  Reicha,  compositeur 
allemand  (1770-1836),  ayant  à  composer  une  ode  à 
Schiller  sur  la  révolution  des  splières,  employa  dans 
celte  œuvre  huit  timbales  accordées  ainsi  ; 

l"  paire  en  mi-ri'\ 

2"  paire  en  ré\^-ul\ 

3°    paire  en  si\!-la; 

i'^   paire  en  la  b-sol. 


On  voit  par  là  que  rtEicuA  était  un  précurseur 
d'Hector  Berlioz,  qui,  dans  différents  ouvrages,  lit 
l'emploi  de  plusieurs  timbales  (blousées  par  dill'érents 
limbaliers). 

Exemples  de  l'emploi  de  plusieurs  timbales  par 
Beulioz  : 

lo  Benvenuto  Cellini  :  trois  timbales  blousées  par 
deu.x  timbaliers. 


Allegro  décide  àz\\2. 


f.^  Timbale  RÉ 
2«  Timbale  SOL 


3!  Timbale  SI 


^m 


f 


ga^ 


:e3 


ëEE3 


r — r 


é 


T 


etc. 


^^ 


2°  La  Symphonie  fantastique  :  quatre  timbales  blousées  par'quatre  timbaliers. 


Scène  aux  champs. 
V;^  Timb.SlkFAhaul^^^ 


iî'et  2*  Timbaliers 


2?  Timb.  LAb-CT       § 


W^ 


3^  et  4^  Timbaliers 


l'^^  Timbales 
en  SI  b-FA 


Marche  au  Supplice. 


t 


■^ 


Baguettes  à  tête  de  bois 


2^.3   Timbales 
en  SOL- RÉ 


TECHNIQUE,  ESTflÈTIQVE  ET  PÉDAGOGIE 


LES  TIMBALES,  LE  TAMBOUR    1691 


.'>°  La  Damnation  de  Faust  :  quatre  timbales. 

4°  Kiilin  son  Requiem,  pour  le  Tuba  miriim,  où  il  lii 
l'emploi  de  liuit  paires  de  timbales  accordées  de 
différentes  manières,  et  dix  timbaliers,  dont  : 

Deux  limbaliers  sur  une  paire  de  timbales  en  ré.  i-fa  B. 

Deux  timbaliers  sur  une  seule  paire  de  timbales  en  sol  mil,. 

Une  paire  de  timbales  en  so;|,  si [,. 

Une  paire  de  timbales  en  si'tl  mi  H. 

Une  paire  de  timbales  en  la  H  »»[,. 

Une  paire  de  timbales  en  la  !>  «(  t). 

Une  paire  de  timbales  en  sol  fl  ré  (,. 

Une  paire  de  timbales  en  ^a  t;  sil,. 

r.rosse  caisse  roulante  en  si|;. 

(11  faut  placer  cette  grosse  caisse  debout  et  faire  les  roulements 
avec  des  baguettes  de  timbales.) 

Une  grosse  caisse  avec  deux  tampons,  tam  tam  et  cymbales 
^trois  paires)  frappées  comme  le  tam  tam  avec  des  baguettes  ou 
un  tampon.  (Notes  de  Berlioz  sur  la  partition.) 


On  voit  par  là  que  notre  immortfl  Berlioz  tira  un 
parli  considérable  des  timbales,  et  de  la  batterie. 

Bkrlioz  pensait  qu'il  n'était  pas  possible  à  un 
seul  timbalier  de  blouser  simultanément  plus  de 
dcuœ  timbales,  et  il  préconisait,  pour  les  orchestres, 
l'emploi  d'un  certain  nombre  de  timbales  et  de  tim- 
baliers (dans  son  Traité  d'orchestration,  il  indique 
que  pour  un  orchestre  composé  à  peu  près  de  60  à 
70  musiciens,  il  faut  au  moins  quatre  timbales,  et 
qnatre  limbalieisj;  aussi,  fut-il  fort  surpris  lorsque 
Meyîîrbeer  écrivit  divers  opéras,  avec  emploi  de 
quatre  timbales  (blousées  par  un  seul  timbalier).  Ce 
rythme  de  timbales,  que  Meyerbeer  plaça  au  i'  acte 
de  son  opéra  Robert  le  Diable  (en  1831),  devint  même 
jégendaire  : 


3  Timbales 
SOL- no -RÉ 


4  Timbales 
SO^j-DO 
RE -MI 


SOLO 


^^ 


SOLO 


S 


mf 


^ 


f^ 


» — »— f — ^     »     f   f  f.     ^ 


W^ 


etc. 


Tous  les  ouvrages  de  Meyeriîeer  comportent  des 
parties  de  timbales  des  plus  intéressantes,  ce  qu 
contribua  à  mettre  davantage  en  valeur  cet  instru- 
ment dans  la  musique  orchestrale. 

Un  seul  timbalier  ne  peut  se  servir  que  de  deux, 
trois  ou  quatre  timbales  au  phis;  encore  est-il  néces" 
saire  que  le  compositeur  lui  ménage  le  temps  maté- 
riellement indispensable  pour  modifier  l'accoid  des 
timbales. 

Certains  traités  d'orcheslralion  (un  peu  démodés 
parlent  des  timbales  voilées,  ce  qui  semble  dire  que, 
dans  certains  cas,  on  devrait  mettre  un  voile  sur  la 
timbale.  C'est  une  fausse  indication,  car  au  mo3'en  de 
différentes  baguettes,  on  peut  obtenir  tous  les  ell'ets 
voulus. 

Pour  le  lambiur,  qui  est  un  instrument  à  timbre, 
le  voile  est  employé,  surtout  dans  les  cérémonies 
funèbres. 

On  le  recouvre  d'un  morceau  de  drap  ou  voile  de 
crêpe,  afin  d'en  assourdir  la  sonorité. 

Après  avoir  fait  l'historique  de  la  timbale,  parlé 
des  timbaliers  et  do  l'emploi  de  l'instrument,  nous 
allons  maintenant  parcourir  la  progression  ascen- 
dante en  veitu  de  laquelle  on  a  Irouvé  et  obtenu  la 
manière  de  varier  les  sons  des  timbales  (c'est-à-dire 
l'accord),  plaçant  ainsi  ces  instruments  au  nombre  de 
ceux  qui  ont  un  caractère  musical. 

MODÈLES   ET   FABRICATION   DES  TIMBALES 

Les  timbales  d'Orient  étaient  formées  d'un  !ùl  ou 
bassin  d'or,  d'argent  ou  de  bronze  sur  lequel  la  peau 
était  assujettie  et  retenue  au  moyen  :  1°  de  cordes; 
2°  de  cercles  de  bois;  3°  de  cercles  de  fer  forgé,  fixés 
au  bassin  par  de  petits  piquets  de  bois. 

Ces  timbales  n'avaient  aucune  tonalité  définie. 
C'était  simplement  par  la  profondeur  et  le  diamètre 
que  la  timbale  donnait  des  sonorités  plus  ou  moins 
hautes. 

On  raconte  que  ce  fut  vers  l'année  looO,  qu'un 
musicien  de  Pologne,    dont    le    nom    ne    nous   est 


Tk.;. 


volonté    au    moyen    d'une 


malheureusement  pas  parvenu,  voulant  introduire 
un  effet  spécial  de  timbale  dans  nne  de  ses  compo- 
sitions, s'en  vint  un  jour 
trouver  un  fabricant 
d'instruments.  11  lui  fit 
faire  certains  essais  de 
sonorités,  en  vue  d'arri- 
ver à  varier  le  son  de  la 
timbale  sa)!S(U'Oirî'eco!/rs 
à  un  grand  nombre  de 
chaudrons; 

On    imagina    ainsi    la 
timbale  dont  la  peau  se 
tend    on     se    détend    à 
corde. 

Ce  fut  le  véritable  point  de  départ  de  la  timbale 
chromatique,  c'est-à-dire  île  la  timbale  à  sons  va- 
riables. 

Ce  système  de  tim- 
bale à  corde  élait  assez 
simple  :  la  peau  était 
retenue  par  une  corde 
qui  passait  dans  des 
anneaux  fixés  au  cercle 
sur  lequel  était  roulée 
la  peau. 

Celte  conle  venait 
ensuite  passer  dans  des 
anneaux  rivés  au  liU  ou 
bassin  île  cuivre,  et  se 
terminait  en  s'enrou- 
lant  autour  d'une  clef. 

Plus   on   tournait    la 
clef  à  droite,  plus  la   corde  en  s'enroulant  faisait 
tendre  la  peau;  par  le  mouvement  contraire  elle  se 
détendait. 

Ce  système  avait  l'inconvénient  de  ne  pas  tendre 
la  peau  également,  et  surtout,  en  raison  des  varia- 
lions  atmosphériques  qui  agissent  sur  la  peau  et  la 
corde,  celui  de  ne  pas  conserver  l'accord. 

On  inventa  alors  le  système  de  timbales  à  vis  et 
à  écrous  avec  clef  mobile,  c'est-à-dire  clef  unique, 


FiG.  756. 


1692 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOSNAIRE  DU  COXSERVATOIRE 


Fia.  757. 


que  l'on   posait  sur  les  vis  au  fur  et  à  mesure  que 

l'on  voulait  accorder. 

Ce  système  avait  en- 
core un  inconvénient  : 
lorsque  l'accord  devait 
se  faire  précipitamment, 
on  manquait  souvent  la 
vis,  et  quelquefois  même 
la  clef  s'échappait  des 
mains. 

On  en  arriva  donc  à 
imaginer  le  modèle  de 
timbale  à  clefs  fi.\es. 

Bien  des  fabricants  ont 
amélioré  ce    modèle   de 
timbale,  soit  au  point  de 
vue  du  p.is  de  vis  et  de  sa  pose  plus  ou  moins  ver- 
ticale, etc.,  soit  poui- 
la  fabrication  du  fût, 
ou    pour    l'enroule- 
ment de  la  peau  sur 
le  cercle,   dépendant 
ou  indéjwndant. 

On  a  imaginé  beau- 
coup d'autres  systè- 
mes de  timbales, sur- 
tout en  Allemagne. 
Ainsi,  en  vue  de  la 
rapidité  de  l'accord, 
ou  a  imaginé  un  mo- 
dèle de  timbales  à  pédales  (dites  :  timbales  chroma- 
tiques mécaniques  à  cadran  indicateur)  : 


Fio.  758.  —  Timbale  à  clefs  ti.xes. 


FiG. 


L'accord  de  ce  système  de  limbales  se  fait  de  la 
façon  suivante  ;  le  cercle  sur  lequel  est  enroulée  la 
peau  est  posé  sur  le  fût  de  cuivre  et  est  retenu  à 
l'intérieur  du  bassin  par  des  tirants  de  fer. 

Ces  tiranls  viennent,  à  la  base,  se  mêler  à  un  sys- 
tème d'engrenage  commandé  par  une  roue,  que  l'on 
fait  mouvoir  avec  les  pieds.  .Suivant  que  la  roue 
tourne  à  gauche  ou  à  droite,  la  peau  se  tend  ou  se 
détend,  et,  par  ce  fait,  donne  à  la  timbale  des  sons 
plus  graves  ou  plus  aigus. 

Un  autre  mécanisme  (toujours  dépendant  du 
système  d'engrenage  ci-dessus  désigné)  fait  mouvoir 
une  aiguille  placée  sur  un  cadran,  qui  se  trouve 
sur  le  bord  de  la  timbale  et  indique  la  note  que  l'on 
veut  donner.  Mais,  par  suite  des  lois  atmosphériques 
qui  inilueat  sur  la  peau,  on  n'oblient  pas  toujours 
les  notes  que  l'on  désire  et  que  marque  l'aiguille  du 
cadran;  cependant,  avec  un  réglage  très  attentif  et 
très  suivi,  on  arrive  à  trouver  les  notes  voulues; 
mais  il  faut  redouter  à  chaque  instant  un  écart  de 


tonalité,  auquel  on  doit  remédier  très  attentivement. 

Il  faut  convenir  que  ces  systèmes  de  timbales  chro- 
matiques mécaniques  peuvent  donner  des  facilités 
pour  les  changements  d'accords  très  rapides.  Cepen- 
danl,  les  compositeurs  feraient  bien  de  ne  pas  abuser 
d'une  succession  trop  rapide  de  changements  d'ac- 
cords, car,  à  la  longue,  les  fibres  de  la  peau  se  déten- 
dent et  l'on  n'oblient  plus  une  bonne  sonorité,  ni  une 
justesse  rigoureuse  par  suite  de  la  fatigue  de  la  peau. 

Nous  devons  signaler  aussi  certains  inconvénients 
des  timbales  chronialiques  mécaniques,  inconvé- 
nients qui  résultent  de  ce  que  le  système  de  l'accord 
change  suivant  les  pays.  Ici,  l'accord  s'obtient  au 
moyen  de  pédales;  là,  il  s'obtient  par  des  leviers  ou 
vis  d'accord;  il  en  résulte  que  certains  compositeur 
éciivent  des  parties  de  timbales  où  l'exécutant  doit 
tout  en  jouant,  faire  mouvoir  ces  pédales  avec  ses 
pieds,  tandis  que  d'autres  écrivent  pour  des  instru- 
ments dont  les  leviers  ou  vis  sont  actionnés  par  les 
mains;  d'où,  pour  un  timbalier,  l'impossibilité 
d'exécuter  sa  partie. 

Le  système  des  timbales  ci-dessus  désigné,  tout  en 
oIT'ranl  des  facilités,  a  encore  un  inconvénient  :  c'est 
d'éire  très  lourd  et  peu  commode  à  déplacer. 

On  connaît  encore  un  autie  modèle  de  timbales 
diies  timbales  chromatiques  à  pédales;  c'est  à  peu 
près  le  même  système  que  celui  dont  nous  venons 
de  donner  la  descri,tion,  mais,  au  lieu  de  se  servir, 
pour  accorder,  d'une  loue  mue  par  le  pied,  on  use 
d'une  pédale  s'accrochant  à  des  crans  (c'est  à  peu 
près  le  système  de  pédales  de  la  harpe). 

Dans  un  autre  système  de  timbales,  employé  sur- 
tout en  Hollande  et  en  Angleterre,  il  n'y  a  aucune 
clef  pour  tendre  la  peau. 

Le  mécanisme  se  trouve  à  l'intérieur  du  fût  de 
cuivre;  il  consiste  en  des 
tiranls,  rivés  au  cercle  sur 
lequel  est  enroulée  la  peau 
et  aboutissant  au  fond  du 
fût  ou  bassin  de  cuivre  ;  le 
pied  de  la  timbale  est  sur- 
monté d'une  grosse  vis;  on 
posé  le  fût  de  cuivre  sur 
celte  vis,  et  en  tournant  la 
timbale,  soit  à  gauche,  soit  à 
droite,  la  vis  pénètre,  donne 
prise  sur  les  tirants  qui  ten- 
dent ou  détendent  la  peau 
et  lui  font  donner  des  sons 
aigus  ou  graves.  .Nous  représentons  ici  ce  système. 

Pour  blouser  tous  ces  genres  de  limbales,  le  tira- 
balirr  se  lient  debout,  con- 
trairement à  ce   qui   a  lieu 
en  France,  où   le   timbalier 
est  toujours  assis. 

Le  fadeur  d'instruments 
Adolphe  Sa.x,  qui,  sous  le 
règne  de  .Napoléon  III,  était 
le  fournisseur  attitré  d'ins- 
truments de  musique  des 
armées  françaises,  avait 
trouvé  un  système  de  tim- 
bales à  peau.\  superposées'. 

D'autres  iiiventionsencore 
ont  été  faites,  ne  donnant 
généralement  que  peu  de 
bons  résultats  au  point  de  vue  pratique. 


Fia.  760. 


t     Cf  -iv^léme  ne  fui  que  peu  employé. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LES  TIMBALES,  LE  TAMBOUR    1693 


l.e  système  de  timbales  que  nous  piéconisons,  et 
qui  nous  semble  le  meilleur,  est  celui  dont  nous 
donnons  le  modèle  ci-dessous.  11  a  l'avaiilage  de 
laisser  le  fiM  de  cuivre  entièrement  libre,  c'est-à-dire 
1res  sonore. 

Lorsqu'on  a  la  chance  de  trouver  de  bonnes 
peaux,  bien  égales,  et  pas  trop  épaisses,  on  peut  obte- 
nir une  grande  justesse  de  sons;  par  suite,  les  ondes 
sonores  provenant  des  coups  de  baguettes  peuvent 
se  donner  libre  cours,  elles  ne  sont  pas  interrompues 
par  l'armature  en  fer  et  par  les  engrenages  néces- 
saires dans  tous  les  systèmes  de  timbales  dites 
chromatiques  mécaniques. 


DiinensioiiK  de  <livci-s  iuoiIOIcn  de  timbales 
ù  cercle  dépendant  ou  indépendant. 

On  nomme  timbale  à  cercle  dépendant  celle  dont 
la  peau  est  perforée  à  tous  les  eiulioits  du  cercle 
d'enroulage  où  se  trouvent  des  écrous;  ceux-ci  ser- 
vent à  ajuster  les  clés  au  fût  de  cuivre. 

Ce  système  de  montage  est  très  bon,  mais  il  a 
l'inconvénient  de  laisser  facilement  dévier  la  peau 
de  la  timbale. 

On  nomme  timbale  à  cercle  indépendant  celle 
dont  la  peau  est  montée  sur  un  cercle  d'enroulage  dis- 
tinct du  cercle  à  écrous,  lequel  repose  simplement 
sur  la  peau  de  la  timbale  et  s'ajuste  au  fiU  de  cuivre 
au  moyen  des  clefs. 


Ensemble  de  deux  timbales. 

Les  mesures  des  ditnensions  de  timliaUs  xe  jneni  eut  en  mesurait  te  diamètre  du  cercle. 

(7  clefs).  :"•  Timliale.  5S  cent.  (6  clefs). 

(9    -  ).                -  6i    -  (7    -  ). 

(10    —  ).                —  70    —  (9    —  ). 

(10     —  ).               —  74    —  (9    - 


1"  -Modkl::. 

l'-e  Timliulc. 

ùi  ceiil 

2=        — 

— 

72     — 

30         — 

— 

80    — 

40         _ 

— 

82     — 

Ensemble  de  trois  timbales. 

(Cet  assemblaije  est  le  /itus  usité  pour  un  grand  orchestre.) 

ir?  Timbale  :  80  ccnl.  —  2'-  Timbale  :  70  cent.  —  3<^  Timbale  :  6Î  cent. 


Ifo  Timbale  :  80  cent. 


Ensemble  de  quatre  timbales. 

2<^  Timbale  :  70  cent.  —  3f  Timbale  :  64  cent.  —  4=  Timbale  :  60  cent. 


Fis.  762. 


Souvent,  dans  les  orchestres,  on  n'emploie  que 
deux  timbales,  l'une,  dite  grande  timbale,  sert  à  exé- 
cuter les  sons  graves  compris  entre  les  deux  sui- 
vants : 


l'autre,  dite  petite  timbale,  exécutera  les  sons  compris 
entre  les  deux  extrêmes  suivants  : 


^ 


^= 


On  a  ainsi,  comme  étendue  totale,  pour  l'ensemble 
des  deux  timbales,  un  intervalle  d'octave. 

Lorsqu'on  aura  un  ensemble  de  trois  timbales  : 
\°  Grande  timbale,  du  »n' grave  à  Vut; 


2"  Timbale  moyenne,  du  /a  an  mi; 
3"  Petite  timbale,  du  si'i,  au  fa'i. 


=îîi= 


m 


i 


^m 


(1) 


^ 


^ 


Lorsqu'on-aura  un  ensemble  de  quatre  timbalesj 

io  Grande  timbale,  du  mi  grave  au  do; 

2'J  Grande  timbale,  du  /"«;  au  ré\ 

1"  Petite  timbale  ou  timbale  moyenne,  du  si  au  /■«#: 

t"  Petile  timbale,  du  do  au  /'/b- 


16<I4 


m 


é^ 


(1) 


^J^W 


-=^1 


(0 


ENCYCLOPEDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOS NAlliE  DU  COSSERVATOIHE 

enliei'  citait  1'»^  après  avoir  quille  le  théâtre  de 
rOpéra-Coiniqiie,  où  personne  ne  l'avait  remarqué. 
Ht  ses  déhuts  au  Tln'àtre  Lyrique  de  l'Odéon;  aussi, 
plus  tard,  se  plaisait-il  à  dire  :  «  Adam  était  mon  tim- 
balier [sic).  » 

Semet  (A. -E. -A)  (élève  d'HALÉvï),  compositeur  de  La 
PHite  l'wletle,  opéra-comique  en  trois  actes  (1869), 
fut  longtemps  timbalier  à  l'orchestre  de  l'Opéra. 

Jules  Pasdeloup,  le  fondateur  des  Concerts  popu- 
laires, qu'il  dirigea  pendant  vingt-cinq  années  au 
Cirque  d'hiver,  et  qni  fut  vraiment  le  propagateur  de 
la  musique  classique,  non  seulement  à  Paris,  mais 
même  en  France,  commença  par  être  timbalier. 

Ernest  Glmraud  fut  également  timbalier  à  l'Opéra- 
Comi(|ue. 

Ein.  Paladilhk  (premier  prix  de  Home  en  1850)  ne 
dédaigna  pas  de  blouser  les  timbales. 

Jules  Masse.nkt  fut  timbalier  au  Théâtre  Lyrique 
(de  la  place  du  Châtelet,  direction  Jules  Pasdeloup, 
puis  Léon  Carvalho). 

C'est  une  gloire  pour  les  timbaliers  de  pouvoir 
compter,  comme  ayant  été  un  des  leurs,  un  maître 
de  celle  valeur! 

De  Groot,  chef  d'orchestre  et  compositeur  fort 
estimé,  fut  un  timbalier  des  plus  remarquables. 

Emile  Pessard  (premier  prix  de  Rome  en  1866)  a  été 
timbalier  à  lOpéra,  où  il  sut  se  créer  de  si  grandes 
sympathies,  qu'une  représentation  fut  donnée  en 
son  honneur  lors  de  son  départ  de  l'orchestre. 

Jules  VVeder  était  un  des  meilleurs  accompagna- 
teurs de  Paris;  il  fut  longtemps  timbalier  aux  Con- 
certs populaires  que  dirigeait  Pasdeloup  au  Cirque 
d'Iiiver. 

Emmanuel  Charrier,  compositeur  de  grand  talent, 
que  la  moit  a  enlevé  si  prématurément,  fut  timbalier 
à  la  Société  nationale. 

Désiré  Thibaut,  qui  fut  un  violoniste  remarquable, 
membre  de  la  Société  des  Concerts  du  Conservatoire, 
où  il  devint  deuxième  chef  d'orchestre,  fut  un  des 
derniers  timbaliers  à  cheval  aux  cuirassiers  de  la 
Garde  impéiiale. 

Louis  Varnev  fut  timbalier  au  Théâtre  des  Italiens 
(place  VenladourI;  on  lui  doit  nombre  de  composi- 
tions charmantes  du  répertoire  d'opérette,  entre 
autres  Les  Monsqut'tnires  au  Couvrnl,  etc. 

Vincent  d'Lndy  a  été  di'uxiènie  timbalier  à  l'Asso- 
ciation des   Concerts  du  Chàlelet,  sous  la  direction 

d'Ed.    COLO.N'.NE. 

Paul  HiLLEMACHER  (premier  prix  de  Rome  en  187G) 
était  timbalier  à  l'Opéra-Comique,  où  j'eus  l'honneur 
de  lui  succéder. 

Gabriel  Marie,  aujourd'hui  chef  d'orchestre,  fut 
pendant  quelques  années  timbalier  aux  Concerts 
fondés  par  Lauolreux. 

Lucien  Lambkrt,  compositeur  qui  obtiiit  le  prix  de 
la  ville  de  Paris  avec  Le  Spa/u,  opéra  lyrique  en  trois 
actes  (tiré  du  roman  de  Pierre  Loti)  et  que  le  théâtre 
de  l'Opéra-Comique  a  représenté,  fut  également  lim- 
balier. 

F.  DEaARQL'KTTE,  compositeui' ,  fut  timbalier  au 
Théâtre  des  Italiens,  aux  Concerts  Colonne,  puis  à  la 
Société  des  Concerts  du  Conservatoire,  où  j'ai  eu 
l'honneur  de  lui  succéder. 

La  liste  de  ces  artistes,  si  justement  célèbres,  dé- 
montre sufllsammeiit  combien,  pour  être  timbalier,  il 
faut  éti-e  bon  musisien,  car  l'accord  de  la  timbale 
exige,  chez  le  timbalier,  de  tr-ès  sérieuses  qualités- 
musicales  :  qualités  en  partie  acquises  (connaissance 
approfondie  du  solfège),  —  un  peu  de  pratique  har_ 


Il  fut  un  temps  où  il  n'y  avait  que  peu  de  timba- 
liers. La  raison  en  était  que  peu  d'orclieslres 
comportaient  l'emploi  des  timbales;  mais,  avec  le 
développement  musical,  les  orchestres  ont  pris  de 
l'importance,  et  presque  tous  se  sont  adjoint  ces 
instruments. 

"  De  tous  les  instruments  à  percussion,  écrit 
Berlioz,  les  timbales  me  paraissent  èti'e  le  plus  pré- 
cieux, celui  du  moins  dont  l'usage  est  le  plus  général, 
et  dont  les  compositeurs  modernes  ont  su  tirer  le 
plus  d'elfets  pittoresques  et  dramatiques.  » 

De  nos  jours,  un  orchestre  où  il  n'y  aurait  pas  de 
timbales  serait  considéré  comme  incomplet.  Au 
xviii»  siècle,  blouser  des  timbales  apparaissait  comme 
un  art  secondaire;  de  nos  jours,  c'est  un  art  essen- 
tiellement musical. 

«  Ceci,  continue  Berlioz,  prouve  qu'indépendam- 
ment du  talent  spécial  que  doit  posséder  le  timbalier 
pour'  le  maniement  des  baguettes,  il  doit  être  encore 
excellent  musicien  et  doué  d'une  oreille  d'une 
finesse  extrême.  Voilà  pourquoi  les  bons  timbaliers 
sont  si  rares.  » 


COMPOSITEURS   ET  CHEFS  DDRCHESTRE 
AYANT   ÉTÉ   TIMBALIERS 

Nous  allons,  à  titre  documentaire,  sans  ordre  chro- 
nologique et  simplement  pour  mémoire,  rappeler  les 
noms  des  compositeurs  et  musiciens  de  valeur  qui 
0  1  t    été  timbaliers. 

ScHNEiTzHOEFFËR  fut  timbalier  à  l'Opéra;  c'était 
un  compositeur  de  talent,  à  qui  l'on  doit  nombre  de 
délicieuses  partitions,  notamment  La  Sylphide,  bal- 
let à  grand  speclacle,  qui  resta  longtemps  au  réper- 
toire de  l'Opéra. 

Comme  le  nom  de  Sch.neitzhoefeer  était  assez  diffi- 
cile à  prononcer  et  surtout  à  retenir,  il  disait  sou- 
vent :  «  Appeliez-moi  «  Bertrand  »,  c'est  plus  vite  dit, 
et  l'on  s'en  souvient  mieux.  »  (Sic.) 

HÉROLD  (L.-J.-F.),  célèbre  compositeur  français, 
fut  aussi  un  remarquable  timbalier,  et  fit,  en  cette 
qualité,  partie  de  l'orchestre  de  lOpéra-Comique. 

Hector  Berlioz,  l'immortel  compositeur,  fut,  dans 
les  premières  années  de  sa  carrière  musicale,  tim- 
balier au  Théâtre  des  italiens. 

Adolphe  Adam  fut  timbalier  au  Théâtre  Lyrique  de 
l'Odéon;  Duprez,   le    fameux  ténor  dont  le   monde 


l.  II  va  sans  «lire  que  pour  ces  (>tenJues  piceptiounellus,  il  est 
nécessaire  d'avoir  des  timbales  d'une  fabrication  très  soignée.  Ces 
eiemptes  sont  extraits  de  la  SÎHhoiU  de  timàttles  et  instruments  de 
_percussJo)i  de  Joseph  Bao-'-ers,  Enoch,  éditeur. 


TECILMiJl  E.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDACOC.IE 


LES  TIMBALES,  LE  TAMBOUR    1695 


monii|ue  ne  ruiisaiit  pas,  —  iiialiipie  d'un  anlre  ins- 
truinenl,  piano  ou  violon  de  préfirencp,  —  aplilude 
à  comprendre  et  à  s'assimiler  les  ditléients  rytlimes, 
en  parlie  naturelle,  en  partie  peiTectionnée  par 
l'exercice  —  (oreille  Iri^s  juste,  audition  interne  des 
sons  1res  précise,  faculté  de  discerner  immédialemenl 
un  son  enire  d'autres  sons  concordanls). 

Il  esl,  en  effet,  nécessaire  que  le  timbalier  puisse 
changer  l'accord  tandis  que  l'orclieslie  continue  à 
jouer,  souvent  dans  un  autre  ton,  ce  qui  est  très 
dillicile  pour  un  exécutant  qui  lie  serait  pas  naturel- 
lement (loué  des  qualités  précitées,  ou  qui,  en  étant 
doué,  ne  les  aurait  pas  perfectionnées  par  une  élude 
persévérante. 


LE  TAMBOUU 


Le  tambour  esl  un  instrument  à  timbre  et  n'ayant 
pas  de  son  déterminé.  On  entend  par  timbre,  une 
corde  en  boyau  placée  sur  la  peau  inférieure  du 
tambour  et  dont  la  tension  plus  ou  moins  grande 
permet  de  modilier  le  son  de  l'instrument  (voir  pins 
loin  DfSrri/ition  du  tambour). 

Sa  sonorité  peut  être  rendue  plus  ou  moins  claire 
mais  ne  prend  pas  d'accord. 

Le  mot  litmbour  semble  provenir  de  langues  di- 
verses. 

D'après  certains  auteuis',  il  nous  vient  de  l'élément 
roman  et  dérive  de  la  racine  tab,  adoucissement  de 
tap,  dont  on  a  formé  le  mot  taper,  frapper. 

On  le  fait  dériver  aussi  du  mot  hébreu  topk,  qui 
signifie  également  laper,  frappei';  mais  on  trouve 
aussi  le  mot  tambour,  dans  le  persan  :  tambur,  tam- 
bi'irdk,  tambuk.  tahir. 

Dans  l'arménien,  on  trouve  thembuij,  et  l'on  cite  le 
kurde  taml)ur  (instrument  à  cordes,  genre  de  cislre). 

Dans  l'ii  landais,  on  voit  tabar. 

Kn  langage  l;ymri(iue,  tabirrdd. 

En  langue  sanscrite,  tiip. 

Kn  grec,  tupto. 

En  ancien  slave,  lepsti. 

En  russe,  topali. 

En  polonais,  tapac,  tupuc. 

En  italien,  tambiissare,  ce  qui  signilie  faire  du 
bruit,  laper,  frapper. 

En  vieux  français,  tabourie,  lambuire,  ce  qui  veut 
dire  tapage,  vacarme.  On  disait  aussi  :  tabut,  bruit, 
vacarme,  lubusler:  faire  du  tapage,  frapper,  etc. 

C'est  donc  par  l'assemblage  de  tous  ces  mots  qu'a 
été  formé  le  mot  tambour,  qui,  somme  toute,  a  la 
même  origine  que  les  timbales  et  le  tambour  de 
basque,  c'est-à-dire  qu'il  dérive  du  mot  lijmpanon, 
au  sujet  duquel  nous  avons  donné  des  explications 
en  traitant  de  la  timbale  (voir  plus  haut). 

Les  timbales  et  le  tambour,  ayant  la  môme  origine, 
furent  (comme  emploi)  un  peu  confondus.  Ce  qui  le 
prouve,  c'est  que  certains  auteurs  citent  les  tambours 
comme  ayant  été  en  usage  dans  les  temps  les  plus 
reculés,  et  les  font  figurer  dant  les  descriptions  des 
fêtes  et  guerres  hébra'iques. 


t.  ScHF-Li-iNiî,  Utiiversnl  Lexikon  drr  Totili'unsl. 
Ai-rEMBunG.    Ver^uch   einer  Anîeittuiff  zur  hero'scli  m^isikatjscficn 
Trompeter  uiid  Pauker  kunst. 
^■■.HNEiDEn,  Sistoire  de  la  Musique. 
G.  Kastneu,  Méthode  des  instruments  à  percussion. 
De  LvvBi,  Métltode  des  instruments  0  percussion. 


D'après  nos  reclierclies,  nous  voyons  que  les  ins- 
truments a  percussion  employés  à  ces  époques 
anciennes  n'étaient  ni  des  timbales,  ni  des  tambours 
semblables  à  ceux  de  noire  époque.  C'étaient  d  abord 
de  simples  membranes  de  peau,  tendues  sur  des  cer- 
cles de  bois^;  piiis,  on  forma  diverses  sortes  d'ins- 
truments à  percussion,  auxquels  on  donna  des  nom» 
variant  suivant  les  contrées  d'où  ils  provenaient. 


ORIGINE   ET   HISTORIQUE    DU   TAMBOUR 

Le  tambour  est  d'origine  presque  inconnue,  puis- 
que les  civilisations  les  plus  primi- 
tives ont  employé  des  instruments 
à  percussion. 

Tous  les  peuples  revendiquent 
l'origine  du  tympanon,  qui  devint 
par  la  suite  :  1"  les  timbales;  i°  le 
tambour;  3°  le  tambour  de  basque, 
etc.  Les  rirees.l'altiibuent  aux  Pbiy- 
giens,  les  liomains  aux  Syriens,  etc. 

Ce  que  nous  croyons  pouvoir  aflir- 
mer,  c'est  (|ue  ce  rurent  les  peuples 
d'Orient  qui,  les  premiers,  perlec- 
lionnèrent  ces  insliuments;  et  nous 
reproduisons,  à  l'appui  de  notre 
opinion,  certaines  forma- 
lions  des  premieis  tam- 
bours connus  : 


Fig.  7(33.  —  Tam- 
bour on  terre  cuite- 
dos  K^yptiens  et 
des  Chinuis. 


FiG.  7û  i.  —  Tambour  Fia.  705.  —  Grund  Uiubour  clii- 

à  une  peau  sur  un  chevalet.        nois  à  deux  peaux,  monté  sur 
un  support. 

L'usage  du  tambour  passa  donc  dans  les  coutumes 
de  tous  les  peuples,  et  certainement  cet  instrument  a 
dû  accompagner  les  multiples  migialions  des  peu- 
ples aryens,  venus  du  haut  plateau  de  l'Asie  centrale,. 


Fia.  766.  —  Tambour         Fio.  767.  —  Tambour  égyptieik 


de  l'Océani' 


à  deux  peaux. 


2    Isidore,  Origines,  lib.  II,  c,  21. 


1696 


ENCYCLOPÉDIE  UE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


a.   qui    011  altribae   la    souche    de    luules   les    races 
orii'iitales.  ■     u   i     \ 

Nous  avons  expliqué  (eu  tiailaal  des  timbales) 
comment  furent  formés  les  premiers  instruments  à 
percussion.  Le  seul  point  intéressant  maintenant  est 
de  montrer  les  diverses  formes  qu'a  prises  le  tam- 
bour, et  l'usage  qui  en  a  été  fait  : 


FiG.  768.  —  Tambour 
de  l'Afrique  ceniralo. 


FiG.  769.  —  Grand  lambour 
indien. 


Ainsi  que  l'on  peut  s'en  rendre  compte,  la  forme 
du  tambour  a  varié  suivant  les  contrées  d'où  prove- 
nait l'instrument. 

Nous  pourrions  citer  un  certain  nombre  de  tam- 
bours de  provenances  diverses,  mais  ces  instruments 
à  percussion  n'olTrent  rien  de  particulier  et  sont  à 
peu  près  conformes  à  ceux  que  nous  avons  déjà 
indiqués  en  traitant  de  la  timbale.  Il  nous  faut 
arriver  à  l'époque  où  le  tambour  fut  introduit  dans 
les  armées  framaises,  car,  jusqu'à  cette  époque,  l'ins- 
trument à  percussion  que  l'on  a  par  la  suite  dénommé 
«  le  tambour  »,  suivant  les  anciennes  coutumes, 
ne  servait  qu'à  rythmer  les  chants  et  les  danses,  de 
même  que  les  marches  des  caravanes,  puis  des  bandes 
ou  cohortes  guerrières,  enTin  des  troupes  d'hommes 
armés.  Ce  n'est  que  vers  1515,  sous  le  règne  du  roi 
François  I"-',  que  nous  trouvons  les  premières  ordon- 
nances réglementant  les  tambours  dans  l'armée. 
Jusqu'à  cette  époque,  les  troupes  armées,  suivant 
qu'elles  disposaient  de  capitaux  provenant  des  ran- 
çons de  guerre  ou  autres,  se  faisaient  précéder  de 
divers  tambours  ou  tambourins  (nom  que  l'on  don- 
nait aux  hommes  qui 
. — ^  battaient  le  tambour). 
%^èo3  Aussi,  voyait-ou  cer- 
taines compagnies, 
moins  heureuses,  n'en 
pas  avoir;  de  là,  cer- 
taines rivalités  entre 
soldats. 

Pour  faire  cesser  cet 
état  de  choses,  Fran- 
çois 1"'  réglementa 
l'armée  par  des  ordon- 
nances. Il  accordait 
quatre  tambours  par 
mille  hommes;  cela 
fil  cesser  bien  des  que- 
relles, et  à  partii'  de 
ce  moment,  chaque 
corps  de  troupe  eut  son  nombre  régulier  de  tambours. 
L'histoire  des  tambours  ou  tambourinaires  ne 
commence  vraiment  que  vers  cette  époque,  et  nous 
voyous  divers  faits  héroïques  accomplis  par  les 
tambours  de  régiments.  Aussi,  a-t-on  pu  dire  :  «  Le 
tambour  doit  être  un  brave,  car  il  marche  à  la  tète 
du  régiment,  et  même  au  milieu  de  la  mêlée.  Il  doit, 
par  son  héroïsme,  et  sans  arrêter  de  battre  son 
tambour,  entraîner  les  soldats  au  travers  des  rangs 
ennemis;  l'on  a  vu  souvent  le  tambour  arriver  le 


770. 


premier  sur  le  haut  d'une  forteresse  ou  retranche- 
ment et  s'emparer  même  de  trophées  ou  drapeaux.  » 


Fia.  772. 


FiG.  773. 


L'histoire,  bien  que  gloi  iliant  la  bravoure  des  tam- 
bours ne  nous  rapporte  aucun  fait  intéressant  à  noter 
à  cette  époque. 

Nous  rappellerons  seulement,  pour  mémoire,  que 
sous  Louis  Xlll,  Louis  XIV  et  Louis  XV,  les  mousque- 
taires avaient  des  tambours  dont  ils  étaient  très 
tiers;  aussi,  lorsque  dans  tous  les  corps  de  troupes 
possédant  des  trompettes  ou  adjoignit  des  timbales 
considérées  comme  trophées  glorieux  (puisque  c'était 
aux  ennemis  qu'on  les  prenait),  par  ordee  du  roi,  les 
mousquetaires  ne  furent  pas  autorisés  à  posséder 
des  timbales,  et  furent  forcés  de  garder  des  tam- 
bours, en  souvenir  des  hauts  faits  il'armes  auxquels 


Fia.  77  i. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LES  TIMBALES,  LE  TAMBOUR    1097 


ces  derniers  avaient  contrihué.illuslranl  ainsi  re  corps 
d'élile. 

I. 'usage  du  lamlioiir  était  donc,  à  cette  époque, 
compif'iement  enti'é  dans  les  coutumes  militaires',  et 
maintes  fois  le  lamhoui' joua  un  rôle  imporlant  dans 
la  vie  politi(|iie.  Vn  effet,  souvent  l'on  vil  des  trom- 
pettes et  des  tambours  accompagner  des  parlemen- 
taires de  guerre. 

De  même,  certaines  sommations  faites,  soit  à 
l'ennemi,  soit  à  la  foule,  furent  exécutées  par  des 
roulements  de  tambour.  Rappelons  que  lorsque 
Louis  XVI,  condamné  par  la  Convention  nationale 
à  la  peine  de  mort  et  s'adressant  du  haut  de  l'écha- 
faud  à  la  multitude,  s'écria  :  «  Je  meurs  innocent,  » 
un  roulement  de  tambour  couvrit  sa  voix.  Kdmond 
NEfKOMM,  dans  son  Histoire  de  la  Musique  militaire, 
rapporte  qu'un  Anglais  a  pu  dire  avec  raison  :  «  On 
cherche  ù  rendre  une  armée  impuissante  en  lui  cou- 
pant les  vivies;  moi  je  recommande,  si  jamais  nous 
avons  une  nouvelle  guerre  avec  les  Français,  de  cre- 
ver, autant  que  possitile,  leurs  tambours^.  » 

La  Convention  nationale,  le  Directoire,  puis  le 
Consulat  et  l'Kmpire  ne  tirent  qu'al'lirmer  la  situation 
des  tambours  dans  l'armée. 

Parmi  les  nombreux  faits  de  bravoure  attribués  à 
juste  titre  à  des  tambours,  il  nous  faut  citer  le  petit 
tambour  qui.  le  premier,  traversa  le  pont  h  la  bataille 
d'Arcole. 

f"  On  sait  que  Bonaparte,  afin  de  récompenser  des 
ofticiers  ou  des  soldats  ayant  montré  une  grande 
bravoure  dans  les  combats,  avait  coutume  d'ott'rir  à 
ces  braves,  soit  un  sabre,  soit  un  fusil  d'honneur. 

Or,  il  en  fit  de  mi?me  pour  certains  tambours  qu'il 
honora  d'un  tambour  d'honneur. 

11  existe  ceitainement  encore  d'autres  actes  glo- 
rieux à  l'actif  des  tambours,  mais  comme  ils  ne  se 
rapportent  pas  à  des  faits  historiques,  nous  n'avons 
pas  à  les  mentionner  ici^. 

Les  règnes  de  Louis  XVIII,  Charles  X,  Louis-Phi- 
lippe, la  République  de  1848  et  le  règne  de  Napo- 
léon m  ne  fournirent  rien  de  particulier  à  noter  sur 
les  tambours,  si  ce  n'est  au  point  de  vue  de  la  trans- 
formation de  l'instrument. 

Après  avoir  fait  l'historique  des  tambours  dans 
l'armée,  il  nous  reste  à  parler  des  diverses  phases 
de  la  transformation  du  tambour,  dans  sa  forme, 
son  montage,  etc.,  de  son  emploi  dans  la  musique 
syir.plioniqiie  ou  théâtrale  et  de  la  manière  de  noter 
toutes  les  liatteries;  nous  rappellerons  aussi  certains 
proverbes  se  rapportant  au  tambour,  etc. 


l.  L(?  P.  MpHcsTniEn,  Des  liepri^sentalions  en  nvsiqtte  nncienncs  e'. 
modernes,  l'aris,  16?  I)  :  «  Le  lamljoiir  esl  non  seulement  d'un  graud 
seoours  dans  les  armées  pour  ta  marche  des  fantassin",  servant  de 
signe  pour  déloger,  pour  rnarclier,  pour  se  retirer,  pour  s'assembtf^r 
et  pour  tes  aiiti-es  rommandements  qu'il  serait  difiicite  de  porter  par- 
tout en  même  temps,  et  île  les  faire  entendre  de  tant  de  personnes 
sans  ce  seconr-:*.  mais  il  anime  les  soldats  et  leur  donne  du  cœur 
quand  il  faut  rhoqucr  l'ennemi  et  le  combattre.  Les  trompettes,  les 
lymbales,  les  hautbois  font  à  peu  près  le  môme  elfet.  Le  battement 
des  lymbales,  qui  tient  du  trépi^nenientet  de  la  marche  des  chevaux, 
fait  aussi  que  ces  animaux  mar<  hent  avec  une  fierté  plus  noble,  n 

i:  E.  Neukomm,  Inco  cil.,  Paris,  1889,  pp.  7  et  8. 

3.'  Les  documents  et  citations  faites  sur  les  tambours  proviennent 
des  ouvrages  suivants  : 

E.  Bontaire,  L' Institution  militaire  de  la  France  acant  les  armées 
permanentes, 

L.  tturieui,  L'Armée  en  France^ 

A.  Datly,  La  France  mitilaire, 

Jacquemin,  Histoiregéuérnle ducostumecivil,  religîeuxet  militaire. 

L'i'.^popée  du  costume  militaire  français,  illustrée  par  Job. 

L'Armée  à  travers  les  âges. 

Uiibellav,  Hègtement  de  t'armée  en  France. 

Pascal, _  Hint'Are  de  l'armée  française,  etc. 

Cofiyrighl  hy  Lihrairie  Delagrave,  I9Î6. 


Le  tambour  est  un  instrument  à  timbre  unique. 
Il  ne  demande  qu'un  apprentissage  mécanique  pour 
le  maniement  des  baguettes,  etc.  Par  une  anomalie 
curieuse,  en  France,  on  dénomme  celui  qui  bat  du 
tambour,  du  même  nom  que  l'instrument  {un  tam- 
bour); il  en  esl  de  même  pour  certains  instruments 
de  musique  et  leurs  instrumentistes,  tels  le  piston, 
le  trombone. 

Nous  devons  reconnaître  qu'il  n'en  est  pas  de  même 
dans  les  autres  pays;  ainsi,  en  Allemagne,  on  dit  en 
parlant  de  l'instrument  :  eine  Trommel  (un  tambour), 
et  en  désignant  l'instrumentiste  :  ein  Trommehchldger 
(un  batteur  de  tambour). 

Cependant,  dans  les  Pyrénées,  on  nomme  iamfiou- 
rinaires  ceux  qui  jouent  du  guloubel  et  frappent  un 
genre  de  tambourin,  dont  il  sera  question  un  peu 
plus  loin  dans  cet  article. 

Nous  noierons  que  le  tambour  fit  sa  première 
apparition  à  l'Opéra  en  I70G,  dans  la  fameuse  tem- 
pête du  4«  acte  de  l'opéra  d'Alcyone,  du  violiste  Marin 
Marais.  On  entendait  là  une  imitation  du  gronde- 
ment du  tonnerre,  réalisée  par  les  roulements  pro- 
longés de  tambours  à  baguettes,  qui  doutdaient  la 
basse  d'accompagnement'*. 


Différents  modèles  de  tnniiionrs  ayant  élë 
en  osage  dans  l'armée. 


Fii^.  775.  —  Caisse  en  cuivre 
danoise,  repoussée  et  ciselée, 
du  rè^îne  de  Christian  V. 


FiG.  776.  —  Caisse  en  bois 

d'un  régiment  d'arllllerie 

sous  Louis  XIV. 


Fin.  777.  —  Tambour  russe         Fio.  77S.  —  Caisse  en  bois 
prisa  .Sébastopol.  de  la  milice  brabanfonne  (1742), 


FiG.  779.  —  Caisse  roulante 
à  tringles. 


Fia.  ':M.  —  T.-iri,lle 


t.  A.  CuoDQDET,  Bistoire  de  In  musique  drivnalinue  en  France 
i«T3,  p.  123.  • 

107 


1698 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTFONNAIRE  DU  CONSEliVATOIRE 


FiG.  781.  —  TaroUc. 


FiG.  782.  —  Caisse  claire 
à  tringles. 


Fiu.  783. 
Tambonr  à  timbre. 


Fia.  784.  —  Tambour 

des  Gardes  françaises 

sous  Louis  XVI. 


Si  de  nos  jours  le  tambour,  instrument  guerrier 
par  excellence,  est  toujours  en  usage  dans  l'armée, 
il  n'eu  est  pas  moins  utilisé  par  la  musique  orches- 
trale, el  nombre  de  compositions  musicales  compor- 
tent l'emploi  d'une  importante  partie  de  lambour. 

Il  ne  suffit  donc  pas  d'un  batteur  de  tambour 
connaissant  simplement  les  batteries  en  usage  dans 
les  régiments,  mais  il  faut  un  mucisien  sachant 
battre  du  tambour,  el  étant  capable  de  battre  tous 
les  rythmes  écrits  musicalement. 

En  principe,  l'artisle  chargé  dans  un  orchestre  de 
battre  le  tambour  doit  être  suffisamment  musicien 
(s'il  n'est  même  timbalier);  il  doit  pouvoir  jouer  de 
tous  les  instruments  dénommés  accessoires  à' orchestre 
ou  de  batterie. 


DESCRIPTION   DU  TAMBOUR 

Les  parties  essentielles  dont  se  compose  un  tani- 
boui-  sont  les  suivantes  : 

1"  Le  fût,  toujours  cylindrique,   en  cuivre  cerch- 
de  fer,  à  l'intérieur,  afin  de  résisler  à  la  tension  de 
la  corde; 

2"  Deux  cercles  en  bois, 
placés  aux  extrémités  des 
fûts  par  où  passe  le  timbre; 
3°  Les  cercles  d'enroulage, 
plus  petits,  pour  les  peaux; 
4»  La  corde,  qui  doit  être 
de  bonne  qualité;  elle  est 
généralement  filée  en  six 
brins; 

5°  Le  pontet,  petite  pièce 
en  cuivre  où  passe  : 

6"  Le  pas  de  vis  du  pontet, 

qui  sert  à  tendre  le  timbre; 

7»  Le  crochet  du  pontet  où  s'accroche  le  timbre; 

8"  Le  timbre,  corde  en  boyau  qui,  par  sa  tension 

plus  ou   moins  grande,  donne  au    son   du   tambour 

un  éclat  différent;  sans  le  timbre,  en  effet,  le  son  du 

ambour  est  bref,  sourd,  et  sans  mordant.  La  corde 


Fifi.  785.  —  T;imbour 
muni  du  timbre. 


en  boyau  qui  lorme  le  timbre  se  plie  généralement 
en  double;  quelquefois  aussi,  on  emploie  deux  cordes- 
pliées  en  double,  ce  qui  en  représente  réellement 
quatre  touchant  la  peau,  et  donnant  une  sonorité 
plus  grande; 

9°  Les  peaux  :  la  peau  supérieure  se  nomme  ■peau 
de  batterie,  l'inlérieure  ^leau  de  timbre. 

Les  peaux  employées  sont  généralement  des  peaux 
de  veau;  leur  choix  a  une  grande  importance  et 
doit  èlre  fait  tiés  soigneusement,  la  peau  de  timbre 
étant  toujours  plus  fine  que  la  peau  de  batterie; 

10"  Les  tiranls  :  ce  sont  des  sortes  de  coulants 
tronc-coniques,  enserrant  la  corde  extérieure  du  fût, 
faits  en  grosse  peau  et  qui  servent  à  régler  la  tension 
du  fût;  réglementairement,  un  tambour  comporte 
onze  tirants. 

En  Allemagne  et  en  Angleterre,  on  fabrique  un 
genre  de  tambour  que  l'on  désigne  sous  le  nom  de 
larollc ;  cet  instrument  a  le  même  diamètre  que  le 
modèle  ci-dessus,  mais  il  est  moins  haut.  C'est 
pourquoi  on  le  nomme  caisse  plate.  On  a  essayé 
d'introduire  ce  genre  de  tambour  dans  les  corps  de 
musiipie  français,  mais  la  sonorilé  en  fut  trouvée 
trop  criarde,  car  cet  inslrumeni  a  le 
timbre  d'une  crécelle. 

Les  meilleures  baguettes  de  lambour 
se  font  en  bois  d'ébène  ;  toutefois,  on 
en  fait  en  d'autres  essences  de  bois, 
plus  légères  ;  ce  sont  là  des  exceptions 
justifiées  par  des  préférences  person- 
nelles ou  par  des  questions  de  mains. 

Les  diverses  parties  dont  se  compose 
une  baguetle  se  nomment  : 

{"  L'olive,  extrémité  de  la  baguette 
avec  laquelle  on  frappe  sur  la  peau; 

2»  Le  corps  de  baguette; 


3o  Embout  en  mêlai  servant  de  gar- 


Fto.  7S6. 

Baguettes 

de  tambour. 


niture  à  l'extrémité  de  la  baguette  op- 
posée à  l'olive.  (Ces  embouts  ne  sont 
pas  obligatoires.) 

Lorsque  l'on  joue  du  tambour  en  marchant,  oiv 
porte  l'instrument  à  l'aide  d'un  collier  de  cuir  passé 
en  écliarpe  sur  l'épaule  droite;  le  tambour  est  fixé 
au  collier  par  une  sorte  de  petit  cube  en  peau  que 
l'on  passe  entre  la  corde  du  tambour  et  le  cercle, 
ce  qui  maintient  le  fût  dans  la  position  voulue.  Ce 
cube  est  lui-même  fixé  au  collier  par  une  petile  patte 
en  cuir  appelée  lanière,  à  l'exlrémité  de  la(|uelle  il 
est  cousu. 

I.e  collier  porte  à  sa  partie  antérieure  une  pièce- 


FlG.788. 


TECU.XIQIE,  ESTIIETIQVE  ET  PÉDAGOGIE 


LES  TIMBALES,  LE  TAMBOUR    1G'J3 


en  cuivre  renfermant  deux  douilles  où  se  passent 
les  baguelles  lorsque  Ton  ne  joue  point. 

Afin  d'éviler  l'usure  du  pantalon  due  au  frotte- 
ment produit  par  le  mouvement  répété  de  va-et-vient 
de  la  caisse,  on  se  sert  généralement  d'une  cuissièrc  : 
cette  caissière,  surtout  usitée  dans  l'armée,  se  com- 
pose d'une  sorle  de  petit  tablier  en  cuir;  on  la  fixe 
autour  du  corps  à  l'aide 
d'une  courroie  passée  à  la 
ceinture,  et  deux  autres 
courroies  plus  petites  la 
maintiennent  sur  la  cuisse 
j-'auche. 

Pour  les  tambours  en 
marclie  et  aflii  de  les  repo- 
ser du  poids  du  tambour, 
au  cercle  du  timbre  l'on 
agrafe  une  liride. 

Cette    bride    permet    de 

suspendre    le    tambour    à 

l'épaule,    tout    comme    le 

soldat   passe   son   fusil  en 

bandoulière.   Dans   les    orchestres,   le   tambour  se 

pose  sur  un  chevalet  en  bois  en  l'orme  d'X. 


FiG.  7S9. 


MANIÈRE   DE  JOUER   DU   TAMBOUR 

Pour  battre  du  tambour,  on  suspend  la  caisse  par 
un  crochet  à  un  collier  que  l'on  passe  en  écbarpe  sur 
l'épaule  droite. 

La  caisse  doit  être  placée  sur  le  milieu  de  la  cuisse 
gauche,  de  façon  à  ne  pas  gêner  la  marche. 

Des  baguettes.  —  La  main  droite  tient  la  baguette 
à  pleine  main,  l'embout  de  cuivre  ressoitant  vers  la 
droite,  à  deux  ou  tiois  centimètres  au  plus  de  la 
paume. 

De  la  main  gauche,  on  la  saisit  entre  le  pouce  et  les 
deux  premiers  doigts  (vers  la  deuxième  phalange  en 
la  laissant  reposer-  légèrement  sur  les  deux  autres 
doigts  que  l'ou  tient  à  plat  sur  la  paume  de  la  main, 
de  façon  que  l'embout  de  cuivre  ressorte  entièrement). 

Le  roulement  étant  la  base  de  la  batterie  du  tam- 
bour, l'exercice  principal,  pour  arriver  à  l'exécuter, 
consiste  à  l'aire  ce  que  l'on  nomme  le  papa-maman. 

En  musique,  la  partie  de  tambour  se  note  en  clef 
de  sol. 

Le  d  placé  sur  la  note  indique  que  le  coup  doit 
être  frappé  de  la  main  droite. 

Le  g  indique  la  main  gauche  : 


^ 


D        D 


^ 


n    D 


pa  .  pa    ma  .  man 


^ 


D       D 


m 


D      D 


p  p  ;:  »  '  p  p  P! 


^ 


En  accélérant  ce  mouvement,  on  arrive  à  faire  le 
roulement,  qui,  musicalement,  se  note  ainsi  : 


livent 


D'après  leur  nature,  les  coups  de  baguette  reço 
les  dénominations  suivantes.: 

1°  coup  simple; 

2°  fia; 

3°  coup  de  charge; 

4°  coup  anglais; 

3»  ra; 

6°  rigaudon; 

7°  coups  coulés  ou  roulés,  coups  ratés-sautes,  coups 
frisés,  coups  frist's-saittés. 

Des  batteries.  —  Il  existe,  pour  l'armée,  des  batte- 
ries dites  d'ordonnance  et  réylenientaires. 


Ces  batteries  sont  l'assemblage  de  divers  coups  de 
baguettes  donnés  suivant  les  indications  ci-dessus. 

On  s'habitue  fort  bien  à  les  reconnaîlre,  et  les 
jeunes  soldats  même,  au  bout  de  quelques  jours  de 
caseï  ne,  ne  s'y  trompent  pas. 

C'est  dans  une  ordonnance  signée  de  Louis  XIV 
et  datée  du  10  juillet  1670,  qu'il  est  question,  pour 
la  première  fois,  de  La  Générale  :  «  Sa  Majesté  a  or- 
donné et  ordonne,  veut  et  entend  que,  lorsque,  dans 
une  armée,  il  y  aura  ordre  de  faire  marclier'toule 
l'infanterie,  on  commence  à  battre  le  premier  par  la 
batterie  nouvellement  ordonnée  par  Sa  Majesté,  que 
l'on  appelle  La  Ginérak.  »  Voici,  maintenant,  l'ex- 
plication de  quelques-unes  des  batteries  en  usage. 

Toutes  les  batteries  de  tambour  en  usage  dans 
l'armée  ont  été  notées  musicalement,  et  on  en  trouve 
la  notation  et  explication  dans  la  Méthode  de  tambour 
(J.  Baggers,  Enoch  et  C'°).  Nous  allons  cependant,  à 
titre  documentaire,  signaler  les  batteries  les  plus 
importantes  : 


La  Diane  ou  Réveil-matin.  —  D'après  la  raytliologie,  Diane  quittaitl'Olympe  dès  le  levei'  de  l'aurore,  pour  courir  à  la  chasse  ■ 
c'est  donc  par  asslmilaliou  que  l'un  a  donné  le  nom  de  Diane  à  la  batterie  qui  annonce  le  lever  du  jour,  ou  Réveil-matin  : 


m 


m.  m 


P  ^F    P=r 


* 


-j^j.  n\.  .  ^ 


p -p-P  f— l^TJ^  P^ 


■=m^ 


%  -P  -^  p  ^  g 


1700  EXCrCLdPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 

Le  Mess.  —  Cercle  où  les  officiers  se  réunissent  et  prennent  ensemble  leurs  repas.  Pour  indiquer  chaque  jour  aux  olficiers  que 
l'heure  de  la  réunion  est  sonnée,  on  fait  une  batterie  que  l'on  désigne  sous  le  nom  de  mess  : 


-l'ï    ÏÏ^^ii\^^i^^^\l^i^\l^ii\^^ir^^: 


J'y  .im^^  \^^-i  >  \ïïf\^  >  >  \Tm^^,  h^\^.  ,nn,\Tm 


? 


^ 


^ 


^iij['^  j:^  \t^  ^m^=^m^=t=f=^ 


La  Retraite.  —  Batterie  que  l'on  exécute  le  soir,  h  l'heure  du  coucher,  dérivant  de  l'expression  :  battre  eu  retraite,  se  retirer  ; 


p4^  ir^  1^1  ^r-^M^-r  *  \h^h 


^^ 


p 


ffi 


JL J<.,  Ji.   iJ^.     ,    ^ 


r^F^i7  Yxr-r'^'\'\  '  -Il 


Le  Rigaudon  ou  Rigodon.  —  Batterie  que  l'on  exécute  dans  le  service  militaire  à  l'occasion  d'une  réjouissance  (aussi  pourrait- 
on  l'appeler  Uatlerie  de  Foie). 

Le  Risaudon  ou  Rigodon  est  une  danse  ancienne,  d'un  mouvement  vif,  sur  un  air  à  deux  temps;  c'est  donc  par  similitude  que 
l'on  a  donné  le  nom  de  Rigaudon  à  une  batterie  vive  et  animée  : 

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^ffl^,.^-,.^^  I  ^  nfj^.  [M 


ir 


^^^^^^m 


JÏÏTïm       \ÏÏTï.^l..-.rM 


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M 


=M-.    iM 


P 


mr[^   \ïïm,  m. 


^^^m 


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"F" 


F=Hg^ 


ïï\.     .fn.     I     ,ïïï.     fr^r-\.Tlf.     .ÏÏ) 


^^^=H^H^^"P'P"PP-^P'P 


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-^ 


ïï^.  .  ïï]. 


m,  .  m^ 


^)  ^^^P  p  -î^  '  P  -rrr-^ 


f-^i^» 


^ 


p   p  -p   I  r,  fflrr"fr%1=^^^fPl=|1=^ 


-S].  ff\,  .iT^.  \ .  m 


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^^a htejj 


f.  -"f  fi  ^-^^fr^f^^rr^rrr^ 


p 


,    La  Chamade.  —  Batterie  que  l'on  exécute  pour  avertir  que  l'on  veut  traiter  avec  l'ennemi,  que  l'on  se  rend,  que  l'on  cède;  de 
livient  l'expression  populaire  de  :  mon  cœur  bat  la  chamade,  synonyme  de  :  mon  cœur  se  donne  à  celle  que  j'aime  : 


^^^:,^^)^4,^^J^m^h^.^^^^^^f^î^ 


Battre  la  charge.  —  Batterie  que  l'on  exécute  pour  entraîner  les  soldats  au  moment  de  monter  à  l'assaut  d'une  forteresse  ou 
de  remparts,  charger  l'ennemi,  tomber  sur  un  adversaire,  afin  de  le  mettre  hors  de  combat  : 


^^-.^^^^^^-^-^i,^^^^]^^   ,-Jl.  I   ,-X   ,~X  I  .-fe^^T^^^:^ 


^m 


f  r"  r^r'  r 


TECHNIOVE,  ESTIIÉI  inlE  et  l'ÈDACOCIE 


LES  TIMBALES,  LE  TAMBOUR    1701 


Le  Rappel.  —  Batleiie  que  l'on  exi'rulc  pour  appeler  ou  rappeler  N'S  solda's  à  repremlre  la  formation  de  <;roupe  ou  de  ligne  : 


m 


^.MJ^^h^m^K-\K^w^,r^-^r^^^w^ 


m 


f^  i  -H 


ïg^p^^^i^ 


E^ 


Battre  aux  champs.  —  Batterie  que  l'on  exécute  pour  l'arrivi'e  d'un  chef  supérieur.  D'après  la  mythologie,  Mars,  dieu  de  la 
guerre,  dispos.iii  dans  l'ulvmpe  de  vastes  champs  où  les  soldats  venaient  combattre;  de  là  vient  l'expression  battre  aux  champs, 
pour  battre  dans  les  champs  de  Mars  : 


^ 


-i—t^    i    I  J!p-^p  h    i    i^p    i  h  ^ 


K  K  h=t     1^^  K  K     i     |P,p  jp  jp    ^_^ 


Le  Ban.  —  Balterie  que  l'on  exécute  lorsqu'un  chef  vient  faire  une  proclamation.  '<  Ouvrez  le  ban!  Fermez  le  I>aa!  »  D'aprè» 
certains  auteur'î  anv^ion:^,  cett"  expression  serait  une  alirtWiation  du  m:it  l'an'jucl,  qui,  suivatit  la  mythologie,  signifie  :  le  banquet 
des  dieux,  o'j  Jupiter,  le  dieu  di^s  dieux,  avait  seul  1»*  droit  -le  parler,  et  le  banquet,  notait  ri)mplet  que  lorsque  Jupiter  le  présidait  '• 


ji^r^^£r-4ipjj^.4JHHrw^ 


^ 


h-^^K  >.  iJi.  J,  Ji.  \Kri^.K  .  iJi.  KK  K  \^ 


^f^rr^p  r-r  ^-r  ^wf  -rr  '  i-r  -p^r^^^f-^ 


jp^.p  |£^  v^f^Jf  ^pêp  IJ^-  jp,f  £^j!^^^ 


La  Berloque  ou  Breloque.  —  Batterie  dont  le  rythme  est  brisé,  et  que  l'on  exécute  pour  indiquer  la  dislocation  d'un  corps 
de  troupe  ;  ballre  la  Brelociue.  aller  à  la  dérive,  OJ  l'on  veut,  comme  l'on  peut,  sans  ordre  précis,  au  hasai'd  : 


^ 


'i-^-^^ntm^î^  r  M  r  '-tn\  r'î^n^' 


m. 


± 


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0   ,ÏÏJl* 


^fe 


^.J^.  I .  K 


^s 


p^pir^pr  pir  ^^p^-pir^-pr  pir^ 


Il  existe,  naturellement,  d'antres  batteries  en  usage 
dans  l'armée,  do;it  la  dénomination  est  en  rapport 
avec  le  commandement  que  l'on  veut  faire  exécuter. 
Nous  ne  pouvons  les  donner  toutes. 

«  Avoir  été  battu  comme  un  tambour!  »  est  nue 
expression  soldatesque  dont  voici  l'origine  :  le 
tambour  sur  lequel  on  frappe  pour  lui  faire  rendre 
le  plus  de  son  ou  de  bruit  possible,  ne  peut  s'i-n 
défendre,  puisijue  c'est  une  cbose!  Or,  par  assimi- 
lation, lorsqu'un  adversaire  a  perdu  la  partie,  l'enjeu 
ou  la  bataille,  sans  espoir  de  retour,  on  dit  :  «  Je  l'ai 
battu  comme  un  tambour!  »  ou  :  «  Vous  avez  été 
battu  comme  un  tambour!  »  Cela  est  synonyme  de 
«  battre  à  plat  de  couture  »,  par  analogie  avec  deu.x 
morceaux  d'étoffe  que  l'on  coud  ensemlile  et  que 
l'on  écrase  avec  un  fer,  afin  de  rendre  la  coulure 
invisilile  :  «  battre  à  plat  de  couture  ou  à  plate  cou- 
ture, avoir  été  battu  à  plate  coulure,  »  c'est-à-dire 
avoir  perdu,  être  en  déroute,  etc.,  synonyme  de 
il  ne  reste  plus  rien,  ou  1  on  ne  voit  plus  rien. 

L'expression    de    «     tambour    battant    «    signifie 


mener  les  choses  vivement,  par  analogie  avec  les  mul- 
tiples coups  de  baguettes  que  .l'on  donne  en  battant 
du  tambour  et  avec  la  célérité  qu'il  faut  apporter 
pour  exécuter  certaines  batteries. 

L'expression  «  partir  sans  tambour  ni  trompette» 
est  synonyme  de  s'en  aller  sans  être, vu  ni  entendu. 

Si  le  mot  tambour  a  pris  place  dans  certaines 
expressions  de  la  langue  française,  l'instruinent  a  été 
aussi  employé  dans  certaines  armoiries;  c'est  ainsi 
que  Beaumarchais,  le  spirituel  auteur  du  Barbier  de 
Sévill'-  et  du  Mariage  de  Figaro,  l'avait  fait  graver 
sur  son  blason  avec  la  devise  :  «  Silet  nisi  percussus.  »■ 

Le  tain')o::i--:ii:ijor. 

Chef  des  tambours,  ayant  un  grade  équivalent  à 
celui  de  sergent-major,  le  tambour-mnjor  e.ii  loujours 
un  homme  de  grande  taille.  L'oiigine  de  sa  fonction 
donne  la  raison  de  cette  particularité. 

Avant  tout,  il  nous  faut  déclarer  qu'au  tera;)s  des 
tambourins,  employés  dans  les  bandes  de  h'rançois  \" 


i:o2 


ESC)  CLOPÉOIE  DE  lA  MIS/nCE  ET  DICTIOSN AIRE  DU  CONSERVATOIRE 


et  de  Henri  II,  il  n'esl  point  queslioii  de  tambour- 
major,  sauf  chez  Du  Bellay.  Son  origine  est  donc 
relativement  récente. 

Guillaume  Du  Bellay,  qui  fut  un  des  meilleurs 
généraux  de  François  I",  dans  son  projet  d'organi- 
sation (les  armées,  explique  ainsi  la  dénomination  el 
la  fonction  de  lamliour-niajor  :  «  C'est  une  expression 
descriptive,  et  non  une  qualification  légale.  Le  tam- 
bourin-major doit  élre  près  du  collonnel  (sî'c),  pour 
crier  soudainement  sa  volonté.  » 

Au  xvnc  siècle,  le  chef  des  tambours  perlait  le 
nom  de  tambour-colonel  ou  de  tambour-général. 

Si  l'emploi  de  lambour-major  (sous  quelque  appel- 
lation que  ce  soit)  est  relativement  de  création 
récente,  en  comparaison  de  l'origine  antique  du 
tambour,  la  raison  en  est  simple.  C'est  que  le  tam- 
bour primitif  ne  servait  qu'à  faire  du  bruit  et  à 
accompagner  par  des  coups  répétés,  afin  de  les  ryth- 
mer, les  chants,  danses  ou  mélopées  asialiques  en 
usage  dans  les  caravanes  ou  tribus  guerrières  qui 
marchaient  sans  discipline. 

Ce  ne  fut  donc  que  peu  à  peu,  la  civilisation 
entrant  dans  les  mœurs,  les  cohortes  barbares  deve- 
nant des  légions,  puis  des  armées  régulières  et  disci- 
plinées, que  chaque  compagnie  d'hommes  armés  fut 
autorisée  à  posséder  un  tambour.  Aussi,  lorsque  ces 
compagnies  furent  formées  en  bataillons  el  les  batail- 
lons en  régiments,  la  réunion  des  tambours  serait 
devenue  une  véritable  mêlée,  sans  la  ciéation  de  chefs 
tamb'iurs,  dont,  selon  toute  apparence,  l'emploi  et 
le  titre  ne  furent  établis  q'ie  vers  le  xviie  siècle. 

L'ordonnance  de  Poitiers  du  4  novembre  I60I  leur 
donna  le  nom  de  tambour-major. 

Le  bâton  que  les  tambours-majors  portaient»  pour 
chAlier  leurs  subordonnés  »  n'avait  que  cette  seule 
destination. 

Depuis  le  milieu  du  siècle  passé,  le  bâton  à  châtier 
est  devenu  une  longue  canne  à  chaîne,  à  grosse 
pomme  et  à  bout  argenté  et  doré.  Elle  ne  sert  plus 
qu'à  faire  les  signaux. 

EnillSe,  les  tambours-majors  furentattifés  de  façon 
grotesque  et  surchaigés  de  cordeliéies.écussons,  nids 
d'hirondelles,  galons,  etc.  Le  luxe  fut  poussé  encore 
à  l'extrême  sous  le  Directoire,  ainsi  que  sous  le  Con- 
sulat et  l'Empire. 

Sous  la  Restauration,  on  exagéra  encore  davantage 
en  faisant  du  tambour-major  un  personnage  accoutré 
en  charlatan. 

11  en  fut  a  peu  prés  de  même  sous  Louis-Philippe. 

Avec  la  Uépuhlique  de  1848,  la  débauche  d'orne- 
mentation tomba  un  peu,  mais,  sous  le  règne  de 
Napoléon  III,  lors  de  l'établissement  des  ré;;iments 
de  la  Carde  impériale, la  fiénésie  des  dorures  et  cha- 
marrures reprit  de  plus  belle,  et,  quoique  la  coupe 
du  vêtement  se  lut  modifiée,  le  lambour-major  n'en 
resta  pas  moins  un  objet  de  parade. 

La  guerre  de  1870  et  ses  conséquences  entraînant 
la  chute  de  l'Empire,  mirent  lin  à  tout  le  luxe  des 
parades  milii aiies. 

Le  tambour-major  subsiste  toujours,  mais  il  e*t 
vêtu  comme  tous  les  sergents-majors  du  régiment; 
seule,  la  canne  est  restée  en  usage.  Contrairement  à 
ce  que  l'on  croit,  la  canne  n'est  pas  un  simple  objet 
d'apparat;  elle  sert  au  tambom-major  pour  guider 
les  tambours,  et  leur  indiquer  les  batteries,  de 
même  pour  tourner  à  dioite  et  à  gauche,  afin  que 
tous  les  tambours  et  clairons  marchent  bien  sur  une 
seule  ligne,  etc. 

Chaque  mouvement  de  canne  produit  un  change- 


ment dans  la  batterie  et  devient  un  signal  pour  les 
soldats. 

On  trouvera,  dans  la  Méthode  dont  il  a  été  parlé, 
toutes  les  instructions  relatives  au  maniement  de  la 
canne,  pour  faire  exécuter  les  différents  commande- 
ments. 

Le  tambour-maître,  sous-chef  des  tambours,  a  le 
grade  de  caporal.  Il  est  chargé  de  dresser  les  élèves 
tambours,  et  prend  le  commandement  des  tambours 
et  clairons  en  l'absence  du  tambour-major. 


INSTRUMENTS  DE  FANTAISIE 
INTRODUITS  DANS  LES  ORCHESTRES 


Tainboiiriii. 

L'étyraologie  et  l'origine  du  tambourin  sont  les 
mêmes  que  celles  du  tambour. 

Le  tambourin  ou  tambour  de  Provence,  allabale 
des  Maures,  adopté  en  Europe  pour  la  cavalerie,  est, 
comme  forme,  plus  long  et  moins  large  que  le  tam- 
boui-;  on  le  percute  de  la  main  droite  avec  une  petite 
baguette  de  bois  en  frappant  sui'  la  corde  du  timbre 
placée  (contrairement  au  tambour)  sur  la  peau  de 
iiatterie.  De  cette  façon,  le  tambourin  rend  une  sono- 
rité sourde  un  peu  nasillarde  ;  les  lamliourinaires 
de  Provence  jouent,  en  même  temps,  d'une  sorte  de 
flageolet  (le  galoubet),  qu'ils  manient  de  la  main 
gauche. 

Cet  instrument,  dont  l'origine  est  des  plus  ancien- 
nes, est  resté  surtout  en  usage  dans  les  pays  basques 
et  provençaux.  C'est  pourquoi  on  le  désigne  le  plus 
souvent  comme  tambourin  provençal,  ou  tambvur  de 
Provence. 

Ainsi  que  pour  tous  les  instruments  à  percussion, 
il  existe  des  tarabouiins  de  diverses  provenances  : 


FiG.  790.  —  Tambourin 
de  l'Afrique  centrale. 


Fia.  79).  —  Tambourin  chinol» 
(Iling-Kou). 


Piirnii  les  genres  de  tambourins,  on  cite  encore 
Vhuiliui'll,  tambour  ou  tambourin  mexicain;  Vomerti, 
tambour  ou  tambourin  indien,  etc. 

C'est  en  étudiant  tous  ces  tamlioiirins  de  diverses 
origines,  que  l'on  est  arrivé  à  établir  le  tambourin 
moderne,  toujours  en  usage  en  Piovence,  et  utilisé 
aussi  dans  queli|iies  compositions  musicales  de  ca- 
ractère pittoresque  : 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉnAGOGlE 


LES  TIMBALES,  LE  TAMBOUR    1703 


FiG.  792.  —  Tambourin        Fiii.  793.  —  Tambourin  moderne 
mauresque.  actuellement  en  usage. 

11  existe  un  vieux  proverbe  français  : 

«  Ce  qui  vient  de  la  flûte,  s'en  va  par  le  tambour.» 

En  voici  l'explication  : 

Au  moyen  âge,  le  joueur  Je  tambourin  battait 
d'une  main  l'instrument  pendu  à  son  côté  par  une 
courroie,  et,  de  l'autre,  tenait  une  Hûte  dont  il  jouait. 
Cette  coutume  était  ti-lle,  que  le  mot  tnbourin,  ou 
tambourin,  exprimait  l'union  des  deux  instruments; 
aussi,  le  musicien  qui  jouait  en  même  temps  de  la 
flûte  etdutiimliourin  a  été  successivement  dénommé 
tabonoT,  tuboureur,  tabourneur,  tabourineur  et  tam- 
bourineur. 

C'est  en  raison  de  cet  assemblage,  qui  faisait  que 
l'on  n'entendait  jamais  la  flûte  sans  entendre  le  tam- 
bouiin,  el  qu'un  rythme  commencé  par  la  flûte  repas- 
sait de  suii,e  au  tambourin  et  vice  versa,  que  le  pro- 
verbe naquit  par  le  jeu  de  l'analogie.  On  exprimait 
ainsi  que  le  Iden  acquis  trop  facilement  se  dissipe 
avec  la  même  facilité. 

Le  tambour  de  basque'. 

Le  tambour  dit  «  de  basque  »  est  de  la  même  ori- 
gine qne  la  timbale  et  le  tambour,  ainsi  que  tous  les 
instrumenis  à   percussion  de  cette  nature,  c'est-à- 
dire  qu'il  consiste  en  une  peau  tendue  sur  un  cercle 
de  bois  (tvmpanon)  (voir  plus  haut). 
Le  tambour  de  basque    a  cependant  ceci  de  parti- 
culier, c'est  qu'il  lut  em- 
ployé dans  les  temps  pri- 
mitifs,  et   encore    main- 
tenant en    Espagne,   par 
les    danseuses    elles-mê- 
mes,ouïes  danseurs,  pour 
rythmer  leurs  danses. 
FiG.  79-i.  —  Tambour  dit  de        On  retrouve  le  tambour 
basque,  à  une  seule  peau,    de  basque  dans  la  plupart 
instrument   de    ffuorre   des     j  •    ,  ■    . 

Papiiji^g  ^  des  sculptures,  peintures 

ou  allégories  anciennes 
ayant  trait  h  l'art  de  la  danse.  Citons  les  peintures 
antiques  d'Herculanum,  où  l'on  voit  des  danseuses 
jouant  du  tympanon  (genre  de  tambour  de  basque). 


Fio.  795.  —  Tambour 
de  basque  turc  à  manctie. 


FiG.  796.  —  Tambour  de 
basque  à  grelots  (Chine). 


Tabonrka  et  Darbouka*. 

Cet  instrument,  très  primitif,  rappelle  l'origine  du 
tambour;  sa  sonorité  est  mate. 

On  le  tient  sous  le  bras  et  on 
le  frappe  avec  la  main. 

Il   est   employé  dans   tous   les 
orchestres  des  pays  orientaux. 

Grosse  caisse. 

La  gmsse  caisse  ou  tonnant  a  la 
même  origine  que  le  tambour; 
c'est  le  plus  gros  des  tambours. 
Elle  fut  connue  dans  l'antiquité, 
qui  en  avail  d'énormes;  elle  fut 
adoptée  par  la  musique  turque, 
puis  en  Europe  sous  les  noms  de  bedon,  bedaine,  bedon- 
daine,  el  lînalemeni,  par  rapport  à  certains  tambours 
que  l'on  désigne  sous  le  nom  de  caisse  claire  et 
caisse  roulante  (qui  en  réalité  en  sont  des  diminu- 
tifs), on  la  dénomme  de  nos  jours  grosse  caisse  : 


1.  Cet  iiistmaient  tire  son  nom  Je  l'usage  rréqaenl  qu'en  ûrent  les 
Ibères  (peii|ile  de  rRs;.agne  an"ienno).  ..rcilpanl  les  Jeui  versantsdes 
4>yrénée5  (pays  basiue).  Ces  p^uplaile^  avaient  ajoute  a  ces  lympa- 
nons  de  pclits  «reluU  ou  p.-litrs  rondelles  de  luivre,  aliii  d"obtenir 
«ne  sonoril'  mélalliqueet d'étourdir  les  dauseuSL's. 


Fm.  79S. 

Celte  caisse  se  bat  avec  une  mailloche  (baguette 
garnie  à  une  extrémité  d'un  gros  tampon  d'étoupe). 

Kn  marche,  on  suspend  la  grosse  caisse  par  une 
courroie  posée  sur  l'épaule  gauche  de  l'exécutant; 
dans  les  orchestres,  la  grosse  caisse  se  pose  sur  un 
bâti  spécial  en  bois. 

Cyoïbales. 

Les   cymbales    sont   d'origine   orientale;   elles   se 
composent  de  deux  disques 
métalliques,  qne  l'on  fait  vi- 
brer en  les  frappant  l'un  con- 
tre l'autre  de  haut  en  bas. 

Les  crotales  ou  cymbales 
antiques  sont  de  petites  cym- 
bales donnant  un  son  aigu. 
Elle  sontformées  d'un  alliage 
de  métaux  très  sonores,  et 
peuvent  donner  des  notes 
très  justes,  et  parfaiteraeat 
déterminées. 

Les  crotales  ont  deux  mil- 


Fio.  799.  —  Cymbales» 
Diamètre  0  m.  25. 


2.  L'ortbographe  de  ce  mol  varie  à  l'inâni. 


i:o4 


EycyCLOPÊOlE  de  la   musique  et  OfCTfO.WAIRE  nu  CnVSËRVATOIHE 


limétres  d'épaisseur  el  9  à  10  centimètres  de  dia- 
mètre. 

Crotales. 

Les  crotales  [Cig.  800)  sont  souvent  employées  dans 
la  musique  de  ballet;  en  variant  les  notes,  on  obtient 
dejolis  effets. 

Petites  eyinbales  chinoises. 

Les  petites  cymbales  chinoises  ((Ig.  801)  sont  en 
cuivre  assez  mince  et  ont  16  à  17  centimètres  de 
diamètre.  On  se  sert  de  ce  genre  de  petites  cymbales 
(n'ayant  aucune  sonorité  déterminée)  pour  les  bal- 
lets, à  l'usage  des  danseuses. 


Flii.  SOO. 


FiG.  SOI. 


Taïu-taïu. 

Le  lam-lam  ou  gong-gong ,  d'origine  cliinoise,  est 
un  disque  de  métal  forgé,  formé  d'un  alliage  d'or, 
d'argent,  de  bronze,  de  cuivre  et  d'étain  ;  sa  partie 
centrale  est  fortement  concave;  on  le  percute  au 
moyen  d'une  mailloche. 

On  trouve  des  tam-tam  donnant  une  note  de  mu- 
sique à  peu  près  déterminée  et  dont  certains  com- 
positeurs ont  fait  usage. 

On  nomme  aussi  gong  un  instrument  de  prove- 
nance chinoise,  dont  la  forme  rappelle  celle  d'nn 
gros  tambour,  dans  l'intérieur  duquel  se  trouve  un 
fil  d'acier;  en  frappant  sur  la  peau  de  cet  instrument 
un  coup  sec,  on  obtient  un  son  strident  et  très  pro- 
longé. 

Cloches. 

La  cloche  remonte  à  la  plus  haute  antiquité.  Les 
Chinois  prétendent  en  avoir  possédé  douze  en  l'an 
2262  avant  notre  ère,  cloches  dont  les  sons  gradués 
exprimaient  cinq  tons  de  la  mu- 
sique'^  

Les  Grecs  se  servaient  d'un 
genre  de  cloche  comme  instru- 
ment de  guerre  pour  e.xciter  les 
guerriers  à  la  bataille;  les  peu- 
ples qui  leur  succédèrent  en 
firent  longtemps  le  même  usage. 
Dans  les  temps  modernes,  la 
cloche  fut  employée  comme  ins- 
trument de  musique. 

Les   cloches   d'orchestre   sont. 

Cloche,  comme  les  cloches  d'église,  en 
bronze  et  en  lorme  de  coupe  ren- 
versée. On  les  suspend  à  un  bâti  et  on  les  percute 
avec  un  maillet  en  bois  nu,  ou  recouvert  de  peau, 
suivant  les  cas  et  les  indications  du  compositeur. 
Quelquefois,  mais  rarement  et  en  vue  d'un  ell'el 
déterminé,  on  les  fait  résonner  à  l'aide  d'un  battant 
intérieur,  comme  les  cloches  d'église. 

1.  J.  Fétis,  Hi&tuirt  de  la  mufiiitut:. 


FiF.  802. 


i.e'cariUon  est  une  réunion  de  cloches  accordées 
de  manière  à  former  une  échelle  chromatique;  aux 
ix'et-x'  siècles,  on  se  servait  du  (;om6«/!(iH,  carillon  de 
24  cloches  attachées  à  une  colonne  creuse  en  métal. 


FiG.  803.  —  Carillon. 

Plusieurs  compositeurs  ont  eniployi'  à  l'orchestre 
des  eli'els  de  clochettes  pour  lesquelles  on  se  sert  d'un 
jeu  de  timbres  à  clavier. 

Agios}  luanilrii  ni. 


(jrer?,  cet  instrument. 


m 


H* 


Semantérion  des  anciens 
sorte  de  crécelle,  se 
compose  d'un  essieu 
denté  et  d'une  lan- 
guette fixée  sur  un 
corps  sonore  auquel 
on  iraprinie  un  mou- 
vement rotatoire. 

Au  xv<^  siècle,  les 
Grecs  se  servaient  de 
cet  instrument  pour 
remplacer  les  clo- 
ches intei  dites  par 
les  Turcs  aux  chré- 
tiens'. Le  natraca 
des  Espagnols  et  des 
Mexicains  appartient 
au  même  genre  d'ins- 
trument (|ue  Vagio- 
symandrum. 

Pour  rem  placer  les 
cloches,  dont  le  prix 
elle  poids  sont  exces- 
sifs, on  se  sert  main- 
tenant dans  les  théâ- 
tres d'une  série  de  tubes  en  métal,  donnant  chacun 
un  son  déterminé;  la  sonorité  en  est  moins  pleine 
et  moins  vibrante  que  celle  de  la  cloche;  elle  donne 
un  peu  la  sensation  d'une  cloche  lointaine.  On  sus- 
pend les  tubes  à  un  châssis  de  bois  ou  de  fer  facile- 
ment, démontable  et  Iransportable.  Pour  obtenir 
une  bonne  sonorité  avec  ces  tubes,  il  faut  les  frapper 
sur  un  point  indiqué  vers  le  haut  de  chaque  tube, 
au  nioven  [d'un  marteau  de  métal  garni  de  caout- 
chouc. 

Clochettes  el  jeax  de  timbres. 

Le  'Jimbre  est  une  sorte  de  cloche  ou  sonnette 
immobile,  «ans_battant  intérieur  et  fi-appée  par  un 
marteau. 

On  appelle, /fu  de  timbres  ou  harmonica  une  série 
de  lames  d'acier  accordées  au  diapason  et  disposées 
sur  un  |cadre  en  forme  de  clavier;  ou  les  fait  réson- 


Fiu.  804 


Pu.i: 


13,  Syntagma  »tw.iù'um,Jivre  I. 


TECHS'IQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LES  TIMBALES,  LE  TAMBOUR    1705 


ner  au  inoyrn  de  deux  petits  marteaux  de  cuivre  à 
manche  de  baleine. 
/il 


Grelots. 

Cet  instrument  se  compose 


FIG.  805. 
Jeu  de  timbres. 


FiG.  806. 


d'un  collier  de  cuir  (ou  quelquefois  simpleineiil  d'un 
fil  de  fer)  auquel  sont  fixés  des  grelots. 

Chapeau  chinois. 

Cet  inslruraenl,  dont  le^iiom  et  la  forme  indiquent- 
l'origine,  se  conipose^d'un  sorte  de  coillure  chinoise 
pointue  dont  les  boids  sont  garnis 
de  grelots  ou  de  clochettes,  que 
"'on  l'ait  tinter  par  des  secousses 
imprimées  au  manche  qui  la  sup- 
porte. 

Il  a  été  emplojé  dans  la  musi- 
que^militaire  ;  on  ne  s'en  sert  plus. 

Triansle. 


FiG.  807.  —  Chapeau  cliinois. 


FiG.  808.  —  Triangle. 


Le  triangle  est  formé  d'une, baguette  d'acier,  pliée 


Les  coups  simples  s'obtien- 
nent en  fiappant  toujours  sur 
^  le    côté   inférieur  du  triangle 


FiG.  809.  —  Sistre. 


=g)   (côté    opposé    à   la   corde   de 

^    soutien). 

Les  roulements  se  font  en 
agitant  la  batte  contre  les  deux 
côtés  latéraux,  près  de  l'angle 
supérieur. 

Sistre. 

Le  sistrr  antique  consistait 
en  une  lame  de  métal  lecoui- 
bée  en  ovale,  percée  de  trous 
pour  recevoir  des  cordes  ou 
baguettes  métalliques  sur  les- 
quelles  on    frappait    pour   en 


FiG.  810. 


tirer  des  sons;  il  était  employé  à  la  guerre  et  dans  les 
cérémonies  religieuses.  Cet  instrument,  actuellement 
en  désuétude,  fut  surtout  en  usage  chez  les  Egyptiens. 

Les  Hébreux  se  servaient  du  sistre  :  «  David  reve- 
nant de  l'armée  après  avec  frappé  Goliath,  les  femmes 
sortirent  de  la  ville  en  chantant  et  da  isant  avec  des 
tambours  et  des  sistres'.  » 

Les  Grecs  se  servaient  de  cet  instrument  pour 
marquer  la  mesure'. 

Castngnellcs. 

Instrument  consistant  en  deux  petites  écailles 
ou  coquilles  d'ivoire  ou  de  bois  rat- 
tachées par  un  cordon  de  soie,  que 
l'on  passe  autour  du  pouce;  on  fait 
mouvoir  les  caslagnetles  en  les  frap- 
pant avec  les  antres  doigts. 

Cet  instrument  fut  importé  parles 
Maures,  habitants  de  la  Mauritanie  (pays  du  nord  de 
l'Afrique)  qui,   au   moyen   âge,  firent  la 
conquête  de  l'Espagne. 

Ces  castagnettes  servaient  à  rythmer  les 
danses  dont  ces  peuples  étaient  très  épris. 
Les  Espagnols  en  gardèrent  la  coutume 
jusqu'à  nos  jours,  et  il  n'est  pas  de  danses 
espagnoles  caractérisées  sans  l'accompa- 
gnement des  castagnettes. 

Pour  les  orchestres,  afin  de  faciliter 
l'emploi  de  cet  instrument,  dont  le  ma- 
niement demande  une  longue  habitude, 
on  a  imaginé  d'emmancher  des  casta- 
gnettes ordinaires  au  bout  d'une  tige  de 
bois;  l'efTet  n'est  pas  tout  à  fait  le  même, 
mais  il  donne  l'illusion  nécessaire. 

[Castagnettes  en  fer. 

Cet  instiiiment  se  joue  comme  les  castagnettes  à 
manche. 

Fouet. 

Au  théâtre,  on  imite  les  claquements  du  fouet  au 
moyen  de  deux  planchettes  de  bois  réunies  d'un 
côté  par  une  charnière  et  munies  chacune  d'une 
poignée  centrale.  —  On  lient  une  poignée  dans 
chaque  main,  et  l'on  frappe  vivement  les  deux  plan- 
chettes l'une  contre  l'aulre. 


FiG,  812. _ 
Castagnelles  en  fer. 


FiG.  813.  —  Fouet. 


Xylophone. 

Le  xylophone  se  compose  d'une  série  de  lames  en 


1.  Venge,   Traduction  île  la  Bible,  tome  IX. 
-.  pR.f;TORics,  Syntagma  musicum,  liv.  1. 


1706 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


bois  de  sapin  disposées  sur'  des  supports  de  paille. 
On  les  percute  comme  les  lames  d'acier  des  jeux  de 
timbre,  mais  avec  des  marteaux  de  bois. 

Le  xylophone  est  orit;inaire  des  îles  africaines  de 
l'océan  Indien.  Les  Malgaches  et  les  Hovas  (Madas- 
gascar)  nomment  cel  instrument  mogologondo. 


Claqiic-lioiN» 

Instrument  italien,  qui  consiste  en  trois  marteaux 
•de  bois  dur  réunis  et  mobiles  à  rextrémité  des 
manches. 


FiG.  81i.  —  Xylophone. 


FiG.  815. 


Cl.iqueliois. 


Kn  faisant  avec  le  pouce  et  l'index  un  mouvement 
de  va-et-vient,  on  obtient  de  cet  instrument  une 
sonorité  à  peu  près  semblable  à  celle  des  casta- 
gnettes. 

Litliophoue'» 

Pierres  sonores  suspendues  et  graduées  suivant  leur 
timbre;  on  les  frappe  avec  un  petit  marteau  : 


FiG.  .s  16. 

Les  Chinois  ont  le  kin,  composé  de  pierres  taillées 
ordinairement  en  forme  d'équerre. 

Rossignol. 

Le  chant  du   rossignol   s'imile  assez  bien  avec  un 
instiunieiit  en  cuivre  nickelé  dont  la  forme  rappelle 
une  petite  cafetière. 

Pour  l'employer,  on  le  rem- 
plit d'eau  au  tiers,  et  on  souftle 
par  le  bec  plus  ou  moins  fort, 
selon  que  l'on  veut  triller  ou 
produire  des  notes  prolongées. 
L'insiruinent  ne  donnant  pas 
de  notes  réelles,  mais  un  sim- 
ple gazouillis,  c'est  par  l'exer- 
cice que  l'on  arrive  à  moduler  avec  l'orchestre. 

C'est  presque  un  jouet  d'enfant;  mais  il  suffit  qu'il 
aitparfoisson  emploi  pour  que  nous  le  rncnlionnions. 

1.  Uu  grec  XiO'/Ç,  pierre;  isovii,  je  ch:inlc. 


Fia.  817. 


% 


i 


Caille. 

Pour  imiter  le  cri  de  la  caille  avec  le  petit  instru- 
ment figuré  ci-conire,   il  faut 
le    poser   à   plat   sur   la  main  |} 

gauche,    et   le    frapper   de  la   ^ 
main  droite  avec  le  petit  mar-    |  y  i 

teau,  près  de  l'ouverture,  en  • 

ayant   soin  de    chercher  l'en-  Fio.  sis. 

droit   le   plus  sonore,  afin   de 
se  rapprocher  le  plus  possible  du  cri  de  l'oiseau. 

Concon. 

Pour  imiter  le  chant  du  coucou,  on  se  sert  d'un 
petit  Uiyau  d'orgue  en  bois  de  forme  rectangulaire, 
et  donnant  certaines  noies  déterminées  à  l'aide  d'une 
embouchure  et  de  trous. 

On  emploie  encore  excep-     f    ^ 

tioiHiellomenl  à  l'orchestre  un     

certain  nombre  de  petits  ins-      Fio.  Sl9.  —  Coucou, 
truments   destinés    à    imiter 

divers  cris  d'animaux.  Leur  technique  ne  présentant 
rien  de  spécial,  nous  nous  bornerons  à  les  signaler. 
Tels  sont  ceux  qui  servent  à  imiter  Valouette,  le 
chien,  le  og,  le  lion,  l'ours  le  cri-cri,  la  fanrelle,  la 
grenouille,  le  hihou,  le  merle,  la  tourterelle,  etc. 

Cnnonnière  (oo  bonclion  de  Champagne). 

La  canonnière  se  compose  d'un  tube  de  bois  per- 
foré aux  deux  extrémités;  on  introduit  d'un  coté  une 
tige  également  en  bois,  munie  à  la  pointe  d'une  gar- 
niture de  cuir;  l'autre  extrémité  du  tube  est  close 
par  un  bouchon  retenu  par  un  lil. 

En  tirant  la  tige,  on  aspire  l'air;  en  la  repoussant, 
l'air  se  compiime  dans  le  tube,  et  fait  sauter  le  liou- 
chon. 

Cel  instrument  a  été  utilisé  dans  diverses  compo- 
sitions musicales. 


Fia.  S20. 

(iilokcnspicl  celesta.   ' 

Les  jeux  de  timbres  étant  devenus  d'un  usage  très 
fréquent  dans  la  musique  moderne,  on  a  construit 
des  instruments  de  divers  systèmes  [glokemtpiel ,  typo- 
plionc,  celesla-Miistil,  etc.),  dont  la  l'orme  rappelle 
celle  d'un  piano  de  petites  dimensions;  pourvus 
d'un  clavier,  ces  instruments  ne  peuvent  être  utilisés 
que  par  un  pianiste,  leur  technique  étant  celle  du 
piano  (voir  article  Sover). 

W'rvC'hnviiiotiU'it. 


Fia.  S2I.  —  Harmonica  de  I^enobmasd,  coinposi''  de  bande»  de 
verre  de  longueurs  inégales  que  l'on  frappe  avec  un  petit 
marteau  de  liège. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LES  TIMBALES,   LE  TAMBOUR    i:07 


^©©a@-9^e@©Q4 


Fia.  822.  —  Harmonica,  inslrumcnt  imaginé  en  Allemagne,  com- 
posé, dans  le  principe,  de  vases  de  verre  contenant  de  l'eau  à 
niveaux  différents  et  rangés  par  demi- tons  dans  une  caisse;  on 
les  fait  résonner  en  passant  les  doigts  mouillés  sur  les  bords. 


ARTIFICES   DE  THÉÂTRE    EMPLOYÉS 
DANS   LES  COULISSES. 

Veut. 

Tambour  à  deux  eûtes  en  liois,  reliés  par  des  tra- 
verses, sur  lesquelles  esl  passée  une  loile  métallique 
(ou  une  étoffe  de  soie). 

Ce  tambour  est  placé  sur  un  cadre  en  bois  portant 
deux  supports,  sur  lesquels  il  tourne,  actionné  par 
une  manivelle.  Le  bruit  du  vent  est  occasionné  par 
des  cordes  lixes,  placées  à  Pavant  et  à  l'arriére  du 
cadre,  puis  passant  sur  la  loile  métallique;  ces  cordes 
produisent  un  sifQement  lors  de  la  mise  en  mouve- 
ment du  tambour. 


Fin    823.  —  Machine  pour  1  imitation  du  vent. 


Plaie. 


Appareil  se  composant 
d'un  long  «  tube  carré  »  en 
bois,  dans  l'inlérieur  du- 
quel se  trouvent  des  com- 
pai  timents  en  zinc  en  forme 
de  «  zifîzag  »;  à  son  extré- 
mité, est  réservé  un  em- 
placement dans  lequel  on 
met  des  pois  secs,  qui  des- 
cendent en  cascade  le  long 
(lu  lube. 

L'apfiareil  esl  placé  sur 
un  cadre  en  bois,  portant 
des  supports  sur  lesquels 
il  repose,  et  qui  permettent 
de  renverser  le  tube,  aliii 
de  faire  suivre  un  mouve- 
ment inverse  aux  pois, 
lorsqu'ils  sont  arrivés  en 
bas  de  ce  tube,  cela  pour 
continuer  l'edVl,  si  on  le 
désire. 

<»rèle. 


iLa  grêle  s'imite  par  les  mêmes  piucédés  que 


FiG.  82i.  —  .Machine 
à  imiter  la  pluie. 


pluie,  il  existe  encore  d'aulies  systèmes  d'imitation, 
mais  ceux-ci  relèvent  de  la  macliinerie. 

Tonnerre» 

Le  tonnerre  s'imite  par  des  roulements  de  tim- 
bales ou  de  grosse  caisse,  avec  la  double  maillocbe. 

Dans  certains  grands  tbéàtres,  il  existe  un  instru- 
ment spécial  pour  faire  cette  imitation  d'une  façon 
plus  réaliste;  bien  qu'il  se  rapprocbe  plus  de  la  ma- 
chinerie théâtrale  que  des  accessoires  d'orchestre, 
je  crois  utile  de  le  signaler  et  d'en  indi(|uer  l'emploi. 
Il  consiste  en  une  énorme  grosse  caisse,  remplie  de 
boules  .l'éloupe  très  serrées,  reposant  sur  deux 
châssis;  l'instrument  tourne  sur  deux  pivols  et  est 
actionné  au  moyen  de  cordes;  dans  ce  mouvement 
(11'  rotation,  les  balles  d'éloiipe  viennent  choquer  la 
peau  plus  ou  moins  violemment,  et  donnent  l'impres- 
^ion  des  roulements  du  tonnerre. 

Chemin  île  Ter. 

Dans  cerlaines  compositions,  on  a  cherché  à  imi- 
ter les  dilférents  bruits  produits  par  le  passage  d'un 
train.  Voici  comment  l'on  procède  :  une  feuille  de 
tôle  est  (ixée  sur  une  timbale  ou  sur  une  grosse  caisse 
préalablement  inclinée;  l'instrumenti.-te,  tenant  de 
cha(|ue  main  un  petit  balai  spécial,  frappe  sur  la 
tôle,  doucement  d'abord,  pour  imiter  les  bruits  de 
départ  d'un  train  et  son  passage  sur  les  plaques 
liDurnaiites,  puis  le  mouvement  s'accélère.  De  temps 
à  autre  on  soufHe  dans  une  corne,  pour  simuler 
les  appels  des  gardes-barrières,  on  souflle  dans  un 
iîi'os  sifflet,  et  le  tout  arrive  à  produire  l'impression 
causée  par  le  bruit  d'un  train  en  marche. 

Fnsillade. 

Cet  accessoire  sert  h  imiter  le  bruit  de  la  fusillade, 
l'e  sont  des  lames  de  bois  qui  s'apiniient  sur  un 
rouleau  muni  d'aspérités;  en  tournâi\t  plus  ou  moins 
vite  le  rouleau,  au  moyen  d'une  manivelle,  les  lames, 
en  se  soulevant  et  en  retombant  précipitamment, 
produisent  l'impression  d'un  feu  de  peloton. 


Klii.  S25. 

Tels  sont  les  principaux  instruments  et  appareils 
employés  pour  produire  des  elfets  d'imitation.  On 
trouvera  des  spécimens  de  tous  les  instruments  que 
nous  signalons  dans  le  présent  aiticle  au  Musée  du 
Conservatoire  national  de  musique  de  Paris,  et  aussi 
dans  les  principaux  musées  d'instruments  de  mu- 
si(iue  de  l'étranger. 

.Nous  indiquerons  spécialement  le  musée  de  la 
llnchschule  fin-  Musil;  de  Berlin,  qui  conserve  une 
collection  des  plus  remarquables  d'instrum'ints  à 
percussion. 

,l„sr:cii   ll.\i.(;iiU.S. 


LA  FACTURE  DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET 

Par  Lucien  QREILSAMER 


PREMIÈRE   APPARITION   DU  VIOLON   ET  DE  SA  FAMILLE   j 

On  est  unanime  à  considérer  BERTOLOTTi.dit  Hasparo 
DA  Salo  (*  1542  a  Salo  sur  le  lac  de  Garde,  f  1609  a 
Brescia),  comme  le  transformateur  du  lénor  et  le 
créateur  du  violon,  dont  la  lamille  se  compléta  dans 
l'ordre  suivant  .  d'aijord  le  grand  ténor,  joué  sur  les 
genoux;  puis  le  violon,  joué  sous  le  menton  ;  ensuile 
(à  moins  qu'elle  n'ait  été  la  première)  la  petite  con-  : 
Irebasse;  quelques  années  après  le  violon,  le  violon- 
celle, suivi  de  la  grande  contrehasse.  Knfin,  après 
un  long  intervalle,  l'alto  joué  sous  le  menton.  I 


Fia.  826.  —  Alelier  de  lutherie,  par  Amman  {xvi-  siècle). 

La  principale  caractéristique  des  inslruments  de 
la  famille  du  violon  se  trouve  dans  les  quatre  coins 
et  les  quatre  cordes.  Or  on  connaît  quelques  rares 
ténors  de  (jasparo  da  Salo,  montés  de  quatre  cordes 
et  ne  possédant  que  deux  coins.  Ils  représentent  la 
forme  la  plus  ancienne  de  la  transformation. 

On  a  tenté  d'atlribuer  l'invention  du  ténor  à  quaire 
cordes  à  des  lulliiers  tels  que  Kerlino,  Duiffoprl- 
GCAB,  LiNAROLLi,  Dardelli,  etc.;  mais  l'énorme  espace 
existant  entre  les  extrémités  supérieures  des  //  de 
leurs  instrumenis  démontre  nettement  qu'ils  étaient 
construits  pour  posséder'  six  oir  sept  cordes. 

Avec  plusde  raison  on  a  dit  que  André  AuAir  (lolîri- 


Gafparo  da  Salo  ,   In  Brefcia 


Fia.  S27.  —  Contours,  Dlels,  ffel  éliquellc  d'un  alto 
de  Gasparo  da  Salo. (Laurent  Ghillet.) 

1612),  qui  fut  l'aillé  de  Gasparo  da  Salo,  aurait  par 
son  âge  autant  de  droits  que  ce  dernier  à  une  pater- 
nité dont  la  recherche  est  si  diflicile. 

11  aurait,  dit  la  tradition,  fait  son  apprentissage  à 
Brescia,  puis  serait  allé  fonder  la  célèbre  école  de 
Crémone.  Outre  les  raisons  données  précédemment, 
il  en  est  d'autres  qui  militent  en  faveur  de  Gasparo 
DA  Salo. 

On  ne  connaît  pas  de  violon  d'une  authenticité 
absolue  antérieur  aux  siens.  En  outre,  ses  instruments 
ont,  dans  le  parti  pris  de  la  forme,  un  aspect  plus 
primitif  que  ceux  de  I  école  de  Crémone.  Kn  troi- 
sième lieu,  son  élève  authentique  Gio-tViolo  Maggini 
apjioi  ta  les  derniers  perfectionnements  à  l'instru- 
ment, à  un  tel  point  que  ses  violons  sontaussi  beaux 
dans  la  forme,  aussi  bien  combinés  quant  aux  épais- 
seurs et  au  volume  d'air,  enduits  d'un  vernis^aussi 
spleiiuide  que  '"s  mieux  réussis  et  les  nieilleins  sor- 
tis des  mains  des  plus  oélèbies  luthiers  qui  vinrent 
après  lui. 


TECIIMQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    1709 


On  peut  alTirmer  que,  si  Gasparo  da  Salo  el  André 
Amati  furent  les  avant-derniers  transformateurs,  Gio- 
Paolo  Maggini  fut  le  dernier,  et  de  ce  l'ait  le  premier 
auquel  on  puisse  atlribner  la  paternité  non  seulement 
du  violon,  mais  de  tonte  la  famille  du  quatuor  à  cor- 
des moderne. 

On  pourrait  ajonter  (|iie  sa  main-d'œuvre  se  recon- 
naît déjà  dans  les  meilleures  produclions  de  son 
maître. 

En  résumé,  Maggin[  est  le  premier  qui  : 

Coupa  le  sapin  des  tables  sur  maille  et  non  sur 
couche  comme  ses  prédécesseurs; 

l'il  les  tasseaux  des  coins  d'une  grandeur  suffisante 
pour  assurer  la  solidité  dePédirice; 

Hemplaça  les  bandes  de  toile  intérieures  qui  assu- 
jettissaient les  éclisses,  pardes  conire-éclisses  de  bois. 

11  est  en  outre  le  créateur  du  violoncelle  et  de  l'alto. 

L'excellence  de  ses  œuvres  trouve  sa  confiriTialion 
dans  des  preuves  d'un  ordre  différent. 

Stuadivaru's  s'est  inspiré  de  son  modèle  pour  créer 
le  patron  dit  Longuet  et  pour  trouver  son  type  d'al- 
tos ;  .loseph  GuARNERiiîs  (dit  DELjEsu),le  dernier  des 
grands  luthiers  ilaliens,  et  le  plus  célèbre  après 
Stradivarius,  s'en  est  inspiré  encore  davantage  dans 
toutes  ses  œuvies. 

En  ce  qui  concerne  la  sonorité,  les  artistes  les  plus 
célèbres,  tels  que  de  Dériot,  Vieuxtkups,  Drago.netti, 
pour  ne  citer  que  ceux-là,  avaient  choisi,  comme  ins- 
truments de  prédilection,  des  .Maggini,  et  aujourd'hui, 
il  n'est  pas  d'artiste  qui  ne  trouve  les  altos  de  ce 
maître  supérieurs  à  tous  les  autres. 

L'ancien  quatuor  italien  élait  donc  composé  du 
violon, duténoi-, de  l'allo  et  du  violoncelle.  La  voix  du 
ténor  était  la  juste  continuation  du  violoncelle  allant 
à  l'alto  ;  sa  disparition  a  amené  une  solution  de  conti- 
nuité regretlable  dans  le  registre  à  cordes  et  a  forcé 
les  autres  instruments  à  sortir  de  leur  cailre  pour 
suppléer  à  ce  manque,  puisque  le  second  violon  joue 
aujourd'hui  la  partie  que  devrait  (aire  l'allo,  et  (|ue 
celui-ci ,|Oue  tantôt  dans  le  registre  du  ténor  et  tantôt 
dans  le  sien. 

Voici  comment  était  accordé  autrefois  le  quatuor 
à  cordes  : 


Le  ténor  a  complètement  disparu,  et  les  quatuors 
de  l'époque  classique  furent  déjà  écrits  pour  deux 
violons,  alto  et  violoncelle.  Cet  ensemble  est  resté  le 
même  jusqu'à  nos  jours. 

Supériorité  de  lit  latlierie  itniionne. 

Les  instruments  ilaliens  du  quatuor  à  cordes,  cons- 
truits dans  la  période  qui  s'étend  de  leur  origine  à  la 
(In  du  xviu*  siècle,  époque  de  leur  décadence,  se 
sont  vu  attribuer  une  supériorité  incontestée  sur 
ceux  fabriqués  dans  d'autres  pays.  11  faut  cependant 
en  excepter  ceux  du  Tyrolien  Jacobus  Stai.nkr,  qui 
jouirent  d'une  vogue  égale.  Cependant,  à  partir  du 
xix'  siècle,  alors  que  la  lutherie  italienne  obtenait 
un  regain  de  faveur,  celle  du  Tyrol  commença  à 
baisser',  aussi  bien  en  ce  qui  concerne  Stainer  que 
ses  imitateurs,  contemporains  ou  successeurs. 


Cette  vogue  n'a  cessé  de  croître  jusqu'à  nos  jours. 
Les  grands  virtuoses  ainsi  que  les  amateurs  se  sont 
disputé  à  coups  de  billets  de  banque  les  beaux  spé- 
cimens des  grands  luthiers  italiens,  alors  que  ceux 
d'un  ordre  moins  élevé  augmentaient  proportionnel- 
lement en  valeur,  à  telles  enseignes  qu'aujourd'hui 
ils  sont  arrivés  à  des  prix  que  l'on  estime  être  extrê- 
mes, el  qui  seront  peut-être  dépassés  demain. 

D'où  vient  cette  supériorité? 

Des  légendes  se  sont  formées.  On  a  parlé  d'un 
secret,  comme  si  un  secret  pouvait  être  gardé  pen- 
dant deux  siècles,  alors  qu'il  élait  connu  d'un  grand 
nombre  de  personnes.  D'autre  part,  l'opinion  un 
peu  répandue  partout,  que  c'est  le  temps  qui  a  amé- 
lioré ces  vieux  instruments,  et  quelejeu  les  a  assou- 
plis, n'est  guère  soutenable,  puisque  les  instruments 
étrangers  à  l'Italie  et  contemporains  à  ceux  de  ce 
pays  ont  vieilli  en  même  temps  qu'eux  et  ont  été 
joués  aussi  longiemps.  S'il  n'y  avait  pas  de  secret 
]Hoprement  dit,  il  existait  cependant  des  éléments  de 
supériorité  dont  nous  pouvons  apprécier  la  valeur. 

Le  premier  se  trouve  dans  la  main-d'œuvre,  le 
parti  pris  île  construction  difficile  à  discerner  une 
fois  l'instrument  terminé,  et  la  manière  de  traiter 
les  épaisseurs  suivant  la  qualité   des  bois. 

En    second  lieu,  le  choix  des  bois. 

Nous  avons  déjà  vu  que  les  anciens  lulhiers  ne  Ira- 
vaillaient  pas  machinalement,  et  qu'ils  étaient  gui- 
dés par  certaines  théories  précises  dans  la  consliuc- 
tion,  en  vue  de  la  sonorité.  C'est  ainsi  qu'au  début, 
Gio-Paolo  Maggini  remplaça  pour  les  tables  le  sapin 
coupé  sur  couche  par  celui  coupé  sur  maille  el  em- 
[iloyé  par  ses  prédécesseurs. 

Kniin  le  vernis,  dont  la  formule  n'a  jamais  été 
publiée.  Une  ancienne  tradition  veut  (]ue  l'on  doive 
lui  attribuer,  el  à  lui  seul,  la  supériorité  des  instru- 
inenls  qu'il  recouvre. 

11  ne  faut  cerles  pas  accorder  aux  traditions  une 
valeur  exagérée,  mais  il  est  prudent  d'en  tenir  compte. 
Il  est  incontestable  que,  le  considérant  seulement  au 
point  de  vue  esthétique,  ce  vernis  est  d'une  beauté 
(  t  d'une  distinction  qui  font  des  instruments  qui  en 
sont  recouverts  de  véritables  joyaux. 

Ceux  qui  ont  étuilié  la  question  d'une  façon  prati- 
que el  fait  des  expériences  savent  le  rûle  considé- 
rable que  joue  le  vernis  et  l'influence  qu'il  a  sur  la 
sonorité.  Aussi,  est-ce  de  ce  côté  que  les  grands 
luthiers  modernes  ont  diiigé  leurs  ell'oits. 

C'est  donc  à  l'ensemble  des  éléments  que  nous 
venons  de  citer  que  l'on  peut  raisonnablement  attri- 
buer la  supériorité  des  anciens  instruments  italiens. 

Les  écoles.  —  En  lutherie,  il  n'y  a  pas  eu  d'écoles, 
dans  le  sens  strict  du  mot.  Tous  les  instruments  de 
notre  quatuor  à  cordes  dérivent  de  deux  lypes  pri- 
mitifs, ceux  de  .\L\ggin(  et  d'AMAii.  On  peul,  si  l'on 
veut,  y  ajouter,  en  tenant  compte  de  leur  personna- 
lité puissante,  ceux  de  STRADivAuiuset  de  Gl'arnkrius 
(del  Jesi!),  quoique  en  léalilé  le  premier  soit  le  conti- 
nuateur de  Nicolo  Am.vti  son  maître,  et  le  second 
un  génial  rénovateur  de  .Maggini.  On  peut  encore 
ajouter  Jacobus  Stainer.  le  célèbre  luthier  tyrolien, 
dont  l'intluence  fut  si  considérable  encore  ailleurs 
que  dans  son  pavs,  mais  qui  passe  pour  avoir  élé  lui 
aussi  l'élève  de  .Nicolo  AmTi.  .\insi  que  nous  le  ver- 
rons plus  tard,  il  est  aisé  de  trouver  aussi  dans  sa 
lutherie  des  détails  caractéristiques,  qui  sont  com- 
muns avec  celle  des  luthiers  vénitiens.  La  proximité 
de  Venise  et  du  Tyrol  explique  facilement  une  telle 


1710 


ENCrCLOPÈniE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DlCTIOSNAinE  DU  COSSEliVATOlRE 


similitude  de  goilt,  et  il  reste  à  lilablir  si  c'est  Venise 
qui  a  influé  sur  le  Tyrol,  ou  le  contraire. 

Les  lulhiers  sortis  des  ateliers  des  Auati  el  de 
Stradivarius  qui  sont  allés  s'établir  dans  les  dill'é- 
rentes  villes  d'Italie  onl  travaillé  d'après  li'S  types 
de  leurs  maîtres,  sans  toutefois  s'y  conformer  servi- 
lement, suivant  les  inspirations  de  leur  génie  propre, 
mais  sans  s'écarter  des  principes.  Plus  tard,  lenis 
élèves  ou  leurs  confrères  se  sont  rapprochés  de  tel 
ou  tel  type  répondant  à  la  demande  des  acheteurs. 
C'est  la  raison  pour  laquelle  on  retrouve  un  peu 
partout  en  Italie,  et  aussi  en  France,  le  modèle  de 
ISicolo  Auati,  le  plus  répandu  à  l'époque  où  Stradi- 
varius était  dans  la  plénitude  de  son  laleiit,  parce 
que  la  répulation  du  premier  était  élablie,  el  qu'il 
existait  poui'  ses  instnimenls  une  sorte  de  publicité 
orale  dalanl  de  loin. 

Cette  demande  était  pourtant  justifiée.  Les  instru- 
ments du  type  Amati  convenaient  parfaitement,  par 
leui'  douceur,  à  la  nature  de  la  musique  en  usa^ie 
jusqu'à  la  fin  du  xviii'  siècle;  mais,  à  partir  de  celte 
époque,  la  musique  ayant  évolué  et  demandant  plus 
de  puissance,  le  type  Amati  perdit  peu  à  peu  de  sa 
faveur,  et  c'est  chez  Stradivarius  et  Guarkerius  (del 
JesuI  que  l'on  trouva  les  moyens  d'expression  néces- 
saires. 

Quoique  I  es  ditréren  tes  villes  d'Italie  ne  représentent 
pas  à  proprement  parler  des  écoles,  il  est  indéniable 
que,  pour  une  grande  partie,  on  retrouve  chez  leurs 
luthiers  un  certam  air  de  famille,  au  figuré  comme 
au  propre,  des  dynasties  s'y  étant  formées,  et  l'in- 
fluence du  milieu  s'étant  fait  sentir  en  cela  comme 
en  toutes  choses.  La  similitude  des  bois  employés, 
celle  du  ver.'.is,  qui,  tout  en  restant  le  vernis  dit  ita- 
lien, n'élait  pas  îigé  dans  sa  formule  (peut-être  pas 
fabriqué  par  le  luthier,  mais  par  le  droguiste  local), 
et  d'autres  détails  encore  autorisent  à  admettre  la 
classilication  par  villes. 


LES  PRINCIPAUX  LUTHIERS 


Ilalio. 

Brescia.  —  La  lutherie  de  Brescia  se  caractérise 
par  une  l'orme  allongée,  des  voùles  relativement 
basses,  mais  se  soutenant  insensildement  jusqu'aux 
bords,  sans  former  la  courbure  si  caractéristique  du 
type  Stainer  qui  s'abaisse  br'usquement  vers  les  bords 
pour  former  une  gorge  prononcée  en  se  relevant. 
Dessin  des  contours  naïf  et  tenant  encore  des  violes, 
coins  courts,  bords  de  la  table  et  du  fond  dépassant 
très  peu  les  éclisses,  doubles  lilets,  éclisses  basses, 
volutes  ayant  soit  un  demi-tour  en  plus,  soit  un 
demi-tour  en  moins  que  celles  de  Crémone.  Quel- 
quefois à  lu  place  de  la  volute  une  tète  d'animal  fan- 
tastique. Les  fonds  sont  presque  toujours  sur  couche. 
Le  vernis  généralement  brun  dans  toute  la  gamme, 
d'une  douceur  toute  particulière  au  toucher.  Le  son 
volumineux,  tirant  un  peu  sur  l'alto  pour  les  violons; 
ces  derniers,  plus  rares  que  les  altos  et  les  violon- 
celles. 

Behtolotti  Gasparo,  dit  Gasi'aro  da  Salo  (*  lo'i-2  à 
Salo,  sur  le  lacde  Garde,  f  1609  à  Brescia).  — Le  plus 
ancien  luthier  dont  des  violons  nous  soient  parvenus 
d'une   authenticité    absolue.    Ses    instruments    ont 


toutes  les  caractéristiques  que  nous  allons  retrouver 
chez  Maggini,  sauf  les  ff  placés  presque  paiallèle- 
ment,  et  la  volute  d'un  demi-tour  de  plus  que  le  type 
de  Crémone.  Parfois,  des  têtes  sculptées  en  guise  de 
volute. 
Dimensions  : 


Loogaeur. 

largeur 
baut. 

largeur 
bas. 

Éclisses 
baut. 

Eclisses 
bas. 

mm. 

mm. 

mm. 

mm. 

mm. 

Violon  (potil  formai). 

351 

IGO 

200 

27 

23 

Violon  (grand  forma t) . 

36  i 

176 

210 

28 

29 

.Vlto 

443 

220 

257 

38 

40 

Maggini  (Gio  Paolo)  (1381-1632).  —  Ce  luthier  a 
apporté  les  derniers  perfectionnements  essentiels  à 
la  facture  du  violon.  Il  est  le  créateur'  du  violoncelle- 
et  de  l'alto.  On  connaît  à  peine  50  instruments  de  sa 
main,  el  pourtant  son  modèle  a  été  copié  dans  tous 
les  pays  jusqu'à  nos  jours.  Sa  lutherie  a  toutes  les 
caractéristiques  de  l'école  de  Brescia  citées  plus  baut, 
et  dont  il  est  le  chef,  plus  encore  peut-être  que  Gas- 
paro DA  Salo,  son  maître.  Forme  naïve,  coins  courts, 
vorltes  s'abnissant  insensiblement  el  allant  jusqu'aux 
bords,  éclisses  basses.  La  voix  gr'ave  et  profonde  d& 
ses  violons  est  due  précisément  à  la  conformation 
des  voiHes.  Comme  les  éclisses  sont  particulièrement 
basses  (il  en  est  qui  n'ont  que  23  mm.),  on  a  essayé 
de  les  élever  pour  obtenir  plus  d'éclat  dans  le  son. 
Toutes  les  tentatives  de  ce  genre  sont  restées  infruc- 
tueuses, ce  qui  prouve  que  ce  luthier  avait  fait  de- 
ses  proportions  une  étude  sérieuse. 

Si  l'on  entre  davantage  dans  les  détails  de  sa  fac- 
ture, on  peut  faire  les  observations  suivantes. 

Matériaux  employés  excellents;  main-d'œuvre  dfr 
premier  ordre;  épaisseurs  raisonnées.  Le  bois  des- 
fonds rarement  coupé  sur  maille. 

Les  bords  du  fond  et  de  la  table  ne  dépassent  pres- 
que pas  les  éclisses. 

Les  /■/'placés  généralement  bas,  découpés  en  biseau 
à  l'intérieurcomme  dans  les  violes.  Le  trou  supérieur 
des  f/ plus  grand  (|ue  l'Inférieur,  contrairement  à  ce- 
que  l'on  constate  chez  les  autres  luthiers.  Lu  partie- 
supérieui'e  des  //'  parait  plus  large  que  la  partie- 
inférieure,  par  un  elTet  d'optique  provenant  de  let 
coupe. 

Doubles  filets  et  ornements  au  milieu  du  dos,- 
jamais  les  deux  à  la  fois. 

Volutes  massives,  avec  un  quart  à  un  demi-tour 
de  moins  que  les  luthiers  contemporains  ou  ulté- 
rieurs. 

Sur  le  cheviller,  ù  l'endiolt  où  commence  la  volute, 
se  remarque  une  légère  protubérance  (un  reste  des 
violes). 

On  constate,  dans  la  facture,  plusieurs  manières,, 
passant  successivement  de  la  forme  très  primitive  à 
des  formes  de  plus  en  plus  élégantes,  ce  qui  est  par- 
ticulièrement apparent  dans  les  ff. 

Le  vernis  varie  de  couleur  dans  les  dilîérentes- 
périodes,  mais  non  de  qualité,  laquelle  est  aussi 
remarquable  que  celle  dir  vernis  employé  par  les- 
plus  célèbres  luthiers  qui  suivirent. 

Le  brun  plus  ou  moins  foncé  el  l'orange  domi- 
nent comme  teinte  dans  tous  les  instrumesnts  d& 
iMaggim. 


TECIINIQVË,  ESTIIfiTJ{HŒ  HT  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    1711 


Dliiieiisions  : 


Longueur. 

LarpiiT 
baut. 

Largeur 
t)as. 

Éclissea 
baut. 

Bclisses 

mm. 

[Il  m. 

IIHII. 

iiiiii. 

iiini. 

Violon  (grand  formai) 

36B 

178 

21S 

27 

27 

Violon  (petil  format). 

360 

168 

208 

25 

25 

Alto 

432 

75  i 

208 

360 

218 

46:. 

36 
112 

36 

Violoncelle 

112 

GiOiPaolo  Maggini,  in  Brefcia 


FiG.  828. 

ce,  coiiis,  filets,  //et  étiquette  d'un  violon  de  G. -P.  Maggim. 
(Laurent  Ghii.let.) 

MAfiGiNi  (Pietro-Santo).  —  Presque  tous  les  ouvra- 
ges sur  la  lullierie  citent  ce  Maggini,  personnage  pio- 
bablement  ima^^inaire. 

On  ne  connaît  ni  violons,  ni  altos,  ni  basses 
authenliqnes  sous  ce  notn,  autres  que  ceux  de  Gio- 
Paolo  Maggin'i. 

Nella  (liallaele)  (.wu'  siècle).  — ■  Contours  d'apr 's 
Maggi.m;  ff  d'après  les  frères  Amati.  Tèle  fantastique 
sculptée  à  la  place  de  la  volute.  Sonorité  faible. 

PASTA(.\ntonio);  PASTA(Domenico);  PASTA(Gaelancil. 
(Première  moitié  du  xvii"  siècle).  —  Modèle  de  l'école 
de  Brescia.  Bons  instruments, 

PozziNi  (Gasparo) .  —  Modèle  Maggini.  Lutherie 
estimée. 

Ranta  (Piètre).  —  Style  Amati. 

RoGERi  (Giambattisla)  {*  1630  à  Bologne,  f  vers  1730 
à  Brescia).  —  Fut  élève  de  Nicolas  Amati  en  m^me 
temps  que  Stradivarius.  Voûtes  élevées,  coins  sortis 
et  fi"  comme  dans  les  instruments  de  son  maître. 
Volute  un  peu  trop  petite.  Bois  de  bonne  qualité. 
Vernis  jaune  doré.  Les  violoncelles  généralement 
avec  fonds  de  peuplier. 

RoGERi  (Pielro-Giacomo)  (1680-1730).  —  Fils  du 
précédent.  Travail  semblable  à  celui  de  son  père. 

ScARAUPELLA  (Gluseppe)  (xix«  siècle).  —  Bonne 
main-d'œuvre.  Excellent  réparateur  et  imitateur.  Il 
a  travaillé  à  Brescia,  Paris  et  Florence. 

Vetbini  (Battista)  (xvu*  siècle).  —  Petit  patron. 
Beau  vernis  jaune. iBon  travail. 


Fia.  829. 

ce,  coins,  filets  et  /'/'d'un  violon  de  J.-B.  Rogeri. 
(Laurent  Gbillet.) 

ViTOR  (Pietro-Paolo  de),  de  Venise.  —  A  travaillé 
à  Brescia  dans  la  première  moitié  du  xviii"  siècle. 
Type  de  Brescia.  Voûtes  très  élevées,  vernis  roupe. 

ViaERCATi  (Pietro)  (milieu  du  xvii"  siècle).  —  A 
travaillé  d'après  Maggi.m  et  d'après  Amati. 

Crémone.  —  L'école  crémonaise  embrasse  une 
longue  période.  Son  fondateur,  André  Amati,  s'affran- 
chit complètement  du  type  des  violes  pour  créer  un 
modèle  élégant  qui  devait  être  perfectionné  par  ses 
descendants  et  successeurs,  aloi's  que  son  contempo- 
rain Gasparo  da  Salo  continua  d'en  subir  l'intlnence, 
ainsi  que  Maggini. 

Tous  les  représentants  de  l'école  de  Crémone  tra- 
vaillèrent sur  le  type  Amati,  en  le  niodinaiit  plus  ou 
moins,  sauf  Guar.nerius  (Joseph)  (del  Jesu),  ainsi 
que  ses  imitateurs,  qui  revint  aux  formes  de  Maggini, 
et  les  rénova  d'une  façon  géniale. 

Le  vernis  des  grands  luthiers  crémonais  repré- 
sente le  nec  plus  ultra  du  genre.  C'est  pourquoi,  pour 
désigner  le  vernis  italien  de  la  lutherie  ancienne,  on 
dit  communément  :  le  vernis  de  Gr'éniorie. 

Les  plus  célèbres  fur-ent  les  Amati,  les  (hiarneri  et 
Stradivari.  Leurs  élèves  essaimèrent  dans  toiile 
l'Italie,  el  iiuelques-uns  allèrent  môme  dans  d'autre.* 
pays. 

Amati  (Andréa)  (I53.T-I6I  2).  —  Le  plus  ancien 
luthier,  avec  Gasparo  da  Salo,  qui  ait  construit  de- 
violons.  Il  s'éloigna  du  type  primitif,  et  l'on  peut 
dire  à  juste  titre  qu'il  est  le  fondateur  de  l'école 
moderne.  Voûtes  élevées;  ff  primitifs,  avec  leurs 
trous  supérieurs  et  inférieurs  d'égal  diamètre  et  très 
grands;  vernis  jaune  d'or  épais;  petil  format. 

On  prétend  qu'il  a  fait  un  certain  nombre  d'instru- 
ments pour  le  roi  Charles  IX,  mais  aucun  document 
n'a  corroboré  cette  assertion.  Ses  instruments  sont 
de  la  plus  grande  rareté. 

Amati  (Antonio)  (1553-1640).  —Fils  aîné  d'Andréa. 

Am.vti  (Girolarao)  (1536-1630).  —  Second  fils  d'An- 
dréa. 

Les  deux  fr-éres  travaillèrenl  longtemps  sons  la 
raison  sociale  :  Amati  (Antonius  et  Hieronimus), jus- 
qu'à la  mort  de  Girolamo.  Alors,  Antonius  continua 
encore  à  travailler  pendant  de  longues  années. 

Leur  lutherie  accuse  un  grand  progrès  sur  celle 
de  leur  père.  Les/'/' étroits,  mais  très  élégants.  Néan- 
moins, le  patron  reste  petit,  les  voûtes  élevées.  Four- 


1712 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Dimensions 


FiG.  832. 

cr,  roina,  filets,  ((  d'un  violoncelle  d'Aiidrea  Amati. 
(Laurent  Grillkt.) 

nitures  de  bonne  qualité.  Fonds  généralement  d'une 
pièce  et  sur  couche.  Vernis  d'une  teinte  ambrée, 
parfois  rouge  doré,  chaud  et  transparent.  Les  bords, 
du  fond  et  de  la  table,  dépassent  de  très  peu  les  éclis- 
ses.  Sonorité  claire  et  d'une  grande  délicatesse,  liien 
appropriée  à  la  musii|ue  du  temps.  Le  travail  de 
Girolamo  passe  pour  plus  élégant  que  celui  de  son 
frère. 

Dimensions  des  inslrumeuls  des  frères  Amati  : 


Longueur. 

Laretur 
du  baut. 

Largeur 
du  bas. 

Édisses 
du  baut. 

Éelisfes 
du  bas. 

mm. 

mm. 

mm. 

mm. 

mm. 

350-52 
452 

163- C5 
220 

205-07 
270 

26  h  27 

38 

2Sà  29 

Altos  (grand  format)  . 

40 

Altos  (petit  format).  . . 

415 

196 

245 

34 

35 

Violoncelles 

753 

332 

450 

lis 

118 

.\mati  (Nicolol  (159S-1684).  —  Fils  de  Oirolamo,  ce 
luthier  perl'eclionna  le  modèle  de  son  père,  aussi  bien 
au  point  de  vue  de  la  forme  que  sous  le  rapport  de 
la  sonorité.  Il  créa  deux  patrons.  Ce  sont  les  instru- 
ments construils  dans  les  vingt  dernières  années  qui 
sont  les  plus  estimés.  De  nos  jours,  on  recherche  ses 
grands  modèles.  Dans  ce  type,  les  coins  sont  très 
sortis. 

Nicolo  AuATi  donna  plus  d'élévation  aux  édisses, 
abaissa  les  voûtes,  ce  qui  adoucit  la  gorge  près  des 
bords,, calcula  mieux  les  épaisseurs,  traça  des  ff 
d'une  rare  élégance  et  plus  ouverts  que  ceux  des 
frères  Amati,  sculpta  une  volute  de  grandeur  moyenne, 
d'une  grande  simplicité  de  forme  et  très  gracieuse. 
Le  choix  des  bois  toujours  excellent.  Vernis  depuis 
le  jaune  doré  jusqu'au  rouge  tendre,  d'une  grande 
transparence. 

Les  instruments  de  Nicolo  Amati  sont  encore  utili- 
sés dans  le  concert  comme  instruments  de  solistes, 
lorsqu'ils  sont  de  grand  patron,  mais,  en  général,  ils 
conviennent  admirablement  à  la  mu<;ique  de  cham- 
bre à  cause  de  leur  timbre  et  de  leur  souplesse 
d'expression. 


violons    (grand     mo- 
dèle, 1648) 

(1664) 

Violons  (petit  modèle) 

Violoncelles 


Longueur. 

Largeur 
du  baut. 

largeur 
du  bas. 

Édisses 
du  baut. 

— 

— 

— 

— 

mm, 

mm. 

mm. 

mm. 

355 

171 

209 

28 

358 

172 

210 

28 

352 

161 

2oi; 

28 

780 

365 

172 

113 

ïclisses 
du  bas. 

mm. 

29  1/2 

28 

29 
117 


FiG.  830. 

ce,  coins,  filets  etJ/'/'Jd'un  alti 
Nicolo  .Amati.  ([jaurent  Gril 


Balestrieri  (Tomraaso).  —  Travailla  à  Crémone  jus- 
que vers  1760,  puis  une  dizaine  d'années'à  Mantoue. 
Lutherie  estimée,  modèle  Stradivarius  de  la  dernière 
manière.  Ses  violoncelles,  peu  nombreux,  sont  re- 
cherchés. 

Balestrieri  (Pieiro)  (xviii«  siècle).  —  Frère  du  pré- 
cédent, même  lutherie. 

Berconzi  (Carlo)  (1690-1747).  —  L'un  des  plus  célè- 
bres élèves  de  Stradivarius. 

Ses  œuvres  sont  dans  le  style  de  ce  dernier,  qu'il 
ne  copia  pas  servilement.  Les  ff  un  peu  plus  longs  et 
plus  ouverts  et  les  voûtes  peu  élevées.  Vernis  géné- 
ralemenl  rouge  et  rouge  brun,  qui  a  des  tendances 
k  craqueler.  Sonorité  très  belle.  Les  violoncelles  sont 
plus  particulièremenl  estimés. 


«{Jt  Jk.  JL  Ju  Jt  AJt  AJt  A.  A.A.*.  A.J» 
-,  Anno  17^/  Carlo  Bergonzi  u 
r»  fece  in  Cremon?  - 

FiQ.  S32. 

cr,  ciiins,  filets,  //et  étiquette  d'un  violon  de  Carlo  Urt  fltfNzr» 
(Laurent  Grillet.) 


TECIIMIQIIH,  ESTHETIQUE  ET  PÉr)A(,OC,Œ 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    1713 


GuARNERi   iPielro) 


Berco.nzi  (Miclielaiigeloi  (milieu  du  xviii"  siéi'le).  — 
Kils  du  précédent.  Il  s'éloif^aa  considéiablemeiit  de 
l'arl  de  son  père,  mais  ne  l'égala  ni  pour  le  modéli- 
ni  pour  le  vernis.  II  chercha  surtout  a  imiter  les  ins- 
truiueuts  grand  patron  de  Stradivarius.  Ses  violon- 
celles sont  hons. 

Beruon/i  (Zosimo)  (milieu  du  xviii'  siècle).  —  Fils 
de  Michelangelo.  Fil  surtout  des  violoncelles.  Ses  vio- 
lons sont  desiinitations  de  ceux  de  son  père. 

Ceruti  (C.iambattista)  (IV.ïo,  jusqu'après  1800).  — 
Elève  et  successeur  de  Lorenzo  Storioni.  Type  île 
Mcolo  Amati,  grand  patron.  Vernis  allant  du  jaune 
jusqu'au  rouge.  Bonne  sonorité. 

GuADAGNiNi  (Lorenzo)  (Crémone  et  Plaisanne,  envi- 
ron 16!)o-1760).  —  Elève  de  Stradivarius,  il  quitta 
Crémone  vers  1730.  Voûtes  peu  élevées  genre  Stradi- 
varius, volute  pleine  de  caractère,  fîon  travail,  belle 
sonorité,  vernis  jaune  doré.  Instruments  de  concerl. 
CuARNERi  (Andréa)  (1626-1698).  —  D'abord  élève 
des  frères  .\mati,  il  fut  condisciple  de  Stradivari  ciie/, 
Nicolo  Amati.  Ses  premiers  travaux  se  lessenlent  de 
l'école  de  ses  premiers  maîtres,  et  surtout  de  Nicolo 
Amati;  mais,  plus  tard,  il  subit  l'intluence  de  Sradiva- 
Rius.  C'est  pourquoi,  l'identification  de  ses  instru- 
ments est  difticile.  Les  voûtes  sont  parfois  élevées, 
parfois  moyennes.  Le  vernis  orange  clair  jusqu'au 
rouge  foncé.  Les  instruments  grand  modèle  sont  très 
estimés 

(Crémone,  Mantoue  et  Venise. 
*165o  à  Crémone,  f  1730  à 
Venise).  Fils  d'.\ndiéa.  —  On 
a  essayé  d'établir  l'existence 
de  deux  Guar.neri  de  ce  nom, 
le  premier  à  Crémone  et 
Mantoue,  le  second  à  Venise. 
Les  instruments  de  ce  lu- 
thier se  caractérisent  par  des 
voûtes  assez  élevées,  une 
gorge  profonde;  la  partie  in- 
férieure élargie,  mouvement 
suivi  avec  beaucoup  d'élé- 
gance parles  //'.  Bonnes  four- 
nitures, vernis  transparent. 
On  connaît  de  lui  un  alto  sans 
\   /%     .      cy  I  coins  en  forme  de  guitare. 

)  I  ^\    .      Probablement  un  essai.  Des 

/  I  "^a^       instruments  de  cette  forme 

'V  ^s\      datant  du  XVII»  siècle,  et  pro- 

venant de  la  collection  Pieiro 
Correr  de  Venise,  se  trouvi-nt 
au  musée  du  Conservatoire 
de  Biuxelles. 

Au  xix«  siècle,  on  a  fait  de 
nouveau  quelques  tentatives 
infructueuses  dans  cet  ordre 
d'idées. 
GuARNERi  (Giuseppe)  (l),  dé- 
nommé GuARNBRios  (Joseph)  fils  d'André  ('1666,  f 
environ  1738).  Fils  d'André.  —  Instruments  remar- 
quables par  la  personnalité,  la  perfection  de  main- 
d'œuvre  et  la  belle  sonorité.  Patron  moyen,  coins 
sortis,  poitrine  un  peu  étroite,  voûtes  peu  élevées, 
vernis  jaune  d'or,  brun  rouge  et  rouge. 

GuARNERi  (Giuseppe)  (II)  dénommé  Guar.nerius 
Joseph  del  Jesu  (1687-1742).  —  Neveu  d'un  cousin 
d'André,  ce  luthier,  le  plus  grand  de  sa  famille,  égale 
presque  Stradivari,  le  plus  célèbre  qui  ait  existé. 
D'après  Vuillaume,  il  aurait  été  élève  de  ce  dernier. 
D'autres  connaisseurs  dont  l'opinion  fait  également 


Fio.  S33. 

Alto  en  forme  de  guitare 

de  Pieiro  Gcarnebi. 


autorité  voient  dans  sa  manière  l'in;lui;iice  de  Joseph, 
lils  d'André.  Quoi  qu'il  eu  soit,  il  parait  certain  qu'il 
s'est  inspiré  de  .\Ia.ggini.  La  forme  des  coins,  la  con- 
duite des  voûtes,  la  forme  des  /'/'et  jusqu'à  la  petite 
proéminence  qui  se  trouve  des  deux  ciUés  du  che- 
viller, à  l'endroit  où  commence  la  volute,  en  sont 
pour  ainsi  dire  despreuves.  Les  volutes  ont  un  carac- 
tère et  une  originalité  inimitables.  Aucun  violoncelle 
de  lui  n'est  connu. 

On  lui  attribue  lieux  périodes,  la  première  dans 
laquelle  sa  manière  n'est  pas  encore  dégagée,  la  se- 
conde de  1730  à  174-2. 

L'ne  légende  vent  qu'il  aurait  été  en  prison  et  que, 
pendant  ce  temps,  il  aurait  fait  des  violons  avec  de 
mauvais  matériaux  et  d'une  main-d'œuvre  grossière. 
Il  est  probable  que  ces  instruments,  dits  de  ta  prison, 
ne  sont  pas  de  lui. 

Certes,  ses  violons  offrent  de  très  violents  contras- 
tes entre  eux;  autant  les  uns  sont  soignés  et  d'u~n 
Uni  parfait,  autant  les  autres  paraissent  frustes  et 
d'une  main-d'œuvre  négligée.  Et  cependant,  quelques- 
uns  de  ces  derniers,  par  la  hardiesse  de  la  coupe, 
aussi  bien  que  par  la  qualité  sonore,  sont  préférés 
des  connaisseurs  et  des  artistes. 

D'ailleurs,  sa  production  connue  n'est  pas  grande  : 
environ  cinquante  violons  et  dix  altos. 

Le  premier  qui  le  lit  connaître  et  le  mit  eu  valeur 
fut  Paga.nini,  dont  le  violon  qu'il  avait  surnommé  le 
Cdiion  est  conservé  à  Gênes,  ville  natale  du  plus 
grand  violoniste  qui  fut  jamais. 

Sur  ses  étiquettes  figurent,  à  la  suite  du  nom,  les 
trois  lettres  eucharistiques  I.S.S.,  surmontées  d'une 
croix.  De  là, l'appellation  del  Jesu,  sous  laquelle  on  le 
désigne  pour  le  distinguer  de  Joseph,  lils  d'André. 

Dimensions  : 


violons  (petit  format). 
Violons   (  grand     for- 
mat ) 


IiODgueur. 


raïu. 
352-53 


355-  56 


Largeur 
dii  tiaut. 


mm, 
170 


172 


Largeur 
du  bas. 


mm. 

203 


210 


LcliMes 
du  liaat. 


mm. 

28 


29 


fclisses 
itu  bas. 


mm. 
29 


30 


Joseph  Guamerius  fecit   ^ 
Cremonae  anno  1741     iHS 


FiG.  834. 

ce,  coins  tilels,  ffel  étiquette  d'un  violon  de  Giuseppe  Odabneri. 
(del  Jesu).  (Laurent  Grillet.) 

108 


1714 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOXNAfRE  DU  CONSERVATOIRE 


Panoiimo  (  Viiicenzo)  (Crémone,  Paris,  Londres. *  1734 
à  Monréale  près  de  Palerme,  f  1813  à  Londres). 

Oa  le  dit  élève  de  Carlo  Bergonzi.  Son  modèle  se 
rapproche,  en  eiïel,  de  ce  raallre,  mais  il  imita  aussi 
Stradivarius.  Grand  palron,  voûtes  peu  élevées,  ver- 
nis brun.  Instruments  d'excellente  qualité. 

RuGGiERi  (Francesco)  (1630-1720).  —  Elève  de  Giro- 
lamo  AuATi.  Style  Amati,  mais  format  agrandi.  Le 
meilleurdes  lulhiers  de  ce  nom.  Vernis  orange  allant 
jusqu'au  rouge. 


Francesco   Ruggieri   dcUo 
il  per   Creiuoiia  i6  7/* 


Fia.  835. 

fc,  coins,  filets,  ffel  éliquetle  d'un  violon'de  Francesco  Rdqgieri. 
(Laurent  Gbillet.) 

Ruggieri  (Giacinto)  (seconde  moitié  du  xvip  siècle). 
—  Fils  de  Francesco.  A  imité  son  père.  Les  voûtes  de 
ses  instruments  sont  plus  hautes  et  son  vernis  est 
généralement  brun  foncé. 

Kur,GiRR[  (Vincenzo)  (lin  du  xvii'  siècle  jusque  vers 
1736).  —  Fils  de  Francesco.  A  également  imité  son 
père.  Style  Amati,  vernis  brun  ou  jaune-brun. 

Storioni  (Lorenzo)  (17ol-1799).  —  Un  des  derniers 
représentants  de  la  grande  époque.  Imitateur  de 
osepli  GuARNERius  (del  Jesu).  Ses  instruments  sont 
rès  recherchés  à  cause  de  leur  sonorité  généralement 
excellente.  Les  fournitures  peu  plaisantes  à  l'œil, 
mais  de  bonne    qualité.  Vernis    brun  et  rouge-brun. 

Stradivari  (Antonio)  (16H-I737).  —  Le  plus  célèbre 
de  tous  les  lulhiers. 

Stradivarius  fut  l'élève  de  Nicolo  Amati,  et  il  com- 
mença a  Iravailler  pour  son  propre  compte  en  1664. 
Les  éliqueltes  de  ses  premiers  instruments  portent 
la  mention  :  Aliimnus  Nirolui  Amati.  Le  plus  ancien 
violon  connu  de  lui  est  daté  de  1666.  On  a  l'habitude 
de  classer  son  œuvre  en  quatre  périodes  :  iMes  ins- 
truments dits  amatisés;  2°  les  longuets;  3°  l'àj/e  d'or; 
4°  la  période  de  di'cadence. 

Celle  classification  peut  se  juslifier,  mais  dans  un 
sens  très  large.  Comme  tous  les  artistes  dignes  de  ce 
nom,  Stradivarius  ne  s'est  en  réalité  jamais  répété. 
Son  œuvre  est  un  processus  constant,  le  long  duquel 
il  a  modifié  plus  ou  moins  son  patron  suivant  un 
déal  qu'il  s'était  proposé,  d'après  les  demandes  de 


ses  clients,  et  même  souvent  pour  utiliser  des  bois 
dont  les  dimensions  ne  lui  permettaient  pas  de  faire 
autrenieiil. 

Si  l'on  fait  abstraction  delà  beauté  de  main-d'œuvre 
et  de  l'élégance  générale  de  l'architecture,  et  si  l'on 
considère  l'instrument  uniquement  au  point  de  vue 
(le  la  sonorité,  aucune  classification  de  qualité  ne 
peut  être  admise.  La  supérioiité  de  tel  instrument 
sur  tel  autre  est  purement  affaire  de  goût  personnel. 
Tout  ce  que  l'on  peut  affirmer,  c'est  que  l'œuvre 
énorme  de  Stradivarius,  qui  a  travaillé  depuis  sa 
prime  jeunesse  jusqu'à  l'âge  de  93  ans,  représente 
dans  son  ensemble  le  nec  plus  ultra  de  la  lutherie,  et 
que  n'importe  quel  des  instruments  sortis  de  ses 
mains  est  un  objet  d'aii  de  premier  ordre. 

Dans  leur  remarquable  ouvrage,  Antonio  Stradi- 
vari, MM.  William  E.  Hill  and  Sons,  de  Londres, 
ont  suivi  pas  à  pas,  si  l'on  peut  dire,  la  production 
du  grand  luthier.  Leurs  observations  peuvent  se  ré- 
sumer ainsi  : 

Violons.  —  Les  violons  les  plus  anciens  connus  de 
Stradivarius  sont  datés  de  1666-1667-1669.  Jusqu'en 
1670,  il  copia  le  petit  patron  de  ISicolo  Amati.  Jus- 
qu'en t6S4,  il  continua  à  imiter  son  maître,  mais  en 
y  mettant  déjà  une  certaine  personnalité.  Ainsi,  les 
f'f  gardent  le  caractère  Auati,  mais  sont  déjà  plus 
élevants. 

Un  seul  instrument  fait  exception,  c'est  le  Hellier, 
daté  de  1679,  d'une  robustesse  qu'on  ne  retrouvera 
que  beaucoup  plus  tard.  A  ce  propos,  nous  devons 
dire  que  les  violons  les  plus  renommés,  pour  une  rai- 
son ou  pour  une  autre,  du  grand  maître  crémonais, 
sont  généralement  désignés  par  les  noms  de  leurs 
premiers  possesseurs,  de  leurs  possesseurs  actuels, 
ou  de  grands  arlistes,  de  grands  personnages  qui  les 
ont  possédés,  ou  par  une  particularité  quelconque. 
Jusqu'à  cette  époque,  les  l'ournitures  sont  de  bois 
faiblement  onilés  et  en  général  pas  très  belles,  pro- 
bablement faute  d'argent  de  lapart  du  jeune  luthier, 
qui  venait  de  s'établir. 

Les  années  168'i' et  1685  marquent  un  développe- 
ment sensible  dans  la  forme,  quiresle  toujours  dans 
l'ensemble  celle  de  .Nicolo  Auati,  mais  dans  ses 
grands  patrons.  Reaux  types  :  1687,  baron  Kilan- 
ger.  —  1687,  C.  Oldliain.  —  1687,  Jean  Kubelik.  — 
1688,  Cari  Uerenberg. 

La  pér  ode  pré-1700  est  surtout  une  période  d'essai, 
ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  changer  encore  bien  sou- 
vent pendant  le  reste  de  sa  carrière. 

C'est  l'espace  de  temps  depuis  les  débuis  jusqu'en 
1690  que  l'on  appelle  la  période  des  instruments 
amatisés. 

A  ce  moment,  il  créa  le  modèle  appelé  longuet. Ce 
nom  provient  de  ce  que  les  proportions  de  l'instru- 
ment sont  augmentées  dans  le  sens  de  la  longueur, 
et  diminuées  dans  celui  de  la  largeur,  ce  qui  lui  donne 
un  aspect  allongé.  On  les  appelle  aussi  des  allongés. 
11  produisit  jusqu'en  1699,  et  pas  plus  loin,  de  ces 
violons  qui  semblent  un  essai,  et  pour  la  création 
desquels  il  s'inspira  très  certainement  de  tiio-Paolo 
Maggini. 

Les  années  1686  à  1690  marquent  une  période  où 
la  main-d'œuvre  est  arrivée  à  un  summum  de  per- 
fection. 

Le  Toscan  est  daté  de  1690. 

Après  un  retour  aux  formes  d'AidATi,  vers  1698, 
commence,  vers  1700,  ce  que  l'on  appelle  Isi  période 
d'or.  Les  fournitures  sont  de  premier  ordre,  le  vernis 
superbe. 


TBCHNIQVE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÈDACDGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    1715 


Heaiix  ly()es  : 

1704,  le  Be«s.—  il Oi,\e  Régent,  puis  leSu;)er6e.  Ins- 
Irument  magnifique  et  digne  de  celte  dernière  appel- 
Jalioii.  —  1708  (Musée  du  Conservatoire  de  Paris), 
-ex-général  Davideff.  —  1708,  le  Soil.  —  1709,  le  Viotli. 

De  1708  à  172ï,  on  remarque  de  nouvelles  formes, 
parlois  de  très  grands  patrons,  et  un  changement 
perpétuel  dans  les  proportions. 

lieaux  types  : 

1713,  le  Saney.—  1713,  le  Boi'ssier.  —  1714,  leDaw- 
phin.~  171o,  le  Giltot.  —1715,  l'Alard.  —  1716,  le 
■fess"/.  —  1716,  le  Messie. —  1717,  le  Sasserno. 


Antonius  Stradiuiriui  Cremonenfis 
Faciebat  Anno  iz/<3    ^^i 


Fi6.  836. 

ce,  coins,  filels,  fl  et  étiquette  d'un  violon  d'A.  Sr\divarids. 

(Laurent  Grillet.) 

De  1720  à  1723,  le  vernis  semble  moins  riche.  Les 
instruments  ont  plus  de  carrure. 

Beaux  types  : 

1722,  le  Chapnnay.  —  1724,  le  Sarasate  (au  Musée 
du  Conservatoire  de  Paris).  —  1725,  le  Wilhelmij.  — 
1722,  le  Rode. 

Il  convient  de  parler  ici  d-s  instruments  ornés. 
Ces  instruments  portent  des  incrustations  d'ivoire  et 
-d'ébène  en  guise  de  (ilels;  puis,  la  tète  et  Ifs  éclisses 
sont  ornées  d'arabesques  dans  le  goût  de  la  Renais- 
sance. Ces  arabesques  sont  ou  simplement  peintes  en 
noir  et  recouvertes  de  vernis,  ou  lé:;èrement  gravées 
«n  creux.  Dans  ce  dernier  cas,  les  éclisses  sont 
doublées  d'une  bande  de  parchemin  pour  les  conso- 
lider. 

On  connaît  8  violons,  1  alto  et  I  violoncelle  dans 
ces  conditions.  Le  plus  ancien  violon  est  celui  de  1677 
type  arri'ilisé,  qui  a  fait  partie  de  la  colleciion  Wil- 
mole  d'Anvers  ;  puis  vient  le  Hellier,  dont  nous  avons 
parlé.  Le  violon  de  1709  qui  a  appartenu  au  vicomte 
Greffuhle  est  aussi  un  bel  instrument  de  celte  caté- 
gorie, ainsi  que  le  Roile  de  1722,  le  dernier  du  genre. 

L'alto  est  daté  de  1696. 

De  1725  à  1730,  la  production  est  moins  nombreuse, 
■et,  quoique  très  remarquable,  la  main-d'œuvre  parait 
moins  sûre. 

Beau.x  types  : 

172;),  le  duc  d'Edimbourg.  —  1727,  le  Derhroucq. 

De  1730  à  1737,  les  inslruments  revêtent  dilTérenls 
caractères,  et  varient  de  modèle.  La  main-d'œuvre 
Uéchit,  et,  sur  la  (in,  les  filets  ont  de  la  peine  à  se 


Fia.  837. 

<Y,  coins,  filets,  ff  d'un  violon  orni^  et  incrusté  d'A.  Sradivari. 
(Laurent  Crillet.) 

bien  placer,  tant  les  rainures   sont  irrégulièrement 
creusées. 

Beaux  types  : 

1731,  le  i<'/e<t/i<?r.  —  1732,  le  Tiiylor.   —  1733,  le 
Roiiisy.  —  1734,  le  Hackney.  —  1734,  le  Ames.  — 
1735,  le  Lamoureux.  —  1735,  le  Hartmann. —  1737,  le 
While. 
Altos.  —  Les  altos  les  plus  célèbres  sont  : 

Le  Grand  duc  de  Toscane.  —  Le  Oldinn.  —  L'Ar- 
chinlo.  —  Le  Macdonald. 

Violoncelles.  —  On  ne  connaît  pas  de  violoncelle 
de  SriiADivARius  avant  1684. 

Beaux  types  ; 

1684,  le  Général  Kyd.  —  1690,  le  Coaimo  de  Médi- 
cis,  à  l'Institut  musical  de  Florence.  —  1696,  le 
Aylesfnrd.  —  1697,  le  Marquis  de  Virfolellis.  —  1689, 
VArchinlo-  —  1691,  le  Hollman.  —  1700,  le  Chris- 
tiani.  —  1700,  celui  de  la  cour  d'Espagne  au  Palais 
royal  de  Madrid.  —  170  1,  le  Servais. 

(Interruption  de  production  de  1701  à  1707.) 

1707,  le  de  Fait.  —  1707,  le  Paganini.  —  1709,  le 

Delphino.  —  1710,  le  Gore  Booth.  —  1711,  \e  Diiport. 

1711,  le  Mura.  —  1711,  le  Romberg.  —  1712,  le  Davi- 
dolf.  —  1713,  l'Adam.  —  1714,  le  R<itta.  —  1717,  le 
de  Corberon.    —    1719,    le   H.   Becker.   —    1720,   le 

Pialti.  —  1724,  \eHanssmann.  —  172.Ï,  le  Vaslin.  

1723,  le  Daudiot.  —  1726,  le  Chcvillard.  —  1738,  le 
Mendehsohn. 

La  production  totale  des  instruments  de  Stradiva- 
rius est  estimée  à  onze  cents. 

On  connaît  de  lui  : 

Violons,  540.  —  Altos,  12.  —  Violoncelles,  50. 

Parmi  ses  œuvres,  citons  encore  une  charmante 
pochette  qui  se  trouve  au  Musée  du  Conservatoire 
de  Paris.  Elle  est  datée  de  1717. 

Comme  détail  importantde  facture, sontà  signaler 
les  grandes  variations  dans  les  hauteurs  des  voûtes 
de  violons.  Les  plus  élevées  sont  de  20  mm.  et  les 
plus  basses  descendent  jusqu'à  14  mm. 

Stradivarius  est  le  premier  qui  ail  noirci  les  chan- 
fn  ins  du  cheviller  et  de  la  volute  de  ses  instruments. 
En  cela,  Guarnehius  l'a  imité,  mais  il  a  aussi  noiVci 
les  arêtes  des  quatre  coins  des  éclisses,  ce  qu'on 
ne   trouve  jamais  chez  Stradivarius.  On  connaît  d 


1716 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


lui  quelques  tables  de  violons  qui  soiiL  d'une  seule 
pièce. 

Pour  les  fonds,  il  a  employé  des  bois  sur  couche  au 
début,  puis  presque  toujours  sur  maille,  d'une  ou  de 
deux  pièces.  Le  bel  érable  pour  ces  fonds  devait  être 
rare,  cardans  ses  plus  remarquables  instiumenls  se 
trouvent  parfois  de  petites  pièces  ajoutées,  le  mor- 
ceau employé  étant  probablement  trop  étroit. 

Diniensions  des  instrnmeiils  de  Slradivarins. 


Violons  1067  . 

—  1 0S7  . 

—  1672. 

—  1077. 

—  1690. 

—  1090' 

—  1702. 

—  1704. 

—  1707. 

—  170S. 

—  1710., 

—  1711.. 

—  1713.. 

—  1714.. 

—  1715.. 

—  1718.. 

—  1720.. 

—  1725.. 

—  1732.. 

—  1734.. 

—  1736.. 


Inngtieur 

largeur 

Largeur 

ÊCiissft.^ 

Jclisses 

du  haut. 

du  bas. 

du  haut. 

au  tas. 

m  m. 

mm. 

mm. 

mm. 

mm. 

350 

160 

183 

29 

31 

352 

167 

201 

32 

32 

356 

165 

200 

30 

31 

350 

163 

20  r. 

2S 

30 

355 

166 

207 

28 

30 

362 

162 

210 

30 

32 

357 

169 

210 

30 

31 

357           170 

210 

30 

31 

357           170 

210 

30 

30 

360           171 

210 

30 

31 

357          170 

210 

30 

31 

360           170          210 

30 

30 

358  1/2       169         210 

30 

31 

356          170         210 

30 

30 

355 

165 

206 

30 

31 

3B0 

170 

210 

30 

31 

358  1/2 

170 

210 

30 

31 

354 

16S 

208 

29    1/2 

31     1/2 

360 

170 

210 

30 

31 

360 

170 

SIO 

32 

33 

357 

164 

205 

30 

31 

longueur. 

Largeur 

largeur 

Éclisses 

Éclisse.s 

du  haut 

da  bas. 

du  haut. 

du  has. 

mm. 

mm. 

mm, 

mm. 

mm. 

Altos  lG90(grand  for- 

mat)   

478 

220 

273 

40 

43 

Altos  1690  (petit  for- 

mat)   •  ■ . . . 

413 

1S7 

213 

39 

40 

Altos  1691  (grand  for- 

mal)  

480 

220 

273 

40 

43 

Altos   1701  (petit  for- 

mat)   

410 
793 

186 
368 

243 

468 

38 
114 

39 

Violonc.  1690 

121 

—        1691 

grand 

797 

36S 

471 

121 

121 

—         1700 

modèle 

790 

360 

465 

111 

114 

—         1701 

792 

366 

456 

125 

125 

—         1689) 

760 

352 

450 

120 

120 

—        1710, modèle 

756 

346 

440 

117 

124 

—        1720  moyen. 

756 

316 

437 

124 

127 

—        1730 

746 

329 

421 

117 

121 

Les  dimensions  (longueur  et  largeur)  concernent 
les  tables  et  les  fonds  des  instruments. 

Les  mesures  données  ci-dessus  ne  sont  pas  abso- 
lument rigoureuses,  elles  sont  en  cbifTres  ronds.  — 
D'ailleurs,  de  si  minimes  différences  sont  sans  impor- 
tance, étant  donné  l'usure  des  bords,  et  l'abaisse- 
ment possible  des  éclisses  par  des  détablages  plus 
ou  moins  réussis.  —  On  sait  que  les  anciens  luthiers 
se  servaient  comme  mesures  de  pieds,  pouces,  lignes, 
qui  ne  correspondent  pas  à  noire  système  décimal. 

Str.^divabi  (Francesco)  (1671-1743).  —  Fils  et 
élève  d'Antonio  Stradivari;  s'est  éloigné  de  la  tra- 
dition paternelle  quant  aux  formes.  Cependant  sou 
patron  est  grand  et  bien  étudié.  Les  f/ se  rapprochent 
de  ceux  des  frères  Amati.  Vernis  brun  d'une  bonne 


l.  Tjiii.'  limguel. 


Fio.  S3S.  —  Ornemenls  d'un  violon  d'A.  .Stradivari. 
(Volute,  cheviller,  coulisse  et  éclisses.) 

qualité.  La  sonorité  est  grande  et  belle.  11  aurait- 
place  des  étiquettes  de  son  père  dans  quelques-uns 
de  ses  instruments. 

Stradivari  (Omobono)  (1679-1742).—  Fils  et  élève 
d'Antonio  Stradivari.  A  peu  produit.  11  semble  s'être 
surtout  occupé  de  réparations. 

Florence.  —  Garcassi  (Lorenzo  et  Toramasso).  — 
Les  deux  frères  travaillèrent  ensemble  au  milieu  du 
xviii»  siècle.  Forme  voiUée;  ff  courts  et  arrondis, 
vernis  jaune  et  jaune-lirun.  Asse.(  bons  instruments. 

Gabrielli  (Gian-Baltista)  (1740-1770).  —  Lnlherie 
estimée  surtout  pour  sa  sonorité  très  en  deliors.  Ni 
le  modèle  ni  la  main-d'œuvre  ne  sont  remarquables. 
Les  voûles  tombent  brusquement,  ce  qui  les  fait 
paraître  plus  hautes  qu'elles  ne  sont  en  réalité.  Ver- 
nis jaune,  dur,  mais  transparent. 

Pazzini  (Gian-Gaetano)  (1630-1670).  —  Elève  de 
Maggim,  qu'il  copia.  Voi'ltes  élevées,  vernis  sombre. 

Gènes.  —  Calcagno  (Bernardo)  (commencement  du 
xviii'  siècle).  —  Instruments  de  petit  patron  d'après 
Stradivarils.  Bonnes  fournitures.  Vernis  jaune- 
d'ambre  et  rouge  pâle. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    1717 


Omo\>onut  Stra5uuWius/iglM  Antom^ 
Crtmooc   ïccitAnno  irjj^:    «S 


FiG.  S39. 

ce,  coins,  filels,  ff  cl  cliquette  d'un  violon  d'Omobono  Sradivaei. 
(Laurent  Grillet.) 


Livourne.  —  GRAr.NANi  (Antonio)  (seconde  moitié 
du  xviii''  siècle).  —  Bonne  main-d'œuvre.  Fournitures 
de  second  clioix.  Vernis  jaune. 

Gragnani  (Gennaro)  (même  époque).  —  Frère  du 
précédent,  même  lutlierie. 

Milan.  —  Gra.ncino  (Paolo)  (seconde  moitié  du 
xvii'  siècle).  —  Passe  pour  élève  de  Nicolo  Amati. 
Cependant,  ses  voiMes  sont  peu  élevées.  Fournitures 
moyennes.  Excellent  vernis  jaune.  Ses  instruments 
sont  recherchés. 

Granci.no  (Giambattista  [I])  (1690-1710).  —  Fils  de 
Paolo,  le  plus  célèbre  luthier  de  la  famille.  Bon  tra- 
vail, belles  fournilures,  vernis  allant  du  jaune  jus- 
qu'à 1  orange.  Sonorité  remarquable. 

Gn\NCiNO  (Giovanni)  (1680-1720).  —  Fils  de  Paolo. 
Travailla  d'abord  en  communauté  avec  son  frère. 
Instruments  petit  patron,  semblables  comme  coupe 
à  ceux  de  son  [lère.  Vernis  jaune  et  brun. 

Grancino  (Giambaltista  [11])  (wiii!^  siècle).  —  Fils 
de  Giovani.  Sonorité  bonne,  malgré  la  (uauvaise  qua- 
lité des  fournilures  et  du  travail.  Vernis  d'un  vilain 
aspect  et  dur. 

Grancino  (Francesco)  (xviii«  siècle).  —  Frère  du 
précèdent.  Le  travail  et  les  fournitures  laissent  éga- 
lement beaucoup  à  désirer,  et  cependant  la  sonorité 
n'est  pas  mauvaise. 

GuADAGNiNi  (Giambattista  ^1])  •  Milan  et  Parme. 
(Plaisance,  16^5-1770).  —  Frère  de  Loren-;o,  mais  ne 
l'égala  pas,  quoique  ses  instruments  soient  très  esti- 
més. Patron  Stradivaurs,  mais  plus  fruste.  Vernis 
lougeâire  ou  orange. 

GuADAGNiNi  (Giambattista  [11])  Plaisance  et  Turin. 
('Crémone,  1711,  f  i786  à  Turin).  —  Fils  de  Lorenzo 
et  aussi  élève  de  Stradivarius,  son  travail  est  dans 
le  style  de  ce  dernier,  mais  beaucoup  plus  fruste, 
comme  chez  le  précédent.  Vernis  de  diverses  nuances, 
très  transparent  et  fort  beau.  Sonorité  puissante,  et 


possédant  beaucoup  de  portée.  Instruments  de  con- 
cert. 


Joanrcs  Bapllf^a  Guadagnini  * 
Cremoncnfis  fecit  Taurini.       GBG 
alumnus   Antoni  Siridivai'i  777 


FiG.  s  10. 

ce,  coins,  filets, /y  et  étiquette  d'un  violon  de  J.-B.  Gdadag.nini, 
(Laurent  Grillet.) 

GuADAG.NiNi  (Giuseppe)  (Milan,  Côme,  Pavie  et 
Parme).  —  Né  à  Parme  au  milieu  du  xviii'  siècle, et 
travailla  Jusqu'au  commencement  du  xix'.  Bonne 
lutherie,  mais  bien  inférieuie  à  celle  des  précédents. 
Il  doit  être  le  fils  de  Guadag.nimi  (Giauibatli>(a)[I]. 

La  famille  des  Gl'adag.nini  co;itinua  à  pratiquer  la 
lutherie  jusqu'au  milieu  du  xis»  siècle. 

Landolfi  (Carlo  Ferdinando)  (1714-1775).  —  Belle 
lutherie,  rappelant  Pierre  Guarnerius.  Boimes  four 
nitures.  Vernis  jaune  et  tirant  sur  le  rouge.  Les 
voûtes  des  fonds  sont  généi-alement  peu  élevées  par 
rapport  à  celles  des  tables. 

Ma.ntegazza  (Pietro-Giovanni)  (xviii°  siècle).  — 
Style  Amati.  Vernis  brun.  Altos  très  recherchés. 

Mantegazza  (Francesco)  (xvni''  siècle).  —  Frère  du 
précédent.  Même  lutherie. 

Testore  (Carlo-Giuseppe)  (*  1660  à  Xovara,  -j-  1720  à 
Milan).  —  Le  plus  renommé  de  ce  nom.  Il  fut  élève 
de  Cappa  à  Saluzzo  et  de  Giov.  Granci.no  à  Milan. 
Style  Joseph  Guarnerius  (del  Jesu).  Vernis  brun.  Son 
très  en  dehors  et  beau. 

Testore  (Carlo-Antonio)  (1688-1765).  —  Fils  aîné 
de  Carlo-Giuseppe,  travailla  sur  les  mêmes  données 
que  son  père.  On  remarque  à  l'intérieur  de  ses  ins- 
tiuments,  sur  le  fond,  une  petite  marque  au  fe, 
chaud  représentant  un  aigle. 

Testore  (Paolo-Antonio)  (1690-1760).  —  Frère  du 
précédent.  Ses  instruments  sont  peu  soignés.  Géné- 
ralement dans  le  style  Guarnerius  (del  Jesu),  et 
recouverts  d'un  vernis  jaune  foncé  de  vilain  aspect. 
Les  filets  manquent  sur  les  fonds. 

Mantone.  —  Albani  (Nicolo)  (xvni"  siècle).  — 
Grand  format.  Vernis  rouge.  Bonne  sonorité. 

Cauilli  Caniillo  de)  (xviii»  siècle).  —  Bon  travail 
d'après  Stradivarius.  Aspect  séduisant.  Bonnes 
fournitures.  Vernis  brun  et  rouge^brun.  Les /'/'courts 
et  très  ouverts.  Jolie  sonorité. 

Zanotti  (Antonio)  (première  moitié  du  xviii»  siècle). 
—  Bonne  lutherie  d'après  Pierre  Guarnerius.  Vernis 
brun. 


1718 ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  Dlr.TroyxAIRE  DU  CONSEUVATOIRE 


Carlo  Antonio  Tcftorc  figlio  maggiore 
del  fu  Carlo  Giufcppe  in  Contrada 
larga  al  fegno  dcll'Aquila  •    1740 


FiG.  841. 

ce,  coins,  filets,  ffei  étiquette  d'un  violon  de  C.-A.  Tkstore. 
(Laurent  Oeillet.) 

Naples.  —  Gagliano  (Alessandro)  (1640-172S).  — 
Le  plus  ancien  des  luthiers  renommés  de  cette  ville, 
et  fondateur  de  ce  que  l'on  appelle  Y  école  napolitaine, 
représentée  surtout  par  ses  descendants. 

Elève  de  Stradivarius,  la  tradition  veul  qu'il  snit 
retourné  en  1095  dans  son  pays  natal.  Ses  instru- 
ments sont  de  grand  patron,  avec  des  voûtes  peu 
élevées.  Les  ff  sont  plus  droits  et  plus  ouverts  que 
ceux  de  son  maître,  mais  ils  en  conservent  le  carac- 
tère. Les  fournitures  laissent  à  désirer  sous  le  rap- 
port de  la  beauté,  mais  elles  sont  de  bonne  qualité. 
Il  en  résulte  une  sonorité  puissante  et  agréable.  Les 
instruments  de  ce  luthier  parlent  facilement  et  sont 
très  eitimés.  Vernis  jaune  et  rouge  brun.  Les  têtes 
plutôt  petites. 

GASUANO(iNicoIo)  (1670-1740).  —  Fils  aîné  d'Ales- 


Nicolaus  Gagliano  Filius 
Alexandn  fedtNc^p.i;  35 


«c,  coins,  filets,  ff  et  étiquette  d'un  violon  de  Nicolo  GAi.liano. 
(Laurent  ^îrillet.) 


sandro,  cet  excellent  luthier  s'est  rapproclié  dan» 
sa  facture  des  Stradivaki  de  la  période  amntisée. 
Belles  fournitures.  Vernis  généralement  rouge  brun. 

r.AGLiANo  (Gennaro)  (1700-1760).  —  Second  fils 
d'Alessandro.  A  peu  produit,  mais  ses  instiuments 
sont  très  estimés.  Les  ff  sont  plus  courts  et  plus 
ouverts  que  chez  Stradivari,  dont  il  a  suivi  les 
traditions.  Beaucoup  de  variation  dans  les  contours. 
Vernis  rouge  allant  jusqu'au  rouge  ceiise. 

Gagliano  (Ferdinando)  (1706-1781).  —  Fils  aine  de 
^icolo.  A  fait  deux  sortes  d'instruments,  les  uns 
très  soignés,  les  autres  pour  être  vendus  bon  marché. 
Bons  instruments  dans  le  style  de  Stradivarius, 
voûtes  peu  élevées,  vernis  jaune  ou  brun.  Les  violon- 
celles sont  particulièrement  estimés.  Avec  lui  com- 
mence la  décadence  de  la  lutherie  de  ce  nom. 

Padoue.  —  Deconetti  (Deconet,  Michèle).  —  A 
tiavaillé  à  Padoue  et  à  Venise  (1750-1790).  Kcole  de 
Crémone.  Bons  instruments.  Vernis  brun-rouge. 

Pesaro.  —  Mariani  (Antonio)  (xvir  siècle).  —  On 
connaît  quelques  rares  instrumenls  de  ce  luthier,  qui 
a  tiavaillé  sur  le  modèle  de  Maggini. 

Rome.  —  Emiliani  (Francesco  de)  (première  moitié 
du  xviji''  siècle).  —  Violons  voûtés  genre  David 
Techler.  Jolie  lutherie. 

GiGLi  (Julio  Cesare)  (1700-1761V  —  Style  Amati. 
Voûtes  moyennes.  Très  beau  vernis  brun-jaune  et 
brun-rouge. 

Platner  (Michèle)  (milieu  du  sviii»  siècle).  —  Très 
bonne  lutherie  genre  David  Techler.  Vernis  jaune 
doté. 

Techler  (David)  (1666-1743).  —  A  travaillé  à 
Salzburg,  à  Venise  et  à  Home.  Ses  premiers  instru- 
ments portent  fortement  l'empreinte  de  la  tradition 
allemande  de  Stainkr.  A  Home,  sa  facture  devint 
plus  italienne.  Aussi,  les  instruments  datés  de  celte 
ville,  à  partir  de  1700,  sont  les  plus  estimés.  Il  con- 
serva néanmoins  les  ff  courts  et  ronds  de  Stainrr, 
et  les  voûtes  élevées  et  conduites  de  la  même  ma- 
nière que  ce  dernier.  Ses  violoncelles  sont  inliniment 
plus  appréciés  que  ses  violons.  Vernis  rouge  foncé  et 
rouae  brun. 


FiG.  843. 

ce,  coins,  filets  et  ff  d'un  violoncelle  de  David  Techliîr. 
(Laurent  Grillet.) 

ToppANi  (Angello  de)  (1733-50).  —  Genre  Techleb^ 
;;raiid  patron,  bonne  sonorité.  Vernis  jaune  doré. 

Saluzzo.,'—   Cappa  (Goffredo)  (xvii«  siècle).  —  A 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    1719 


travaillé  à  Saluzzo  et  à  Turin.  Passe  pour  avoir  été 
l'élève  des  frères  Amati  (Anlonio  et  (iirolamo).  Sa 
lutherie  n'a  que  de  très  loin  le  caractère  de  celle 
des  Amati.  Les /'/'ont  une  forme  très  caractéristique. 
Vernis  jaune  ou  rougo  brun.  Lesaltos  et  les  violon- 
celles sont  plus  estimés  que  les  violons. 


FiG.   8ii. 
ce,  coins,  filets  et  ff  d'un  violon  de  G.  Cappa.  (Laurent  Gkit.let.  , 

Trévise.  —  Costa  (Pier  Antonio  dalla)  (1700-1768). 

—  A  travaillé  à  Trévise  et  à  Venise.  Reau  et  bon 
travail  dans  le  slyle  des  frères  Amati.  Vernis  rouge- 
jaune  très  séduisant. 

Turin.  —  Pressf.nda  (Gian-Francesco)  (1777-18o4). 

—  Les  œuvres  de  ce  lulbier,  quoique  n'appartenant 
plus  ci  la  bon:ie  époque,  sont  très  estimées.  Les  vio- 
lons, altos  et  violoncelles  de  Pressenda  compteni 
parmi  les  meilleurs  inslrumenls  modernes.  Une  pla- 
queite  port.mt  comme  titre  Classica  Fahricazione  di 
violini  in  Picmonle,  et  signée  d'un  de  ses  élèves, 
Benedetto-lliofTredo  detlo  Rinaldi,  donne  des  détails 
sur  la  carrière  de  cet  homme,  qui  embrassa  sa 
profession  par  une  vocation  bien  marquée. 

Giovanni-Francesco  PnEssENOAnaquit  le6  juin  1777, 
de  parents  pauvres,  à  Lequio-Berria,  petite  commune 
de  la  circonscription  d'Alba,  au  Piémont.  Son  père 
était  violoniste  de  profession  et  c'est  tout  jeune  qu'il 
se  lamiliarisa  avec  les  instruments  à  cordi-s.  A  douze 
ans,  enthousiasmé  par  les  récits  qu'il  avait  entendus 
sur  les  luthiers  de  Crémone,  il  quitta  la  maison  pa- 
ternelle et  se  dirigea  vers  la  ville  célèbre,  par  petites 
étapes,  en  jouant  du  violon  pour  gagner  de  quoi 
vivre.  A  Crémone,  il  entra  en  apprentissage  chez 
Storioni,  un  des  derniers  luthiers  de  la  bonne  époque. 
Ensuite,  il  alla  à  Alba,  où,  son  art  ne  lui  rapportant 
pas  assez  pour  subsister,  il  se  fit  ouvrier  bijoutier. 

Plus  tard  enfin,  il  alla  à  Turin,  où  Giambatlisla 
PoLLEDRO,  un  des  plus  renommés  violonistes  du  temps, 
ayant  reconnu  les  mérites  de  sa  lutherie,  le  protégea; 
grâce  à  ce  puissant  appui,  il  putétendre  ses  relations 
et  faire  connaître  ses  œuvres. 

Pressenda  avait  choisi  Stradivarius  comme  modèle. 
11  employa  de  belles  fournitures,  et  son  vernis  est 
fort  beau,  généralementjaune  ou  jaune  brun. 

HoccA  (Giuseppe-Antonio)  (1800-1865).  —  Elève  de 
PaESSR.NDA.  Compte  aussi  parmi  les  meilleurs  luthiers 
modernes.  A  copié  Stradivarius  et  Guarneh  lus  (Joseph 
del  Jesu).  Le  plupart  de  ses  fonds  sont  d'une  pièce. 

'Venise.  —  Bellosio  (Anselme)   (.wni''   siècle).  — 


Elève  de  San-Seraphimo.  Même  lutherie,  mais  en  moins 
beau. 

Cerin  (Marcanlonio)  (fin  du  xviii' siècle).  —  Instru- 
ments très  soignés,  modèle  Stradivarius. 

Farinato  (Paolo)  (169b -n2.ï).  —  Genre  San-Sera- 
puiNo.  Vernis  jaune  rougeâtre. 

GoBETTi  (Francesco)  (1690-1730).  —Elève  de  Stra- 
divari.  Lutherie  très  estimée,  d'après  Amati  et  Stra- 
divarius. Belles  fournitures;  vernis  jaune  ou  rouge 
clair.  Sonorité  distinguée. 

GoFRiLLER  (Matteo)  (fin  du  xvii'  siècle  jusque  vers 
le  milieu  du  xviii»).  —  Style  Stradivarius,  mais 
néanmoins  une  certaine  personnalité  dans  les  dé- 
tails. Volute  bien  tournée,  bonnes  fournitures.  Bonne 
sonorité,  quoique  parfois  un  peu  en  dedans. 

GoPRiLLER  (Francesco)  (même  époque  que  le  pré- 
cédent). Frère  de  Matteo,  même  lutherie,  un  peu 
inférieure  à  celle  de  ce  dernier. 

Montagn.ana  (Domenico)  (1700-1730).  —  Elève  de 
Mcolo  Amati  et  condisciple  de  Stradivarius.  Un  des 
plus  grands  luthiers  de  son  temps,  que  l'on  a  très 
justement  surnommé  \n  puissant  Vénitien. 

Ses  instrumeiils  rappellent  Stradivarius  dans  la 
période  dite  amaliscr,  mais  le  travail  est  bien  person- 
nel. Les  //participent  de  la  coupe  de  Stradivarius  et 
de  GuARNEiiius  (del  JesuU  La  sonorité  est  également 
comme  un  mélange  de  celle  de  ces  deux  maîtres. 
Vernis  admirable,  orange  ou  rouge  foncé,  souvent 
très  épais,  et  toujours  d'une  grande  transparence. 


Dominicus  Montaâna-ii  Sub  Si- 
gumim  Crçmoi^B  v^netiiis  rj^ci 


Cf.  coins,  filets,  //et  étiquette  d'un  violon 
de  Domenico  Montagna.na.  (Laurent  Geii.lei-.) 

Pandolfi  (Antonio)  (première  moitié  du  .wiii"  siè- 
cle). —  Bons  instruments;  grand  patron,  sonorité  en 
dehors. 

San-Skraphino  ('1668,  Udine;  f  1748,  Venise).  — 
Un  des  meilleurs  maîtres  vénitiens.  Sa  factui'e  rap- 
pelle lieaucoup  la  manière  allemande  et  se  ressent 
de  l'intliience  de  Staineh.  C'est  surtout  dans  les  ff 
et  la  volute  que  cette  influence  est  apparente.  Les 
voûtes  élevées  la  dénotent  également.  Superbe  vernis 


1720 


ENCrCLOPÈniE  DE  LA  Ml  SIQ!E  ET  DICTlOSXAinE  Dr  COSSERVATOJRE 


véiiilien,  rouf^e  ou  jaune  d'or  avec  une  pointe  de 
rose.  Bonne  sonorité,  mais  pas  très  en  dehors. 


FlG.  816. 

ce,  coins,  filets  et  ff  d'un  violon  de  Santo-Seeaphino. 
{Laurent  Grillet.) 

La  décadence  de  la  luterie  italienne  est  achevée  à 
la  mort  de  J.-B.  Guadag.mni  en  1786,  et  la  même 
année,  dans  le  but  d'essayer  de  faire  ressusciler  un 
art  perdu,  el  d'exciter  l'émulation  des  luthiers, 
l'Académie  des  sciences,  lettres  et  arts  de  Padoue 
décerna  un  prix  à  un  luthier  de  cette  ville,  Antonio 
B.\G.\TELLA,  pour  uu  mémoire  intitulé  :  Rcgole  per  ta 
costrazione  de  vioUni,  violi,  violoncelH  e  violoni. 

Dans  ce  miiinoire,  Bag.\tella  donne  des  indications 
très  compliquées  el  arbitraires,  pour  retracer  les 
contours  caractéristiques  des  instruments  des  Amati. 
Cet  écrit  n'a  donné  de  résultats  ni  théoriques  ni 
pratiques,  et  la  lutherie  de  Bagatella  (qui  fut  en 
réalité  surtout  un  réparateur)  ne  présente  aucun 
intérêt. 


En  tête  des  luthiers  étrangers  à  l'Italie  s'inscrit  un 
précurseur. 

TiEFFENBttiCKER  (Gaspar),  dont  le  nom  fut  plus  tard 
francisé  en  Duiffoprugcar  (aussi  Dielîoprnchar,  Duif- 
fobrocard,  Dietfenbruger),  naquit  en  loli  à  Fi'eising, 
en  Bavière.  11  vint  se  fixer  à  Lyon  vers  le  milieu  du 
XVI'  siècle,  oii  des  lettres  de  naturalité  lui  lurent  don- 
nées en  15S8  par  Henri  II,  roi  de  France.  Il  signait 

DUIFFOPROUCART. 

On  ne  connaît  pas  de  violon  authentique  de  lui,  et 
on  peut  considérer  comme  apocryphes  tous  ceux  qui 
figurent  dans  des  collections  ou  qui  sont  signales 
dans  des  ouvrages. 

Dans  le  portrait  que  fit  de  lui  le  célèbre  graveur 
Woeirioten  1502,  où  il  estreprésenlé  entouré  d'ins- 
truments de  sa  création,  on  en  remarque  un  qui  a 
beaucoup  d'analogieavecle violon.  Les  quatre  coins 
et  la  forme  générale  dénotent  un  des  instruments  de 
transformation  qui  devaient  aboutir  au  violon.  Cet 
adiiiiial)le  artiste  contribua  donc  lui  aussi  à  la  créa- 
tion du  quatuor  moderne. 

On  connaît  de  lui  plusieurs  violes  qui  sont  des  mer- 
veilles de  lutherie. 

1°  La  viole  de  gambe  du  musi'-e  IJonaldsou  à  Lon- 
dres, d'une  forme  très  élégante,  ornée  de  dessins  en 


marqueterie  d'un  goiil  exquis.  Le  format  en  est  petit 
Le  corps  n'a  que  6o  centimètres 
de  haut. 

2°  La  viole  dite  au  plan  de 
Paris,  au  musée  du  Conserva- 
toire de  Bruxelles. 

Dimensions  :  Longueur  du 
corps  700  mm.  —  Largeur  du 
bas  380  mm.  —  Largeur  du 
milieu  des  e  220  mm.  —  Lar- 
geur du  haut  285  mm. 

Le  manche  de  cet  instrument 
se  recourbe  en  avant  sous  la 
forme  d'une  tête  de  cheval,  et 
sa  face  postérieure  est  recou- 
verte de  scul|itures  compli- 
quées, représentant  une  tête  de 
remme,deux  lions  et  un  satyre 
jouant  de  la  flûte,  le  tout  enca- 
dré d'animaux,  de  Iruils  el 
d'instruments  de  musique.  Le 
lire-cordes  est  recouvert  d'in- 
crustations où  sont  figurés, 
oulre  plusieurs  ornements,  une 
f-mme  jouant  du  luth  et  un 
chien  attaché  par  un  collier. 

Le  fond  est  couvert  de  mar- 
queterie en  bois  multicolore. 
On  voit  en  haut  saint  Luc,  de 
profil,  assis  sur  un  bœuf,  s'en- 
levant  dans  les  airs,  vers  des 
nua;;es  d'où  sortent  des  trom- 
pettes emlioucliées  par  des  an- 
ges. 

En  bas,  le  plan  de  la  ville  de 
Paris  (plus  de  200  maisons  d'un  centimètre  carré,  et 
même  des  personnages  microscopiques). 


FiG.847.  —  Viole  de  Ddif- 
FOPHDGCAB  portant  en 
marqueterie  sur  le  fond 
le  sujet  bien  connu  : 
YieiUiird  à  lu  cltai-ie  d'eii- 
fiiiit. 


FiG.  848.  —  Violes  d'après  Pr.etorius  (milieu  du  xvr  siècle).  Le 
iio  5  désigné  llalïetthcht'  lijrn  de  Itracio,  est  un  instrument  de 
transformation,  où  les  formes  du  violon  sont  déjà  nettement 
viables. 


TECnSIQVE,  ESTIIÉTr  LE  ET  PÉnxc.OGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    1721 


3"  La  viole  porta'it  en  raarquelerie  sur  le  fond  le 
sujet  bien  connu  ■.Vieillard  à  la  chaire  d'enfant.  Cet 
instfiiment,  également  précieux,  a  une  Wte  de  cheval 
sciilplée  à  l'extrémité  du  cheviller. 

Il  nsle  encore  à  signaler  l'image  d'un  iiisiriiment 
de  transition  se  rapprochant  beaucoup  du  violon  (les 
quatre  coins  et  les  ff).  Elle  se  Irouve  sur  la  planche 
XX  de  Pr.rtorii's  (milieu  du  xvr  siècle)  sous  le  n"  5 
et,  détail  curieux,  elle  est  désignée  ainsi:  Italienische 
lyra  de  bracio. 

La  reproduclion  d'un  insirument  de  transition 
dans  le  portrait  de  Dl'iffoprugcar  par  Woeiriot,  et 
celle  que  nous  venons  d'indiquei-,  sont  des  documents 
qui  confirment  l'idée  ralionnelle  que  l'on  peut  se 
faire  de  la  naissance  du  violon. 


Avant  d«  passer  aux  luthiers  étrangers  à  l'Italie,  il 
est  nécessaire  d'élalilir  que  leurs  œuvres  ne  peuvent 
pas  être  comparées  au.x  instruments  de  l'époque 
italienne  classique.  A  dater  de  la  mort  de  J.-B. 
GuADAG^'I^^I,  en  1786,  l'Italie  elle-même  a  perdu  le 
privilège  de  produire  des  instruments  à  archet  qui 
se  caractérisent  par  une  qualité  de  son  spéciale, 
dénommée  le  son  italien. 

Certes,  il  existe  beaucoup  d'instruments  à  cordes 
fabriqués  en  dehors  de  l'Italie,  autrefois  comme  de 
nos  jours,  qui  ne  sont  pas  dépourvus  de  mérites,  et 
qui  rendent  de  très  grand  services  à  l'art  musical. 

C'est  sous  ce  rapport  qu'il  est  bon  de  les  connaître. 
Il  en  est  même  qui  ont  acquis  une  1res  grande  va- 
leur commerciale;  mais  cela  ne  suflit  pas  pour  les 
mettre  sur  le  même  rang  que  les  anciens  instruments 
italiens. 

Les  appréciations  que  nous  aurons  à  émettre  au 
sujet  de  la  lutherie  dont  nous  venons  de  parler  ne 
pourront  en  aucun  point  servir  de  base  pour  établir 
des  conipariiisons  avec  l'ancienne  lutheiie  italienne. 

Notre  aperçu  sur  les  principaux  lut'jiers  de  chaque 
nation  s'arrêtera  aux  contemporains,  comme  cela  a 
été  fait  pour  l'Ilalie. 

France. 

Les  luthiers  français,  qui  s'étaient  déjà  signalés 
par  leur  habileté  et  leur  goût  dans  la  construction 
des  violes,  furent  parmi  les  premiers  qui  firent  des 
violons,  altos  et  violoncelles.  11  y  a  peu  à  dire  sur 
les  luthiers  du  xvii'  siècle.  Leurs  instruments  sont 
mal  connus,  el  sur  le  peu  qui  en  reste,  l'authenticité 
est  difficile  à  établir. 

Le  xviu''  siècle  a  vu  une  grande  production  d'ins- 
truments, en  général  bien  faits,  copiés  pour  la  plus 
grande  partie  sur  des  Am\t[,  dont  ils  rappellent  l'es- 
prit aussi  bien  que  les  formes,  et  parfois  l'élégance. 
Plus  tard,  Stradivarius  servit  de  niodéle. 

En  di'hors  de  la  lutherie  artistique,  la  France  a  vu 
naître  et  prospérer  la  production  en  gros  à  Mirecouit, 
qui  est  demeurée  un  centre  important  de  fabrication. 

Lille.  —  De  La.nnoy  (.\.-J.)  (xviii"  siècle).  —  Bon  tra- 
vail. 

Delepla.xole  (Gérard)  (seconde  moitié  du  xviii"  siè- 
cle). ^  Modèle  un  peu  fruste  el  sans  élégance,  mais 
bonnes  fournitures  et  joli  vernis  jaune-rougeàtre. 

Lyon.  —  Meriotte  (Charles)  (xvin'  siècle).  —  Bons 
instruments,  bien  coupés.  Vernis  rouge  foncé. 


SiLVESTRK  (Pierre)  (Mirecourl,  Paris,  Lyon)  (*180I 
à  Sommerviller,  f  1859  à  Lyon).  —  Après  avoir  tra- 
vaillé avec  François  Lipot  et  Cano  h  Paris,  il  s'éta- 
blit à  Lyon  avec  son  frère  Hippolyte  en  1829,  asso- 
ciation qui  dura  jusqu'en  1848.  Lutherie  1res  estimée. 
.Modèle  Stradivarits. 

Sii.vESTRE  (Hippolyte)  (Paris  el  Lyon)  (*  en  18o8  à 
Saint-.\icolas-du-Port,  fen  (879  à  Sommervillers). 
—  Après  avoir  travaillé  chez  Vuillal'me  à  Paris,  s'as- 
socia avec  le  précédent.  Instruments  très  estimés. 

Mirecourt.  —  Chanot  (("rançois)  (*en  1788  à  Mire- 
court,  feu  1828  à  RocheforI).  —  Ingénieur  qui  fit 
de  nombreuses  recherches  sur  la  construction  du 
violon.  Il  construisit  des  instrumenis  sans  coins, 
ayant  la  forme  de  guitare.  Cette  invention  n'est  qu'une 
réédition  du  passé.  Le  musée  du  Conservatoire  de 
Bruxelles  possède  plusieurs  instruments  italiens  du 
xvii=  siècle  provenant  de  la  collection  Pielro  Correr 
de  Venise  et  qui  ont  cette  forme  de  guitare.  Nous 
avons  cité  un  alto  de  Pierre  Gl'arnebius  ainsi  cons- 
truit. 

Derazey  (Honoré)  (xix<:  siècle).  —  Grande  produc- 
tion commerciale  dans  laquelle  se  distinguent  par- 
fois certains  instruments  très  soignés  et  intéressants. 

Nicolas  Didier,  dit  le  Sourd  (*17o7,  flBSS).  — 
Style  Stradivarius,  mais  grosse  et  lourde  lutherie. 

Nancy.  —  Méd^bd.  —  Une  famille  Médard  repré- 
sente à  elle  seule  toute  la  lutherie  de  la  région  de 
.Nancy  au  xvii"  siècle.  Elle  sombra,  en  1636,  dans  un 
procès  de  fausse  monnaie. 

Il  y  eut  au  cours  du  xvii"  siècle  plusieuis  v  loniers, 
violoniers  ou  violons  du  nom  de  Henri,  Nicolas,  Claude 
et  François  Leur  lutherie  est  peu  connue  el  les  spé- 
cimens qui  en  restent  sont  assez  rares.  On  dit  qu'ils 
travaillèrent  dans  le  style  df  s  premiers  Amati. 

L'un  d'eux,  François,  pas-^e  pour  avoir  été  chargé 
de  confectionner  des  violons  pour  la  chapelle  de 
Louis  XIV.  Le  musée  instrumental  du  Conservatoire 
de  Bruxelles  possède  de  lui  un  alto  couvert  d'orne- 
ments peints  et  dorés. 

Paris.  —  Aldbic  il 790-1844).  —  Un  des  meilleurs 
luthiers  français.  Bonne  main-d'œuvre,  fournitures 
de  qualité;  beau  vernis  rouge  un  peu  épais. 

Bassot  (Joseph)  (I76'M810).  —  Lutherie  très  irrégu- 
liére.  On  rencontre  néanmoins  de  jolis  instruments. 
Vernis  rouge  assez  plaisant. 

Ber.nardel  (Augiiste-Sébastien-Philippe  (*1802  à 
Mirecourt,  1820  à  Paris).  —  Travailla  chez  LcpoT  et 
chez  Gand,  puis  s'établit  en  1826.  Lutherie  esiimée, 
pnriiculièrement  les  violoncelles. 

BoiviN  (Claude)  (environ  1730-1750).  —  Bons  ins- 
truments. Vernis  jaune  ou  rose.  Volutes  bien  sculp- 
tées. 

BocQLiAY  (Jacques).  —  Né  à  Lyon,  travailla  à  Paris 
de  170.'j  à  173;;  environ. 

Kxcellente  main-d'o?uvre.  Petit  patron.  .Style  Amati. 
ff  bien  découpés.  Vernis  brun  ou  rouge  brun  foncé. 
Sonorité  agréable. 

Castag.nehi  (André)  (première  inoité  du  xviu"  siè- 
cle). —  D'origine  italienne,  ce  luthier  a  travaillé  sur 
le  modèle  de  Stradivarius,  //longs  et  ouverts.  Ver- 
nis généralement  brun. 

Chanot  (Georges)  (*  Mirecourt,  ■[  1883  à  Courcelles. 
—  Frère  de  François  Chanot,  de  Mirecourt.  Après 
avoir  construit  des  violons  sur  les  données  de  ce 
dernier,  il  travailla  sur  le  modèle  de  Stradivarius. 
Bonne  lutherie,  sonorité  très  en  dehors. 


1732 


ENCYCLOPÈniE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Chappuy  (Mcolas-Auguslia)  (seconde  moitié  du 
XVIII»  siècle).  —  A  travaillé  à  Mirecourt  et  à  Paris. 
Grand  patron  ;  vernis  jaune  et  brun. 

Fent  (François)  (seconde  moilié  du  xviii»  siècle). 
—  Excellente  lullierie;  bonne  sonorité;  vernis  rouge 
qui  a  noirci  par  le  temps;  modèle  de  Stradivarius 
très  artislement  coupé. 

Gakd  (Charles-François)  (1787-1845).  —  Elève  de 
LupoT,  il  imita  son  maître  et  ses  instruments  sont 
estimés. 

Gand  (Guillaume)  (1792-1858).  —  Frère  du  précé- 
dent, même  lutherie. 

Gaviniès  (François)  (Bordeaux-Paris,  seconde  moi- 
tié du  xviii'  siècle).  —  Lutherie  un  peu  lourde  et 
sonorité  nasillarde  pour  les  violons,  par  suite  du 
manque  d'épaisseur  des  fonds.  Les  violoncelles  sont 
meilleurs.  Vernis  lirun. 

GossELiN  (1814-1830).  —  Amateur  très  distinfiué, 
dont  la  liilherie  égale  celles  des  meilleurs  profes- 
sionnels. Beau  vernis  rouge. 

GuERSAN  (Louis)  (xvin"  siècle).  — Jolis  instruments; 
petit  patron;  vernis  jaune  ou  rougeâlre. 

Jacquot  (Charles)  (M808  à  Mirecourt,  f  à  Paris  en 
1880).  —  Bonne  lutherie  courante. 

Lagetto  (Louis)  (milieu  du  xviii»  siècle).  —  Bonne 
lutherie,  modèle  Amati. 

Le  PiLEUR  (Pierre-François)  (xv!!!'  siècle).  —  Bonne 
main-d'œuvre,  mais  fournitures  de  qualité  inférieure. 
Vernis  brun. 

LupoT  (François)  (Lunéville,  Stutlgard,  Orléans  et 
Paris)  (1736-1804).  —  Modèle  Stradivarius.  Bons 
instruments. 

LupoT  (Nicolas)  (Orléans  et  Paris)  ('Stutlgard  en 
17d8,  f  Paris  I824|.  —  Fils  du  précédent.  Le  meilleur 
elle  plus  renommé  de  tous  les  lulliieis  français  de 
son  temps.  Surnommé  le  Slradivarius  Français. 

Il  employa  toute  son  habileté  à  copier  Stradiva- 
rius, et  ses  instruments  ont  la  même  vogue  que  ceux 
de  Pressenda.  Sa  lutherie,  généralement  plus  mas- 
sive que  celle  de  son  modèle,  ne  laisse  rien  à  désinr. 
La  main-d'œuvre  est  excellente,  et  la  sonorité  de 
bonne  qualité,  très  en  dehors  et  cependant  assez 
ronde.  Vernis  rouge  brun. 


FiG.  S19. 
ec,  coins,  filots  el  ff  d'un  violon  de  ^■icolas  LcroT. 

Pierrav  (Claude)  (première  moilié  du  xviii«siècle). 
—  A  copié  Nicolo  Amati  avec  succès.  Jolis  instru- 
ments, revêtus  d'un  vernis  rouge  clair  séduisant,  et 
possédant  une  sonorité  sinon  puissante,  du  moins 
agréable. 

Pique  (François-Louis)  (17S8-1822).  —  Lutherie 
déjà   très  estimée   de    sou   temps,   égale  à  celle  de 


LupOT,  mais  n'ayant  pas  atteint  la  même  notoriété. 
El  cependant  il  est  certain  que  Lupot  a  travaillé  pour 
lui  el  lui  a  même  fourni  de  son  vernis.  Il  a  peut-être 
aussi,  en  retour,  travaillé  pour  Llpot  dans  des  mo- 
ments de  presse,  ce  qui  expliquerait  certaines  varia- 
lions  dans  la  lutherie  de  l'un  el  de  l'autre  de  ces^ 
deux  remarquables  luthiers. 

PiROT  (Claude)  (1800-1833).  —  Bonne  sonorité. 
Instruments  voûtés.  Vernis  brun. 

lUsiBAUx  (Claude-Victor)  (1806-1871).  —  Bonne 
lutherie  courante. 

Salomon  (Jean-Baptiste)  (milieu  du  xviii»  siècle).  — 
Ses  violoncelles  sont  renommés.  Lutbeiie  fruste. 

TuiBOt^T  (Jacques-Pierre)  (1777-1836).  —  Un  des 
meilleurs  luthiers  français.  Beau  vernis  rouge  sur 
fond  doré. 

VuiLLAUME  (Jean-Baptiste)  (*  1798  Mirecourt,  f  1875 
Paris).  —  Un  des  plus  réputés  luthiers  français.  Il 
travailla  chez  Chanot,  s'associa  avec  Lété,  puis  s'éta- 
blit finalement  pour  son  compte  en  1828.  Se  lit  con- 
naître par  des  copies  d'anciens  instruments  bien 
réussies. 

Très  habile]  ouvrier  et  chercheur,  son  œuvre  est 
considérable  :  2  909  violons  porleni  sou  étiquette.  Il 
inventa  Voclohaase,  instrument  haut  de  4  mètres  et 
monté  do  trois  cordes  vl,  sol,  ut.  Il  a  quatre  notes- 
au  grave  de  plus  que  la  contrebasse  ordinaire.  Les 
dimensions  de  cet  instrument  onl  exigé  l'invention 
d'un  mécanisme  spécial  :  au  moyen  de  leviers,  des 
doigts  d'acier  virnncnt  se  placer  sur  les  cordes  à  la 
façon  d'une  baire,  eu  sorle  que  l'exécutant,  dans 
chaque  position  du  doigt  d'arier,  a  toujours  à  sa 
portée  trois  degrés,  dont  le  deuxième  est  la  quinte 
et  le  troisième  l'octave  de  l'autre.  L'appareil  des 
leviers  est  fixé  au  côté  droit  de  l'instrument,  et  l'on 
agit  sur  les  bascules  à  l'aide  d'un  pédalier. 

11  existe  deux  octobasses,  l'une  au  Musée  du  Con- 
servatoire de  Paris,  l'autie  en  Unssie. 

VuiLLAUME  lit  fabriquer  des  archets  en  acier  creux, 
qui  ne  donnèrent  pas  de  bons  résultats.  Il  inventa 
aussi  un  alto  avec  éclisses  élevées  qui  n'eut  pas  de 
succès. 

La  lutherie  de  Vuill\ume  a  été  trop  vantée  autre- 
fois et  est  trop  discréditée  de  nos  jours.  Il  faut  savoir 
choisir.  Les  instruments  sortis  des  mains  de  cet 
habile  ouvrier  sont  bons,  surtout  ceux  du  début  de 
sa  carrière.  Les  autres  représentent  la  moyenne  de 
ce  que  l'industrie  produisait  de  son  temps. 

Strasbourg.  —  Schwartz  (Bernai'di  ('1744  à  Kô- 
nigsberg  en  Prusse,  f  1822  à  Strasbourgl. 

ScHWAiiTz  (Georges-Frédéric)  _(i783-1849|.  —  Fils 
du  précédent. 

Scuwartz  (Théopliile-Guillaunie)  (1787-1861).  — 
Frère  du  précédent. 

La  famille  Schwartz,  de  Strasbourg,  a  produit  des 
œuvres  ti-ès  ho:ioral)les  et  appréciées.  Les  violon- 
celles sont  particulièrement  en  faveur. 

Allemagne. 

De  très  boiuie  heure,  l'Allemagne  avait  vu  tleurir 
l'art  de  la  lutherie  entre  les  mains  de  ses  célèbres 
faiseurs  de  luths  et  de  violes.  Klle  ne  fut  cependant 
pas  une  des  preuiièi'es  à  adopter  les  instruments  du 
quatuor  moderne.  Ce  fut  seulement  sous  l'inifuilsion 
et  le  prestige  de  Jacob  SrAiNEn,dont  l'inlluence  se  fit 
sentir  un  peu  pailout,  que  les  lulbiei's  allemands  se 
mirent  à  construire   violo:is,  altos  et  violoncelles. 


TECIIXIQUE,  ESTIIÈTIQVE  ET  PÈDACnGJB 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    17Î3 


C'est  par  le  Tyrol,  dont  la  situation  ppof»raphique 
était  (ont  naturellement  marquée,  que  l'infiltration 
se  fit. 

Il  esljusle  de  signaler  que  le  type  Sïaineb,  avec 
ses  voAtes  élevées  et  tombant  Ijrusqiienient  vers  les 
bords,  les  /■/"  courts  et  très  arioiidis,  ne  resta  pas  le 
seul  adopté. 

A  côté  de  luthiers  qui  le  suivirent  exclusivement, 
il  en  est  d'autres  qui  choisirent  comme  modèle  celui 
des  Amati  et  plus  tard  de  Stradivarils.  D'autres 
encore,  comme  les  maîtres  de  Prague,  ne  se  con- 
tentèrent pas  de  copier  les  Italiens;  ils  cherchèrent, 
en  modifiant  tel  ou  tel  type,  à  en  créer  un  qui  leur 
fiil  propre. 

Absam.  —  Stainf.r  (Jacob)  (1621-1683).  —  Le  plus 
grand  maître-luthier  d'Allemagne.  —  11  passe  pour 
avoir  été  l'élève  de  Nicolo  Amati,  et  la  chose  ne 
parait  pas  impossible,  car,  malgré  les  grandes  diver- 
gences qui  existent  entre  la  lutherie  de  Stainf.r  et 
celle  de  l'école  italienne,  on  trouve  certains  détails 
chez  Stainer  qui  rappellent  Nicolo  Amati.  —  Chose 
curieuse,  malgré  la  renommée  universelle  dont  ont 
joui  les  violons  de  Jacob  Staider.  on  n'en  trouve  que 
très  peu  d'une  authenticité  indéniable.  Aussi,  beau- 
coup de  jugements  ont  été  porté>  sur  cette  lutherie 
d'après  des  violons  tyroliens  portant  une  étiquette 
apocryphe  du  maître  d'Absam. 

Stainer  a  fait  des  violons  de  deux  patrons,  l'un 
grand,  et  l'autre  petit.  La  main-d'œuvre  est  égale, 
sinon  supérieure  à  la  moyenne  de  ce  que  l'Italie  a 
produit.  Le  vernis  jaune  d'or  est  aussi  chatoyant, 
aussi  distingué  que  celui  de  Nicolo  Amati. 

Malhi'ureusement,  le  parti  pris  de  structure  a  pour 
conséqueuce  une  sonorité  qui  est  loin  d'être  aussi 
complètement  belle  que  celle  obtenue  par  l'architec- 
ture italienne.  Les  artistes  et  les  amateurs  avaient 
déjà  porté  ce  jugement  (devenu  définilif),  tout  au 
début  du  xix=  siècle. 


Violon  (1650) 
Violon  (1070) 
Allô 


Longueur 

lareeur 
du  haut. 

Ui'Kdir 
du  bas. 

Éclisses 
supérieur. 

— 

— 

— . 

— 

mm. 

mm. 

mm. 

mm. 

354 

102 

200 

30  1/2 

35(3 

166 

222 

29 

i05 

198 

241 

46 

ÉclissM 
infér. 

mm. 

31 

30 

47 


Berlin.  —  Bachmann  (Carl-Ludwig)  (xviii'  siècle). 
—  Violoniste  de  la  cour  et  luthier  habile.  Ses  instru- 
ments de  modèle  italien  sont  estimés. 

Bozen.  —  Albani  (Mathias).  — Oa  cite  deux  AlbaNI 
du  m^me  prénom.  L'un  aurait  vécu  de  1621  à  1673, 
et  l'autre  de  1650  à  1710.  11  est  probable  qu'il  est 
question  d'un  seul  et  même  luthier  de  ce  nom. 

Il  travailla  à  Bozen  et  à  Rome,oCi  il  alla  vers  1660. 

Ses  instruments  faits  à  Bozen  ont  le  type  tyrolien, 
voûtes  élevées,  ff  très  ouverts.  Souvent  une  tête 
sculptée  à  la  place  de  la  volute.  Belles  fournitures, 
vernis  orange  ou  rouge  brun.  A  Mome,  Albani  tra- 
vailla plutôt  dans  le  style  italien.  Ses  instruments 
sont  recherchés. 


MATTHIAS  ALBANUS  fceit 
Bulfani  inXyroliKçi'. 


FiG.  850. 
,  filels,  /■/'et  étiquette  d'nn  violon  de  Jacobus  Stai.ner. 


FiG.  851. 

ce,  coins,  filets,  //'et étiquette  d'un  violon  de  Mathias  ALB.^^■I. 

Dresde.  —  Jaugh  (Johan)  (1733-1730).  —  Bons 
violons  imités  des  Gi'émonais.  Les  fournitures  sont 
belles  et  les  épaisseurs  bien  étudiées. 

Eisenach.  —  Hasert  (Joli. -Christian)  (xviii^  siè- 
cle). —  Bonnes  copies  dans  le  style  italien. 

Fiissen.  —  iNiggel  (Sirapiternus)  (xviii"  sièclel.  — 
(.eTTre  Stainer,  mais  moins  voûté.  Vernis  générale- 
ment brun. 

Innsbruck.  —  Schorn  (Joh.-Paul)  (1680-1716).  — 
lustiumenls  voûtés  rappelant  Albani.  Beau  vernis. 

léna.  —  Otto  (Jacob-August)  (1760-18-29).  — 
LûTïïeiie  estimée.  A  écrit  sur  le  violon. 

Langenfeld.  —  Scheinlein  (Johann-Micbael)  (xviii» 


1724 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MVHIQCE  ET  D/CT/OX^'A/HE  DU  COysiiHVATOIRE 


siècle).  —  Bon  Iravail  style   Staineb;   voûtes  moins  . 
élevées. 

Leipzig.  —  Fritzsche  (Samuel)  (vers  1800).  — 
Excelli-nt  luthier  et  habile  réparateur. 

HuisGER  (Christoph-Friedrich)  (1718-1787;.  —  Un 
des  meilleurs  luthiers  allemands  de  son  temps.  Vio- 
lons et  violoncelles  sur  des  modèles  italiens. 

Mayence.  —  Diehl  (Johann)  (1808-1843).  —  A  tra- 
vaillé d'après  Stbadivariis.  —  Vernis  jaune  d'or. 
Bonne  main-d'œuvre. — Estimé  dans  les  provinces 
rhénanes. 

Mittenwald.  —  Hounsteiner.  —  Sousce  nom,  toute 
une  famille  a  pratiqué  la  lutherie  au  xvni=  et  au 
SIX"  siècle.  Mathias  IIornsteineh  (1760  à  1800)  passe 
pour  le  meilleur  lulhicr  de  la  famille. 

Klotz.  —  Il  en  est  de  môme  pour  la  famille  Klot,', 
dont  les  insiruments  sont  assez  recherchés.  Mathias 
Klotz  (1656-17431,  le  premier  de  la  d\nastie,  a  tra- 
vaillé d'après  Stai.n'er. 

Son  lils  Sébastien  lit  des  instruments  sur  le  même 
t.vpe,  mais  avec  des  vofites  moins  élevées,  tandis  que 
d'autres,  comme  Egidius,  travaillèrent  d'après  les 
Amati. 

Munich.  —  Kolditz  (Mathias)  (milieu  du  sviii''  siè- 
cle). —  Bonne  lutherie.  Vofites  peu  élevées. 

Nurenberg.—  Malssiel  (Leonhardi  (1708-17o").  — 
Bon  imitateur  de  Stai.ner.  Souvent  une  tète  sculptée 
à  la  place  de  la  volute. 

WiDHALM  (Léopokl)  (1760-1788).  —  Un  des  meil- 
leurs lulhiers  allemands,  de  l'école  de  Stainer.  Belles 
fournitures;  vernis  rouge-brun.  Bonne  sonorité,  très 
en  dehors. 

Prague.  —  Eberlk  (Joh. -Ulrich)  (milieu  du 
xviir  siècle).  —  A  travaillé  d'après  les  Italiens  et 
aussi  d'après  Stai.ner.  Fournitures  remarquables, 
bonne  main-d'œuvre.  Sonorité  plutôt  faible.  A  cons- 
truit de  jolies  violes  d'amour. 

EoLiiNGER  (loseph-Joachim)  (1693-1748).  —  A  tra- 
vaillé dans  diilérentes  villes  de  lllalie.  —  Style  italien, 
voûtes  basses.  Bons  instruments. 

HELL.MER  (Joh.-Georg)  (1687-1770).  —  Beai:x  iiislru- 
menls,  sonnant  bien. 

Hëlmer  (Carl-Joseph)  (fin  du  iviii'' siècle,  commen- 
cement du  xix=  siècle).  —  Elève  de  Eberle.  Bon  tra- 
vail, vernis  brun.  Sonorité  un  peu  sourde. 

Strnad  Caspeb  H7.')2-1823).  —  T.\pe  Stradivarius, 
voûtes  basses,  ff  un  peu  courts.  Joli  vernis  brun  ou 
rouge. 

Vienne.  —  Stadlmann  (Daniel-Achatius)  (1680- 
1744).  —  LU  des  njoilleuis  luthieis  viennois.  Beau 
Iravail,  tenant  le  milieu  entre  Stai.ner  et  N.  Amati. 
Vernis  brun. 

Stadlmann  (Johann-Joseph).  —  Fils  du  précédent. 
Bon  lulhier.  Instruments  d'après  Stainer.  Voûtes 
très  élevées.  Néanmoins  bonne  sonorité.  Vernis  brun 
ou  rouge-brun. 

Aiiglelerre. 

Les  luthiers  anglais  du  xvii"  siècle  se  'laissèrent 
aussi  influencer  par  Stainer,  sauf  quelques-uns  qui 
tiavaillerent  dans  le  style  de  Brescia.   Au  cours  du 


•'iviir  siècle,  le  modèle  allemand  fut  délaissé  et  on 
s  orienta  d'une  façon  générale  du  côté  de  Crémone. 

II  y  eut  à  cette  époque  en  Angleterre  des  luthiers 
fort  habiles,  détenteurs  d'excellents  vernis,  si  bien 
que  beaucoup  de  leurs  instruments  démaïqués  ont 
passé  et  passent  encore  aujouid'hui  pour  des  italiens 
aullientiques. 

Par  suite  de  l'importation  considérable  que  fit  ce 
pays  d'instruments  étrangers,  il  posséda  beaucoup 
moins  de  luthiers  que  son  importance  ne  l'aurait 
exigé.  A  remarquer,  toutefois,  que  l'Angleterre  fut  le 
pays  où  les  produits  nationaux  se  payèrent  le  plus 
cher.  Vers  le  milieu  du  xix"  siècle,  l'Angleterre  de- 
vint le  plus  grand  marché  d'instruments  anciens. 

Brampton.  —  Forster  (^Villiam)  [I]  (1713-1801). — 
Copies  de  Stainer  et  d'AiJATi. 

Edimbourg.  —  Hardie  (Matthew)  (17135-1820).  — 
Bon  Iravail  dans  le  style  Amati. 

Hardie  (Thomas)  (1804-l8o6).  —  Fils  du  précédent. 
Même  lutherie. 

Londres.  —  Betts  (John)  (I73a-1823).  —  Elève  de 
Duke.  Bonnes  copies  d'anciens  maîtres  italiens  (avec 
l'aide  de  ses  ouvriers  Pa.normo  et  Fe.ndt).  Filets  larges, 
/■/■  ouverts. 

Ciioss  (.\athaniel)  (1700-17o0).  —  Imitations  de 
Stainer.  Vernis  jaune.  Bonne  main-d'œuvre. 

DoDD  (Thomas)  (1786-1819).  —  Excellent  copiste 
des  maitres  italiens.  —  A  eu  comme  ouvriers  Bern. 
Fe.n'dt  et  John  Lott.  Vernis  remai'quable. 

Duke  (liichard)  (1750-1780).  —  Imitateur  habile 
de  Stradivarius  et  de  Mcolo  Amati.  —  11  fit  aussi 
des  violons  dans  le  style  Stai.ner. 

Fkndt  (Bernhard)  (1756-1832).  —Lutherie  esti- 
mée. 

Fendt  (Bernhard-Simon)  (1800-1851).  —  Fils  du 
précédent.  Bons  instruments,  copies  de  Guarnerius. 
A  fait  des  violoncelles  dans  le  style  de  Maggini. 

Forster  (William)  [11]  (1789-1807).  —  Imitations 
de  Stainer  et  d'A.MATi.  Beaux  instruments  estimés. 

Forster  (William)  [111]  (1764-1824).  —  Fils  du 
précédent.  Même  lutherie. 

GiLKKs  (Samuel)  (I7S7-1827).  —  Elève  de  Ch.  Har- 
Ris.  Copies  de  N.  Amati.  Vernis  jaune  brun.  Instru- 
ments très  estimés. 

Marris  (Charles)  (fin  du  xviii"  siècle,  commence- 
ment du  xix"  siècle).  —  Un  des  meilleurs  luthiers 
anglais.  Copies  de  N.  Amati  et  de  Stradivarius.  Ver- 
nis d'un  beau  rouge.  Les  violoncelles  sont  particu- 
lièrement recherchés. 

HiLL  (Joseph)  (xviii»  siècle).  —  Elève  de  P.  Wams- 
LEY.  Ses  altos  et  ses  violoncelles  sont  recherchés. 

HiLL  (William)  (1741-1790).  —  Fils  du  précédent. 
Bonne  lutherie. 

Lorr  (John-Frédéric)  (177o-18o3).  —  A  travaillé 
pour  UoDD.  —  Ses  violoncelles  et  ses  altos  sont  re- 
cherchés. 

NoHMAN  (Barak)  (1688-1740).  —  Excellent  ouvrier 
de  l'ancienne  école.  A  travaillé  d'après  le  type  de 
Brescia.  Son  vernis  est  foncé.  Les  altos  et  les  violon- 
celles sont  particulièrement  estimés. 

Pami'Hilon  (Edward)  (xvii"  siècle).  Instrument  sans 
valeur  parliculiiire.  Petitpatron;  voûtes  élevées;  dou- 
bles filets;  vernis  jaune. 

Panormo  (Joseph)  (1773-1820).  —  Panormo  (Georges) 
(1774-18421.  — Tous  deux  fils  de  Vincen/.o  Panormo. 
Excellents  instruments  bien  construits',  modèle 
Stradivarius. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    17:5 


Parker  (Daniel)  (17)4-17«5).  —  Beaux  violons 
d'après  Stainer.  Bonne  inaiii-d'œiivre;  belles  fourni- 
lures;  vernis  rouge  tendre. 

Raysia.n  (Jacob)  (vers  1620).  —  On  prétend  que  c'est 
lui  qui  fit  le  pieinier  des  violons  en  Au^ileterre.  Slyle 
allemand,  mais  avec  des  voùles  relativement  moins 
élevées;  //courts;  beau  vernis  brun;  bonne  sonorité. 
Taylor  (1770-1820).  —  Elève  de  Panohmo.  Instru- 
ments estimés. 

Tobin  (Bicbard)  (1790-1836).  —  Ses  imitations  de 
Stradivarius  et  de  Guarnerius  sont  très  estimées  en 
Angleterre. 

Urquhart  (Thomas)  (xvii'  siècle).  —  Petit  patron  ; 
voiites  élevées,  vernis  brun;  belle  sonorité. 

Wamslky  (Peler)  (1727-1751).  —  Un  maître  très 
estimé  eu  Angleterre.  Imitateur  de  Stain'er. 

Salisbury.  —  Bancks  (Benjamin)  (1727-170")).—  Un 
des  meilleurs  luthiers  de  l'Angleterre,  si  ce  n'est  le 
plus  grand.  Style  .Nicolo  AiiATi,  beau  vernis  rou- 
geàtre,  avec  tendance  ans  craquelures.  Les  violon- 
celles sont  pai  ticulièrement  recherchés. 

Banks  (James  el  Heni'y)  (xviii'  siècle).  —  Fils  du 
précédent.  Bonne  lutherie. 


Belgique  et  Hollande» 

Les  luthiers  de  Belgique  el  de  Hollande  nous  ont 
laissé  des  instruments  estimables,  mais  ne  dépassant 
pas  une  certaine  moyenne.  Suivant  les  régions,  ils 
ont  été  influencés  par  l'école  allemande  ou  l'école 
italienne. 

Amsterdam.  —  Bourmeester  (Jan)  et  Bouhmeester 
(Sébastien)  (xyiii^  siècle.)  —  Ces  deu.K  luthiers  ont 
construit  de  bons  instruments,  grand  patron,  vernis 
jaune. 

Jacobs  (Hendrik)  (vers  1700).  —  Très  beau  travail 
d'après  Nicolo  Amati.  Généralement  grand  patron. 
Filels  en  baleine  comme  chez  presque  tous  les  luthiers 
des  Pays-Bas. 

Jacobs  (Peeter) (première  moitié  du  xviii"  siècle).  — 
Probablement  un  flis  du  précédent.  Beau  vernis 
rouge  foncé. 

Lefubvre  (J.-B.)  (1720-1740).  —  Bonne  lutherie,lslyle 
Amati. 

RoMBOuTs  (Pieter)  (première  moitié  du  xviii«  siè- 
cle). —  Instruments  très  voi'ltés.  Bonne  sonorité. 

Wi;vuAN.\  (Cornélius)  (xvin"  siècle).  —  Luthier  es- 
timé. 

Anvers.  —  Van  der  Slagh  Meulen  (J.-B.)  (xvii»  siè- 
cle). —  Instruments  d'après  l'école  de  Brcscia.  Vernis 
brun. 

Bruxelles.  —  Delanoy.  Famille  de  luthiers  dont 
quelques  œuvres  sont  estimées. 

Snoece  (Egidius)  (première  moitié  du  xviii»  siècle). 
—  Travail  moyen  dans  le  style  d'AMATi. 

La  Haye.  —  Cl'ypers  (Jan)  (1707-1720).  —  Un  des 
meilleurs  maîtres  hollandais.  Vernis  jaune. 

Tournay.  —  Comble  (Amboise  de)  (1720-1760). —  Ce 
luthier  passe  pour  avoir  travaillé  chez  Stradivarilis. 
A  fait  des  instruments  d'après  la  dernière  période 
de  Stradivarius,  solidement  construits,  et  d'un  aspect 
un  peu  massif.  —  Vernis  d'un  beau  rouge  et  rouge 


brun,   ayant  de  l'analogie   av.>o    le   vernis   italien. 
Filets  étroits.  Lutherie  très  estimée. 

Espagne  et  Portugal. 

La  facture  des  instruments  à  archet  en  Espa^rne 
et  au  Portugal  a  subi  directem;nt  l'inauence  îta- 
lienne.  —  La  production  n'est  pas  grande,  mais  .die 
est  d'une  qualité  très  honorable. 

Barcelone.  —  Boi-kill  (S.)  (xviii=  siècle).  —  Instru- 
ments sur  le  type  Guarnerius.  Vernis  rouge  foncé. 

UucLos  (.Nicolas)  (xviiie  siècle).  — Jollsinstruments, 
slyle  italien. 

GiiiLLAMi  (Joannes)  (xvin=  siècle).  —  Bonnes  copies 
de  Strauivariis. 

Lisbonne.—  Gabra.m  (Joachim-Joseph)  (I769-182S). 
—  Bonne  main-d'œuvre.  Vernis  jaune. 

Madrid.  —  Co.vtreras  [I]  (José)  (xvme  siècle).  — 
Copies  de  maîtres  italiens,  particulièrement  Guar- 
nerius (Joseph).  Voûtes  prononcées.  Vernis  rou"e 
foncé  translucide. 

Contreras  [II]  (fin  du  xviii»  siècle  et  commence- 
ment du  XIX»  siècle).  —  Elevé  du  précédent,  qu'il  n'a 
pas  égalé. 


LA  CONSTRUCTION 

C'est  au  moyen  d'un  outillage  très  simple,  et  à 
l'aide  de  procédés  pour  ainsi  dire  primitifs,  que  les 
luthiers  de  l'époque  classique  ont  réalisé  leurs  chefs- 
d'œuvre.  De  nosjours,  on  a  introduit  dans  la  facture 
des  instruments  à  archet  quelques  changements 
lesquels  ne  peuvent  être  considérés  comme  perfec- 
tionnements qu'au  point  de  vue  de  la  rapidité  dans 
la  fabrication,  ou  de  la  facilité  dans  l'ajustement  des 
différentes  pièces  qui  constituent  un  instrument.  La 
lutherie  industrielle  en  a  profité,  mais,  dans  la  luthe- 
rie artistique,  on  travaille  aujourd'hui  exactement 
de  la  même  manière  que  du  temps  de  Maggini, 
d'AiiATi  et  de  Stradivarius. 

L'exposé  qui  va  suivre  n'est  pas  un  traité  de  luthe- 
rie. 11  a  pour  but  de  suivre  toutes  les  phases  de  la 
facture  des  instruments  à  archet  et  de  les  détailler 
le  plus  clairement  possible. 

Deseriptloii  du   violon,  de  l'alto,  du  «iolonccelle 
et  de  la  contrebasse. 

Violon.  —  La  table  du  dessus  de  la  caisse  sonore 
appelée  lahle  d'Iiannonie,  est  une  planchette  de  sapin 
découpée  suivant  le  moiléle  adopté.  Epaisse  de  trois 
à  quatre  millimètres  et  voiUée  suivant  la  sonorité 
que  l'on  veut  olitenir,  elle  est  percée  de  deu.x  ouver- 
tures nommées  ff  et  placées  symétriquement,  ayant 
pour  but  principal  de  mettre  l'intérieur  de  la  caisse 
en  rapport  avec  l'air  extérieur. 

Le  dessous,  appelé  fond,  est  en  bois  d'érable.  Il 
est  voûté,  mais  la  forme  de  sa  voûte  n'est  pas  sem- 
blable à  celle  de  la  table.  Il  n'est  pas  percé  d'ouver- 
tures. Son  épaisseur  au  centre  est  de  quatre  milli- 
mètres et  demi;  elle  décroit  jusqu'aux  bords  où  elle 
n'a  plus  que  deux  millimètres  et  demi,  tandis  aue 
l'épaisseur  de  la  table  d'haimonie  décroit  dans  une 
proportion  bien  moindre. 


172r, 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICIIONN.MRE  DU  CONSERVATOIRE 


FiG.  S52.  —  Violon 
(Sradivabids). 


La  table  el  le  loiid  sonl  réunis  par  une  ceinture 
formée  de  bandeleltes  en  bois  d'érable  de  un  milli- 
mètre fort  d'épaisseur,  nommées  éclisses. 

A  l'intérieur,  et  à  l'extrémilé  du  haut  et  du  bas, 
se  trouvent  des  petits  blocs  de 
bois  de  sapin  appelés  tasseaux, 
qui  servent  à  fixer  le  pied  du 
manche  et  l'attache  du  cordier. 
Ces  tasseaux  sont  collés  aux 
éclisses  el  à  la  table  du  fond 
comme  à  la  table  d'harmonie. 

Outre  ces  deux  tasseaux,  il  en 
existe  encore  quatre  qui  se  trou- 
vent fixés  de  la  même  manière 
aux  éclisses  et  aux  deux  tables. 
Us  se  trouvent  placés  aux  qua- 
tre encoignures  qui  limitent  les 
échancrures  du  milieu.  Us  ont 
pour  but  de  donner  à  l'ensemble 
toute  la  solidité  nécessaire,  et 
ils  servent  en  même  temps  à  as- 
sembler les  éclisses  formées  de 
fragments  se  faisant  suite. 

Les  éclisses  sont  renforcées 
inléiiHurement  par  de  petites 
bandelettes  de  bois,  étroites  et 
courbées  pour  suivre  le  contour 
de  la  table  et  du  fond.  On  les 
appelle  des  conti'ecclisses.  Elles 
«ont  généralement  en  sapin,  comme  les  coins.  On  les 
fait  aussi  en  bois  de  saule,  ainsi  que  ces  derniers. 

Dans  le  but  de  consolider  la  table,  de  lui  permettre 
de  résister  à  la  pression  des  cordes  et  d'établir  une 
tension  favorable  au  développement  de  la  sonorité, 
on  fixe  à  l'intérieur  une  petite  verge  de  sapin  passant 
sous  le  pied  gauche  du  chevalet,  et  placée  parallèle- 
ment à  l'axe  dans  le  sens  de  la  longueur.  Klle  a  les 
trois  quarts  de  la  longueur  intérieure  de  la  caisse,  et 
s'arrête  à  distance  égale  des  deux  bouts.  On  l'appelle 
la  barre.  Son  épaisseur  est  au  milieu  de  0  m.  OOo. 
Sa  hauteur,  de  0  m.  011  également  prise  au  milieu, 
va  en  décroissant  de  manière  à  se  terminer  à  0  aux 
deux  extrémités. 

Une  petite  baguette  de  sapin  de  six  millimètTes 
environ  de  diamètre,  dont  les  deux  extrémités  sont 
taillées  de  façon  à  s'appliquer  exactement  sur  la 
surface  intérieure  de  la  table  et  du  fond,  est  placée 
-entre  elles  perpendiculairement,  en  forranl  légère- 
ment. Sa  place  est  à  une  très  petite  distance  en 
arrière  du  pied  droit  du  chevalet.  On  l'appelle  dme,  à 
cause  de  l'importance  considérable  qu'elle  a  sur  la 
sonorité. 

I^e  manche  est  fixé  à  l'extrémité  du  tasseau  supé- 
rieur. Au  bout  du  manche  se  trouve  le  cheviller, 
creusé  pour  recevoir  les  chevilles  et  les  cordes.  Le 
cheviller  est  terminé  par  une  volute. 

Contre  le  manche  et  en  dessus,  se  trouve  la  louche, 
en  bois  d'ébène,  sur  laquelle  viennent  se  poser  les 
doigts  du  joueur. 

A  l'endroit  où  le  manche  finit  et  où  le  cheviller 
commence,  se  trouve  une  petite  proéminence  sur 
la  touche,  appelée  sillet.  Elle  a  pour  but  de  mainte- 
nir les  cordes  à  une  distance  déterminée  au-dessus 
de  la  touche. 

L'éclisse  du  bas  est  percée  en  son  milieu,  ainsi 
que  le  tasseau  qui  y  adhère,  pour  recevoir  un  boulon. 
A  ce  dernier  est  attaché  le  cordier,  en  bois  d'ébèrre, 
lequel  reçoit  les  cordes.  Ces  dernières  vont  s'enrouler 
autour  des  chevilles  qui  les  tendent,  mais  en  posant 


sur  le  chevalet.  C'est  par  ce  dernier,  petite  plaque 
d'érable  finement  découpée,  que  se  produit  la  pres- 
sion des  quatre  cordes  sur  la  table.  Le  chevalet  a 
deux  pieds,  qui  doivent  reposer  de  part  et  d'autre 
de  l'axe,  à  égale  distance  et  sur  la  ligne  des  petites 
échancrures  on  crans  marqués  sur  les  //'.  11  pose  de 
champ. 

La  table  et  le  fond  sont  d'une  ou  de  deux  pièces. 
Elles  sonl  creusées  à  la  ijouge.  Les  éclisses  et  contre- 
éc lisses  sont  courbées  au  feu. 

■fout  autour  de  la  table  et  du  fond  est  incrusié,  à 
une  petite  distance  des  bords,  un  filet  composé  d'une 
partie  en  bois  naturel  entre  deux  parties  de  bois 
noir. 

Tout  l'instrument,  sauf  le  manche,  est  recouvert  à 
l'extérieur  d'un  vernis  dont  la  composition  contribue 
à  sa  qualité  aussi  bien  qu'à  sa  beauté. 

Les  dimensions  des  instruments  h  archet  ne  sont 
variables  que  dans  une  faible  mesure,  particulière- 
ment pour  le  violon. 

Ces  dilférences,  combinées  avec  le  dessin  des  con- 
tours et  le  parti  pris  des  voûtes,  constituent  les 
ditlèrents  patrons. 

D'une  façon  générale,  le  violon  a  de  trente-cinq  à 
trente-six  centimètres  de  longueur,  mesurés  à  l'ex- 
térieur et  du  haut  en  bas  de  la  table  ou  du  fond. 
La  plus  grande  largeur  du  haut  est  de  dix-sept  cen- 
timètres, celle  du  milieu  de  onze  centimètres,  celle 
du  bas  de  vingt  et  un  centimètres.  La  plus  grande 
épaisseur  prise  d'extérieur  à  extérieur  des  tables  est 
d'un  peu  plus  de  six  centimètres.  La  hauteur  des 
pelisses  dépend  de  l'élévation  des  voûtes.  Elle  est  en 
rnoyeime  de  trente-deux  millimètres  en  bas  et  de 
trente  millimètres  en  haut. 

Alto.  —  L'alto,  dans  le  format  adopté  par  la  majo- 
rité des  artistes,  a  dans  ses 
dimensions  un  septième  de 
plus  que  le  violon. 

On  a  cependant,  de  tout 
ti'mps,  construit  desallos  plus 
petits  et  plus  grands.  Les  plus 
petits  ne  sont  pas  estimés, 
n'étant  que  de  grands  vio- 
lorrs,  faciles  à  joirer  pour  de 
petites  mains,  ruais  man- 
quant de  la  sonorité  et  du 
tinrbre  recherchés  dans  l'alto. 
Les  phrs  grands  sonl  recher'- 
chés  par'  les  altistes  dont  la 
confoi'mation  physique  se 
prête  à  leur  maniemerrt. 
Dans  de  tels  instruments,  on 
trouve  parfois  des  qualités 
sonores  tout  à  fait  remarqua- 
bles. 

ITioloncelle.  —  Les  tabler 
du  violoncelle  ont  dans  leurs 
dimensions  au  moins  le  dou- 
ble de  celles  du  violon.  On 
en  a  construit  de  petits  et  de 
grands.  Aujourd'hui,  on  ad- 
met comme  longueur  la  plus 
favorable  soixante-seize  ceiilimèlr'es.  Les  éclisses  ont, 
en  bas,  de  onze  à  douze  centimètres.  Celte  hauteur  va 
en  diminuant  vers  le  haut,  où  elle  a  perdu  environ 
cirrq  millimètres.  Comme  dans  les  altos,  les  propor- 
tions varient  serrsiblement. 


FiG.  853.  —  Alto 
(Shaiiivaridsj. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQIE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    1727 


FiG.  8J4.  —  Violoncelle  (SRAoïvARins). 

Contrebasse.  —  La  contrebasse  a  un  peu  moins 
du  double  de  longueur  que  le  violoncelle.  Ses  pro- 
portions et  dimensions  sont  variables.  11  est  à 
remarquer  que  c'est  le  seul  instrument  qui  ait  gardé 
la  fot  me  des  violes  dans  le  baut.  Les  épaules  formées 
par  les  éclisses  et  les  labiés,  au  lieu  de  tomber 
carrément  sur  le  bas  du  manche,  le  rejoignent  par 
deux  courbes  allongées  dont  le  profil  ressemble  à 
celui  du  haut  d'une  bouteille.  De  plus,  on  construit 
beaucoup  de  contrebasses  avec  le  dos  plat.  L'extré- 
mité du  dos  se  rabat  en  sifflet  vers  le  talon.  Autre- 
fois, on  a  construit  aussi  des  altos  à  dos  plat. 

L'accord.  —  L'accord  du  violon  est,  en  montant  : 
sol,  ré,  la,  mi;  le  la  coriespondant  au  diapason  nor- 
mal. L'allo  s'accorde  une  quinte  plus  bas,  le  violon- 
celle une  octave  au-dessous  de  l'alto. 

Ces  instruments  s'accordent,  comme  on  le  voit, 
par  quintes.  Il  n'en  est  pas  de  même  de  la  contre- 
basse. La  contrebasse  à  quatre  cordes  est  accordée 
par  succession  de  quartes,  soit  sol,  ré,  la,  mi  en  des- 
cendant. C'est  l'inverse  du  violon.  Le  sol  aigu  corres- 
pond au  sol  grave  du  violoncelle. 

Dans  la  contrebasse  à  trois  cordes,  l'accord  est 
variable  :  sol,  ré,  sol,  ou  la,  ré,  sol.  L'accord  du 
célèbre  contrebassiste  Bottesini  était  la,  ré,  la. 

La  corde  grave  du  violon  et  les  deux  cordes  graves 
de  l'alto,  du  violoncelle  et  de  la  contrebasse  à  quatre 
cordes  sont  recouvertes  d'un  fil  métallique. 

Telle  est  la   description  sommaire  d'instruments 


FiG.  855.  —  Contrebasse  h  Irois  cordes. 


FiG.  856. —  Violon  vu  en  dessous  Fig.  857.  —  Violon  tranché  par 
et  dont  on  aurait  enlevé  le  fond,     le  milieu  dans  le  sens  de  la 
On  distingue  la  barre,  lestas-     longueur.  Ou  distingue  le  pro- 
seaui,  les  coins  et  la  place  de     fil  de  la  barre, 
l'àine. 


1728 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSEliVATOIHE 


qui,  après  des  siècles  de  làlonnements  et  de  perfec- 
tionnements successifs,  représentent  ce  que  l'on 
peut  consiiléier  comme  le  dernier  échelon  veis 
l'idéal,  qu'il  soit  possible  d'atteindre. 

Avant  d'entrer  dans  les  détails  de  la  construction 
des  instruments  à  archet,  signalons,  pour  mémoire, 
deux  tentatives  faites  presque  en  même  temps,  dans 
le  but,  sinon  de  perfectionner  ce  qui  existait,  du 
moinsd'alteindre  les  mêmes  résultats  par  des  formes 
différentes. 

En   1817,   M.    Ghanot,   officier  et  ingénieur  de   la 

marine ,  tenta  de 
faire  adopter  un  nou- 
veau modèle  de  vio- 
lon. La  principale 
caractéristique  de  cet 
instrument  était  la 
suppression  des  coins 
et  la  forme  de  gui- 
tare qui  en  résultait. 
C'était  un  retour  en 
arrière,  de  sembla- 
bles instruments 
ayant  déjà  été  cons- 
truits dans  toutes  les 
grandeurs  aux  xvi,» 
et  xviii^  siècles, 
(viules  de  la  collec- 
tion Pietro  Correr, 
an  musée  instrumen- 
tal du  Conservatoire 
de  Bruxelles;  alto  de 
Pierre  (ùiarnërics). 
En  1819,  M.  Félix 
S.WART,  le  savant 
acousticien,  profes- 
seur au  Collège  de 
France  et  meralne 
de  l'Institut,  lança  à 
son  tour  un  nouveau 
violon.  Le  contour  de 
cet  instrument  af- 
fecte la  forme  d'un 
trapèze;  la  surface 
des  deux  tables  est  parfaitement  plate  à  l'intéiienr 
et  légèrement  convexe  à  l'extérieur.  Les  ouvertures 
de  la  table  alfectent  la  forme  rectiligne.  Les  trous 
ronds  du  haut  et  du  bas  de  ces  ouvertures  sont  sup- 
primés. 

Ces  deux  instruments,  qui  n'ont  eu  qu'une  appa- 
rition éphémère,  sont  tombés  dans  un  jnsie  oubli. 

LfS  inatérianx. 

La  colle.  —  Dans  un  assemblage,  où  tous  les  maté- 
riaux doivent  être  réunis  les  uns  aux  autres  avec 
solidité  et  précision,  uniquement  au  moyen  de  la 
colle,  la  qualité  de  cette  dernière  joue  un  rôle  im- 
portant. 

En  lutherie,  et  particulièrement  quand  il  s'agit  de 
lutherie  artistique,  on  se  sert  de  la  colle  dite  de  Co- 
logne, à  l'exclusion  de  toute  autre.  Elle  se  présente 
sous  l'aspect  de  tablettes  assez  minces,  pesant  envi- 
ron cinquante  grammes,  et  de  quinze  centimètres 
de  long  sur  sept  de  large.  D'un  aspect  grisâtre,  elle 
se  brise  difficilement  et  met  assez  longtemps  à  se 
dissoudre. 

La  supériorité  de  cette  colle  sur  toutes  les  autres 
réside  en  ceci,  qu'elle  est  très  peu  hygrométrique  et 


Fia.  858.  —  Violon  trapézoïdal 
de  Savart. 


qu'elle  permet  de  joindre  les  pièces  entre  elles  d'une 
façon  si  intime  que  les  endroits  où  la  jonction  se 
produit  sont  h  peine  perceptibles.  Il  n'y  a  pour  ainsi 
dire  pas  il'intervalle  formé  par  la  colle.  Elle  se  pré- 
pare, comme  toutes  \es  colles  fortes,  au  bain-raarie. 
On  l'emploie  aussi  chaude  que  possible,  en  ayant 
soin,  comme  dans  tous  les  travaux  de  menuiserie 
soignés,  de  faire  chaulfer  légèrement,  an  moyen 
d'une  lampe  à  alcool,  les  pièces  à  coller,  et  cela  au 
moment  même  de  l'opération. 

Les  fournitures.  —  Pour  les  tables  d'harmonie, 
on  emploie  exclusivement  le  sapin.  On  s'en  sert  aussi 
pour  les  tasseaux  et  les  contre-éclisses,  mais  on  les 
fait  également  en  bois  légers  tels  que  le  saule. 

Tous  les  traités  de  physique  donnent  des  détails  et 
des  précisions  sur  les  qualités  du  sapin.  Outre  ces 
qualités  d'ordre  général,  ce  bois  présente,  dans 
l'acoustique  des  instruments  à  archet,  un  avantage 
unique.  Il  est  extrêmement  rigide  et  ses  tlbi'es,  régu- 
lières et  parallèles,  sojit  généralement  écartées  l'une 
de  l'autre  à  une  distance  très  favorable. 

Les  tables  d'haimonie  sont  coupées  de  telle  sorte 
que  les  libres  se  présentent  en  long  et  non  en  travers, 
c'est-à-dire  qu'elles  vont  du  haut  en  bas  et  Jamais 
de  droite  à  gauche.  En  outre,  le  sapin  est  très  léger. 

Ce  bois  se  casse  très  facilement.  Le  moindre  choc 
peut  fendre  une  table.  Aussi,  c'est  par  elles  que  péris- 
sent presque  tous  les  instruments,  et  s'il  avait  été 
possible  de  remplacer  le  sapin  par  une  autre  essence, 
on  n'aurait  pas  manqué  de  le  faire. 

Le  sapin  employé  en  lutherie  est  le  piims  a'ùes  de 
Linné,  vulgairement  appelé  epicea  commun.  On  em- 
ploie de  préférence  les  bois  provenant  du  Tyrol,  de 
la  .Suisse  et  de  la  Savoie.  Le  sapin  se  débite  en  tron- 
çons de  quatre-vingts  centimètres  pour  les  tables  de 
violoncelles,  de  quarante-cinq  centimètres  pourcelles 
d'altos,  et  trente-huit  centimètres  pour  celles  de 
violons. 

La  manière  dont  ces  tronçons  sont  à  leur  tour 
débités  est  de  la  plus  grande  importance  pour  les 
tables.  Elle  n'a  pas  la  même  pour  les  fonds. 

11  existe  deux  façons  de  débiter  les  bois  :  sur  muille 
et  sur  couche. 

Les  bois  sur  maille  sont  débités  dans  le  sens  de  la 
longueur  du  tronc,  en  tranches  ayant  la  forme  de 
prismes  triangulaires,  el  dont  tous  les  sommets  se 
réunissent  au  centre. 

Les  bois  sur  couche  sont  débités  par  plans  paral- 
lèles dans  le  sens  de  la  longueur  du  tronc  (coupe 
suivant  les  génératrices). 


Fia.  8,ôy.  —  Coupe  sur_couche. 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    1729 


FiG.  S60. 


Coupe  sur  maille. 


On  débite  généralement  les  tables  en  Jeux  pièces. 
Les  anciens  les  ont  très  rarement  débitées  en  une 
pièce.  Les  tables  en  deux  pièces  otl'rent  un  avantage 
qui  consiste  en  ce  que,  collant  côte  a  côte  les  deux 
parties  jumelles  d'un  même  quartier,  la  partie  la  plus 
résistante  de  chaque  quartier  se  trouve  sous  les  pieds 
du  chevalet,  el,  outre  la  question  de  solidité,  cette 
disposition  est  très  avantageuse  au  point  de  vue  de  la 
réaction  de  la  lable  sur  la  sollicitation  des  cordes. 

On  emploie  l'érable  pour  la  construction  des  fonds, 
manches  et  éclisses.  Il  provient  généralement  de  la 
Bohême  et  de  la  Hongrie.  Autrefois  la  Suisse  et  le 
Tyrol  en  fournissaient,  mais  ces  pays  n'en  possèdent 
plus  guère.  On  prétend  même  que  ces  érables  à 
ondes  très  petites,  comme  on  en  voit  sur  certains 
instruments  italiens  anciens,  notamment  les  Am.mi, 
provenaient  d'Italie. 

L'érable  employé  en  lutherie  doit  être  très  résis- 
tant et  en  même  temps  très  élastique,  en  ce  qui 
concerne  les  fonds.  Les  trois  espèces  employées  dans 
la  lutherie  moderne  sont  : 

L'érable  plane  (acer  platanoides  de  Linné);  Vérable 
sycomore  {pseudo-platanus  de  Linné);  puis,  l'acerrotun- 
difolium  et  l'ace;'  neapolitanum,  qui  se  ressemblent. 
Les  fonds  des  instruments  sont  en  érable  coupé 
sur  couche  ou  sur  maille.  Lorsqu'ils  sont  d'une  pièce, 
on  emploie  indistinctement  l'une  ou  l'autre  de  ces 
deux  coupes;  mais  lorsqu'ils  sont  de  deux  pièces, 
c'est  la  coupe  sur  maille  qui  est  adoptée. 

Les  anciens  ont  fait  parfois  des  fonds  de  peuplier, 
surtout  dans  les  violoncelles.  De  nos  jours,  on  se  sert 


encore  du  peuplier  pour  les  fonds  de  contrebasses. 

Autrefois  on  a  aussi  employé,  surtout  pour  les 
basses  et  également  pour  les  fonds  et  les  éclisses,  le 
hêtre,  le  marronnier  et  le  tilleul. 

L'érable  est  le  seul  bois  qui  convienne  pour  les 
fonds  des  instruments  du  quatuor. 


FiG.  862.  —  Fond  de  violon      ^  Kig.  863.  —  L'une  des  deux 
de  deux  pièces  après  l'assemblage,    pièces  avant  l'assemblage. 


Les  uniils. 


FiG.  SGI.  —  Les  deux  pièces  d'une  table  avant  l'ass^imblage. 
Copyright  hy  librairie  Delagrave,  I9i~. 


En  dehors  des  outils 
dont  l'emploi  est  commun 
à  la  menuiserie  et  à  la 
lutherie,  il  en  est  qui  sont 
particuliers  à  cette  der- 
nière. 

Les  ciseaux.  —  Un  jeu 

de   ciseaux   de   différentes 
larceurs. 


Les  rabots.  —  Outre  les  F'«-  ^^''-  —  série  de  ciseaux, 
rabots  d'usage  courant, 
une  série  de  petits  rabots 
à  semelles  plates  et  ovales 
dentées  et  non  dentées,  et  /^fifflllllllli*^ '-'  '^\\ 
de  plus  petits  encore,  de 
cinq  centimètres  à  trois 
centimètres  de  longueur,  à 
semelles  bombées,  destinés 
à  creuser  les  voûtes  et  les 
gorges,  et  à  mettre  d'épais- 
seur. 


FiG.  865.  —  Rabots 
à  semelle  plate. 


FiG.  800.  —  Rabots 
il  semelle  bombée. 

109 


17. W 


EmrCLOPÉDIE  DE  LA  StUSJQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOLRE 


Les  compas.  —  I.e  compas  ordinaire,  puis  le  com- 
pas à  jambes  inégales  servant  de  traçoir. 


Fkî.  807.  —  Compas. 

Les  compas  d'épaisseur  servent  à  vérifier  les  épais- 
seurs pendant  le  travail. 

Les  anciens  se  servaient  de  compas  d'épaisseur 
très  primitifs,  et  encore  aujourd'hui,  beaucoup  de 
luthiers  n'enjont  pas  d'autres.  Très  précis  d'ailleurs, 


r~~ 


On  se  sert  de  plus  en  plus  du  compas  d'épaisseur 
à  cadran,  inventé  à  la  fin  du  xviii»  -iècle  par  le  ba- 
ron de  PoNNAT,  et  perfectionné  depuis.  Une  aiguille 
divise  un  cadran  en  parties  de  ligne  ou  de  milli- 
mètre, ce  qui  donne  une  très  grande  précision,  et 
en  le  promenant  sur  un  fond  ou  sur  une  table,  on 
peut  lire  instantanément  toutes  les  Tariations  d'épais- 
seurs. 


FiG.  868.  —  Compas  d'épaisseur. 


puisque  l'ôcartement  s'obtient  au  mo.yen  d'une  vis,  ils 
ont  le  désavantage  de  demander  un  certain  temps 
pour  chaque  mesure. 


FiG.  8G9.  —  Compas  d'épaisseur  i  cadran,  système  de  PoNNti. 

Les  gouges.  —  In  assortiment  de  gouges  cintrées. 
Elles  servent  à  dégrossir  avant  de  raboter. 


Fio.  870.  —  Série  de  gouges. 

Les  canifs.  —  Ces  outils  doivent  être  munis  de 
lames  très  bien  trempées.  En  général,  ils  sont  em- 
manchés très  solidement  au  moyen  de  morceaux 
d'érable  d'une  certaine  largeur  et  peu  aplatis,  de 
manière  à  donner  une  bonne  prise  à  la  main. 

Les  ratissoirs.  —Petites  feuilles  d'acier  laminé; 
elles  sont  aiguisées  d'un  seul  côté,  en  biseau  assez 
court,  puis  le  til  est  renversé  du  côté  opposé  au 
biseau. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    Iï3i 


FiQ.  87 1. 


Série  de  canifs. 


Les  ratissoirs  servent  à  enlever  toutes  les  aspérités 
que  les  gouges  ou  les  rabots  auraient  pu  laisser 
subsister. 

Le  traçoir  à  fileter.  —  Cet  outil  est  aussi  d'invention 
moderne.  Les  anciens  se  servaient  du  compas  à 
jambes  inégales  pour  tracer  les  filets.  Avec  le  traçoir 
à  filels,  qui  ;i  deux  lames  parallèles  dont  on  peut 
régler  lécartement,  le  filetage  exige  moins  d'habileté 
•l  se  fait  plus  sûrement. 


cq/ 


Fiij.  S72.  —  Bédane,  Irai.oiis  (outils  à  fileter). 

Le  fer  à  ployer.  Le  fourneau  à  ployer.  —  Ces 
deux  appareils  servent  à  chauffer  les  éclisses,  et  les 
contre-éclisses,  et  en  même  temps  à  leur  donner  la 
forme  voulue. 

Le  fer  à  ployer  se  chauffe  à  un  certain  degré  afin 
de  ne  pas  brûler  le  bois.  Aussi,  est-il  nécessaire  de 
répéter  souvent  l'opération,  taudis  que  le  fourneau 
à  ployer  affecte  la  forme  d'une  cheminée,  dont  la 
section  perpendiculaire  est  représentée  par  une 
figure  composée  des  différentes  courbes  pouvant  être 
utilisées.  Ce  fourneau  est  chauffé  au  moyen  de 
braises. 


^/y//^/^. 


FiG.  S73.  —  For  à  ployer. 


La  pointe  aux  âmes.  —  Le  couteau  à  détabler.  — 

■  La  pointe  aux  âmes  est  un  outil  extrêmement  sim- 


FiG.  875.  —  Fourneau  à  ployer. 

pie  :   une  tige  d'acier  d'une  courbure  parliculièse. 
Elle  sert  à  placer  l'âme. 

Le  couteau  à  détabler  sert  à  délabler  les  instrit- 
ments  en  cas  de  réparations  intérieares.  La  lam* 
doit  être  mince,  assez  large  et  résistante,  mais  il  est 
nécessaire  qu'elle  soit  émoussée. 


FiG.  .SÎ5.  —  Pointe  aux  âmes. 


FiG.  STij.  —  Couteau  à  détabler. 

Les  vis  à  tabler.  —  Ces  vis,  en  bois,  sout  pour- 
vues il  une  extrémité  d'une  tête  fixe  formant  saillie, 


Fir,.  877.  —  Série  de  vis  à  tabler. 

et  à  l'autre  d'un  écrou  permettant  de  serrer  les  bords 
de  l'instrument  contre  les  éclisses,  etde  rendre  ainsi 
facile  l'opéialion  du  tablage. 

Les  happes  et  les  presses.  —  Ces  outils  servent 
à  toutes  les  opérations  où  il  est  nécessaire  d'opérer 
une  pression  et  de  maintenir  des  pièces  en  place 
après  collage. 

Les  béquettes.  —  Petites  pièces  en  bois  deslinées 
à  maintenir  les  contre-éclisses  après  colla"e.  Les 


1738 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


FiG.  S78.  —  Série  de  happes. 


pinces  à  barre  destinées  à  maintenir  la  barre  après 
collage  sont  de  la  même  famille,  et  naturellement 
plus  longues.  On  les  remplace  avantageusement  par 
des  presses  construites  spécialement  pour  cet  usage. 


Les  modèles. 

Que  les  modèles  soient  destinés  à  copier  des  an- 
tiques ou  à  créer  des  instruments  originaux,  il 
n'existe  entre  eux  aucune  dilTérence. 

Ils  consistent  en  planchettes  de  bois  ou  plaques  de 
métal  donnant  : 

1°  La  ligne  extérieure  de  la  table  et  du  fond; 

2°  Les  contours  des /y  et  leur  place  sur  la  table 
d'harmonie; 

3»  Le  profil  de  la  volute,  du  manche  et  du  talon; 
le  profil  du  cheviller  avec  l'emplacement  des  trous 
pour  les  chevilles. 

11  faut  encore  ajouter  les  chablons  pour  vérifier 
les  voûtes  prises  en  largeur  et  en  longueur,  ainsi 
que  les  reliefs  de  la  volute  quand  il  s'agit  de  copier 
un  instrument  d'auteur. 


FiG.  879.  —  Béquelte. 

Les  entailles.  —  Outils  servant  à  maintenir  après 
le  collage  les  deux  pièces  du  fond  ou  delà  table  d'un 
instrument,  et  qui  s'étaient  disjoints,  ou  à  resserrer 


FiG.  881.  —  SeiTC-joiiils  ou  entailles. 

dans  le  même  but  toutes  autres  fractures  latérales 
d'une  table  ou  d'un  fond.  Ce  sont  des  planchettes  de 
bois  formant  crochet  de  chaque  côté. 

Les  louches.  —  Ces  mèches  coniques  servent   à 
percer  les   trous  destinés  aux  chevilles,  ainsi  que 


y  t 


FiG.  882.  —  Louches. 

ceux  qui  doivent  recevoir  le  bouton  pour   le  violon 
et  l'alto,  et  le  piquet  pour  le  violoncelle  et  la  contre 
basse. 


Fui.  883.  —  Modèles  pour  un  violon. 

Le  contre-moule.  —  Le  contre-moule  est  une 
planchette  ou  une  plaque  de  métal,  découpée  de 
manière  à  produire  par  ses  ligues  extérieures  le  con- 


Fri  88  i. 


Lo  conlie-moulo 


tour  intérieur  de  l'instrument  que  l'on  veut  cons- 
truire. Le  contre-moule  sert  à  confectionner  soit  un 
moule  en  dehors,  soit  un  moule  en  dedans. 

Les  monlcN. 

11  existe  deux  sortes  de  moules,  le  moule  en  des- 
sus ou  en  (')i  deliors  et  le  moule  en  dedans. 

Moule  en  dessus. 

Ce  moule  est  la  reproduction  exacte  du  contre- 
moule,  obtenue  sur  une  planche  de  bois  bien  sec. 
Il  est  indispensable  que  la  coupe  des  contours  soit 
bien  d'équerre  par  rapport  aux  deux  faces  du  moule, 
sans  ressauts  ni  méplats. 

Comme  complément  du  moule,  il}-  aies  contre- 
parties. Elles  doivent  s'ajuster  très  exactement  aux 
contours  extérieurs  du  moule  dont  elles  ont  la  même 
épaisseur,  de  deux  centimètres  pour  le  violon. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    1933 


Pour  terminer  le  moule,  on  Irace  la  place  des 


FiG.  8S5.  —  Moule  en  ilehors  ou  en  dessus 
avec  ses  contre-parties, 

tasseaux  du  haut  et  du  bas,  ainsi  que  des  coins,  et 

on  découpe  ces  par- 
ties bien  d'équerre. 
C'est  dans  ces  vides 
que  se  placeront  les 
six  tasseaux,  comme 
on  le  verra  plus  loin. 
Enfin,  on  perce  les 
huit  trous  destinés  à 
recevoir  les  griffes 
des  happes.  Les  mou- 
les destinés  aux  gros 
instruments  dillèrent 
un  peu  de  ceux  du 
violon  et  de  l'alto. 
Comme  ils  seraient 
trop  lourds  et  diflî- 
ciles  à  manier,  vu  la 
largeur  des  éclisses, 
on  procède  ainsi  :  on 
fait  deux  moules  de 
deux  centimètres  d'é- 
paisseur chacun,  et 
on  les  met  l'im  sur 
l'autre,  en  laissant 
entre  eux  un  espace 
dont  l'écartement  est 
maintenu  par  des  tra- 
verses. 


FiG.  886. 

Moule  .l'une  ancienne  basse  de  viole, 

léger  et  facile  à  manier. 


Moalc  en  dedans. 

Les  anciens  n'ont  point  connu  ce  moule,  qui  est 
d'invention  lelativement  moderne,  puisqu'il  date 
seulement  d'environ  cent  ans. 

Ce  moule  diffère  du  précédent  du  tout  au  tout.  Le 
moule  en  dehors  peut  être  comparé  à  la  l'orme  d'un 
cordonnier  sur  laquelle  on  construit  la  chaussure, 
suivant  la  pittoresque  comparaison  de  Tolbecque, 
tandis  que  le  moule  en  dedans  est  une  espèce  de 
cadre  à  l'intérieur  duquel  s'appliquent  les  tasseaux 
et  les  éclisses.  Ses  contours  intérieurs  sont  donc 
ceux  du  contre-moule,  et  les  contre-parties  ont  une 
courbure  contraire  à  celles  du  moule  en  dehors. 
Son  épaisseur  est  la  même  que  celle  du  précédent. 


Montage  du  luonle  en  dessus* 

Les  tasseaux  et  les  coins  doivent  être  d'un  bois 
compact,  liant  et  aussi  léger  que  possible  :  saule, 
aulne,  cèdre,  bouleau,  hêtre,  tilleul,  etc. 

Après  les  avoir  débiles  h  la  dimension  voulue,  on 
les  rogne  d'équerre,  sans  leur  donner  la  forme  défi- 
nilive,  puis  on  les  place  sur  le  moule,  en  les  fixant 
avec  une  simple  goutte  de  colle  au  centre  de  chaque 
morceau.  On  les  maintient  au  moyen  de  happes. 

Une  fois  secs,  on  découpe  au  moyen  du  contre- 
moule  les  coins  de  manière  à  leur  donner  la  forme 
définitive  à  l'extérieur. 

Les  éclisses,  préparées  de  la  longueur,  de  la  lar- 
geur et  de  l'épaisseur  voulues,  sont  courbées  à  chaud 
au  moyen  du  fer  à  ployer,  afin  d'obtenir  la  forme 
exigée. 

On  courbe  en  même  temps  et  par  le  même  procédé 
les  contre-éclisses,  qui  seront  collées  plus  tard. 

Avant  de  coller  les  éclisses  sur  les  tasseaux  et  les 
coins,  il  est  indispensable  de  passer  au  savon  sec 
toute  la  périphérie  du  moule,  afin  de  faciliter  le  dé- 
moulage. On  commence  généralement  par  coller'  les 
éclisses  des  ce.  Les  autres  viennent  ensuite.  On  a  eu 
soin  de  repérer  la  ligne  où  ces  dernières  doivent  se 
rejoindre  au  bas  de  l'instrument,  et  qui  doit  être 
bien  au  milieu. 

Au  moyen  des  contre-parties  et  des  happes,  on 
fixe  solidement  le  tout  jusqu'à  ce  que  la  colle  soit 
bien  sèche.  Comme  le  moule  a  environ  deux  centi- 
mètres d'épaisseur,  les  éclisses  sont  collées  à  Taf- 
fleurement  du  côté  du  moule  sur  lequel  viendra  le 
fond.  Comme  elles  dépassent  de  l'autre  côlé,  on 
pourra  sans  plus  tarder  coller  les  contre-éclisses 
qui  plus  lard  adhéreront  à  la  table,  puis  les  chan- 
freiner  comme  c'est  l'usage  pour  les  instruments 


FiG.  887.  —  Montage  d'un  moule  en  dessns. 


Viak 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIHE  DU  CONSERVATOIRE 


soignés.  Un  petit  détail,  dû  à  Stradivarius,  consiste 

k  l'aire  pénétrer  nne 
partie  de  la  conlre- 
éclisse  des  ce  dans 
chacun  des  coins,  à 
Ja  place  de  l'arrêter 
contre  eux. 

Toutes  les  contre- 
éclisses  sont  serrées 
contre  Téclisse,  jus- 
qu'après séchage  de 
la  colle,  au  moyen  de 
béquettes. 


Fis,.,  SS8.  —  figure  monlianl  com- 
ment les  contre-éciisses  du  milieu 
peuvent  être  enchâssées  dans  les 


Montage  du  moule  en  dedans. 

'Le  montage  du  moule  en  dedans  se  fait  exactement 
comme  celui  du  moule  en  dessus,  avec  celte  difl'é- 
rence  que  les  éléments  se  placent  à  l'intérieur  du 
mnule.  Les  contre-parties  se  placent  à  l'intérieur, 
et  leur  pression  s'exerce  de  l'intérieur  à  l'extérieur. 

Le  montage  du  moule  en  dedans  présente  des 
avantages  réels  au  point  de  vue  de  l'exactitude  du 
trflvail.  11  permet  aussi  d'aller  plus  vite,  car  on  peut 
préparer  d'avance  les  tasseaux  tout  finis,  les  éclisses 
et  Jes  contre-éclisses  En  un  mot,  on  peut  travailler 
en  série.  La  main-d'œuvre  est  plus  belle,  mais  incon- 
testablement aussi  l'instrument  perd  de  sa  person- 
na;'lité.  C'est  pourquoi  tous  les  luthiers   n'ont  pas 


Fia,'88».'— Mnntsgoa'on  moulo  creux  on  en  dedans. 


adopté  le  moule  en  dedans,  malgré  les  avantages 
pratiques  qu'il  présente. 

L'ébauchage  et  le  filetage  de  la  table  et  du 
fond.  —  Pour  l'ébauchage  de  la  table  et  du  fond,  il 
est  nécessaire  de  connaître  la  ligne  médiane  afin  de 
maintenir  la  symétrie  des  deux  côtés.  Le  joint  l'indi- 
que lorsque  ces  parties  sont  de  deux  pièces.  Lors- 
qu'elles sont  d'une  pièce,  surtout  dans  les  fonds,  on 
la  trace  au  moyen  d'une  pointe. 

Pour  tracer  les  contours,  on  peut  se  servir  d'un 
modèle  fait  d'avance,  doimant  les  lignes  extérieures, 
comme  le  contre-moule  donne  les  lignes  intérieures. 
C'est  ainsi  que  l'on  opère  lorsqu'il  s'agit  de  repro- 
duire le  patron  d'un  antique,  par  exemple.  On  peut 
aussi  procéder  autrement.  Après  avoir  serré  la  pièce, 
dont  les  contours  sont  ébauchés,  contre  le  moule, 
au  moyen  du  compas  à.  ressort  auquel  on  a  donné 
l'écartemenl  nécessaire  pour  tracer  la  largeur  des 
bords,  on  en  détermine  la  ligne  extrême  (les  anciens 
ne  faisaient  cette  opération  qu'après  le  lahlage). 

On  n'aura  plus  qu'à  égaliser  le  tout  au  moyen  de 
la  lime  et  du  canif. 

L'ébauchage  se  fait  à  la  gouge,  au  moyen  de  la- 
quelle on  commence  à  donner  la  forme  des  voûtes, 
en  laissant  tout  autour  une  surfaee  plate  qui  sera 
creusée  plus  tard,  en  ayant  soin  de  donner  aux  coins 
une  forme  régulière;  puis  on  procède  au  filetage. 

Il  est  entendu  que  les  bords  ont  été  mis  d'épais- 
seur par  l'ébauchage.  Au  moyen  du  trai-oir  à  double 
lame,  que  l'on  a  ajusté  à  la  distance  voulue  des  bords 
et  à  l'épaisseur  que  l'on  veut  donner  aux  filets,  on 
trace  l'entaille.  Puis,  au  moyen  d'un  canif,  on  ap- 
profondit le  double  sillon  du  tracoir  de  manière 
que  les  filets  tiennent,  mais  en  évitant  d'aller  trop 
profond. 

C'est  ce  qui  arrivait  souvent  aux  anciens,  qui 
filetaient  sur  l'instrument  tablé,  et  qui  travaillaient 
ainsi  avec  moins  de  sûreté.  Ce  défaut  a  exigé  plus 
tard  le  doublage  des  bords  dans  beaucoup  d'an- 
tiques, ces  bords  devenus  trop  fragiles  s'étant  brisés, 
ou  leur  faiblesse  générale  nuisant  à  la  sonorité.  Le» 


FiG.  890.  —  Ébanchoge  d'une  Inhte  ou  (l'un  tond. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    ITÎi 


parties  coupées  sont  enlevées  ;iu  moyen  d'un  petit 
iK'dane  al1ùt(5  en  bisean.  On  place  ensuite  les  trois 
liiets,  soit  qu'ils  aient  été  préalablement  collés  en- 
semble, soit  qu'on  les  enduise  de  ooUe  au  moment 
même,  dans  la  rainure  qui  leur  est  destinée.  Cette 
opération  est  très  délicate,  surtout  en  ce  qui  con- 
cerne les  coins. 

Le  finissage  des  voûtes.  —  Les  voûtes  se  termi- 
nent aux  rabots,  depuis  les  moyens  jusqu'au  plus 
petit.  Les  rabots  convexes  servent  à  mettre  d'épais- 
seur et  les  plus  petits  à  s'approcher  le  plus  possible 
de  la  gorge.  Le  dernier  fini  s'obtient  au  moyen  des 
ratissoirs.  Ici  se  présente  une  des  opérations  les  plus 
délicates,  la  conl'eotinn  de  la  gorge  et  la  ragreyurc. 

Il  s'agit  de  creuser  au  moyen  de  la  gouge,  à  une 
certaine  distance  du  bord,  une  gorge  dont  la  partie 
ci'euse  se  marie  avec  la  courbure  en  relief  de  la  voûte. 
C'est  dans  cette  partie  du  travail  que  l'habileté  du 
luthier  se  distingue  le  plus  particulièrement. 

L'obtention  des  épaisseurs.  —  On  commence  par 
le  fond,  puisqu'il  sera  le  premier  collé  aux  éclisses 
et  aux  tasseaux. 

On  trace  la  place  des  surfaces  qui  resteront  plates 
(contre-éclisses,  tasseaux,  coins),  au  moyen  du  com- 
pas à  jambes  inégales.  On  place  le  fond,  la  partie 
convexe  reposant  sur  la  partie  concave  d'une  forme 
préparée  ad  hoc,  et  garnie  d'un  feutre. 

L'intérieur  se  creuse  à  la  gouge  jusqu'à  ce  que  l'on 
ait  obtenu  une  épaisseur  égale  à  celle  que  le  fond 
doit  avoir  au  maximum.  On  termine  aux  rabots  en 
vérifiant  de  temps  en  temps  au  moyen  du  compas 
d'épaisseur. 

Le  collage  du  fond.  —  On  applique  le  fond  sur  la 
place  exacte  qu'il  doit  occuper,  de  manière  que  les 
bords  soient  de  même  largeur  partout.  On  le  lixe  au 
moyen  de  quatre  vis  de  bois  destinées  au  tablage. 
Au-dessous  du  talon  et  à  l'autre  extrémité  du  fond, 
et  à  la  même  distance  du  bord,  tout  près  du  filet,  on 
perce  un  trou  de  deux  millimètres  de  diamètre.  La 
mèche  dont  on  se  sert  doit  traverser  de  part  en  part 
la  table  du  fond  et  pénétrer  un  peu  dans  le  tasseau. 
On  fixe  dans  les  deux  cavités  en  question  de  petites 
chevilles  d'érable  qui  serviront  de  point  de  repère 
pourcoller  la  pièce  en  (lueslion  exactement  à  sa  place 
et  sans  tâtonnements  (ou  en  fera  autant  pour  la  table 
d'harmonie). 

Les  anciens  procédaient  ainsi.  De  nos  jours,  on 
colle  les  tables  sans  se  servir  de  ces  chevilles.  Dans 
ce  cas,  le  luthier  est  obligé  de  se  faire  aider  par  une 
seconde  personne  qui  maintient  le  tout  en  place, 
pendant  qu'il  met  les  vis  tout  autour  pour  serrer 
convenablement  les  parties  enduites  de  colle,  comme 
dans  le  procédé  indiqué  plus  haut. 

La  table  d'harmonie.  Les  onïes.  La  barre. 

La  confection  des  voûtes  et  la  mise  d'épaisseur  se 
pratiquent  pour  la  table  comme  pour  le  fond.  Une 
fois  ces  opérations  terminées,  il  reste  à  tracer  et  à 
découper  les  //,  puis  à  coller  la  barre. 

Pour  tracer,  les  ff,  on  se  sert  d'un  des  modèles  dont 
il  a  été  question  plus  haut.  Il  permet,  pour  le  patron 
adopté,  de  dessiller  les  ff  et  de  les  mettre  à  la  place 
exacte  qu'ils  doivent  occuper  sur  la  table.  Les  anciens 
procédaient  différemment.  Ils  déterminaient,  au 
moyen  du  compas,  la  place  des  trous  inférieurs  et 


supérieurs,  puis  ils  dessinaient,  au  moyen  d'un. pa- 
tron de  parchemin  ou  de  métal  mince,  le  corpsde 
ces  ff. 

Avant  de  découper  les  //,  on  creuse,  au  moyen  du 
plus  petit  rabot,  la  portion  de  table  qui  se  trouve  à 
l'extrémité  inférieure  de  la  patelette  ou  bique  de  Vf, 
en  venant  terminer  en  mourant  vers  le  trou  du  bas. 
Cette  légère  creusure  vient  se  perdre  dans  la  gorge 
du  bord,  vers  le  milieu  de  Vf. 

Le  découpage  de  Vf  se  fait  au  moyen  d'un  canif 
bien  affilé.  C'est  une  opération  très  délicate,  le 
sapin,  de  par  sa  structure,  se  prêtant  difficilement  à 
ce  découpage.  Pour  la  faciliter,  on  encolle  légèrement 
la  partie  à  découper.  Les  anciens  luthiers  italiens 
taillaient  les  bords  des /'/'d'équerre  avec  la  table. 
Cette  pratique  n'a  pas  été  toujours  suivie,  parti- 
culièrement parles  Tyroliens,  quiavaienlconser\éla 
manière  usitée  pour  les  violes,  et  que  l'on  retrouve 
encore  chez  les  primitifs  italiens  comme  G.vsparo  da 
S.\LO  et  G. -P.  Maggini. 

La  barre  est  faite  d'un  morceau  de  sapin  de  bonne 
qualité  afin  qu'elle  puisse  atteindre  son  but,  qui  est, 
d'une  part,  de  soutenir  la  table  contre  la  pression  du 
chevalet  et,  de  l'autre,  de  maintenir  l'élasticité  néces- 
saire pour  la  laisser  vibrer  librement. 

Elle  se  place  contre  la  table,  à  l'intérieur,  dans  le 
sens  longitudinal,  parallèlement  à  la  ligne  médiane 
et  passant  à  l'endroit  où  pose  le  pied  gauche  du 
chevalet.  Elle  doit  épouser  la  forme  de  la  table,  tout 
en  forçant  dans  une  certaine  mesure,  sans  exagéra- 
tion. C'est  alTaire  de  tact  de  la  part  du  luthier. 

Elle  se  colle  au  moyen  des  pinces  à  barre.  Toute- 
fois, de  nos  jours,  on  emploie  des  presses  spéciaJes 
extrêmement  pratiques. 

Procédés  modernes  ponr  voûter 
et  creuser  les  tables* 

Au  cours  du  xix=  siècle,  dans  le  but  de  produire 
vile  et  à  bon  marché,  on  a  voûté  les  tables,  de  ma- 
nière à  obtenir  à  la  fois  le  relief  de  la  partie  supé- 
rieure et  le  creux  de  la  partie  interne,  au  moyen  du 
feu.  Ces  pièces,  après  un  simple  dégrossissement, 
étaient  voûtées  par  des  presses  spéciales.  La  mise 
d'épaisseur  s'achevait  ensuite. 

Ce  procédé,  purement  industriel  et  ne  pouvant 
donner  de  résultats  artistiques,  avait  de  graves 
inconvénients.  Par  suite  de  l'humidité  ou  même 
spontanément,  les  parties  se  déformaient,  se  disjoi- 
gnaient, et  la  réparation  en  devenait  difficile  et  par- 
fois même  impossible. 

Depuis  quelques  années,  grâce  aux  perfectionne- 
ments de  l'industrie  mécanique,  on  est  arrivé  à 
traiter  les  tables  et  les  fonds  au  moyen  de  machines 
reproduisant  exactement  un  modèle  donné. 

Il  y  a  là  un  très  grand  progrès  au  point  de  vue  de 
la  rapidité  de  la  production.  Toutefois,  rien  ne  sup- 
plée au  travail  à  la  main,  où  le  luthier  reste  le  maître 
de  sa  matière.  Il  vérifie  au  fur  et  à  mesure  la  résis- 
tance et  l'élasticité.  Son  œuvre  n'en  est  pas  moins 
parfois  imparfaite,  par  suite  d'une  eireur  de  dia- 
gnostic. Cela  est  arrivé  aux  plus  grand-s-des  lulhier.4 
d'Italie,  et  les  artistes  qui  jouent  leurs  instrumenis 
savent  quelles  différences  de  qualité  se  rencontrent 
dans  les  instruments  d'un  même  maître  ancien. 

Démoulage  et  tablage. 

Le  démoulage  s'opère  facilement.  Lesparties  collé;  8 


1736 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICriONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


au  moule  tenant  à  peine  par  une  goutte  de  colle, 
avec  quelques  coups  de  marteau  légers  elles  se  déta- 
chent. Si  cependant  on  éprouvait  quelque  difficulté, 
en  présentant  le  taillant  d'un  ciseau  dans  les  joints 
et  en  frappant  légèrement,  on  obtiendrait  un  résultat 
favorable. 

On  colle  alors  les  contre-éclisses  du  côté  où  elles 
n'ont  pas  encore  élé  posées.  Puis,  on  donne  aux  las- 
seaux  et  aux  coins  leur  forme  intérieure  définitive, 
et  on  procède  au  tablage,  exactement  comme  on 
a  fait  pour  le  fond. 

Le  manche  :  poignée,  cUevillicr,  volute. 

Pour  confectionner  le  manche,  on  commence  par 
dessiner  le  prolil  du  talon,  de  la  poignée  du  chevillier 
et  de  la  volute,  d'après  un  modèle,  sur  un  bloc 
d'érable  dont  l'épaisseur  ne  doit  pas  être  inférieure 
à  celle  qu'aura  la  pièce  à  ses  deux  exirémités,  une 
fois  terminée.  On  chantourne  cette  pièce  en  se  con- 
formant au  tracé. 

Après  avoir  dégrossi  le  manche  el  la  partie  infé- 
rieure, on  sculpte  la  volute.  A  cet  effet,  on  introduit 
une  bande  de  papier  sous  la  volute  d'un  instrument 
que  l'on  veut  copier;  cette  bande  de  papier  en  fera 
le  tour  jusqu'au  bout  de  la  coulisse.  On  prendra 
ainsi  une  empreinte  que  l'on  découpera  et  que  l'on 
appliquera  exaclement  à  la  même  place  de  la  volute 
ébauchée.  On  en  tracera  le  contour,  et  ou  aura  ainsi 
du  côté  de  la  tranche  la  forme  que  devra  avoir  la 
volute.  On  en  fera  autant  pour  les  côtés,  et  la  ligne 
tracée  servira  de  point  de  repère  pour  sculpter  la 
spirale. 


FiG.  893.  —  Profil  da 
pied  de  manche  for- 
mant un  angle  d'en- 
viron 85"  pour  le 
renversement. 


FiG.  891.  —  Modèle  en  papier  ou  en  parchemin  pour  dessiner  la  coulisse 
sur  le  champ  de  la  tète  seulement  chantournée,  en  vue  de  sculpter  la  volute 


Afin  de  ne  pas  perdre  le  trait  pendant  le  travail, 
les  anciens  traçaient  cette  ligne  au  moyen  d'une 
série  de  petits  trous  formés  par  une  pointe  fine.  On 
trouve  des  traces  dece  procédé 
dans  beaucoup  d'antiques. 

On  opérera  d'une  façon  ana- 
logue pour  tracer  le  chevillier, 
et  surtout  pour  marquer  la 
place  exacte  des  trous  des- 
tinés aux  chevilles. 

Le  reste  du  travail  s'expli- 
que facilement.  Guidé  par  ces 
ignés,  le  luthier  commence 
par  couper  les  joues  du  che- 
villier, jusqu'à  la  moitié  du 
premier  tour  de  la  volute.  Le 
chevillier  a  ainsi  son  épaisseur 
définitive.  On  donne  ensuite 
quatre  légers  coups  de  scie 
qui  entoureront  le  boulon  el 
faciliteront  le  dégagement  des 
spires  terminales,  qui  seront 
faciles  à  tailler  dans  les  deux 
carrés  superposés  que  l'on 
aura  obtenus. 
On  évide  l'intérieur  du  chevillier,  et  l'on  perce  les 
trous  au  moyen  d'une  louche  spéciale,  après  avoir 
préalablement  creusé  les  deux  parties  de  la  coulisse 


FiG.  892.  —  Préparation 
des  reliefs  pour  la  sculp- 
ture de  la  volute. 


séparées  d'une  nervure,  qui  commencent  derrière  le 
chevillier  et  se  terminent  au  bout  de  la  volute. 

L'enclavement  du  manche  et  le  renversement.  — 
Avant  de  parler  de  l'enclavement  du  manche,  un  mot 
sur  le  renversement.  Le  renversement  qui  consiste  à 
procurer  au  manche,  au  moment  de  l'enclavement, 
une  pente  en  arrière,  a  pour  but  de  donner  aux  cor- 
des l'angle  favorable  à  leur  plus  grande  somme  de 
sonorité.  C'est  donc  le  renversement  qui  détermine  la 
hauteur  du  chevalet,  et  si  l'opération  est  raanquée, 
et  si  l'angle  du  chevalet  est  trop  aigu  ou  trop  ouvert, 
il  se  produira  d'une  part  trop  et  de  l'autre 
pas  assez  d'énergie,  et  la  sonorité  sera  mau- 
vaise. 

Pour  enclaver  le  manche,  on  coupe  les 
bords  de  la  table,  les  éclisses  et  le  tasseau  du 
haut,  de  manière  à  obtenir  une  cavité  devant 
contenir  exactement  la  partie  inférieure  du 
manche,  dont  le  bout  du  talon  s'ajustera 
sur  la  partie  di-ini-circulaire  du  fond. 

Le  pied  sera  coupé  à  l'angle  de 
quatre-vingt-cinq  degrés  el  non 
de  quatre-vingt-dix,  de  façon 
que  le  mouvement  plongeant  que 
fera  le  bout  du  talon  du  manche  -■ 
pour  donner  le  renversement 
n'affaiblisse  pas  le  tasseau  outre 
mesure.  L'opération  est  délicate, 
et  il  faut  que  l'ajustement  soit 
parfait. 

Les  anciens  n'ont  pas  connu  le  renversement  tel 
que  nous  le  pratiquons,  et  n'ont  pas  enclavé  le 
manche  comme  nous  le  faisons. 

Les  plus  grands  luthiers,  comme  Srit.^- 
DiVARius  et  GiiARNERR's,  procédaient  ainsi  : 
ils  clouaient,  au  moyen  de  trois  clous 
assez  forts  et  à  grosse  tête,  le  manche 
contre  l'éclisse,  après  avoir  eu  soin 
d'entailler  seulement  la  table.  Les  clous 
étaient  enfoncés  du  côté  du  tasseau  à  l'in- 
térieur, traversaient  le  tasseau  et  péné- 
traient dans  le  bois.  La  touche  cunéiforme,  mince 
au  sillet  et  très  épaisse  vers  le  bas  du  manche,  don- 
nait l'inclinaison. 

Le  manche  une  fois  ajusté  est  collé  au  moyeu  de 
happes  et  d'une  contre-partie. 

La  touche. 

La  touche  des  instruments  du  quatuor  est  toujours 
d'ébène.  Pour  la  contrebasse,  on  emploie  parfois  le 
palissandre  ou  le  bois  de  fer.  Afin  de  donner  à  la 
touche  sa  dimension  et  sa  forme  définitives,  on  l'in- 
sère dans  une  entaille  en  bois. 

La  touche  doit  être  évidée  en  dessous,  du  côté  de 
l'extrémité  libre,  pour  en  diminuer  le  poids.  A  cet 
endroit,  elle  est  creusée  en  forme  de  cuiller.  A  l'au- 
tre extrémité  et  également  en  dessous,  on  creuse  une 
petite  gouttière,  dans  le  but  de  faciliter  les  décolle- 
ments ultérieurs,  en  cas  de  réparation. 

Les  touches  du  violoncelle  et  de  l'alto  doivent  pré- 
senter dans  leur  section  une  disposition  particulière. 
Cette  section  n'alîecte  pas,  en  effet,  dans  loule  sa  lar- 
geur, la  forme  d'un  arc  régulier,  car  on  pratique  un 
méplat  sur  la  quatrième  corde,  afin  d'éviter  un  frise- 
ment  désagréable  qui  se  produirait  lorsqu'on  joue 
fort,  et  qui  serait  provoqué  par  le  frôlement  de  celte 
corde  contre  la  touche,  par  suite  de  la  grande  ampli- 
tude de  ses  vibrations. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    1737 


FiQ.  894.  —  Ka  touche. 


FiG.  895.  - 


-  Enlaillc  pour  rabolcr 
la  louche. 


Les  sillets.  — Une 
lois  la  poignée  ler- 
minée,  on  pose  les 
deux  sillets  :  celui 
du  manche  que  l'on 
faisait  autrefois  en 
ivoiie,  et  qui  a  pour 
but  de  surélever  lé- 
gèrement les  cordes 
sur  la  touche  dès  le 
début,  et  celui  du 
cordier  sur  lequel 
vient  s'appuyer  le  lien  de  ce  dernier. 

Enfin,  on  perce  dans  l'éclisse  et  le  tasseau  de  der- 
rière le  trou  dans  lequel  entrera  le  bouton  après 
lequel  s'accrochera  le  cordier.  Ce  bouton  est  en 
ébène  ou  eu  palissandre. 

Les  chevilles.  —  Les  chevilles,  en  ébène  ouenpalis- 
sandie  (autrefois  on  les  faisait  en  buis),  sont  ajustées 
soit  à  la  main,  soit  au  moyen  d'un  outil  modèle,  qui 
sert  à  creuser  les  trous  du  clievillier  et  qui  est  muni 
d'une  contre-partie,  au  moyen  de  laquelle  les  che- 
villes sont  laillées  de  manière  à  remplir  très  exacte- 
ment les  trous,  de  forme  conique. 

Les  chevilles  sont  percées  au  moyen  de  mèches 
proportionnées  aux  grosseurs  des  cordes  qui  doivent 
les  traverser.  Il  semble  établi  que  les  Grecs  et  les 


FiG.  896.  —  Chevilles. 

Romains  ont  ignoré  le  système  moderne  de  la  che- 
ville percée  d'un  trou  autour  de  laquelle  s'enroule 
la  corde. 

De  tout  temps,  les  contrebasses  ont  été  pourvues 
d'un  système  de  vis  sans  fin  destiné  à  atténuer  l'ef- 
fort nécessaire  à  la  tension  des  grosses  cordes. 

Depuis  environ  cinquante  ans,  on  a  inventé  dilfé- 
renls  systèmes  de  chevilles,  dans  le  but  d'éviter  les 
inconvénients  que  présentent  les  chevilles  que  nous 
venons  de  décrire.  Ces  systèmes  ont  aussi  leurs 
inconvénients  et  leurs  avantages,  et  leur  usage  n'est 
pas  général.  Beaucoup  d'artistes  et  d'amateurs  pré- 
fèrent l'ancienne  manière. 

Le  bouton  et  le  cordier.  —  La  pose  du  bouton  après 
lequel  le  cordier  est  attaché  est  très  simple.  Il  est 
cependant  nécessaire  que  le  trou  qui  doit  recevoir 
la  tige  légèrement  conique  de  ce  bouton  soit  percé 
bien  droit,  de  façon  que  le  collet  du  boulon  porte 
partout  sur  l'éclisse. 

Le   cordier,   d'ébéne,    est  muni   d'une    corde    de 
boyau  exactement  de  la  grosseur  des  trous  desti- 
nés à  la  recevoir.  11  est  nécessaire  que  cette  corde 
soit  solidement  tixée  pour  éviter  tout  accident 
résultant  de  la  forte  tension  des  quatre  cordes. 


L*ânie  et  sa  pose» 

L'àme  est  une  petite  lige  ronde  de  sapin  fendu  ou 
coupé  de  droit  fil,  d'un  diamètre  correspomlant  à 
la  grandeur  de  l'instrument,  et  d'une  longueur  telle 
qu'une  lois  à  sa  place,  elle  tienne  sans  trop  forcer. 

L'Ame,  placée  pour  ainsi  dire  perpendiculairement 
entre  la  table  et  le  fond,  l'extrémité  supérieure  s'ap- 
puyant  sur  la  table,  et  l'inférieure  sur  le  fond,  doit 
être  située  exactement  ainsi  : 

Le  centre  de  l'àme  se  place  sur  une  ligne  parallèle 
à  l'axe  de  l'instrument  passant  par  le  milieu  du  pied 
droit  du  chevalet,  à  l'opposé  de  la  barre,  c'est-à-dire 
à  vingt  millimètres  environ  de  cet  axe,  et  de  façon 
que  le  bord  extérieur  de  la  tête  de  cette  àme  se 
trouve  à  quatre  ou  cinq  millimètres  du  pied  du  che- 
valet, vers  le  pied  de  l'instrument. 

Les  deux  extrémités  de  l'àme  sont  coupées  légère- 
ment en  biais  pour  assurer  le  contact  avec  les  tables 
qui  ne  sont  pas  droites,  mais  voûtées,  en  observant 
surtout  que  les  fibres  soient  en  travers  de  celles  de 
la  table,  sans  quoi  l'àme  traverserait  cette  dernière. 

Pour  placer  l'àme,  on  se  sert  de  l'oulil  nommé  la 
pointeaux  âmes.  On  pique  l'àme  à  ajusler,  d.ins  le  fil, 
avec  la  pointe,  à  dix  ou  douze  millimètres  de  sa  tête, 
et  on  l'introduit  par  l'A  Une  fois  à  l'intérieur,  sa 
tête  doit  regarder  le  haut  de  l'instrument.  On  la  met 
alors,  après  l'avoir  redressée,  dans  la  position  qu'elle 
doit  occuper,  en  s'aidant  des  crochets  situés  à  la 
partie  inférieure  de  la  pointe. 

L'opération  est  très  délicate,  d'abord  parce  qu'on 
risque  d'abimer  les  bords  de  Vf,  et  ensuite  pour  des 
raisons  d'acoustique. 

La  place  de  l'àme  n'est  pas  absolue,  et  il  faut 
souvent  s'y  prendre  à  plusieurs  fois  pour  trouver 
l'endroit  exact  le  plus  favorable  à  la  sonorilé.  Il  ne 
s'agit,  bien  entendu,  que  de  quelques  millimètres  de 
différence. 

Le  chevalet. 

Le  chevalet,  dont  les  derniers  perfectionnements 
sont  généralement  attribués  à  Stradivarius,  mais 
qui  semblent  plutôt  devoir  être  de  Joseph  Guarnerius, 
joue  à  son  tour  un  rôle  extrêmement  important  au 
point  de  vue  de  la  facilité  du  jeu  et  de  la  sonorité. 


FiG.  898.  —  Chevalel  d'allo  d'Antonio  Stradivari. 


Fis.  897.  —  L;  cordier  appelé  aussi  le  lire-cordes. 


Fia.  899.  —  Chevalet  de  Tiolon 
de  Nicolas  Auati, 


Fia.  900.  —  Chevalet  de  violon 
d'Antonio  Stràdivabi. 


1738 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOSNAIRE  DU  COXSERVATOIRE 


FiG.  901. 

Chevalet  de  violon 

(moderne). 


.Ni  liop  mince  ni  trop  épais,  absolument  plal  du 
côté  du  bas  et  légèrement  convexe  du  côté  qui  regarde 
la  lêle,  il  doit  être  un  peu  plus  baut  du  côté  de  la 
qualriéme  corde  que  de  la  première.  Cette  dilTérence 
est  surtout  très  sensible  pour  le  violoncelle,  où  elle 
est  molivée  par  la  néc^ssilé  d'avoir  assez  de  hauteur 
entre  la  touche  et  la  quatrième  corde  pour  pouvoir 
attaquer  cttte  dernière  sans  la  faire  friser  contre  la 
touche. 

Comme  la  différence  de  niveau  donnerait  pour 
cet  instrument  une  attitude  boiteuse  au  chevalet, 
quelques  luthiers  font  porter  la  différence  sur  la 
touche. 

A  cet  efl'et,  on  rabote  le  manche  de  manière  à  ob- 
tenir une  pente  partant  du  la  et  descendant  vers  Vut, 
en  suite  de  quoi  la  touche,  une  fois  collée,  se  trouve 
un  peu  plus  bas  de  ce  côté. 

Les  pieds  du  chevalet  ont 
leur  semelle  (aillée  pour  lui 
permeltre  de  pencher  légè- 
rement en  arrière,  le  chevalet 
ayant  constamment  tendance, 
au  fur  et  à  mesure  qu'on  ac- 
corde l'inslrumenl,  à  pencher 
en  avant  par  suite  du  tirage 
des  cordes. 

Les  pieds  du  chevalet  pour 
violon  sont  très  bas,  tandis 
que  ceux  du  violoncelle  sont 
au  contraire  très  élevés.  L'é- 
cartement  devant  être  égal 
entre  toutes  les  cordes,  la  dis- 
tance d'un  cran  à  l'autre  est 
mesurée  au  compas  avec  une 
grande  précision. 

Les  semelles  particulière- 
ment dans  les  chevalets  de 
violons,  sont  taillées  très 
minces. 

Les  cordes. 

Les  trois  premières  cordes  du  violon  et  les  deux 
premières  de  l'alto,  du  violoncelle  et  de  la  contrebasse 
sont  en  boyau. 

La  quatrième  corde  du  violon,  la  troisième  et  la 
quatrième  de  l'alto,  du  violoncelle  et  de  la  conlre- 
basse  sont  également  en  boyau,  mais  autour  de  ce 
dernier  s'enroule  un  (il  métallique,  d'argent,  de  cui- 
vre ou  d'alliage.  Ce  fil  métallique  s'appelle  le  trait. 

Depuis  un  certain  nombre  d'années,  on  a  fabriqué 
des  troisièmes  cordes  de  violon  munies  d'un  trait 
en  aluminium.  Ce  mêlai  très  léger  se  prête  admira- 
blement à  la  tenlative,  qui  a  pour  but  d'augmenter 
la  sonorité  de  cette  corde  e(  de  lui  donner  plus  de 
souplesse  sous  le  doigt. 

Son  usage  est  très  séduisant,  mais  il  ne  s'est  pas 
généralisé,  probablement  parce  qu'il  enlève  à  la 
corde  de  ré  le  timbre  qui  la  caractérise. 

Il  en  est  tout  autrement  des  chanterelles  d'acier, 
dont  l'usage  est  devenu  fréquent,  même  pour  le  con- 
cert. 11  est  incontestable  que  le  violon  monté  d'une 
chanterelle  d'acier  perd  de  son  unité.  On  perçoit 
deux  timbres  diti'érents.  Sous  tous  les  rapports,  la 
chanterelle  de  boyau  est  incomparablement  supé- 
rieure, et  rien  ne  l'égale.  Les  raisons  qui  font  adop- 
ter la  corde  d'acier  sont  la  solidité  et  la  tenue  de 
l'accord. 

Récenunent,  on  a  aussi  mis  dans  la  circulation  des 


FiG.  <102. 

Chevalet  de  violoncelle 

(moderne). 


cordes  de  la  en  acier;  ces  cordes  portent  un  trait 
métallique. 

La  hauteur  définitive  des  cordes  au-dessus  de  la 
touche,  quoique  basée  sur  des  données  précises, 
varie  suivant  le  goût  de  l'exécutant. 

Pour  terminer,  ajoutons  que  non  seulement  il  est 
indispensable  que  les  cordes  soient  à  égale  distance 
les  unes  des  antres  sur  le  chevalet,  mais  aussi  que  les 
cordes  intermédiaires  aient  une  saillie  déterminée, 
afin  qu'en  jouant,  l'attaque  puisse  se  faire  facilement 
sur  chacune  d'elles  sans  que  l'archet  atteigne  les 
cordes  voisines,  mais  sans  toutefois  que  cette  saillie 
soit  trop  forte,  ce  qui  gênerait  pour  le  jeu  en  doubles 
ou  triples  cordes. 

La  tension  et  la  pression  des  cordes.  —  L'angle 
formé  par  les  cordes  sur  le  chevalet,  le  plus  favo- 
rable à  la  sonorité,  est  au  diapason  moderne  : 

Pour  le  violon 155° 

Pour  l'nlto 154" 

Pour  11'  vinlnnci'lli' 150" 

Le  poids  que  supporte  un  violon  monté  rationnel- 
lement est  d'environ  12  kil.  2  sur  le  chevalet,  et  la 
tension  des  cordes  représente  28  kil.  4. 

Le  vernis. 

Il  est  admis  que,  indépendamment  de  sa  beauté, 
le  vernis  dont  se  sont  servis  les  anciens  luthiers 
italiens,  dénommé  communément  vernis  de  Cré- 
mone, constitue  un  des  éléments  principaux  de  leurs 
œuvres,  et  qu'il  contribue  pour  une  large  part  à 
l'excellence  de  la  sonorité. 

On  n'a  jusqu'à  présent  retrouvé  aucune  formule, 
ni  manuscrite  ni  imprimée,  de  ce  fameux  vernis,  et 
qui  plus  est,  les  ouvrages  anciens  ne  parlent  jamais 
de  vernis  pour  les  instruments  à  cordes.  C'est  seule- 
ment à  la  fin  du  xviii"  siècle  que  nous  trouvons,  dans 
le  livre  de  W.^tin,  dont  la  première  édition  a  paru 
en  1772,  une  formule  de  vernis  pour  les  violons. 

Les  vernis  se  groupent  en  quatre  catégories  : 

1°  Les  vernis  à  l'huile  pure  ;  —  2°  les  vernis  à  l'es- 
sence pure  ;  —  3°  les  vernis  mixtes  (huile  et  essence)  ; 
—  4°  les  vernis  à  l'alcool. 

Les  huiles  pouvant  servir  à  la  fabrication  des  ver- 
nis sont  les  huiles  dites  siccatives  :  huile  de  lin,  huile 
de  noix. 

Les  essences  sont,  en  premier  lieu,  l'essence  de  téré- 
benthine, puis  les  essences  de  lavande,  aspic,  romarin. 

Les  matières  sèches  sont  plus  nombreuses.  On  peut 
y  faire  entrer  la  presque  totalité  des  résines  et  des 
gommes  résines. 

Les  colorants  (abstraction  faite  des  créations  de  la 
chimie  moderne)  se  trouvent  dans  les  résines  colo- 
rées et  les  végétaus.  Les  couleurs  minérales,  man- 
quant de  transparence,  sont  nalurellenu'ul  éliminées. 

Les  teintes,  pour  continuer  la  tradition,  varient 
suivant  les  goûts,  du  jaune  d'or  jusqu'au  rouge-cerise 
ou  au  rouge-brun  foncé,  en  passant  par  les  tons 
intermédiaires  comme  l'orangé  plus  ou  moins  clair. 

La  formule  indiquée  par  Watin  est  très  probable- 
ment une  de  celles  qui  furent  adoptées  par  les 
luthiers  français  du  xviii=  et  peut-être  du  xvii"  siècle. 
C'est  un  vernis  à  l'alcool  ainsi  composé  : 

Mettez  dans  une  pinte  d'espril-de-vin  : 

Quatre  onces  de  sandaraque  ;  deux  onces  de  gomme- 
laque  en  grain;  deux  onces  de  mastic  on  larmes; 
une  once  de  gomme  élémi. 


TECtt.VIQlIE,  ESTtlÉTIQVE  ET  PÉDAGOGIE 

Oti  fait  foudre  ces  j-'omines  au  bain-marie,  à  petit 
f('ii,  et  quand  elles  ont  subi  quelques  bouillons,  on 
y  incorpore  deux  onces  de  térébenthine.  On  doit  lii- 
trer  à  travers  une  mousseline  liiie. 

On  peut  colorer  tous  les  vernis  ù  l'alcool  avec  des 
v'omnies  colorantes  et  des  extraits.  Tels  sont  : 

L'extrait  sec  de  l)ois  jaune;  la  gonime-gutte  ;  le 
cachou;  les  extraits  de  santal,  de  ratanhia  concen- 
trés, de  sang-dragon  (ce  dernier  est  fugace). 

La  foimule  destinée  aux  instruments  à  archet,  que 
nous  trouvons  iramédialement  après,  date  de  1803; 
elle  est  donc  tout  à  fait  moderne.  C'est  Tinory  qui 
la  donne  dans  son  Traite  théorique  cl  pralique  sur 
l'art  de  faire  et  d'appliquer  les  vernis.  Elle  est  aussi  à 
l'alcool  : 

Sanilaraque 4  onces. 

Résine  laque  en  grains 2. 

M*^''*^ i     1  once  (le  cliaquo. 

Benjoin ) 

Verre  pilé 4  onces. 

Térébenthine  de  Venise 2. 

Alcool  pur  mesuré 32. 

La  gomme-laque  et'la  sandaraque  rendent  ce  ver- 
nis solide;  on!  peut  le  colorer  arec  un  peu  de  safran 
ou  du  sang-dragon. 

En  18.34,  Maugin,  dans  son  Manuel  du  luthier,  indi- 
que aussi  une  formule  à  l'alcool. 

Faites  infuser  pendant  vingt-quatre  heures  dans 
vingt  onces  d'esprit-de-vin  :  trois  quarts  d'once  de 
curcuma;  douze  grains  de  safran  oriental. 

Passez  cette  infusion  et  versez-la  sur  un  mélange 
bien  pulvérisé  de  : 

trois  quarts  d'once  de  gomme-gutte;  deux  onces 
de  sandaraque;  deux  onces  de  gomme  élémi;  une 
once  de  sang-dragon  en  roseaux;  une  once  de  laque 
en  grains.  Faites  dissoudre  au  bain-marie. 

Gomme  déjà,  depuis  le  commencement  du  siècle, 
les  luthiers  sont  préoccupés  de  retrouver  le  vernis 
des  anciens,  et  que  la  tradition  veut  que  ce  soit  un 
vernis  à  l'huile,  M.\ugin  donne  également  une  recette 
pour  faire  un  vernis  à  l'huile  destiné  aux  instru- 
ments de  choix. 

Voici  ce  qu'il  dit  à  ce  sujet  ;  <(  Tous  les  luthiers 
célèbres  de  l'Italie  et  de  l'Allemagne,  tels  que  les 
Amati,  les  Stradivari,  les  Stai.ner,  se  sont  servis  de 
vernis  gros  ou  vernis  à  l'huile,  qui  sont  bien  plus 
beaux  et  plus  durables  que  ceux  à  l'esprit-de-vin.  Ils 
ont  encore  sur  ces  derniers  un  grand  avantage,  celui 
de  n'avoir  pas  besoin  d'autant  de  poli;  de  plus,  deux 
couches  appliquées  à  un  instrument  suflisent  pour 
en  couvrir  le  bois,  aussi  bien  que  le  feraient  sept  à 
huit  couches  de  vernis  à  l'esprit-de-vin. 

«  Les  matières  composant  ce  vernis  sont  :  1°  le 
succin;  2°  l'huile  de  lin;  3°  l'essence  de  térébenthine. 

c<  Avant  de  pouvoir  s'occuper  du  vernis,  il  faut 
préparer  l'huile  pour  la  rendre  siccative,  car  si  on 
l'employait  naturelle,  le  vernis  serait  un  temps  infini 
à  sécher. 

"  En  voici  le  moyen. 

"  On  prend  une  livre  d'huile  de  lin,  une  demi-once 
de  lilharge,  autant  de  céruse,  de  terre  d'ombre  et 
de  plâtre;  on  fait  bouillir  le  tout  dans  un  pot  de 
terre  vernissée  à  un  feu  doux  et  égal,  en  ayant  soin 
d'écuraer.  Dès  que  l'écume  commence  à  devenir 
rousse  et  rare,  on  arrête  le  feu,  et  on  laisse  reposer 
l'huile  pour  la  tirer  ensuite  au  clair. 

«  Il  est  bon  de  dire  que  cette  opération  doit  se  faire 
dans  un  jardin,  pour  éviter  les  accidents  et  la  Boau- 
vaise  odeur  qui  s'eshale  pendant  la  cuisson. 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    f730 

"  L'huile  ainsi  préparée,  on  procrde  à  la  confection 
du  vernis. 

«  On  prend  quatre  onces  de  succin  bien  nettoyé 
df's  corps  étrangers  qui  peuvent  y  être  mêlés;  on 
casse  ce  succin  en  morceaux  de  la  grosseur  de  petits 
pois,  et  on  les  met  dans  un  pot  de  fer  qui  n'a  jamais 
servi;  on  verse  sur  ces  morceaux  de  succin  une  cuil- 
lerée d'essence  de  térébentine;  on  couvre  le  pot  de 
son  couvercle,  et  on  le  met  sur  un  feu  de  charbon  : 
il  faut  à  peu  près  un  quart  d'heure  de  cuisson;  on 
remue  de  temps  en  temps  la  matière  avec  un  mor- 
ceau de  sapin  jusqu'à  ce  que  la  plus  grosse  chaleur 
soit  lombée;  alors  vous  versez  avec  précaution  deux 
onces  de  l'huile  préparée  comme  il  est  dit  plus  haut, 
en  ayant  soin  de  bien  mélanger  les  deux  matières; 
enfin,  vous  ajoutez  l'essence  de  térébenthine  (quatre 
onces}  colorée  par  les  gommes  qu'il  vous  aura  plu 
d'ajouter.  » 

Ce  vernis  est,  comme  on  le  voit,  un  vernis  mixte 
à  l'huile  et  à  l'essence. 

En  1859,  M.  Mailand  publia  un  ouvrage  intitulé  : 
Dceouverte  des  anciens  vernis  italiens  emploi/és  pour 
les  instruments  à  cordes  et  à  archet. 

M.  Mailand  est  d'abord  partisan  de  remplacer 
l'encollage  à  la  colle  claire  ou  au  vernis  incolore, 
dont  les  luthiers  se  servent,  et  qui  a  pour  objet,  ap- 
pliqué sur  le  bois  d'un  instrument,  de  le  préparer  à 
recevoir  le  vernis  coloré,  par  UTie  solution  alcoolique 
de  gomme-gutte  ou  d'aloès,  ou  d'un  mélange  des 
deux  : 

Gomme  gutte. .       20  grammes. 
Alcool 100  centimètres  cubes. 

•   * 

Gomme  giitle  .       10  grammes. 

Aloès 8  grammes. 

Alcool 1 00  cenlimétres  cubes. 

Le  vernis  de  M.  Mailand  est  un  vernis  à  l'essence 
centenant  une  faible  partie  d'huile  de  lin  naturelle, 
n'ayant  subi  aucune  préparation  pour  la  rendre  plus 
siccative. 

La  particularité  de  ce  vernis  consiste  en  ce  que 
son  inventeur  choisit  pour  le  colorer  des  substances 
qui  sont  insolubles  dans  l'essence,  le  sang-dragon  et 
le  santal,  et,  pour  les  y  incorporer,  il  use  d'un  pro- 
cédé fort  ingénieux. 

Sachant  que  fessence  de  térélientliine  exposée  à 
l'air  s'oxygène  peu  à  peu,  et  que,  dans  cet  état,  elle 
se  mêle  complètement  à  l'alcool,  il  incorpore  dans 
de  l'essence  de  térébenthine  passée  à  cet  état  une 
solution  alcoolique  de  sang-dragon  et  de  santal. 
Puis,  comme  l'alcool  bout  à  soixante-dix-huit  degrés 
et  l'essence  de  térébenthine  seulement  à  cent  cin- 
quante-cinq degrés,  il  débarrasse  celte  dernière  de 
l'alcool  par  l'ébuUition  au  bain-marie. 

L'alcool  évaporé,  les  matières  colorantes  restent 
comme  dissoutes  dans  l'essence,  sans  se  déposer.  Le 
liquide  est  aussi  limpide  qu'une  dissolution. 

.\yaut  faitson  choix  parmi  les  résines  solubles  dans 
l'essence,  il  donne  la  formule  suivante  : 

Mastic  en  larmes 10  grammes, 

Dammar  friable 5'       — 

Kssence  colorée  suivant  le  pro- 
cédé donné  plus  haut 100  ceuliinétres  cutics.  i 

Le  nombre  des  formules  de  vernis  est  cons idérable, 
et  ou  les  trouve  dans  les  ouvrages  spéciaux. 
Voici  cependant  une  formule  de  »ernis  à  l'alcoel 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


1740 

pour  laliilherie,  donnée  par  Wiirlz  dans  son  Diction- 
naire de  chimif  (1878)  : 

Alcool  a  95 2000  grammes. 

Sandaraque 105  — 

Résiniî  laque 62  — 

Mastic  en  larmes 31  — 

Benjoin  en  larmes 31  — 

Térébenthine  de  Venise.  62  — 

Verre  pilé 125  — 

El  enfin  la  recette  employée  fréquemment  à  Mire- 
couil  pour  les  instruments  ordinaires  : 

Gomme  laque 100  grammes. 

Gomme  gulte 30       — 

Benjoin 10       — 

Alcool 1  litre. 

Pour  colorer  ce  vernis,  on  use,  suivant  les  cas,  de 
santal,  de  cachou,  de  safran,  de  rocou  et  de  sang- 
dragon,  ou  du  mélange  de  quelques-uns  de  ces  pro- 
duits. 


La  inenlonnièrc.  le  piquet,  la  sourdine. 

La  mentonnière.  —  On  ignore  le  pays  d'origine 
de  la  nieiiioiiiiisre,  et  le  nom  de  son  inventeur.  Il 
est  possible  qu'elle  Tienne  d'Allemagne;  lorsque 
Spohr,  le  célèbre  violoniste  et  compositeur,  vint  à 
Paris  en  1819,  il  en  avait  une  à  son  violon,  et  aucun 
violoniste  français  ne  s'en  servait  à  cette  époque. 

Ce  petit  appareil,  qui  a 
pour  but  d'isoler  la  table 
d'harmonie  du  violon  et,  en 
la  surélevant,  de  donner 
plus  de  force  au  menton 
pour  maintenir  l'instru- 
ment, se  construit  d'après 
diU'érents  types,  et  les  vio- 
lonistes choisissent  suivant 
leur  goiU  et  leur  conforma- 
tion physique,  lille  se  fait  en  bois  d'ébène,  d'érable, 
•t  en  ébonite. 

Le  piquet.  —  Le  piquet,  dont  on  se  sert  pour 
exhausser  et  supporter  le  violoncelle  lorsqu'on  en 
joue,  n'est  pas  une  invention  nouvelle,  et  on  s'en 
servait  déjà  vers  la  fin  du  xvii'=  siècle.  Cependant,  on 
exhaussait  fréquemment  le  violoncelle  en  l'appuyant 
sur  un  tabouiet  plus  ou  moins  bas.  Il  vint  une 
période  où  les  professeurs  furent  hostiles  au  piquet, 
et  ce  fut  le  violoncelliste  belge  François  Servais  qui 
le  remit  en  laveur.  Encore  aujourd'hui,  un  grand 
nombre  de  violoncellistes  et  quelques  virtuoses  s'en 
passent. 

11  existe  une  grande  variété  de  piquets  pour  le 
violoncelle. 

Les  uns  sont  en  ébène  ou  en  palissandre  tourné, 
munis  d'une  pointe  métallique,  et  s'ajustent  au  trou 


.  Flu.  S)03. 
Une  mentonnière  en  place. 


'Fia.  90-i.  —  Piquels  de  violoncelle. 

du  bouton  au  moyen  d'un  tenon  légèrement  coni- 
que. La  longueur  varie  entre  douze  et  trente  centi- 
mètres. Il  en  est  d'autres,  en  fer  nickelé,  qui  restent 
à  demeure,  et,  lorsqu'on  s'est  servi  de  l'instrument, 
se  repoussent  à  l'intérieur. 


La  sourdine.  —  La  sourdine  est  une  petite  pièce 
de  bois,  de  métal  ou  de  corne  que  l'on  place  à  volonté 
sur  le  chevalet,  et  qui  a  pour  but  d'assourdir  le  son 
de  l'instrument,  en  lui  donnant 
un  autre  timbre. 


LA  RÉPARATION 


La  réparation  joue  un  rôle  con-  y,^  9^5 

sidérableen  lutherie,  vu  la  valeur         Xa  sourdine. 
artistique  et  commerciale  de  la 
plupart  des  instruments  anciens,  ce  qui  faisait  déjà 
dire  en  1806  à  l'abbé  Sibire,  dans  son  Parfait  Luthier  : 

i<  Observez  que  la  lutherie  est  peut-être  le  seul 
métier  au  monde  otj  le  vieux  soit  constamment  plus 
estimé  que  le  neuf  et  l'entretien  plus  difficile  que  la 
bâtisse.  » 

La  réparation  exige  une  très  grande  habileté  de 
main  et  beaucoup  de  jugement. 

Le  nombre  des  cas  qui  sont  susceptibles  de  se 
présenter  est  pour  ainsi  dire  infini;  mais  ils  peuvent 
se  grouper  en  quelques  catégories  typiques. 

Le  détablage.  —  Dans  la  plupart  des  cas,  le 
détahiage  est  nécessaire.  Voici  comment  il  se  pra- 
tique. 

Au  moyen  du  couteau  à  détabler,  qui  a  les  dimen- 
sions d'un  couteau  de  table,  on  commence  l'opération 
en  introduisant  la  lame  entre  la  table  et  l'éclisse, 
à  la  hauteur  d'un  tlanc  du  haut  ou  du  bas,  parce 
que  ces  parties  sont  plus  faciles  à  décoller.  On  con- 
tinue en  frottant  de  temps  en  lenjps  la  lame  de  savon 
sec,  en  saisissant  le  joint,  en  veillant  à  ce  que  les 
bords  ne  se  dédoublent  pas  et  que  la  lame  ne  coupe 
ni  l'éclisse  ni  la  table.  On  passe  ensuite  aux  ce,  aux 
coins,  et  on  termine  par  les  tasseaux  du  haut  et 
du  bas. 

Réparations  de  la  table.  —  Fraetures.  — 
Reuioulage  des  voûtes.  —  Doublage. 

Supposons  une  table  qui  soit  dans  le  plus  mau- 
vais état  possible  :  fractures,  voûtes  atfaissées, néces- 
sité d'en  doubler  la  surface  sur  différents  points. 

Le  collage  des  cassures  fraîches  et  le  décollage 
des  anciennes,  souvent  nécessaires,  sont  des  opéra- 
tions délicates,  exigeant  énormément  de  tact  et 
d'habileté  de  la  part  de  l'opérateur.  On  commence 
par  un  lessivage  à  l'intérieur  au  moyen  d'un  pinceau 
et  d'eau  chaude.  Pour  décoller  les  anciennes  frac- 
tures, on  se  sert  d'un  fer  ad  hoc,  chauffé,  mais  à  une 
tempéraluie  assez  basse  pour  ne  pas  brûler  le  bois. 

Plus  tard,  lorsque  la  réparation  de  la  table  aura 
été  complètement  achevée,  on  consolidera  les  frac- 
tures en  collant  à  l'intérieur,  espacés  suivant  les 
besoins,  de  petits  rectangles  de  bois  de  sapin  appelés 
taquets,  taillés  en  pyramides  très  aplaties,  de  gran- 
deur et  d'épaisseur  proportionnées  à  leur  destination. 
Un  en  place  aussi  sous  le  joint  central,  lorsqu'on  re- 
doute une  séparation  possible  des  deux  parties.  Les 
anciens  se  servaient  dans  ce  cas  de  bandes  de  toile 
ou  de  parchemin. 

Pour  le  remontage  des  voûtes  et  le  collage  des 
doublures,  on  se  sert  d'un  moule  de  table.  On  nomme 
moule  de  table  des  contre-parties  ayant  la  forme 
entière  ou  partielle  d'une  table.  Elles  sont  en  bois 
tendre  de  quelques  centimètres  d'épaisseur.  Elles 
doivent  épouser  la  forme  des  voûtes,  et  sont,  par 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    1741 


conséquent,  creusées  de   manière  à   épouser   plus 
ou  moins  exaclemenl  les  convexités  de  la  table. 


FiG.  906.  —  Moule  de  poUriiie. 

On  installe  donc  la  lable  sur  le  moule,  et  on  l'im- 
bibe d'eau  dans  la  partie  du  centre.  I.e  remontage 
se  fera  naturellement,  par  suite  du  gonllemenl  des 
fibres  du  bois. 

Lorsque  la  voûte  aura  repris  sa  forme  normale,  on 
placera  sur  le  creux  de  la  table,  à.  l'endroit  voulu, 
une  contre-partie  en  relief,  épousant  la  forme  de  ce 
creux,  de  sorte  que  la  table  sera  en  sandwich  entre 
ces  deux  pièces  de  bois.  Sur  cette  dernière  contre- 
partie, on  placera  un  sac  de  sable  Tin  chauffé;  puis, 
au  moyen  d'une  presse,  on  serrera  dans  une  certaine 
mesure,  et  on  laissera  le  tout  jusqu'à  ce  que  la  colle 
soit  sèche  et  le  sable  refroidi. 

11  faut  avoir  soin  de  bien  savonner  au  savon  sec 
la  contre-partie  sur  laquelle  s'applique  le  côté  ver- 
nissé, pour  éviter  que  le  vernis  ne  soit  endommagé. 


I^iG.  908.  —  Pièce  d'àme 
et  taquets. 


paities  d'une  table,  soit 
que  ces  parties  soient 
trop  minces,  soitque, par 
suite  de  cassures,  elles 
ne  pourraient  plus  sup- 
porter la  pression  nor- 
male à  la  place  de  l'àme 
ou  sous  le  chevalet,  par 
exemple. 

Ces  doublures,  qui 
sont  en  sapin  pour  la 
table,  ont  la  grandeur 
proportionnée  à  la  par- 
tie à  renforcer,  et  la 
forme  qui  convient  le 
mieux.  Elles  sont  ou 
simplement  collées,  ce 
qui  est  le  plus  avanta- 
geux, ou  collées  après 
que  l'on  a  creusé  légè- 
rement la  place. 

On  pose  parfois  des  doublures  qui  embrassent 
toute  la  surface,  et  qui,  lorsqu'elles  sont  faites  de 
vieux  bois,  ne  sont  pas 
perceptibles.  Elles  ont 
surtout  pour  but  de  don- 
ner une  plus  grande  va- 
leur à  l'instrument  ainsi 
réparé,  mais,  en  réalité, 
elles  sont  désavantageu- 
ses parce  que,  pour  les 
placer,  il  faut  diminuer 
l'épaisseur  de  toute  la 
table. 

La  doublure  une  fois 
collée,  la  table,  placée 
sur  l'appareil  que  nous 
venons  de  décrire,  est 
pressée  de  la  même  façon 
que  dans  le  remoulage, 
et,  pour  que  l'opération 
réussisse,  il  est  utile  de 

laisser  le  tout  en  place  i'^'^- ^o^.- Pièce  d'àme  et  pièces 
'^  de  renforcement  du  devant  et 

pendant  un  temps  assez     ^^  derrière  de  la  table. 
long. 

Il  arrive  fréquemment  que   les  tables  d'antiques 


FiG.  907.  —  Comment  on  opère  pour  faire  remonter  la  voûte 
d'une  table  ou  d'un  fond,  ou  pour  coller  une  doublure  en  bois 
forcé. 

Pour  recoller  les  brisures  qui  ont  besoin  d'être 
serrées  latéralement,  on  se  sert  de  serre-joints 
spéciaux  aussi  simples  qu'ingénieux. 

Pour  le  doublage,  on  se  sert  du  même  appareil. 

On  se  trouve  dans  la  nécessité  de  doubler  certaines 


FlG, 


910.  —  Partie  de  demi-bords 
mise  à  sa  place. 


1742 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTION.VAfRE  DU  CO.VSRnVATOfRE 


ont  besoin  de  dou- 
blures de  bords.  Cette 
réparation  se  fait  un 
peu  difTéremment  des 
précédentes. 

Après  avoir  raboté  la 
partie  à  border  de  ma- 
nière à  en  diminuer 
l'épaisseur,  on  y  colle 
la  doublure  que  l'on 
a  préparée,  puis,  au 
moyen  de  contre-par- 
fies  et  de  vis  à  tabler, 
ou  de  happes,  on  met 
le  tout  sous  pression, 
jusqu'à  parfaite  siccité. 
On  achève  ensuite  les 
détails  de  la  réparation. 

Cette  opération  se 
pratique  aussi  pour  le 
fond. 


FiG.  911.  —  Cumment  se  collent    Réparations  tin  fond. 

les  demi-bords. 

Le    fond    est    moins 
fragile  que  la  table.  Cependant,  il  est  sujet  à  répa- 
rations  dans   les  trois 
cas     principaux     sui- 
vants : 

Lorsque,  par  suite  de 
la  tension  des  cordes, 
il  y  a  décollement  du 
manche,  et  qu'une  bri- 
sure du  talon  se  pro- 
duit; 

Quand,  par  suite  d'un 
choc  violent,  l'àme  a 
fendu  la  partie  du  fond 
où  elle  pose; 

Si,  par  insuffisance 
d'épaisseur  au  milieu, 
l'instrument  a  une  mau- 
vaise sonorité. 

Ces    réparations    se 
font  par    les    moyens 
indiqués    pour    la    ré- 
FiG.  912.  —  Fond  sur  lequel  ou    paration     des     tables, 
remarque  le  talon  brisé  et  une    * ,         ■         ,    ■  , 

rupture  à    l'endroit    où   porte    et    suivant   la     nature 
lame  (avant  réparation;.  OU  l'importance  du  dé- 

fiât pour  les  cassures, 
et  l'insuffisance  pour  le  manque  d'épaisseur. 


Réparation  aux  cclisses.  —  Le  remontage. 

Les  cassures  produites  aux  éclisses  sont  souvent 
difficiles  à  réparer,  étant  donné  leur  peu  d'épaisseur. 
Lorsque  les  recollages  sont  impossibles,  on  fait  le 
sacrifice  de  la  partie  brisée,  et  on  la  remplace  par 
un  morceau  neuf. 

Lorsque  les  éclisses  sont  trop  basses,  ce  qui  arrive 
à  force  do  détabler  des  instruments  et  de  raboter 
ensuite  les  éclisses  pour  les  mettre  bien  droites,  on 
est  dans  la  nécessité  de  leur  rendre  la  hauteur  nor- 
male; celle  restauration  se  fait  au  moyen  de  bandes 
d'éclisses  que  l'on  colle  sur  les  anciennes,  tranche 
contre  tranche,  après  avoir  préalablement  enlevé  les 
conlre-éclisses.  On  consolide  le  joint,  et  on  remet  les 
contre-éclisses  en  place. 


Fil-..  913.  —  Préparation  pour  la  réparation  du  talon  bris" 
et  (le  la  rupture  du  fond  i)  la  place  où  porte  l'ànie. 


Réparation  «lu  cheiillier  el  de  la  tète. 
Enturp  «lu  manehe. 

Les  réparations  du  chevillieret  delà  tête  sont  sou- 
vent difficiles,  et  cependant  elles  sont  indispensables, 
lorsqu'il  s'agit  de  conserver  une  tète  d'auteur.  La 
solidité,  qui  joue  un  grand  rôle  |daiis  cette  partie  de 
l'instrument,  nécessilo  une  restauration  qui  ne  soit 
pas  uniquement  pour  la  vue.  Aussi,  parfois  est-on 
obligé  de  sacrifier  le  clievillier  pour  ne  laisser  subsis- 
ter que  la  volute. 

L'enture,  c'est-à-dire  le  remplacement  du  manche 
par  un  autre  et  l'ajustement  de  ce  dernier  à  la  tête 
ancienne,  se  pratique  de  nos  jours  principalement 
en  cas  de  rupture,  ou  par  suite  du  manque  d'épais- 
seur, ou  encore  d'insuffisance  de  largeur.  C'est  à 
ViOTTi  que  l'on  doit  l'allongement  du  manche  du 
violon  de  deux  lignes,  environ  quatre  millimètres,  et 
il  s'ensuivit  un  diapasonnage  nouveau,  devenu  fixe 
et  définitif  pour  tous  les  violons. 

On  appelle  diapason  la  longueur  de  corde  et  la 
manière  dont  elle  se  répartit  du  sillet  du  manche  au 
bord  de  la  table,  et  du  bord  de  la  table  au  cran  des 
/■/.  Dans  le  diapasonnage  moderne,  la  distance  du 
sillet  du  manche  au  cran  d'un  /'  est  divisée  en  cinq 
parties  dont  deux  du  sillet  du  manche  à  la  table, 
et  trois  du  bord  de  la  table  au  cran  de  Vf.  L'alto,  le 
violoncelle  et  la  contrebasse  ont  aussi  leur  diapason 
fixe  (voir  le  tableau  des  mesures  principales).  La 
réforme  de  Viotti  explique  pourquoi  presque  tous 
les  violons  antérieurs  au  xix"  siècle  ont  leur  tète 
entée  quand  elle  est  originale. 

Nous  disons  presque  tous,  parce  que  cela  n'a  pas 
eu  lieu  pour  les  instruments  qui  étaient  par  hasard 
pourvus  d'un  manche  suffisamment  long,  et  que, 
d'autre  part,  quelques  violons  de  grande  valeur  ont 
été  protégés  contre  cette  mutilation  par  des  luthiers 
aussi  ingénieux  que  consciencieux. 

Le  procédé  employé  consiste  à  allonger  le  manche 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    1743 


par  le  bas,  du  ciMé  du  talon,  après  l'avoir  soigneu- 
soQient  décollé. 

Pour  enter  une  tête  d'instrument,  violon,  alto  ou 
violoncelle,  on  commence  par  faire  l'ablation  du 
vieux  manclie  au  ras  du  cbevillier;  on  pratique  en- 
suite, dans  chacune  des  joues  du  cbevillier,  a  l'inté- 
rieur de  la  mortaise,  une  entaille  s'arrétant  carrément 
au  milieu  du  deuxième  trou,  et  se  terminant  à  zéro 
au  bas  de  cette  mortaise.    Ces  deux  enlaillcs,  qui 


FiG.  914. 

Proparalion  des  pièces 

l>our  Tenture  du  manche. 


Fia.  915. 

Enlure  collée 

ù  sa  place. 


doivent  s'arrêter  au  niveau  du  fond  de  la  mortaise, 
et  respecter  par  suite  la  coulisse  et  le  talon  de  la  tête, 
constituent  le  logement  de  l'extrémité  du  nouveau 
manche. 

On  introduit  le  bloc  du  nouveau  manche  préparé 
à  cet  effet;  on  creuse  dans  ce  bloc  la  partie  du  cbe- 
villier de  manière  à  la  raccorder  avec  ce  qui  est  resté, 
et  on  opère  l'enclavement  du  manche  en  observant 
le  renversement,  comme  s'il  s'agissait  d'un  violon 
neuf. 

Le  recoupage  et  l'agrandissement. 

On  appelle  recoupage  l'opération  qui  consiste  à 
diminuer  les  dimensions  d'un  instrument,  en  partie 
ou  en  lotalilé,  tout  en  conservant  les  bords  et  les 
filets.  Autrelois,  on  pratiquait  le  recoupage  des 
antiques  à  tort  et  à  travers,  suivant  le  caprice  des 
amateurs  ou  des  luthiers.  Cette  opération  ne  se  fait 
plus  guère  de  nos  jours  qu'à  bon  escient  et  dans  des 
cas  spéciaux.  Les  altos  et  les  violoncelles  en  sont 
surtout  l'objet.  Il  arrive  que  des  altos  anciens  ont  la 
partie  antérieure  extrêmement  développée,  ce  qui  en 
rend  le  jeu  difficile,  ou  impossible  même  pour  cer- 
taines mains,  étant  donnés  les  progrès  de  la  tech- 
nique de  cet  instrument. 

D'autre  part,  il  existe  des  violoncelles  anciens  qui 
sont  très  grands  et  hors  de  proporlion. 

L'opération  très  délicate  est  la  même  pour  les  fonds 
que  pour  les  tables.  Comme  il  s'agit  de  conserver 
les  bords,  coins  et  filets,  on  commence  par  les  sépa- 
rer de  la  table  au  moyen  d'une  scie  très  fine  dans 
toute  la  partie  à  recouper.  On  diminue  ensuite  de  la 
quantité  voulue,  en  observant  des  contours  déter- 
minés, et  on  recolle  la  bordure  contenant  les  bords, 
coins  et  filets.  Pour  maintenir  les  parties  pendant  le 
séchage,  on  use  de  galons  plats  de  largeur  moyenne. 


Pour  éviter  tout  gauchissement  de  la  table  à  ce 
moment,  on  a  eu  soin  de  la  consolider  préalablement 
au  moyen  de  trois  traverses. 


Fis.  016.  —  Recoupage  :  on  voit  un  côté  delà  table  recoupe, 
avec  bord  et  tîlets  conservés. 


Fia.  917.  —  Après  le  recoupage  : 
comment  on  colle  les  liords  et  les  filets. 

L'agrandissement,  quand  il  se  pratique  d'une 
faion  complète,  est  l'opération  contraire  au  recou- 
pement, dans  ce  sens  qu'à  la  place  d'enlever  du  bois 
sur  le  pourtour,  on  en  ajoute. 

Lorsque  la  largeur  seule  fait  défaut,  l'agrandisse- 
ment se  fait  par  le  milieu.  On  ouvre  le  joint  central, 
et  on  ajoute  entre  les  deux  parties  la  quantité  de 
bois  nécessaire. 

11  arrive,  surtout  dans  les  violoncelles,  que  la  par- 
tie du  haut  soit  trop  courte,  et  qu'il  faille  donner  à 


iTii 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


rinstrument  le  diapason  normal.  On  procède  alors 
comme  dans  le  recoupage,  mais  l'opération  présente 
une  diriiciillé  de  plus  que  dans  l'agrandissement 
général,  étant  donné  que  la  partie  ajoutée  est  assez 
importante,  et  que  la  restauration  doit  être  très 
solide. 

L'agrandissement  nécessite  aussi  une  restauration 
aux  éclisses  devenues  trop  courtes. 

Dans  la  majorité  des  cas,  pour  dissimuler  un 
agrandissement,  on  ajoute  un  second  filet.  Aussi, 


faut-il  examiner  avec  attention  tout  antique,  qui  n'est 
pas  de  l'école  de  Brescia,  porteur  d'un  double  filet. 
Presque  toujours  c'est  un  instrument  agrandi. 


Les  mesures  indiquées  dans  le  tableau  suivant, 
quoique  rigoureuses,  ne  sont  pas  absolues,  des 
différences  dans  les  palrons  amenant  avec  elles  des 
écarts  plus  ou  moins  sensibles  dans  certaines  parties. 


Hcsnres  principales. 


Longueur  du  corps  de  l'inslrumenl  sans  le  talon 

Largeur  du  haut 

Largeur  du  bas 

Largeur  du  milieu  au  plus  étroit 

Hauteur  des  éclisses  du  haut ■ 

Hauteur  des  éclisses  du  bas 

Epaisseur  des  éclisses 

Hauteur  des  conlre-éclisses 

Epaisseur  des  contre-éclisses  à  leur  point  d'affleurement 

Hauteur  des  voûtes  de  la  table  

Hauteur  des  voûtes  du  fond 

Distance  du  cran  des  //  au  bord  de  la  table 

Dislance  du  bord  de  la  table  au  sillet  du  manche 

Renversement  du  manche  sans  ia  touche  au  cran  de  1'/ 

Renversement  du  manche  avec  la  touche  au  cran  de  Vf 

Saillie  du  manch  e 

Longueur  de  la  touche 

Largeur  de  la  touche  au  sillet 

Largeur  de  la  touche  à  l'autre  extrémité 

Epaisseur  de  la  table  au  centre 

Epaisseur  du  fond  au  centre 

Epaisseur  des  flancs  de  la  table  au  plus  faible 

Epaisseur  des  flancs  du  fond  au  plus  faible 

Ecartement  des//en  haut 

Epaisseur  des  bords ' ! 

Longueur  de  la  barre 

Hauteur  de  la  barre  au  plus  fort 

Epaisseur  de  la  barre  au  plus  fort 

Longueur  des  // 

Ecartement  des  cordes  extrêmes  sur  le  cheviilet 

Ecartement  des  cordes  extrêmes  au  sillet 

Espaces  entre  1  extrem.  delà  touche  et  les  deux  cordes  extrêmes-    I 

Epaisseur  du  chevalet  aux  pieds 

Epaisseur  du  chevalet  à  la  tète 

I  mi 
lu 
ré 
sol 

Grosseur  des  cordes  <    "' 

sol 
ré 
la 


Tiolon. 

Alto. 

Tiolon  celle. 

Gontreliasse 
à  3  cordes. 

— 

— 

— 

— 

mm. 

mm. 

mm. 

mm. 

,357 

400 

765 

1130 

168 

185 

350 

500 

209 

238 

4i0 

680 

110 

128 

235 

375 

30 

35 

110 

160 

32 

40 

120 

195 

1 

1,2 

1.5 

2 

7 

10 

20 

35 

2 

2,5 

4 

6 

15 

16 

22 

43 

15 

16 

22 

43 

195 

219 

417 

620 

130 

146 

278 

450 

18 

19 

61 

130 

29 

33 

83 

165 

/ 

8 

19 

26 

270 

300 

575 

840 

21 

26 

30 

40 

12 

45 

63 

90 

3 

4 

5 

9 

4,5 

4,5 

8 

12 

2 

2 

3 

5 

1,7 

2 

3 

5 

■il 

47 

102 

140 

3 

4 

6 

S 

2S0 

30(1 

600 

850 

11 

15 

22 

30 

5 

6 

10 

25 

72 

80 

132 

216 

31 

38 

45 

85 

17 

18 

22 

30 

4 

4,5 

6 

8 

5 

5,5 

7 

13 

4 

5 

12 

25 

0 

2  fort 

3 

7 

o,eo 

o,so 

0,85 

1,20 

1,15 

1,15 

1,40 

0,85 

0,8i 

1,35 

1,20 

1,87 

2,90 
3,70 
3,55 

Cootrebasss 
i  i  ciirdes. 


mm. 

1130 

510 

680 

375 

170 

200 

2 

35 


620 
450 
135 
170 

26 
840 

40 

90 
9 

12 


150 
S 

850 
36 
23 

216 

90 

38 

S 

13 


2,95 
3,70 
3,55 
4,50 


LARCHET 

L'archet  a  mis  deux  siècles  de  plus  que  lu  caisse 
harmonique  pour  arriver  à  sa  perfection. 

Fétis,  dans  l'ouvrage  sur  Stradivarius  qu'il  écrivit 
en  collaboration  avec  Vi'illauue,  explique  les  raisons 
de  ce  retard  : 

«  Dans  le  xv!"^  siècle,  l'arcbet  commença  à  se  per- 
fectionner; c'est  alors  qu'on  voit  la  baguette,  tantôt 
ronde,  tantôt  coupée  à  cinq  pans,  s'amincir  en  ap- 
prochant de  la  tête,  et  cette  même  têle  s'allonger 
démesurément.  Dans  le  siècle  suivant,  l'art  déjouer 


des  instruments  à  archet  se  perfectionne;  on  recon- 
naît la  nécessité  de  modifier  les  degrés  de  tension  du 
crin  en  raison  de  la  musique  qui  doit  être  exécutée, 
et  l'on  satisfait  ce  besoin  par  l'invention  de  la  cré- 
maillère, bande  de  métal  posée  sur  la  partie  de  la 
baguetle  où  se  fixe  la  hausse,  et  divisée  en  un  certain 
nombre  de  dents.  Une  bride  mobile  en  fil  de  fer  ou 
en  laiton,  altachée  à  la  hausse,  servait  à  l'accro- 
cheraent  de  celle-ci  à  l'un  des  degrés  de  la  crémail- 
lère, ou  plus  haut  ou  plus  bas,  suivant  la  tension 
que  l'exécutant  voulait  donner  aux  crins.  A  cette 
époque,  la  tèle  était  toujours  très  allongée  et  termi- 
née en  pointe  qui  se  recourbait  un  peu  en  arrière. 
«  La  baguette  était  toujours  plus  ou  moins  bombée. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    171 


Tel  était  l'archet  de  Corelli  et  celui  de  Vivaldi.  Ces 
deux  maîtres,  qui  vivaient  au  commencement  du 
sviii»  siècle,  n'avaient  pas  encore  reconnu  la  nécessité 
de  rendre  la  baguette  llexible,  parce  qu'ils  n'avaient 
point  imaginé  de  colorer  la  musique  par  des  nuances 
variées  :  ils  ne  connaissaient  qu'une  sorte  d'effet  de 
convention,  lequel  consistait  à  répéter  une  phrase 
piano  après  qu'on  l'avait  fait  entendre  forte. 

«  Chose  remarquable,  la  construction  des  instru- 
ments à  archet  était  parvenue  au  plus  haut  point 
de  perfection,  tandis  que  l'archet  était  encore  rela- 
tivement à  l'état  rudimentaire. 

«  Plus  varié  dans  son  stjle  que  Corelli  et  Vivaldi, 
Tartini  fit,  vers  1730,  d'heureuses  améliorations 
dans  cet  aReiit  duquel  dépend  la  production  des 
sons.  Il  en  fit  tailler  de  moins  lourds,  dans  des  bois 
plus  légers  que  ceux  dont  on  avait  fait  usage  jusqu'à 
lui;  il  redressa  la  baguette,  au  lieu  de  la  tenir  bom- 
bée, fit  raccourcir  la  tête,  et  lit  faire  des  cannelures 
à  la  partie  de  la  baguette  qui  est  dans  la  main,  afin 
d'empêcher  qu'elle  ne  tournât  entre  les  doigts.  Ces 
cannelures,  que  l'on  pratiqua  ensuite  dans  toute  la 
longueur  de  la  baguelte,  devinrent  très  à  la  mode. 

«  On  attribue  à  Tourte,  de  Paris,  père  de  celui  qui 
a  porté  l'archet  à  sa  dernière  perfection,  la  suppres- 
sion de  la  crémaillère,  et  sou  remplacement  par  la 
vis  à  écrou  qui  fait  avancer  et  reculer  la  hausse  pour 
tendre  le  crin  à  volonté,  à  l'aide  d'un  bouton  placé  à 
l'eitrémité  de  la  baguelte.  » 

D'une  façon  générale,  on  peut  dire  que  l'archet 
primitif  du  xi"  siècle  avait  la  forme  d'un  arc.  Petit  à 
petit,  la  courbure  s'atténua  et  la  baguette  devint 
droite.  Enfin,  François  Tourte,  second  fils  du  précé- 
dent,linlroduisit  la  cambrure,  c'est-à-dire  la  courbure 
en  sens  contraire  de  l'arc  primitif,  et  cette  forme 
devin!  définitive.  Celte  cambrure  a  pour  objet,  une 
fois  l'archet  tendu,  de  lui  donner  l'élasticité  néces- 
saire. 


^'>  1.  —  Mersenne,  1620. 


fjo2.  —Kircher,  1G40. 


N"  3.  —  CastroviUari,  1 660. 


pjo  4.  —  Bassani,  1680. 


N"5.  —Corelli,  noo. 


P^o6.  —Tartini,  i'40. 


Mo  7.  —  Cramer,  l 


!T0. 


N^S. 


•  Viotti,  1790. 


Fia.  91S.  —  Processus  de  la  transformation  (te  l'archet. 


110 


1746 


ENCVCLOPÈDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


François  Tourte,  dit  le  jeune,  qu'il  ne  faul  pas 
confondre  avec  son  frère  aîné,  ouvrier  médiocre,  est 
ajuste  titre  surnommé  le  Stradivarius  français. 

François  Tourte  porta  l'archet  à  son  plus  haut 
degré  de  perfection. 

Cet  homme  remarquable,  d'une  rare  intelligence, 
ne  savait  ni  lire  ni  écrire.  Sa  vie  laborieuse  et  simple 
n'est  pas  sans  analogie  avec  celle  de  Stradivarius. 
Comme  ce  dernier,  il  travailla  jusqu'au  moment  où 
les  forces  vinrent  à  l'abandonner.  L'un  et  l'autre  ont 
rendu  à  l'art  des  services  égaux. 

Indépendamment  de  ses  aptitudes  naturelles,  de 
son  génie  inventif,  cet  illettré  a  instinctivement  appli- 
qué la  loi  de  diminution  progressive  du  volume  de 
la  baguetle.  On  est  redevable  au  luthier  Vuillaume, 
de  Paris,  de  la  découverte  de  cette  loi  (en  1855). 

Voici  comment  il  l'a  formulée  :  «  La  longueur 
moyenne  de  l'archet,  jusqu'à  la  tête  exclusivement, 
est  de  0  m.  7no. 

«  L'archet  comporte  une  partie  cylindrique  ou 
prismatique  de  dimensions  constantes,  dont  la  lon- 
gueur est  de  0  m.  HO.  Ouand  cette  portion  est  cylin- 
drique, son  diamètre  est  de  0  m.  008   ■— . 

«  A  partir  de  cette  portion  cylindrique  ou  prisma- 
tique, le  diamètre  de  l'archet  décroît  jusqu'à  la  tête, 

3 
où  il  est  réduit  à  0  m.  005  —  ;  ce  qui  donne  entre 

les   diamètres    des    extrémités    une    dilTérence    de 

0  m.  003  —  ou  r^  de  millimètre,  d'où  se  tire  cette 
10        10 

conséquence  que  la  baguette  comporte  dix  points 

3 

ou  son  diamètre  est  nécessairement  réduit  de  -^  de 

lu 

millimètre  à  p;Lrlir  de  la  portion  cylindrique.  » 

Après  avoir  constaté  sur  un  grand  nombre  d'ar- 
cliets  de  Tourte  que  ces  dix  points  se  trouvent  tou- 
jours à  des  distances  décroissantes,  non  seulement 
sur  la  même  baguette,  mais  que  ces  distances  sont 
sensiblement  les  mêmes  et  pour  les  mêmes  points 
sur  divers  archets  comparés,  M.  Vuillaume  a  recher- 
ché si  les  positions  de  ces  dix  points  ne  pourraient 
pas  être  obtenues  par  un  procédé  graphique  qui 
permit  de  les  retrouver  avec  certitude,  et,  consé- 
quemment  de  construire  des  archets  dont  les  bonnes 
conditions  seraient  toujours  fixées  a  priori  :  il  y  est 
parvenu  de  la  manière  suivante. 

A  l'extrémité  d'une  ligne  droite  AB  ayant  0  m.  700, 
c'est-à-dii-e  la  longueur  de  l'archet,  on  élève  une 
perpendiculaire  AC,  ayant  la  longueur  de  la  portion 
cylindrique,  à  savoir  0  m.  110.  A  l'extrémité  B  de  la 
même  ligne,  on  élève  une  autre  perpendiculaire  BD, 
dont  la  longueur  est  de  0  m.  022,  et  l'on  réunit  par 
une  ligne  droite  CD  les  extrémités  supérieures  de 
ces  deux  perpendiculaires  ou  ordonnées ,  en  sorte 
que  les  deux  lignes  AB  et  CD  forment  entre  elles  un 
certain  angle. 

Prenant  avec  un  compas  la  longueur  de  0  m.  110 
de  l'ordonnée  AC,  on  porte  sur  AB  cette  longueur,  à 
l'extrémité  de  laquelle  on  élève,  jusqu'à  la  rencontre 
(le  la  ligue  CD,  une  nouvelle  ordonnée  FF,  moins 
grande  conséquerament  que  AC.  C'est  entre  ces  deux 
ordonnées  AC  et  CF  que  se  trouve  la  portion  cyhn- 
drique  de  l'archet,  dont  le  diamètre  est,  comme  on 

l'a  vu  précédemment,  de  0  m.  008  --. 

Prenant  alors  la  longueur  de  l'ordonnée  EF,  on  la 
parle  sur  la  ligne  AB,  à  partir  du  point  F,  et  l'on  a 


un  point  G  sur  lequel  on  élève  une  troisième  ordon- 
née GH,  dont  on  piend  aussi  la  longueur  pour  la 
reporter  du  point  (i  sur  la  ligne  AB,  et  y  déterminer 
un  nouveau  point  I,  sur  lequel  on  élève  la  quatrième 
ordonnée  IJ,  dont  la  longueur,  également  reportée 
sur  la  ligne  AB,  détermine  le  point  où  s'élève  la  cin- 
quième KL.  Celle-ci  déterminera  dans  les  mêmes 
conditions  la  sixième  MN,  et  ainsi  des  autres  jusqu'à 
l'avant-dernière  YZ. 

Les  points  G,  I,  K,  M,  0,  (J,  S,  U,  W,  Y,  ainsi  obtenus 
à  partir  du  point  F,  sont  ceux  où  le  diamètre  de  l'ar- 

3 
chet  est  successivement  réduit  de  —-^  de  millimètre. 

10 

Or  ces  points  ont  été  déterminés  par  les  longueurs 
successivement  décroissantes  des  ordonnées  élevées 
sur  les  mêmes  points,  et  leurs  distances  respectives 
sont  progressiTement  décroissantes,  depuisle  point  E 
jusqu'au  point  B. 

Si  l'on  soumet  ces  données  au  calcul,  on  trouvera 
que  le  profil  de  l'archet  est  représenté  par  une  courbe 
logarithmique  dont  les  ordonnées  croissent  en  pro- 
gression arithmétique,  tandis  que  les  abscisses  crois- 
sent en  proportion  géométrique,  et  qu'enfin  la  cour- 
bure du  profil  sera  exprimée  par  l'équation  : 
//  =  - 3,11 +  2,37  log.r; 


FiG.  920.  — ■  Détermination  empirique 
de  la  forme  des  arcbols  de  TonRïiî. 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉOAGOGÎE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    1747 


et,  faisant  variera;  depuis  173  jusqu'à  763  dixièmes 
de  millimètre,  les  râleurs  correspondantes  à  y  seront 
celles  des  rayons. 

Ainsi  se  trouve  formulée  la  théorie  rigoureuse  de 
l'archet  de  violon.  Par  un  procédé  fjraphique  analo- 
f^ue,  on  déterminera  sans  peine  les  proportions 
décroissantes  de  l'archet  d'alto  et  de  l'archet  de  vio- 
loncelle. 

La  fabrication.  —  La  fabrication  des  archets  cons- 
titue une  induslrie  .spéciale,  loiit  à  l'ait  distincte  de 
celle  de  la  lutherie.  L'art  de  faire  un  archet  est  infi- 
niment plus  compliqué  qu'on  ne  pourrait  le  suppo- 
ser, et  l'on  peut  affirmer,  toute  proportion  gardée,  que 
les  bons  archets  sont  aussi  rares  que  les  bons  violons. 

Le  bois  de  Pernambouc  est  réputé  comme  le  meil- 
leur de  tous  les  bois  pour  la  fabrication  des  archets. 
Il  possède  à  la  fois  la  raideur,  la  llesibilité  el  la  légè- 
reté, qualités  essentielles  pour  un  bon  archet.  C'est 
celui  qui  est  employé  de  nos  jours,  à  l'exclusion  de 
tout  autre,  pour  les  archets  soignés. 

Il  est  cependant  un  autre  bois,  que  Tourte  le  jeune 
a  employé  avec  succès  :  c'est  le  bois  de  fer.  Les  deux 
sortes  liois  de  perdrLv  et  bois  gris,  ou  coco,  sont  les 
meilleures.  Le  seul  défaut  du  bois  de  fer  est  d'être 
un  peu  lourd,  ce  qui  explique  pourquoi,  à  l'époque 
où  l'on  estimait  plus  particulièrement  les  archets 
légers,  ceux  de  Tourtk,  ou  tout  au  moins  un  certain 
nombre  d'entre  eux,  étaient  délaissés  par  les  artistes. 
Aujourd'hui,  beaucoup  de  riolonistes  recherchent  les 
archets  d'un  certain  poids,  ce  qui  donne  une  nouvelle 
consécration  au  talent  de  Tourte  le  jeune,  el  justifie 
les  prix  élevés  auxquels  atteignent  ses  archets. 

On  se  sert  aussi  du  bois  d'amourette,  mais  il  est 
très  irrégulier,  et  il  faut  savoir  choisir. 

Pour  confectionner  la  baguette,  le  bois  est  débité 
en  planches  de  quatre-vingts  centimètres  de  longueur 
et  douze  millimètres  d'épaisseur.  A  l'aide  d'un  gaba- 
rit qui  a  la  forme  légèrement  agrandie  du  modèle 
que  l'on  veut  reproduire,  on  trace  l'archet  dans  le 
sens  du  lil  du  bois,  puis  on  le  découpe  à  la  scie. 

Certains  archetiers  débitent  la  baguette  à  fil  droit, 
réservant  toute  la  cambrure  à  l'action  du  feu,  tandis 
que  d'autres  lui  donnent  un  peu  de  cambrure  dans 
le  tracé  même,  sans  toutefois  que  le  til  du  bois  soit 
tranché  au  point  de  compromettre  la  solidité. 

Tourte  le  jeune  procédait  ainsi,  mais  il  arait  soin, 
pour  obtenir,  sams  erreur  possible,  le  fil  du  bois,  de 
le  fendre  à  la  hache. 

Avant  d'aller  plus  loin,  disons  que  la  fabrication 
de  l'archet  n'est  pas  purement  mécanique,  et  que  la 
qualité  des  bois  employés  ne  constitue  pas  à  elle 
seule  la  qualité  de  l'archet.  Le  jugement  et  l'expé- 
rience de  TouTrier  dominent  toute  l'opération.  De 
même  que  le  luthier  proportionne  les  épaisseurs  d'un 
instrument  à  la  nature  du  bois  qu'il  travaille,  l'ar- 
chetier  doit  agir  en  conséquence  en  confectionnant 
la  baguette. 

La  confection  de  l'archet  se  continue  ainsi. 

On  rabote  la  baguette  au  carré,  en  se  servant  de 
calibres  à  ouvertures  différentes.  Puis  on  passe  h 
huit  pans,  et  enfin  on  arrondit,  en  réservant  l'extré- 
mité de  la  baguette  du  côté  de  la  poignée. 

La  forme  de  la  tête  est  ensuite  donnée  au  moyen 
de  gabarits,  et,  avant  de  creuser  la  mortaise  qui  con- 
tiendra l'extrémité  des  crins,  on  colle  les  deux 
petites  plaques  minces  qui  serviront  d'ores  et  déjà  à 
lui  donner  de  la  résistance.  La  première  de  ces  pla- 
ques est  en  ébène,  et  celle  qui  la  recouvre,  en  ivoire. 


On  creuse  ensuite  la  mortaise  de  la  hausse,  du 
côté  de  la  poignée,  on  perce  à  l'extrémité  de  la 
baguette  un  trou  dépassant  d'environ  un  centimètre 
le  fond  de  cette  mortaise,  qui  recevra  la  tige  à  vis  du 
bouton,  après  avoir  préalablement  réservé  un  petit 
épaulement  qui  s'engagera  dans  le  bouton. 

La  hausse  est  la  partie  de  l'archet 
qui,  non  seulement,  caractérise  les 
transformations  successives  de  l'archet 
des  instruments  du  quatuor,  mais  qui  a 
permis,  grâce  à  ses  derniers  perfec- 
tionnements, d'obtenir  un  rendement 
maximum.  Elle  se  fait  en  ébène,  en 
écaille  et  parfois  en  ivoire. 

On  distingue  dans  la  hausse  la  cou- 
lisse, qui  glissera  sur  l'extrémité  de  la 
baguette,  suivant  la  tension  désirée,  et 
qui  est  creusée  à  trois  pans,  contre- 
partie en  creux  de  la  baguette.  Elle  est 
renforcée  d'une  plaque  de  métal  qui 
en  épouse  exactement  la  forme. 

A  l'opposé  de  la  coulisse,  se  trouve 
creusée  la  mortaise,  qui  devra  recevoir  les  crins. 
Ces  derniers  sont  masqués  par  le  recouvrement.  H 
consiste  en  une  lame  d'ébène  de  un  millimètre  d'é- 
paisseur, sur  laquelle  on  a  collé  un  petit  placage 
de  nacre.  Ce  recouvrement  doit  glisser  dans  une 
entaille  pratiquée  sur  la  face  de  la  hausse  destinée 
à  le  recevoir,  de  telle  façon  que  les  crins  ne  puis- 
sent la  soulever  lorsqu'ils  seront  une  fois  placés. 

Du  côté  du  haut,  le  recouvrement  est  encore 
maintenu  par  le  passant,  virole  de  métal  qui  prend 
la  forme  de  la  hausse  à  cet  endroit,  el,  du  côté  du 
bas,  le  morceau  de  nacre  du  recouvrement  est  pro- 
longé par  une  petite  plaque  de  métal  Ûxe,  qui  se 
joint  à  un  autre  morceau  de  métal  encastré;  ces  deux 
plaques  de  métal  sont  à  angle  droit,  rigoureusement 
pour  le  violon  et  l'alto,  arrondi  pour  le  violoncelle 
et  la  contrebasse. 

Au  milieu  de  la  coulisse  est  Cixé  l'écrou,  qui  trouve 
sa  place  dans  la  mortaise  de  la  baguette,  et  dans 
lequel  vient  s'engager  la  vis  filetée  du  bouton  à  l'aide 
de  laquelle  on  fait  mouvoir  la  hausse  une  fois  adap- 
tée, pour  obtenir  la  tension  de  la  baguette. 

A  l'extrémité  du  bouton  se  trouve  un  petit  rond 
de  nacre,  simple  ornement.  Quelquefois,  le  bouton 
est  entièrement  métallique,  et,  par  conséquent,  privé 
de  cet  ornement. 

Les  crins  dont  on  se  sert  pour  le  violon,  l'alto  et 
le  violoncelle  sont  blancs  et  de  cheval,  ceux  de  la 
jument  n'étant  pas  suffisamment  solides.  Pour  la 
conirehasse,  on  emploie  des  crins  noirs. 

La  mèche  d'un  archet  de  violon  contient  de  120  à 
130  crins;  celle  de  l'alto,  de  160  à  200;  celle  du  vio- 
loncelle, de  209  à  230,  et  celle  de  la  contrebasse  de 
200  à  250. 

Sa  mise  en  place  est  une  opération  qui  demande 
une  grande  pratique.  Qu'il  nous  suffise  de  dire  qu'a- 
près en  avoir  réglé  la  longueur,  les  deux  extrémités 
sont  liées  avec  un  fil  assez  fort,  et  enduites  de  résine 
que  l'on  présente  à  la  flamme  d'une  lampe  pour  tout 
lier  ensemble. 

Ces  deux  extrémités  tiennent  solidement  dans  leur 
mortaise  respective  par  un  moyeu  aussi  simple 
qu'ingénieux.  Après  avoir  introduit  l'extrémité  ainsi 
préparée  dans  la  mortaise,  on  bouche  cette  dernière 
au  moyen  d'un  petit  morceau  de  bois;  or,  la  mèche 
recouvrant  ce  petit  bloc  le  maintient  en  place  d'au- 
tant plus  solidement  que  la  tension  est  plus  forte. 


1748 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


On  a  l'habitude  de  mettre  une  garniture  à  l'endroit 
où  se  trouvent  les  doigts,  près  de  la  hausse.  Elle  est 
en  passé  d'arpent  qu'on  enroule  autour  de  la  baguette 
sur  une  distance  de  quelques  cenlimètres.  On  y 
ajoute  aussi  une  autre  garniture  étroite  en  cuir,  que 
l'on  place  tout  contre  la  hausse,  et  qui  empêche  la 
baguette  de  glisser  des  doigts.  Depuis  quelques  an- 
nées, on  emploie  aussi  des  garnitures  de  caoutchouc. 

Poids  et  mesures  de  l'aTchet. 

Violon.  —  Poids  :  55  à  60  grammes,  dont  35  pour  la  baguette 
et  2  à  3  pour  les  crins. 

Le  plus  fort  diamètre  (au  pied)  :    ,6  mm. 

Le  plus  faible  diamètre  (à  la  tète  :  5,3  mm. 

Longueur  totale  avec  le  bouton  :  75  cm.;  la  baguette  seule 
73  cm.  1/2  et  sans  la  léte  70  cm. 

Hauteur  de  la  hausse  :  21  mm. 

Hauteur  de  la  tète  :  22  mm. 

Largeur  de  la  lête  :  10  mm. 

Largeur  du  ruban  de  crins  :  8  à  '.t  mm. 

Longueur  du  ruban  de  crins  :  72  k  75  cm. 

Centre  de  gravité  :  à  environ  20  cm.  du  bout. 

Alto.  —  Poids  :  63  à  65  grammes,  dont  40  pour  la  baguette 
et  3  grammes  pour  les  crins. 

Le  plus  fort  diamètre  (au  pied)  :  0  mm. 

Le  plus  faible  diamètre  (à  la  tète)  :  5  mm.  1/2. 

Longueur  totale  avec  le  bouton  :  72  à  75  cm. 

Hauteur  de  la  hausse  :  23  mm. 

Hauteur  de  la  tète  :  25  mm. 

Largeur  de  la  tête  :  10  mm.  5. 

Violoncelle.  —  Poids,  70  k  75  gr.,  dont  50  gr.  pour  la  ba- 
guette seule,  et  4  à  5  gr.  pour  les  crins. 
Le  plus  fort  diamètre  (au  pied)  :  10,6  mm. 
Le  plus  faible  diamètre  (à  la  tète)  ;  7,3  mm. 
Longueur  totale  avec  le  bouton  :  70  cm. 
Hauteur  de  la  hausse  :  24  mm. 
Hauteur  de  la  tète  :  28  mm. 
Largeur  de  la  tète  :  12  mm. 
Largeur  du  ruban  de  crins  :  Il  à  12  mm. 

Contrebasse.  —  Poids  :  135  gr.,  dont  lO  gr.  pour  les  crins. 

Le  plus  fort  diamètre  (au  pied)  :  15  mm. 

Le  plus  faible  diamètre  (à  la  tête)  :  10  mm. 

Hauteur  de  la  hausse  ;  5  cm. 

Hauteur  de  la  tète  :  5  cm. 

Largeur  de  la  tête  :  21  mm. 


Fia.  922.  —  Trois  différents  types  d'archels  de  contrebasse. 

La  colophane» 

La  colophane,  dont  on  frotte  les  crins  des  archets 
pour  leur  donner  le  mordant,  a  donné  lieu  à  une 
infinité  de  formules.  Celle  indiquée  par  Toldecque, 
et  qui  lui  a  donné  d'excellents  résultats,  est  bien 
raisonnée.  Elle  se  formule  ainsi  pour  le  violon  : 

Galipot,  50  grammes;  colophane  blonde  du  commerce,  50  gr.; 
térébenthine  de  Venise  5  gr.,  le  tout  tondu  ensemble. 

Pour  le  violoncelle  : 

Galipot,  100  gr.  ;  colophane  blonde,  50  gr. 

Pour  la  contrebasse  : 

Les  formules  varient  à  l'infini.  Beaucoup  de  con- 
trebassistes font  leur  colophane  eux-mêmes.  Voici 
deux  formules  : 

colophane,  50  gr.  ;  cire  jaune,  15  gr.  ;  poix 


10  Galipot,  50  gr 
blanche,  40  gr. 
'    2"  Galipot,  50  gr 
huile  de  colza,  5  gr. 


colophane,  50  gr.  ;  poix  blanche,  30  gr.  ; 


LES  ARCHETIERS 

Les  archetiers  ont  généralement  fait  quatre  caté- 
gories d'archets  : 

1°  L'archet  à  recouvrement  maillechort; 

2°  L'archet  à  recouvrement  et  garniture  d'argent; 

.3°  L'archet  à  recouvrement  et  garniture  or; 

4°  L'archet  à  recouvrement,  garni  or,  et  hausse 
écaille  ou  ivoire. 

Plus  un  archet  est  richement  monté,  plus  on  a  de 
chances  d'avoir  une  bonne  baguette,  les  ouvriers 
mettant  toujours  de  côté  les  meilleures  pour  les 
garnir  ou  en  argent,  ou  mieux,  en  or.  Généralement, 
les  vieux  archets  de  Paris  sont  garnis  en  argent. 


Adam  (Jean-Dominique)  (Mirecourt,  1795-1864).  — 
A  fait  d'excellents  archets,  surtout  à  huit  pans,  si- 
gnés :  Adam. 

DoDD  (John)  (Kew,  fin  du  xviii=  siècle,  commence- 
ment du  XIX').  —  Ses  archets  sont  très  réputés,  par- 
ticulièrement en  Angleterre.  Ils  méritent  cette  ré- 
putation, quoiqu'on  puisse  leur  reprocher  d'être  un 
peu  courts.  Dodd  a  été  surnommé  le  Tourte  anglais. 

Ei'RT  (Paris,  vers  1830).  • —  Excellent  archetier,  que 
l'on  peut  classer  parmi  les  meilleurs.  11  signait  :  Eury. 

FoNCLAUsE  (Joseph)  ('Luxeuil  [l'ranclie-Comlé], 
1800,  f  Paris,  1864).  —  Un  des  plus  habiles  fabricants 
d'archels  de  son  temps.  Il  a  beaucoup  travaillé  pour 
VuiLLAiiME.  —  Il  signait  :  Fonclause. 

Henry  (J.)  ('  Mirecourt,  1823,  f  Paris,  1870).  —  Tra- 
vailla chez  Georges  Chanot,  Dominique  Peccate  et 
s'associa  en  1848  avec  Simon.  En  1851,  se  sépara  de 
ce  dernier  pour  s'élablir  tout  seul. 

Il  a  fait  beaucoup  d'archets  excellents,  parmi  les- 
quels un  certain  nombre  ont  des  hausses  d'écaillé, 
dans  lesquelles  sont  incrustées  des  fleurs  en  argent 
ou  en  or.  Il  signait  :  Henry,  Paris. 

KiTTEL  (Saint-Pétersbourg,  1845-1880  environ).  — 
Très  habile  faiseur  d'archets,  surnommé  le  Tourte 
russe. 

Lafleur  (Joseph-René)  ('Paris,  1812,  f  Maisons- 
Laffitte,  1874).  —  A  produit  des  archets  comparables 
à  ceux  de  Tourte. 

Lauy  (Alfred)  ('Mirecourt,  1850;  + Paris,  1915).— 
Ses  archets  sont  fort  beaux.  Il  signait  :  A.  Lainy. 

Lenoble  (Auguste)  ('Mirecourt,  1828,  f  Paris,  1895). 
—  Travailla  chez  Peccate  et  chez  Vuillaume.  Archets 
bien  faits. 

Lui'OT  (François)  ('Orléans,  1774,  f  Paris,  1837).— 
Frère  du  célèbre  luthier  Nicolas  Lupot.  Ses  archets 
sont  très  recherchés.  Il  signait  :  Lupot.  11  y  a  de 
nombreuses  imitations. 

Pageot  (Mirecourt,  1791-1849).  —  A  fait  de  nom- 
breux archets  excellents. 

Peccate  (Dominique)  ('Paris,  1826,  j  Mirecourt, 
1874).  —  Travailla  chez  Vuillaume  et  prit  plus  tard 
la  succession  de  François  Lupot.  —  On  le  classe 
parmi  les  meilleurs  archetiers  de  son  temps.  Il 
signait  :  Peccate. 

Peccate  (François)  ('Mirecourt,  1820,  f  Paris, 
1855).  —  Excellent  archetier,  dont  la  facture  peut  se 
confondre  avec  celle  de  son  frère.  Dans  la  même 
signature  :  Peccate,  les  caractères  sont  une  idée  plus 
grands  que  dans  la  signature  du  précédent. 

Persois  (Paris,  1830  environ).  —  Travailla  chez 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    1749 


J.-B  Vliillaume,  puis  il  s'établit.  Ses  archets  sont 
rares.  Il  signait  :  P.  H.  S.,  sur  le  pan,  sous  la  cou- 
lisse. 

ScHwARTz  (Georges- Frédéric)  (Strasbourp  178o- 
1849).  —  Ses  archets  sont  très  estimés.  Il  signait  : 
Schicartz,  Strasbourg. 

Simon  ("Mirecourt,  1808, f  Paris,  1882).  — Travailla 
•chez  Peccate  et  chez  Vuillauue,  puis  s'associa  avec 
Henri  de  18't8  à  1851.  Ses  archets  estimés  sont  mar- 
qués :  Simon,  Paris. 

Tourte  (Xavier)  (dit  Tourte  l'Atné}  (Paris,  seconde 
moitié  du  xviir  siècle).  —  Les  archets  qu'il  fit  sur  le 
modèle  de  ceux  de  son  frùre  sont  remarquables. 

Tourte  (François)  (dit  Tourte  le  Jeune)  (Paris, 
1747-1833).  —  Frère  du  précédent.  Sa  réputation  est 
universelle.  Il  travailla  jusqu'à  quatre-vingt-cinq  ans. 
Tourte  ne  marquait  jamais  ses  archets.  Il  en  est 
quelques-uns  qui  portent  une  éti  (uette  minuscule 


.      .   -  ....  ^^) 

^- : ?|!\(>  1>R  T ■  E  LE  - J É U NE  /  1 1 


i;gaif  et  Wfi'cf  foutes  soj-fes-d'ardicls  ,  /i' 
rr~\pjmeure'yunt  de/'Éco/e  ,  maison  llu  mai'-  ^ 
VcîmnH  Je,  imsifte ,  ci-dwant  Cqffe  du  /'ru-  U 

ir\CV'    APARIS. 


1.-/*^ 


«'«K 


^^'^^^^^ 


FiG.  'J2i.  —  Carte  d'adresse  de  Tourte  le  jeune. 


TOURTE  .5",  rfZt  ,i^ ^  yy^^io 


Fia.  924.  —  Fac-similé  d'une  éliquelte  minuscule 

collée  dans  la  coulisse  d'un  archet 

de  F.  TouRTB  le  jeune. 

collée  dans  la  coulisse,  indiquant  à  quel  âge  il  avait 
fait  chacun  de  ces  archets. 

TuBBS  (Londres).  —  Un  des  meilleurs  archetiers 
anglais. 

VoiRiN  (François-Nicolas)  ('Mirecourt  1833,  f  Pa- 
ris, 1885).  —  La  grande  réputation  de  Voirin  est 
entièrement  jusiifiée.  Après  avoir  travaillé  chez  Vlil- 
LAUiiE  jusqu'en  1870,  il  s'établit  et  se  lit  rapidement 
connaître. 

Il  signait  :  F.-N.  Voirin,  à  Paris. 
VuiLLAUME  (Jean-Baptiste)  (Paris,  1823-1870.)  — 
De  nonibrenit  archets  portent  sa  marque  et  ils  sont 
en  général  bien  faits;  il  en  est  même  d'excellents. 
11  est  diflicile  de  faire  la  part  du  signataire,  étant 
donné  les  ouvriers  remarquables  qu'il  employait, 
ainsi  qu'on  l'a  vu  plus  haut. 


LA  VIOLE   D'AMOUR.   —  LE  BARYTON. 
LA   POCHETTE. 

L'apparition  de  ces  trois  instruments  n'étant  pas 
antérieure  à  celle  du  quatuor  à  archet  moderne,  leur 
description  trouve  ici  sa  place  chronologique.  i 


FiG    925. 
Viole  d'amour. 


La  viole  d'amour. 

Cet   instrument  emprunte  sa  forme  à  l'ancienne 
viole,  et  ses  dimensions,  qui  sont  variables,  à  l'alto 
et  même  au  ténor.  Les  grandes  violes  d'amour  tien- 
nent le  milieu   entre  les  petites   violes 
(d'épaule)  et  les  grandes  (de  jambe),  et 
elles  ont  beaucoup  d'analogie  avec  les 
violes  bâtardes  qui  se  jouaient  inclinées 
sur  la  cuisse  gauche. 

On  a  fait  des  violes  d'amour  de  petit 
format,  mais  jamais,  au  xviii=  siècle,  on 
n'a  garni  de  cordes  sympathiques  la 
basse  de  viole.  On  cite  comme  exception 
le  baryton,  qui  serait  1^  basse  de  viole 
d'amour.  Ce  n'est  pas  exact,  comme 
nous  le  verrons  dans  la  description  de 
cet  instrument. 

La  viole  d'amour  est  donc  une 
viole  moulée  de  six  cordes.  Gomme 
pour  la  basse  de  viole,  à  un  certain 
moment  on  en  a  ajouté  une  sep- 
tième (ta  grave),  plutôt  nuisible  au 
jeu  et  à  la  sonorité.  Sa  particula- 
rité consiste  en  ce  que  des  [cordes 
sympathiques  en  métal  passent  sous 
la  louche  et  le  chevalet  pour  être 
tendues  à  l'unisson  des  autres  cor- 
des. Ces  cordes  sympathiques  ont 
pour  elTet  de  donner  à  l'instrument 
une  sonorité  particulière  et  agréa- 
ble, mais  qui  parait  monotone  à  la 
longue. 

La  viole  d'amour  semble  avoir  été  d'abord  des- 
tinée à  l'accompagnement  du  chant,  le  peu  de  cour- 
bure de  son  chevalet  facilitant  la  production  de 
triples  et  quadruples  cordes.  On  n'en  trouve  au- 
cune trace  dans  la  musique  de  chambre  ancienne. 
Elle  jouit  cependant  d'une  grande  vogue  pendant 
tout  le  .wiii'^  siècle,  aussi  bien  en  Francis  qu'en  Italie 
et  en  Allemagne  (les  nombreuxexeinplaires  qui  nous 
restent  en  font  foi),  et  elle  dut,  pendant  celle  pé- 
riode, faire  les  délices  de  nombreux  amateurs  et 
de  quelques  virtuoses  dans  la  sonale  ou  le  concerto. 
J.-S.  Bach  l'employa  pour  l'accompagnement  de  plu- 
sieurs mélodies. 

J.  Majer,  dans  son  .Music-Saal  (Nuremberg,  1741), 
nous  renseigne  sur  la  nature  des  cordes  dont  la  viole 
d'amour  était  garnie.  Il  dit  que  la  chanterelle  était 
en  boyau,  les  trois  cordes  suivantes  en  acier  ou  en 
laiton,  les  deux  dernières  en  boyau   lîlé  d'argent.  11 
donne  dix-sept  manières  de  l'accorder  :  c'est  dire  que 
l'accord  de  cet  instrument  variait  à  l'infini,  suivant 
les  besoins.  L'accord  normal  serait  celui  des  autres 
violes  (du  grave  à  l'aigu)  :  ta,  ré,  S"/,  do,  mi,  la,  ré. 
11  y  a  peu  de  chose    à   dire   sur  l'étymologie   du 
nom  viole  d'amour.  Personne  n'a  donné  d'explication 
satisfaisante  à  ce  sujet,  et,  au  surplus,  il  existe  des 
instruments  d'une  famille  toute  différente  qui  por- 
tent la  même  désignation.  Ce  sont  des  fliUes,  des 
hautbois  et  des  clarinettes  sonnant  à  la  tierce  infé- 
rieure des  mêmes  instruments  au  ton  normal.  Quant 
à  l'origine,  une  grande  obscurité  règne  à  son  sujet. 
11  n'y  a  pas  là  une  invention  à  proprement  parler, 
puisque,  dans  l'Hindoustan,  plusieurs  instruments 
connus  de  toute  antiquité  portaient  des  cordes  sym- 
pathiques de  métal. 
Tout  ce  que  nous  savons  de  positif,    c'est   qu'il 


1750 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


n'existe  pas  de  viole  d'amour  antérieure  aux  der- 
nières années  du  xvii«  siècle.  D'après  Pr.etorius, 
l'idée  d'appliquer  les  cordes  sympalliiques  aux  vio- 
les serait  anglaise. 

D'autre  part,  Fétis  affirme  qu'Attilio  Ariosti  fit 
entendre  à  la  sixième  représentation  d'Amadis  de 
Haendel,  donnée  à  Londres  en  1715,  un  solo  de 
viole  d'amour,  instrument  alors  inconnu  en  Angle- 
terre, et  un  document  anglais  semble  confirmer  ce 
dire. 

Toutes  ces  contradictions  ne  laissent  aucune  place 
quelque  hypothèse  que  ce  soit. 

i.e  baryton. 

Baryton,  bariton,  pariton,,  paraton,  ban/don,  viola 
rfi  bordone ,  viola  di  fagotto  sont  différents  noms 
pour  désigner  un  seul  et  même  instiument.  Une 
étymologie,  au  sujet  de  laquelle  il  y  a  lieu  d'être 
prudent,  veut  que  cette  dénomination  vienne  du  par- 
don  accordé  à  celui  qui  l'inventa,  alors  qu'il  était  en 
prison.  Viole  dupai-don  serait  le  nom  primitif,  et  les 
autres  dérivés  par  corruption. 

Viola  di  fagotto  doit  vouloir  indiquer  l'analogie  du 
timbre  de  cette  viole  avec  celui  du  basson. 

Quelques  auteurs  modernes  ont  voulu  faire  du 
baryton  la  basse  de  la  viole  d'amour.  Il  n'en  est  rien, 
car  si  cet  instrument  est  muni  de  cordes  sympathi- 
ques métalliques  comme  la  viole  d'amour,  leur  rôle 
principal  n'est  pas  de  vibrer  sympathiquement  avec 
les  autres  ■  ordes.  Ces  cordes  métalliques  sont  pla- 
cées (et  l'iî  strument  est  construit  en  conséquence) 
pour  être  pincées  avec  le  pouce  de  la  main  gauche, 
de  manière  à  être  entendues  soit  alternativemeni, 
soit  simultanément  avec  les  cordes  frottées  par  l'ar- 
chet. On  remarquera  que,  dans  la  viole  d'amour,  le 
nombre  des  cordes  sympathiques  est  égal  à  celui 
des  cordes  du  dessus,  et  qu'elles  sont  accordées  à 
l'unisson  de  ces  dernières,  tandis  que,  dans  le  bary- 
ton, le  nombre  des  cordes  du  dessus  est  de  six,  et 
les  cordes  sympathiques  peuvent  être  très  nombreu- 
ses, ces  cordes  étant  toujours  accordées  en  gamme 
ascendante,  plus  ou  moins  régulière. 

Le  nombre  des  cordes  métalliques  a  beaucoup 
varié.  D'abord  de  sept,  il  s'est  accru  peu  à  peu.  En 
général,  elles  furent  accordées  diatoniquement  jus- 
qu'au jour  où  LiDL,  un  des  virtuoses  de  la  chapelle  du 
prince  Nicolas  Esteruazt,  les  accorda  par  demi-tons 
et  porta  leur  nombre  à  vingt-sept.  Franz,  son  col- 
lègue, se  servait  dans  ses  concerts  d'un  baryton  muni 
de  vingt-trois  cordes  métalliques. 

Le  haryton  a  la  forme  générale  d'une  basse  de 
viole,  avec  le  dos  plat,  coupé  en  sifllet  à  la  partie 
supérieure.  Les  cordes  de  boyau,  attachées  à  un 
cordier,  reposent  sur  un  chevalet  très  élevé,  placé 
au-dessus  de  celui  des  cordes  métalliques,  et  vont 
retrouver  leurs  chevilles.  La  touche,  d'une  largeur 
proportionnée  au  nombre  des  cordes,  est  située  sur 
le  côte  droit  du  manche.  Ce  dernier  serait  beau- 
coup trop  large  pour  pouvoir  être  utilisé  dans  sa 
totalité. 

Les  cordes  métalliques,  accrochées  à  une  barre 
lixée  en  travers  de  la  table  en  biais,  ou  à  une  série 
de  tronçons  de  baire  échelonnés  dans  le  même  sens, 
vont  rejoindre  leurs  chevilles  en  passant  à  découvert, 
du  côté  opi^osé  à  la  touche,  dans  l'intérieur  de  la 
poignée  du  manche,  particularité  unique  dans  les 
instruments  à  archet.  Ces  cordes  sont  protégées,  du 
côté   de   la  touche,   par  une  plaque  généralement 


incrustée  d'ébène  et  d'ivoire.  Si  nous  ajoutons  que  la 
table  est  percée  parfois  de  deux  ff  courts,  doubles  de 
chaque  côté,  et  ailleurs  de  deux  /'/"simples,  mais  de 
longueur  normale,  et  d'une  rosace  à  la  partie  supé- 
rieure, nous  aurons  décrit  le  baryton  dans  ses  orga- 
nes principaux. 

Né  en  Italie  ou  en  Angleterre,  suivant  que  l'on 
accepte  telle  ou  telle  hypothèse,  l'instrument  (tenant 
le  milieu  entre  la  basse  et  le  ténor,  mais  pouvant 
monter  plus  haut  que  ce  dernier),  auquel  les  écrivains 
du  temps  sont  unanimes  à  accorder  un  timbre  agréa- 
ble et  mélancolique,  ne  fut  guère  pratiqué  qu'en 
Allemagne. 

Sur  les  étiquettes  des  quelques  rares  exemplaires 


FiG.  920.  —  Baryton. 

conservés  dans  les  musées  ou  les  collections  privées, 
nous  ne  relevons  que  des  noms  allemands. 

Le  musée  du  Conservatoire  de  Paris  en  possède 
un  remarquable  de  Norbert  Bedleu  ,  luthier  de  la 
cour  de  Bavière  (Wurlzbourg,  1723).  Ses  mesures 
principales  sont  : 

Longueur  totale 1   m     400  mm. 

Longueur  de  la  caisse  y  compris  les  liorJs. . .  U  m.  (i'.li)  mm. 

Largeur  du  bas 0  m.  400  mm. 

Largeur  du  milieu Cm.  250  mm. 

Largeur  du  haut   0  m.  330  mm. 

Hauteur  des  éclisics  en  bas 0  m.   133  mm. 

Hauteur  des  éclisses  en  haut 0  m.   1 1  Ti  mm. 

Longueur  des  ouïes 0  m.   1  Is  mm. 

Longueur  de  la  poignée  du  manche 0  m.  270  mm. 

Longueur  de  chevillier o  m.  400  mm. 

Cette  viole  est  munie  de  six  cordes  de  boyau  et  de 
dix-huit  cordes  de  laiton.  Elle  a  deux  ouïes  et  une 
toute  petite  rosace  au-dessous  de  la  touche.  Cette 
dernière  n'a  pas  de  divisions  ou  cases. 

Les  auteurs  sont  en  contradiction  au  sujet  de  l'ac- 
cord du  baryton.  Or,  dans  le  Musik-Saal,  de  Maji:h, 
il  est  dit  que  le  baryton  s'accorde  comme  la  viola  di 
gamba. 

Il  est  probable  que  les  joueurs  de  baryton  ont  usé, 
surtout  dans  le  solo,  tant  à  l'égard  des  cordes  de 
boyau  que  des  cordes  métalliques,  de  cette  liberté 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


DES  INSTRUMENTS  A  ARCHET    17&1 


d'accordatiire  roiiranle  autrefois,  qui  donnait  tant 
de  t'acililé  au  jeu  et  de  variété  au  timbre,  et  dont 
l'usage  se  continua  pour  le  violon.  Pagan'ini  en  lit 
l'usage  que  l'on  sait.  Après  lui,  on  en  tiouve  encore 
des  traces  chez  IUillot,  Vieuxtemi'S  et  leurs  contem- 
porains. 

La  pochette. 

La  pochette,  ou  poche,  est  un  minuscule  instru- 
ment à  archet  dont  les  maîtres  à  danser  se  servirent 
'depuis  le  commencement  du  xv)i=  siècle  jusqu'à  la 


Kti;.  027 


La  tenue  Je  h>  pochetli:'. 


fin  du  XVIII'  siècle  pour  donner  leurs  leçons.  Il  en 
est  qui  conservèrent  jusque  vers  le  premier  tiers 
du  xix"  siècle  celte  tradilion,  qui  finit  par  s'éteindre. 

Les  premières  pochettes  durent  leur  forme  à  la 
reproduction  de  celles  du  rebec  et  de  la  gigue.  Cela 
s'explique  ainsi.  La  gigue,  bannie  des  concerts,  relé- 
guée à  la  danse  comme  le  rebec,  se  confondit  avec 
ce  dernier  et  finit  par  disparaître  avec  lui.  Les  maî- 
tres à  danser,  qui  faisaient  partie  de  la  corporation 
ies  ménétriers,  continuèrent  à  s'en  servir,  mais  en  y 
faisant  apporter  des  modifications  propres  à  leur 
faciliter  le  transport  de  l'instrument  d'une  maison  à 
l'autre.  Il  en  résulta  un  instrument  nouveau,  de 
dimensions  restreintes,  que  le  maître  à  danser  pou- 
Tait  facilement  mettre  dans  sa  poche  après  chaque 
leçon.  C'est  ce  qui  fit  donner  à  l'ancien  instrument 
diminué  le  nom  de  poche,  ou  de  pochette.  Son  peu 
de  sonorité  lui  valut  aussi  celui  de  sounline. 

Le  père  Kircher  [Musurrjia  iinivcrsalis,  161  l'appelle  : 
linterculus  a  figura  liiilris  sic  dicta,  définition  indi- 
quant clairemeiit  que  les  pochettes  à  bateau  {linter) 
furent  les  premières  en  usage. 


Plus  tard,  on  fit  des  pochettes-violons,  qui  étaient 
simplement  des  violons  de  forme  réduite,  mais  pos- 
sédant  un  manche  suffisamment  long   pour  rendre  . 
possible  le. jeu  de  l'instrument. 

La  forme  de  la  pochette-bateau  est  caractéristi- 
que. La  caisse,  à  pans  minces  et  allongés,  ne  forme 
qu'une  pièce  avec  le  manche  court  et  arrondi.  Munie 
de  quatre  cordes,  son  chevillier  était  rarement  sor^ 
monté  d'une  volute.  C'était,  comme  dans  les  ancien- 
nes violes,  soit  une  tète  sculptée,  soit  une  forme  ot- 
nementale.  Les  ouïes,  différant  de  celles  du  violon, 
consistaient  en  une  échancrure,  longue  de  quatre  à 
cinq  centimètres,  courbée  soit  en  dedans,  soit  en  de- 
hors, et  terminée  par  une  petite  ouverture  arrondie. 

La  longueur  de  l'instrument  variait  de  trente-cinq 
à  quarante  centimètres;  la  largeur  était  de  quatre 
à  cinq  centimètres  vers  le  milieu. 

L'archet  de  la  pochette  avait  généralement  trente- 
cinq  centimètres  environ. 

Quoique  l'étui  naturel  d'un  tel  instrument  fi'it  la 
poche  du  maître  à  danser,  on  confectionna  pour  cei- 
tains  de  ces  petits  instruments,  qui  étaient  de  véri- 
tables bibelots  précieux,  des  étuis  souvent  fort  riches, 
en  cuir  gaufré  doré  au  petit  fer  comme  les  belles  re- 
liures, doublés  à  l'intérieur  de  velours  ou  de  satin. 

Indépendamment  des  deux  formes  classiques  que 
nous  venons  de  citer,  les  luthiers  s'ingénièrent  à  en 
créer  de  charmantes,  où  la  main-d'œuvre  la  plus  dé- 
licate fut  au  service  de  la  fantaisie  du  meilleur  gott. 

Aussi,  les  pochettes  sont-elles  recherchées  de  nos 
jours  comme  des  bibelots  d'art  précieux,  et  les  col- 


O 


Fi.).  92S.  —  Poclietle  d'Antonio 
Stbadivari.  (Musée  du  Con- 
servatoire national  de  Paris.) 


FiG.  920.  —  Pochelle 

de  Giuseppe  Gdarnebi 

(del  Jesu). 


lections  privées,  aussi  bien  que  les  musées,  en  pos- 
sèdent des  spécimens  remarquables. 

Le  musée  du  Conservatoire  national  de  Paris  en 
présente  un  certain  nombre  d'exemplaires  (n<>'  103 
à  132). 

La  description  de  quelques-unes  de  ces  petites  mer- 
veilles, que  nous  empruntons  au  Catalogue  (tu  Muscc 
par  Chol'quet,  donnera  une  idée  de  ce  qu'étaient  les 
belles  pochettes  des  xvii'  et  xviii"  siècles. 


1752 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


N»  103.  —  Grande  pochette.  Cette  belle  pochette  de  la  fin  du 
xvi'  siècle  est  ornée  d  une  tète  originale,  dont  le  travail  est 
ravissant.  Le  fond  rappelle  la  forme  d'une  râpe  à  tabac,  et 
dp  Unes  sculptures  l'embellissent.  Tout  l'instrumentest  enrichi 
d'onyx  et  d'autres  pierres  dures  (collection  Clapisson). 

N»  104.  —  Pochette  en  ivoire  gravé.  Elle  est  ornée  d'une 
tête  de  faune  en  ivoire  et  ébène,  et  l'on  en  doit  remarquer  les 
cheviUes  enrichies  de  grenals.  Celte  belle  pièce,  dont  la  table  est 
en  bois  de  cèdre,  date  du  commencement  du  xvii'  siècle  (col- 
lection Ci.apisson). 

N»  106.  ^  Pochette  italienne  en  ébène.  Le  manche  se  ter- 
mine par  une  tùte  de  nègre  avec  boucles  d'oreilles  en  argent. 
Cette  .pochette  du  temps  de  Louis  XIII  est  ornée  d'incrustations, 
dont  les  jolis  dessins  ne  se  reproduisent  pas  de  chaque  côté  avec 
une  exacte  symétrie  (collection  Clapisson). 

N»  103.  —  Pochetlj  en  ébène.  Le  fond  est  h  pans  coupés 
avec  filets  en  argent.  Cette  pochette  élégante,  ornée  d'une  tète 
de  nègre,  a  un  cachet  italien,  bien  qu'elle  soit  signée  d'un  nom 
allemand  devenu  illisible. 

N°  113.  —  Pochette  de  grand  format  et  en  bois  sculpté.  La 
fuime  originale  et  la  remarquable  exécution  de  ce  bel  instru- 
ment .illirc^nt  et  fixent  l'attention  des  connaisseurs.  La  tête  d'ours 
qui  orne  le  haut  du  manche  est  finement  sculptée  et  surmontée 
d'une  couronne  ducale  (collection  Ci.apisson). 

N"  118.  —  Pochette  italienne  en  forme  de  râpe.  Elle  est  de 
forme,  plate,  en  marqueterie,  composée  de  bois  de  différentes 
couleur.,5,  et  enrichie  d'incrustations  en  nacre  de  perles.  A  l'ex- 
trémité de  la  volute,  on  remarque  une  tète  de  femme  habilement 
sculptée  et,  au  milieu  de  la  table,  un  cœur  percé  à  jour.  Cette 
pièce  .d'un  travail  délicat  est  tout  à  fait  intacte  (collection  Cla- 
pisson)., 

N"  117.—  Grande  pochette  de  Stradivarids.  A  en  juger 
seulemi^nt  par  la  couleur  du  vernis,  on  pourrait  croire  que  cette 
admirelile  pochette  appartient  à  la  période  des  premiers  travaux 
de  Stradivarius,  mais  à  la  fermeté  du  dessin  et  à  l'originalité 
de  la  forme  de  cet  instrument,  à  la  coupe  merveilleuse  des  ouïes, 
à  la  double  échancrure  des  bords,  on  reconnaît  déjà  que  le 
célèbre  luthier  n'imitait  plus  Amati.  Ce  bijou  date  en  effet  de 
1717,  c'est-à-dire  de  la  plus  belle  époque  du  grand  artiste 
de  Crémone.  Il  fut  importé  en  France  par  Tarisio,  et  cédé  à  Sii,- 
VESTRB,  le  luthier  lyonnais.  L.  Clapisson,  qui  fut  un  violoniste 
distingué,  l'acheta  en  1S5S  (collection  Ghpisson). 

Les  archets  des  pochettes  sont  souvent  d'une  fac- 
ture très  soignée.  Il  en  est  dont  la  hausse  est  sculp- 
tée avec  finesse  et  originalité. 

L'accord  de  la  pochette.  —  Jamais  la  pochette  n'a 
figuré  dans  un  ensemble  instrumental  ;  aussi,  son 
accord  n'ëtait-il  pas  très  rigoureux.  Néamoins,  en 
principe,  elle  s'accordait  ainsi,  en  commençant  par 
le  grave  : 

Do,  sol,  )■(',  la, 

et  exigeaitdes  cordes  plus  fines  que  celles  du  violon  . 


f^^^-    INDEX  BIBLIOGRAPHIQUE 

Apian  Brnkewitz  (P.-O.).  Dit'  (Iciijc,  iter  Geigeabau  iiint  ttie  ïtogen- 
verfcrligniig.  — Mit  einem  Atlas  enthaltend  1-J  Foliotafeln 
und  56  in  Text  gedruckten  Abbildungen,  Weimar. 

Baoatflla  {a.).  Hegole  per  fa  costntzioiie  dfi  violinie  riolonceUi  e 
vivloni.  —  Memoriale  presentato  al!  Akademia  di  scienze 
letterc  e  arti  di  Padoua  al  concorso  del  premio  dell'  arti  del 
1782  c  coronato  dalla  stessa  Akademia,  1786. 

Catalogue  dit  musée  du  Conservatoire  national  de  musique  de  PariSy 
par  Gustave  Ghodqukt.  1  volume  et  trois  suppléments. 

Catalogue  descriptif  et  analiitique  du  musée  du  Conservatoire  rnijal 
demusique  de Uru.rclles,  par  Victor-CharlesMAHiLLON.  4  vo- 
lumes. 


ConTA«NE  (Henry).  Gaspard  Dui/j'oproucart  et  les  lutkiers  tijôtinais  du 

xvi*  siiele.  —  Paris,  1893. 
De  PiccoLELis  (Giovanni).   Liutai  antichi  e  morfer/ir.  Note  critico- 

biografiche.  Florence,  1885. 

—  Liutai  antichi  e  moderni.  Genealogia  degli  Amati  e  dei  Guarnieri 

seconde  i  documenti  ultimamenteritrovati  negli  atti  e  stati 
d'animé  délie  Antiche  Parrocchie  di  S.  Faustino  e  di  S. 
Donatodi  Crcmona.  Noteaggiuntealla  i'edizionc.  Florence, 
1886.. 

Fktis  (F.-J.)  Antoine  Slradivari,  luthier  célèbre,  cimnusousle  «omde 
Stradivarius:  précédé  de  recherches  historiques  et  criti- 
ques sur  l'origine  et  la  transformation  des  instruments  à 
archet,  et  suivi  d'analyses  théoriques  sur  l'archet  et  sur 
François  Todrte,  auteur  de  ses  derniers  perfectionne- 
ments, Paris,  1856. 

Greilsamer  (Lucien).  L'Hygiène  du  violon,  de  l'atto  et  du  riotoncelle. 
—  Conseils  pratiques  sur  l'acquisition,  l'entretien,  le 
réglage  et  la  conservation  des  instruments  à  archet,  avec 
50  figures  explicatives  et  4  planches  hors  texte.  Paris, 
librairie  Delagrave. 

—  L'Anatomie  et  la  Physiologie  du  violon,  de  l'alto  et  du  riohncelle, 

aperçus  nouveaux,  suivis  du  Vernis  de  Crdmone,  étude 
historique  et  critique  (nombreuses  illustrations).  Paris, 
librairie  Delagrave. 

G  ALLA  Y  (.J.).  Les  Luthiers  italiens  au.r  xvii'^f/xviii^si#p/f  s.  Nouvelle 
édition  du  Parfait  Luthier  de  l'abbé  .Sibire,  suivie  de  notes 
sur  les  maîtres  des  diverses  écoles.  Paris,  1869. 

Grillet  (Laurent).  Les  Ancêtres  du  violon  et  du  riolonrelle;  les 
luthiers  et  les  faliricants  d'archets.  2  vol.,  Paris,  1001. 

Hart  (George).  Le  Violon,  les  luthiers  célèbres  et  leurs  imitateurs, 
contenant  de  nombreuses  gravures  sur  bois  d'après  les 
photographies  des  violons  de  Stradivarid.s,  Coarnerios. 
Amati,  etc.  Traduit  de  l'anglais  par  A.  Royer.  Paris,  1880. 

HiLL  (\V.  Henry).  Arlur  F.  Hill  and  Alfred  E.  Hill.  Antonio 
Slradivari,  bis  Life  and  Work  (1644-1737),  with  an  intro- 
ductory  note  by  lady  Huggins.  Drawings  by  Schirley 
Slocombe,  chromolithographed  by  Nisler  of  Nurcnberg. 
London,  1902. 

Hill  and  Sons.  The  Salahue  Slradivari.  A  hîstory  and  crilical 
description  of  the  famous  violin  commonly  called  le  Mes- 
sie. London,  1891. 

—  The  Tuscan  Slradivari.  —A  Short  account   of  a  violin   made 

by  Slradivari  for  Cosimo  de  Medici  grand  Duke  of  Tus- 
cany  in,  1690. 

—  The  Life  and  Work  of  iîaggini. 

Jacqdot  (e.).  Les  Mèdard,  luthiers  lorrains.  Paris,  1896. 
LuTGENDORFF  ( Willibald-Leo-Freichcrr  von).  IHe  Ceigenuiid  Lau~ 

lenmachcr  vont  llittelniter  bi.i  zurGegenwarl.  Vranc!oTi-sur-\e- 

Mein,  1904. 
Mailand  (?:ug.).  Découverte  des  anciens  vernis  italiens  employés  pour 

les  instruments  itcordes  et  <i  archet.  Paris,  1859. 
Madqin  et  Maigne.  Nouveau   Manuel  complet  du    luthier.   Paris, 

Roret,  édit.  Nouvelle  édit.,  1S94. 
WoRDRET(Léon).  —  La  Lutherie  artistique.  Paris,  1885. 

—  Les  Violons  de  Crémone.  Rouen,  1S98. 

PiiiRRE  (Constant).  Les  Facteurs  d'instruments  de  musique,  les  luthiers 
et  la  facture  instrumentale.  Paris,  1893. 

Reade  (Ch.).  Headiana.  Leipzig,  Tauchnitz,  édit.  Vol.  2109. 

RiNALDi  (Ben.-Gioff.).  Classica  fahhricazione  di  violini  in  Picmonte. 

Savart  (F.).  Mémoire  sur  la  construction  des  instruments  il  cordes  et 
il  archet.   Paris,  1818. 

SioiRE  (l'abbé  Antoine!.  La  Chèlonomie  ou  le  parfait  luthier.  Paris, 
1806. 

ToLBECQDE  (A.).  L'Art  du  luthier.  Niort,  1903.  ' 

Valdrighi  (comte  Luigi-l''ranc.).  Ricerche  sutla  liuteria  cl  viotï- 
neria  mmienese  anlica  e  moderna.    Modena,  1878. 

— ■  Nomocheliuri/ografia  anlica  e  moderna,  ossia  élenco  de  fahbricattri 
di  strumenli  arinonici  con  note  explicative  e  documenti  estralti 
liai  archivio  di  stiilo  in  Modena.  —Modena,  1884-1888-1894. 
Con  aggiunta,  1888. 

Vidal  (Antoine).  Les  Instruments  à  archet,  ornés  de  planches  gra- 
vées à  l'eau-forte  par  Frédéric  Hillemacbcr.  Paris, 
1835  à  1878.    3  vol. 

—  La  Lutherie  et  les  luthiers.    Paris,  1889. 

WiT  (P.  de).  Geigenzcttcl  aller  Meister.  Leipzig,  1901. 

L.  GREILSAMEU. 


LES  VIOLES 

Par  Paul  QARNAULT 


ORIGINE  DES  INSTRUMENTS  DU  QUATUOR 
DARCHETS 

Si  l'origine  des  instruments  à  cordes  pincées 
remonte,  d'après  le  Pentateuque  (Genèse,  IV,  21), 
aux  temps  les  plus  reculés,  ((  Et  nomen  fralris  ejus 
Jubal  :  ipse  fuit  patercanentium,cithara  etorf^ano  '  «, 
cependant,  l'archet  ne  parait  en  Occident  qu'à  la  lin  du 
vi"  siècle. 

D'abord  employé  par  les  joueurs  de  crouth,  il 
passe  aux  mains  des  joueurs  de  lyra,  rebec,  gigue  et 
vièie  pendant  le  moyen  âge  ;  le  charme  des  sonori- 
tés variées  et  prolongées  qu'il  procure  n'est  certes 
pas  étranger  à  la  décadence  progressive  des  instru- 
ments à  cordes  pincées.  D'un  autre  côté,  la  famille 
des  violes  du  xv"  siècle  remplace  les  gigues  et  les 
vièles,  jusqu'au  moment  où  elle  devra  elle-même  dis- 
paraître devant  l'invasion  des  violons  et  altos  d'Italie 
importés  eii  France  sous  le  règne  de  Charles  IX  (1.Ï72), 
du  violoncelle  du  xvi"  siècle  et  des  contrebasses  de 
ToDiNi  (162b). 

Ainsi  se  transformait  la  lutherie,  non  sans  quelque 
résistance  des  anciens  violistes...  Il  n'est  pas  témé- 
raire d'ajouter  ici  que  Lulli,  tout-puissant  de  1660 
à  1680,  favorisa  les  violonistes,  pendant  que  les  vio- 
listes cherchaient  encore  à  augmenter  la  sonorité  de 
leur  viole  par  l'adjonction  de  cordes  sjmpathiques, 
d'où  les  barytons,  violes  d'amour,  etc.  Vains  efforts  ! 
car  depuis  Bach  et  HjENDel,  ces  dérivés  de  la  viole  ne 
sont  plus  que  d  intéressants  souvenirs,  malgré  les 
tentatives  de  restauration  dont  ils  furent  l'objet  de  la 
part  du  prince  Ksterhazy  et  de  Haydn,  son  maître 
de  chapelle,  puis,  en  France,  du  célèbre  Urhan  (1790- 
1843). 

Bibliographie.  —  .J.  Fktis.  —AnI.  Slradieari,  in-8»,  Paris, 
ISjO,  Vuillaume. 

Ch.  Nodier.  —  Contes,  Jean  Sbogar, 

HiBT.  —  Le  violon.  Paria,  Rouam  ;  Londres,  1877. 

Jean  RoDSSKAo.  — Traité  de  la  viole.  Paris,  1687. 

A.  IjAvignac.  —  Entyclopcdie  de  la  musique  et  Dictionnaire  du  Con- 
servatoire. 5  vol.  in-4".  Paris,  1914. 

L'abbé  Viqodrocx.  —  La  Sainte  Bible  polyglotte.  Les  instruments 
de  musii/ue.  Traduclioa  de  l'abbé  Glaire.  Pans,  1903. 

Bible  d'OsterwaUt.  1724. 

L.  Grillet.  —  Les  ancêtres  du  violon.  2  vol.  in-S».  Paris,  1901. 

Didron.  — Annales  archéologiques,  10-4".  3  toI.  1845,  Paris. 

E.  Travers.  —  Les  Instruments  de  musique  au  qnatorz-iéme  siècle. 
Paris,  1882. 

Macladchlan.  —  La  musique  gaélique,  in-8». 

South  Kensmgtoa  muséum  art.  Londres,  in-12. 

HcCBALD.  —  Ses  traités  demusique  par  Coossemakeb.  Paris,  1841. 

Toi.BECQDB.  —  Art  du  Luthier.  Niort,  1903,  in-4*. 


1.  P.  MEnSESKK.Qtifestionesceleberrimzin  Geitesim.  1023 


Abbaye  de  Saint-Martial  de  Limoges.  —  Antiphonar  et  Responsur, 
ins.  latin  du  xi°  siècle. 

Edward  Jones.  —  Musical  and  pnetical  relicks  \  of  llie  welsh  bords  \ 
preserved  bij  tradition  and  auttientic  manuscripts  \  from  verij 
remole  antiqidty  |  dedicated  l>y  permission  \  lo  bis  Royal  lligh- 
ness  the  Prince  of  Wates  \  bij  Edward  Jones  \  Bard  of  the 
Prince  Rtijent  \  native  of  lleublasmerionetshire.  London, 
Printed  for  the  aiithor,  ISU. 

JÉRÔME  DE  Moravie.  —  Incipit  iractatus  de  musica  compilalus  a 
Fratre  llierongmo  Moravo,  ordinis  Fratrmn  Prsdicatorum, 
1260. 

A.  Vidal.  —  La  Chapelle  Saint-Julien  des  menestriers  et  les  ménes- 
trels à  Paris.  Paris,  187S. 


Préliminaires.  Origine  de  l'archet. 

Si  l'antiquité  nous  a  légué  de  nombreuses  repro- 
ductions sculpturales  ou  graphiques  des  instruments 
à  cordes  pincées  et  de  musiciens  accompagnant  la 
déclamation  et  la  danse-  ou  les  chants  sacrés,  funè- 
bres et  guerriers,  nous  sommes  en  revanche  très  mal 
renseignés  sur  l'origine  des  instruments  d'archet. 

Laissant  de  côté  les  merveilles  de  l'imagination 
des  plus  illustres  peintres  et  sculpteurs'',  nous  en 
sommes  réduits  à  ne  connaître  l'origine  de  l'archet 
que  par  le  légendaire  el  schématique  ruranastron, 
premier  instrument  d'archet,  dont  l'invention,  altri- 
buée  à  Ravana,  roi  de  Ceylan,  remonterait  à  plus 
de  2000  ans  avant  J.-G. 

Avec  une  considération  que  ne  pouvait  mériter 
le  ravanastron*  longtemps  abandonné  aux  moines 
mendiants,  la  plus  ancienne  littérature  bouddhiste 
(400  ans  avant  J.-C.)  traite  assez  longuement  des 
vinas,  sitars  et  autres  instruments  à  cordes  soit  pin- 
cées, soit  mises  en  vibration  à  l'aide  d'un  plectre. 
Plus  tard  seulement,  le  ravanastron  perfectionné, 
transformé  même,  devint  ravann,  ruana,  omerti,  sa- 
rinda,  et  plus  tard  saranjn  et  kunjcrrij'-. 

u  Si  nous  comparons  l'omerti  indien  à  l'instru- 
ment arabe  dit  kemangch  à  youz  (de  keman,  archet,  et 
Aa/i,  c'est-à-dire  instrument  d'archet)'^,  nous  recon- 
naissons immédiatement  que  l'instrument  de  l'Inde 
a  fourni  le  modèle  de  celui  de  l'Arabie. 

«  D'ailleurs,  kemangch  est  persan,  d'après  Villo- 


2.  Harpes  ëjçyptiennes,  3000  ar.  J.-C;  cithares  et  guitares,  1800 
aT.  J.-C,  d'Asie  importées,  comme  les  trigones  assyriens,  les  psal- 
térions  persans  et  les  kinnors  syriens. 

3.  Kaphacl  avait  prête  un  violon  à  l'Apollon  du  Parnasse,  et  des  mé- 
dailles antiques  représentent  Apollon  jouant  du  rebec;  de  môme,  le 
Dominiquin  (Zampieri,  1581-1641)  nous  montre  dans  un  chef-d'œuvre 
de  peinture,  au  Louvre,  saint  Cécile,  martyrisée  dès  le  m*  siècle,  jouant 
de  la  viole  de  gambe. 

4.  Ce  ravanastron  aurait  été  monté  de  deux  cordes  faites  d'intestins 
de  gazelle  ! 

5.  Tous  instruments  montés  de  difTéreates  cordes,  crin  de  cheval, 
métal  ou  soie. 

6.  J.  Fktis.  Arit,  .Stradiuari,  p.  8. 


1754 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


TEAU;  puis  la  Prrse  ancienne  touchait  à  l'Inde  par 
l'est,  et  les  rapports  de  ces  deux  grandes  contrées  se 
montrent  partout  dans  l'histoire. 

«  Les  cordes  sont  la  partie  la  plus  curieuse  de  cet 
instrument,  car  elles  sont  formées  chacune  d'une 
mèche  de  crins  noirs  forlenient  lendus;  l'archet  est 
composé  d'une  baguette  de  figuier  sycomore  façon- 
née au  tour  et  courbée  en  arc,  à  laquelle  est  attachée 
et  tendue  une  mèche  des  mêmes  crins.  » 

En  réalité,  ces  primitifs  inslrumenls  d'archet  ser- 
vaient beaucoup  moins  à  des  combinaisons  instru- 
mentales, telles  que  nous  les  imaginons  au  xx°  siècle, 
qu'à  l'accompagnement  des  voix  et  des  récitations 
chantées,  comme  celle  du  vieillard  deCh.  Nodier'  qui 
promenait,  dit-il,  régulièrement  sur  une  espèce  de 
guitare  garnie  d'une  seule  corde  de  crin,  un  archet 
grossier,  et  qui  en  tirait  un  son  rauque  et  monotone 
bien  assorti  à  sa  voix  grave  et  cadencée,  chantant, 
en  vers  esclavons,  l'infortune  des  pauvres  Dalmates. 
Comme  Homère,  ce  vieillard  était  aveugle! 

Dans  l'Extrême-Orient,  en  Chine,  nous  trouvons 
le  ravanastron  qui  s'y  est  conservé  jusqu'à  nos  jours, 
de  même  que  les  modernes  jouent  encore  en  Turquie 
le  rebab  et  le  kemantche,  plus  ou  moins  perfectionnés, 
en  Arabie  le  rebeb  ou  rabab,  et  en  Perse,  le  robab  et 
\6  kemantche  ou  hejiiangch^. 

La  migration  de  l'archet  vers  l'Occident  fut  assu- 
rément très  lente,  et  il  parait  presque  impossible  de 
tracer  le  chemin  parcouru  par  les  musiciens  ambu- 
tants  au  travers  de  pays  qui  ont  bien  souvent  changé 
de  nom.  Aucune  trace  précise  ne  nous  reste  de  cette 
migration  et,  avec  Fétjs,  nous  devons  croire  que  le 
crouth  des  bardes  gallois,  chanté  dès  570  dans  une 
poétique  invocation  à  sainte  Radegonde  parVenance 
FoRTLiNAT,  évêque  de  Poitiers,  mort  vers  609,  fut  le 
premier  des  instruments  à  cordes  pincées  sur  lequel 
les  Gallois  essayèrent  l'archet. 

De  Ravana  à  Saint  Fortunat  s'étaient  écoulés  trois 
mille  ans!  Aussi,  après  quelques  recherches  dans  la 
littérature  bouddhiste  ^,  devions-nous  demander  à  la 
Bible,  la  loi  écrite  au  cours  de  cette  longue  période, 
quelques  informations  sur  les  mœurs  musicales  des 
Hébreux,  après  avoir  appris  que,  sans  même  donner 
un  commencement  de  preuve,  la  première  méthode 
de  violon  du  Conservatoire  {o  ventôse  an  X),  rédigée 
par  Baillot,  Rode  et  Kreutzer,  ne  craignait  pas 
«1  de  faire  connaître  aux  élèves  tout  ce  qui  peut  donner 
une  idée  juste  et  les  déterminer  à  conserver  au  vio- 
lon le  rang  qui  lui  appartient,  présumant  qu'il  était 
connu  dans  les  temps  les  plus  reculés!  iVe  connais- 
sait-on pas  des  médailles  antiques  représentant 
Apollon  jouant  d'un  instrument  à  trois  cordes  sem- 
blable au  violon  »? 

Cependant,  la  Bible  ne  fait  aucune  allusion  aux 
instruments  à  cordes  «  d'archet  ». 

Dans  le  1"  livre  du  Pentateuque  {Genèse,  IV,  21), 
où  il  est  question  de  musique  à  l'époque  antédi- 
luvienne, nous  apprenons  que  «  Jubal  fut  le  père  de 
ceux  qui  jouent  du  kinnor  et  de  Vougab  ».  Répudiant 


toute  traduction  littérale  imparfaite',  nous  n'en  re- 
tiendrons ici  que  la  plus  large  interprétation  des 
exégètes  qui  ont  particulièrement  traité  la  question 
des  instruments  de  musique  dans  la  Bible''. 

Ougab  représente  la  famille  des  instruments  à 
vent,  et  kinnor  la  famille  des  instruments  à  cordes 
pincées,  soitavec  les  doigts,  soit  à  l'aide  du  plectre'^, 
c'est-à-dire  les  luths,  harpes  de  dix  à  vingt-quatre 
cordes,  lyres,  psaltérions,  cithares,  etc. 

Si  la  musique  tenait  une  large  place  dans  la  vie 
civile  et  religieuse",  si  les  écoles  des  prophètes 
sont  aussi  des  écoles  de  musique',  si  les  lévites  de 
David  étaient  organisés  en  groupes  jouant  du  kinnor 
et  du  nebel  tout  particulièrement  affectés  à  l'accom- 
pagnement des  chants  liturgiques  à  l'exclusion  des 
instruments  à  vent,  si  David  et  Salomon  ont  connu 
un  très  grand  nombre  d'instruments  de  musique", 
du  moins,  la  Bible  ne  nous  apprend  rien  de  leur 
nature  et  de  leur  forme,  moins  encore  de  l'usage  de 
l'archet  chez  les  Hébreux. 

L'archet  et  le  crontli. 

Avec  Saint  Fortunat,  nous  arrivons,  dés  les  der- 
nières années  du  vi"  siècle,  à  l'emploi  de  l'archet  en 
Occident,  sans  avoir  la  moindre  preuve  que  l'archet 
de  Ravana  fut  importé  par  quelque  ménétrier  arabe 
dans  le  nord  de  l'Europe'",  mais  avec  quelques  rai- 
sons de  croire  que  les  Bretons  de  Grande-Bretagne 
l'avaient  imaginé,  dans  les  premiers  siècles  de  l'ère 
chrétienne,  pour  produire  plusieurs  sons  simultanés 
et  prolongés  sur  leur  nouvelle  lyre  tri-corde,  le 
crouth,  chanté  par  Saint  Fortunat". 


1.  Ch.  Nodier,  y^an  5'ôo(7ar. 

Ce  vieillard  s'Hicunip;ign:iil  do  I;i  «  guz.1,1  »  (improprement  considé- 
rée comme  soprano  de  la  famiU»  des  trompetles  marines),  qui  se  jouail 
encore  en  Dalmatie  au  milieu  du  xix»  siècle. 

2.  Notons  en  passant  que  le  kemantclie  persan,  comme  le  rebi-b 
arabe,  avait  le  manche  prolongé  au  delà  de  la  caisse  d'un  pied  en  fer 
qui  fut  le  point  de  départ  de  la  pointe  des  violoncelles  du  six-  siècle, 
dont  on  a  trop  généreusement  attribué  l'invention  à  Servais. 

3.  Lavignac,  Encyclopédie. 
Inde,  tome  I,  p.  257. 
Perse,  tome  V,  p.  3065. 


4.  I^es  Septante  ont  traduit  kinnor.  cilé  une  quarantaine  de  fois 
dans  la  llible,  soit  par  xiOâûa,  la  cithara  de  la  Vulgate.  Et  nomen 
fratrie  cjtia  Jttbni  :  ipsp  fuit  iiatrr  cnnentiuni  citharn  et  orijano,  soiL 
par  y.','rjo^^  forme  grecque  liu  mot  hébreu,  qui  ne  traduit  rien  et  qui 
témoigne  de  l'immense  embarras  des  soixante-dix  traducteurs  grecs. 

On  n'est  pas  moins  surpris  de  trouver  dans  le  Violon  de  Oart  des 
libertés  plus  grandes  encore,  soit  dans  l'édition  anglaise  l!877),  and 
/lis  brother'6  riante  U'fis  Jubal  :  fromhim  drsceitdcd  llw  l'iute  players 
and.  Fiddlers,  as  renden'd  by  Luther,  soit  dans  l'édition  française; 
Paroles  de  l'Écriture,  traduites  par  Luther  1  n  Kt  le  nom  de  son  frère 
était  Jubal  :  c'est  de  lui  que  descendirent  les  joueurs  de  flûte  et  de 
viuloD.  > 

La  Bible  d'Osier\Lmld{iTî^s'ts\  fait  l'écho  de  cette  traduction  d'au- 
tant moins  vraisemblable  que  Luther,  mort  en  1546,  avait  entendu 
beaucoup  plus  de  violes  que  de  riolons. 

5.  Lavigt^ac,  Encyclopédie,  Le  Grand  Rabbin  Cahrn,  tome  I,  p.  67. 
Lu  Sainte  Bible  potyi/lolte    L'abbé  Vigouroux,  tome  IV.  p.  631. 

6.  Avec  la  même  liberté  que  pour  la  traduction  de  Irinnor,  on  a  trop 
souvent  travesti  le  plectre  en  archet,  dont  il  n'avait  point  la  forme, 
arcus  en  latin  signifiant  petit  arc. 

Le  plectre  était  une  baguette  de  bois,  d'ivoire  ou  d'or,  qui  servait  à 
toucher,  ;\  mettre  en  vibration,  ;'i  frapper  même  les  cordes  du  hinnor, 
mieux  encore,  de  ce  lutli  ."t  dix  cordes  dit  nebel,  dont  il  est  fait  une 
mention  spéciale  aux  psaumes  XXIII  et  XCVII  de  Davio. 

7.  Dans  Eccl.  XXll,  6;  XL,  £0,  etc.,  on  trouve  le  mot  (XOUatXT,, 
musique  et.  dans  Apec,  XVllI,  22,  l'appellation  [XO'Jtj'.xof  pour  musi- 
ciens. 

8.  I  Samuel,  X,  5.  Sacre  de  .Saiil. 

iK  Schilte  Ilaggiborim,  auteur  hébreu{très  estimé,  cité  par  le  P.  Kia- 
cuER,  assure  qu'il  y  avait  dans  le  sanctuaire  trente-six  instruments 
dont  David  trouva  les  jeux  propres.  Jean  Roossead,  Traité  de  la  Viole, 
page  7. 

10.  Jusqu'à  la  fin  du  v«  siècle,  l'Espagne  presque  entière  fut  au  pou- 
voir des  envahisseurs  du  Nord,  les  Wisigolhs,  et,  si  l'on  a  trouvé  quel- 
ques vestiges  d'archet  dans  la  péninsule  ibérique,  à  la  légère  attribués 
aux  Arabes,  nous  devons  cependant  rappeler  que  le-;  Arabes,  venus  d'A- 
frique pour  prêcher  la  religion  de  Mahomet  (l'hegire  date  de  632), 
n'apparaissent  qu'au  vin»  siècle  en  Kspagne  d'abord,  puis  en  France, 
d'où,  battus  à  Poitiers  par  Charles  Martel,  en  732,  ils  repasseront  les 
Pyrénées. 

En  admettant  que  leur  domination  ait  jeté  un  vif  éclat  sur  les  arts 
et  les  sciences  jusqu'à  la  fin  ilu  xv»  siècle  (1493),  du  moins  l'archet 
était  connu  a  Poitiers  et  au  Pays  de  Galles  depuis  bientôt  neuf  cents  ans. 

11.  FtTise  condensé  ses  recherches  historiques  et  critiques  sur  l'ori- 
gine et  les  transformations  des  instruments  a  archet  dans  une  bro- 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LES   VIOLES    1755 


Ecrivant  en  ces  temps  reculés  (vi"  siècle)  où  l'an- 
cienne Aimorique  française  recevait  les  émigrés  de 
Grande-Iîretagno,  saint  Fortunat  donnait  donc  le 
sens  le  plus  probable  de  la  migration  de  l'arcliet, 
nord  au  midi,  que  les  (Gallois  avaient  adopté  ou  ima- 
giné pour  faire  chanter  leur  ancienne  lyre  à  cordes 
pincées,  le  croutli  primitif,  devenant  l'ancêtre  des 
instruments  d'archet. 

Le  désir  des  Gallois  avait  donc  créé  l'organe  et  per- 
fectionné le  jeu'  du  croutli 
(d'abord  lricorde,ditcrouth 
trithant,  puis  monlé  de  4, 
5  et  6  cordes),  l'emploi  de 
l'archet  n''excluant  pas  ab- 
solument le  pincement  des 
cordes  et  la  faculté  de 
varier  les  sonorités  de  l'ins- 
trument, comme  le  font 
actuellement  les  instru- 
mentistes du  quatuor  mo- 
derne par  leurs  pizzicati, 
car,  dans  la  Bible  offerte 
par  le  comte  Vivien,  abbé 
de  Saint-Martin  de  l'ours, 
en  850,  à  Charles  le  Chauve, 
magnifique  manuscrit  passé 
en  i67S  de  la  cathédrale  de 
Metz  à  la  Bibliothèque  Col- 
bertine,  Ethan  pinçait  en- 
core du  crouth. 

Nous  savons,  d'après  la 
miniature  d'un  manuscrit 
latin  du  xi«  siècle  provenant  de  l'abbaye  de  Saint- 
Martial  de  Limoges',  que  le  crouth  était  joué  dans  le 
centre  de  la  Gaule  en  même  temps  qu'il  demeurait 
chez  les  Brilains  et  Welshs  des  pays  de  Galles  et 
d'Ecosse  l'instrument  préféré  des  bardes  pour  l'ac- 


FiG.  930. 


compagnement  de  leurs  chants",  et  s'il  fut  peu  à  peu 
délaissé  en  France,  les  derniers  bardes  se  seraient 
pourtant  fait  entendre  vers 
1770  et  1801  sur  le  crouth,  qui 
disparut  avec  eux'. 

Grâce  auï  descriptions  lais- 
sées par  le  barde  E.  Jones  et 
par  Daines  Barrlngton,  la 
reconstitution  du  crouth  donne 
un  dérivé  de  celui  du  moyen 
âge. 

Nous  en  reproduisons  ici 
les  formes  d'après  les  ouvra- 
ges de  cet  Edouard  Jones,  qui 
se  disait  »  barde  du  prince 
de  Galles  "  à  la  fin  du  xviii^ 
siècle*. 

Le  dessin  en  est  suffisam- 
ment précis  pour  démontrer 
que  le  crouth  de  Jones  était 
bien  réellement  le  crouth  de 
Limoges  perfectionné,  c'est- 
à-dire  un  instrument  à  éclis- 
ses,  à  table  d'harmonie,  à 
manche,  avec  âme  et  cordes 
mises  en  vibration  au  moyen 
d'un  archet". 

Ajoutons  que,  sous  le  n°  17l4:i,  la  Bibliothèque  du 
Conservatoire  de  musique  de  Bruxelles  possède  en 
trois  volumes  in-4'>  Musical  and  pœtical  relicks  of  the 
Welsli,  Bards  preserved  by  tradilion  and  authentic  ma- 
nuscripts  froin  very  remole  antiquily,  dedicated  lo  his 
Royal  Highness  the  Prince  of  Wales  by  Edward  Jones, 
Bard  of  the  Prince  Régent,  London,  iSI  I. 

Les  six  cordes,  50/2,80/3,  zi/i,  ut^,  r6ni,réi,dyiL  crouth 
de  Jones  étaient  accordées  d'une  manière  originale  : 


Fir,.   931. 


et,  à  titre  de  curiosité,  nous   donnons  ici  un  très  vieil  air  breton  qui  se  jouait  sur  le  crouth,  d'après 

Toldecque''  : 


mj;,J77i,f7^,;]JV4 


f    r  r     r   r     r     r 


w 


r  r 


La  mélodie  se  jouail  du  même  doigt  à  intervalle 
d'octave  sur  les  deux  chanterelles,  les  ut  des  3®  et  4® 


chure  devenue  très  rare:  Antuine  Stradioari,  128  pages,  În-S".  Paris, 
1856,  Vuillaume. 

Nous  y  avons  puisé  maints  renseignements,  ainsi  que  dans  l'ouvrage 
très  détailla  Pt  plus  moderne  de  L.  Grillet  :  Les  Ancêtres  du  viuLon, 
%  vol.  in-80.  Paris,  1901 .  Schmid. 

Fétis  s'étend  longuement  (page  13)  sur  l'étymologic  celtique  du  mot 
crouth,  son  orthographe  et  son  origine  : 

Romauusquc  lyra  piaitdat  tibi.  Ihirbarus  liurpa, 
Grxcus  nchiUiaca  ;  chrett'i  Britannu  canal. 

(Livre  VII,  chant  viii.  De  Lupo  Uitce."^ 

Que  le  Romain  t'applau'lisie  sar  la  lyre,  le  barbare  sur  la  harpe, 
Le  Grec  sur  la  cithare,  que  le  eroutli  breton  chante. 

1,  Fétis,  Ant.  Stradivari,  pages  17  et  24. 

Antiphonar  et  fiespunsur.  Et,  selon  la  tradition  saxonne,  le  crouth 
ferait  là  aux  mains  du  roi  David... 
Enregistrons  la  légende. 


Ed.Jo 


vibraient  sous  l'archet,  de  même  les  5^  et  6®,  en  de- 
hors de  la  touche,  grâce  à  la  forme  très  plate  du 

2.  L.  Grillet.  Ancêtres  du  violon,  page  3. 

3.  Fétis.  Ant.  Stradivari,  page  2ti. 
1«  Musical  and poetical relicks  oftlif  WrLsIi  /lards. 

London,  1704  ; 

-2"  The  Bard ic  muséum  of  primitive  brîtisli  litté- 
rature.   London,  180i. 

3"  Edition  complète  des  deux  volumes  précédents. 
Londres,  1825. 

5.  Noos  avons  suffisamment  traité  de  l'archet  pour  mettre  fin  â  ceUe 
légende,  trop  souvent  répétée,  selon  laquelle  les  rroiat-s  l'auraient  rap- 
jjorté  de  Terre  Sainte  !  Nous  pensons  que  c'est  précisément  le  contraire. 

D'ailleurs,  la  vielle  d'arcliei  sera  l'instrument  des  Chantres  d'Amour 
et  de  Guerre,  les  Minnesinger  de  1210  (Vidal).  Et,  JftHOMK  de  Moravie, 
dans  son  manuscrit  de  12dD,  traitant  des  connaissances  musicales  du 
xui*  siècle,  donne  l'accord  et  l'étendue  des  instruments  d'archet  du 
moyen  âge. 

6.  ToLBECQUE,  Art  du  Luthier,  page  4. 


1756 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


chevalet  :  d'ailleurs,  il  ne  semblail  pas  possible  de 
les  pincer  du  pouce  gauche,  et  rien  ne  laisse  suposer 
que  ces  bourdons  aient  dû  être  pinces,  comme  le 
seront  beaucoup  plus  tard  ceux  des  archi-luths  et  gui- 
tares'. 

Nous  donnerons  plus  loin  les  transformations  de 
l'archet  de  Ravana,  jusqu'à  Tourte  (xviii«  siècle). 

Lyra.  —  Rabèbc.  —  Rebec.  —  Oigne. 
Vlèle  d'archet'. 

Si  nous  avons  longuement  traité  du  premier  ins- 
trument à  cordes  frottées  de  l'Occident,  le  crouth, 
dont  les  formes  modifiées  conduiront  peu  h  peu  aux 
vièles,  violes  et  instrumentsdu  quatuor,  si  nous  vou- 
lons rendre  à  la  trompette  marine,  trop  souvent  né- 
gligée,salégitimeplacedansl'histoire  des  instruments 
anciens,  du  moins  passerons-nous  plus  rapidement 
sur  les  lyra,  rebec  et  gigue  qui  ont  joué  leur  rôle  du 
vin»  au  XV»  siècle,  jusqu'aux  vièles  d'archet'. 

Les  lyra,  rubèbe  et  rebec,  sans  éclisses  ni  manche, 
montés  de  2  ou  3  cordes,  sonnaient  généralement  en 
France  dans  les  danceries  et  réunions  populaires  ; 
aussi,  n'est-ce  pas  sans  surprise  que  nous  les  voyons 
si  souvent  mis  aux  mains  des  anges  par  les  peintres 
et  sculpteurs  de  tous  pays. 

Soit  lyra,  monocorde  des  vin=el  ix«  siècles  précédant 
la  gigue  multicorde,  soit  rebec  monté  de  2  ou  3  cor- 
des généralement  accordées  en  quintes,  ces  instru- 
ments n'avaient  pas  de  manche  proprement  dit  :  le 
prolongement  de  la  table  constituait  le  manche  (non 
entouché),  sur  lequel  la  main  ne  pratiquait  que  la 
première  position. 

En  forme  de  poire  allongée,  sans  éclisses  avec  un 
fond  bombé,  importé  en  France  d'Orient  ou  d'Espagne 
au  viu»  siècle,  le  rebec  ttait  un  instrument  sec  et 
criard,  surtout  employé  pour  faire  danser  ou  pour 
mener  les  épousées  à  l'église  (au  son  du  rebec  et 
du  tambourin);  la  malice  populaire  l'appréciait  à  sa 
juste  valeur  :  on  disait  «  sec  comme  lebec  »,  du  moins 
au  xvu"  siècle,  époque oii  il  étaitsi  peu  estimé  parfois 
que  les  ordonnances  de  police  n'en  toléraient  l'usage 
que  dans  les  cabarets  et  autres  mauvais  lieux  (1628). 

La  carrière  de  la  gigue  paraît  avoir  été  moins  vul- 
gaire ;  en  Allemagne,  Luscmius  {1487-lo35)  et  Praeto- 
Bius  (1571-1621)  en  décrivaient  un  quatuor  complet, 
gigues  montées  de  trois  cordes  et  accordées*  : 

i.  Annules  Archëotoijiques  de  Didron,  tome  III,  1845. 

Eduais  sur  les  instruinents  île  musique  du  moyen  âge  à  cordes 
frottées,  in-i". 

Tui.BECQDE,  Art  du  Luthier.  Ouelque  respect  que  puisse  inspirer  cet 
auteur,  également  premier  prix  de  violoncelle  et  de  lutherie,  nous 
ne  pouvons  excuser  l'iiniichronigme  contenu  dans  sa  représentation  do 
l'unlique  crouth,  p;ige  4,  au  voisinage  d'un  archet  ultra  moderne. 

2.  Bibliographie.  —  L.   Grillet.  —  Les  ancêtres  du  lio/oii. 

Paris,  1901. 

O.  Ldsc.inios.  —  Uiisiiri/iti  seu  praxis  miisicse.  1536,  Argentorali. 

M.  Praktdiiids.  —  Si/iilagiiialis  musici  tomus  secundus  de  orgaiio- 
graphio.  1615. 

JÉRÔME  DE  MoRwiE.  —  liicipit  traclttlus  de  musica  compitaliis  a 
Fratre  Hieroiiymn  Uoravo,  ordinis  t'ratriim  Praedicatorum . 
1260. 

^■.-Ch.  Mahillon.  —  Catalogue  du  Musée  Instrumental  du  Conser- 
vatoire Hoynl  de  Bruxelles. 

L.AVioNiC.  —  Encyclopédie  de  la  musique.  Tome  III.  Paris,  IQH 
(Musique  Instrumentale  de  Qdittard,  page  1177). 

CoMBAHiEU.  —  Histoire  delà  musique.  3  vol.  Paris,  1913. 

A.  Vidal.  —  La  Chapelle  .•iainl-Julien  des  menestriers  et  les  ménes- 
trels il  Paris.  Paris,  1878. 

L.  Paunerbe.  —  De  la  mauvaise  influence  du  piano  sur  l'art 
musical.  Paris,  1SS5. 

3.  Voir  dans  Gnri.i.Ex,  tome  I,  tous  détails  intéressant  la  lutherie  du 
moyen  âge. 


Dessus. . 

ré,, 

sol,, 

l'ti.; 

Alto.... 

soh. 

ut„ 

fa. 

Ténor.. . 

"«2, 

sol^. 

ré,; 

Basse. .. 

soit, 

ré„ 

la,; 

Notons  qu'il  y  avait  des  gigues  montées  de  4  cor- 
des et  même  plus. 

Cependant,  la  vièle  d'archet  paraît  bien  être  le 
plus  parlait  succédané  du  Icrouth,  avec  ses  éclisses, 
sa  caisse  de  résonance  et  un  manche  indépendant  de 
cette  caisse,  en  résumé  le  manche  du  crouth  débar- 
rassé des  montants  latéraux  qui  soutenaient  la  tra- 
verse supérieure  portant  le  chevillier. 

JÉnouE  DE  MoBAViE,  Contemporain  de  saint  Thomas 
d'Aquin  au  couvent  des  Dominicains  de  la  rue  Saint- 
Jacques  à  Paris,  a  laissé  ù  la  Sorbonne,  dans  un  ma- 
nuscrit de  1200,  le  résumé  des  connaissances  du  xiii' 
siècle  touchant  l'étendue  et  l'accord  des  instruments 
d'archet  du  moyen  âge';  Pernr  a  traduit  ce  manus- 
crit et  décrit  l'accordature  de  la  vièle  d'archet 
montée  de  cinq  cordes,  suivant  trois  systèmes  dif- 
férents : 

1°  :  re,.  sol,,  soh.  ré,,  l'é.,. 
2°  :  ré^.  sol.j.  soh.  ré,,  snl,. 
3"  :     sol,,  uto.  sol -2     ré,,  sol.. 

Systèmes  donnant,  aussi  bien  pour  la  mélodie  que 
pour  l'exécution,  «ce  qui  dans  l'art  est  le  plus  beau, 
et  plus  solennel,  »  c'est-à-dire  des  consoiinances  ;  la 
quarte,  la  quinte,  l'octave  et  leurs  redoublements. 

De  son  côté,  Jean  be  Grocheo,  vers  1300,  attribuait 
à  la  vièle  la  prééminence  sur  tous  autres  instruments. 

S'il  a  été  impossible,  jusqu'à  ce  jour,  de  retrouver 
une  vièle  du  temps,  du  moins  la  reconstitution  de 
l'instrument  disparu  fut-elle  tentée  par  feu  Tolbec- 
QUE,  après  étude  des  peintures  et  sculptures  des 
xi"  et  XIII'  siècles'':  comme  dans  la  guitare,  les 
éclisses  se  rapprochent  vers  le  milieu  de  la  table  pour 
faciliter  le  passage  de  l'archet  ;  le  dos  et  la  table  ne 
sont  que  très  légèrement  bombés,  le  chevillier  plat 
est  traversé  par  les  cinq  chevilles  dans  le  sens  de 
son  épaisseur'. 

Si  nous  trouvons,  dans  les  poèmes  des  trouvères  du 
moyen  âge,  nombre  de  pièces  chantées  par  les  ménes- 
trels avec  accompagnement  de  vièle,  du  moins  la 
musique  de  leurs  improvisations  n'est  pas  mieux 
arrivée  jusqu'à  nous  que  celle  des  maîtres  chanteurs 
allemands,  et  la  polyphonie  des  primitils  semblerait 
encore  le  privilège  de  la  musique  vocale,  si  le  célè- 
bre manuscrit  de  Bamberg  ne  nous  avait  pas  laissé 
un  témoignage  précieux  des  compositions  instrumen- 
tales du  xiii"  siècle  pour  trois  vièles*,  mises  à  jour 
aux  premières  années  du  xx°  siècle  seulement. 
Marin  Marais  (1656-1728),  présentant  au  public  son 


4.  Gbillet,  tome  I,  page  162. 

5.  JiiRoME  DE  Moravie.  Incipit  tractatus  de  musica  conipilalus  « 
Fratre  Hieronymo  Moravo,  lii60. 

F.-L.  Ferme,  savant  musicien  (1772-IS32),  a  publié  une  notice  sur  ce 
manuscrit,  reproduite  par  Coussemaker. 

6.  Vièle  d'archet,  qu'il  ne  faudrait  pas  confondre  avec  la  rota  on 
viola  da  orbo  ou  viele  a  rouleaa  du  moyen  âge  et  la  lyra  tedcsca  des 
Italiens  reléguée  par  PR.4rroRius  au  rang  des  instruments  de  mendiants 
ou  d'aveugles,  puis  appelée  chifonie,  par  corruption  probable  de 
symphonie.  De  nos  jours,  en  Auvergne,  on  trouve  encore  des  fabri- 
cants de  vicie  à  rouleau  :  un  clavier  de  huit  à  vingt-quatre  touches 
pour  la  main  gauche  marque  les  notes  sur  deux  cordes  frottées  par 
un  rouleau  colophane  mis  en  mouvement  au  moyen  d'une  manivelle 
actionnée  par  la  main  du  vielleur. 

7.  Cette  reconstitution  ligure  actuellement  en  deux  exemplaires  au 
musée  du  Conservatoire  de  Bruxelles,  sous  les  n"'  13!iO.  1331.  Catalogue 
Mahii.i.ok,  1900. 

8.  Lavignac.  Encyclopédie,  tome  III,  page  1181. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


IV"  livre  de  Pièces  de  Viole  (ni7),  pensa  ne  pas  avoir 
de  prédécesseur  : 

«  La  troisième  partie  a  cela  de  singulier,  écrivait- 
il,  qu'elle  est  composée  de  pièces  à  trois  violes,  ce 
qui  n'a  point   encore  esté  fait  en  France.  » 

Cependant,  Claude  Gervaise  avait  écrit,  dès  lob6, 
des  pièces  de  viole  à  4  parties',  que  le  célèbre 
gambiste  français  n'avait  point  connues  davantage, 
semble-t-il. 

La  vièle  d'archet  et  la  niéncstrandic 
(«407*61») 

Dès  1225,  à  Paris,  la  rue  de  Rambuteau  actuelle 
porta  le  nom  de  rue  des  Joueurs  de  vièle,  puis  celui  de 
rue  Aux-Jongleurs,  devenue  plus  tard  rue  des  Ménes- 
trels et  des  Ménesiriers  (1482)  ;  il  s'y  donnait  de  véri- 
tables concerts  ambulants,  pour  le  succès  desquels 
les  jongleurs  voulurent  se  faire  reconnaître  officiel- 
lement par  le  prévôt  de  Paris,  en  soumettant  à  son 
homologation  (1321)  les  statuts  de  leur  corporation 
naissante'',  réunissant  fraternellement,  au  nom  de 
la  charité  chrétienne,  les  membres  les  plus  faibles 
avec  les  plus  forts,  jongleurs,  trouvères  et  ménes- 
trels^. 

Si  les  ménestrels  eurent  pendant  les  xii'  et  xui' 
siècles  la  faveur  des  princes  et  seigneurs,  car  il  n'y 
avait  pas  un  château  où  ils  ne  fussent  admis  et  géné- 
reusement traités*,  le  ménestrel,  poète  et  musicien 
populaire,  successeur  des  bardes  druidiques,  n'eut 
point  un  rôle  moins  important,  jouant  de  la  vièle 
d'archet,  son  instrument  favori,  pour  l'accompagne- 
ment de  ses  récits,  prose  ou  plus  généralement 
poésie^,  choisis  dans  le  goût  de  l'auditoire. 

Sous  le  patronage  de  saint  Julien  et  saint  Genest, 
la  corporation  de  Saint-Julien  des  Ménestrels  fonde 
en  1331  wi  hôpital  et  en  1335  une  église^  (donnée  à 
la  Nation  eu  1789,  puis  vendue  et  démolie),  témoi- 
gnages de  l'importance  de  la  confrérie  qui  fait  nom- 
mer, dès  1338,  R.  Caveron  roi  des  Ménestrels  du 
Royaume  de  France,  charge  qui  se  conservera  jus- 
qu'en 1773,  les  statuts  de  la  corporation  ayant  été 
successivement  conlirmés  par  lettres  patentes  des 
rois  Charles  VU,  Louis  .\I,  Charles  Vlil,  Louis  XII, 
François I "■■,  Henri  III,  Henri  IV,  jusqu'au  règlement 
nouveau  accordé  par  Louis  XIV  en  lebS'. 

L'histoire  de  la  vièle  est  liée  à  celle  de  la  ménes- 
trandie  dont,  dés  1407,  des  règles  très  strictes  carac- 
térisaient le  régime  : 

i<  Pour  être  admis  au  privilège  d'exercer  et  d'en- 
seigner, le  ménestrier  devra  avoir  été  vu,  visité  et 
passé  pour  soussisant  par  le  Roy  des  ménestrels  ou 
ses  députés. 

«  Défense  aux  ménestriers  non  soussisants,  c'est- 
à-dire  qui  n'ont  pas  su  se  faire  recevoir  maîtres,  de 
jouer  aux  noces  ou  assemblées  honorables. 

«  Pour  la  réception  à  la  maîtrise,  le  même  article 
fixe  une  taxe  de  20  sols  parisis. 

1.  CoMBAaiED,  Histoire  de  la  .Uusique,  tome  11,  page  194, 

2.  .\près  Vidal,  page  35,  Grillët.  Les  ancêtres  du  viotoiifl.  I,  p.  92, 
reproduit  ce  documant  m  extenso. 

3.  En  langage  moderne,  le  premier  syndicat  des  musiciens  et  chan- 
teurs ! 

4.  Alors  que  les  croisés  combattaient  les  infidèles  en  Tt-rre  Sainte, 
tes  ménestrels  avaient  charmé  les  loisirs  de  leurs  dames,  assure  Pagnerre 
(page  17), et  la  musique,  qu'elles  avaient  jusqu'alors  négligée,  devint 
uu  de  leurs  passe-temps  favoris. 

5.  Au  lieu  de  l'ielleuXf  on  disait  ménestrel. 

6.  Sur  l'emplacement  actuel  du  n»  100  de  la  rue  Saint-Martin. 

7.  Voir  dans  Vidal,  page  5,  toute  l'histoire  si  intéressante  de  la  nié- 
nestrandie  dont  nous  traçons  ici  les  grandes  ligues. 


LES    VIOLES    1757 

"  L'art.  7  fixe  la  durée  de  l'apprentissage  à  six 
années  pour  obtenir  la  maîtrise. 

«  L'art.  10  défend  à  tout  ménestrier  d'ouvrir  une 
Kcole  pour  montrer  et  apprendre  la  ménestraudie, 
sans  autorisation  du  Roy  des  ménestrels.  » 

C'est  sous  le  régime  d'autorité  tracé  par  ces  règles 
de  1407  que  s'est  propagée  et  modifiée  la  vièle  d'ar- 
chet en  France,  devenant  viole  d'abord  au  xv»  siècle, 
puis  violon  au  xvi»  siècle.  D'ailleurs,  la  ménestrandie 
permettait,  dès  1620,  à  Richomme  de  prendre  le  titre 
de  Roi  des  Violons.  Une  confrérie  de  Saint-Nicolas 
à  Vienne  (1288)  et  la  corporation  des  minstrels  fon- 
dée à  Londres  en  1381  avaient  suivi  l'exemple  des 
ménestriers  de  France*. 

La  trompette  marine'. 

Trop  souvent  et  à  tort  appelée  la  basse  d'accompa- 
gnement des  mendiants  joueurs  de  rebec  du  moyen 
âge,  la  trompette  marine  n'a  pas  toujoursjoui  d'une 
parfaite  considération. 

Traitée  par  quelques  auteurs  modernes  en  instru- 
ment de  grand  chemin,  sans  gloire  ni  répertoire,  si 
pauvre  même  qu'elle  semblait  à  peine  capable  de 
septnotes  harmoniques  pour  l'accompaguement  des 
chants  populaires  et  religieux  : 

ut-'  àvide,îi<i  soli  uUmi^sol^  ut^, 

elle  ne  méritait  «  qu'une  simple  mention  en  pas- 
sant »,  écrit  feu  Tolbecoue'»,  n'ayant  d'autre  célé- 
brité que  celle  que  Molière  lui  donna  (1670)  en  la 
citant  dans  le  Bourgeois  gentilhomme. 


».  Voir  dans  le  dernier  .Vusiciana  de  WccKEnLi»  (Paris,  1899)  le  fac- 
similé  du  brevet  de  maistre  joueur  délivré  le  11  .septembre  1G57  à 
K.  CiioDALLin  de  Paris,  par  Louis  Constantin,  Roy  et  maistre  de  tous 
les  joueurs  d'instruments  tant  haut  que  bas,  par  tout  le  rovaume  de 
France. 

y.  Bibliographie.  —  F.  BonKHnu  —  GaUnettoarmoincopinit 

di  Strontenti  Sonori.  Roma,  1722. 
A.  ToLBiiCQDE.  —  Art  du  Luthier.  1903. 
Molière.  —  Bourgeois  penlilhumme. 
Lavignac.  —  Encyclopédie  de  la  musique  et  Diciioimiiire  du  Comer- 

valoire.  Paris,  1914. 
Berlioz.  —  (grotesques  de  la  musique.  Paris,  1859. 
Castil-Blaze.  —  Molière  musicien.  Paris,  1852. 
J.-B.  Bréval.  —  Traité  du  violoncelle,  op.  i2.  Paris,  1804. 
L.  de  la  I.adrencie.  —  Ecole  Française  du  violon.  Paris    1922- 

23-21.  ' 

Cassa.néa  |de  Mondonville.  —  Sons  harmoniques,  op.  4.  Sonate)  k 

violon  seul.  Paris,  1739. 
R.-P.  Dechales.  — Soc.  Jesu  Claudii  Franc.  Mitliet  Vechales  cam- 

beriensis  e  cursus  seu  mundus  malhemalicus.  4  vol.  Lyon   1 674. 
.\cadémiedes  Sciences.  —  Slcmoires,  l(36t)-169y   Tome  IX   Paris' 

1730.  ■  ' 

—  Uémoires,  1700-1701.  Principe.':  d'acoustique  de  Sadvedr. 
O.  Losci.MCs.  —  Uusurgia  seu  praxis  musieœ.  Strasbourg,  1536. 
Glarkanus.  —  Dodekachorilon.  1547. 
M.  Praetorids.  —  Si/nlagmntis  mnsici  Uichaelis  Praelorius,  Thea- 

trum  inslrumenlorum  seu  sciographia,  1619. 
R.  P.  Mersenne.  —  F.  Marini  Merseimi  harmonicorum  libri  Lute- 

tiie  Parisorum,  1636. 
Georg  KiNSKY. —  Katalog  des  musikhistorischen  muséum  ion  Wilhelm 

lleijcr,  CGln,  1912. 
V.-Ch.  Mabillon.  —  Catalogue  du  musée  instrumental  du  Conserva- 
toire Royal  de  Bruxelles.  4  vol.  in-12.  Gand,  1893-1912. 
G.  Chocqoet.  —  Le  musée  du  Conservatoire  national  de  musique 

de  Paris.  Paris,  1884. 
De  Bricqdeville.  —  Les  ventes  d'instruments  au  dix-hmtiéme  siècle. 
G.  Grove.  —  Dictionnry  of  music  and  musiciam.  Londres    1889. 
Ant.  Vidal.  —  Instruments  à  archel.  Feseurs  et  joueurs  d'instru- 
ments. 3  vol.  in-4''.  Paris,  1876-79. 
Paul  ViARDOT.  —  La  Trompette  marine  [Revue  musicale,  1903). 
Léon  Vallas.  —  Les  Lyonnais  dignes  de  mémoire  :  J.-B.  Prin. 

Mémoire  sur  la  Trompette  marine.  Lyon.  1012. 
P.  Gar.nault.  —  La  Trompette  marine,  Nice,  1926. 

10.  Toldecq(;e.  Art  du  luthier,  1903,  page  28. 


1758 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Sans  aller  plus  avant,  le  seul  fait  de  Toir  une 
Irompelte  marine  dans  le  milieu  artistique  et  musi- 
cal du  célèbre  peintre  flamand  David  Téuiers  (1582- 
1649)  démontre  nettement  la  pauvreté  de  tels  argu- 
ments', et  nous  devrions  remercier  Molière  de  l'a- 
voir immortalisée  depuis  1670,  en  voulant  donner  à 
M.  Jourdain  le  maximum  du  ridicule,  alors  qu'il  ré- 
clame de  son  maître  de  musique  pour  l'accompa- 
gnement du  chant  cette  trompette  marine,  «  instru- 
ment qui  lui  plaît  et  qui  est  harmonieux  ^  «. 

Ainsi,  M.  Jourdain  voulait  étonner  ses  amis  en 
choisissant  un  instrument  très  grand,  le  plus  grand 
possible  (2  mètres  de  haut),  vanité  du  bourgeois  gen- 
tilhomme excitant  d'autant  mieux  le  rire  de  l'audi- 
toire qu'il  apprécie  mieux  la  mauvaise  éducation 
de  M.  Jourdain...  Et  cependant,  «  ce  braTe  parterre 
croit  que  la  trompette  marine  est  un  horrible  ins- 
trument à  vent,  une  conque  de  Triton  capable  d'ef- 
faroucher les  âmes'  »l 

Combien  de  générations  ont  entendu  à  la  Comédie 
française  depuis  1670  et  combien  d'autres  specta- 
teurs, aussi  mal  renseignés,  entendront  encore  le 
Bourgeois  gentilhomme,  sans  pouvoir  apprécier  l'iro- 
nie de  Molière  à  sa  juste  Taleur! 

Vers  la  même  époque,  1660,  dans  les  airs  de  ballet 
de  Xeraàs,  attribués  à  Lulli*,  opéra  italien  joué  dans 
la  galerie  du  Loutre  à  l'occasion  du  mariage  de 
Louis  XIV,  on  avait  vu  au  3«  acte  une  entrée  de  bal- 
let où  un  patron  de  navire  et  des  esclaves  portaient 
des  singes,  tandis  que  des  matelots  jouaient  des  trom- 
pettes marines.  De  l'autre  côté  de  la  Manche,  des 
concerts  étaient  donnés  à  Londres  par  quatre  trom- 
pettes marines  (1674-) . 

Ces  quelques  renseignements  suffiraient  à  peine 
pour  motiver  ici  une  histoire  de  ce  vieil  instrument, 
si,  toujours  pratiquée  eu  sons  harmoniques  du 
pouce  gauche,  la  trompette  marine  ne  marquait  pas 
dès  le  xvi"  siècle  : 

i"  L'origine  de  l'emploi  du  pouce  sur  la  corde,  tel 
que  Berteau  ou  Bertault  de  Valenciennes  en  fera 
bénélîcier  l'Ecole  française  de  violoncelle',  au  com- 
mencement du  xvni'  siècle. 

2°  La  première  utilisation  des  sons  harmoniques 
naturels  par  les  instruments  à  cordes  et  à  archet, 
mieux  encore  le  premier  instrument  à  cordes  sur 
lequel  fut  exécutée  une  gamme  diatonique  en  sons 
harmoniques  naturels'. 

3o  La  création  d'une  roue  dentée  et  d'un  cliquet 
pour  empêcher  la  cheville  de  dévirer,  système  pri- 
mitif d'où  sont  issus,  après  la  vis  sans  fin  d'A.  Bach- 
UANN  (1716-1800)  pour  les  contrebasses  (1778),  tous 


les  perfectionnements  imaginés  dans  le  même  but  au 
SIX*  siècle. 

Avec  et  depuis  Mersenne  (1588-1648),  les  savants 
avaient  marqué  quelque  intérêt  pour  les  harmoni- 
ques, et,  après  Dechales  (1621-1678),  Ph.  de  Lahirb 
(1640-1719)  adressait,  en  1694,  à  l'Académie  des 
sciences  un  long  mémoire  intitulé  :  Explication  des 
différences  de  sons  de  ta  corde  tendue  sur  la  trompette 
marine. 

Si  le  monocorde  de  Pythagore  a  servi  à  quelques 
démonstrations  relatives  aux  rapports  de  longueur 
des  cordes,  la  trompette  marine  partageait  avec  lui 
l'honneur  d'être  utilisée  par  les  savants,  à  l'heure 
même  où  Sauveur  (1633-1716)  préparait  ses  remar- 
quables travaux  sur  les  harmoniques  et  les  systèmes 
tempérés,  de  1700  à  1711.  C'est  dire  combien  la 
trompette  marine  méritait  ici  le  droit  d'être  citée, 
malgré  l'opinion  des  écrivains  qui  n'avaient  su  re- 
chercher ni  ses  origines  ni  l'influence  qu'elle  avait 
eue  au  xyii"  siècle. 

Après  les  poètes  du  moyen  âge,  Luscinius  (1487- 
1535,  Glareanus  (1547),  Praetorius  (1571-1621)  et  le 
P.  Mersenne  (1636)  nous  ont  laissé  des  descriptions 
concordantes  de  cet  étonnant  monocorde.  Sans  pou- 
voir préciser  l'heure  et  le  pays  de  sa  naissance,  pré- 
cédemment appelé  par  les  Allemands  trumscheit, 
tympanichiza  et  même  uonnen  trumpet  dans  les  cou- 
vents de  religieuses  accompagnant  leurs  cantiques, 
ou  encore  trompette  de  Marie,  Marien-truinpet,  d'où 
l'on  a  dû  faire  par  corruption  trompette  marine, 
nous  pensons  cependant  que  la  liompette  ma- 
rine avait  passé  le  Rhin  aux  xv»  et  xvi^'  siècles 
pour  se  répandre  aux  Pays-Bas,  eu  Angleterre  et  en 
France,  également  employée  à  l'accompagnement 
des  chants  religieux  ou  profanes. 

On  a  trop  souvent  écrit  à  la  légère,  croyons-nous, 
que  la  trompette  marine  avait  un  emploi  officiel 
dans  les  services  de  la  marine  royale  britannique; 
le  silence  absolu  des  dictionnaires  de  Ijrove  et 
de  (îrassineau  à  cet  égard  doit  mettre  fin  à  cette 
légende,  les  plus  anciens  manuels  anglais  de  naviga- 
tion ne  mentionnant,  d'ailleurs,  que  Vear-trumpet  ou 
cornet  acoustique  et  le  speaking-trùmpet  ou  porte- 
voix. 

En  rappelant  ici  que  tympanichiza  et  trompette 
de  bouche  jouissaient  du  même  privilège  des  har- 
moniques diatoniques  au  delà  de  la  3»  octave  du 
son  fondamental,  ne  serait-il  pas  logique  d'expliquer 
la  similitude  nominale  «  trompette  »  par  l'identité 
des  sonorités  émises  en  vertu  des  mêmes  principes 
acoustiques'? 


Trompette  marine     !(t-i        uti     soh     ut^    mi^    sois    sùl?    utj    ré^    mi^    fa^^    sol^    la^    sio['    si^    uti. 
en  ut_i 


Trompette  basse 
de  bouche  en  uU 


lit.  ut.     sol>    utçi     mt,,     so/j     si;^[i     ut-,     ri;     mii.    fciiH     soh     la;     siih     si;     ut:, 


l"octave.  2*^  octave.  S'  octave. 


4"  octave. 


1,  D.  l'éniers  et  su  famitlit,  ijeinlure  du  xvji*  siècle  »u  Bgure  URe 
trompette  marine. 

2.  Molière.  Le  Bourrjeois  qentitliûmnie.,  acte  tt,  scène  1, 
9.  Bebuoz.  Les  Grotesques  de  la  miisiijue,  p.  1)7. 

4.  XerxèSt  opéra  de  Gavai-m,  dont  tes  airs  de  ballet  o»t  été  composés 
par  Lui.Li. 

5.  La  sonate  de  BRnTASi.T,  insérîc  dans  1»  Traité  liu  YiaUnrelle 
de  BîiÉVAL,  page  164,  constitue  \e  plus  ancien  oiomple  de  l'emploi  dn 
pouce  au  violoncelle. 

6.  Cassanéa  m  Mondosvji.i,e  (1711-1773)  eut  le  mérite  de  l'introduc- 


l!on  des  sons  harmoniques,  vers  1738,  dans  la  tcchnii]ne  du  violon  ,  il- 
en  exposa  l'aiiplication  dans  Sons  harmoniques.  Sonates  à  violon  seut 
avec  B.  C,  op.  4,  1739,  préfaçant  son  œuvre  dans  les  termes  suivant»  : 
«  Les  intervalles  les  plus  flatteurs  sont  ceux  qui  dérivent  de  la  progjres. 
sion  harmonique,  ils  sont  même  si  naturels  à  la  trompette  et  au  cor 
de  chasse  qu'il  est  impossible  qu'ils  en  forment  d'autres  que  la  tierce, 
la  quinte  et  l'octave,  à  moins  qu'ils  ne  s'éloignent  de  vingt-deux  inter- 
valles du  son  fondamental  :  après  quoi,  ils  peuvent  varier  leurs  chants 
diatoniquement. 

i<  Divisez  la  corde  eu  deux  parties  égales,  v»us  «urez  l'octave  du  soa 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LES    VIOLES    1759 


Nous  trouvons  aujourd'liui  encore  de  trts  nom- 
breux spécimens  de  trompette  marine  dans  les  mu- 
sées de  l'Europe,  représentants  d'écoles  diverses, 
fabriqués  en  Allemagne,  Espagne,  Hollande,  etc.,  à 
des  époques  assez  éloi;^nées  les  unes  des  autres  ;  quel- 
ques-uns, incrustés  de  nacre,  d'ébène  ou  d'ivoire,  ne 
furent  pas  évidemment  des  instruments  de  men- 
diants; d'autres  avaient  sans  doule  appartenu  à  des 
monastères,  où  ils  ont  été  peu  à  peu  remplacés  par 
des  repaies,  bibel-regals  et  harmoniums...  On  assure 
que  la  trompette  marine  était  encore  en  usage  vers 
1889  dans  les  couvenls  de  Mariental  et  Marienstern 
(en  Saxe),  où,  dans  les  grandes  cérémonies,  les  reli- 
gieuses réunissaient  quatre  trompettes  marines  et 
des  tambours'  ! 

Mahillon  décrit  l'instrument  comme  suit-  : 

La  trompette  marine  est  constituée  par  une  py- 
ramide hexagonale  très  allongée  surmontée  d'un 
manche,  dont  la  hauteur  totale  dépasse  souvent  deux 
mèties,  l'une  des  faces  plus  large  que  les  autres 
formant  table  d'harmonie;  «  une  corde  unique  de 
boyau  •*  fixée  au  bas  de  la  lable  surmonte  l'instrument 
et  s'enroule  sur  une  cheville  de  fer  munie  d'une 
roue  dentée  et  d'un  cliquet  qui  l'empêche  de  se  dé- 
tourner. 

«  La  corde  passe  sur  un  chevalet  dont  l'un  des  pieds 
s'appuie  sur  la  table  d'harmonie,  tandis  que  l'autre 
n'adhère  qu'incomplètement  à  une  petite  plaque  d'i- 
voire fixée  à  la  surface  de  la  même  table. 

«  Lorsque  la  corde  est  ébranlée,  il  se  produit  une 
série  rapide  de  chocs  du  chevalet  sur  la  plaque  d'i- 
voire, lesquels  ont  pour  eli'et  de  modifier  le  son  de 
la  corde  et  de  lui  donner  [audire  de  plusieursauleurs] 
quelque  ressemblance  avec  celui  de  la  trompette, 
d'où  le  nom  donné  à  l'instrument.  » 

La  main  gauche  parcourt  la  corde  aux  points  de 


division  déterminés  pour  la  production  des  sons 
harmoniques,  tandis  que  de  la  main  droite  on  pro- 
mène l'archet  sur  la  partie  supérieure  de  la  corde, 
presque  contre  le  sillet*. 

Le  R.-P.  BoNANNi  (1G.'?8-172j)  a  donné,  dans  le  Ga- 
bintlto  Aimonico  de  1722,  quelques  renseignements 
sur  la  trompette  marine,  illustrés  par  la  gravure  ici 
reproduite  qui  indique  nettement  la  position  du 
joueur  de  trompette  marine. 


FiG.  932. 

Partant  de  la  fondamentale  ut-i  (de  seize  pieds) 
l'étendue  de  la  trompette  marine,  toujours  pratiquée 
en  sons  harmoniques,  était  donc  la  suivante  : 


Uti 


2     3    4     5    6 


6      ff      a     9    10    n     IZ.    15    15 


f^ 


Mais  il  faut  bien  remarquer  que,  jouée  à  la  fin  du 
xvii"  siècle,  à  une  époque  où  le  tempérament  égal 
n'avait  pas  donné  à  l'oreille  l'éducation  et  l'accommo- 
dation que  nous  devons  particulièrement  à  Couperin 
et  Bach  {le  Clavecin  bien  tempéré  date  de  1722-1744), 
MoNDONviLLE  et  Prin  Ont  négligé  de  taire  remarquer 
que  les  harmoniques  de  la  quatrième  octave  ne 
jouissaient  pas  tous  de  la  même  justesse  ;  cepen- 
dant, Prin  paraît  s'en  être  rendu  compte  pour  le  si  [>. 
Déjàlesibii  était  laissé  de  côté.  Mais  le  la^^  est  tou- 
jours trop  bas  et  le  /a,,  de  704  vibrations,  sans  être 
tout  à  fait  un  fa^  de  711  vibrations,  est  bien  loin  du 
fa  11  de  682  -. 


fondamental,  le  tiers  formera  I;i  douzième  ou  quinte^  le  ijuart  formera 
la  quinzième  ou  double  octave,  le  cinquième  formera  la  dii-septième 
ou  tierce,  le  sixième  formera  la  dix-neuvième  ou  quinte,  le  huitième 
donnera  la  vingt-deuxième  ou  triple  octave.  »  Après  ce  dernier  son»  le 
dessin  indique  six  notes  diatoniques  de  la  quatrième  octavo. 

1.  ICiNsKY.  Katalog  dea  Muséum  «on  Heyer,  Côln. 

2.  Mahillûn^  tome  I,  p.  310,  Catalogue  da  musée  instrumental  du 
Cotiservaloire  de  Bnucetles. 

3.  On  a  signali^,  mais  rarement,  des  trompettes  marines  montées 
d  une  seconde  corde  de  longueur  vibrante  égale  à  la  moitié  de  la  grande 
corde,  bourdon  ou  corde  sympathique, 

4.  L'harmonique  16  de  la  fondamentale  placé  au  16»  de  la  longueur 
de  la  corde  laisse  entre  lui  et  le  sillet  une  longueur  de  huit  k  dix  cen- 
timètres, suivant  la  longueur  de  corde  employée,  1,25  à  1,72. 

5.  Lavig.nac.  Musique  et  musiciens. 


C'est  dire  qu'une  restauration  moderne  de  la 
trompette  marine  serait  prudemment  réduite  pour 
la  satisfaction  de  nos  oreilles  aux  harmoniques  de 
la  quatrième  octare  u^srt'.j  mi,oSo/,2  si  l3,3  u<,e,  et  aux 
plus  graves  ut.,  sol.^  uti  mi-i  sok.  S'il  y  eut  à  Londres 
en  1671-,  à  la  l'ieet  Tavern,  des  concerts  pour  quatre 
trompettes  marines',  il  est  très  possible  que  l'une 
d'elles  fût  accordée  à  la  quinte,  c'est-à-dire  sol-,, 
alors  que  la  partie  supérieure  était  confiée  à  une 
trompette  marine  en  ut^,  donnant  par  conséquent 
l'octave  diatonique  lUi-ut.,,  et  la  basse  aux  trois 
premières  octaves  de  la  quatrième  trompette,  celle- 
ci  en  ut-,  comme  la  troisième. 

C'est  à  peine  si  nous  retrouvons  trace  des  parties  d« 
Xerxès  déjà  cité  etdes  pièces  de  J.-M.  Gletle  d'Augs- 
bourg  (1674),  des  parties  d'orchestre  d'A.  Suarlatti, 
de  rarissimes  manuscrits  de  Galpin  (1699)  et  de  l'Es- 
pagnol de  Castro  du  XVII'  siècle  que  nous  citons  sous 
toutes  réserves. 

D'Angleterre,  nous  sont  donc  venus  d'intéressants 
témoignages  des  plus  anciennes  musiques  pour  le 
crouth,  la  trompette  marine  et  les  violes,  dont,  en 
particulier,  la  méthode  de  Playford  (163.5)  faisait 


6.  D'après  la  London  Gazette  (4  février  1674),  Vidai.,  Mahillum  et 
Grillei  ont  cité  ces  «concerts  rares  m. 


1760 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


autorilé  trente  ans  avant  les  traités  français  de 
J.Rousseau  et  Danoville  (1687). 

Encore  devons-nous  ciler  ici  «  l'Habit  de  musicien  )> 
du  siaveur  N.  de  l.armessin  (1640-1725)  qui  nous 
documente  merveilleusement  sur  la  trompette  ma- 
rine de  l'époque  lulliste,  tant  en  grandeur  qu'en 
détails  de  construction.  Voilà  bien  l'instrument  de 
grand  patron,  réclamé  par  le  Bourgeois  gentilhomme, 
avec  un  manche  gradué  de  façon  si  précise  qu'on 
relève  dans  la  gravure  de  N.  de  Larmessin  les  mar- 
ques des  positions  du  pouce  correspondant  très  exac- 
tement aux  harmoniques  : 

ut.,,    mu,    sok,    siba,     ré^,     la,,     uti. 

et,  approximativement,  aux  harmoniques  ut^  et  fa,. 
Enfin,  Larmessin  a  placé  sur  le  bras  du  musicien  une 
((  Chanson  de  Trompette  »,  en  tablature,  jusqu'à  ce 
jour  inconnue,  qui  semble  bien  correspondre  aux 
premiers  harmoniques  : 

h,        i,        1, 

sib-i,     «'<3.     »'<?3. 


e, 
uti, 


f, 
miî, 


g, 
soL, 


de  l'instrument  accordé  en  iit-i,  dont  Prin  augmen- 
tera plus  tard  l'étendue  de  toute  la  gamme  harmo- 
nico-diatonique  ut^  à  uti. 

De  la  trompette  marine  nous  ne  connaîtrions  que 
ce  vague  passé,  si  la  découverte  à  Lyon,  en  1908, 
par  M.  Vallas,  des  manuscrits  de  Jean-Baptiste  Prin 
(1669-17421  n'éclairait  pas  d'un  jour  nouveau  l'his- 
toire et  la  pratique  de  cet  instrument  au  début  du 
xviii»  siècle  en  France'.  Né  à  Londres  à  l'heure  où 
Molière  décidait  de  mettre  la  trompette  maiine  à  la 
scène,  Prin  en  avait  lapporlé  la  pratique  de  cet  ins- 
trument extraordinaire  qu'il  voulut  enseignerai  per- 
fectionner à  Lyon  de  1704  à  1737;  il  avait  légué  (1742) 
à  l'Académie  du  Concert  lyonnais  son  insiruinent, 
aujourd'hui  disparu,  et  un  mémoire  sur  lalrompette 
maiine  accompagné  de  la  musique  qu'il  avait  com- 
posée ou  transcrite  pour  son  instrument,  qui,  monté 
de  21  cordes  sympathiques  intérieuies,  avait,  dit-il, 
«  la  force  d'une  tronipetle  de  bouche,  la  douceur 
d'une  Uùle  et  l'harmonie  du  clavecin  »...  Suivait  le 
plan  de  ce  dispositif,  selon  lequel  la  lutherie  lyon- 
naise aurait  organisé  plus  de  cent  cinquante  trom- 
pettes pour  ses  élèves! 

Ce  mémoire  et  ces  manuscrits  sont  aujourd'hui 
classés  sous  les  n°^  133670,  133671,  133954,  133634 
parmi  les  manuscrits  rares  de  la  réserve  de  la  biblio- 
thèque de  la  ville  de  Lyon. 

Celte  «  coalition  »  de  vibrations  sympathiques  don- 
nait à  la  trompette  marine  d'amour,  ainsi  organisée 
par  Prin,  une  sonorité  particulière,  d'où  il  avait  pris 
l)rétexte  pour  s'annoncer  modestement  «  fameux 
joueur  de  trompette  marine  »;  aussi,  réussit-il  à  se 
fairs  entendre  à  Trianon,  au  concert  des  princes,  le 
15  juillet  1702,  avec  un  tel  succès,  dit-il,  que  la  du- 
chesse de  Bourgogne  lui  offrit  ce  livre  de  la  musique 
du  roi,  richement  relié  et  fleurdelysé,  retrouvé  au 
Palais  des  arts  de  Lyon  par  M.  Vallas,  aujourd'hui 
conservé  à  la  bibliothèque  de  la  ville  de  Lyon  sous 
le  n"  133654. 

De  ces  manuscrits,  soli,  duos  pour  deux  trompettes 
marines,  airs  de  trompettes  et  violions  {sic)  (1718), 
concerts  de  Lrompetle,  haubois  et  violions  (1742),  ne 
mentionnent  aucun  nom  d'auteur.  Il  est  cependant 


de  toute  évidence  que  nombreux  sont  les  emprunts 
faits  à  LuLLi.  Doit-on  supposer  également  que  l'or- 
ganisation des  cordes  sympathiques  n'était  qu'une 
imitation  du  dispositif  appliqué  à  cette  trompette 
marine  qui  nous  est  signalée  au  British  Muséum 
avec  quarante  et  une  cordes  sympathiques? 

Castil-Blaze  rapporte  que  la  musique  du  roi 
comptait  encore,  en  1775,  trois  joueurs  de  trompette 
marine  qui  avaient  éventuellement  charge  déjouer 
les  cromornes  de  la  Grande  Ecurie,  mais  le  canon 
du  10  août  1791  dispersa  ces  singuliers  virtuoses  de 
la  Chapelle  du  roi. 

Leurs  instruments  ont  généralement  subi  le  même 
sort.  Il  en  existe  certainement  plus  de  cent  dans  les 
musées  et  collections  particulières;  combien  nous  au- 
rions eu  intérêt  à  retrouver,  à  Lyon,  l'une  des  trom- 
pettes marines  organisées  pour  Prin  par  les  luthiers 
Imbert  (1715),  GouTENOiRE  et  Skraillac,  feseurs  de 
trompettes  ou  trompeltiers  qu'il  s'est  plu  à  citer! 
D'une  trentaine  d'instruments  examinés,  nous  avons 
pu  relever  les  dimensions  variant  de  2  m.  06  à  1  m. 
40  pour  la  hauteur,  et  de  1  m.  72  à  1  m .  25  pour  la 
longueur  de  corde  vibrant  du  sillet  au  chevalet... 
Puis  quelques  noms  de  lulhiers,  Houtet  (1680-1702)> 
Jacob  d'Amsterdam  (1713),  J.  Waiss  de  Salzbourg 
(1728),  J.-L'.  Fischer  de  Munich  (16501,  C.  Pikrkay  de 
Paris  (1763),  Duclos  de  Barcelone,  qui  nous  permet- 
tent de  constater  que  [a  trompette  marine  eut  encore 
des  adeptes  en  tous  pays  jusqu'à  la  fin  du  xviii^  siè- 
cle; il  n'en  fallait  pas  davantage  pour  assurer  les 
musiciens  du  xx'  siècle  que  ce  curieux  instrument 
à  archet  méritait  mieux  que  la  «  mention  en  pas- 
sant »  de  feu  Tolbecque,  ignorant  sans  doute  que 
Léopold  Mozart  lui  avait  consacré  une  description 
de  quelques  lignes  dans  sa  célèbre  Méthode  de  violon 
de  1756. 

Violes  et  violollcs  % 

Dans  l'ancienne    langue    française,  viole,    vioiié, 
viollie:,  violette,  violier,   villier  se   sont  également 


1.  L.  Vai-las.  Les  Lyonnais  ditjnes  de  mémoire.  J.-B.  Prin  et  son 
mémoire  sur  la  trompette  marine^  Lyon,  lîllî,  primitivement  j)ubli6 
.  ans  le  Bulletin  Français  de  la  S.  1.  31.  (tiov.  1008). 


2.  Bibliographie.  —  fiéb.  ieBRoss.\TKD.  — DictioiiiKiire  de  7nii- 

siqur.  Paris,  1703. 
J.-B.  Weckeblin.  — Unsiciana.  3  vol.,  Paris,  1.S77-IS90-1890. 
Marin  Marais.  —  5  livres  de  Piè-es  à  I,  2  et  .1  violes  avec  5  livres 
de  B.  C.  16S6-1701-1711-1717-1717.  Les  mêmes,  édi- 
tion posthume,  1729. 
Le  P.  Mersennk.  —  Instrumenlorum  Hbri  IV.  Paris,  1630. 
•JÉEOME  DE  MoBAViE.  —  Traité  de  1620. 
M.    PRAETORins.    —   Sijnlagmatis     miisici    ilichaetis     Praetoriiis 

tomus  secnndns  drori/anogrnpltia.  1615, 
Caix  d'Hervelois.  —  5  livres  de  Picees  de  Viole  avec  B.  C.  1708- 
1713-1731-1740-1748.  Le  i"  conlenant  les  pièces  pour 
2  violes.  Paris. 
II.  RiKMANN.  — Dietionnuire  de  musique,  2°  édition,  1913. 
.!.-(.;.  Mangin.  —  Manuel  du  Luthier,  1834,  Roret. 
J.-C.   Mangin  et  Maignk.   —  Manuel  du  Luthier.  Paris,   1869, 

Hoiet. 
V.-Cti.  Maiiii.lon.  —  Catalofiue  ilu  Musée  instrumental  du  Conser- 
ratoire  Hoijal  de  Bruxelles,  i  vol.  Gand,  1893-1912,  Hoste. 
P.  Garnaoi.t.  —  Le  Tempérament.  Son  histoire.  Son  application 

aux  violes  de  yambe  et  ijuitares.  1924. 
Ch.  BoDviiT.  —  Les  Couperiu.  Paris,  1919. 
Hart.  — Le  violon.  Londres,  1877. 
A.  Toluecooe.  —  Art  du  Luthier.  1903. 

E.-R.  TiioïKAN.  —  llaui/ars.  eélébre  joueur  de  viole.  Paris,  186.5. 
JddenkUnig.  —  Vtilis  et  eompendiaria  Introduelio,  Wien,  1523. 
M.  AiiRicoLA. —  ilusica  instrumeutalis  deudsrh,  Wiltemberg,  1529. 
Ludovico  niî  Narvaez.  —  Lihros  del  Drlphin  de  innsiea  de  cifras 

para  tener  vihueln.  Valladolid,  1538. 
Hans  ("teri.e.  —  Slusùa  Teusrh  au^ die  Instrument  der  Cwrosseti  uial 

Kleijnen  tiei/den.  3  éditions,  1532-1537-1546. 
S.  Ganassi  del  Fon-teoo.  —  Heijola  Itul/ertina,  regole  che  insei/iin 

a  sonar  de  viola  d'urco  tnsinta.  In  Venetia,  1542. 
Claude  Gervaise.  —  iirre  de  violle  ronlenant  dix  chansons  arec 


riîCII NIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÈDACOGIE 


LES    VIOLES    1761 


dits  des  instriimeiits  de  musique  sucxédani  aux 
vièles  d'archet,  des  Heurs  et  touiïes,  des  foraines  <le 
violelteSjdes  lieux  où  elles  étaieut cultivées  et  nifn](! 
de  cerlaifies  plantes  potagères. 

Kxeuiples  :  1"  «  Meueslrels,  trompettes,  labourins, 
viollie/.,  rebecques  et  autres.  »  (Aubrion,  Journal, 
an  14-98.) 

2"  «trimbales  et  tambours,  trompettes  et  violettes.  » 
(Pli.  de  Vif;neulles.) 

3"  «  Ou  vend  ici  d'autres  graines,  comme  des  œil- 
lets d' .Alexandrie,  les  violes  raatronales.  »  jUabelais, 
lettre  M. I 

4"'  "  Use  souvent  pour  la  nature  de  persil,  bettes 
et  bourraches  violiers.  »  (E.  De>chumps.) 

Le  violeur  ou  violier  était  le  musicien  qui  jouait 
de  la  viole,  en  chantant  généralement  : 

«  Aveugles  et  violeurs  pour  oster  au.K  gens  leurs 
douleurs  chantent  toujours  belles  chansons.  »  Vio- 


l'iiiIroducUoa  d^  s'accorder  et  upptif[uer  lefi  doits  selon  /u  ma- 
niére  qu'on  a  ticcoutuiiié  de  jouer.  Iôi7-1555. 
Enrique  Valoeuravano.  —  1»  kusis  dicutum.  ùbro  ilamtulo  Situa 
de  Sirenas.  Valladolid,  15  i7. 

—  2"  Tralodo  de  cifra,  arpa  y  viliuela  1557. 

Diego  Ortiz.  —  Travtadode  ylosar  en  ta  musicu  de  l'iolones.  Rome, 
1553. 

F.  Ant.  G\BEZ0N.  —  Liliro  de  musica  para  lecla,  luirpa  ij  rikuela. 

157S. 

Thomas  Robinson.  —  Sehool  of  inuûkc  or  Ihe  perfeel  incthod  of 
fintierincj  llte  Lule,  Pandora  and  VioLe  de  Cumtia.  I.ondi-fs, 
lOO.'i. 

Alfonso  FuBRABosco.  —  Cessons  for  1 ,  5  nnd  S  riofs.  1009. 

Plavford.  —  Introduction  to  the  sliill  of  ntustc.  S  éditions.  Lon- 
dres, de  1055  à  1(;79. 

Ghrisloplie  Simpson.  —  'l'Iie  Oirision-Vialist.  Londres,  1059. 

Thomas  VIaciî.  —  Uustk's  monument  (dont  la  3c  partie  renferme 
Hn  Traité  de  viole).  Londres,  lùlô. 

Jean  Rodsskac.  —  Traite  de  ta  vioie.  Paris,  1087. 

Danoville.  —  L'Art  de  toucher  te  dessus  et  fmsse  de  riotie,  conte- 
nant tout  ce  liait  y  a  de  nécessaire,  d'utile  va  de  cuncni.  dans 
cette  science.  Paris,  1687. 

D'  CoDTAGSE.  —  Gaspard  Duifj'oproucart  et  les  Liitlliers  Lyonnais  du 
seizième  siècle.  Paris,  1893. 

FÉTis.  —  liioqraphie  Universelle  des  musiciens.  Supplément  d'Arthur 
Voufiin.  2  vol.  Paris,  ISSl. 

G.  GnoDQDKT.  —  Le  Musée  du  Conservatoire  national  de  mitsifine  de 

Paris.  Paris,  18Si. 
Fktis.  —  Ant.  Stradivuri.  Paris,  1S56, 
J.-J.  Wae.ther.  —  Ilorlulus  Ctielicus...  Mayence,  16S8. 

—  Sclterzi  di  v'iotino  solo  coa  il  ha^so  continuo  per  l'organo  o  cent- 

bato;  accompaynihile  anche  con  una  viola  o  liuto.  1070. 
A.  EiNSTKiN.  —  Oeulsche  Litertttur  fur  viola  dt  Cuniba  im  tù  und 

17  Jahrhundert.  Leipzig,  1905. 
Joh.  Seb.  Bach.  —  OEurres.  Baeh-Gcseltschaft .  Leipzig,  ISOO. 
ToiNON.  —  Recueil  de  Trios  nouveaux  pour  le  l'iolnn,  hautbois,  /laïc. 

Paris,  1699. 
Roland   Marais.  —  /'-■'  vol.  de  Pièces  de  riole  arec  B.  C.   1735. 

3"  vol.  de  Pièces  de  viole  avec  B.  C.  1738. 
François  Cooperin  dit  le  Grand.  —   Piéce\  de  riotes  en  i  vol. 

Paris,  1728,  Boivin.  —  1"  vol.  Sujet,    la  première  viole 

('tant  traitée  en  soliste;  2«  vol.  :  les  B.  C.  pour  tes  pièces 

de  Y.  2"  viole,  basse  d'archet  et  clavecin. 

J.  BODIN    DE    BOISMORTIER.  —  Op.    10.  SoUatCS  pOUT  la  ViolC. 

—  Op.  -.'6.  1729. 

—  Op.  SI.  Pièces  de  viole.  1730. 

—  Op.  10.  1732. 

—  Op.  50.  173-1. 

Ch.  DoLLÉ.  —  Pièces  de  viole.   1737. 

De  BonssAO.  —  Pièces  de  viole.  1740. 

Ant.  FoRQUERAY.  —  Pièccs  de  viole.   1747.  Edit.  posthume. 

Abbé  Hdbert  lk  Blanc.  —  Défense  de  la  basse  de  viole  contre  les 
entreprises  du  violon  et  les  prcteutions  du  viotoncel.  .-\mster- 
dam,  1740. 

Attilio  Ariosti.  —  Cantates  and  collection  of  tessons  for  the  ciol 
d'amore.  Londres,  1728. 

MiLANDHE.  —  Mclliode  facile  de  viole  d'amour.  Paris,  1782. 

Johann  Kral.  —  Méthode  pour  la  riole  d'amour  à  l'usaye  des  violo- 
nistes, op.  10.  Vienne,  G.  A.  Spina.  (Réimpression  : 
Leipzig,  Bruxelles,  Londres.  Aug.  Cranz.  Gette  méthode 
ne  porte  pas  de  date,  mais  elle  est  postérieure  a  1836, 
et  même  au  traité  d'Instrumentation  de  Berlioz,  1839.) 

Berlioz.  —  Traite  d'Instrumentation.  Op.  10.  Paris,  1839. 

Deldbvez.  —  .\n  dn  chef  d'orchestre.  Paris,  1878. 

Copyriglh  fit]  Librairie  Delagrave,  1927. 


Irv,  l'était  proprement  chauler  en  saccompagnant 
de  la  viole  : 
1° 

Quant  revenu/  sui  en  uii'Zun, 
S'en  doi  bien  dire  [)ar  rezou 
Les  vers  que  j'ai  tant  violés. 

2"  «  Promener  par  la  ville  au  son  de  la  viole  un 
liiEuf  paré  de  rubans  et  bouquets  pendant  les  jours 
;;ras.  » 

:f"  "  La  joiiayt  au  bœuf  violé.  »  (Rabelais,  Gargan- 
liia,  cil.  xii.) 

|ll\trailsdu  Dictinnnahede  l'ancienne  langue  fran- 
(■nisede  Goddroy,  Paris,  18'.>2,  Bouillon. | 

l.e  violier  it'amour  neut  point  davantage  l'exclusif 
privilège  de  désifjner  un  <<  joueur  de  viole  d'amour  >. 

Si  le  violier  d'amour  des  hisloires  romaines  du 
nV  siècle  ne  ut  qu'un  célèbre  recueil  de  conles  et 
apologues  très  «oûtés  au  moven  Age,  du  moins  la 
lechnologii'  botanique,  plus  moderne,  a  ulilisé  tour 
à  tour  le  même  vocable  pour  désigner  la  girollée  ou 
vulgaire  matihiole,  le  violier  bulbeux  on  violier  d'hi- 
ver, ainsi  que  diverses  variétés  de  perce-neige,  qui 
n'ont  évidemine-nt  aucun  rapport  avec  la  lutherie 
que  nous  allons  décrire. 

Il  était  intéressant  de  signaler  ici  telles  semblables 
elymologips. 

Si  Ar.RicoLA  (1486-la56)  et  autres  liistoriens  de  ce 
"  vieil  ti^mps  »  ne  nous  ont  laissé  aucune  précision  sur 
l'heure,  le  lieu  el  la  nature  des  modifications  réalisées 
dans  la  lutherie  des  xiv  et  Kv"  siècles,  cependant 
rehecs  et  gigues  disparaissent  avec  les  vièles  des  mé- 
iie-lrels  devant  une  famille  d'inslruinents  unifurmé- 
iiienl  caractérisé*  par  des  éclisses,  des  échancrures 
latérales  en  loime  de  G  très  ouvert,  des  fonds  géné- 
lab-ment  plils,  des  manches  «  enlouchés  ■>',  des 
unies  au  nombre  de  deux,  symétriquement  disposées 
en  lorme  de  C,  allongé  de  chaque  coté  du  chevalet, 
(^"e.'-t-a-dire  la  famille  des  violes:  bien  plus,  la  viélc 
du  moyen  âge,  l'instrument  ;i  cinq  coi  des  des  ménes- 
trels, accordé,  selon  Jérôme  de  Mohavih  : 

.so/,,  ut-^,siil,,  rê^,  aul^, 

devi'uait  la  viole-lype  (gamba)  delà  nouvelle  famille, 
dans  le  même  re^iislre,  accordée  d'ailleurs  pour  l'ac- 
'•iiin[iagnenient  : 

Selon  Agricola  (1529)  : 

sol,,  ut,,  fa,,  ht,  rë.,  soi, 
Selon  Pn.;no»ii:3  (1G20)  : 

r-',,  sol,,  do,,,  mit,  la^,  ri'_. 
S  Ion  M.  Malais  H68^|  : 

ri',,  sol,,  Uo,,  vii,,  la^,réj. 

Par  ce  nom  'le  viole,  en  italien  viola,  employé  seul 
on  entendait  comniunément,  nous  dit  Hiio'sard,  ce 
(|ue  nous  appelons  6a.sserfer)îoie-,  puis  '\e  viola,  l'aug- 
mentai if  t)io/'i"e  fui  la  C'intra-bassa  da  viola,  (ui  archi- 
rioL-,  le  ditiiiniitif  fut  violeltii  et  même  violin,  tan- 
dis que  le  diiiiiiiiitif  de  violone  fut  violonerlf..  Ainsi, 
avims-noiis  une  famille  neltement  constituée  de 
violes,  dont  ci-dessous  nous  donnons  les  accurdatures 
uéiii-ralement  al  mises.  Il  est  intéressant  d'en  rappro- 
cher parallèlement  les  instruments  moins  anciens, 
dn  Ltrave  à  rai;;u. 


I .  VVeckeiiun.  Jt/ujiicinna,  tome  II.  page  104. ..  la  m.micr.'  de  bien  et 
lii-lcmcnl  entonche'  les  lues  et  giiilemes  »,  f'oilicr*,  15,".6. 

:,  .-éh.  DE  Bnu^SAKD,  Dictioiiimirn  (le  mmiqmi,  i70;i.  Ailicle  Viole 
M, lis.  pourPiiAEToBius,  le  ternie  viole  s'applique  à  toutes  les  violes  de. 
^ainbe. 

111 


1762 


ENCYCLOPEDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Violoiio. 

Archi-Viûh.'. 

Contni-Bassn.  da  Violn. 

Grande  Violo  Lorraine. 


Viola  di  Gamba 

uu 

Basse  de  Viole. 

Viola  di  Bordone. 

l-'agolto.  • 
Baryton  de  Viole. 
Viola  de  Pardone. 
Viola  Pomposa. 


Ténor  de  Viole  ou  Taille. 

Violella  de-ssus. 

Viole  d'amour. 

Dessus  viole  à  5  cordes.  Quinlon 


,*!  cordes,  so/_i — ri\ — /«,  1 

4  — •        w//_, — I«„i — 7r, — A'o/|  ■  Cunlrebasse. 

5  —        !(/_, — mï_, — /fl_, — rt\ — soli.  ) 

\    1(1.-..  —  /•('__,  —  S0/_, — Ul^ — ÎHi'i — Itt^—lf., 


-rt'i — so/j — lU^ — fa^, 
la  — „ — rc_, — soL, — si._i — mi\ — /«i 
so/^i — ré, — fa^  —  nii, 

ht^ — SOl^  —  Vl'.j  —  /(/2 

/(7_|  — rf, — sol^ — î;/2 — m/j — /r/j — rc^ 
ri\ — so/, — !(^2 — w«'.)  — /«2 — r^j 
mi,  —  la^  —  ri',—soL — .«io — """s 

«<, — Sï)/, — »Y; — la^—mi^ 
sol^ — rt^.^ — /ag — /H/;j 


I  Cellone  du  D'  Stulnzkr  1S91. 

I  Sous  basse  de  Liio  Sir,  1922. 

Violoncelle. 


so/, — UI2 — /'«-2 — /«2 — '■''j— •'"'a 

rf., — «0/2 — «'3— '«'3— '«3 — '■'S 
i   L'bhan  ré« — /'«i$s — /«a — ''^3 — A'iia — /'(;i^ — '"''; 


]  Guitare  d'ainour 

ou 

)  Arpcggione  de  Staukeb,  1S21. 

t  l'iccolo  violoncello  de  Riedei  , 
I  1760 

I  Barvlou  de  Battanchon,  1847. 

.  Violella  du  D' SrË[.zNER,   1891. 
(  Ténor  de  Llo  Sir,  1922. 


.\lto. 


Violon. 


Viola  Piccola. 
Pardessus  de  Viole 


(  MiLANDRE  hi—ré-, — la, — rfj — /njfg 
sol, — rë;j — la^—ré;. — sol^ 
sot, — ir.^ — /«3 — wi, 

i  sol, — iil^ — ;Hi;j  —  /(T3  —  rc^ — sot  ^ 

soir, — ré^ — /113 — ré, — .«o/, 

w/j — .so/^ — ;•(■,  —  /rti 

Violetta  marina.  1  ,  •  ,        ■         •       , 

English  violet  de  C.vstrucci.        (  2        j         .j       j         '         > 

SOUS  réserve  de  l'emploi  ou  de  la  suppression  de  la  septième  corde  (grave 


Petit  Violon  Sai.osion. 

Piccolo  Violino,   1760. 
Surviolon  de  Léo  Sir,  1922. 


Les  luthistes  s'accordaiit  généralement  : 

sol,  do,  fa,  la,  ré,  sol, 

devenus  violistes  en  prenant  l'archet,  n'avaient  aucun 
luotil' de  ch;inger  la  technique  de  la  main  gauche  : 
aussi,  la  viole  à  si.'i  cordes  procéda  logii|uetnent  du 
luth  par  deii.'!  quartes,  une  tierce  et  deux  quartes. 

Dans  sa  .Méthode  de  viole  (llioO),  Simi'so.n  exposait 
déjà  que  la  sonorité  d'uninstrumentà  cordes  à  arcliet 
demeure  toujours  en  raison  inverse  du  nombre  de  ses 
cordes,  plaidant  en  faveur  de  la  viole  à  six  cordes', 
à  l'heure  où  l'invention  des  cordes  lilées  d'ai'gent 
attribuée  à  .S.unie-Colomue,  l'un  des  plusgrands  vio- 
listes l'iançais,  encourageait  pour  quelque  temps  les 
violistes  français  à  s'adjoindre  une  septième  corde. 
C'est  avec  une  viole,  ainsi  montée  de  sept  cordes,  que 
son  plus  illustre  élève,  Mari.n  Marais  (16.'i8-1728),  est 
représenté  dans  un  portrait  actuellement  au  Musée 
du  Conservatoire  de  Paris-;  on  devine,  cependant, 
que  les  violistes  ne  témoignèrent  pas  d'un  grand  ein- 
pressemenl  à  faire  rebarrer  ad  hoc  et  changer  la  tète 
de  leur  instrunient  pour  l'adjonction  d'une  septième 
corde. 

Le  tableau  d'accordatures  qui  précède  n'a  évidem- 
ment rien  d'absolu;  Pr.etorius  (1571-1021)  n'attachait 
auciuit^  importance  à  la  manière  dont  chacun  accor- 
dait sa  viole,  pourvu  qu'on  jouât  juste  et  bien,  ce  que 


t.  C'est  une  tiui^slion  do  firession  du  chevalet  sur  la  taljle,  déjà  étu- 
diée par  le  P.  Mi;ii^K\NK{lli3il),  qui  proposait  de  réduire  à  trois  leDr>tnbrc 
des  enrdes  du  violon  pour  auguieriter  la  sonorité  des  première  et 
dcuxièiue, réplique  toute  mathématique  à  la  conception  des  violons  ita- 
liens primitiveinement  montés  de  cinq  cordes  en  quarles, 

/fli,  r(?3,  5o/a,  uti,  fat. 

dont  nous  connaissons  un  spécimen  dans  le  «  Concert  »  de  Lionnellc 
tSpada  (157G-lti-iOi,  sous  le  n"  25."i  du  musée  du  Louvre. 
-      S.  Cependant,  la  plupart  des  œuvres  île  Mabais  peuvent  être  exécu- 
tées intégralement  sur  la  viole  à  six  cordes. 


Jean  Rocsseau  (1687)  e.xprimait  dans  son  traité  (cha- 
pitre iv)  sous  une  autre  l'orme  : 

»  Ayant  indiqué  l'accordature  par  quartes,  ma- 
nière ordinaire  des  maîtres,  on  pouvait  accorder  la 
viole  par  quintes  ou  octaves  et  même  employer 
d'autres  accords  pourjouer  les  pièces  desétrangers.  ■■ 
Maïer  de  Nuremberg  (1741)  aurait  indiqué  dix-sept 
accordatiires  exceptionnelles  pour  la  viole  à  si.v 
cordes''  :  ce  nombre  aurait  pu  être  plus  grand  encore 
sans  nous  surprendre,  mais  nous  en  voulons  retenir 
ce  fait  que  la  septième  corde  n'était  pas  en  faveur 
dans  l'école  allemande,  sans  insister  davantage  sur 
les  discordatures  nombreuses  du  violon  et  ses  scor- 
datures  «  avec  cordes  ravalées  »  de  Tremais  (1740). 

Jean  Iîousskau  (1687),  après  Hans  Ckble  de  Nurem- 
berg (1532)*  et  S.  Ganassi  (1542)!',  a  donné,  dans  le 
chapitre  VI  de  son  Traité  de  la  viole,  la  manière  d'ac- 
corder la  viole  : 

«  Il  faut  sçavoir  que  de  chaque  corde  à  la  pro- 
chaine, il  doit  y  avoir  l'intervalle  d'une  quarte,  excepté 
de  la  quatrième  àla  troisièmeou  l'intervalledoit  esire 
seulement  d'une  tierce:  que  la  chanlerelle  est  en  D. 
te,  rc',  la  seconde  en  A.  mi,  la,  la  troisième  en  E.  si, 
mi,  la  quatrième  en  C.  sol,  ut,  la  cinquième  en  G.  ré, 
sol,  la  sixième  en  D.  la,  ré,  et  la  septième  en  A.mi,  la. 

«  Pour  les  accorder  lorsqu'on  n'es!  pas  obligé  de 
s'assujettir  à  un  autre  instrument,  il  fatit  commencer 
par  C.  sol,  ut,  qui  est  la   chorde  du   milieu''',  et  la 

3.  tiilc  par  lÀiEMAKN  et  de  tinicQUEViiLK. 

4.  11.  Geki.iî.  Musica  Teusch  auf  die  Inslrument  der  Oeigen  (1532) 
réédite  en  1.Ï37  H  en  IS4C. 

5.  Silvestro  Ganassi  (dit  Dkl  Fontego),  Vénitien,  a  laissé  un  traité 
de  l'ait  déjouer  de  la  viole,  1342,  Regola  Hiibertina,  reyole  a  aonar  de 
viola'd'arco'.tastata. 

0,  Cet  !((  était  l'iKs  de  quatre  pieds  du  presUnt.  Rappelons  que  le 
Ttmiiii,  Furk  ou  diapason,  inventé  par  John  Suobe,  luthiste  du  roi 
Georses  dAnglelerre,  en  1711,  donnait  l'u/.Duu  auliecote,  J.-J.  Hous- 
SEAO  assure  que  le  sifllet-choristo  ou  corista  donnait  également  Vut  eu 
Italie. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LES    VIOLES    1763 


monter  à  un  ton  raisonnable,  on  sorte  que  la  chan- 
terelle ne  soit  pas  forcée,  ce  ((ui  la  ferait  sifller  sous 
l'archet  et  la  mettrait  en  danger  de  se  rompre, 
comme  anssi  que  la  grosse  chorde  puisse  faire  en- 
tendre et  distinfiuer  facilement  ses  sons. 

«Quand  celte  chorde  du  milieu  est  montée, il  faut 
poser  le  troisième  doif;t  à  la  quatrième  touche  de  la 
mesme  chorde  et  monter  la  troisième  chorde  à  l'unis- 
son, c'est-à-dire  que  les  deux  chordes,  l'une  touchée 
et  l'autre  à  l'ouvert,  fassent  entendre  le  mesme  son.  » 
«  Il  faut  ensuite  poser  le  petit  doigta  la  cinquième 
touche  de  la  troisième  chordect  monter  la  dcu.\iènie 
chorde  à  l'unisson  :  il  faut  faire  la  même  chose  pour 
accorder  la  chanlerelle  sur  la  seconde... 

.<  Celte  manière  d'accordt-r  la  viole  s'appelle  l'ac- 
cord par  unissons  qui  est  le  plus  facile,  mais  qui  n'est 
pas  toujours  hii-n  seur,  à  moins  que  les  chordes  ne 
soient  parfaitement  justes  et  que  les  touches  ne  soient 
bien  placées.  » 

Et,  aioute  Uousskau  un  peu  plus  loin  :  «  En  avançant 
ou  retirant  un  peu  les  touches  '.  »  C'est  ici  qu'il  con- 
vient d'exposeï-  le  disposilif,  les  avantages  et  incon- 
vénients du  manche  entouchi'. 

On  n'imagine  pas  sans  peine  que  ces  lames  d'ar- 
gent ou  d'ivoire  aujourd'hui  incrustées  dans  la  tou- 
che des  guitares,  luths...  n'élaient  au  xvi<=  siècle  que 
fragments  de  conles  de  boyau  entourant  le  manche 
et  la  touche  de  l'instrument,  comme  nous  les  voyons 
si  nettement  au  manche  de  la  splendide  viole 
que  Zanipieri,  dit  le  Dominiquin  (lb8i-1641),  prête 
à  sainte  Cécile  dans  l'une  de  ses  plus  célèbres  pein- 
tures'. J.  UoussEAU  ne  semble  pas  avoir  connu  autre 
chose  en  1687,  qumd,  prévoyant  que  les  cordes  ne 
sont  pas  toujours  justes,  il  enseigne  de  «  remédier 
à  ce  detl'aut  en  avançant  ou  retirant  un  peu  les  lou- 
ches^ i>.  Cette  mobilité  des  louches  n'est  pus  poui- 
nous  rassurer  sur  la  justesse  de  l'exécution,  d'autant 
que  si  le  déplacement  d'une  louche  corrige  le  défaut 
d'une  corde,  il  en  provoque  plus  encore  pour  les 
cinq  ou  sis  autres  cordes  ;  nos  ancêtres  avaient  évi- 
demment reconnu  le  pour  et  le  contre  de  cette  pra- 
tique, car  nous  ne  voyons  plus  dans  les  musées  que 
des  violes  entouchées  d'argent  ou  d'ivoire,  et  nous 
devons  examiner  le  procédé  employé  parles  luthiers 
pour  diviser  ainsi  la  touche  en  sept  cases. 

Le  placement  de  ces  divisions,  appelées  touches 
par  les  uns  et  tons  par  d'autres  ateliers^,  ètaitassuré 
par  l'emploi  d'un  compas  secret  spécial  de  propor- 
tion «  dont  les  deux  jambes  étant  ouvertes  de  deux 
pieds  juste,  les  petites  cornes  avaient  une  ouverture 
de  sei/.e  lignes,  ni  plus  ni  moins  ». 

Le  rapport  des  ouvertures  des  branches  était 
donc. 

16 1 

2  pieds  =  288  ligues""  18' 

L'ingénieux  inventeur  de  ce  compas,  s'inspirant  de 
l'école  de  Pythauore  et  de  l'accord  des  cithares  grec- 
ques, mil,  la^,  SI3,  mU,  savait  le  rapport  de  la,,  mi-. 

3  3 

:=  quinte-,  d'où  mi,  =7:  par  suite  mii,  s/j,  quinte 

_3      3_9 
-4^2"8 


En  appelant!  la  longueur  de  la  corde  la-2,  la  corde 

û  in 

sis  a -=--  de  la  corde  la-,,  et  la  différence  des  lon- 
gueurs de  deux  cordes  sonnant  à  un  ton  diatonique 

16       "^ 

l'une  de  l'autre  =  1 =  —  . 

18       18 

Empiriquement,  le  premier  demi-ton  se  trouve  donc 

réglé  par  diminution  de  la  corde  initiale  du  -  de  sa 

18 
longueur'.  De  proche  en  proche,  le  luthier  plaçait 
donc  les  sept  premières  touches  correspondant  à  la 
quinte  chromatique  de  la  corde  initiale;  il  est  inté- 
ressant de  connaître  la  valeur  de  cet  empirisme 
dont  la  douzième  louche  marquant  l'oclave  serait 
placée  à  0,49.=)  du  sillet  au  lieu  de  0,.')00  pour  une 
corde  d'un  mètre,  accusant  ainsi  une  erreurde  3/1000 
pour  la  septième  touche  et,  de  façon  générale,  des 
tons  légèrement  trop  rapprochés  du  sillet  procurant 
des  intonations  légèrement  trop  basses,  la  partie  de 
corde  vibrante  élant  trop  lon;;ue. 

Cela  paraissait  simple  et  suflisant,  alors  que  le 
tempérament  égal,  théoriquement  cormu  depuis  le 
commencement  du  xvii=  siècle  et  particulièrement 
traité  en  llalie  par  Rontkmpi  en  1690,  après  le  Flo- 
rentin P.  Aaron  (1490- 1562)  et  le  Vénitien  Zaolino 
(lon-lo99),  en  Allemagne  par  Werkmeister  (1645- 
17061,  n'élait  point  sorti  du  domaine  des  spéculations 
théoriques  (1601). 

Ce  lernpéiament  égal  ou  à  rapports  constants  de 
\Z  degrés  ne  pénétra  que  lenlement  en  France;  les 
organistes  en  étaient  réduits  à   ne  jouer  qu'en  do, 
Su/,  ré,  fa  majeur,  en  rni,  ré,  sol  mineurs,  sous  peine 
de  déchaîner  les  «  loups  »  du  tempérament  inégal 
avant  que  l'influence  de  Coupeuin  et  de  Bach  n'amenât 
les  c  avecinisles  à  prendre  parti  pour  ce  tempérament 
égal  qui  nous  valut  (1722  à  1742)  le  génial  Clavecin 
bien  temiJéré;  Bacu  nous  indiquait  la  voie  des  tona- 
lités nouvelles  on  l'on  pouvait  à  l'avenir  s'aventurer, 
les  quintes  du  clavier  étant  iniperceptibleiui-nt  allai- 
blies  au  détriment  de  lajustesse  des  tierces  majeures 
sans   compromettre   la   pureté  des  octaves,  ce   qui 
constitue  en  résumé  le  principe  du  tempérament  éf,'al. 
Si  nous  rapprochons  l'observation  précédemment 
laite  concernant  la  justesse  relative  des  harmoniques 
de  la  quatrième  octave  de  la  trompette  de  bouche  en 
ul,  soit/a,.!  si  h  et  .si  bu  et  fan ,  de  ce  que  nous  con- 
naissons des  difficultés  ou  des  fantaisies  de  l'accord 
du  clavecin    de    tempérament  inégal,    nous   devons 
reconnaître  ici  que  l'application  du  compas  et  de  la 
règle  du    1/18  donnait   une  grande  régularité  ;i  la 
division  des  touches  des  violes  appelées  à  concerter 
ensemble,  dans   tous   les    tons   mêmes,    ce  qu'elles 
n'auraient  point  fait  aisément  avec  le  premier  cla- 
vecin venu,  comme  tout  instrument  à  cordes   mo- 
derne peut  concerter  avec    un  clavier  de   tempéra- 
ment égal  '\ 

En  elTet,  le  tempérament  égal,  basé  sur  la  pureté 
des  octaves,  partage  celles-cien  12 demi-tons  égaux  ; 
après  Mersenne  et  Séb.  de  Bhossard,  Couperin  recom- 
mandait l'accord  du  clavecin  en  quintes  faibles  dans 
les  termes  suivants"  : 

«  Prendre  une  touche  quelconque  et  en  accorder 


1.  Le  Dominiquin  a  laissé  le  souvenir  d'un  violiste  habile...  qui 
avait  aussi  son  violon  d'Ingres!  La  sainte  Cécile  de  ftlignard  {161U- 
1693)  a  auprès  d'elle  une  viole  également  ciitoucliée  de  cordes  en- 
tourant manche  et  touche,  quelquefois  appelées  frettes. 

2.  RoussEAD,  Traité  de  ta  Viole,  page  -37. 

3.  Makgin,  Manuel  du  Lutltier,  page  185. 


4.  Cet  empirisme  parait  avoir  été  déjà  connu  de  llEnsBstis  (IC.3«). 

3.  Nous  avons  traité  complélemont  la  question  du  eom|ms  secret  cl 
du  tempérament éeal  appliqué  aui  violes donlil  yauraillieu  de  diviser 
la  tourhe  suivant  les  indications  de  notre  ouvr.->ge.  Le  même  compas 
servait  à  l'eutoucliement  des  guitares,  luths  et  tliéorbes. 

6.  Ch.  BuuvETj  Lrjï  Couperin,  page  10a. 


■.VCA 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MVSKjVE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


.la  quinte  jusle,  puij  la  diiuiiitiei  iiiseusibleiiierit;  pro- 
céder ainsi  (l'une  (juinle  à  l'aulie,  toujours  en  mon- 
tant, c'est-à-dire  du  grave  à  l'aifju,  jusqu'à  la  dernière 
(lonl  le  son  aij;u  aura  été  le  grave  de  la  première.  » 
La  dernière  est  la  douzième  ;  et,  partant  d'un  ut, 
la  douzième  quinte  sijf  termiuera  la  septième  octave 
avec  l'alfaiblissenient  voulu,  car  douze  quintes  justes 
dépasseraient   sept  octaves  de  ce  qui  est  appelé  le 

comma  de  Pytiiagore. 

9 
De  ijième,  six  tons  consécutifs  de  la  valeur^  ,qui 

est  la  seconde  majeure  de  Pythagore,  dépasseraient 


9'' 


=  2.027. 


aussi  la  valeur  de  l'octave,  puisque 

L'insertion  de  douze  quintes  égales  de  la  toniqu« 
là  la  septième  oclave  2',  en  progression  ijéoniéti'i- 
que,  a  pour  raison  v2^  ^  1.4983...,  quintes  évidem- 
ment faibles,  puisque  ce  rapport,  d'après  PyrHAOonE, 

devrait  être ^-,  soit   1.300'.  De  ces  douze  quintes,  il 

est    facile  de  déduire  le  nombre   îles  vibralions  de 
chaque  uoLe  de  la  gamme  clironialique,   parl.tiit  du 


/<l3  =S70 


ui,4  =  ii)9i;.l 
ri-        =111)1.3 


fil.     =13St.O 

fiijff  =  i4i;3. 


si     ^=  970.5 
«/,  =  103i.(j 


i-fff     =123'». 2 
mi       =1302,1 


sol    =1550.1 
««;jf=  1612.2 


n  nous  reste  à  le  comparer  au  nombre  des  vibra- 
tions des  cordes  de  la  viole  entoucliée  ;  par  un  calcul 
trop  long  i  insérer  ici,  il  est  facile,  connaissant  le 

nombre  de  vibrations  de  \'i(f  _,  mèse, —  r=  258,6, 

de  calculer  le  nombre  de  vibrations  de  la  même 
corde  diminuée  sept  fois  du  1/18  de  la  longueur  res- 
tante, et,  parlant  du  procédé  d'accoiil  par  unissons  de 
J.  Rousseau,  de  oonnailre  le  nombre  de  vibrations 
des  troisième,  deuxième,  première  cordes,  et,  par 
suite,  de  toutes  les  notes  de  la  viole  de  Vut.,  au  la,; 
puis  nielluiit  dans  un  second  tableau  les  nombres 
de  vibrations  des  notes  du  clavecin  de  tempérament 
égal,  il  est  facile  de  voir  qu'arrivé  au  M,  de  la  chan- 
terelle, le  violiste,  qui  fut  toujours  trop  bas.  l'est 
encore  davantage,  pas  moins  de  treize  vibrations. 

Cet  écart,  loin  d'être  négligeable,  démontre  ce  que 
nous  écrivions  précédemment  au  sujet  de  l'empi- 
risme du  compas  secret  des  luthiers  qui  n'ont  pas 
voulu  entoucher  à  nouveau  violes  et  guitare.s  selon 
le  tempérament  égal,  et  suivre  les  progrès  de  la  re- 
naissance musicale  du  début  du  xviii»  siècle. 


«■utoiiflu-e  ail  <-<)tî»j>!!s   I    H  S. 


«l':«I>r«'N  le  lenipcraiiiciil  <''i|;al« 


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258.0 

325 

■132.5 

575. 5 

iitjf  2T3.S 

3  11.1 

•157,0 

uoO 

n-      200 

361.1 

18 1.9 

045.2 

n'îf    30- 

3S0.1 

513. i 

0.S3.3 

nii       325      • 

■iûS.5 

5-i3,t) 

723.4 

fa       314.1 

/Wjt  :toi.i 

432.5 

•157.9 

575.5 
eÔ9.4 

765.9 
SII.O 

siil^    3S5.S 

iSl,9 

645.2 

«58. 7  1(1^ 

1V<= 

lll._ 

25.S.ii 


25S.li 
«/jf  274.3 
ré  200.2 
ri'jf  307.6 
mi  oûô.S 
fil  315.2 
fil  if  365. S 
sol.    3S7.8 


;'.:i5.,s 
315.2 
305. S 
3,S7.6 
410,6 
■435 
400. S 
4S8.2 


II- 

II!  • 


460.3 
48S.2 
517,3 
518.0 
580.5 
015.3 
651.7 


Itc 

'•''3 


5S0.5 

651.7 

090.5 

731.5 

775. 

821.1 

870  /«:, 


Dans  chaque  tableau,  nous  avons  souligné  d'un 
mfime  nombre  de  traits  les  notes  qui  donnent  l'unis- 
son d'accord  de  J.  Uousseau.  Mous  aurions  pu  dres- 
ser, d'après  les  mêmes  principes,  les  tableaux  con- 
cernant les  cinquième,  sixième  et  septième  cordes  et 
arriver  aux  mêmes  conclusions.  Voilà  donc  le  régime 
acoustique  sous  lequel  la  viole  se  développa  pendant 
tes  xvi"  et  xvu>.  siècles,  sans  que  nous  en  connaissions 
d'autres  spécimens,  d'après  Hart,  qui'  les  violes  de 
Brensvus  de  la  fin  du  xv«  siècle  et  les  cioloni  de  Gas- 
PARO  DA  Salo  construits  de  ili.'jO  à  16(10. 

Les  instruments  décrits  par  (iAinas^i,  violes  à  six 
cordes  dont  les  coins  ne  formaient  pas  saillie,  sont 
évidemment  d'un  type  antérieur  à  ceux  de  (jasi'aro 
da  Salo  qui  faisait  des  violes  avec  deux  ou  quatre  coins 
saillants  :    ses   violoui,  d'un   bois  remarquablement 


1.  Apres  CoLPEUiN,  Iî.vm:.au  proposa  l'inserLion  «le  douze  tnoycnnes 
proporrioniielles  clans  l'ocUive  1  à  2,  ce  i|ui  conduit  à  un  résullal 
identique  iiu  pi-ercdeut;  ni.iis  counaiss.'iul  bien  la  r6>ibtauce  ou  t'ines- 
nêrience  des  clavei-inisles,  peu  habiles  à  faire  beiiélicier  leur  clave- 
cin du  tenippranienl  ^gal.  il  compose  ses  Piècts  ili:  chivixin  11724}  tn 
ut,  rt^,  mi,  ri  majeur  et  ré,  mi,  ii  mineur.  Point  l'ti  Ions  •  outrez  » 
disait  DoHNEi,  ! 


choisi,  spécialement  conservés  dans  les  monastères 
d'Italie,  nous  sont  parvenus  en  plus  grand  nombre 
que  les  altos  et  violons  dont  on  lui  a  attribué  géné- 
ralement la  paternité. 

Drago.netti,  l'éminentjoueur  de  contrebasse  (176:î- 
1816),  possédait  trois  ou  quatre  instruments  de  ce 
maître  dont  on  n'a  point  perdu  la  trace,  souve- 
nirs d'une  époque  oij  les  instruments  d'accompa- 
gnement demeuraient  plus  répandus  que  ceux  de 
mélodie. 

CependanI,  les  progrès  de  la  technique  avaient  peu 
à  peu  mis  en  vedette  les  ressources  de  la  viole;  avec 
la  touche  divisée,  il  n'était  point  nécessaire  de  poser 
les  doigts  en  des  places  très  piécises,  puisque  les 
sillets,  mobiles  ou  incrubtés,  délimitaient  par  une 
légère  pression  du  doigt  la  longueur-  de  la  corde 
nécessaire  pour  produire  telle  ou  telle  note,  et  que 
le  doigt  placé  un  peu  plus  bas  ou  un  peu  plus  haut, 
pourvu  qu'il  exerçât  sa  pression  sur  la  corde  entre 
deux  sillets,  n'altérait  en  lien  la  justesse  du  son.  Cette 
latitude  permettait  aux  violistes  les  doigtés  étranges 
de  l'ancienne  musique  de  viole,  doigtés  presque  impra- 
ticables de  nos  jours,  pai'  suite  de  la  suppression  des 


TECHNIQUE,  ESTIIÉTKJUE  ET  PÉDACIOGIE 


LES    VIOLES    1765 


louches;  il'où  liberté  pour  les  lulhiers  de  faire  des 
manches  plus  ou  moins  longs  suivant  leur  caprice 
ou  celui  (le  leurs  rllenls,  sans  avoir  à  se  piéoccuper 
di"  propoilions  lixi-s  entre  le  corps  et  le  manche  de  la 
viole,  dont  la  longueur  avait  encore  été  ex.-igérée  lors 
de  l'adionctuon  de  la  septième  corde,  qui  exigeait  une 
longueur  déterminée  pour  se  faire  un  peu  entendre. 
Si  celle  exagération  avait  été  prolilahle  à  la  sep- 
lièine  corde,  elle  était  devenue  fatale  à  la  première, 
quine  pouvait  plus  monter!  Errare  linmanum  eut. 

Maiiai-1  avait  di'i  Jouer  la  viole  à  sept  cordes  de  son 
maître,  Sainth-Colomiu-:',  mais  on  conçoit  aisément 
que  d'autres  écoles  s'en  soient  tenues  strictement  à 
la  viole  de  six  cordes,  tout  en  applaudissant  à  l'in- 
vention des  cordes  iilées  de  Saixtk-I^olomiie-. 

L'étendue  et  l'écriture  de  la  viole  sont  indiquées 
dans  les  lignes  suivantes  en  accordalure  normale  : 


f^ 


m 


t 


f 


^-^ 


mese 


^ 


S'il  est  actuellement  impossible  de  tenir,  avec  Car- 
TiF.K^,  CoRELLi  |lGj:{-17i3)  pouT  le  Créateur  de  l'Ecole 
du  violon,  dont  la  pratique  était  déjà  fort  avancée 
dans  la  première  moitié  du  xvif  siècle,  du  moins  les 
violes  avaieiit-elles  fait  école  depuis  plus  d'un  siècle, 
école  moins  brillante  assurément,  puisque  leur  rôle 
consistait  surtout  dans  l'accompagnement  ;  on  accom- 
pagnait la  basse  continue  sur  la  viole,  comme  l'ex- 
plique si  liien  .1.  lîoussEAu'  : 

«  Cet  accompagnement  demande  que  l'on  sçaclie 
la  musique  à  fond  et  que  l'on  possède  le  manche 
de  la  viole  dans  tous  les  tons  transposés,  car  il  ne 
s'agit  pas  ici  de  jouer  des  pièces  estudiées,  mais  de 
jouer  à  l'ouverture  du  livre  tout  ce  que  l'on  peut 
présenter  et  de  sçavoir  transposer  sur  toutes  sortes  de 
tons. 

«  Il  faut  que  celuy  qui  accompagne  n'ait  aucune 
manière  de  jouer  qui  lui  soit  atTectée,  car  il  n'est 
rien  de  plus  contraire  àl'esprit  de  l'accompagnement 
et  du  concert  (|ue  d'entendre  une  persoime  qui  ne 
joue  que  pour  se  faire  paraistre;  c'est  une  manière 
qui  n'est  boime  que  quand  on  joue  seul.  » 

■Vu  la  grande  rai-eté  des  clavecins  perfectionnés  à 
l'aurore  du  .\vii«  siècle  |)ar  Hans  Rcr.uEr.s  (t  oliO)  et  ses 
quatre  lils,  la  viole  piuaissait  donc  seule  qualifiée 
pour  la  réalisation  des  basses  chiffrées  ',  et  n'est-ce 
pas  au  violiste  «  jouant  les  basses  chiffrées  à  l'ou- 
verture du  livre  "  que  doit  s'appliquer  particulière- 
ment l'expression    iféchiff'rcr,  que    l'usage  a  étendu 


i.  CoimiM.'  son  |ti»rlrail.  le  Croiilîspice  do  S'-s  rruvrcs  gra\ôesniel 
eu  c'videnrc  une  %iiile  :"i  sept  rordos  l'-d.  postlininf.  1T2P(.  De  niônje, 
11.  Rigaii't  {i65i*- 174:j)  a  peint,  rt^i-^  1717,  le  celebi-e  Antoine  PoRcot- 
\:x\  tenant  ime  viole  ;i  sejit  coriles  (Nation.iI  G.illery). 

i.  L'An.'IeLerre,  l'Italie  et  l'AIIoniag'ie  résistcTent  U  l'emploi  de  la 
Septième  corde  'Tot.tiECQUF.,  AH  ifu  Liitlner,  page  32V  J.-S.  Bach,  qui 
n'étail  pas  un  «ioliste.  a  cependant  éc  il  l'accompaçriGmciU  de  l'aria 
célèbre  D"  ^0  de  la /^tf^.fio7ï  $ainmU  saint  Ma/hieu  pour  la  viola  (la 
gamba  montée  de  sept  cordes,  tandis  que  les  trois  sonates  de  gainbe 
et  ctavecin  (1717-17*23)  s'eKecnlciit  sur  ta  Tiole  à  six  cordes. 

3.  Cartieh,  Art  du  Vio/oN,  Taris,  an  VI  de  la  Wpiiblir)ue  Française. 

4.  J,  ïioi'ssBXU,  Traita  de  la.  Vioh\  pag-^  (iti. 

5.  Cooiinc  nous  l'avons  dit  plus  liaut,  Le  tenïpéranient  inégal  ne 
perniellait  pas  au  claveciniste  de  transposer  dans  tous  les  Ions  pour 
donner  satisfaction  aux  chanteurs  presque  toujours  peu  satisfaits  du 
ton  original  des  auteurs.  j 


;i  tout  exécutant  de  musique  plus   moderne,   où   il 
n'y  a  aucun  chilîre'? 

Les  Anglais  avaient  montré  beaucoup  de  RoU  et 
d'activ.té  dans  la  pratique  de  la  viole. 

Si  liabelais  (1  tSS-lii.iH)  estimait  quela  culture  des 
instruments  de  musique  faisait  nécessairement  par- 
lie  d'un  programme  d'éducation  bien  compris,  «  le 
jeune  Gargantua  ne  se  limitait  pas  à  un  seul  ins- 
trument, s'exerçant  en  compagnie  de  son  précep- 
teur Ponocratès  à  jouer  du  luth,  de  l'espinette,  de 
la  harpe,  de  la  Htite  à  9  trous,  de  la  viole  et  de  la 
saquebute'  »;  ses  admirateurs  avaient  trouvé  bien 
chargé  ce  programme  d'homme-orchesire,  et,  plus 
pratiquement,  nos  voisins  d'outre-,Manclie  jugeaient 
avec  Peacham  <<  qu'un  parfait  genlilhoimne  »  devait 
chanter  sa  pailie  a  première  vue  et  la  jouer  égale- 
ment sur  la  viole  ou  le  Itilh''  ». 

D'ailleurs,  les  encouragements  officiels  ne  faisaient 
point  défaut  :  le  prince  de  (ialles  (1600-1049),  devenu 
Charles  1"='',  était  bon  violiste,  et,  dès  1620,  jouait  par- 
liculièrement  bien  sa  partie  dans  les  incomparables 
fantaisies  de  son  maitie  Coperario  (15..-16'J7),  à  une 
époiiue  oii  toute  famille  musicienne  voulait  posséder 
lin  jeu  de  violes,  et  il  faut  reconnaître  que,  passée 
des  Italiens  aux  Anglais,  la  viole  paraissait  un  ins- 
trument assez  nouveau  pour  les  Français  qui  n'en 
connaissaient  pas  encore  toutes  les  ressources. 

En  cette  période  de  renaissance  de  la  musique  en 
.Angleterre,  qui  s'étend  vers  le  milieu  du  xvu"  siècle, 
luthiers  et  compositeurs  témoignent  d'tiue  égale 
activité  pour  la  dili'usion  de  la  viole.  On  compte  alors 
parmi  les  luthiers  anglais  Iîolles,  les  Jaié,  les  Bakeç, 
CoLES,  etc.,  à  Londres  et  Oxford;  d'un  autre  côté, 
ih.  MoRi-Kv  (139!)),  Th.  Ford  (1607),  Humh  (160K),  Or- 
lando  Gibbons  (161-2),  Gross  (1616i,  Lock  (lfi57),  etc., 
réunissent  en  concerts  de  violes  les  disciples  des 
Iloui.NsoN,  Fehhabosco  (l.'jSO- 1 060),  PLAVFonD,  Simpson' 
!  1010-1679),  etc.*  ;  les  quelques  Latins  réputés  vio- 
listes avaient  subi  l'inlluence  anglaise  pendant  des 
séjours  prolongés  en  Angleterre,  tels  les  lils  d'Alfonse 
I'"kkrabosco  et  le  célèbre  Maugars  qui  perfectionna 
si  bien  sa  technique  à  Londres,  do  1620  à  102'i,  que 
le  P.  MERSiiNNE'-',  parlant  de  son  jeu,  l'exalte  dans  le»' 
termes  suivants  : 

«  Personne  en  France  n'égale  Maugars,  homme 
très  habile  dans  cet  art;  il  n'y  a  rien  dans  j'harmoni* 
qu'il  ne  sache  expiimer  avec  pei'fectioo... 

«Il  exécute  seul  et  à  la  fois  deux,  trois  ou  plusieurs 
parties  sur  labasse  de  viole,  avec  tantd'orneiiients  et 
une  prestesse  d.-  doigts  qu'on  n'avait  jam.iis  rien 
entendu  de  pareil  auparavant  par  ceux  qui  jouaient 
de  la  viole.  » 

Mm'gabs,  comprenant  qu'il  y  avait  mieux  à  faire 
que  de  la  mélodie  avec  un  inslrunient  monté  de  six 
cordes,  et  prenant  modèle  sur  le  jeu  des  plus  habiles 
luthistes,  fut  un  des  premiers  violisles  combinant  en 
Irancesin-  la  viole  la  mélodie  et  l'accompagnement, 
au  grand  étonnement  des  Italiens  (1639),  surpris 
qu'un  Françai.s  li'it  capable  de  n  traiter  et  diversitier 
un  sujet  à  l'impioviste  sur  la  viole,  »  comme  Fbes- 
coiiALDi  sur  l'orgue  ou  le  clavecin. 

Quelques  dignes  émules  de  iVIauoabs,  en  France, 
le  P,  André,  Hottma.nn  (16.  .-1663),  Saintk-Colomue 
(«6:iO-1690);  en  Allemagne,  J.-F.  Aiile(1625-1673),  D. 


0.   tlAiti^LAis,  Garcjivttuu,  livre  I,  eliap.  XMjj. 

7.   SrvFhunD,  Histoire  de  la  Musique,  (8.11).  Trad,  Firui,  pig«  283. 
.s.  Voir  dans  la  Bibliographie  la  liste  cbroni/lugi(|n«,  inalheureuse- 
nienl  bien  incomplète,  des  priocii^aui  traités  de  vjole. 
'.K  Mershn^f.,  Lib.  I  De  Instr.  iiaruxun.,  yivoyt.  3n  (|(i27). 


!766 


ENCVCLOPÉD/E  DE  LA  MUS/QUE  ET  D/CTfoy.VAIRE  DU  COXSERVATOIRE 


KuNCR(16.'iO-1690),  prépaièrentla  génération  suivante 
des  Jean  Uousseau  (1687),  Danoville  (1687),  Uemachy 
(1685)',  Marin  Marais  (1656-1728),  Korqueray  (1670- 
174o),Caix  d'Hervelois  (1670-1759),  qui  ont  laissé,  sous 
des  formes  diverses,  les  plus  éclatants  témoignages 
de  leur  talent^  à  l'Iieure  où  les  Anglais  abandon- 
naient généralement  aux  luthiers  français  la  cons- 
(ruclion  des  violes  ;  citons  parmi  ces  derniers  Médard 
(1701),  Baton  (1710),  C.  Pierray  (17121,  Barrey  (1717), 
N.  Bertrand  (1720),  Diellafait,  Veron  (1723),  Boivin, 
MiRAicouRT,  Nézot  (1750),  Salomon,  Kleuby  (1760), 
Delalnay  (1773). 

Si  la  lullierie  allemande,  dans  laquelle  nous  englo- 
bons celle  de  Bavière,  Autriche  et  Tyrol,  nous  a  laissé 
de  nombreuses  violes  constiuites  de  loOO  à  180U,  du 
moins,  les  successeurs  d'AvATi  et  Gasparo  da  Salo  en 
Italie  se  sont  tout  particulièrement  appliqués,  depuis 
1600,  à  la  lutherie  du  quatuor  moderne^. 

Nous  n'en  devons  pas  moins  retenir  le  nom  Tiii- 
fenbrCcker  ou  UuirFOPiioucART  (1314-1570),  qui,  né  en 
1314  à  Freising,  près  de  Munich,  apprit  à  Bologne 
et  à  Venise  les  secrets  de  la  lutherie  italienne*,  avant 
de  venirs'élablirà  Lyon,  où  il  se  fit  naturaliser  Tran- 
çais  en  1358.  On  connaît  de  lui  trois  basses  de  viole 
de  toute  beauté,  dont  la  plus  remarquable,  dite  n  au 
plan  de  la  ville  de  Paris  n,  fait  partie,  sous  le  n"  1427, 
du  musée  du  Conservatoire  Royal  de  Bruxelles.  A 
Brescia,  nous  retrouvons  Pblegrino  (134?)  et  Gas- 
PABo  da  Salo  dont  nous  avons  connu  en  Trance 
de  splendides  spécimens,  et,  plus  norahreux  encore 
seraienl-ils,  si  nombre  de  violes  italiennes  navaieiit 
été  par  des  mains  impies  rognées,  recoupées  et  trans- 
formées en  violoncelles  et  allos  pour  des  musiciens 
fort  peu  soucieiu  de  la  conservation  des  merveilles 
du  \\i'  siècle. 

Parmi  les  plus  beaux  spécimens  échappés  à  ces 
mutilations,  le  musée  du  Conservatoire  de  Paris 
peut  exposer  avec  quelque  orgueil  une  contrabassa 
da  viola  de  Gasparo  da  Salo,  n°  197,  datée  de  1580, 
puis,  sous  le  n"  170,  une  basse  de  viole  il347i  de  Pelr- 
GRiNo  Zanetto,  dont  les  instruments  sont  aujourd'hui 
rarissimes.  Cette  basse  est  en  toutsemblableà  la  viole 
que  le  Dominiquin  met  aux  mains  de  sainte  Cécile 
dans  son  célèbre  tableau.  Knfin,  le  même  musée  pré- 
sente, sous  le  n"  169,  une  petite  basse  de  viole  très 
intéressante  de  Gasparo  da  Salo,  spécimen  de  celle 
basse  de  viole  que  le  père  Mersenne  appelle  Barbilos 
major'".  Ces  deux  derniers  numéros  proviennent  de  la 
collection  du  docteur  Fau,  qui  déjà  avait  rassemblé 
nombre  d'instruments  de  musique  remarquables, 
quand,  au  cours  d'un  voyage  à  Venise  (1869),  il  eut 
la  bonne  fortune  d'entrer  en  relations  avec  le  comte 
Pietro  Correr  qui  lui  permit  d'examiner  dans  les 
combles  de  son  palais  les  instrumenls  que  ses  ancê- 
tres y  avaient  relégués".  En  dépit  de  la  poussière 
séculaire  qui  les  couvrait  le  savant  colleclionneur 
reconnut  bien  vite  qu'il  avait  sous  les  yeux  des  tré- 


1.  Les  compnsilijns  lie  Deiiaceiv  sonl  Irès  problablenient  les  plus 
anciennes  œuvres  qui  furent  gravées  eu  France  (1685)  poiu-  la  viole 
à  sept  cordes,  liibl.  .Nal.  V,,,'  6iM. 

2.  Les  (leui  niles  île  Saixie-Colombe,  les  qu.ilre  fils  de  M.  Mahais, 
les  nis  de  FoaouEiiAY,  les  llls  el  filles  de  Caix  d'Hervelots  paraissent 
avoir  Hé  les  dignes  élèves  de  leur  père,  suns  s'èlre  élevés  ii  pareille 
réputation  a  l'heure  du  ch.int  du  cjgne  des  violes  :  Robnd  Uaciais 
l'ut  le  second  (ils  de  Marais. 

3.  Nous  en  pourrions  citer  une  quarantaine  tiês  dignes  d'estime. 

4.  Uocteur  Coetagm:,  Ifuiffoproncart,  p:ige  'i~ . 

5.  MiinsK>>E.  Barmonicorum...,  livre  I,  p.  4î, 

6.  Nous  empruntons  ces  détails  intéressants  â  la  btographii?  du  doc- 
teur Fau  donnée  dans  le  supplément  de  la  Biographie  universelle  des 
musiciens  de  Fêtis. 


sors  artistiques  les  plus  rares,  pièces  provenant  de 
la  succession  des  Contariiii,  et,  se  rappelant  que 
Simon  Coiitarini  (lo63-16:î3)  s'élait  fait  accompagner 
dans  ses  diverses  ambassades  pat-  des  musiciens  dis- 
tingués, il  devenait  évident  à  ses  yeux  que  ces  ma- 
giiiliqufs  instruments  de  musique  avaient  servi  aux 
virluoses  de  la  chambre  de  l'ambassadeur.  Le  doc- 
leur  Fau  fut  heureux  de  pouvoir  acquérir  une  quin- 
zaine de  pièces  historiques  retrouvées  et  choisies  par 
ses  soins  dans  les  combles  du  palais  Correr  :  le  n°  169 
de  Gaspabo  da  Salo  était  au  nombre  de  ces  pièces. 

I.'arrlipt. 

Du  crouth  à  la  viole  de  Gaspard  DA  Salo,  puis,  dans 
la  suite,  l'archet  primitivement  constitué  d'un  léger 
roseau,  courbé  en  arc  par  une  mèche  de  crins  gros- 
sièrement attachée  aux  deux  extrémités,  s'est  peu  à 
peu  perfectionné  :  une  hausse  fixe,  écartant  de  toute 
son  épaisseur  les  crins  de  la  baguetle,  réduit  d'a- 
hord  la  convexité  de  l'arc,  qui  devient  rectiligne  au 
xviii'  siècle,  alors  que  l'adjonction  d'une  lèle  permel, 
avec  le  concours  de  la  hausse  fixe,  de  tendre  les 
crins  parallèlement  à  la  baguette,  tension  d'abord 
lixe,  puis  graduée  au  moyen  d'une  crémaillère,  jus- 
qu'au rcmplaoenient  de  cette  crémaillère  par  la  vis  à 
écrou  qui  permel  d'avancer  et  reculer  la  hausse  pour 
leiidre  le  crin  ad  lihitum  à  l'aide  du  bouton  placé 
h  l'estrémité  de  la  baguiMIe".  Au  xvi"  siècle,  la  ba- 


Fi...  '.i3  1.  —  Archet  de  Tiole  (xt<^). 


Fiii.  C'3i.  —  Aicliel  de  viole  [xni'). 


Fio.  935.  —  Arehcl  de  croulh. 


Fit;.  i)3G.  —  .Archet  de  ravanastron. 

guette  se  redresse  peu  à  peu,  comme  nous  le  montre 
FÉns,  ci-dessus*,  -\joutons  ce  que  le  dessin  n'ex- 
ptimerait  que  difficilement:  la  baguette  est  générale- 
ment cannelée,  mais  les  mèches  et  les  hausses  fixes 
sont  très  étroites.  .Nous  empruntons  ici  à  Fétis  ce 
qu'il  avait  emprunté  lui-même  à  Mkbsen.ne,  Kiii- 
CHEH,  etc. 

Du  xvii"  siècle,  le  musée  du  Conservatoire  de  Paris 
expose,  sous  les  ii°  148  et  183,  des  archets  de  viole  à 
crémaillère,  de  1680  environ,  considérés  fort  justement 
comme  des  pièces  rarissimes.  Le  musée  de  Bruxelles 
en  possède  quelques-uns,  n"*  1449,  1460,  1461. 

Enfin  vint  Tourte  (le  père  du  célèbre  François, 
1747-1833)  qui,  faliricant  d'archets  lui-même,  en  per- 
leclionna  la  tête  au  moyen  d'entailles  prolondes  per- 
mettant de  fixer  la  mèche  d'une  manière  plus  solide 
et  d'étaler  les  crins  avec  plus  d'égalité;  on  lui  a 
souvent  attribué  le  remplacement  de  la  crémaillère 
par  la  vis  à  écrou;  cependant,  M.vrais  (1656-1728), 
dans  son  portrait  fait  par  Bouys  en  1704,  lient  en 
main  un  archet  de  viole  dont  le  bouton  est  parfai- 
tement visible,  et  rien  ne  prouve  que  le  père  Tourte  fut 

7.  ToEBFCQUE,  Art  du  Luthier,  page  259. 

8.  Ff.Tis,  .1.  Stradivari,  page  110. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LES  VIOLES    17r,7 


déjà  né  ;ï  cette  date,  encore  moins  arclietier!  Tout 
ceci  peut  paraître  aujourd'hui  parfaiterneiil  simple, 
mais  cependant,  quelle  double  révolution  dans  la 
fabrication  de  l'ancien  archet  convexe  devenant  légé- 


N?l.-Mersenne,  1620. 


N9  2.-Kfrcher,  1640. 


N?  3.-CaslrGvillari  ,  1660. 


N94.- Bassani,  IG80.     . 


N9  5.-CorelIi,  1700. 


N9G.-Tartini,  174-0. 


N97.-Cramer,  1770. 


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N38.- ViOttI,  1790 


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Kiii.  OS".  —  Évolulion  de  l'arcliet. 

rement  concave,  et  dans  la  technique  des  instruments 
à  cordes,  à  l'heure  où  l'exécutant  trouva  dans  les  qua- 
lités de  la  baguette,  dans  la  tension  facultative  des 
crins,  des  ressources  inconnues  des  violistes  et  vio- 
lonistes du  xvi«  siècle  1 

Jusqu'en  177.Ï,  ni  la  longueur  des  archets,  ni  leur 
poids,  ni  leur  condition  d'équilibre  dans  la  main 
n'avaient  été  déterminés.  Eclairé  par  les  conseils  des 
artistes  célèbres  dont  il  était  entouré,  Toudte  jeune 
fixa  la  longueur  de  la  baguette  (0,7o,  0,74,  0,72  ou 
0,73  pour  le  violen,  l'alto  et  la  basse);  dans  ces  ar- 
chets, dont  la  tète  plus  élevée  devenait  plus  lourde 
qu'autrefois.  Tourte  fut  obligé  d'augmenter  d'une 
manière  sensible  le  poids  de  l'autre  extrémité,  alln 
de  rapprocher  de  la  main  le  centre  de  gravité  et  de 
metlie  l'archelen  parfait  équilibre,  le  centre  de  gra- 
vité demeurant  à  19  centimètres  de  la  hausse,  pour  le 
violon,  et  à  17,r)0  pour  le  violoncelle... 

Nous  avons  écrit  I'ouhtf.  «  jeune  »,  parce  que  le 
frère  aîné  de  François  fut  également  archetier;  mais 
ses  baguettes  étaient  trop  minces  (donc  très  légères), 
avec  des  hausses  si  étroites  que  les  crins  se  rappro- 
chaient d'une  manière  fâcheuse,  dès  qu'on  en  ten- 
dait la  mèche. 

ViOTTi,  de  passage  à  Paris,  vers  178.3,  avait  de- 
mandé à  François  Tolrte  d'étudier  le  moyen  d'em- 
pêcher ce  rapprochement  des  crins  si  nuisible  à 
une  belle  sonorité.  Tourte  avait  trouvé  la  solulion 
du  problème  dans  la  virole  qui  maintient  le  crin  en 
mèche  plate  sous  la  lame  de  nacre,  et  ainsi,  l'archet 
à  recouvrement  arrivait,  à  la  fin  du  xviii«  siècle,  à  un 
état  de  perfection  qui  ne  fut  jamais  dépassé  depuis 
lors'. 


Les  violes  et  le  violon. 

Nous  avons  précédemment  signalé  que  la  renais- 
sance musicale  anglaise  fut  à  son  apogée  vers  le 
milieu  du  xvn"  siècle;  en  effet,  le  violon,  dont  les 
premiers  virtuoses  Baltazarini  (1577),  F.\niN\  (1630), 
MERUL.i  (1643)  avaient  assuré  le  succès  en  Italie  et' 
la  réputation  au  delà  des  Alpes,  avait  été  honoré  de 
la  royale  bienveillance  de  Louis  XIII  en  la  personne  de 
BocAN  (1S80-1640),  violoniste  de  la  chambre  de  Char- 
les I,  r  )i  d'Angleterre,  et  de  la  reine  d'Angleterre 
Henriette  (de  France)  (160o-1600l,  puis  de  Louis  XfV, 
le  grand  protecteur  de  Lulli  et  de  son  école. 

La  ménestrandie  demeurait  naturellement  jalouse 
du  brillant  avenir  qui  se  préparait  pour  le  nouveau 
venu,  ce  violon  déjà  surnommé  vacarmini  par  ses 
détracteurs,  d'autant  que,  sélectionnés  et  consa- 
crés par  la  ménestrandie,  depuis  longtemps  attachés 
aux  chambres  royales  ou  princières,  les  violistes 
constituaient  parmi  les  musiciens  une  manière  d'a- 
ristocratie, le  clan  des  instruments  nobles,  alors  que 
d'autre  part  Charles  IV,  empereur  d'Allemagne,  avait 
accordé  à  ses  musiciens  le  blason  et  le  privilège  de 
l'élection  de  leur  roi  :  Rf'xonorium  His^trionum  (d'après 
Weckerlin,  Ulusiciana,  1899,  p.  131). 

Philibert,  dit  Jaudede  Fer,  dans  l'Eftitomemimcal 
de  1556,  définissait  déjà  rwlex  n  celles  desquelles  gen- 
tilshommes, marchands  et  autres  gens  de  vertu  pas- 
sent leur  temps»,  le  t'f'o/onélant l'instrument  "  duquel 
on-  use  en  dancerie  communément  et  abonne  cause, 
car  il  est  plus  facile  à  accorder,  la  quinte  étant  plus 
douce  à  ouïr  que  la  quarte;  il  est  aussi  plus  facile  à 
porter,  qui  est  chose  fort  nécessaire  en  conduisant 
quelque  noce  ou  momerie  »  {momerie,  d'origine  ger- 
manique, signifiant  mascarade.) 

Aussi,  les  musiciens  de  France  ne  se  recrutaient 
pas  dans  le  même  monde  que  les  violinisti,  et  leur 
culture  intellectuelle  et  artistique  demeurait  géné- 
ralement supérieure  à  celle  de  leurs  frères  latins. 
Presque  toujours  compositeurs  encore  plus  qu'exé- 
culants,  les  violistes  tenaient  en  piètre  estime  ces 
violinisti  coureurs  de  danceries,  ignorants  des  bonnes 
règles,  et  refusaient  toute  noblesse  à  ces  instru- 
mentistes non  contrôlés,  dontl'importance  aux  mas- 
carades etau.x  ballets  augmentait  cependant  chaque 
jour. 

Saint-Evremond,  dans  sa  Comédie  des  Acadi'mistes 
(1630),  signalait  encore  l'inférioiité  de  la  position 
sociale  des  violonistes,  mais  celle-ci  disparut  au 
xviii"  siècle;  de  nos  jours,  Combarieu,  traitant  des 
images  musicales  dans  Musique,  ses  lois,  son  évolu- 
tion, prête  à  Mozart  l'intention  d'avoir  voulu  pein- 
dre musicalement  les  différences  sociales  : 

"  Dans  la  scène  du  bal  de  Bon  Juan,  Mozart  veut- 
il  traduire  le  contraste  formé  par  des  personnes  très 
dilTérenles...  grands  seigneurs  et  manants...  qui  se 
trouvent  rapprochées?  Il  superpose,  pour  les  faire 
entendre  simultanémeni,  une  valse  (associée  par  l'au- 
diteur à  l'idée  des  gens  et  choses  populaires)  et  un 
menuet  (associé  à  l'idée  d'une  vie  aristocratique!).  » 

11  faut  bien  reconnaître  que  les  violons,  assez  peu 
considérés  à  l'origine,  étaient  tenus  à  l'écart  par  les 
luthistes,  clavecinistes,  organistes,  maîtres  de  cha- 
pelle ou  des  musiques  princières;  mais  il  n'en  allait 
pas  de  même  pour  les  plus  éminents  violonistes,  qui 

1.  Voir  dans  F^.tis,  Ant.Stradirari,  p.  113,  les  (lét.iils  de  fabrication 
ilr  l'archet  ;  ajoutons  que  les  arcliets  originaux  de  ToctixE  ne  sont  jamais 
signés  ;  nous  n'en  dirons  pas  autant  des  imititions!  ' 


17fis 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOlliE 


surent  trouver  d;ins  l'eslime  de  leurs  contemporains 
iinf  place  semblalilc  à  celle  des  autres  j^rands  vii- 
tuoses  (H.  QriTTAUD,  Enri/rJopédie,  I,  p.  12:14),  et  c'est 
précisément  riiitlueiice  de  ces  éminents  violonistes, 
(eut  à  fait  élraii£;ers  aux  danceries  et  mascarades, 
que  voulait  combattre  l'école  violiste,  liien  obligée 
de  reconnaître,  in  petto,  l'éclat  des  sonorités  du  vio- 
lon, nouveau  venu  comparé  à  l'ancienne  et  «  mur- 
murante viole  de  frêle  beauté  »,  selon  l'expression 
de  Mattheson  (lOSl-1704). 

liien  en  avance  sur  l'école  française  du  violon, 
Fo--<TANA  (1  G)  :i|,  tout  particulièrement  C.  Farina  (1627) 
et  ViTALi  (1644-1602)  en  Italie,  Baltzah  (16:?0-I063), 
Kelz  (16j8),  STRUNCK(16'tO-1700),  le  célèbre  Walther, 
trop  peu  connu  {1650-17. .),  et  Bibrr  (1644-171+)  en 
Allemagne,  avaient  déjà  résolu  les  plus  ■jrandes  dif- 
ficultés de  la  teclinique  du  simple  violon  à  quatre 
cordes  (car  les  plus  habiles  artistes  du  xix"^  siècle 
n'ont  pas  poussé  plus  loin  que  ces  derniers  l'exécu- 
tiott  de  la  double  corde);  les  extraordinaires  pro- 
ductions de  l'école  du  violon  s'affirmanl  mieux  tous 
lei  jours  provoquèrent  une  réaction  d'abord  sensible 
de  l'école  des  violistes,  qui  se  manifeste  très  nette- 
ment par  la  floraison  des  traités,  métliodes  et  com- 
positions que  nous  signalons  aussi  bien  en  An^'le- 
terre  qu'en  France,  par  l'invention  des  cordes  filées 
de  Sainte-Golomi:e  (1675)  et  autres  recherches  de 
lutherie  poui' augmenter  la  sonorité  des  violes  dont 
nous  parlerons  plus  loin  (cordes  métalliques,  cordes 
sympathiques,  etc.);  en  outre,  si  Mait-ars  fut  de  la 
génération  de  G.  Farina,  Sainte-Colomre  fut  le  con- 


temporain des  Baltzar  et  Bireu,  comme  Marais, 
Danoville  et  Rousseau  furent  de  la  ^iéuéialion  du 
célèbre  Walther,  l'anteurde  l'extraordinaire  Ihrtulus 
Clielicus  édité  à  Mavcnce  en  1688. 


La  technique. 


Los  violistes. 


La  technique  des  violes  du  xvi'^  siècle  succédatjit 
aux  vièles  d'archel  fut  lout  d'abord  fort  simple;  le 
violiste,  restant  à  la  première  position  avecles  doigts 
guidés  par  les  Ions  chromatiques  de  la  touche 
divisée,  parcourait  sur  la  viole  à  six  cordes  deux 
octaves  et  demie  et  sonnait  l'unisson  des  parties  des 
chanteurs  :  soit  sur  le  violone  et  la  viola  de  gamba, 
celle  des  basses  et  barytons,  sur  la  taille  ou  le  ténor 
de  viole,  celle  des  ténors,  sur  le  hautcontrc  ou  dessus 
de  viole,  celle  des  enfants. 

Il  n'en  fallait  pas  davanlage  pour  soutenir  les 
chants  à  deux,  trois  ou  quatre  piiilies', chants  de  fête 
et  d'allégresse  ou  chants  d'église;  de  ceux-ci,  d'ail- 
leurs, les  voix  féminines,  exclues  en  principe,  étaient 
remplacéespar  celle  des  enfants-;  aux  violes  s'a<ljoi- 
gnait  fréquemment,  en  .Angleterre,  le  lulli  dont  nous 
pouvons  citer  les  plus  anciens  auteurs  :  1.  Dowland 
Ho6:i-1626),  Lamentations  (1599),  Psaiimef.  de  David 
(  16001  ;  Lac/(n/m<T  (1612),  Th.  Campion,  Ayrex  {\W0), 
Th.  MoRLEV,  RossETER,  Bartlett,  CorKRAR  10,  Th.  Ford, 
('.(iRKiiN'E,  qui  ont  donné  de  1600  à  1610  des  Ayri-s  to 
sinçi  and  play  to  thc  Ivte  and  wo/s;  Byrd  (1337-1623), 
Psaumes  et  chants  avec  violer  à  3,  4  et  S  parties 
(1611),  etc. 


Extrait  des  Fantasirs  nf  three  parts  for  viols  composed  by  (>.  Gibbons,  1612. 


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>..  A  dessein,  nous  excluons  ici  1«  terme  «  actompagneineot  »,  qui  a 
de  iîos  jours  un  sen^  \^\\is  étendu. 

-,  i>(fs  dtaiittwâ  ont  toujours  rempli  dans  l'cfi^Ii&i?  un  vèritablo  of(i<'c 
liturgique.  Les  fc,*mrnefi,-/'I;ititiin'apnble8  dt^  cetol'llccn  n«pouTaionl  ôlrc 


U'ItiiisuA  iiflùrc  pnrlie  du  cU<('ur  un  do  la  clutpelk*  uKisic-idi*  à  Utfitâttx^  ■ 
les  oulaiils  devaient  fouriiii"  les  von  ai^iuît»  dc.s  .'ioproiii  <;L  roiUralU,( 
coinmo  le  rap[»L'1;iit  encori'  le  pupe  Pic  X  dîiiis  lo  cliu]).  V  du  Molu  , 
pvoprio  du  "Jli  noNCinlire  1903  sur  lu  musique  sacrOc. 


TECUMQVE,  ESTHÈTIOVE  ET  PÉDAGOGIE 


LES    VIOLES     17G9 


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Si  nous  connaissons  à  peine  quelques  œuvres  fran- 
çaises ou  italiennes  du  même  iîotue,  du  moins  pou- 
vons-nous citer  ici  la  plus  ancienne  estampe  de  la 
liibliotlièque  nationale  de  Paris  où  se  trouvent  réunis 
tiois  types  de  violes  en  une  Escole  de  Musifjuc, 
l.ïSk  (Cote  =  Pd.  30  rés.  9  f".) 

11  semblerait  qu'au  passage  de  lareine  de  France, 
Louise  de  Lorraine  (ISSS-ieOI),  femme  de  Henri  III 
allant  du  Louvre  au  faubourg;  Saint-Marceau  pour 
poseï-  la  première  pierre  de  la  nouvelle  maison,  dite 
Maison  Chrétienne,  en  1581,  quelque  motet  liU 
chante  en  son  honneur,  accompagné  de  violes  à  cinq 
cordes,  de  trois  formats  différents,  violes  à  quatre 
coins.  Si  le  joueur  de  contrabassa  da  viola  parait 
tenir  l'archet  comme  le  violoncelliste  moderne,  tout 
au  contraire,  les  violistes,  qui  ont  un  genou  en  terre, 
jouent  des  violes  plus  petites  en  tenant  l'archet  en 
dessous. 

D'ailleurs,  les  fantaisies  anglaises  d'Orlando  Gibbons 
furent  écrites  en  16i2  pour  trois  types  de  violes  (à 
six  cordes)  appelées  en  anglais  : 

1°  Treble  vvd,  correspondant  au  dessus  de  viole, 
)'t'_„  soli,  doj,  mij,  la,.,  ré,. 

2°  Ténor  viol,  correspondant  à  notre  taille  ou  te»ûr 


de  viole, soif,  dn.^,  fa 


soin 


3°  Consort  viol  ou  Viola  da  gamba  hass,  corres- 
pondant à  notre  viole  de  (jambe,  n\,  sol,.  dO-,,  mi-^, 
la,,  ré^. 

La  chanterelle  du  treble  viol  donnait  le  ré;  ;  le 
violon  donne  le  m!,,  c'est  bien  dire  que  le  violon  à 


cinq  cordes  de  Woldkmak  n'était  qu'une  imitation 
du  treble  viid  isans  en  avoir  dans  l'«^,  le  grave  du 
/■('j),  et  qu'il  n'était  nullement  besoin  du  violon  pour 
augmenter  l'étendue  de  la  viole  dans  l'aigu. 

Nous  pouvons  indiquer  ici  la  moyenne  des  mesures 
que  nous  avons  relevées  sur  de  nombreuses  violes  des 
grands  musées  : 

La  contrebasse  de  viole  avait  1.9o  de  hauteur,  la 
viole  de  ganibe  1.26,  la  taille  ou  ténor  de  viole  0.97, 
le  dessus  de  viole  (I.7S,  le  par'dessus  de  viole  à  si.x 
cordi's  (dont  nous  parlerons  plus  loin)  0.(1-. 

Uuand  lîiiur.KiiAT  l'ait  exécuter  un  niolet  devant  le 
roi  Louis  XIII  en  16.'IIJ,  nous  trouvons  encore  trois 
modèles  de  violes  au\  mains  de  la  maîtrise',  et  J. 
RorssKAU  nous  conlirniera  tout  autant  que  Danovillk 
qu'au  XVII»  siècle  : 

1"  Le  pardessus  de  viole  n'était  pas  encore  pra- 
tiqué ; 

2"  Toutes  les  violes  se  tenaient  dans  la  position  du 
violoncelle  moderne. 

J.  UoL'ssEAi;  consacre,  en  effet,  au  chapitre  'VI  de 
son  Traité  de  la  viole,  les  termes  suivants  au  dessus 
de  viole-  : 

Il  Le  dessus  de  viole  renferme  dans  sa  petitesse  la 
mesnie  étendue  que  la  basse  de  viole,  à  la  réserve  de 
la  7'  corde;  son  accord  est  le  même  que  celui  de  la 
basse,  et  la  seule  diflérence  qu'il  y  a  entre  ces  deu.K 


1,  'tableau  n'':{17  du  musée  de  Troyes  (lii3 

2.  KocssF.Ac.  Traitv  de  lu  V'/o/e>  page  71. 


,  auleur  inconnu. 


1770 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSEBVATOIIŒ 


instruments  est  l'élévalion  du  son,  parce  que  le  dessus 
s'accorde  une  octave  plus  haut  que  la  basse  de  viole. 

c<  La  manière  de  le  tenir  entre  les  deux  genoux  et  la 
manière  de  porter  la  main  est  comme  celle  de  la 
basse... 

«  Le  jeu  de  la  mélodie  est  son  propre  caractère, 


c'est  pourquoi  ceux  qui  veulent  parvenir  à  bien  jouer 
de  cet  instrument  doivent  s'attacher  à  la  délicatesse 
du  chant  pour  imiter  tout  ce  qu'une  belle  voix  peut 
faire  avec  tous  les  charmes  de  l'art,  comme  le  fai- 
sait M.  Le  Camus,  qui  excellait  à  un  point  dans  le  jeu 
du  dessus  de  viole  que  le  seul  souvenir  de  la  beauté 


Fi«.  938.  —  Concert  do  violes,  accompagnant  des  chanteurs.  (D'après  un  tahleau  du  musée  de  Troyes,  1636.) 


et  de  la  lendresse  de  son  exécution  efface  tout  ce  que 
l'on  a  entendu  jusqu'à  présent  sur  cet  instrument.  » 

Danoville  n'est  pas  moins  affirmatif  : 

«  On  met  le  dessus  de  viole  sur  les  genouils,  le 
laissant  un  peu  couler  afin  de  le  mieux  serrei  :  le 
manche  doit  eslre  écarté  de  l'estomac  penchant  un 
peu  sur  la  gauche,  d'une  distance  toujours  propor- 
tionnée à  sa  petitesse. 

«  Basse  et  dessus  doivent  être  montés  de  cordes 
iléliées,  car  on  ne  trouvera  rien  qui  choque  davan- 
tage Toreille  que  d'entendre  une  basse  de  viole  mon- 
tée de  grosses  cordes  plus  propres  à  jouer  des  séré- 
nades et  au  bal  que  dans  des  concerts  de  ruelle.  Ces 
principes  doivent  servir  aussi  bien  pour  le  dessus  de 
viole  que  pour  la  basse.  » 

Ces  «  maîtres  de  musique  et  de  viole  »,  comme  ils 
s'appelaient  eux  mêmes,  résumaientdans  leurs  trai- 
tés l'esprit  et  l'enseignement  des  violes  du  xvne  siè- 
cle. La  technique  élémentaire  du  xvi«  siècle  avait 
singulièrement  progressé  à  l'époque  où  Maugars  sur- 
prenait les  Italiens  par  sa  science  et  sa  virtuosité 
(1639). 

Après  avoir  enseigné  le  «  jeu  des  pièces  de  mélo- 
die »,  puis  t(  d'accompagnement  »,  Housseaii  consa- 
cre le  chapitre  V  au  jeu  »  qu'on  appelletravailler  sur 
un  sujet  »,  ce  jeu  même  qui  avait  fait  la  réputation 
de  Maugars^.  »  Ce  jeu  de  travailler  sur  un  sujet  est 
très  peu  en  usage,  à  cause  qu'il  est  très  diflicile  et 
qu'il  n'y  a  que  les  hommes  rares  qui  le  pratiquent, 
comme  ont  fait  M.  Maugars  et  le  Père  André,  de 
l'ordre  des  Bénédictins,  dont  nous  avons  parlé,  et 
comme  le  font  encore  à  présent  les  maîtres  extraor- 
dinaires. 

«  Ce  jeu  demande  plus  de  science  et  d'esprit  et 
plus  d'exécution  que  tous  les  autres;  il  consiste  en 
cinq  ou  six  notes  que  l'on  donne  sur-le-champ  à 
un  homme,  et  sur  ce  peu  de  notes,  comme  sur  un 
canevast,  cet  homme  tiavaille,remplissant  son  sujet 
d'accords  en  une  infinité  de  manières  et  allant  de 
diminution  en  diminution;  tantôt  en  y  faisant  trou- 
ver des  airs  fort  tendres  et  mille  autres  diversilez 


1.  Daxùville.   LWrt  de  toucher  te  drssus  et  la  basse  de  viotlt', 
page  13. 

2.  J.  Rousseau.  Traité  de  ta  Viole,  page  Tu. 


que  son  jeu  lu\'  fournit,  et  cela  sans  avoir  rien  pré- 
médité, et  jusqu'à  ce  qu'il  ait  épuisé  tout  ce  qu'on 
peut  faire  de  beau  et  de  sçavant  sur  le  sujet  qu'on 
lui  a  donné;  c'est  pourquoy,  pour  arriver  à  la  per- 
fection de  ce  jeu,  il  faut  sçavoir  parfaitement  la 
composition,  avoir  un  génie-  extraordinaire,  une 
grande  vivacité  et  présence  d'esprit,  une  grande 
exécution  et  posséder  le  manclie  de  la  viole  en  pei- 
lection.  » 

Nous  ne  pouvons  mieux  comparer  cet  ancien  jeu 
qu'aux  improvisations  de  l'organiste  moderne,  car 
les  plus  brillants  archets  du  xx«  siècle  seraient  cer- 
tainement fort  embarrassés,  soit  pour  «  travailler 
sur  un  sujet  »,  soit  pour  réaliser  «  à  l'ouverture  du 
livre  »,  selon  la  vieille  formule,  les  accompagne- 
ments de  basse  continue  des  sonates  de  Corelli, 
Geminiam,  Tartini,  Leclair,  etc.,  accompagnements 
si  recommandés  parSAizAv^! 

On  a  quelque  peine  à  juger  aujourd'hui  de  l'im- 
portance de  la  littérature  de  la  viole,  dont  nous 
signalerons  plus  loin  les  éléments  intéressants. 
Mais,  d'abord,  nous  voulons  dresser  une  manière 
d'arbre  généalogique  des  maîtres  de  musique  et  de 
viole  qui  forment  à  peu  près  sept  générations  de 
ISOO  à  1780. 


JlTORNKUMG 14.  .-152G 

Léonard  db  Vinci  ' 1 152-1510 

H 

Gakassi' 1502-15.. 

Gbbvaise  ' 1507-15.. 

Veronesi-:' 152S-15SS 

l.IC  TlNTORKT  " 1512-150-i 


:t.  E.  Sauzay.  Le  Violon  /harmonique,  Paris,  1880,  page  17;ï. 

■i.  L.  DE  Vinci  aurait  perCeetioiiné,  dil-on,  la  lourlu  de  la  viole 
(le  fT-imbc. 

o.  Ganassi  a  donn^'  une  méthode  en  1;)42. 

G.  Le  livre  de  «  violie  >,  de  A.  Geiivaise  dale  de  l.'ii?  à  lj5i>. 

7.  Peintres  eélt'bres  figurant  dans  les  Xoces  de  Cana  (1562)  de 
P.  Véronôse. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDACOCIE 


LES    VIOLES    1771 


III 


CoPKRAHio' ir,..-I627 

Zampieui  ■-■ ir,8l-10il 

Cl.   M...NTi;vi.uu.i Ir>()7-I643 

l'iAZ/.A ir)il0-16i. 

D.  Tkniebs 1582-16411 

Machaks 160U-16"iO 

l.ouis  Coiu'hrin' 1626-1061 

IIOTT.MAN» 1...-1663 


IV 


SixirsosS .  161 1-1670 

J.  Jenkins* 1592-I67S 

,1.  Ahi.k   1023-1673 

Bou.iîs 1 625- 1 G70 

PiAYKniiD' 1023-109;'. 

FONXK* 1636-1690 

Sainte-Coi.omiik'' 1630-1690 


FORQOEKAT    dit    FoncROY '" lOiO-.... 

Demachy 16.  .-1 . .  . 

i)anovili,e 16.. -i... 

Jean  KoussEAC" 160.-16.. 

A.  KiiiiNEi 1615-1700 

Henry  Playpmr» 1657-1720 

Marin  Marais 1650-I72S 

HACOrtABT 1619-1730 

.1.  Riemann'- 16.  .-17. . 

Les  filles  do  SAiNri:-Coi,oMi;;: -. .  .  . 

♦ 
VI 

FoRiinERAV  (Antniiie) 1 671-17  15 

CaiX  d'IlRRVELOIS 1670-1759 

Andrë  Piiilidok 1674-  1735 

Ch.  AbelI' 1692-1737 

.).-M.  KrElNEL 1675-1730 

KoSECz'» , 1000-1740 

Koland  Marais  et  ses  lïères 167S- 17. 

E.-Chr.  IIesse" 1676-1762 

VII 

Jcan-Bapl.-Ant.  FoRQrEKAY 1099-17.'i2 

Filles  de  Caix  d'IlERVEi.ois   1700-17.. 

Pierre  Puilidor J700-17.  . 

Telemanx 1681-17i;9 

De  liOTSMOETEKl-, 1691-1765 

BerteadIB  1700-1756 

Blaintili.e'" 1711-1769 

Hertel'*  (J.-C  ) 1699-1763 

I.  Très  aptdaiiili  vers  1600,  compositeur  et  in:utrc  de  viole  du 
prince  d->  (î.ill.-s. 

^.  Le  peintre  de  Sainte  Crcih  jouant  la  rioîe  de  Gambp. 

3.  Joueur  d';  dessus  de  viole  à  l:i  ehiimbre  de  Lonis  XIII  :  a  laissé 
quelques  ])ièrcs. 

4.  Citp  par  .MF.itsFN,\E(de  ïnat.  havmon.,  lih.  I,  prop.  30).  Fr.  Ttmi.NAN, 
p.  17,  quelquefois  écrit  Hactuan. 

5.  Méthode  de  viole,  lti59. 

0.  De  la  chambre  des  rois  Charles  !"'■  et  Charles  II  d'AnK'eterre; 
ses  œuvres  ont  été  imprimées  en  llJlJOJù  Anislerdam;  d'autres  (I(iti4) 
sout  en  ms.  a  Oxfurd. 

7.  Melhiide  de  16.Ï5. 

8.  Auteur  d'un  traité,  1670. 

H.  Inventeur  des  cordes  lilêes  et  de  la  septième  corde  pour  la 
gambe. 

10.  L'anc('tre  de  la  famille  célèbre. 

II.  Auteur  d'un  traité  (I  lis 7)  de  musique  et  de  viole  ;  élève  de  .^ainte- 
Coi.tnrsK. 

1  J.  A  publié  lies  suitfs  pour  ganibc  et  continuo. 

13.  De  la  rniir  de  C(Ptllen  (I71:j- 1737)  ;  J.-S.  Bach  parait  avoir 
composé  |iOur  Cil.  AhEi.  les  trois  suites  de  v.  de  g.   et  ela\iceiiibalo. 

14.  Ou  KosAÏz,  niailre  de  Beuteai-. 
1.5.    tlèvu  de  Mauais. 

16.  Behteau  passa  de  la  v.  de  gambe  au  violoncelle,  dont  il  parait 
avoir  ete  le  chef  d'école  en  France. 

17,  A  laissé  un  livre  de  sonates  pour  le  dessus  de  viole  avec  b,  c. 
I:]leve  do  II  es  se. 


.Si  ce  lubleau  met  eti  évidetn-e  une  école   Iraiiçaisc 
nombreuse  et  conlinue  : 


Gi-:rvaise. 


Maugars. 


!..     l'.OUl'EBIN. 


Saintk-Goi.oubr. 


IlKMACHY. 

I)AN0VI1.1,E, 

UllCSSEAD. 

Marais. 


An\.    FOBQCEBAY. 

Andri^  Philidob. 
Cai-K  d'Hkbvri.ois. 
Roland  Mabais. 


•J.-Iî.    FOBQCIRAY. 

Pierre  PHiiinoB. 
Filles  de  d'Hervrlois. 
Berteac. 


ilu  moins,  l'école  anglaise  passe  dans  l'ombre  après 
11.  PLAVFonD,  el,  seule  avec  l'école  allem.inde,  l'école 
l'rançaise  liiKera  encore  jusqu'en  1740  contre  l'inva- 
sion du  violon  '^  tant  par  les  méthodes  et  l'e.xécution 
que  par  les  compositions. 

Si  nous  ne  devons  jamais  rien  connaître  de  précis 
au  sujet  des  fantaisies  improvisées  de  Macgabs 
(1636)  et  de  J.  Kousskau  (1687),  a  travailler  sur  un 
sujet  »,  du  moins,  savons-nous  l'emploi  presque  cons- 
tant des  accords  réalisés  par  les  maîtres  de  la  viole  au 
moyend'tin  archet  l'roltant  sans  peine  trois  ou  quatre 
cordes  à  la  lois,  faisant  résonner  siniuitanément  la 
mélodie  el  l'accompagnement;  à  l'Iieitre  ot'i  l'école 
allemande  du  violon  (Walther,  I67()  et  1688,  niBEn, 
1676  et  1081)  réalisait  les  pins  grandes  difficultés  de 
la  technique  du  violon.  Marin  Mabais,  son  contem- 
porain, publiait  en  France  les  compositions  de  viole 
ïi  chargées  de  son  premier  livre  (IG8l'i),  qui,  de  1686 
à  1717,  alterneront  avec  d'autres  pièces  de  mélodie, 
alors  que  les  violistes  allemands  demeureront  à  peu 
près  ei^cUisivement  dans  l'écriture  de  mélodie. 

Comme  exemples  des  deii.x  genres,  nous  pouvons 
donner  ici  un  prélude  de  Kt  iinel  (1608)  et  la  première 
pièce  du  premier  livre  de  Marais  (1686)  : 

Kl  îiNEL,  Prélude  (16118)   : 


Prélude  g 
Solo    ^ 


^p^^m^m 


^â^^^^ 


fefi 


^m 


f  n    F 


N^VJJJ    ''\AlPï 


m 


m 


m — » 


e^ 


Mr 


^^Mà^ 


iO.  lli;iii:i.T  Lv.  Bianc,  Défense  de  la  liasse  de  WoV  contre  les  en- 
reprises  du   Vialon  et  les  prétentions  du  \  ioloncrl.  Amsterdam,  1740, 


1772 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Marin  Marais,  livre  I  (lOSG),  pièct;  I  ; 


f^^m^f^m 


Vu'Corde 


Aillant  il  était  donc  nécessaire,  dans  l'école  fran- 
çaise, de  yarriir  la  viole  d'un  clievalet  très  peu  con- 
vexe permettant  à  l'archet  de  trotter  simnltanéiiient 
plusieurs  cordes  et  d'avoir  une  touche  divisée  pour 
assurer  le  placement  des  doigts  en  accords  succes- 
sifs, autant  il  était  loisible  à  l'é- 
cole allemande  de  se  débarrasser 
lies  tons  de  la  touche  et  de  s'as- 
surer de  la  liberté  de  monter  aux 
(|ualrième  et  cinquième  positions 
avec  un  chevalet  plus  convexe, 
sans  avoir  à  craindre  que  l'appui 
(lu  doigt  sni'  la  corde  ne  mil 
l'archet  en  danger  d'efllenrer  les 
cordes  voisines. 

Généralement  écrite  en  clef  de 
/■(  quatrième  ligne,  et  en  ciel 
A'iit   troisième   ligne,  plus   rare- 


ment en  clef  de  aol,  deuxième  ligne',  la  musique  de 
viole  sonnait  telle  qu'elle  était  éciite  pour  la  gambe, 
une  octave  plus  haut  pour  le  dessus  de  viole  et  une 
octave  plus  bas  pour  la  contrebasse  de  viole,  avec  les- 
concordances  d'écriture  suivantes  : 


Chanterelle 


POSilTIONS 


;5< 


es. 

•D  ■ 
CL  ■ 
O 


2    •    3        4 


3  ;  * 

1 


vil! 


IV! 


La    .    Ré    '   Sol   '   I»» 

-XI     +1  ;      1 1      2 


si  b  I  mit»  I  la  Ir  1  ,ré^ 


SI      I  im 


la     1  .ré 


do     1  Va     1  si  I»  1  mi  Ir 


ré  l>  :  sol  t>  '  si     I  mi 


re     ;  sol     ;  do     ;    fa 

1 — I i — 


nii  l»  !  la  b  '  ré  b  •  sol  t 


mi 


la 


ré    '  sel 


Mi    I    La. 


fa 


sol  t» 


sol 


lab 


si  b 


SI 


sib 


SI 


do 


réb 


mi  b 


Tni 


Ré 

3 


mlb 


fa 


sol  b 


sol 


lab 


la 


p^oleSolo 


Mais  ce  n'est  pas  général,  et  le  qua- 
tuor anglais  des  violes  ne  s'écrit  pas  de 
celle  manière. 

Selon  la  tiblatnre  ci-contre,  dont  la 
demi-position  fut  souvent  appelée  posi- 
tion rccuUf,  chaque  doigt  de  la  main 
;;auche  correspondant  à  un  demi-ton, 
le  violiste  parcourait  trois  octaves  chro- 
matiques, du  /a,  au  la,  sans  changer  de 
position  avant  l.i  chanterelle,  avec  la 
viole  à  sept  cordes,  soit  deux  octaves 
et  une  tierce  avec  la  viole  à  six  cordes 
qui  sera  lonjours  la  plus  lépaudue,  le 
violiste  ayant  lonjours  la  faculté  d'uti- 
liser les  quatrième  et  cinquième  posi- 
tions sur  la  chanterelle  sans  être  exposé 
iTTflIeurer  d'autres  cordes  de  son  ar- 
chet. 


1.  Dans  les  œutres  de  J.-.>.  I;h  u,  lui  Uouio  iIbs  pariiei  écrilos  pavfols  en  i;lcr  A'ul  qualriénic  listiio  (voir  la  BaclujesMschaft). 


Tir.nMijiH.  ksiiitrinuK  et  picdaoogie 


LES    VIOLES    1773 


En  iiiialysaiil  ses  œuvres,  nous  jugerons  de  l'in- 
fluence e>ilraor(lHi;iire  de  Marin  Mar.m:^  dans  l'art  de 
la  viole  vei s  la  lin  du  x  vu'  siècle. 

Assez  |ieii  lixés  sur-  la  vie  d'HoTTMAjN  ou  IIactman, 
très  admiré  par  Mkii^knnu  dès  1636,  d'aucuns  ont 
suppose  i|  l'd  si'iail  mort  vers  1666;  si  Marais  fut 
son  ileie,  cela  ne  l'ut  (|iie  pour  un  temps  bien  court, 
et  nous  (levons  croire  que  Maiin  Marais,  le  plus  c.i'- 
lèbre  violiste  haïuais,  né  à  Paris  le  31  mars  1656, 
acquit  son  lali-nt  exceplionnel  à  l'école  de  Saintk- 
CoLOMHK  dont  il  écrivit  le  Toinheau  en  1690,  en  même 
tem|is  i|u  ■  l.i  LLv  l'avait  initié  aux  principes  dn  la 
compo^iiiim  liiacnatKine.  I.e  Tombeau  de  Lllly  fui 
écrit  eu  16X7  par  le  violoniste  Rehix  et  inséré  dans 
laSiiitiilr  ti 3  n"  7,'  en  iil  mineur. 

il  n'rn  lallul  point  (lavunla;^e  pour  que  Marais, 
éfraleuie!  t  heri-i-  par  ips  influences,  voulant  laiie 
profiter  la  tiajjédi''  Iwiqiie  des  progrès  réalisés  par 
la  nnisii|ne  insiriimenlale,  nous  laissAt  des  trafiéilies 
ilonl  riiisloire  de  la  musique  du  .wii"  siècle  a  juste- 
nieiil  s  gnalé  la  valeur'  Mais  précédemmenl,  dans 
le  premiri  \oh;me  des  Pièces  de  viole  (\iiS%i,  Marais 
avait  voulu  r^'  dip  hommaf^e  à  l'enseignement  de 
Li'LLVpar  une  liuigiie  dédicace  : 

K  A  nion<ieiir  de  I.uli.y,  écu3er,  secrétaire  du  roi. 
Monsieur,  |e  fmais  une  faute  inexcusable,  si,  ayanteii 
riioiineiir  d'être  un  de  vos  élèves  et  vous  étant  atta- 
ché pard'aiitres  obligations  qui  me  sont  particnlieies, 
je  ne  vous  oUiais  les  essais  de  ce  que  ,|'al  appris  en 
exécutant  vos  sçavantes  et  admirables  composition-. 
Je  vou-  pré-ente  ce  recueil  comme  à  mon  siirintcn 
dant  et  comme  à  mon  liienlaiteur.  >> 

Le  privil -ge  du  roi  est  daté  duSjuin  1686,  et  Li'li.y 
mourait  le  22  mars  1687  sans  avoir  connu  les  ceu- 
vres  lyriques  ou  iiistiiimentales  de  son  élève,  alors 
âgé  lie  tr>  nlp  ■  t  un  ans  seulement,  lequel  luttait  eu 
faveur  de  la  viide  a  l'heure  où  son  maître  avait  réuni 
une  ioule  de  violonistes  pour  l'exécution  de  ses  coiiié- 
dies-liallets.  Les  cinq  volumes  de  pièces  de  Mahais 
débiilnnl  par  des  avertissements  au  sujet  de  l'exé- 
cution de  ces  pièces,  avertissements  faisant  bien  con- 
naître la  lecli  nique  di-  la  viole;  si  la  dédicace  témoigne 
de  son  admiration  reconnaissante  pour  Lilly  et  de 
la  voie  dans  laquelle,  niaîlre  de  musique  et  de  viole, 
Marais  voulait  diriger  d'une  main  ferme  l'école  fran- 
çaise des  \iolislc  s,  son  portrait,  peint  en  f7(i4  par 
Bouys,  actuellement  au  musée  du  Conservatoire  à 
Paris,  nous  montre  Marais  dans  une  attitude  égale- 
ment fi  rmi-,  tenant  une  viole  à  sept  cordes,  dont  la 
touche  porte  régulièrement  les  sept  tons  graduant  la 
quinte  sans  déjiasser  la  troisième  position. 

L'exécution  des  violistes  n'était  pas  toujours  con- 
forme aux  intentions  de  l'auteur,  si  nous  en  jugeons 
par  cet  avertissement  du  premier  livre  : 

«  Pour  m'accoininoder  à  la  difléreute  portée  des 
personnes  qui  jouent  de  la  viole,  j'ay  jusques  icy 
donné  mes  pièces  plus  ou  moins  chargées  d'accords; 
mais,  ayant  reconnu  que  cette  diversité  ferait  un 
mauvais  etfet  et  qu'on  ne  les  jouait  pas  telles  que  je 
les  ai  composées,  je  me  suis  enfin  déterminé  à  les 
donner  de  la  manière  dont  je  les  joue,  avec  tous  les 
agréments  qui  doivent  les  accompagner. 

«  Kt,  parce  que  les  chants  simples  sont  du  goiit 
de  bien  des  gens,  j'ay  l'ait  dans  cette  veue  quelques 
pièces  où  il  n'entre  presque  point  d'accords  :  on  en 


t.  Atcide  (IC'J3)^  .Ariane  el  HaH-hiis  (1695),  Ahyone  (17061,  Acmeit 
(1701)  [Encydoi).  et  Di  t.  du  ConscrviUoire,  tome  Iti,  p.  136Î);. 

Atcyùite  demeura  longtemps  célèbre  à  cause  d'une  tempête  qui  pro- 
duisait un  elTet  surprenant,  au  dire  des  contemporains. 


trouvera  d'autres  où  j'en  ay  mis  davantage  et  plu- 
sieurs iiuiiMi  sonttoiites  remplies  pour  les  personnes 
qui  aiment  l'harmonie  et  qui  sont  plus  avancées:  on 
y  verra  aussi  quantité  de  pièces  à  deux  violes^.  » 

Dès  ce  premier  livre  |I686),  Mahais  expose  que  ta 
df'ticitte>.se  du  toucher  de  la  viole  consiste  en  certains 
agréments  propres  à  cet  instrument,  dont  il  indique 
l'exécution,  trcmbl  ment,  bâtiment,  pincé  ou  flolement, 
port  de  voir,  plaintf,  tenue,  poussé  et  tiré  d'archet, 
coulé  de  doitjt,  doigt  cnuch''  et  port  de  main,  qu'il  a 
tous  marqués,  témoignage  d'une  époque  où  chaque 
auteur,  croyant  posséder  le  secret  du  véritable  agré- 
ment, faisait  connaîlre  la  manière  dont  il  devrait 
être  interprété^. 

Depuis  l'époque  grégorienne  (vu'"  sièclel,  et  depuis 
JEromb  de  Moravir  (1260)  qui  délinissait  le  trille  pro- 
cetlusvibrdlio,  la  graphie  et  la  dénomination  des  agré- 
ments avaient  bien  souvent  varié. 

Plus  encore  que  la  voix  ou  l'orgue,  dispensés  par 
leur  nature  de  rechercher  continuellement  un  sup- 
plément de  sonorité,  violes  etclavecins,  de  gracieuse 
mais  douce  sonoiitn*,  avaient  trouvé  quelques  avan- 
tages dans  l'usage  (et  souvent  même  l'ahusl  des  agré- 
ments importés  de  la  Chapelle Sixtine  en  Fiance  par 
les  violonisli  de  l.'ioO,  développés  par  le  Homain 
Michel-Angelo  Vi  rovio  (riEL  VioLiNO),  mais  aussitôt 
combattus  par  ceux  qui  n'y  voulaient  voir  qu'une 
corruption  de  l'art,  d'où  l'usage  adopté  par  les  com- 
positeurs de  faire  suivre  leurs  œuvres  d'une  tabli' 
donnant  l'interprétation  de  leurs  agréments,  tels 
CHAiiuo.\,NiÈRKS  (1601-1674),  d'Anglebrrt  (1651-17361, 
dont  les  pièces  datent  de  1689,  musiciens  qui  sont 
les  aînés  de  Marais. 

i.  KoussEAU  insistait  en  1687  sur  l'emploi  des  agré- 
ments, sel  mélodique  qui  assaisonne  le  chant  et  lui 
donne  le  goût  sans  lequel  il  serait  fade  et  insipide  : 
«  il  faut  les  appli(|uer  avec  modération  et  sçavoir 
discerner  où  il  en  laiit  plus  on  moins"...  » 

Apres  iVIersenne  et  les  clavecinistes,  les  agréments 
de  HoussEAU  marquent  une  date  intéressante  dans 
l'histoire  de  la  viole,  d'abord,  puis  dans  l'école  des 
instruments  hauts,  violon,  hautbois  et  Uùte  réunis 
en  trios  par  Poino.n  (inaitie  de  pension  en  1699)  «  sur 
les  dill'érents  tons  et  mouvements  de  la  musique, 
avec  les  propretés  qui  conviennent  à  ces  instrumenls 
et  les  marques  qui  peuvent  donner  l'intelligence  de 
l'esprit  de  chaque  pièce  '■»,  si  tard  viennent-ils  après 
les  agréments  de  Marais,  soit  dans  ses  Pièces  en  trios 

•1.  Les  l^ièces  a  deux  Violes  avaient  beaucoup  de  succès;  signalons 
les  auteurs  tes  plus  connus  : 

xvi«  siècle.  —  FoRSTEii. 

xvu-  siècle.  —  1007,  Tll.  Ford.  —  ir,IJ7,  Tti.  Home.  -  1600,  Ferih- 
iiosco.  —  Sam.  Rossi.  —  11)42,  Nicolas  Mt.ipii.  —  lO.'iS,  Kinderma.nn. — 
1600,  von  Kf.kl.  —  Louis  CuuFtniN.  —  lOïlH,  .\ug.  Kïhnel. 

win"  siècle.  —  1700,  Andcik  Philidor.  —  1701,  tlbUDF.LiNE.  —  I73U. 
J.  KriiNEL.  —  1725,  François  Coci'Eni.^,  le  Giuxd.  —  1740,  Caix  d'Heu- 
\Ei,ois,  A^TO.NloTrl  et  Caruli. 

K;ippelnns  ici  qu'avant  l'adoption  du  tempérament  (Cocr-EniN-BAcH), 
il  n'existait  point  de  duos  jiour  ci.ivecin  et  viole  ou  llûle;  ce  qui  jus- 
liiie  le  succès  des  [nèces  concertantes  pour  deut  \ioles  avec  ou  sans 
liasse  continue,  en  deliois  des(]ueltcs  nous  pourrions  citer  quantité  de 
sirli  d'instruments  ou  de  voix  avec  basse  continue,  c'est-à-dire  acconi- 
pagoemeut  de  viole. 

3.  Encijcl.  et  Dict.  du  Conservatoire,  tome  Itt.  page  I5-G,  ditnnc 
feiécutiou  des  u<;rèments  de  Marais 

4.  'l'etle  était  ta  théorie  de  Goui'Eui:*  écrivant,  dans  le  Concert  tns- 
Irnmi'nttil,  en  fa\eur  du.  clavecin:  «  Les  inslr'imcnts  d'archet  soutien- 
nent le  son.  et  au  contraire,  le  clavecin  ne  pouvant  les  perpétuer,  il  faut 
de  toute  nécessite  battre  les  cadences  ou  trembleniciis  et  les  autres 
agrémeus  très  longtemps.  »  (1725.) 

'6.  lîoussEAtr.  Traité  de  la  Viole,  page  75^ 

6.  Cité  par  L.  de  la  Laudcncie,  Ecole  Française  du  Violon,  tome  ï, 
page  38.  Ce  recueil  de  Toinok  se  vendait  a  Paris,  lGtl9,  chez  lioussel, 
graveur. 


1774  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQi'E  ET  DICTION N AIRE  DU  CONSEnVATOIIŒ 


de  1692  pour  flùles,  violons  et  dessus  de  viole,  soit 
dans  son  premier  Livre  de  pièces  de  1686. 

Marais,  procédant  des  premiers  clavecinistes,  eut 
à  cœur  d'expliquer  la  manière  d'exécuter  de  l'arctiet 
les  ornements  avant  leur  emploi  par  l'école  française 
,Ui  violon  et,  d'un  autre  côté  avani  que  François Cou- 
PERIN  (1688-1733),  dit  le  «  Tliéoricien  des  agréments  •>, 
ne  vint  régenter  en  quelque  sorte,  mais  beaucoup  plus 
tard  (1713),  l'exécution  des  agréments  dont  J.-S.  Bach 
1 168o-1750)  ne  craignait  point  de  s'inspirer  éventuel- 
lement. 

Le  Livre  11  (1701),  dans  lequel  Marais  nous  donne 
un  llondo  écrit  mi-pizïicalo ,  mi-col  arco,  ajoute 
quelques  marques  que  l'auteur  veut  expliquer  «  se- 
lon leurs  usages  ->.  Parmi  les  plus  curieuses,  «  les 
points  ainsi  marqués  signifient  qu'il  faut  remplir  le 
vuide  entre  le  sujet  et  la  liasse,  aftîu  de  ne  pas 
faire  de  mauvais  sons;  et  cela  presque  toujours  par 
une  tierce  majeure  ou  mineure,  ou  quelquefois  la 
quinte  ou  la  sixième,  selon  l'occasion;  et  quand 
même  ces  points  ne  seraient  pas  marqués  aux  bat- 
teries, il  ne  faudrait  pas  manquer  d'obsei'ver  cette 
règle,  qui  est  générale  et  très  essentielle  à  l'har- 
monie »  : 


..  De  plus,  les  points  ainsy  1,  2,  3,  4,  signifient  la 
corde  qu'il  faut  prendre  selon  le  plus  ou  moins 
de    points  qu'il  y    a   sur   les   cliitîres;   c'est-à-dire 

(|ue  sur  le  cbilTre  2,  s'il  y  ava.t  ces  trois  points,  ce 
serait  la  troisième  corde  dont  il  faudrait  se  servir  et, 
ainsy  du  reste  ;  il  estencor  à  remarquer  qu'il  ne  faut 
point  confondre  le  doigt  coucbé  avec  le  premier 
doigt;  les  poiiits'ainsi  à  coté -1.  marquent  le  premier 
doigt  couché,  et  lorsqu'ils  se  trouvent  ainsi  au  des- 
sus ï,  cela  veut  dire  qu'il  faut  placei- le  même  premier 
doigt  sur  la  deuxième  corde.  Le  petit  o  qui  se  ren- 
contre en  plusieurs  endroits  signifie  la  corde  à  l'ou- 
vert ou  à  vuide'  ».  Ce  //'■  Livre  lenferme  le  Tombeau 
de  Sainte-Colomue,  le  maître  de  Marais. 

L' .avertissement  du  lll"  Livre  (1711)  n'est  pas 
moins  intéressant,  mais  il  est  facile  de  liie  entre 
les  lignes  que  les  élèves  trouvaient  bien  difficiles 
les  compositions  des  précédents  livres  du  maitie! 
Et  Marais  paraît  se  rendre  à  leurs  désirs. 

a  Ce  livre  III,  contenant  un  grand  nombre  de  pièces 
courtes  et  faciles  d'exécution,  est  une  preuve  que  j'ai 
voulu  satisfaire  aux  pressantes  instances  qui  m'ont 
été  tant  de  fois  réitérées;  cependant,  j'ai  cru  devoir 
y  mêler  quelques  pièces  fortes  et  remplies  d'accords 
avec  plusieurs  doubles  pour  contenter  ceux  qui  se- 
ront le  plus  avancés  dans  la  viole. 

((  La  plupart  des  pièces  du  111=  Livre  se  peu- 
vent jouer  sur  plusieurs  instruments,  orgue,  clave- 
cin, violon,  dessus  de  viole,  Ihéorbe,  guitare,  llùle 
traversière,  llùte  à  bec,  haubois;  il  ne  s'agira  (|ue 
d'en  seavoir  faire  le  choix  pour  chacun  de  ces  ins- 
truments. »  Marais  voulait  contenter  tout  le  monde, 
mais  il  était  évidemment  en  difficultés  avec  son 
imprimeur,  puisque  le  privilège  du  roi  était  donné  le 


1  l.a  letlre  o  avait  un  sens  concret;  le  zéro,  souvent  ornpioyé,  n'en 
a  aucun  si  ce  n'est  le  signe  actuel  ilu  pouce  au  violoncelle  (Dupoiit, 
1740-1819),  quand  la  corde  à  vide  6t;iiL  indiquée  par  a.  BnfivAi,  (175b- 
182Ô)  indique  le  pouce  par  SS  (1804)  dans  son  Traité,  de  queliincs 
années  postérieur  i  celui  de  Dui'out  écrit  do  1789  à  1800. 


17  octobre  1705  à  Fontainebleau,  alors  que  «l'achevé 
d'imprimer  >>  n'est  daté  que  du  13  avril  1711. 

L'avertissement  du  IV'  Livre  (1717)  marque  un  re- 
tour à  la  difficulté  et  à  l'originalité  : 

«  Ceux  qui  sont  avancés  sur  la  viole  trouveront  des 
pièces  qui  leur  paraîtront  d'abord  d'une  grande  dif- 
ficulté, mais  avec  un  peu  d'attention  et  de  pratique, 
elles  leur  deviendront  familières. 

"  La  troisième  partie  a  cela  de  singulier  qu'elle  est 
composée  de  pièces  à  trois  violes,  ce  qui  n'a  point 
encore  esté  fait  en  France.  En  eltet,  celles  de  la  fin 
de  mon  premier  livre  ne  sont  qu'à  deux  violes,  la 
basse  continue  y  ayant  esté  adjoutée  et  dérivant 
le  plus  souvent  de  la  première  ou  seconde  viole,  au 
lieu  que  celles-cy  sont  toujours  à  trois  parties  dif- 
férentes... 

ic  Je  ne  répéterai  point  dans  ce  volume  les  signes  de 
mes  livres  précédents,  estant  persuadé  que  chacun 
les  sçait  ;  je  me  contenterai  seulement  d'avertir  que 
les  nottes  à  double  queue  sont  pour  les  unissons; 
j'en  ai  mari|ué  plusieurs,  mais  il  peut  s'en  faire  à 
beaucoup  d'endroits  que  je  n'ay  pas  marqués.  On  les 
peut  faire  avec  discernement,  en  observant  que  ce 
soit  toujours  sur  une  blanche,  noire  ou  iioira  poin- 
tée, et  par  hasard  sur  des  croches,  ce  qui  est  assez 
rare.  » 

Cependant  \e  Mercure  Galant  de  1680,  d'après  Bre- 
.Ni:r,  av.iit  déjà  rendu  compte  d'un  concert  pour  trois 
violes  dans  les  termes  suivants  : 

..  On  vous  aura  peut-être  parlé  d'un  concei't  où 
tout  ce  qu'il  y  a  icy  de  curieux  se  sont  trouvez  depuis 
(|uelques  jours.  Il  estoit  fort  extraordinaire  et  le  pre- 
mier qu'on  eust  jamais  fait  de  cette  sorte.  Trois  bas- 
ses (le  viole  le  composaient. 

«  MM.  du  Buisso.x,  Ro.nsin,  Pierrot  sont  les  auleiirs 
d'une  chose  aussi  extraordinaire,  et  l'approbation 
qu'ils  ont  reçue  fait  connoistre  avec  combien  de  plai- 
sir les  connaisseurs  les  ont  scoutez-.  n 

Vers  la  même  époque,  .Sainte-Colomue  donnait, 
d'ailleurs,  avec  ses  deux  filles  d'autres  concerts  à 
trois  violes,  nous  autorisant  à  concini'e  que  si  depuis 
1680,  c'est-à-dire  depuis  trente-sept  ans,  Sainte- 
Colombe  exécutait  en  famille  des  concerts  à  trois 
violes,  iMarais  fut  le  premier  à  confier  an  graveur  de 
pareils  ensembles;  son  IV"  Livie  se  termine  en  effet 
par  deux  suites  d'une  écriture  moins  chargée  que 
les  précédentes,  les  difficultés  étant  divisées  entre  les 
deux  premières  parties  et  la  troisième  viole  étant 
comprise  dans  le  volume  basse  continue  correspon- 
dant au  IV''  Livre  ^.  Ci-dessons  un  spécimen  de  sara- 


2.  Miclicl  Brenet,  Les  Concerts  en  France,  p.  7:i. 

3.  Si  nous  ne  connaissons  pns  en  effet  de  pièces  françriises  pour 
Irois  violes  plus  ancienjies  que  ce  /V»  Livre  de  M^rtAis,  du  moins 
pouvons-nous  citer  quelques  auteurs  élrangers  ajiiiit  réuni  plusieurs 
violes  et  autres  instruments  du  wu"  siécl''.  Hacsman  (V-jIfutin  11  de 
Saxe)  :  /entrées  de  cinq  et  six  parties  ponr  violes,  16tii.  Orlando  Gib- 
iiDNs  :  Fantaisies }wur  trois  violes,  1012.  Alfonso  Feiihaiiosci»  :  /.cssons 
font  1 ,2,  3  violes,  1029.  Ch.  Guili.et  (de  Belgique):  Fantaisies  à  quatre 
parties,  1610.  D.  Beckei,  (de  Hambourg)  :  Sonates  de  Chambre  pour 
Irais  à  cinq  violes.  Kindermann  (de  Nuremberg):  Jiécréations  pour 
violes  et  B,  C.  d'abord,  puis  Sonates  pour  une,  deux,  trois  et  quatre 
violes. 

Plus  tard,  G.-L.  AGRicoLA(i643-167e)lais8ail  des  Sonates  pour  deux 
violons,  deux  violes  et  B.  C,  {.Musikalischen  Xeljenstundenou  Heures 
»»is/ca/c5), quand  Rosknmdiler,  de  Sa\o.  ccriv.iit  en  lG8i  des  Sonates 
IKMir  J-5  5fro»jrnfi  d'arco.  Encore  ne  cilerons-nous  que  pour  mémoire 
le  Sncro-Profanus  Concentus  musicus  de  Scumelzeh  (1G02)  (Sonates 
lionr  violon,  violes  et  trombones)  et  son  Duodena  Selectarwn  Sona- 
tarum  a  quatre  parties,  1069,  Nuremberg. 

Mais,  après  ces  citations  particulièrement  intéressantes  pour  les  vio- 
listes, nous  devons  rappeler  qu'il  y  eut  :iu  -WM»  siècle  nombre  de  trios, 
soit  pour  violon,  ganibe  et  basse  :  S. -H.  Scultz  (1(305),  l{ossi  (1623), 
l.uuisOoNSTAMlH  (1580- 1057),  M.  LocK  (1657),  Louis  Bai,tza1((1  630-1663). 


TECHNIQUE,  ESTHÉTJnri-:  ET  fÉPACOCIE 


LES    VIOLES    1775 


bande  pour  li'ois  violes  iludit  IV°  Livie  de  Mahais  (171')  : 


n  Viole 


2!  Viole 


3!  Viole 


^^r^ÛMÊÉ^â^^S^^^ 


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lîVoltâ""""!      2Î  Volta 


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HPrrr- 


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J.-ll.  Schsiel/eh  {1662),  J.  Moi.iTun  (106Sj,  Ch.  Abel  (1674),  J.-J.  W'al- 
TiitR  (16761,  A.-C.  Clamek  (16S2),  J.-B.  Mazzaeerhata  (1683i,  Rkibckes 
(1CS7),  G.  Fi.M.En  (1688),  etc. 

Soit  pour  deux  violous  et  gambc  :  Nicolas  IIasse  (1656),  M.  Kelz 


(1638),  U.  FoEKSTEn  (1617-1673;,  G.  Aobicola  (1670).  AllU  BenrAM  |167S), 
Cti.  DnCckESMcLLEB  (1668),  J.-M.  Nicoi,AÏ(167.ï),  J.Theiee  (I6l-3),S.  De 
Bbi)s?aiid(1613),  Makisi(1696),Ci;xtehude  (1690),  A.-S.  ScHEuâR  (1680). 
M"'  DE  LA  GcERRE  (1695),  ctC- ,  énumération  eucorc  bien  incomulèle.  ' 


.i:7G 


ENCYCLOPÉDIE  DE  I.A  HinSfOrE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Sans  remonter  aux  Inventions  inusical'S  Je  Jan- 
NEQUiN  du  milieu  du  xvi»  siècle,  telles  le  Caquet 
des  femmes,  le  Chant  'les  oisran.v,  de  Wilouctle  et  du 
rossii/Hol,  aux  fantaisies  ornilliologiTies  des  i-laveci- 
iiistes,  tel  Couperin,  le  xvi;i«'  siècle  avait  toujours  le 
SoOt  de  la  musique  imitative,  et  le  titre  des  pièces 
de  Mabais  accusait  les  idées  descriptives  el  modérées 
de  l'auteur,  par  exemple  :  Tourtiil'on,  Labip-inihc, 
Sauterelle,  Fon;/nil',  Rtweitse,  Minandièv  ,  etc.  Mais,  dés 
1692,  Jean  SniiKNOU,  virtuose  sur  la  j^amlie  à  la  cour 
du  Prince  ICIec.ieui-  du  Palatinal',  avail  tenté  une 
musique  imitative  plus  accenlnée,  en  puMtant  donze 
Sonates,  op.  10,  pour  la  6a^s•■  de  viole,  intitulées  tes 
Bizarreries  de  la  Goutte;  et  Michel  Cobretti:,  à  Paris, 
en  1737,  ne  craignait  point  d'exprimersnr  le  clavecin 
des  sentiments  plus  violents  encore  en  demandant 
à  cet  instrument  si  délicat  d  imiter  «  la  victoire  d'un 
combat  naval  remportée  par  une  frépate  contre 
plu>ieurs  corsaires  réunis»  !  En  somme,  loule  une 
tra^'édie,  don'  l'auteur  voulait  exprimer  par  l'har- 
monie le   hruit  des  armes  et  dn  canon,  les  cris  des 


Idessés.  les  plaintes. des  prisonniers  mis  à  fond  de 
cale,  etc.! 

Mahais,  présentant  au  public  en  1717  son  cin- 
quième et  dernier  volume,  «  dont  les  pièces  sont 
partagées  de  manière  qu'elles  seront  dn  goiH  géné- 
ral, son  attention  ayant  eu  pour  objet  de  satisfaire 
un  chacun  »,  n'avait  point  cherché  à  contrarier  un 
fioiU  qni  a  duré  plus  d'un  siècle.  iNons  ne  savons 
pas  si  Jean  Schenck  a  jamais  sonlfert  de  la  goutte, 
mais  on  pourrait  déduire  des  indications  île  l'anleur 
que  l'étonnante  pièce  Tabl-nn  de  iophatioii  de  hi 
(«i//e  offerte  aii.K  violistes  par  Marais,  sous  le  n"  108 
du  V'  Livre,  ne  pouvait  être  comparée  et  appréciée 
que  par  des  violistes  ayant  passé  eux-mêmes  par 
lous  les  temps  de  cette  douloureuse  opération,  à 
une  é|)oque  où  l'anesthésie  n'était  pas  conime^ . 
Nous  ne  saurions  mieux  faire  que  de  reproduire  ici 
celte  curieuse  pièce.,  n"  108,  suivie  de  l'air  f;ai  des 
Relevailles àonwi'  par  Marais  sous  le  n°  109,  qui  nous 
semble  être  le  summum  de  la  musique  imitative  : 


VIOLE 


Lentement 


Sasse  Continue 


_  laspect  de  l'spare 


Frémissement 
en     le   voyant 


J9^4^44U 


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1.  A  ne  |jns  conlontlrt;  avcL-  J.  Schenk  (17o^-1S3C),  prolesscvir  d'har- 
monie de  Bekthovkn. 

2.  Plus  près  de  mms,  la  musitine  à  programme  inspira  successive- 
ment J. -H.  Knkcui  (1784)  dans  un  Portrait  musical  drla  IVntuve^bi»- 
jourd'hui  (lublie,  iir>'c6danl  de  vinjjt-cjuatrc  atmées  l'immorlello  Sym- 
phouie  /'(istorale  de  Bkrthoven  :  d'un  autre  eôlé,  On^low  (1808-18o:î) 
dédiait  â  Mniiiii.iK,  professeur  de  violoncelle  au  Conservatoire,  sou 
-YV"  quintette  a  cordes, dit  Quintette  de  la  j5a//e.  i!rievemi-ut  bles:;i3 
à  la  f.'ue  de  deux  chevrotines,  au  cours  d'une  partie  fie  chasse,  après 
(Jes  alternatives  de  douleur  et  de  moindre  soidVrance,  Onslow  voiilut 
exprimer  musicalement  les  seulimeuls  éprouvés  pendant  cette  période 


doulourense  dans  les  fragments,  •<  flouleur  k.  »  fièvre  »,  u  délire  » 
u  ronvalescenre  •>  et  "  guérïson  «,  qui  constituent  i-e  célèbre  quintclte, 
0|).  3S. 

Happelons  iri  qu'en  18^5,  dans  des  circonstances  analogues,  Beetuo- 
\i'\.  â  la  suite  d'une  longue  rftaladie,  inséra  dans  le  quatuor  à  cordes 
en  /»(  mineur  op.  13:i,  dédié  au  prince  Glititzin,  un  : 

■•  Molto  aciafrio  »  »  panznna  di  rinfrrazinnifiito  io  iiiodn  li.lico 
OM'urla  ail»  Divinita  tla  nu  guaiîto  ". 

Voir  l'Étude  sur  Onsloud  de  II.  Ld.^uet  (Clermont-rerrand,  1500 
Munllouis),  p.  iS. 


TECHNIQUE.  ESTHETIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LES    VIOLES     177- 


^b^aSji'^^^^FT'S^'V^Zp-fQg 


Entrelasiament    des!  Soyes  entre   les  bras  et  les  jambes 


Ê:- ^' 


^ 


il                                 I                                        ''^y    *^   fait    K  incision 
y^      6f ^ I ■   .  ■ 


«      Lcoulemenl    du    sang     ;  -'  '     1      i  li  I  ■ 


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1778 


EiVCrCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  OU  CONSERVATOIRE 


Après  les  succès  de  l'école  anglaise  de  viole  enre- 
gistrés par  MersennebI  Mai'gabs.rous  devions  exposer 
en  bonne  Justice,  même  avec  d'apparentes  longueurs, 
l'enseignement  magistral  et  l'œuvre  de  ce  musicien 
extraordinaire,  compositeur,  viiluose,  Marin  Marais', 
ce  propagandiste  de  la  viole  classique,  heureux  de 
s'adonner  tout  entier  à  son  succès,  de  1686  à  1727, 
alors  qu'elle  était  combattue  par  les  admirateurs  du 
violon.  Il  fut  soutenu  par  les  dames  de  la  meilleure 
société,  qui  se  faisaient  honneur  depuis  cent  cin- 
quante ans  déjouer  les  violes,  soit  pour  le  menuet, 
soit  pour  l'accompagnement  du  chant  à  défaut  de 
harpes  et  de  très  rares  clavecins,  soit  même  pour 
l'accorapagnemenl  des  chants  liturgiques-,  soit 
encore  h  la  chambre  de  Louis  XIV  et  Louis  XV^ 

Marais  avait  voulu  conserver  à  la  viole  son  carac- 
tère archaïque  et  noble',  alors  que  tant  de  modifica- 
tions étaient  tentées  un  peu  partout  pour  en  amé- 
liorer la  sonorité,  au  prix  même  d'un  changemtnt 
de  nom^.  Ses  élèves  et  successeurs,  André  Philidor 
(1674-1723),   Roland   Marais    (1678-174  ?),    Antoine 


FoRouERAY  (1671-17iol,  Caix  d'Hervelois  (1670-17û9)' 
paraissent  être  demeurés  sourds  à  de  telles  tenta- 
tives, comme  le  montrent  les  cinq  livres  de  Pièces  de 
viole  de  ce  dernier  île  plus  remarquable  de  tous); 
Caix  d'Hervelois  publie  succes>ivement  ses  œuvres 
en  1708-1719-1731-1740  et  1748  (le  IV'  Livre  compre- 
nant les  pièces  n  deux  violes)  ;  déjà,  des  compositeurs, 
profitant  tout  à  la  fois  de  la  di  Tusion  et  du  tempé- 
rament égal  du  clavecin,  avaient  créé  des  sonates 
concertantes  de  flûte  el  clavier  obligé,  de  violon  et 
clavier,  tels  Bach  en  1717,  Coupkrin  en  1724,  Haendel 
en  1732,  Mondonville  en  1734,  Guillkmain  en  1740. 
Tout  particulièrement,  l'école  allemande  de  la  viole 
en  avait  considérablement  simplifié  la  pratique,  lais- 
sant au  clavecin  le  jeu  d'accompagnement,  et  ne 
donnant  à  la  viole  que  le  jeu  de  mélodie,  tel  que 
nous  le  trouvons  nettement  tracé  dans  les  trois 
sonates  de  Kach  pour  clavier  et  viole  de  gambe, 
composées  pour  Ch.-F.  Abel,  violiste  de  la  cour  de 
Cœthen  de  1717  à  1723.  De  la  comparaison  des  écri- 
tures de  Marais,  J.-S.  Baih  et  Caix  d'Hervelois,  son 


Marais. 


MARCHE    TAB.TARE 


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Caix  d'Hervelois. 


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m^:^^'  Mil'  i!  ^^^'VMM^ 


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1 .  MABAiàCut  dix-neuf  enfants,  parmi  lesquels  l'aine,  de  la  cli;mibre 
du  roi,  le  cadet  Holand,  auteur  de  deux  livres  de  Picc<'S  de  violes 
(1735  et  1738),  el  un  troisième,  Jeau-Louis,  ont  laissé  la  réputation  d'ex- 
cellents violistes. 

2.  Dès  1558,  la  viole  de  garab-.'  était  jouée  parles  dames  à  la  cour 
de  Wurtemberg  el,  plus  lires  de  nous,  elle  était  jouée  ootnraunénunt 
en  Portugal  par  les  religieuses  pnur  l'aecompagnement  des  cbanls 
liturgiques  (Lavignac  :  Enci/cl..  tome  IV,  page  241:!). 

3.  Gmu.Ei  signale  qu'en  1G94,  M'i«»  HiLAini:,  Seucahanan  figuraient 
pa-mi  les  B.  de  violes  de  la  chambre  {.incèlres  du  Vioion,  tome  I, 
page  -:66). 

4.  Sa  situation  exceptionaeMe  de  viole  solo  de  .'a  cli  imbre  du  roi, 


charge  qu'il  occupa  de  ItiSj  à  17i5.  ne  lui  pcrmetlail  pas  d".ivnir  une 
oreille  pour  ces  «  ^iolinisli  ><,  coureurs  de  danecnes.  ignoiants  dec 
bimiies  règles  et.  du  reste  sans  grand  lalenl,  puisque  les  meilleurs 
n'étaient  pas  c;tpables  déjouer  des  parties  de  ballet  aiant  de  les  a\orr 
étudiées,  lis  étaient  donc  bien  lyin  des  violisleji 'réahsant  des  basses 
continues  à  l'ouverture  du  Hvrel 

Le  violiste  de  N.  Laneret  (1090-1743)  joue  vers  la  même  époque  de 
la  gambe  à  six  curdes. 

5.  Ainsi.  alIons-n<ius  étudier  plus  loin  l'hisloiredos  Viola  di  Bordone, 
Fagollo,  Baryton  de  viole.  Viola  di  Pardouf,  Viola  Pomposa,  Viole  d'a- 
mour, Uuinton,  Pardessus  de  viole  el  Viololta  marina,  etc.,  auxquels  nos 
ancêtres  ont  accorde  quelque  atlculion,  géuéralemeut  de  courte  durée. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIOrE  ET  PÉnACOGfE 


LES    VIOLES    1779 


J-J^J^W?îi#^-^.-^ii 


Bach. 


Adagio 


Sonate  1 


-mij  [lof^^^^  Cj^n- 


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a^irîrnruift^f^^^i 


1. fjj^ •'  r  I  r'--^'  rrrii; ivi^^m^^m 


contemporain,  il  est  facile  de  conclure  que  l'école 
française  continua  les  traditions  harmoniques  de  la 
viole,  quand  1  école  allemande,  ayant  supprimé  les 
ions  ou  touches  de  la  viole,  inutiles  ou  gênantes  pour 
l'école  de  mélodie,  avait  depuis  lonsteraps  ramené 
l'écriture  des  parties  de  viole  au  niveau  des  parties 
du  violoncelle.  .Xous  n'en  voulons  pour  preuve  que 
les  pariies  de  solo  ou  de  cantate  de  J.-S.  Bach  où 
l'on  jieut  remarquer  qu'il  n'y  a  pas  une  double  note. 

Grillet  signale  qu'en  1749,  les  trois  filles  et  le  (ils 
de  Caix  d'Hervelois  se  trouvaient  parmi  les  basses 
de  viole  de  la  musique  de  la  chambre  du  roi  :  ajou- 
tons qu'a  la  même  époque  (Nattier  [168o-1766]  en  a 
laissé  un  portrait  justement  célèbre  au  musée  de 
Versailles), madame  Henriettede  France  (1739-17b2l, 
fille  ainée  de  Louis  XV,  étudia  la  viole  sous  la  direc- 
tion de  J.-B.-A.  FoRQL'ËRAY,  qui  lui  dédia  le  Premier 
(et  unique)  Livre  des  pièces  de  viole  de  feu  son  père 
Antoine  (1671-1745)'.  A  la  même  époque,  Maximi- 
LiEN  II  (1727-1717),  de  la  famille  des  Witteisbach, 
Electeur  palatin  de  Bavière,  garabiste  distinirué, 
demandait  au  vice-maitre  de  ses  concerts,  Kronneh 
ou  DE  Chœner  (1722-1787),  de  lui  composer  chaque 
année  six  concerti  pour  son  instrument  favori. 

Mis  à  SaUbourg  au  courant  des  goûts  de  l'élec- 
teur, Léopold  .Mozart  écrivait, le  28  septembre  1717, 
à  son  lils,  à  Munich  : 

<i  Si  tu  devais  faire  quelque  chose  pour  la  viola 
da  gamba  de  l'Klecleur,  M.  .MoschitUa  pourrait  te  dire 
-ce  que  cela  doit  être  et  l'indiquer  les  morceaux  que 
l'Electeur  préfère.  » 

Mozart  quitta  Munich  le  4  octobre,  sans  avoir  lien 
composé  dans  cet  ordre  d'idées,  ni  à  ce  monitnl-làni 
dans  la  suite. 


1.  Et  FoHQUEnAV  d'ajouter:  »  Ces  pièces  peuvent  se  jouer  sur  le  Par- 
dessus de  viole.  1. 

Dans  un  tibleau  du  célèbre  Hjacinttie  Rigaud  (1649-1743)  de  la 
National  Uallery  (Londresl,  on  voit  un  groupe  de  musiciens  île  la  cour 
âe  France,  parmi  lesquels  Antoine  ForiuLEiiAV,  tenant  en  mains  une 
viole  de  gambe  à  sept  cordes.  Ce  tableau  jiaiait  avoir  616  [eint  vers 
1715. 


Le  baryton. 

Depuis  un  siècle,  les  violistes  connaissaient  le 
point  faible,  très  faible  même  de  leur  viole,  de  «  douce 
et  murmurante  sonorité  ".  Dans  sa  niéthoile  de  viole 
(16o9),  Simpson  e.xpos.iit,  cent  ans  après  l'intrnduc- 
tioii  à  la  chapelle  de  Charles  IX  des  24  violons  d'AuAii 
de  1572,  que  la  sonorité  d'un  instrument  à  cordes 
et  à  archet  demeure  toujours  en  raison  inverse  du 
nombre  de  ses  cordes;  aussi,  l'invention  des  cordes 
filées  d'argent  de  .SAiiNTE-CoLosinE  (1675)  ne  sembla 
réaliser  un  progiès  qu'à  la  condition  de  ne  pas  aller 
jusqu'à  la  création  d'une  septième  corde.  Logi()ue- 
ment,  en  prenant  lexle  de  lu  proposition  de  Meh- 
sENNE  (1636),  de  réduire  à  trois  le  nombre  des  cordes 
du  violon,  les  violistes  pouvaient  essayer  d'aug- 
menter la  sonorité  des  violes  en  réduisant  à  quatre, 
par  exemple,  le  nombre  de  leurs  cordes. 

Si  nous  ne  trouvons  point  trace  d'un  essai  de  ce 
genre,  du  moins  savons-nous  qu'en  conservant  géné- 
ralement les  six  cordes  de  leur  instrument,  les  vio- 
lisles  du  xvii=  siècle  demandèrent  d'abord  un  accrois- 
sement de  sonorité  des  violes  à  l'emploi  de  cordes 
métalliques  frottées,  »  cordes  de  laton  [sic)  indiquées 
par  les  lettre  es  »'K 

Cet  essai  aurait  vu  le  jour  en  Angleterre,  d'après 
le  Père  Kircuer,  qui  assure  que  ces  «  chorâes  font 
un  méchant  elfet  sous  l'archet  et  qu'elles  rendent  un 
son  trop  aigre  n,  ajoutant  que  «  les  Français  ne  se 
sont  jamais  servy  de  pareilles  chordes*  »  ! 

Celle  inoiiture  luélallique,  tout  à  fait  oubliée  au- 
jourd'hui,coupait  merveilleusement  lessillels  et  che- 
valets des  violes,  comme  les  doigts  et  les  crins  des 
archets  des  violistes  anglais  rapidement  désenchan- 
tés, qui,  reprenant  leur  monture  (boyau  et  cordes 
filées),  utilisèrent  leurs  lils  de  laiton,  comme  ceux  du 
clavecin,  ou  même  d'acier  sous  la  touche,  en  cordes 


3.  J.  Koussf.AU,  Traité  de  la  t-io/e,  pages  21  et  suivantes. 

4.  .Nous  ;  reviendrons  plus  loiu  au  sujet  du  Dessus  de  viole,  dit  Mole 
d'amour. 


1780 


mcrCLOPÊniE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


«  sympathiques',  d'où  la  viola  bastanhi,  qui  devint 
sur  le  continent  baryton  de  viole,  viola  di  bonlone, 
faijollo  ou  simplement  baiijton,  de  mélancolique  so- 
norité, en  réalisant  un  nouvel  instrument. 

Les  xvi"  et  xvii"  siècles  nous  en  ont  laissé  quel- 
ques rares  spécimens,  conservés  dans  plusieurs  mu- 
sées, parmi  lesquels  il  faut  citer  en  première  ligne 
celui  de  Vienne.  Le  musée  du  Conservatoire  royal 
de  Bruxelles,  sous  les  n°=  486  et  487,  présente  deux 
instruments  catalogués  basses  de  viole  (erreur  se- 
lon nous)  qui  sont  d'intéressants  barytons,  le  n"  487, 
d'originale  facture  anglaise  (Francis  Baker,  1606),  et 
le  n"  486,  copie  de  l'école  italienne,  reconstituée  par 
feu  ToLBECQDE  d'après  Gasparo  da  Salo  (1o:10-1610), 
tous  deux  montés  de  six  cordes  d'archet  et  de  douze 
cordes  sympathiques;  le  w  231  du  même  musée, 
dit  viola  da  fagotto,  di  bordone,  ou  baryton  du 
wiir  siècle,  paraît  en  lout  semblable  à  la  viola  bas- 
tarda  décrite  par  Pr  ktorius,  et  portant  six  cordes 
d'archet  et  seize  cordes  sympathiques-. 

Le  musée  de  Nice  (collection  Gautier)  possède  un 
barvton  de  la  même  époque  (six  cordes  frottées  plus 
douze  synipalhiques)  que  Vidal  n'hésite  pas  à  dater 
de  1650,  l'attribuant  à  William  Turnek. 

D'autres  barytons  sont  attribués  à  Jarob  Stainer 
(1658),  à  Andréas  STAl^ER  d'Altsam  (1660),  à  Simon 
ScHoDLi  R  (1692  ,  et  d'ailleurs,  tous  les  écrivains  ont 
cité  la  spli-ndide  viole  di  bonlone  de  Joachim  Thie- 
KLE  (1687),  montée  de  vingt-quatre  cordes  sympathi- 
ques! La  Société  des  amis  de  la  musique  de  Vienne 
conserve  quelques  barytons  du  xvin<^  siècle  ^,  alors  que 
le  musée  du  Conservatoire  de  Paris  piésenle,  sous 
le  n"  168,  un  baryton  bavarois  de  Norbert  Hedler 
(1723)  moulé  de  six  cordes  frottées  et  dix-huit  cordes 
sympathiques^. 

Si  les  musées  nous  ont  conservé  précieusement 
quelques  spécimens  des  instruments  du  xvii"  siècle, 
nous  n'avons  en  revanche  jamais  trouvé  la  moin- 
dre composition  ni  le  nom  d'un  vutuose  de  ce 
baryton  dont  jouaient  les  violistes,  touiours  en 
quête  d'une  sonorité  meilleure,  et  protestant  d'an- 
tre part  contre  la  septième  corde,  selon  la  théorie 
tte  Simpson. 

Bien  oublié  eût  été  le  baryton  si  des  mélomanes 
inag  liliques  comme  les  Médicis,  les  princes  Paul  et 
Nicolas  Ksterhazy,  ae  l'avaient  remis  à  la  mode  dans 
la  seconde  moitié  du  xviii«  siècle.  Ces  piinces  hon- 
grois réussirent  à  entraîner  le  célèbre  Hayd.m  qui,  di- 


1.  Pn^iïTORius  attribue  nettement  aux  Anglais  l'adiplation  d'un  jeu 
de  sepl  a  quinze  cordes  sympalliiques  à  leur  viol'-,  qui  ch:inpea  ainsi 
et  d'état  et  de  nom  :  m  Buicl'I'kvii  i.e  assurait  que  les  a  ioles  de  gambe 
n'ont  jamais  été  montées  tie  cordes  sympathiques;  il  n'avait  pas  tort; 
elles  cbangcaient  aIoi*s  d'état  civil,  et  devenaient  des  barytons. 

;;.  V.-Lb.  M*nii.i.0N,  Catalogue  da  Musée  instrumental  ilu  Conser- 
vtitnifr  roy'tl  de  ltru:i:clle^,  tome  I,  i>agcs  324,  32o. 

3.  I,e  b;#jton  fut  en  grande  faveur  chez  les  princes  Eslerhazy  sous 
l'ari-htl  des  musiciens  dc'leur  chapelle,  Haydn  (i73:;-l8U9),  etc. 

4.  D'après  le  Aftisitt-Saal  de  J.  Maïkii,  le  baryton  s'est  appelé  pri- 
ruitivenieilt*  \inla  di  paredon  »  ou  perdono,  parce  ijue  l'invenlenr,  Con. 
damne  à  nioi-t,  avait  obtenu  sa  grâce  à  la  suite  de  cette  invention- 
Telle  est  la  gracieuse  légende  rapportée  par  Mahu.lun  {Cat.  du  musée 
du  CuHserv.  de  llynrelfis.  tome  l,  page  325). 

'Aioulerons-rioiis  ici  qur  la  Vina  de  Bénarés  et  le  Taniourah,  autre- 
fois montés  de  ciiu|  cordes  pincées  avec  six  cordes  de  résonance  har- 
monique, de  même  que  le  Saryngie,  moins  ancien  (4  cordes  d'archet 
-\- 2  cordes  sympathiques),  seraient,  d'après  Fétis,  les  ancêtres  du 
baryton  d'abord,  puis  du  dessus  de  \iole  monté  de  cordes  sympathicpies 
de\enu  ta  vio'c  d'amour,  dont  nous  parlerons  plus  loin?  Il  est  bien 
difficile  de  savoir  la  route  suivie  pur  ces  instruments  im|tortes  de  l'Inde 
en  l'Angleterre,  soit  via  I*erse,  Constantiuople  et  Hongrie,  soit  par  les 
Uioisés  revenant  de  Terre  Saiide.  soit  encore  par  les  vaisseaux  mar- 
ch.ands  anglais  trafiquant  avec  l'Inde.  Selon  la  théorie  chère  â  Fétis, 
c'e^t  de  l'Orient  que  nous  vint  le  progrès. 


rigeant  leur  chapelle  de  1761  à  1804,  fit  du  baryton 
son  instrument  favori,  appelant  à  la  chapelle  prin- 
cière  nombre  de  virtuoses  barytonisles  et  composi- 
teurs :  Ant.  LiDL  (1740-1789),  F,'-J.  Weigl  (1740-1820), 
PicHL  (1741-180-)),  TouAsiM  (1741-1818),  auteur  de 
vingt-quatre  Divertissements,  Anl.  Kraft  (1752-1820), 
auteur  de  douze  Concerti,  K.  Frantz  (1758-18..),  dont 
le  baryton  possédait  quatorze  cordes  sympathiques, 
F.  Paer  (1771-1839),  Hauschka  (1766-1840)  qui  a  laissé 
un  quintette,  J.  Evrler  (1765-1846),  élève  et  ami  de 
Mozart,  puis  de  Haydn. 

Parmi  ceux-ci,  les  plus  féconds  furent  Pichl  et 
Haydn;  Pichl  composa  148  quatuors  et  23  quintettes 
dans  lesquels  le  baryton  occupait  le  premier  pupi- 
tre !...  Oui  se  rappelle  aujourd'hui  le  nom  de  ce'  pro- 
lifique bnrytoniste'.' 

Haydn  ne  le  fut  guère  moins,  entraîné  qu'il  était 
d'ailleurs  à  la  produclion  par  sa  charge  de  maître  de 
chapelle  des  princes;  on  assure  même  qu'il  prit  à  tel 
point  goût  au  baryton  que  sa  virtuosité  ne  manqua 
point  d'exciter  la  jalousie  de  son  protecteur  :  Paul 
Ksterhazy  lui  intima  l'ordre  de  ne  plus  composer  qu'à 
l'intention  de  son  archet  princier,  toute  tentative  de 
virtuosité  aux  dépens  du  protecteur  n'étant  plus 
de  l'art,  mais  une  faute  grave!  De  ce  jour,  Haydn  ne 
joua  plus  du  baryton,  en  public  du  moins  '. 

Toujours  est-il  que,  rédigeant  lui-même  le  catalo- 
gue de  ses  œuvres  (déc.  1805),  reproduit  dans  le  Dic- 
tionnaire de  Choron'',  et  où  les  compositions  sont 
vraisemblablementclasséesdans  l'ordre  d'importance 
préféré  par  l'auteur,  Haydn  cite  : 

1»  118  symphonies; 

2°  123  divertissements  pour  baryton,  violoncelle 
et  alto; 

3"  6  duos  pour  baryton  principal; 

4°  12  sonates  pour  baryton  et  violoncelle; 

5"  17  nocturnes  pour  baryton  et  violoncelle. 

H  place  seulement  au  201;  rang  les  célèbres  83  qua- 
tuors pour  archets  qui  font  l'admiration  des  musi- 
ciens des  xix«  et  xx"^  siècles. 

Le  rang  de  faveur  attribué  par  Haydn  aux  œuvres 
pour  baryton  ne  les  a  malheureusement  sauvées  ni 
(le  l'oubli  ni  du  feu.  L'incendie  du  château  d'Eisen 
(1775)  en  détruisit  la  plus  grande  partie;  on  en  con- 
naît encore  quelques-unes  qui  subsistent  en  manus- 
crit dans  les  papiers  de  la  famille  Eslerhazy,  et 
d'autres,  moins  nombreuses  encore,  à  la  bibliothèque 
des  Amis  de  la  musique  à  Vienne  ■". 

Les  princes  Erterhazy  ayaient  stipulé,  dans  le  con- 
trat de  leur  maître  de  chapelle,  que  Haydn  s'interdi- 
sait de  conserver  et  de  donner  copie  de  ses  œuvres 
de  baryton  '. 

Fn  écrivant  précédemment  que,  pour  devenir  barv- 
ton, la  viole  avait  été  montée  d'un  jeu  de  sept  à 
quinze  cordes  de  laiton  ou  d'acier  passant  sous  la 
touche,  nous  nous  réservions  de  doimer  ici  quel- 
ques détails  de  lutherie  au  sujet  de  cet  essai.  Les 
violistes  commencèrent  par  tendre  les  cordes  mé- 

.'».  Georges  Avtiii,,  Les  Quatre  Ages  de  la  mnsigue,  page  70. 

6.  A.  Choron  et  F.  Favoi.lf,  Dictionnaire  historique  des  musiciens, 
l'aris,  1817,  tome  I,  page  382. 

7.  Société  créée  en  1814,  sous  la  présidence  du  prince  F. -M.  Lon- 
KowiTz  (1722-1816),  l'un  des  protecteurs  les  plus  ardents  de  Beetho- 
vh-N,  i)ui  lui  dédia  ses  premiers  quatuors  (op.  18),  les  symphonies  lit» 
lijw'fi,  180'*},  V"  {ut  mineur,  1807)  et  Vh  (pastorale,  1808),  ainsi  que  le 
X"  quatuor  darcliefs  (mif,,  op.  74}.  Nos  neveux  trouveront  peut-être 
li-s  compositions  d'tUvDN  pour  baryton  dans  l'édition  complète  en 
préparation  des  œuvres  d'HsvDN  (analogue  à  la  Back-geselhcltn/'l). 

8.  Le  père  de  la  célèbre  danseuse  Fanny  Essi.f.r,  mort  en  1843,  fut 
le  copiste  des  œuvres  d'ïlAYUN  chez  les  princes  Esterhazy  {Gaz.  musi- 
cale, 1843,  page  380). 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQI'E  ET  PEDAGOGIE 


LES    VIOLES    i";»! 


talliques  (accrochées  au  bord  do  la  table,  sous  la 
touche),  au  travers  du  chevalet'  percé  de  sept  à 
quinze  trous,  jusqu'à  un  système  de  petites  clefs  dis- 
posées prés  du  bouton  pour  en  assurer  l'accord. 
Ce  dispositif  de  fortune  des  plus  simples  n'exij^eait 
aucune  nindilication  du  manche  et  de  la  tète  de 
l'instrument,  laissant  au  barytoiiiste  la  faculté  de 
revenir  assez  facilement  à  son  ancienne  viole...  Et 
c'est  ainsi  que  fut  décrit  le  baryton  de  Delsart  par 
(juillet-. 

Mais  d'autres  barytonisies  ont  préféré  l'instrument 
spécialement  construit  ad  hoc, 
témoins  le  baryton  Biîdlkr  (n" 
168  du  musée  du  Conservatoire) 
cité  précédemment,  et  d'autres 
encore,  dont  l'élégant  chevillier 
se  terminait  souvent  par  une 
tête,  comme  dans  l'exemple  ci- 
conlre''. 

En  résumé,-  le  baryton  du 
XVII"  siècle,  connu  sous  dilfé- 
rents  noms,  viola  bastarda,  i  iola 
di  bordone,  di  fanotto,  di  pu- 
redon,  ne  fut  qu'un  essai  des 
gambisles  en  quête  d'une  sono- 
lité  plus  intense,  et  sérail  tout 
à  fait  oublié  : 

l"  Si  le  même  essai  n'avait 
pas  été  tenté  au  xvui^  siècle  eu 
faveur  du  dessus  de  viole,  qui 
deviendra  la  viole  d'amour  et 
la  violetta  marina  ; 

i"  Si  les  princes  Esterhazy 
n'avaient  pas  remis  à  la  mode 
le  baryton  du  siècle  passé,  ins- 
piiant  ainsi  les  très  nombreuses 
compositions  des  barytonisies  de  leur  chapelle,  de 
1761  à  1804-  (Haydn,  Pichl,  etc.). 

La  viole  «l'aiiionr. 

Comme  le  ci-devant  baryton,  le  dessus  de  viole  fut 
monté  de<(  chordes  de  laton  »'•,  sous  le  nom  de  viole 
d'amour,  antérieurement  à  1687,  d'après  Jean  lîoi  s- 
sEAU.  Séb.  DK  Brossaro  Confirme  en  1703  cette  délini- 
tion  dans  les  termes  suivants  ■  : 


1  Nuu^  cni!n;ii'snns  iU;-s  t)-n}  Inu*  ilnnl  les  coitles  métalliques  ne 
tr.^\crsent  pas  te  clievalet;  elles  passoiil  sur  un  petit  clie\alct  ad  /me 
placé  entre  les  jambes  du  chevalet,  ou  bien  sur  un  plus  grand  clievalet 
dépassant  tesdites  ianit)CS. 

:i.  Grii-iki\  Aiict'-lre-'  du  violon.  It,  page  251. 

'.',,  Constatuus,  sans  aller  plus  loin.  1 1  iiarfaile  logique  des  violistes 
et  des  luttliers  du  xvn«  siècle  qui  avaient  compris  la  nécessité  d'un 
minimum  de  12  cordes  sympathiques  accordées  diatoniquement  pour 
assurer  les  résonances  des  demi-tocs  chromaliques.  Nous  verrons 
plus  loin  que  ta  même  to?;ique  n'a  pas  loujours  guidé  les  luthiers  du 
dessiis  du  yiole  à  cordes  sympathiques,  quand  ils  ont  ramené  à  six  le 
norahre  de  ces  cordes  symphatliiques. 

1.  J.  Rousseau,  TraUé  de  la  itule,  1GS7,  paqe  il. 

5.  S.  DE  BuussARD,  Diclionnaîve  de  twisique,  17U3,  au  mot  vio^i. 
?s^ous  ne  pouvons  décider  des  raisons  qui  ont  valu  au  dessus  de  vio'e 
transformé  le  nom  de  cio/rt  d'amure.  Les  musicographes  du  pa-sé 
n'ont  rien  iiiTuraé  à  ce  sujet.  Dans  ta  période  de  renaissance  musicale 
qui  commence  k  l'aurore  du  wtn"  siècle,  nous  trouvons,  sans  plus  de 
.raison,  le  cembalo  d'ainore  de  G.  Silei.bman>,  le  haulhois  d'amour 
(1720)  en  la  très  employé  par  Bach,  la  flûte  d'amour  en  tierce  raine-ne 
et,  plus  près  de  nous,  la  clarinette  d'amour  en  la^j  (IT'.i.il,  la  gtiilare 
d'amour  ou  arpeggionc  (182S)  et  le  violon  d'amour  (quelque  peu  .np- 
parenté  à  la  viole  d'amour)  de  Sacomon  (1740  à  1770),  dont  le  musée 
dq  Conservatoire  de  Bruxelles  présente,  sous  les  n'*  358  et  481,  deux 
échantillons,  montés  de  cinq  cordes  frottées  (-so/a,  rc'j,  faz,  fèt,  so/,) 
et  de  six  cordes  sympathiques.  De  la  même  époque,  ou  connaît  le 
violon   d'amour   norvégien  de  Harda?:cer,  monté  de  quatre  cordes 


«  Viola  d'amor,  c'est-à-dire  viole  d'amour.  C'est 
une  espèce  de  dessus  de  viole,  qtiia  six  chordes  d'a- 
cier ou  de  laitton  comme  celles  du  clavessin  et  que 
l'on  fait  sonner  a^ec  un  archet  à  l'ordinaire.  Cela 
produit  un  son  argentin  qui  a  quelque  chose  de  fort 
agréable.  » 

Cette,  délinition  est  reproduite  dans  le  Diclionnaire 
cks  Beaux-Arts  de  Lacomue  (Paris,  1760)  et  dans  V En- 
cyclopédie des  sciences  et  arts  (.Neufchàtel,  1775).  A 
l'appréciation  près  de  l'effet  produit  par  l'archet 
sur  des  cordes  métalliques  frottées,  ce  qui  est  une 
pure  affaire  de  goût,  ces  définitions  confirment,  de 
fatjon  concordante  : 

i"  L'appellation  de  viole  d'anioiirponv  un  dessus  de 
viole  monté  de  quatre  à  six  cordes  métalliques  frot- 
tées''. 

2°  Larechercheconlinue  d'un  supplément  de  sono- 
rité avec  des  cordes  de  laiton  avant  1087,  puis  avec 
des  cordes  d'acier  de  1087  à  1703,  et  même  dans  la 
suite  '.  Mais  il  est  excessivement  intéressant  de  cons- 
tater que  compositeurs,  virtuoses  et  luthiers  de  viole 
d'amour  de  1700  à  1760  n'appartenaient  pas  à  l'école 
française  de  la  viole  de  .Marais,  Koroukray  et  Caix 
d'Hkrvklois*. 

Compositeurs:  J.  RosRMMULLER(VVolfenbuttel)(1620- 
lOS'f),  Biber  (Salzbourgi  (1644-1704),  AniosTi  (Lon- 
dres) (1666-1740),  Guzi.xr.KR  (1740),  J.  Wilde.  (1741) 
(Bavière),  J.  Stamitz  (1717-17:)7l  (Mannheim),  Huberti 
(17601  {Vienne)\  Krumlowsky  (17. .-1768)  (Bohême), 
Hrazeck  (1725-1777)  (Bohême),  Koescher  (1719-1783) 
(Bohème),  G.-G.  ToEscHi  (1724-1788)  (Mannlieim)  et 
son  lils  (1745-1800). 

Luthiers,  de  1710  à  1756  :  G.\gliano,  Gobetti,  Gui- 
DANTus,  Gl'dis,  Schorn.  Thielke,  IIoffmann,  Weigeut, 
Griesser,  Raoch,  Alletsee,  Ostler,  Eberlé,  Klotz, 
Jaucr,  Stadlmann,  tous  d'Allemagne  et  de  Bohême. 

La  littérature  de  viole  d'amour  est  aussi  rare  que 
disséminée  dans  toute  l'Europe  et,  trop  souvent,  les 
artistes  ilésireux  d'intéresser  le  pulilio  à  cet  instru- 
ment, non,  pas  ancien'",  mais  aliandoimé,  invoquent 
l'autorité  d'ARiosTi  et  de  ses  sonates  (pi'ils  n'ont 
Jamais  connues  dans  leur  originalité".  Nous  leur 
devons  tme  attention  d'autant  plus  spéciale  qu'elles 
constituent  le  premier  ouvrage  diilaclique  de  la 
viole  d'amour  définie  par  Rousseau  et  Séb.  de  Bros- 
SARD,  montée  de  cordes  métalliques  sur  lesquelles 
frottait    «  l'archet  à  l'ordinaire  »,  telle  la  viole  de 


frottées  {uh,  fa:,,  dot,  .loh)  et  quatre  cordes  sympathicpies  (70).  (V.-Cu. 
Mahii.i.os.  Catalogue  du  f'U.iée  du  Conseraatoire  de  Bruxelles, 
I.  1,  page  33-2.) 

Le  violoniste  Narc.eot  (1800-1891  )  voulut  pcrreitionner  ce^  dispo- 
sitifs, si  nous  en  jugeons  par  son  xiidou  d'amour  de  1830  ((^ui  por- 
tait logi<iuement  douze  cordes  synqialhiqiies  diatoniques),  que  l'on 
voit  au  musée  du  Conservatoire  ilc  l'aris,  sous  le  n"  l'iG. 

Nargkot  concourut  en  même  temps  que  Berlioz  (IS28)  pour  le  prix 
de  Rome  :  il  fut  classe  second.  Son  violon  d'amour,  accordé  mi,  la 
ré.  In,  ne  lui  a  point  confère  l'imiuortalito.  Le  dessus  de  viole  monté 
mélalliquement  parait  bien  être  le  premier  tles  instruments  dits 
u  d'amour  .'. 

0.  Au  maximum  six  cordes,  la  viole  de  ganihe  de  l'école  française 
seule  ayant  adopté  la  septième  corde  sous  rinlliierice  de  son  iuven- 
leur  Saintf.-Coi.ombe. 

7.  L'adoption  moderne  des  chanlereltes  d'acier  aux  violons  n*cst 
dono  qu'une  simple  iiniUation  des  violistes  de  IGlil!  .\il  s)ib  iole 
iiovi.'  Ou  en  attribue  la  ditfusion  en  France  à  Marie  Tayau,  brîMaute 
violoniste  de  l'école  d'AcAi;!' (l'f  prix,  Paris,  l«li7i. 

S.  Auteurs  qui  n'ont  rien  laissé  pour  la  viole  d  amour, 

0.  HcBEBTi  a  publié,  en  17V0,  à  Vienne,  une  .Veue  .Méthode  D'trsige 
fur  Viola  d'aiiwr,  après  le  Muséum  jnusicum  de  Ma'ieii,  édité  d'abord 
en  1732  à  Halle,  puis  en  1741,  à  .Nuremberg. 

10.  Le  violon  était  son  aîné  de  cent  ans  et  plus. 

11.  Seulement  dans  les  transcriptions  modernes...  trop  souvent  sur- 
chargées d'accompagnements  intéressants,  mais  étrangers  aui  inten- 
tions de  l'auteur. 


1782 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


l'orchestration  de  Bach  :  c'est  dire  que  les  six  leçons 
d'AniosTi  ne  seront  d'aucun  secours  aux  violistes  du 
xix^  siècle! 

Ariosti,  dans  sa  langue  maternelle,  fait  hommage 
de  son  œuvre  au  roi  Georges  II  :  puis,  en  douze  pages, 
viennent  les  noms  de  82o  soucripleurs,  tout  l'armo- 
riai de  la  Grande-Bretagne  et  du  Parlement,  succès 
d'édition  pins  politique  qu'artistique  et  tirage  pro- 
bable de  mille  à  douze  cents  exemplaires,  sans 
qu'aucun  nom  français,  italien,  ou  austro-allemand 
ne  ligure  dans  celte  longue  liste  de  souscripteurs. 

Après  six  cantates,  commencent,  à  la  page  34,  les 
six  Lczzroni  de  deux  pages  chacune,  précédées  d'un 
avis  au  lecteur'  : 

«  Avons,  messieurs  les  souscripteurs,  sontdestinées 
les  accordatures  suivantes  pour  vous  encourager  à 
ma  méthode  de  viole  d'amour  que  vous  me  deman- 
diez de  vous  faire  connaître. 

Cl  11  vaut  mieux  appeler  ces  compositions  Lezzioni  : 
leur  pi'atique  vous  facilitera  l'exécution  des  œuvres 
pour  viole  d'amour  que  je  vous  donnerai  sous  peu-, 
et  alors  vous  reconnaîtrez  que  c'était  bien  la  néces- 
sité et  non  caprice  de  vous  avoir  fait  connaître  la 
viole  d'amour  par  la  pratique  du  violon  sans  laquelle 
vous  n'auriez  pu  réussir  qu'au  prix  de  beaucoup  de 
peine^.  » 

En  elTet,  chaque  leçon  indique  une  accordature 
différente  de  la  viole  d'amour  qu'il  eût  été  difficile 
d'obtenir   avec  des  cordes  de  boyau  que  l'on  aurait 


fait  tour  à  tour  mouler  et  descendre  d'une  tierce; 
voici  les  accordatures  : 


iro 

lefon 

en 

tiii\,             s/,'. 

'«h  !» 

sol-, 

«'ab 

avec  simple 

•il} 
3«c 

— 

It                 la. 

«'3  if 

mij 

M3 

accompa- 
tînement  de 

iiii  muieur  si^ 

""3 

sol; 

SÏ3 

viotoncelle 

■i* 

^ 

fa                  la„ 

rf03 

fa-i 

ou  gambe 

ce 

— 

Té                  la.^ 

'■'■■j; 

f»3 

contJnae. 

Dans  un  avertissement  trop  long  pour  prendre 
place  ici,  Ariosti  explique  que,  s'il  ne  reste  rien  dans 
ses  leçons  de  la  clef  et  de  l'accord  du  violon,  du 
moins,  les  clefs  : 


i  f  Ç  <!' 


servent  de  guide  à  la  main,  ce  qui  justifie  leur  usage. 
Nous  nous  contenterons,  à  titre  de  spécimen,  de 
reproduire  ici  la  première  phrase  de  la  première 
leçon,  page  34,  en  pensant  que  la  noblesse  anglaise 
dut  accueillir  assez  fraîchement  cette  combinaison 
extraordinaire  de  solfège,  d'écrilure  et  de  technique 
de  violon  qui  devait  faire,  dans  l'esprit  d'ARiosri,  la 
fortune  de  la  viole  d'amour,  telle  que  l'a  décrite  Séb. 
DE  Brossard;  nous  croj'ons,  au  contraire,  que  l'ori- 
ginalité d'ARiosTi  dut  atteindre  les  confins  de  la  folie, 
quand  il  essaya  d'accréditer  cette  combinaison  extra- 
ordinaire chez  nos  voisins  d'outre-Manche.  Les  vio- 
listes modernes  pourraient  bien  l'oublier  parmi  les 
morts  du  xviii^  siècle  qu'il  faut  encore  tuer  au  XX»  siècle. 


Accordatura  |    ^^   c    br  bn 

ChiavcdiG.Sol.Ré.Ut.   nfe~^° 


^ 


Le..o.eI.      ^^r         a;tnî 


AUegrQ  '/[.l-r         ^ 


r    -FU 


5l 


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ir^itarf frrf.  m  jTrr 

r-p^      FW      f^\      fff\ 

tf^n  .p  i 

jj;jjjJiJ3jjiJJ^ifj^ 

^^^^^^M^^^^^ 


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p^ 


è^ 


^ 


^  r^l  ^1 


1.  Nous  n'en  donnons  ici  qu'uni^  trnduclion  abri-gi'c. 

'-'.  Il  n'est  pas  à  notre  conn.iissanco  qu'Aruosn  ait  jamais  public  les 
(Huvres  annonrées  en  J728  pour  viole  d'amour.  11  n'est  mort  qu'en 
1740. 

.1.  ARiosii  (Atliliu)  (1060-1 7 iOl,  moino  il.?  lurjre  des  Servîtes,  a 
composé  quelques  oratorios,  une  Passion  cl  £i  opéras.  Ayant  séjourné 
il  Londres  en  I71il,  puis,  de    1720  à  1727,  il  y  eut  quelques  suciès 


avec  Bio.NoNciM  ;  l'opéra  italien  lr;iversa  une  période  parliculièrcnient 
lirillanle  à  Londres.  île  1720  à  17-J8. 

A  HAExDr.i,  favori  d'une  cour  impopulaire,  la  noblesse  opposa,  dès 
1720,  un  autre  italianisme,  dont  Aniusri  qui  fit  ap|)laudir  son  Coriolan. 
Ce  succès  no  l'ut  sans  doule  point  étranger  ;V  l'onipressement  des 
825  souscripteurs  pour  les  Caiita(es  and  collection  of  tessons  fol'  the 
viol  d'amon',  de  17i8. 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PEDAGOGIE 


LES    VIOLES    1783 


Réalisation  sur  le 
Violon  accordé 


1^^ 


L'école  allemande  de  1660  à  1740  avait  cependant 
apprécié  la  sonorité  de  ce  dessus  de  viole  monté  de 
cordes  métalliques  ifque  l'on  fait  sonner  avec  un  ar- 
chet à  l'ordinaire  ».  Quelques  auteurs,  tout  à  fait 
indépendants  du  système  Abiosti,  nous  ont  laissé  des 
œuvres  où  la  viole  d'amour  prend  rang  :  citons  Rosen- 
MULLEii  (1620-1684)',  ■  BiBER  (1641-1704)-,  Strobach 
(l6..-17-2o)^  J-P.  GuziNGER  (1740),  d'Aichstett,  et  Jean 
Wilde  (1741),  de  Bavière,  etc.,  pour  parler  plus  lon- 
guement de  S.  lUcn,qui  avaitappelé  laviole  d'amour 
à  l'orcheslre  des  cantates  132  (1715)  et  205  [Eole 
satisfait,  1725),  ainsi  qu'à  celui  de  la  Passion  selon 
saint  Jean  (1724). 

Une  instrumentation  délicieuse  réunit  dans  la  can- 
tate lo2  (t.  XXXIl  de  la  Baclnjesellschan),  flûte  et 
liautboi-s,  viole  d'amour  et  viole  de  gamhe,  et,  avec 
M.  PiuRO,  nous  pensons  que  cette  viole  d'amour  de- 
vait être  tendue  de  quatre  cordes  métalliques  et  d'une 
corde  ordinaire*.  Nous  ignorons  le  dispositif  du  ma- 


1.  Concerto  (1667)  de  viole  d'.imour  avei:  lulii  et  deux  violons  : 
Sonnie  antérieure  à  1680  pour  violon,  \iole  d'amour  et  basse,  nis. 
Sonati-s  108i,  .Nurcraherg  E.N.  ;  Vm'.  US:;. 

i.  Duos  pour  deux  violas  d'amour,  1693,  Vienne. 

3.  Concerto  de  viole  d'amour,  1698,  avec  viole  de  gambe,  lulli, 
mandoline,  B.  C. 

4.  Rien  ne  prouve  que  Bach  ait  écrit  pour  un  d-'ssus  de  viole  monté 
decordes  symp.illiiques.  M.  PiriRo  est  tout  a  fait  partisan  de  cettcmon- 
ture  intermédiaire,  et  Mattbe^on  (1671-1764)  signale  qu'il  en  résultait 
une  sonorité  argentine  extrêmement  agréaljle  convenant  d'ailleurs  aui 


nuscritde  Bach, mais  nous  trouvons,  dans  l'aria II  delà 
cantate  205,  l'accompagnement  de  Zcp/ii/rusconfiéaux 
violes  d'amour  et  violes  de  gambe,  avec  conlinuo  ;  ces 
violes  ne  font  pas  entendre  un  seul  accord,  la  partie 
de  viole  d'amour,  s'étend  de  Vutjt^  à  Vuti  en  si  mi- 
neur, et  rien  ne  prouve  qu'il  fallut  des  violes  à  six 
cordes  frottées  et  sympathiques  pour  cette  exécu- 
tion-' (voir  le  tome  XI  de  la  Bachgeselhelutft).  Dans  la 
Passion  si'lon  saint  Jean  (tome  XII),  l'arioso  de  la 
basse,  en  ?ni[i,  accompagné  par  deux  violes  d'amour, 
luth  et  B.  C,  les  parties  de  viole  d'amour  s'étendant 
du  sot 2  au  labi--. 

L'accompagnement  de  l'aria  n"  3  en  ut  min.  pour 
ténor  est  inliniment  plus  chargé  pour  les  deux  violes 
d'amour  et  le  continuo,  sans  cependant  dépasser 
les  limites  du  violon  (c'est-à-dire  sol^  à  ni;),  qui 
pouvait  être  appelé,  le  cas  échéant,  à  remplacer  la 
viole  d'amour  manquant  :  il  semblerait  que  Bach 
avait  redouté  celte  éventualité!  < —  Mais,  combien  de 
difficultés  avait-il  accumulées  dans  cette  pif-ce,  aussi 
bien  pour  les  violesque  pour  l'orgue  et  le  ténor,  sans 
que  les  parties  de  viole  continssent  cependant  un 
accord  ni  même  une  double  note...!  Tout  ceci  con- 
firme parfaitement  l'opinion  précitée  de  M.  Pinno, 


sujets  tendres  et  languissants  (A.  Pirro,  Esthétique  de  Bach.  Paris 
p.  ilD). 

5.  En  1734,  Bach  fit  jouer  celle  cantate  pour  fêter  Ta^ènciTient  do 
l'électeur  de  Pologne. 


1784 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


car,  logiquement,  il  était  bien  inutile  d'avoir  un  ins- 
trument de  polyphonie  à  six  cordes  pour  n'eu  tirer 
que  des  notes  simples'. 

Kn  dehors  de  ces  œuvres  de  l'école  allemande,  il  faut 
bien  reconnaître  que  toute  l'ancienne  musii|ue  de 
viole  ou  dessus  était  immédiatement  exécutahie  pour 
les  violes  garnies  de  cordes  sympathiques,  violes 
d'amour  et  baryton,  de  sonorité  nouvelle  ;  les  mu- 
siciens partisans  de  celte  résonance  métallique 
avaient  ajouté  des  cordes  sympathiques  à  leur  des- 
sus de  viole,  soit  à  titre  provisoire  (sans  modifica- 
tions du  chevillier,  comme  nous  l'avons  exposé  pour 
le  baryton),  soit  à  titre  définitif  avec  chevillier  et  tète 
ad  hoc,  souvent  une  tête  sculptée  de  femme  portant 
sur  les  yeux  le  bandeau  de  l'amour. 

Contrairement  à  toute  logique-,  ces  violes  d'amour 
avaient  en  général  sept  cordes  frottées  et  six  ou  sept 
cordes  sympathiques;  quelques-unes  de  ces  violes 
nous  sont  parvenues  cependant  avec  douze  et  quinze 
cordes  sympathiques,  dont  celle  de  M.  GriesseriIus- 
priick,  1727),  portant  douze  cordes  sympathiques  (d'a- 
près Vidal),  celle  de  J.  Thielre  (n"  160  du  musre  du 
Conservatoire  de  Paris),  garnie  de  quatorze  cordes 
sympathiques,  celle  de  J.-Ll.  KnERLÉ  (Prague,  1743), 
celle  de  Mathias  Klotz,  n»  1;)4,  l'un  des  plus  cui-ieux 
instruments  du  musée  du  Conservatoire  de  Paiis; 
elle  porte  sept  cordes  principales  et  quinze  cordes 
sympathiques  (I732i  aboutissant  à  une  double  tète 
en  poirier  d'une  exécution  remarquable  (longueur 
de  corde  du  sillet  au  chevalet,  0,38). 

Le  P.  BoNANNi  nous  donne  dans  son  Gabinetto  ar- 
monico,  édité  à  Rome  en  1722,  p.  110,  tme  précision 
intéressant  ces  montures  sympathiques  dont  nous 
ignorions  l'origine.  On  peut  fixer  maintenant  celte 
dernière  dans  la  période  comprise  entre  1703  et  1722, 
pour  le  dessus  de  viole  d'amour. 

<c  Un  altro  simile  istrurnento  si  usa  d'alcuni,  si 
chiama  viola  d'araore,  ne  ho  potuto  indagare  la 
cagione,  percui  gli  sia  stato  imposto  tal  nome. 

i(  In  altro  non  dilTerisce  dal  sopradetto.che  nelle 
corde,  perche  sotto  le  corde  d'intestin!  ve  ne  sono 
àltrettante  di  melallo,  le  quali  henche  non  toccale 
d'ail  arco,  renclono  un  suono  assai  doice,  che  accresce 
l'harmonia  délie  altre.  » 


Il  paraît  bien  évident  que  des  violes  de  longueur 
totale  de  0,85  (Thielke)  et  de  0,77  (Klotz),  avec  tètes 
et  manches  aussi  lourds,  se  jouaient  sur  lesiicnouih^ 
ne  pouvant  être  tenues  quelque  temps  à  bout  de  bras 
gauche. 

l'aut-il  supposer  que,  pour  répondre  au  désir  des 
violonistes,  les  luthiers  avaient  allégé  la  tète  de  la 
viole  d'amour  en  réduisant  le  nombre  des  cordes 
sympathiques?  Les  spécimens  ci-dessous  connus  le 
feraient  supposer  :  Partl,  7  coides  frottées  -\-  sept 
cordes  sympathiques  (l'46l,  Kempter  (7  -j-  7)  (1740), 
WoLTERs"(6  +  6)  (1749),  M.  Uagliano  (6  -f  6)  (1750), 
Salomon  (7  +  6)  (1756),  Socquet  (7  +  7)  (17651,  Sto- 
RiONi  (6  -i-  6)  (17731,  T.  HiiERLÉ  (7  +  7)  (17741,  Dkle- 
PLANQUE  (1773),  etc.;  ce  type  illogique  de  viole  d'amour 
était  bien  fait  poui' intéiesser  quelque  temps  les  vio- 
lonistes, à  I  heure  où  les  princes  Ksterhazy  tentaient 
la  restauration  du  baryton.  Mais,  pratiquant  la  poli- 
tique du  moindre  elTort,  la  viole  d'amour  répudie 
l'accordature  classique  des  violes  qui  convenait  si 
bien  à  toutes  les  tonalités  et  à  la  technique  des  vio- 
loncellistes pour  adopter  l'accordature  en  ré  majeur, 
l'exécution  perpétuelle  en  /v  majeur  ou  si  mineur  et 
la  technique  des  violonistes. 

L'histoire  ne  nous  a  pas  laissé  le  nom  du  créateur  de 
cette  nouvelle  classe  de  violistes,  peut-être  bien  issue 
de  Mannheini,  si  l'on  eu  juge  par  le  talent  et  l'origine 
du  virtuose  compositeur  Johann  STASirrz'  (1710-1757), 
qui  jouait  u[ie  sonate  de  viole  d'amour  de  sa  compo- 
sition au  Concert  spirituel,  le  8  septembre  1754. 

Cependant,  la  Méthode  pour  la  viole  d'amour  de 
MiLA.NDRE  (1782)  nous  semble  résumer  les  tendances 
des  violonistes-violistes,  ses  aines  et  ses  contempo- 
rains :  J.  Stamitz  (1710-1757),  Toeschi  (1724-1788), 
C.  Stamitz,  lils  de  Johann  (1746-1801),  de  l'école  de 
Mannheim,  Krumlowsry  (17. .-1768),  le  Père  Irène 
Hrazecr  (1725-1777),  Koescber  (1719-1783),  Kherlé 
(1735-1772),  de  l'école  de  Rohème,  le  docteur  Fr.  Aug. 
Weher  (1753-1806),  de  Heilbronn,  plus  didacticien 
qu'exécutani,  auteur  d'une  méthode  et  d'une  disser- 
tation sur  la  viole,  d'amour  avec  les  améliorations 
qu'on  peut  y  faire'',  Hlt.erti  (17601,  de  Vienne''. 
Mila.n'dre  expose  tout  son  enseignement  en  quatre 
lignes  : 


Accordature 
delà  Vioîedamoiip 


Le  doigté 


Le  Doigte  Chromatique 


').  \.  Ciimn,  J.-S.  llnch.  Paris,  I!il3,  Ali-iui,  l'JOb. 

l3.  A'ù  xix»  siècl">  en  l'>Hiice.  on  -nenlenJait  plus  la  viole  (Vinnour 
."lUtrora.ontque  sous  les  espèces  de  la  viole  ilcs  huijaenots  dont  W  t\KR- 
fiKKix  ag'ûa  l'emploi  sui"  la  proposition  dH  uhan  [18315);  nous  (ii  Iriiile- 
ro^is  plus  lo'in. 

.t.   Voir  les  notes  précédentes. 

%.  M  BnsMKT,  Zes  Ccnetrls  m  Fiimee.  Paris,  1900,  p.  S33,  rt  Mfr- 
eure  d'ort.  1754. 

•5.  Gazette  musicale  de  Spire  (ITS'n. 

6.  MiLANDHE,  musicien  cl  compositeur  ,'i  l'aris,  avait  tait  ]iartie  de 


la  c^ïtmbre  de  Louis  .VV,  pour  ^a^iole  d'mnour,  à  partir  de  1740,  et 
(  onserva  celte  charge  jusqu'en  t7"l. 

Il  avait  fait  graver  en  ITTtl  uîie  sonute  à  7  voix  pour  le  Concert  spi- 
rituel et  publia  en  1 78i  sa  Mi'thmie  faritr  plttii-  In  viole  d'amour,  op.  "> 
tDifl.  de  CmîRos  et  Fav..u.k,  1S17|. 

l>tte  niétliode  renrerme  des  pi-L-es  pour  la  \iole  d'amour  avec 
aceotnpagnoiiient  de  violoncelle,  un<^  )>otonaise  pour  viole  d'amour, 
violon  et  basse,  et  un  ttio  pour  les  mi^mrs  instruments. 

Hdbekti  'â  publié  en  1760,  i  Vienrw,  en  3  vol.,  A^cKe  Metlwden-mfT' 
siffe  fitr  viola  d'amor  iùiri,  dt?  Oit.mi'Trj  et  Patolt.i-:). 


TECIIXIOL'E,  ESTIIÉTIQVE  ET  PÉDAGOGIB 


LES    VIOLES    1785 


appliquant  Ips  doisli's  du  violon  (quatre  premières 
positions)  à  sa  viole  d'amour,  dont  les  six  cordes  à 
vide  sonneiil  l'accord  de  re  majeur,  et  les  six  cordes 
sympathiques  sont  fiénéralement  accordées  diatoni- 
quement  dans  le  niêmefton. 

H  aurait  fallu  (tjualcr  certaines  pièces  des  Marais  et 
des  Caix  uHeiivelois  en  ré  majeur  ou  si  mineur  pour 
•cette  nouvelle  viole.  Milandre  et  quelques  autres 
en  ont  composé,  qui  n'altei^'iient  pas  la  quanlilé  de 
musique  écrite  chez  les  princes  Kslerhazy  pour  la 
restauration  du  baryton,  dont  la  viole  d'amour, 
tendne  de  cordes  sympathiques,  était  en  réalilé 
le  soprano,  spécialement  mis  à  la  disposition  des 
violonistes  (au  détriment  des  cambistes  et  violon- 
cellistes) voués  au  ré  majeur  perpétuel. 

En  résumé,  le  xvin'  siècle  connut  cinq  écoles  de 
viole  d'amour'  : 

1°  Dessus  de  viole  monté  de  six  cordes  métalliques 
d'accordatiire  normale  selon  Moksseau  etBRossARD: 
■  2°  Le  même  monté  de  six  cordes  boyau  de  frot- 
tées avec  cinq  à  quinze  cordes  sympathiques; 

.3"  Viole  d'ARiosri  montée  de  quatre  coides  niétal- 
.liques  frollées,  d'accordatures  variées,  sans  cordes 
I  sympathiques; 

4"  Viole  d'amour  d'orchestration  de  Bach  (quatre 
cordes  métalliques  plus  une  corde  filée  frottées, 
isans  cordes  sympathiques)  ; 

5"  Viole  d'amour  de  Mjlandbe  (six  cordes  frottées 
•aveé'  cinq  à  quinze  cordes  sympathiques  et  l'accor- 
dature  de  Milandre  en  ré  majeur). 

Cependant,  nous  connaissons  partie  des  œuvres  du 

I .  N'ayanlpu  analyser  loiilns  les  œuvres  ci-dessous,  nous  ne  pouvons 
savoir  pour  quelle  viole  elles  sont  écrites,  et  nous  laissons  aus  chor- 
iclieurs  de  l'avenir  le  soin  de  pîéciser  ce  point  : 

Johann  Stamitz  (IT19-i7.ï7)  de  Manntieim.  A'oiià/c. 
.      Le  P.  Irène  Hba^eck  (17.'JD-1777j  de  Prague,  Sonates,  trios,  roncerti. 
C.-G.  Fœschi  (173.i-178S)  de  -Mannheim.  floli  (I75S). 
Paul  KoEscHER  (ni'i-l^sS)  de  Bohème.  Concerti. 
I      J.-F.-G.  Wekcei.  ou  Wf.nkel  (17.54-1794)  de  Nordbausen.  Concerti. 
.      BoDK  (17Su-l"9:t)  de  Weiraar.  Soli. 

F. -G.  Riisï  |17:i9-1706)  do  De«sau,  Sonates  et  aria.  Berlin,  Sonate.s 
•pour  iHole  it'amour  et  violon.  Berlin,  ms.  1910-97.  Sonate  pour  viole 
■d'amour  et  r.cltn.  B.  rlin,  ms.  (1910-1908). 

-    F.-G   Rosr.  Trio  /Jour  vinle  d'amour  et  deux  flûtes.    Berlin,  1910. 
_     G.-B.  ToEscHi  (1746-180ÛI  de  Mannheim,  ms.  19345  de  la  Société  des 
amis  de  Vienne. 

Karl  .-^TAMrrz  (1746-1801)  de  Mannheim.  Sonates,  ms.  21155.  Berlin. 
Deux  Ctmrerti.  — ^  Sonate  pour  note  d'amour  et  tuasse  {.Sncicté  des 
.amis  de  Vienne], 

D'  F.-A.  Weuta  (17.ï3-180ti)  d'ilellbronn,  un  Concerto  et  ilivcrs. 
(!answi.\d  (177-1-18..).  Concerti,  1807. 

Citons  C'icore  de-*  pipci'9  de  musique  de  chambre  comportant  la  par- 
'ticipatioQ  d"  la  viole  d'amour  : 

^      J.-J.   Scn^El.l.  (1731)  d'Augsbonrg.   2'rios  pour  viole  d'amour,  flûte 
et  basse,  op.  -ï. 
(îotllob  llARitER  (17.Ï0'?).  Trios  et  divertimenti  pour  viole  d'am'nir 
'  -et  divers . 

KrCmluwskv  (170;)'.').  Quatuors  pour  deux  violes  d'amour,  violon  et 
basse. 

L.  lIoiFMAN.N  (1730-1793).  tjiiintettes  pour  deux  violes  d'amour  et 
divers. 

D'  VVEDin  ll7.Vi-1806),  9  7',iV/.s,  ijuatuors  et  r/uintrttes. 
J.-A.   Fehhe  11700-18..).  O'iinlrtles. 
J.  Pfhfkkb  (I790-184j),  TrioSf  sextuors. 

.lames  Z'Anr  M892-19..)  de  La  Haye.  Septuor^  viole  d'amnur  et 
viole  de  gantbe  deux  violons,  alto,  cello,  contrebassef  1921. 

Dansielte  musique,  on  devine  sanspeine  îles  elfets  analogues  ans 
sonorité-;  variées  obtenues  j).ir  Boccheuim  d.'ins  ses  (quintettes  à  cordes 
Mi,  11,  18)  en  fais. ml  entendre  partie  des  exécutants  con  sor'lini  et  les 
autres  seitza  ■•iordini.  Musique  moderne  que  nous  cilons  ici  à  titre 
exceptionnel  comme  exemple  de  l'emploi  de  la  viole  d'amour  dans  la 
musique  de  chambre  du  \x"  siècle. 

Tout  ceci  n'est  évidemment  qu'une  énun)ération  bien  incomplète 
d'œui-res  généralement  manuscrites  et  éparpillées  sur  la  rive  droite 
du  Hhin. 

Les  Concerti  du  xviu*  siècle  n'étaient  pas  des  soli  de  virtuosité  au 
sens  moderne  du  mot,  mais  seulement  des  pièces  en  concert  jouées 
souvent  par  plusieurs  instruments,  dont  la  viole  d'amour  tenait  la 
|)artie  piincipale. 


célèbre  lirsT  (1739-1790),  contemporain  de  Milandre, 
et  nous  ne  signalerons  pas  sans  étonnement  que,  soit 
dans  le  Duetto  )iev  la  viola  d'uinare  e  violoncello,  soit 
dans  Is-sotialina  per  la  viola  d'amore  col  liasso  o  viola 
ticcompaijnnta,  la  sagdcité  du  violiste  est  encore  mise 
à  l'épreuve  presque  autant  que  dans  les  Leçons  d'A- 

RIOSTI. 

Ces  œuvres  se  jonentsiirune  viole  accordée,  selon 
Milandre,  ré,,  la^,  ré^,,  fit,::,  la^,  ré,,,  et,  si  le  vio- 
liste doit  lire  en  clef  de  fa  tout  ce  qui  est  écrit  ainsi 
(mais  une  octave  ,iu-dessous  de  la-réalité),  il  doit,  eu 
revanche,  lire  en  clefde  sol  deuxième  ligne  ce  qui  est 
écrit  en  clef  d'tit  troisième  liftne,  et,  de  plus,  jouer 
réellement  en  clefde  f:ol  ce  qui  est  écrit  en  clef  de  sol. 
Pourquoi  tant  de  rébus? 

Si  Milandre  avait  résumé  dans  sa  méthode  les  ten- 
dances de  la  lin  du  xviir  siècle,  des  composileurs  tels 
que  BoccHERiNi,  Haydn,  .Mozart  ou  leurs  successeurs 
paraissent  avoir  tout  à  fait  oublié  cette  viole  d'amour 
dont  Kral  (•de  Vienne)  enseigne  les  principes  dans 
une  méthode  x\a  xix'  siècle. 

Il  appartenait  à  I'rhan  de  réaliser  une  double 
résonance  de  viole  d'amour  avec  une  nouvelle  ac- 
cordature,  pour  laquelle  étaient  ajustés  les  soli  du 
Paradis  de  Mahomet  et  de  VJmire  et AzOr,  exécutions 
qui  lui  valurent  d'ailleurs  des  èalyes  d'applaudisse- 
ments trois  fois  répétées-. 

J.  Kastner  a  'publié  sur  Ch.  L'rhan^  une  très  lon- 
gue notice  nécrologique,  dont  nous  reproduisons 
ici  les  grandes  lignes  en  laveur  du  seul  arlisie  qui 
se  soit  consacré,  en  France,  à  la  viole  d'amour  du 
xix«  siècle  : 

"  Chrétien  Uriian  ,  I790-184o),  enfant  prodige  du 
violon,  chaudement  recommandé  (180"i)  par  l'impé- 
ratrice Joséphine  au  ov'-lèbre  Lesieur,  aloi's  maître  de 
chapelle  de  l'emiiereur,  prit  dans  l'intimilé  du  maî- 
tre, qui  le  traitait  comme  un  lils,  le  goût  des  arts  à 
un  point  tel  qu'il  songeait  à  concourir  pour  le  prix 
de  Kome,  quand  survinrent  les  événements  de  )814- 
entrainant  une  subite  révolution  dans  les  affaires 
sociales. 

<■  Cette  catasti'ophe,  qui  changeait  brusquement 
la  position  d'L'RHAN,  réveilla  dans  son  cœur  les  idées 
religieuses  vers  lesquelles  il  s'était  senli  porté  de 
tout  temps.  .Son  caractère  se  niodilia,  son  existence 
s'enveloppa  de  singularités  et  de  mystère! 

c(  Premier  alto  à  l'Opéra  eu  181(5,  successeur  de 
Baillot  et  premier  violon  eu  1823,  soliste  de  la  .Société 
des  concerts  du  Conservatoire,  où  il  se  (it  entendre 
siiriin  violon-alto  monté  decinq  cordes  yitt.,,soU,ré^, 
la,,  iniC]'',  dont  il  tirait  des  elfets  aussi  neufs  que 
ravissants,  il  employa  d'une  manière  remarquable 
la  viole  d'amour  qu'aucun  autre  virtuose  n'a  cultivée 
de  nos  jours '. 

"  il  accoidait  son  iiislrunient  :  ré,,  f'ifi,  la,,  ré^, 
fai,,,  la^.i'éi''. 


1.  Le  Paradis  de  Mahomet,  dû  à  la  collaboration  de  (Ib.-F.  KeEnni-: 
(1777-1846)  el  de  Rodolphe  KriEi:T7.GR  U756-l«3-l),  fnt  joué  «  la  salle 
Feydcau,  le  -3  mars  lt>22.  It'un  autre  côte,  G. -M.  ScnNux/uor-i  i  r. 
(I7Sa-ISo2j  igénéralement  appelé  Bf.iithand)  composa  la  musique  du 
ballet-panloujimc  de  A.-J.  Deshayes,  Zémire  et  Azor,  joué  à  l'Opéra 
le  20  octobre  1»>24. 

3.  Revue  et  f/azette  musicale  de  Paris,  Maurice  ScnLEsmcFn,  année 
1M3,  n-  +7  et  48. 

4.  Disposilil'  dont  on  a  souvent  attribué  la  paternité  à  VVoi.demau 
(17.^0-1816),  élève  de  Loli.i,  qvri  a  laissé  un  concerto  pour  le  violon 
alto. 

5.  Ceci  était  écrit  en  ISia.  L'nnAN  a  laissé  qiiel(|ues  compositions  : 
.So/o. jouéà  la  Société  des  concerts  dn  Honservatoli-e  le  7  mars  1830, 
et  des  Souvenirs  (1633)  pour  viole  d'amour, 

6.  Ainsi,  revient  à  'la  mode  la  viole  à  sept  cordes 


1786 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


il  Bon  harmonisle,  organiste,  lecleur  irrépro- 
chable, Ubhan  voulut  vivre  loin  des  vicissiludes 
politiques  et  des  trisles  choses  de  ce  monde,  en 
continuelle  coiUempIalion  des  perlections  de  prin- 
cipe divin.  Il  a  laissé  pour  ses  élèves  une  fort 
curieuse  lettre  (20  mai  1836)»  qui  constitue  une 
vérilalile  profession  de  foi  d'artisie  et  de  chrétien  ; 
à  la  charité  la  plus  ardente  il  unissait  les  pratiques 
d'une  dévotion  mystique;  mais  il  avait  obtenu  de 
son  directeur  spirituel  la  permission  d'occuper  son 
emploi  à  l'Opéra,  sous  condition  qu'il  ne  lèverait 
jamais  les  yeux  sur  la  scène^.  »  (30  novembre  1845. ) 

Dans  son  Dernier  musiciana,  page  321,  Weckeblin 
laisse  entendre  qu'UnHAN  fut  un  pseudonyme,  qu'il 
en  avait  reçu  la  confidence  de  la  bouche  même  du 
célèbre  violiste...  Sous  toutes  réserves!  Il  aurait  em- 
porté son  secret  dans  la  tombe  ! 

Mais  encore,  nous  devons  ajouter  qu'UnuAN  fut  un 
critique  musical  du  journal  le  Temps.  Le  numéro 
du  2o  janvier  1838  donne,  en  elfet,  sous  la  rubrique 
«  Premier  concert  du  Conservatoire  »,  une  longue 
analyse-commentaire  de  la  Symphonie  avec  chœurs 
de  Beethoven,  qui  venait  d'y  être  dii'igée,  le  dimanche 
14  janvier,  par  Habeneck,  et  ce  commentaire  pour- 
rait bien  être  l'un  des  articles  les  plus  importants 
qu'on  ait  écrits  sur  la  XI'  Symphonie,  non  seulement 
en  français,  mais  dans  toute  la  littérature  musicale, 
pensait  J. -G.  Puod'houme  (1906),  en -reproduisant  ce 
commentaire  ni  e.ïtenso  dans  son  ouvrage-',  sans 
méconnaître  la  valeur  des  feuilletons  de  l'Éris  et  1>er- 
Lioz  sur  le  même  sujet.  Comliien  de  violonistes  mo- 
dernes seraient  capables  d'analyser  avec  le  même 
succès  un  œuvre  géniale  comme  la  IX'  Symphonie? 

Un  graveur  français,  A.-K.  Legentil,  nous  a  laissé 
(Bibliothèque  nationale,  cab.  des  Estampes,  don 
2449)  le  portrait  d'URH.v^.  Musicien  et  traducteur  en 
français  des  notices  allemandes  de  Wegklefi  et  Ries 
sur  Beethoven  (Paris,  )8.t2,  Uentu),  Legentil  fut,  sans 
doute,  pour  la  musique,  l'élève  du  maître  dont  il  re- 
produisit les  traits  (1852|  en  «  gravure  à  la  pointe 
par  le  moyen  de  l'éleclricité  »,  nouvelle  technique  de 
son  invention  *. 

Revenons  à  la  technique  du  Paganini  de  la  viole 
d'amour,  dont  Berlioz  nous  donne  le  secret  dans  les 
termes  suivants^,  dès  1839  : 

«  La  viole  d'amour  est  presque  partout  tombée  en 
désuétude,  et  sans  M.  Urban,  le  seul  artiste  qui  en 
joue  à  Paris,  cet  instrumentne  nous  serait  connu  que 
de  nom.  Il  a  sept  cordes  en  boyau  dont  les  trois  plus 
graves  sont  recouvertes  d'un  (il  d'argent:  au-dessous, 
septautres  cordes  de  métal  accordées  à  l'unisson  des 
premières  pour  vibrer  avec  elles  sympalliiquement 
et  donner,  en  conséquence,  à  l'instrument  une  se- 
conde résonance  pleine  de  douceur  et  de  mystère. 


"  On  l'accordait  autrefois  de  plusieurs  manièies 
bizarres  : 

réi,  fa^i,  la,,  réj,  fa^:,,  /».,,  ré;. 

«  Les  sons  harmoniques  sont  d'un  admirable 
effet...  La  disposition  en  accord  parfait  de  ses  sept 
cordes  à  vide  donne  toute  facilité  à  la  viole  d'amour 
pour  produire  assez  rapidement  les  arpèges  de  son 
accord  en  ré  majeur  à  l'octave  et  à  la  double  octave 
supérieure,  ceux  de  l'accord  de  la  majeur  à  la  dou- 
zième supérieure,  et  ceux  de  l'accord  de /'a?  majeur 
à  la  dix-septième  supérieure... 

«  Comme  ces  trois  accords  ne  suffiraient  pas,  sans 
doute,  pour  accompagner  sans  interruption  un  chant 
un  peu  modulé,  il  n'y  aurait  aucune  raison  pour 
ne  pas  avoir  une  partie  des  violes  d'amour  accoi'dées 
d'une  autre  manière,  en  ut  par  exemple,  ou  en  ré  p, 
selon  les  accords  dont  le  compositeur  aurait  besoin 
pour  son  morceau. 

"  Le  charme  extrême  de  ces  harmoniques  ou  ar- 
pèges sur  les  cordes  à  vide  mérite  bien  qu'on  prenne 
tous  les  moyens  possibles   pour  en  tirer  parti. 

«  La  viole  d'amour  a  un  timbre  faible  et  doux; 
elle  a  quelque  chose  de  séraphique  qui  lient  à  la 
fois  de  l'alto  et  des  sons  harmoniques  du  violon  ; 
elle  convient  surtout  aux  sons  liés,  aux  mélodies 
rêveuses,  à  l'expression  des  sentiments  extatiques  et 
religieux! 

Il  Quel  ne  serait  pas,  dans  un  andanle,  l'effet  d'une 
masse  de  violes  d'amour  chantant  une  belle  prière 
à  plusieurs  parties,  ou  accompagnant  de  leurs  har- 
monies soutenues  un  chant  d'alto  et  de  violoncelle 
ou  de  cor  anglais  ou  de  fii'ite  dans  le  médium  mêlé 
à  des  arpèges  de  harpes!  11  serait  vraiment  bien 
dommage  de  laisser  se  perdre  ce  précieux  instru- 
ment, dont  tous  les  violonistes  pourraient  jouer  après 
quelques  semaines  d'étude.  » 

Et  plus  loin  (page  29:j),  Berlioz,  esquissant  la 
composition  d'un  vaste  orchestre  (quatre  cent  soixante- 
sept  instrumentistes  et  trois  cent  soixante  choristes), 
envisageait"  la  réunion  de  cent  vingt  violons  et  qua- 
rante altos,  dont  dix  au  moins  joueraient  à  l'occa- 
sion de  la  viole  d'amour,  quarante-cinq  violoncelles 
et  trente-sept  contrebasses  ><. 

Si  Berlioz  [lous  donne  le  secret  de  cette  accorda- 
ture  réalisant  le  maximum  des  résonances  harmo- 
niques (en  )'t',  la,  fa  S),  on  trouvait,  du  moins,  dans 
l'écriture  du  solo  de  Zé mire  cl  Azor  que  nous  repro- 
duisons ci-dessous  (en  marquant  pas  des  blanches 
les  notes  à  vide  et  résonances  sympathiques),  les 
raisons  du  succès  d'URHAN,  témoignage  de  l'admira- 
tion des  spectateurs  émerveillés  d'entendre  pour  la 
première  fois  des  résonances  généralement  insoup- 
çonnées. 


1.  Au  Icndctiiiiin  de  la  rc|irê&entalii>n  tics  BiifjwnoU. 

2.  Ei.uAHT  assure  qu'UitHAS  ne  jeta  pas  une  seule  fois  les  rngards 
sur  la  sciine  pondant  les  Ireute  années  qu'il  passa  dans  l'orchestre  de 
l'Opéra. 

Voici  à  sou  sujet  une  épigramme  qui  courut  dans  le  temps  : 

D'un  simple  ilrap  posé  sur  une  éc/tellt! 
L'altiste  Urnaii  se  composait  un  lit  : 
Peudant  trente  ans  il  ferma  sa  prunelle 
Dans  un  orchestar  ou  maint  (/u'.re  l'ouvrit. 

(lîi.wAitT,  Hist.  de  la  Société  des  concerts,  p.  138.) 


3.  J.-G.  Prud'homme,  Symphonies  de  Beethoven,  Paris,  1900,  p.  4o8. 

4.  Kenseignenicnts  dus  a  l'obligeance  de  lil.  t'.ourboin,  le  distingué 
conservateur  du  Cabinet  des  estampes  de  la  Btbl,  nationale  (lDi4). 

5.  Berlioz,  Ti-aité  d'instrumentation,  op.  10.  Paris,  IS^l!*,  pages  38 
à  40. 

En  18311,  Bermo/  ne  connaissait  ni  AniosTis,  ni  la  viole  d'amour  dans 
Bacu,  <iue  MK^^^:LÇ50H^  couimeni^ait'a  répandre  ;  d'ailleurs,  licHi.iu/  est 
mort  ,lstin)  bien  longtemps  avant  que  la  llachgesellschaft  ait  mis  au 
jour  l'ij-uvre  monumcnlale  du  célèbre  cantor. 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LES    VIOLES    178- 


Oouile  oct.      if 


i^ttiii 


Voici  donc  les  mélliodes  de  Milandre  et  Kral  pour 
viole  d'amour  à  six  cordes,  ré,,  ta-2,rc.j,faïf.,,laj,riji, 
démodées  et  remplacées  par  la  viole  à  sept  cordes 
d'L'RHAN  en  ré  2,  fa  'i^.,,la  i,rtK,,  /'"ï;i,  /"a,  7-e  i, sauvée  de 
l'oubli  par  les  Huguenots  de  Meverbeeh  au  premier 
acte,  pour  l'accompagnement  de  la  iîomance  de  Raoul 
(création  ;i  l'Opéra  de  Paris,  le  29  février  1836).  Nous 
en  arrivons  chronologiquement  au  point  toujours  dis- 
cuté de  l'histoire  de  la  viole  d'amour  au  .\ix=  siècle. 

Après  Berlioz  et  Kast.ner,  Tolbecque  n'a  pas  craint 
d'assurer,  dans  son  Art  du  luthier,  que  Meverbeer 
avait  écrit  un  prélude  de  viole  d'amour  suivi  d'un 
soi-disant  accompagnement  pour  la  célèbre  flomoHcc', 
ajoutant  "qu'il  était  impossible  de  trouver  un  violiste, 
que  l'alto  solo  prenait  une  viole  accordée  suivant  Mi- 
landre  et  n'avait  qu'à  passer  l'archet  sur  les  cordes  à 
vide,  reprenant  la  même  chose  à  l'octave  en  sons 
harmoniques,   en  terminant  par  un  accord  parfait. 

«  Puis,  l'alto-solo  substituait  immédiatement  à  la 
viole  son  alto  et  accompagnait  la  Romance  avec  cet 
alto,  car  il  lui  aurait  été  absolument  impossible,  avec 
l'accord  bizarre  de  Mila.ndre,  de  jouer  autre  chose 
que  des  pièces  en  ré  majeur,  tandis  qu'avec  l'accord 
ancien,  /a,,  ré,,  sol 2,  do ■„  mi^,  la^,  réi,  cet  accom- 
pagnement très  modulant  eut  été  facile;  mais,  il 
aurait  fallu  travailler  la  viole! 

«  Cetle  petite  supercherie  a  toujours  été  pratiquée, 
et  le  public  ne  cesse  d'être  persuadé  qu'il  a  entendu 
jouer  et  accompagner  sur  la  viole  ancienne  ! 

«  Cela  serait  peine  perdue  que  de  vouloir  lui  prouver 
le  contraire-  !  » 

Ceux  qui  ont  lu  Iîeulioz,  Kastnkr,  Tolbecque  et 
bien  d'autres  écrivains  sont  encore  peisuadés  (]ue 
Meyerbeer  écrivit  logiquement  prélude  et  accompa- 
gnement pour  la  viole  des  ménestrels  du  .xvi»  siècle, 
puisque  les  ménestrels  suivaient  leur  seigneur  même 
en  captivité,  comme  il  advint  à  ceu.\  de  Jean  le  Bon 
(1336),  l'ait  prisonnier.  D'ailleurs,  le  poète  du  temps 
nous  en  a  bien  indiqué  la  tradition  : 

Faut-il  pas  qu'un  servant  son  seigneur  accompagne. 
Fidèle  à  sa  fortune,  et,  qu'en  adversité 
Luy  soit  autant  loyal  qu'eu  ta  félicité  ! 

[P.  de  UoxsAiiD,  1524-1585'.) 


t.  Tolbecque  a  commis  une  erreur  impardonnable  jioiir  un  violon- 
celliste, sinon  élève  du  Nouuli.n  pour  lequel  fut  écrit  l'ace'  de  la  Ilo- 
miince,  du  moins  élève  de  la  classe  concurrente  de  \'aslin  {184o) 
au  Conservatoire.  Trop  jeune  pour  avoir  jamais  entendu  L'bhan, 
Ti'inECuuE  avait  connu  ses  élevés  cl  les  traditions  dM'BHAN. 

2.  M.  DE  Bricqdevk.le  s'exprime  encore  plus  sévèrement  dans  sa 
plaquette,  Ln  Viole  d'amour,  Paris,  1908,  Fistlibaclicr,  à  l'égard  du 
public  de  l'Opéra. 

3,  Ronsard,  Bpitre  à  lîi'mi/  Delleau. 


Bkrlioz,  rendant  compte  de  la  première  représen- 
tation Ae?,Hu(]uenots'',  écrivait  en  etfetceci  : 

'<  La  romance  est  plus  remarquable  par  la  ma- 
nière dont  elle  est  accompagnée  que  par  le  chant  lui- 
même;  la  viole  d'amour  y  fait  merveille  et  l'entrée  de 
l'orchestre  retardée  jusqu'aux  vers  «  û  reine  des 
amours  »  est  une  heureuse  idée.  » 

Klwart  (1784-1871)  confirme  ceci  : 

«  C'est  L'ruan  qui,  le  premier,  a  joué  le  solo  de  viole 
d'amour  qui  accompagne  la  romance  «  Plus  blanche 
que  la  blanche  hermine -^  » 

Nous  ne  pouvons  douter  de  l'a'firmation  de  ce 
témoin  auriculaires!  Mais  faudrait-il  en  conclure 
que  Meyerbeer  écrivit  prélude  et  accompagnement 
k  l'intention  d'(jRHA.\  ou  du  ménestrel  de  la  suite 
de  liaoul'.' 

Attendons  et  entendons  un  troisième  témoin,  Del- 
DKVEz,  qui  fut  tout  à  fait  à  même  de  préciser  d'inté- 
ressants détails  dans  un  ouvrage  devenu  rare*",  sans 
contredire  d'ailleurs  ni  Berlioz  ni  Elwart. 

i<  Les  lluijuenots  ont  été  montés  pour  la  première 
fois,  en  1836,  sous  Habeneck. 

«Pendant  les  vingt-sept  ou  vingt-huit  répétitions 
générales  de  l'ouvrage,  les  modifications  apportées 
par  l'auteur  sont  les  suivantes: 

«  La  romance  était,  dès  l'origine,  accompagnée  par 
un  violoncelle  solo.  La  viole  d'amour  d'LiRBAN  vint 
remplacer  le  violoncelle  de  Norblin  (violoncelle  solo 
on  1836).  .. 

IJeldevkz  ne  manquait  pas  d'autorité  pour  faire 
connaître  ces  modifications:  premier  prix  de  violon 
de  1833,  et  entré  à  l'orchestre  de  l'Opéra  la  même 
année,  il  était  bien  placé  pour  savoir  que  Meyi  bbeer 
avait  écrit  la  romance  pour  le  ténor  Nourrit  avec 
accompagnement  du  violoncelle  de  Norbli.n. 

L'archaïque  imagination  d'LJRiiAN,  mieux  au  cou- 
rant de  l'accompagnement  des  ménestrels  par  les 
violes  que  Scribe  et  Meyerbeer  lui-même,  l'avait 
peut-être  amené  à  proposera  Meyerbeer  l'emploi  de 
viole  d'amour...  et  Norblin  s'était  sans  doute  laissé 
démissionner  ! 

Toujours  est-il  :  1°  que  Berlioz  a  entendu  la  viole 
d'amour  dès  la  première  représentation;  2"  que 
Norblin  n'a  jamais  joué  l'accompagnement'   de  la 


4.  Ilerite  et  (jnzettc  musicale  du  13  mars  1836. 

5.  Elvkart,  Histoire  de  la  Société  des  concerts,  Paris,  18C11,  p.  138. 
*ï.  Deldevez,  Art  du  chef  d'orchestre,  Paris,  t8T8,  p.  198, 

7.  Nous  croyons  savoir  que  l'éditeur  ScHLE5iN';Eri  a  publié,  vers 
1840,  un  tirage  à  part  de  la  Romance  pour  baryton  et  violoncelle.  Nous 
n'avons  pas  connaissance  qu'il  en  ait  jamais  publié  pour  ténor  et  viole 
d'amour. 


1788 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTWyNAIRE  DU  CO.VSEfiVATOIRE 


romance  qu'aux  premières  lépélitions  liéiiéiales; 
:{°  qu'UniuN  l'a  joué,  probablement  avec  deux  violés 
d'amour,  l'une  accordée  en  ré,  la  seconde  en  .sJb, 
dans  le  ton  de  la  romance,  sans  que  la  tradition  en 
ait  été  maintenue  après  sa  mort  (ISVi)  par  le  chef 
d'orchestre  Girard,  succédant  à  Habeneck,  et  par 
DupoNCHEL,  reprenant  la  direction  de  l'Opéra  en  1847  ' . 
La  bibliothèque  de  l'Opéra  possède  quatre  éditions 
de  la  partition  d'orchestre  des  Huguenots^  :■     ■ 

A.  7  vol.  in    i",  lii  iiarlition  manuscrite  A  indique  l'alto-solo. 

B.  5  v,t|l.  in-folio  Biandus. 
G.  3  vol.  Brandus  Dafour. 
D.  3  vol.  Schlesinger. 


Dans  aucune  d'elles  ne  figure  la«  viole  d'amou 


r  11 


en  l'aut-il  davantage  pour  démontrer  que  Mkyerbker 
n'y  avait  jamais  songé'?  (juand  Berlioz  consacrait 
si:t  page-s  d'une  longue  lettre  à  Hauenkcr  pourlui  ren- 
dre compte  de  l'exécution  des  i7»;yMe)!û<s  àReilinsous 
la  direction  de  Meyerbeer,  il  n'écrivait  pas  tnie  ligne 
pour  liaoul  et  la  viole  d'amour!  11  est  à  croire  qu'elle 
n'avait  pas  traversé  le  Hhin^.  lit  pourtant,  cette  repré- 
sentation dut  être  préparée  et  dirigée  par  l'auteur 
avec  le  plus  grand  soin  (1842U  puisqu'elle  décida 
Frédéric-Guillaume  IV  à  nommer  Meyerbeer  grand 
maître  de  sa  musique*. 

Ci-dessous  le  Prélude  de  la  Romance  pour  alto  solo, 
suivi  des  indications  de  cordes  à  vide  et  harmoniques 
de  la  réalisation  sur  la  viole  d'I'RHAN,  ré.,,  fa}i.,  lu.,, 
ré.,f,  fa::;,,  /O;,  n'i  : 


issàà^MèM 


s"-- 

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Trfitd-    i9 

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LJ 

1— J 

■■■■ 

■^* 

Réalisation  avec 
l'accordature  dUrhan 


il=0n4^MitJ 


Jfarm.  3 


^^r        f' ^  ^  Harm.         Jf  a.  t^ m.  0  7vvcu.es 


Lorsque  l'archet  passait  sur  les  sept  cordes,  faisant 
vibrer  sympaLliiquemeiit  les  sept  cordes  d'acier, 
Urhan  en  tirait  d'éblouissants  arpèges  de  sons  har- 
moniques. Ces  gerbes  de  doux  sons  jaillissaient  du 
pur  instrument,  élincelaient  en  quelque  sorte  à 
l'oreille,  comme  fait  aux  yeux  le  scintillement  des 
lumières'.  Que  nous  en  est-il  resté  de  plus  que  le 
souvenir'?  ^ous  serions  bien  en  peine  de  signaler 
•quelques  lignes  de  vraie  musique  pour  cette  viole  à 

1.  Mais  Dui'O.xcHKi.  n'avoiiaiL-il  pas  qu'il  n'éLait  pas  musicien'.* 
Dufiib/,  Suiimars  d'un  clmnlinr,  l'aii-,  l^SS,  C.  l.éiy,  page  142. 

2.  De  La.imiti  ,  Cata/fujue  de  In  Itibliotlict^ue  iiiii^icati;  de  l'Opéra, 
'Paris,  tome  11.  page  l;i2. 

3.  Berlioz,  .ML'moircs,  1.  II,  page  ll>6. 

■  4.  ScHtiwANN  n'avait  point  disposé  rAllcmagne  à  faire  lion  acrui  il 
à  l'opéra  de  MtvtHUEKB,  dans  lequel  il  n'était  question,  selon  lui.  qui- 
de  deL.iuclie,  assassinat,  prière...  [Ecrits  sur  la  nmsicjue,  traduits 
par  DE  Cniizor»). 

5.  Tout  nous  donne  à  penser  que  la  lîomanre  elle-même  était 
accompagnée,  sinon  par  ralto-solo,  du  moins  par  une  viole  d'amour 
accordée  en  si[i,  ou  même  une  viole  d'amour  d'aicordature  normale 
(itti,  ï't'#,  soU,  do:K,  »it;(,  in^,  />',i)  motitêe  de  sept  cordes  frottées  et 
d'une  douzaine  de  cordes  symp.itliiques.  Avant  de  se  laisser  demi— 
sionner,  Nobulin  aurait  propose  à  Mi.vf.rbf.f.r  le  baryton,  s'il  avait 
.joue  cet  iuslrumont.  Mais  il  est  très  ujalaisé  de  s'assimiler  un  instru- 
,meDt  dont  l'accoj'dature  et  le  nombre  des  cordes  diCTérenl  de  iclui 
qu'on  pratitpie  journellement;  le  baryton  d'II.wn?)  ne  l'intéressait  pas. 


sept  cordes,  quoique  Gevaert  n'ait  pas  manqué  de 
vanter  l'admirable  elfet  des  sons  harmoniques  de  la 
viole  d'amour".  Il  aurait  pu  ajouter  que  si  I'biian 
avait  fait  un  heureux  emploi  de  cet  instrument  poé- 
tique dans  le  premier  acte  des  llugueu'iU,  il  n'eut 
point  d'imitateurs  sacrifiant  leur  temps  à  la  viole 
d'amour  pour  la  satisfaction  d'entendre  applaudir 
liaoul,  si  Nargeot,  altiste  et  violoniste  à  l'Opéra  de 
18-20  à  1839  (en  même  temps  qu'URBAN),  n'a  pas  imti- 
giné,  pour  répondre  à  la  viole  d'amour  du  chef  de 
pupitre  ou  bien  au  goût  du  jour,  le  viulon  d'amour 
(douze  cordes  sympathiques),  dont  nous  avons  parlé 
précédemment. 

Cependant,  le  xx=  siècle  a  vu  reparaître  la  viole 
d'amour  à  l'orchestre  de  l'Opéra-Coinique  (l'.lOi), 
sous  une  forme  plus  marquée  qiiedans  les  Hiiguenols. 

Dans  le  Mystère  du  .lowjleur  de  ^otrc-Dame,  la  scène 
se  passant  au  xiv«  siècle,  Massenet,  voulant  imiter 
la  vièle  d'archet  décrite  par  Jéri*)me  de  Moravie(1260), 
a  mis  aux  mains  de  Jean  le  Jongleur  une  viole  d'a- 
mour à  sept  cordes...  non  point  celle  d'URiiAN,  mais 
celle  de  Milandre,  recul  d'un  siècle! 


6.  GEVAKnr,  Traité  d'inst7'win':vlalion,  (.îand  et  Liège,  ltjij3. 


TECHNIQUE,  ESTHETIQUE  ET  PEDAGOaiE 


LES    VIOLES    1789 


On  peut  avoir  tout  le  génie  de  Massknet  sans  pos- 
séder à  fond  la  teclinique  des  instruments  anciens; 
si  Massenet  avait  lu  MAïU'imr.  (I718-179;i),  il  aurait  su 
(lue,  pour  être  connus  dos  savants  et  des  joueurs 
de  trompette  marine,  les  sons  harmoniques  nn 
turent  introduits  dans  la  technique  du  violon  que 
vers  1733 par  MoNDo.NviLLiî...  Mbyeriueu  avait  trompé 
Massenet...  qui  adopta  l'accordature  : 

lai,  ré.2,  la-,  ré.,  fui-j,  la^,  réi, 

pour  les  cordes  frottées  et  les  cordes  sympathiques, 
à  l'heure  où  il  eût  été  si  intéressant  de  jouer  la  viole 
d'amour  selon  Fîousseai  ,  Kihcher  et  Brossard, 
montée  de  sept  «  cliordes  d'acier  que  l'on  fait  sonner 
avec  un  archet  à  l'ordinaire  ».  En  somme,  les  parties 
du  ./ong/ei/r  sont  très  intéressantes;  mais  il  ne  fau- 
drait pas  jouer  trop  académiquement  le  troisième 
acte,  alors  que  Jean  le  Jongleur  est  en  état  de  folie! 

Tant  que  le  Jongleur  tiendra  l'afliche,  les  altistes 
seront  liien  oldigés  de  posséder  le  jeu  de  la  viole  (.Mi- 
LANDRic),  car  nous  ne  citerons  que  pour  être  complet 
les  parties  de  viole  du  quatrième  acte  de  Louise  de 
CriAni'ENTiER  itnoo)  et  du  deuxième  acte  deMadame 
Biitter/lij  de  feu  PrcciM  (t'.ioi)  :  elles  ne  comportent 
que  quelques  lignes  en  so/ mineur  ou  en  si  h.  sans  un 
arpège,  ni  une  double  note,  rien  en  somme  qui  rap- 
pelle le  style  de  la  viole  du  passé. 

Cependant,  nous  devons  une  mention  spéciale  à 
une  œuvre  assez  peu  connue  en  France,  dans  laquelle 
t;h-M.  Lœffler  a  mis  la  viole  d'amour  tout  à  fait  en 
évidence  avec  La  mort  de  Tintaiiiles.  poème  drama- 
tique d'apiès  le  drame  de  Maeterlinck.  .Musique  de 
Ch.-M.  Lœfflkr  (1905)  pour  grand  orchestre  et  viole 
d'amour'. 

Nous  devons  à  l'extrême  oldigeance  des  éditeurs- 
la  communication  de  la  partition  complète  de  l'œu- 
vre, dans  laquelle  la  viole  d'amour  concourt  à  la 
cinquième  partie  de  l'exécution,  tantôt  chant,  tantôt 
arpèges,  devant  jouer  à  un  pupitre  spécial  <•  à  l'inté- 
rieur et  à  côté  du  pupitre  des  premiers  violons  »,  en 
un  style  dérivant  tout  à  la  fois  de  l'écriture  des  Kral 
et  de  Van  WAEFELrtHEM,  que  nous  citons  ici  comme 
ceux  des  violistes  d'amour  en  ré  qui  ont  publié  aux 
XIX"  el  xx^  siècles  les  principales  œuvres  transcrites 
ou  originales  pour  la  viole  d'amour,...  toujours,  hé- 
las! en  re  maieur!  Car  il  faut  bien  avouer  que  l'on 
ne  coiniait  que  de  la  musique  écrite  par  les  exécu- 
tants pour  leur  propre  instrument  et  accordature, 
répeitoire  évidemment  restreint. 

En  résumé,  le  véritable  violiste  d'amour  devrait 
étudit-r  la  viole  à  six  ou  sept  cordes,  d'accordature 
normale  : 

lii^,  ré.,,  soL,  do.j,  mi^,  la^,  rèi, 

montée  de  douze  cordes  sympathiques,  sur  laquelle 
tout  est  jouable,  du  xvii"  siècle  à  nos  jours,  aussi 
bien  la  musique  de  viole  que  de  baryton''*.  Ainsi, 
pourrait-il  présenter  en  public  de  la  musique 
«  ancienne  ■■  pour  instrument  "  ancien  »,  ou  plutôt 


1.  Ch.  L'EFFLEit,  lié  a  Mulhousi'  lîn  ISlil,  élève  de  Léonard,  Massart 
ri  JoAcHiu  pour  le  violon,  s'est  enliérement  voué  k  la  compositioQ 
f^cputs  une  vitij^laine  li'années.  Il  réside  aux  lîLats-tJnis. 

2.  G.  ScHiRME»,  Music  Publishors.  Ne\N-York. 
.i.  Le  reperloire  serait  intéressunL  et  très  varié. 

Nous  croyon-*  savoir,  d'après  M.  V..  Mamlyczewski,  que  la  prochaine 
•  ■■lition  complète  des  œuvres  d'tlAVi>N  comprendra  :  un  duo  en  sol  maj. 
pour  deux  bHrytons  et  00  divertissements  pour  barvton,  alto  et  basse, 
SHVoir  8"pt  en  ut,  36  en  ré  maj.,  nu  en  ré  min.,  deux  en  /"o  maj.,  vingt- 
quatre  en  sol  maj.,  dix-sept  en  la  m.-ij.,  deux  en  si  min.  et  un  en  la 
min.  vraisemblablenienl  composés  après  l'incendie  du  château  d'Eisen 


démodé.  Tout  le  reste  n'est  que  transcription...  Et 
cela  n'est  point  la  même  chose  de  jouer  de  la  viole 
ou  de  jouer  sur  la  viole  d'amour'.  Quel  artiste  ose- 
r.iit  faire  entendre  en  public  une  pièce  de  fliUe  trans- 
crite au  violoncelle  ou  réciproquement?  Les  pseudo- 
violistes n'y  regardent  pas  de  si  près,  un  chaut  sur 
les  deux  premières  cordes...  et  le  tour  est  joué! 

Knfin,  nous  signalerons  aux  artistes  en  tournée  ù 
Constantinople  qu'ils  aliront  souvent  la  surprise  d'y 
entendre  la  viole  d'amour  qui,  sous  le  nom  de  siné- 
lii'man,  parait  être  l'instrument  le  plus  estimé  des 
amateurs  de  musique  classique  turque. 

Introduit.en  Turquie,  vers  le  milieu  du  xvin»  siècle, 
par  la  Valachie  et  la  .Serbie,  selon  toutes  probabilités, 
le  siné-kcman  devint  d'un  usage  courant  dans  la 
musique  de  chambre  des  Turcs,  musique  très  douce 
qui  emprunta  rapidement  le  timbre  poétique  et  mé- 
lancolique de  cette  viole  d'amour. 

L'Eiicycloiicdie  de  la  musique  relate  que  la  plupart' 
<le  ces  inslruments  sont  importés  de  Vienne;  elle 
donne  comme  spécimen  une  viole  d'amour,  montée 
de  sept  cordes  frottées  et  sept  cordes  sympathiques, 
attribuée  à  Malhias  Thir.  iiui  travailla  de  1780  à 
1900  à  Vienne,  et  accordée  : 

ré,:,  fait,,  la.,,  ré .,  f'ai^,  /(i^,  ré.;. 

Nous  nous  ti'ouvons  ici  en  présence  de  l'accorda- 
ture (I'Urhan,  sans  que  l'auteur  de  la  note  dont  nous 
leproiluisons  ici  les  principales  lignes  nous  indique 
l  origine  de  cette  accordature...  Ce  l'ut  peut-être  une 
coïncidence! 

Nous  ne  pouvons  terminer  cet  aperçu  de  l'histoire 
des  violes  sans  étudier  le  calibrage  qui  ne  saurait 
être  indiiférent  pour  les  cordesde  chacune  des  accor- 
datures.  Le  violiste  devra  posséder  soit  un  palmer^, 
soit  une  filière  de  précision  graduée  en  dixièmes  de 
millimètre,  car  nous  compterons  ici  les  diamètres  en 
dixièmes  de  millimètre  et  no  us  ad  opterons  pour  toutes 
chanterelles  le  mi  d'acierdes  violonistes  =:  2,  en  rap- 
pelant qu'à  longueur  et  tension  égales,  (pour  le  par- 
fait équilibre  de  la  viole),  l'octave  inférieure  de  la 
chanterelle  devra  mesurer  deux  fois  son  diamètre, 
soit  quatre,  et  la  double  octave  huit;  d'où,  il  est 
facile  de  conclure  : 

I"  Dessus  de  viole  (Rousseau,  Brossard),  6  cordes 
métalliques  frottées  : 

rCj  soi.,  ilo.,^  wr,  ///;(  ri\ 

Soi     3.5     3     2     do  diamètre. 

2"  Dessus  de  viole.  Cordes  boyau  frottées  : 

»'i>o  not.,  ilo-j  mi.,  hij  ri\, 

12  sympathiques  chromatiques  : 

rc  rèjfl  mi     fn      fttU  sot  sol^  la  /«Jf  si     do  itojf 
i    3        3.3  3.5    3.r.    3        3       3  2.5   2.5  2.5  2 

3"  Viole  d'ARiosTi,  4  cordes  d'acier  frottées  : 

G  5  4  3 

4"  Viole  de  B.vcu,  i  cordes  métalliques  frottées  et 
une  lilée  : 

filée  5   13  2 


4.  La  Gazelle  musicale  de  1836,  page  178,  raconti;  qu'on  virtuose 
de  i'ophirleide,  Cobneitf  (1705-1878),  avait  donné  dans  sa  méthode 
des  variations  brillantes  sur  la  cavatine  d'// Crorî'a/o.' il  serait  intéres- 
sant de  connaître  l'opinion  de  MF.VFrutEFR  sur  cette...  trahison. 

5.  M.  Yekta  Bev,  Encyclop.  de  ta  musique  et  Dictionnaire  du 
Con.serualaire,  t.  V,  page  301-1. 

6.  Le  palmer  a  friction  divise  le  millimètre  en  cent  parties  égales; 
comme  il  ne  comprime  pas  l'objet  qu'il  mesure,  il  ne  peut  y  avoir 
d'écrasement,  ce  qui  rend  le  calibrage  parfait,  même  pour  des  cordes 
en  boyau  tToLnECQfE,  Art  du  lutlùer,  page  129/. 


1790 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DlCTIONNAlIiE  DU  CONSEliVATOWE 


0°  Viole  de  Milandre,  six  cordes  frottées'  : 
ré  la  n:  fa  S  la  ré 

Six  sympathiques,  accord  diatonique  : 

mi  fait  ■">'  '«  •■"  <*"#   " 
4  3.5     3.5  2  3     25     2 

Ou  à  l'unisson  des  coriles  'rotlées  : 

8*   6*  4  3.5   3    2 

avec  remplacement  avaiiiaj;eux  des  forts  calibres  6 
et  8  par  des  cordes  fines  de  mandoline  ou  de  guitare 
filées  sur  acier. 

6"  Viole  d'URiiAN,  sept  cordes  frottées  : 

ré  fft  if  /'/  ré  fa  ij  la   ré 

Et  7  sympathiques  à  l'unisson  : 

8»  9*  6*    i   3,5  3  2 

en  remplaçant  également  6,  7,  8  par  les  cordes  fine-s 
filées  sur  acier  de  mandoline  et  guitare. 

Un  calcul  analogue  donnerait  le  calibre  des  cordes 
de  baryton  : 

ré  sot  lia  mi  la  ré 

pour  l'octave  chromatique  ré^-ré^, 

ré  réit  mi  fa  fa^  sol  solff  la  laif  xi  do  ré^ 
88777        titi       0555      1 

OU  pour  l'octave  l'^-rt, 

4    i   3.5  3.5  3.5  3  3  3  2.5  2.5  2.5  2. 

L'histoire  ne  nous  a  point  fait  connaître  la  tradi- 
tion d'IlAYDN  et  des  princes  Eslerliazy  à  ce  sujet; 
encore  dans  ce  cas,  nous  pensons  qu'il  y  aurait  avan- 
tage à  remplacer  les  cordes  de  sept  et  huit  dixièmes 
d'acier  par  des  cordes  plus  fines  filées  sur  acier, 
analogues  à  celle  de  guitare. 


V'ioletta  marina. 


Pardessus  de  viole. 


Si  la  famille  des  violes  s'est  essentiellement  com- 
posée,Jusqu'à  l'aurore  du  xviii"  siècle,  des  trois  types, 
contrebasse  de  viole,  gamlie  et  dessus  coriespondaiil 
aux  voix,  nous  n'en  devons  pas  moins  quelques  lignes 
aux  derniers  types  de  violes,  violella  marina  el  par- 
dessus de  viole,  derniers  vestiges  de  la  lutte  des  vio- 
listes «  contre  les  entreprises  du  violon  «,  en  même 
temps  qu'instruments  de  sonorités  nouvelles  dans  les 
orchestres  où  ils  prenaient  chaque  .jour  plus  d'impor- 
tance. H«NDEL  (16H5-17:i9)  el  Bach  (168:i-17o0)  cher- 
chaient, celui-ci  en  Allemagne,  celui-là  en  Angle- 
terre, à  étendre  les  limites  de  l'orchestre  et  à  en 
varier  les  sonorités-.  Le  violoniste  Castrl'cci  (1689- 
1782),  élève  de  Corklli  et  chef  des  violons  de  l'or- 
chestre d'H.ENDEL  à  Londres,  avait  imaginé  une  petite 
viole,  dite  english  violet  ou  i'io/(;((a»irtc(»a^,  accordée 

la.,,    J'Cj,    80^3,    si-,,    mi;,    /(I4 

montée  de  quatorze  cordes  sympathiques. 

HiE.NDEL réservait  une  partie  importante  àcette  vio- 


1.  Les  six  cordes  de  viole  êt.-iient  appelées  en  Ilalic  : 

La  chanicrelle  1,  Canto;  la  11°,  Sotaiia;  la  111",  Mezr.ana  ;  la  IV', 
Tenore;  la  V",  liorduae  ;  la  VI",  Basso.  Fniis,  JVotice  sw  Paiiaitini, 
Paris.  1831. 

2.  Nou*  ne  citerons  ici  que  le  double  basson  de  i'/Ji/mnr  du  courmi- 
lietnent  l^ll.^■..^DEI.,  1714;  ce  double  basson  exislait  cependanl  des  1610. 
l*n.i;ronu!S  l'aiipello  Duppelfar/otU 

Voir  la  violetLa  dans  les  Canlales  ^  et  10.  le  vioiino  pirrolo  accoi-ilé 
uh,  soh,  réi,  lai  dans  les  C:inlates  'J6  el  lui.  le  cello  pircolo  accordé 
50^,  rèiy  laty  mis  dans  les  Cautales  0,  41.  49,  (iS,  K5.  llii  de  Bach,  et 
la  viola  pomposa  dans  la  musiiiue  de  eliambre  de  Bach,  dont  nous 
parlerons  plus  loin. 

a.  Lrncst  U.vviO,  G.-F.  Bdiidel,  Paris,  18j4,  page  17i. 


letta  dans  son  nouvel  opéra  de  17:!3,  Orlando,  pour 
l'acconipagiiement  de  l'air  de  Senesino,  ou,  dès  l'en- 
trée, deux  violettes,  soutenues  par  les  violoncelles 
en  pi/.zicali,  étaient  jouées  par  les  frères  C.\strucci 
(Pietro  et  Prospero)  '. 

D'après  Lavoix,  H.endf.l  aurait  encore  employé 
ladite  violetta  dans  Parlhénope  (1730)  Sosarme  (1731) 
el  Di'borah  (1733). 

D'un  autre  cùlé,  les  violistes  français  avaient  ima- 
giné le  pardessus  de  viole  ou  viola  piccola,  avec  l'ac- 
cordalure  que  donne  Corrette  au  chapitre  X  de  sa 
JléïAorie  de  pardessus  de  viole  : 

soir,,  w?3,  mi^,  la^,  réi,  soU, 

qui  leur  permettait,  tout  en  restant  à.  ht  première 
position,  d'atteindre  du  troisième  doigt  le  fameux 
utâ  du  violon  (gare  à  Vut)  et  le  mi-  sans  dépasser  la 
deuxième  position,  toutes  facilités  de  technique  à 
une  époque  où  les  sons  harmoniques  etles  quatrième, 
cinquième,  sixième  et  septième  positions  n'étaient 
pas  communément  pratiqués. 

Le  pardessus  de  viole  consistait  en  un  petit  dessus 
de  viole.  Il  est  bien  certain  que  la  violelta  marina 
et  le  pardessus,  sonnant  plus  haut  que  la  viole  d'a- 
mour et  le  dessus  de  viole,  étaient  d'un  patron  plus 
petit,  et,  pour  ne  pas  introduire  dans  les  apprécia- 
tions les  erreurs  provenant  de  la  distance  du  cheva- 
let au  bas  de  la  table  (bouton  d'atlache  du  cordier), 
nous  ne  voulons  considérer  que  la  longueur  de  corde 
frottée  vibrant  du  chevalet  au  sillet. 

Cette  longueur  est  de  0™,360  ou  plus  pour  les  des- 
sus de  viole  et  violes  d'amour.  Au-dessous  de  celte 
longueur  de  corde,  nous  sommes  en  présence  d'un 
pardessus  de  viole''.  tJénéraleinenl,  les  éclisses  du 
pardessus  étaient  beaucoup  plus  hautes  que  celles 
du  dessus  de  viole,  ce  que  l'on  aurait  quelque  peine 
à  justifier. 

Roi;ssEALi,  Danoville  et  Séb.  de  Brossard  n'ont  pas 
une  ligne  pource  pardessus  de  viole,  dont  le  musée  du 
Conservatoire  à  Paris  e.\pose  bien  cinq  types  (137, 
138,  138  bis,  1  i-5  à  six  cordes  et  le  i:f9  à  sept  cordes), 
tous  du  xviii»  siècle,  alors  que  les  plus  anciennes 
compositions  connues  pour  pardessus  de  viole  ne 
semblent  pas  antérieures  à  1739'^.  Ouoi(jue  la  Mi- 
Ihode  de  ■pardessus  de  viole  de  Courette  ait  paru 
avant  celle  date,  quelques  dames,  à  cette  époque, 
prennent  goût  pour  l'instrument.  Mais,  d'après  Cor- 
RETTE,  celles-ci  jouent  surtout  du  pardessus  à  cinq 
cordes;  ce  sont  : 

M"«  HiLAiRE,  Sercamanan,  M"°  Lévi  (1743-1757), 
.M""^  Haubaut  (1740)  sa  sœur.  M""  Lakfont  (1702)j 
M""  deliE.NLis  sous  la  direction  de  Zi.muer.\ian  (1701) 
et  puis  UEGAixet  Douiilet,  encore  signalés  dans  l'AI- 
manacli  de  1783  comme  maîtres  de  pardessus...  Ces 
rares  violistes  ne  pouvaient  pas  plus  arrêter  les  pro- 


4.  Loio  cit.,  p.  l'i  et  173. 

5.  Celle  longueur  0'",riG(J,  est  nettement  conGrmée  d.ins  la  niétiiodc 
précitée  de  Kiiai. ;  et  l'on  est  quelque  peu  surpris  de  voir,  dans  les 
musées,  nombre  de  pardessus  qui,  parais  de  cordes  sj  mpatliique^ 
sans  modilication  du  olievillier  priiuilif,  oui  été  catalogues  «  violes 
d'amour  >. 

6.  C'est  à  peine  si  l'on  peut  citer  ; 

Nicolas  ViDEBT  (I7I0-I772),  op.  2,  ("'"  Suite  il'atrs  ipatieux  peur 
deu.T  parilessus  de  viole,  1739  (bihliotliéqiie  du  Conservatoire  de 
Palis,  recueil  20). 

De  Caix  d'Hkiivelois,  VJ"  Livre  de  pièces  de  viole  écrites  jioar 
pardessus  à  cinfj  et  six  cordes,  1748. 

Ant.  KonQUERAY  (premier  livre  posthume)  el  J.-ll.-A,  Fonoi:tHAY 
(17.i0|.  Pièces  de  viole  pouvant  se  jouer  êgalcmrat  sur  le  pardessus. 

FojQiiKTlprobiblemont  organiste  i  Paris,  1750)  :  Duos  faciles  pour 
deux  pardcsous.  V.  Briju.>(  (de  Lyon)  :  Airs  varies  pour  oiulon  et  par 
dessus. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÈnAGOGlE 


LES    VIOLES    1791 


f^rèsdii  violon  triomphant  qu'ils  n'auraient  arrêté  le 
mouvement  du  soleil!  Mais  ils  jouaient  couraf^euse- 
ment  le  chant  du  cygne  des  violes! 

En  terminant  ici  tout  ce  qui  concerne  les  violes 
montres  de  cordes  synipalhi(]ues,  nous  devons  appe- 
ler l'attention  des  luthiers  sur  l'intérêt  de  régler  la 
position  du  grand  chevalet  (au  cas  où  il  serait  tra- 
versé) ou  du  petit  chevalet  portant  les  cordes  sym- 
pathiques, de  telle  façon  qu'elles  soient  divisées  par 
le  chevalet  dans  le  rapport  piécis  de  deux  à  un,  le 
petilcbevalet  ne  fût-il  pas  exactement  sous  le  grand. 

La  corde  ainsi  partagée  en  deux  longueurs  à  l'oc- 
tave l'une  de  l'autre  vibrerait  sympathiquement  dans 
les  deux  parties,  et  donnerait  doubles  sonorités  har- 
moniques. 

Quiiiloii  el  viola  poinposa. 

D'aucuns  avaient  imaginé  en  France  de  réduire  à 
cinq  le  nombre  des  cordes  du  pardessus  de  viole  eu 
accordant  les  trois  cordes  graves  par  quintes,  la  troi- 
sième de  celles-ci  et  les  deux  cordes  aigui'S  par  quar- 
tes, ainsi  que  l'indique  Correttë  dans  sa  Méthode  de 
pardessus  de  viole  (chap.  III)  : 

so/o  —  r<';i  —  /(Jj  —  ré;  —  so/i, 

d'où  le  nom  de  quinton.  C'était,  comme  le  dit  Con- 
RETTE,  un  instrument  »  androgyne  »,  tenant  du  par- 
dessus de  viole  el  du  violon  (p.  1). 

Les  luthiers  français  Gilhest,  Salomo.n,  Gérard, 
LejeiiiNE  et  parliculièrement  Guersan  nous  en  ont 
laissé  de  nombreux  spécimens  :  on  peut  voir  au  mu- 
sée du  Conservatoire  de  Paris  des  Guersan  de  1747 
(n°'  140  et  1411,  de  1752  (n°  142),  d'antres  encore 
{n°=  143  et  146),  tous  instruments  dont  la  sonorité,  que 
Correttë  qualilie  de  ravissante,  ne  fut  pourtant  pas 
jugée  digne  par  les  compositeurs  de  valoir  au  quin- 
ton du  milieu  du  xviii'^  une  place  à  l'orchestre'. 

De  même,  la  petile  viole  de  gambe  à  cinq  cordes, 
imaginée  par  J.-S.  Bacu,  construite  par  Martin  IIoff- 
MApiN  de  Leipzig,  avec  une  accordalure  spéciale  : 

uli,  sol^,  ré-,,  la.,,  mi^, 

sous  le  nom  de  viula  pomposa,  ne  paraît  pas  avoir 
traversé  le  lihiri. 

Au  point  de  vue  lutherie,  il  était  très  difficile  d'a- 
voir une  chanterelle  en  boyau  de  bonne  sonorité  pour 
cette  viole. 

Devons-nous  supposer  que  Bach  se  soit  rendu 
compte  de  celte  difliculté  en  ne  composant  qu'une 
seule  œuvre  pour  cette  viola  pomposa,  la  Sixième 
Suite?  Le  commentaire  de  la  BacUQCselIschaft  à  ce 
sujet  (page  xxxvi  de  la  préface  du  tome  .X.VVI)  est 
assez  peu  explicite  : 

Il  Soit  que  lÎAUH  en  composant  cette  suile  l'ait  écrite 
pour  un  violoncelle  à  cinq  cordes,  forme  ancienne 
de  cet  insirument,  soit  qu'il  l'ail  composée  pour  sa 
<i  viola  pomposa  »,  ceci  a  d'autant  moins  fait  l'objet 
de  nos  recherches,  que  le  nianusciit  original  ne 
fournit  aucun  renseignement  permettant  de  résoudre 
l'alternative  dans  un  sens  ou  l'autre  !  )> 

Gerher  a  pensé  que  celle  «  viola  pomposa  »  pou- 
vait être  un  grand  alto  auquel  on  aurait  ajouté  une 
chanterelle  mi;';  cette  hypothèse  est  en  contradiction 
absolue  avec  l'accordature,  «<,,  sol,,  ré,,  la,,  mi^  don- 
née par  la  Bachgesellschaft.  Nous  ne  suivrons  pas 
Gerber  dans  cette  voie,  malgré  les  encourajjeraents 


1.  Le  quinlon  est  en  principe  de  la  grandeur  du  pardessus  de  viole. 


(le  quelques  autorités  musicales  qui  nous  ramène- 
raient au  violon-alto  de  Woloemar  ou  d'L'RiiAN. 

Viulc  d'OrpJico. 

Après  les  succès  du  violon  et  du  violoncelle  à  l'or- 
chestre de  l'Opéra  et  l'inutile  plaidoyer  d'Huberl  Le 
Blanc  (1740)  contre  leurs  entreprises  et  prétentions, 
après  le  jugement  des  aréopages  féminins  abandon- 
nant le  violon  aux  audiences  publiques  pour  mieux 
réserver  aux  violes  de  gambe  le  privilège  des  séances 
privées,  la  cause  eût  été  entendue,  si  le  violon  n'avait 
fait  appel  de  cette  humiliante  demi-victoire  en  pro- 
duisant deux  valeureux  champions,  Soins  (167(5-1703) 
et  Geminiani  (1667-1762),  contre  le  célèbre  M.  Mabais 
(1650-1728)^ 

"  Quand  Soms  parut,  il  étala  le  plus  majestueux 
et  beau  coup  d'archet  de  l'Europe,  surmontant  l'é- 
cueil  où  l'on  s'échoue,  venant  à  bout  du  grand  œuvre 
sur  le  violon,  la  «  tenue  d'une  ronde  »  !  Un  seul  tiré 
d'archet  dura  si  longlenips  que  le  souvenir  en  t'ait 
perdre  haleine.  » 

La  tenue  de  l'archet,  fortement  pincé  entre  le 
pouce  et  l'index,  assurait,  dans  l'attaque  de  la  corde 
et  avec  une  dépense  d'archet  minima,  le  maximum 
de  vibration  de  cette  corde,  alors  que  le  même 
archet  dépensait  presque  un  quart  de  sa  longueur 
pour  n'obtenir,  parfroUenient,  qu'une  sonorité  alan- 
guie  de  la  viole  de  gambe,  sonorité  qu'on  a  niali- 
cieuseinenl  qualiliée  de  «  sonoiilé  pour  chambre  de 
malade  »,  alors  qu'elle  avait  bien  son  charme  el  sa 
poésie,  pastel  de  Watteau  comparé  aux  peintures 
d'écoles  plus  modernes!  Dans  celte  lutte  de  sonori- 
tés, les  dames  de  l'auditoire  marquèrent  à  nouveau 
leurs  préférences  pour  lagambe  charnieuse,etMichel 
Courette  s'en  souvint  quand  il  essaya  de  remettre  la 
gambe  à  la  mode  (1780)  sous  le  nom  de  viole  d'Or- 
phée^, à  l'heure  où  Milanpre  publiait  sa  méthode  de 
viole  d'amour. 

CoRRETTEsuppose  qu'Orpliée,  pour  mieux  charmer 
la  cour  infernale  à  l'heure  où  il  voulut  retirer  des 
Enfers  sa  chère  Eurydice,  choisit  l'inslrumenl  le  plus 
mélodieux,  le  plus  touchant,  le  plus  analogue  à  la 
voix,  telquela  viole  d'Orphée,  ^uv  laquelle, ajoutail-il, 
«  on  pouvait  jouer  non  seulement  la  basse  continue, 
mais  encore  des  sonates,  sans  avoir  l'embarras  de 
démancher  à  tout  moment! 

<.  Les  dames  en  jouant  de  notre  viole  d'Orphée  n'en 
paraîtront  que  plus  aimables,  l'attitude  élanl  aussi 
avantageuse  que  celle  du  clavecin,  »  et,  toujours  flat- 
teur, M.  CoHRETTE  assure  que,  si  les  dames  n'ont 
point  adopté  le  violoncelle,  c'est  la  difliculté  de  dé- 
mancher pour  exécuter  les  clefs  d'utel  la  dureté  des 
cordes  qui  en  sont  cause  ;  aussi,  les  instruments  agréa- 
bles comme  clavecins,  harpes,  viole  d'Oijibée  sont 
plus  analogues  à  la  douceur  de  leur  caractère  que  les 
hautbois,  bassons,  trompettes...  Nous  ne  cuntiedi- 
roiis  point  M.  Correttë,  mais  nous  sommes  obligés 
de  reconnaitre  que  la  plus  belle  moitié  du  genre 
humain  n'a  point  répondu  à  ses  espérances;  et  (|ue 
la  viole  d'Orphée  ne  paraît  avoir  été  appréciée  ni 
par  les  compositeurs  ni  par  les  conlemporains  de 

CORRETTE. 


i.  Fiiris,  Ilefue  et  ijnzette  musicale,  année  1843,  p.  370. 

i.  Méthoiic  pour  apprendre  li  jouer  île  ta  cunlrebasse  à  trois, 
rpiatre  et  cinq  contes,  de  la  quinte  ou  alto  el  de  lu  viote  d'Orphie, 
nourel  instrument  ajusté  sur  l'ancienne  viole,  utile  au  concert  pour 
acconipa'iner  ta  voix  et  ponr  jouer  des  sonates...  par  M.  CoiiaiîTrE, 
1781).  Voir  WtcKEnu.N.  lUusiciana,  t.  1,  p.  103. 


1792 


EycrCLOPÈniE  de  la  musique  et  DIC.TIOSSAIRE  du  COVSEliVATOIHE 


Heptacorde  de  Rsionl  et  Vnillnumc. 

Quelques  années  plus  tard  (1810),  J.-M.  lUouL 
(1766-1837),  avocat  h  Paris  et  violoncelliste  amateur, 
conçut  lo  projet  Je  tirer,  à  son  tour,  la  basse  de  viole 
de  l'oubli  où  elle  était  tombée.  Devenu  possesseur 
d'une  excellente  basse',  construite  en  1521  par  Duik- 
FOPROUCABT  pour  le  roi  de  France,  François  I",  il  se 
livra  àréUidi^du  manche  et  du  doigter  de  cet  instru- 
ment, dont  il  voulul  changer  les  proportions  en  se 
rapprochant  de  cefles  du  violoncelle  moderne,  et, 
conformément  à  ce  désir,  J.-B.  Vuillaume,  de  Paris, 
construisit  en  1827  une  basse  de  viole  à  sept  cordes 
qui  figura,  sous  le  nom  d'heptncorde,  à  l'exposition 
de  la  même  année  :  il  lui  avait  donné  l'accordature 
ancienne  :  la,,  ré,,  Sol,,  ut,,  mi,,  la,,  ré,,. 

Pour  assurer  le  succès  de  cet,  instrument,  il  eût 
fallu,  à  défaut  du  patronaged'un  grand  compositeur, 
le  concours  d'éditeuis  réimprimant  les  œuvres  de 
Marais,  des  Caix  d'Hkiivelois  et  des  Forqueray,  sans 
lesquelles  personne  ne  pouvait  utiliser  ledit  hepta- 
corde... entant  mort-né  delà  lutherie  française! 

Arpeggione  on  guilarc  d'amour. 

Vers  la  même  époque,  en  Autriche,  Joaunes  Geor- 
pius  Staufkr  de  Vienne  imaginait  (1823),  sous  le 
nom  de  yuilare  d'amour,  la  guitare-violoncelle,  ins- 
trument d'archet,  propre  au  jeu  d'arpèges.  C'était 
un  petit  violoncelle  de  la  forme  de  la  guitare,  monté 
du  même  nombre  de  cordes,  avec  la  même  ac.corda- 
Lure,  avec  un  manche  également  cntouché,  en 
somme  une  invention  rappelant  le  siècle  où  les  (j.al- 
lois  avaient  imaginé  l'archet  pour  faire  chanter 
leurs  lyres  à  cordes  pincées,  le  crouth  piiniitif,  lui  des 
ancêtres  des  instruments  d'archet. 
.  Les  six  cordes  :  ,  . 

mi,,  lai,ré,,  sol,,  sii,  mij, 

quelquefois  écrites  en  clef  de  sol,  sonnaient  alors  à 
l'octave  au-dessous  des  notes  figurées. 

Kn  1823,  parut  chez  piabelli  (1781-18a8)>à  Vienne, 
un  traité  pour  l'enseignement  du  nouvel  instrument^, 
dont  l'auteur  était  tout  désigné  pour  faire  entendre 
en  public  (1824)  la  Sonate  de  Schubert  pour  arpeg- 
gione [qui  n'a  été  éditée  qu'après  sa  mort  (1828)]. 

11  est  assez  curieux  de  constater  que  cette  longue 
sonate  éciite  pour  la  guitare  d'amour  ne  contient 
pas  un  seul  passage  en  arpèges,  ni  en  accords  sem- 
blables aux  accords  fréquemment  employés  par  les 
guitaristes^. 

Aeulipoljka, 

Aussi  oubliée  que  lesprécédentes  inventions,  nous 
devons  rappeler  celle  du  chevalier  Beniehzi  (musi- 
cien amateur  hongrois  du  xix«  siècle),  qui  tenta  de 
remettre  en  honneur  la  viole  de  gamba  sous  le  nom 


1.  «  Basse  (le  viole  dite  au  Plan  de  la  ville  do  Paris  »,  avec  manche 
sculpté  en  forme  de  télé  de  cheval,  une  des  plus  belles  pièces  du 
musée-  du  Conservatoire  royaUle  Bruiellcs,  n"  liiT  (v.  Ch.  Mahuj.on, 
t.  111,  page  471, 

Voir  dans  le  tome  11  de  la  Reviif  miisicnle  (pages  56-61)  une 
notice  de  R»ot:i.  sur  cet  heptacorde  signalée  par  Fétis, 

2.  Jntrodwtiun  à  iemeifinement  lic  la  ijuilari:  oiolomclh  inreiitrr 
/lar  M.  Georges  SrAuren,  par  Vincent  Scudstkb,  avec  reproduction 
OKacte  de  l'instrument.  1825. 

3.  Ce  SciiuuKBr  n'était  point  un  lionionyme,  c'était  bien  le  célèbre 
Frani  Peler  Scbubebt  (17117-1828). 


à'aeolipolyka,  sorte  de  violoncelle  à  six  cordes  qu'il 
voulait  jouer  comme  un  instrument  chantant  avec 
l'archei,  ou  pinceren  arpèges  comme  la  guilare. 

Be.'vieuZi  visita  Paris,  Vienne  et  Munich  eu  1842, 
avec  son  instrument,  persuadé  qu'artistes  el  ama- 
teurs s'empresseraient  de  l'adopter  et  d'en  répandre 
l'usage.  Mais,  comme  il  arrive  à  nombre  d'inven- 
tions excitant  la  curiosité  pendant  qnelques  jours, 
l'aeolipolyka  fut  aussi  rapidement  oubliée. 

Barj'ton  dr  Batlanclion. 

Dans  la  composition  du  quatuor  d'archets''^,  sou- 
vent critiquée  du  fait  de  l'identité  des  timbres  et  de 
l'étendue  des  premier  et  second  violons,  dont  l'allti)! 
n'est  séparé  que  d'une  quiule,  alors  que  le  violoncelle 
est  à  distance  d'octave  de  ce  même  alto,  on  chercha 
souvent  à  introduire  un  instrument  tenant  le  juste 
milieu  entre  l'alto  agrandi  et  le  violoncelle. 

Sous  le  nom  d'Handbass,  petite  basse  plus  grande 
que  l'alto,  mais  plus  petite  que  le  violoncelle^,  de 
viola  pomposa  ou  piccolo  violoncello,  qui  eut  son 
heure  de  célébrité  de  1753  à  1773  sous  l'intluence 
de  HiKDEL,  la  lutherie  allemande  essaya  vainement  de 
combler  cette  lacune,  quoique  des  compositeurs  de 
l'époque  tels' Grau.n  (1U98-178I),  Si'EEr,  Schwable, 
Gœrneh  (1697-1778),  Wiedner,  après  la  mort  de  Bacb"^, 
aient  donné  une  place  importante  audit  violoncello 
piccolùdaiis  leurs  œuvres  de  musiqnede  chambre  {Re- 
vue et  gazi-tte  musicales  du  17  mars  1833).  Iteprenant 
la  même  idée,  un  distingué  violoncelliste  français, 
Battanchon  (18 14-18!).3),  fit  construire  en  1847  par 
C.  Henry,  luthier  à  Paris,  un  baryton  accordé  :  sol,, 
ri',,  la,.  mÎ3,  qui  n'avait  d'ailleurs  que  le  nom  de 
commun  avec  le  baryton  des  princes  Ksterhazy,  que 
nous  avons  vu  précédemment  aux  mains  d'HAvoN. 

A  Paris,  Saiv.ay  fit  entendre  le  baryton  de  Battan- 
chon à  la  salle  Sax  (1834)  dans  ses  propres  compo- 
sitions" :  Sérénade  pour  viulnn  principal,  piano,  vio- 
lon, alto,  baryton  et  bas^e;  Chanson  de  Malherbe  (qua- 
tuor d'accompagnement),  sans  réussir  à  intéresser 
les  musiciens  àcetle  nouvelle  invention*. 

En  Allemagne  le  docteur  Stelz.ner  (18'.>1I,  en  France 
Léo  SiR  (1922)  ont  essayé  de  varier  les  sonorités  du 
quatuor  à  cordes  par  des  inventions  similaires,  vio- 
letta  allemande  el  ténor  de  Léo  Sir.  L'avenir  déci- 
dera de  la  valeur  de  ces  dernières  inventions. 

Piecolo  \iolino  doclenr  Stelzucr  et  Léo  Sir. 

Au  début  de  la  renaissance  musicale  de  xviii«  siècle. 


4.  Ouiituor  ilevL-naot  quintette  par  l'adjonction  d'un  second  violon- 
celle ou  d'une  contrebasse  (BoccHtHiNi,  Onslowj,  ou  d'un  second  ait* 

I  Mu7.AHT,    BiETHUVEN.    MeNUKI.SSOHN). 

5.  J.-S.  Bach  employa  le  piccolo  violoncello  dans  ses  cantates  d'é- 
glise n"  6,  41,  4!l.  68,  85,  ll.'i. 

6.  Danj  celte  période,  Havdk  cl  Boccherini  ont  réellement  mis  au 
point  le  quatuor  d'archets  devenu  classique,  sans  faire  la  moindre 
place  au  piccolo  cello. 

7.  Notice  de  11.  (jukhoclt  sur  Saozay,  non  mise  dans  le  commerce. 

8.  Eugène  Saii.^av  (1800-1901),  élevé  de  Baili.ut  el  premii-r  prii  de 
violon  de  18i7.  entra,  le  24  janvier  1832,  dans  le  quatuor  de  son  maî- 
tre. "  dans  cello  noble  compagnie,  nous  dit-il  dans  ses  mémoires 
selon  l'eipression  de  Dante,  car  ce  quatuor  était  un  véritable  sanc- 
tuaire, autant  par  le  petit  nombre  et  le  choix  des  auditeurs  que  par 
la  majesté  du  prélic  qui  ofliciait  ». 

Les  plus  admirables  œuvres,  quatuors  de  Mo/aut  el  Beethoven, 
étant  a  peu  prés  ignorés  du  public  français  el  parisien,  IIaiieneck  et 
Baielot  avaient  entrepris  de  les  faire  connaitrc...  ils  y  ont  vraiment 
réussi.  Bajllut  avait  confié  a  Sao/ay  le  rôle  si  intéressant  dans  sa 
riiscrétion  de  deuxième  violon  ou  il'alto.  Bien  plus,  en  183.1,  Sauzav 
épousait  la  fille  de  son  maître  et  cuntinuait  les  traditions  d'art  de  son 
illustre  beau-père. 


TECIIVIQI  E.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LES    VIOLES    1-93 


l'orchestre,  hénéliciant  de  la  polyphonie  dont  1« 
chant  s'étiiit  longtemps  réservi;  l'apanage,  avait  cher- 
ché à  reculer  les  limites  de  sa  sonorité  :  les  iiistiu- 
ment  hauts  ou  bas  avaient  collai)oré  à  cet  effort  par 
divers  moyens. 

Particulièrement,  dans  la  famille  des  instruments 
à  cordes,  le  p.irdessus  de  viole,  la  viola  piccola,  la 
viole! t.i  inariiia  avaient  monté  la  chanterelle  du  ré', 
au  sok  et  la.i,  le  vinlone  était  descendu  du  ini.-i  au 
to_2.  Le  petit  violon  de  S\lomon  en  so/t,  le  piccolo 
violinrt  ou  kleine  violin  allemand  en  /ai,  avaient 
monté  la  chanterelle  d'une  tierce  ou  d'une  quaite,  de 
façon  <i  dépasser,  sans  elfort  technique,  Viilv,  que  les 
violonistes  n'atteignaient  jamais  sans  quelque  ap- 
préhension. 

Apiès  r.AcB  employant  le  piccolo  violino  dans  les 
cantates  d'é;.;lise 'J6  et  1(12,  la  musique  de  chambre 
à  cordes  des  aines  d'IlAVON  et  celle  de  BoccHEniNi 
donne  place  audit  piccolo  violino  ;  citons  : 

FotsTK.ii  ide  Hndolstadt)  il(i'.)3-1748l.  Si/mp/cjniVs 
pour  petit  violon,  hauttiois  d'amour,  2  violons,  alto, 
et  basse; 

J.  fred.  DoLEs  (171a-1797).  Trios  pour  petit  violon, 
violon  et  basse. 

Krausk  (de  Zittau).  Sonates  pour  petit  violon,  i  vio- 
lons et  basse; 

HosETTi.  S 'liâtes  pour  petit  violon,  2  hautbois  et 
basse; 

Jean  Pf':if-fer.  Quintettes  pour  petit  violon,  2  vio- 
lons, et  bas~e; 

Harrkh,  en  1701.  Quintettes  pour  les  mêmes. 

Associé  on  opposé  aux  autres  instruments  du  qua- 
tuor, le  petit  violon  mit  en  laveur  le  piccolo  violon- 
cello,  do  it  nous  avons  parlé  précédemment,  imité 
d'abord  en  Fiance  par  le  baryton  de  Battancbon, 
puis  en  Allemagne  par  le  luthier  de  Wiesbaden  et 
Dresde,  le  docteur  Stblznkr  (18..  1906)  qui,  dès  1891, 
attirait  l'attention  du  monde  musical  en  s'efforçant 
de  répandre,  avec  assez  de  logique,  deux  formats 
nouveaux  : 

1°  La  violotla,  accordée  sol^,  réi,  lat,  mi^  ; 

2°  Le  cellone,  grand  violoncelle  en  sot  analogue  à 
l'ancienne  basse  de  cathédrale  accordée  sol-.i,  rci, 
lat,  mi.,. 

Après  avoir  introduit  ses  instruments  dans  l'or- 
chestration lie  ses  propres  œuvres  (1902-Î90.Î),  Stiîlz- 
NER  réussit  à  décider  quelques  compositeurs  à  tenir 
compte  lie  ses  inventions  dans  leur  musique  de 
charabie,  tels  : 

Drabsekk  (l83">-i9..),  dans  son  Quintette  à  cordes 
avec  une  partie  de  violotta  (demeuré  ras.)  ; 

ArnobI  Krii';  (1849-1904),  dans  son  Preis-Se.vtelt  en 
ré  maieur,  op.  6  S  pour  2  violons,  alto  et  violoncelle, 
violotta  et  cell   ne; 

Alex.  DhNÉRÉAz  1875-19..),  dans  son  Quatuor  pour 
2  violons,  violotta  et  cellone. 

La  mort  tragique  du  docteur  Stelzner,  survenue  en 
1906,  mil  lio  à  ses  l'ssais  ;  d'ailleurs,  quel  musicien 
ferait  l'acquisition  d'un  cellone  uniquement  pour 
prendre  part  a  l'exécution  de  ces  deux  derniers  en- 
sembles? Ojmbien  y  a-t-il  de  violoncellistes  français 
à  posséder  la  basse  à  cinq  cordes  (viola  pomposa) 


nécessaire  à  l'exécution  de  la  VI'  Suite  de  Bach? 
be  ces  essais  des  xvni'-  et  xix»  siècles,  il  ne  resterait 
que  le  souvenir,  si  un  Inlhier  français,  Laurent,  dit 
Lico  Sir,  de  Marmande,  n'en  avait  tenté  une  manière 
de  r.'plii|ue  en  associant  au  quatuor  de  Spradivari, 
sous  le  nom  de  Dixtuor,  les  six  in.struments  de  son 
invention,  que  nous  énumérons  ci-dessous'  : 

1"  Un  sur-violon  sur-soprano  :  ut.„  sol^,  ré-,,  luf,, 
de  même  accordature  que  le  Klein  violon  allemand 
du  XV III'  siècle.  L.  Sir  garantit  sa  "  sonorité  lluide 
aérienne  et  puissante,  qui  n'a  pas  la  sécheresse  du 
violon  à  l'aigu  ». 

2"  On  sous-violon  mezzo-soprano  :  soir,,  ré j,  lu  ,. 
mi;,  timbre  dilTérent  du  violon,  ce  mezzo  tenant  liu 
violon  et  de  l'alto.  «  A  la  fois  sonore  et  mélancoli- 
que, .1  dit  l'auteur. 

3"  Un  sous -alto  contralto  :  ut,,  sol,,  ré^,  la^, 
mêmes  cordes  que  l'alto.  Sonorité  vibrante  et  géné- 
reuse, selon  l'auteur  «  se  joue  sur  une  pique  ». 

4  Un  ténor  :  sol,,  ré,,  la,,  mi,,  rappelant  le  pic- 
colo violoncello  et  la  viola  pomposa.  «  Le  ténor  est 
puisant,  violent  même,  »  nous  assure  L.  Sir. 

ï"  Un  baryton  :  sol,,  ré,,  la,,  mi.,  rappelant  le 
nom  et  le  baryton  de  Battanciion,  comme  la  violotla 
du  D'  Stklznkh.  L'auteur  nous  dit  «  qu'il  se  rapproche 
lieau.oup  du  violoncelle,  mais  que,  contrairement  a 
celui-ci,  l'aigu  est  vibrant  et  sonore  ». 

6"  Une  sous-basse  -.sol-,,  ré  „  la,,  mi,,  qui  parait 
analogue  au  cellone  du  ])'■  Stelmzer. 

L.  MR  a  voulu  combler  »  le  vide  qui  sépare  le  vio- 
loncelle de  la  contrebasse  »;  cette  sons-basse,  jouée 
païun  violoncelliste,  est  très  accessible  à  la  virtuo- 
sité. 

Beunis  aux  violon,  alto,  violoncelle  et  contre- 
basse, ces  nouveaux  instruments  intéresseraient  des 
compositeurs  cherchant  des  oppositions  de  sonorité 
bien  marquées.  Mais, depuis  la  mort  d'O.NsLow  (181)21, 
auteur  de  soixante-dix  quatuors  et  quintettes  à  cor- 
des, les  plus  grands  maîtres  français  ne  nous  ont 
laiss'-  qu'exceptionnellement  un  ou  deux  quatuors 
ou  quintettes;  c'est  un  genre  d'écriture  iliflicile  et 
presque  abandonné;  àfoi'tiori.en  est-il  ainsi  pou i  l'oc- 
tuor et  le  double  quintette  ou  dixtuor,  si  bien,  qu'en 
dehors  de  quelques  œuvres  de  circonstance  écrites 
par.li's  modeines  (D.  Milhaud,  Kosenthal,  tlKUMiTir., 
Mariottk,  lloNKGr.KR)  pour  la  présentation  du  Dixtuor, 
il  esi  oit  à  craindre  que  l'audition  du  'il  septembre 
1921  n'ait  pas  de  nombreux  lendemains! 

Il  iKms  a  paru  indispensable,  cependant,  de  rappe- 
ler ici  une  toute  dernière  et  intéressante  tentative 
de  hi  lutherie  française  de  1921  en  faveur  de  cette 
mnsi<iue  de  chambre  pour  les  instruments  cl'archet, 
dont  les  premiers  essais,  trios  pour  trois  violes  d'Ur- 
lando  (JiBBONs,  à  Londres,  remontent  à  plus  de  trois 
siècles. 


1.  I.''  nouveau  Dixtuor  ù  conlt-s  «  l.ôo  .Sin  »  fut  prfisent*^  en  pre- 
miêrv  audition  à  Paris,  le  '27octoliri'  Vyi\.  par  l'auteur,  André  I,Ai:Rt;Ni, 
qui  avait  indiqué,  dans  une  notice  pour  les  auditeurs,  los  accorda- 
tures  et  effets  de  sonorité  réalises  par  ce3  six  instruments. 

Paul  GARNAULT, 


Copyright  by  lÀbrairie  Delagrave,  /927. 


113 


LE  VIOLON 


Par  MM.  A.   LEFORT 


PROI'ESSKUa    AV     CONSERVATOIR1-: 


et   Marc  PINCHERLE 


ORIGINES  DU  VIOLON' 

'  Le  violon  esl  une  création  du  xvi"  siècle.  A  ce  mo- 
ment, la  multitude  d'instruments  à  cordes  qu'avait 
connue'  le  moyen  àf;e  s'est  ordonnée,  hiérarcliisée. 
Oigues  et  rebecs  restent  en  partage  aux  ménétriers 
de  basse  condition. 

Les  violes,  réduites  à  quatre  types  principaux,  à 
l'imitation  du  quatuor  vocal,  monopolisent  l'attention 
desdileltanti  et  des  luthiers.  On  lesperl'eclioiine  sans 
cesse,  et  c'est  d'elles  (|ue  le  violon  naîtra  entre  1300 
et  lo30,  après  une  longue  période  de  recherches  et 
de  tâtonnements. 

Le  moment  môme  de  son  apparition,  ses  antécé- 
dents immédiats,  son  pays  d'orif,'ine  nous  sont  mal 
connus.  Des  ouvrages  considérables,  qui  échalau- 
dent  sur  ses  origines  lointaines  des  théories  solide- 
menlélayées  d'arguments,  et  consacrent  des  volumes 
à  la  description  minutieuse  d'ancêtres  hypothétiques 
comme  lercbab  maure  ou  le ravanaslron  hindou,  esca- 
motent littéralement  les  derniers  stades  de  l'évolu- 
tion. 

Un  seul  exemple  :  L.  Grillet  étudie,  en  290  pages, 
le  croutli,  les  lyre,  viole,  rebec,  rote,  trompette 
marine,  violes,  instruments  d'Orient.  Après  quoi,  le 
problème  qui  nous  occupe  est  résolu  en  trois  lignes-  : 
i<  C'est  en  cherchant  à  donner  du  brillant  et  de  l'é- 


1.  Bibliographie.  —  Pour  ce  qui  est  de  la  lutherie,  on  se  ré- 
férera au  cliapitre  :  l'iicliire  ilcs  iiisiriiiiieiilx.  Je  me  borne  à  signa- 
ler les  recueils  bibliographiques  gi'ni'raiix  :  Luigi  Toubi,  ta 
l'.nslrnziotie  ed  i  coslrullori  degli  islrumenti  ad  arco...,  Inhliografia 
liiislislica  slorico-tecnkii,  Padova,  s.  d.,  in-S";  E.  Hebon-Allkn,  De 
l'diculis  bibliographia,  2  vOl.gr.  in-S",  Londres,  IS91-1893,  com- 
plétée pour  la  période  IS93-1912  par  Curt  Sachs,  Real-Lexicon  dcr 
Hiixili  imtrumeiile,  Berlin,  in-4",  1913  (arlicle  Violm). 

Sur  le  violon  en  général,  l'art  du  violon  et  les  violonistes,  cf. 
les  divers  chapitres  de  \'Eiicijclop(die  de  lu  musique  el  Diet.  du  Cou- 
scrvaloire,  première  partie;  et  \V.  Samiys  el  S. -A.  Forstee,  The 
Jihlary  nf  Ihe  riMin,  Londres,  1804  ;  W.-J.  vo.n  Wasielbwski, 
Die  Violine  und  ihrc  Meisler,  Leipzig,  1869  (i'  éd.,  1904);  A.  Vidai., 
Les  iiislrumeiils  à  archet,  Paris,  1876-1878  ;  K.  Folegatti, S/erm  det 
riuliuo,  Bologne,  1873-187-i;  G.  Dddol'i»;,  Tlie  Violin,  Londres, 
1836(5'  éd.  187S);0.  IlAUT.r/irlVo////  niid  iVs  m«SiV,  Londres,  1881; 
H.  Staroke,  Die  Ceiije,  Dresde,  ISSi;  L.  Oiullet,  Les  Ancêtres  du 
riolOH  et  du  violonceile,  2\o[.,  Paris,  1901  ;  P.  STOK\it;c,TI)e Starij  vf 
theviotin,  Ijondres,  1904;  A.  IJ ntersteineu, S^nna  del riutino.  Milan, 
190U;  M.Pi.NCHERi.F,/.es  Violonistes,  Paris,  1922.  Pour  les  diverses 
écoles.  Cf.  Encyclopédie  de  la  musique,  pnsaim,  etc.  L.  de  la  I.ao- 
RENciE,  L'Ecole  franaiise  de  riolon,  3  vol.  in-S"  ;  Paris,  1922-1921. 


clat  à  la  sonorité  du  pardessus  de  viole,  ou  vio- 
lino  picciilo  alla  fraiicese,  que  la  forme  délinitive  du 
violon  fut  trouvée.  » 

Ce  qui  reviendrait  à  dire  que  l'on  découvrit  le  vio- 
lon en  cherchant  h  perfectionner  le  violon,  si  le  vio- 
linopircnlo  rt//rt /■(•aucesie  désignai tliieii  l'acluel  soprano 
orchestral.  .Mais  il  se  trouve  que  l'expression,  qui 
ligure  pourla  première  fois  sur  In  partition  de  VOrfeo 
de  MoNTKVERDi  Cil  1607  (soit  un  demi-siècle  après  l'ap- 
parition incontestée  du  violon),  n'a  pas  encore  été 
tirée  au  clair  :  on  ne  sait  siMoNTKVEnoi  entendait  par 
là  des  violons  de  format  plus  petit  que  la  normale, 
sortes  de  pochettes  ou  de  sur-sopraui,  ou  s'il  voulait 
simplement  désigner  le  dessus  de  violon,  par  oppo- 
sition avec  l'alto,  le  ténor  et  la  basse  de  la  même 
famille. 

Le  premier,  sinon  le   seul,  M.  A.  Hajoecki'  s'est 
appliqué  à  serrer  de  près  la  question,  et  il  seuible 
bien  qu'il  l'ait  résolue.  Selon  lui,  il  faut  repUer  abso- 
lument l'hypothèse  qui  fait  ilu  violon   un  dinii  lulif 
de  la   viole   de  gambe.    Les  gambes,  d'un  côté,  les 
violes  à  bras  de  l'autre  répondent  à  des  conceptions 
toutes  dilTérentes,   présentent    dans  leur  construc- 
tion   des  dissemblances   multiples  (fond  plat,  bords 
plats,  manche  compartimenté,  tête  trifoliée,  ouïes  en 
C, accord  par  quartes  et  tierces,  etc.  pour  les  gambes; 
pour  les  violes  à  bras,  précurseurs  immédiats  du  vio- 
lon, accord  par  quintes,  tables  bombées,  bord-;  relevés 
manche  non  compartimenté,  volute,  ouïes  en  /',  etc.). 
Tandis  que   les    violes  de  gambe  arriva  eut,    par  la 
création  nécessaire  de  modèles  de  plus  en  plus  petits, 
;'i  former  une  famille  instrumentale  complète,  on  voit 
entre  1490  et  lri20  naître  et  se  préciser  un  type  diffé- 
rent, à  fond  bombé,  accord  par  quintes,  ouïes  en  f, 
brel  les  principales  caractéristiques  du  violon.  C'est  la 
lira  da  braccio,  ainsi  nommée,  sans  rapport  aucun 
avec  la  lyre  grecque,  en  simple  honima);e  au  souve- 
nir des  civilisations  anciennes.   Haphaël  en  donne 
vers   1503  d'excellentes  représentations ^,  et  l'on  se 
rend  compte,  à  les  considérer,  qu'il  sullîra  de  bien 
peu  de  chose  pour  amener  le  violon   à  sa  forme 
délinitive.  Les  seules  dilTérences  qui  subsistent  sont 
dans  le  nombre  de  cordes  (cinq,  plus  deux  en  bour- 


2.  Les  Ancêtres  du  violait  et  du  violoncelle,  P.iris,  1901,  l.  II, 
p.  2.  Les  ouvrages  de  Vidai.,  RuiiLMAn.-),  Exoej.,  ScuLtsisGen,  etc.,  ne 
sont  guère  plus  explicites  sur  ce  point  précis. 

3.  Die  /tatieuische  Lira  da  braccio,  in-s<»,  .Mostar,  1892. 

4.  Ucpi'oduitcs  in  :  J.  Rlhlman.n,  Gcschiclitc  dcr  Botjeninstrtimcnley 
liraunsclnveig,  1882,  Allas  VllI,  il,  22  el  X,  7. 


TECHyjQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    1795 


don)  et  l;i  forme  du  clievillier,  semblable  encore  ;i 
celui  des  ancieiini's  violes. 

A  partir  de  là,  les  témoignages  se  niiilliplient,  el 
l'on  pourrait  coiistruii'e  un  instrument  tout  semblalile 
à  ceux  des  facteurs  de  Mirecourt  en  élagnanl  ou  en 
niodiliant  à  peine  quelques  traits  de  ceux  que  nous 
représentent,  par  exemple  :  en  1516,  un  bois  gravé 
d'auteur  anonyme'  ;vers  1530,  la  marque  du  libraire 
bàlois  Oporiruis-,  et  cent  aulrcs. 

C'est  d'ailleurs  le  moment  ofi  le  mol  violon  appa- 
raît, dansle  vocabulaire  français  d'abord.  M.  H.  Par- 
NiÈRKS  le  signale,  pour  la  première  fois,  dans  une 
pièce  d'archives  de  lo-29'.  11  est  peu  probable  qu'il 
faille  lenir  compte  de  la  mention,  datée  île  I  tOO,  qu'en 
fait  M.  Albei't  Jacouot  dans  son  livre  sui'  la  Musique  en 
Lorraine^  :  il  reproduit  le  texte,  publié  d'abord  par 
M.  H.  Lepage^,  d'un  arrêté  de  liené  II  pris  contre 
les  mauvais  ménétriers,  à  Bar-le-Duc;  mais  le  ma- 
nuscrit où  11.  I.ep.ige  avait  puisé  son  information 
(n"  189  de  la  bibliolhéque  municipale  de  .Nancy)  se 
trouve  être  la  copie  tardive  d'un  original  aujour- 
d'hui disparu,  et  dont  les  altéiations  sont  désormais 
incontrùlaldes.  L'équivalent  italien  de  violon,  violino, 
n'est  pas  anlérieui-  à  i:)62'',  tandis  que  l'iolonisla  se 
rencontrerait  des  1452''.  Enlin,  les  Anglais  adoptent 
en  lo.ï5  l'orlhogi-aiilie  violon,  remplacée  par  violin 
à  partir  de  labS*. 

On  a  parfois  émis  des  doutes  sur  l'exacte  qualité 
de  l'instiumenl  que  l'on  désignait  alors  de  ces  di- 
vers noms.  Il  existe  cependant  à  ce  sujet  un  texte 
décisif.  Dans  son  Eidlome  musical  d>'S  tnns,  sons  et 
accords,  en  1356,  le  Lyonnais  Philibkkt  Jamre  dk 
Fer  consacre  un  chapitre  à  la  description  de  l'accord 
et  ton  du  violon.  Il  dit,  entre  aulres  choses  :  «  Le  vio- 
lon est  tort  contraire  k  la  viole.  Premier,  il  n'a  que 
quatre  cordes,  les(iuelles  s'accordent  à  la  quinte  de 
l'une  à  l'autre...  Il  esl  en  forme  de  corps  plus  petit, 
plus  plat  et  beaucoup  plus  rude  en  son,  il  n'a  nulle 
tasie  isillet),  parce  que  les  doigts  se  touchent  quasi 
de  ton  en  ton  en  toutes  les  parlies.  Hz  prennent  leur 
(sic)  tons  et  accords  tous  à  l'unisson.  .Vssavoir'  le  des- 
sus pr-end  le  sien  à  la  plus  basse  corde  à  vuvde.  Le 
bas  prend  le  sien  à  la  chanterelle  à  vuyde,  les  tailles 
et  haute-contres  prennent  le  leur  à  la  seconde  corde 
d'errrbas  près  le  bourdon.  » 

On  le  voit,  le  mot  violon  désigne,  dès  ce  moment, 
une  famille  complète  d'instruments,  qui  persistera 
jusqu'à  la  fin  dir  xvii'î  siècle,  moment  où  les  types 
intermédiair'es  s'elTaceront  au  profit  du  dessus  (i"'et 


2=  violon),  de  l'alto  et  du  violoncelle.  J.  Kcoiichk- 
viLLE  a  étudié"  d'assez  prés  l'équilibre  de  l'ancienne 
"  bande  »  des  violons,  à  l'époque  où  DuM.^Noin  la  di- 
rige, et  où  Mersenne  la  décrit,  soit  vers  1640.  »  Les 
vingl-quatre  formaient  à  eux  seuls  un  orchestre  divisé 
en  cinq  par  ties  :  dessus,  haute-contri' ,  taille,  basse  et 
quinte.  A  ces  différentes  voix  n'était  pas  affecté  un 
nombre  égal  d'instrumentistes.  MEnsEN.vr;  indique  six 
dessirs  el  six  basses,  et  quatre  musiciens  à  chacune  des 
aulres  parlies,  soit  moilié  pour  les  voix  extrêmes, 
moitié  pour  les  intermé  iaires.  Dans  les  états,  nous 
trouvons  ordinairement  dix  dessus,  trois  ou  quatre 
haute-contres,  trois  ou  quatre  tailles,  six  basses  et 
deux  qirintes.  Kniin  au  siècle  suivant,  les  qirintes  dis- 
parniss-nl  et  nous  aurons  :  douze  dessus,  hiiil  basses 
et  quatre  parties  intermédiaires...  .Selon  la  hiérar- 
chie habitirelle  de  celle  époipre,  le  dessirs  cor-respond 
à  notre  soprano,  la  haute-contre  au  contralto,  la  taille 
au  ténor,  et  la  quinte  occupe  la  place  que  son  re:;islre 
lui  désigne.  .Mais  si  l'on  en  croit  Mersi-nne,  il  n'en 
élait  pas  ainsi  dans  l'orchestre  des  vint;t-qualr'e. 
D'après  l'Harmonie  universelle  (liv.  IV  des  Instru- 
ments, page  1S9),  les  violons  du  roi  avaient  placé  la 
quinte  imrnédialeiiient  après  le  dessus,  puis,  cédant 
à  l'habitude,  ils  lui  avaient  laissé  le  nom  de  haute- 
contre.  La  haute  contre  réelle  devenait  ainsi  une  taille, 
el  la  taille  s'appelait  quliite.  Pour  .Mersr.nne,  la  cin- 
quième voix  serait  doue  un  mezzo-soprano  écr'it  en 
c\ef  d'ut  première,  tandis  que  pour  les  vingt-quatre 
elle  était  un  ténor'.  .  Mais  —  et  ceci  est  rerrrarqiiable 
—  lorsque  les  vingt-quatre  jouent  en  quatuor,  ce  nest 
ni  la  quinte  de  Mersenn  rri  la  leur  qui  disparaît.  La 
voix  qui  s'etlace  alors  est  le  contralto,  qui  est  appelé 
ici  haute-contre,  là  taille.  Il  reste  alors  deux  dessirs, 
un  ténor  el  une  basse...  On  pourrait  donc  prétendre  que 
l'orchestre  des  violons  du  roi  offr-e  un  éipiilibre  har- 
nroiiique  assez  justement  semblable  à  celui  de  notre 
quatuor  moderne.  L'ensemble  des  registres  s'étend 
sur  quatre  octaves  envir-mr.  La  basse  a  le  diapason 
du  violoncelle,  et  la  laille  celui  de  l'alto.  Les  ilessus 
sont  semblables  à  nos  violons.  Enfin,  le  contr.i'^i 
occupe  une  situation  intermédiaire  ;  il  se  limite  v  ■  s 
le  basau  la,  descend  parfois  au  sol...  Il  a  donc  l'éti n- 
due  d'urre  treizième  et  dépasse  à  la  fois  le  ;;ra\.- 
du  dessus  et  l'aigu  de  la  taille.  Cette  voix  était-elle 
confiée  à  un  instrument  particulier  rappelarrt  la 
violetta  italienne  ?  Ou  ne  sait.  Le  format  de  l'alto 
a  toujours  été  assez  variable  pour  permettre  ici 
plusieurs  hypothèses.  " 


Nomenclature  des  instruments 
d'après  MERSENNE 


Uomenclalure  des 
24  violons 


Tessiture 


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,^-f 


^g^^Mr« 


Oprsm!^ 


* 


-harjtp--rMiitpi» 


_4Llintt 


f 


^^ 


1.  Illustration  de  Sebastien  Cbampier.  Sijmphonia  Platonis  cum 
Aristotple. 

i.  lîeproduits  par  Sandvs  et  Fouster,  Hist.  of  the  lioli/i,  Londres, 
1864.  Hg.  47. 

3.  La  Musique  de  la  Chambrp  et  de  l'Ecurie  sous  le  règne  de  Fi'an- 
cois/"",  in  Aiinf^e  musicale,  1911,  p.  2H. 

4.  Paris,  t882,  p.  22. 

0.  Les  archives  de  Nancy,  1865. 


0.  Federico  Sacchi,  Ltt  Prima  Compartn  drlla  parola  violino  nei 
documenti  del  secolo  XVI.  Gnzetta  musicale  <Ji  Milano,  6  ^ept.  1891. 

7.  A.  Rossi,  cité  par  L.  Vn.i.A?(is,  Encyclopédie  du  Conservatoire, 
p.  Tj7. 

8.  Cil.    VAN  DEN  Borhe:*,    Les    Musiciens  belges   en   Angleterre. 
Bruiclles,  1013. 

9.  Vingt  Suites  d'orchestre  du  diX'Sfptième  siècle  français,  Paris- 
Berlin,  1900,  I,  p.  03-94. 


nnc 


ESCrr.LOPÈDlE  DP.  lA  MrSIQUE  ET  nrCTIOXXArRE  nu  COXSERVATOWE 


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L'insti-umenl  fué,  comme  on  l'a  vu,  dans  sa  forme 
et  dans  son  accord,  quelques  dérogations  auront 
encore  lieu  au  cours  des  siècles. 

Tandis  que  la  suppression  des  sillets  transversaux, 
qui  barraient  le  manche  de  la  viole,  permettait  aux 
habiles  d'accroître  vers  l'aigu  la  tessiture  du  violon, 
des  niaiires  timorés  les  rétablissaient,  espérant  pal- 
lier ainsi  It-s  délaillancesde  leur  oreille.  Dans  ses  In:i- 
tructlons.  for  the  Treble  jio/m  ',  publiées  en  lO.ï't  et  sans 
cesse  rééditées  jusqu'à  1730,  John  I>lavford  donne 
leur  emploi  comme  facultatif,  en  ajoutant  que  les 
élèves  qui  n'y  recourent  pas  parviennent  rarement 
à  jouer  juste.  Ailleurs  encore,  Henry  Playford 
insiste  sur  le  fait —sujet  d'ailleurs  à  caution ■=  — que 
«  les  meilleurs  maîtres  de  Londres -les  préconisent. 
Ce  système  des  sillets  se  complète  par  l'emploi  de 
la  tablature,  sorte  de  code  de  vulgarisation  dans 
lequel  à  chaque  sillet  correspond  une  lettre  ou  un 
chilfre  qui  se  trouve  ainsi  préciser  la  place  du  doigt 
sur  la  corde;  la  lecture  se  trouve  facilitée  lorsqu'il 
s'a"it  d'un  texte  élémentaire,  amenée  au  contraire  à 


un  degré  de  complication  inextricable  dès  qu'on 
aborde  di's  figurations  rapides  etchargées.  Semblable 
méthode  ne  pouvait  prétendre  à  une  vaste  dilfusion  : 
en  lait,  elle  végète  en  Angleterre  sans  jamais  retrou- 
ver sur  le  continent  lé  succès  des  ancieimes  tabla- 
tures de  luth,  mortes  en  mcme  temps  que  la  vogue 
des  cordes  pincées. 

L'accord  par  quintes  du  violon  ne  lesla  pas  non 
plus  tout  à  fait  immuable.  On  imagina  pour  reirouver 
l'aisance  que  donnait  à  l'e-xécution,  sur  la  viole,  l'al- 
ternance des  quartes  et  des  tierces,  de  la  reproduire, 
[ilus  ou  moins  fidèlement.  Après  quoi,  on  chercha 
dans  cet  artifice  un  moyen,  non  de  simplifier  le  jeu, 
mais  de  l'enrichir  de  ressources  nouvelles.  C'est  le 
violon  dit^rordc  ou  à  eorda  rarallées  de  MKnsEXNE,  la 
scordiitura  italienne,  la  Verstimmung  allemande, 
i/école  polyphonique  de  Waltiieb,  Wf.sthoi-i-,  Biber, 
devait  en  l'aire  le  plus  large  usage,  suivie  en  cela 
jusqu'à  nos  jours  par  Castrucci,  'Î'artini,  Iîarbella, 
LoLLi,  Caui'Agnoli,  Bkriot,  Baillot,  Paganini,  etc.  : 


cliez  TARTINI   BABBELLA  tOUl         PAGANIW 


BAILLOI 


Mais,  discordé  ou  muni  éventuellement  de  sillets, 
le  violon  n'a  pas  subi,  dans  ses  traits  essentiels,  de 
changement  vraiment  notable,  depuis  l'époque  à 
laquelle  I'bilibebt  Jamue-de-Fer  nous  en  donne  la 
première  description  détaillée.  Resterait  à  savoir  à 
qui  revient  l'iniliaiive  des  premiers  instruments  qui 
répondent  exactement  à  cette  description  :  on  n'a 
jamais  pu  émettre,  sur  ce  point,  que  des  hypothèses 
ou  des  affirmations  risquées ■'.  Sans  doute,  une  part 
dans  la  découverte  peut  être  attribuée  à  des  facteurs 
de  violes  connus,  de  la  fin  du  xV  et  du  début  du 
XVI'  siècle,  comme  Girolamo  Brensio*,  de  Bologne, 
Venturo  Linaroli,  de  Venise,  G.  Kerun,  de  Brescia, 
Pellegrino  Zanetto,  Morglato  .Morella,  Dorigo  Spil- 
MAN.  Une  légende  extrêmement  tenace  désigne  à 
notre  reconnaissance  Gaspard  Duiffoi'RUGcart  :  au 
moins  nous  est-il  mieux  connu,  grâce  surtout  aux 

1.  Deuxième  parlie  de  An  introduction  to  the  skill  of  musick, 

2.  ApoUo's  Banquet,  1600  (sixième  éilition). 

;î.  On  Irouveru  des  renseignemoiits  détaillés  sur  la  biographie  des 
facteurs  d'insLrunieDtfi  a  l'article  ••  Lutherie  ».  Nous  ne  nous  occu- 
pons ici  que  <ie  ce  qui  a  trait  aux  origines. 

4.  Cf.  Orillet,  op.  cit.,  I.  235;  IIajdecki,  op.  cit.,  pp.  o4-0i. 

5.  Gaspard  Dtiiff'oproiicaFt  et  U's  luthiers  /yonnais  rf«  seizième 
sièch,  Paris,  18S3. 


travaux  du  docteur  Henry  Coi'tagne^.  A  l'exception 
du  consciencieux  (iERiiER  '■  qui  n'indiquait  que  la  date 
lie  la  naissance  de  Uciffoprugcart,  1.")14,  et,  par 
allusion,  son  portrait  dû  à  Woeiriot,  la  plupart  des 
biographes,  Castil-Blaze,  C.-B.  Bernhardt,  le  prince 
YoussoupoFF,J.  Gallay,  SAMDTset  Forster,  Beissmann", 
Vidal,  Wasielewsri,  GaoLCiUF.T,HART,  et  bien  d'autres, 
ont  suivi  Choro.n  etFAYOLLE^  inspirés  eux-mêmes  par 
l.-C.  BoQi  efort-Flaméricourt,  collaborateur  de  la 
lîiographie  Michaud.  Pour  ce  dernier,  (jaspard  Duii- 
Foi'RiGCART  était  né  dans  le  Tyrol  italien  vers  la  lin 
du  xv^  siècle,  avait  voyagé  en  Allemagne,  puis  en 
Italie,  s'était  fixé  à  Bologne  au  commencement  du 
xvi°  siècle.  C'est  là  que  François  I"'',  venu  en  lolo, 
pour  établir  le  concordat  avec  le  pape  Léon  X,  l'avait 
enrôlé  dans  sa  suite.  Installé  à  Paris,  l'artiste,  incom- 
modé par  le  climat  froid  et  nébuleux  de  la  capitale, 
aurait  demandé  la  permission  de  se  retirer  à  Lyon, 
où  il  serait  mort. 

M.  H.  CouTAGNK  a  fait  justice  de  ce   roman  :  se 
basant,  d'une  part,  sur  des  documents  inédits,  de 


6.  Neues  liistorisch-biographiches  Lexicon,  I,  Leipzig,  1812 

7.  Dictionna  re  liisteriçucUe»  musiciens,  I,  1810. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    1797 


l'autre,  sur  une  analyse  serrée  du  beau  poitrail  de 
DuiFFOi'RUGCART  (M.  11.  C.  adopte  l'orthof^'raphe  Duif- 
Foi'ROucARr,  et  l'on  trouve  encore  une  demi-douzaine 
d'autres  varianles)  pur  le  graveur  lorrain  Pierre 
Woeiriot,  il  étaldit  que  notre  luthier  naquit  veis 
lol4,  à  Kreising,  en  Bavière,  habitait  Lyon  en  l'i^'S 
{et  peut-être  longtemps  auparavant),  reçut  en  I008 
seslettres  de  naluralilé,  fut  expiopiié  en  loôt)  pour 
des  raisons  d'intérêt  général, et,  ne  recevant  aucune 
indemnité,  mourut  dans  la  misère  vers  1370.  Ses 
héritiers  devaient,  en  réparation  de  cette  injustice, 
obtenir  du  roi  Charles  IX  une  rente  annuelle  et 
perpétuelle  qui  leur  l'ut,  d'ailleurs,  servie  fort  irrégu- 
lièrement. 

On  a  attribué  à  UuiFioi>nuGCAiiT  un  nombre  assez 
considéiable  d'in.striiments  actuellement  conservés 
dans  des  musées  ou  dans  des  collectionsparticulieres, 
lyre  da  braccio,  basses  de  viole,  violons.  Je  ne  l'epr-o- 
duirai  pas  ici  la  critique  très  judicieuse  que  M.  Col'- 
TAGNE  fait  de  ces  attributions',  qui  semblent  erronées 
ail  moins  pour  ce  qui  est  des  violons.  Un  autre  vio- 
lon de  DuiFFOPRUGCART,  nou  connu  de  M.  Coutagne, 
aurait  appartenu  jadis  au  grand  virtuose  Auguste 
WiLHELUJ.  Du  moins,  VVilhklmj  aurait  déclaré  à 
E.  Van  der  Straetun-  que  sou  père  avait  jadis  décou- 
vert l'instrument  en  question  dans  le  grenier  d'une 
maison  sise  àGeisenheini.sur  le  liliiii,  autrefois  pro- 
priété de  l'électeur  de  Mayence.  Daté  d'une  époque 
postérieure  à  1500,  c'était  bien  un  violon  et  non  une 
viole  recoupée.  Apres  réparation,  ce  violon  avait 
révélé  de  jolies  qualités  de  sonorité,  —  mais  le  vir- 
tuose avait  perdu  sa  trace,  et  le  considérait  comme 
disparu  à  jamais. 

11  faut  arriver  à  Gasparo  Bertolotti,  dit  Gasparo 
DA  Salo,  à  Giovainii-Paolo  Maggini  ,  aux  Amati 
enlîn,  pour  se  trouver  en  présence  de  luthiers  dont 
le  travail  nous  soit  connu,  et  avec  qui  cesse  de  se 
poser  l'irritant  problème  des  origines. 


U 


EMPLOIS  OU    VIOLON 

Pour  se  faire  une  juste  idée  des  premiers  emplois 
du  violon,  et  de  la  condition  des  violonistes  à  leur 
début,  il  faut,  de  toute  nécessité,  perdre  de  vue  leurs 
succès  de  l'âge  classique.  Quelque  progrès  que  repré- 
sente le  nouvel  instrumenl,  —  si  merveilleusemeiit 
«  au  point  »  qu'on  ne  l'a  pour  ainsi  dire  pas  perfec- 
tionné depuis  lors, —  il  conquiert  peu  de  sulfrages  à 
son  apparition,  et  des  moins  choisis.  »  Le  violon  est 
fort  contraire  à  la  viole,  iécrit  Philibert  Jambe-de- 
Fer^...  beaucoup  plus  rude  en  son...  iNons  appelons 
violes:  celles  desquelles  les  gentils  hommes ,  mar- 
chantz,  et  autres  gens  de  vertuz  passent  leur  temps... 
L'autre  s'appelle  violon,  et  c'est  celuy  duquel  on  use 
en  dancerie  communément  et  à  bonne  cause  ..  11  se 
trouve  peu  de  personnes  qui  en  use  (sic)  sinon  ceux 
qui  en  vivent  par  leur  labeur.  » 

De  même,  en  Angleterre,  à  cette  époque,  au  dire 
de  lord  Uoger  North*,  «  le  violon  était  peu  connu, 
bien  qu'il  soit  maintenant  universel,  et  si  d'aven- 


i.  Op.  cit.,  pp.  33-42. 

2.  li.  VAS  Dtn  SiRAiiiJi.s,  The  Rama>ice  af  Ihc  fiddU:,  iondres,  1911 
p.  i- 

3.  Op..cit.  (lââS). 

4.  iVemoirs  ofmusick.  ITig.  Ed.  Rimbault.  Lcudres,  lS4i},  p.  SO. 


ture  on  le  rencontrait,  c'était  entre  les  mains 
d'un  vielleux  de  campagne,  à  cause  de  sa  mania- 
bilité ». 

Ainsi  le  violon  joue  au  regard  delà  viole  et  du  luth 
le  même  personnage  que  jadis  le  rebec  :  on  le  juge 
éclatant,  criard, bon  tout  au  plus  à  faire  danser.  Le 
goût  des  amateurs  va  aux  sonorités  discrètes,  voilées, 
et  s'effare  devant  ce  brusque  accroissemenl  de  puis- 
sance. Tous  les  progrès  dans  l'ordre  de  la  dynamique 
sonore  suscitent  des  réactions  forc-nées  :  semblable 
aux  critiques  qui,  de  nos  jours,  reprochent  à  Wagner 
son  tumulte,  en  plein  xviu'  siècle  Hubert  le  Blanc, 
l'auteur  resté  fameux  de  la  Défensedela  basse/le  viole", 
marquait  encore  en  termes  véhéments  son  regret  des 
sonorités  distinguées  d'antan. 

Mais  surtout,  la  technique  engoncée  d'un  instru- 
ment tout  neuf,  et  fort  diflicile  en  soi,  faisait  obs- 
tacle à  sa  dilîusion.  Rudiuientaire  comme  elle  était, 
elle  le  condamnait  àne  valoirquedans  les  ensembles, 
où  il  exécutait  sa  partie  avec  moins  de  souplesse 
que  les  autres  dessus  instrumentaux  ou  les  voix.  Quel 
moyen  de  soutenir  la  comparaison  avec  le  luth  et  la 
viole,  que  leur  plus  grand  nombre  de  cordes,  leur 
accord  plus  facile  rendaient  capables  de  l'orniules 
ornementales  variées,  d'accompagnements  soutenus, 
voire  de  pièces  polyphoniques,  el  qui,  se  suffisant  à 
eux-mêmes,  conféraient  à  qui  les  jouait  l'individua- 
lité du  virtuose'? 

Instrument  de  ménétriers,  le  violon  n'était  pas 
autre  chose,  même  à  la  cour.  Chez  les  souverains 
français  du  xvi»  siècle,  il  n'appartt-nait  pas  à  la  mu- 
sique de  la  chambre,  composée  surtout  de  solistes, 
ilont  quelques-uns,  luthisles  surtout,  comme  Albert 
DE  KipPE  ou  Hubert  d'Ksi'Alt,  ont  titre  d'olTiciers 
domestiques.  Sa  place  était  dans  la  bande  de  l'E- 
curii-,  dont  les  fonctions  ont  été  excellement  définies 
par  M.Henry  Prl'nières'^  :  «  Les  musiciens  de  l'Ecurie 
jouent  un  rôle  très  ditférent  de  celui  des  artistes  de 
la  Chambre.  Ils  ne  font  pas  admirer  comme  ceux-ci 
leur  vi'  tuosité  individuelle,  lU  se  produisent  toujours 
en  troupe.  Ils  ne  brillent  pas  devant  un  auditoire 
alteiitil,  mais  égayent  de  leurs  airs  joyeux  les  fes- 
tins, les  bals,  les  joutes,  les  délilés.  Eu  un  mot,  ce 
sont  des  musiciens  d'orchestre,  non  des  solistes. 

«  Leur  vie  est  dure,  ils  accompagnent  le  roi  dans 
ses  voyages  continuels  à  travers  la  France.  La  même 
année,  on  les  trouve  à  Lyon,  à  Mce,  à  Marseille,  à 
Aigues-Mortes,  à  Montpellier  et  à  Compiègne.  Il  est 
fort  probable  que  ces  modestes  instrumentistes  che- 
minaient le  plus  souvent  à  pied  pendant  que  d'im- 
posants sommiers  les  accompagnaient  à  pas  lents, 
le  dos  caparaçonné  de  luths,  de  sacquebules  et  dfi 
violes.  Cependant  parfois  la  générosité  du  roi  leur 
octroyait  une  gratification  a  pour  leur  aider  à  avoir 
ung  cheval  ».  Ils  pouvaient  alors  chevaucher  tout 
comme  Albert  de  IÎippe  lui-même.  » 

Cette  condition  subalterne  s'améliorera  quelque 
peu  lorsque  les  violons  passeront  de  l'Ecurie  à  la 
Chambre,  à  une  date  que  l'on  n'a  pas  exactement 
déterminée,  antérieure  toutefois  à  1582.  En  lftOO,on 
comptera  vingt-deux  violons  ordinaires  de  la  Cham- 
bre du  roy,  et,  portés  au  nombre  de  vingt-quatre,  ih 
s'acquerront  bientdt  une  réputation  euiopéenne. 
A  ce  moment  même,  aussi  tard  que  le  régne  de 
Louis  XIV,  ils  seront  encore  tenus  pour  bien  infé- 
rieurs en  dignité  auxjoueurs  delhéorbe  oud'épinetle. 


.ï.  Amsterdam.  174U.  Cf.  M.  Pinchkhle,  La  Conditiuiisociale  des  vio- 
lonisles,  in  Revue  musicale,  II.  4  février  1021. 
6.  Op.  cit.,  p.  3;jfi. 


1798 


ENCÏCLOPÈDIB  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTJON.VAIRE  DU  COSSERVATOIIŒ 


Ce  sera  insulter  quelqu'un  que  lie  le  traiter  de  vio- 
lon. «  Le  peu  de  réputation  de  Chabot  (le  duc  de 
Chabot)  pour  la  bravoure,  raconte  Tallemant  des 
l'.éau:;',  sa  gunnserie  et  la  danse  dont  il  faisait  son 
capital,  faisoient  qu'on  en  disoit  beaucoup  plus 
qu'il  n'y  en  avoit...  Le  marquis  de  Saint-Luc,  un  jour 
auPalais-ltoyal,  à  je  ne  sçais  que!  grand  bal,  comme 
on  eust  ordonné  aux  violons  de  passerd'unlieu  dans 
un  autre,  dit  tout  haut  :  •<  Ils  n'en  feront  rien,  si  on 
«  ne  leur  donne  un  brevet  de  duc  à  chacun,  »  voulant 
dire  que  Chabot,  qui  avoit  fait  une  courante,  etqu'on 
api-ieloil  Chabot  la  couvanti\  car  il  avoit  deux  frères, 
n' estait  qu'un  violon.  ■> 

Les  violons  du  roi  ont  rang  de  domestiques;  cela 
comporte  un  certain  nombre  de  privilèges  :  exemp- 
tion de  ceriains  impôts,  émoluments  irancs  de  sai- 
sie, gratifications  diverses.  En  revanche,  ils  sont 
astreints  à  une  rude  discipline,  surtout  lorsque  Lulli 
les  prend  sous  sa  férule.  Outre  leur  service  régu- 
lier pendant  les  repas,  aux  danses,  «  entrées  de 
villes,  mariages  etautres solennités  etréjouissances  », 
ils  peuvent  avo  r  à  revêtir  eux-mêmes  un  déguise- 
ment pour  prendre  part  à  quelque  ligure  de  ballet, 
comme  dans  le  i(!//f(  île  F/o»v  (1669),  où  ils  représentent 
<i  six  hommes  arfriquains,six  femmes  affriquaines  >>, 
et  des  naturels  des  quatre  autres  parties  du  monde, 
ou  dans  celui  des  Doubles  Femmes,  dans  lequel 
«  l'entrée  fut  faite  par  des  violons  habillés  en  sorte 
qu'ils  paraissaient  toucher  leurs  instruments  par 
derrière'  i>.  Lulli  lui-même,  avant  de  parvenir  aux 
honneurs,  avail,  en  l6o3  et  l6o4,  dansé  des  person- 
nages burlesques  de  gueux  grattant  ses  puces,  de 
Furie,  de  sauvage  indien. 

La  mode  fut  bientôt  pour  chaque  noble  maison 
d'entretenir  une  bande  de  violons^,  ou,  plus  écono- 
miquement parfois,  d'engager  des  laquais  à  double 
fin,  capables  de  servir  et  de  faire  danser,  comme  ce 
comte  de  Montbrun,  «  qui  avait  quantité  de  domes- 
tiques pour  le  servir,  et  n'en  prenait  aucun  qui  ne 
sût  jouer  du  violon*. 

On  trouverait,  dans  d'autres  pays  d'Europe,  d'exac- 
tes répliques  de  cette  situalion  plutôt  humble.  Il 
n'est  question  que  de  violons  «  appartenant  »  à  tel 
ou  tel  prince^,  de  leurs  maigres  gages'^,  de  leurs 
livrées,  des  châtiments  qu'ils  encourent  pour  indis- 
cipline, excès  de  boisson,  des  menues  dettes  qu'ils 
contraclenl  chez  leurs  logeurs,  des  leçons  qu'on  leur 
paye  en  nature'',  bref  d'existences  qui  se  passent  en 
marge  de  celle  de  la  bonne  société,  dont  il  semble- 
rail  que  l'accès  leur  soit  à  jamais  interdit. 

Les  choses  changeront  à  paitir  de  la  fin  du 
ivir  siècle,  en  raison  du  caractère  nouveau  que  prend 
la  littérature  du  violon. 

Longtemps  confiné  dans  les  obscures  besognes  de 

1.  JJîsloriettes  [écrites  avant  IG57}.  Ed.  Monmerqué,  P-iris,  1854, 
III,  p.  438. 

2.  M.  de  Marolles,  cîW  par  J.  Ei.orcheville,  Vingt  Suites  d'or- 
chestre du  XVII*  siècle  français,  P.irÏB,  1906,  I,  à  voir  pour  tout  ce  qu' 
conrerne  la  situation  matérielle  des  24  violons. 

3.  i;f.  M.  BuENET,  ^t'5  Concerts  en  France  sous  l'ancien  régime, 
Paris.  fiOO,  pp.  67  et  suiv.;  A.  Pitiivo,  in  Ilevue  musicale,  l"  mai  1920, 
pp.  14-16. 

4.  fclcoRCHEVif.iE,  op.  eit.,  p.  31. 

5.  Signior  Raupony,  belonijiny  ta  the  prince  of  Vaudemont,  joue  à 
Londres  le  28  mar?  1698;  E.  van  deu  Stuaeten',  The  Itomance  of  Ihe 
fiddle.  Londres,  1911,  p.  1,58. 

6.  On  trouvera  une  mine  de  rcusei^jnements  sur  lu  condition  des 
violonistes  en  Angleli;rre,  particulit'rement  sous  Charles  II,  qui,  féru 
d'admiration  pour  les  24  violons  français,  s'applique  â  lopier  leur 
organisation,  d.ms  le  livre  de  M.  II.  Caht  he  LAFoNrAi.\E,  Tltc  Kinij's 
musiclc,   n-4',  Londres,  Novello,  s.  d.  (1909). 

7.  Cf.  Maigsien,  Les  Artistes  grenoblois,  Grenoble,  1887,  p.  .'160. 


l'orchestre,  la  sonaic  va  lui  donner,  en  |ieu  de  temps' 
un  relief  de  soliste  qu'il  ne  connaissait  pas,  et  qui 
l'égalera  aux  instruments  jadis  tenus  pour  nobles. 
Grâce  à  elle,  il  pénétrera,  par  lents  degrés,  chez  les 
"  honnêtes  gens  ».  On  l'y  admettra,  sous  réserves,  au 
début  du  siècle  suivant.  Leckbpde  l.\  ViEviLLr.écril  en 
l'Oo*  :  i<  Cet  instrument  n'est  pas  noble  en  France... 
on  voit  peu  de  gens  de  condition  qui  en  jouent... 
Mais  enfin  un  homme  de  condition  qui  s'avise  d'en 
jouer  ne  déroge  pas.n  En  17:!S,  le  Mercure  de  France 
sera  obligé  de  morigéner  les  grands  seigneurs  qui, 
non  contents  d'en  jouer,  font  étalage  de  leur  savoir 
et  rivalisent  avec  les  tprofessionnels'  ;  «  L'art  de  la 
musique  est  un  art  libéral  qu'il  n'a  jamais  été  hon- 
teux aux  honnêtes  gens  de  cultiver...  Mais  ce  ne  doit 
être  qu'avec  modération  et  seulement  pour  se  procu- 
rer un  délassement  des  occupations  plus  sérieuses, 
auxquelles  nous  nous  devons  tous,  selon  notre  état 
et  nos  talents  personnels.  Cai'  c'est  une  erreur,  selon 
moi,  d'imaginer,  comme  on  le  dit  iei,  que  le  violon 
ait  été  ennobli  parce  que  plusieurs  grands  seigneurs, 
qu'on  n'ose  avec  raison  citer  ici  que  par  d<s  lettres  ini- 
tiales, s'y  sont  adonnés  ety  ont  réussi;  ce  sont,  j'ose 
le  dire,  des  talents  déplacés,  et  qui,  sans  contribuer 
à  l'honneur  de  l'instrument,  ne  servent  qu'à  dégra- 
der ces  messieurs  qui  sont  faits  pour  honorer  et  pro- 
téger les  arts  par  leurs  applaudissements  et  leurs 
bienfaits,  et  non  pour  en  faire,  pour  ainsi  dire,  pro- 
fession. » 

Ce  qui  n'empêche  que  la  vogue  du  violon  va  crois- 
sant, que  les  concerts  privés  ou  publics,  les  acadé- 
mies de  province  le  recherchent,  et  que  les  caprices 
de  la  mode  qui  lui  suscitent  de  temps  en  temps  des 
concurrents  —  vielle,  musette.  Utile,  harpe  —  ne  peu- 
vent rien  contre  les  succès  de  Guignon,  d'AivET, 
de  Gaviniès,  de  Viotti.  11  inspire,  après  la  sonate,  la 
forme  du  concerto,  prend  une  prééminence  indis- 
cutée dans  l'orchestre  symphonique  et  la  musique 
de  chambre,  offrant  à  chaque  genre  des  ressources 
considérables  et  toujours  renouvelées. 

Sans  entreprendre  ici  l'histoire  délai  liée  des  diverses 
formes  où  il  trouve  son  emploi,  nous  étu<lierons  briè- 
vement son  apport  à  chacune  d'elles'". 

Tout  d'aliord,  nous  l'avons  dit,  le  violon,  aux 
XVI'  et  xvu<^  siècles,  a  un  rôle  prépondéiant  dans  le 
ballet.  Tant  que  se  maintient  la  hiérarchie  entre  les 
instruments  réputés  nobles  —  qui  sont  précisément 
les  instruments  «  doux»,  violes,  luths,  ihéorhe  —  et 
les  sonorités  plus  éclatantes  des  violons  et  hautbois, 
les  inlermèdes  symphoniques  sont  réservés  aux  pre- 
miers, et  aussi  l'accompagnement  des  chanteurs. 
Le  violon  régit  simplement  les  dans''s.  Mais  ses 
richesses  ne  resteront  pas  longtemps  inconnues,  et 
tandis  qu'en  Italie  il  s'introduit  dès  Monteverdi, 
Grandi,  Landi,  dans  l'orchestre  d'opéra,  il  s'achemi- 
nera en  France  vers  la  musique  pure,  par  letruche- 
ment  même  des  danses,  élevées  peu  à  peu  en  dignité, 
jusqu'à  se  détacher  parfois  de  la  clion'graphie  pour 
servir  d'intermèdes".  J.  Ecorchkville,  qui  a  retrouvé 
et  publié  le  plus  important  recueil  connu  de  danses 


8.  Comparaison  de  la  musigue  italienne.  " 

9.  Mercure  de  France,  août  1738,  p.  1722. 

10.  Le  lecteur  voudra  bien  se  re|)orter,  pour  plus  ample  informa- 
tion, à  l'article  Formes  de  V Encyclopédie  d'unn  part,  d'aulre  part, 
dans  le  présent  article,  au  chapitre  consacré  à  la  tectjoiquc  et  à  la 
pédagogie  du  violon. 

11.  On  trouvera  d'autres  précisions  sur  les  danses  qui  s'incorporent 
à  la  S.dte  et  plus  tard  ii  la  Sonate  de  chambre  dans  J.  Ecorcueville, 
op  cit.,  pp.  47  à  70,  et  L.  DE  LA  Laijrencie,  L'Ecole  française  de  violon 
I,  Paris,  192a,  pp.  49-55. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    17<i9 


françaises  (le  l'époque  (1040-1670)  j(KtU(/<  Suili'S  d'or- 
chestre du  dix-Hi'.pticme  siècle  français.  Paris,  .900), 
conservé  à  la  bililiollièqne  de  Cassel,  marque  à  mer- 
veille ce  moineiil  de  l'évolulion'  :  »  L'école  de  I60O 
ne  coiinaissail  pas  encore  ce  triple  partage  entre  la 
danse  propiement  dite,  la  chorégraphie  de  théâtre  et 
la  musi(|ue  pure.  I-a  division  du  travail  esthétique, 
à  laquelle  le  grand  siècle  a  tant  contribué,  commen- 
çait seulement  à  se  faire  sentir  dans  le  domaine  des 
sons  et  des  mouvements  harmonieux,  et  Dumanoir 
plaidait  encore  éloquemment  en  faveur  du  mariage 
de  la  musique  avec  la  danse.  Les  œuvres  que  le  ma- 
nuscrit de  Cassel  nous  a  conservées  n'entrent  donc 
pas  volontiers  dans  une  de  ces  catégories  où  nous 
sommes  habitués  à  faire  tenir  les  pioductions  mo- 
dernes. Elles  se  lecommandent  tout  aussi  bien  du 
concert  qire  du  bal  ou  du  ballet;  elles  sont  propres 
à  la  danse  en  maintes  occasions,  mais  elles  convien- 
nent aussi  à  Vauditnir  sédentaire.  Parfois,  elles  sui- 
vent attentivement  le  mouvement  des  corps  et  des 
jambes;  partois,  elles  s'en  éloignent  tout  à  fait,  au 
risque  de  perdre  toute  contenance;  elles  tombent 
alors  dans  l'imprécision  d'une  polyphonie  embarras- 
sée. En  un  mot,  ces  œuvres,  comme  les  musiciens 
qui  les  ont  conçues,  relèvent  de  la  Chambre,  région 
imprécise,  oflicielleet  privée  à  lafois,  lieu  d'apparatet 
de  particulier,  de  divertissements  domestiques  et  de 
somptuosités  mondaines  ».  L'allemande,  en  particu- 
lier, est  de  très  bonne  heure  traitée  comme  une 
introduction  orchestrale,  qui  module  parfois,  trans- 
forme son  thème,  conclut  (chez  Mazuel)  par  une  sorte 
de  strette.  H.  Quittard  cite  même-,  dés  1619,  un 
fragment  du  ballet  Tancrède  dans  la  forêt  enchantée, 
où,  disait  le  programme,  «  les  violons  sonnaient  un 
air  mélancolique  •>,  s'élevanl  fort  au-dessus  de  leur 
l'Ole  ménétrier. 

Les  danses  qui  constituaient  le  répertoire  n'allaient 
pas  tarder  à  s'organiser  en  suites,  analogues  à  celles 
que  connaissait  déjà  le  luth.  L'allemande,  la  sara- 
bande, la  courante  et  la  gigue  en  formeront  le  fond, 
de  plus  en  plus  stylisées  et  éloignées  de  leur  destina- 
lion  première.  L'unité  tonale  y  règne,  parfois  même 
une  certaine  unité  thématique  annonçant  de  loin  la 
forme  cyclique  (en  Allemagne,  par  exemple  chez 
Peurl,  1611).  Bientôt,  on  tentera  de  grouper  des 
mouvements  de  caractères  différents,  alternative- 
ment lents  et  rapides,  et  ce  seront  les  premières 
sonates,  écrites  généralement  pour  deux  violons  et 
basse,  par  Biagio  Marini,  Paolo  Qiiac.liati,  O.-M. 
Grandi,  MASsimiliano  NERi.Salomon  Uossi,Tarquinio 
Merula. 

Œuvre  des  violonistes,  destinée  à  offrir  à  leur  art 
tout  neuf,  en  pleine  émancipation,  un  libie  champ 
d'activité,  la  sonate  primitive  ne  présente  pas, jusqu'à 
1700,  un  très  gros  effort  d'organisation.  Chaque  mou- 
vement en  est  monoihémalique,  et  sa  puissance  de 
séduction  vient  non  de  l'ingéniosité  des  développe- 
ments, mais  de  la  suavité  des  mélodies,  et  surtout  de 
l'agilité  de  doigts  et  d'archet  à  laquelle  elle  s'efforce. 
A  peine  distingue-t-on  plus  de  gravité,  une  écriture 
plus  soignée,  plus  proche  du  style  polyplionique  vocal, 
dans  la  sonate  d'église,  dont  les  mouvements  por- 
tent des  désignalions  agogiques,  adagio,  grave,  alle- 
gro, presto,  tandis  que  lasonate  de  chambre  emprunte 
à  la  suite  ses  danses,  précédées  cependant  d'un  pré- 
lude, et  substituant  souvent  à  la  sarabande  le  grave 


1.  P.  45. 

'i.  Encyctop'^die  de  la  musique,  p.  li'60. 


de  la  sonate  d'église,  ou  mèine  Varia  venu  de  la  mu- 
sique dran)atique  K 

Mais,  dès  cette  période  d'élaboration,  à  côté  des 
formes  classiques  qui  s'esquissent,  le  violon  se  livre 
aussi  à  dos  recherches  de  viituosité  pure.  Nous  les 
retrouverons  lorsque  nous  étudierons  le  développe- 
ment de  la  technique  :  citons  seulement  Carlo  Farina 
et  son  Ciipricci')  slravagante  de  1627,  et  l'Ecole  alle- 
mande, extrêmement  riche  en  virtuoses,  qui  va  de 
Matliias  Kelz  à  Nicolas  Struncb, 'l'homas  Baltzah, 
J.-J.  Waltiier,  h.  von  Westhoff,  Heiniich  von  Biter 
enfin,  de  qui  les  œuvres  présenlent,  de  nos  jours 
encore,  pour  les  exécutants  les  plus  habiles,  de  très 
réelles  diflicultés.  Dès  ce  moment  aussi,  on  trouve, 
dans  la  littérature  allemande  pour  les  cordes,  des 
suites  et  des  sonates  à  rioloyiseul,  sans  basse  d'aucune 
sorte,  comme  celle  de  WESTiiOFPque  le  Mercure  galant 
publia  en  168:i. 

Enfin,  une  forme  également  due  aux  violonisies 
combine  heureusement,  du  moins  à  ses  débuts,  l'ef- 
fort constructif  auquel  nous  devons  la  sonate,  et 
l'individualisme  virtuose  :  c'est  le  concerto. 

De  même  que  les  mots  de  sonate*  ou  de  sympho- 
nie devancent  largement  la  création  des  genres  qu'ils 
qualifient  de  nos  jours,  de  même,  le  mot  concerto 
s'applique  d'abord  à  des  compositions  de  Gabrieli, 
de  ViADANA,  de  Melu,  qui  n'ont  aucun  rapport  avec 
le  concerto  préclassique,  dont  les  premières  ébau- 
ches ne  sont  pas  antérieures  à  1680. 

Les  véritables  créateurs  du  concerto  sont  Coreu.i 
(op.  0,  publié  en  1712,  mais  composé,  dit-on,  long- 
temps auparavant)  el  Giuseppe  Torelli  (op.  8  snr- 
toul,  publié  après  sa  mort,  en  1709). 

Nous  noterons  qu'à  ses  débuts  il  hésite  —  comme 
la  sonate,  primitivement  conçue  pour  le  trio  —  à 
mettre  nettement  en  relief  le  soliste.  Les  premiers 
concertos,  de  l'espèce  dite  «  de  chambre  •>,  ne  sont 
pas  autre  chose  que  des  trios  où  la  basse,  jadis  con- 
certante, est  déchue  de  ce  rôle  pour  laisser  en  pleine 
lumière  les  deux  violons. 

Beaucoup  plus  importante  est  la  forme  du  concerto 
gî'osso,  à  laquelle  tous  les  compositeurs  du  xyiii"  siè- 
cle, au  moins  jusqu'à  1760,  ont  apporté  une  contri- 
bution parfois  fort  importante,  non  seulement  les 
violonistes  comme  Corelli  ou  Geminiani,  mais  en- 
core des  maîtres  de  premier  plan  comme  Bach  et 
Haendel. 

Dans  le  concerto  grosM, deux  groupes  entrent  enjeu  : 
l'orchestre  d'accompagnement,  ou  grand  concert  (con- 
cei  to  grosso),  el  le  conccrtino,  sélection  de  trois  ou 
quatre  instnmientistes  qui  se  répartissent  l'essentiel 
de  l'œuvre,  parfois  dominés  par  un  troisième  élément, 
le  violon  principal. 

Enfin,  le  concerto  de  soliste  donne  à  un  seul  violon 


3.  La  sonate  pénètre  en  Kr.ince  assez  tardivement,  avec  François 
CoopEHiN  (1692),  Bkossard,  J.-K.  Rkbei,  etc.  Son  iléveloppemenl  ulU'- 
ricur  n'est  plus  l'œuvre  des  violonistes,  mais  cello  d'-s  ciavecinislf.* 
et  des  pianistes.  Lesgi-ands  classiques  créent  une  l'orme  dansl.iquelle 
rintér(>t  miisic.il  est  également  réparti  entre  le  violon  et  le  piano.  Ite 
ce  moment,  date  une  série  ininterrompue  de  chffs-d'œuvr*'.  Citons, 
pour  mémoire,  après  Haydn,  Muz.\ut  et  Beethoven,  les  sonatei  de 
Mendelssi>h:«,  ScHUBEar,  ScncsuN.v,  Brahms,  Grifx,  Fauré,  Sthacss, 
Kever,  César  Franck,  Lerec,  A.  Mac.nard,  Saint-SaI  ns,  d'Indv,De»dç9T, 
Albert  RoussEï-,  Guy  Ropautz,  II.  Schmitt,  G.  Enesco,  etc. 

i.  Rappelons  que  sonaîa  apparaît  aux  environs  de  1600  pour  dési- 
gner la  musique  destinée  aui  itistruments  à  c«rdes  p.tr  opposition 
avec  la  cantata.  vocale,  et  la  tnçcata  réservée  aux  instruments  à  cla- 
vier. Bien  avant  cette  date  sinfonia  désigne  un  ensemble  musical 
analogue  à  celui  que  l'on  qualilic  aussi  bien  de  concerto,  sans  qu'il 
laiUe  entendre  par  là  rien  d'autre  qu'une  pièce,  soit  instrumentale, 
soit  vocale,  soit  mixte,  d'essence  polyphonique,  Kncore  certaines 
pièces  en  trio  portent-elles  parfois  ces  divers  noms,  avant  1750. 


1800 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


la  prépondérance  absolue,  l'opposant  à  la  masse  or- 
chestrale, le  IxiUi,  avec  laquelle  il  dialogue,  en  tirant 
à  lui  tous  les  éléments  d'intérêt,  — larges  mélodies, 
traits  brillants,  cadences  imprévues,  —  tandis  que  son 
partenaire  se  borne  à  de  brefs  exposés  ou  à  des 
répétitions  en  éclio. 

Les  premières  ébauches  du  concerto  de  soliste  sont 
dues  à  l'oRELLi.  Mais  c'est  Vivaldi  qui,  le  premier, 
en  fixe  la  forme,  —  et  il  est  à  remarquer  que  cette 
forme  —  tripartile  —  un  adagio  encadré  par  deux 
aUi-grù  —  est  d'une  architecture  beaucoup  plus  f^^rme, 
beaucoup  plus  proche  des  futures  formes  classiques, 
que  la  sonate  sa  contemporaine,  souvent  composée 
de  cinq  ou  six  mouvements. 

C'est  encore  au  violon  que  doivent  leur  naissance 
le  trio,  le  quatuor  à  cordes  et  la  plupart  des  formes 
de  musique  de  chambre'.  Enlin,  son  importance, 
considérable  dans  l'orchestre  dès  la  création  de 
l'opéia  lulliste,  n'a  fait  que  croître,  qu'il  s'agisse  de 
la  symphonie  ou  de  l'orchestre  dramatique,  avec  les 
maîtres  de  la  (în  du  xviii"  siècle  et  des  temps  mo- 
dernes. Après  avoir  analysé  toutes  ses  ressources 
techniques,  Rkrlioz  conclut  ainsi  le  paragraphe  qu'il 
lui  consacre  dans  son  Traité  d'instrumentation  et  d'or- 
ckestralion  :  «  Les  violons  surtout  peuvent  se  prêter 
à  une  foule  de  nuances  en  apparence  inconciliables. 
Ils  ont  (en  masse)  la  force,  la  légèreté,  la  grâce,  les 
accents  sombres  et  joyeux,  la  rêverie  et  la  passion. 
11  ne  s'agit  que  de  savoir  les  faire  parler.  On  n'est 
pas  obligé,  d'ailleurs,  de  calculer  pour  eux,  comme 
pour  les  instruments  à  vent,  la  durée  d'une  tenue, 
de  leur  ménager,  de  temps  en  temps,  des  silences;  on 
est  bien  sûr  que  la  respiration  ne  leur  manquera  pas. 
Les  violons  sont  des  serviteurs  (îdèles,  intelligents, 
actifs  et  infatigables. 

«  Les  mélodies  tendres  et  lentes,  conlîées  trop  sou- 
vent aujourd'hui  à  des  instruments  à  venl,  ne  sont 
pourtant  jamais  mieux  rendues  que  par  une  masse  de 
violons,  liien  n'égale  la  douceur  pénétrante  d'une 
vingtaine  de  chanterelles  mises  en  vibration  par 
vingt  archets  bien  exercés.  C'est  là  la  vraie  voix  fémi- 
uine  de  l'orchestre,  voix  passionnée  et  chaste  en 
même  temps,  déchirante  et  douce,  qui  pleure  et  crie 
et  se  lamente,  ou  chante  et  prie  et  rêve,  ou  éclate 
ett  accents  joyeux,  comme  nulle  autre  ne  le  pourrait 
faire.  Un  imperceptible  mouvement  du  bras,  un  sen- 
timent inaperçu  de  celui  qui  l'éprouve,  qui  ne  pro- 
duirait rien  d'apparent  dans  l'exécution  d'un  seul 
violon,  multiplié  par  le  nombre  des  unissons,  donne 
des  nuances  magnifiques,  d'irrésistibles  élans,  des 
accents  qui  pénètrent  jusqu'au  tond  du  cœur.  » 

La  conception  wagnérienne  de  l'orchestre,  l'im- 
portance formidablement  accrue  des  bois  et  des  cui- 
vres —  et  l'exploitation  des  ressources  des  diverses 
familles  instrumentales  va  chaque  jour  s'intensifiant 
—  a  quelque  peu  ébranlé  la  domination  du  quatuor 
et  celle  du  violon  en  particulier;  il  n'en  reste  pas 
moins,  pour  ce  qui  est  du  présent,  l'élément  essentiel, 
vital,  en  quelque  sorte,  de  l'orchestre. 

H  faudrait,  pour  rendre  compte  de  tous  ses  em- 
plois, citer  encore  toute  une  littérature  soliste  qui  vit 
et  se  développe  en  marge  des  grandes  formes  clas- 
siques :  le  solo  à  proprement  parler,  le  morceau  de 
getire.  Ses  racines  sont  aisées  à  discerner  :  on  les 
trouve  dans  les  premiers  essais  de  Farina,  dans  les 
Varialions  vpon  a   yround  des  violonistes   anglais 


i.  €f.  article  consacré  à  la  musique  tle  clianibre. 
ïi.  Op.  It),  Paris,  Sclioiienbcrger,  s,, U.,  p.  33.  ■ 


de  la  lin  du  svii"  siècle.  Son  objet  est,  de  toute 
évidence,  la  conquête  du  public,  soit  par  un  abon- 
dant étalage  de  virtuosité,  soit  par  l'amorce  de  mé- 
lodies faciles,  dont  la  compréhension  ne  soit  pas 
obscurcie  par  un  développement  thématique  plus 
ou  moins  malaisé  à  suivre. 

Par  une  assez  curieuse  rencontre,  la  pièce  de 
genre,  en  France  au  moins,  reste  pendant  toute  latin 
ilu  xvii"  siècle  et  une  notable  partie  du  sviii"  l'apa- 
nage des  instruments  à  cordes  pincées  :  le  violon 
n'intervient  guère  que  comme  le  champion  des  nou- 
velles formes  italiennes,  sonate  et  concerto.  On  ne 
s'en  étonnera  pas  si  l'on  songe  qu'à  ce  moment 
sonate  et  concerto  sont  piéciséinent,  pour  une  très 
large  part,  des  œuvres  de  virtuosité,  de  slructuie  très 
simple,  très  abordable,  où  l'exécutant  peut  briller, 
dans  les  mouvements  rapides,  par  la  vivacité  des 
traits,  le  brillant  des  cadences,  dans  les  adagios  par 
la  qualité  expressive  du  son  et  les  dons  d'imagina- 
tion qu'exige  la  broderie  dont  il  est  tenu  de  les  or- 
ner. Vienne  l'époque  classique,  où  la  sonate  prend 
une  tenue  plus  austère,  alors  commencera  à  lleurir 
la  variation  de  virtuosité,  «  l'air  varié  "  qui,  de 
déchéance  en  déchéance,  cédera  le  pas,  au  début  du 
xix=  siècle,  à  la  fantaisie  sur  des  airs  d'opéra,  faite 
d'airs  connus  et  de  traits  stéréotypés,  sans  elTort  de 
construction,  sans  rafllnemenls  harmoniques  d'au- 
cune sorte,  et  telle  que  l'auditeur  le  moins  musicien  y 
trouve  son  compte.  Mais,  à  côté  de  ces  formes  dégra- 
dées, auxquelles,  par  malheur, de  très  grands  artistes 
sacrifièrent  longtemps,  le  siècle  dernier  a  vu  naîti'e, 
parallèlement  au  lied  romantique,  des  pièces  de  con- 
texture  simple,  mélodies,  berceuses,  romances',  que 
des  compositeurs  d'immense  valeur  n'ont  pas  dédai- 
gnées, tels  BiîETHOVEN,  ScHuuANN,  de  nos  jours  Gabriel 
Fauré. Quand  l'écriUire  orchestrale  du  violon  s'éloigne 
sans  cesse  de  ses  bases  techniques,  elles  ont  du  moins 
le  mérite  de  lui  rappeler  que  sa  plus  pure  gloire^  à 
l'apogée  de  l'école  classique  italienne  et  fronçaiee 
consistait  avant  toute  chose  k  'x  bien  chanter  ". 


III 


TECHNIQUE  ET  PÉDAGOGIE* 

Mon  dessein  est  d'étudier  ici  la  technique  du  vio- 
lon et  sa  pédagogie,  en  m'appuyant  sur  l'examen 
simultané  des  œuvres  et  des  méthodes.  On  remar- 
quera, une  fois  pour  toutes,  que  les  auteurs  de  mé- 
thodes, pendant  de  longues  années,  nous  rendent 
imparfaitement  compte  du  niveau  de  virtuosité  de 
leur  temps.  Jusqu'au  milieu  du  xviii'  siècle,  la  plu- 
part visent  à  former  des  maîtres  à  danser  ou  des 
joueurs  de  petits  airs.  Ceux  mêmes  qui  s'adressent, 
à  des  élèves  plus  ambitieux,  comme  I'ieiiimani  ou 
Léopold  Mo/.AHT,  ne  leur  mettent  entre  les  mains 
qu'un  matériel  de  pratique  courante,  que  leur  ensei- 
gnement oral  devait  dépasser  sur  bien  des  points. 

C'est  seulement  à  partir  des  Galeazzi,  des  Baii.lot, 
des  Spour,  que  la  concordance  devient  plus  stricte. 
De  nos  jours,  enfin,  des  Traités  comme  ceux  de 
JoACiUM,  de  Cai'Et,  de  Sevgir,  de  Flesch,  vont  plus 
loin,  et,  poussant  à  l'extrême  l'analyse  des  problè- 

3.  On  trouverait  au  \vfu=  feit'cli'  quolques  exemples  claii-semiiB  lii- 
<;es  petites  pièces,  uue  berceuse  {J\'inna  tMnnti)  «le  Kfi«BAPi,  citôe  jia'' 
Bdrnev,  (les  romances  (Gaviniks),  mais  le  plus  souvent  (cf.  Jarnowick) 
>crvanl  de  mouvement  lent  à  un  concerto  ou  à  une  symptionie. 

4.  La  rédaction  de  ce  cliapitre  est  due  uiiii[uetnenl  à  M.  Marc  Pj>"- 
ciiehi.e.  (N.  D.  l.  U.) 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉOAGOGIE 

mes  techniques,  jalonnent  bien  souvent  les  chemins 
(le  la  virtuosité  à  venir. 

J'examinerai  successivement  la  tenue  et  l'accord 
du  violon,  la  lechniiine  de  main  gauche,  la  techni 
que  d'archet,  la  double  corde,  certains  artilices  de 
virtuosité  acrobatique.  Qu'on  veuille  bien  n'en  pas 
attendre  un  exposé  complet,  ni  surtout  équilibré;  il 
a  semblé  préférable  de  sacrilier  ce  sur  quoi  toutes 
les  méthodes  modernes  tombent  d'accord,  pour 
insister  sur  les  points  obscurs  et  les  périodes  moins 
bien  connues.  J'ai  laissé  de  cô(é  —  trille  excepté  — 
la  question  des  ornements  qui  intéresse  l'interpréta- 
tion, non  la  technique,  et  exigerait  à  elle  seule  un 
chapitre'. 

Tenne  et  accord  du  lioloii. 

Tenue.  —  Elle  n'a  pas  été  fixée  avant  le  début  du 
siècle  dernier.  On  admet  aujourd'hui  que  le  violon 
doit  être  maintenu  entre  la  clavicule  gauche  et  le 
menton,  qui  pose  sur  le  côté  gauche  de  la  table 
d'harmonie,  près  du  cordier;  piesque  horizontal,  la 
volute  légèrement  surélevée  par  rapport  à  l'autre 
extrémité;  la  table  inclinant  son  côté  droit  vers  le 
sol  (de  quelques  degrés  à  peine,  bien  que  Baillot- 
indique  «environ  45  degrés  »);  le  coude  gauche  ren- 
tré à  l'aplomb  du  milieu  de  l'instrument;  u  l'extré- 
mité du  manche,  en  ligne  directe  du  milieu  de  l'é- 
paule gauche  »  (Raillot,  ib.),  plus  ou  moins  déviée 
de  cet  axe  selon  la  taille  de  l'exécutant. 

On  trouve  bien  cette  position  réalisée  aux  époques 
les  plus  reculées;  même  chez  des  joueurs  de  rebec,  tel 
celui  que  représente  au  x'  siècle  une  enluminure  du 
Psautier  de  Notker  Labeo  (Saint-Gall),  tel  l'Ange  mu- 
sicien d'une  peinture  de  Fra  Angelico  aux  Otiices  de 
Florence  (début  du  xv  s.);  chez  des  violistes  comme 
celui  que  peignit  au  xv°  siècle  un  anonyme  de  l'école 
rhénane',  ou  cet  autre  qui  nous  est  figuré,  vers  IboO, 
au  frontispice  de  la  Violina  con  la  sua  Risposta'^. 

Mai;  c'est  pur  etTet  du  hasard.  On  voit  communé- 
ment même  les  violonistes  appuyer  leur  instrument 
contre  le  milieu  de  leur  poitrine  {Tivis  Musiciens  de 
Velasquez  au  musée  Kaiser-Friedrich  de  Berlin''; 
musiciens  qui  encadrent  la  page  de  titre  des  messes 
àplusieurs  voix  d'Andréas  Ham-merschmiot").  Plus  libre 
encore  est  la  tenue  de  ceux  qui  illustrent  le  titre 
des  Miisx  Sionx  de  Michel  Praetorius'  :  l'un  a  son 
violon  à  demi  engagé,  comme  une  guitare,  entre  son 
coude  droit  et  sa  hanche,  et  l'on  imagine  la  liberté 
d'archet  qui  en  peut  résulter!  L'autre  le  maintient 
presque  vertical,  le  cordier  au  menton,  la  volute  à 
hauteur  de  ceinture. 


LE    VIOLON    isol 


1.  Chaque  souri-e  biblionrr;»pliique  est  citée  en  son  lieu.  On  IrouTSfa 
tltii  roiiseignements  particulièrement  abondiints  en  se  reptvtant  ù 
J-;,  VAN  DKR  Straeten,  Tlie  H'niianCf  of  the  fid'fle,  Londres,  l'JI  1  ;  U^ 
Gustave  Bkckmann,  D(is  Violin-spii^l  in  Deutschlond  vor  1700,  Leipzig, 
1tM6;  Andréas  Moser,  Gescliichle  des  YioHnspiels,  Berlin,  1923;  enfin 
eL  surtout  au  tome  111  du  monumental  ouvi-age  de  M.  Lionel  de  i.a 
Laubencif,  l'Ecole  frawaise  de  vtoton  de  Lully  à  Viotti,  Paris,  i924- 
Si  ces  ouvrages  nf  sont  pas  plus  souvent  mentionnés,  c'est  que  des 
recherclies  parallèles,  amorçi'-es  dans  La  Technique  du  riolon  chez 
t es  premiers  sbnalistes  français  (S.  I.  M.,  1911  )  et  poursuivies  depuis, 
tlevaient  dans  bien  des  cas  m'ainener  aux  mêmes  documents  et  aui 
mêmes  conclusions.  Je  n'ai  pu  avoir  connaissance  d'une  étude  de 
M.  Karl  Gerhartz  intitulée  ;  Ziw  àlteren  Xiolintechnik  {Zeitsçhri/'t 
fiir  Musikwissenschaft.  octobre  19ï!41. 

■2.  Art  du  fïo/on,  Paris,  18.U.  p.  11. 

A.  Musée  Wallraf  Hicbartz,  Cologne.  D'après  Max  Sauerlandt,  Die 
Musilc  in  fûnf  Jahrhunderien  der  europaischen  Malerei.  Leipzig, 
192-2,  page  8. 

4.  Brescia  et  Ferrare.  Cf.  E.  van  der  Straeten,  op.  cit.,  p.  4. 

5.  Sauerlandt,  op.  cit..  p.  87. 
U.  Dresde,  1G63. 

7.  Neundter  Theil.  prima  vox.  lc,[n. 


l-es  méthodes  sont  à  peine  plus  strictes.  D'après 
John  Playtord,  en  16j4,  •<  la  partie  intérieure  du 
violon  doit  reposer  contre  la  poitrine,  à  gauche,  un 
peu  au-dessous  de  l'épaule*'  ».  John  Lenton,  en  1702, 
engage  l'élève  à  ne  tenir  son  violon  ni  sous  le  men- 
ton ni  aussi  bas  que  la  ceinture,  comme  on  le  fait 
parfois,  (ta  l'imitation  des  Italiens'  ».  Selon  Iîrossard, 
«  pour  tenir  ferme  le  violon,  on  en  appuyé  (brtement 
le  gros  bout  où  est  le  bouton  contre  l'épaule  gauche, 
un  peu  au-dessous  de  la  joue  ou  jilus  ban,  selon  qu'on 
le  tftjuvcra  plus  commode"*  ».  Corrette,  dans  son 
Ecole  d'Orphée  (1738),  admet  que  l'élève  pose  son 
menton  sur  le  violon  lorsqu'il  veut  démancher,  tan- 
dis i]ue  Boiti\ET  l'Aillé,  en  1780,  l'en  dissuaile".  Le 
plus  singulier  est  que  de  nombreux  traités  préconi- 
sent l'appui  du  menton  à  droite  du  cordier.  Je  cite- 
rai, entre  autres,  Léopold  Mozart  (1736),  Stéphen 
Philpot  (Londres,  1767),  Joliann-A.  Hiller  (Gratz, 
1795),  J.-A.  Fknkner  (Halle,  1803).  Woldemar  évite  de 
prendre  parti  :  "  Il  est  iridilléreni  de  poser  le  menton 
sur  la  partie  droite  ou  sur  la  gauche  du  violon,  puis- 
que Tartim,  Franz  (Fhae.nzl),  et  Cramer  le  plaçaient 
sur  la  droite,  et  que  Locatelli,  Jarnowick  et  Viotti 
le  posent  sur  la  gauche.  Cette  dernière  manière  est 
la  plus  générale'-.)  On  peut  enregistrer  la  protesta- 
tion motivée  de  G. -S.  Lcihlein,  déclarant  qu'en  pla- 
çant le  menton  à  droite  du  cordier,  comme  beau- 
coup le  font,  on  détermine  une  fausse  position'^. 
Mais  il  est  curieux  de  constater  qu'en  1831,  lorsque 
M'OHR  expose  dans  sa  Méthode  l'invention  de  la 
mentonnière,  la  figure  explicative  ne  la  place  pas 
à  gauche  du  cordier,  mais  au-dessus,  très  exactement 
dans  l'axe  du  violon;  et  que  Baillot  conseille,  lors- 
qu'on enseigne  le  violon  à  des  enfants  qui  n'ont  pas 
à  leur  disposition  d'instrument  assez  petit,  de  leur 
faire  appuyer  leur  menton  du  côté  de  la  chante- 
relle''•. 

Accord.  —  L'instabilité  du  diapason,  pendant  long- 
temps plus  élevé  à  l'église  qu'à  l'orchestre  dramati- 
(|iie,  en  plein  xviii'  siècle  différent  à  Itome  non  seu- 
lement de  ce  qu'il  était  à  Paris,  mais  à  Venise,  devait 
rendre  assez  délicat  l'accord  des  instruments  à  ar- 
chet, et  les  condamner  à  un  empirisme  tenace.  Pour- 
tant, une  lois  déterminée  la  note  qui  servait  de  point 
de  départ,  l'accord  se  faisait  en  quintes,  cela  dès 
l'origine.  Nous  l'apprenons  de  façon  très  nette  de 
PiuLiuERT  Jambe-de-Fer  en  L'iaô'^. 

Il  se  peut  qu'on  ait,  en  Italie,  fabriqué  des  violons 
à  cinq  cordes  montées  par  quartes,  comme  Lecerf 
DE  LA  ViÉviLLE  l'affirme  à  plusieurs  reprises"'.  Déjà, 
Mersenne  avait  émis  l'idée  qu'un  violon  à  cinq  cordes 
«  feroit  peut-être  quitter  les  ordinaires  à  quatre 
chordes,  comme  on  a  quitté  le  rebec  qui  n'eu  avoit 
que  trois '^  ».  J'avoue  n'avoir  trouvé  nulle  trace  d'un 
tel  instrument,  et  les  catalogues  des  collections  pu- 
bliques ou  privées  restent  muets  en  ce  qui  le  concerne. 


8.  An  introduction  to  the  skill  of  nnisiçk.  Instructions  for  the  tre- 
bîe  riolin. 

9.  Usefut  instructor  of  the  violin. 

10.  Fragments  mss.  d'une  méthode,  s.d.  (vers  1712),  p.  12.  Bibl.  Nat, 
Res.  VmSc    1. 

11.  Nourelle  Méthode  pour  le  violon.  Paris,  s.d.  (1786). 

*  12.  Grande  ^îéthode..,  pour  le  violon,  F'.iria,  Cochet,  s. il,  (vers  1800). 
l:î.  Ami'eisumi  zum.  Violinspielen,  deuxième  éd.,  Leipzig,  1781,  p.  12. 

14.  Op.  cit.,  p.  14. 

15.  Op.  cit.,  p.  1)1. 

10.  Jtêponse  a  la  défense  du  Parallèle,  Bruxelles,  1705,  p.  22. 
Comparaison  de  ta  musique  italienne  et  de  la  musique  français^,  éd. 
de  17:;G,  in  Bunn.et-Boi*delot,  Histoire  de  ta  Musique,  U,  84. 

17.   ïlanuouie  unirerselle,   IG.jG,   livre /V  des  Imt9-itmens,  \i.  .16^. 


1802 


ENCYCLOPEDIE  DE  LA  MISIOVE  ET  DICl  lOSNAIRE  DU  CONSEnVATOIliE 


Tout  au  plus  renconlre-t-on,  périodiquement  réin- 
venté, deux  ou  trois  lois  par  siècle,  un  instrument  à 
cinq  cordes,  accordées  par  quini  s,  qui  vise  à  cumu- 
ler les  ressources  du  violon  et  de  l'alto. 

Scordatura.  —  Il  arrive  fréquemment,  au  ww  siè- 
cle surtout,  que  l'on  moililie  de  l'açon  occasionnelle 
l'accord  normal  du  violon.  CVst  la  Scordatura  des 
Italiens,  en  alli-mand  Ver'itiininiwg,  en  français  jeu 
à  cordes  ravallécs  ou  à  violon  discordé  M.  Beckmann 
a  sipnalé',  dés  1629,  chez  lîia^jio  Marini,  le  curieux 
exemple  de  l'op.  Vil,  sonate  2,  où  l'exécutant  doit 
proiiter  d'un  silence  de  sept  mesures  pour  liaisser 
sa  chanterelle  d'une  tierce,  et  rétablir,  un  peu  plus 
loin,  l'accord  normal,  à  la  faveur  d'un  nouveau  si- 
lence. Mais  le  procédé  est  relativement  peu  employé 
à  cette  époque  par  les  Italiens;  bien  davantage  par 


Scordatura 
chez  BIBER 


les  Allemands,  férus  de  polyphonie,  que  la  scorda- 
tura lacilite  étrangement  (luthistes  et  violistes  l'a- 
vaient adoptée  longtemps  auparavant  pour  ce  mo- 
tif). On  se  souvientdu  récit,  laissé  par  J. -G.  Walther-, 
de  lafaçondont  Nikolaus-.\dam  Stri'nck  slupéfia  Co- 
niîLLi  en  jouant  sur  un  violon  discordé.  C'était  mon- 
naie courante  en  Allemagne 3.  ,I.-K.  Kindemian.n'  en 
usait  ainsi,  largement,  en  1 633,  et,  de  même,  la  plupart 
des  auteurs  dont  le  chanoine  Iîost  nous  a  conservé  les 
œuvres,  recueillies  dans  les  trois  précieux  volumes 
transmis  plus  tard  par  iînossABD  à  la  Bibliothèque 
lioyale',  et  qui  vont,  chronologiquement,  de  1640  à 
1688  environ.  Mais  Heinricli  von  Bibf.r  les  dépasse 
tous  en  ingéniosité  dans  ses  divers  recueils  de  sona- 
tes °,  où  il  utilise  un  nombre  considérable  de  combi- 
naisons, telles  que  : 


EËE 


;     1   {;■    t 

m-      -m-     \/m- 


En  Angleterre,  la  faveur  de  la  basse  de  viole  devait 
déterminer  des  scordatures  de  violon  capables  d'é- 
voquer son  accord.  On  en  trouve  en  abondance  dans 
le  Division  Violin  de  J.  Plaïfobd^  [Readings  ground)  : 


/«.,, 


»(iti. 


Les  succès  à  Londres  du  Lubeckois  Baltzab,  maître 
dans  l'emploi  de  cet  artifice,  furent  certainement 
pour  beaucoup  dans  sa  vulgarisation. 

En  France,  Mersbnne  (1636)  en  constate  implicite- 
ment l'usage  quand  il  écrit  :  «  Le  violon  n'a  que  qua- 
tre chordes  dont  l'accord  à  vuide  est  ordinairement 
de  quinte  en  quinte,  »»  et  de  façon  catégorique  dans 
le  passage  équivalent  de  l'édition  latine,  beaucoup 
moins  écourtée,  où  il  déclare  que  le  violon  peut  en- 
gendrer d'autres  consonances  que  la  quinle  si  l'on 
touche  à  la  fois  trois  ou  quatie  cordes,  »  surtout 
quand  on  a  changé  l'accord  initial  ».  11  faut  attendre 
jusqu'à  la  méthode  de  Corriîtte'  un  exposé  systéma- 
tique, avec  les  exemples  : 


Après  quoi,  on  relèvera  dans  les  œuvies  de  Jean  le 
Maire,  Bertheaume,  etc.,  des  emplois  assez  fréquents. 
Les  Italiens,  de  leur  côté,  se  remeltent  à  discorder 
parfois  leurs  violons.  Ex.  :  Castrucci,  Tartini,  Bar- 
BELLA,  LoLLi.  Mais  c'est  désoimais  un  procédé  excep- 

1.  Op.  cit.,  p.  24,  et  ei.  5.  Sur  la  scor<taturc,  cî.  L\  Lal-resgie,  op, 
cit.,\\.  37,  III,  19,  21,  109;  Pl^cHEnl.E,  op.  ci(.,  p.  4;  B«ii.i.ot,  op.  cit., 
p.  2:9  '^qq.;  Grove,  Dietionary  nfmusic  :  scordatura,  pur  K.-J.  I^anye  ; 
A.  MosEii,  die  Violin-Skordatur,  in  Archiv  fitr  Musiku'isscusclutft,  I, 
4,  1919. 

2.  CotiELU,  m  Miisikalischf s  Zexicott,  Leipzijf,  1732. 

3.  Cf.  J.  QuANTiî,  Essai  d'une  métïiode  pour  apprendre  à  jouer  de 
la  flûte  traversiére,  Berlin,  1762,  p.  330  :  ..  Ils  (les  an.i.'ns  Alleniaiids) 
compo.saient  be.tucoup  de  pi<  ces,  où  il  fallait  arroi'der  autrement  leS 
violon-,  (le  sorte  que,  suivant  que  le  compositeur  l'exisreait,  les  cordes 
étaient  accordées  au  lieii  de  quintes,  en  secondes,  tierces  ou  quartes. 
pour  pouvoir  prendre  d'autant  plus  facilement  les  accor.ls  ;  ce  qui 
causait,  en  revanche,  des  diflieultes  très  grandes  dans  les  passages.  « 

4.  Camoni,  Sonalss,  nnn,  iluabus,  tribus  et  qnaltuor  violis  cun) 
basso  generali.  Cité  par  Beckhani,  p.  49. 

5.  Bibl.  Nat.,  Késcrvc  Vm7  073. 

C.  Deukmàier  der   Tonkunsl  in  Oesterreicli,  XII,  2,  1905. 

7.  Londres,  J685.  John  Reakinu  était  un  org.iniste  du  Winclicster 
Collège. 

8.  Op.  cit.,  Lii're  IV  des  Jnsirumens,  p.  181  ;  éd.  latine,  p.  39. 

9.  LEcote  d'Orphée,  1738,  p.  39-41. 


tionnel,  destiné  à  piquer  la  curiosité  des  auditeurs. 
C'est  ainsi  que  l'entend  B.  Campagnoli  lorsqu'il  con- 
sacre un  paragraphe  de  sa  méthode  à  l'imitation  de 
la  viole  d'amour,  manière  extraordinairi;  d'accorder 
et  de  jouer  du  violon,  qui  augmente  le  prix  de  l'art 
parsavarii'lé^''.  L'exemple  musical  adjoint  comprend 
un  nocturne,  nnscher^o  et  un  finale  dans  l'accord  (du 
grave  à  l'aigu)  la,  ré,  fa  dièse,  do  d'tèse.  De  même, 
Baillot,  de  Bf'riot,  etc.  Quant  à  Pagamm,  écrivant 
en  ré  majeur  le  violon  principal  du  concerto  en  mi 
bémol,  en  la  celui  des  variations  en  si  bémol  Bi 
tantipalpiti,  il  vise  à  rendre  plus  brillante  la  sonorité 
de  son  violon  haussé  d'un  demi-ton,  et,  non  sans 
charlalanisme,  adonner  l'impression  d'une  difficulté 
d'intonation  que  l'orchestre  seul,  écrit  dans  la  tona- 
lité réelle,  doit  surmonter. 

Clef.  —  La  clef  de  sol  deuxième  ligne  est,  dès  l'ori- 
gine, employée  par  les  violonistes.  Cependant,  la  clef 
d'ul  première  ou  deuxième  permet  d'éviter  les  lignes 
supplémentaires  dans  le  registre  grave.  Les  Français 
en  usent  avant  171.'),et  Mo.vtéclair,  dans  sa  Méthode, 
le  leur  conseille".  Plus  fréquente  et  plus  caracté- 
ristique est  l'adoption  en  France,  au  xvir  siècle,  de  la 
clef  de  sol  première  ligne,  communément  appelée 
clef  française.  Duval  ose,  en  l'Oo,  rompre  avec  cette 
tradition,  bientôt  suivi  par  Bebel,  Sewaillé,  IIugue- 
NET,  etc.  Mais  Courette,  dans  son  Ecole  d'Orphée 
(17381,  indique  toujours  la  clef  de  sol  première  «  pour 
jouer  la  musique  franooise  i>  et  la  clef  de  sol  deuxième 
«  pour  jouer  l'italienne  ».  J.-Ph.  Bameau  conserve 
l'ancienne  clef  dans  presque  toutes  ses  partitions 
jusqu'à  l'édition  de  1754-  de  Castor  it  Pollua;.  Bien  des 
méthodes,  celle  même  d'HABENKCR,  vers  1835,  en  font 
mention,  la  donnant,  il  est  vrai,  pour  désuète. 

Jusqu'à  1700,  on  comprend  que  les  violonistes 
français,  peu  habiles  à  démancher,  se  soient  accom- 
modés d'une  clef  qui  leur  permettait  d'atteindre  la 
limite  de  leur  tessiture  à  l'aigu  [ut;.]  sans  user  de 
lignes  supplémentaires.  D'autant  qu'ils  échappaienl 
à  l'inconvénient  correspondant  dans  le  grave,  du  fait 
de  leur  aversion  à  l'endroit  de  ce  registre. 

Les  deux  cordes  graves,  le  sol  surtout,  longtemps 

10.  Leipzig,  s. d.  [IS21).  cinquième  partie,  p.  3.5.  Campagnoli  a,  d'au- 
tre part,  fait  éditer  chez  Breitkopf  et  Hiirtel  l7//wsïOH  rfe  la  viole  d'ti- 
mour,  sonate  notturne,  op.  10. 

11.  .Méthode  facile  pour  apprendre  à  jouer  du  violon,  Paris,  l'auteur, 
s.d.  (1711  ou  171'J),  p.  18, 


TECII.VKJIE,  ESTIIÉTinVE  ET  PÉDAfinOtE 

appel('  bourdon',  comme  les  cordes  supplémentiiires 
de  certaines  violes,  avaient  été  iiéglifjées,  à  l'oiigine, 
tant  h  l'élraiigei' qu'en  Traiice.  Praetorius,  pai' exem- 
ple, les  Juf-'e  impropres  à  donner  «  une  liarmotiie 
réfîulière'^  ».  Mais  tandis  que  de  nombreuses  excep- 
tions se  font  jour,  de  bonne  beure,  chez  Tarquinio 
Meri'la,  O.-M.  Grandi,  Biayio  Marini,  Mattias  Kelz, 
BMiER,J.-S.  Walther,  etc,  cette  proscription  se  main- 
tient lon;.'temps  dans  les  œuvres  de  nos  violomstes. 
Des  reiuieils  considérables,  comme  ceux  de  Véron  ^  ou 
de  PiuLiDOR  ',  n'emploient  jamais  la  quatrième  corde. 
.Sur  les  miilil's  de  cette  réserve  on  peut  invoquer  le 
goût  de  l'époque  qui,  d'après  .Mersenne,  "  prise  d'au- 
tant plus  cbaque  instrument  qu'il  faut  plus  de  varjétez 
avec  moins  de  chordes^  ».  11  est  vrai  aussi,  et  nous 
avons  le  témoignage  de  IUguenet  et  de  Lecerf  de  la 
ViÉviLLE,  que  l'on  n'apprécie  pas  chez  nous  les  sono- 
rités du  grave  au  même  degré  que  celles  du  médium 
et  de  l'aigu.  Je  cite,  pour  sa  singularité,  l'opinion 
émise  parMARXiNELLi  dans  ses  Lellere  famiyliari  c  cri- 
tiche  :  «'  Dans  un  concert  d'instruments,  que  l'on  peut 
regarder  comme  une  espèce  de  conversation,  les  sons 
aigus  qui  caractérisent  la  voi.'ide  la  jeunesse  doivent 
(donc)se  l'aireentendre  rarement,  parce  qu'il  ne  con- 
vient pas  à  la  jeunesse  de  parler  trop  souvent.  II  est 
encore  de  la  bienséance  que  les  personnes  qui  repré- 
sentent sacbent  se  taire  à  propos  :  aussi  /es  iom  gra- 
ves ne  doivent  pas  non  plus  dominer'''.  »  Une  explica- 
tion autrement  plausible  serait  la  lenue  défectueuse 
des  violonistes  qui  rendait  le  jeu  sur  la  quatrième 
corde  beaucoup  plus  ardu  que  sur  les  autres.  Quoi 
qu'il  en  soit,  la  France  tardera  à  entreprendre  la 
conquête  du  registre  grave;  Allemands  et  Italiens  au- 
ront déjà  conçu  des  chants  expressifs'',  Si// y  (Haendel, 
Pori'ora)  avant  que  nous  y  venions  avec  Gaviniès, 
I?ARrnELEUO\,  Vachon,  Le  Duc,  Capron,  Viotti  enfin, 
qui,  le  premier,  entireiales  plus  beaux  effets  d'émo- 
tion et  de  couleur. 

Tablature,  sillets.  —  On  a  cherché  de  tous  temps 
à  alléger  l'étude  de  la  théorie  musicale  et  du  solfège 
en  remplaçant  la  notation  traditionnelle  par  divers 
systèmes  de  lettres  et  de  chiffres.  C'est  l'esprit  des 
inventions  du  P.  Souhaitty  et  de  J.-J.  Housseau; 
c'était  déjà  celui  des  tablatures,  dont  chaque  signe, 
lettre  dans  le  système  français,  chilfre  dans  le  sys- 
tème allemand,  correspond  non  à  un  son  déterminé, 
mais  à  un  doigté,  comme  on  le  verra  un  peu  plus 
loin.  Universellement  adoptée  par  les  luthistes,  la 
tablature  a  eu  chez  les  violonistes  des  fortunes  di- 
verses. En  France  c'est  l'échec  à  peu  près. complet. 


LE    VIOLON    1S03 


Mersenne  écrit  :  «  Quant  à  la  labl.ilure  des  violons 
et  des  violes,  elle  n'est  pas  dilTérenle  des  notes  ordi- 
naires de  la  musique,  encore  que  ceux  qui  n'en  sça- 
vent  pas  la  valeur  puissent  user  des  nombres,  en  de 
tels  cbaractères  qu'il  leur  plaira  pour  marquer  leurs 
leçons  et  leurs  conceptions,  et  pour  écrire  des  labla- 
tures  particulières,  comme  sont  celles  du  lulh  et  de 
la  guilerre,  quoy  que  les  notes  valent  mieux  que  les 
lettres'...»  L'usage  en  est  beaucoup  plus  répandu  hors 
de  France.  Bkckmann  étudie  longuement  les  tabla- 
tures primitives  allemandes,  en  particulier  celle  de 
Johann  Wolff  Gkbhard  de  Nuremberg  (lfil3)'.  On 
apprend  là,  entre  autres  choses,  que  la  technique  de 
main  gauche  est  confinée  dans  la  première  position, 
et  que  l'on  n'use  même  pas  du  quatrièrrre  doigt.  U  va 
sans  ilire  que  la  tablature  n'intéresse  qu'une  catégo- 
rie inlerieure  de  violonistes,  aussi  éloignés  des  virtuo- 
ses leurs  contemporains  que  peuvent  être  airjour- 
d'hui  de  Saumons  ou  de  Mary  Hall  les  adeptes  du 
Tonic  sol  fa.  L'Angleterre  a  cultivé  avec  application 
le  système  de  la  tablature.  Sans  parler  de  celles  qui 
s'adressent  au  luth  et  à  la  basse  de  viole,  John  Play- 
FORD  en  destine  une  au  violon  dans  son  Introduction 
to  the  Platjing  on  Ihe  Treble-violin  '■',  virrgt  fois  rééditée 
entre  163 1-  et  1730.  Chaque  lettre  y  exprime,  dans 
l'ordre  alphabétique,  un  demi-ton  ascendant  (les 
lignes  représentant  non  une  portée,  mais  les  quatre 
cordes  de  l'intrument)  : 

ïïrst  string ,  or  tretlc (chanterelle) 

a   b     c    d    e  f      g 


±i± 


ti|^f^ 


fiMfi 


Second.or small mean  (la) 
»    \i   r:  ti   K   r  ^:^f^ 


^m 


m 


pWp  P  ffp 


etc. 


Voici  la  transcription  en  tablature  de  l'air  Mairfew 
fair.  Les  notes  qui  surmontent  la  tablature  indiquent 
les  valeurs  rythmiques  :  la  même  valeur  alfecte  les 
lettres  consécirtives  lant  que  l'on  ne  trouve  pas  de 
nouvelle  indication  de  rythme  : 


ï 


i   i 


fi 


^^^^ 


a  a    Cl    C 


i  i 


=?i 


c  e  f 


J  •  / 


a  a.  a,   c 


-=^ 


<1%T-111  ^-^^rr"'"1-T^-"°^r- --TPT^  IV  ^  ^1 — '-'-^-^l — ^-^^■ 

(^^jLîi..^j_j — u^_ ^_^j ^  -^f^ ^^j — :j_ \ — ui- 

1.  De  riiilibert  jAMtiE-DE-FeB,  op.  c//.,  1556,  jusqu'à  DKMAB,A'o««e//c 
Méthode  de  riolon,  Wurizbourg,  i80(J. 

2.  Sy'ttaijma  Jlfusicnm,  1619,  III,  p.   12'*  de  la  réédilîon  Bkk>oi;i.li. 

3.  Recueil  ms.  Ilibl    Nat.  VniO  5,  contient  des  ballets  Je  la  plupart 
des  com|msileurs  français,  de  1661  à  1691. 

4.  Bibl.  nal.  ;  Suite  de  danses  pour  les   violons,..,  1712  {pièces  de 

LULLV,   FaVIEU,  PégODRT,  LlLODETIE,  etc.). 

5.  Op.  cit.,  livre  IV  des  Instrumens,  p.  183. 


6.  Librement  cité  par  F.  Fayolle,  Notice  sur  Corelli,  Tartini,  etc, 
Paris,  1810,  pp.  8-9. 

7.  Cf.  LA  Laore.ncie,  op.  cit.,  m,  106. 

8.  Op.  cit.,  loco  cit.,  p.  180. 

9.  Op.  cit.,  pp.  3-7. 

10.  Livre  H  de  V I ntroduction  to  the  Skill  of  Musick,  Londres,  16G4. 
On  cile  ici  d'après  la  quinzième  édition  de  1703. 


1804 


B\crc.LnptîniE  ns  la  musique  et  dictionnaire  du  conservatoire 


A  l'ernpli)i  de  la  tablalure  (destinée  aux  violonis- 
tes peu  exercés)  coirespond  presque  toujours  celui 
de  sillets  ou  Trettes'  qui  divisent  matériellement  la 
touche  duviolon  en  dunii-tons,  et,  détei  mijianU'em- 
placement  assigné  à  chaque  lettre  de  la  tablature, 
donnent  au  doigté  une  absolue  sécurité,  sinon  une 
justesse  inlaillible.  Ces  divisions  étaient  communé- 
ment marquées,  comme  sur  le  lulh,  par  un  ou  deux 
tours  de  corde  à  boyau  enroulés  autour  du  manche 
aux  points  correspondant  à  chaque  demi-ton;  par- 
fois obtenues  à  l'aifle  d'incrustations.  C'est  le  dispo- 
sitif adopté  par  Martin  Agricola -,  tandis  que  Hans 
Geklk',  qui  l'accepte  pour  les  violes  de  grand  l'ormat, 
le  proscrit  pour  les  petites  :  i<  Ceux,  dit-il,  qui  sont 
capables  de  leur  ajuster  des  sillets,  ont  assez  d'o- 
reille pour  s'en  passer.  » 

Malgré  le  dangereux  automatisme  que  les  sillets 
donnent  au  doigté,  et  la  proscription  qu'ils  entraî- 
nent d'effets  comme  le  ylissando.  leur  usage  se  pro- 
longe bien  au  delà  du  xvi<=  siècle;  Henry  et  John 
Playfobd  le  préconisent',  et  même  Tessarini,  du 
moins  dans  l'édition  anglaise  de  sa  méthode  »,  et 
F.  (iEMiMANi",  qui,  donnant  la  ligure  du  manche  de 
violon  divisé  en  demi-tons,  ajoute  :  «  Je  trouver'ais 
très  néo^ssaire  qu'un  écolier  fil  marquer  le  manche 
de  son  instrument  de  cette  manière,  ce  qui  doit  lui 
faciliter  beaucoup  les  moyens  de  toucher  juste.  » 
Kn  1769,  V Avant-Coureur  ">  amionce  une  invention  dfs 
sieurs  Turpin  et  GossEX-d'Amiens,  pour  donner  plus 
de  Justesse  à  la  détermination  de  l'emplacement  des 
sillets,  tant  pour  le  violon  que  pour  les  instruments 
à  coides  pincées  :  si  les  sillets  gênent,  on  pourra 
toujours  les  limer  et  se  contenter  de  leur  trace.  Une 
mention,  peut-être  la  dernière,  dans  le  piètre  ouvrage 
de  John  Painiî*,  vers  182o;  après  quoi,  nous  en  retrou- 
verons, hors  des  méthodes,  une  survivance  obstinée 
dans  ces  bandes  de  papier  à  coller  sur  la  touche, 
avec  de  belles  divisions  en  couleur,  qu'emploient 
souvent  encore  des  maîtres  d'imagination  courte. 

Manière  d'accorder  le  violon.  —  L'accord  du  vio- 
lon est  considéré  de  nos  jours  comme  une  opération 
délicate,  qui  exige  des  débutants  beaucoup  d'appli- 
cation et  d'étude  ;  mais  on  leur  demande  seulement 
d'affiner  leur  sens  auditif  jusqu'à  percevoir  l'inter- 
valle de  quinte  par  lequel  est  légi  cet  accord. 

Les  anciens  maîtres  avaient  des  visées  plus  ambi- 
tieuses :  comme  ils  déterminaient  les  doigtés  au 
moyen  des  sillets,  de  même  ils  rêvaient  d'un  mode, 
ou  plutôt  d'une  recette  scientifique,  qui  permit  à  l'é- 
lève de  réaliser  l'accord  par  quintes,  pour  ainsi  dire 
automatiquement.  La  manœuvre  le  plus  souvent 
prescrite,  de  Hans  Gerle"  à  John  Plavford  et  au 
delà,  consiste  à  monterla  corde  la  plus  aiguë  «  aussi 

1.  Anglais  frels,  italien  tasli,  allemaml  Bimtle. 

2.  Musica  Instrtimentalis  Demlsch.,  WilUiiiiberg,  1528,  pp.  16,  48 
et  M. 

3.  Musica  Teusch  auf  die  Instrument  dcr  grossen  und  kleynen 
Gei/iim,  1632. 

4.  Henry  Pi.ayford,  Apollos  banquet,  sixième  édition,  IGOU  :  ..C'est 
UDP  manière  de  faire  que  l'on  sait  être  adoptée  par  les  meilleurs  maî- 
tres de  Londres  et  alentours  ».  John  Pi.AVFonD  (o/j.  eit.)  restreint,  il 
est  vrai,  leur  elfi.-acité  a  IVuseignemonl  des  débutants. 

5.  An  accurate  inethod  to  tttttnn  the  art  of  playiny  ije  violin,  s.  d. 
(vers  IT.'jOJ. 

ti.  L'Art  de  jouer  le  violon.  Editiou  anglaise  et  française  (1751 - 
1752). 

7.  13  novembre  I7(i!l.  M.  L  HE  l*  Lacrekcie,  op.  ciY.,  III,  p.  74, 
retrouve  il  Reims,  en  1770,  ces  deux  riiémcs  inventeurs. 

A,  A  Treatise  on  thc  violin  :  nliewing  hoir  tu  ascertain  the  trne 
àegreeof  ttme.  Londres,  J.  Heynolds  (vers  1825). 

3.  0/1.  ci(.,  édiUon  de  1537,  p.  0. 


haut  qu'elle  le  pourra  supporter  sans  se  rompre  ». 
Puis,  selon  PLAYFonD'",  l'accord  par  octaves  étant 
plus  facile  que  par  quintes,  l'élève  posera  son  troi- 
sième doigt  sur  le  la  de  la  chanterelle  et  accordera 
la  seconde  corde  une  octave  plus  bas.  Il  posera  alors 
son  troisième  doigt  sur  le  ré  (2°  corde)  et  accor- 
dera la  troisième  une  octave  plus  bas.  Ainsi  de  la 
quatrième  : 


Sébastien  de  Brossard"  ajoute  à  ce  procédé  celui 
qui  consiste  à  garnir  le  manche  du  violon  de  sillets, 
et  ayant  mis  le  bourdon  au  sol  «  avec  quelque  sif- 
flet ou  quelque  cloche  que  l'on  aura  remarqué  ex- 
primer ledit  son  le  g  ré  sol  »,  à  poser  le  quatrième 
doigt  à  l'emplacement  du  sillet  qui  marque  le  ré 
quatrième  corde,  à  accorder  le  ré  (troisième  corde)  à 
l'unisson,  et  ainsi  de  suite. 

A  l'extrême  lin  du  xviii'  siècle,  Francesco  Ga- 
LEAZzi,  de  qui  la  technique  est  cependant  fort  avancée, 
empruntera  des  expédients  hasardeux,  papiers  delà 
longueur  de  la  corde  à  replier  selon  des  données 
mathématiques  pour  obtenir  remplacement  des 
doigts,  fourni  jadis  par  les  sillets  ;  ce  qui  n'évite  pas 
l'emploi  d'un  «  zufoletto  di  legno,  o  di  métallo  detto 
volgarmente  Carùla'- >\  que  nous  appellerions  dia- 
pason. Le  seul  diapason  a  subsisté  jusi|u'à  nos  jours 
comme  adjuvant,  et  il  semble  établi  qu'un  débutant- 
incapable,  la  hauteur  du  la  lui  étant  donnée,  d'en 
déduire  celle  de  mi,  ré,  sol,  sera  bien  inspiré  en  renon- 
çant à  la  musique. 

A  moins  qu'il  n'ait  recours  à  l'artifice  naïvement 
prescrit  par  Johann  Adam  Hiller'^,  et  qui  consiste, 
faute  d'un  bon  piano  à  portée  de  l'élève,  à  lui  faire 
ch.iulcr  le  début  Je  l'hymne  «  \Yir  glauben  ail  an 
einen  Golt  ».  Wir  donne  le  ré  sur  la  troisième  corde, 
glau  le  la  sur  la  deuxième  corde;  puis  l'hymne  «  Lobt 
Gott  ihr  Christen  »,  oùGutl  donnera  le  midelachan 
terelle,  puis  «  Nun  sicli  derl'ag  »,  oii  sich  fournira  le 
sol  quatrième  corde. 

Technique  de  la  main  ganche. 

Tenue  de  la  main.  —  On  est  de  très  bonne  heure 
fi.\«  sur  la  nécessité  de  ne  point  trop  éloigner  la  main 
de  la  touche  du  violon.  Mersenne'*  écrit  (1036)  :  «  11 
faut  mettre  les  «rois  doigts  de  la  main  gauche,  c'est- 
à-dire  l'index,  celuy  du  milieu,  et  l'aimulaiie  si  près 
de  la  chorde  qu'on  veut  toucher,  qu'il  ne  s'en  faille 
que  d'une  demi-ligne  qu'ils  n'y  touchent,  afin  que 
ce  petit  esloignemeut  n'empesche  point  la  vitesse  du 
toucher  et  des  tremblemens.   »    Un  peu  plus  tard, 
Brossard'^  :  «  On  pose  la  partie  du  manche  qui  est  la 
plus  pioche  des  chevilles  et  du  sillel,  et  qu'on  nomme 
le  colet,  contre  le  pouce  et  le  doit  suivant,  sans  ce- 
pendant trop  serrer  ledit  colel,  de  manière  que  les-" 
côtés  extérieurs  de  ces  deux  doits,  qui  sont  du  côté 
de  la  leste  du  violon,  soient  tout  proches  du  sillet, 


10.  Op.  cit.  Directions  foriunintj  tite  eiolin. 

11.  Op.  cit.,  cba|i.  III. 

12.  E'iemenii  teorico-jrratici  di  mn.\ii-a ,  iiomv,  1701,  p.  8:i. 

13.  Ani/'ei::ung  surn  VioUnspielen,  tirât/,  1795.  Cite  par  E,  vAx  deu 
SruAETEN,  op.  cit.,  p.  254. 

14.  Lirre  ÏY  des  TnsTrunicns,  p.  183.  La  ligne  vaut  2  mm.  2  i. 

15.  Oji.  cit.,  p.  12. 


TECIhVJQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    isor, 


et  que  les  cùtés  qui  sont  au  dedans  de  la  main  ne 
touchent  point  an  bourdon  ny  à  la  chanterelle,  allin 
qu'ils  n'emiieschent  0  i  n'altèrent  poini  le  son  de  ces 
deux  chordes,  (juiind  on  voudra  les  faire  parler  à 
l'ouvert.  »  EmImi,  Ci  mimani  apporte  aux  pédagogues 
un  piorédé  qui  est  resté  en  vigueur  pour  obtenir  le 
placement  lontà  lait  correct  de  la  main'  :  «  On  pose 
le  premier  doigt  sur  le  fa  de  la  chanterelle,  le  second 
sur  le  do  de  la  corde  la,  le  troisième  sur  le  sol  troi- 
sième corde,  leqnalrième  sur  le  ré  quatiième  coide. 
On  laisse  les  doigts  baissés  jusqu'à  ce  qu'ils  soient 
tous  placés;  puis  on  les  relève  à  une  pelite  distance 
de  lacorde  touchée  ;  cela  l'ait,  la  position  est  parfaite.  » 
(j.^LKAZZi  insiste- sur  la  nécessité  de  ne  pas  appuyer 
plus  (juil  n'est  indispensahle  pour  empêcher  que  la 
viLratiou  de  la  corde  ne  se  commuaique  à  la  portion 
comprise  entre  le  dojgt  et  le  sillet,  la  force  donnée 
par  surcroit  est  inutile,  engendre  raideur  et  fatigue. 
La  seule  précision  introduite  dans  les  méthodes 
plus  récentes  consiste  à  proscriie  (Ma-Rsick)  l'appui 
du  manche  du  violon  au  fond  de  la  fourche  formée 
par  le  pouce  et  le  premier  doigt.  Entre  ce  fond  et  le 
manche  doit  rester  un  espace  d'un  centimètre  au 
moins  :  on  évite  ainsi  que  le  pouce  ne  se  referme  sur 
les  cordes,  au  détriment  de  la  mobilité  de  la  main. 
Il  n'en  allait  |ias  de  même  dans  l'usage  ancien,  où 
l'on  utilisait  parfois  le  pouce  dans  certains  passages 
en  double  corde  : 


Le  pouce 


=?TT 


(Francœi-r  aillé,  arpèges 

de  la  sonate  VIII,  17lo. 


Les  professeurs  sont  presque  unanimes  à  recom- 
mander la  plus  grande  économie  de  mouvements 
des  doigts,  à  l'e.xemple  de  Pagamm,  de  qui  "  les 
doigts,  toujours  d'aplomb  et  parfaitement  placés, 
ne  se  levaient  que  quand  il  le  fallait  absolument''  ». 
Pourtant  Baillot'  entend  que,  dans  les  mouvements 
lents,  et  pendant  les  notes  longues  de  tous  les  mou- 
vements, lorsqu'un  seul  doigt  est  employé,  les  trois 
autres  soient  levés,  plus  ou  moins  haut,  pour  leur 
permettre  d'articuler  ensuite  avec  plus  de  netteté. 

Gamme.  —  La  main  gauche  placée,  l'exercice  le 
plus  élémentaire  qu'on  impose  aujourd'hui  aux  dé- 
butants est  celui  de  la  gamme.  Les  traités  anciens 
ne  semblent  pas  avoir  soupçonné  l'importance  et  la 
fécondité  d'un  tel  travail.  Antérieurement  à  Gemimani, 
onne  voit  intervenir  les  gammes  qu'appliquées,  par 
séries,  à  l'étude  des  positions  du  démancher.  Excep- 
tionnellement,  quelques  traces  précoces,   comme 


dans  un  recueil  daté  de  1027,  où  figure  cet  exer- 
cice^ : 


fe 


xn 


=ë=^  <>  o 


^É 


W^ 


Il  est  assez  curieux  que  ce  soit  là  précisément  un 
fragment  de  la  gamme  de  sol  majeur.  Plus  on  moins 
systématiquement,  la  plupart  des  méthodes  l'ont 
adoptée  comme  gamme-type  du  violon  (Cesii.nia.ni, 
L'abdé  le  Fils).  Le  premier,  cependant,  (J^lhazzis 
insiste  avec  vigueur  sur  la  nécessité  de  commencer 
parelle  :  d'abord,  parce  qu'elle  a  pour  point  de  départ 
le  son  le  plus  grave  de  l'échelle  du  violon;  et  surtout, 
parce  que  les  alternances  des  tons  et  demi-Ions  se 
reproduisent  symétriquement  sur  les  quatrième  et 
troisième,  et  sur  les  deuxième  et  première  cordes. 
De  même  Viotti,  dans  le  fragment  aiitogiaphe  re- 
produit en  làc-similéparHAiiENECK'.  Lt  Viotti  aioute, 
pour  ce  qui  est  du  mode  de  travail  :  c<  Le  muitre  et 
l'élève  Joueront  celte  gamme  {sol)  ensemble,  deux, 
trois,  quatre  lois,  plus  ou  moins  jusqu'à  ce  que  le 
pupile  {sic)  en  ait  une  idée  sulfisante,  après  quoi  le 
maître  le  laisserajoner  tout  seul  :  1"  afin  de  ne  point 
derranger  {sir)  son  oreille  encore  informe,  (lar  deux 
sons  à  la  fois,  presque  jamais  d'accord  dans  ce  pre- 
mier début;  2°  de  l'aider  à  soutenir  et  conduire 
ré-ulièrement  l'archet  sur  les  cordes  eu  lui  faisant 
observer  la  gradation  de  force  nécessaire  ;  et  3"  entin 
de  guider  ses  doigts  à  leur  propre  place.  » 

?ositiona:  A) D'aprésles  méthodes.  —  Les  théoriciens 
de  la  première  moitié  du  xvii=  siècle  connaissent 
déjà  la  possibilité  d'étendre  vers  l'aigu  la  tessiture 
du  violon.  Mersk.nniï  l'indique  clairement,  dans  un 
passage  bien  conim»  :  «  Les  excellens  violons  qui 
niaistrisentcet  instrument  peuvent  faire  monter  cha- 
que chorde  jusqu'à  l'octave  par  le  moyen  du  man- 
che. »  Et  le  P.  KincHER  lui  donne  une  étendue  de 
quatre  octaves,  soit  un  emploi  du  sol  sixième  posi- 
tion sur  la  chanterelle».  En  .Angleterre,  où  Iîalt/.ar 
venait  d'introduire  la  pratique  du  démancher'",  John 
Playford  écrit,  dans  ses  Instructions  for  the  treble 
Violin,  édition  de  1666  :  <■  Quand  vous  avez  à  attein- 
dre des  notes  aiguës,  qui  vont  plus  bas  (vers  le  che- 
valet) que  vos  sillets  habituels,  il  faut  démancher. 
S'il  y  a  seulement  deux  de  ces  notes,  faites  la  pre- 
mière avec  le  troisième  doigt;  s'il  y  en  a  trois,  fai- 
tes la  première  avec  le  second  doigt,  et  les  suivantes 
avec  les  autres.  »  Daniel  Merck  donne"  des  exemples 
précis  de  doigtés  : 


(A)      i23*     ''  i  z  ,        -,  l  3  i     .î'z,       i^ii^-i^-i 


i.  The  Art  of  piaying  on  the  Violin,  Londres,  1731,  p.  1. 
i.  Op,  cit.  (1T91),  [).  90. 

3.  Ch.  Dascla,  Notes  et  Souvenirs,  1893,  p.  10. 

4.  Art  du  vioion,  p.  14  et  fig.  20  à  23. 

'à.  Ms. allemand  awon.  n*  360  de  la  collection  J.  Écorchevii.le.  Acquis 
par  le  signataire  de  la  présente  étude. 

6.  Op.  cit.,  p.  49. 

7.  Fr.  HAB¥.r*ECii.^  Méthode  tliéorique  et  pratique  de  violon,,  F'aris, 
Canaux,  s.  d.  (vers  1840],  p.  2t». 


8,  Loco  eit.,  p.  179. 

0.  Mursui'tjia,  Rome,  1650,  I,  p.  486. 

10.  Anthunv  *  WooD  coDte  (Dianj.  24  juillet  1658)  arec  quel  Ptonne- 
ment  il  le  vit.  chez  Will  Elus,  ppomerier  ses  doigts  jusqu'au  bout  de 
la  touche  et  revenir  parfaitement  eu  mesure,  «  ce  que  ui  lui  ni  per- 
sonne n'avait  encore  vu  en  Angleterre», 

11.  Compendium  Musics?,  instrumentalis  cheîicx}  Augspure,  161»::, 
chap.  VIII. 


1806 


EyCYCLOPÉDlE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Un  procédé  analogue  se  relrouve,  longlemps  après, 
chez  Te^s.vrini',  qui  passe  sans  transition  de  la 
première  à  la  troisième,  puis  de  la  troisième  à  la 
septième  position  : 


1      2  '    «^    ^? 


I 


-  -P 


De  même,  T.  Wodiczka^,  vers  1757,  n'envisage  que 
trois  principaux  «  démanchemenis  »  de  tierce,  de 
quarte,  et  d'octave  (deuxième,  troisième  et  septième 
positions).  Beaucoup  plus  scrupuleux  est  l'ordre  suivi 
par(iKMiMAM\  qui,  lui,  donne  l'éclielle  complète  des 
sept  premières  positions,  et- les  pratique  sur  les  qua- 
tre cordes.  Il  note  ainsi  la  septième,  indiquant  par 
des  noies  noires  celles  qui  sont  à  intervalle  de  demi- 
ton,  par  des  notes  blanches  celles  que  sépare  un  ton 
entier  : 


II  exerce  aussi  son  élève  a  doigler  une  même  note 
de  t'iutes  les  façons  possibles,  de  façon  à  lui  en  rendre 
l'attaque  aisée  en  quelque  position  qu'elle  se  présente- 
Après  lui,  l'ascension  vers  l'aigu  marquera  un  temps 
d'arrêt,  du  moins  dans  les  méthodes;  quand  l.éopold 
Mozart  aborde,  en  1756,  la  septième  position,  ou 
L'AiinÉ  le  Fils,  en  1761,  la  neuvième,  il  y  a  beau  temps 
que  la  musique  pratique  a  défiasse  ces  altitudes.  La 
coiitrailiction  la  plus  typique  est  peut-être  fournie 
par  B.  Campagnoli,  qui  u'énumère  que  onze  positions, 
mais,  donnant  dans  sa  méthode  même  <i  l'Kchelle 
parfecte  du  violon  »,  la  doigte  jusqu'à  la  treizième'"  : 


f  "V rrf\ v-fT'f-^^'^- 

1 

if 

2. 

y 

if 

f 

*  1 

1 

1 , 

1 1 

^^^^rj^i^'^-^^l-' 1'         -^ 

— 

= 

— 

= 

= 

— 

= 

— 

— 

=3 

Deux  remarques  compléteront  ce  rapide  exposé. 
D'une  pari,  la  deuxième  et  la  quatrième  position, 
plus  délicates  parce  qu'elles  n'oll'rent  pas  à  la  main 
gauche  d'aussi  sûrs  points  d'appui  que  la  troisième 
par  exemple,  ont  tanlé  à  entrer  dans  l'usage  courant. 
Longtemps,  Jusqu'à  G. -S.  Lùhlein^  (1781),  et  même 
jusqu'à  John  Pain'b'^  (I82.t),  la  deuxième  position 
conserve  le  nom  de  demi-position,  half-sldft,  halbe 
Applicatur. 

D'autre  part,  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui 
dcmi-posilinn,  le  premier  doigt  à  un  demi-ton  du 
sillet,  le  deuxième  à  un  demi-ton  du  premier,  reste 
longtemps  ignoré.  Léopold  Mo/art,  qui  pourtant 
connaît  les  doigtés  par  régression  d'un  ou  deux 
doigts,  la  main  restant  en  place,  n'en  fait  pas  men- 
tion. Et  il  indique  comme  suit  : 


^-nim^^ 


s   1     1   3 


un  passage  qui,  dans  un  mouvement  rapide,  se  doig- 
terait plus  aisément  : 


±4 


^ 


^ 


21    z  i    •.  z    s'r    z    t   z  i    it  z  ■:,  t. 


Au  contraire,  I'Abbé  le  Fils  use  de  celte  ressource', 
et  doigte  : 


y  -îf 

4. 

«1.  tf  "j-  1 

:^ 

A- 

Vg  **   9 

it^ 

-o- 

V =^ 

-«Ti. 

— o~^ 

4I«-^ 

en  ajoutant  :  «  Tous  les  doigts  qui  servent  à  faire 
celte  gamme  sont  doigts  d'emprunt,  c'est-à-dire  que 
ces  doigts  sont  employés  à  faire  d'autres  notes  que 
celles  qu'ils  font  ordinairement.  »  Après  lui,  Rornet 
l'ainé',  Durieu',  Woldeuar  "^  usent  de  la  demi-posi- 
lion  elen  enseignent  le  doigté  correct. 

B)  D'aprùs  les  œuvres.  —  A  examiner,  maintenant, 
les  œuvres,  on  trouve,  bien  avant  que  les  méthodes 
n'en  portent  trace,  l'aftlrmalion  d'une  technique  fort 
avancée  des  positions,  au  moins  chez  les  Italiens  et 
les  Allemands.  M.-C.  von  Winterfbld"  cite  un  frag- 
ment orchestral  de  Monteverdi,  eu  1610,  où  les  vio- 
lons Jouent  à  la  cinquième  position,  ou  à  la  qua- 
trième avec  extension  : 


viol: 


l.  An  acurale  Melliodio  allain  tUe  Art  of  playinrj  ye  Violin.  Lon- 
dres, Welclicr,  vers  IT.îO. 

J.  Instruction  pour  tes  comnwmanls.  Amslerd;ini,  Olofosen,  s.  J. 
;vcrs  1757). 

3.  Op.  cit.,  pi.  I. 

■l.  Op.  cil.  (MU),  p.  lli. 

o.  Anwrisung  :mn  Violin.y  ielen,  2»  oil.,  t.eipzig,  p.  39. 


6.  A  Treatise  on  the  Violin,  Lundre;,  vers  1825. 

7.  Principes  tlu  Yioton,  Paris,  s.  d.  (1701),  j».  5. 

8.  Nouvelle  Méthode  de  Violon,  P.irif,  s.  d.  (1780). 
(I.  Méthode,  Paris,  1790. 

10.  Grande  Méthode,  Paris,  Coi  het.  s.  d.  (vers  1800). 

11.  Johannés  Gabricli,  Atlas,  p.  115,  Berlin,  1834. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    1S07 


La  sixième  est  atteinte,  en  1049,  tlans  ce  trait  de  Marco  Uccelli.m'  : 


^^^^ 


En   1701,  ScARLATTi  proposera  au  violon  solo  de  |  qui  alTioiite  la  iiiiitiènie  position,  et  mil,  dit-on,  Co- 
l'orcheslie  d'opéra,  dans  Laodiccae  Bérénice,  ce  trait  |  belli  en  délaiit  : 


r  Mf  ^f  M-  i 


^^i 


En  Allemaîïne,  Matthias  Kelz,  dans  son  Epidigmn 
harmonix  nov.v,  caripc,  rar:v  ac  curinux  (IfiOli), 
monte  à  la  sixième  posiloii  sur  la  chanterplle.  C.-H. 
Ahel,  Westiioff,  BiBER  sont  également  adroits.  Quant 


à  Joliann-Jacob  Waltber,  il  n'hésite  pas  à  se  tenir 
dans  le  re^'istie  snraigu,  compliquant  ses  traits  de 
Ijrisures  qui  impliquent  l'emploi  de  deux  cordes^  : 


î,  f 

(V) 

Fffff 

rtf.f 

rfî 

ffffffef^f^f''f''<'f 

/  Il  ^    •      J 

1  i-.i  1 1 

*~ 

-aaJ     1    1    i-l    1     — 

^H^si:^      1    .|,,Br--.,,n       -»^^ 

arfg^ 

V 

En  France,  on  en  est  encoie,  à  celte  époque  (1688), 
à  une  technique  de  main  gauche  fort  modeste.  Sans 
doute,  quelques  virtuoses  doivent  démancher  en 
improvisant  ou  en  brodant.  Les  textes  se  confi- 
uentdans  la  première  position.  A  partir  de  1C59  (chez 


M""=  DE  LAr.iERRE,  puis  chez  Jean  Fery  Rebel,  Duval  et 
leurs  émules!,  on  se  risque  jusqu'au  rù  et  au  wtde  la 
chanterelle.  Enfin,  en  1716,  nous  trouvons  chez  Se- 
NAiLLÉ  (sonate  X  du  troisième  livre)  une  progression 
qui  atteint  la  septième  position  : 


■fe"it  r*~*  LLp 


Le  premier  chez  nous,  J.-M.  Leclair  l'aine  saura 
écrire  des  traits  qui  utilisent  trois  cordes  dans  des 


positions   délicates  comme  (sonate  III  du  premier 
livre,  172.'$)  : 


Désormais,  l'Ecole  française  se  montrera  particu- 
lièrement hardie  en  matière  de  figurations  sur  plu- 
sieurs cordes  aux  positions  élevées.  On  en  peut  juger 


par  ces  traits  de  Glillemain  (premier  livre  de  sonates, 
son.  H,  1734)  : 


1.  Cf.  BtCKMASN,  Das  Violinspiel  por  1700,  Berlin,  Sinirock,  cahier  I  des  eiemplcs  musicaux. 

2.  Hortulus  cheliciis,  sonate  XXIV,  .Mogunti.T,  16S8. 


1808  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIO.W.VAJRE  OU  CONSERVATOIRE 


ou,  même  livre,  sonate  XII 


-6- 


m^^^^^ 


Cet  art  sera  porté  à  son  summum  dans  les  œuvres  I  Lacrencie',  où  Ton  trouve  {Matinres,  1800)  des  écarts 
de  Gavimès,  mau'istralement  étudiées  par  M.  dk  La  |  et  des  croisements  de  doigts  tels  que  : 


(2"  corde)  (^'corde) 


Pour  ce  qui  est  de  l'exploitation  systématique  du  1  ne  pourra,  pour  cause,  dépasser.  Ex.  (caprice  qui 
registre  suraigu,  les  Italiens,  dés  ll'^'^,  avec  l'op.  III     suit  le  U°  concerto)  : 
de  LocATELLi,  atteignent  des  hauteurs  que  Paganini  j 


De  même,  les  sauts  brusques  du  grave  à  l'aigu,  et  vice  versa  (même  op.,   concerto  XII)  sont  d'une 
virtuosité  difficilement  surpassable  : 


m 


mm   Mm 


On  verra  plus  loin  (arpèges)  comment  Locatelli 
pratique  couramment  les  extensions  les  plus  har- 
dies. 

Contre  cette  prépondérance  du  registre  aigu,  sou- 
vent irritante  pour  l'auditeur,  quand  l'exécution  n'é- 
tait pas  conliée  à  un  I.ocatelli  ou  un  (^uillemain,1îol- 
liolid-Mermet  proteste  avec  quelque  aigreur  dans  son 
mémoire  De  la  Corruption  du  Goust  dans  la  Musi- 
que Françoise^.  Et  J.  Quantz^  ne  marque  pas  moins 
énergiqueraent  sa  réprobation  :  '■  Ils  (les  joueurs  de 
violon  italiens)  cherchant  la  plus  grande  beauté  où 
elle  ne  se  trouve  pas,  sçavoir  dans  la  hauteur  la  plus 
extrême,  au  bout  du  manche  ;  ils  grimpent  toujours 
dans  la  hauteur  comme  les  lunatiques  sur  les  toits, 
et  négligent  en  attendant  le  vrai  Beau,  privant  l'ins- 
trument de  sa  gravité  et  de  l'agrément  que  les  gros- 
ses cordes  sont  capables  de  donner.  » 

L'assouplissement  de  la  main  gauche  (indépen- 
damment des  harmoniques  et  des  doubles  cordes 
dont  il  sera  questiori  plus  loin)  n'est  cependant  pas 
au  bout  de  son  progrès.  Lolli  développe  la  pratique 
de  .l'extension  dans  des  traits  comme  : 


Accord 


8 


(Sonates  à  deux  violons,  op.  IX,  vers  ImQ-SO)  ; 
le  démanché  sur  une  seule  corde  : 


8. 


(Ibid.,  fragment  intitulé  «  Russa  »). 

La  quatrième  corde,  en  particulier,  si  longtemps 
proscrite  de  façon  même  épisodique,  se  voit  confier 
des  phrases  chantantes  et  des  traits  de  virtuosité  : 


Sur  ta  4-'T' corde. 


^ifj^  jjji I j^  ^  I uj:j  Cj- 1  ^■^ 


éd.* 


(Ibid.,  allegretto  de  la  sonate  2.) 


1.  Op.  cit.,  Il,  317-332, 

2.  Lyon,  1740.  Sur  ce  ménoire,  cf.  I.éoii  Vaii.»!,  La  .Vusique  â  Lyon  au  dix-huittème  d'C'e,  Lyon,  ISots. 

3.  Essai  d'une  Méthodey  etc.,  Berlin,  1762,  p.  3tîj. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    1809 


On  trouverait  dans  l'Kcole  franraise  de  la  même 
époque,  chez  Gaviniès,  Le  Duc.Capron,  Vaghon,  l'abbé 
HoBiNEAii,  des  emplois  analogues,  au  moins  dans  les 
chants  soutenus'.  Depuis  lors,  B.  Gampagnoli,  dans 
sa  méthode  précitée  (1824),  a  consacré  à  ce  genre  de 
difficnlté,  qu'il  appelle  jeu  à  monocorde,  trois  pages 
d'études  d'exéculion   transcendante.   Les   prouesses 


de  Paganini  sont  bien  connues  ;  là,  comme  en  tant 
d'antres  domaines,  on  doit  reconnaître  les  mérites 
évidents  de  plus  d'un  devancier.  Parmi  ses  succes- 
seurs, H.  WiENiAWSKi  esl  de  feux  qui  ont  usé  le  plus 
largement  des  ressources  de  la  quatrième  corde, 
comme  dans  ces  deux  passages  de  la  Fantaisie, 
op.  20  : 


Sul  G 5._ 


.JTT^,^|£^ 


Sul  G- 


Une  autre  complication  de  la  technique  de  main 
gauche  intervient  à  partir  de  l'époque  1730-1740,  où 
l'on  commence  à  se  risquer  hors  des  tonalités  de 
tout  repos  dans  lesquelles  les  écoles  précédentes 
restaient  confinées,  tonalités  fortement  appuyées  sur 
l'accord  à  vide  du  violon,  avec  un  maximun  de  trois 
bémols  ou  qualre  dièses  à  la  clef.  Les  .Italiens  Cas- 
TRUCi  (dans  son  op.  Il),  Locatf.lli  (op.VlIl),  en  France 
l.-.Vl.  Lfxlair  l'ainé,  dans  ses  derniers  livres  de  sona- 
tes, n'hésitent  plus  à  employer  en  modulant,  même 
dans  l'allegro,  des  mi  dièse,  la  dii'sc,  si  dièse,  rè bémol, 
sol  bémol.  Mais  il  appartiendra  aux  grands  classiques 
allemands,  moins  violonistes  que  pianistes,  Beethoven 
surtout,  d'imposer  couramment  à  l'exécutant  l'em- 
ploi des  tonalités  les  plus  accidentées.  .\près  quoi 


Spohr,  par  un  usage  systématique  du  chromatisme, 
stabilisera  pour  un  temps  celte  nouvelle  technique. 
Elle  se  trouve  insuffisaute,  à  la  fin  du  siècle  dernier, 
où  l'évolution  harmonique  accélère  son  mouvement, 
où  la  modulation  devient  de  plus  en  plus  souple  et 
fuil,  autant  qu'elle  le  peut,  les  formules  toules  laites. 
Après  le  Poé/n?  de  Chausson,  éciitpour  la  plus  grande 
part  en  mi  bémol  mineur,  la  musique  de  chambre  ou 
les  traits  d'orchestre  de  Dercssy  ou  de  Strauss,  on 
conçoit  qu'un  matériel  pédagogique  nouveau  de- 
vienne nécessaire.  D'où  les  études  d'intonation  de 
Chaumont,  Parent,  Herwegh,  celles  d'Arnold  Drilsua^ 
qui  proposent  aux  apprentis  des  assouplissements 
tels  que: 


Pédagogie.  —  On  a  vu,  dans  ce  qui  précède,  se  des- 
siner une  pédagogie  du  violon,  en  ce  qui  concerne 
la  main  gauche.  11  n'est  peut-être  pas  inutile  d'en 
distinguer  plus  clairement  les  phases. 

Pendant  une  première  période,  assez  longue,  qui 
va  jusqu'au  milieu  du  xviii»  siècle,  les  traités  se  con- 
tentent d'envisager  les  éléments  techniques  qui  se 
peuvent  rencontrer  dans 'les  pièces  ou  les  sonates 
(gammes,  traits,  arpèges),  d'en  passer  en  revue  le 
plus  grand  nombre  possible,  d'en  approvisionner 
l'élève  pour  qu'en  toute  circonstance  il  se  retrouve  en 
présence  de  fragments  familiers  d'un  puzzle  maintes 
fois  démonté. 

Beaucoup  plus  intéressante  est  la  pédagogie  de 
Geminiani,  lorsque,  au  lieu  de  soumettre  platement  à 
l'élève  le  trait  qu'il  devra  ressasser,  elle  pose,  si  l'on 
peut  dire,  la  question  comment,  et  fixe  une  méthodo- 
logie vérilable.  .Nous  avons  déjà  donné  l'exemple  typi- 
que de  sa  façon  de  placer  la  main  du  violoniste  dé- 
butant, en  imaginant  un  accord  de  quatre  notes  qu'il 
ne  s'agit  nullement  d'exécuter,  mais  qui  est  là  comme 
un  guide,  un  contrôle,  et  un  assouplissement.   La 


I.  Li  UuBENCiE,  op.  cil.,  III,  106-107. 

1.  Moderne  ToJiladder  en  Accord-œ feninrjen,  Amsicrd^m,  s. d.  (iOiT>)^ 
n  rJ.  L'ouvrage  de  M.  Herwegh,  Le  Pupitre  du  Violoniste  musicien. 
Caris,  1323,  étudie  de  très  près  ce  genre  dt  difticullé. 


même  conception  a  dicté  à  Tartini  la  fameuse  lettre 
adressée  de  Padoue  le  3  mars  1760  à  .Maddalena 
LoMBARDiNi,  plus  tard  -M"':  de  Sirmkn  '  :  <.  ...  A  l'égard 
de  la  main  gauche,  et  du  manche,  je  n'ai  qu'une 
élude  à  vous  recommander,  elle  renferme  toutes  les 
autres,  la  voici  :  prenez  une  partie  de  violon  quel- 
conque, soit  de  piemier,  soit  de  second,  d'une  messe 
ou  d'un  concerto,  tout  est  bon.  Posez  la  main,  non 
pas  à  sa  place  ordinaire,  mais  à  la  demi-position 
du  démanché  (2=  position),  c'est-à-dire,  le  premier 
doigt  sur  le  sol  de  la  chanterelle,  et,  tenant  la  main 
toujours  dans  cette  position,  jouez  toute  votre  par- 
tie sans  jamais  changer  la  main  de  place,  à  moins 
que  vous  n'ayez  à  toucher  le  la  sur  la  quatrième  ou 
le  ré  sur  la  chanterelle;  mais  remettez-vous  tout  de 
suite  à  votre  demi-position,  et  jamais  à  la  position 

naturelle 

Même  procédé,  aux  troisième,  quatrième,  cin- 
quième positions  :  on  conçoit  la  fermeté  et  la  netteté 
d'intonation  qui  peuvent  résulter  d'un  tel  travail.  A 
telles  enseignes  que  Viotti,  pour  l'exécution  même, 
observait  cette  sage  économie  de  mouvements'. 


i.  Publiée  en  1770  dans  l'Europa  litluraria,  V,  2.  p.  7+,  Ir.iduite  ca 
1773  dans  le  Journal  de  musique.  M.  Cli.  Bouvet  l'a  reproduite  el  ctni- 
mcntée  dans  Une  Leçon  de  ùiuseppe  Twtini.  Paris,  l'J18. 

4.  Cf.  Baillot,  op.  cit.,  p.  146, 

ll'l 


1810 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MIISfQUE  ET  niCTIONNAIRË  DU  CONSERVATOIRE 


On  a  clierclié  depuis  plus  d'un  moyen  de  systéma- 
tiser el  de  simplilier  l'étude  des  positions  et  du  pas- 
sage de  l'une  à  l'autre.  La  liltéiature  de  ce  sujet  est 
considérable.  Je  citerai  seulement,  comme  l'un  des 
plus  curieux,  le  système  analogique  enseigné  par  Bi> 
DRiCB  VoLDAN  au  Conservatoire  de  Prague,  et  exposé 
dans  sa  Nnitvelle  Ecole  des  positions'.  Il  est  basé 
sur  le  fait  que,  pour  une  mélodie  déterminée,  cha- 
cune des  positions  élevées  reproduit  strictement  le 
doigté  d'une  des  positions  inférieures.  Kt,  se  repor- 


tant au  tableau  ci-après,  on  constate  que  le  fragment 
de  gamme  joué  à  la  première  position  sur  les  cordes 
ré,  la,  mi  (D,  A,  E)  se  doigte  de  façon  identique  à  la 
cinquième  position  sur  les  cordes so/,  ré,  la  (G,  D,  A). 
Même  rapport  entre  la  deuxième  et  la  sixième  posi- 
tion, la  troisième  et  la  septième,  la  quatrième  et  la 
huitième,  etc.  Ayant  apris  un  exercice  facile  à  la  pre- 
mière positioii,  l'élève  le  reproduira  facilement  à  la 
cinquième,  l'oreille  aidant,  puisque  le  ton,  la  tessi- 
ture, le  doigté  restent  les  mêmes  : 


iH'position 


Supposition 


2T=position 


exposition 


Le  procédé  et  les  déductions  qu'en  tire  B.  Voldan 
peuvent  être  discutés,  maison  voit  là  l'ordre  des  re- 
cherches vers  lesquelles  s'orientent  bon  nombre  d'é- 
ducaieurs.  A  l'étude  des  positions  se  rattache  encore, 
mi-technique,  nii-esthétiqne,  celle  du  doigt-guide, 
dans  le  démanché.  On  a  fort  justement  remarqué 
que  tout  changement  de  position  s'exécute  avec  une 
fermeté  beaucoup  plus  grande  si  l'on  adopte  comme 
guide  le  doigt  qui  se  trouvait  sur  la  corde  immédia- 
tement avant  le  démancher.  Je  ne  puis  que  renvoyer, 
pour  plus  de  détails,  aux  ouvrages  de  D.-C.  Dounis^, 
et  surtout  de  Cari  FLEsca\  de  qui  VArt  du  Violon, 
combinant  les  données  de  l'enseignement  pratique 
français  (Flesch  est  premier  prix  du  Conservatoire 
de  Paris  et  se  réclame  ouveitement  de  l'Ecole  franco- 
belge)  et  les  résultais  des  recherches  de  Klingler, 
Steinhausen,  a.  von  deh  Hova,  etc.,  semble  le  seul 
équivalent  moderne  de  l'admirable  Art  du  Violon  de 
Baillot.  Au  sujet  du  doigt  guide,  il  faut  remarquer 
que  le  glissando  n'est  pas  aulre  chose  que  la  mise  en 
évidence  de  cet  artifice,  plus  ou  moins  striclement 
employé  :  on  peut,  pour  des  raisons  d'accentuation 
ou  d'expression*  qui  dépassent  le  cadre  de  celle 
étude,  poser  sur  la  corde  avant  de  démancher,  et 


utiliser  comme  guide  le  doigt  qui  jouera  la  note  ter- 
minale (ex.  B).  Ainsi  procèdent  assez  souvent  les 
<lisciples  d'AuER  : 


Corde  deS- 


Il  faudrait,  pour  être  complet,  insister  plus  qu'on 
ne  peut  le  faire  ici  sur  une  catégorie  d'ouvrages  qui, 
délaissant  délibérément  l'élude  de  tel  ou  tel  élément 
mélodique  ou  harmonique  pris  comme  tel,  ne  le  con- 
sidèrent qu'en  fonction  de  sa  valeur  gymnastique. 

C'est  ainsi  que  le  travail  des  doubles  cordes  flguie, 
à  titre  d'assouplissement,  dès  les  premières  leçons, 
dans  plus  d'une  méthode  moderne;  que  les  études 
chromatiques  (extrêmement  développées  dans  l'en- 
seignement de  Sevgik)  sont  employées  moins  pour 
affiner  le  sens  auditif  que  pour  affermir  la  main;  par- 
lant de  cette  constatation  que  le  doigt  qui  se  porte 
en  glissant  d'une  note  à  une  autre  doit  appuyer  sur 
la  corde  avec  force,  Pierre  Marsice  a  écrit  toute  une 
série  d'études  qui  ne  sont  qu'assouplissement^  : 


0         J    3 

S    î 

2    Z 

î   2     1    1 

1 

1   1 

1 

1      2   1 

2 

2      S 

5     3    5 

,1,    1.    1,  1^     Î333     22 

2    2 

fr==P 

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1— [^ 

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4^ 

L-J 

^J ■  j>  *jj  j/ 

S 

^ 

1.  Nova  Skola  poloh,  op.  14,  Prague,  Neubert,  1924,  texte  en  tchèque, 
serbe,  anglais  eL  allemund. 
'      2.  La  Technique  d'arlisle  au  rto'on,  Leipzig',  s.  d.  (1021). 
-■    3.  D\e  Kunst  des  Violinspiels,  Berlin,  t92:i. 

4.  Déjà  Baillot,  op.  cit.t  p.  140.  et  suivanlcs,  distingue  :  l"  le  daîglê 


le  plus  sûr;  2«  le  doigté  le  plus  facile  pour  les  petites  mains;  3"  li; 
doigté  expressif,  caractéfistique  de  chaque  auleur,  et  que  l'on  doit 
s'elVorter  de  reproduire  en  eieculant  ses  œuvres. 
5.  Eurcka,  Mécanisme  nouveau,  Paris.  Fromont,  lOOG. 


TECIIMÇUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉnACoGIE 


LE    VIOLON    isll 


Encore  plus  neltement  gymnastiques  sont  les  for- 
mules des  Urstudieii'  de  Flesch,  faites  pour  être  tra- 
vaillées sans  archet  (les  notes  blanches  représentent 


les  doigts  qui  restent  fixés  sur  les  cordes,  les  note 
noires,  les  doigts  mobiles)  : 


tmias 


"frrf 


ou  ses  exercices  de  démanchés,  avec  glissando  aller 
et  retour  : 


* 


I^X^X" 


^      ^      ^      ' 


o  y       \,  o 


bS-' 


Les  recueils  de  S.-Joachim  Chaigneau  -jd'Hi'.RWEfiH  ', 
pour  ne  p  trier  que  des  plus  récents,  contiennent  des 
exercic'-s  analogues  :  par  leur  forme  ramassée  et 
schématique,  ils  se  situent,  on|le  voit,  à  l'opposé 
des  non  moins  célèbres  travaux  de  Sevcik  ou  de 
ScHRADiECR,  OÙ  soul  épuisées  toutes  les  modalités  de 
chaque  problème  technique  envisagé. 

On  trouve  l'aboutissant  extrême  de  cette  tendance 
dans  les  précis  de  gymnastique  digitale  sans  ins- 
trument, dfstiriés  à  c<  faire  les  doigts  »  du  virtuose  on 
de  l'éli've  avant  qu'il  n'aborde  ses  éludes  musicales 
quotidiennes*^.  Des  machines  ont  même  été  créées 
pour  procurer  en  un  minimum  de  temps  un  maxi- 
mum d'assouplissement  ou  de  dislocation  des  mus- 
cles :  telles  celle  du  Kusse  Ostrowski,  ou  VOrhylacli/l 
de  l'ingén'eur  Rétif.  Les  doigls  s'y  trouvent  pris 
dans  di's  gaines  fixées  à  des  leviers  auxquels  on  peut, 
au  moyen  d'un  volant,  imprimer  des  mouvements 
d'ampleur  et  de  rapidité  variables.  Ainsi,  résultat 
attrislaiil,  mais  réconfortant  aussi  pour  l'avenir  de 
la  musique,  on  peut,  pour  ainsi  dire,  assurer  mécani- 
quement la  vitesse  et  la  souplesse  de  la  main  eauche, 
taudrs  q  le  sa  justesse  n'a  pas  trouvé,  jusqu'à  ce  jour, 
d'autre  adjuvant  que  le  pauvre  système  des  sillets. 

I.'archet. 

Tenue  de  l'archet.  —  Il  est  peut-être  opportun  de 
rappeler-  que  l'archet,  dont  la  longueur  est  acluellc- 
menl  fixée  à  0",72,  n'atteignit  ses  proportions  et 
son  équilibre  définitifs  qu'à  la  fin  du  xvrii"  siècle, 
grâce  aux  recherches  conjuguées  de  Tourte  et  de 
J.-B.  VroTTr.  Jusque-là,  son  poids,  sa  longueur,  sa  cour- 
bure ne  cessent  de  varier,  partant  d'une  forme   très 

1.  Ur^tudien  fur  Violine,  Berlin,  s.  d. 

2.  Aperrux  moiern^s  sur  l'art  d'étudier,  Paris,  Eschig,  19i4. 

3.  Op.  cit. 

4.  Cf.  G.  l);;\iENY,  Ph!jsiotfï!ji'^  dm  profe.^sioiïs.  L^_  Violoniste,  Paris, 
Maloinp,  l'*05.  G'-Ul'  question  conipurte  en  AllenKigne  une  littérature 
extrèmi^ment  abondante,  dont  on  trouvera  la  bibliographie  dùtailléc 
dans  \V.  Ti.ENDELENmmc,  Die  Naturlichen  Gruiidlagen  3er  Kunst  <i<s 
SlreiclÙHSlru'ueiilapieU,  Ueû'ia,  1925.  - 


arquée,  ramassée,  lourde  vers  le  talon,  la  pointe  effi- 
lée ert  tête  de  brochet,  et  fort  légère,  pour  s'allon^^er 
progressivement,  mais  de  façon  tout  empirique. 
Merse.nne=  note,  à  propos  d'un'archet  de  basse,  «  il 
importe  fort  peu  qu'rl  soit  plus  lorrg  ou  plus  court, 
pourvu  qu'il  soit  propre  à  toucherles  cordes  comme 
il  faut  pouren  tirerrharraonie,  »  et,  parlant  de  celui 
qui  accompagne  une  pochette  sur  une  des  figures 
de  son  ouvrage  «  :  «  J'ay  fait  son  archet  fort  grand, 
afin  de  faire  remarquer  que  les  archets  sontd'autant 
meilleurs  qu'ils  sont  plus  grands,  pourvu  qu'ils  tic 
soient  pas  incommodes.  »  On  nous  dit"  que,  vers  1700, 
l'archet  de  sonate,  celiri  dont  se  servaient  les  Italiens 
sur  lesquels  s'émerveille  l'abbé  R.\guenet»,  n'a  que 
O^.OI,  et  que  l'archet  ordinaire,  dont  se  servent  les 
maîtres  à  danser,  est  encore  plus  court.  .Soit,  à  con- 
dition d'admettre  des  exceptions,  dues  précisé- 
ment à  l'empirisme  de  cette  branche  de  la  luthexie 
pendant  les  deux  premiers  siècles  de  l'histoire  clu 
violon. 

La  tenue  de  l'archet  est,  encore  aujourd'hui,  objet 
de  discussions.  Dans  l'ensemble,  elle  obéit  cependant 
à  des  principes  acceptés  par  tous,  et  qui  semblent 
fixés  bien  avant  ceux  qui  régissent  la  tenue  de  la 
main  gauche.  Le  violon  n'est  pas  encoi'e  créé,  que 
des  monuments  figurésdu  moyen  âge  et  delà  Renais- 
sance nous  montrent  des  joueurs  de  viole  à  cet  égard 
tort  corrects  :  tel  celui  que  nous  représente  un  ivoire 
du  xiri=  siècle  conservé  au  Louvre',  ou  ceux  de  Fia 
Angelico  ou  du  Pérugin  au  xv=  siècle  '",  anges  musi- 
ciens au  poignet  délié,  au  coude  correctement  rap- 
proché du  corps,  sans  exagération  ni  contrainte,  aux 
doigts  inlléchis  selon  les  bons  principes. 

Là  encore,  les  premières  méthodes  se  contentent 
de  directives  sommaires,  beaucoup  moins  explicites 
que  les  toiles  des  vieux  maîtres.  Pour  John  Plav- 
ford",((  l'archet  est  tenu  de  la  main  droite,  entre 
l'extrémité  du  pouce  et  des  trois  premiers  doigts,  le 
pouce  posé  sur  les  crins  et  la  hausse,  les  trois  doigls 
sur  la  baguette  ».  Nulle  question  du  petit  doigt.  Da'- 
niel  iMerck,  en  166.'),  est  encore  plus  simpliste  ;  il 
s'en  remet  au  génie  de  l'élève. 

;i.  Op.  cit.,  p.  193. 

11.  /bid.,  p.  185. 

".  Sandvs  et  FuRSTBn,  Tlw  Bistorij  of  Ihc  vioUa,  Lmulres,  1^64, 
ii.  i;i9.  Cf.  aussi  HiWKins,  A  General  Uistorij  ofmu.iic,\,ùDiires,  1853, 
il,  p.  783;  Pi.\CHERi.E,  op.  cit.,  p.  20;  M.  L.  (imii.sAvEci,  i 7/i/ '/»'"-•  •'ù 
i  iulon  et  du,i:ijloncelie,  Paris,  191Û;  H.  SAi.\i-GEûn.;E,  Tke  iiom,  Lon- 
dres, 1909.  . .  .;    :      ;.  ;,    ,  •.    :  i, 

8.  l'arallèle  des  Italiens  et  des  Franrais,  Paris,  ITO^^ipillît. 

9.  Cote  A.  G.  2029,  ,  ,•    .; 

10.  Mai  SAUEnLANuT,  op.  ci/.,  pp.,  30-3li.  .  .  .   .; 
0_i.  ci:.,    é  d.  163t. 


1812 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Il  y  a  cependant,  dès  cette  époque,  deux  écoles  dif- 
férenciées, Tune  franco-allemande,  l'autre  italienne. 
«  La  plupart  des  violons  d'Allemagne,  écrit  G.  Muf- 
fat',  pour  joiier  les  dessus  ou  les  parties  du  milieu, 
tiennent  l'archelet  comme  les  François  en  serrant  le 
crin  avec  le  pouce,  et  appuyant  les  autres  doits  sur 
le  dos  de  l'archet.  Les  François  le  tiennent  aussy  de 
même  pour  jouer  de  la  basse;  dont  les  Italiens  dif- 
férent pour  les  parties  d'en  haut,  ?;eî(gM'i7s(i(;  touchent 
point  au  crin.  »  Ainsi,  les  premiers  règlent  au  moyen 
du  pouce  la  tension  de  la  mèche;  les  autres  négli- 
gent cette  ressource,  vraisemblablement  parce  qu'ils 
ont  déjà  bénéficié  des  perfectionnements  successifs 
de  la  hausse  :  crémaillère,  puis  vis  intérieure  de  rap- 
pel. Toujours  est-il  qu'en  1738  Corrette,  dans  son 
Ecole  d'Orphie,  fait  encore  état  de  ces  dilïérences  de 
tenue.  11  accompagne  la  figure  (lig.  040) 
du  commentaire  suivant-  :  «  Je  mets  icy 
les  deux  manières  dill'érantes  de  tenir 
l'Archet.  Les  Italiens  le  tiennent  aux  trois 
quarts  en  mettant  quatre  doigts  sur  le 
bois  A,  et  le  pouce  dessous,  B,  et  les  Fran- 
çais le  tiennent  du  côté  de  la  hausse,  en 
mettant  le  premier,  deuxième  et  troisième 
doigt  dessus  le  bois,  C,  D,  E,  le  pouce 
dessous  le  crin  F  et  le  petit  doigt  à  costé 
du  bois  G,  Ces  deux  façoiis  de  tenir  l'Archet 
sont  également  bonne  (sic),  cela  dépend 
du  maître  qui  enseigne.  » 

Le  premier  en  France,  l'AiiBÉ  Le  Fils^ 
définit  en  termes  clairs  une  position  tout 
à  fait  correcte  :  «Il  faut  poser  le  bout 
du  petit  doigt  sur  la  partie  de  l'archet 
qui.  tient  à  la  Hausse;  l'Index  doit  être  placé  de 
façon  que  l'Archet  se  trouve  au  milieu  de  la  seconde 
phalange  de  ce  doigt,  lequel,  pour  avoir  plus  de  force, 
aoit  être  un  peu  éloigné  des  autres.  Le  Pouce  doit 
feire  vis-à-vis  le  doigt  du  milieu  et  soutenir  tout  le 
poids  de  l'Archet.  »  L'Ecole  italienne  persiste  long- 
temps à  tenir  l'archet  assez  loin  du  talon.  En  1824, 
B.  Campagnoli'  prescrit  que  le  petit  doigt  se  trouve 
«  la  pointe  vis-à-vis  de  la  hausse  «  ;  la  figure  qui 
illustre  son  texte  montre,  en  effet,  le  seul  petit  doigt 
au  niveau  du  bord  interne  de  la  hausse,  les  autres 
réposant  seulement  sur  la  baguette,  bien  en  deçà. 

La  tenue  considérée  comme  classique  de  nos  jours 
a  été  définie  par  Lucien  Capst^  :  la  main  posée  «  de 
façon  à  ce  que  la  baguette  passe  tout  près  de  la 
deuxième  phalange  du  second  doigt  (index)  et  abou- 
tisse sous  le  cinquième  doigt  (auriculaiie).  Placer  le 
premier  doigt  (pouce)  en  face  du  troisième  (médius); 
ces  deijx  doigts  devront  être  comme  un  anneau  lixe, 
pu  point  central,  autour  duquel  les  autres  doigs  évo- 
lueront. » 

'  Dans  l'application,  quelques  différences  àsignaler  : 
les  Allemands  do  l'école  de  Joachiu  ont  tendance  à 
moins  engager  l'index  sur  la  baguette  (le  contact 
s'élahlissant  à  la  jointure  des  première''  et  deuxième 
phalanges),  tandis  que  les.  Russes,  élèves  d'AuER 
(ËLMAN,  IIkifetz,  etc.), enroulant  pour  ainsi  diredavan- 


1.  FLorilerjxum  serundmn,  Passju,  Itii'S.  Première  observation  de 
l'aulheur  ;  V.  De  la  manière  de  conduire  l'archelet. 

2.  Ecole  d'Orphie,  ch.  u,  p.  7. 

3.  Op.ci».  (17611.11. 1.  Upji.LéopoldMo/.Ain,  clans  SI  |.tm/iorf<'  {17.10), 
avait  d'jrintî  des  pclaircissements  à  \ie\i  prés  analogues.  Tandis  que 
(ÎEMIMANI,  excellent  guide  pour  ce  qui  est  de  la  conduite  d'archet,  ne 
dit  presque  rien  de  la  façon  dont  on  doit  le  tenir. 

l.  Op.  cit.,  i'  partie,  p.  2. 

5.  La  Technique supérifure  de  l'archet,  f^aris,  I9iii,  p.  9. 

6.  Frc  miëre  en  conimençant  par  rexlréraité  du  doigt. 


tage  leur  main,  font  passer  la  baguette  sous  la  troi- 
sième phalange  de  l'index.  La  tradition  franco-belge 
tient  ici  la  moyenne  entre  ces  deux  extrêmes. 

Maniement  de  l'archet.  Rôle  des  diverses  articula- 
tions '.  —  Dans  ses  intéressantes  liiHc.iÀunf.  sur  la  j/u/sj- 
(y!(e*,  BuiJON  faisait  remarquer  l'inditTérence  de  la  plu- 
part des  méthodes  à  l'endroit  de  l'archet,  alors  que  les 
grands  artistes  «  n'ont  une  exécution  supérieure  que 
parce  qu'ils  ont  senti  de  bonne  heure  cette  vérité  » 
que,  de  l'archet  «dépend  toute  l'expression  du  jeu». 
Le  fait  est  que,  jusqu'à  1750,  la  conduite  d'ardiet  (non 
point  l'alternance  des  tirés  el  poussés,  réglée  au  con- 
traire avec  minutie,  mais  la  meilleure  utilisation  des 
articulations  du  bras  et  de  la  main  qui  tient  l'archet) 
est  à  peu  près  passée  sous  silence.  On  s'en  tire  géné- 
ralement comme  fait  Corrette  dans  son  Ecole  'l'Or- 
phée (1738)  :  «  Pour  tirer  du  son  du  violon,  il  faut 
tirer  et  pousser  de  grands  coups  d'archel,  maisd'une 
manière  gracieuse  et  agréable.  » 

Encore  une  fois,  cet  escamotage  ne  signifie  pas 
que  l'on  ne  se  soit  pas  avisé  de  bonne  heure  de  cer- 
tains principesessentiels.  Si  les  violonistes  négligent 
de  les  formuler  tout  au  long,  Jean  Mousseau,  plus 
méticuleux,  donne  aux  joueurs  de  viole  de  gambe 
des  directives  intéressantes,  malgré  la  gaucherie 
de  l'expression  :  «  Pour  conduire  l'archet,  il  faut  que 
le  poignet  soit  avancé  en  dedans,  et,  commençant  à 
pousser  l'archet  par  le  bout,  le  poignet  doit  accom- 
pagner le  bras  en  obéissant;  c'est-à-dire  que  la  main 
doit  avancer  en  dedans,  et  quand  on  lire  il  faut  porter 
la  main  en  dehors,  toiijours  en  accompagnant  le 
bras  sans  tirer  le  coude  ;  car  on  ne  doit  pas  l'avancer 
quand  on  pousse,  ny  le  porter  en  arrière  quand  on 
tire''.  » 

Au  milieu  du  xvin«  siècle,  dans  la  même  décade, 
Geminiani,  Léopold  Mozart,  I'Abdé  Le  Fils''  édictent 
enfin  des  règles  que  les  modernes  ont  continué  d'ap- 
pliquer, plus  ou  moins  stiictement.  La  meilleure 
rédaction  est  peut-être  celle  de  I'Abbé  Le  Fils"  : 
(<  L'archet  doit  être  tenu  avec  fermeté  sans  cepen- 
dant roidir  les  doigts,  toutes  leurs  jointures  doivent 
être  au  contraire  fort  libres,  en  observant  cela,  les 
doigts  feront  naturellement  des  mouvements  imper- 
ceptibles qui  contribuent  beaucoup  à  la  beauté  des 
sons;  le  poignet  doit  être  aussi  très  libre,  il  doit 
conduire  l'archet  droit,  et  le  diriger  toujours  sur  les 
ouïes  du  violon.  L'avant-bras  doit  seulement  agir  et 
suivre  le  poignet  dans  toutes  ses  opérations,  le  bras 
proprement  dit  ne  doit  se  prêter  que  dans  les  cas 
où  l'on  employé  l'archetd'unbout à  l'autre;  le  coude 
doit  toujours  être  détachédu  corps.  »  Quelques  an- 
nées plus  tard,  on  rognera  sur  cette  dernière  tolé- 
rance :  Italiens  et  Allemands  surtout  exigeront  l'im- 
mobilisation quasi  complète  du  bras.  Galeazzi  '-,  qui 
entre  dans  le  plus  grand  détail,  veut  (jue  la  main, 
l'avant-bras  et  le  brasdroitsoient  sur  un  même  plan  ; 
il  admet'quelques  déplacements  de  haut  en  bas  ou  de 
bas  en  haut,  à  la  condition  que  le  mouvement  ait  son 
origine  dans  l'avant-bras  et  non  dans  le  bias.  Campa- 


7.  Nous  nous  en  tenons  ici  à  l'analyse  des  Méthodes.  Pour  l'examen 
physiologique  du  mécanismed'arehet.on  en  trouvera  les  éléments  dans 
(j.  Demksy,  op.  cit.  ;  J.  Lai.lemenf,  La  Dynamique  des  instrumenta  à 
archet,  Paris,  19:15,  et  surtout  W,  TnENDKLEMiUiu;,  op.  cit.,  qui  fournit 
la  bibliographie  à  peu  près  exhaustive  de  la  question. 

8.  Paris,  17G3,  p.  U. 

9.  Traiti'  de  la  Viole,  Paris,  1(JS7,  p.  33. 

10.  Op.  cil. 

11.  Page  I. 

\i.   Op.  cit.,  1701,  p.  93. 


TEC/JNIQVE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    1S1! 


TABLEAU  GÉNÉALOGIQUE  DES  COUPS    D'ARCHET    (  D.C.Dounis) 
Détaché^simple  Détaché    accentue 


Sautillé 


Legato 


Coup  d'archet  jeté 


GNOLi'    imaf^ine  Je    fixer   le 
bras  (le  l'élève  par  un  cordon 
enroulé  au-dessus  du  coude, 
et  attaché  à  l'autre  extrémité 
à  un    bouton   de    son  habit. 
Ainsi, Léopold  MozARtrecom- 
niandait,  loisqu'un  débutant 
n'observait  pas  l'immobilité 
prescrite,  de  le  placer  le  bras 
droit  contre  un  mur  :  «  Quand 
il  se  sera  cogné  le  coude  en 
tirant  l'archet,  il  apprendra 
à  le  faire  correctement'.   » 
Ainsi,  encore,  quelques  attar- 
dés placent  sous  le  coude  de 
leur  élève  un  livre  qu'il  s'agit 
de    ne   pas    laisser   tomber. 
D'où,       immanquablement, 
contraction  et  raideur  du  poi- 
gnet et  des  doigts.  11  faut 
remarquer  que  les  Italiens    Staccato  volant 
tenant  leur  archet,  pendant 
tout  le  xvnr  siècle,  assez 
loin  de  la  hausse,  ne  l'em- 
ploienl  pas  dans-son  entier. 
Galeazzi    le    dit    expres- 
sément^ :   à   la 
hausse,    le    son 
serait  trop  bru- 
tal, à  lextrf'me 
pointe,  il  serait 
trop  faible, pres- 
que nul. 


Staccato  sautillant 

Les  travaux  contemporains  sur  la  conduite  cVarchcl 
sont  trop  nombreux  et  trop  développés  pour  que 
nous  puissions  en  donner  même  un  résumé.  Force  est 
de  renvoyer  noire  lecteur  aux  ouvrages  déjà  cités  de 
Capet  et  de  Flksch,  qui  ('étudient  avec  une  admi- 
rable perspicacité.  Constatons  seulement  que  l'iicole 
allemande  qui,  vers  1850-1880,  préconisait  une  tenue 
d'archet  du  bout  des  doiiîts,  les  doigts  raides,  toute 
la  souplesse  dans  le  poignet,  le  coude  très  abaissé, 
semble  perdre  du  terrain  :  les  franco-belges  accor- 
dent plus  de  souplesse  aux  doigts  et  plus  de  liberté 
au  bras,  que  certains  virtuoses  tiennent  dans  un  plan 
rapproché  du  plan  horizontal.  De  graves  controverses 
les  divisent  encore  sur  la  question  de  savoir  si  l'on 
doit,  en  certains  points  du  trajet  de  l'archet,  creu- 
ser le  poignet  pour  obtenir  plus  de  force  (Hayot)  ou, 
évitant  ce  procédé,  garder  le  poignet  Ij^aut,  la  main 

1.  Op.  cil.,  ô'  p.irlic,  p.  5  et  pi.  I,  fig.  3. 

2.  Oji.  cit.,  p.  57  de  lu  3»  édition. 

3.  Op:  cit.,  p.  99; 


Legato  accentué 


Spiccato 


mordant 


Staccato  j  été 


comme  suspendue  à  l'avant-bras  (Thibaud).  L'exem- 
ple de  ces  maîtres,  celui  de  Kbeislbr,  exception 
parmi  les  exceptions  (en  ce  qu'il  ne  craint  pas  de 
jouer  «  du  bras  »  et  de  lui  demander  souvent  cer- 
taines accentuations  que  d'autres  localisent  dans 
le  poignet),  prouve  l'inanité  d'une  réglementation 
trop    absolue.   Les  principes    généraux  une   fois 
posés,  à  chaque  nature  individuelle  correspondent 
des  modalités  différentes  :  telle  est  l'orientation  de 
la   pédagogie  d'aujourd'hui.  Baillot  l'annonce   en 
termes   excellents  quand  il   écrite    «   Nous  avons 
travaillé  de  bonne  foi  à  empêcher  les  élèves  confiés 
à  nos  soins  de  devenir  prisonniers  d'une  école,  cher- 
chant à  donner  à  l'école  elle-même  la  plus  giande 
extension  possible  et  à  laisser  aux  élèves  la-  plus 
grande  liberté  d'essor.  » 


Classification  des  coups  d'archet.  —  11  ne  sem- 
ble pas  que  l'on  ait  songé  avant  Baillot  à  établir  une 
classification  méthodique  des  divers  coups  d'archet, 
capable  :  a)  de  renseigner  sur  leur  filiation;  6)  de 
faciliter  ainsi  leur  étude.  Baillot  distingue^  parmi 
les  dHachéi  :  des  coups  d'archet  mais,  élastiques  ou 
traînas,  qui  se  subdivisent  de  la  façon  suivante  : 

i"  Coups  d'archet  mats:  Grand  détaché  (milieu).— 
Martelé  (pointe).  —  Staccato. 

2°  Coups  d'archets  élastiques  :  Détaché  léger  (mi- 
lieu). —  Détaché  perlé  (milieu,  avec  moins  d'ar- 
chet). —  Détaché  sautillé  (milieu,  tout  à  t'ait  sur 
place).  —  Staccato  à  ricochet,  ou  jeté,  ou  rchondis- 
sant. 

3°  Coups  d'archet  traînés  :  Détaché  plus  ou  moins 
appuyé  (milieu  ou  pointe,  s'emploie  dans  le  trémolo 
d'orchestre).  —  Détaché  Jlûté  (traîné  avec  lég(>reté). 
Une  des  plus  intéressantes  classifications  moder- 
nes est  celle  qtie  propose  D.-C.  DoiiNis",  basée  sur 
deux  coups  d'archet  fondamentaux,  (WJ(7c/t('siïnp/eet 
détaché  accentué,  le  second  dilb'rant  du  premier  en 
ce  que  les  changements  d'arcliel,  /ù-t'ou  poi/ss^,  sont 
marqués  par  une  attaque  vigoureuse  au  début  de 
chaque  note.  A  l'appui,  M.  Dou.ms  donne  le  tableau 
ci-dessus,  que  nous  n'acceptons  point  sans  réserves 
(le  sautillé  en  particulier  se  rattacherait  aussi  bien 
aux  coups  d'archet  accentués),  mais  qu'il  était  inté- 
ressant de  reproduire. 
L'étude  syslématiquè  de  ces  coups  d'archet  a  été 


Op.  cit.,  1834. 

Ibid.,  p.  100. 

,  0,1.  cit.,  1921, 


p.  70. 


tS14 ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


faite  récemment,  dans  tons  les  travaux  spéciaux 
déjà  allégués;  nous  nous  contenterons  de  voir  ici 
ce  que  les  écoles  anciennes  en  pouvaient  connaître, 
en  respectant  l'ordre  d'étude  traditionnel. 

Le^ato.  —  La  brièveté  de  l'archet  jusqu'à  l'épo- 
que de  GoRELLi  et  au  delà,  son  équilibre  incertain, 
la  tenue  «  à  l'italienne  «  qui  raccourcissait  encore 
la  portion  utilisal)lede  la  mèche,  taisaient  des  coups 
d'archet  lonps  et  soutenus  une  des  plus  grandes 
difficultés  de  l'art  du  violon  à  l'origine.  On  a  souvent 
cité  la  phrase  d'HuBEar  le  Blanc'  à  propos  de  J.-B. 
Sosiis  :  «  Il  franchit  la  boine  où  l'on  échoue,  en  un 
mot  vint  à  bout  du  grand  œuvre  sur  le  violon,  la 
tenue  d'une  ronde.  Un  seul  lire  d'archet  dura  tant 
que  le  souvenir  en  fait  perdre  l'haleine  quand  on 
y  pense.  »  La  nouveauté  n'est  cependant  pas  aussi 
grande  que  le  pourrait  faire  croire  cet  e-xempIcMER- 


SENNE^,  en  1636,  nous  dit  que  l'on  peut,  en  un  seul 
coup  d'archet,  «  sonner  une  couianti^  et  plusieurs 
autres  pièces  de  musique  ".  Longtemps  auparavant, 
Giovan-Battista  Giacomelli  (vers  1380)  était  sur- 
nommé Battista  del  VioUno  à  cause  de  son  coup  d'ar- 
chet long  et  suave^  On  savait  même  filer  des  sons, 
comme  l'indique,  dans  le  Combattimento  di  Tancredi 
c  Clorinda  de  Monteverdi  (1624),  cette  observation  : 
->  en  faisant  mourir  l'archet  »♦.  Les  sons  lilés  de- 
viendront par  la  suite  d'usage  courant.  Corrktte  les 
recommande  en  ces  termes":  «  Dans  les  sarabandes, 
adagio,  largo,  et  autres  pièces  de  goût,  il  faut  faire 
les  rondes,  blanches  et  noires  avec  de  giands  coups 
d'archet  et  entier  les  sons  sur  la  lin  A.  B.  Mais  pour 
les  linalles  et  terminaisons  de  chants,  il  faut  com- 
mencer le  coup  d'archet  avec  douceur,  le  fortifier  au 
milieu  et  le  finir  en  mourant  C.  D.  E.  Ce  coup  d'ar- 
chet fait  un  très  bel  efîet  »  : 


S^abands 


tr. 


^^ 


*^ 


^ 


^ 


W^^m 


EtE 


On  verra  plus  loin  comment  l'enseignement  utilise 
les  sons  lilés  pour  assouplir  et  stabiliser  l'archet. 

Grand  détaché.  —  Un  coup  d'archet  par  note,  £l 
tout  l'archet,  dans  les  mouvements  rapides  :  nous 
n'aurons  point  ù  y  insister  longuement.  La  trans- 
formation de  l'archet  à  la  fin  du  wn"  siècle,  et  sur- 
tout la  modification  de  sa  courbure,  manifestent 
assez  l'impatience  où  étaient  les  violonistes  d'utiliser 
les  crins  sur  la  plus  grande  longueur  possible.  Cor- 
bette",  en  1738  (et  l'on  sait  que  ce  n'était  pas  préci- 
sément un  novateur),  nous  dit  que  "  pour  tirer  du  son 
du  violon,  il  faut  tirer  et  pousser  de  grands  coups 
d'archet  ».  Sans  alléguer  les  méthodes,  la  plupart 
des  mouvements  rapides,  en  noires  ou  en  croches 
égales,  supposent  un  large  emploi  de  ce  coup  d'ar- 
chet. 

Détaché  bref,  sautillé.  — Dans  l'extrême  rapidité, 
le  détaché  bief  s'impose,  presque  toujours  joué  de 
la  pointe  de  l'archet  :  <c  Les  croches  et  les  doubles 
croches  se  jouent  du  bout  de  l'archet^.  »  C'est  un 
peu  une  spécialité  française.  Qla.ntz nous  le  confirme 
quand  il  écrit"  :  «  Il  faut  remarquer  en  général  que 
dans  l'accompagnement,  surtout  dans  les  pièces 
vives,  un  coup  d'archet  court  et  articulé,  tel  comme 
il  est  en  usage  chez  les  Trançais,  fait  un  bien  meil- 
leur eflèt  qu'un  coup  d'archet  à  l'italienne  long  et 
traînant.  Les  allegro,  allcijro  assai,  allegro  di  molto, 
presto,  vivnce,  demandent  un  coup  d'archet  vif,  très 
léger,  court  et  bien  détaché.  » 

11  va  de  soi  que,  dans  l'extrême  vitesse,  l'archet 


f.  Di}fense  lîc  la  basse  de  viofe,  .\mslerdam,  1740,  p.  2j. 
3.  j:,oco  cit.,  p.  183. 

3.  •  f'e  II  soavc  e  lungha  sua  arcala.  "  [P.  Severo  Bumni,  Discorsi 
?  Reyhle  so/>fa  la  Mtisicn  [1"  quart  tlu  xyii*  siècle],  cité  par  Ad.  de 
Latace,  Essais  de  OiplitltcrofjvapUlu  musicale^  Paris,  1864,  p.  176.) 

4.  'u^Questa  ultinia  nota  va  ni  arcat^i  joorendo.  "  Cf.  C.  von  Winteu- 
rEi4ï.  Johanues  Gabrirli,  lil,  Berlin,  1834.  p.  111. 

i.  École  d'OrpMe,  1738,  p.  3  i. 

U.  O/i-cil.,  p.  7. 

'2,)Jt)id.'  i)em6mo,  on  1740,  Ilobert  Cromë  (cité  par  lî.  Van  der 
Straeten,  op.  c'if.,  p.  204)  reromniandc  à  l'élève  ■  d'avoir  soin  de  iic 
pas  trop  appioclicr  du  violon  la  main  <]ui  lient  l'archet,  mais  de  jouer 
plutOl  à  la  poiule,  U  moins  qu'il  ne  s'agisse  de  [irolonger  une  note  ». 

5.  Op.  cit  ,  1752,  p.  203  de  l'édilion  fran.-aise. 


tendait  à  quitter  la'corde,  et  que  l'élasticité  de  laba- 
guelte  trouvait  son  emploi  dans  le  iaulilk'.  Piani 
l'indique  nettement'  en  1712  : 


t-t  ajoute,  à  titre  d'explicalion,  que  ce  coup  d'archet 
se  fait  (1  en  nolles  égales  articulées  et  un  peu  dé- 
tachées ».  Depuis  lors,  l'usage  du  sautillé  s'est  géné- 
ralisé. On  notera  seulement  son  étrange  proscription 
par  Spohr,  qui  n'en  fait  aucune  mention  dans  les 
196  pages  de  sa  méthode'",  et  le  bannissait  également 
de  ses  interprétations.  Ainsi,  de  nos  jours,  L.  Capet 
tient  pour  une  certaine  hiérarchie  des  coups  d'ar- 
chet et  juge  le  ricochet  «  en  quelque  sorte  négligé  et 
de  mauvaise  éducation"  ".  Le  martelé'-,  <iéta.ché  un 
peu  rude,  très  accentué,  de  la  pointe  ou  du  talon, 
et  le  spiccato  pour  lequel  l'archet  est  enlevé  après 
chaque  note,  sont  également  d'usage  ancien.  Les 
textes  du  début  du  xviii=  siècle  en  fournissent  des 
exemples  nombreux,  comme  ces  Variations  dans  le 
'joùt  de  la  trompette  (1708|  : 


,  ,11111       .«l'iit       .#.r 


lU  cette  gigue  de  Seinaillé  (livre  V,  sonate  IV,  gigue]  : 


^  I    '      'Il 


Staccato.  —  On  sait  que  re  leime  désigne  un  coup 
d'archet  dans  lequel  chaque  tiré  ou  pousse^  englobe 

9.  Premier  livre  de  sonates.  M.  df  la  Lacrencif:  (op.  cit.,  T,  426) 
sijftK-iIc  un  exemple  analogue  de  Mosdonville,  op.  IV,  sonate  IV,  spi- 
rilo^o,  1738. 

10.  Éilition  franraisc,  1834. 
H.  Oi>.  cit.,  p    57, 

la  Ci'Lt-'  terminologie  n'est  pas  enrore  très  iieltement  (i\ée  :  la  coa- 
Tusion  est  constante  dans  les  traités,  cnlre  mai-tclv  et  spiccato. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    1815 


plusieurs  notes,  nettement  séparées  par  de  brefs 
silences,  en  sorte  que  l'impression  auditive  se  rap- 
proche de  celles  que  donnerait  un  sitiitilU  ou  un 
iiiarteU  très  net.  On  l'indique  de  la  façon  suivante'  : 


Cette  notation  désigne,  selon  le  mouvement  et  le  ca- 
ractère du  passage,  une  des  nombreuses  variétés  de 
staccato  déjà  décrites  par  Dolnis  (voir  sa  classilica- 
tion),  et  dont  rétiuie,  au  point  de  vue  pédagogicpie,  a 
été  fort  biiMi  faitn  par  L.  Capet,  Flesch  et  la  plupart 
des  maîtres  contemporains-. 


Pour  la  période  ancienne,  jusqu'au  milieu  du 
xviii»  siècle,  il  n'est  pas  toujours  aisé  de  déterminer 
l'espèce  de  staccato  voulue  [lar  les  auteurs,  d'autant 
que  les  méthodes  sont  presque  toutes  muettes  à  ce 
sujet.  Seul  Muffat^  définit  le  pHillement  ■"~^  en  nous 
disant  qu'il  «  diffère  du  coulement  (legato)  en  ce 
qu'il  exprime  les  notes  distinctement,  en  les  faisant 
craqueter  sous  un  même  trait  d'archet  >. 

G.  Beckmann'' fait  remarquer  avec  juste  raison  que 
les  exemples  fournis  par  les  œuvres  de  Scbmrlzer, 
RiiiER,  J.-J.  Walther  devaient  être  plutôtslaccalo  re- 
boniiissant  que  staccato  à  la  corde.  Certains  il'entre 
eux  atteignaient  eu  tous  cas  une  ampleur  considé- 
rable, tel  ce  fragment  de  J.-J.  Walther  {Hortulm  Chc- 
tiens,  1688,  Sonate  X.\.ini,  presto)  : 


Parmi  les  Italiens,  Nicola  Matteis  s'était  déjà  si- 
gnalé par  son  staccato  merveilleux,  qui  fit  sensation 
à  Londres  vers  1675^  C'est  encore  en  Angleterre  que 
Pielro  Castiucci,  ayant  annoncé,  lors  d'un  concert  à 
Londres  (HicUford  lioonis,  21  février  17:{(),  un  ?tac- 
culo  de  viiif,'t-quatre  noies,  fut  parodié  le  lendemain 
par  le  Goodman's  Field's  playliouse,  qui  prometlait 
que  son  dernier  violon  exécuterait,  lui,  un  staccato 
de  vingt-cinq  notes '^.  Toujours  est-il  que  les  œuvres 
de  Castrucci  contiennent  des  exemples  d'un  staccato 
rebondissant  fort  délicat.  Ex.  :  Op.  II,  173i,  so- 
nate III,  tjacoUe  : 


^ 


m 


"P^ 


Ibid.,  sonate  VIII,  all'ijr'i  giuslo 


LocATELLi,    Leclair,   Guillemaim,    Ont   une    parfaite 
maîtrise  de  ce  coup  d'archet'. 

Tartini,  que  l'on  interprète  souvent,  sous  prétexte 
de  classicisme,  avec  un  archet  uniformément  large 
et  pesant,  pratique  et  le  staccato  mordant,  à  la 
corde  (Op.  V,  sonate  VI,  amiante  varié)  :■ 


et  un  staccato  rebondissant,  proche  parent  du  ricochet  (Aile  del  arco,  variation  32) 


(^'^J^ii^ih'iK^ 


Alors  que  le  staccato  s'exécute  beaucoup  plus 
commodément  en  poussant  l'archel,  Tartini  l'em- 
ploie ici  dans  les  deux  sens.  Il  semble  que  I'Abré  Le 
Fils  ait  été  le  preiniei-  à  prescrire  dans  une  méthode 
un  staccato  à  la  curde,  aller  et  retour,  qu'il  appelle 


coup  d'archet  articulé,  en  ajoutant  :  «  Pour  bien  faire 
ce  coup  d'archet,  le  poignet  doit  être  très  libre,  et 
doit  seul  articuler  avec  une  parfaite  égalité  cha- 
cune de  ces  notes,  soit  en  les  poussant,  soit  en  les 
tirant'  :  » 


1.  A  Je  Iri-s  rares  ejceplioiis  près  ;  la  Metliode  de  DcRiEc(1796,p.  11) 
se  contente  de  points,  sans  liaison. 

2.  Une  des  analyses  les  plus  coiiiplcles  est  celle  de  J.  Winklf.b,  Die 
Tnchuik  des  Griiiensiiicls.  Vienne,  i;i23,  It,  pp.  9.iS. 

3.  Florileijium  secanHmn,  Ili'JS,  chap.  V  {des  Agrémens). 
4-.  Op.  cil.,  pp.  57-38.    ■     -  . 


5.  Cf.  The  Honorable  Roger  North  ,   ilenioirs  of  Musick  (1728).' 
éd.  E.  F.  Rimbaull,  Londres,  1846,  p.  121. 

6.  Cf.  BoB.NEï,  A  General  Histonj  of  mmic,  IV,  17S9,  p.  331.         ■' 

7.  Voici  encore  dans  l'ecote  française  TtiEWArs.  Cf.  i.a  ï.auhexcif, 
')/).  cit-,  lï,  p.  40.         , 

8.  Principes  du  violon  (1761),  p.  5't. 


1S16 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Au  XIX'  siècle,  Paganini  (Caprice  n"  7),  \Vieniawsri 
(Fantaisie  op.  20,  polonaises,  etc.),  Vieuxtemps  (Con- 
certos) empruntent  au  staccato  des  effets  très 
brillants.  Il  s'agit,  la  plupart  du  temps,  d'un  stac- 
cato extrêmement  rapide,  obtenu  par  une  sorte  de 


tétaiiisation  du  bras,  grâce  à  laquelle  on  obtient  un 
état  vibratoire  qui  rapproche  et  éloigne  tour  à  tour 
l'archet  de  la  corde;  c'est  ainsi  que  l'on  peut  exé- 
cuter un  staccato  de  64  notes  en  poussant  et  46  en 
tirant  (H.  Vieuxtemps,  Air  varié,  op.  22,  variation  3)  : 


On  peut  considérer  comme  un  staccato  rebondis- 
sant le  coup  d'archet  impioprenient  appelé  trémolo 
et  noté  "  7^  ou  "^,  qui  utilise  de  façon  résulière,  dans 
lejliré  et  le  poussé,  le  rebondissement  de  la  baguette. 
Très  différent  du  trémolo  d'orchestre  (petit  détaché 
rapide,  employé  par  Monteverdi  en  1624',Tarquinio 
Merl'la'^  en  1639),  ce  coup  d'archet  ne  diffère  pas  de 
ricochets  déjà  employés  par  I'Abbé  Le  Fils  (livre  I, 
Sonate^V,  Menuet,  1748)  : 


ou  LocATELLt  (op.  8,  vers  1735).  Mais  les  notes  qu'il 
affecte  sont  répétées  deux  par  deux,  ou  par  trois, 
rarement  par  quatre  ou  cinq.  De  Bkriot  en  avait 
fait  une  spécialité.  Son  Trémolo  op.  30  reprend  à  cet 
usage  le  thème  varié  de  la  Sonale  à  Kreulicr  : 


CT^m^ 


C'est  avec  cet  arrangement,  nous  dit-on,  que 
Vieuxtemps  réussit,  à  Constanlinople,  en  1848,  à 
intéresser  Abdul-Medjid' .  Et  c'est  à  une  variation 
analogue  que  la  fameuse  Mélancolie  de  Prome  devait 
une  part  de  sa  séduction,  définitivement  évanouie. 

Enfin  la  saccade  n'est  pas  autre  chose  qu'un  stac- 


cato accentué.  Bafllot  la  définit  ainsi''  :  «  La  Saccade 
est  une  secousse  d'archet  rude  et  prompte  que  l'on 
donne  aux  notes,  généralement  de  deux  en  deux,  de 
trois  en  trois,  etc.,  et  quelquefois  irrégulièrement, 
c'est-à-dire  sans  symétrie  »  : 


Maestoso  (108) 


sf      sf      ^fjf        •«/     J/ 


ttToua 


3  les  sf-^ur  les  T.' et 3*^* notes  doivent  ètrefaits 
QlLeusenie.nt,efTa^kinQeant- un  peu  l'archei.J 


Batteries  et  brisures. —  J.-J.  Rousseau,  dans  son 
Dictionnaire  de  musique^,  définit  la  batterie  «  un  ar- 
pège continu,  mais  dont  toutes  les  notes  sont  déta- 
chées au  lieu  d'être  liées  comme  dans  l'arpège  ». 
Le  type  le  plus  simple  est  celui  qui  emprunte  deux 
cordes  voisines.  C'est  un  assouplissement  d'archet 
que  les  auteurs  de  la  fin  du  xvu'  et  du  début  du 


xviii"  siècle  ont  prisé  spécialement,  et  qui,  aux  yeux 
des  clavecinistes'',  caractérise  avant  toute  autre  chose 
le  jeu  du  violon.  La  plupart  des  passages  de  virtuo- 
sité des  œuvres  de  Corelli  consistent  en  batteries  de 
formes  variées,  comme  (Concertos,  œuvre  six,  n°  V, 
allcyro)  : 


Toute  l'école  italienne,  l'école  allemande  (cf.  con- 
certos de  J.-S.  Bach,  sonates  de  Haendel),  l'école 
française  (Du val,  Senaillé,  Francœur  aîné,  Leclair, 


1.  Combaltimeitto  di  Taucredi  c  Clorindn. 

2.  Canzon  a.tre,  in  W\siht.bwski,  Iiisfruiiietitalsiitze,  Berlin,  Liep- 
mannssohn,  s.  d.  (M,  (*iRiio  en  signale  aussi  des  emplois  cliea  Sch«i/. 
«nl647,  Schûtz,  l'JlS,  liuxTEuoDf;  en  lii^i,DietricA  Huxleliude,  lill3.) 


Aubeut'',  emploient  les  nombreuses  variétés  possibles 
de  cette  figuration.  Non  moins  employées  sont  les 


a.  Cf.  J.-Th.  liAPoiix,   Viciixifmps,  Liège,  1891,  p.  7ii. 

4.  Op.  cit..  p.  12". 

j.  Paris,  1768. 

6.  Cf.  CoDPEiiiN,  L'Art  de  touctiffr  le  daveeiu^  êdit.  1710,  p. 3.'». 

7.  Cf.  l'iNciiERLE,  La  Technique  dit  violon,  p.  35-27^ 


TECHIVIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    1817 


brisures,  sorte  de  hatteiies  dans  lesquelles  l'archet 
emprunte  deux  cordes  non  voisines.  Italiens  et  Alle- 
mands du  XVII"  siècle  y  recourent  de  bonne  heure 
(nous   tenons  compte  ici  de   toutes  les  séquences 


symétriques    comportant   des    sauts    de   cordes   et 
assimilables  aux  brisures)  ; 

Tarquinio  Merula  :  Canzonatre,  1639  (Wasielewski, 
Instrumcntalsàtze,  page  29)  : 


kuj  Jn^i^^rig^^i-^fcu-i  -rJl^^-^ 


BiAGio  Marini  :  Diverxi  generi  di  Sonate,  op.  XXII, 
16ai),  Sonata  per  due  violini  : 


Mathias  Kelz,  Epidigma  harmonix  nova.',  1669.  Aria 
tapriciosa  : 


1    1    1    r  I 

*  4  J.      *  é ^~* — ' — 


On  peut  citer  pour  mémoire  Bassani,  les  Vitalt, 
CoRRELLi  (la  Fo//ia),  dépassés  de  beaucoup  par  Vivaldi 
qui  ose  écrire  : 

Op.  8,  concerto  II,  Preslo  (vers  1723)  : 


Concerto  ré  mineur.  Ms.  Cx,  1045,  Bibliothèque  Dresde 


f    f   f      f         fffffff        ff       ff      fff 


passage  exécutable  soit  par  des  sauts  de  cordes  fort 
délicats,  soit  par  une  régression  du  premier  doigt 
dont  peu  d'exécutants  sont  capables  (intervalle  de 
douzième).  Tabtin'i  (op.  V,  sonate  V),  Locatelli  (pas- 


sim,  dés  1730),  de  GiA^mr,  Ferrari,  vont  plus  loin, 
rejoints  sinon  , distancés  par  l'école  française,  avec 
J.-M.  Leclair  :  Livre  II  (vers  1728),  sonate  VI  : 


ou  GuiLLEMAiN,  op.  I  (1734),  sonate  II  : 


Le  XIX'  siècle  poussera  plus  loin  la  hardiesse,  et 
l'on  arrivera  à  des  formules  comme  : 

Rode,  3«  concerto  (vers  18041,  Polonaise  : 

Z  2 


Paganini,  Caprice  n"  2 

(ni 


Paganini,  Caprice  n"  2  : 


W.  Ernst,  Carnaval  de  Vc/iise,  0|).  19  : 


Vt^  y   yy 


Bariolage.  —  <i  On  donne  le  nom  de  bariolagi'  à 
une  espèce  de  passage  qui  présente  une  apparence  de 
désordre  et  de  bizarrerie  en  ce  que  les  notes  n'en 
sont  point  faites  de  suite  sur  la  même  corde;  ou  en 
ce  que  les  notes  mi,  la,  ré  sont  faites  alternativement 
avec  un  doigt.appuyé  et  avec  la  corde  à  vide,  ou  bien 
enfin  en  ce  que  l'on  fait  entendre  la  note  à  vide  dans 


181S 


ENCYCLOPÈniE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


une  posilion  qui  demanderait  qu'on  la  fit  avec  un 
doigt'.  » 
On  trouve  d'ingénieux  bariolages  dans  Biber  : 

Sonatel  (1681),  Pces/o  ; 


Dans  les  Suites  de  J. -S.  Bach  : 

Suite  en  mi  majeur  (vers  1720)  pour  violon  seul,  Prélude  : 


De  nombreux  passages  analogues  chez  Teleman.n 
[Six  Quatuors  à  viollon,  flûte,  viole  ou  l'iolon  de  celle 
(sic)  et  basse  continue.  Concerto  II,  vivace  (1T3G),  Mossi 
(op.  I,  sonate  IV,  allegro,  vers  I72.ï),  Geminiani,  Lo- 


CATELLi  fpassini).  L'AiioÉ  Le  Fils  se  montre  particu- 
liéremeiit  audacieux  dans  une  cadence  de  son  œuvre 
I  (1748),  sonate  IV,  andante  : 


0      ^9'  -BS88BB  ^ B^^B  ^ ^ — ' — HH^ ^ 1  -j 


ksé  m  d!  r  ^r  r-fe£jf--tjf^^ 


}ffh 


Simile 


Franz  Lauotte-  risque  ce  bariolage  «  aller  et  retour  »  : 


dont  la  difficulté  s'aggrave,  chez  H.-VV.  Ernst  (op.  19,  variation    li),  du  fait  qu'un  seul  coup  d'archet 
englobe  sept  de  ces  Iriolets  : 


Variété  d'archet.  —  La  technique  de  l'archel,  à  ses 
débuts,  est  resiée  longtemps  régie  par  des  principes 
dont  la  rigueur  simpliste  est  pour  nous  bien  surpre- 
nante. Il  s'agit  surtout  de  ce  qu'on  a  appelé  la  règle 
du  tiré,  de  par  laquelle  l'archet  devait  être  tii'é  sur 
la  première  note  de  la  mesure,  quels  que  fussent  le 
rythme,  le  temps,  le  caractère  du  morceau.  Elle  est 
déjà  exposée  par  Mersenne  en  16  16^  :  «  Il  faut  consi- 
dérer que  l'on  doit  tousiours  tirer  l'arciiet  en  bas  sur 
la  première  note  de  la  mesure,  et  qu'il  laut  le  pous- 
ser en  haut  sur  la  note  (pii  suit,  par  exemple  si  la 
mesure  est  de  8  ciochiies  (croches),  on  lire  l'archet 
en  bas  sur  la  première  et  sur  3,  5  et  7;  lequel  on 
pousse  en  haut  sur  la  2,  i,  6  el  8  :  de  sorte  qu'il  se 
lire  tousiours  sur  la  première  note  de  chaque  mesure 

1.  BAiLr.ot,  .4/'/  dit  violon  (op,  cil.),  p.  120. 

2.  Fragnioiil  de  concerto  (s.  d.)  cil6  par  BurixoT,  op.  cit.,  p.  209. 

3.  Loco  cit.,  p.  18S. 


composée  d'un  nombre  pair  de  notes,  mais  si  elle  est 
composée  d'un  nombre  impair,  comme  il  arrive 
quand  il  y  a  quelque  point  après  l'rrnedes  rroles,  l'on 
lir'e  l'archet  en  haut  sur  la  première  noie  île  la  me- 
sure qui  suit,  alin  de  le  tirer  encore  sur  la  première 
note  de  la  3=  mesure,  ce  qu'il  faut  semblablement 
dire  de  toutes  les  noies  et  mesures.  »  Kncore  admel- 
il,  pour  la  socorule  mesure  lernaiie,  une  tolérance 

vrr'rrr'rrr-^ 


que  la  Méthode  de  nui'O.NT'  ne  connaîtra  plus,  d'après 
qui,  (1  lorsqu'il  y  a  trois  noires  dans  la  mesure  à  trois 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    isi!> 


temps,  il  faut  tirer  la  première  et  pousser  les  deux 
autres  »  : 


t   p  p 

rrr 


t  p  p 

rr 


p  \      t  p  t  \  t  p  * 


ou  encore,  «  lorsqu'on  trouvera  un  point  après  une 
barre  (c'est  la  manière  d'écrire  les  svncopes),  au 
commencement  de  la  mesure,  il  faut  pousser  la  pre- 
mière note,  parce  que  ce  point  tient  lieu  de  la  pre- 
mière note  qu'il  faut  supposer  avoir  tirée  »  : 


2 
7i 


I     P  t 


poun 


Pf  f 


Ce  formalisme  était  surtout  français,  s'il  en  faut 
croire  Muffat',  selon  qui  "  pour  ce  qui  concerne  les 
règles  de  le  tirer  (l'archel)  eu  bas,  ou  de  le  pousser 
eu  liaut,  ny  les  Allemans,  ny  les  Italiens  ne  se  sont 
guère  accordez  eusemliles  jusqu'icy  (1698),  et  ne  se 
sont  rencontrez  que  rarement,  et  fortuitement  par 
cy  par  là  avec  les  Français  ».  A  l'appui  ces  exemples", 
le  premier  à  l'allemaiide  ou  à  l'italienne,  le  second 
à  la  française.  Les  signes  |  tin'  et  V  poussi-  et  b'  point 
qui  signilie  une  seconde  note  poussée  dans  le  inèine 
coup  d'arcbet  (en  sorte  que  V -équivaut  à  noire  mo- 
derne -;  ;-),  sont  de  l'invention  de  Mlffat.  Très 
aiitérieurs,  par  conséquent,  à  ceux  qu'imagina  Vera- 
ciNi  dans  ses  Sonate  accadcini'he  de  1744  :  14/  tire  et  'P 
poussé  : 


Menuet 


É 


V     1     V 


ivi       viv         ivi       viv 


^m 


H  iMOXJlr 


-«- 


1 


r     V      I         IV 


I     V 


I       V  I 


-î^t^^^i^  r  Lixj  I  r 


Π


.Muffat  préconise,  dans  les  mouvements  lents  des 
mesures  ternaires,  la  disposition  : 


rrr'rrf 


1     V    ' 


dans  les  mouvements  rapides  : 


rrr'rrr 


Il  semble  que  celte  manière  lulliste  ait  vivement 
impressionné  les  aulres  nations,  car  non  seulement 
Mo.NTECLAiR,CoRRETTE,rABBÉ  Le  Fils  ^  s'y  tiennent,  au 
moins  comme  règle  générale,  susceptible  d'excep- 
tions, mais  WoDiczr.A*  donne  cet  exemple  assez 
gauche  : 

t    t  t 


m^^^^ 


]H  I.éopold  Mozart  J  celui-ci  : 
1 


4 ^-r*       I"   <»      ^  I     P   ^    1* 


¥=^ 


(1  =  herabsli-icli  :  tire). 


1!  faut  remarquer  que  ces  règles,  dans  l'esprit  des 
maîtres,  sontsuscepiilib's  d'exceptions.  Dl'I'O.nt l'avait 
déjà  noté  dans  sa  méthode  dialoguée"  :  ' 

Demande  :  «  Est-on  obligé  d'obcerver  {^ic)  toutes 
les  règles  du  coup  d'aichi-t?  >> 

Kèponse  :  »  Ouy,  lorsque  l'on  aprend,  parce  que 
cela  vous  facilite  de  trouver  le  goût  des  airs;  mais 
quand  Ion  sçait,  on  prend  Telle  lisseuce  et  libertés 
que  l'on  juge  à  piopos   » 

Et  cette  reprise  d'archet  n'est  pas  forcément  prin- 
cipe de  raideur  et  de  disconlinuitè.  »  La  plus  grande 
adresse  des  vrays  lullistes,  dit  encore  Mlffat',  con- 
siste en  ce  que  parmy  tant  île  reprises  de  l'archet  en 
bas,  on  n'entend  nèantmoins  jamais  rien  de  désa- 
gréable ni  de  rude;  mais  au  contraire  on  trouve  une 
merveilleuse  conjonction  d'une  grande  vitesse  à  la 
longueur  des  traits  (tirés  d'aicliet);  d'une  admirable 
égalité  de  mesure  à  la  diversité  des  mouveniens;  et 
d'une  tendre  douceur  à  la  viva:;ité  du  jeu.  »  Et  le 
Traité  de  la  viole  de  Jean  Uousseau'  nous  explique 
que  l'on  ne  reprend  pas  l'archet  en  entier  à  chaque 
tiré  ou  poussé  :  u  Quand  on  tire  deux  Ibis,  il  faut  sou- 
lever! archet  à  la  moitié  environ  de  son  coup,  et  le 
remettre  aussitôt  en  continuant  le  même  coup,  et 
non  pas  en  recommençant  à   tirer.  »    C'est  ce   que 

nous  notons  «  «  ou  i  i,  staccato  ou  notes  légèrement 

rr  r^ 

articulées.  On  peut  d'ailleurs,  dans  ce  cadre  un  peu 
étroit,  ilonner  cairière  à  une  certaine  fantaisie.  Cou- 
rette' indique  des  liaisons  comme  : 


f  Lm  LUI  tm  tus  tuj  un 


i  circi:;  lIt m"  llî  lu 


1.  op.  cit.,  Observationa  de  l'autkem-,  11. 

2.  Ibid. 

3.  Ofi.  cit. 

4.  Instruction  pour  tes  cominenranSj  Amsterdam,  vers  1757,  p. 
"3.  Op.  cit. 


etc. 


0.  O/j    cil. 

7.  Op.  cit.,  loeo  cit. 

».  Paris,  1687,  p.  llU.H.'me  esplkalion  ilans  CouBETTK(op.  ci/.,  p,  i 

'j.  Ecole  d'Or/j/iée,  p.  34-33. 


1820 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Mais  les  œuvres  échappent  bien  vite  à  cette  tyran- 
nie du  tii-i',  ou  s'y  conforment  avec  assez  de  souplesse 
pour  le  faire  oublier.   G.  Mossi  indique   dans   une 


simple  Corrente  (op.  I,  vers    172S,   sonate  VU)  ces 
liaisons  : 


^^^Xjirrrrrirrrrrrirrrrrr  irTrrrr 


Geminiani  écrit  (op.  VI,  1739,  sonate  VIII,  finale) 
tr 


Vivaldi  (op.  II,  concerto  V,  finale]  : 


^m 


Au  milieu  du  siècle,  la  variété  d'archet  est  devenue 
l'un  des  principaux  éléments  de  la  personnalité  mu- 
sicale des  grands  exécutants.  11  y  aura  bientôt  une 
technique  d'archet  de  Cramer,  une  de  Jarnowick,  une 
de  VioTTi,  etc.  Et  Burney  peut  raconter  sans  invrai- 
semblance le  trait  suivant'  :  «  Je  me  rappelle  mon 
plaisir  et  mon  étoniiement  en  entendant  Giabdini 
dans  un  solo  de  l'oratorio  joué  en  1760,  exécuter,  à 
la;  fin,  un  air  varié  dans  lequel,  répétant  chaque 
phrase  avec  un  coup  d'archet  différent,  sans  changer 
une  seule  note  de  la  méloilie,  il  lui  donnait  toutl'ef- 
fet  et  toute  la  nouveauté  d'une  véritable  variation,  n 


Pédagogie.  —  Comme  en  ce  qui  concerne  la  main 
gauche,  les  auteurs  de  métliodes  n'ont  songé  pendant 
fort  longtemps,  pour  l'archet,  qu'à  indiquer  les  prin- 
cipales difficultés  à  résoudre,  sans  nous  mettre  au 
courant  de  leur  manière  de  les  affronter  et  de  les 
résoudre,  de  leurs  procédés  de  travail. 

Sans  exposer  à  ce  sujet  des  vues  très  détaillées, 
Geminiani  indique  le  premier-  des  exercices  de 
gammes  dérythmées  qui  sont  de  merveilleux  assou- 
plissements : 


^ 


»^^-f 


mfm 


^ 


w 


m 


*^ 


<sL      o 


DT        «- 


/         |hT-ri-dl.,frf''tfir=^ 


^^^^a^ 


Mais  la  lettre  déjà  citée  de  Tarti.m  (1760)  à  Madda- 
lena  I.omhardini  fixe,  pour  la  première  fois,  une  mé- 
thode que  l'on  n'a  pas  cessé  d'employer  :  «  Attachez- 
vous  d'abord  à  poser  l'archet  sur  la  corde  avec  tant  de 
légèreté,  que  le  commencement  du  son  que  vous  tirez 
soit  comme  un  souille,  et  que  la  corde  ne  paroisse 
pas  être  ébranlée  :  cela  consiste  dans  la  légèreté 
du  poignet,  et  à  continuer  tout  de  suite  le  coup  d'ar- 
chet en  renforçant  autant  qu'on  veut;  car,  (|uand  on 
a  commencé  à  l'appuyer  légèrement,  on  n'a  plus  à 
craindre  des  sons  aigres  ni  durs. 

('  Assurez-vous  de  cette  manière  d'appuyer  l'archet 


1.  A  General  Bistory  of  Miisic,  I11,.17S9,  p.  338. 

2.  Op.  cit.,  exemple  VIll. 


dans  toutes  les  situations,  soit  que  vous  le  preniez 
au  milieu  ou  aux  extrémités,  et  dans  les  /f)t?.s  comme 
dans  les  poussés.  Pour  ne  s'y  prendre  qu'une  fois, 
commencez  ces  sons  filés  sur  une  corde  h  vuide,  la 
seconde,  par  exemple,  qui  est  l'Amila  [In). 

«  Commencez  très  doux,  et  que  votre  son  augmente 
peu  à  peu  jusqu'à  ce  qu'il  soit  très  tort,  faites  cet 
exercice  également  en  tirant  comme  en  poussant. 
Employez  à  cette  étude  au  moins  une  heure  par  jour, 
mais  pas  de  suite,  un  peu  le  matin,  un  peu  le  soir;  el 
souvenez-vous  bien  que  c'est  là  l'élude  la  plus  impor- 
tante et  la  plus  difficile  de  toutes...  Pour  acquérir 
cette  légèreté  de  poignet,  d'où  naît  la  rapidité  de  l'ar- 
chet, il  sera  très  bon  de  jouer  tous  les  jours  quelque 
fugue  de  Corelli, toute  composée  dédoubles  croches. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    1821 


Jouez-en  peu  à  la  fois,  de  plus  en  plus  vite,  jusqu'à 
ce  que  vous  en  soyez  venue  à  les  exécuter  avec  la 
|)lus  praiide  rapidité.  Mais  il  faut  vous  avertir  de 
duux  choses:  la  première,  de  détacher  l'archet,  c'est- 
à-dire  de  perlei' si  hien  chaque  note,  qu'il  paraisse 
y  avoir  un  vide  entre  une  note  et  ra:ulre. 
«  Elles  sont  écrites  ainsi  ; 


-^<:^  iHn 


jouez-les  comme  si  elles  l'étoient  ainsi  : 


i^'j'rirjrhrw 


de  façon  à  ne  vous  servird'abord  que  de  la  pointe  de 
l'aichet;  ensuite,  quand  vous  serez  sûre  de  les  hien 
faiie  de  cette  manière,  commencez  à  les  faire  avec 
celle  parlie  de  l'archet  qui  est  entre  la  pointe  et  le 
milieu,  et  quand  vous  serez  assurée  de  cette  nou- 
velle situation  de  l'archet,  étudiez  alors  de  même  à 
les  faire  du  milieu,  observant  surtout,  dans  chacun 
de  ces  exercices,  de  commencer  les  fugues  tantôt  en 
poussant,  tantôt  en  tirant;  gardez-vous  de  vous  habi- 
tuer à  les  commencer  toujours  en  tirant. 

Pour  acquérir  cette  légèreté  d'archet,  il  est  très 
bon  de  sauter  une  corde  et  d'exécuter  des  fugues  de 
doubles  croches  faites  de  cette  manière  : 


vous  pourrez  en  faire  ainsi  à  volonté  tant  qu'il  vous 
plaira,  dans  tous  les  tons,  et  cela  est  véritablement 
utile  et  nécessaire.  » 

L'Art  de  l'Archet^  de  Tartini,  avec  ses  cinquante 
variations,  prouve  l'excellence  de  la  méthode.  On 
nous  dit,  parailleurs-,  que  le  maître  de  Padoue  pia- 
tiquait  la  division  d'archet  si  fort  en  honneur  auiour- 
d'hui  :  «  Tartim  avait  deux  archets,  l'un  marqué  sur 
la  baguette  de  la  division  à  quatre  temps,  l'aulre  de 
celle  à  Irois  temps.  C'est  dansces  divisions  qu'il  obte- 
nait toutes  les  subdivisions  de  l'influiment  petit;  et 
comme  il  lui  était  prouvé  que  le  poussé  vertical  était 
plus  bref  que  le  tiré  perpen  diculaire,  il  faisait  jouer 
la  même  pièce  en  tirant  comme  en  poussant,  avec 
les  mêmes  inilexions.  » 

Cette  division   est   admise    par  Baillot,  comme 


base  d'étude,  mais   il  s'en  tient    à  trois  parties  qu'il 
définit  : 


Pointe 


Mil 


i  e  u      t  Ta  l  o  n 


FaiblesEe  I  ÈcfuUlbral  Força 


(I  Les  divisions  trop  multipliées  et  imposées  comme 
régies  nécessaires,  ajoute-t-iP,  ne  feraient  qu'em- 
barrasser ou  refroidir  l'exécutant  etdonner  à  l'étude 
une  tendance  à  la  subtilité  qu'il  faut  éviter  dans  les 
choses  de  sentiment.  )i  II  compte  cependant  sur  l'ins- 
tinct de  chacun  pour  pousser  plus  loin  ces  subdivi- 
sions. La  pédagogie  moderne  est  plus  exigeante,  et 
Lucien  Capet  prévoit  l'étude  de  tiers,  de  quarts, 
de  huitièmes  d'archet*.  Viotti  a  laissé  quelques^ 
notes ',  excellentes,  sur  l'importance  de  la  gamme 
dans  le  travail  de  l'archet,  appuyé  sur  les  sons  lilés 


Il  note,  au  préalable,  l'intérêt  qu'il  y  a  à  exercer 
l'élève  à  poser  son  archet  au  milieu  de  l'espace  com- 
pris entre  le  chevalet  et  la  touche,  pour  obtenir  la 
meilleure  qualité  de  son.  Déjà,  Francesco  Galeazzi"' 
avait,  à  ce  point  de  vue,  discerné  trois  zones  :  la  pre- 
mière près  du  chevalet,  oii  le  son  est  sifflant  et  stri- 
dent; la  seconde  au  niveau  de  l'extrémité  des  ouïes, 
région  de  la  bonne  sonorité;  la  troisième  sur  la  touche, 
où  le  son  est  terne  et  mou. 

Orneineiitatioii.  Trille,  vibrato. 

.Nous  ne  pouvons  qu'indiquer  ici  l'important  pro- 
blème des  accen.tuatioit.s  d'archet,  qui  appartient 
plutôt  à  l'interprétation.  On  se  reportera  utilement 
au  travail  déjà  mentionné  de  Baillot,  dont  bien  des 


1.  L'édition  la  plus  Cûniplùle  est  celle  que  donne  J.-B.CA»riEn  danS 
VArt  du  ciolon.  Il  la  transcrit,  nous  dit-il  dans  sa  Préface,  d'après  le 
manuscrit  autographe,  donne  par  Tabtim  au  père  de  J.-B.  Passeri,  qui 
l'a  remis  i  CARritR.  L'édition  de  le  Dec  ne  comporte  que  trente-huit 
variations;  celle  de  Kbei^ler  en  comporte  trois  :  une  imitt:e  de  la 
quinzième  variation  de  Tautim,  les  deux  autres  apocryphes. 

2.  Fr.  Fayolle,  I^aganini  et  Bériot,  Paris,  1831,  p.  26. 

3.  Op.  cit.,  p.  92. 

4.  Op.  cit.,  pa.isiin.  Voir  aussi,  pour  les  divisions  d'archet,  Alfeo 
BuvA,  ÎVuoro  .Metodo  per  Viotino,  Milan,  1923. 

5.  Op.  cit.,  pp.  33-33. 
ti.  Op.  cit.,  p.  101. 


éléments  ont  gardé  toute  leur  valeur.  Flesch  et  Capet 
fourniront  les  compléments  nécessaires. 

Nous  n'aborderons  pas  en  elle-même  la  question 
des  ornements.  Ils  ne  nous  intéressent  qu'en  ce 
qu'ils  mettent  en  jeu  des  éléments  techniques  nou- 
veaux. Ainsi  considérés,  les  coulés,  ports  de  voix  et 
analogues  peuvent  s'intégrer  dans  l'étude  du  déman- 
cher, à  moins  que,  pratiqués  à  la  position,  ils  n'em- 
pruntent d'autres  ressources  que  celles  des  gammes 
ordinaires.  Heste,  avec  le  vibrato,  le  trille',  qui  est 
bien,  spéciTiquement,  un  artifice  technique  dilféreu- 
cié  de  tous  les  autres.  Indiqué  généralement  par  une 
croix  -\-,  pendant  toute  la  période  ancienne  jusqu'à 
la  tin  du  xviii'  siècle,  il  se  ramène  toujours  à  l'une 
desvariélés  cataloguées  parToiNON,  en  1090,  dans  son 
Avertissement  des  Trios  nouveaux  pour  le  rinlon 
hautbois  l't  flûte,  et  qui,  sous  des  noms  divers,  sont 
des  trilles  à  la  seconde  inférieure  ou  supérieure  : 


7.  Pour  l'étude  esthi^tif/ue  du  trille,  voir  les  méthodes  déjà  citées, 
en  particulier  Playford,  Cobrette,  Geminiani,  Léopold  Mû/aht,  L'Abus 
Le  Fils,  Qdantz,  le  Traité  des  A(jri;niens  de  Tabtim,  traduit  par  De- 
nis (1771).  Les  travaux  modernes  les  plus  complets  sont  ceux  de 
E.  BuBBEL,  Contribution  à  l'interprétation  de  la  nuLiique  française, 
Paris,  1914,  et  la  Ladrekcie,  op.  cit.,  I,  35-42;  Ill^^o^sim. 


1822 


ENCYCLOPÈniE  DE  LA  MUSJQVE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Les  vinloiiistes  eiiiplnienl  de  lionne  heure  ce  genre 
de  liguralion,  soit  qu'ils  l'indiquent  par  une  croix 
ou  un  t,  soit  qu'ils  le  notent  expressément.  Ex.  Fon- 
TANA  (vers  1630)'  : 


("lllM 111^^ 


Il  est  d'usage  couraiil,  des  le  début  du  xvii=  siècle, 
de  trilier  même  sur  des  notes  qui  ne  portent  aucune 
indication.  Dans  la  Sfera  armoniosa  (1623),  Quagliati, 


proscrivant  toute  ornementation  parasite,  aulorise 
cependant  les  trilles-.  On  a  de  tout  temps  recherché 
les  mêmes  qualités  d'égalité  et  de  netteté.  Mersenne 
est  seup  à  taire  mention  d'un  trille  assez  particulier, 
où  chaque  battement  correspondait  à  un  coup  d'ar- 
chet délai-hé.  Après  lui,  il  n'est  plus  question  que  de 
trillfs  ordinaires,  d'autant  plus  prolongés  que  le  vio- 
loniste est  capable  d'un  coup  d'archet  plus  ample. 
Quant  au  mode  de  travail,  Tartini  ^  engage  son  élève 
à  posséder  des  trilles  de  toutes  vitesses,  du  plus  lent 
au  plus  vif,  et,  pour  cela,  de  s'exercer  en  graduant 
comme  suit  : 


^jm^ 


11  n'est  pas  nécessaire  de  donner  ici  des  exemples 
d'emplois  du  trille  :  les  œuvres  anciennes  en  sont  pour 
ainsi  dire  semées,  plus  particulièrement  à  partir  de 
1720-173O.  On  voit  alors  se  multiplier  les  petits  tril- 
les sur  des  valeurs  brèves  (croches  et  doubles  cro- 
ches), les  chaînes  de  trilles  analogues  à  celle  qu'em- 
ploie Vivaldi  dans  son  œuvre  VllI  (Concerto  3,  l'Au- 
tomne, allegro)  : 


mHm& 


chaînes  que  Léopold  Mozart  étudiera  spécialement, 
en  proposant  ces  trois  doigtés  : 


^ 


*=s 


lit! 


^    1     il      il 


Les  virtuoses  du  début  du  xix"  siècle  useront  lar- 
gement de  cet  ornement.  C.-P.  Lafont  multiplie  dans 
ses  concertos  des  formules  telles  que  (3"  Concerto, 
-vers  1815-1820)  : 


^TP^ 


On  l'a  pour  ainsi  dire  renouvelé  de  nos  jours  en  lui 
demandant  des  ell'ets  impressionistes,  comme  dans 


1.  Wasiei.e  iSKi, /iis(rumc»/n/s('i/:c  es.  .VIII. 

2.  Avrrlimentopfir  il  Violin't  ;»  Nell'...  opi^re  cunocrlate  con  il  vio- 
Itno,  il  hOiialorô  ha  da  sonare  giiisto  corne  sla  adornando  con  trilli,  (' 
senza  jiassaijgi.  » 

3.  Lomnt.,  p.  182. 

4.  Lettre  à  la  sii/iiora  iomJnrJin  >  i/j.  cit. 


la  conclusion  bien  connue  du  Poème  de  Chausson,  op. 
25,  ou  le  finale  du  concerto  op.  10  de  Prokofieff  : 


Le  paragraphe  consacré  à  la  double  corde  traitera 
du  double  trille  et  du  trille  en  combinaison  avec  un 
chant  soutenu. 

Pour  la  pédagogie  moderne  du  trille,  on  en  trou- 
vera un  excellent  exposé  dans  l'ouvrage  déjà  cité  de 
M.  Herwegii'^,  qui  arrive  à  ces  conclusions,  que  l'on 
doit  : 

"  1°  Imprimer  le  mouvement  tlexionnel  à  la  pre- 
mière phalange  du  doigt  qui  trille; 

«  2°  Laisser  les  dernières  phalanges  flottantes  et 
folles; 

(I  3°  Fléchir  le  poignet  au  minimum  compatible 
avec  l'exécution  de  la  note.  » 

Il  est  à  remarquer  que  nombre  de  virtuoses,  pour 
exécuter  un  trille  longtemps  soutenu,  modifient  plu- 
sieurs fois  la  flexion  du  poignet  et  par  conséquent 
l'aplomb  des  doigts,  trouvant  là  un  préventif  contre 
la  fatigue  et  la  crampe. 

Le  vilmito,  dont  le  rûle  est  surtout  expressif,  et  qui 
afl'ecte  aujourd'hui,  dans  le  jeu  de  bien  des  violonis- 
tes, non  seulement  les  valeurs  longues  et  les  éléments 
mélodiques,  mais  jusqu'aux  traits  de  pure  virtuosité, 
a  longtemps  été  considéré  comme  un  ornement  au 
même  titie  que  les  divers  trilles. 

On  a  parfois  prétendu  que  le  vibrato  était  d'une 
invention  relativement  récente.  Bien  à  tort,  car  Mer- 
senne  l'annonce  déjà  en  termes  suffisamment  expli- 
cites. Si  l'édition  française  de  ÏHaniionie  universelle 
parle,  à  propos  du  talent  de  Iîocan  et  de  Lazarin,  de 
«  certains  tiemblemens  qui  ravissent  l'esprit'  »  et  de 
«  tremblemens  qui  se  font  sans  marteler  »,  elle  pré- 
cise, par  ailleurs,  qu'il  faut  pour  alteindre  à  la  per- 
fection «  adoucir  les  cordes  par  des  tremblemens,  que 
l'on  doit  faire  du  doigt  qui  est  le  plus  proche  de  ce- 
luy  qui  tient  ferme  sur  la  touche  du  violon,  afin  que  la 
corde  soit  nourrie  »'.  L'équivoque  qui  peut  subsister 
ici  entre  le  vibrato  et  le  trille  est  bannie  de  l'édition 
latine  dans  le  passage  :  Duin  arcu  nervi  vcrruntur, 

.*).  l'ajîc  S. 

0.  0/1.  cil.,  livre  1,  p.  11. 

7.  lijid.,  livre  IV,  p.  IS2. 

8.  lOiil.,  p.  183.  , 


TECHNIQUE,  ESTliÈTIQVE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    ISS.'? 


dlgilus  sacpe  vibvandus  est  in  scitpo,  ut  conrcittu  siio 
rapiat  aures,  et  animumK  II  se  peut  que  le  rnot  tré- 
molo, souvent  employé  postéiieurenient  dans  le 
sens  de  vibrato  chez  les  Italiens,  doive  f'tre  ainsi 
interprélé  dans  une  Canzon  de  Merula"  (1639)  : 


Dremolo 


Au  xviii'  siècle,  Geuiniam  conserve  dans  les  exem- 
ples de  sa  méthode^,  le  mol  trémolo,  et  le  signe  v^  v^. 
On  trouve  aussi  ,  TTT^.  •  M^i^  '^  définit  dans  le 
corps  du  livre,  sous  le  nom  de  Close  Sliake,  un  vibrato 
authentique  :  «Cet  ornement  ne  peut  se  figurercomme 
les  autres  au  moyen  de  notes.  Pour  l'exécuter,  il  faut 
appuyer  fortement  le  doigt  sur  la  corde,  et  déplacer  le 
poignet  du  dedans  au  deliors  et  vice  versa  lentement 
et  également.  "  Il  distingue  trois  espèces,  l'une  plus 
serrée  exprimant  la  majesté,  la  dignité,  l'autre  plus 
lente,  pour  la  douleur  ou  la  crainte,  la  troisième,  qui 
n'alTecleque  des  valeurs  brèves,  pour  en  embellir  la 
sonorité.  Il  en  recommande  l'emploi  aussi  souvent 
que  possible.  De  même,  les  théoriciens  français  (Cor- 
RETTK')  et  allemands  (Joh.  Qcantz,  Léopold  Mozart^, 
Lohlein'^,  etc.);  ces  derniers,  spécifiant  qu'il  n'en  faut 
pas  abuser.  Tartini,  dans  son  Traité  des  agréinens  de 
tarnusiqiie'',  traduit  par  Denis,  le  décrit  longuement  : 
«  On  produit  artificiellement  sur  le  violon,  sur  la 
viole  et  sur  le  violoncelle  ce  tremblement  avec  un 
doigt  qu'ontient  sur  la  corde,  en  imprimantce  trem- 
blement à  ce  doigt  par  la  force  du  poignet,  sans  que 
ce  doigt  quitte  la  corde  quoiqu'on  le  soulève  un  peu. 
Si  le  tremblement  du  doigt  est  lent,  l'ondulation 
qui  est  le  tremblement  du  son  sera  lente.  S'il  (p.  29) 
est  vif,  l'ondulation  sera  vive.  On  peut  donc  aug- 
menter la  vitesse  de  l'ondulation  en  la  commençant 
lentement  et  en  la  rendant  par  degrés  plus  vive.  On 
verra  dans  un  exemple  cette  augmentation  marquée 
par  de  petits  demi-cercles  dont  la  grandeur  et  la  pe- 
titesse marqueront  la  lenteur  et  la  vitesse  et,  par 
conséquent,  l'augmentation. 

(1  Exemple  d'une  ondulation  lente,  mais  égale  : 


E 


«  d'une  vive,  mais  égale 


f 


^ 


1.  Harmonicorum  Libri  IV,  p.  39  :  «  T;iniHs  qrip  les  cordes  sont 
parcourues  par  l'archel,  i!  laut  imprimer  au  doigt  des  vibrations  r6pc- 
tées,  pour  que  les  oreilles  et  l'âme  en  soient  ravies.  » 

2.  Canzon  detia  la  CancelUera.  in  \VAsïELEv\sKr,  lustnimentalsdt :e 
p.  29. 

3.  Eililion  anjîlaise,  17SI,  p.  8,  et  pi.  XVIU,  n»  H. 

4.  L'Art  de  se  perfectionner  dans  le  violon,  s.  d-,  p.  4. 

5.  Op.  cit. 

6.  Anweisiing  zitm  Violinspielen,  i~~A,  p.  ol.CkM?AcyQu,op.  cil., 
\ .  25,  repreiwlra  exactemenl  la  dé(initiun  de  Léop.  Mozart. 

7.  Paris,  La  Chevanlière,  s.  d.  (IT'IJ,  pp.  28-32.     " 


■'  et  d'une  qui  passe  par  degrés  de  la  lenteur  à  la 
vitesse  : 


«  (30)  Cet  agrément  ne  s'employe  jamais  dans  les 
demi-sons  (tons)  qui  doivent  imiter  non  seub-ment 
la  voix  humaine,  mais  encore  la  nature  de  la  parfaite 
intonation  jusqu'au  point  mathématique,  c'est-à- 
dire  que  l'intonation  ne  doit  point  être  altérée,  dans 
les  demi-sons,  et  elle  le  serait  par  le  tremblement... 
Cet  agrément  fait  un  très  bon  effet  à  la  note  finale 
d'une  phrase  musicale,  quand  cette  note  est  lon- 
gue... (31)  Il  fait  pareillement  un  fort  bon  ell'et  sur 
les  notes  longues  de  tel  chant  que  ce  soit  et  quelle 
que  soit  la  mesure,  quand  les  notes  sont  arrangées 
de  la  manière  suivante  : 


^nftffft^^mfflB 


Spohr  donne  aussi  du  vibrato  une  élude  détaillée*. 
11  distingue  quatre  degrés  de  vitesse. 

1"  Trémolo  (vibrato)  rapide,  pour  les  notes  forte- 
ment accentuées. 

2"  Trémolo  plus  lent,  pour  les  notes  traînées,  dans 
les  passages  d'un  cliant  passionné. 

3"  Trémolo  qui  commence  lentement,  et  qui  aug- 
mente graduellement. 

4°  Trémolo  qui  commence  rapidement,  et  qui  se 
ralentit  peu  à  peu. 

Pour  l'étude  physiologique  du  vibrato,  on  se  repor- 
tera aux  ouvrages  modernes  déjà  cités  de  M.  Herwegh, 
Lallement,  Flesch,  Eberhardt,  Trendelenburg,  etc. 
La  diversité  des  opinions  émises  quant  à  l'origine  du 
mouvement  (avant-bras,  poignet,  doigts),  sa  direction 
(d'avanl-arrière  et  vice  versa,  ou  de  haut  en  bas),  sa 
rapidité,  nous  en  interdit  l'examen  dans  une  étude 
nécessairement  abrégée. 

Double  corde. 

Nous  traitons  naturellement,  sous  ce  titre,  de  la 
polyphonie  du  violon,  qu'elle  soit  à  deux,  trois  ou 
quatre  parties.  On  devra  se  reporter  aussi  à  ce  qui 
concerne  l'arpège',  qui  ajoute  à  la  difficulté  de  la 
double  corde  celle  d'un  maniement  d'archet  spécial. 

Malgré  les  objections  de  quelques  grincheux, 
comme  Avison,  d'après  qui'"  la  double  corde,  «  même 

8.  Édition  française,  pp.  147-14!). 

9.  Voir  en  oulre  ce  qui  a  été  dit  plus  haut  de  la  scordature. 

10.  An  essay  upon  musical  expression,  Londres,  1753,  p.  1U8  :  «  In 
Ihe  hands  of  Ibe  greatest  Masteçs,  they  only  deaden  the  tone,  spoil 


1824 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


entre  les  mains  des  plus  grands  maîtres,  lue  la  sono- 
rité, fausse  l'expression  et  fait  obstacle  à  l'exécution, 
en  un  mot  contrecarre  le  talent  du  virtuose  ^t  ravale 
un  bon  instrument  à  lacondition  de  deux  instruments 
sans  relief  »,  les  violonistes  de  tous  temps  en  ont 
fait  le  plus  large  emploi. 

Parmi  les  piéclassiques  du  xvii«  siècle,  les  Alle- 
mands surlout,  Kel/. ,  Westhof,  Waltheb,  Biber, 
ScHMELTZER,  Baltzar,  pour  ne  citer  que  les  princi- 
paux, sont  des  maîtres  ('s  polyphonie.  Parmi  les  Ita- 
liens, Carlo  Farina,  Biagio  Mabin!  (qui  tous  deux  ont 
pu  être  intluencés  par  les  Allemands),  Uccellini, 
0.  M.  Grandi,  plus  tard  BASSA^■l,  Vitali,  etc.,  sans  les 
égaler,  ne  manquent  ni  d'audace  ni  d'ingéniosité. 
Les  Fiançais,  nettement  retardataires,  jusqu'à  1720 
environ,  pour  ce  qui  est  de  Texécution  des  difficultés, 
n'ont  pourtant  pas  attendu  J.M,  Leclair,  comme  on 
l'a  écrit  fort  longtemps,  pour  pratiquer  la  double 
corde.  Le  témoignage  de  Mersenne  en  1630  est  formel  : 
«  Encore  que  l'on  puisse  quelquesfois  toucher  deux 
chordes  de  violon  en  mesme  temps  pour  faire  un  ac- 
cord, »  dit  l'édition  française  ',  et  l'édition  latine  '-  est 
plus  explicite,  comme  il  advient  assez  souvent  :  n  Des 
quels  (doigts)  n'importe  lequel  peut  toucher  à  la  fois 
deux  cordes,  ensorlequ'ilproduit  unequintesurlavec) 
la  même  division  (en  immobilisant  une  même  lon- 
gueur sur  les  deux  cordes).  »  C'est  de  cette  façon  élé- 
menlaire  que  procède  l'Italien  Biagio  Marini^,  lors- 
qu'il discorde  son  violon  en  abaissant  la  chanterelle 
d'une  tierce,  ce  qui  lui  permet  d'obtenir  en  employant 
pour  chaque  double  corde  un  seul  doigt,  comme  on 
ferait  pour  des  quintes  sur  un  instrument  normale- 
ment accordé: 

Qui  SI  accorda  il  cantino  m  terza  minore 
0-12. 


4=t- 


$■■  t?>  I  e 


=«i= 


K 


On  ne  peut  prétendre  donner  ici  une  idée  très  com- 
plète des  ressources  que  les  différentes  écoles  ont 
trouvées  dans  la  double  corde.  Nous  nous  contente- 
rons de  quelques  exemples  significatifs,  rangés  chro- 
nologiquement, des  principaux  problèmes  résolus. 

Tierces  (difficulté  croissant  avec  les  positions  les 
plus  élevées). 

J.-P.  Westhoff.  Sonate,  169'i-,  allegro  (éd.  G-  Bkcr- 
MANN,  Simrock)  :  i;  •.  j    . 


^îïmnmmm 


GoRELLi.  Op.  V,  1700.  Sonate  III,  allrgro  : 


Gemimiam.  XII  Sonates,  Londres,   1716.  Sojiate  II, 

allegro  : 


the  expression  and  obstruct  the  exécution,  lu  a  word.  they  baflle  tlie 
Performers  art  aoi  briug  down  a  good  instrument  lo  the  state  ol  t«  o 
indifTorent  ones.  -»  Galea/zi  {op.  cit.,  pp.  177-17S)  fait  au  contraire  de 
la  doub'e  corde  un  panéjryrîque  en  l'orme  ;  mais  il  est  violoniste. 

1.  1636.  Loeo  cit  ,  p.  184. 

t.  Harmomconim  Lifn-i  IV,  liiSil,  p.  39  ;  «  tjiiorum  unusquisque 
fdifçilus)  duos  nervos  eodem  tempore  simul  tangere  potest,  ut  Dia- 
penle  Tacial  super  eadem  melatione.  » 

A.  Sonata  seconda  prr  il  viollno  d'inventione  {102'.*),  citée  par 
G.  UECfUix«N,  op.  cit.f  exemple  n"  .6. 


LocATELLr.  -{^  caprice,  1733  : 


GUILLEMAIN.   Ibid. 


{xn^j 


P.  Gaviniès.  Op.  I  (1760).  Sonate  VI,  adagio 


N.  Paganini.  Caprice  n"  i,  maestoso  : 


Chaînes  de  Sixtes. 

CoRELLi.  Op.  V,  1700.  Sonate  II,  allegro  : 


g#g= 


A.  Vivaldi.  Op.  8  (vers  1723).  Concerto  VII,  allegro  : 


kihW^ 


Tt 


M t 


Octaves.  —  Voir  plus  haut  les  brisures,  plus  loin 
les  formules  d'accords  de  trois  et  quatre  sons,  ainsi 
que  les  arpèges,  ceux  surlout  de  Locatelli.  La^^difli. 
cullé  des  octaves  s'accroît  dans  le  registre  suiaigu  : 
le  summum  semble  atteint  avec  ce  trait  du  septième 
caprice  de  Paganini  : 


8° 


m 


1»  i^f  :- 


i^ 


"W 


TECH.\IQ('E.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    1835 


Dixièmes.  —  Ua  (liflicullé  s'accroît  dans  le  ;;riive,     (cité  par  A.  Sghering,  Geschicidc  des  Iwitiuineutal- 
Técart  des  doi^;ls  ;iiif.'riieiitant  (au  contiaire  des  oc-     Aonzerts,  Leipzig;,  1903,  p.  H2J  : 
taves  qui  à  la   |iieiiiirre  el  à  la  deuxième  position  j 


représentent  pour  [:i  main  un  écart  d'abord  normal, 
qui  vase  resseri-.inl/lans  l'aif^ii).  Voir 
les  arpéf,'es. 

J.-B.  CriMs.  ()|i.  I  ii7:w).   Sonate 
troppo.  Avec  un  iiilorvalle  de  onzième 


r  aussi,  plus  loin,      -jt: 
//,    allegro  non       *" 


Tremais,  op.  1  (1736).  Sonale  IX  (double  trille  en 
extension)  : 


Joh.  GoTTLiEH  (iRAUN,  CoHCerlQ,  S.  d.  (avanl  17711 
Paganini,  Caprice  IV  : 


fr  f04t 


A.  LoLLi,  Sonates  a  deux  violons,  op.  IX  (vers  1780) 
(1"  violon)  : 

80-—----^^ -, 


P.  Baillot,  .\7/  Caprices,  op.  II  (1803)  (sur  les  deux 
cordes  graves)  : 


^  ^-^-  ,1,1    LUj 


ao 


-■«: 


^ 


Wfffffff 


Accords  de  trois  et  '/wilre  sons.  Accords  plaqués. 
'Biayio  Marixi  (1629)  (cité  par  G.  Beckmann,  op.  ait-,  exemple  5)  : 


1 


fe^ 


2~i-i: 


9^ 


xr  w-  »■      V  V- 


2=*: 


ë 


^      li  ^ 


^ 


J.-P.WE3THOFF.Swi?epoî(rijo;onse!(/(168.'',).  (Publiée 
par  le  Mercure  ^a/an/,  janvier  1683.)  Prélude  : 


i"  m\\\'i 


W 


Leclair,  livre  I  (1723).  Sonate  XII.  Allegro  (avec 
emploi  du  pouce)  : 


PjJJHJj/iJ 


f  rf»fffT"iT 


le  Pouce 
P.iGANiNi,  Capriie  I  : 


GuiLLEUAiN,  op.  I  (1734).  So»a<<; /J.  Allemande: 


iuiMH 


l.ocATELLi,  op.  III  (1733).  Caprice  V 


'I^flflfj 


Le  Blanc,  La  Citasse,  menu  it  ivers  (1745)  : 


^rtj 


Etm 


u    u      u    ul 


Copyrif/ht  by  Librairie  Delayrav,  l'J::7 . 


115 


1826  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOSNAIRE  IW  CONSERVATOIRE 

ViEUXTEUPS,  Concerto,  op.  X.  Allegro  : 


Ibid. 


J.  HuBAY,  Cinq  Études  de  concert,  op.  H5  : 


^^ 


■miiT^ 


S:       K__J1 


pi 


#i: 


ti^ 


Sïi//e  polyphonique. 
C.  Farina,  Capj'icî'o  Sirai'agon^e,  Dresde  (1627)  : 

£ira  variata 


Haltzar,  Division  on  a  ground  :  John  corne  kiss  me  (Division  violin,  Londres,  1683,  p.  12)  : 


Ibid.  : 


^^m 


/1i:j'J>    Jr 


Ihlil.  : 


'1111  I  Ini  U'i  |i'«f'r' 


GsMiNiANi  (1776)  (XII  sonates)  : 


jjuIuàUû 


J -S.  Bach,  Adagio.  Sonate  llI.Sona(es  l'i  violon  seul  vers  1720  : 


VVP 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    18-27 


Ibid.  : 


Fugue.  Sonate  1 


WÏÏWWW 


Fugue.  Sonate  III  : 


r'^^^^'Hlr^'^'^ 


1?.  Campagnoli,  6  Fugues  pour  violon  seul.  Op.  10  (vers  1815)  : 


J.  JoACHiM.  Deuxième  cadence  pour  le  concerto  de  Beethoven 

J  i  U  ij 


rrf^ 


—    —     —    —    —       ■*- -±     —   —       a- I  -■    -     — 


lU'l     l'rpT 


Unisson  sur  deu.v  cordes.  —  Exemples  à  partir  de 
l'iANi,  op.  I,  ll[2,  pi'élude  de  la  I"  sonate;  G.  Mossi, 
op.  I  (vers  1725),  sonate  IV,  allegro;  exemples  nom- 
breux après   1750  :   Nardini,  sonate  dixième  (1760), 

J.-S.  Bach.  Sonate  lll,  vers  1720,  Andante  : 


1 12  de  l'Art  du  violon  de  Cartier;  L'Abbé  le  Fils,  cha- 
conne.  Principes  du  violon,  1761. 

Chant  soutenu  accompagné  en  valeurs  uniformes. 


y  m 'Ut 


p.  Nardini  lattrilniée  à).  Sonate énigmatique,  n°  148 
de  r.irt  du  violon  de  Cartier  (Hésolution)  : 


J.  Stamitz  (Exercices  à  violon  seul  qui  doivent  imi- 
ter deux  instruments  par  leurs  exécutions.  Paris,  Sie- 
ber,  s.  d.  (vers  1773),  I  : 


Andxntti 


Même  procédé  emplové  par  Hubert  Léonard  dans 
son  op.  2,  Souvenir  d  Haydn,  et,  à  partir  de  1S50, 
dans  de  nombreuses  cadences  de  concertos. 

Chant  souienu  accompagné  par  un  trémolo.  — 
Vivaldi  est  probablement  l'un  des  premiers  vir- 
tuoses qui  se  soient  avisés  de  placer  sous  un  chant 
un  accompa^'nement  en  battements  rapides  de  tier- 
ces ou  de  quartes,  tel  que  celui-ci  (Op.  VIII,  concerto 
II,  l'Eté)  : 


Preste 


1828  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 

C'esl  le  même  eliel  que  recherche  J.-M.  Leclaib,  el  qu'il  obtieiil  avec  une  richesse  accrue  au  début  de 
la  sLiii'me  simate  du  livre  IV  (1738)  : 


ÀlltffO 


T^iTT^ 


±mii,.i..iu^.i~-À 


r'T'VO  r 


«  Pour  que  le  trait  du  commencement  de  celle 
sonale  fasse  son  etfet,  il  faut,  à  chaque  accord,  faire 
entendre  la  note  d'en  haut  la  première,  el  tenir  les 
trois  cordes  sous  l'archel;  les  petites  notes  indiquent 
une  esp^>ce  de  tremblement  continuel  qui  doit  sortir 
de  l'acrord  et  se  battre  le  plus  viste  et  le  plus  fort 


qu'il  se  pourra.  La  petite  marque  <  sifjnifie  les  deux 
sons  qu'il  faut  battre  l'un  contre  l'autre.»  (Note  de 
Leclaih.) 

Leclair  avait  d'ailleurs  esquissé   cet  effet  dans  la 
sonate  IV  du  même  livre,  où  il  écrivait  : 


Andanie 


fe^ 


i 


I  I    I    I     Mil     Mil     I  I    I    I      I  I   I    I      es^s 


Le  m'me  procédé  a  été  employé  par  Baillot  pour 
sa  cadence  du  1"'  concerlo,  op.  III  (vers  1800),  par 
Fr.  PiiiiMK,  dans  sa  MéUinaolie,  op.  1,  variation  1, 
Pagamm,  dans  le  Caprice  n°  fi,  Mendelssobn,  dans  le 
milieu  de  l'jindanle  du  concerlo  en  mi  mineur.  On  en 
Irouveia  plus  loin  une  variante  dans  la  combinaison 
du  Irille  el  d'un  chant. 

Doidtlc  liilk. —  On  l'emploie  généralement  sur  l'in- 
tervalle de  tierce.  Dés  1688,  .l.-J  Walther  en  donne 
dans  Vlliirhdits  chelirus,  sonate  XXVlll,  cet  exemple, 
précédé  de  sa  préparation  : 


Cetrilleà  latierce  sera  fréquemment  employé  dés 
le  début  du  xviii=  siècle,  m(^nie  dans  l'école  française 
(Marcband  le  fils.  Suites  de  pièces,  1707.  Quahnème 
suite;  i  -M.  Leplair,  B.  Anet,  Guillemain,  etc.)  Plus 
tard,  I'Arbé  le  Fils  le  risquera  même  aux  positions 
élevées,  comme  dans  l'op.  VIII  (vers  1705),  smiaie  11  : 

Allegro  assai 


,^■.1  TiT  rîr'f 


Il  précise,  ailleurs,  dans  la  méthode  déjà  citée 
(p.  (5ii),  le  doigté  à  employer  lorsqu'une  corde  à  vide 
se  présente  :  en  ce  cas,  il  n'emploie  pas  le  premier 
doigt,  jugé  trop  faible,  mais  le  deuxième  et  le  qua- 
trième : 


De  nos  jours,  on  a  poussé  la  technique  du  double 
trille  à  des  limites  que  les  œuvres  de  Paganini  n'a- 
vaient pas  atteintes  :  l'emploi  qu'en  fait  en  particu- 
lier KocHANSKi  (cadence  pour  le  concerto,  op.  35  de 
K.  SzYMANOwsKi)  dans  l'extrême  registre  aigu  est  tout 
à  l'ait  digne  de  remarque.  Le  double  ti-ille  à  la  sixle 
est  employé  depuis  Leclair  (livre  I,  1723).  Le  doigté 


qu'indique  Léopold  Mozart  (Méthode,  1756)  atteste 
de  la  [lart  de  qui  l'employait  une  dextérité  surpi-e- 
nante  : 


2     1    2    1     Z  1 


10    10    10 


Baillot  (op.  cit.,  p.  81)  résout  le  problème  plus  élé- 
gamment au  moyen  des  doigtés:  3  2  3  2,  etc. 

10  10 

Le  triUe  à  l'octave  nécessite  une  extension  en 
même  temps  qu'un  resserrement  des  doif^ts  qui  tril- 
lent  contre  les  doigts  fixes  :  difficulté  aboidahle  à 
peu  de  violonistes.  On  en  a  déjà  trouvé  une  ébauche 
chez  'I'remais  (op.  I,  1736,  sonate  IX,  citée  plus  haut)  ; 
en  l'espèce,  il  ne  s'agissait  peut-être  que  d'un  court 
battement.  Mais  Paganini  écrit  [Caprice  n"  3)  : 


tr 


80- 


tr 


tr 


tr 


On  peut  aussi  ne  triller  que  sur  la   note  inférieure 
ou  supérieure  :  Ch.  Prokofief,  cunccrto  op.  19  : 


Enfin,  depuis  fort  longtemps  on  a  songé  à  faire  mou- 
voir un  chant  ou  un  contour  mélodii|ue  quelconque 
au-dessus  ou  au-dessous  d'un  trille  soulenu.  L'exem. 
pie  le  plus  connu  est  celui  du  Trille  du  Diable  de 
Tartini(1713)'  : 


).  Daté  d'après  le  récil  de  La  Lande,   Yoyntjc  en  Italie,  IX,  l'aiis, 
IT86,  p.  53. 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   VIOLON    18-W 


TBïnSf 


LocATELLi  use  <ie  ce  procédé  dès  son  œuvre  III 
(1733,  Caprices  V  et  Vltl).  Dans  l'œuvre  VIII  (menuet 
varié  ile  la  sonate  VI),  il  Irille  allernalivement  au 
f^rave  et  à  l'aigu  de  la  mélodie  : 


I 


ife 


'irvv 


vA>M|JrJ 

<>  I  tt-fr— 


tiff  ffr 


Les  méthodes  de  Léopold  Mozart,  de  Woldemar' 
BoRNET  l'aîné,  l'étudient  systématiquement.  On  en 
trouvera  des  applications  plus  délicates  au  six"  siècle, 
chez  WiE.NiAWSKi  {Souvenir  de  Moscou,  etc.),  ou  Joachim 
(première  cadence  pour  le  concerto  de  Beethoven)  : 


tr 


tr 


t> 
tr 


tr 


tr 
SX 


S3. 


M 


rrr^ 


^^ 


;'  "^ffrvvf 


s=^ 


Pédagogie.  —  Ainsi  qu'il  a  déjà  été  indiqué  plus 
haut,  l'élude  de  la  double  corde.  Jadis  r'elé;,'uée  à  la 
lin  des  études  de  main  gauche,  est  pratiquée  main- 
tenant beanciHip  plus  tôt,  et  considérée  à  la  fois 
comme  un  élément  technique  nécessaire  en  soi, 
comme  un  précieux  assouplissement  de  la  main 
gauche  (cf.  plus  haut  Gemimani  se  servant  de  la 
double  corde  pour  contrôler  le  placement  correct  delà 
main),  et  même  icf.  Gacet,  o;).  ci<.,  p.  26  et  suivantes) 
comme  un  exercice  propre  à  développer  le  mordant, 
l'équilibre  et  la  souplesse  de  l'archet.  A  telles  ensei- 
gnes (]ue,  dans  certaines  méthodes  tout  à  fait  récentes, 
comme  celle  d'AHeo  Buya  (Milan,  1923),  le  débutant 
est  presque  immédiatement  entraîné  à  conduire  son 
archet  sur  deux  cordes,  en  utilisant  des  intervalles 


simples,  quinte  (à  vide),  octave  (une  corde  à  vide) , 
uinsson  (une  corde  à  vide).  Une  pédagogie  minutieuse 
régit  ces  piemiers  exercices.  De  même,  dans  la 
méthode  d'Armand  Parent  (en  cours  de  publiration, 
mars  1926),  les  doubles  cordes,  à  la  première  position, 
sont  ainsi  préparées  : 


'f'/ili^i'JiJJi^ji^^ 


Pour  les  changements  de  position,  en  double  corde, 
on  en  a  également  analysé  le  mécanisme,  el  Klksch 
[op.  cit.,  p.  29)  propose  les  préparations  suivantes  : 


Il  faudrait  également  tenir 'compte  îci  des  études 
adaptées  aux  exigences  de  l'harmonie  moderne:  Ar- 
mand. Parent  (20  Eludes  de  virtuosité,  1017),  M.  Her- 
WEGii  {op.  cit.],  Chaumont,  nombre  d'autres  maîtres 
contemporains  s'elforcent  d'assouplir  et  de  codilier 
des  formules  harmoniques  dont  les  compositeurs 
non  violonistes  ont  généralement  piis  l'iniliative,  et 
qui  posent  aux  exécutants  des  problèmes  parfois  dé- 
licats. A  la  base,  subsistent  toujours  les  recueils 
considérables  de  Do.nt,  Schradiecr  el  Sevcik,  et,  sur 
un  plan  plus  reculé,  les  travaux  déjà  cités  de  Baillot 
et  de  Spohr. 

Arpège. 

L'arpège  (accord  dont  les  notes,  au  lieu  d'être  frap- 
pées simullanénient,  sont  égrenées  comme  sur  la 
harpe)  l'ait  paitie  intégrante  de  la  technique  de  la 
viole,  dont  les  six  ou  sept  cordes  disposées  en  ac- 
cords consonants  en  impliquent  nécessairement 
l'emploi.  On  conçoit  que  le  violoa  l'ait  de  bonne 
heure  adopté. 

Il  est  probable  que  le  Capriccio  de  Biagio  Marini 
(1629)  cité  plus  haut,  est  déjà  arpégé.  Aux  environs 
de  1670,  l'école  allemande  (Schmelzer,  Walter,  Biber, 

1.  Paris,  Cochet,  s.  d.  (vers  1800). 


Westhopf)  nous  "offre  un  choix  considérable  de  for- 
mules arpégées.  J.-J.'WALTHER,dans  sesSc/ier27(1676), 
distingue  des  arpèges  liés  et  détachés-. 

Eu  France,  il  est  possible  que  l'on  n'ait  pas  accepté 
très  volontiers  les  coups  d'archets  légers,  variés,  fan- 
taisistes auxquels  prête  l'arpège.  Les  gamliisles  mon- 
taient une  garde  sévère  autour  de  leurs  arfiègements 
sérieux,  «  à  la  corde  •>;  le  passage  suivant  de  Jean 
lîOLSsKAu',  dans  le  chapitre  consacré  au  dessus  de 
viole,  semble  attester,  chez  les  violonistes,  le  même 
esprit  conservateur:  «Une  faut  jamais  pialiquerces 
passages  du  haut  eu  bas,  el  du  bas  en  haut  à  coups 
d'archet,  ce  que  l'on  nomme  des  ricochets,  et  que 
l'on  ne  soulfre  mesme  qu'avec  peine  dans  le  jeu  du 
violon.  Il  Une  certaine  variété  se  fait  jour  cependant 
chez  nos  premiers  auteurs  de  sonates;  Duval,  Mar- 
chand, écrivent  des  pièces  k  par  accords  »,  où  l'on 
trouve,  des  17li)  (Duval,  5°  livre,  sonate  VI.  lUii)  ûe^ 
arpèges  alleret  retour  tels  que  : 


i.  Cf.  BecKMANN,  op.  cit. 

■h  Traité  de  la  viole,  1687,  p.  73. 


1830 


ENCrCLOPÈniE  DE  LA   MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


La  palme  levient  encore  aux  Italiens,  du  moins 
pour  ce  délint  du  xviii»  siècle.  Corelli,  de  qui  la  vir- 
tuosilé,  ennemie  des  effets  accrobatiques,  semble  se 
cantonner  dans  les  limites  de  la  technique  courante, 
arpèpe  sur  ces  accords  (op.  V,  sonate  I,  1700)  : 


Bon  nombre  de  ses  arpèges  sont  alternativement  sur 
4  ou  3  cordes,  ou  sur  3  et  2,  comme  (ibid.  sonate  II]  : 


qui  doit  se  résoudre  ainsi  : 


m^M^^ùiiûdi^^ 


ToBKLLi  l'égale  au  moins  en  ingéniosité,  et  Vivaldi 
les  dépasse  tous  deux  avec  des  formules  telles  que  a 
(op.  VIII,  concerto  S),  b  (op.  VI,  concerto  o),  c  (ms. 


Dresde,  Cx,  1025),  d  (ib.),  e  (ib.,  Cx,  1045),  dont  la 
disposition,  avec  le  mi  à  vide,  est  de  celles  qu'affec- 
tionne J.-S.  Bach. 


® 


UàMâM 


FFFrTFFT 


MLj^^j^^  ''- 


© 


'[^    '"^-^  '^  '"^  " 


^     ® 


l7UÂ^J'i\\MMl\  hJ^I^i^^ 


© 


u 


■p  -0 


gE»  ftB5nliili(S 


i*|oo!ti 


^^f"^i ^ 


,^>°M 


M'M'dMMi 


t 


r 


La  plupart  des'contemporains  de  Vivaldi  inventent 
à  plaisir  des  figures  qui  combinent  arpèges,  bario- 
lages et  brisures.  Castrucci,  avec  son  op.  II  (vers 
1734),  est  (larini  les  plus  féconds  novateurs.  Il  le  cède 
cependant  en  richesse  à  Locatelli,  à  cet  égard  l'un 


des  plus  grands  techniciens  de  son  siècle.  Je  citerai 
seulement  quelques  mesures  a  du  fameux  Labennfo 
armonico  fop.  III,  caprice  XIV  1733)  et  de  l'op.  VIII, 

sonate  F  (vers  1733-40): 


■4 

tt- 

■4 

^ h* 

■4 

r>.,f^,.^^,4j|l,^^4J,1^4J 

^ 

i% 

M 

f^=#^ 

^  r  iM    f' — f —  f       f 

Geminiani,  le  premier,  donne  dans  sa  Méthode  (op. 
cit.,  édition  anglaise,  pp.  28-29)  le  tableau  détaillé 
des  dilférents  coups  d'archet  applicables  aui  arpèges; 
il  en  énumère  dix-neuf.  Mais  on  ne  peut  dire  que 
cette  liste  représente  un  niveau  de  virtuosité  aussi 
élevé  que  celui  des  Caprices  de  Locatelli.  Au  con- 
traire, I'Abbé  Le  Fils  {op.  cit.,  pp.  1761.  ."iO-SI),  s'il 


n'est  pas  très  inventif  en  matière  de  coups  d'archet, 
pratique,  à  la  main  gauche,  de  périlleuses  escalades, 
où  l'extension  du  quatrième  doigt  est  systématisée. 
GuiLLEMAiN,  dans  SOU  Amusement  pour  le  violon  seul,  op. 
XVIII,  caprice  XII  (1762),  imagine  un  nouvel  effet  de 
lenue  accompagné  d'un  arpège,  assez  voisin  de  celui 
que  Paganini  exploitera  dans  son  sixième  caprice  : 


LE    VIOLON    1831 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 

Ce  sera  l'une  des  plus  puissantes  originalilés  de  1  mands  comme  Pisendel,  J.-S.  Bach,  J.-H.  Graun, 
Gaviniès  d'avoir  à  la  fois  assimilé  les  trouvailles  de  1  ïelemann,  et  ajouté  à  leur  si  riche  répertoire. 
LocATELLi,  de   I'Abbé  Le  Fils  et   Guillemain,  d'Aile-  \  Exemples  tirés  des  Matinées,  op.  Yl,  1794  ou  1800)  : 


Si  difficiles  que  soient  les  problèmes  posés  par 
LocATELLi  et  Gaviniès '.Paganini  a  pu  renchérirencore 
sur  eux  en  arpégeant  à  l'extrême  registre  aigu  et  en 


exigeant  tout  à  la  fois  une  légèreté  et  une  précision 
accessibles  à  peu  de  virtuoses,  comme  dans  son  pre- 
mier caprice,  sur  la  formule  : 


H.  ViEuxTEMPs  {Les  Arpèges,  op.  15),  Wieniawski, 
Ernst,  ont  développé  autant  qu'il  se  pouvait  cette 
technique.  Plus  près  de  nous,  la  difficulté  s'est  accrue 
du  fait  de  la  constante  évolution  vers  une  tonalité 


plus  mobile.  Cette  nouvelle  orientation  des  formules 
d'arpèges  est  déjà  indiquée  dans  Brahms,  qui  use 
volontiers  de  schèmes  asymétriques  (Finale  du  con- 
certo, op.  77)  : 


ScHRADiEca  et  surtout  Sevcik  ont  donné  aux  violo- 
nistes un  énorme  choix  d'études  d'arpèges.  On  les 
peutcompléter  utilementparrassoiiplissenient  ultra- 
moderne  que  constituent  les  Modernes-Toonladdir 
d'Arnold  Drilsua-,  et  le  recueil  déjà  cité  de  M.  11er- 

WEGH. 

Pédagogie.  —  Nous  avons  vu  que  Gi-minian^I'Arbé 
Le  Fils,  et  il  faudiail  ajouter  la  plupart  des  auteurs 
de  traités  théoriques,  ont  accorilé  à  l'arpège  une 
certaine  attention.  Mais,  en  raison  même  de  la  pio- 
digieuse  variété  des  traitements  qu'il  peut  subir,  on 
n'en  trouvera  nulle  part  le  commenlaire  1res  détaillé 
des  divers  modes  d'exécution.  Les  remarques  de 
Baillot^  sont  partiellement  périmées  :  ou  ne  pros- 
crit plus  aussi  sévèrement  qu'il  le  fait  la  participation 
du  bras,  et  on  n'arpège  guère  de  la  moitié  de  l'ar- 
chet qui  va  vers  le  talon.  La  plupart  des  pédagogues 


1.  On  ne  peut  que  citer  Ips  recueils  classiques  diludes  de  Kredt/er, 
lioDE,  FioRii.1,0  ;  ils  sont  entre  toutes  les  mains,  et  les  principaui  élé- 
ments de  la  technique  y  sont  traités  de  façon  presque  exhaustive. 

i.  Op.  cit.,  Amsterdam,  s.  d.  (1915). 

3.  Up.  cit.,  pp.  liM2:). 


contemporains  préconisent  un  mouvement  auque' 
participent  poignet,  avant-bras,  arriere-bras.  Quel- 
ques conseils  judicieux  chez  C.  Flesch',  qui  recom- 
mande l'usage  d'une  fraction  aussi  courte  que  pos- 
sible; un  mouviment  du  bras  aussi  régulier  et 
continu  que  possible;  une  coïncidence  exacte,  dans 
les  arpèges  détachés,  entre  les  mouvements  de 
l'avant-bras  et  de  lanière-bras;  dans  le  legalo,  l'ar- 
chet tiré  pour  l'arpège  ascendant,  et  poussé  pour 
l'arpège  descendant,  si  le  mouvement  est  rapide; 
dans  les  mouvements  lents,  licence  d'adapter  le  coup 
d'archet  aux  nécessités  de  l'expression. 

Harmoniqnes» 

Les  ressources  des  sons  harmoniques,  dont  on  a 
parfois  attribué  la  découverte  à  Paganini,  étaient 
bien  connues  dès  le  xvii«  siècle,  et  probablement  de 
longue  date  déjà,  des  joueurs  de  trompette  marine. 
Deux  savants,  Philippe  de  Lahire''  et  Joseph  Sau- 

i.   Op.  cit.,  p.  03. 

3.  Explication  des  diff'érerices  de  sons  de  la  corde  tendue  sur  la 
trompette  miirine,  1694. 


1832 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


vkur',  sans  parler  de  l'Hon.  Francis  Hoberts^,  dont 
le  niémoire  nous  est  cité  de  façon  assez  vague,  en 
ont  exposé  la  tiiéorie. 

La  première  application  au  violon,  portée  parfois 
au  crédil  de  Domeiiico  Ferrari,  sur  la  loi  sans  doute 
de  l'historien  Burney  (III,  p.  562),  revient  de  façon 
certaine  à  J.-J.  Gassanéa  de  Mondonville,  qui  l'expose 
tout  au  long  dans  son  œuvre  IV  :  Les  Sons  Harmoni- 
ques, Sonates  à  violon  seul  avec  la  Basse  Continue, 
Paris  et  Lille,  s.  d.  (vers  1738).  Ce  recueil  a  été  étudié 
de  très  près  par  M.  de  la  Lauruncie  dans  l'ouvrage 
souvent  cité'',  auquel  on  se  reportera.  Notons  seule- 
ment que  Mondonville  ne  va  pas  au  fjelà  des  harmo- 
niques produits  au  moyen  d'un  seul  doigt  effleurant 
la  corde  à  intervalle  de  quarte,  de  quinte  ou  d'octave, 
qu'il  indique  ainsi  : 


Tn« 


*=* 


Il  lui  arrive  souvent  de  noter,  en  l'affectant  du  même 
signe,  la  note  réelle,  produite  par  l'effleurement  de 
la  corde  : 


11  n'use  d'harmoniques  doubles  qu'à  intervalle  de 
quinte;  et  ne  connaît  pas  les  harmoniques  produits 
avec  deux  doigts,  l'un  servant  de  sillet  mobile. 

Après  lui,  Chabran  (op.  I,  sonate  V,  entre  1750 
et  1760),  GiARDiNi  (op.  I,  sonate  IV,  vers  1750)  em- 
ploieront les  harmoniques  doubles  avec  plus  de 
hardiesse. 

L'Abbé  Le  Fils'-  complète  l'expérience  de  Mondon- 
ville et  de  GiARDiNi.  Sa  méthode  expose  toute  la 
série  chromatique  des  harmoniques  qui  se  font  au 
moyen  soit  d'un  doigt,  soit  de  deux  (le  second  eflleu- 


rant  la  tierce  ou  la  quarte  du  doigt  fixe).  Il  les  indi- 
que ainsi  : 


I 


fln; 


le  doigt  appuyé  désigné  par  la  noie  carrée,  le  doigt 
effleurant  par  la  note  ronde  suinioniée  d'un  0.  Il 
sait  même  triller  en  sons  harmoniques  :  il  faut  pour 
cela  "  ne  point  appuyer  le  doigt  de  la  note  que  l'on 
emprunte  pour  la  Cadence  ».  On  n'ira  guère  plus 
loin  dans  cette  voie  jusqu'à  Paganim.  C'est  en  effet 
lui  qui,  ayant  développé  comme  on  sait  l'usage  des 
harmoniques  simples,  les  employa  en  double  corde 
de  la  façon  la  plus  ingénieuse,  la  plus  délicate  aussi. 
L'exposé  de  ses  découvertes  demanderait  un  volume  : 
on  l'a  écrit,  et  nous  y  renvoyons  1h  lecteur.  C'est  le 
traité  de  Charles  Guhr  sur  l'Ai-t  de  jowr  du  Violon 
de  Piiganini,  paru  en  allemand  en  1831,  traduit  en 
français  peu  après  chez  Schonenbkrgkr  (voir  surtout 
les  pp.  17  à  47)''.  Jacque^-Férénl  Mazas  a  également 
donné,  vers  1832,  une  Méthode  de  violon,  suivie  d'un 
traité  des  sons  harmoniques  en  simjdi'  et  doubh'  corde 
(Pans,  Frey;  Bonn,  Simrock).  Baillot  op.  cit., 
pp.  217-222)  étudie  assez  brièvement  les  harmoni- 
ques, mais  il  décrit  une  sorte  de  flautato  non  signa- 
lée avant  lui*^  :  «  Il  est  encoie  un  moyen  d'obtenir 
des  sons  harmoniques  que  le  hasard  nous  a  fait  dé- 
couvrir :  en  posant  les  doigts  un  peu  plus  que  pour 
effleurer  la  corde  et  toutefois  beaucoup  moins  que 
pour  les  sons  ordinaires,  et  en  excitant  vivement  la 
vibration  de  la  corde  par  l'archet,  chaque  note  (autre 
que  les  harmoniques  naturels  la,  ré,  sol)  sonne  alors 
à  l'octave,  si  l'on  a  soin  de  placer  l'archet  au-dessus 
de  l'extrémité  de  la  touche  su  louant  sur  la  deuxième 
et  la  troisième  corde,  et  de  l'en  éloigner,  lorsqu'on 
joue  sur  la  quatrième. 

<c  Jusqu'à  présent,  ce  moyen  ne'nous  a  paru  prati- 
cable qu'à  la  première  position  sur  les  cordes  la,  ré,, 
sol,  et  dans  les  traits  suivants  »  : 


AUeg, 


A  la  vérité,  il  ne  semble  pas  que  l'on  soit  allé 
beaucoup  plus  loin,  dans  cette  branche  de  la  techni- 
que, que  ne  l'avait  fait  Paganini.  Krnst,  Sivohi, 
WiENiAwsKi,  restent  plutôt  en  deçà  de  leur  modèle. 
De  nos  jours,  si  la  musique  pratique  n'enregistre 
pas  non  plus  de  progrès  notable,  il  faut  du  moins 
signaler  les  recueils  d'études,  extrêmement  abon- 
dants et  fouillés,  parmi  lesquels  ceux  de  Sevcik 
occupent  une  place  de  choix. 


1.  l'rincipr.-i  d'arousliffitc  et  de  miisigue  (1701-1702). 

2.  Auteur  d'un  mémoire  sui'  la  trompette  et  ta  trompette  marine, 
iilîéré  dans  tes  Phit(^s<lphicnl  Trausartioni  for  1692.  D'après  le»  Mé- 
moires M.  R.  NuRiH.édit.  KimliauM.  1846,  p.  193. 

3.  I,  pp.  4'iG-i;iO. 

4.  <Op    cit.,  pp.  72-73. 

5.  Hl:nu^■-A[.I.l;^,  De  Fitliculis  biblioijrapltia,  18^0-1893,  signale  eoU3 


Pizzicato. 

L'emploi  du  pizzicato  doit  être  aussi  vieux  que  le 
violon  :  il  semble  impossible  qu'on  n'y  ait  pas  songé 
dès  l'origine,  ne  fût-ce  que  par  analogie  avec  la 
technique  du  luth.  On  en  trouve  en  tous  cas  l'indi- 
cation positive  dans  le  Comlialtimento  di  Tancredi  c 
Clorinda  (1626),  où  Montervedi  note  :  (■  qui  si  lascia 
l'arco,  e  si  strappano  le  corde  con  duoi  ditli  ». 
et  plus  loin  «  qui  si  lipiglia  l'arco  ».  .lohann 
Jacob  Waltiier,  dans  VHoitulus  Chelicus  (1688),  écrit 
en  pizzicati  tout  un  Lento  harpegijiante.  L'orchestre 

le  n"  "2171»  un  ouvrage  anonyme  :  Paf/nninis  Method  of  prodiicinij  tïte 
Hannonic  Do'dUe  Stops,  LonduD,  s.  d.  (1840). 
G.  Sinon  peut-être  par  Galeazzi  {pp.  cit.,  p.  172). 


TECHNIQUE,  ESTIJÉTIQVE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    1833 


dramatii|ue  {Adonis  de  Keinliard  Keiser,  1697,  etc.) 
en  usera  constamment.  Sur  l'exécution  du  pizzicato, 
les  maitres  du  xviu=  siècle  ne  sont  pas  d'accord. 
Leclair  (Scylla  ct'filaucus,  1746,  acte  V.  p.  loi)  désire 
que  l'on  pitice  les  cordes  avec  le  pouce.  J.-J.  Quantz' 
accepte  celte  pralif]ue  au  seul  cas  (c'était,  il  est  vrai, 
celui  du  passade  précité  de  Leclair)  où  ion  doit 
pincer  un  accord  de  trois  sotis.  Dans  les  autres 
cas,  il  préfère  l'emploi  de  l'index.  Liihlein''  au- 
torise les  deux  procédés.  Pour  le  premier,  on  prend 
le  violon  sous  son  bras  comme  une  guilare;  pour  le 
second,  on  j.'arde  l'instrument  placé  comme  dans  le 
Jeu  coWarco.  Baillot-"  n'est  pas  moins  libéral  :  "  On 
fait  généralement  le  pizzicato  avec  la  partie  charnue 
du  pouce,  en  tenant  le  violon  comme  une  guitare, 

AlJpfjro  nnn  tr'ippo 

F    1    î    i     2    1 


c'est-à-dire  en  travers  sous  lavant-bras  droit.  Lors- 
qu'on a  peu  de  notes  à  faire,  ou  lorsque  le  mouve- 
ment ne  laisse  point  le  temps  de  mettre  le  violon 
dans  cette  position,  on  pince  la  corde  avec  l'index  ou 
avec  le  pouce  de  la  main  droite,  principalement  dans 
les  accords,  tenant  alors  la  hausse  <le  l'archet  avec 
les  deux  derniers  doigts  plies.  En  plaçant  le  pouce 
veis  le  milieu  de  la  touche,  on  obtient  des  sons 
doux.  »  Berlioz,  dans  son  Grand  Traité  d'Inxtru- 
mcntation',  souhaite  que  l'on  adopte  des  doigtés  de 
guilare  qui  permettraient  un  pizzicato  rapide  et  la 
piatique  de  notes  répétées  :  (P  =  pouce  de  la  main 
droite;  i,  2,  3  :  index,  médius  et  annulaire  de  la 
main  droite)  : 


0   0    0 


4  0  0 


C'est  chose  faite  aujourd'hui,  et  la  plupart  des  vio- 
lonistes d'orchestre  ont  à  leur  disposition  un  pizzi- 
cato nuancé  de  l'extrême  pp  au  ff,  et  aussi  agile  que 
le  demandait  Berlioz. 

Pizzicato  de  la  main  gauche.  —  Baillot  [Ioco  cit., 
p.  224)  déduit  avec  netteté  les  inconvénients  de  ce 
pizzicato  :  "  La  corde  ne  vibrani  pas  aussi  librement 
auprès  du  sillet  que  dans  les  endroits  où  elle  est  plus 
éloignée  de  la  touche,  le  son  est  sec.  Ce  défaut  ne 
peut  être  corritjé  comme  avec  la  main  droite  qui  met 
la  corde  en  vibration  vers  le  milieu  delà  touche  pour 
en  tirer  des  sons  moelleux.  Les  didgts  de  la  main 
gauche  ne  peuvent  d'ailleurs,  à  cause  de  leur  position, 
avoir  la  même  force  que  le  pouce  et  l'index  de  la 
main  droite,  et  s'ils  ont  plus  d'agilité  en  raison  du 
secours  qu'ils  se  prêtent  mutuellement,  en  pinçant 
la  coi'de  l'un  après  l'autre,  ils  ont  moins  d'empire 
sur  elle.  » 

Le  premier  exemple  certain  de  cet  artifice  acroba- 


tique (car  certains  passages  de  Vllortnlim  chelicus  de 
Walther  en  laisseraient  supposer  l'emploii  a  été 
signalé  par  M.  de  la  Lauren'Cie''  chez  le  curieux  et 
mystérieux  violoniste  qu'est  M.  de  Tremais  (la  diffi- 
culté s'aggrave  là  du  fait  que  l'instrument  est  dis- 
cordé) : 


'Fizz 


Fizz,. 


Put. 


Les  Stamitz,  Johann,  s'il  en  faut  croire  Woldemar^, 
et  à  coup  sur  son  fils  Antoine'',  ont  usé  du  pizzicato 
de  la  main  gauche.  De  même  Mestrino,  au  dire  de 
GunR.  Mais  PAGA^'l^:l  se  montre  singulièrement  plus 
hardi  que  ses  devanciers.  Témoin  ces  quelques  me- 
sures de  la  quatrième  variation  de  i\c/  cor  pin  non  mi 
si'uto  : 


GuHR  iop.  cit.,  p.  14-15)  a  donné  des  exemples 
accompagnés  de  commentaires  qui  n'ajoutent  aux 
indications  déjà  acquises  que  celle-ci  :  »  Il  faut 
toucher  les  cordes  (pour  les  notes  non  pincées)  seu- 
lement avec  une  petite  partie  de  l'archet  presque  en 
sautant.  »  M.-O.-C.  Dounis"  a  imaginé,  pour  l'étude 
de  ce  pizzicato,  des  exercices  dans  lesquels  on 
immobilise  deux  doigts  (notes  blanches),  tandis  que 
les  deux  autres  travaillent  : 


1.  Op.  cit.,  p.  2"8. 

±.  Anweisiaiff  zum  Violinspieten,  1774,  pp.  96-'.ï7. 
3.  Op.  cit.,  p.  ii'i.  Si'OHR  (p.  131  do  l'éd.  française)  pnrtage  l'opi. 
uiûn  de  Baiu.ut. 
i.  Pp.  28-a9. 


Enfin,  reste  à  signaler  la  combinaison  du  chant 
colTarco  et  du  pizzicato  simultané  delà  main  gauche. 
H.  W.  ERNsr  en  a  usé  dans  son  Carnaval  de  Venise 
(op.  19,  variation  13)  : 

Jrco         Segnia 


rijo. 


îTTfYulff 


A.  Léonard,  dans  son  Souve)2ir  de  llaijn-i  (op.  2),  ponc- 

:j.  Ojt.  Cit.,  III,  1924,  p.  lûli.  Le  passage  on  que^^tion  ost  eitrait  de 
loi»,  IV  de  TtiEMAis  (vers  1740),  sonate  II,  Andnntino.  Dins  lu  niiïme 
sonate,  l'allegro  contient  d'autres  passades  aoi  ogiic*. 

6.  Nouvel  Art  de  l'archet,  13«  variation. 

7.  Six  Sonates  pour  violon  et  basse,  Paris,  Borrelly,  s.  d.  Sonate  I. 
Menuet. 

8.  Op.  cit. y  pp.  GS-69. 


1  s:i4 


ENCYCLOPÉDIE  DK  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOSNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


tue  d'un  pizzicato  lu  noie  supérietire  d'un  arpège 
sautillé.  .loACHiM  écrit  (première  cadence  pour  le  con- 
certo lie  Beethoven)  : 


Arco 


Fixz.w  f 


f  V  r  r 


sans  imaginer  cependant  rien  de  plus  hardi  que 
l'exposition  de  la  troisième  variation  de  AV/  cor  piu 
ou  le  Duo  pour  violon  seul  de  Paganini. 

Glissaiido,  imitations,  artifices  acrobatiques. 

Reste  à  parler  de  divers  procédés  de  virtuosité  un 
peu  extérieure,  destinés  à  produire  des  ellels  spé- 
ciaux, et  que  la  technique  Iraditionnelle  n'étudie 
pas.  Par  exemple,  certains  glissandos,  en  général 
chromatiques,  que  l'on  ne  semble  pas  avoir  exploités 
avant  le  xix"  siècle,  avec,  soit  un  staccato  d'archet 
qui  en  facilite  l'exécution,  soit  un  legalo  qui  oblige 
la  main  gauche  à  produire  elle-même  des  demi-tons 
exacts  séparés  par  un  arrêt  bref  du  doigt  qui  glisse. 
M.  Herwegh,  qui  appelle  ce  glissando  glissando  à 
crans,  écrit'  :  «  On  l'obtient  en  utilisant,  pour  passer 


au  cran  suivant,  l'effet  réactif  de  la  corde  qui 
repousse  légèrement  le  bout  du  doigt  dans  le  sens 
inverse  du  trait,  à  chaque  cran.  Cet  etft^t  réactif  lui 
sert  aussi  d'instant  d'arrêt  et  de  point  de  rebondis- 
sement pour  sauter  au  cran  suivant.  Celte  partie  du 
mécanisme  utilise  donc  un  réllexe  automatique  du 
doigt  vis-à-vis  d'une  rapide  réaction  mécanique  de  la 
corde.  On  le  facilite  en  orientant  le  doigt  le  moins 
obliquement  possible  à  la  corde  et  en  opérant  la 
pression  de  la  pulpe  assez  verticalement,  condilions 
qui  facilitent  l'accrochement  et  le  ressaut.  »  Exem- 
ples :  Paganini,  Caprice  en  si  h,  Rériot,  Concerto  II, 
op.32(preniierallegro),SAiNT-SAENS,//'(î'ani(ùse,  I.ALO, 
Symphonie  Espagnole  (point  d'orgue  de  landante). 
L'op.  .35  de  Szvmanowski  propose  cette  formule  : 


^Pf  \Hs. 


Vf 


^ 


m 


m 


fei 


Peut-être,  le  fameux  «  couler  à  la  Mestrino  », 
dont  nous  n'avons  d'autre  échantillon  que  celui  de 
la  méthode  de  Woldemar  (p.  33),  était-il  un  glissando 
de  cette  sorte;  mais  il  avait,  de  toute  évidence,  des 
fins  expressives  : 


Il  est  d'autres  ressources,  encore  plus  exception- 
nelles, auxquelles  les  violonistes  ont  recouru  parfois 
pour  enrichir  de  façon  plus  ou  moins  éphémèie,  plus 
ou  moins  heureuse,  la  palette  sonore  dont  ils  dis- 
posaient. Baillot  lui-même,  que  l'on  nous  présente 
comme  un  puriste  austèie  (voir  plus  haut),  donne, 
dans  son  Art  du  violon-,  une  étude  de  sa  propre 
composition,  où  il  s'agit  poui'  l'exécutant  de  proliter 
de  ce  que  le  sol  grave  est  joué  à  vide  pour  le  baisser 
au  fa  dièse  sans  s'interrompre  : 


"  fin  tournant  la  cheville  " 

(Mote  de  Baillot  J 

Ailleurs^,  se  défendant  par  avance  du  reproche  de 
charlatanisme,  il  enseigne  la  manière  de  faire  en- 
tendre des  quadruples  cordes  continues  en  démon- 
tant l'archet,  et  en  passant  la  baguette  sous  la  table 
inférieure  du  violon,  la  convexité  de  la  mèche  la 
faisant  porter  sur  les  quatre  cordes  à  la  fois.  C'est 
ainsi  qu'Alexandie  Boucher*,  prié,  en  1801,  de  tou- 
cher l'orgue  de  .Ségovie,  en  fournit  à  son  auditoire 
un  équivalent  qui,  dit-il,  lit  illusion. 


i.  Op.  cit.,  p.  10. 

2.  P.  341,  mesures  15  et  16  de  rcxcmple. 

3.  P.  227. 

4.  G.  Vali.at,  Études  dldstoîre,  de  mœurs  et  d'art  musical,  1890, 
p.  lOS. 


On  est  ici,  malgré  les  dénégations  de  Baillot,  à 
proximité  immédiate   de  l'imitation  chailalanesque. 

11  n'est  besoin  que  de  rappeler  le  Capriccio  Strava- 
gunle  de  Carlo  Farina  (1627),  si  souvent  cité,  pour 
retrouver  les  racines  profondes  de  cet  art  d'amu- 
sement, tantôt  résolument  aniiniusical,  tantôt  cô- 
toyant de  fort  près  la  musique  ou  s'y  mêlant  assez 
intimement  pour  qu'on  ne  puisse  sans  diiticiilté  faire 
le  départ.  Farina"  reproduit,  non  sans  fierté,  la  Ijre, 
le  coq  et  la  poule,  le  fifre  militaire,  la  trompette,  le 
miaulement  du  chat,  que  l'on  oNtient,  expli(|ne-t-il, 
I'  en  tirant  légèrement  en  arrière  le  doigt  qui  produit 
la  note  écrite;  aux  croches,  on  doit  tirer  et  pousser 
l'arcliel  furieusement,  tantôt  en  avant,  tantôt  en  ar- 
rière du  chevalet,  comme  les  chats  lorsqu'ils  se  sont 
griiféset  moi  dus  l'un  l'autre,  et  qu'ils  se  sauvent.  )> 
Il  sait  aussi  batire  les  cordes  avec  le  bois  de  l'ar- 
chet. Comme  Buïeldieu  le  fera,  (|iieli|UH  deux  siècles 
plus  lard  (1800,i,  dans  l'ouverture  du  Calife  de  Bag- 
dad. 

Les  qualités  imitatives  du  violon  sont  d'ailleurs 
prônées  avec  le  plus  grand  sérieux  f)ar  Mersenne", 
qui  lui  sait  gre  d'évoquer  parfaitenn^nl  tous  les  sons, 
le  chant  des  oiseaux,  «  la  douceur  du  luth,  la  gaieté 
et  la  véhémence  de  la  trompette  militaire,  l'admi- 
rable diversité  de  l'orgue,  jusqu'au  braiment  de 
l'âne,  et  a  tout  ce  que  Je  violoniste  peut  désirer  imi- 
ter ».  Chez  les  Allemands,  J.-J.  WALTUERva  plus  loin 


5.  Cf.  Beckmann,  op.  cil.f  pp.  ly-17  et  exemple  3.  Cf.  aussi  Wasie- 
LEWSKI,  / n.^t ntmi'7i  tnlsti t ze . 

6.  iidltion  liline  :  Harm.  Instr.  tihri  I\\  103(1,  p.  39.  Ce  passage 
est  tronqué,  romme  bien  d'autres,  dans  l'édition  française. 


TBCHNIQIE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÊOACOG/E 


LE    VIOLON    l«î5 


dans  l'acrohatie  pure,  quand  il  donne  '  une  pièce  pour 
un  seul  violon  joué  par  deux  violonistes,  une  autre 
qu'il  intitule  :  Sérénade  pour  un  ensemhie  de  violons, 
un  orgue  (otgano  tiemolante),  une  guitare,  une  cor- 
nemuse, deux  trompettes  et  tambours,  une  vielle  eu 
puilare  (lira  ledesoa),  une  liarpe  en  souidiiie,  par  un 
violon  seul.  (Quoi  qu'en  dise  le  litre,  ces  elTels  sont 
évoqu»^s  successivement,  et  demandent  moinsde  vir- 
tuosité qu'on  ne  serait  tenté  de  le  croire.)  bes  con- 
temporains de  Mozart,  comme  Jacol)  Sciieller  ou 
Mirhel  EssER,  s'amusant  :  le  premiei',  à  parodier  le 
chant  de  vieilles  religieuses  en  posant  sa  labatière 
sur  son  violon  en  guise  de  sourdine  ;  le  second,  à  imi- 
ter le  psaltérion-,  en  battant  les  cordes  du  bois  de 
sou  archet  à  la  manière  de  Farina,  continuent  celle 
tradition.  Moins  excentrique  est  l'imilation  de  la 
viole  d'amour,  assez  souvent  tentée  par  les  violo- 
nistes, en  particulier  Castri'Cci,  qui  indique^  :  «  Les 
sonates  V  et  VIII  à  l'imitalion  de  la  viole  d'amour, 
Avec  une  sourdine  ad.  lib.  ■>  B.  Campagivoli  écrit  aussi 
une  Sonate  notlurne  :  Vllliision  de  la  vinle  d'amour, 
op.  16,  où  il  combine  la  scordature  et  l'usage  de  la 
sourdine. 

Enfin  Baillot,  que  nous  avons  déjà  vu  tenler,  en 
matière  de  sonorités  nouvelles,  quelques  expériences 
risquées,  ne  s'en  est  pas  tenu  là.  Et  voici  d'autres 
suggestions  {Art  du  violon,  op.  140)  :  «  Indépeiidam- 
menl  du  timbre  qui  appartient  au  violon  en  général, 
et  de  celui  qui  dépend  de  la  facture  de  chaque  vio- 
lon en  particulier,  il  est  une  variété  de  timbre  que 
chacune  de  ses  cordes  est  susceptible  de  recevoir  de 
l'exécutant,  et  au  moyen  de  laquelle  on  pnut  donner 
au  violon  le  caractère  du  Hautbois,  celui  de  la  Flùle, 
du  Cor,  de  la  Trompette,  de  l'Armonicn,  et,  sous  le 
rapport  de  sou  harmonie,  le  caractère  de  la  Harpe, 
du  Piano,  et  même  de  ÏOrgue-  —  P.  14  :  Timbre  du 
Hautbois  :  Appuver  l'archet  un  peu  plus  qu'à  l'ordi- 
naire, le  rapprocher  du  chevalet,  et  que  l'on  sente 
que  les  aspérités  du  crin  retiennent,  pour  ainsi  dire, 
les  vibrations  de  la  corde  (sur  la  deuxième  corde).  — 
P.  142  :  Timbre  de  la  Fliile  (troisième  corde  surtout)  : 
On  promène  l'archet  sur  la  touche  très  légèrement 
et  avec  rapidité  afin  de  laisser  à  la  corde  la  plus 
grande  liberté  possible.  —  P.  143  :  Cor  (quatrième 
corde)  :  11  suffit  d'appuyer  assez  fortement  lesdoigls 
et  l'archet  pour  donner  à  ces  sons  de  la  franchise  et 
du  mordant  lorsque  le  mouvement  est  vif,  et  beau- 
coup de  rondeur  lorsque  le  mouvement  est  lent,  et 
de  rapprocher  l'archet  du  chevalet  pourque  la  force 
de  vibration  n-ndeplus  fidèlement  les  sons  nobles  et 
touclians  du  cor.  —  P.  143  :  On  produit  également 
sur  la  quatrième  corde  les  sons  de  la  Trompette  eu 
montant  jusqu'aux  notes  très  élevées,  et  en  donnant 
plus  de  foii*e  et  de  mouvement  à  l'archet.  » 

Et  Baillot,  ayant  (pp.  22o-226l  expliqué  le  phé- 
nomène du  triii^icme  son  et  indiqué  un  moyen  de 
l'observer  aisément,  en  posant  sur  le  violon  une 
Il  clef  de  quatre  à  cinq  pouces  de  longueur  »  du  côté 
de  la  quatrième  corde,  prés  du  chevalet,  écrit  une 
courte  pièce  qui  permette  d'exploiter  cet  elfet,  et  la 
commente  ainsi  :  ce  Si  l'on  veut  essayer  de  rappeler 
sur  le  violon  une  partie  de  la  puissance  de  l'orgue, 
on  y  réussit  d'autant  mieux  par  le  procédé  dont 
nous  venons  de  parler,  que  le  roulement  occasionné 
par  le  mouvement  de  la  clef  sur  la  table  du  violon 


imile  le  ronfiement  de  l'orgue,  et  que  cnlte  imita- 
tion peut  faire  illusion  pendant  queb|ues  inslans, 
surtout  si  l'on  joue  dans  une  salle  un  peu  retentis- 
sante. » 

On  peut  supposer,  sans  témérité,  que  ces  essais 
de  coloris  ont  été  suggérés  à  Baillot  par  l'audition 
de  Paganini,  pour  le  talent  de  qui  on  seul  cIihz  lui  de 
l'admiration,  un  peu  de  méfiance,  et  le  d''sir  de  ne 
point  se  laisser  abuser  par  certains  procédés  qu'il 
peut,  à  l'expérience,  analyser.  De  ces  procédés  ou 
des  inventions  qu'ils  suggérèrent  à  Baillot,  les  uns 
(imitation  de  l'or'gue,  quadruple  corde  continue)  ont 
fait  faillite  et  font  désormais  les  beaux  jours  des 
clowns  musicaux';  la  plus  grande  part  s'est  incorpo- 
rée tout  natuiellemenl  à  la  technique  sinon  de  l'ins- 
Irument  soliste,  du  moins  du  violon  d'orchestre.  A 
ce  titre,  et  en  raison,  aussi,  de  l'assouplissement  de 
main  gauche  et  d'archet  qu'elle  impose  à  qui  s'en 
rend  maître,  cette  virtuosité,  un  peu  charlatanesque 
dans  ses  manifestations  extrêmes,  méritait  qu'on  ne 
la  passât  pas  sous  silence. 

Marc  PINCHERLE. 


1.  HoHulus  Cheliciis,  l(is8,  sonates  XVII  el  XXVIIl. 

2.  Cf.  WoLDEMAB,  Nouvel  Art  de  l'archet,  Paris,  Coclicl,  s.  d.  (vers 
léOU)  p.  6. 

3.  Op.  II.  vers  1734. 


LES  VIRTUOSES  DU  VIOLON 

Les  virtuoses  ont  été  étudiés  dans  la  première 
partie  de  l'Encyclopédie;  on  y  trouvera  en  particu- 
lier d'abondantes  notices  sur  les  maîtres  des  xvi«  et 
xviii=  siècles  italiens  (pp.  737-787,  jusqu'à  Viotti 
inclusivement),  allemands  (pp.  986-1009  et  1014 
sqq.),  français  (pp.  1312-1;)25). 

>ions  ne  pouvons  songer  à  entrer  dans  le  même 
détail  pour  ce  qui  est  du  xix«  siècle  :  les  talents  y 
sont  en  telle  abondance  que  M.  Andréas  Moser, 
dans  son  livre  déjà  cité^,  n'a  pu  fournir,  en  quelque 
cent  cinquante  pages  compactes,  qu'une  documen- 
tation succincte,  encore  qu'excellente. 

.Nous  nous  sommes  donc  bornés  à  indiquer  l'évo- 
lution des  diverses  écoles  après  1800,  en  groupant 
autour  de  chaque  maUre  ses  principaux  disciples, 
nous  aidant  pour' cela  des  tableaux  synoptiques  déjà 
dressés  par  Moser*,  P.  Stoeving'',  A.  Bonaventura", 
P.  David',  etc.,  et  des  biographies  particulières. 

Il  va  sans  dire  que  ces  listes  n'ont  qu'une  valeur 
indicative,  nullement  absolue  :  la  plupart  des  violo- 
nistes ont  eu  plusieurs  maîtres,  et  il  n'est  pas  tou- 
jours aisé  de  déterminer  celui  de  qui  l'influence  a  été 
le  plus  marquante  :  de  plus,  au  fur  et  à  nresnre  que 
l'on  s'approche  des  temps  modernes,  la  leclinique, 
sinon  le  style,  tend  à  s'unifier.  Entre  la  façon  dont 
un  élève  d'AuER  et  un  élève  de  Cai>et  tiennent  leur 
archet,  il  y  a  beaucoup  moins  de  difi'érence  qu'entre 
la  façon  dont  en  usaient  respectivement  un  Krançais 


4.  Il  faul  cependant  noter  que  le  désir  d'interpréter  de  façon  aussi 
polyphonique  que  possible  la  musique  destinée  au  violon  seul,  en  par- 
ticulier par  l'ancienne  école  all.maude  (Biceh,  Waliukh,  WesTHorf, 
J.-S.  Bach),  a  récemment  encore  suscite  des  recherches  intéressantes. 
I.e  viohiniste  Hermann  Berho  ski  a  construit,  à  cet  elfet,  un  archet 
dont  la  courbure  est  calculée  de  manière  à  lui  permettre  de  s'appli- 
quer à  la  fois  sur  les  quatre  cordes.  Cf.  Zeilschrifl  fur  J/usiA-,  juillet 
et  novembre  1926. 

5.  Geschiclile  des  Violinspiels,  Berlin,  1923. 
0.   Op   cil. 

7.  The  StoTii  of  the  violin,  Londres,  s.  d. 

8.  Storia  del  violino.  Milan,,  1925  (Manuel  HoEr>l.i). 

9.  Gbove's,  Dictionary  of  Mustc  and  ifusicians,  V,  19U  (article 
Violin  Playing). 


1836 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DfCTIOMVAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


et  un  Italien,  tout  proches  voisins,  uu  début  du 
xviii°  siècle.  D'où  la  sécurité  toute  relative  de  ce 
genre  de  filiations. 

Élèves  de  Jean-Bapliste  VioKi  (I7.;.3-I82'S). 

Albaï  (Paul),  dit  Alday  Io  jeone  (1764-I8:!5). 
Baillot    (Pierre-Marie-François    de    Salliîs)    (1771-1S42), 
élève  aussi  de  Poli.ani. 

Cartikr  (Jean-Baplisle)  (1765-1841). 

DDRAND(Augusle-Félix),dit  Dubano\vski(c.  1770  +  poxl  lS3i). 

I/IBON  (Philippe)  (1775-1S38). 

MoRi   (Nicolas)  (1796-1839). 

PiXES  (Friedrich-Wilhelm)(  1786-1 842),  élève  aussi  deFRAE.szL. 

RoBBBRECHTS  (André)  (1707-1860). 

Rode  (Jacquos-Pierre-Joseph)  (1774-1830). 

Élevés  lie  Baillot  ( — >•  Violli). 

Dancla  (Jean-Bapliste-Charles)  (1818-1907). 

Hadeneck  (François-Anloine)  (1781-18i9). 

Maurin  (Jean-Pierre)  (1822-1894),  maître  à  son  tour  de 
Henri  Bkbthelier  (né  1856)  et  Lucien  Capet  (1873). 

Mazas  (Jacques-Féréol)  (1782-1849). 

Meerts  (Lambert-Joseph)  (1800-1863),  élève  aussi  de  Habe- 
>ECK  et  Lafoxt.  Maître  de  Hugo Heermann  (né  I  844). 


Élèves  de  Pixis  (- 


Viotti). 


Kai.liwoda  (Johannes  Wenzeslaus)  (1801-1866). 
Mildner  (Morilz)  (1812-1865). 

Élèves  de  Kobliererhis  ( — >  Violli). 

Bbriot  (Charles-Auguste  de)  (1802-1870). 
Ramaccioti  (Tullio)  (1819-1910),  chef  de  la  jeune  école 
maine,  de  Sangtis,  Mcnacuesi,  Pinelli,  etc. 


Élèves  de  Rode  (- 


Violli) 


BûHM  (Joseph)  (1795-1878). 
GoÉNÉB  (Luc)  (1781  +  ?). 

Lai-onf     (Charles-Philippe)     (1781-1839).  élève    aussi     de 
R.  Kricutzer. 

RiETZ  (Kduard)  (1802-1832). 


Élèves  de  ilabeneck  (- 


Baillot 


Viotli). 


Alard   (Delphin)  (1815-1888). 

CoviLLON  (Jean-Baptiste  de)  (1809 -{-?). 

LÉONARD  (Hubert)  (1819-1890). 

Pbdme  (François-Hubert)  (1816-1849). 

Satntom  (Prosper-Philippe-Gatherine)  (181Î-189  0  ). 

Élèves  d'Alard  ( — ►  Habencck  — i-  Baillot 
>-  Viotli). 

.  Garcin  (Jules-Auguste)  (1830-1896). 
Sarasate  (Pablo-.Martiu  Melilou)  (1.844-1908). 
Tda  (Teresina)  (née  1866),  aussi  élève  de  Massa  rt. 

Élèves  de  Léonard  ( — >•  Habeaeck  — ►  Baillot 
— >■  Viotli). 

Diîx.iREMONT  (Maurice)  (1868-1893). 
Marsick  (Marlin-Pierre-Josephj  (1848-1924). 
Marteau  (Henri)  (né  1874). 
MusiN   (Ovide)  (né  1854). 
Thomson  (César)  (né  1857). 
ViARDOT  (Paul)  (né  1857). 

Élèves  de  Marsirk  < — >-  Léonard  — >■  Habeneck 
— )•  Baillot y  Violli). 

Enesco  (Georgp.s)  (né  1881),  aussi  élève  (1'Hel.i;uesdehger. 
Flesch  (Cari)  (né  1878),  élève  aussi  de  GRiiN. 
R  BNEu   (Adolf)  (lié  1876). 
Thibadd  (Jacques)  (né  1880). 

Élèves  de  de  Bèriot  ( — >■  Robbereclils  — >  Violli). 

Ladterbach  (Johann-Christoph)  (1832-1918). 

M.-LANOLLO  (Maria)  .(1832-1848). 

MiLANOLLo  (Térésa)  (1827-1901),  élèves  aussi  de  Cm.uera  et 

MOBBA. 

Mo.NASTERio  (Jésus)  (1836-1903). 

Saobet  (KmiJe)  (l&â2-1920),   maître  de  Tor  Adli.n    (1806- 
911). 


ViEoXTEMrs  (Henri)  (1S20-1881),  maître  d'Eugène  YSAYE(né 
1858),  maître  lui-même,  avec  Kefer,  de  Grickboom  (Mathieu) 
(né  1871). 

Élèves^de  Bœhni  ( — >  Rode  — >  Violli). 

Dont  (Jakob)  (1815-1888),  maître  de  Léopold    Von  Acer  (né 
1845),  élève  aussi  de  Ridlev  Ivohne  et  Joachim. 
EBNST'(Heinrich-Wi!helm)(  181 4-1876), élève  aussi  de  G.  Hell- 

MESBEBliEB. 

Grùn  (Jakob)  (1837-1916). 

Hellmesbeboer  (Georg)  (1800-1873),  maître  de  son  fils  Joseph 
(1828-1893),  de  Ernst,  de  Haoser. 

Joachim  (Joseph)  (1831-1907). 

Rappolui  (Eduard)  (1831-1903). 

Remenïi  (Eduard  Hoffmann,  dit)  (1830-1898). 

.Stradss  (Ludwig)  (1835-1899). 

SiSGEE  (Edmond)  (1830-1912),  maître  de  Hans  Becker  (1860- 
1917). 

Élèves  de  Jos.  Hellniesbereer  senior  ( — >  Boelini 
— >  Rode  — >•  Viotti). 

BR0D3KY  (Adoir)(né  1851). 

Kneisel  (Franz)  (né  1865),  élève  aussi  de  GBii.N. 

Élèves  de  Auer  ( — >  Dont  — y  .loacliim  — >•  Bochin 
— >  Rode — ^>' Violli). 

Elman  (Mischa)  (né  1891). 
Harrisos  (May)  (née  1890). 
Heiketz  (Jascha)  (né  1901). 
ZiMBAUsT  (Efrem)  (nélSffO). 


Elèves  de  Joacbiin  (- 


-Rode  — >■  Viotli.) 


Arbos  (E.  Fernandez)  ,(né  1863),  élève  aussi  de  Mqnastébio 

et  ViEDXTEMPS. 

Bdrmester  (WîHy)  (né  ISfiS). 

Eldiuiins  (Bram)  {né  '18C&),  élè«e  aussi  de  Hidbat,  maître  de 
Adolf  BrscH  (né  1891). 

GREiiOEo\viT.-cn  (Charles)   (né    1867),  maître  de  BnoMsi.A-w. 

Hubkkmann  (né  1S'S2),  élève  auïside  Lotto  et  de  Joachim. 

Haur  (Karl)  i  1859-1 90«). 

Hess  (Willy)  (né  1S59). 

HoLLAENDER  (Gustav)  (1855-1915),  élève  aussi  de  Ferdinand 
David. 

Hubay  (Jeno)(né  1858). 

Klinsler  (Karl)  (né  1879). 

Kruse  (Johann)  (né  1859). 

MosER  (Andréas)  (né  1859). 

Nachez  (Tivadar)  (né  1S5S),  élève  aussi  de  Léonard. 

PETRI  (Henri)  (1856-1914). 

PowELL  ^Mau4)  (née  18fi8), élève  aussi  de  .Schbadieck,  Dan- 
cla, etc. 

.SoLDAT-RÔBEE  (Marie)  (née  186'4). 

WiETROWETZ  (Gateielle)  (née  1866),  élève  aussi  de  Geyer  et 
Gasper. 

Élèves  de  Uuba)'  ( — >■  .loacbini  — >■  Bœbni 
— >■  Rode  — f  Viotli). 

Geyer  (Stetfi). 

ELDEBiNH(Bram)  (né  1865),  élève  aussi  de  Joachlm. 

SzKiETi  (Joseph)  (né  1892). 

Vecsey  (Franz  von)  (né  1893). 

Élèves  de  Lndwig  Spobr  (  i7li1-l)!»!)> 
( — ►  Franz  Kck >  S.-F.  Eck  — >■  Uanner-l'ran/.l). 

Barghekr  (Karl-Ludwig)  (1831-1902). 
Bi.agbove  (Henry-Gamble  (1811-1872). 
BoTT  (Jean-Jose'ph)  (1826-1895). 
David  (Ferdinand)  (1810-1873). 
K.iMPEi,  (Auguste)  (1831-1891). 
Holmes  (Henry)(  1839- 1905). 
Mater  -Filippowicz  (Elise)  (1T94-I811). 
MoLiQUB  (W'ilheim-Bernhardl    (1802-18t>9) ,    éli>ve    au.ssi    de 
RovELLi,  maître  de  John  Tiplady  C.vbrodds  ,(1838-1895). 
RiES-Hubert)  (1802-1886). 
Saint-Ldbin  (Léon  dff)  (1805-1850),  élt-ve  aussi  de  Polledeo. 


Élèves  de  Ferdinand  David  ( — »  Spolir 


•  Franz  Eck). 


HiLF  (Ar.no)  (1858-1909). 

ScHBADiEciL  (Henry)  (né  1846),  élève  aussi  de  Léonard. 

Wii.HKLMj  (Auguste)  (1845-1908). 


TECHNIQVE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLON    1837 


Élevés  de  Rodolplie  Krrutzpi-  (I7(;(i-I88l) 
( — ►  Antoine  Slaniiiz). 

Artot  (Alexandri'-Josoph  d')  (1S15-1815). 

Lafont  (Ch.-I'hiliiipe(1781-18:i9),élùve  aussi  de  Behtheadme 
et  de  Rode. 

Massabt  (Lambert  Joseph)  (lSll-1892). 

RovELi.i  (Pietro)  (1793-1838), maître  deMoLiQon  eldeT/iiii-is- 
CHBBCK  (1799-18B7). 

Élèves  de  UassarK — >•  R.  Kreutzer). 

Hatot  (Maurice)  (né  1862). 
Kreisliîr  (Fritz)  (né  1875). 
LoEFKi.ER    (Charles-Martin)  (né  1861), élèveausside Léonard 

et    JOACHIM. 

LoTTO  (Isidor)  (né  1840). 

Ondricek  (Franz)  (1859-1922). 

RiKS  (Franz)  (né  1816). 

TcA  (Teresina)  (né  1S67),  élève  aussi  d'ALARD. 

Urso  (Camilla)  (1842-1902). 

WiKNiAWSKi  (Ilonry)  (1835-1880). 

Élèves  de  Pixis.  Friedrich- Wiltieini  (1786-1842) 
( — >^  Violti  — >-  Krauzl), 

Kalli-woda  (Jenn-Wenzel)  (1S0O-1M8)'. 
.MiLDNER  (.Moritz:    1812-1865). 
Slavik  (Joseph)  ^,1806-1833). 


Élèves  de  Mildner  < — >■  Pixis  ■ 


Violti). 


Bennewitz  (Anton)  (né  1883). 

Hrimaly  (Johann)  (1844-1915),  maître  de  Michael  Press  (né 
1S72)  et  d'.Alexandre  Pc.tschnikoff  (ni'  1873). 

I.AUn  (Ferdinand)  (1832-1875),  maître  de  Stanislas  BARCEWrrz 
(né  1858). 

Wirth  (Emmanuel)  (né  1842),  élève  aussi  de  Kittl. 


Élèves  ite  Bennenitz  ( — ).  Mildner 


Pixis  — )•  violti). 


Ualir  (Karl)  (né  1859-1905),  élèveausside  Joachim. 
Hoffmann  (Karel)  (né  1872). 

Ondricek  (Franz)  (1857-1922),  élève  aussi  de  .Ma.ssaet. 
Sevcik  (Ottakar)  (né  1852). 

Élèves  de  Sevcik  ( — >•  Bennenitz  — >  Mildner  — >•  Pixis 
— >■  Violti). 

Hall  (Mary)  (née    1884),   élève  aussi  de  Krose,  Mossel  et 

WiLHELMJ. 

KooiAN  (Jaroslaw)  (né  1883). 
KnsELiK  (Jan)  (né  ISSO). 

l'Kiirs  GROi  Pi':s 

Élèves  de  Mayseder  (Joseph)  (17B0-I8(>.3) 
( — y  \.  et  P.  Wranilzky  et  J.  Schuppanzigh). 

De  Ahxa  (Heinricli)  (1835-1892),  élève  aussi  de  Mildner. 
Haoser  (Miska)  (1S22-18S7j,  élève  aussi  de  R.  Kreutzer  el 
Sechter, 


Lènpold  Jansa  (|7!(1>-I87;>;. 

Norman-Neroda  (Wilma)  (1839-1911). 

Antonio  I.olli  (I73U-IS02). 

Jarnowick  (Giornoïichi  M.)  (1745-1804)  a  lui-même  pour 
élèves  Bridgetowbr  (Oeorge  Polgreen)  (1779(?)-1860),  et 
Franz  Clément  (1780-1842). 

Woldemar  (Michel)  (1750-1806)  a  lui-même  pour  élève 
Alexandre  Boocuer  (1778-1861),  élèveausside  Navoioille. 

Écoles  italiennes. 

Toscane  :  Oidliani  (17û0-?)  ( — ►Nardini),  maître  de  Giob- 
c.ETTi  (Ferdinando)(  1796-1  So7),  maître  à  son  tour  de  (iiovACCHiN 
(CTiovacchino)  (1825-1906). 

Bologne:  Verarw  (Carlo)  (1831-1870),  maître  à  son  lourde 
Sarti  (Federico)  (1858-1921),  qui  a  pour  élève  Seratd  (Arrigo) 
(né  1877  — ),  etde  Frontali  (RatTaello)  (1849-191UJ,  maître  de 
DeGoABNiERi  (né  1867)  et  Principe  (Remigio)  (né  1889). 

Gênes:  Paganini  (Niccolo)  (1784-1840), élève  de  Seevetto, 
Costa  et  A.  Rolla),  a  pour  élève  Sivori  (Camillo)  (1815-1894), 
maître  à  son   tour  de  Scalero  (Rosario)  (né  1870). 

Verceil  :  Fkrrara  (Bernardo)  (1810-1882),  élève  de  Rolla, 
a  pour  élevés  ARDiTi(Luigi)(1822-1903),RAMPAZziNi  (Giovanni 
(1835-1903). 

Brescia  :  Camisani  (Faustino)  (1772-1830),  a  pour  élève  Baz- 
ziNi  (Anlonio)  (1818-1897). 


L'ENSEIGNEMENT  DU   VIOLON  AU  CONSERVATOIRE 
DE   PARIS' 

Dates  d'enseignement. 

F. Blasids  (1793-1 801);  P. Blasios (1783-1802)  ;Gdénin (1793- 
1800)  ;  Gavinies  (1795-1800);  La  Hodssat»(1795-1SU2|  ;  GoÈ- 
RiLLOT  (1795-1802);  Rode  (1795-1810);  Grasset  (1800-1816;) 
Habeneck,  adjoint  (1808-1810);  R.  Kredtzer  (1793-1825i;  A 
Kbeotzer  (1820-1832);  Alard  (1S43-I875  ;  Maiirin  (1875- 
1894);  Berthelier  (1894  — )  ;  Baillot  (1795-1842);  Massart 
(1843-1890);  Garcin  il890-lS96);  Remy  (1896  — )  ;  Habeneck 
(1825-1848);  Gdébin  (1852-1860)  ;  Ch.  Dancla  (1860-1892)  ; 
Lefort  (1892-1925);  Girard  (1847- 1860);  Sadzay  (1860-1892); 
Marsick  (1892-1900);  Nadacd  (1900  — )  ;  BoncHERiT(1919  — ). 

Classes  préparatoires  pour  les  précédentes:  Clavel 
(1822-1831  —  1S37  —  1846)  ;  Goérin  (1822-lS32j. 

Classes  préparatoires^:  Chaîne  (1875-1882);  BÉROD  (1882- 
1892);  A.  ToRBAN  (1892-1894);  Hayot  (1894-1896);  A.  Bron 
(1896-1926);  LoisEAn(1926  — );  Garcin  (1S75-1S90)  ;  Desjar- 
i.iNS  (1890-1910);  Touche  (1910—). 


1.  Jusqu'à  H'UU,  d'après  Constant  Piehue,  Z.eCowMrra(oîre  nalional 
de  musique  et  de  déclamation,  P.tris,  I9ûn,  p.  0(.iT. 
î.  IL,  p.  61-- 


L'ALTO 


Par  Th.  LAFORQE 


PROFESSEDR    AO    CONSERVATOIRR 


L'alto  est  un  instrument  un  peu  plus  praml  que 
le  violon  et  qui  se  tient  comme  lui  sous  le  menton 

Cel  instrument  doit  être  joué  par  des  violonistes, 
car  il  l'aut  toujours  comm  ncor  par  jouer  du  violon 
avant  d'entreprendre  le  jeu  de  l'alto. 

On  peut  débutei' néanmoins  par  1  alto,  mais  le  Ira- 
vail  sera  plus  lourd  et  li-  sujet  aura  la  virtuosité  pi'- 
nible.  les  deux  instruments  peuvent  être  cultivés  en 
même  tnmps;  l'un  ell'autre  s'aidant  réciproiiuemeiit. 
contrairement  à  l'idée  préconçue,  que  l'on  se  lait  sou- 
vent, que,  l'écart^ment  des  doigts  de  la  main  gauilie 
étant  durèrent  sur  les  deux  instiuments,  ces  deux 
études  menées  de  front  pnuvent  se  nuire  I  une  à 
l'autre  au  point  de  vue  de  la  justesse.  L'expérience  el 
la  pratique  prouvent  qu'il  n'en  est  rien. 

Par  sa  taille,  son  timbre  et  l'étendue  de  son  rej;is- 
tre,  l'alto  est,  dans  la  famille  du  violon,  l'iiternié- 
diaire  entre  le  violon  et  le  violoncelle.  Il  est  aussi 
appelé  quinte,  parce  qu'il  est  accordé  à  la  (luinle 
inférieure  du  violon. 

Il  portait  également  le  nom  de  taille  (la  taille  du 
violon),  viola  di  braccio,  et  celui  de  viole,  parce  qu'il 
a  remplacé  tous  les  instruments  à  cordes  du  ri'gistie 
moyen  nommés  vièles  ou  violes  qui,  pendant  le 
moyen  âge  et  jusqu'au  xviii'  siècle,  exécutaient  les 
parties  intermédiaires  dans  le  chœur  des  instruments 
à  cordes;  ces  parties  ont  été  confiées  à  l'alto  depuis 
la  simplilication  de  l'orchestre  des  violons'. 

On  donne  encore  le  nom  de  viola  à  l'alto,  en  Italie  ; 
cette  dénomination  ne  devrait  plus  s'employer. 
En  allemand,  on  l'appelle  brats'he,  ténor,  alto-viola. 
L'alto  est  monté  de  quatre  cordes  accordées  de 
quinte  en  quinte  ;  les  deux  cordes  aiguës  sont  en 
boyau,  les  deux  plus  graves  sont  lilées.  La  cojistr'uc- 
tion  de  l'alto  est  absolument  semblable  à  celle  du 
violon,  sauf  les  dimensions  qui  sont  toutes  plus 
grandes  el  qui  varient  sensiblement.  Les  chevilles, 
la  louche,  le  chevalel,  le  cordier,  sont  plus  grands 
que  sur  le  violon,  et  les  épaisseurs  des  tables  et  des 
éclisses  plus  fortes. 

On  voit  des  altos  de  38  centimètres,  38  et  demi, 
39,  39  et  demi,  40,  40  et  demi,  jusqu'à  42  centimelies 
(nous  entendons  par  ces  mesures  la  longueui-  de 
la  table  de  résonance);  cela  montre  les  tàloniie- 
ments  des  luthiers  jusqu'à  ce  jour.  L'instrunieul 
était  peu  en  honneuraulrefois  et  Ires  peu  travaillé  ; 
comme  on  le  verra  plus  loin,  on  n'était  donc  pas 
fixé  sur  ses  proportions  définitives.  La  longueur  de 
table  de  40  centimètres  semble  être  parfaite  (der- 


nier modèle  officiel  du  Conservatoire);  c'est  le  juste 
milieu.  Le  timbre  est  bien  caractérisé,  l'émission  du 
son  remarquablement  facile,  et,  qualité  indispen- 
sable el  très  a|iprécialde  pour  l'exécMlant,  on  peut 
jouer  dans  ces  conditions  l'alto  avec  facilité  ;  le  dé- 
manché est  plus  pratique  et  se  rapproche  davantage 
du  démanché  du  violon;  on  peut  eni^nre  faire  sortir 
avec  plus  de  clarté  les  traits  de  l'instrument  qui.  de 
sa  nature,  est  un  peu  sourd.  Vuici  l'accord  de  l'alto  : 


=!-=- 


~rr- 


la 


re     sol    ^ 


1.  Voir  l'arlicle   Viules. 


L'alto  s'écrit  en  clef  d'w^  troisième  ligne,  et  en  clef 
de  ■•ol  pour  les  notes  élevées. 

Cet  instrument  a  un  timbre  mélancolique  et  rêveur 
qui  lui  est  iiaiticulier,  el  qui  se  délache  bien  des 
autres  i  istruments  dans  l'orchestre  et  le  (juatuor. 

Lu  sonoiilé  de  l'alto  est  grave  el  sérieuse  ;  sombre 
quelquefois,  elle  a  quelque  chose  de  profonii  el  d'é- 
mouvant ;  c'est  pour  faire  dominer  ce  sentiment 
dans  sa  partition  d'Uthal  que  Méhul,  retranchant  les 
premiers  el  les  seconds  violons,  a  confié  aux  seuls 
allus  les  parties  supérieures  de  l'orchestre  à  cordes. 
Le  (uocedé  était  ingénieux,  mais  il  devait  engendrer 
la  monotonie. 

HE'ILIoz.  dans  son  Harold  en  Italie,  a  écrit  une 
partie  concerlante  principale  pour  l'alto,  partie  d'un 
ellét  bien  caractéiistique  ;  celle-ci  était  destinée  à 
Pagamm,  qui,  dit-on,  n'eut  pas  l'occasion  de  l'exé- 
cuter en  public  ;  elle  fut  jouée  successivement  par 
Sivoiu  aux  Concerts  Pasdeloup,  et  par  Massahï  à  la 
>ociélédes  Concerts  du  Conservatoire,  etc. 

Kn  lésumé,  les  compositeurs  n'ont  malheureuse- 
ment pas  assez  écrit  pour  l'alto,  qui  oïl're  pointant 
de  bien  ;,'randes  ressources.  Cela  tient  certainement 
à  ce  l'ait  qu  il  a  été  longtemps  joué  par  des  violonistes 
médiocres,  et  qui  considéraient  l'alto  comme  un  ins- 
li-umenl  de  sauvetage  ou  de  pis-aller. 

Quand  un  violoniste  était  incapable  de  tenir  conve- 
nalileni'iit  la  partie  de  second  violon,  on  l'engageait 
a  se  mettre  a  l'alto,  et  il  se  mettait  à  l'alto,  d'où  il 
résultait  (|iie  cet  instrument  était  tenu  par  le  rebut 
des  violonistes. 

Pourtant,  des  violonistes  célèbres  tels  que  Paga- 
NiNi,  ViKuxrEMi'S,  SivoRi,  Alard,  et  j'en  passe,  ont 
moiitié  que  l'on  pouvait  avoir  de  la  virtuosité  sur 
cet  instrunii  ni.  Ces  grands  artistes  se  plaisaient  à 
faire,  à  tour  de  rôle,  la  partie  d'alto  dans  leurs  qua- 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉPAGOGIE 

tuors'.  ViEi'XTEMPs  transportait  son  audiloire  quand  il 
manifestail  sa  helle  sonorité  sur  son  admiralile  allô 
de  Magi.ini.  Il  a  écrit  quelques  œuvres  ponr  cet  ins- 
trument. 

Il  y  entaussi  un  violoniste  et  allisle  célèbre  du  nom 
d'Alexandre  Uolla  (né  à  Pavie  en  iT\~,  mort  en  1837), 
qui  a  laissé  des  n'uvres  intéressantes.  Cet  artiste 
avait  tellement  le  don  d'émouvoir,  quand  il  jouait  de 
l'allo,  qu'il  faisait  quelquefois  tomber  des  auditeurs 
en  syncope. 

La  chronique  du  temps  raconte  qu'en  raison  de 
son  pouvoir  si  foitenient  émotif,  on  lui  avait  interdit 
de  Jouer  de  l'allo  en  public,  il  y  a  peut-être  un  peu 
d'exaf,'ération  dans  tout  cela  ! 

Depuis  l'année  1894-,  une  classe  d'alto  a  était  créée 
au  Conservatoire  de  Paris,  ce  qui  a  fait  prendre  un 
grand  développement  à  l'étude  spéciale  de  ce  bel 
instrument. 

Il  est  déjà  sorti  de  cette  classe  une  pléiade  de 
premiers  prix  doués  d'une  virtuosité  remarquable, 
et  qui  ne  craignent  pas  maintenant  de  démancher 
avec  la  même  hardiesse  que  les  violonistes;  ce  n'est 
peut-être  pas  indispensable,  mais  c'est  souvent  com- 
mode pour  l'exécution  de  la  musique  moderne,  car 
la  façon  de  traiter  la  partie  d'alto  dans  certaines 
œuvres  de  nosjours,  dans  celles  de  Wagnkr,  Iîehlioz, 
d'Lndy...  (entre  autres),  exige  de  la  paît  des  exécu- 
tants des  qualités  de  tout  piemier  ordre.  On  est  bien 
loin  de  la  partie  d'alto  des  anciens  opéras.  C'était 
alors  le  règne  du  contre-temps  perpétuel  et  des 
doubles  cordes  de  remplissage;  mais  l'instrument  a 
enfin  pris  la  place  qui  lui  est  due. 

I.a  sonoiité  de  l'alto  a  plus  de  parenté  avec  celle 
du  violon  qu'avec  celle  du  violoncelle,  comme  on  le 
croit  assez  souvent  à  tort. 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  l'alto  ne  descend  que 
cinq  notes  plus  basque  le  violon,  c'est-à-dire  jusqu'à 
\'ut.  Par  conséquent,  le  *'o(,  le  ré  et  le  /«sont  pareils, 
au  point  de  vue  de  l'accord,  aux  notes  correspon- 
dantes du  violon  et  donnent  le  même  son  à  l'oreille 
(timbre  à  part).  L'alto  étant  donc  un  violon  plus 
grave  d'une  quinte  que  le  violon  ordinaire,  et  devant 
se  jouer  avec  la  même  tenue  que  celui-ci,  c'est  une 
erreur  d'assimiler  la  sonorité  de  l'alto  à  celle  du  vio- 
loncelle (qui  a,  il  est  vrai,  le  même  accord  que  l'alto, 
mais  une  octave  au-dessous). 

En  dehors  du  quatuor  à  cordes,  où,  au  moins  de- 
puis Beethoven,  le  rôle  de  l'alto  a  une  importance 
égale  à  celle  des  autres  instruments  concertants,  son 
répertoire  est  regrettablement  restreint;  nous  pou- 
vonsmentionnerpourtantquelques  grandes  et  belles 
œuvres: 


L'ALTO    1839 


1.  Il  y  a  pourtanl  ici  une  distinclion  à  établir  :  c'est  que.  s'il  est 
vrai  qu'un  grand  virtuose  violoniste,  s'empaiant  oci-asionnellement  île 
la  pallie  d'alto,  s'y  trouve  à  son  aise  et  exécute  même  avec  facilite 
surcet  instrument  les  plus  intrépides  tours  de  force,  la  réciproque 
n'est  pas  vraie;  en  ce  sens  que  si,  à  son  tour,  un  altiste  de  profes- 
sion veut  accaparer  momentanément  le  rôle  du  premier  viotun.  il  n'aura 
pas  à  sa  disposition  l'agilité  de  la  main  gauche  et  la  souplesse  d'ar- 
chet qui  constituent  la  virtuosité  transcendante  du  violoniste,  quali- 
tés qui  seraient  d'ailleurs  superflues  dans  ta  |  latique  habituelle. 

pAGANlM,  SiVùRi,  ViEUXTEMPS  et  Alahd,  cités  ci-dcssus,  étaient  des 
violotiistes  et  non  pas  des  altistes. 

En  fin  de  compte,  on  peut  dire  que,  si  l'étude  du  violon  est  f.ivo- 
rable  à  celle  de  l'alto,  celle  de  l'alto  parait,  lorsqu'eMe  est  poussée  à  fond, 
l'être  moins  vis-à-vis  de  celle  du  violon,  en  ce  qu'elle  alourdit  toujours 
UD  peu  le  mécanisme. 


Beethoven.  —  Serémide  en  trio  pour  phlt,  viulm  H  «llo,  dans 
laquelle  la  partie  d'alto,  formant  la  basse,  est  traitée  d'une 
façon  .spéciale. 

MozAET.  —  Diin  pour  violon  et  alto. 

ScHDMANN.  —  Contes  de  fées  pour  piano,  elarinelte  et  alto. 

—  Contes  de  fées  pour  alto  et  piano. 

Mozart.  —  Trio  pour  piano,  clarinette  et  alto, 

Rdoinstein.  —  Sonate  pour  piano  et  alto. 

ViKuxTKMPS.  —  Kt'rerie.  ■ 

C.  CuEviLLARn.  —  (  pièces, 

llANs  SiTT.  —  Feuillets  d-albmn  (six  ravissants  petits  morceaux 
d  alto), 

Glazoo.now.  —  Elégie. 

Et  dans  le  répertoire  d'orchestre  : 

Berlioz.  —  llarold  en  Italie,  symphonie  en  4  parties  avec  alto- 
solo. 

Mozart.  —  Symphonie  concertante  pour  violon,  alto  et  orchestre. 

On  a  connu  et  pratiqué  en  Italie  et  en  Allemagne, 
ati  xvm=  siècle,  un  instrument  ressemblant  à  un 
petit  violoncelle  et  d'un  diapason  plus  aiyu  que  le 
violoncelle  connu.  Cet  instrument  s'appelait  le  vio- 
loncetlo  piccolo,  que  l'on  trouve  dans  un  assez  «rand 
nombre  d'œuvres  de  lUcn.  Dernièrement,  il  a  fait 
une  brève  réapparition  sous  le  nom  de  violonceltin; 
intermédiaire  entre  le  violoncelle  et  l'alto,  il  était 
accordé  comme  le  violon,  mais  une  octave  en  dnsous. 
Ceci  montre  bien  la  vraie  sonorité  de  l'alto,  qui  ne 
doit  pas  ressembler  à  celle  du  violoncrllo  fdccnio,  et 
encore  moins  à  celle  du  violoncelle  ordinaire. 

L'étendue  de  l'alto  est  égale  à  celle  du  violon, 
mais,  ses  notes  élevées  n'étant  pas  très  ajjréables  à 
entendre,  on  se  contente  de  trois  octaves  et  demie  : 


b; 


La  technique  de  cet  instrument  est  la  nn-^me  que 
celle  du  violon;  il  faut  seulement  un  peu  plus  de 
force,  de  pression  de  l'archet  sur  la  corde,  et  de 
même  à  la  main  gauche  pour  appuyer  fortement  les 
doigts  sur  les  cordes,  afin  d'obtenir  toute  la  plénitude 
du  son. 

Le  détaché  doit  moins  s'allonger  que  sur  le  violon, 
mais  il  faut  enfoncer  davantage  l'archet  dans  la 
corde. 

Les  doubles  cordes  et  accords  praticables  sont  les 
mêmes  que  sur  le  violon  à  une  quinte  au-dessous 
(sauf  les  cas  ou  les  extensions  de  doif;ts  serarent 
déjà  difticiles  au  violon;  elles  deviendraient  impos- 
sibles sur  l'alto). 

L':irchel. 

On  jouait  autrefois  l'alto  avec  un  archet  de  violon 
lourd. 

On  adopta  ensuite  un  archet  d'alto  plus  court  que 
l'archet  de  violon  et  plus  lourd.  On  fabrique  main- 
tenant des  archets  spéciaux  qui  sont  parfaits,  car  la 
mèche  de  l'archet  d'alto  doit  être  plus  large  que 
celle  de  l'archet  de  violon;  la  baguette,  de  la  même 
longueur  que  ce  dernier,  mais  plus  forte,  plus  lourde 
et  plus  résistante.  Le  poids  total  de  l'archet  d'alto  doit 
être  de  6o  grammes,  poids  minimum,  à  70  grammes, 
poids  maximum. 


Th.  LAFOHGE. 


LE  VIOLONCELLE 


Par  Georges  ALARY 

COMPOSITEUR    DE    MOSIQDE 


LA  QUESTION   DES  ORIGINES 

L'ét.it  actuel  des  sciences  liistoriques  ne  permet 
pas  (le  déterminer  exactement  lorigine  des  instru- 
inet\ts  ci  aichet.  L'avenir,  très  probablement^  n'ap- 
portera pas  beaucoup  de  lumière  sur  cette  obscure 
question,  tous  les  documents  qui  s'y  rapportent, 
ouvnisesd'hisloire,archives,  traités,  manuscrits  enlu- 
minés, [leintures,  sculptures,  légendes  et  chansons, 
a3ant  élé,  des  maintenant,  consciencieusemeni 
fouillés  par  de  zélés  et  intelligents  chercheurs.  Ces 
travaux  considérables  et  poussés  dans  des  voies 
dillerentes  ont  démontré,  cependant,  que  l'usage  des 
insirnments,  où  le  son  est  obtenu  par  la  mise  en 
vibialion  d'une  coide  fixée  à  un  résonateur,  re- 
monte aune  antiquité  très  reculée.  Certain  célèbre 
joueur  de  viole  du  xvn»  siècle,  nommé  Jean  Uousskau, 
va  mi^me  plus  loin.  Emporté  par  l'ardeur  de  ses  re- 
cherclies  et  par  son  enth"usiasme  pour  son  art,  il 
admet,  dans  son  traité,  que  les  instruments  à  cordes 
ont  dOl  naître  en  même  temps  que  l'humanité,  et  nous 
dépeint  Adam  se  promenant  dans  le  paradis  terrestre 
en  jouant  de  la  viole.  De  là  à  supposer  Eve  munie 
d'un  clavecin,  et  à  placer  dans  l'Edeu  l'origine  des 
cours  de  musique  d'ensemble,  il  n'y  a  qu'un  pas  bien 
facile  à  franchir. 

iNous  serons  plus  sages,  je  crois,  en  nous  repré- 
sentant certains  hommes  des  époques  reculées  adap- 
tant, par  désœuvrement  ou  poussés  par  un  obscur 
instinct  musical,  une  ou  plusieurs  cordes  à  des 
écailles  de  toitues  ou  à  tout  autre  corps  capable  de 
vibrer,  et  les  mettant  en  mouvement,  soit  en  les  pin- 
çant, soit  en  les  frappant,  puis  plus  tard,  cbeichant 
à  obtenir  une  sonorité  plus  prolongée  en  frottant 
ces  cordes  avec  quelque  emiuyonnaire  archet.  Un 
tel  lait  a  pu  se  produire  sous  diverses  latitudes,  à 
des  époques  différentes,  sans  que  les  inventeurs  aient 
eu  réciproquement  la  moindre  connaissance  de  leurs 
travaux.  Ces  grossiers  instruments  ont  dû  ètie  les 
premiers  ancêtres  de  nos  violons  et  violoncelles, 
mais,  entre  ces  deux  points  terminaux,  que  de  siècles 
écoulés,  que  d'ingénieux  perfectionnements  apportés 
à  la  construclion  des  boites  sonores!  L'instrument  à 
archet  moderne,  merveille  decalcul  et  d'ingéniosité, 
aussi  digne  de  l'admiration  des  hommes  que  bien 
des  machines  en  apparence  plus  compliquées,  est 
donc  l'œuvre  d'une  longue  suite  de  générations,  et  si 
les  documents  que  le  moyen  âge  nous  a  transmis 
nous  peinietlent  de  suivre  du  regaid  la  lente  évo- 
lution de  ces  formes  vers  le  violon  définitif,  nous  de- 


vons regretter  que  le  passé  garde,  dans  une  ombre 
impénétrable,  les  noms  de  tant  d'aiulacieux  et  ha- 
biles chercheurs  qui  ont  contribué,  avant  les  grands 
luthiers  italiens,  à  ces  précieux  perfectionnements. 

En  compulsant  les  nombreux  documents  exhumés 
par  les  chercheurs,  nous  voyons  que  le  ravanaiiron, 
instrumenta  archet,  encore  en  usage  chez  les  Hindous 
et  en  Chine,  aurait  été  inventé  par  Havanon  ou  Uavana, 
roi  de  l'île  de  Ceyian,  il  y  a  cinq  mille  ans  environ; 
mais  c'est  là  une  légende  ne  pouvant  mener  à  aucune 
certitude  histoiique.  Cette  légende  est,  pourtant, 
une  des  piinci|iales  bases  de  l'h.vpothese  qui  atlribue 
aux  Orientaux  l'invention  des  instruments  à  ar'chet. 
Si  nous  franchissons  allègrement  quelques  milliers 
d'années,  peinlant  lesquels  les  violons  et  violoncelles 
ne  font  guère  parler  d'eux,  nous  arrivons  à  des 
ouvrages  en  langue  sanscrite  datant  de  deux  mille 
ans  environ  et  dans  lesquels  se  trouve,  d'après 
EÉTis,  la  description  d'instruments  à  cordes  et  à 
archet.  Fétis  lait  remarquer  qu'il  existe  dans  le  Ben- 
gale un  inslriinient  nommé  saninjy  ou  saremgie, 
monté  de  quatre  cordes  de  boyau  et  de  onze  cordes 
métalliques,  et  il  conclut  de  cet  ensemble  de  laits 
que  l'idée  des  instruments  à  archet  et  à  double 
espèce  de  cordes  appartient  à  l'Hindoustan.  Il  dit  : 
<'  La  viole  d'amour  était  très  anciennement  connue  à 
Constantinople,  oii  on  la  retrouve  errcore.  Il  paraît 
que  c'est  de  celte  ville  que  l'instrument  a  pénétré  en 
Hongrie  par  la  Valachie  et  la  Serbie...  »  Gustave 
Chouquet,  ancien  conservateur  du  musée  instru- 
mental du  Conservatoire  de  Paris,  et  plusieurs  au- 
teurs très  compétents,  croient,  comme  Féiis,  à  l'ori- 
gine asiatique  de  la  famille  des  violons,  mais  il  y  a 
divergence  au  sujet  de  la  voie  de  pénétrai  ion. 

Un  grand  nombre  de  ces  auteursjcroient  plutôt  voir 
l'origine  de  rinstrumenl  à  archet,  plus  siiécialement 
du  violon,  dans  le  rebab  ou  rebeb  des  Arabes,  qui 
serait  devenu  le  ribeca  des  Italiens  et  le  rebec  des 
Français.  Ce  petit  instrument,  qui  était  joué  avec  un 
archet,  fut,  d'apr'ès  l'Histoire  de  la  Musique  de  Sir 
.lohn  IJAwriiN's,  importé  en  Espagne  par  les  Maures, 
qui,  eux-mêmes,  l'auraient  reçu  des  Egyptiens,  en 
même  temps  que  leur  initiation  à  l'ait  musical.  Les 
Egyptiens  le  tenaient  peut-être  des  Persans,  qui  pou- 
vaient l'avoir  reçu  des  Hindous...  Qui  nous  le  dira"? 

11  existe  encore  des  rebabs  à  deux  et  trois  cordes 
en  usage  chez  les  Maures;  mais  sont-ils  absolument 
semblables  à  l'ancien  rebab  d'où  paraît  dériver  le 
rebec?  11  est  probable  que,  s'ils  en  différent,  c'est  de 
fort  peu,  car  l'esprit  de  progrès  et  de  modification 
de  formes  n'est  guère  répandu  dans  la  race  arabe.  Il 
est  donc  vraisemblable  que  le  rebec  français  descend 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    1841 


du  rebab  introduit  en  Kspayne  jiar  les  Maures  au 
viii»  siècle,  mais  ce  n'est  pas  certain,  car,  si  nous  en 
croyons  M.  George  Hart,  l'iiistoire  de  l'iîspagne 
Jusqu'au  xii=  siècle  ne  fournit  aucune  preuve  de  la 
culture  des  instruments  à  archet,  alors  qu'à  la  même 
époque,  on  constate  l'usage  de  ces  instruments  en 
Allemagne  et  en  Anf,'leterre. 

Donc,  le  ravaiiastrori  indien,  le  rebab  arabe  et  les 
autres  instruments  à  cordes  d'origine  indubitable- 
ment asiatique  ont  des  analogies  plus  ou  moins 
éloignées  avec  la  t'amilie  européenne  du  violon,  mais 
leur  qualilé  d'ancêtres  directs  ne  peut  être  démontrée. 
L'hypothèse  de  l'origine  orientale,  bien  que  très 
accréditée,  a  trouvé  pourtant  d'éminents  contradic- 
teurs. 

M.  George  Hart  attribue  plutôt  aux  instruments  à 
cordes  une  origine  Scandinave,  et  appuie  ses  intéres- 
santes déiluctions  sur  de?  manuscrits  à  enluminures, 
sur  des  bas-reliefs,  sur  des  faits  transmis  par  les 
chants  des  ménestrels  ou  par  des  traditions  et  (Jes 
légendes,  lioger  North  prête  à  la  viola  da  bmccio, 
qui  devint  le  violon,  une  origine  gothique.  M.  Paul 
L.iCROix  écrit  dans  les  Arts  du  moyen  lige  :  «  Les  ins- 
truments à  cordes  qui  se  jouent  avec  l'archet  ne 
furent  point  connus  avant  le  v"  siècle,  et  appartenaient 
aux  races  du  .Nord.  »  Certains  partisans  de  la  même 
opinion  ont  tiré  un  argument  du  très  vieux  mot  alle- 
mand ijeiijc,  encore  usité  pour  désigner  le  violon,  et 
qui  serait,  suivant  eux,  d'origine  teulonique;  mais, 
suivant  d'autres,  ce  même  mot  serait  provençal  et 
dériverait  tout  simplement,  par  extension,  du  nom 
de  la  giijue. 

Les  documents  qu'on  a  pu  rassembler  sur  l'ori- 
gine des  instruments  à  arcliet  ne  nous  fournissent 
donc  aucune  version  certaine,  mais  seulement  d'in- 
génieuses hvpothèses,  entre  lesquelles  on  peut  choi- 
sir suivant  ses  sympathies,  et  sans  crainte  d'être  dé- 
menti avec  preuves  à  l'appui. 

Ce  qui  parait  beaucoup  plus  sur,  c'est  que  la  ijeige 
ou  tout  autre  instrument  à  cordes  et  à  archet  ne  ser- 
vit, en  France,  jusqu'au  règne  de  Henri  IV  et  même 
plus  tard,  qu'à  faire  danser. 

Vers  le  milieu  du  xvi^  siècle,  l'élude  de  la  musique 
fit  en  Allemagne  et  dans  les  Pays-Bas  de  rapides 
progrès,  qui  eurent  une  notable  intluence  sur  la  fa- 
brication des  instruments  à  cordes.  On  commença, 
dès  lors,  à  les  assoeieraux  voix,  et  la  nécessité  d'avoir 
des  registres  sonores  différents  pour  soutenir  les 
dilférents  organes  vocaux,  donna  naissance  à  cette 
extraordinaire  variété  de  violes  qui,  peu  à  peu,  s'est 
fondue  et  condensée  dans  les  quatre  types  modernes, 
le  violon,  l'alto,  le  violoncelle  et  la  contrebasse. 

Nos  aïeux  connurent  successivement  ou  simultané- 
ment le  pardessus  de  viole  ou  quintun  (qui  est  l'instru- 
ment le  plus  aigu  de  la  famille  des  violes),  la  taille 
de  viole,  la  viola  basiarda,  la  viola  da  spalta  (ou  viole 
d'épaule),  la  viola  da  braccio  ou  viole  de  bras,  qui, 
par  ses  dimensions,  se  rapproche  beaucoup  du  vio- 
lon ;  la  viole  d'amour,  le  plus  précieux  individu,  se- 
lon nous,  de  cette  intéressante  famille,  le  seul  qu'il 
soit  indispensable  de  sauver  de  l'oubli,  la  vhdu  poiii- 
posa,  inventée,  dit-on,  par  Bach,  la  viola  di  bordone, 
la  viole-lyre,  le  baryton,  à  double  jeu  de  cordes,  la 
basse  de  viole  ou  viola  di  gamba  (viole  de  jambe), 
dont  nous  aurons  à  parler  plus  longuement,  et,  enfin, 
le  violone  ou  contrebasse  de  viole,  ancêtre  de  la 
contrebasse  actuelle'. 


M.    Lauient  Grillet,  qui,  il  y  a  quelques  années» 
avait  remis  eu  honneur  l'antique  vièle,  s'exprime 
ainsi  dans  son  intéressant  ouvrage  sur  Les  Ancêtres 
du  violon  cl  du  violoncelle  :  «  Les  violes  étaient  le 
résultat  des  améliorations  successives  apportées  aux 
vicies.   La   caisse   de   résonance    est    généralement 
(mais  pas  toujours)   plate,  des  éclisses  assez  hautes 
en  font  le  tnui'  et  relient  les  deux  tables    Les  écban- 
crures  pratiquées  sur  les  côtés  sont  en  forme  de  C 
très  ouvert.    La    table   d'harmonie  est   légèrement 
voiltée,  tandis  que  celle  du  fond  est  presque  toujours 
coupée  en  sifflet  du  côlé  du  manche.  Les  ouïes,  régu- 
lièrement (ixéi's  au  nombre  de  deux,  sont  percées  de 
chaque  côté  du  chevalet  à  la  hauteur  des  échan- 
crures,  elles  représentent  le  plus  souvent  des  C.  La 
division  des  cordes  était  marquée  sur  la  touche  des 
violes,  comme  cela  se  pratique  encore  sur  la  man- 
doline et  '  i  i;uitare;  il  y  avait  sept  cases  faites  avec 
de  la  corde  a  boyau.  Cet  usage  fut  abandonné  lorsque 
les  exécutants  ilevinreiit  plus  habiles.  Les  basses  de 
viole  sont  généralement    munies    d'un   cordier  de 
coupe  élégante.  Les  tètes  sont  sculptées  et  représen- 
tent parfoi-i  des  têtes  de  cheval  ou  de  lion,  parfois  des 
tètes  de  rois  ;  »  d'autres  fois  encore,  d'après  certains 
auteurs,  la  tète  du  piopriétaire  de  l'instrument,  ce 
qui  est  un  bon  moyen  de  léguer  sa  ligure  à  la  pos- 
térité. 

A  certaines  des  violes  primitives,  il  fut  ajouté  un 
second  jeu  de  cordes  en  métal,  dites  harmoniques, 
en  même  nombre  que  les  cordes  frottées  par  l'archet, 
accordées  à  l'unisson  de  celles-ci  et  vibrant  sympa- 
thiquement.  L'instrument  connu  sous  le  nom  de  viole 
d'amour  est  celui  auquel  l'application  de  ce  système 
apporta  les  plus  heuieuses  modificalioiis.  A  qui  re- 
vient l'honneur  de  cette  invention'?  Fétis  l'attribue  à 
rilindoustan,  avons-nous  dit,  mais  Praetorils  soutient 
que  ce  sont  les  Anglais  qui  ont  eu  l'idée  d'ajouter 
des  cordes  sympathiques  à  la  viola  bastarda.  Con- 
tentons-nous d"'nregistrer  ces  opinions  considéra- 
bles, et  n'affirmons  rien,  ce  sera  prudent. 

La  vraie  basse  de  viole  à  six  cordes  n'avait  pas, 
d'après  les  oidnions  les  plus  autori?éef,  de  jeu  de 
cordes  harmoniques,  et  ce  n'est  qu'à  une  époque  rela- 
tivement rapprochée  de  la  nôtre  que  celte  addition 
lui  fut  faite.  La  plupart  des  viola  di  fjamba  que  l'on 
voit  aujourd'hui  sont  munies  de  cordes  sympathiques, 
mais  il  faut  souvent  l'attribuer  à  la  fantaisie  de  ceux 
qui  en  sont  ou  qui  en  oui  été  récemment  propriétaires, 
et  qui  ont  voulu  bur  donner  ainsi  un  aspect  et  une 
sonorité  plus  caractéristiques.  Ces  cordes  harmoni- 
ques sont  attachées,  sur  le  tasseau  au  bas  du  cordier, 
à  des  petites  chevilles  de  métal  qu'on  lait  tourner  au 
moyen  d'une  clef  pour  les  accorder;  elles  passent 
sur  le  clievalet  dans  une  ouverture  pratiquée  au-des- 
sous des  cordes  que  doit  frotter  l'archet,  et  viennent 
s'accrocher  sous  la  touche,  près  de  la  naissance  du 
manche,  à  des  petits  clous  de  métal.  L'adjonction 
des  cordes  harmoniques  n'augraenti-  pas  sensible- 
ment la  puissance  de  sonorité  de  l'instrument,  mais 
elle  prolonge  la  résonance,  et  rend  le  timbre  plus 
doux  et  plus  pur. 

L'accord  des  basses  de  viole  variait  suivant  leur 
nombre  de  coides.  Le  type  qui  se  rapproche  le  plus 
du  violoncelle  était  monté  de  six  cordes,  et  accordé 
sur  les  notes  suivantes  : 


1.  Voir  railicle  Vioks. 


11G 


1842 


ENCYCLOPÉDŒ  DE  LA  MVSIQIJE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


I,a  basse  Je  viole  à  sepl  cordes  donnait,  en  plus,  le 
la  grave  au-dessous  de  la  portée. 

Le  musée  instrumental  du  Conservatoire  de  Paris 
possède  une  dizaine  de  basses  de  viole,  dont  une  de 
Gasparo  da  Salo  (n°  169  du  catalogue)  et  une  de 
Pelegrino  Zanetto,  Brescia,lb47  (n"  170  du  catal.)  ;  il 


y  a  aussi  un  beau  baryton  à  double  jeu  de  cordes. 
Nous  sifjnalons  également  aux  curieux  une  belle 
basse  de  viole  de  Boivin  dont  certaines  parties,  et 
notamment  la  tète,  sont  finement  sculptées;  elle 
appartient  actuellement  à  MM.  Caressa  et  Français, 
luthiers  du  Conservatoire. 


FiG.  nil.  — Barylon  allemand 
à  double  jeu  de  cordes. 


FiG.  942.  —  Basse  de  viole 
de  Pelegrino  Zaniîito. 


FiG.  9i3.  —  Basse  de  viole 
de  Gasparo  da  Salo. 


Fi  Ci 


914.  —  Basse  de  viole 
de  BoiviN. 


L'étude  des  violes  fut  fort  négligée,  pour  ne  pas  dire 
complètement  abandonnée,  après  le  Iriomplie  déPi- 
nitil'de  leurs  rivaux,  le  violon,  l'alto  et  le  violoncelle. 
Cet  abandon  parut,  ajuste  tilre,  regrettable  à  Tétis, 
lorsqu'il  était  bibliothécaire  au  Conservatoire  de 
Paris,  vers  1S32,  et  lui  donna  l'idée  de  reconstituer 
des  séances  de  musique  ancieime  avec  les  instru- 
ments de  l'époque.  Mais  cette  tentative  ne  réussit 
pas.  De  nos  jours,  un  certain  nombre  d'artistes  dis- 
tingués ont  remis  en  hoimeur  le  quinlon  (qui  a  une 
corde  de  plus  à  l'aigu  que  le  violon),  la  viole  d'amour, 
la  viola  di  gamha,  le  clavecin,  et  ont  formé  des  so- 
ciétés pour  l'exécution  de  l'ancienne  musique,  telle 
qu'elle  a  été  écrite  par  les  maîtres  des  siècles  passés. 
11  ressort  des  auditions  qu'ils  nous  donnent  un  pré- 
cieux enseignement  et  des  impressions  quelquefois 
gracieuses  et  tendres,  quelquefois  mélancoliques, 
avec  ce  charme  un  peu  éteint  des  anciens  pastels  et 
des  vieilles  tapisseries. 

Parmi  les  viituoses  modernes  qui  ont  contribué  à 
faire  reparailie  les  anciens  instruments,  il  convient 
Je  citer  Jules  Delsart,  protesseur  de  violoncelle  au 
Conservatoire  de  Paris,  artiste  prématurément  dis- 
paru, qui  avait  fait  une  étude  spéciale  de  la  viola  di 
gamba,  à  laquelle  il  a  dû  bien  des  succès.  iMais,  élaul 
admis  l'intérêt  et  même  le  plaisir  qu'il  peut  y  avoir 
;i  entendre  jouer  de  la  viola  di  gamba,  il  faut  se 
liâler  Je  proclamer  sa  grande  infériorité  par  rapport 
au  violoncelle.  Combien  celui-ci,  avec  des  moyens 
plus  simples,  est  apte  à  exprimer  des  sentiments  plus 
profonds  et  plus  variés!  C'est  une  vérité  qui  ne  nous 
I  arait  pas  avoir  besoin  Je  démonslration. 


Il  n'est  pas  douteux  que  le  moderne  violoncelle 
soit  un  descendant  direct  de  la 
basse  de  viole,  mais,  malgré 
la  supériorité  du  nouvel  iiis- 
Irumeut,  ce  n'est  pas  sans  une 
lutte  longue  et  acharnée  qu'il 
triompha  de  l'ancien.  La  fa- 
mille des  violes  et  celle  des 
violons  ont  vécu  parallèlement 
pendant  plusieurs  généra- 
tions; elles  avaient  chacune 
leurs  partisans  convaincus, 
leurs  exécutants  habiles,  et  la 
lulte  était  vive.  «  Pour  s'en 
convaincre,  nous  dit  ToLBECQOE, 
il  sul'lit  de  dire  un  pamphlet 
d'un  certain  Hubert  le  Blanc, 
intitulé  :  Défense  de  la  basse 
Je  viole  contre  les  entreprises 
Ju  violon  et  les  prétentions  du 
violoncelle,  1740,  Amster- 
dam. »  S'il  est  acquis  que  le 
violoncelle  nous  vient  de  la 
viola  di  gamba,  nous  ne  pou- 
vons dire  avec  une  riijui'ur 
sciciilifique  à  quel  moment 
précis  se  fit  cette  transloiina- 
tion,  mais  toutes  les  recher- 
ches et  toutes  les  présomp- 
tions, l'opinion  à  peu  près 
unanime  des  luthiers,  aboutis- 
sent à  deux  noms  illustres  : 


Fui.  945. 
Viole  de  gamlie 

de   DUIFFOPRUGCAU. 


TECIIXIQIIE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    1843 


ceux  de  Gasparo  da  Salo,  qui  vécut  à  Brescia  de 
1330  à  1610,  el  de  Paolo  Maggim  (Brescia,  1590-1640). 
Gasparo  da  Salo  fut  le  premier  grand  iutliier  ita- 
lien; son  iniluence  dans  le  perfectionnement  des  ins- 
truments à  archet  fut  considérable.  On  lui  attribue, 
quoique  sans  certitude  absolue,  l'invention  du  violon 
à  quatre  cordes  accordées  en  quintes,  tel  qu'il  est 
aujourd'hui,  le  perfectionnement  du  violone  ou  con- 
trebasse de  viole,  et  enfin  la  création  du  violoncelle, 
œuvre  à  hiquelle  paraissent  avoir  collaboré  Maggini 
et  peut-être  nième  Andréa  Amati,  chef  de  l'illustre 
famille  de  luthiers  de  ce  nom.  Cette  triple  transfor- 
mation devait  avoir  sur  l'art  musical  une  profonde 
iniluence,  que  leurs  auteurs  ne  soupçonnèrent  proba- 
blement pas;  il  eût  été,  en  ell'et, 
biendifficile  àcesluthiers,  quel- 
que bien  inspirés  qu'ils  fussent, 
de  pressentir  avec  exactitude 
les  immenses  ressources  chan- 
tantes et  expressives  des  instru- 
ments qu'ils  venaient  de  créer, 
du  violoncelle  surtout,  car,  à 
cette  époque,  les  basses  de  viole 
ne  servaient  qu'à  soutenir  le 
chant  dans  leséglises,ou  à.faire 
la  basse  d'accompa- 
gnement aux  sonates 
de  violon  qui  commen- 
cèrent à  être  de  mode 
en  Italie  dans  la  pre- 
mière moitié  du  xvii= 
siècle.  Les  premiers 
spécimens  authenti- 
ques du  violoncelle 
étaient  un  peu  plus 
grands  que  le  violon- 
celle actuel,  mais,  plus 
tard,  le  grand  luthier 
Sthadivarius  reconnut 
que  le  modèle  le  mieux 
approprié  à  la  main  de 
l'homme  devait  être 
un  peu  plus  petit,  et 
en  fixa  définitivement 
les  dimensions  et  les 
formes. 

Nous  donnons  ici  le 
dessin  et  les  mensura- 
tions prises  avec  le  plus 
grand  soin  par  M.  le  docteur  Déku  et  M.  le  capitaine 
Cadroy,  It-s  proportions  d'un  des  beaux  spécimens  de 
l'espèce;  il  s'agit  du  Stradivarius  ayant  appartenu  au 
renommé  violoncelliste  russe  Davidoff  et  qui  est 
aujourd'hui  la  propriélé  de  M.  Gabriel  Gaupillat,  de 
faris  : 

VIOLONCELLE  DE  DAVIDOFF 


FiG,  016.  —  \irtloncelle 
de  Strahivakics. 


228 
437 
164 
407 
94 
150 


longueur  totale  de  la  caisse 758  mm. 

Largeur  maxima  en  haut 341 

—  miniina  entre  les  C 

—  maxima  en  bas 

Xargeur  d'ouverture  des  G 

Diapason  du  haut  de  la  table  au  cran  des  ff. 
Ecarlement  des  //  en  haut 

—  au  cran 

—  en  bas  (extérieurement) 253 

Hauteur  des  éclisses  en  bas 118 

—  aux  coins 111-115 

—  en  haut "2 

Épaisseur  de  la  caisse  au  niveau  du  chevalet.      164 
Flèche  de  l'arc  de  la  voûte  pour  la  table,  en- 
viron         27 

—  pour  le  fond,  environ 23 


Les  proportions  et  les  formes  des  instruments 
laissés  par  Stradivarius  n'ont  cessé,  depuis  sa  mort, 
de  servir-  de  modèle  à  ses  successeurs;  on  a  cepen- 
dant essayé,  à  diverses  reprises,  des  raoditications 
dans  la  forme  ou  dans  la  matière  des  instruments  à 
archet,  mais  ces  essais,  demeurés  infructueux,  ne 
pouvaient  provenir  que  d'une  tendance  maladive  de 
certains  esprits  à  n'être  jamais  satisfaits,  car  les  dif- 
férents types  laissés  par  Stradivarius  donnent  des 
résultats  tellement  parfaits  qu'on  ne  voit  pas  à  quoi 
il  pourrait  servir  de  les  modifier  d'une  façon  quel- 
conque. Il  serait  difficile  de  faire  aussi  bien  (en 
admettant  que  certains  secrets  de  la  lutherie  ne 
fussent  pas  perdus),  et  il  serait  impossible  de  faire 
mieux. 

Après  Stradivarius,  ses  deux  principaux  élèves, 
Domenico  Montagna.na  et  Carlo  Bergonzi,  firent  de 
beaux  et  bons  instruments.  Les  violoncelles  de  Mon- 
tagnana  sont  très  estimés  et  atteignent  de  nos  jours 
un  grand  prix. 

Quant  à  ceux  de  Bergonzi,  il  faudrait,  paraît-il,  se 
refuser  à  en  admettre  l'autlienticité.  D'après  MM.  Ca- 
RKSSA  et  Français,  luthiers  du  Conservatoire  el  de  l'O- 
péra, Carlo  Bergonzi  n'aurait  pas  fait  de  violoncelles, 
et  les  insliuments  (d'ailleurs  très  beaux  et  tiès  bons 
jiour  la  plupart)  qu'on  attribue  à  ce  mailie  auraient 
pour  auteur  Malteo  Gofriller,  luthier  ii  "Venise,  de 
1700  à  1740.  Les  lettres  M.  G.,  initiales  de  .\latteo 
Gofriller,  auraient  été  retrouvées,  marquées  au  fer 
chaud  dans  le  bois  de  l'instrument,  sous  des  éti- 
quettes portant  le  nom  de  Bergonzi,  placées  là  dans 
un  but  de  spéculation  facile  à  comprendre.  Cette 
opinion,  que  M.  Caressa  affirme  pouvoir  appuyer  de 
preuves  irréfutables,  est  de  nature  à  susciter  des 
discussions  passionnées  dans  le  monde  des  artistes 
et  des  amateurs  de  lutherie.  J'ai  cru  devoir  la  faire 
connaître,  car  elle  touche  à  un  point  intéressant  de 
l'histoire  du  violoncelle,  mais  j'en  laisse  toute  la  res- 
ponsabilité à  son  auteur.  * 

Parmi  les  luthiers  illustres  qui  ont  laissé  des  vio- 
loncelles, il  faut  citer  les  Amati,  les  Guarneuius  là 
l'exception  du  plus  célèbre  d'entre  eux,  Joseph  (iuAn- 
NERius  DEL  Jesu,  qui  n'a  pas  fait  de  violoncelles),  Mon- 
tagnana,  Gagliano,  David  Tekleb,  Grancino,  etc. 

Le  nombre  des  violoncelles  de  Stradivarius  est 
très  restreint.  C'est  à  peine  si  l'on  en  peut  compter 
actuellement  vingt-quatre  ou  vingt-cinq  dans  le 
monde  entier,  el  on  ne  suppose  pas  qu'il  puisse  y  en 
avoir  beaucoup  d'inconnus,  car,  depuis  longtemps 
déjà,  mais  surtout  dans  ces  dernières  aiiiiées,  la 
chasse  aux  vieux  instruments  a  été  faite  avec  une 
l'uria  qu'expliquent  les  prix  exorbitants,  et  tendant 
toujours  à  s'élever,  qu'atteignent  ces  instruments. 

Le  nombre  des  Amati,  Guarnerius,  MoNTAiiNANA,etc., 
est  plus  élevé,  mais  encore  bien  minime,  si  on  le  com- 
pare à  celui  des  artistes,  amateurs  ou  collectionneurs 
qui  désireraient  en  posséder.  Ceux-ci  sont  légion  et 
leur  foule  croîtra,  sans  doute,  proportionnellement 
au  développement  formidable  du  goût  de  la  musique 
dans  le  monde.  iS'ous  voyons  le  besoin  de  musique 
s'accentuer  de  plus  en  plus;  des  peuples  entiers 
exigent  maintenant,  à  doses  pantagruclhiues,  des 
jouissances  qui  étaient  autrefois  le  privilège  de 
quelques  délicats.  Il  en  résultera,  au  point  de  vue 
spécial  qui  nous  occupe,  que  les  très  beaux  instru- 
ments anciens,  poussés  par  la  loi  de  l'ollre  et  de  la 
demande  à  des  prix  accessibles  aux  seuls  milliar- 
daires, deviendront  la  propriété  de  quelques  puis- 
sants capitalistes,  qui  peut-être  n'en  joueront  pas  très 


1844 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MVSIQVE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


bien,  et  ainsi,  ces  nobles  vois  cesseront  peu  à  peu  de 
se  faire  entendre  dans  de  bonnes  condiiions.  Mais  il 
faut  se  garder,  à  notre  avis,  d'en  conclure  que  les 
virtuoses  de  l'avenir  seront  privés  d'instruments  aussi 
bons  que  ceux  de  leurs  devanciers.  11  y  a,  dans  l'en- 
gouement auquel  nous  assistons,  une  grande  part 
de  féticbisme.  L'adoration  de  certains  amateurs  ou 
artistes  pour  les  vieux  instruments  signés  d'un  nom 
illustre  touche  souvent  au  grotesque.  (iN'est-on  pas 
allé  |usqu' à  comparer  les  courbes  d'un  violon  aux 
gracieux  méandres  d'un  ruisseau  dans  la  prairie...  1) 
Pour  ces  emballés,  ce  qui  a  été  façonné  par  la  main 
des  vieux  luthiers  italiens  est  et  doit  rester  inimi- 
table et  inégalable:  il  suffit  qu'un  violon  soit  moderne 
pour  qu'ils  en  détournent  leurs  yeux  avec  dédain. 
Nous  crovons  plus  juste  de  penser  qu'il  a  pu  exister, 
depuis  Stradivarils,  et  qu'il  existera  dans  l'avenir, 
des  maîtres  luthiers  capables  d'égaler  leur  modèle 
dans  l'art  de  choisir  les  bois  et  de  les  couper.  Le 
secr.-t  du  vernis  de  Crémone  est  perdu,  il  est  vrai, 
et  c'est  là  un  point  délicat,  car  s'il  était  démontré 
q'naucuu  des  vernis  employés  depuis  le  xviii"  siècle 
ne  peut  avoir  les  qualités  de  l'ancien,  il  serait  prouvé 
du  même  coup  que  les  violons  de  l'avenir  ne  pour- 
ront équivaloir  à  ceux  du  passé;  mais  cela  est  loin 
d'être  un  l'ail  établi;  il  faut  aussi,  et  peut-être  surtout, 
faite  entrer  en  ligue  de  compte  Vaction  du  temps. 
Déjà,  certains  instruments  datant  d'un  siècle,  ou 
moins,  ont  pris  une  magnilique  coloration  ancienne 
et  une  sonorité  plus  ample  et  plus  belle.  Pourquoi 
cette  amélioration  ne  continuerait-elle  pas  à  mesure 
que  les  années,  les  siècles  peut-être,  s'écouleront? 
Les  instruments  des  grands  luthiers  français  Lupot, 
ViiiLLALME,  Gand,  pour  ne  citer  que  ceux-là,  ont  suivi 
cette  progression  vers  le  beau  et  le  bon;  il  est  très 
permis  d'espérer  qu'ils  ne  perdront  pas  cette  louable 

tendance. 

A  ceux  qui  pourraient  croire  que  j'exagère  en  par- 
lait de  fétichisme,  je  recommande  une  petite  expé- 
rience qui  ne  leur  laissera  aucun  doute  sur  sa  réa- 
lité :  qu'ils  réunissent  dans  une  salle  quelques  ama- 
teirs  éclairi's  et  quelques  artistes;  puis,  qu'ils  fassent 
jouer  alternativement  dans  une  pièce  voisine,  mais 
où  l'exécutant  ne  pourra  être  vu,  des  violons  ou  vio- 
loncelles anciens  et  modernes,  des  instruments  de 
30.000  francs  et  plus  et  des  instruments  de  i:>00  fr., 
par  le  même  artiste;  qu'après  chaque  exécution,  ils 
consultent  les  auditeurs  sur  la  nature  de  l'instru- 
ment, et  ils  seront  émerveillés...  de  la  divergence  des 
appréciations  et  de  l'énormité  des  erreurs  commises. 
Cette  expérience  a  été  faite,  sur  une  grande  échelle, 
par  M.  A.  Mangeot. 

Il  y  a  aussi  un  procédé  employé  par  le  renommé 
violoncelliste  Tolbecquk,  et  qui  ne  laisse  pas  que 
d'iHie  instructif. 

l'oLnECOUE  avait  joué,  devant  un  public  où  brillaient 
bon  nombre  de  connaisseurs  et  d'amateurs  réputés, 
sur  un  violoncelle  qu'il  atfectionnait  particulière- 
ment, mais  qui  ne  payait  ni  de  mine  ni  de  signature. 
L'artiste  eut  du  succès,  mais  il  fut  vivement  critiqué 
de  mettre  au  SfTvice  de  son  talent  un  instrument 
aussi  médiocre  et  on  lui  conseilla  d'en  changer. 

Quelque  temps  après,  Tolbecqi-e  reparut  devant  le 
même  public,  non  sans  avoir  informé  lesdits  con- 
naisseurs qu'après  mûres  réllexions  il  s'était  décidé 
à  suivre  leur  conseil,  et  qu'il  jouerait  cette  lois  sur 
un  Carlo  Bergonzi.  Il  se  présenta,  eu  effet,  devant  le 
public  avec  un  violoncelle  dont  les  formes  et  le  nia- 
'^nilique  coloris  ancien  amenèrent  sur  les  lèvres  des 


amateurs  des  sourires  de  satisfaction  et  des  hoche- 
ments de  tête  significatifs.  L'artiste  joua  et  l'enthou- 
siasme des  amateurs  s'épanouit  magnifiquement. 
ToLRECQiE  fut  chaudement  félicité,  non  seulement 
pour  son  talent,  mais  aussi  pour  son  changement 
d'instrument,  l'ancien,  afiirmaient  ces  messieurs, 
ne  pouvant  supporter  la  comparaison  avec  le  Ber- 
Go.Nzi.  L'artiste  reçut  les  compliments  sans  révéler  à 
ces  admirables  connaisseurs  que  les  deux  violoncelles 
n'en  faisaient  qu'un,  qu'il  avait  habilement  maqui/Zé 
pour  le  rendre  méconnaissable. 

Cette  anecdote  est  rapportée  par  Tolbecque,  aussi 
habile  luthier  qu'éminent  violoncelliste,  dans  une 
brochure  intitulée  De  l'Influence  du  de  visu  sur  le  de 
auditu.  Cela  pourrait  s'appeler  aussi  «  de  l'autosug- 
gestion chez,  les  amateurs  de  vieux  violons  ». 


CARACTÈRE  ET  TECHNIQUE  DU  VIOLONCELLE 

Le  caractère  général  du  violoncelle  est  la  noblesse 
dans  l'expression.  Ses  sons  moelleux  et  pleins  peu- 
vent se  prêter  à  la  traduction  de  sentiments  très  di- 
vers, mais  dont  il  faut  excepter  à  peu  près  complète- 
ment ceux  qui  se  rapprochent  de  la  gaieté  pétillante, 
de  l'esprit,  de  tout  ce  qui  se  caractéiise  en  musique 
par  le  mot  brillant.  Même  lorsqu'il  exécute  des  traits 
lapides  ou  des  notes  répétées,  le  violoncelle  conserve 
une  allure  sévère  ou  sentimentale;  s'il  cherche  à 
aborder  la  fine  plaisanterie  et  les  joyeux  propos,  il 
ressemble  à  un  orateur  de  tempérament  grave  et 
passionné  qui,  tout  à  coup,  se  mettrait  à  dire  des 
gaudrioles.  Cela  ne  lui  va  pas. 

Dans  son  Traité  d'orclipst ration,  Berlioz  dit  :  «  Les 
violoncelles,  unis  au  nombre  de  huit  ou  dix,  sont 
essentiellement  chanteurs;  leur  timbre  sur  les  deux 
cordes  supérieures  est  un  des  plus  expressifs  de 
l'oichestre.  Rien  n'est  plus  voluptueusement  mélan- 
colique et  plus  propre  à  bien  rendre  les  thèmes 
tendres  et  langoureux  qu'une  masse  de  violoncelles 
jouant  à  l'unisson  sur  In  chanterelle.  » 

D'autre  part,  nous  lisons  dans  le  Traité  d'Instru- 
mentation de  Gev.\hrt  :  «  De  tous  les  instruments 
aptes  à  interpréter  une  idée  mélodique,  aucun  ne 
possède  au  même  degré  que  le  violoncelle  l'accent 
de  la  voix  humaine,  aucun  n'atteint  aussi  sûrement 
les  fibres  intimes  du  cœur.  Pour  la  variété  des  tim- 
bres, il  ne  le  cède  guère  au  violon.  Il  réunit  les  carac- 
tères des  trois  voix  d'hommes  :  la  juvénilité  ardente 
du  ténor,  la  virilité  du  baryton,  la  rudesse  austère 
de  la  basse-taille.  Sa  chanterelle  vibrante  est  appelée 
à  traduire  les  effusions  d'un  sentiment  exalté  :  re- 
grets, douleurs,  extase  amoureuse.  » 

Ce  caractère  général  du  violoncelle  étant  délîni,  il 
faut  reconnaître  qu'il  se  modifie  sensiblement  dans 
les  différentes  régions  de  son  échelle  sonore.  L'ins- 
trument, dont  les  quatre  cordes  donnent  (à  vide)  les 


sous    :         / 


possède    quatre 


resistres  bien  distincts. 


Le  registre  grave 


correspond 


-» 


à  la  voix  de  basse  profonde  et  même  très  profonde 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    l«i5 


l'octave  suivante  ou  registre  moyen  :      /•  ô' 


correspond  à  la  voix  de  baryton  ;  les  notes  fournies 
par  la  chanterelle,  dans  sa  première  octave  : 


m 


(registre  aigu  ou  plulôt  chantant),  correspondent 
excellemment  aux  plus  belles  notes  du  ténor  e( 
constituent  la  partie  la  plus  précieuse,  la  plus  inimi- 
table des  sonorités  du  violoncelle.  Au-dessus  de  ces 
notes,  se  trouve  un  registre  suraigu  dont  l'étendue 
est  théoriquement  illimitée  et  qui,  dans  la  pratique, 
permet  d'atteindre  aux  notes  du  registre  chantant 
du  violon,  mais  avec  un  limbre  et  un  caractère  bien 
dilTérents.  Kn  effet,  tandis  que,  dans  les  trois  pre- 
miers registres,  le  violoncelle  chante  ou  accompagne 
avec   une  sonorité  pleine   et    facilement   émise,    il 


prend,  dans  les  notes  du  registre  suraigu,  un  accent 
tour  à  tour  poignant,  douloureux,  violent,  qui  lui 
est  spécial.  Cet  effet  provient  de  la  grande  tension  des 
cordes  sur  lesquelles  joue  alors  l'exécutant;  on  com- 
prend que  l'atlaque  de  cordes  raccourcies  de  moitié, 
des  trois  quarts,  et  quelquefois  plus,  devienne  pro- 
gressivement plus  difficile  et  ne  puisse  donner,  si 
l'exécutant  n'est  pas  d'une  magistrale  habileté, 
qu'une  sonorité  contrainte,  grêle  et  trop  souvent 
grinçante.  Exception  doit  être  faite  pour  les  noies 
harmonique»,  qui  sont  produites  par  le  doigt  efOeu- 
rant^a  corde  aux  points  dits  mnuh  harmoniques.  Ces 
notes,  impropres  à  l'expression,  puisque  l'exécutant 
ne  peut  leur  donner  la  vibration  qu'il  désire  par  la 
pression  de  son  doigt,  ont  une  sonorité  pure  et  cris- 
talline pleine  de  charme.  Elles  sont  souvent  em- 
ployées avec  bonheur  pour  terminer  à  l'aigu  unirait 
arpégé. 

L'étendue  du  violoncelle  à  l'aigu  est  donc  impos- 
sible à  délimiter  d'une  façon  précise.  Un  des  exem- 
ples les  plus  significatifs  que  nous  connaissions  de 
l'emploi  de  cette  énorme  élendue  se  trouve  dans  le 
Concerto  en  la  mineur  de  C.  Sai.m-Saëns. 

Voici  ce  passage  : 


i^imn^ïïïmà 


^...^..te£^,..^^ifffm|7fffff|f^ 


inpo 


Ritenuto     poco     a      poco      ad    libitum 


L'auteur  a  écrit  aussi  une  facilité  : 


w^m^ 


p^f¥F 


'Miii* 


^^ 


que  nous  avons  vu  bien  des  artistes  choisir  de  pré- 
férence, peut-être,  dans  certains  cas,  parce  que,  faute 
d'une  attention  suflisanle,  la  première  version  leur 
avait  paru  ijiexécutable. 

Elle  est  pourtant  parfaitement  possible,  et  même 
d'une  difficulté  modérée,  eu  égard  à  l'acuité  des 
sons  à  produire.  11  suffit,  pour  l'exécuter,  de  suivre 


1.T  gamme  jusqu  au  son  : 


par  les  doigtés 


ordinaires,  puis  de  redescendre  à  la  première  posi- 
tion, d'appuyer  le  pouce  sur  le  si  ^  et  d'effleurer  du 
quatrième  doigt  le  mip,  ce  qui  nous  donne  la  double 
octave  du  si[i  appuyé,  et  de  continuer  avec  le  même 
doigté  jusqu'à  la  fin  du  trait. 

On  voit,  par  ce  passage,  que  l'écriture  du  violoncelle 
emprunte  trois  clefs  :  la  clef  de  fa  quatrième  ligne, 
la  clef  d'u<  quatrième  ligne  et  la  clef  de  sol.  De  plus. 


la  clef  de  &ol  n'est  pas  toujours  employée  à  son  dia- 
pason réel.  Berlioz  dit  à  ce  sujet  :  «  Quand  on  l'écrit 
dés  le  début  d'un  morceau  ou  immédiatement  après 
la  clef  de  fa,  elle  présente  aux  yeux  l'octave  haute 
des  sons  réels.  Elle  n'a  toute  sa  valeur  que  si  on  la 
fait  succéder  à  la  clef  d'«(  quatrième  ligne;  alors 
seulement,  elle  représente  les  sons  réels  et  non  point 
leur  octave  supérieure.  »  Berlioz  blâme  cet  usage 
que  rien  ne  justiûe  et  qui  amène  souvent  des  erreurs 
dans  l'exécution.  Nous  affirmons  qu'on  pourrait, 
sans  aucun  inconvénient,  siinplilier  l'écriture  du 
violoncelle,  en  supprimant  la  clef  d'»/  (écueil  des 
amateurs,  des  mauvais  amateurs,  veux-je  dire!),  et 
en  employant  toujours  la  clef  de  fa  et  la  clef  de  soi 
à  leur  valeur  réelle. 


De  cette  façon,  \'ul  de  la  clef  de  soi: 


* 


1846  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


viendrail  loul  naturellement  se  confondre  avec  \'ut 


de  la  clef  de  fa  :   _/'  \  ,  comme  cela  se  pratique 


pour  le  piano,  sans  aucune  ambiguïté  possible,  et 
sans  nuire  à  la  clarté  de  la  lecture,  au  contraire. 
>'ous  proposons  celle  réforme,  qui  est  une  simplifi- 
cation, aux  compositeurs  présents  et  à  venir. 

Toutes  les  formes  de  traits  en  usage  sur  le  violon 
et  l'alto  sont  accessibles  au  violoncelle,  mais  pres- 
que toujours  avec  une  plus  praiide  diflicullé  d'exécu- 
tion. Un  coup  d'archet,  principalement  le  détache, 
présente  sur  le  violoncelle  des  difficultés  paiticu- 
lières.  Il  faut  le  travailler  longtemps,  sous  ses  di- 
verses formes,  avec  beaucoup  de  patience,  aidée  de 
raisonnement  et  de  volonté,  pour  arriver  à  bien; 
mais,  môme  dans  ce  cas,  les  violoncellistes  ne  réus- 
sissent pas  à  produire  un  détaché  aussi  net  et  aussi 
vigoureux  que  celui  des  violonistes.  Nous  avons  en- 
tendu accuser,  à  ce  propos,  les  violoncellistes  d'avoir 
mal  ou  insuflisamment  travaillé  leur  instrument. 
C'est  une  imputation  dont  il  y  a  lieu  de  les  défendre. 
Il  y  a  parmi  les  violoncellistes  des  artistes  aussi  bien 
doués  et  aussi  travailleurs  que  n'importe  quels 
autres,  et  l'infériorité  relative   de   leur  détaché  ne 


provient  pas  d'eux,  mais  de  la  nature  même  de  leur 
instrument.  La  longueur  et  la  grosseur  des  cordes, 
en  rapport  direct  avec  la  gravité  des  sons  à  produire, 
exigent  une  amplitude  de  vibration  qui  ne  permet  pas 
que  ces  cordes  soient  mises  en  mouvement  et  ra- 
menées à  l'immobilité  avec  la  même  rapidité  que 
s'il  s'agit  de  cordes  beaucoup  plus  courtes  et  plus 
minces.  Le  détaché  sera  forcément  d'autant  plus 
lourd  et  confus  qu'il  se  produira  sur  un  registre  plus 
grave.  La  même  observation  peut,  d'ailleurs,  être 
faite  avec  un  piano  dont  l'appareil  de  percussion  est 
également  parfait  d'un  bout  à  l'autre  de  l'échelle. 
Un  trait  rapide  exécuté  dans  les  octaves  graves  ne 
se  détachera  jamais  avec  la  même  netteté  que  dans 
le  registre  aigu.  Il  y  a  là  une  loi  physique  que  l'on  ne 
peut  supprimer,  mais  que  les  violoncellistes  parvien- 
nent à  tourner  en  partie,  à  force  de  travail  et  d'ingé- 
niosité. 

Les  passages  liés,  ainsi  que  les  mélanges  de  notes 
liées  et  de  notes  détachées,  quoique  plus  difliciles 
que  sur  le  violon,  sont  d'un  bon  elTet  sur  le  violon- 
celle, mais  il  est  une  forme  de  trait,  d'ailleurs  exécu- 
table sur  tous  les  instruments  à  archet,  qui  emprunte 
au  violoncelle  un  charme  tout  spécial,  c'est  l'accord 
arpégé. 

Un  passage  de  ce  genre  : 


—a-  a  Xig — ff  \ 


elc 


exécuté  avec  liberté  et  souplesse  du  poignet,  donne 
une  impression  de  grâce  parfaite  et  peut  accom- 
pagner de  façon  exquise  certaines  phrases  chan- 
tantes. 

La  double  corde  est  d'une  belle  sonorité,  mais  elle 
doit  être  écrite  avec  beaucoup  de  circonspection 
pour  être  exécutable  et  donner  l'elfet  que  l'auteur  en 
attend.  Le  compositeur,  en  ce  cas,  doit,  s'il  n'est  pas 


violoncelliste  lui-même,  avoir  une  notion  très  exacte 
du  mécanisme  spécial  de  l'instrument. 

Aussi,  la  double  corde  est-elle  peu  employée  à 
l'orchestre  et  même  dans  la  musique  de  chambre; 
son  emploi  dans  le  solo  peut  être  d'un  très  beau 
caractère. 

Voici  un  exemple  tiré  du  Concerto  de  Schumann  : 


Dans  ce  passage,  toutes  les  notes  sont  chantantes  et 
doivent  être  exécutées  avec  style  et  expression;  il  y 
faut  une  belle  sonorité  et  une  justesse  irréprochable; 
cela  n'est  pas  facile  à  réunir,  quoique  le  passage  soit 
fort  bien  écrit  pour  l'instrument. 

Les  doubles  notes  en  tierces,  en  sixtes  et  en  octaves 


peuvent  être  exécutées  dans  les  traits  d'une  assez 
grande  rapidité,  grâce  à  l'emploi  du  pouce  comme 
sillet  mobile,  et  à  la  condition  que  ces  successions  de 
doubles  notes  soient  par  degrés  conjoints.  Des  pas- 
sages comme  ceux-ci  : 


Sons  réels. 


TECHNIQUE,  ESTIIÈTIQI'E  ET  PÉDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    is.? 


sont  exécutables  et  d'un  bon  ell'et,  mais  une  succes- 
sion de  tierces  disjointes  écrite  ainsi  : 


serait  à  peu  près  injouable,  même  dans  un  mouve- 
ment modéré,  et  l'auteur  courrait  grand  risque  de  ne 
l'entendre  jamais  reproduire  avec  justesse. 

Les  accords  de  trois  et  de  quatre  notes  ont,  sur  le 
violoncelle,  un  vigoureux  et  beau  caractère,  mais  on 
ne  doit  pas  les  faire  se  succéder  trop  rapidement,  et 
les  précautions  que  doit  prendre  tout  compositeur 
qui  écrit  pour  le  violoncelle  autre  chose  qu'une 
simple  partie  de  basse,  sont  ici  plus  nécessaires  que 
jamais.  Tout  accord  Je  trois  ou  de  quatre  sons  n'est 
pas  possible;  il  faut  que  les  notes  à  faire  entendre  se 
trouvent  sur  des  cordes  dilTérentes  (une  même  corde 
ne  pouvant  évidemment  faire  entendre  plusieurs 
sons),  et  il  faut  encore  que  les  doigtés  devant  les 
produire  ne  dépassent  pas  l'écartement  possible  des 
doigts. 

Allegro  non  îanto 
9  -    •    • 


11  est  à  remarquer  que  l'arcbct  ne  peut  attaquer 
d'ime  façon  absolument  simultanée  trois  el  à  plus  forte 
raison  quatre  cordes,  à  cause  de  la  forme  convexe  du 
jeu  do  cordes,  mais  le  temps  qui  s'écoule  entre  la 
mise  en  vibration  des  dilTérentes  notes  est  si  bref 
([ue  l'impression  de  l'accord  est  bien  franche,  et  qu'il 
résulte  même  de  ce  rapide  cinglement  un  accent  très 
énergique  qui  est  spécial  aux  instruments  à  archet. 

Pour  l'étude  en  doubles  noies  et  accords  exécu- 
tables sur  le  violoncelle,  ainsi  que  pour  d'autres 
détails  d'une  technicité  aride,  nous  ne  pouvons  que 
renvoyer  aux  méthodes  spéciales  et  aux  traités 
d'instrumentation  qui  les  iniliquent  avec  les  déve- 
loppements nécessaires. 

Certains  viituoses-compositeurs  ont  trouvé,  par 
suite  de  leur  connaissance  approfondie  de  l'instru- 
ment, des  formes  de  traits  qui,  sans  aller  jusqu'au 
véritable  brillant,  présenlent  le  violoncelle  sous  un 
aspect  léger,  lapide,  sautillant,  dont  on  ne  le  croirait 
pas  capable  au  premier  abord. 

Voici  un  trait  du  Cinquième  Concerto  de  RounERO, 
qui  entremêle  d'une  façon  très  heureuse  les  tierces 
et  les  octaves  : 


P        g 


.i^ffi^ffli  i^S^ffi^^ 


etc. 


En  voici  un,  tiré  de  la  Fantaisie  caractéristique  de  Servais,  qui  emploie  avec  beaucoup  d'art  les  arpèges 
et  les  notes  harmoniques  : 

All°  vivace    Sons  réels 
0     0 

2  o"ro" 


gss^ 


■^    #■ 


ÉE5: 


^m 


î. 


Jl      .0.      JL 


^ 


:^ 


^ 


1848  ENcyr.LOPÉniE  de  la  musique  et  dictionnaire  du  conservatoire 

4 


m^ui^^^j^ff^m' 


Le  passaae  suivant  est  extrait  du  Concerto  en  la  mineur  de  A.  Chevillard,  ancien  professeur  au  Con- 


servatoire de  Paris  ; 


i^ltm 


Ce  trait,  que  Ton  dirait  écrit  pour  le  piano,  est 
difficile,  mais  parfaitement  exécutable  sur  le  violon- 
celle, lUms  le  ton  d'ut  majeur;  il  cesse  d'être  possible 
si  on  le  transpose  dans  un  antre  ton. 

Ces  divers  passages  nous  obligent  à  admirer  l'in- 
géniosité de  l'auteur  et  l'habileté  de  l'exécutant,  ils 
nous  donnent  une  impression  à  la  fois  de  virtuosité 
et  de  musique,  mais  combien  d'autres  pourrions- 
nous  citer  qui  nous  causeraient  des  sen>ations  toutes 
différentes  et  nous  rapprocbeiaient  du  sentiment  de 
Fontenelle  à  qui  on  faisait  remarquer  combien  une 
œuvre  qu'il  venait  d'entendre  était  difficile  :  »  Plùl 
au  Ciel  qu'elle  fût  impossible!  »  s'écria-t-il.  Cette 
boutade  contient  en  germe  tous  les  principes  de  la 
vraie  critique. 

Nous  devons  tirer  des  exemples  cités  plus  haut 
une  autre  conclusion  :  c'est  que  les  passages  de  véri- 
table virtuosité  ne  peuvent  être  écrits,  sauf  de  bien 
rares  exceptions,  que  par  des  virtuoses,  et  nous  con- 
seillerons aux  compositeurs  qui  voudraient  créer 
pour  le  violoncelle  une  œuvre  sortant  des  données 
habituelles  de  la  symphonie,  du  quatuor  ou  de  la 
sonate  (encore  l'écrilure  de  la  sonate  moderne  con- 
fine-t-elle  à  la  virtuosité!),  de  consulter  un  violon- 
celliste pour  les  passages  difficiles.  Ils   arriveront 


ainsi,  au  prix  de  modifications  quelquefois  très 
légères,  à  une  version  bien  écrite  pour  l'instrument, 
qualité  qui  peut  influer  plus  qu'on  ne  le  croit  sur  les 
destinées  d'une  œuvre. 

Le  pizzicato,  ou  son  produit  par  la  corde  pincée, 
est,  sur  le  violoncelle,  d'un  très  bon  effet;  à  l'or- 
chestre, les  violoncelles,  unis  aux  contrebasses,  don- 
nent, parle  pizzicato,  des  notes  fondamentales  pleines 
de  rondeur  et  de  force.  Dans  la  musique  de  chambre, 
le  pi/.zicato  est  fréquemment  employé.  (Voir  la  se- 
conde reprise  du  premier  morceau  du  Trio  à  l'Archi- 
duc de  Bëkthoven,  où  le  violon  et  le  violoncelle  repro- 
duisent, en  dialogue  avec  le  piano,  d'importants 
l'ragments  et  développements  du  thème  principal.) 
Pour  obtenir  la  meilleure  sonorité  possible,  l'exécu- 
tant doit  pincer  la  corde,  non  en  la  soulevant  et  en 
l'éloignant  de  la  touche,  car,  dans  ce  cas,  elle  revien- 
drait frapper  le  bois  avec  un  claquement  désa- 
gréable, mais  en  la  déplaçant  dans  un  plan  paral- 
lèle à  la  touche;  de  cette  façon,  il  peut  donner  à  la 
corde  la  plus  grande  amplitude  de  vibration  sans 
avoir  à  craindre  de  claquement. 

La  qualilé  la  plus  séduisante  du  violoncelliste, 
celle  qui  différencie  l'artiste  de  race  de  l'instrumen- 
tiste sans  vocation,  c'est  la  beauté  et  la  tenue  du 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    18'.'.» 


son.  La  qiialilé  du  son  émane  de  la  constitution  de 
l'artiste;  il  ne  sait  lui-même  quel  procédé  il  emploie, 
ni  en  quoi  ce  procédé  dilleie  de  celui  des  autres 
instrumentistes;  cela  s'est  formé  intuitivement,  au 
début  des  éludes,  par  l'appropriation  intime  de  l'ar- 
tiste à  son  instrunienl  ;  c'est  le  sentiment  personnel, 
impossible  à  analyser,  comme  le  parfum  d'une  fleur 
ou  la  couleur  d'un  regard.  C'est  par  la  beauté  du 
son  et  par  sa  flexibilité,  correspondant  aux  nuances 
les  plus  variées  du  sentiment,  que  le  grand  virtuose 
prendra  les  foules  et  pourra  les  émouvoir  jusqu'aux 
larmes,  jusqu'au  délire.  Cette  qualité  primordiale 
ne  s'acquiert  pas,  mais  elle  peut  être  largement  déve- 
loppée par  l'élude.  Le  son  expressif  et  souple  s'ob- 
tient, ou  plutôt  se  perfectionne,  par  le  travail  du  son 
jilé.  On  nomme  ainsi  un  son  commencé  pianissimo 
à  une  des  extrémités  de  l'arcliet,  enflé  le  plus  pos- 
sible jusque  vers  le  milieu  de  la  baguette,  et  diminué 
ensuite  Jusqu'à  l'autre  extrémité,  en  donnant  à  ce 
son  le  plus  de  durée  possible'.  L'artiste  doit  s'appli- 
quer à  ce  que  son  archet  reste  en  contact  intime 
avec  la  corde  dans  le  piano,  comme  dans  le  foiie, 
sans  trépidation.  C'est  ce  qu'on  appelle  avoir  l'archet 
à  la  conte;  cette  qualité  précieuse  est  l'apanage  des 
exécutanis  bien  doués,  et,  pour  être  conservée  dans 
toute  sa  pureté,  elle  exige  non  seulement  du  travail, 
mais  une  foule  de  soins  qui  sont  d'un  domaine  ditfé- 
rent,  et  dont  nous  aurons  l'occasion  de  dire  quelques 
mots  à  la  fin  de  celte  étude. 

On  a  quelquefois  reproché  aux  violoncellistes  d'être 
des  lecteurs  médiocres,  ou  du  moins  de  se  mon- 
trer, sous  ce  rapporl,  très  inférieurs  aux  violonistes, 
pianistes,  flûlistes,  etc.  Il  est  certain  qu'on  rencontre 
assez  souvent  des  violonistes  capables  de  déchiffrer 
bien,  quelquefois  très  bien,  une  sonate,  même  diffi- 
■cile.  Quand  un  violoncelliste  est  soumis  à  la  même 
épreuve,  il  est  rare  qu'il  s'en  tire  brillamment.  On 
voit  même  des  artistes,  d'ailleurs  considérés  comme 
habiles  et  en  possession  d'une  technique  solide, 
hésiter  ou  se  tromper  dans  des  traits  relativement 
faciles  qu'ils  rencontrent  en  déchiffrant  un  quatuor 
ou  une  sonale.  Ces  imperfections  ont  leur  véritable 
cause  dans  la  nature  même  de  l'instrument.  En  exa- 
minant le  doigté  du  violoncelle,  nous  voyons  que 
l'exécutant  est  obligé  de  passer  du  premier  doigt  au 
troisième  pour  couvrir  l'intervalle  d  un  ton,  ladimen- 
tion  de  cet  intervalle  étant  trop  grande  pour  qu'une 
main  de  taille  moyeinie  puisse  contenir  l'espace  d'un 
ton  entre  chacun  de  ses  doigts.  Il  en  résulte  que 
dans  la  plupart  des  cas,  pour  les  gammes  exécutées 
aux  quatre  premières  posilions  (qui  sont  de  beaucoup 
les  plus  usuellesl,  le  second  et  le  troisième  doigt  sont 
tour  à  tour  inutilisés,  pirâiis,  ce  qui  diminue  d'autant 
la  facilité  d'exécution  de  ces  gammes  et  surtout  le 
nombre  des  doigtés  possibles.  Pour  la  même  raison 
{la  dimension  des  intervalles),  le  violoncelliste  ne 
peut,  à  la  première  position,  atteindre  de  son  qua- 
trième doigt  l'unisson  de  la  corde  suivante,  comme 
le  fait  le  violoniste,  qui  tire  de  ce  fait,  ainsi  que  de 
l'utilisation  de  tous  ses  doigts  dans  une  gamme 
quelconque,  un  énorme  avantage  sur  le  violoncel- 


1.  Les  sons  iilés  ne  peuvent  être  obtenus  d'une  £:içon  parfaite  qn'a 
l'aide  d'un  bon  archet.  Disons,  à  re  propos,  queles  principes  qui  prési- 
dent à  la  construction  des  arrtiels  de  violoncelle  sont  les  mêmes  que 
pour  les  archets  de  violon  Dans  l'archet  de  violoncelle,  la  baguette 
est  un  peu  moins  longue  et  un  peu  plus  grosse  que  d;ins  l'arcbet  de 
violon,  la  mèche  est  plus  fournie,  l'ensemble  de  l'instrument  est  cal- 
culé de  façon  à  pouvoir  transmettre  une  pression  plus  énergique.  Les 
meilleurs  archets  de  violoncelle  ont  été  faits  par  Tourte  jeune,  Enhy, 
L.iFi.ECR,  Peccate,  VomiN,  etc. 


liste.  Celui-ci  a  comme  un  doigt  de  moins.  Il  faudrait, 
pour  qu'il  pt'it  avoir  des  facilités  égales  à  cells  du 
violoniste,  que  la  dimension  de  sa  main  fiit,  par 
rapport  au  violoncelle,  comme  celle  du  violoniste 
par  rapport  au  violon,  c'est-à-dire  hors  de  toute  pro- 
portion humaine. 

Un  trait  de  violoncelle  n'a  généralement  qu'un  ou 
tieux  bons  doigtés  qu'il  est  souvent  difficile  ou  impos- 
sible d'apercevoir  du  premier  coup  d'o'il;  un  trait  de 
difliculté  égale  pour  le  violon  a  un  beaucoup  plus 
j;i  and  nombre  de  doigtés  possibles,  sinon  bons,  et  le 
vinlonisle  qui  déchiffre  peut,  grâce  à  son  cinquième 
doigt,  se  rattraper  tant  bien  que  mal  et  arriver  au 
bout  du  trait,  tandis  que  le  malheureux  violoncelliste 
qui,  dès  le  début,  a  manqué  le  bon  doigté,  en  est 
nduit  à  garder  momentanément  le  silence. 

Pourtant  son  O'il,  aussi  exercé  que  celui  du  violo- 
niste, a  lu  le  passage,  mais  ses  doigts,  mal  engagés, 
n'ont  pu  suivre  son  esprit,  et  les  auditeurs,  qui  cons- 
lalent  la  faute,  peuvent,  très  innocemment,  l'attribuer 
h  une  cause  qui  n'est  pas  la  vraie. 

A  ces  difficultés  quelquefois  insurmontables,  qui  se 
pi  ésentent  dans  la  lecture  à  vue  sur  le  violoncelle, 
il  convient  d'ajouter  les  complications  qui  provien- 
nent de  l'emploi  des  trois  clefs  et  du  changement 
fréquent  de  ces  clefs. 

En  résumé,  la  technique  du  violoncelle  est  des 
plus  difficiles,  sinon  la  plus  dif'ticile  qui  existe,  car  cet 
instrument  est  appelé,  par  la  beauté  de  ses  sons  et 
l'étendue  de  ses  registres,  à  attirer  et  à  subjuguer 
l'attention,  tandis  que  la  complication  de  sa  mise  en 
iruvre,  sa  lourdeur  naturelle,  la  pauvreté  relative  de 
ses  doigtés  sont  autant  d'obstacles  à  son  essor  vers 
les  hautes  sphères  de  l'exécution. 


EMPLOI  DU  VIOLONCELLE 
l,c  violoncelle  à  rorehcslre. 

Ainsi  que  nous  l'avons  remarqué  à  propos  des 
basses  de  viole,  les  ancêtres  du  violoncelle  et  le  vio- 
loncelle lui-même  ne  servirent  pendant  des  siècles 
qu'à  soutenir  le  chant  dans  les  églises,  et  même  dans 
les  processions  hors  des  églises,  malgré  le  caractère 
peu  portatif  de  l'instrument.  Les  exécutanis  de  cette 
époque  avaient  imaginé  de  per'orer  le  dos  de  leur 
instrument  et  d'y  adapter  une  cheville  de  bois  qui, 
lixée  d'autre  part  à  leurs  vêtements,  leur  permettait 
de  jouer  en  marchant  et  d'accompagner  la  voix  des 
chantres.  On  trouve  encore  fréquemment  des  violon- 
celles sur  lesquels  la  trace  des  anciennes  cln'villes 
se  voit  très  bien,  quoique  les  trous  aient  été  soigneu- 
sement bouchés.  Chose  curieuse,  ces  mutilations  ont 
plus  nui  à  l'aspect  qu'à  la  sonorité  de  l'instrument. 
Il  faut  se  féliciter,  cependant,  que  les  beaux  violon- 
celles italiens  n'aient  pas  subi  de  pareilles  dépré- 
ciations. 

Suivant  la  juste  observation  de  A.  Tolbecque,  «  un 
des  documents  les  plus  exacts  sur  l'emploi  et  la 
forme  des  instruments  du  xvi«  siècle  nous  est  fourni 
par  le  célèbre  tableau  de  Paul  Véronèse  représen- 
tant les  Noces  de  (ana  {{",(,-2],  et  au  centre  duquel  se 
trouve  groupé  un  petit  orchestre  où  le  quatuor  des 
violes  est  parfaitement  disposé  :  basse,  ténor,  alto  et 
pardessus  de  viole  ».  C'est  là,  évidemment,  le  noyau 
générateur  de  l'orchestre  moderne.  Plus  tard,  ce 
groupe  homogène  se  mêla  aux  voix  et  devint  peu  à 


ISr.o 


E.VCyCLOPÉniE  de  la  musique  et  DICTI0S\\A[RE  du  CONSEliVATOIliE 


peu  la  base  indispensable  de  toul  concert.  M.  Jourdain 
voulut  des  violons  et  des  violes  pour  recevoir  les  gens 
de  qualité;  il  eut  même  l'idée,  peut-être  un  peu  ma- 
lencontreuse, d'y  ajouter  une  trompette  marine,  mais 
cet  instrument  n'ayant  d'une  trompette  que  le  nom, 
puisqu'il  était  formé  d'une  longue  boile  de  réso- 
nance et  d'une  corde  mise  en  vibration  par  un  archet, 
l'idée  de  M.  Jourdain  n'était  pas  en  somme  ausM 
barbare  qu'elle  le  paraît  au  premier  abord.  Dans 
ces  combinaisons  orchestrales  primilives,  les  parties 
réservées  anx.  basses  de  viole  et  aux  violoncelles  ne 
furent  que  des  parties  d'accompagnement. 

Les  r'apides  progrès  de  la  musique  ne  tirèrent  pas 
le  violoncelle  de  l'injuste  oubli  dans  lequel  le  lais- 
saient les  compositeurs.  Dans  la  rrrusique,  si  polypho- 
nique, si  riche  d'écriture,  de  Sébastien  Bach,  nous  ne 
connaissons  pas  d'exemple  de  l'emploi  des  facirités 
chantantes  du  violoncelle  à  l'orchestre.  Les  basses 
sont  réunies  sous  la  dénomination  générale  de  con- 
tinua ;  elles  sont  symphoniques,  mais  non  mélodiques. 

Le  maître  réserve  ses  phrases  d'expression  aux 
hautbois,  hautbois  d'amour,  airx  tlr'ites,  etc.,  et  ne 
tire  pas  de  parti  spécial  de  la  chanterelle  du  violon- 
celle. L'œuvre  de  H.\\dn,  de  Mo/.art,  nous  offre  peir 
ou  point  d'exenrples  du  violoncelle  employé  à  l'or- 
chestre comme  instrument  de  chant;   il   est  permis 


de  s'en  étonner,  car  ses  qualités  caractéristiques 
paraissent  convenir  à  la  sincérité  touchante  du  vieil 
Haydn,  et,  plus  spécialement  encore,  airx  idées  ten- 
dres et  poétiques  du  maître  de  Salzborrrg. 

A  Beethoveiv  revient  l'honneur,  parmi  beaucoup 
d'autres,  d'avoir  donné  au  violoncelle  son  véritable 
rôle  dans  l'orchestre  syraphoniqire  et  d'avoir  mis  en 
lumière  toutes  ses  ressources  expressives.  Beethoven 
s'est  emparé  du  violoncelle  toul  enlier,  comme  d'un 
trésor  découvert,  et  n'a  laissé  dans  l'ombre  aucune 
de  ses  qualilés.  C'est  ainsi  que  le  génie  procède,  par 
intuitions  globales  et  imprévues.  Les  neuf  sympho- 
nies, les  ouvertures,  les  concertos  et  les  messes  con- 
tiennent de  nombreux  passages  dans  lesqirels  le  vio- 
loncelle atteint  airx  plus  hauts  sommelsde  l'expres- 
sion. Nous  ne  pouvons  citer  toirs  ces  exemples,  bien 
qu'ils  soient  tous  d'un  haut  enseignement;  il  faut  nous 
borner  à  signaler  quelques-uns  des  plus  caractéris- 
tiques. 

Le  thème  de  VAndante  con  moto  de  la  Cinquième 
Symphonie  (nt  mineur)  est  exposé  par  les  violoncelles, 
auxquels  l'arrleur  a  adjoint  les  altos,  rron  pour  mo- 
dilier  le  tiniltre  des  premiers,  qui,  ainsi  que  le  re- 
marque BERLroz,  reste  absoluincnt  prcdoniinant,  mais 
pour  ajouter  de  la  rondeur  et  de  la  sonorité  à  l'ex- 
posé du  motif  : 


ALTOS 


VIOLONOELLE.S 


CONTHEBASSES 


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Aiidaiite  con  nioti)^ 


•^'^i^ii  iJ-ï 


[)nl 


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f"^r-^ 


Piz2 


/'        i^ 


Plus  lard,  dans  la  Neuvième  Symphonie,  c'est  aux 
violoncelles  unis  aux  corrtr'ebasseS(|ue  l'auteur  donne 
le  thème  formidable  qur,  par  ses  développements  et 
ses  tr'ansformations,  doit  exprimer  toutes  les  formes 
de  la  joie  et  de  l'eiithousrasme  humains.  Aussitôt 
après  l'exposition  de    ce    thème,   on   l'entend  une 


seconde  fois  par  les  violoncelles,  dans  leur  rci/islre 
chantant  par  excellence.  Celte  'répélilion  du  thème, 
adoucie  par  la  sonor'ité  moellerrse  de  la  chanterelle, 
et  encore  poétisée  par  la  guirlande  fleurie  que  le 
basson  enroule  autour  de  ce  thème,  est  d'urr  charme 
inexprimable  : 


TECHNIQVE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÈnAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    1851 


Allegro  assai 


KASSON 


ALTOS 


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,S52  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSEBVATOIRK 


Cresc  . 
Dans  le  Scherzo  de  la  même  symphonie,  la  phrase  en  ré  majeur  des  altos  et  violoncelles 


r  if  r  f  f 


^ 


t^^-^ 


emprunte  à  la  voix  de  ces  derniers  un  caractère  géné- 
leux  et  franc. 

BEKTHOvENautiliséavecunégal  génie  tous  les  regis- 
tres et  tous  les  caractères  de  l'inslruraenl.  Le  trait  de 
l'ouverture  de  Coriolan  exprime  les  sentiments  tumul- 
tueux du  principal  personnage.  Ce  passage,  d'exécu- 
tion difficile,  n'est  pas  toujours  rendu  purement  par 
les  violoncellistes;  on  y  constate  souvent  un  peu  de 


confusion,  mais,  quand  il  est  bien  exécuté,  son  eflot 
est  plein  de  grandeur  et  d'àpreté. 

Le  registre  grave  des  violoncelles  a  fourni  au  grand 
symphoniste,  par  son  association  avec  l'octave  infé- 
rieure des  contrebasses,  des  elfets  d'un  magnifique 
caractère  et  d'une  grande  variété.  Dans  cet  ordre 
d'idées, le  scherzo  de  Xa^Symphonic  en  ut  mineur  est  à 
citer  en  première  ligne.  Le  premier  thème  murmuré 
pianissimo  par  les  basses  : 


ORCHESTRE 


VIOLONC  ELLES 


Allegro. 


î/-'  P 


TECriNIQCE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    185.t 


saisit  l'auditeur  par  sa  mystérieuse  ^'randeur  et  le 
transporte  dans  un  monde  inconnu  où  il  pressent  des 
choses  graves  ou  terribles;  son  esprit  est,  dès  les  pre- 


mières mesures,  enchaîné  et  palpite  plus  profondé- 
ment à  chacpie  réapparition  du  thème,  jusqu'à  ce 
qu'cnlin  éclate  le  majeur  saccadé  et  formidable  ; 


ALTOS 

■^T^ 

B^ 

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K 1 

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a  BASSONS 

M 

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»— 1— : 

-^ — = 

CONTREBASSES 

'      f 

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-fl-«L 

T^^  1 

Z^U- 

et  plus  loin  : 


VIOLONCELLES     '')'■      j      j     f 
a  CONTHËhASSES  '^      '^     I  : 


^ 


^^ 


:CÎP^ 


puissante  étreinte  du  plus  novateurdes  génies. 
Weber  a  donné  au  violoncelle  un  lùle  très  noble 


dans  son  orchestre;  dans  l'ouverture  du  Freyschutz, 
nous  le  voyons  caractériser  le  personnage  fantastique 
de  Samiel  : 


Adagio , 


VIOLONCELLES  33 


Ot\CHESTRE-< 


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1854  E^i'-YCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Dans  dlle  à'Obcron,  il  chante  une  mélodie  pleine  de 
grâce  et  de  IVaiclieur.  Mknuklssohn,  doué  d'une  mer- 
veilleuse lialiilelé  technii|ue  dans  l'arl  de  l'orclieslra- 
tion,  a  souvent  empl'i\é  le  violoncelle  avec  lionheur. 


L'ouverlure  de  Ruy-Blas  contient  une  pliiase  large 
et  passionnée,  qui,  écrite  dans  le  registre  moyen  do 
l'instrument,  est  d'un  beau  et  "rave  caractère: 


Allegro  moKo, 


VIOLONCELLES 


ORCHESTRE 


S 


M 


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TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    185.-, 


r~r^ 


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'  f  f  t 


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T^ 


& 


fe 


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ScBUMANN  a  exprimé,  par  les  accents  du  violon- 
celle, bien  des  senliments  poétiques  ou  poignants; 
l'ouveilure  de  Manfred,  d'une  inspiration  si  amère  et 


si  grandiose  à  la  fois,  contient  des  passages  de 
violoncelle  qui  nous  émeuvent  profondément,  celui- 
ci  par  exemple  : 


VIOLONCELLES 


Mouv*  passionné  (J=144) 


^ORCHESTRE 


M 


^m 


^ 


3^^^ 


Cresc. 


kàk 


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tTS 


etc 


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te: 


qui  traduit  si  bien  les  plaintes  désespérées  du  som- 
bre héros  de  liyron. 

L'emploi  du  registre  grave  du  violoncelle  au  point 
de  vue  expressif  et  chaulant   est  plus  rare.  Nous  en 


trouvons  cependant  un  bel  exemple  dans  Berlioz, 
au  commencement  de  la  deuxième  partie  delà  liam- 
nation  de  Faust  : 


2"^=  VIOLONS     [7h    ii    (- 


VIOLONCELLES^ 


Largo  sostenulo  (Ji:72) 

^ 


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PP' 


4^ 


S 


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1856  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


^4^^r  'rim 


Dans  ce  passage,  le  violoncelle  traduit  la  doulou- 
reuse rêverie  de  Faust.  Ses  notes  profondes  et  voilées, 
après  les  éclats  de  la  Marche  Hongroise,  nous  trans- 
portent dans  le  cabinet  d'études  du  malheureux  doc- 
teur, toujours  en  proie  à  ses  ardentes  aspirations. 
Au  cours  de  cette  scène,  les  violoncelles,  auxquels 
répondent  les  altos  dans  l'interprétalion  du  princi- 
pal motif,  s'adaptent  admiraljleinent  aux  sentiments 
du  personnage,  et  forment  la  base  de  cette  riche  trame 
orchestrale  au-dessus  de  laquelle  Faust  déclame  son 


désespoir  et  sa  volonté  d'en  finir  avec  une  vie  qui  ne 
lui  apporte  que  désenchantement  et  tortures... 

Berlioz  a  confié  en  grande  partie  au  violoncelle 
l'expression  de  l'amour  de  Uoméo  ;  dans  VAdugio  de  la 
symphonie  RomAi  et  Juliette,  que  l'auteur  estimait  être 
une  de  ses  meilleures  pages,  nous  vovons  le  violon- 
celle jouer  la  grande  phrase  de  tendresse  passionnée 
qui  s'échappe  des  lèvres  de  Roméo  entrant  dans  le 
jardin  de  Julielte  : 


Adaeio  (Poco  animalo.   JtlOO) 


p  [         etc 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    1857 


Au  cours  du  morceau,  dans  la  pénombre  de  cette 
nuit  shakespearienne,  la  voix  grave  des  violoncelles 
reparaît  souvent,  exprimant  l'ardeur  pressante  de 
Uoméo  ou  redisant  la  phrase  d'amour  initiale. 

Wagner  et,  plus  généralemenl,  tous  les  compo- 
siteurs  modernes   ont  conservé    au   violoncelle    la 


grande  place  que  lui  avaient  donnée  leurs  devanciers. 
Qui  n'a  remarqué,  au  troisième  acte  des  Maîtres  chan- 
teurs, dans  la  valse  des  étudiants,  l'entrée  délicieuse 
des  violoncelles,  apportant  une  note  de  tendresse 
émue  au  milieu  de  la  joie  légère  des  écoliers? 


ORCHESTHE 


VIOLONCEIJiES 


OHCHESTHE 


m!'  lïioHp're  de  Valse 


J    ^. 


^.j^     ,^J-|¥f| 


k 


^fr^.J^^J 


i    1-1^ 


etc. 


A  l'acte  précédent  du  même  ouvrage,  c'est  encore 
le  violoncelle  qui,  dans  son  registre  moyen,  prélude 
à  la  profonde  rêverie  de  Hans  Sachs.  Wagner  n'a- 
t-il  pas  encore  choisi   le  violoncelle   pour   lui  faire 


Lenlo    è  languenle 


exprimer  les  phrases  débordantes  de  passion,  qui 
sont  les  principaux  thèmes  du  Prélude  de  Tristan  et 
Ysciilt? 


Copyright  by  Librairie  Delagrave,  19î' 


117 


1858 


ENCVCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTfONNAlRE  DU  CONSERVATOIRE 


On  voit,  par  ces  exemples  de  caraclères  très  divers, 
qu'aucun  des  sentiments  graves,  passionnés  ou  nobles 
du  cœur  liumain  n'est  inaccessible  à  la  voix  péné- 
trante du  violoncelle. 

Dès  que  le  timbre  de  ses  deux  cordes  supérieures 
se  fait  entendre  à  l'orchestre,  il  s'impose  à  l'attention, 
un  peu  comme  la  voix  humaine,  et  prépare  l'auditeur 
à  des  impressions  d'un  ordre  élevé. 

Certains  auteurs  ont  tiré  un  admirable  parti  des 
violoncelles  divisés  à   l'orchestre.  Nous  citerons  le 


quintette  du  commencement  de  l'ouverture  de  Cniil- 
laume  Tell,  où  Rossini  a  su  mettre  un  beau  coloris, 
à  la  fois  grave  et  agreste,  qui  convient  fort  bien  au 
sujet  du  drame,  beaucoup  mieux  certes  que  le  style 
sautillant  ou  même  galopant  des  motifs  qui  termi- 
nent cette  ouverture. 

Un  bel  exemple  de  la  puissance  expressive  des 
violoncelles  divisés  nous  est  fourni  par  Wagner  dans 
la  Walliyrie  (acte  I,  scène  1)  : 


ppjjer    vM* 


DEUX  2"?".,,| 

viles 

DEUX  3"\'^='      ■ 


DEUX  4":''= 
DEUX  b"^.'^ 


yll.es 


2   C     BASSES. 


Andante 


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TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   VIOLONCELLE    lS5't 


Traduction;  L'eau  de  la  source  a  étanehé   ma 


soif  et     nl-lè-ge     ma  Jati-gue  mon  cou -rage  est  rafraîchîmes 


,  yeux    se  déLectenl  dans  la    contemplation  de  la  céleste  vision 


etc- 


1860 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Dans  ce  magnifique  passage,  les  violoncelles  Ira- 
duisenl,  par  une  des  plus  belles  mélodies  que  nous 
ait  données  le  génie  dr.  Wagner,  l'amour  pénétrant 
au  cœur  de  Siegmund  et  l'emplissant  bientôt  tout 
entier. 

Les  œuvres  orchestrales  de  Franck,  Lalo,  Brahms, 
Saint- Saëns,  contiennent  de  nombreux  exemples 
d'un  bel  emploi  des  ressourscs  du  violoncelle,  mais 
c'est  plus  spécialement  encore  dans  leurs  œuvres  de 
musique  de  chambre  que  nous  trouverons  à  citer 
des  passages  caractéristiques  de  ces  maîtres. 

Le  violoncelle  dans  la  musîqne  de  chambre. 

Les  qualités  el  les  ressources  diverses  de  l'inslru- 
nientque  nous  nouselTorçons  de  décrire  ici  trouvent 
leur  application  complète  dans  la  musique  de  cham- 
bre, el  s'augmentent  par  le  rôle  dévolu  au  violoncelle 
d'accompagner  à  découvert  le  chant  des  autres  ins- 
truments. Le  violoncelliste  qui  joue  à  l'orchestre  se 
sent  soutenu  par  la  masse  de  ses  collègues;  il  n'a 
pas,  de  ce  fait,  à  prendre  de  précautions  trop  minu- 
tieuses pour  l'attaque  et  la  sonorité  de  ses  notes, 
mais  il  n'en  est  pas  de  même  pour  celui  qui  exécute 
une  œuvre  de  musique  de  chambre.  11  faut  ici  le  tact 
le  plus  fin,  la  musicalité  la  plus  profonde,  le  style  le 
plus  pur,  joints  à  une  technique  très  complète.  Si 
nous  prenons,  comme  type  de  l'œuvre  de  musique 
de  chambre,  le  quatuor  à  cordes  qui  en  est  l'ex- 
pression la  plus  homogène,  la  plus  indiscutablement 
belle,  nous  voyons  que  le  rôle  du  violoncelle  est, 
après  celui  du  premier  violon,  le  plus  important  de 
l'ensemble.  Il  forme  la  base  de  rédifice  sonore,  et 
a,  pour  cette  raison,  une  importance  harmonique 
qu'aucune  autre  ne  surpase;  mais  ce  qui  rend  l'exé- 
cution de  la  partie  de  basse  très  délicate,  c'est  que, 
malgré  cette  importance  fondamentale,  elle  doit  con- 
server une  souplesse  absolue  et  se  prêter  aux  fantai- 
sies el  aux  nuances  infinies  de  la  partie  mélodique. 
Le  violoncelliste  de  quatuor  doit  deviner  les  moin- 
dres intentions  du  violon  ou  de  l'alto  qui  chante  au- 
dessus  de  lui,  et  s'y  plier  avec  une  docilité  parfaite, 
même  quand  les  intentions  de  celui-ci  ne  concordent 
pas  complètement  avec  son  sentiment. 

Le  volume  juste  du  son  à  donner  doit  être  dans  un 
rapport  exact  avec  la  sonorité  de  la  partie  chantante 
(nous  ne  disons  pas  dxdt  l'égaler),  et  c'est  ce  rapport 
exact  que  peut  seul  sentir  le  musicien  expérimenté, 
ayant  une  connaissance  profonde  de  l'œuvre  exécutée 
et  de  la  valeur  luinnonique  de  chacune  des  notes  qu'il 
joue.  Cette  valeur  peut  varier  d'une  note  à  l'autre, 
ou  dans  la  durée  d'une  même  note,  et  il  faut,  pour 
apprécier  ces  difl'érences,  des  qualités  musicales  qui 
sont  le  propre  des  artistes  de  haute  envergure.  Nul 
exécutant  ne  peut  donner  la  mesure  d'un  goût  et 
d'un  style  élevés  mieux  qu'un  violoncelliste  de  qua- 
tuor ;  nul  ne  peut,  non  plus,  trahir  l'insuffisance  de 
sa  nature  ou  de  son  éducation  plus  complètement 
que  ce  même  artiste  par  certaines  erreurs  d'accom- 
pagnement, telles  que  l'emploi  du  vibrato  où  il  n'en 
faut  pas,  ou  encore  la  recherche  d'un  effet  spécial  à 
sa  partie  dans  un  passage  où  l'auteur  n'en  a  conçu 
aucun.  Le  violoncelliste  de  quatuor  doit  donc  dé- 
ployer dans  les  passages  accompagnants  de  sa  partie 
les  qualités  qui  sont  ctlles  du  fin  et  solide  musicien  ; 
il  lui  reste  les  passages  où  cette  partie  devient  pré- 
pondérante, pour  faire  montre  de  ses  qualités  expres- 
sives et  quelquefois  de  sa  virtuosité.  Ces  passages 
sont  nombreux,  surtout  dans  la  musique  écrite  de- 


puis un  siècle.  Ils  doivent  être  joués  non  seulement 
avec  le  style  qui  leur  convient,  mais  encore  sous 
l'enipire  du  sentiment  général  de  l'oeuvre  où  ils 
se  trouvent;  nous  voulons  dire  par  là  que  le  vio- 
loncelliste, même  lorsqu'il  prend  la  parole  et  de- 
vient principal,  ne  doit  pas  oublier  qu'il  après  de 
lui  trois  voix  solidaires,  desquelles  il  ne  doit  jamais 
se  désunii-.  Sa  sonorité  doit  être  en  rapport  constant 
avec  celle  de  sesacolytes.il  en  résulte,  dans  certains 
cas,  qu'une  phrase  écrite  dans  la  partie  de  violoncelle 
d'un  quatuor  ne  doit  pas  être  exécutée  de  même  que 
si  elle  faisait  partie  d'un  concerto  avec  accompagne- 
ment d'orchestre  ou  de  piano.  Ce  sont  là  des  nuan- 
ces très  délicates  que  peuvent  seuls  comprendre  les 
professionnels  delà  musique,  el  qui  montrent  com- 
bien doit  être  souple  et  intuitif  le  talent  du  violon- 
celliste de  quatuor.  Aussi,  y  a-l-il  eu  de  tout  temps  el 
y  a-t-il  encore  aujourd'huiun  Irèspetit  nombre  d'exé- 
cutants dignes  d'une  admiration  sans  réserve  dans 
celle  difficile  spécialité.  Il  faut  dire  cependant,  à  la 
louange  du  monde  musical  moderne,  que  l'élude  du 
quatuor  s'est  prodigieusement  répandue  depuis  une 
vingtaine  d'aimées,  et  que  nous  voyons  maintenant 
nombre  de  violoncellistes  de  talent  dédaigner  les 
stupidesairs  variés  sur  des  thèmes  d'opéra  ou  autres 
qui,  pendant  plusieurs  générations,  ont  diverti  les 
salons,  et  mettre  leur  bonne  ambition  à  devenir  d'ex- 
cellents interprètes  de  la  musique  de  chambre. 

Nous  ne  trouvons  pas  d'emploi  du  violoncelle  dans 
la  véritable  musique  de  chambre  avant  Boccherini, 
compositeur  italien  (17'i0-1806)  et  virtuose  renommé, 
qui  passe  pour  avoir  fait  progresser  la  terhnique  de 
son  instrument.  Boccherini  a  laissé  un  nombre  con- 
sidérable de  compositions,  parmi  lesquelles  des 
sonates,  des  concertos,  et  surtout  des  quintettes 
pour  instruments  à  cordes,  avec  deux  parties  de  vio- 
loncelle, dont  la  première  renferme,  en  même  temps 
que  d'aimables  idées  d'un  caractère  maintenant 
suranné,  de  véritables  difficultés  de  mécanisme.  Il 
faul,  pour  les  interpréter,  beaucoup  de  sûreté,  de 
justesse  et  de  goût,  de  ce  goût  spécial  qui  consiste 
à  bien  tourner  une  fioriture  et  à  faire  une  belle  révé- 
rence. Les  quintettes  de  Boccherini  fuient  encore 
exécutés  dans  le  dernier  quart  du  xix^  siècle  par  des 
artistes  fervents  admirateurs  des  grâces  du  xvui", 
mais  ils  paraissent  aujourd'hui  complètement  aban- 
donnés. Ce  qui  peut  paraître  regrettable  à  bon 
nombre  d'esprits  éclectiques. 

Bach  a  laissé  des  sonates  pour  violoncelle,  mais 
elles  sont  d'un  style  peu  aimable  et  d'une  exécution 
difficile.  On  les  joue  peut  ou  point. 

Les  quatuors  d'HAVDN  nous  montrent  le  violoncelle 
dans  son  rôle  d'indispensable  base  de  la  musique  de 
chambreàcordes;  bien  que  ces  parties  soientsouvent 
d'un  beau  dessin  et  d'un  grand  intérêt  harmonique,  le 
violoncelle  n'y  apparaît  pas  avec  ses  multiples  res- 
sources expressives.  Il  y  est  presque  uniformément 
confiné  dans  l'accompagnement  des  phrases  données 
aux  autres  instruments,  surtout  au  premier  violon, 
qui  a,  dans  les  quatuors  d'HAYDx,  un  rôle  prépon- 
dérant. Ce  caractère  est  moins  accusé  dans  Mozart, 
où  nous  voyons  quelquefois  l'alto  et  le  violoncelle 
prendre  la  parole,  mais  timidement  encore,  et  pour 
des  phrases  ou  des  membres  de  phrase  de  peu  de 
durée.  Cependant,  la  polyphonie  est  devenue  plus 
riche,  les  noies  de  basse  ont  pris,  par  leur  valeur 
dans  la  trame  harmonique,  une  plus  grande  expres- 
sion, el  certaines  parties  de  violoncelle  de  Mozart, 
bien  que  ne  renfermant  pas  de  chant  proprement 


TECHNIQUE,  ESTlJÉriQlE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    Isf.l 


dit,  sont  très  intéressantes  a  jouer  et  exigent  chez 
l'exécutant  de  profondes  qualités  de  style  et  de  tact. 
11  faut  être  un  artiste  de  haute  valeur  pour  jouer  la 
musique  de  Mozart  avec  la  touchante  simplicité,  et, 
par  moments,  avec  la  sublime  émotion  que  contient 
l'inspiralion  de  ce  grand  maître. 

De  même  que  pour  la  musique  d'orchestre,  c'est 
dans  l'œuvre  de  musique  de  chambre  de  Beethoven 
que  le  violoncelle  trouve  son  complet  épanouissement 
et  l'emploi  caractéristique  de  toutes  ses  ressources. 
Les  quatuors  à  cordes  de  nEEiHOVEN  nous  offrent 
le  modèle  le  plus  parlait  du  dialogue  mélodique  des 
quatre  parties  essentielles  de  l'harmonie.  L'union 
de  ces  voix,  soutenue  par  la  plus  souvei'aine  des  ins- 
pirations, est  si  profonde  qu'on  doit  les  trouver  à 
peu  près  aussi  belles  l'une  que  l'autre.  La  sève  mélo- 

Quasi  prestissimo. 


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ff  f  ifr 


dique  qui  anime  les  parties  du  deuxième  violon,  de 
l'alto  et  du  violoncelle  n'est  pas-moins  riche  que  celle 
du  premier  violon,  et,  si  ce  dernier,  de  par  son  rôle 
nécessaire,  doit  traduire  un  plus  grand  nombre  de 
formes  mélodiques,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que 
chaque  note  des  autres  parties,  tour  à  tour  accom- 
pagnantes et  chantantes,  renferme  aussi  une  pensée 
et  une  expression.  L'exécution  exacte  en  est  d'une 
grande  difflculté,  principalement  dans  les  derniers 
quatuors,  où  la  complexité  des  idées  et  de  l'harmonie, 
la  beauté  étrange  des  rythmes,  la  mise  en  œuvre 
des  ressources  les  plus  secrètes  de  chaque  instru- 
ment, dépasse  tout  ce  qui  a  été  fait  en  ce  genre  de  la 
hauteur  d'un  immense  génie. 

Voici  un  passage   du  Di.vième  Quatuor  qui  exige 
chez  l'exécutant  d'assez  rares  qualités  : 


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•1862  EiSCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DV  CONSEHVATOIfiE 


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TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    18*13 


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etc. 


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iÉat 


foco   cresc. 


sempre  PP 


Dans  le  premier  de  ces  exemples,  le  violoncelle, 
complètemeiil  àdécouvert,  propose  un  thème  nouveau 
qui  doit  être  joué  avec  force  et  nettett".  C'est  ici  un 
cas  où  la  faiblesse  du  Jt'(ac/it  prodnitait  1p  plus  mau- 
vais effet,  le  passage  exigeant  im  ijrand  détaché, 
l'archet  à  la  corde,  avec  le  maximum  de  son  et  de 
vigueur  possible.  Le  premier  violon,  joiianl  le  même 
passage  aussitôt  après  le  violoncelle,  et  le  jouant  tou- 
jours (avec  raison)  dans  la  manière  que  nous  venons 
d'indiquer,  il  en  résulterait,  si  le  violoncelle  n'avait 
pas  tout  d'abord  exposé  le  thème  comme  il  convient, 
un  effet  disparate  qui  ne  serait  rien  moins  qu'une 
trahison.  —  Le  second  passage  exige  un  petit  détaché, 


1^."^  VIOLOJV 


2'?  V10I;0\ 


AliTO. 


VIOLONCELLE 


Allegro. 


qui,  selon  nous,  doit  aussi  être  fait  à  la  corde,  avec 
beaucoup  de  iuttcté,  chose  diflicile  dans  un  registre 
aussi  grave.  C'est  dans  la  partie  de  violoncelle  que 
réside  l'eU'et  magnilique  de  celle  pi'ogression.  11  n'y 
a  pourtant  ponit  là  de  mélodie;  l'auteur  nous  sub- 
jugue par  la  seule  puissance  de  ses  successions  har- 
moniques et  rythmiques,  et  c'est  au  violoncelle  que 
revient  le  devoir  ipas  très  facile  à  remplir)  de  faire 
sentir  cette  puissance  avec  toute  sa  beauté. 

Le  début  du  Sefjtième  Quatuor  nous  offre  l'exemple 
d'une  phrase  largement  chantée  dans  le  registre 
moyen  du  violoncelle  : 


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1864 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


On  raconte  à  ce  sujet  qu'un  violoncellisle,  non  des 
moindres,  mais  insuffisamment  pénétré  du  slijle  des 
grands  maitrcs,  exécutait  d' instinct  un  si^  au  com- 
mencement de  la  troisième  mesure,  le  trouvant  sans 
doute  plus  y<?n()7,  plus  moyi(/rttn  quele  si\^  del'auleur. 


Comme  il  venait  de  faire  un  jour  son  déplorable  si iJ, 
le  premier  violon,  excellent  musicien  celui-là,  lui 
répondit  en  faisant  un  !((if  à  la  troisième  mesure  de 
sa  phrase  correspondante  : 


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L'histoire  ne  dit  pas  si  cette  grotesque  perversion  de 
la  phrase  beethovénienne  corrigea  Terreur  du  vio- 
loncelliste. 

Le  Septième  Quatuor  contient  de  nombreux  pas- 
sages, tantôt  rythmiques,  tantôt  mélodiques,  où  le 
violoncelle  piend  une  importance  capitale.  Citonsles 
traitscaractéristiques  de  Y  Allegretto,  la  phrase  mouil- 
lée de  larmes  de  l'Adagio  et  le  thème  russe  du  final. 
L'œuvre,  dans  son  ensemble,  est  fort  difficile  à  bien 
jouer;  on  peut  dire  qu'un  violoncellisle  qui  joue  le 
Septième  Quatuor  sans  faiblesses  et  avec  le  siyle  qui 
convient,  est  un  artiste  d'autorité. 

Dans  les  derniers  quatuors  (qui  commencent  an 
n°    12  de    l'édition   Petf.rs),    l'auteur,   emporté   par 
la    sublimité    de    ses    pensées,    ne    parait    plus    se 
préoccuper    de    la    technique    des   instruments;  on 
dirait  (jue,  s'étant  élevé  au-dessus  des  sphères  musi- 
cales explorées  jusqu'alors,   il  écrit  pour  la   seule 
satisfaction  de  son  cœur,  et  sans  s'inquiéter  de  savoir 
si  des  moyens  humains  pourront  jamais  traduire  ses 
sentiments  si  piofonds  et  si  nouveaux.  Aussi,  pen- 
dant bif  n  des  années,  ces  œuvres  gigantesques  furent- 
elles  traitées  de  conceptions    baroques    et  inexécu- 
tables. Hélas!  c'est  nous,  faibles  disciples,  insuffi- 
sants chercheurs,  qui  étions  les  grotesques!  .Non  seu- 
lement, les  derniers  quatuors  sont  exécutables  diins 
leur  intégrité,    mais  ils  atteignent  au  summum  de 
l'expression  musicale  par  la  mise  en  action  de  toutes 
les  ressources  des   instruments   à   cordes.    Ils    sont 
l'œuvre  qu'on  n'a  pas  égalée,  et  qu'on  ne  peut  dépas- 


ser, probablement  le  dernier  mot  de  la  musique 
L'initiation  du  public  fut  lente  et  laliorieuse.  11  fallut 
l'opiniâtreté,  la  foi  inébranlable  dans  le  génie  du 
maître,  qui  anima  quelques  artistes  vers  le  milieu 
du  siècle  dernier,  pour  qu'un  petit  groupe  d'ama- 
teurs passionnés  de  musique  de  chambre  en  vint  à 
écouler,  avec  élonnement  d'abord,  puis  avec  une  com- 
préhension grandissant  peu  à  peu  jusqu'à  l'enlhou- 
siame,  ces  ipuvres  d'une  essence  si  prodigiense.  Une 
grande  partie  de  l'honneur  de  cette  initiation  revient 
cà  la  Société  de  quatuors  fondée  par  Mal'bin  et  Chevil- 
LARD,  qui,  au  mépris  de  tout  intérêt  pécuniaire  et 
même  de  tout  succès  mondain,  eut  le  courage  de  con- 
sacrer de  longues  heures  d'étude  et  de  recherches 
aux  derniers  quatuors  avant  de  les  faire  entendre 
en  France  et  en  Allemagne.  Que  sa  mémoire  en  soit 
honorée.  GrAce  à  sou  iinliative,  le  monde  musical 
est  maintenant  en  possession  de  ces  inestimables 
joyaux,  et  toutes  les  sociétés  de  quatuors  leur  con- 
sacrent les  plus  ferventes  études. 

Les  parties  de  violoncelle  des  derniers  quatuors 
diffèrent  de  celles  écrites  jusqu'alors  par  une  utili- 
sation plus  complète  des  richesses  de  l'instrument,  et 
par  l'importance  plus  grande  que  leur  donne  l'écri- 
ture de  plus  en  plus  polyphonique  du  compositeur. 
L'exécutant,  tantôt  complète  l'harmonie  par  une 
double  corde  imprévue,  tantôt  quitte  brusquement 
le  registre  on  il  joue  pour  prendre  un  pizzicato  dans 
unegamme  éloignée  etrevenir  àson  premierregistre, 
tour  à  tour,  il  accompagne  etchante,  passant  de  l'une 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAdOGlB 


LE  VIOLONCELLE    1S65 


àraulii'l'oMitidn,  pourdeiix  outroisnotes  quelquefois, 
et  devant,  à  cliaque  instant,  modifier  sa  sonorité;  il 
Tant  que  son  mécanisnie  soit  toujours  prêt  ,i  exécuter 
des  trails  souvent  dilliciles  et  gauclienienl  doifités, 
cela,  sans  lourdeur,  avec  la  même  sùrelé  ciue  les  ins- 
Iruments  auxquels  il  répond.  De  [dus,  il  doit  con- 
nailro  à  fond  tous  les  thèmes  et  toutes  les  répliques 
des  autres  parties,  ne  plus  être  obligé  de  compter  ses 
mesures,  avant  de  se  risquer  à  jouer  en  pulilic  une  de 
ces  œuvres  redoutables.  La  moindre  erreur  de  mesure, 
un  mouvement  mal  pris  au  début,  peuvent  entraîner 

Adagio,    molto 

I 
1""VI0L0N 


a*?  VIOLON 


ici  des  désastres  irrépai  ables,  car  les  exécutants  n'ont 
pas,  comme  dans  les  quatuors  d'IlAvnN  par  exemple, 
la  ressource  de  se  remettre  dans  la  bonne  voie  d'a- 
près les  harmonies  d'un  sens  usuel  et  évident  qu'ils 
entendent. 

ISous  citerons  deux  exemples  de  l'écriture  des  der- 
niers quatuors,  qui,  dans  des  genres  dillérenls,  mon- 
trent jusqu'où  allait  l'audace  du  compositeur,  lors- 
qu'il avait  besoin  des  ressources  les  moins  usiléesdu 
violoncelle  : 


ALTO. 


AII"appassiona(o.      Presto. 


F."' VIOLON 


2']  VIOLON 


ALTO. 


VIOLONCELLE 


(866  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


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TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIF 


LE  VIOLONCELLE    1*57 


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1868 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Le  premier  de  ces  exemples  nous  montre  le  violon- 
celle passant  brusquement  d'un  extrême  à  l'autre  de 
ses  registres  et  jouant,  en  quelque  sorte,  les  parties 
de  deux  instruments.  Aucun  des  prédécesseurs  de 
Beethoven  n'eût  osé  écrire  un  tel  passage. 

Le  second  exemple  nous  donne  une  phrase  de  chant 
(et  quelle  phrase  !)  écrite  dans  le  registre  suraigu, 
habituellement  réservé  aux  œuvres  de  virtuosité. 
Celle  phrase  ne  comporte  pas  de  très  bon  doigté; 
il  faut  la  jouer  pourtant  avec  une  aisance  et  Une  pas- 
sion que  rend  plus  pénétrante  le  timbre  des  notes 
les  plus  tendues  de  la  chanterelle  ;  c'est  possible,  mais 
c'est  fort  diflicile,  et  l'artiste  le  plus  solide  éprouve 
un  cerlain  soulagement  lorsqu'il  arrive  sans  accident 
à  la  fin  du  dangereux  passage.] 

En  dehors  de  ses  quatuors  à  cordes,  Beethoven 
nous  a  laissé  de  magnifiques  exemples  de  la  puis- 
sance expressive  du  violoncelle.  Quel  musicien  n'a 
été  profondément  ému  par  le  dialogue  entre  les  deux 
instruments  à  cordes  à  la  fin  de  VAndante  du  Tno 
à  l'archiduc?  Après  avoir  parlé  séparément,  ces  deux 
voix,  également  expressives,  s'unissent  dans  la  plus 
grandiose  des  péroraisons.  Dans  tout  ce  merveilleux 
Amiante,  la  partie  du  violoncelle  est  aussi  profondù- 
ment  mélodique  et  intéressante  que  celle  du  violon 
ou  du  piano. 

L'œuvre  de  Beethovk.v  contient  quelques  sonates 
piano  et  violoncelle,  biillammenl  écrites  pour  l'ins- 
trument, mais  d'un  inlérèt  musical  relalivemenl  mé- 
diocre. Elles  ne  peuvent  être  mises  en  comparaison 
avec  les  sonates  de  piano  et  violon,  et  nous  paraissent 
être  une  partie  secondaire  de  l'œuvre  de  Bekthoven,  si 
toutefois  il  est  permis  d'employer  un  pareil  mot  à 
propos  d'un  tel  maître.  Exception  doit  être  faite  pour 
VAndante  de  la  Sonate  en  ré  majeur,  page  d'un  senti- 
ment douloureux  et  intime  qui  se  rattache  à  la  grande 
manière  de  l'auteur.  Malheureusement,  ce  bel  .In- 
dante  (qu'on  ne  joue  jamais  en  public  !)  s'enchaîne 
avec  un  Allegro  fwjato  d'un  style  particulièrement 
ingrat,  et  qui  ressemble  plus  à  un  exercice  d'élevé 
qu'à  un  morceau  destiné  à  charnier  le  public,  infime 
point  d'ombre  dans  une  immense  et  lumineuse 
fresque  ! 

Les  trios,  quatuors  et  quintettes  de  Schuman'n  con- 
tiennent de  magnifiques  pensées  admirablement 
appropriées  à  la  voix  du  violoncelle.  Les  trois  A)i(/a)i/cs 
des  trios  avec  piano  sont  des  merveilles  mélodiques 
où  les  instruments  ont  une  part  à  peu  près  égale  de 
chant  et  d'intérêt.  La  partie  de  violoncelle  y  est  trai- 
tée de  la  façon  la  plus  noble,  à  l'exemple  de  Beetho- 


ven, et  avec  tontes  les  séductions,  toute  la  poésie 
qui  caractérisent  Schuman.n.  Quoique  difficiles,  ces 
admirables  trios  sont  accessibles  aux  instrumentistes 
d'une  bonne  technique,  et  le  violoncelliste  peut  y 
révéler  les  qualités  les  plus  exquises,  si  la  nature  lui 
en  a  fait  don.  Dans  le  Quatuor ei  le  Quintette  avec  piano 
de  ScHUMANN,  les  phrases  généreuses  et  passionnées 
abondent,  et  l'exécution  de  la  partie  de  violoncelle, 
d'une  difficulté  modérée,  est  toujours  d'un  grand  inté- 
rêt pour  l'interprète.  A  la  fin  de  VAyidante  du  Qua- 
tuor, ScHUMANN  fait  descendre  la  corde  tU  du  violon- 
celle jusqu'au  si  p  de  façon  à  pouvoir  faire  entendre 


simultanément   les    deux    sons 


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t- 


qui  donnent  une  belle  pédale  grave  par  laquelle 
se  termine  le  morceau.  L'auteur  a  eu  le  soin  de 
laisser  préalablement  au  violoncelliste  un  nombre 
suffisant  de  pauses  pour  qu'il  lui  soit  possible  de 
faire  descendre  sa  corde  un  ton  au-dessous  de  son 
diapason  habituel.  Le  procédé  qui  consiste  à  chan- 
ger l'accord  d'un  instrument  à  cordes  au  cours  d'un 
morceau  est  très  périlleux.  L'exécutant  est,  en  effet, 
obligé  de  prendre  ce  nouvel  accord  pendant  que 
ses  partenaires  jouent  des  notes  dill'érentes  dont 
l'audition  le  trouble;  s'il  veut  se  rendre  compte  en 
toucbant  sa  corde,  de  façon  tant  soit  peu  sonore,  il 
risque  d'être  entendu  des  auditeurs  et  d'apporter  une 
note  discordante  dans  l'harmonie  ;  s'il  se  contente 
d'appuyer  son  oreille  à  une  cheville  de  son  instru- 
ment et  d'elfleurer  la  corde  (procédé  souvent  em- 
ployé), il  risque  de  ne  pas  entendre  assez  bien  et  d'at- 
taquer une  note  fausse  quand  le  moment  sera  venu 
de  jouer.  Il  y  a  des  dangers  de  tous  côtés,  et  nous 
recommandons  d'éviter  autant  que  possible  ce  pro- 
cédé ;  si  l'on  tient  à  l'employer  cependant,  par  une 
exception  qui  peut  être  justifiée,  que  ce  soit  pour 
unr  S:  ule  note,  aussi  voisine  que  possible  du  ton  habi- 
tuel. Il  ne  faudrait  pas  écrire  un  passage  de  plusieurs 
notes  sur  une  corde  ainsi  désaccordée,  car  l'instru- 
mentiste, ne  pouvant  plus  se  servir  de  ses  doigtés  or- 
dinaires, risquerait  de  se  tromper  à  chaque  instant. 
Dans  les  quatuors  à  cordes  de  Schuman.x,  il  y  a  de 
charmants  passages  de  violoncelle  ;  nous  citerons  la 
belle  phrase  de  VAndatite  du  Quatuor  en  la  mineur, 
dans  laquelle  l'exécutant  peut  obtenir  le  plus  légi- 
time succès  personnel  s'il  sait  la  jouer  avec  la  poésie 
qu'elle  contient  : 


Adagio 


ir  ^iOLON. 


2^  VIOLON. 


ALTO. 


if  VIOLONCELLE. 


2^VI0L0NCELLE. 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    VIOLONCELLE    1869 


Les  œuvres  de  Schubert  nous  présentent  de  nom- 
breuses et  belles  applications  des  facultés  chanlantes 
et  accompagnantes  du  violoncelle.  Les  trios  avec 
piano  sont  d'une  écrituie  extrêmement  mélodique 
ut  séduisante,  mais  souvent  bien  difficiles  de  doigté 
ei  d'archet.  Le  Trio  en  si  ^,  notammeni,  est  fort  sca- 
breux; il  faut,  pour  le  jouer,  un  violoncelliste  très 
solide  et  doué  de  beaucoup  de  charme  dans  le  cliant. 
Le  Quatuor  n  cordes  en  rc  mineur  (oîuvre  posthume/ 
est  une  magnilique  page  dans  laquelle  le  violoncel- 
liste attire  souvent  l'attention  sur  lui,  et  qui  exige, 
de  sa  part,  de  nombreuses  qualités,  beauté  du  son 
et  puissance  dans  les  premières  parties,  légèreté, 
netteté,  précision  de  l'archet  dans  le  difficile  Presto 
final.  Mais  c'est  dans  le  Quintette  à  deux  busses  que 
Schubert  a  le  plus  remarquablement  employé  les 
dill'érents  caractères  du  violoncelle.  Les  phrases  sen- 


timentales, ou  pleines  d'expansion  du  premier  mor- 
ceau, sont  rendues  par  les  deux  basses,  ou  par  le 
premier  violon  et  le  premier  violoncelle  dialoguant 
de  la  façon  la  plus  mélodieuse.  Dans  le  célèbre  Ada- 
ijio,  les  deux  violoncelles  ont,  tour  à  loui',  un  rôle 
capital.  La  modulation  en  fa  mineur  amène  un  pas- 
sage où  le  violon  et  le  premier  violoncelle  chantent 
à  l'octave  une  lente  et  pathétique  mélodie,  pendant 
que  les  parties  accompagnantes  font  entendre  dans 
le  grave  des  rythmes  tragiques.  Plus  loin,  au  retour 
du  thème  en  mi  majeur,  le  second  violoncelle  et  le 
premier  violon  ornent  des  plus  exquises  broderies 
les  mélopées  soutenues  des  instrumenis  intermé- 
diaires. Ce  passage  étonnant  est  à  citer  tout  entier 
pour  la  fraîcheur  de  l'inspiration,  l'habileté  de  l'écri- 
ture et  le  rôle  tout  spécial  qu'y  joue  le  violoncelle. 
Le  voici  : 


Adagio 


l""  VIOLON 


2'' VIOLON 


ALTO. 


VIOLONCELLE 


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1870  ENCYCLOPÈIHE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIO.V.VAIHE  DU  CONSERVATOIRE 


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TECUNIQVE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉPACnGlE 


LE  VIOLONCELLE    1S71 


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1872 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIHE 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    1S73 


PPP 


L'exécution  'de  la  partie  de  basse  est  difficile  à 
cause  des  quatre  dièses  de  la  tonalité,  de  la  gau- 
cherie des  doigtés  et  de  l'obligation  où  se  trouve  le 
violoncelliste  de  jouer  à  la  fois  très  nettement  et 
très  légèrement,  eu  respectant  la  sonorité  des  autres 
parties,  et  en  donnant,  cependant,  à  chacune  de  ses 
notes,  un  style,  un  accent  qui  ne  sont  pas  ceux  de 
l'accompagnement  ordinaire.  Quand  toutes  ces  nuan- 
ces sont  observées,  il  résulte  de  l'ensemble  de  cet 
Adagio  une  des  plus  complètes  impressions  que 
puisse  donner  la  musique  de  chambre. 

Les  trios  et  quatuors  de  Mendelssohnn  sont  fort 
bien  écrits  pour  le  violoncelle,  mais  c'est  surtout 
dans  trois  pièces  spéciales,  la  Sonate  en  si  n,  le  Granil 
Duo  en  ré  majeur,  el  le  Thème  et  Variations,  que  l'au- 
teur a  fait  preuve  d'une  connaissance  approfondie 
de  toutes  les  ressources  de  l'instrument;  il  est 
impossible  de  mieux  écrire  au  point  de  vue  techni- 
que, et  si  la  sincérité  et  la  variété  des  idées  étaient 
en  rapport  avec  l'habileté  de  la  mise  en  œuvre,  ces 
compositions    resteraient  comme    des    monuments 


impérissables;  malheureusement,  il  n'en  est  pas 
ainsi,  et  nous  voyons  ces  œuvres,  très  remarquables 
à  certains  égards,  déjà  délaissées  par  le  monde  mu- 
sical moderne. 

La  musique  de  Brahms,  si  géniale  et  si  injuste- 
ment repoussée  en  France  par  quelques  esprits  dont 
l'erreur  s'explique  mal,  alors  que  celle  musique  a 
déjà  conquis  le  reste  du  monde,  et  entre  dès  mainte- 
nant dans  l'immortalité,  nous  donne  de  magnifiques 
exemples  de  la  beauté  du  violoncelle  dans  la  mu- 
sique de  chambre.  Brahms  a  écrit  des  quatuors  à 
cordes  el  avec  piano,  des  quintettes  et  des  sextuors, 
dans  lesquels  abondent  les  phrases  mélodiques  ou 
les  traits,  dont  le  caractère  convient  parfaitement 
au  violoncelle.  Citons  d'aboid  une  belle  application 
de  l'arpège  d'accompagnement  dans  le  (Jiintuor  en  la 
majeur  (avec  piano).  Vers  la  tin  de  la  première  re- 
prise, le  violon  el  l'alto  d'abord,  le  piano  ensuite, 
jouent  un  thème  que  le  violoncelle  soutient,  la  pre- 
mière fois  par  des  notes  répétées,  et  en  second  lieu 
par  des  arpèges  d'un  effet  gracieux  et  enveloppant 


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VIOI.ON 


ALTO 


\IOLONCELLE 


PIANO 


Allegro  lion  Iroppo 


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1874  ENCYCLOPEDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


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TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    187 


Ce  passage  doit  êlre  exécuté  par  le  violoncelle  avec 
précision  et  Jiscrclion.  Il  faut  rester  dans  la  sonorité 
de  racconipagnenienl,  tout  en  jouant  nettement  et 
avec  un  rythme  parfait. 

Dans  le  magnifique  Adaijio  de  la  même  œuvre,  \>^ 
violoncelle  a  un  rôle  des  plus  expressifs,  soit  qu'il 
chante  à  la  double  octave  du  violon  la  phrase  sereine 
du  début,  soit  qu'il  s'unisse  au  violon  et  à  l'alto  pour 
traduire  les  clameurs  tragiques  du  passage  en  si  mi- 
neur. Les  autres  quatuors  avec  piano  et  à  cordes 
réservent  au  violoncelle  un  rôle  plein  d'ampleur  et 
d'expression;  il  en  est  de  même  des  quintetles  avec 


piano,  à  cordes,  et  de  celui  avec  clarinette;  mais 
c'est  surtout  dans  ses  deux  sextuors  à  cordes  que 
Hraiims  a  tiré  un  parti  éclatant  de  la  réunion  des 
deux  violoncelles.  Ces  œuvres  donnent  au  premier 
violoncelle  la  plus  magnifique  partie  mélodique 
qu'un  interprète  bieji  doué  puisse  désirer.  Son  rôle 
contre-balance  au  grave  celui  du  premier  violon  ;  l'un 
propose  une  phrase  que  l'autre  répète  ou  développe; 
d':iutres  fois,  iisjouent  à  l'octave  des  mélodies  d'une 
intense  expression,  revêtues  de  la  riclie  draperit 
harmonique  que  leur  font  les  autres  instruments. 
Citons  la  phrase  en  fa\majeur  du  Premier  Sextuor  : 


V.  VIOLOIV 


24  VIOLON 


ir  ALTO 


2"?  ALTO 


V.  VIOLO^CELLE 


1'^  VrOLOlVCELLE 


Allegro  ma  non  troppo 


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1S76  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


dans  laquelle  rinstriimentiste  peut  mettre  sa  plus 
belle  tlamme  de  passion  sans  crainte  de  se  tromper, 
et  le  final,  si  gracieux  et  simple,  où  le  violoncelle 
expose  le  thème  principal  repris  ensuite  parle  violon. 

Il  existe  deux  sonates  de  Brahms  pour  piano  et 
violoncelle.  Leur  trame  musicale  n'est  pas  de  la 
même  valeur  que  celle  des  quatuors,  quintettes  et 
sextuors.  La  partie  du  violoncelle,  techniquement 
difficile,  ne  rend  pas,  dans  certains  passages,  un  effet 
complètement  satisfaisant;  il  y  a  même,  dans  la 
deuxième  sonate  (en  fa  majeur],  un  passage  de  basse 
inexécutable  et  d'ailleurs  dépourvu  d'intérêt  mdsi- 
cal.  L'archet  de  l'instrumentiste  ne  peut  faire  avec 
régularité  les  changements  de  cordes  dans  le  mou- 
vement indiqué;  il  en  résulte  un  bruit  confus,  mal 
rythmé,  qui  reste  sans  signification,  car  la  partie 
de  piano  ne  lui  apporte  pas  une  lumière  suffisante. 
C'est  là,  très  certainement,  une  erreur  de  l'auteur. 
On  trouve  cependant,  au  cours  de  la  même  sonate, 
bien  des  pensées  délicates  et  des  harmonies  distin- 
guées, mais  la  nature  généreuse  et  sincère  du  grand 
maître,  sa  puissance  expressive  et  son  coloris  ne  s'y 
révèlent  pas  avec  la  même  abondance  que  dans  ses 
autres  œuvres. 

Lalo  a  laissé  des  trios,  une  sonate  et  un  Alleyro 
pour  piano  et  violoncelle  qui  contiennent  des  pages 
de  haute  valeur.  Les  facultés  expressives  et  caracté- 
ristiques de  cet  instrument  y  sont  admirablement 
mises  en  valeur;  il  est  aisé  de  voir,  à  première  lec- 
tui'c,  que  l'auteur  connaissait  parfaitement  la  tech- 
nique du  violoncelle,  et  qu'il  écrivait  pour  cet  instru- 
ment avec  une  sorte  de  prédilection.  Sa  Sonate  est 
certainement  une  des  meilleures  que  nous  ayons,  et 
VAndante  de  cette  sonate,  en  particulier,  est  d'une 
inspiration  parfaitement  belle  et  soutenue.  On  le  joue 
peu  cependant,  et  il  nous  est  impossible  de  com- 
prendre pourquoi,  car  ce  morceau,  qui  pourrait  à  la 
rigueur  être  séparé  du  reste,  est  d'un  etfet  certain  ; 


nous  n'admettons  pas  qu'on  puisse  le  bien  jouer 
sans  produire  chez  l'auditeur  une  émotion  de  l'ordre 
le  plus  élevé.  L'Allégro  de  Concert,  tendant  à  la 
virtuosité,  est  aussi  plus  critiquable  dans  son  essence, 
mais  il  reste,  malgré  quelques  passages  où  l'idée  et 
la  conduite  apparaissent  un  peu  vagues,  une  bonne 
œuvre  de  musique  de  concert,  dans  laquelle  les  deux 
virtuoses  peuvent  faire  montre  des  plus  belles  qua- 
lités. 

La  partie  de  violoncelle  du  Trio  en  la  mineur, 
traitée  de  la  façon  la  plus  moderne,  joue  dans  l'en- 
semble son  rôle  hautement  expressif,  et  contribue, 
pour  une  grande  part,  à  la  traduction  des  belles 
pensées  qui  animent  cette  œuvre. 

Les  trios,  quatuors  et  sonates  de  C.  Saint-Saëns 
nous  offrent  de  parfaits  modèles  de  l'emploi  du  vio- 
loncelle dans  la  musique  de  chambre.  L'auteur  y 
joint  à  une  grande  connaissance  des  ressources  mé- 
caniques de  l'instrument,  le  sentiment  le  plus  juste 
de  ce  que  doit  être  son  emploi,  au  point  de  vue  de 
l'expression,  dans  un  bel  ensemble.  Le  Trio  en  fa  est 
écrit  de  laçon  éminemment  mélodique  et  spirituelle. 
Toutes  les  notes  du  violoncelle  sont  intéressantes  à 
jouer  à  divers  titres;  tantôt,  elles  traduisent  de  belles 
phrases  de  chant,  comme  dans  VAndante,  tantôt  des 
rythmes  pleins  de  caractère,  dans  le  premier  morceau 
ou  le  Scherzo. 

Le  final  de  cette  œuvre,  d'un  fini  irréprochable,  est 
un  gracieux  et  léger  badinage;  les  trois  instruments 
babillent,  se  répondent,  disent  des  choses  différentes, 
mais  toujours  spirituelles,  et  qui  s'arrangent  très  bien 
ensemble;  il  eu  résulte  une  impression  générale  de 
fraîcheur  et  de  grâce  à  laquelle  l'esprit,  captivé  dès 
les  premières  mesures,  se  laisse  aller  sans  jamais 
éprouver  de  fatigue.  —  Voici  un  passage  qui  peut 
donner  une  idée  de  la  virtuosité  de  plume  qui  se  ren- 
contre dans  cette  œuvre  : 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    1877 


Allegro  vivace 


VIOLON 


VIOLONCELLE 


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1878  ENCYCLOPÉrUE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


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TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   VIOLONCELLE    1870 


Saint-Sakns  ;i  publié  deux  sonates  pour  piano  et 
violoncelle,  dont  la  plus  ancienne,  celle  en  ut  mineur, 
magnifiquement  ItaiLée,  a  remporté  le  plus  complet 
succès;  les  idées  en  sont  larges  et  magisiralemeul 
développées;  on  la  joue  très  souvent,  et  elle  reioil 
toujours  rexcellent  accueil  qui  lui  est  dû. 

La  deuxième  sonate,  moins  connue  et  moins  acces- 
sible à  la  foule  par  la  nature  abstraite  des  idées,  est 
aussi  d'une  écriture  plus  complexe  et  ne  peut  être 
abordée  que  par  deux  arlistes  de  valeur,  ayant  pris 
la  peine  de  la  travaillei'  sérieusement  el  d'en  appro- 
fondir le  sens.  Un  a  beaucoup  remarqué,  dans  cette 
sonate,  un  Scherzo  avec  variations,  qui  est  d'une 
forme  très  nouvelle  et  très  heureuse.  Les  quatuors 
de  SAiKT-SAiiNs,  avec  piano  et  à  cordes,  son  quin- 
tette, etc.,  sont  écrits  avec  la  même  maestria  que  les 
autres  œuvres  et  font  partie  de  ce  répertoire  que 
tout  violoncelliste  voué  à  la  musique  de  cliambre 
doit  connaître  très  complètement. 

Il  faut  citer  encore,  parmi  les  œuvres  modernes 
■où  le  violoncelle  joue  un  rôle  digne  de  remarque, 
une  sonate  d'Kmile  Bernard  qui  contient  un  Adagio 
d'une  grande  beauté,  et  ]esVariations  Symphoniques 
de  Léon  Boellma.nn,  dans  lesquelles  la  musique  et  la 
virtuosité  s'allient  étroitement  sans  se  nuire.  Ces 
deux  compositeurs,  morts  jeunes,  n'ont  pu  donner 
toute  la  mesure  de  leur  réelle  valeur;  nous  devons 
le  regretter  très  sincèrement. 


LE   VIOLONCELLE   DANS    LE   SOLO 
LES  VIOLONCELLISTES  CÉLÈBRES 

Le  nombre  des  instruments  pouvant  aborder  avec 
chances  de  succès  le  grand  Solo  accompagné  pai' 
l'orchestre  est  fort  restreint.  Les  deux  héros  de  ce 
genre  de  musique  sont  incontestablement  le  violon 
et  le  piano,  qui,  par  la  variété  de  leurs  ressources, 
traduisent  avec  un  égal  bonheur  toutes  les  nuances 
de  l'inspiration  humaine. 

Immédiatement  après  eux,  vient  le  violoncelle, 
mais  avec  des  chances  sensiblement  moindres.  S'il 
a,  autant  ou  plus  que  ses  confrères  en  virtuosité, 
la  beauté  du  son  et  les  facultés  expressives,  il  lui 
manque  la  variété  du  coloris  et  l'aisance  parfaite  à  se 
mouvoir  dans  les  registres  élevés,  qualités  si  utiles 
dans  une  œuvre  de  longne  haleine.  L'écueil  redou- 
table pour  lui  enlre'tous,  c'est  la  monotonie.  Autant 
ses  premières  phrases  chantantes  ont  un  charme 
exceptionnel,  autant  la  continuation  un  peu  prolon- 
gée des  mêmes  sonorités  risque  de  devenir  las- 
sante, si  le  compositeur  n'a  su  les  varier  par  une 
écriture  extrêmement  souple  et  par  les  ressources 
infinies  de  l'orchestration.  Il  n'est  pas  impossible 
a  priori,  croyons-nous,  d'écrire  un  concerto  pour 
violoncelle  et  orchestre,  dans  lequel  l'intérêt  musi- 
cal et  l'intérêt  de  virtuosité  puissent  s'allier  el  tenir 
l'auditeur  en  suspens  jusqu'à  la  conclusion  de 
l'oeuvre,  mais  c'est  là  une  tâche  tellement  difficile 
qu'elle  n'a  peut-être  pas  été  complètement  réussie 
jusqu'à  présent,  bien  que  de  nombreux  composi- 
teurs de  talent  et  même  de  génie  s'y  soient  appli- 
qués. Le  timbre  du  violoncelle  ne  domine  pas  l'or- 
cliestre  comme  celui  du  violon,  son  agilité  n'est  pas 
comparable  à  celle  du  piano,  enfin  le  nombre  des 
formes  mélodiques,  ou  des  traits  qui  peuvent  donner 
un  bon  effet  dans  ses  registres,  est  beaucoup  moins 
grand  que  dans  les  deux  autres  instruments  ;  la  fan- 
taisie du  compositeur  se  heurte  donc,  dans  tous  les 


sens,  à  des  limites  rapprochées,  et  sa  verve  s'en 
trouve  amoindrie.  Il  faut  beaucoup  de  tact  pour  ne 
pas  étoulfèr  par  l'orchestration  la  voix  du  violoncelle 
dans  son  registre  moyen  ;  quant  aux  traits  écrits 
dans  le  registre  grave,  ils  ne  donnent  le  plus  sou- 
vent qu'une  impression  pénible  ;  le  public  voit  le 
virtuose  s'efforçant  courageusement  de  faire  parler 
avec  netteté  les  grosses  cordes  de  son  instrument; 
la  tête  de  l'artiste  se  penche  vers  la  boite  sonore, 
son  bras  s'agite  avec  vigueur,  sa  sueur  coule,  mais 
l'auditeur  ne  distingue  rien,  à  moins  que  ce  ne  soit 
quelques  vagues  rumeurs  d'un  caractère  plus  zoo- 
logique que  musical.  Cependant,  le  public  applaudit 
quelquefois  de  tels  passages,  parce  qu'il  voit  que 
l'artiste  s'est  donné  bien  de  la  peine,  mais  ce  n'est 
pas  cet  applaudissement-là  que  le  virtuose  doit 
désirer. 

Les  passages  au  registre  moyen  on  grave  ne  doi- 
vent, cependant,  pas  être  complètement  proscrits,  car 
ils  peuvent  donner  de  très  bons  effets  s'ils  ne  sont 
pas  trop  rapides,  et  si  l'accompagnement  est  disposé 
de  façon  à  laisser  percevoir  facilement  la  voix  du 
violoncelle  ;  mais  c'est  surtout  par  les  phrases  chan- 
tantes, et  par  les  traits  d'un  caractère  mélodique 
joués  sur  les  deux  cordes  supérieures,  que  le  virtuose 
pourra  impressionner  vivement  son  public. 

Il  résulte  de  ce  qui  précède  que  l'histoire  des 
grands  sol  stes  du  violoncelle  et  des  œuvres  de 
concert  pour  ce,t  instrument  est  sensiblement  moins 
riche  que  celle  du  violon  ou  du  piano. 

En  remontant  à  la  fin  du  xvii"  siècle,  nous  trou- 
vons un  virtuose  florentin,  Baptistixi,  né  en  160O,  à 
qui  paraît  revenir  l'honneur  d'avoir  importé  le  vio- 
loncelle à  Paris  vers  Hi?,  et  d'avoir  grandement 
contribué,  parce  fait,  à  la  disparition  de  la  viole  de 
gambe  dans  les  orchestres  français.  Le  nouvel  ins- 
trument eut  bientôt  une  grande  vogue,  et  de  nom- 
breux artistes  virtuoses  le  firent  apprécier  du  public, 
mais  aucun  d'eux,  pendant  la  première  moilié  du 
xviii"  siècle,  n'atteignit  aune  grande  renommée.  In 
peu  plus  tard,  vint  BoccHERiNi,dont  nous  avons  parlé 
comme  compositeur,  et  qui  fut  aussi  un  exécutant 
remarquable  ;  il  a  laissé  des  concertos  et  des  sonates 
qui  (irenl  école  pendant  un  temps,  mais  dont  il  ne 
reste  guère  aujourd'hui  que  le  souvenir. 

A  Paris,  il  faut  ciler  Duport  l'aîné,  virtuose  distin- 
gué, mais  qui  n'avait  pas  le  style  large  et  expressif 
de  son  frère  Jean-Louis,  dont  il  fut  le  professeur. 
Dl'port  l'aîné  a  laissé  diverses  pièces  pour  le  violon- 
celle, des  duos  pour  deux  violoncelles,  et  des  sonates 
pour  violoncelle  et  basse. 

Jean-Louis  Duport,  né  en  17i9,  est  le  premier 
violoncelliste  français  qui  ail  laissé  un  grand  nom. 
Très  supérieur  à  son  frère  par  l'habileté  technique  et 
par  la  beauté  du  son,  il  fut  professeur  au  Conserva- 
toire de  Paris  et  fit  de  nombreux  élèves.  Ses  compo- 
sitions, concenos,  sonates,  duos,  airs  variés  pour 
violon  et  violoncelle  sont  marquées  du  caractère  de 
l'époque  et  remplies  de  formules.  Elles  n'ont  pas 
une  grande  envolée  musicale,  mais  sont  précieuses 
au  point  de  vue  de  l'enseignement.  Ses  études  et  sa 
méthode  sont  d'excellents  ouvrages  techniqnes  aux- 
quels il  sera  toujours  bon  d'avoir  recours.  Les  diffi- 
cultés caractéristiques  du  violoncelle,  traits  détachés, 
doubles  cordes,  etc.,  y  sont  fort  bien  traitées. 

Bernard  Homberg,  le  plus  célèbre  des  violoncel- 
listes allemands  et  chef  de  l'école  allemande,  naquit 
vers  1770  à  Dincklage  (Oldenbourg!.  Il  vécut  d'abord 
à  Bonn,  puis  à  Hambourg,  mais  une  grande  partie 


1880 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  COXSERVATOIRE 


de  son  existence  se  passa  en  voyages,  qui  furent 
pour  lui  l'occasion  de  magnifiques  succès. 

Il  donna  d'abord  des  concerts  en  Italie,  et  y  ex- 
cita une  vive  sensation  ;  puis  il  visita  Londres,  le 
Portugal,  l'Kspagneet  Paris  en  1800;  il  y  fut  nommé 
professeur  au  Conservatoire,  mais  n'y  resta  que  deux 
ans,  et  revint  à  Hambourg,  puis  entreprit  de  nou- 
veaux voyages  dans  toute  l'Kurope,  avant  de  se  fixer 
à  Berlin,  en  1827,  comme  violoncelle  solo  du  roi  de 
Prusse. 

La  renommée  de  Rouberg  et  son  influence  sur  l'art 
du  violoncelle  furent,  et  sont,  encore  aujourd'hui, 
considérables,  car  ses  compositions,  après  avoir  ré- 
vélé toute  une  nouvelle  technique  de  l'instrument, 
n'ont  cessé  de  servir,  dans  tous  les  conservatoires 
du  monde,  à  la  formation  des  jeunes  virtuoses. 
RoMBERG  a  laissé  huit  concertos,  des  polonaises,  airs 
variés,  caprices  sur  des  thèmes  nationaux,  rondos, 
f|uatuors  et  trios  à  cordes,  etc. 


Cette  œuvre  musicale  ne  révèle  pas  de  véritable 
originalité,  elle  abonde  en  formes  mélodiques  et 
harmoniques  très  usitées  et  dépourvues  de  carac- 
tère personnel  ;  ce  qui  fait  sa  valeur,  c'est  la  pureté 
classique  de  ses  lignes,  sa  tenue  correcte  et  sérieuse, 
et,  par-dessus  tout,  l'invention  d'une  multitude  de 
traits  parfaitement  appropriés  au  violoncelle,  et  dont 
l'étude  est  indispensable  à  tout  soliste  voulant  ac- 
quérir une  technique  complète.  Certains  passages 
de  RoMBKRG  sont  parmi  les  plus  difficiles  qui  exis- 
tent; l'auteur  les  exécutait,  dit-on,  avec  une  grande 
perfection  pendant  la  première  moitié  de  sa  car- 
rière, mais  il  eut  le  tort,  commun  à  beaucoup  de 
grands  solistes,  de  vouloir  se  faire  entendre  encore 
à  une  époque  où  son  magnifique  talent  s'était  pres- 
que évanoui. 

Voici  un  trait  assez,  caractéristique  de  la  manière 
de  UoMBERG  : 


P^^^^^^ 


fi^^&w^^m 


L'école  allemande  s'enorgueillit  encore  de  Dor- 
ZAÛER,  né  en  1783,  qui  travailla  avec  Romberg  et 
devint  un  très  remarquable  exécutant.  Il  a  laissé  de 
nombreux  concertos,  des  sonates,  variations,  exer- 
cices, une  messe  et  un  opéra,  Graziosa,  exécuté  à 
Dresde. 

Un  des  plus  illustres,  parmi  les  virtuoses  de  toutes 
sortes,  fut  le  Belge  François  Servais,  né  en  1807.  Elève 
de  Platel,  à  Bruxelles,  il  obtint  ses  premiers  grands 
succès  à  Paris,  puis  à  Londres  en  1834.  Il  revint 
alors  en  Belgique,  consacra  deux  nouvelles  années  à 
ses  éludes,  et  atteignit  alors  l'apogée  de  son  talent.  A 
partirde  ce  moment,  sa  carrière  fui  une  succession  de 
triomphes;  il  joua  de  nouveau  à  Paris,  en  Hollande 
et  partit  pour  Saint-Pétersbourg,  puis,  plus  tard,  se 
fit  entendre  à  Varsovie,  Prague  et  Vienne.  11  fut  par- 
tout accueilli  avec  la  même  faveur.  Servais  a  imaginé 
des  traits  d'une  nouvelle  forme,  qu'il  exécutait  avec 


une  grande  beauté  de  son  et  une  incomparable  vir- 
tuosité. Il  a  laissé  trois  concertos  et  seize  fantaisies. 
La  musique  de  Servais  est  essentiellement  une 
musique  de  virtuosité  et  de  fantaisie.  Elle  vise  à  l'eflèt 
et  y  arrive  par  des  moyens  qui  n'appartieiment  pas 
toujours  au  style  le  plus  pur.  On  doit  pourtant  y 
recoiMiaitre  une  certaine  verve  mélodique.  Il  est  bon 
de  travailler  la  musique  de  Servais  pour  augmenter 
son  mécanisme,  mais  il  pourrait  être  dangereux  de 
la  pioduire  devant  certains  publics  modernes,  habi- 
tués à  des  oîuvresd'une  trame  musicale  plus  sérieuse. 
Les  auditeurs  des  grands  concerts  symphoniques 
tendent  à  dédaigner  de  plus  en  plus  la  pure  virtuo- 
sité, celle  qu'aucune  raison  esthétique  ne  soutient, 
et  il  faut  bien  que  les  solistes  suivent  cette  direction 
nouvelle  et,  d'ailleurs,  très  justifiée.  Il  leur  reste  un 
rôle  plus  beau  à  tenir,  c'est  déjouer  des  œuvres  sin- 
cèrement senties  et  écrites,  ce  qui  n'exclut  pas  l'em- 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PEDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    isxl 


ploi  de  leurs  facultés  de  viiUioses,  mais  leur  donne  1      Exemple  d'un  trait  d'une  forme  familière  à  la  tecli- 
une  meilleure  direction.  |  nique  de  Servais  : 


Allegro 


m 


%fflf.frTr-TTl'-=i=^f¥Trn  f.fr=F=rrt.rff  .rf- 


1 


^^i-JiJ,  I  J^y^ig 


Au  temps  où  l'école  belge  du  violoncelle  élait  repré- 
sentée par  la  personnalité  brillante  de  Servais,  la 
Franceavait  Auguste  Franchomme,  né  à  Lille  en  1809, 
artiste  doué  de  grandes  qualités  de  cbarme,  et  dont 
la  réputation  égale  presque  celle  de  son  collègue 
belge.  Franchomme  fui  élève  de  .Nobblin  au  Conserva- 
toire de  Paris.  11  obtint  de  grands  succès  aux  séances 
de  la  Société  des  concerts,  où  il  se  lit  apprécier  pour 
sa  belle  qualité  de  son,  sa  justesse  et  sa  grâce  dans 
l'expression. 

Il  a  laissé  beaucoup  de  compositions  pour  son  ins- 
trument :  variations  sur  des  thèmes  originaux  et  au- 
tres, caprices,  romances,  nocturnes,  concertos,  etc. 
Il  fonda  avec  Alard  des  séances  de  quatuor^à  cordes 
qui  obtinrent  un  grand  succès,  etcollabora  avec  Cho- 
pin pour  l'écriture  d'un  Trio  (piano,  violon  et  violon- 
celle), œuvre  fort  difficile  et  rarement  exécutée,  ainsi 
que  d'une  Polonaise  de  concert  (violoncelle  et  piano), 
remarquablement  brillante  et  mélodique. 

FRANGHOMMr.  devint  professeur  au  Conservatoire  de 
Paris,  et  y  forma  de  nombreux  élèves  dont  plusieurs 
sont  aujourd'hui  parvenus  à  la  célébrité. 

Les  compositions  de  Franchommi-;  ont  de  la  valeur 
au  point  de  vue  technique,  et  certaines  d'entre  elles 
se  distinguent  par  une  gracieuse  ligne  mélodique. 
Il  fut  possesseur  d'un  des  plus  beaux  Stradivarius 
connus,  qui  avait  précédemment  appartenu  à  Duport. 

En  même  temps  que  ce  mailre,  le  plus  illustre  de 
l'école  française,  il  y  avait,  comme  professeur  au  Con- 
servatoire de  Paris,  un  virtuose  distingué,  Alexandre 


Chkvillard,  artiste  d'une  niusicalilé  supérieure,  qui 
Joignait  à  son  talent  personnel  un  fervcntamour  des 
grands  maîtres,  et  qui  partagea  avec  Maurin,  ainsi 
que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  l'honneur  indiscu- 
table d'avoir  fondé  la  société  pour  l'exécution  des 
derniers  grands  quatuors  de  Beethoven.  Cuevillard, 
homme  d'un  caractère  modeste  el  d'une  santé  déli- 
cate, n'occupa  pas  toujours  la  place  à  laquelle  son 
talent  eût  pu  lui  donner  droit.  Il  consacra  la  plus 
grande  partie  de  ses  forces  au  professorat,  qui  lui 
valut  de  beaux  succès,  et  à  la  composition  d'ieuvres 
techniques,  parmi  lesquelles  nous  citerons  une 
méthode  et  des  concertos  de  violoncelle.  Ces  der- 
nières œuvres  sont  fort  difficiles,  et  excellentes  à  tra- 
vaillei'  pour  tout  violoncelliste  déjà  en  possession  d'un 
beau  mécanisme;  de  plus,  elles  présentent  de  l'inté- 
rêt musical,  notamment  le  Concerto  en  la  mineur, 
dont  le  lînal  est  écrit  avec  une  tenue  de  style  et  une 
richesse  harmonique  bien  supérieures  à  ce  qu'on 
trouve  généralement  dans  les  œuvres   de  cet   ordre. 

A  ces  deux  maîtres  ont  succédé  Jacquard  et  Del- 
SART,  remarquables  a  des  litres  divers,  le  premier 
par  son  exécution  correcte  el  impeccable,  mais  un 
peu  froide,  le  second  par  un  joli  son  et  des  qua- 
lités de  charme,  soutenues  par  ses  facultés  de  bon 
musicien  et  d'homme  intelligent. 

Parmi  les  maîtres  étrangers  modernes,  il  convient 
de  citer  :  le  Russe  l>AviDOFF,qui  fut  directeur  du  Con- 
servatoire de  Saint-Pétersbourg,  et  dont  la  grande 
virtuosité  le  fit  connaître  et  apprécier  par  toute  l'Eu- 


1882 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


rope;  le  Viennois  I'opper,  auteur  d'un  assez  grand 
nombre  de  compositions,  qui  présentent  le  violon- 
celle sous  un  aspect  tout  particulier  de  légèreté  et 
de  rapidité;  et  enfin  l'Italien  Piatti,  né  à  Bergarae 
en  1822,  et  qui  passa  une  grande  partie  de  sa  vie  à 
Londres,  où  il  fut  un  célèbre  musicien  de  quatuor. 

Outre  les  œuvres  laissées  par  les  virtuoses,  la  lit- 
térature du  violoncelle  compte  quelques  grands 
concertos  écrits  par  des  compositeurs  non  violoncel- 
listes, et  ces  pages  ne  sont  certes  pas  les  moins  iiilé- 
ressautes  du  genre. 

Il  faut  citer,  tout  d'abord,  le  Concerto  de  Schumann, 
dont  la  première  partie  conlient  de  belles  idées  mé- 
lodiques et  des  traits  d'une  exécution  ardue,  mais 
d'une  bonne  sonorité.  L'Andante  est  agréablement 
chantant  dans  les  Jolies  notes  de  l'instrument;  le 
virtuose  peut  y  déployer  ses  qualités  les  plus  persua- 
sives et  s'y  faire  justement  applaudir,  quoique  l'idée 
principale  ne  soit  pas  de  celles  qui  émeuvent  pro- 
fondément une  foule.  Cet  Andante,  peu  développé, 
s'encbaine  avec  un  final  qui  ne  répond  pas  à  ce  que 
les  deux  premiers  mouvements  font  espérer.  Il  est 
ingrat  à  jouer  et  à  entendre.  Un  accord  brisé,  répété 
à  satiété  dans  tous  les  tons,  fatigue  l'auditeur  sans 
lui  apporter  de  signification  bien  nette.  Ile  l'avis  de 
lotis  les  virtuoses, 'ce  final  dépare  l'œuvre  deSciiusiAN'N, 
et  empêche  qu'on  ne  l'exécute  plus  souvent  dans  les 
concerts  sympboniques.  Ce  qu'il  faut  louer  sans 
réserve,  dans  ce  concerto,  c'est  l'abandon  des  vieilles 
formules  et  des  traits  écrits  pour  faire  briller  l'ins- 
trumentiste. Schumann  a  rénové  la  forme  usée  du 
concerto  de  violoncelle,  en  y  introduisant  sa  sève 
syrapbonique  et  en  y  laissant  déborder  sa  sincérité  et 
sa  poésie.  Pouvait-il  en  être  autrement  dans  une 
œuvre  venant  d'un  tel  maître'? 

Le  Cojicer^o  deLALonous  offre  un  bel  exemple  de  la 
façon  de  traiter  le  solo  de  violoncelle  avec  orchestre. 
Les  trois  parties  de  cette  œuvre  sont  liien  pondérées 
comme  proportions  et  comme  diversité  de  caractère. 
Le  premier  mouvement  débute  par  un  récitatif  bien- 
tôt suivi  d'un  vigoureux  Allegro,  dans  lequel  de  jolies 
phrases  de  chant  alternent  avec  des  traits  bien  ap- 
propriés à  l'instrument  et  au  style  de  l'œuvre.  Le  se- 
cond morceau,  bien  léussi  et  très  personnel  dans  sa 
forme,  obtient  toujours  un  vif  succès.  Après  quelques 
mesures  d'une  lente  et  mélancolique  mélopée  jouée 
par  le  soliste,  l'orchestre  fait  entendre  un  dessin  vive- 
ment rythmé  sur  quelques  notes,  toujours  les  mê- 
mes, sorte  de  tic  tac  de  moulin,  au-dessus  duquel 
le  violoncelle  déroule  les  périodes  d'une  vive  et 
agreste  mélodie.  Le  contraste  est  charmant  et  plein 
de  fraîcheur. 

Le  final  du  Concerto  est  brillant,  autant  que  peut 
l'être  un  morceau  symphonique  où  le  violoncelle 
joue  le  principal  rôle.  Il  a  de  la  verve  et  de  rentiain, 
et  termine,  sans  faiblesse,  cette  œuvre  importante, 
une  des  meilleures  que  nous  trouvions  dans  la  litté- 
rature du  violoncelle  solo. 

C.  Saint-Saéns  a  publié  deux  concertos,  dont  le 
plus  ancien  et  le  plus  connu  (celui  en  la  mineur)  est 
aussi  magistralement  conçu  au  point  de  vue  techni- 
que qu'au  point  de  vue  musical. 

Bien  qu'il  contienne  plusieurs  mouvements  et  un 
assez  grand  nombre  de  thèmes,  il  se  joue  sans  arrêt, 
et  cette  forme,  adoptée  par  le  sagace  compositeur, 
peut  avoir,  entre  autres  avantages,  celui  d'éviter  la 
sensation  de  longueur  si  à  craindre  dans  un  concerto 
en  trois  parties,  lorsque  l'instrument  solo  ne  dis- 
pose pas  d'une  immense  variété  de  ressources  et  de 


timbres.  Le  premier  mouvement,  d'allure  rapide  et 
brillante,  se  calme  peu  à  peu,  et  aboutit  à  une  sorte 
d'intermezzo,  murmuré  pp  se)npre  par  l'orchestre  en 
notes  détachées,  auquel  le  violoncelle  vient  bientôt 
ajouter  une  mélodie  douce  et  lente  en  notes  liées; 
ces  deux  pensées  conjointes  et  de  caractères  dilférents 
sont  d'un  très  heureux  effet,  et.  ce  passage  amené 
toujours  un  mouvement  de  satisfaction  dans  le  pu- 
blic. Le  thème  du  commencement  revient  ensuite, 
suivi  d'un  autre  plus  lent  qui  se  développe  en  de  bril- 
lantes paraphrases,  jusqu'à  un  dernier  et  chaleureux 
motif  qui  condense  et  termine  l'œuvre.  L'orchestra- 
tion (est-il  besoin  de  le  dire  lorsqu'il  s'agit  de  Saint- 
Saëns?)  fait  admirablement  valoir  toutes  les  inten- 
tions réservées  à  l'instrument  principal. 

Parmi  les  œuvres  du  même  maître  que  nous  n'a- 
vons pu  analyser  en  détail,  nous  tenons  à  citer  la 
Suite  en  cinq  morceaux  pour  piano  et  rioloncelle,  dans 
laquelle  se  trouve  une  délicieuse  Sérénade,  et  la  Ro- 
mance en  ré  majeur,  d'un  style  délicat,  et  qui  semble 
faite  pour  être  jouée  dans  un  cercle  intime  de  dilet- 
tantes. 

Brahms  a  écrit  un  Concerto  pour  violonel  violoncelle 
qui  serait,  croyons-nous,  le  seul  exemple  de  l'asso- 
ciation des  deux  grands  types  d'instruments  à  archet 
dans  une  œuvre  de  virtuosité,  s'il  n'existait  pas  un 
précédent  dans  un  Concerto  de  Beethoven  pour  piano 
violon  et  violoncelle  avec  accompagnement  d'orches- 
tre. Cette  œuvre,  dont  le  style  appartient  complète- 
ment kldiijremière  manière,  n'a  été  que  peu  jouée,  mal- 
gré le  nom  de  son  auteur.  Elle  est  aujourd'hui  ou- 
bliée ou  ignorée  de  la  plupart  des  virtuoses.  Le  Con- 
certo de  Brah.ms,  quoique  d'une  écriture  beaucoup 
plus  moderne,  n'a  pas  été  présenté  souvent  au  public. 
Il  nous  serait  impossible  de  l'apprécier  avec  quelque 
exactitude,  et  nous  devons  nous  borner  à  souhaiter 
que  de  nouveaux  interprètes  s'appliquent  à  le  faire 
entendre  dans  de  bonnes  conditions  ;  c'est  d'ailleurs 
un  devoir  de  ne  pas  laisser  de  parti  pris  dans  l'om- 
bre une  conception  de  forme  nouvelle,  émanant  d'un 
grand  maître. 


QUELQUES  OBSERVATIONS  SUR    L  ÉTUDE 
DU   VIOLONCELLE 

Le  jeune  artiste  qui  se  voue  au  violoncelle  doit  se 
bien  persuader  qu'il  entreprend  une  longue  et  labo- 
rieuse tâche.  Pour  des  raisons  que  nous  avons  expo- 
sées plus  haut,  à  propos  de  la  technique  de  cet  instru- 
ment, le  mécanisme  à  acquérir  est  des  plus  compli- 
qués, et  exige  de  nombreuses  qualités  physiques,  en 
même  temps  que  les  belles  dispositions  musicales 
dont  nous  supposons,  a  priori,  notre  jeune  virtuose 
doué.  Il  est  évident,  par  exemple,  qu'une  main  pe- 
tite, avec  des  doigts  tluets,  convient  beaucoup  mieux 
au  violon  qu'au  violoncelle.  De  même,  il  est  à  sou- 
haiter que  le  futur  virtuose  ait  une  assez  grande  taille 
et  beaucoup  de  force  physique,  car  la  dépense  dyna- 
mique est,  dans  certains  cas,  assez  considérable.  11 
existe  cependant  des  organismes,  d'apparence  et  de 
proportions  chétives,  qui  recèlent  de  la  puissance,  et 
qui  peuvent  suppléer  par  la  tension  nerveuse  aux 
moyens  physiques  qui  leur  manquent,  mais  c'est 
l'exception  ;  en  général,  les  grands  virtuoses  sont  des 
hommes  grands  et  forts.  La  longueur  des  doigts  per- 
met au  violoncelliste  de  faire  facilement  des  extén- 
uons et  d'éviter  quelquefois,  par  ce  moyen,  des  chan- 
gements trop  fréquents  de  positions;  la  grosseur  dea 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    1H83 


(loiyl.s,  f^('néialeiiieiit  en  rapport  avec  leur  loîifîueu'". 
ne  peut  ici  causer  aucune  gêne,  car  les  iiilervalies  ne 
sont  jamais  assez  lapprochés  pourque  de  gros  doigts 
ne  puissent.se  placer  sans  difllculté,  comme  cela  [leul 
arriver  pour  le  violon.  La  puissance  de  la  main 
droite,  des  muscles  du  bras  et  de  l'épaule  sont  des 
facteurs  importants,  l'exécution  d'un  passage  en 
grand  détaclié,  paresemple, devant  être  d'autantplus 
facilement  fournie  (sans  fatigue,  chose  essentielle!) 
que  l'instrumentiste  disposera  d'une  plus  ample  pro- 
vision de  force.  Cela  paraît  démontré  par  l'exécution 
des  violoncellistes-femmes  qui, ]sauf  de  bien  rares  ex- 
ceptions, est  molle  et  insuffisante  dans  les  passages 
de  vigueur.  Ajoutons  à  ces  prédispositions  naturelles 
un  système  nerveux  bien  trempé,  un  cœur  aussi  peu 
enclin  que  possible  aux  palpitations  inutiles,  et 
voyons  quel  emploi  pourra  faire  de  ses  facultés  l'é- 
lève violoncelliste. 

Tout  d'abord,  nous  ne  croyons  pas  qu'il  soit  utile 
de  faire  commencer  l'élude  de  cet  instrument  au 
sortir  de  la  première  enfance,  et  celte  idée  découle 
chez  nous  d'un  principe  plus  général,  qui  est  qu'on 
ne  doit  pas  cherchera  faire  de  petits  prodiges,  mais, 
au  contraire,  éviter  d'en  faire.  L'élude  d'un  méca- 
nisme instrumental  et,  conjointement,  des  priticipes 
de  la  musique,  ne  doit  être  demandée  qu'à  un  orga- 
nisme ayant  déjà  un  commencenient  de  formation 
morale  et  physique,  entre  jdix  et  treize  ans,  suivant 
l'avancemenl  du  sujet.  Encore,  à  cet  âge,  ne  doil-on 
exiger  qu'une  somme  de  travail  très  modérée,  une 
heure  par  jour  environ  pour  l'instrument,  et  autant 
pour  la  théorie,  en  plusieurs  reprises,  l'aire  étudier  le 
piano,  ou  un  instrument  à  cordes,  quatre  ou  cinq  heu- 
res par  jour  à  un  enfant  de  dix  ans,  nousjle  voyons 
trop  souvent,  est  un  acte  barbare  qui  devrait  être 
défendu  par  les  lois.  Pendant  l'adolescence,  période 
où  la  poussée  puissante  de  la  vie  résiste  à  tant  d'ab- 
surdes dépressions,  les  elfels  de  |ce  surmenage  sont 
quelquefois  éblouissants  ;  on  voit  éclore  des  fruits 
mûrs  sur  des  plantes  qui  ne  devraient  encore  poiter 
que  des  bourgeons,  on  créelepfii;  prodigi',  mais  on  a 
tari  les  sources  de  l'inspiialion  naturelle,  et,  quel- 
quefois, celles  d''  la  vie.  L'homme  qui  continuera  le 
petit  prodige  déclinera,  presque  toujours,  vers  le 
dégoût  de  son  art  et  une  irrémédiable  médiocrité. 
Quelques  antiées  d'éclat  fulgurant,  payées  par  toute 
une  vie  d'épuisement  et  de  déchéance,  voilà  quel  sera 
le  résultat  obtenu,  à  moins...  qu'on  n'ait  eu  affaire  à 
un  enfant  de  génie  pour  lequel  la  conquête  de  la 
science  n'était  pas  un  travail,  mais  une  assimilation 
naturelle.  Dans  ce  cas  unique,  l'éclat  pourra  durer  et 
grandir,  mais  n'oublions  pas  que  le  génie  est  rare,  et 
que  les  règles  qu'on  peut  édicter  ne  sont  pas  faites 
pour  lui.  Le  génie  s'élève  par  ses  moyens  propres,  et 
ses  méthodes  de  formation  échappent  à  notre  ana- 
lyse. 

L'élève  bien  doué  et  travailleur,  à  qui  seul  peu- 
vent s'appliquer  nos  observations,  devra  être  placé, 
dès  le  début,  dans  les  mains  d'un  professeur  habile; 
nous  voulons  désigner  par  là  un  artiste  connaissant 
bien  son  instrument,  possédant  un  solide  savoir 
musical,  et  d'un  esprit  suftisammenl  pénétrant  pour 
pouvoir  juger  rapidement  le  tempérament  de  son 
élève.  L'enseignement  qu'il  donne  devra,  en  effet, 
varier  suivant  les  dispositions  de  chaque  élève,  et 
telle  méthode  de  travail,  excellente  pour  un  tempé- 
rament calme  et  concentré,  ne  vaudrait  rien  pour  un 
naturel  plein  de  tiamme.  Lorsque  le  professeur  aura 
affaire  à  un  tempérament  de  cette  dernière  catégo- 


rie, et  c'est  un  cas  fréquent,  nous  croyons  qu  il  sera 
beaucoup  plus  utile  à  son  élève  en  le  modérant, 
qu'en  activant  son  ardeur.  Il  n'est  de  nulle  nécessité 
qu'un  virtuose  soit  en  possession  <run  talent  accom- 
pli avant  vingt  ou  vingt-deux  ans  (nous  parlons,  bien 
entendu,  au  point  de  vue  de  l'art  pur,  et  sans  tenir 
compte  des  nécessités  matérielles  de  la  vie),  mais  il 
est  essentiel  qu'il  donne  à  son  talent  futur  une  base 
solide  et  lentement  construite.  C'est  ce  qui  lui  assu- 
rera, pour  plus  tard,  des  moyens  mécaniques  qui 
permettront  à  sa  virtuosité  naturelle,  à  son  inspira- 
tion,  de  se  manifester  dans  toute  sa  grâce,  et  sans 
fatigue  malsaine.  Mous  engageons  donc  le  profes- 
seur à  maintenir  l'élève  assez  longtemps  sur  les 
gammes,  surtout  sur  celles  des  tonalités  comportant 
plus  de  trois  accidents;  car  ces  gammes  n'ont  gé- 
néralement qu'un  bon  doigté,  (jiii  est  peu  ou  point 
connu  d'un  (jrund  nombre  de  vinloncclUstes.  C  est  sin- 
gulier, mais  c'est  ainsi.  On  trouve,  dans  les  cahiers 
d'études  publiés  jusqu'à  ce  jour,  un  grand  nombre 
d'exercices  bien  faits  sur  ces  tonalités.  L'élève  devra 
les  travailler  lentement,  patiemment,  en  recherchant 
la  parfaite  justesse  et  la  beauté  du  son.  Pour  acqué- 
rir cette  dernière  qualité,  nous  recommandons  le  son 
lilé  étudié  avec  un  archet  modérément  tendu,  1  exécu- 
tant ne  devant  jamais,  selon  nous,  se  servir  d  un 
archet  très  tendu,  ce  qui  enlève  au  son  la  tenue  et 
la  souplesse,  absolument  nécessaires  à  une  belle 
expression.  11  faut  que  l'élève  ait  le  courage  de  s  en 
tenir  assez  longtemps  à  ces  travaux  arides,  et,  autant 
(ine  poasihle.  sous  l'œil  du  maître,  afin  d'éviter  les 
haliitudes  défectueuses  qui  sont  bien  les  mauvaises 
herbes  les  plus  difficiles  à  extirper  que  Ion  con- 
naisse. On  ne  peut  cependant  exiger  d'un  jeune 
cerveau  une  application  continue  à  de  rebutantes 
études,  et  il  sera  bon  que  le  professeur  les  varie  par 
l'exécution  de  petits  morceaux  choisis  dans  la  mu- 
sique bien  écrite  pour  l'instrument,  et  non  dans  des 
arrangements  d'opéras  ou  autres  adaptations  de 
mauvais  goût.  Il  y  aura  avantage  à  initier  le  plus 
tùl  possible  l'élève  aux  beautés  de  la  musiiiue  d'en- 
semble, en  lui  faisant  travailler  des  morceaux  con- 
certants ou  des  soli  accompagnés  par  le  piano  ou 
par  la  basse  du  professeur.  Dans  ce  cas,  le  maître 
fera  bien  de  les  jouer  d'abord  lui-même  devant  l'é- 
lève, plusieurs  fois  si  c'est  nécessaire,  pour  lui  en 
faire  bien  comprendre  le  sens  et  le  style.  Nous  tenons 
à  dire,  à  ce  sujet,  que,  contrairement  à  l'idée  que  se 
font  bien  des  gens  du  monde,  ce  n'est  pas  toujours 
le  plus  illustre  virtuose  qui  donnera  les  meilleures 
leçons.  Erapoité  par  les  séductions  brillantes  de  sa 
carrière,  il  peut  trouver  fastidieuses  les  heures  con- 
sacrées aux  travaux  de  l'enseignement,  ou  même 
n'être  pas  doué  pour  l'art  tout  spécial  d'infuser  la 
science  à  ses  élèves.  C'est  assez  compréhensible,  et 
ou  ne  doit  pas  lui  eu  faire  un  crime,  mais  il  ne  faut 
pas  lui  donner,  à  la  légère,  un  jeune  talent  k  former. 
Plus  tard,  lorsque  la  technique  de  l'élève  sera  déjà 
très  avancée,  sa  méthode  de  travail  assurée,  les  leçons 
d'un  grand  virtuose  pourront  lui  être  fort  utiles. 

Nous  ne  croyons  pas  qu'il  y  ait  d'inconvénient  à 
initier  l'élève  aux  positions  du  pouce ^ ,  presque  dès 
le  début  de  ses  études;  il  se  familiarisera  ainsi  de 
bonne  heure  avec  l'exécution  dans  le  registre  suraigu 
qui  offre  toujours  de  si  grandes  difficultés.  La  lec- 
ture à  vue  ne  doit  pas  être  négligée,  et  le  prolésseur 


1.  On  .ippelle  positions  du.  pouce  celles  dans  lesquelles  le  violon- 
celliste quiUe  le  raanctie  de  l'inslroment  et  se  sert  de  son  pouce 
comme  d'un  sillet  mobile. 


1884 


ENjCrCLOFÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


pourra,  par  un  choix  de  morceaux  gradués  el  bien 
écri(s,  intéresser  l'élève  et  faire  l'éducation  de  ses 
facullés  musicales.  Knfln,  nous  sommes  d'avis  que 
l'enseignement  du  violoncelle  doit  comporter  une 
partie  complètement  négli{,'ée  jusqu'ici,  c'est  l'art 
d'accompagner.  Lorsqu'un  professeur  et  son  élève 
jouent  une  sonate  avec  accompagnement  d'un  second 
violoncelle,  par  exemple,  l'élève  joue  toujours  la 
première  partie.  C'est  un  tort,  la  seconde  peut  être 
aussi  difficile,  voire  plus  diflicile  que  la  première, 
mais  dans  un  autre  genre.  Que  l'on  intervertisse  les 
rôles,  et  on  verra  un  élève,  qui  se  tirait  assez  bien 
de  la  partie  principale,  accompagner  pitoyablement 
cette  même  partie.  Que  sera-ce  donc  quand  on  le 
chargera  de  faire  la  basse  d'un  quatuor,  s'il  n'a  été 
de  bonne  heure  façonné  aux  dildcultés  toutes  spé- 
ciales de  l'accompagnement? 

C'est  par  suite  de  cette  lacune  habiluelle  dans 
l'enseignement  que  nous  voyons  souvent  de  jeunes 
virtuoses  sortir  des  écoles  avec  un  brillant  méca- 
nisme et  des  récompenses  non  moins  brillantes,  ce 
qui  ne  les  empêche  pas  de  se  montrer  mauvais  mu- 
siciens, dès  qu'on  les  prie  de  faire  la  simple  basse 
d'un  trio  ou  d'un  quatuor.  Ils  ne  savent  ni  compter 
leurs  pauses,  ni  donner  à  un  passage  d'accompa- 
gnement la  signification  qu'il  doit  avoir.  On  objec- 
tera qu'il  y  a,  dans  les  écoles,  des  classes  d'ensemble 
instrumental;  cela  ne  suifit  pas,  il  faut  que  l'ait  de 
l'accompagnement  soit  enseigné  à  l'élève  par  un 
professeur  violoncelliste,  qui,  à  chaque  instant,  prêche 
d'exemple,  et  puisse  indiquer  à  l'élève  les  moyens 
techniques  d'obtenir  la  sonorité  voulue;  il  faut  aussi 
qu'il  explique  les  raisons  esthétiques  qui  le  font 
jouer  de  telle  ou  telle  façon  suivant  les  cas. 

Ces  indications  spéciales,  données  à  l'élève  pen- 
dant ses  premières  années  d'étude,  doivent  le  prépa- 
rera tenir  une  partie  d'accompagnemenl,  mais  elles 
ne  peuvent,  en  aucun  cas,  remplacer  l'expérience 
personnelle  que  le  jeune  artiste  acquerra  en  faisant 
de  la  musique  d'ensemble.  Il  est  donc  très  indiqué 
de  lui  ménager  des  occasions  de  jouer  du  quatuor, 
dès  que  son  mécanisme  lui  permettra  d'exécuter  une 
partie.  Quel  meilleur  moyen  pourrait-on  trouver  de 
développer  ses  facultés,  et  d'affiner  son  sentiment 
du  style?  Même  pour  un  artiste  qui  compte  se  vouer 
à  la  virtuosité,  cela  nous  paraît  indispensable. 

Ces  remarques  s'appliquent  à  l'èleve  sous  la  tutelle 
d'un  professeur';  mais.il  viendra  une  période,  soit 
qu'il  prenne  encore  des  conseils  de  quelque  maître, 
soit  qu'il  travaille  seul,  où  son  raisonnement  devra 
intervenir  d'une  façon  continue  dans  ses  études.  Il 
faut  que  sa  méthode  de  travail  soit  l'objet  d'une 
surveillance  constante,  car,  lorsque  le  virtuose  com- 
mence à  prendre  son  essor  vers  les  hautes  régions 
de  l'exécution,  lorsque  sa  personnalité  se  développe, 
il  peut  très  facilement,  s'il  n'y  prend  garde,  contrac- 
ter de  fâcheuses  habitudes  qu'il  lui  sera  diflicile  de 
déraciner  plus  tard.  L'artiste  doit  alors  veillera  ce 
que  son  urchet  ne  passe,  hnbituellement,  ni  Irop  près 
ni  trop  loin  du  chevalet,  à  ce  que  la  pointe  ne  tende 
pas  à  s'incliner  vers  la  terre,  ou  à  remonter  vers  le 
manche;  il  doit  éviter  de  jouer  avec  un  trop  petit 
nombre  de  crins  el,  nous  le  répétons,  tendre  peu  son 
archet.  La  position  du  corps  doit  rester  droite,  mais 
sans  raideur.tet  il  faut  éviter,  à  tout  prix,  ces  mouve- 
ments de  tête  et  d'épaules  qui  prêtent  à  rire.  Jus- 
qu'au dernier  tiers  du  xix"  siècle,  le  violoncelliste 
devait  soutenir  son  instrument  par  la  pression  de  la 
face  interne  des  jambes,  et  il  en  résultait  quelquefois 


une  faligue  ou  une  gêne  dans  les  mouvements  qui 
pouvaient  rendre  une  belle  tenue  difficile  à  conser- 
ver, mais  l'adjonction  de  la  pique,  généralement 
adoptée  aujourd'hui,  supprime  en  grande  partie  ces\ 
difficultés.  Cette  simple  cheville,  munie  d'une  pointe 
de  fer,  qui  fixe  le  violoncelle  au  parquet  el  l'empêche 
de  glisser,  tout  en  laissant  à  la  main  de  l'exécutant 
la  liberté  de  le  déplacer  par  en  haut,  constitue  un 
réel  progrès.  Dans  l'exécution  au  registre  suraigu, 
on  ne  doit  se  pencher  que  tout  jusle  assez  pour  per- 
mettre à  la  main  d'atteindre  les  positions  élevées,  et 
non  se  coucher  de  façon  grotesque  sur  les  éclisses 
de  son  instrument.  L'attaque  des  notes  aux  positions 
du  pouce  comporte  souvent  de  très  grandes  difficul- 
tés; il  faut,  même  dans  les  passages  de  vi^gueur,  y 
mettre  certaines  précautions  pour  éviter  de  fâcheux 
grincements.  La  corde  devra,  en  raison  de  sa  tension, 
être  fortement  appuyée  contre  la  touche  et,  pour  la 
même  raison,  il  sera  dangereux  de  l'atlaquer  brus- 
quement el  très  prés  du  chevalet.  Un  sforzando  éner- 
gique, sans  aucun  danger  dans  les  positions  du 
manche,  est  périlleuse  dans  le  registre  suraigu,  et 
nous  conseillons  de  l'exécuter  avec  une  souplesse 
relative  de  l'archet,  pour  ne  pas  risquer  d'en  détruire 
l'effet  singulièrement  pénétrant.  11  faut  beaucoup 
d'habileté  et  d'expérience  pour  n'avoir  pas,  dans  le 
registre  suraigu,  un  son  malheureux  et  gêné.  La 
chose  est  possible  cependant,  et  devra  faire  l'objet 
des  constantes  études  du  virtuose. 

Quand  le  mécanisme  de  l'exécutant  est  formé,  sa 
principale  préoccupation  doit  être  d'assouplir  diver- 
sement son  talent,  suivant  les  œuvres  à  interpréter. 
Se  faire  le  très  humble  serviteur  du  maître  à  exécu- 
ter, le  traduire  fidèlement  dans  ses  moindres  inten- 
tions, sans  y  rien  ajouter  de  son  cru,  tel  est  le  rôle 
du  parfait  interprète.  Cela  d'ailleurs  n'annihile  nulle- 
ment sa  personnalité.  Il  lui  reste,  pour  la  manifes- 
ter, la  beauté  du  son  et  certaines  grâces  naturelles 
de  style  et  d'expression,  qui,  s'adaptant  parfaitement 
à  la  pensée  de  l'auteur,  ne  laissent  non  plus  aucun 
doute  sur  la  valeur  artistique  de  l'exécutanl. 

Pour  ce  qui  concerne  l'exécution  à  l'orchestre,  un 
seul  principe  contient  tous  les  autres  :  faire  exacte- 
ment ce  que  demande  le  chef  d'orchestre  qui  assume 
la  responsabilité  de  l'interprétation. 

Dans  la  musique  de  chambre,, au  contraire,  l'initia- 
tive de  l'artiste  concertant  est  entière.  Nous  lui  con- 
seillerons de  faire,  d'abord,  une  bonne  lecture  de 
l'œuvre  à  jouer,  et  de  l'étudier  ensuite  en  partition, 
si,  comme  nous  aimons  à  le  supposer,  il  est  assez 
musicien  pour  se  rendre  compte  d'un  quatuor  par 
les  yeux.  L'étude  de  la  partition  lui  révélera  des 
intentions,  des  accents  expressifs,  des  effels  d'har- 
monie, qui  pourraient  lui  échapper  à  la  seule  exécu- 
tion. Ce  genre  de  travail  contribuera  largement  à 
former  son  goût  en  le  faisant  pénétrer  dans  la  (rame 
intime  des  œuvres  symphoniques,  et  lui  facilitera  ses 
études  dans  l'art  d'écrire,  si  ses  facultés  le  poussent 
à  la  composition. 

Une  des  diflicultés  de  la  musique  de  chambre 
consiste  dans  l'exécution  de  certains  passages  pianis- 
simo. 

Peu  de  sociétés  de  quatuors  savent  rendre  cette 
nuance,  souvent  voulue  par  les  maîtres,  et  leurs  er- 
reurs viennent  de  deux  causes  principales  :  ou  les 
exécutants  ne  sentent  pas  avec  justesse  à  quel  point 
ils  doivent  éteindre  leur  sonorité,  ou,  le  sentant,  ils 
n'atteignent  pas  ce  point,  parce  qu'ils  emploient 
trop   d'archet.  Le  son  produit,  en  eflleuranl,  sur  la 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  VIOLONCELLE    188s 


touclie,  aoec  beaucoup  d'archet,  ne  donne  pas  le  véri- 
table pp  de  quatuor  ;  c'est  un  son  qui  porte,  et  qui  est 
à  sa  place  dans  une  phrase  chantante,  jouée  avec 
douceur  au  cours  d'un  concerto  ou  d'une  sonate, 
mais  le  pp  de  quatuor,  surtout  s'il  s'af,'it  d'un  pas- 
sage plus  harmonique  que  mélodique,  doit  être  fait 
avec  peu  d'archet.  IN'ous  avons  vu  souvent  des  exé- 
cutants, à  qui  on  reprochait  déjouer  trop  fort,  ré- 
pondre très  sincèrement  :  «  Je  ne  peux  pas  jouer 
plus  piano.  »  C'était  vrai,  eu  égard  à  la  longueur 
d'archet  employée  ;  si  le  même  artiste  avait  joué 
le  passage  incriminé  avec  deux  fois  moins  d'archet,  il 
aurait  obtenu,  sans  effort,  la  sonorité  pp  désirée  par 
le  compositeur. 

Dans  l'exécution  d'un  solo,  le  virtuose  doit  faire 
ressentir  aux  auditeurs  les  émotions  et  sentiments 
contenus  dans  l'œuvre  interprétée,  en  ne  les  éprou- 
vant lui-même  que  d'une  façon  très  affaiblie  au  mo- 
ment où  il  joue.  Son  cœur  et  ses  nerfs  doivent  rester 
calmes,  condition  indispensable  de  la  virtuosité.  L'ai  - 
liste,  par  une  sorte  de  dédoublement  de  sa  nature, 
a  dû  apprécier  toutes  les  beautés  d'une  œuvre  lors- 
qu'il en  a  pris  connaissance,  en  sentir  toutes  les 
émouvantes  inspirations,  mais,  quand  le  moment 
sera  venu  de  les  traduire,  il  faut  qu'il  reste  absolu- 
ment maître  de  lui  et,  en  quelque  sorte,  inaccessible 
aux  vives  émotions!  Sa  sensibilité  doit  sommeiller 
pour  laisser  agir  sa  volonté.  iNous  conseillons  de 
lire,  à  ce  propos,  le  Paradoxe  sur  le  comédien  de 
Diderot,  où  cette  thèse  est  étudiée  avec  une  admi- 
rable sagacité. 

De  même  que  le  comédien  qui,  surla  scène, pleure- 
rait de  vraies  larmes,  deviendrait  aussitôt  ridicule, 
de  même  le  virtuose  qui  se  laisserait  gagner  par 
l'émotion  de  l'œuvre  qu'il  interprète,  ne  tarderait 
pas  à  jouer  faux  et  avec  un  son  tremblé,  ce  qui  lui 
enlèverait  toute  action  sur  l'auditeur.  Il  suffît  de  voir 
les  déplorables  elïets  produits  parla  peur  nerveuse, 
par  le  Iruc,  puisque  c'est  l'expression  consacrée,  pour 
se  rendre  compte  que  toute  émotion,  fCit-ellede  l'es- 
sence la  plus  noble  et  la  plus  artistique,  et  surtout 
dam  ce  cas,  doit  être  sévèrement  refoulée.  La  haute 
virtuosité  est  à  ce  prix,  et  les  artistes  qui  ne  se  sen- 
tiront pas  capables  d'opérer  le  dédoublement  dont 
nous  parlions  plus  haut,  feront  sagement  de  renoncer 
au  solo;  il  leur  restera  la  possibilité  de  briller  autre- 
ment, en  étant,  par  exemple,  d'excellents  musiciens 
de  quatuor. 

La  belle  virtuosité  naturelle  est  une  qualité  innée. 
Elle  provient,  à  ce  qu'il  semble,  d'une  harmonie 
préétablie  entre  les  mouvements  du  cœur,  l'action 
du  système  nerveux  et  du  cerveau,  existant  conjoin- 
tement avec  le  sentiment  musical  dans  un  tempé- 
rament d'ordre  impulsif.  Le  parfait  viituose  est  un 
mécanisme  admirablement  réglé,  mais  déstructure 
délicate,  et,  par  conséquent,  facilement  altérable. 
Combien  n'a-t-on  pas  vu  déjeunes  talents,  pleins  de 
promesses,  avorter  dans  la  médiocrité  sans  causes 
apparentes  à  tous  les  yeux?  C'est  que  des  poisons 
subtils  étaient  venus,  à  l'insu  de  tous  et  du  virtuose 
lui-même,  paralyser  certaines  parties  de  son  action. 
Aussi,  ne  saurions-nous  mettre  trop  soigneuse- 
ment en  garde  le  jeune  artiste,  possesseur  de  la  pré- 
cieuse faculté,  contre  les  dangers  qui  le  menacent. 


Sa  première  sauvegarde  réside  dans  une  sévère  hy- 
giène. Nous  ne  pouvons  ici  passer  en  revue  les  mille 
causes  de  dépression  physique  et  morale  qui  peu- 
vent influer  sur  les  facultés  d'un  virtuose,  ni  écrire 
un  traité  de  morale  à  l'usage  des  jeunes  artistes, 
mais  il  peut  ne  pas  être  inutile  d'indiquer  quelques 
dangers  particulièrement  redoutables  :  le  virtuose 
devra  éviter  les  veilles  fréquemment  repétées,  et  se 
soustraire,  par  tous  les  moyens,  aux  nombreuses 
formes  du  surmenage  ;  cela  peut  être  fort  dilficile, 
car  le  surmenage,  fâcheux  produit  de  notre  intense 
civilisation  moderne,  devient  l'ennemi  commun  'de 
tous  ceux  qui  s'adonnent  aux  choses  de  l'esprit;  il 
faut  pourtant  que  le  grand  instrumentiste  arrive  à 
l'éviter,  sous  peine  de  voir  décliner  son  talent.  Cer- 
tains artistes  croient  pouvoir  réparer  les  brèches 
faites  à  leur  force  naturelle  en  augmentant  le  nom- 
bre de  leurs  heures  de  travail.  C'est,  selon  nous,  une 
grande  erreur  :  l'excès  de  travail  est  aussi  nuisible 
qu'un  excès  quelconque;  il  engendre  des  dévelop- 
pements anormaux,  inutiles,  de  certaines  facultés  de 
mécanisme,  au  détriment  de  cette  tleurde  virtuosité 
naturelle  dont  rien  n'égale  le  charme.  On  voit  des 
artistes  travaillant  leur  instrument  six  à  iiuit  heures 
par  jour,  et  qui  n'en  valent  pas  mieux  pour  cela,  au 
contraire.  Leur  jeu  est  forcé,  tendu,  pénible  souvent, 
et  lait  deviner  un  système  nerveux  allant  à  l'épuise- 
meul.  Par  contre,  on  constate  chez  des  artistes  qui 
travaillent  peu  ou  point,  des  séductions  spontanées 
qui,  si  elles  n'étaient  déparées  quelquefois  par  des 
insuffisances  de  mécanisme,  obtiendraient  tous  les 
suffrages.  La  vérité  est  dans  une  dose  de  travail 
modérée,  n'allant  jamais  juseju'à  la  yraiide  fatigue. 

Nous  croyons  devoir  recommander  encore  aux 
jeunes  virtuoses  d'user  avec  la  plus  grande  circons- 
pection des  excitants  du  système  nerveux,  et  de 
proscrire  de  leurvie,  aussi  complètement  qu'ils  auront 
le  courage  de  le  faire,  ces  deux  poisons  perfides  :  l'al- 
cool et  le  tabac. 

Kn  résumé,  leur  règle  de  conduite  devra  être  do- 
minée par  cette  idée  que  la  pure  virtuosité  naturelle 
est  une  faculté  rare  et  de  nature  délicate,  qu'on  la 
perd  facilement,  et  qu'on  ne  la  retrouve  jamais 
dans  sa  beauté  primitive,  quand  ses  sources  ont  été 
atteintes  et  troublées. 

Le  virtuose  idéal  est  un  héros  ;  il  doit  réserver 
toutes  ses  forces  et  toute  son  inspiration  à  l'expres- 
sion du  beau  par  les  moyens  qui  lui  sont  propres;  sa 
tendance  devrait  donc  être  de  se  rapprocher  d'ini 
type  de  héros  simple  et  pur. 

Quand  verrons-nous  un  Parsifal  de  génie  se  vouer 
à  l'élude  du  violoncelle? 

Nous  avons  cru  devoir  consigner  ici  ces  quelques 
observations. 

Elles  n'ont  pas  la  prétention  de  codifier  l'art  et  de 
révéler  des  méthodes  inconnues;  on  pourrait  dire  sur 
ce  sujet  bien  d'autres  choses  et,  sans  doute,  de  bien 
meilleures;  nous  les  avons  écrites,  cependant,  parce 
qu'elles  nous  sont  suggérées  par  une  expérience  déjà 
longue,  et  en  souhaitant  qu'elles  puissent  être  de 
quelque  utilité  aux  jeimes  artistes.  C'est  par  l'expres- 
sion de  ce  vœu  que  nous  terminerons  cette  étude  sur 
l'un  des  plus  riches  organes  de  la  polyphonie  mo- 
derne. 

Georges  ALARY. 


LA  CONTREBASSE 


Par  Adolphe  SOYER 

■  ANCIEN    MfilMBRK    DE    ï,\    SOCIÉTÉ    DES    CONCERTS    DU    CONSERVATOIRE 

ET    DK    I.' ORCHESTRE    DE    1,'aCADÉMIE    NATIONALE 

DE   MUSIQUE 


ORIGINE   ET  ÉVOLUTION   DE   LA  CONTREBASSE 

Certaine  légende  attribue  l'invention  de  la  contre- 
basse à  Michel  ïodini,  luthier  établi  à  Home  en  1676. 

D'après  Michel  Pr.etoril's,  la  contrebasse,  dans  sa 
forme  actuelle,  succéda  au  violone,  ou  nintrebasse 
de  viole,  en  1620. 

La  contrebasse  de  viole  avait  six  cordes  accor- 
dées de  la  manière  suivante,  soit  une  tierce  entre 
deux  groupes  de  quartes  : 


A  propos  du  violone,  nous  lisons  dans  la  Méthode 
de  Contrebasse  que  Michel  Corrette  publia  vers  la 
seconde  moitié  du  xviii=  siècle  : 

..  La  contrebasse,  que  les  Italiens  nomment  vio- 
lone, est  à  l'octave  au-dessous  du  violoncelle,  et  à 
l'unisson  du  bourdon  de  seize  pieds  de  l'orgue.  Les 
anciennes  basses  de  viole  à  six  cordes  avaient  à  peu 
près  la  même  figure,  et,  au  rapport  de  Mehsenne, 
Livre  4,  Garnier,  de  la  musique  du  roy,  avoit  une 
viole  de  quatre  pieds  et  demi  de  long,  dans  laquelle 
il  mettoit  un  jeune  page  qui  chantait  le  dessus,  et 
Garnier  la  basse  taille,  pendant  qu'il  jouait  la  basse 
sur  la  viole;  il  donnait  souvent  ce  petit  concert  bur- 
lesque devant  la  reine  Marguerite'.  » 

L'autre  contrebasse  (1620)  avait  cinq  cordes  accor- 
dées par  quintes  : 


Cette  dernière  était  munie  de  chevilles  en  bois  qu'on 
faisait  tourner  au  moyen  d'une  clef. 

Ce  n'est  qu'au  milieu  du  xviu'  siècle  que  les  che- 

1.  Méthodes  pour  apprendre  à  jouer  de  la  Conlrebatse  à  S,  (  ri 
.i  cordes,  de  ta  Quinte,  ou  Alto  et  df  la  riolr  d'Orplifr,  par  Michel 
ConnETlE,  p.  l  (s.  d.).  Il  s'agit  ici  de  Marguerite  de  France,  femme  de 
Henri  IV. 


villes  à  mécanique  furent  inventées  par  Carl-Ludwig 
Baciimann-,  luthier  habile  et  virluose  de  la  contre- 
basse, né  à  Berlin  en  1710.  Ce  musicien  faisait  partie 
de  la  musique  de  la  chambre  du  roi  de  Prusse.  Il 
fut  nommé  luthier  de  la  cour  de  Berlin  en  1765. 

Mais,  déjà  vers  la  fin  du  xvi'  siècle,  Gasparo  da 
Salo  et  Maggini  contruisaient  des  contrebasses  pour 
les  églises. 

Daniel  et  Théodore  Verbrl'goen,  luthiers  à  Anvers, 
en  firent  aussi  pour  la  cathédrale  de  cette  ville,  en 
1633  et  1641. 

D'après  M.  de  Keuster,  professeur  de  contrebasse 
au  Conservatoire  d'Anvers,  la  cathédrale  d'Anvers 
en  possède  une  à  trois  cordes  très  bien  conservée, 
qu'on  emploie  journellement  et  même  de  préférence 
à  loule  autre. 

Celte  coiilrebasse  a  été  construite  par  Pierre  Bob- 
LON  let  non  Poulon  comme  certains  le  prétendenlj 
en  1647.  C'est  en  elïet  ce  qui  résulte  de  l'étiquette 
(en  flamand)  qu'on  peut  lire  à  l'intérieur  de  cet  ins- 
trument. 

Le  célèbre  contrebassiste  Drago.netti,  dont  il  sera 
question  plus  loin,  possédait  deux  contrebasses,  dont 
une  de  Gasparo  da  Salo.  Il  l'avait  reçue  en  cadeau 
des  moines  de  Saint-Marc,  de  Venise,  et  s'en  servait 
de  préférence  dans  ses  concerts.  Lorsqu'il  mourut, 
elle  retourna,  selon  le  désirqu'il  avait  exprimé  dans 
son  testament,  aux  moines  de  Saint-Marc. 

Elle  est  encore  exposée  actuellement  dans  une 
vitrine  à  quatre  faces  dans  le  chœur  de  l'église. — 
L'autre  contrebasse  était  d'un  des  Amati. 

A  mesure  que  la  musique  eut  plus  d'éclat,  il  fal- 
lut songer  à  donner  plus  de  force  à  la  basse;  c'est 
pour  atteindre  ce  but  qu'on  construisit,  au  com- 
mencement du  XVIII'  siècle,  en  Italie  et  en  Alle- 
magne, des  contrebasses  à  quatre  cordes  accordées 
par  quartes. 

Les  trois  contrebasses  de  la  musique  du  roi,  à  Ver- 
sailles, étaient  de  ce  nombre.  Il  reste  encore  un  de 
ces  instruments  au  Musée  du  Conservatoire  National 
de  Musique.  Celle  dont  on  se  servait  à  la  chapelle 
du  roi,  à  Versailles,  a  été  construite,  en  1755,  par 
François  Lejei'.ne,  luthier,  rue  de  la  Juiverie,  à  Paris. 

.Michel  PiGNOLET  DE  MoNTECLAiR,  compositour  fran- 
çais, né  non  pas  à  Chaiimont  en  Bassigny,  en  1666, 
mais  à  .\ndeIol  (Haute-Marne)  en  1667,  mort  près 
de  Saint-Denis,  en  1737,  fut  admis  à  l'orchestre  de 


TECIIMQVE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  CONTREBASSE    is-*" 


rOpéra  Mil  peu  avant  170(1;  il  y  introduisit  la  l'oiUre- 
hasse,  à  une  date  qui  n'est  pas  déterminée'. 

Voici  coiniuenl  s'exprime,  à  cet  égard,  Michel  Cor- 
RETTE,  dans  sa  Mèlliode  de  cintrebasse  :  «  Monteclair 
et  Sagioni  sont  ceux  qui  ont  joué  les  premiers  de  la 


FiG,  947.  —  Contrebasse  i'r  4  fcrdos. 

contrebasse  à  l'Opéra  de  Paris;  du  temps  de  Lulli, 
cetinslniment  étaitinconnu  à  l'Opéra.  Laconlrebasse 
servoit  dans  les  tempêtes,  dans  les  bruits  souterrains 
et  dans  les  invocations;  elle  gardait  le  tacel  assez 
mal  à  propos  dans  le  resle.  » 

Lors<|ue  ConRETTE  écrivait  sa  méthode,  la  contre- 
basse «  jouait  tout  excepté  le  récitatif-  ». 

En  17.i7,  l'Opéra  ne  comptait  encore  qu'un  seul  de 
ces  instruments,  et  encore  ne  s'en  servait-on  que  le 
vendredi,  qui  était  le  jour  de  grand  spectacle. 

GossEC  en  til  ajouter  un  second;  Pbilidob,  com- 
positeur français,  en  mit  un  troisième  et,  successi- 
vement, le  nombre  de  ces  instruments  s'augmenta 
jusqu'à  huit.  Depuis  1892,  on  en  compte  dix. 

Le  nombre  des  cordes  de  la  contrebasse  a  beau- 
coup varié.  De  cinq,  au  temps  de  Pr.etorils,  il  est 
descendu  à  trois;  puis  on  y  a  ajouté  une  quatrième. 
.Mais,  à  l'époque  où  Corrette  écrivait  sa  méthode, 
il  y  avait  des  contrebasses  à  3,  4  et  o  poids;  ces  der- 
nières s'accordaient  de  quarte  en  quarte,  de  la  façon 
suivante  : 


m 


ifo- 


I.  Ccpeiiclant.  dès  17116,  la  contrebasse  flg 
lopcra  d'Atcyone,  de  Marin  Maiiais. 
:î.  Loco  cit.,  p.  1. 


rait  dans  l'orL-bcstre  de 


FiQ.  948.  —  Contrebasse  k  i  cordes  et  archet 
de  la  Méthode  Coruetth. 

La  contrebasse  à  trois  cordes  s'accordaitjde  façon 
ditlëreiite  dans  divers  pays.  Kn  Italie,  on  l'accordai! 
par  quintes  : 


¥ 


tandis  qu'en  .Angleterre  et  en  France,  l'accord  pro- 
cédait par  quartes  : 


m 


Dans  sa  Grande  Méthode  complète  de  contrebasse,  le 
célèbre  virtuose  contrebassiste  BoTTESiNi|s'élève  contre 
l'accord  par  quintes,  lequel  rend  les  sons  durs  et 
entraine  un  changement  continuel  de  position,  d'où 
une  exécution  incertaine  et  décousue.  Il  n'admet 
que  l'accord  par  quartes'. 

:i.  Giovanni  Boitfsini,  Grande  Mé/hode  cumjilétr  de  contrebasse 
divisée  en  detue parties,  Paris,  Escudier  (s.  d.|. 


1888 


EXCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


BoTTESiNi  discute, 
dans  les  termes  sui- 
vants, les  avantages  et 
les  inconvénients  de 
l'adjonction  d'une  qua- 
trième corde  :  n  Qui- 
conque connaît  la  na- 
ture de  la  contrebasse 
ne  peut  nier  que  l'ad- 
dition d'une  nouvelle 
corde  ait  été  faite  uni- 
quement pour  enri- 
chir cet  instrument 
de  quelques  notes  plus 
graves,  ce  qui,  d'ail- 
leurs, est  assez  impor- 
tant pour  le  composi- 
teur, et  assez  utile  sur- 
tout dans  les  notes  te- 
nues. 

Mais  si  la  contre- 
basse acquiert,  par 
cette  quatrième  corde, 
une  plus  grande  ex- 
tension dans  les  sons 
graves,  cette  extension 
ne  s'obtient  qu'au  dé- 
triment de  la  sonorité 
qui,  naturellement,  di- 
minue d'autant  qu'on 
augmente  le  nombre 
des  cordes  '.  » 

L'étendue  de  la  con- 

FiG.  9i>.i.  . 

trebasse  a  trois  cordes 
comme  instrument  d'orchestre,  est  la  suivante  : 

Corde  La 


~^ û o    "11" 

otio    » 

-^^ 

u 

=»^ 

1 

8"    basse 

Corde  Ré 

h„l>o  bo 

bo 

M^ 

-&■ 

tf-^ 

^ 

|_?)'- o  tiok|o  o  ""■'-        1     -     1 

8"    basse                    -         -           -       .            _.    .    . 

Corde  Sol 

«^««^  û 

tfQ 

■©■ 

-Q 

tfe 

;» 

C\-    €^      t"     ^»^ 

r-T^ 

8«   basse 

Montée  de  quatre  cordes,  avec  l'accord 


la  'contrebasse  a,  sur  celle  munie  de  trois  cordes 
accordées  par  quintes,  l'avantage  de  donner  trois 
notes'de  plus  au  grare,  et  surtout  de  permettre  une 

lu  grande  facilité  d'exécution. 
îi  MM.  (jAND  et  BERjjAnoEL,  habiles  luthiers,  imagi- 
nèrent une  cinquième  corde,  car,  depuis  quelques 
années,  les  compositeurs  réclamaient  un  contrc-ut 
(seize  pieds);  seulement,  la  difficulté  de  mettre  ces 
cordes  en  vibration  fit  échouer  cette  tentative;  plus 
tard,  vers  1893,  Viseur,  l'éminent  professeur  du 
Conservatoire,  tenta  de  modiliei'  l'accord  : 


m 


■&  en 


mais  il  n'avait  pas    compté  avec  les  difficultés   du 


doigté,  cause  de  l'accord  irrégulier;  cependant,  il 
était  parvenu  à  faire  admettre  ce  nouveau  système 
au  Conservatoire  et  à  l'orchestre  de  l'Opéra,  S3S- 
térae  qui  eut  le  même  sort  que  la  contrebasse  à  cinq 
cordes,  car  une  cruelle  maladie  vint  emporter  Viseur 
en  quelques  Jours. 

Après  lui,  un  artiste  d'une  non  moins  grande  valeur 
fut  appelé  à  lui  succéder  au  Conservatoire,  H.  Char- 
pentier, contrebassiste  solo  à  la  Société  des  Con- 
certs du  Conservatoire  et  à  l'orchestre  de  l'Opéra, 
qui,  compienant  tout  l'intérêt  qu'il  y  avait  pour  les 
exécutants  de  rétablir  l'accord  primitif,  n'hésita  pas 
à  le   faire  adopter  une 


seconde  fois. 

Malgré  cela,  il  y 
avait  certainement  un 
moyen  de  satisfaire  les 
compositeurs  et  de  leur 
accorder  le  contre-ut; 
ce  moyen  a  été  trouvé 
par  M.  Max  Poire,  con- 
trebassiste de  l'Opéra 
de  Berlin,  et  de  la 
musique  de  la  cham- 
bre de  l'Erapereurd'AI- 
lemagne,  qui  inventa 
un  système  pour  allon- 
ger la  grosse  corde; 
la  contrebasse  doit 
être  accordée  comme 
d'habitude,  mais,  au 
moyen  d'un  déclan- 
chemenl  qui  se  pro- 
duit par  l'action  d'une 
légère  pesée  sur  la 
deuxième  clef  (le  mi 
devientalors  un  contre- 
iiti,  on  descend  chro- 
matiquement  par  le 
système  de  4  clefs,  qui 
donnent  ini,  mi[i,  ré, 
r(.  [i,  et  le  conire-ut  à 
vide. 

Pour  remettre  l'ac- 
cord primitif,  il  suffit 

d'appuyer  le  pouce  de  ''"'•  '^^''■ 

1  .  ,  Contrebasse  à  3  cordes  conslruile  par 

la     main    gauche    sur      ^_^_    Vuiltaume.    lERlise    Sainl- 

une  petite  plaque  mo-      Ferdinand  des  Ternes.) 

bile  en   fer  posée   en 

haut  du  manche,  et  de  l'amener  délicatement  près 

du  sillet;  une  fois  là,  Vut  redevient  mi,  la  corde  s'ac- 

crochant  d'elle-même. 

Ce  système  est  très  ingénieux  et  d'une  pratique 
facile.  Aussi,  espérons-nous  le  voir  adopter  sous  peu 
par  les  directions  de  nos  grands  théâtres  et  de  nos 
grands  concerts.  Le  6  novembre  1905,  M.  Ad.  .Soyer 
s'en  servit  à  l'Opéra,  pour  la  reprise  de  Freiuhiil:,et 
la  musique  de  la  Garde  répulilicaine  possède  une 
contrebasse  de  ce  système. 

Actuellement,  la  contrebasse  à  cinq  cordes  est  de 
nouveau  pratiquée;  elle  s'accorde  par  trois  quartes 
et  une  tierce-  : 


1.  Ibid. 

2.  Voir  :  Enseitjncmmt  com/ilrl  de  la  contrebasse  à  4  et  à  ô  cordes 
par  Edouard  Nanhy.  Méthode  complète  en  i  parties  (1920-1023).  fN. 
D.L.  D.l  J-  V  II 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  CONTREBASSE    1889 


Octobasse. 

Cet  instrumenl,  haut  de  quatre  mètres,  imaginé 
par  J.-B.  VuiLLAUuE  eu  1849  et  perfeclionné  par 
lui  en  1851,  est  monté  de  trois  cordes,  ut,  sol,  ut;  il 
a  quatre  notes  au  grave  de  plus  que  la  contrebasse 
ordinaire.  Les  dimensions  de  l'octobasse  ont  exigé 
l'invention  d'un  mécanisme  spécial  ;  au  moyen  de 
leviers,  des  doigts  d'acier  viennent  se  placer  sur  les 
cordes  à  la  façon  d'une  barre,  en  sorte  que  l'exécu- 
tant, dans  chaque  position  des  doigts  d'acier,  a  tou- 
jours à  sa  portée  trois  degrés,  dont  le  deuxième  est 
la  quinte  et  le  troisième  l'octave  de  l'autre;  l'appareil 
des  leviers  est  fixé  au  côté  droit  de  l'instrument, 
et  l'on  agit  sur  la  bascule   à    l'aide  d'un  pédalier. 

11  n'existe  plus  qu'une  octobasse  comme  celle  qui 
se  trouve  actuellement  au  musée  du  Conservatoire  ; 
elle  est  en  Russie.  Cet  instrument  n'est  du  reste  pas 
employé,  et  ne  relève  plus  que  de  la  curiosité. 

I-'arcUet. 

En  ce  qui  concerne  l'archet  de  la  contrebasse,  il 
faut  avouer  qu'en  France,  jusqu'en  1884,  les  contre- 
bassistes n'ont  pas  été  très  favorisés. 

Il  suffit  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  les  anciens  ar- 
chets pour  être  fixé  sur  leur  valeur.  De  1820  à  1827, 
on  se  servait  d'archets  plus  ou  moins  bien  construits, 
ayant  la  forme  d'une  arbalète.  Rossini  chargea  le  cé- 
lèbre Drago.netti  d'en  faire  fabriquer  un  à  Londres, 
qu'il  envoya  à  l'Ecole  de  Musique  ;  mais  ce  n'était 
pas  l'archet  rêvé. 

C'est  qu'en   elFet,  l'archet  à  la  Dragonetti,   très 


Fia.  951.  —  Archet  à  la  Dragonktti. 

(Méthode  de  Bottesini.) 

court  et  courbé  en  arc,  présentait  le  grave  inconvé- 
nient d'étouffer  le  son  ;  sa  faible  longueur  le  rendait 
peu  propre  à  l'exécution  des  sons  liés.  Par  contre, 
il  permettait  une  excellente  attaque  des  notes  en 
staccato.  Un  autre  archet,  plus  long,  ressemblait  à 
celui  des  violoncellistes. 

Gand  père,  luthier  au  Conservatoire,  en  confec- 
tionna deux  modèles  qui  servirent  pendant  nombre 
d'années:  le  premier,  avec  une  tète  présentant  quel- 
que'analogie  avec  celle  du  violoncelle  ;  l'autre,  avec 
une  baguette  droite  et  une  tète  ressemblant  quelque 
peu' à  celle  de  Dragonetti. 

Le  grand  défaut  de  ces  archets  était  : 

1"  le  manque  de  longueur; 

2°  le  manque  de  largeur  de  la  hausse  ; 

3"  le  manque  de  cambrure. 

Je  parle  naturellement  des  archets  employés  dans 
les  orchestres  en  général.  Il  est  bien  évident  que  cer- 
tains artistes  en  possédaient  de  bons,  mais  ils  étaient 
très  rares. 

L'archet  était  traité  avec  une  indifféieuce  regretta- 
ble ;  cependant,  vers  1883,  M.  Verrimst,  alors  pro- 
fesseur au  Conservatoire,  commanda  à  MM.  Gand  et 

Copyright  by  Librairie  Delagrave,  1927. 


Bernardel  un  archet  un  peu  plus  long,  avec  une 
hausse  en  biais,  de  façon  à  ce  que  la  base  en  tombât 
perpendiculairement  sur  le  chevalet  ;  il  espérait  que 


]j 


FiG.  952. 


•  Anciens  archets. 


le  contrebassiste  aurait  ainsi  plus  de  facilité  pour 
attaquer  la  corde;  seulement,  la  main  se  trouvant 
déplacée,  le  contrebassiste  jouait  du  bras. 

Or  il  fallut  abandonner  cet  archet  :  la  longueur  en 
fut,  jusqu'à  cette  époque,  de  soixante-quatre  centi- 
mètres environ,  et  la  hausse  d'un  centimètre  et  demi 
de  largeur,  au  plus. 

Comme  dimensions,  ce  n'était  vraiment  pas  suffi- 
sant. Lahoureux,  l'éminent  chef  d'orchestre,  exigea 
que  les  contrebassistes  se  servissent  d'archets  plus 
grands.  C'est  ici  que  commença  l'amélioration  pres- 
que complète  des  archets  français.  Un  archettier 
habile,  Arthur  Vigneron,  qui  venait  de  s'établir, 
proposa  à  quelques-uns  d'entre  nous  d'en  fabriquer 


FiG.  953.  —  Archets  modernes. 

selon  le  désir  de  Lamoureux;  immédiatement,  celte 
proposition  fut  acceptée,  et  nombreuses  furent  les 
commandes. 

-Malgré  celte  amélioration,  nous  n'étions  satisfaits 
qu'à  moitié,  car  Vigneron  se  refusait  à  faire  des  ar- 
chets pesant  moins  de  135  grammes  et,  pour  exécu- 
ter la  musique  moderne,  on  était  vite  fatigué. 

119 


1890 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOSNAIIXE  DU  CONSERVATOIHE 


Enfin,  vers  1903,  un  autre  arclieltier  comprit  les 
réclamations  des  contrebassistes  :  je  veux  parler  d'un 
jeune,  M.  Tiiomassin,  qui  n'iiésita  pas  un  seul  instant 
a  se  conformer  au  goût  des  instrumentistes. 

Dès  l'apparition  de  son  premier  archet,  qui  mesu- 
rait 67  centimètres  de  lonsueur  avec  une  hausse  d'une 
lar"eur  de  22  millimùtres,  et  qui  pesait  120  gram- 
mes, M.  Charpentier,  alors  professeur  au  Conserva- 
toire, lui  en  commanda  plusieurs.  Depuis,  l'usage  de 
cet  archet  s'est  généralisé  à  l'Opéra  et  dans  les  grands 

concerts.  .  ,       ,,    c 

Citons  aussi  l'habile  archeltier  qu  est  M.  Sartory. 

EMPLOI   DE   LA  CONTREBASSE 

La  contrebasse  est  le  plus  gros  des  instruments  à 
cordes  et  celui  qui  rend  les  sons  les  plus  graves  ;  il 
est  comme  le  support  et  la  base  d'une  pièce  de  mu- 
sique ;  toute  l'harmonie  prend  son  point  d'appui  sur 
la  contrebasse,  qui  tient  le  même  emploi  dans  une 
composition  que  les  fondements  dans  un  édifice.  Il 
faut  donc  qu'elle  fasse  toujours  entendre,  du  moins 
autant  que  possible,  la  véritable  noie  de  la  basse,  et 
cela  d'une  manière  bien  nette  et  perceptible;  c'est 
aussi  pour  cela  qu'on  la  double  par  le  violoncelle. 

La  contrebasse  ofire,  en  outre,  un  très  grand 
avantage  :  c'est  de  bien  dessiner  le  rythme,  à  lel 
point  qu'elle  peut  suppléer  le  chef  d'orchestre,  don- 
ner aux  exécutants  l'aplomb  nécessaire,  et  détermi- 
ner le  mouvement  des  morceaux  d'une  manière  pré- 
ci-^e.  En  un  mot,  elle  est  le  régulateur  de  l'orchestre  ; 
il   faut  donc   la  confier  à  des  artistes    d'un    talenl 

éprouvé.  . 

Voici  quelques  exemples  de  l'emploi  de  la  contre- 
basse à  l'orchestre,  où,  le  plus  souvent,  elle  vient 
renforcer  les  basses  en  les  doublant  à  l'octave  grave. 
Dans  l'Orage  de  la  Symphoni''  pastorale,  Beetboven 
suscite  l'impression  d'un  vent  violent,  de  sourds 
"rondements  de  rafales,  en  accentuant  par  les  con- 
Trebasses  la  premii'i-e  note  de  groupes  à  peine  arti- 
culés; la  scène  du  creusement  de  la  tombe  de  Flo- 
restan  dans  Fidelin  comporte,  au-dessous  de  la  partie 
des  violoncelles,  des  dessins  de  contrebasse  entre- 
coupés de  silences,  qui  viennent  préciser  l'harmonie  '. 
Ueruoz  divise  les  contrebasses  dans  sa  Cantate  ilii 
Cinq  Mai,  et,  de  la  sorte,  évoque  un  silence  lugubre 
par  les  longs  accords  pianissimo  que  ces  instrumenis 
"lissent  sous  le  decrescendo  de  l'orchestre-. 
"  Comme  le  remarque  Berlioz,  au  sujet  du  trémolo 
continu,  qui  rend  l'orchestre  menaçant,  les  contre- 
basses ajoutent  à  l'elTet  produit  par  le  trémolo  des 
violoncelles  des  répercussions  précipitées  d'un  effet 
saisissant.  L'association  des  contrebasses  aux  violon- 
celles empêche  les  premières  de  manquer  de  net- 
teté et  allège  leurs  sons  graves  qui  tendent  à  devenir 
pâteux;  d'où  une  basse  souple  et  puissante^. 

Les  fiisi'es,  en  petites  notes  précédant  des  notes 
ordinaires,  produisent  souvent  une  impression  dra- 
matique, telle  la  «  furieuse  secousse  »  donnée  à  l'or- 
chestre dans  la  scène  infernale  de  VOrplwe  de  Gluck 
par  les  contrebasses  attaquant  le/a  haut  que  prépa- 
rent quatre  petites  noies.  On  peut  encore  citer  l'em- 
ploi de  ce  mo.ven  puissant  dans  VArmiile  de  Gluck, 
dans  la  Symphonie  en  ré  de  Mozart,  etc.'. 


1.  H    timuo/..  Grand  Traite  d'insi  rumen  lai  ion  et  d'orchestration 
mndcrnex,  v-  57. 

2.  ;««.,'p..C9.    .    .  ,  ,  , 

3    rh  -M   \\'\o<i:.  Technique  de  l'urcheslre  moderne,  p.  2i.. 


Le  pizzicato  de  la  contrebasse  fournit  de  bons 
effets  expressifs,  comme  dans  l'ouverture  du  Frei- 
schiitz  où  le  fameux  la  en  pizzicato  est  gros  de  me- 
naces. .Mais  il  convient  d'éviter  le  pizzicato  dans  les 
mouvements  rapides,  à  moins  qu'on  ne  divise  les 
musiciens  de  façon  à  les  faire  alterner^'. 

Ajoutons  qu'on  ne  se  sert  plus  de  la  sourdine 
pour  les  contrebasses,  ce  qui  se  pratiquait  au  temps 
de  l?erlioz'^. 

Si  nous  examinons  les  œuvres  classiques  dites  d'e 
musicjiie  de  chambre,  nous  remarquons  que  la  contre- 
basse y  joue  un  rôle  secondaire;  cependant,  elle 
trouve  encore  son  emploi,  comme  partie  d'accom- 
pagnement, dans  les  Septuors  de  Beethoven,  de 
Saint-Saëns  et  de  Duvernoy,  dans  le  Quintette  de  la 
Truite  de  Schubert,  dans  le  Carnaval  des  Animaux 
de  Saint-Saëns,  et  dans  quelques  morceaux  de  Bach, 
HuMsiEL,  etc. 

Tel  n'est  pas  le  cas  dans  nos  opéras  modernes 
comme  Salomc  de  R.  Strauss,  le  Créimscide  des  Dieux 
de  lî. Wagner  et  même  VOlcllode  Veudi,  où  la  contre- 
basse a  souvent  à  exécuter  des  passages  d'une  grande 
difficulté. 

EIMSEIGNEIVIENT  ET  VIRTUOSES 
DE   LA  CONTREBASSE 

Nous  donnerons  ici  un  bref  aperçu  de  l'enseigne- 
ment de  la  contrebasse  au  Conservatoire  de  Paris. 

En  1827,  CiiERUBiNi  créa  à  l'Ecole  Nationale  de 
Musique  la  première  classe  de  contrebasse,  dont  le 
titulaire  fut  Cuénier,  à  qui  succéda,  en  1832,  Lami, 
emporté  par  le  choléra  au  cours  de  la  même  année. 

Ces  deux  professeurs  enseignaient  la  méthode  à 
trois  cordes.  Rappelons,  à  ce  propos,  que  Bottesini 
préconisait  l'élude  de  la  coiitiebasse  à  trois  cordes, 
celle  de  la  contrebasse  à  quatre  cordes  n'exigeant 
pas  un  enseignement  dillérent. 

Après  Chénier  et  Lami,  Schapft  introduisit  la  raé- 
Ihode  à  quatre  cordes,  et  professa  de  }835  à  1832. 
Puis  les  titulaires  de  la  classe  furent  : 

Charles  Larro  (18:13-1882).  Auteur  de  la  Méthode 
de  contrebasse  à  quatre  cordes  qui  est  la  plus  em- 
ployée en  France,  en  Allemagne,  en  Angleterre  et  en 
Belgique  ;  on  lui  doit  dix  concertos,  cinq  morceaux 
de  concert,  etc. 

V.-F.  Verrimst  (1882-1803),  auteur  d'une  Méthode 
de  contrebasse  à  quatre  cordes  (1863)  ;  il  oMint  un  grand 
succès  avec  les  cinq  concertos  qu'il  composa  tout 
spécialement  pour  les  concours  de  Cu\  d'année  du 
Conservatoire.    . 

Puis  ce  furent  Viseur  (1803-1902),  II.  Charpentier  et 
enfin  Edouard  Nanny,  le  titulaire  actuel,  en  même 
temps  que  l'auteur  d'une  Méthode  complète  pour  la 
contrebasse  à  quatre  et  cinq  cordes  (en  deux  parties, 
1920-192:;). 

Nous  citerons  eucore  les  méthodes  de  Bottesini,  de 
Sturu,  de  SiMAMDL^  de  Bernier,  de  Gouffé,  de  Durier 
et  de  Gasf'aiuni. 

Pour  terminer  cette  étude  rapide,  nous  devons 
ajouter  que  la  contrebasse,  bien  que  ne  paraissant 
pas  être  un  instrument  pouvant  se  prêter  à  l'exécu- 
tion d'un  solo,  a  cependant  rencontré  des  artistes 
de  haute  valeur,  qui  ont  su  en  tirer  des  elTets  tout  à 
fait  inattendus. 

I.e  premier  en  date  des  virtuoses  de  la  contrebasse 

-i.  H.  Beplioz,  loco  cit.,  p.  55.  —  Cil. -M.  Widou,  loeo  cit.,  p.  247. 
5.  Cil. -M.  Wiiiuii,7oco  cit.,  p.  213. 
0.   lljid.,  p.  2i8. 


TECIIXIQUË,  ESTHÉTIQl'E  ET  PÉDAGOGIE 

fut  le  Hongrois  Josef  Kaemi'ker,  qui,  entré  à  la  cha- 
pelle du  prince  Esterlia/.y  à  Vienne,  s'attacha  tout 
spécialement  à  cultiver  les  sons  liarmoni[|iies  de  la 
contrebasse.  Ensuite,  nous  trouvons  IJomenicoDRAGO- 
NETTi,  né  à  Venise  en  1763,  mort  à  Londres  en  1816. 
Véritable  enfant  prodige,  d'abord  guitariste  et  violo- 
niste, il  travailla  la  contrebasse  avec  Bkrini,  qu'il  rem- 
plaça au  chœur  de  S.iint-Marc  à  Venise,  après  avoir 
été  admis,  dès  l'âge  de  treize  ans,  à  l'orchestre  de  l'o- 
péra huITu  de  (^ette  ville,  puis  à  celui  de  l'opéra  séria. 
11  se  jouait  de  toutes  les  diflicultés  qu'il  accumula 
dans  ses  œuvres,  concertos,  sonates  et  caprices,  et  il 
lui  arrivait  d'exécuter  sur  la  contrebasse  la  partie  de 
violoncelle  des  quatuors  à  cordes.  Fixé  à  Londres,  à 
partir  de  1704,  il  put,  un  an  avant  sa  mort,  prendre 
part  aux  fêtes  données  à  Bonn,  en  ISl-o,  pour  l'inau- 
guration du  monument  Beethoven,  en  qualité  de  chef 
d'attaque  des  contrebassistes  dans  la  Symphonie  en 
Ht  mineur. 


LA  CONTREBASSE    1891 


Mais  entre  tous,  le  célèbre  Giovanni  Bottesini,  vé- 
ritable Paganini  de  la  contrebasse,  mérite  une  place 
d'honneur.  Né  à  Créma  en  1821,  il  mourut  en  1889,  à 
Parme,  où  il  dirigeait  le  Conservatoire  de  musique. 
Elève  de  Rossi  au  Conservatoire  de  Milan,  Bottesini 
se  fit  entendre  dans  le  monde  entier  avec  le 
plus  éclatant  succès.  Pendant  deux  ans,  il  fut  chef 
d'orchestre  du  Théâtre  Italien  à  Paris;  plus  tard,  il 
fonda  a  Florence  la  société  del  Quarletto.  Dans 
les  dernières  années  de  sa  vie,  toujours  alerte  et 
vo\ageur,  il  lit  des  tournées  en  Angleterre  avec  le 
violoniste  Simonetti,  tournées  aux  cours  desquelles 
les  deu.x  artistes  se  livraient  à  de  véritables  matches 
de  virtuosité. 

BoTTEsiNi  consacre  la  deuxième  partie  de  sa  Mé- 
thode k  la  contrebasse  considérée  comme  instrument 
soliste,  et  voici  l'étendue  (en  notes  réelles,  sans  trans- 
position à  l'octave  supérieure)  qu'il  confère,  dans  ce 
cas,  à  l'instrument  (contrebasse  à  trois  cordes)  : 


tn 


W^ 


Il  donne  ensuite  la   série  des   sons   harmoniques 
sur  les  trois  cordes  de  l'instrument'  : 


Sons  harmoniques 


Corde  Sol 


m 


-Q- 


Corde  Ré 


m 


Corde  la 


m 


-»»- 


ê 


tf<» 


BoTTESiNi  estime  que,  sur  une  bonne  contrebasse,  les 
sons  harmoniques, se  prêtant  à  une  vigoureuse  pres- 
sion de  l'archet,  produisent  un  ell'et  excellent  et  s'a- 
daptent parfaitement  au  caractère  de  l'instrument. 

Il  excellait  dans  l'exécution  du  Carnaval  de  Venise, 
d'une  Tarentelle  en   la  mineur  de   sa  composition 
et  dans  une  Fantaisie  sur  la  Somnanhula  de  Bellini 
dont  il    avait   ell'ectué  un  arrangement  hérissé  de 
difficultés. 

BoTTESiNi  était,  en  outre,  un  chef  d'orchestre  des 
plus  habiles  et  un  compositeur  distingué. 


1.  Grande  Mélliode..,,  2«  partie,  p.  88  et  9ui\'. 


Ad.  SOVER. 


LA  HARPE 


DES  ORIGINES  AU  COMMENCEMENT  DU  DIX-SEPTIÈME  SIÈCLE' 

Par  Marc  PINCHERLE 


,1  De  tous  les  instruments  à  cordes  que  l'on  a  pos- 
sédés et  que  ron  possède  encore,  il  n'y  en  a  pas  dont 
la  forme  soit  plus  connue  que  la  harpe  et  donl  l'oii- 
gine  le  soit  moins.  »  Cette  prudenle  alTirmation  de 
Kastner^  reste  en  deçà  de  la  réalité.  La  harpe  n'a  pas 
toujours  été  si  clairement  définie  qu'on  ne  l'ait  coii- 
fondue^  avec  des  instiuments  —  lyre,  cithare,  psal- 
térion  —  de  principe  tout  dillérent.  Disons,  pour  dé- 
limiter une  bouiie  fois  notre  sujet,  qu'elle  comporte 
essentiellement  un  plan  de  cordes  d'inégale  longueur, 

1.   Bibliographie.    —    Histoires   de   la  harpe  :    Aptommas 
(Th]  Thomas),  New-\ork,  1859  (anglais). —  Oiov.  Cabamiello, 
1888  (italien).  —  Es.  CEnvANTiîs,  riotha,  1889  (allemand).  —  L. 
CoGHEN,  Gand,  1923  (français).  —  Fkoio,  Padova,  1S87.  —  Gan- 
DOEFi,  Firenze,  1887  (italien).  —  W.-H.  Grattan  Flood,  Lon- 
dres   'l905  (anglais).  —  Maria-V.  Grossi,  Bologna,  1911  (ita- 
lien)'. —  Joli.-Fried.-Wil.  Herbst,  Uelicr  die  Hiirfe.  Berlin,  1702 
(allemand).  —  Gelsomina  Naclerio,  N'apoli,  s.  d.  —  M.  Rca, 
Roma,  1898-1902-1913  (italien).  —  R.  Rdta,  Aversa,  1911  (ita- 
lien). —  L.  SCHNEIDER,  Paris,  1903  (français). —  John  Thomas, 
London,  s.  d.  (anglais).  —  A  part  l'ouvrage  de  W.-H.  Grattan 
Flood  excellent  pour  ce  qui  concerne  les  Iles-Brilanniques,  ces 
histoires  s'appuient  sur  une  documentation  déjà  ancienne  et  en 
grande  partie  controuvée.   Quelques  études  d'ensemble  sous  le 
même  titre,  dans  le  Hai/asin  Pilloresriue,  1850  (anonyme)  ;  la  Xeiie 
ilusili  Zeitiimj,  Stuttgard,  XXII  (par  Eisa  Glass)  ;  le  Courrier  Mu- 
siccil,  novembre-décembre  1903  (R.   Doire)  ;  les  Proceediiifis  o,' 
!he  Musical  Association,   1908-1909  (A.  Kastner),  etc.  Parmi  les 
innombrables   articles  de  dictionnaires  ou  d'encyclopédies  ,  on 
consultera  avec  profit,  pour  la  France  :  \' Eiiei/elopcilie  de  Diderot, 
VIII,  1765  (par  le  comle  Ouinski);  VEnci/clo/iéiHe  mèlhodique,  II, 
ISIsVgingoené);  le  Dictionnaire  de  l'Amcuhlemenl  et  de  la  Décora- 
tion, 189 i  (Havard);  la  Grande  Encyclopédie  (H.  Lavoi.k);  pour 
l'étranger  :  la  Cyclnpaedia  d'Aljraham  Riîes,   1805-1819  (Bdr- 
ney);  y Encijciopxdia  Britannica,   1910  (M.  Schlesinoer  et  A.-J. 
Hipk'ins);  le  Dictionnaire  de  Grove,  II,   1919  (A.-J.   Hipkins); 
yAllqemeiiie   Enciiclopedie  de  Ersch  et  Grdber,  2e  série,  t.  II, 
1827;  le  Mnsikalisches  Conversations-Lcricon  de  Mendel,  IV  (C. 
Bili.ert)  ;  le  Musijkanl   Kunst   Woordentioeh   de  J.   Verschuere 
Reïnvaan,  Amsterdam,  1795.  On  ne  peut  songer  à  énumérer  ici 
tous  les  ouvrages  d'organographie  qui  consacrent  un  chapitre  à 
la  harpe  (histoires,  dictionnaires  et  surtout  catalogues).  Mention- 
nons seulement  les  bibliographies  fournies  par  Ccrt  Sachs,  Iteal- 
Lexicon  der  MuiiUnstrumentc,  Berlin,  1913.  —  G.    Kinsky,  Cat. 
Muséum  roii   Willielm  Heijer,  Coin,  II,  1912.  —  R.  Brancodr,  His- 
toire dex  iuslrumenls  de  musique.  Paris,  1921.  —  J.  Geo  Morley, 
Catalogue  of  SI.  Morley  s  library  of  liarp  mu.iic...  and  list  of  books 
and  portraits,  London,  1895.  —  J.  Snoer,  Oie  Harfe  als  Orchesler- 
instrument.  Leipzig,  1898  (pp.  80-81.  bibliographie  historique). 
N.-B.  On  ne  s'est  pas  résigné  sans  regret  h  donner  à  la  biblio- 
graphie, dans  toute  cette  élude,  un  développement  qui  peut  sem- 
bler bien  pédantesque  :  l'étendue  du  sujet,  étalé  à  travers  tant  de 
siècles  et  de  civilisations,  nous  contraignait  à  ne  pas  voyager 
sans  béquilles.  D'autre  part,  l'histoire  de  la  harpe  comporte  trop 
de  contradictions,  d'imprécisions  (on  ne  se  flatte  pas  de  les  avoir 
toutes  résolues,  ni  dissipées)  pour  qu'on  ne  les  combatte  pas  de 
son  mieux.  Orphée,  Éole,  ni  David,  ne  sont  menacés  d'en  voir 
diminuer  leur  clientèle  poétique. 


tendues  en  progression  régulière  entre  une  caisse  de 
résonance  et  une  console  d'accroché,  et  destinées  d 
Cire  pincées  à  vide,  ou,  exceptionnellement,  jouées 
au  plectre.  Ni  le  nombre  de  cordes,  ni  le  format  ne 
peuvent  fixer  davanlage  cet  essai  de  définition'  :  on 
compte  de  trois  cordes  sur  certains  exemplaires  an- 
ciens, à  quatre-vingts  el  au  delà  pour  la  triple  harpe 
galloise  °.  De  nos  jours,  la  harpe  à  pédales  est  en  gé- 
néral montée  de  quaranle-six  cordes,  la  harpe  chro- 
matique de  soixante-seize.  Le  format,  sauf  excep- 
tions assez  nombreuses,  est  proportionné  au  nombre 
de  cordes. 

On  trouve  dès  la  plus  haute  antiquité  des  instru- 
ments d'un  tel  type.  La  très  réelle  obscurité  de  leur 
origine  n'a  pas  empêché  les  historiens  de  leur  assi- 
gner des  inventeurs.  Très  sérieusement,  à  grand  ren- 
fort de  textes,  Kircher  nomme  Mercure^,  Cerone, 
Amphîon  fils  de  Jupiter  ',  d'antres  Tubal,  ou  Toth, 
l'Hermès  Trismégiste  des  Grecs,  ou  les  Mysiens,  ou 
les  Syriens.  S'il  n'est  pas  plus  digne  de  foi,  le  récit 
de  Censorinus  présente  du  moins  l'intérêt  d'un  sym- 
bole heureux  :  Apollon,  charmé  du  son  que  rendait, 
en  se  détendant,  l'arc  de  Diane,  aurait  imaginé  d'y 
ajouter  d'autres  cordes,  construisant  ainsi  la  pre- 
mière haipe".  De  fait,  on  ne  saurait  guère  concevoir  • 
la  harpe  que  comme  un  perfectionnement  du  mono- 
corde. Toutes  les  civilisations  extrême-orientales 
(Inde,  Chine,  Japon)  nous  offrent  des  traditions  qui 
rejoignent  celle  que  relate  Ce.nsobinus,  mais  aussi  les 
théories  évolutionnistes  du  début  de  ce  siècle'. 
Le  passage  de  l'arc  à  la  harpe  primitive  ne  s'est 


2.  G.  Kast.ner,  Parémiotor/ie  musicale  de  la  laoïiuc  française, 
Paris,  s.  d.,  p.  381. 

3.  Des  théoriciens  de  I;i  valeur  de  Gai-ilée,  par  exemple  ;  «  La 
iiarpe  qui  n'est  pns  -lutre  rliose  qu'une  cithare  .ineienne  à  cordes 
nombreuses.  »  [Uialoiio  delta  inusica  antica  e  délia  moderna,  Flo- 
rence, 15SI,  p.  143).  Et  bien  d'autres. 

4.  Juan  Bermudo,  Dectaracion  de  instruoicntos  ynfisicales,  1555, 
liv.  IV,  ch.  Lxsxvii  ,■  u  II  n'y  a  pas  pour  cet  instrument  de  nombre  de 
cordes  déterniiné.  u 

5.  La  harpe  italienne  n"*  1.>I1  du  musée  de  Bruxelles  (Cat.  Mahii.lon, 
p.  105)  a  mèinu  04  cordes. 

6.  .Vasur<iia,  lionne,  1650,  1,  pp.  44,  47,  70. 

7.  El  Meiopeo,  N'aples,  ICI  H,  p.  247. 

8.  Ed.  Teubner,  Leipzig,  1807;  Fragment  xii,  p.  66.  Cexsorinus 
écrivait  au  m"  siècle  de  notre  ère. 

9.  Sur  l'arc  origine  des  instruments  à  ronles,  cf.  surtout  H.  Eal- 
luLR,  The  î\aturat  flistori/  of  the  tnnsicnl  bou\  Oxford,  1800;  J. 
Deniker,  Les  Races  et  les  peuples  de  ta  terre,  Paris,  1900,  p.  248,  et 
Frances  Morris,  Cat.  of  the  Crosby  Jlrown  collection,  Metropolitan 
.\taseum,  N.  Y.,  1914,  pp.  267-208  :  liibliography  of  the  Musical 
bou\ 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA   HARPE    1893 


peut-être  pas  opiTé  sans  transitions.  Villoticau,  dans 
sa  Description  de  l'Egypte  ' ,  émettait  l'idée  que  l'on 
aurait  songé  tout  d'abord  à  juxtaposer  des  monocor- 
des de  tons  différents  :  c'est  la  légende  japonaise  du 
Yamalo-goto,  formé  primitivement  de  six  arcs  liés 
côte  à  côte,  et  dont  le  type  moderne  garde  trace  (au 
bout  de  sa  table  d'harmonie)  de  l'encoche  de  ces 
arcs.  Actuellement  encore,  un  curieux  instiument  de 
l'Afrique  occiilenlale  nous  retrace  à  merveille  les  tà- 
tonnemenlsdes  premiers  inventeurs,  conlirmant  l'hy- 
pothèse de  ViLLoTEAU.  Le  Wainbee,  ou  Kissiimba,  ou 
Valga  (flg.  954)  se  compose  de  plusieurs  baguettes, 
cinq  en  général,  tendues  chacune  d'une 
seule  corde,  et  fixées  à  leur  base  sur  une 
boîte  de  résonance  assez  rudiuientaire-. 
Certains  de  ces  Wambee  réalisent  un  pro- 
grès important,  en  ce  que  les  cinq  ba- 
guettes y  sont  réunies  par  des  liens  jus- 


FiG.  954.  —  Wainbe 
Congo. 


Fiû.  955.  —  Harpe  anglaise 
XII'  et  xni'  siècles. 


qu'à  leur  extrémité;  après  quoi  force  est  bien  de 
s'apercevoir  qu'une  seule  baguette,  plus  robuste, 
peut  résister  à  la  tension  de  toutes  les  cordes,  —  et 
c'est  la  harpe. 

Il  faut  convenir  que  l'histoire  pure  et  simple  ne 
permet  pas  de  contrôler  le  bien  fondé  de  ces  hypo- 
thèses. 'Tandis  que  les  petites  harpes  égyptiennes, 
analogues  aux  instruments  primitifs  nègres,  ne  se 
rencontrent  guère  qu'à  partir  du  Nouvel  ICmpire,  on 
trouve,  dès  la  quatrième  dynastie,  quelque  trente-cinq 
siècles  avant  Jésus-Christ,  des  harpes  —  les  premières 
qui  nous  soient  connues  —  d'un  modèle  déjà  fort 
évolué. 

Peu  de  secours  à  attendre  de  l'étymologie  :  le 
mot  harpe  est  de  création  récente,  relativement  à  la 
haute  antiquité  de  son  objet.  On   a  proposé  le  grec 

1.  2-  édilion,  Paris,  VI,  1822,  p.  414. 

2.  On  ne  peut  qu'indiquer  ici  l'intérêt  que  présenterait  l'élude  des 
iaslruments  des  peuples  sauvages.  On  trouvera  Ions  les  éléments  de 
reclierche  dans  les  musées  ettinographîques  et  organograptiiques. 
Bibliographies  copieuses  in  J.-F.  Rowbotham.  Histiiry  of  Mutic, 
Londres,  I,  1885,  pp.  156-160.  —  R.  Wallaschek,  Primitive  Music, 
Londres,  1893.  —  C.  Stiuipf,  Die  Anfang  der  Musik-,  Leipzig,  1911... 
et  surtout  G.  Knûsp,  Bthliograpliia  musiez  exotica,  ltei:ue  S.  /.  M. 
l'aiis,  15  mai  1910  à  13  juin  1911,  et  Frances  iMonuis,  pp.  287 
â  309  du  Cat.  of  the  Crosbij  Broun  collection,  op.  cil.  Pour  le 
\Vambee  en  question,  il  est  curieux  de  le  voir  représenté,  identique- 
ment pareil,  dans  Praetùrius,  Tkeatrum  instr  timentorum,  1620, 
pi.  \xxi,flg.  l{IadiaiHSche  Instrument  am  Klamj  den  Harffen  gleich). 


iyi'jil't,  lesonare,  sonum  edere,  quia  harpa  non  cla- 
mât, nec  auscultât,  sed  resonat  ^  ;  l'hébreu  arbaim  (qua- 
rante, du  nombre  des  cordes!  le  latin  arpi  du  nom 
d'un  peuple  exterminé  au  cours  de  la  deuxième 
guerre  punique;  l'allemand  hareti  :  appeler  ;  horchen: 
écouter; /iac/T' ou  herp,  d'une  peuplade  germanique; 
enlin  K.\st.m£r  cite  Nodier  selon  qui  «  ce  mol  est  fait 
par  onomatopée  du  son  des  cordes  de  la  harpe,  ras- 
semblées sous  les  doigts  et  ébranlées  simullané- 
nieiit  »,  maisil  adopte  l'hypothèse  plus  généralement 
admise  du  grec  ipTràÇs.v  :  saisir  violemment. 

Il  se  peut  que  la  racine  àp^  soit  la  bonne,  —  ono- 
matopée, ou  allusion  à  la  technique  de  l'instrument. 
Reste  une  difficulté  :  comme  on  le  verra  plus  loin, 
c'est  d'abord  dans  les  dialectes  des  peuples  germa- 
niques qu'apparaît  le  mot  harfner,  désignant  tout 
musicien  jouant  d'un  instrument  à  cordes.  Harpe  a 
donc  vraisemblablement  englobé,  à  l'origine,  comme 
cithara  en  bas-latin,  n'importe  quel  instrument  à 
cordes  pincées.  Littré,  proposant  le  haut-allemand 
harfan,  saisir,  et  le  rapprochant  du  vieux  français 
harper,  prendre  et  sener  violemment  avec  les  deux 
mains,  indique  assez  bien  la  filiation  entre  ip-iZf-'i 
et  les  formes  germaniques  harapha,  harfa,  harf. 

Quant  au  latin  harpa,  on  le  trouve  de  façon  cer- 
taine —  et  désignant  noire  harpe  —  au  vi«  siècle, 
dans  le  vers  souvent  cité  de  Venantius  Fortunatus  : 

Romanusque  lyra  plaudet  tibi,  barbarus  harpa  '. 

On  trouve  bien,  deux  siècles  auparavant,  dans  le 
Satijricon  de  Marcianus  Capella^,  la  vierge  Philolo- 
gie urpis  bombisque  perterrita,  mais  ici,  le  sens  n'a 
pas  encore  été  complètement  élucidé. 

A  partir  même  du  vi"  siècle,  le  mot  harpe  s'im- 
plante assez  laborieusement.  Cithara,  sainbuca,  psal- 
teriwn  persistent,  dans  les  textes  savants  ou  reli- 
gieux, et  désignent  des  harpes  véritables;  et  l'alle- 
mand harfe  gardant  à  travers  tout  le  moyen  ùgo  sa 
signification  vague d'  "instrument  à  cordes  »,  le  cruit 
irlandais,  le  crwth  gallois,  le  harpu''  finnois, prêtant 
à  d'autres  confusions,  la  plus  extrême  prudence 
s'imposera  longtemps  en  matière  d'identifications 
anciennes'. 


LA   HARPE   DANS   L'ANTIQUITÉ  ORIENTALE 

Égjplc". 

Lorsque  Buhney  publia,  dans   son  Histoire  de  la 


:i.  Cf.  du  Cangf,  fr'ossnrium  medi^-'  et  infiin^^  latinitatis.  —  J. 
et  W.  Grimm,  Dculsi-lies  \Vi)rterbuch,  IV,  474-478-,  J.  Murray,  A  new 
english  dictionartj,  1901  ;  et  surtout  G.  Kast.ver,  op.  cit.,  et  E.  Cr.os- 
soN,  Notes  sur  l'onomatopée,  lîevue  S.  I.  M.,  Paris,  15  judlet  1911. 

4.  Yen.  Fortunatus,  Carminn,  \"111,  viii,  113,  d'un  poème  adressé  eu 
l'au  570,  à  Loup,  duc  de  Clianip:ij,'ne. 

5.  l.ib.  111,  édit.  Kopp,  1830. 

G.  liarpu,  en  finnois,  une  viole  .'i  trois  cordes  (Dom.  CoiipARETr,  // 
Kalevala,  Rome,  1891,  p.  49).  Pour  mémoire,  un  tambour  employé 
par  les  Nègres  d-ï  la  Nouvelle-Guinée  porte  aussi  le  nom  de  harpa 
'.Stearns  Collection,  -Michigan,  n^'  :i74.  Î7d,  277). 

7,  Sur  ces  difliruliés  d'idcntilic.ttion,  cf.  M.  PiNcHËRLB,  Autour 
d'u'ie  histoire  de  la  ha> pe,  in  Actes  du  Congrès  d'histoire  de  l'Art, 
et  K.  ScHLEsi.NGËR,  Thc  Precursors  of  the  violin  family.  Londres, 
1910,  pp.  329,  332,  4il,  iôl,  Paris,  1924,  111,  pp.  743  sqq. 

8.  Le  copieux  chapitre  de  Fetis  {Hist.  de  la  Musique,  1,  1869. 
pp.  257-281)  ne  peut  plus  guère  être  pris  en  ooosidér;ilion.  M.  V. 
LùRET  a  apporté  des  données  neuves  et  abondantes  dans  le  l"- fasci- 
cule de  l'Encyclopédie  de  la  Musigue,  1913,  pp.  :;4-57  :  on  complé- 
tera avec  KiNSKV,  op.  cit.,  Il,  9;  Curt  Sachs,  Die  Musiliinstrumeut 
des  alten  Aegyptens,  Berlin,  19:il.  Pour  l'iconographie,  voir,  outre 
ces  deux   ouvrages,  les  recueils  généraux  de  J.-G,  Wilkinson,  The 


1894 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIHE  DU  CONSERVATOIRE 


Musique,  la  lettre,  datée  du  II  oclolire  1774,  où 
James  Bruce  lui  annonçait  la  découverte  des  harpes 
représentées  sur  les  fresques  du  tombeau  de  Ram- 
sès  m  (Tliébes-Bjban  el  Molouk),  il  se  heurta  à  une 
incrédulité  quasi  générale'.  On  n'admettait  pas  que, 
onze  siècles  avant  notre  ère  ^  la  facture  instrumen- 
tale eût  réalisé  de  tels  chefs-d'œuvre.  Or,  si  l'on 
peut  reprocher  à  Bruce  quelques  inexactitudes  vé- 
nielles, il  était  bien  en  derà  de  la  vérité  en  donnant 
pour  les  premières  du  genre  les  harpes  Ihébaines. 
Dès  les  débuts  de  l'Ancien  Empire,  dans  les  nécro- 
poles raemphites  de  la  quatrième  dynastie,  la  harpe 
appaiail  déjà  fort  différenciée  du  monocorde  primi- 
tif. Selon  les  Egyptiens,  elle  leur  serait  cou- 
nue  depuis  le  règne  terrestre  de  Toth,  le  dieu 
à  tête  d'ibis,  sous  la  seconde  dynasiie. 

Elle  est  caractérisée  dans  les  textes,  par 
les  deux  consonnes  6.  n.,  que  les  égyptolo- 
gues  vocalisent  de  différentes  façons  :  bent, 
bint,  hanit,  baïnit,  cette  dernière  forme  adop- 
tée par  M.  V.  LonET.  Selon  M.  Cuht  S.^CHs^ 
la  harpe  est  déterminée  de  façon  plus  pré- 
cise, à  partir  de  la  dix-huitième  dynastie, 
par  le  mot  zazat,  le  mot  benl  ayant  perdu  de 
sa  précision  et  désignant  aussi  bien  les  lyivs. 


premier  dès  la  quatrième  dynastie  d'Egvpte',  le 
second  vers  la  dix-huitième  (Nouvel  Empire),  le  troi- 
sième à  peu  près  en  même  temps,  avec  son  plein 
développement  à  partir  de  l'époque  saïte  et  au  delà 
(iOO  avant  Jésus-Chrisl). 

Je  reprends  ici  la  description  que  donne  M.  V.  Loret 
de  la  harpe  de  l'Ancien  Empire.  «  Elle  n'est,  dit-il  S 
m  très  grande  ni  très  riche  en  notes  (fig.  956-7-8)''. 
Dépassant  le  plus  souvent  d'assez  peu  la  tête  d'un 
homme  accroupi  à  terre,  elle  ne  devait  guère  d'or- 
dinaire mesurer  plus  d'un  mètre  et  demi  de  hauteur; 
on  en  rencontre  pourtant  quelques-unes  qui  peu- 
vent  aller  jusqu'à    deux  mètres  environ.   Le  corps 


Les  harpes  égyptiennes  peuvent 
se  ramènera  (rois  types principau.x  : 
une  harpe  de  grandes  dimensions 
dont  le  corps  est  curviligne;  une 
harpe  curviligne  portative;  une 
harpe  triangulaire,  le  troisième  côté 
du  triangle  étant  (iguré  par  la  corde 
la  plus  grave,  car  aucune  de  ces 
harpes  —  et  c'est  la  caractéristique 
Je  la  harpe  orientale  ancienne  — 
n'a  de  colonne. 

Conirairement  àropiuion  de  Pon- 
TÉcouLANT',  qui  croit  que  la  harpe 
égyptienne  aurait  d'abord  été  trian- 
gulaire et  qu'on  l'aurait  cintrée  par  la  suite  pour 
lui  donner  plus  de  grâce,  les  trois  types  apparais- 
sent dans  l'ordre  de   l'énumération' ci-dessus  :  le 


Fig.  fl56-95?. 


La  harpe  sous  l'Ancien  Kmpirp, 


-Vanners  and  rustoms  of  Ihe  ancient  Affjyplians,  Londres,  3  vol., 
1837  (t.  II).  Fr.  Gaillaud,  Recherches  sur  les  -Arts  et  Métiers  îles 
anciens  peuples  de  l'Egypte,  allas,  18.11  ;  les  colleclions  de  Cham- 
pollion.  Prisse  d'Avesnes,  Le[isiiis,  Brugsch,  Cap.nrt,  Hosellini  et  sur- 
tout les  mémoires  de  la  Mission  archéologique  française  au  Caire 
et  de  I  Eriypl  Exploration  Fiaid.  Londres,  en  cours  de  publication- 
(lour  le  détail,  V.  Seymour  de  Ricci,  BiWwiir.  égyptienne,  m  ReM 
archéologi//ue,  1917,  l,  II,  1918,  t.  VIII.) 

1.  Bohney,  t.  I,  Londres,  1776,  p.  213.  Cf.  aussi  J.  Bruce,  Travels 
to  discocerihe  source  of  the  NUe.  .i  vol.,  Edinburgh,  1790,  tome  I, 
pp.  127  sqq. 

2.  La  vinç-tième  dynastie  règne  entre  1220  et  1080  avant  notre  ère. 
Four  les  dynasties  antérieures  au  .Nouvel  Empire,  les  chronologies 
ne  sont  pas  d'accord.  Celles  de  Maspero  et  de  Borchardt  font  remon- 
ter la  première  dynastie  à  plus  de  quatre  mille  ans  avant  Jésus-Chrisl 
Eduard  Meyer,  H,  Breasted,  F.-G.  Fleay  I.,  ramènent  autour  de 
lan  3000.  l-a  chronologie  adoptée  par  M.  V.  Lofiet  se  rapprocherait 
davantage  des  premières  citées  (première  à  troisième  dvnasties  : 
4000  à  iiûO  environ  avant  'Jésus-Christ 
3500  à  3000). 

3.  Op.  cit.,  p.  67.  Le  mot  bint  s'est  progressivement  affaibli,  a 
perdu  sa  voyelle  finale  en  copte,  pour  devenir  boïne,  avec  l'article  .• 
ti  boine,  d'où  la  lecture  fautive  tebuni que  la  plupart  des  égy|itologues 
ont  assignée  comme  nom  à  la  harpe. 

^■-R-  —  11  est  possible  que  le  nom  bania  donné  en  Sénégarabie  à 
un  inslrumcnt  à  cordes  pincées  ne  soit  pas  sans  rapports  avec  le  bint, 
devenu  boine  des  Egyptiens. 

4.  Organographie,  1,  1861,  p.  218.  E.  Naumann,  dans  son  Histoire 
(1,  1885,    p.  47)    attribue  faussement  la  priorité  à  la  seconde  espèce. 


quatrième  à  cinquième  de 


sonore,  qui  reposait  sur  ie  sol,  était  tout  juste  assez 
long  pour  donner  place  à  six  ou  à  huit  cordes.  De  là 
s'élevait  en  arc  une  longue  tige  dont  l'extrémité  por- 
tait un  certain  nombre  de  chevilles.  Le  corps  sonore 
est  tantôt  figuré  comme  s'il  était  vu  de  haut  ^flg.  957), 
tantôt  de  profil  (fig.  958),  tantôt  de  manière  à  faire 
voir  à  la  fois  le  profil  et  le  plan  (lig.  959)*.  En  réu- 
nissant ces  diverses  données,  on  constate  que  le 
corps  sonore  était  une  cavité  en  forme  de  losange 
mi-concave  et  mi-convexe,  creusée  ])eu  profondé- 
ment dans  une  pièce  de  bois  et  traversée  d'un  bord 
à  l'autre  dans  le  sens  du  grand  axe,  par  un  bâton 
où  venaient  s'attacher  les  cordes.  Un  morceau  de 
parchemin  recouvrait  et  fermait  la  cavité,  et  comme 
il  était  tendu  en  passant  par-dessus  le  bâton  d'at- 
tache des  cordes,  celles-ci  devaient  traverser  par  de 
petits  trous  le  parchemin  pour  pouvoir  être  atta- 
chées au  bâton.  On  remarquera  (lig.  956)  le  système 
au  moyen  duquel  les  Egyptiens  empêchaient  leur 
harpe  de  glisser  en  avant.  C'est  un  petit  plancher  de 
bois  terminé  en  arrière  par  une  sorte  de  dossier  à 


5.  Lepsios,  Denkmàler,  II,  pi.  xxxvi,  c  (Gizeh). 

6.  Loco  cit.,  pp.  24-25. 

7.  Fig.  46  =  K.  Paget  et  A.  Pirie,  The  tomb  Pof  tali^hetep,  J,on- 
dres.  1808,  pi.  xxxv.  —  Fig.  47  =  W.-M.  Flinders  Pétrie,  DesUasheh, 
Londres,  1898,  pi.  .\ii.  —  l'ig.  48  =  E.  Gréhaut.  le  Musée  égyptien, 
in-fol.,  Caire,  t.  1,  1800-1900,  pi.  xxvi  (note  de  iM.  V.  LoRirr|! 

8.  fl'apres  J.  Gardner  Wilkinso."),  op.  cit.,  t.  I.  p.  4'37  (M.  V.  L.) 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PEDAGOGIE 

anfîle  Jroit  où  vient  s'appuyer  la  ti^;e  de  la  harpe,  et 
en  avant  par  un  petit  lion  sculpté  qui  semble  arrêter 
l'iustrunieut  avec  sa  palte.  Il  y  a  là  (comme  on  l'a 
fait  fetnari[u«r  déjà  pour  les  barres  des  portes),  un 
calembour  iiualilicatif  in;^énieux,  le  lion,  en  égyp- 
tien, ayant  l.i  valeur  schnd',  et  ce  mot  justement 
signiliant  «  arrêter,  empêcher  de  passer...  "  Sur  les 
quatre  harpes  (ii;urées  ici,  trois  ont  sept  cordes,  ou 
plus  exactement,  deux  ont  .sept  cordes  et  une  a  sept 
chevilles-  (Ijg.  9o6à  droite),  les  cordes,  peintes  autn- 


LA    HARPE    1895 


FiG.  9j9.  —  Le  corps  somire. 

fois,  ayant  disparu  depuis  longtemps.  Mais  la  qua- 
trième harpe  (fig.  036  à  gauche)  à  dix  chevilles.  En 
faul-il  conclure  qu'elle  avait  dix  corde-?  J'en  doute, 
car  elle  n'est  pas  plus  large  que  la  harpe  de  dioite, 
et  l'on  peut  penser  que  le  sculpteur  a  placé  dix  che- 
villes, qu'il  avait  représentées  trop  petites,  unique- 
ment pour  remplir  tout  l'espace  compris  entre  le 
haut  de  l'instrument  et  la  tète  du  harpiste. 


Fig.  y60.  —  La  harpi'  suus  le  Moyen  Empire. 

Jamais  je  n'ai  remarqué  plus  de  sept  cordes'  sur 
les  harpes  de  l'Ancien  Empire,  et,  en  tenant  compte 


1.  Contesté  par  M.  C.  Sachs,  op.  ni.,  p.  61. 

:;.  M.  C.  Sachs,  op.  cit.,  p.  60.  remarque  a  juste  titre  qu'il  neXaut 
pas  prendre  cheville  au  sens  île  cheville  mobile,  a  la  moderne  :  ce 
sont  là  de  simples  fiohes  plantées  d.ins  le  roi  de  la  harpe,  et  aux- 
quelles viennent  s'attacher  le?  cordes. 

3.  t)oui  harpes  d'une  tombe  do  Gizeh  (quatrième  dynastie),  pu- 
bliées par  J.  (iABo.NER  WriKiNsos  (loco  Cit.,  t.  J,  p,  4S7),  ont  chacune 
sept  cordes.  (Note  de  M.  V.  Lobet.) 


du  bas-relief  de  Deir  el  Gebraoui''  qui  nous  montre 
sept  harpistes  rangés  cijte  à  côte,  on  est  en  droit  de 
se  demander  si  le  choix  de  sept  instrumentistes  dans 
ce  cas  n'avait  pas,  précisément,  pour  raison  d'être, 
le  désir  de  représenter  au  moyen  d'un  harpiste  cha- 
cune des  sept  cordes  de  la  harpe  en  usage  à  cette 
époque.  » 

On  peut  ajouter  à  cette  minutieuse  description 
que  les  Egyptiens  connaissaient  déjà  l'art  de  labri- 
(juer  des  cordes  en  boyaux  de  chat  ou  de  poisson'. 
Au  point  de  vue  de  la  technique  (nous  réservons  la 
question  de  la  tonalité),  on  remarque,  dans  la  scène 
de  festin  retracée  sur  le  Mastaba  d'Akhoulhotep 
(cinquième  dynastie,  Sakkarah,  au  Louvre,  salle  du 
iMastaba),  un  harpiste  dont  les  deux  mains  semblent 
actionner  au  moins  six  cordes;  et,  tandis  que  le  pouce 
de  la  main  droite  pince  une  corde,  celui  de  la  main 
tiauche  semble  l'effleurer  seulement.  Lu  harpiste  de 
la  quatrième  dynastie'^  a  l'épaule  gauche  placée  à 
droite  du  corps  sonore  de  la  harpe;  il  fait  passer 
sa  tète  vers  la  gauche  entre  les  cordes  et  le  bois  de 
la  harpe,  comme  on  le  fera  plus  tard  avec  la  liarpe 
portative. 

Sous  le  Moyen  Empire,  la  harpe  semble. être  d'un 
usage  moins  courant  :  notre  documentation  se  raré- 
fie. M.  V.  LoRET  remarque"  que  le  nombre  de  cordes 
demeure  stationnaire,  tandis  que  le  format  de  l'ins- 
Irumenl  s'agrandit,  et  que  le  butoir  (cf.  fig.  30, 
harpe  de  lîeni-Hasan,  tombe  2,  douzième  dynastie) 
prend  des  proportions  considérables,  rs'ulle  part 
cette  sorte  de  sabot  n'est  mieux  discernable  que 
dans  la  statuette  de  harpiste  jouant  sur  un  navire  en 
réduction,  déposée  dans  la  tombe  de  Mehenkwetre 
quelque  deux  mille  ans  avant  Jésus-Christ  et  rap- 
portée par  la  mission  H.-E.  \Vinlock  en  1921  au 
Metropolitan  Muséum  de  New-Vork, 

C'est  pendant  cette  période*,  vers  la  onzième  dy- 
nastie, que  l'extrémité  supérieure  de  la  harpe  com- 
mence à  s'orner  de  sculptures  représentant  des  tètes 
d'homme. 

Le  Nouvel  Empire  verra  se  développer  encore  ce 
genre  d'ornementation.  Dans  une  harpe  de  la  dix- 
huitième  dynastie'  conservée  au  Brilish  Muséum,  la 
caisse  de  résonance  aliecte  la  forme  d'une  poitrine 
de  femme,  que  surmonte  tout  naturellement  la  lète 
portant  la  couronne  du  Nord  et  du  Sud.  Les  plus 
magnifiques  spécimens  de  cet  art  sont,  de  toute  évi- 
dence, les  harpes  du  tombeau  de  Ramsès  111  à  Biban- 
el-.Molouck  (vingtième  dynastie). 

On  comprend,  et  l'étonnenient  de  James  Bruce  et 
I  e  scepticisme  de  ses  contemporains.  (Ju'il  me  suf- 
lise  de  rappeler  le  récit —  liiè  par  J.-J.  WiLKiissoN 
des  Watpoliuna —  d'un  dinerauquel  Bruce  était  pré- 
sent. Quelqu'un  denuii  da  :«  De  quels  instruments 
de  musique  se   sert-on  en  Abyssinie.'  «Bruce  hésita. 


4.  X.  de  G.  Davies,  The  rock  totnhsof  Deir elGnbrairi.Londroi.i.  I, 
1002,  p).  Mil  (id.). 

5.  WiLKtNsoN.  Op.  cit.,  il,  373,  parle  de  cordes  de  catgul.  —  M.-i. 
HcNnv,  VEgyple  pharfiorijqtir,  Paris.  M.  1846,  p.  26.'J,  rapporte  que 
M.  le  Baillif,  examinant  an  microscope  les  cordes  d'une  harpe  rap- 
portée par  Passalacqua,  les  trouva  composées  de  deux  brins  dislincls, 
eus-nièmes  formes  de  Qlaments  ronds,  forts,  Iransparcnts,  anilo^iies 
à  ce  que  pouri-aient  fournir  les  boj;iux  de  poisson. 

6.  Tombe  dr  l'r-ari-en  f'Iah,  pi.  ix  de  E.-A.  Wallis  Bndge,  A 
ifuide  to  tlie  fgypt.  coll.  British  .Mitseum,  1909. 

7.  Loco  eit.,  p.  ^3. 

8.  C.  Sachs,  op.  cit.,  p.  ti2.  —  .1.  Comrariec  croit  pouvoir  assigner 
à  ces  têtes  humaines  sculptées  un  sens  religieux  (lu  Miisigw  el  la 
.Magie,  1909,  pa.^.-,im}. 

9.  Du  tombeau  d'.^ni.àThèbes.  Brit.  Mus.,A(y«lrfe  to  Ih-  llm<l  nnd 
fourtk  eg.  rootns,  'Lundon,  1904,  n»  345G4. 


1896 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOinE 


n'ayant  pas  prévu  la  question,  —  et  linit  par  repon- 
dre :  «  Il  me  semble  que  j'ai  vu  une  lyre.  »  Sur 
quoi  un  convive  dit  à  l'oreille  de  son  voisin  (jouant 
sur  l'iiomophonie  lyre  et  iiar  =  menteur)  :  «  Oui,  et 
il  y  en  a  un  de  moins  depuis  son  départ'.  » 

Il  est  juste  d'ajouter  que  l'adaption  par  Bruce  aux 
types  égygtiens  de  modes  de  la  fin  du  xviii=  siècle, 
les  coilfures  frisotées,  les  guillochages  et  les  ru- 
chages  imprévus  des  instruments,  n'étaient  pas  pour 
reudre  aisée  la  foi  en  un  tel  miracle  rétrospectif.  Et 
il  a  fallu  attendre  Champollion-  pour  avoir  de  ces 
deux  harpes  des  représentations  correctes,  avec 
l'exact  nombre  de  cordes  :  onze  pour  l'une,  treize 
pour  l'autre.  A  cette  époque,  on  en  peut  trouver 
davantage,  jusqu'à  vingt,  sans  que  l'ancien  type  à 
sept  ou  huit  cordes  soit  abandonné. 

On  emploie  de  plus  en  plus,  dans  la  construction, 
les  matières  précieuses  :  ébène,  argent,   or,  lapis- 
lazuli,  turquoise^.  La  forme  générale  varie  de  diverses 
façons,  tantôt  se  recourbant,  en  soite 
que  l'on  devra  poser  l'instrument  sur 
un  chevalet    plus   élevé    que  l'ancien 
butoir*,  tantôt  au  contraire  diminuant 
sa  courbure  et  allongeant  les  cordes; 
la  harpe  devra  être  jouée  en  ce  cas 
par  un  instrumentiste  debout'. 

Je  mentionne  seulement  pour  mé- 
moire des  harpes  étranges  qui  ont 
provoqué  des  commentaires  impru- 
dents :  il  s'agit  de  deux  instruments 
du  Temple  des  Rois  à  Abydos  (dix- 
neuvième  dynastie)  représentés  avec 
deux  plans  de  cordes,  l'un  vertical, 
l'autre  oblique,  ayant  à  leur  partie 
supérieure  des  points  d'attache  com- 
muns. M.  M. -A.  St. -G.  Caulfeild*^,  qui 
les  signale  pour  la  première  fois,  les 
décrit  :  «  Deux  rangs  de  cordes,  ap- 
paremment destinés  à  être  joués  un 
par  chaque  main;  cette  forme  avec 
des  cordes  croisées  est  tout  h  fait 
inconnue  jusqu'ici.  »  M.  M.-C.  S.^cns'' 
n'a  pas  de  peine  à  montrer  qu'il  s'agit 
tout  simplement,  non  d'une  harpe 
chromatique  avant  la  lettre,  mais  d'un 
instrument  fantaisiste,  ou  plutôt  d'une 
négligence  d'exécution  du  peintre 
égyptien,  qui,  ayant  dessiné  ses  cordes 
tout  d'abord  trop  obliquement,  les  a 
rétablies  dans  le  plan  vertical,  sans  prendre  la  peine 
d'effacer  son  premier  dessin. 

Harpes  curviligaes  et  portatives.  —  Ce  type  de 
harpe  (lig.  961),  qui  comporte  en  général  trois  ou 
quatre  cordes",    n'intervient  dans   les    monuments 


figurés  qu'à  partir  du  Nouvel  Empire.  De  nombreux 
musées  (Paris-Louvre,  Berlin,  Londres,  etc.)  en  pos- 
sèdent des  vestiges  exhumés  des  tombeaux.  De  plus, 
on  trouve  actuellement  encore  chez  de  nombreux 
peuples  d'Afrique  des  types  presque  semblables.  Le 
para''  des  nègres  du  Niger  n'est  pas  autre  chose. 
Bien  de  surprenant  si  l'on  se  souvient  que,  dès  la 
cinquième  dynastie  (environ  trois  mille  cinq  cents 
ans  avant  Jésus-Christ),  les  rois  Pepi  et  Assa  faisaient 
déjà  venir  à  Memphis  des  pygmées  danseurs.  M.  V.  Lo- 
RET  remarque  que  cette  petite  harpe  pourraitjètre 
l'origine  de  la  guitare  apparue  précisément  versjla 
dix-huitième  dynastie  :  il  suffit  de  redresser  la  tige 
dans  le  prolongement  du  corps  sonore  et  de  faire 
décrire  un  quart  de  cercle  au  bâtonnet  où  s'attachent 
les  cordes.  Cette  petite  harpe  figure  la  plupart  du 
temps  dans  des  ensembles  assez  nombreux,  parfois 
à  côté  de  harpes  de  grand  modèle  jouées  à  genoux 
ou  debout. 


^ 


1.  Op.  Cit.,  Il,  1837.  p.  23i.  -  W.  Bëadfûrd,  in  J.  Walkeb,  Bisto- 
rical  Memoi}'^  of  the  Irish  bards,  London,  1786,  appendice  viii,  se 
prétend  au  courant  de  l'imposture  de  Bruce;  et  Walker  renchérit 
sur  lui. 

2.  Monuments  de  l'Egypte  et  de  la  Nubie,  111,  1845,  pi.  ccxxi. 

3.  V,  LoRET,  loco  cit.,  p.  25, 

4.  F.  Caillauii,  liedicrdies  sur  les  arts  et  mi^tiers  des  anciens  peu- 
ples de  l'Egypte,  Atlas,  1831,  pi.  lxiv  (El  Kab.  dix-huitiêmc  dynas- 
tie). —  Egypt  Exploration  Fiind,  Abydos,  par  W.-F.  Pétrie,  II, 
pi.  XXXIX  (Abydos,  dii-neuvièmc  djnastie). 

5.  V.  ScHKiL,  Tombeau  de  Jtat'esevkasenb  (dix-huitième  dynastie), 
Mission  arch.  Caire,  V,  1889,  pi.  ii. 

Il,  The  Temple  of  the  Kings  at  Abydos,  London,  Egyptian 
liesearch  account,  1902,  p.  19  et  pi.  xx,  3. 

7.  Op.  cit.,  p.  64. 

8.  Cinq  dans  une  scène  de  la  dit-neuvième  dynastie  reproduite  par 


FiG.  961-963.  —  Ln  harpe  portative. 

A  mentionner  encoi'e  un  niodrle  assez  exception- 
nel de  harpe  curviligne  de  petit  format,  qui  appa- 
raît quelque  deux  siècles  avant  l'ère  chrétienne. 
Cette  harpe  *^,  dont  le  corps  sonore,  semi-circulaire, 
est  d'épaisseur  presque  constante,  à  peine  moins 
gros  au  sommet  qu'à  la  base,  se  termine  générale- 
ment par  une  tète  liumaine.  Les  exemplaires  trou- 
vés sur  les  sculptures  des  temples  de  l'île  de  Philae 
comportent  neuf  et  dix  cordes.  On  joue  cette  harpe 
placée  sur  un  socle  aussi  élevé  qu'une  table.  Nous 
la  retrouverons  en  Etrurie. 


Cam.liaud,  op.  cit.,    pi.  XXXV,  et  dans  les  instruments  conservés  au 
British  Muséum,  Eg.  R,  armoire  A. 

9.  Cf.  C.-R.  Day,  Appendice  à  A. -F.  Mackler-Ferrimab,  Dp  to  the 
Aiger,  Londres,  1892,  ch.  .\tu.  —  Hortense  Panmm,  MiddelaUlerens 
Stiengeinstrumenter  og  dercs  Forlôbeiv,  Copenhague,  1913,  p.  57, 
souligne  la  ressemblance  en  juxtaposant  une  harpe  de  ce  modèle,  et 
une  harpe  nègre  de  liahr  cl  Abiad, 

10.  Description  de  l'Egypte,  I,  1809,  pi.  xv,  fig.  14,  et  xxiii,  2  el.3. 
Benédite,  Description  et  histoire  de  Vile  de  l^hilae.  Mission  archéol, 
au  Caire,  Xlll. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA    HARPE   181»: 


Harpes  triangulaires  (trigones).  —  Ainsi  qu'il  a 
déjà  été  ilit,  nous  désignerons  sous  ce  nom  des 
inslruments  formés  en  réalité  de  deux  branches 
formant  entre  elles  un  angle  plus  ou  moins  aigu, 
le  troisième   côté  du  triangle  limité  par  la  corde 


Leyde  et  surtout  du  Louvre,  dont  M.  V.  LoREia  donné 
un  dessin  et  une  description  également  minutieux^. 
Ce  trigone  «  mesure  1  m.  123  de  hauteur,  le  corps  so- 
nore est  recouvert  de  maroquin  vert  orné  çà  etjlà  de 
découpures  de  cuir  de  diverses  couleurs.    L'instru- 


FiG.  964.  —  Trigone  d'époque  saïque. 


la  plus  grave.  Cette  forme  appartient  aux 
civilisations  chaldéo-assyriennes,   où    les 
représentations,  nous  le  verrons  plus  loin, 
en  sont  fort  nombreuses.  Ici  le  corps  so- 
nore a  son  épaisseur  maxima  au  sommet, 
son  épaisseur  minima  à  la  base,  et  c'est  à 
la  base  qu'est  implanté  le  joug  qui  porte 
les  chevilles,  jouant  ainsi  l'exact  rôle  de 
l'extrémité  supérieure,  mince  et 
arquée,  de  la  harpe  égyptienne. 
Les  premiers  modèles  nous  sont 
offerts  par  des  peintures  de  tom- 
bes de  la  treizième  dynastie.  La  harpiste 
de  la  tombe  Je  Parennefer  joue  un  petit 
trigone  porté  très  haut,  sa  base  au  mi- 
lieu de  la  poitrine.  D'autres  sont  repré- 
sentés  dans   la   curieuse   peinture   du 
harem  figuré  dans  le  tombeau  d'Ay,_à 
la  même  époque^,  où  l'on  voit  à   peu 
près  tous  les  instruments  alors  en  usage, 
soit  en  action,  soit  pendus  au  mur.  Mais 
ils  n'ont  pas  encore  atteint  le  plein  dé- 
veloppement  qu'ils   auront  à  l'époque 
saïte   après    la   vingt-sixième   dynastie 
(700-.Ï2.Ï  av.  J.-C).  Ici,  des  modèles  par- 
faitement clairs  nous  sont  offerts,  non 
pas   tant  les  sculptures  comme  celles 
du  musée  d'Ale.xandrie'  ou  les  petites 
statuettes  du   musée   Britannique  et  du   musée   de  i  ment  est  pourvu  de  vingt-deux  cordes,  dont  la  plus 


Fia.  965.  —  Le  trigone  du  Musée  égyptien  du  Louvre. 


Berlin'',  que  les  instruments  originaux  du  musée  de 


N.  de  G.  D;n 


The  Rock  tombs  o(  Tel  el  Amarna,  VI,  1008, 


pi.  VI. 

-i.  Ibid.,  pL  xxviM,  déjà  reproduit  par  Lepsius,  Abth.,  lit,  pi.  cvi; 
Prisse  d'Avesnes,  Hisl.  de  l'Art  égyptien  d'après  les  monuments,  I, 
1878,  pi.  XLi. 

3.  CL  V.  LoBET.  loco  cit..  p.  28-29. 


grande  mesure  0  m.  238  de  partie  vibrante. 

«  Ces  cordes  sont  montéessur  des  chevilles  qui  sont 
alternativement  en  ébène  et  en  bois  clair.  » 


4.  Kgyptian  room  4.  X»  48.658  :  une  statueltc  de  harpiste  debout, 
en  bois  peint  rouge  et  noir. 

5.  CoRT  Sachs,  op,  cit..  p.  7û  (terres  cuites  d'époque  ticlléaistîqua). 
0.  Loco  cit.,  pp.  29-30,  et  lig.  60. 


1898 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Comme  sur  les  modèles  assyriens,  les  cordes  se 
terminent  en  bas  par  des  lloclies.  Il  est  probable  que 
le  trigone  souvent  reproduit  du  dieu  Bés',  avec  ses 
vinj^t-deux  cordes,  ses  sept  floclies  et  surtout  ses  deux 
branches  qui  semblent  articulées  par  une  charnière, 
comme  une  lame  de  couteau  et  son  manche,  en  est 
une  représentation  stylisée. 

Dans  tout  ce  chapitre,  on  aura  parlé  de  la  cons- 
truction de  la  harpe  et  nullement  de  la  musique 
qu'elle  pouvait  exécuter.  11  se  faut  résigner.  Pendant 
la  majeure  partie  de  son  histoire,  la  harpe  reste 
pour  nous  comme  un  beau  visage  muet.  Une  icono- 
Sraphie  riche  à  remplir  des  volumes —  et  pas  une 
note  de  musique.  Nous  n'avons  même  pas  l'accord 
de  la  harpe  égyptienne.  Sans  doute,  Burney,  décri- 
vant les  harpes  de  Bruce,  leur  donne  (inexactement 
d'ailleurs)  quinze  cordes,  <<  soit  deux  octaves  complè- 
tes- ».  ^VlLKI.^soN  parle  de  demi-tons^.  Rowbotham'*, 
avec  un  aplomb  imperturbable,  évalue  l'échelle  égyp- 
tienne à  quatre  octaves  et  demie  en  se  basant  sur  le 
nombre  des  cordes,  en  quoi  il  a  été  maintes  l'ois  imité. 
La  vérité  est  qu'en  l'absence  de  toute  notalion  égyp- 
tienne, on  n'aura  de  chance  de  déterminer  l'échelle 
de  la  harpe  que  par  analogie  avec  celle  des  tlûles 
retrouvées  dans  les  tombeaux.  L'étude  a  été  amorcée 
par  SouTHGATE  et  M.  V.  Loret'  :  il  se  peut  qu'elle 
fournisse  un  jour  des  résultats  certains. 

Ce  que  nous  savons,  par  la  place  qu'elle  tient  dans 
les  représentations  llgurées,  c'est  le  rôle  de  premier 
plan  joué  par  la  harpe  dans  l'orchestre  égyptien', 
dont  elle  forme  le  fond,  avec  la  llùte,  la  lyre  et  le  tam- 
bourin. Elle  joue  pour  les  festins,  elle  accompagne 
les  voix,  elle  est  aussi  dans  l'intérieur  de  la  maison 
(cf.  plus  haut,  le  harem  du  tombeau  d'Ay).  Elle  prend 
part  aux  plus  graves  cérémonies  religieuses:  c'est  un 
harpiste  qui  prononce  pour  le  mort  rrn  chant  rituel, 
que  Maspero  a  traduit  dans  ses  Etudes  ('gyptiennes'' 
(sur  le  thème  de  la  mort,  fatalité  inévitable,  sans 
rien  de  terrifiant  pour  le  juste).  Au  temps  d'Auguste, 
un  harpiste  nommé  HoaouDi.i  a  assez  d'influence 
pour  fomenter  une  révolte  desThébains,  qu'il  trahira 
au  dernier  moment,  pour  sauver  sa  vie". 

Enfin,  parodiant  les  humains,  les  aninraux  s'im- 
provisent harpistes  :  l'âne,  dans  le  fameux  papyr-us 
satirique  de  Turin'',  le  singe  dans  la  demi-douzaine 
de  statuettes  en  calcaire,  beaucoup  moins  connues, 
du  musée  de  Berlin'*,  qui  datent  pour'  la  plupart  du 
Moyen  Empire.  Le  moyerr  âge  repr'endra  ce  thème 
plus  d'une  fois. 


Chaldée.  —  Assyrie 

Nous  ne  reproduirons  pas  les  excellentes  pages  que 
le  chapitre  Assijrie-ChaUIée  de   la  première   partie 


1.  Pronaos  du  Temple  de  Dcikké,  in  Champullion,  Monuments  du 
l'Erjyple  et  de  la  Nubie,  I,  1835,  pi.  i,i,  (îg.  2  (n»  siècle  avant  Jésus- 
Chiisl). 

2.  hist.  mus.,  I,  1770,  p.  523. 

3.  Op.  cit.,  Il,  p.  277. 

4.  JJist.  mus.,  1,  Londres,  18So,  p.  205. 

■5.  Cf.  LoBET,  ioco  cit.,  17-22,  et  Les  /lûtes  égyptiennes,  Paris,  18!10. 
0.  Cf.   WiLKiNsos,  op.  cit..  Il,   pp.  232-240  :  composition  de  l'or- 
oheatpc  égyptien  d'après  les  monuments. 

7.  Dus  chants  funèbres  analogues  in  Ph.  ViRty,  te  Tombeau  de 
Itekhmara,  Mém.  mission  arch.  franc,  au  Caire,  V,  1889,  pi.  \lu,  et 
p.  102  sqq. 

8.  ling.  iR«viilout,  VAttciemie  Ei/ijpte,  1,  Paris,  1907,  p.  ô7. 

9.  li.  Lcpsius,  .Auswa/ilder  ti'iclitigsten  Ui^kunden.des>aegyptischen 
Ait^r.tufiuf,  LeipïJ^,  ,1842,  pi.  xxni,  A  (époque  des  Kamessides,  dix- 
huilièine,  vingt-deuxième  dynastie^. 


de  l'Encyclopédie  consacre  à  l'histoire  des  civilisa- 
tions sumérienne,  élamite ,  chaldée  une,  assyrienne  '  ' . 
Il  va  sans  dire  qu'on  aura  grand  intérêt  à  s'y  repotter. 
Ce  qu'il  faut  marquer  à  nouveau,  c'est  l'intlirer'ice 
delà  musique  dans  toute  celle  partie  du  continent 
asiatique.  C'est  à  Babylone  qu'un  certain  Annarus, 
suivant  l'historien  Ctésias,  égayait  un  feslin  de  la 
présenced'unorchestrede  cent  cinquante  renimes'-. 
Et,  dans  tous  les  orchestres,  les  instruments  à  cordes 
pincées  ont  un  rôle  prépondérant.  A  vrai  dire,  la 
civilisation  chaldéenne  ire  laisse  pas  de  témoignages 
figurés  très  nombreux,  tandis  que  les  textes  littérai- 
res abondent  :  incriptions'^  (où  le  mot  balag  sem- 
ble désigner  les  instruments  à  cordes  pincéesi  et,  à 
partir  de  la  caplivilé  de  Babylone,  textes  hébraïques 
que  M.  J.  STAr.NER  a  habilement  exploités''.  La  seule 
représenlationde  la  harpe  prebabylonienne  qui  nous 
soitconnue,  esl  celleque  M.  li.-J.  Banks  areproiluite, 
d'après  une  sculpture  d'un  vase  de  lapis-lazuli  trouvé 
dans  les  ruines  du  tein()le  de  Bismya'".  C'est  un  petit 
instrument  à  sept  cordes,  dont  le  corps  sonore,  arqué 
comme  la  petite  harpe  égyptierrne  portative,  est 
tenu  horizontalement,  l'extrémité  la  plus  épaisse  aij 
niveau  de  la  hanche.  Les  cordes,  dont  l'extrémité 
supérieure  au  delà  de  son  point  d'attache  sur  le 
manche  pend  librement,  sont  pincées  de  la  main 
gauche.  Pour  la  forme  et  le  mode  d'emploi,  c'est  à 
peu  de  chose  prés  ce  que  l'on  retrouvera  plus  lard  sur 
les  stiipas  hindous. 

A  part  ce  témoigrrage  isolé,  un  seirl  instrument, 
non  pas  harpe,  mais  son  proche  parent,  est  ce  que 
l'on  a  appelé  la  harpe  deSarzec  [ùfi..  966).  Elle  figure 
sur  un  bas-relief  de  calcaire  blanc  trouvé  en  1880  par 
E.  de  Sarzec  dans  les  ruines  de  Telloh  (rive  gauche  du 
Chall-el-Haï),  actuellement  au  Louvre,  dans  la  salle 
delaChaldée.etquel'on  daledel'époquesumérienne, 
plus  de  trente  siècles  avant  notre  ère.  De  la  harpe, 
cet  instrumentpossède  les  cordes  nombreuses  (onze) 
et  de  longueur  inégale  ;  mais  il  se  rapproche  bien  plu- 
tôt de  la  cithare  par  la  façon  dont  elles  sont  atta- 
chées à  la  caisse  de  résonance".  Le  taureau  qui  orne 
sa  base  a  piqué  la  curiosité  des  commentateurs.  Com- 
BAriiEU  lui  assigne  naturellement  une  signification 
religieuse,  voire  magique".  Léon  lleuzey '"  voit  plus 
sinrplement  II  une  tentative  s'eO'or'çant  de  caractéri- 
ser pour  les  yeux,  par  une  image  sensible,  la  sono- 
rité particulière  d'un  instrument.  «  L'interprétation, 
ajoute-t-il,  a  pu  paraître  tout  d'abord  quelque  peu 
hasardée.  Je  suis  heureux  de  dire  qu'elle  se  trouve 
aujourd'hui  confirmée  de  tous  points  par  un  texte 
de  Goudea  dont  M.  Thureau-Dangin  a  donné  la  Ira- 


10.  C.  SiCHs,  op.  cit.,  flg.  77  à  83. 

1 1.  I,  pp.  33  sqq.  Les  infurmalions  rassemblées  par  ftY\s{Hlsl.  mus., 
1,  ists,  pp.  342  sqq.),  Carl  Exgei,  (T/ie  .Uusic  oC  the  most  nncient 
nations,  1804,  réimprimé  1909)  ;  Hermann  Smith  {Tlie  world's  eariiest 
music.  London,  s.  d.)  ne  peuvent  être  acceptées  sans  contrôle. 

12.  G.  Kawlinson,  The  fice great  monarclires  of  the ancicnt  nastern 
U'orld,  London,  111,  1871,  p.  211. 

13.  Cf.  Fr.  Thureau-Dangin,  Les  Inscri/:lions  de  .Sumrr  rt  ll'Akkad, 
Paris,  1903,  pp.  100,  123,  143. 

14.  The  Music  of  the  Bible,  éd.  revue  par  F.-W.  G.m.i-in,  Londres, 
s.  d.  (1914). 

15.  E.-J.  Bankp,  Bismya,  London,  1912,  cité  par  C.  Sachs,  Ioco  cit., 
p.  68  et  lig.  47. 

10.  Cf.  E.  de  Sarzec  et  L.  Heuzy,  Découvertes  en  Chaldée,  1887, 
pi.  .\xui.  —  L.  Heuzey,  Cal.  des  autiguités  ehaldéennes  du  Louvre, 
1902,  p.  153  «t  pi.  xxxin. 

17.  Cf.  cjlhare  liétéenne  tu  Humann  et  l'uclislein,  Iti'isen  in  Klei~ 
nasien,  jjerlin,  1890,  Allas,  pi.  xlvii. 

18.  Cours  du  Collège  de  France,  in  Itev.  jl/«s., 'I"' octobre  1908,  et 
Hist.  mus.,  I,  1913,  p.  29. 

19.  Revue  d'Assyriologie,  IX,  3,  p.  89  (1912). 


TECHMOUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA   HARPE    1899 


^uction  suivante  :  «  Le  portique  de  la  lyre  (balag) 
«  était  comme  un  taureau  miisissant'.  » 


FiG.  966.  —  Cilhare  siimiMienne. 

Nous  possédons  pour  l'Assyrie  une  iconograpliie 
beaucoup  plus  riche.  En  dehors  do  la  petite  harpe 
(fig.  77  -)  déjà  notée  par  Fktis,  et  dont  le  dessin 
semble  fantaisiste,  existent  deu.x  modèles  très  net- 
temPHt  caractérisés,  dont  la  sculpture  assyrienne, 
si  précise,  nous  donne  des 
images  tout  à  fait  satisfai- 
santes. L'un  est  de  petit  for- 
mat, le  corps  sonore  est  porté 
horizontalement,  le  joug  ver- 
tical (lig.  967).  On  en  trouve 
de  nombreux  spécimens  au 
iï°  siècle  avant  l'ère  chré- 
lienne  sur  les  bas -reliefs 
d'Assuinasirpal  (883-860  av.- 
J.-C),  aujourd'hui  au  Biitish 
Muséum,  .Niniroud  (jallery '. 
De  tels  instruments  compor- 
tent de  neuf  à  onze  cordes  et 
sont  généralement  frappés 
au  plectre. 

Un  instrument  analogue 
(lig.  87)  a  fait  couler  beau- 
coup d'encre*.  Il  se  peut  que  l'artiste  ait  voulu  figurer 
dans  le  plan  vertical  les  cordes  disposées,  en  réalité, 
comme  dans  le  psaltérion,  parallèlement  à  une  table 
d'harmonie  horizonlale.  Mais  les  e.xplicalions  les  plus 
ingénieuses  se  trouvent  compromises,  du  fait  que 
l'extrémité  de  l'instrument  «  a  été  restaurée  avec 
quelque  maladresse  dans  le  bas-relief  du  British 
Muséum  (d'où  l'on  tire  ce  spécimen  unique):  en  rejoi- 
gnant les  pierres,  on  a  omis  une  partie  du  chevalet 
(ou  joug)  6  „. 


Fig.  907. 
Harpe  assyrienne. 


1.  JIM.  V1B01.1.EAOD  el  PÉLAnADB  (Enci/ct.,  I,  37)   iirûfèrenl  la  tra- 
«luction  ;  .(  Le  corps  du  ba!ag  était  ciinrne  un  laure.iu  mugissant.  i> 
i.  EncycL,  I,  |j.  4o,  d'après  Ra«i.i.nson,  o/i.  cit.,  I,  j31. 

3.  E.-A.  Wallis  Budge,  Assi/rian  scidptures  in  tlie  Brit.  Mus., 
Londoa,  1914,  pi.  x[x.  D'autres  sous  le  règne  d'Assourbanipal  (6(J1- 
(S25  avant  Jésus-Cllnst),  Brit.  Mus.,  Assyrian  salooD,  n°  118. 

4.  EncycL,  I,  p.  46. 

5.  Cf.  Emgel,  op.  cil.,  éd.  l'M)9,  noie,  p.  vi. 


Fig.  9GS. 
Harpe  assyrienne. 


,  La  grande  harpe  assyrienne,  employée  aussi  par 
les  élamites  (lig.  968)  est  extrêmement  caractèris- 
li'que.  Klle  correspond  à  peu  près  à  la  harpe  égyp- 
tienne inversée,  le  corps  sonore 
transporté  en  haut,  le  joug  en 
bas.  Le  Joug  est  détaché  du  corps 
sonore  et  forme  avec  lui  un  angle 
droit.  Elle  est  toujours  jouée  de- 
bout, par  des  personnages  — 
hommes  et  femmes  —  qui  la  por- 
tent suspendue  par  une  sorte  de 
baudrier,  et  pincée  des  deux 
mains,  sans  le  secours  du  plectre. 
Elle  a  en  général  un  grand  nom- 
bre de  cordes,  vingt  à  vingt-cinq, 
terminées  en  bas  par  des  Hoches. 
Le  corps  sonore  est  percé  d'ouïes 
qui  n'étaient  pas  figurées  sur  les 
grandes  harpes  égyptiennes.  Le 
plus  magnifique  exemple  de  l'em- 
ploi de  ces  harpes  nous  est  repré- 
senté dans  un  des  bas-reliefs  du 
British  Muséum^.  C'est,  au  vi«  siè- 
cle avant  l'ère  chrétienne,  le  trime  d'un  roi  assyrien 
qui  vient  remplacer  un  roi  élamite  vaincu.  Tout  un 
orchestre  susien  (mais  sculpté  par  un  artiste  ninivite) 
se  porte  à  sa  rencontre.  On  y  trouve,  avec  deux 
joueurs  de  flûte  double,  une  pelile  harpe  horizontale 
(psaltérion'?)  et  seize 
chanteurs  ou  chanteu- 
ses, sept  joueurs  de  ces 
grandes  harpes.  Nous 
reverrons,  fort  loin  dans 
le  temps  et  l'espace, 
lies  instruments  dont 
la  forme  est  nettement 
inspirée  de  celle  de  la 
harpe  assyrienne.  '  A 
commencer  par  l'instru- 
ment saïte  déci'it  au 
chapitre  précédent,  em- 
prunt que  les  Egyptiens, 
vainqueurs  des  Assy- 
riens vers  ISOOav.  J.-C, 
lirentau  peuplevaincu^. 
Tout  l'Orient,  l'Extrême 
Orient  même  l'adopte- 
ront et  le  conserveront 
longtemps  après  que 
seront  mortes  les  civi- 
lisations qui  l'avaient 
inventé.  Et  l'on  ne  verra 
pas  sans  quelque  sur- 

piise  au  xiir'  siècle,  en  „„  „,.,,       ,,  „■  ■        „ 

r  '  FiG.  969.  —  Musicienne  mauresque 

Espagne,  entre   les  M\  Lihr,.  lU  lo.s  juegos. 

mains  il  est  vrai  d'une 

musicienne  mauresque',  une  harpe  sans  colonne,  de 

pur  style  assyrien. 

.Non  plus  que  les  Egyptiens,  nous  ne  savons  ce  que 


ô.  Iyiïi:yi:luptdi'\  I,  p.  47.  Ce  bas-relief,  trouvé  à  Kovundjik,  a  élé 
décrit  par  A. -H.  Layard,  JJiscoveries  iii  tlie  ruin.s  of  i\innu:k,  Lon- 
ilon,  18;i3,  cli.  XX,  p.  454.  —  PI.  xLiv  de  A  tifir  curies  of  tht>  monu- 
ments of  i\'iucveh,  Londres,  1852. 

7.  Sur  les  relations  entre  l'Egypte  et  l'Assyrie  ancienne,  cf.  Bonomî, 
iVi/iei»-'/t  and  ils  palaces,  :;»  éd.,  1853.  passint,  J.  GooDAiin,  the  Hise 
of  Alusic,  Londres.  19u8,  p.  79.  —  M.  Dieulafoj,  L  Art  antique  de 
la  l'erse,  '-i'  partie,   1-885,  p.3i. 

8.  Ms.  lie  lu  bibl.  de  l'Escurial  :  Liàro  de  lusjuetjos,..  que  mandar 
escribir  el  rey  Alonso  el  Saltio  (1283;,  in  Juan  V.  HiaSo.  Critical 
and  bibtiograplucal  notes  on  earlij  spwits/t  ynusic.,  Londres,   1887 

p.  m. 


1900 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


les  artistes  assyro-chaldéens  exécutaient  sur  leurs 
instruments.  Il  se  peut  que  ce  doute  soit  prochaine- 
ment levé.  D'après  une  récente  communication  du 
professeur  Sruiir'F  à  l'Académie  des  sciences  de 
Prusse  ',  M.  C.  Sachs  aurait  décliiiïré  des  plaques  en 
terre  cuite  provenant  d'Assurel  conservées  au  Musée 
de  Berlin.  Au  milieu  se  trouverait  le  te,\te  original 
sumérien  (3000  ans  av.  J.-C),  à  droite  sa  traduc- 
tion assyrienne,  à  gauche  des  idéogrammes  musicaux 
représentant  le  chant  et  l'accompagnement  de  harpe, 
souvent  en  accords  de  quarte,  de  quinte  ou  en  conso- 
nances d'octave.  La  gamme  serait  basée  sur  le  sys- 
tème pentatonique  avec  des  modulations  développées, 
et  rappellerait  la  musique  chinoise.  Nous  n'avons  pas 
eu  d'autre  confirmation  de  cette  découverte,  et  nous 
nous  interdirons  toute  anticipation  avenlurée. 

Orient  et  Extrême  Orient. 

On  a  fait  remarquer,  M.  S.  Reinach  plus  nette- 
ment que  quiconque  2,  le  rayonnement  beaucoup 
plus  grand,  dans  l'antiquité,  de  l'art  assyro-chaldéen 
que  de  l'art  égyptien.  Nous  en  aurons  la  preuve  en 
étudiant  brièvement  les  migrations,  àtravers  l'Asie, 
des  deux  types  de  harpe  :  l'égyptien,  curviligne  et 
sans  joug  indépendant  pour  l'attache  des  cordes,  et 
l'assyrien,  pourvu  de  ce  joug  qui  forme  avec  le  corps 
sonore  un  angle  droit.  Nous  nous  contenterons  d'in- 
dications brèves  :  la  première  partie  de  cette  Ency- 
clopédie abonde,  à  ce  sujet,  en  renseignements  pré- 
cis; d'autre  part,  nous  nous  proposons,  examinant 
l'évolution  de  la  harpe  à  travers  les  principales  civi- 
lisations, de  nous  cantonner  en  Europe,  dès lemoment 
où  elle  détiendra  à  son  tour  le  flambeau. 

Inde.  Chine.  Japon.  Birmanie.  —  Considérons  d'a- 
bord l'expatision  vers  l'Extrême  Orient.  L'Inde  nous 
inflige  temporairement  un  démenti.  Ici,  la  harpe, 
curviligne,  s'inspire  manifestement  de  l'Egypte.  Jus- 
qu'au mot  vina  qui  la  désigne  est  d'origine  étran- 
gère, et  vraisemblablement  parent  du  baïnit  égyptien, 
ou  du  petit  instrument  préhahylonien  cité  plus 
haut^,  égyptien  lui-même  d'inspiration.  Une  chro- 
nique ceylanaise  la  mentionne  en  161  avant  Jésus- 
Christ,  mais  sans  grande  précision  *,  et  nous  ne  retien- 
drons pas  les  témoignages  antérieurs,  encore  plus 
vagues.  On  commence  à  rencontrer  des  docimients 
figurés  sur  les  sculptures  de  Sanchi"  au  V-'  siècle 
de  l'ère  chrétienne  (jouées  au  plectre)  de  Arara- 
vati«,  au  VII"  siècle;  de  Bharhut  près  d'Allahabad\ 
Cunningham  conte,  à  propos  de  cet  instrument,  la 
faveur  dont  il  jouissait  au  temps  de  Bouddha  :  selon 
la  légende  de   Indra-sàla-guha,  il  aurait  envoyé  son 

1.  22  mai  1024,  d'après  M""  Alice  Simos,  in  Revue  Musicale,  iiiillct 
1924. 

2.  Apolto,  6"  éd.,  1910,  p.  28. 

3.  Cf.  p.  1898. 

4.  Mahaii'anso,  cli.  xxx,  cité  par  J.  Emerson  Tennent,  Ceylon,  Lon- 
dres, I,  ISliO,  p.  471. 

5.  J.  Fergusson.  Tree  and  serpent  worship.  Londres,  1873,  pi.  xxiv 
etxxviu  (très  petit  l'ormat,  3  à  5  cordes). 

6.  C.-R.  Daï,  The  music  and  musical  inslrumenls  uf  sonlltem 
Iiidia,  London,  1891,  p.  99.  James  Burgess  les  date  faussement  ilu 
M' siècle  rie  l'crc  cliréticnne  {Tlie  Buddliist  Stupas  u/'  Amarnviiti, 
LoiidoD,  1887,  pi.  XVII  et  xx  et  p.  53j;  Fergusson,  du  iv"  siècle  {op- 
cit.,  p.  72). 

7.  A.  Cuuningham,  T/ie  Stùpa  of  Bharhut,  London,  1879,  p.  liii, 
datées  assez  arbitrairement  du  m'  siècle  avant  Jésus-Christ.  Les 
harpes,  selon  lui,  s'appellent  parivddini.  J.  Burgess  les  reporte  au 
u»  siècle  avant  Jésus-Christ  [The  ancieni  monuments,  temples  and 
sculptures  of  Jndia,  London,  I,  1897,  en  avance  encore  de  plusieurs 
siècles. 


harpiste  Panciia  Sikha  pour  jouer  devant  le  dieu- 
Un  vase  du  cuivre  bouddhique*  du  ii"  siècle  nous 
fait  voir  une  harpe  toute  semblable,  très  nette- 
ment gravée,  avec  six  cordes.  Il  semble  qu'après  le 
viii'  siècle  ce  type  d'instrument  disparaisse;  les 
orchestres  indous  n'en  gardent  pas  trace  dans  leurs 
compositions,  pourtant  variées  à  l'extrême. 

Chine.  —  La  harpe  n'est  à  aucun  degré  un  instru- 
ment chinois.  Le  kin  (harpe  chinoise)-'  du  musée  de 
Bruxelles  (décrit  à  la  page  3o2  de  l'Encyclopédie, 
première  partie)  est  seul  de  son  espèce,  ni  daté  ni 
identifié,  en  tout  cas  d'époque  probablement  moderne 
et  sans  racine  dans  le  passé,  à  moins  qu'il  ne  le  faille 
appareiiterau  très  ancien  instrument  dont  nous  parle 
.\1.  M.  Courant'».  On  connaissait,  nous  dit-il,  au 
temps  de  l'empereur  Ling  (167-189),  qui  l'appréciait 
beaucoup,  une  sorte  de  harpe  à  ving-deux  cordes, 
au  corps  courbe  et  allongé,  nommé  chou-khung-heoù 
ou  pi''khûng-heoù,  qui  correspondrait  assez  bien  au 
kin  précité  monté  de  vingt  et  une  cordes.  Ces  harpes 
de  l'empereur  Ling  étaient  d'origine  septentrionale, 
comme  tontes  celles  qui  figurent  dans  les  orchestres 
chinois  jusqu'au  vi"  siècle.  Après  quoi,  la  dispari- 
tion semble  définitive.  Lorsque  le  Frère  (jonzalès  de 
Mendoça  raconte  que  les  Pères  Augustins  virent  des 
harpes  parmi  les  instruments  de  l'orchestre  chinois 
au  XVI»  siècle,  il  n'y  a  pas  lieu  de  faire  grand  cas 
de  son  récit,  car  il  ajoute  :  «  C'étaient  des  instruments 
analogues  à  ceux  dont  nous  nous  servons,  avec  quel- 
(jues  différences  de  forme  et  de  façon''.  »  On  trouve  seu- 
lement dans  le  Turkestan  chinois,  au  xvi"  siècle,  des 
traces  de  la  harpe  curviligne  portative'-,  et  un  type 
modifié  et  stylisé  dans  un  sens  fort  gracieux  se 
trouve  jusqu'à  nos  jours  en  Birmanie.  Le  soung  ou 
saun  (dont  les  Siamois  ont  une  variante,  le  soum  à 
cordes  métalliques)  a  un  corps  sonore  en  forme  de 
bateau,  de  l'extrémité  duquel  s'élance  un  manche 
recourbé  où  viennent  s'attacher  treize  cordes  de  soie; 
on  les  accorde  en  les  avançant  ou  en  lesreculantsur 
le  manche,  et  en  assurantleur  tension  par  des  cordes 
de  coton.  Le  corps,  en  bois  évidé,  est  recouvert  de 
peau  de  buffle.  L'échelle  est  la  suivante  : 

Échelle  da  Souiig 


Mii'iiii'rilj 


3=* 


Cette  harpe  est  jouée  par  les  jeunes  gens,  qui  la 
tiennent  le  manche  reposant  sur  le  bras  gauche,  la 
main  droite  pinçant  les  cordes'^.  L'ornementation  de 
ces  S0W1Q  atteint  parfois  à  une  richesse  prodigii'use. 
La  collection  Crosby  Brown  au  Metropolitan  Muséum 
de  New-York  en  possède  un  (n"  146î>),  dont  le  corps, 
et  jusqu'au  socle  qui  le  supporte,  sont  ornés  d'or  et^de 
pierreries. 


8.  G.-C.-M.  Birdwood,  The  Induslrial  arts  of  India,  London,  s.  d., 

II.  pi.   XII. 

9.  V.  IWahillon,  Cat.  Conservatoire  de  Druxrll,\s,  I,  2»  éd.,  Gaud, 
1893,  p.  141. 

10.  Encyclopédie,  I,  pp.  176-193. 

U.  Historia  de  las  cosds  mas  notables  ..  det  gran  Reyno  de  la 
China.  Kome,  1680,  p.  121. 

12.  Grunwcdel,  Alt-buddisttsche  Kullstàtten  in  Chinesisch  Turkis- 
tan,  Berlin,  1912,  p.  lil  (harpe  à  six  cordes). 

13.  M.-E.  BnowN  et  W.-A.  BnovvN,  Musical  instruments  and  their 
homes,  N.-Y.,  1888.  Cf.  aussi  G.  Knosp,  in  Encyclopédie,  p.  3095,  et 
C.  Sachs,  Die  Musjkinstrumente  Birmas  und  Assams  [Sttzunfjsb.'Jler 
K.  bayer  Ak.  der  Wissenschaften,  1917,  AbhandI,  2,  p.  29). 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA    HARPE    1W1 


Corée.  Japon.  —  En  remontant  encore  vers  \e 
nord-est,  nous  retrouvons  —  à  de  plus  rares  exem- 
plaires —  la  forme  de  la  harpe  assyrienne.  Le  sliira- 
gikoto  de  Corée  la  reproduit  trait  pour  trait'.  Et 
c'est  encore  la  harpe  assyrienne  pure  que  con- 
servent, au  Japon,  les  trésors  du  Shô-sô-in,  à  iNara. 
Des  renseignements  que  j'ai  pu  obtenir  du  savant 
Père  Aurienlis  à  Kyoto,  cet  instrument  serait  venu  à 
Nara  avec  le  bouddiiisme,  arrivant  de  l'Inde  par  la 
Chine  au  viu*  siècle.  A  celte  époque,  une  colonie  chi- 
noise importante  avait  été  appelée  pour  enseigner 
les  arts.  L'instrument  —  qui  aurait  été  restauré  il  y 
a  environ  trente  ans  —  comporte  la  place  de  vingt- 
trois  cordes  qui  se  terminaient  en  bas  par  autant  de 
Hoches.  On  en  peut  voir  une  photographie  au  musée 
des  Arts  Décoratifs-.  Cet  instrument  ne  s'est  jamais 
acclimaté  au  Japon. 

Perse.  —  Le  type  assyrien,  de  toute  rareté  en 
Extrême  Orient,  devient  beaucoup  plus  commun 
lorsqu'on  revient  vers  l'Occident.  Suus  les  Sassa- 
nides(226  à  641  de  notre  ère),  pendant  les  règnes  des- 
quels M.  HuART  relève  le  nom  du  harpiste  SakisA^,  on 
trouve  représentée,  datant  du  règne  de  ChosroèsII, 
une  curieuse  scène  de  chasse  :  le  roi  et  ses  compa- 
gnons sont  montés  sur  des  bateaux  et  deux  autres 
bateaux  sont  remplis  de  femmes,  cinq  dans  l'un, 
quatre  dans  l'autre,  qui  amusent  la  compagnie  en 
jouant  de  petites  harpes  triangulaires'.  Je  croirais 
volontiers  que  de  telles  harpes  sont  déjà  représen- 
tées surun  cylindre  de  fondation  dutemple  de  Chou- 
chinak  (1800  ans  av.  J.-C),  bien  que  M.  li.  de  Mec- 
quenem  ne  voie  dans  les  persoimages  figurés  que 
des  hommes  aux  bras  croisés '.  Toujours  est-il  que  le 
Icheng  (nom  persan  de  la  harpe)  reste  en  vogue  des  pre- 
miers siècles  de  lère  chrétienne  jusqu'au  xvi«  siècle, 
soit  montéde  sept  cordes,  soit  de  vingt-quatre  ou  vingt- 
cinq.  Tantôt  il  est  joué  en  soliste  (presque  toujours 
par  des  femmes),  tantôt  il  fait  partie  d'orchestres 
comme  celui  que  nous  montre  la  belle  miniature  de 
la  collection  Huart,  figurée  dans  la  première  partie 
de  cette  Encyclopédie". 

Turquie.  —  Les  Turcs  emploient  un  instrument 
dont  la  forme  et  le  nom  {tchenk,  tchang,  chang)  sont 
identiques  àceux  de  la  harpe  persane.  Ladescriplion 
qu'en  donne  au  xv"  siècle  Ahmed  Oglou  Chukroul- 
lah",  la  figure  dont  il  l'appuie,  sont  les  mêmes  que 
fournit  en  143i  le  Persan  Kmir  Kidr  Mali".  Enfin,  le 
vieux  modèle  assyrien,  (idMement  imité  parles  Per- 
sans et  les  Turcs,  n'aura  jamais  été  porté  à  des  pro- 
portions aussi  formidables  que  dans  la  harpe,  deux 
fois  haute  comme  la  femme  qui  en  joue,  dessinée 
d'après  nature  à  Constantinople,  en  13o7-lor)9,  par 
Melchior   Lorich '. 

Hébreux.  —  C'est  ici  l'un  des  points  les  plus  décon- 
certants de  celte  étude  :  des  centaines  de  pages  ont 


1.  F. -T.  PinGorr.   7'lte  Music  and  musirnl  instruments  of  Japnii, 
London,  1900,  p.  122. 
î.  CoUcL-tion  Maciet,  vol.  322-10. 

3.  Encyclopéiiie,  p.  3066. 

4.  Cf.  Hu\RT,  Ibid.  De   ces  bas-reliefs  de  Tagli-i-Bostao,  souvent 
décrits,  le  Louvre  possède  un  moulage,  salle  Morgan. 

5.  Mémoires   de  la  dé'.eijalion  en   Perse,  VII,  pi.  xxir,  Og.  2,  et 
p.  «2. 

G.  Cf.  p.  3072  (Huaut),  la  dcsci-iption  1res  minutieuse  du  Tchentj  au 
XV»  siècle. 

7.  /6!'/..3012. 

8.  Ibid.,  3072. 

tt.  Wolijerissene  uivt  fjescluiittene  Figuren,  s.  1.,  1619.  Réédité  à 
Hambourg  en  1626  :  Figures  dessinées  et  gravées. 


été  consacrées  aux  instruments  hébraïques,  et  l'on 
ne  lient  pas  à  leur  sujet  de  certitude  absolue.  Une 
mode  quasi  épidémique  a  sévi  aux  xvu"  et  xviii=  siè- 
cles, particulièrement  en  Allemagne,  de  disserta- 
tions de  cithara  Uavidiat.  Je  n'en  reproduirai  pas  la 
bibliographie  donnée  presque  au  complet  par  Lich- 
TKNTHAL.  Il  me  suffit  de  signaler  les  deux  principales 
sources  anciennes,  Van  Til  et  Ugolini,  et  quelques- 
uns  des  ouvrages  modernes  qui  ont  apporté  du  nou- 
veau'". 

La  difficulté  vient  de  ce  que  nous  ne  possédons 
aucun  document  iconographique  contemporain  du 
peuple  hébreu.  On  s'est  donc  ingénié,  soit  à  tirer 
des  Livres  Saints,  où  abondent  les  nomenclatures, 
des  renseignements  que  l'imprécision  des  textes  rend 
hasardeux,  soit  à  proposer  des  analogies  avec  les  ins- 
truments en  usage  chez  les  Egyptiens,  les  Assyriens 
et  les  Grecs.  C'est  seulement  au  xix=  siècle  qu'on  a 
pu,  par  la  combinaison  des  deux  méthodes,  appli- 
qnées  avec  plus  de  rigueur,  serrer  de  plus  près  la 
vraisemblance.  Deux  exemples  seulement  de  la  con- 
fusion qui,  si  longtemps,  a  empêché  toute  recherche 
d'aboutir.  Je  les  tire  d'écrivains  réputés  sérieux.  C'est 
le  Père  Menestrier  "  fulminant  contre  un  auteur 
qui,  selon  lui,  «  ne  s'est  guère  doimé  la  peine  dr.  lire 
l'Ecriture  Sainte  et  ses  anciens  interprèles  pour  dire 
quelle  était  la  musique  des  Hébreux  dont  on  parle  si 
décisivement  sans  la  connaître  »  . 

Là-dessus,  le  père  Menestrier  élahlitle  plan  d'une 
exécution  musicale  ancienne  où  interviennent  avec 
les  luths  et  les  harpes,  des  clavecins.'...  Et  c'est  Du 
Contant  de  la  Molette'-  qui  proteste  contre  les  tra- 
ductions arbitraires  (mieux  vaudrait,  selon  lui,  con- 
server les  noms  primitifs  sans  les  faire  passer  par  le 
canal  de  la  traduction)  et,  sans  autre  référence,  tra- 
duit : 

Nebel  ou  psaltérion  antique; 
Asor  ou  cithare  antique  ; 
Kinnor  ou  symphonie  antique. 

Il  est  probable  que  des  nombreux  termes  qui  peu- 
vent dans  les  livres  saints  désigner  la  harpe,  il  faut 
en  premier  conserver  le  mot  nebel,  probablement 
aussi  la  sabecha  ;  tandis  que  le  kinnor,  de  l'avis  des 
historiens  les  plus  autorisés  (Millar,  Gastoué,  Weiss, 
Stainer,  Galpin)  serait  l'équivalent  de  la  cithare  an- 
tique'^. 


10.  Lichtknthal,  Dizionario  e  bibliografia  délia  musica,  Milano,  III, 
183<>.  pp.  Î5  sqq.  —  .*>atomon  VANTri,,  Ditjt-Samj-en  Speel  Kunst.  soo 
der  (hidçn.  als  btjsotuhr  der  Hehrcen.  Itortrecht,  1692.  —  Ugolini, 
Thés,  anliguitatum  sacrorum.  Venise,  1744-1762  :  au  tome  XXXII, 
quarante  dissertations  sur  la  musique  et  les  instruments  hi'-braïques. 
—  J.-A.  DE  l.A  Face,  Hist.  mus..  II,  Paris,  1844,  pp.  288-324.  —  John 
KiTTo,  in  Ci/chpaeilia  of  biblical  lilerature,  lidinliurgh,  II.  1361, 
pp.  369  sqq.  —  A.-\V.  Ambros,  (lescli.  der  Musik.  Breslau,  I,  1862.  — 
FiSns,  Uisl.  mus.,  I,  IS69,  pp.  383-393.  —  R.  Mcsiûl,  Afusjk  und 
musikaliscke  Instrumente  der  alten  Hebrner  in  musikalisches 
Woehenblatt.  Leipzig.  1871.  —  E.  David,  La  .Musique  chez  tes  Juifs, 
Paris,  1873,  eh.  m.  —  J.  Weiss,  Die  musikatinchen  Instrumente  in 
den  Uéitigen  Schriften,  Graz,  1895.  —  J.  Miii  An,  in  Hasiing's  Dic- 
tionary  of  thc  Bible  (art.  Music).  Edinhurgh,  lîtOO.  —  F.  Vir.oDRfDX, 
Les  Instruments  de  musique  dans  ta  Jtible,  in  Ilcssarione,  Rome, 
1902.  —  Hugo  Ghessma.nn,  Musik  und  Musikinstrumente  im  alten 
Testament.  Gicssen,  1903,  —  I.  Benzinge»,  in  Jewisk  Enct/c/opœdg, 
N.  Y.,  1904  (art.  Harp).  —  A  Cahen,  in  Encyclopédie  tir  la  .^fusique. 
I,  1913.  —  J.  SivixEH,  The  Music  of  Ihe  lliblc,  nouv.  éd.  par  F.-W. 
Gaipin,  London,  1914.  —  A.  Gastoite,  Les  Instruments  de  musique 
dans  l'.incien  Testament,  in  Tribune  de  Saint-Gcrvais,  1920. 

11.  Des  représentations  en  musique  anciennes  et  modernes,  Paris, 
1681,  p.  18. 

12.  Traité  sur  la  Poésie  et  la  musique  des  Hébreux,  Paris.  178! 
cllap.  XV. 

13.  Dans  Y  Encyclopédie,  I,  p.  74,  le  grand  rabbin  A.  Cahen  se 
lient  cependant  à  Kinnor  =  hai'pe. 


1902 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


^  jVehcl.  —  Ces  mêmes  autorités  s'accordent  à  recon- 
naître dans  le  nebel  la  harpe  véritable.  On  a  aban- 
donné, comme  vraimeiil  risquées,  les  explications 
basées  sur  la  ressemblance  entre  nebel  et  l'étîvplien 
nefer,  qui  portait  à  le  traduire  par  luth,  t;uitare  ou 
mandoline,  et  celles  qui,  s'autorisani  de  la  racine 
hébraïque  nebel  (outre  ou  llacon),  l'ont  assimilé  au 
bag-pipe. 

La  traduction  cymbah-s,  de  Spon  ',  reste  un  cas 
isolé  et  singulier.  Le  nebel  n'est  pas  mentionné  dans 
la  Bible  avant  le  Livre  de  Samuel  (I,  x,  .^|,  ce  qui, 
selon  Stain'eh,  ajoute  du  poids  à  l'hypothèse  d'une 
origine  phénicienne,  car  c'est  précisément  l'époque 
où  Israël  et  la  Phénicie  entrent  en  plus  étroits  rap- 
ports. Les  Crées  le  traduisent  souvent  par  ■^.lî.-'-jP'-ov, 
qui  signilie  :  pincé  directement  avec  les  doigts  (sans 
l'intermédiaire  du  plectre  comme  pour  la  cithare), 
et  vaoÀîov,  vàêXa,  va'jXa  (Septante);  les  Latins,  par 
nabliam,  nablum,  nabla. 

Autre  raison.  Les  écrivains  des  premiers  siècles 
de  l'ère  chrétienne  ne  manquent  jamais  d'assimiler 
harpe  et  neb'l  :  «  Nabtum  quod  grxce  appellalur 
Pmlterium  ...  ai  similitudinem  est  citharx  barbaricx 
in  modum  deltx  littera;^  ».  Comme  cette  cilhara  bar- 
barica  est  par  ailleurs  décrite  à  l'exacte  ressem- 
blance de  la  harpe  assyrienne,  on  en  conclut  que  le 
nchcl  correspondrait  à  ce  type  instrumental. 

Le  mot  asor  est  souvent  accolé  binebel.  On  le  con- 
sidère soit  comme  un  antre  instrument  de  la  même 
famille,  soit  comme  un  simple  qualificatif  signiliant  : 
monté  de  dix  cordes  ^  M.  Galpin  émet  l'idée  que  azor 
ou  asoi-  pourrait  être  une  corruption  de  ashor  (assy- 
rien). La  démonstration  serait  ainsi  parachevée". 

Snbecha.  —  Ce  terme,  qui  n'intervient  qu'à  partir 
du  Livre  de  Daniel  (111,  3),  a  subi  les  fortunes  les 
plus  diverses  :  Isidore  de  Séville"  y  voit  une  sorte 
de  flûte;  les  traducteurs  anglais  de  la  Bible,  un  trom- 
bone (sabbecha^sackbiit!).  Chapelli^  a  pu  faire  re- 
marquer que  l'on  a  prêté  à  la  sabecha  la  forme  de 
tous  les  instruments  connus.  Beaucoup  plus^proba- 
ble  est  l'identihcation  avec  la  3-ia?'j^  ou  aaiJ.S'j-/.r,  des 
Grecs.  Encore  faut-il  se  résigner  à  hésiter  en  ce  cas 
entre  la  sambuque.  «  harpe  de  grandes  dimensions 
et  de  sonorité  puissante  »',  et  ime  petite  harpe  à  so- 
norité aigué,  destinée  à  accompagner  les  voix  de 
femmes". 

Grèce  el  Koiiie', 

Les  instruments  de  la  famille  harpe  n'apparaissent 
pas  de  façon  vraiment  suivie  sur  les  monuments 
"recs.  Leur  place  dans  la  vie  musicale  hellène  ne 


1  yi,'c/<«-c;ns  curieuses  d'antiqult';  Lyon,  1B8::,  p.  il8,  à  ppopos 
àuinablia  qenialia  d'Ovide  [Art  daimer,  III).  Trente  ans  auparavant 
Comcnius.'d.ins  son  Orbis  sensualhwi  pictus,  1658,  p.  '204,  traduit 
très  correctement  ;  Nabliuin  =  die  Havffe. 

0  Saint  Euchcr  (mort  en  i.ill),  Instrucliomun  ad  Salonium  libri 
duo,  liv.  11,  di.  m  (Migne,  l'alrolorjic,  t.  L). 

3.  r.r.  Staimcu,  "P   cit.,f.i'i. 

4.  Notes  addiliounclles  à  Vop.  cil.  de  Stainer,  p.  M. 

5.  Sententix  de  Musica,  vn"  si^clc.  in  Gerbert,  Scriptores  eccle- 
siastici  de  ynusica,  I,  1784,  p.  Î2. 

6.  Jiisl.  mas.,  1ST4,  p.  255. 

7.  SiMSER,  op.  cit..  p.  50. 

8.  Wêiss,  o/).  ci'.,  p.  6T. 

q  L'essentiel  de  U  Liblin^raphie  ancienne  de  la  queslion  se  trouve 
dans  LicHTENTH».,  op.  cil.,  111,  pp.  61  sqq.  Plus  près  de  nous,  Fét.s  a 
accumulé  (Hist.  mus..  III,  ls:2.  pp.  267  sqq.)  des  matJnaui  copieux, 
mais  liélérocUtcs.  On  trouvera  un.'  bonne  bibliographie  des  instru- 
ments in  H.  Gledusch,  Rhetorik  imd  MHrik  dcr  GriecUen  u„d  Romer. 
mol  V  32S  (contient  entre  autres  choses  U  liste  des  ouvrages  de 
K    von  Jan)    lin  faii,  toute  cette  documenlalioo,  j  compris  celle  do 


peut  être  comparée  à  celle  qu'y  tiennent  la  lyre  el 
la  cithare:  il  en  sera  de  même  à  Rome  '".  M.  Tu.  Rki; 
NACH  a  fait  observer  que  ces  instruments  ont  joui 
d'une  vogue  limitée  et  passagère,  d'abord  de  oiiO  à 
'i-.iO  ;iv.  J.-C,  puis  de  nouveau  à  l'époque  alexan- 
drine.  Au  temps  où  le  sentiment  national  battit  son 
plein  en  Giéce,  au  temps  de  Périclès  et  de  Uémos- 
lliène,  ils  furent  proscrits;  les  philosophes  en  signa- 
lent le  caractère  voluptueux,  sensuel,  dangereux 
pour  les  mœurs. 

Nous  considérerons  d'abord  les  difl'érentes  repré- 
sentations figurées  qui  nous  sont  parvenues,  avant 
d'essayer  de  déterminer  leurs  appellations. 

C'est  par  Chypre  et  les  ilesEgéennes  que  la  harpe 
s'introduisit  en  Grèce,  selon  toute  vraisemblance. 
On  a  souvent  attribué  une  origine  hellénique"  à  de 
curieuses  statuettes  de  harpistes  trouvées  à  Tera 
(Santorin),  à  Kéros,  près  d'Amorgos,  dans  diverses 
sépultures  de  Chypre.  Ces  statuettes,  généralement 
en  iilbàtre,  de  facture  très  grossière,  représentent 
l'instrumentiste  assis,  sa  harpe  posée  sur  le  genou 
droit  (cf.  (ig.  070,  harpe  de  Kéros).  La  harpe,  trian- 
gulaire, présente  cette  particularité  remarquable  que 


FiG.  970.  —  Harpe  de  Kéros. 

son  cadre  est  fermé  el  comporte  trois  côtés  se  rac- 
cordant l'un  à  l'autre.  Ni  l'Egypte  ni  l'Assyrie  n'a- 
vaient encore  réalisé  ce  perfectionnemenl. 

H.  Panum'^  croit  que  le  sculpteur  n'a  pas  prétendu 
représenter  un  troisième  côté,  mais  la  corde  la  plus 
grave  et  la  plus  épaisse.  Nous  ne  reproduirons  pas 
son  argumentation,  qui,  à  vrai  dire,  n'est  pas  très 
probante,  et  nous  verrons  d'ici  peu  que  cette  harpe 
à  cadre  fermé  n'est  pas  absolument  une  exception 
avant  l'ère  chrétienne. 

Ce  qui  semble  exact,  c'est  que  ces  statuettes  ne 


Gevaert,  Histoire  et  théorie  de  ta  .Musique  dans  l'Atifii[iiit<^,  H,  1881, 
p.  -i'J  sqq.,  est  résumée  el  dépassée  par  l'article  Li/ru  de  M.  Th.  Rei- 
^ACH,  in  Daremberg  el  Saglio,  Dict.  des  .Antiquités  grecques  et  ro- 
maines, résumé  dans  sa  Musique  grecque,  Paris,  1926,  pp.  126-127. 

10.  Kn  réalité,  la  musique  romaine  sera  presque  toujours  une  sim- 
ple adaplatioii  de  la  musique  grecque.  Cf.  L.  Friedlîinder,  Cioilisation 
et  mirurs  romaines  du  siècle  d'Auguste,  traduction  Ch.  Vogel,  Paris, 
1874,  III. 

1 1.  Clir.  Walz,  Uberdie  Pohjchromie  der  antilîen  SrulptuT,  Tubin- 
gen,  1853,  pi.  i,  Çi^.  2  :  harpe  de  Théra,  intitulée  :  «  Ancienne  statue 
grecque.  »  Le  musée  de  Carlsruhe  possède  deux  statuettes  semblables, 
lirovenant  de  Théra;  le  musée  de  Bonn  en  a  une,  de  provenance 
inconnue.  Cf.  Diimmler,  Millheilungen  der  deutschen  Institutes  in 
Athen,  1880,  p.  39;  Blinkenberg,  Antiquités  pré-mycénennes,  Irad. 
Ch.  Beauvois,  Copenhague,  1897. 

12.  Op.  cit.,  p.  68.  Selon  M"»  H.  Panom  (Ibid.,  p.  6(1),  ces  statuettes 
représentent  des  suivantes  de  la  déesse  phéaicienoe  Astarté. 


TECIINInVE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÈDACUCIE 


LA    HARPE    1903 


sont  pas  grecques.  Il  s'agit  là  d'une  civilisation  ca- 
lienne,  antérieure  à  l'Iiellénisme,  et  que  l'on  date  de 
douze  siècles  et  au  delà  av.  J.-C.  Klles  pourraient  être 
le  produit  d'une  industrie  locale,  d'après  des  proto- 
types cariens-assyriens.  La  découverte  au  cap  Crios 
de  statuettes  toutes  semblables  renforce  cette  liypo- 
Ihèse'.  Les  Syro-Phéniciens  avaient  probablement 
emprunté  eu.\-mènies  leurs  modèles  aux  Assyro- 
Chaldéens,  .les  perfeclionnant  par  l'addition  d'un 
troisième  côté  au  cadre  de  la  harpe.  Mais  l'Egypte, 
elle  aussi,  a  pu  leur  foui'nir  des  inspirations.  On  a 
constaté  enlreles  civilisations  égyptienne  et  égéenne. 


avant  nK'rne  l'ùge  mycénien,  des  rapports  assez 
étroits,  quelque  jaloux  que  les  Pharaons  se  soient 
montrés  de  fei'mep  leur  royaume  aux  étrangers-. 

Mais  voici  qui  est  cette  foisauthentiqueraent  grec, 
au  moins  pour  la  facture,  car  l'artisan  continue  à 
s'inspirer  de  modèles  orientaux.  Ln  des  vases  trou- 
vés au  Dipylon  (cimeliéie  d'Athènes),  que  les  archéo- 
logues datent  de  la  première  moitié  du  viu"-'  siècle'' 
av.  .l.-G.,  montre  une  lémme  agenouillée  sur  une 
sorte  d'escabeau  et  qui,  de  la  main  droite,  brandit 
une  petite  harpe  triangulaire'.  Le  cadre  est  nette- 
ment  fermé,  et  comporte  la  colonne,  à  moins  qu'il 


**Ooooooooo 


¥vi.  971.  —  Harpe  (trigonon?)  à  XI  cordes,  dont  le  cadre,  Irian- 
iïulalre,  impose  aux  cordes  des  longueurs  différentes.  La  main 
îjauche  est  active  {psalleij.  La  droite  tient  \t  plectre  [krekei).  — 
Vase  en  forme  de  lécythe  aryballesqite  â  figures  rouge-orangé, 
avec  rehauts  de  blanc  ;  style  lourd  ;  iv<^  siècle  av.  J.-C.  —  Cubi- 
net  ilex  Médailles;  catalogue  de  Hidder,  n'  1013. 


Fi'..  072.  —  Harpe  triangulaire,  qui  comportait  peut-être  deux 
rangs  de  cordes  parallèles  :  il  semble  en  effet  qu'il  y  ait  en  bas 
deux  bras  distincts.  La  musicienne,  en  costume  oriental,  a  les 
deux  mains  actives,  sans  plectre.  L'instrument  parait  être  de 
provenance  exotique.  Les  cordes  ont  été  ajoutées  sur  le  dessin, 
et  leur  nombre  est  conjectural.  —  Amptiore  à  volutes;  figures 
rouge-orangé:  style  lourd;  iv  siècle  av.  J.-C.  Publiée  par 
Gerhard  {A/jiiliscke  Vaseii,  |il.  xvi,  E,.  —  Uiisrr  de  Berlin. 


ne  s'agisse  d'une  fantaisie  du  dessinateur,  entraîné  par 
le  besoin  de  stylisation  géométrique  qui  régit  l'art 
de  cette  période. 

Toule  hésitation  disparait  devant  les  échantillons, 
peints  avec  un  soin  extrême,  que  nous  oll'rentles  va- 
sus  du  v=  siècle  av.  J.-C.  Une  hydrie  de  Cjrênaique, 
conservée  au  British  Muséum,  nous  montre  un  dieu 
pinçant  une  petite  harpe  dont  le  cadre  triangulaire 
est  complet".  L'instrument  a  huit  cordes,  chaque 
main  semble  en  toucher  plusieurs  à  la  fois.  Nous 
possédons  un  nombre  assez  considérable  de  spéci- 


i.  Cf.  J.-Th.  Bent,  Diseoreries  in  Asia  Minor,  in  Journal  of  fiulle- 
ntc  shidie-i,  W  (1S8S),  p.  82.  Sur  ces  statuettes,  cf.  encore  U.  Koetiler, 
in  Miltlieil  'les  tleafsc/ien  Inst.  in  Atken,  18S4,  p.  130,  cl  pi.  V[  ; 
M.  Collignou,  Bist.  de  la  scul/iture  i/recqxtr,  1,  IS'Jiî,  p.  19. 

2.  Sur  ces  rapports,  cf.  A.-E.  Evans,  Ihe  Palace  of  Knossos  in  ils 
Eififptiaii  relations,  London,  19ÛÛ.  —  V,  bavard,  les  Pllèniciens  el 
vddijssèe,  Paris,  U,  1903,  pp.  592  sqq. 

3.  Cf.  W.  Helbig,  Les  Vases  du  Dtpijlon,  Paris,  1898. 

4.  Reproduit  in  Miltheil  d.  deulselien  areh.  Inst.  in  Alhen,  1893, 
lig.  113,  el  Perrot  et  Chipiez,  Histoire  de  l'Art.  VU,  fig.  96.  L'ins- 
trument peut  être  d'inspiration  carieune  ou  phénicienne  :  dans  la 
même  série  de  vases  sont  figurés  de  nombreux  combats,  sur  mer, 
entre  Athéniens  et  pirates  de  Carie  et  de  Phénieie  (HelbigI. 

5.  Ttiird  Vase  Boom,  vitrine  30,  Cf.  Cat.  of  the  ijreek  and  etruscan 
vases,  m,  1896,  pi.  ix,  n'  E.  228. 


mens  semblables  à  celui-ci  pour  le  format,  mais  avec 
des  corps  sonores  plus  larges,  incurvés  légèrement, 
et  i)ui,  n'était  la  présence  du  troisième  cAté,  rappel- 
leraient d'assez  près  la  harpe  assyrienne.  Tel  celui 
que  représente  la  figure  972  (les  cordes  ont  été 
rajoutées)  d'après  un  vase  apulien  du  iv«  siècle  av. 
.l.-G.''.  Il  comporte,  en  bas,  un  double  joug  que  l'on  a 
interprété  de  diverses  façons.  Selon  M.  M.  Emmanuel'', 
peut-être  y  attachait-on  un  second  rang  de  cordes. 
H.  Panum'  rapporte  l'opinion  de  Jan,  qui  voit  là  une 
sorte  de  capotasto  analogue  à  celui  dont  on  se  sert 
pour  hausser  l'accord  des  guitares.  Aucun  texte  ne 
permet  de  trancher  la  question. 

Ainsi  qu'il  arrivera  au  moyen  âge,  ces  harpes,  le 
plus  souvent  pincées  directement,  sont  parfois  frap- 
pées au  plectre,  comme  dans  l'exemple  de  la  fîg.  971 . 


6.  Musée  de  Berlin,  reproduit  par  Gerhard,  ApuUsche  Vasenb., 
E.  8.  —  K.  VON  J»N,  De  fidibus  Grxaorum,  Berlin,  1839,  fig.  8,  etc. 
Cf.  aussi  Brit.  Mus.,  F.  315;  Paris,  cabinet  des  médailles,  n»  lOiS  du 
cat.  de  Ridder. 

7.  Encyclopédie,  \,  439. 

8.  Op.  cit.,  p.  71. 

9.  Comptes  rendus  du  Congres  internai,  d'archéologie  classique, 
2"  session,  le  Caire,  1909,  p.  205. 


1904 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Une  récente  communication  du  D'  Staïs  a  conlirmé 
l'existence,  dès  l'époque  homérique  (  ix=-x°  siècle 
av.  J.-C),  deplectres  en  forme  de  main. 

Dans  un  format  plus  petit,  et  que  l'on  rencontre 
plutôt  chez  les  Romains,  on  trouve  des  harpes  trian- 
gulaires de  forme  sèchement  géométrique,  à  cadre 
incomplet,  et  qui  ressemblent,  en  plus  petit,  au  tri- 
gone  du  dieu  Bès'.  Tels  les  trigones  relevés  à  Her- 
culanum  par  Willemin^,  H.  Houx  et  L.  Barré  3,  ou 
ceux  que  portent  gravés  les  monnaies  de  Caipurnius 
Piso  Frugi,  de  Julius  Bursio  et  de  Koscius  Fabatus 
au  1"  siècle  avant  l'ère  chrétienne*. 

Un  autre  genre  de  harpe  est  celui  qui,  beaucoup 
plus  volumineux,  se  rapproche  tout  à  fait  de  la  harpe 
assyrienne.  Un  spécimen  caractéristique  en  est  donné 
par  la  peinture  du  vase  étrusque  de  Ruvo  conservé 
à  la  Pinacothèque  de  Munich  '".  Avec  son  corps  qui 
va  se  développant  de  bas  en  haut,  ses  dix-huit  à 
vingt  cordes,  les  Hoches  qui  pendent  au  joug  placé 
à  la  partie  inférieure,  il  suit  avec  exactitude  le  mo- 
dèle consacré. 

Moins  pures,  mais  assez  proches  parentes  de  cette 
harpe  de  Ruvo,  sont  les  harpes  de  Vulci'^,  ou  la  pein- 
ture du  jardin  Farnèse,  reproduites  par  Th.  Rei- 
nach'',  ou  celle  d'Herculanum  que  joue  une  jeune 
fille  assez  négligemment  allongée*. 

Enfm  quelques  types  isolés  s'apparentent  à  des  mo- 
dèles égyptiens  tardifs.  Un  cithariste  du  musée  de 
Naples'  joue  un  instrument  qui  est,  trait  pour  trait, 
la  petite  harpe  portative  du  nouvel  Empire;  et  la 
harpe  étrusque  du  cratère  de  Chiusi'"  est  l'exacte 
réplique  de  celle  du  temple  de  Philae.  Telle  semble 
être  encore  celle  que  joue  la  femme  représentée  par 
une  statuette  de  la  nécropole  de  Hadruraète  (Sousse)  " . 

Ainsi  donc,  inspirées  soit  d'Assyrie,  soit  d'Egypte, 
et  certaines  d'entre  elles  perfectionnées  par  l'addi- 
tion du  troisième  côté  du  cadre  (colonne),  d'assez 
nombreuses  variétés  de  harpes  ont  été  connues  en 
Grèce.  La  difliculté  est  de  déterminer  leurs  noms 
respectifs.  Nous  n'entrerons  pas  ici  dans  une  discus- 
sion qui  a  été  tentée  souvent  sans  résultat  définitif  : 
les  listes  imposantes  qui  ont  été  laissées  par  Athé- 
née'-, Pollux",ne  comportent  pas  d'éléments  précis 
de  définition.  Nous  nous  en  tiendrons  aux  résultats 
qu'expose,  sous  réserves,  après  un  examen  de  textes 
qu'on  ne  saurait  pousser  plus  loin,  M.  Th.  Reinach  '*  : 
le  mot-cpi-fwvoi;,  trigone,  désignerait  la  petite  harpe 
triangulaire  fig.  970;  la  aa|jiSJxï;,  sambuque,  les 
harpes  du  type  fig.  972;  peut-être,  faudrait-il  voir 
des  instruments  de  même  famille  dans  le  tioX  joOoy- 


1.  Cf.  plus  liaul. 

2.  Choix  de  costumes  civils  et  militaires  des  peuples  de  l'antiquitr, 
11,' pi.  V,,  (ig.  21. 

U.  Herculanum  et  Pompéi.  Paris,  1875,  t.  IV,  pi.  xii. 

4.  E.  Babelon,  Desrription  des  monnaies  de  la  République  romaine, 
I  et  11,  1885.  Cf.  encore  Brit.  .Mus.  Cataloijne  of  ttie  roman  pottery, 
1908,  fig.  L,  i03. 

5.  Cil.  Lenormant  et  J.  tle  Witte,  Elite  des  monuments  cêramoijra- 
plliques,  Paris,  1867,  pi,  i.xxxvi, 

0,  Brit.  Mus.  Cat.,  III,  E.  271. 

7.  Loco  cit.,   fig.  «30. 

8.  H.  Roux  et  !..  Barré,  Op.  cit.,  IV.  pi.  cviii. 

9.  Chefs-d'œuvre  de  l'art  antique,  Paris,  Lévy,  série  11,  t.  III,  1807, 

pi.  xil. 

10.  Noël  des  Vergers,  L'Elruric  et  les  Etrusques,  Paris,  1S62,  Gi, 

Allas,  pi.  XVI. 

11.  Du  Coudray.la  Blanrhèrc  et  P.  Gauckler,  Cat.  du  Musée  Alaoni 
(Tunis),  Paris,  1897,  pi.  xxxli,  u»  74. 

12.  Aetirvoao'fiffTat,  éd.  G.  Kaibel  (Teubner,  3  vol.),  particuliêre- 
meiU  aux  livres  IV  et  XIV. 

13.  Onomaslicon,  éd._  Wetlsloin,  Amsterdam,  17iifi  6i.s,  IV,  cli.  i\. 

ï,.  Hiol  XOOVO(J.ÉVIiW  ûpYivwv. 

14.  ioco  cit.,  pp.  1448-1450. 


Ycv,  le  vàoXai;  phénicien,  le  ai|i!y.'.ov  à  trente-cinq 
cordes,  l'iTtii'ôve'.ov  qui  en  avait  quarante,  la  lAya&'.i;, 
la  ttezt!;  et  le  pipSixo?. 

Ainsi  que  le  fait  remarquer  Strabon  '»,  le  seul  mot 
de  Tpt'Yiovoi;  est  grec,  tous  les  autres  marquent  l'ori- 
gine étrangère  de  l'instrument  qu'ils  désignent.  Les 
Grecs  et  les  Romains  en  laissent  d'ailleurs  la  pratique 
aux  femmes.  Tite-Live  raconte  comment  ses  compa- 
triotes ramenèrent,  au  n'  siècle  avant  J  -G.,  de  leurs 
expéditions  militaires  d'Asie,  les  pitres  et  les  sambu- 
cistrix.  Rome  était  déjà  en  décadence  lorsque  la 
vogue  des  cordes  obliques  remonta.  Vers  la  fin  du 
11'  siècle  de  notre  ère,  un  Egyptien  joueur  de  trigone 
du  nom  d'ALEXANDRE,  s'y  tailla  d'énormes  succès  de 
virtuose.  Athénée,  de  Naucratis,  son  compatriote, 
raconte,  non  sans  ironie"'',  comment  son  talent 
tourna  la  tête  aux  Romains,  les  rendant  fous  de  mu- 
sique (;jiojao;jLavi7v),  au  point  que  la  plupart  des  audi- 
teurs se  rappelaient  par  cœur  tous  les  airs  qu'il  avait 
joués. 

Pendant  toute  cette  période,  la  musique  même 
des  harpistes  nous  reste  encore  lettre  morte.  Ce  que 
nous  savons  du  jeu  de  la  cithare  peut  suggérer,  par 
analogie,  des  hypothèses  dont  la  vérification  reste 
interdite.  On  pourra,  du  moins,  se  faire  une  claire 
idée  de  la  technique  cithariste  dans  l'ouvrage  déjà 
cité  de  Gevaert''',  et  dans  son  complément  La  Mélo- 
pée Antique  dans  le  Chant  de  l'E(j lise  Latine". 


HAUT  MOYEN  AGE"  (JUSQU'A   IIOO) 
Légendes. 

L'histoire  de  la  harpe,  pendant  les  dix  premiers 
siècles  de  notre  ère,  présente  la  même  obscurité  qui 
dissimule,  alors,  toute  activité  intellectuelle  ou  artis- 
tique. Nos  connaissances  sont  loin  d'atteindre, 
pour  cette  période,  la  précision  qu'elles  avaient  eu 
ce  qui  concerne,  par  exemple,  le  Moyen  Empire 
égyptien. 

A  cela  plusieurs  raisons,  que  nous  tenterons  de 
neutraliser,  au  moins  en  partie  :  l'imprécision,  déjà 
signalée,  du  vocabulaire  -"  ;  le  vague  ou  l'ambiguïté  de 
certaines  représentations  figurées;  l'absence  prolon- 
gée de  vestiges  d'instruments  réels  (alors  que  l'Egypte 
ancienne  nous  en  livre  en  abondance);  plus  que 
tout,  l'amour-propre  national  ou  local  d'historiens 
qui  cherchent  à  se  créer  des  origines  aussi  flatteuse- 
ment  reculées  que  possible;  ce,  au  prix  de  légendes 
étayées  de  chronologies  fantaisistes,  où  la  musique 
joue  son  rôle.  C'est  ainsi  qu'on  attribue  la  première 
apparition,  en  Occident,  de  la  harpe,  aux  Scandi- 
naves-' ou  aux  Germains;  ou  bien  aux  Celtes,  aux 
Anglo-Saxons,  avec  plus  de  vraisemblance  cette  fois-% 


lis.  Ed.  Didot,  1853,  cli.  xvu.  Cf.  aussi  Juvénal,  Satire  III,  liS  ;  lla- 
crobe.  Sat   111  (rites  par  Th.  Rei»*ch);  Piaule,  Sliclius,  11,  2,  cic. 

16.  Op.  cit.,  IV  (éd.  Kaibel,  p.  400). 

17.  Op.  cit.,  II,  pp.  253  sqq. 

18.  Gand,  1S95,  ch.  n  :  La  Citharodie  sous  l'Empire  romain. 

19.  Pour  la  bibliographie  générale.'on  se  reportera  à  celle  qui  a  été 
donnée  au  début  de  cette  élude  •  quelques  travaux  relatifs  au  moyen 
âge  seront  indiqués  en  léte  du  chapitre  sui\ant,  auquel  ils  ont  trait 
plus  spécialement. 

20.  Cf.  plus  haut  p.  1393  et  M.  Pincheih.i:,  Actes  du  congrès  d'iiis- 
toire  de  l'art,  loco  cit. 

21.  Cf.  plus  loin  p.  1910. 

22.  Encore  Mariano  SoaiANo  FuF.nTES  [Hisloria  de  la  musxca  espa- 
nola,  I,  Madrid,  1885,  p.  71)  affirmc-l-il  que  les  Irlandais  tenaient  leur 
science  musicale  de  l'Espagne.  Sa  démonstration  n'est  pas  convain- 
cante. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA   HARPE    1905 


mais  cil  passant  loiile  mesure  eu  ce  qui  concerne  la 
date  proliahle  de  celte  remise  en  usage  (donnée  la 
plupart  (lu  temps  pour  une  invention  véritalile).  Cela 
ne  va  pas  sans  coiitlits  :  dans  les  seules  Iles-Britan- 
niques, «  nous  voyons  Bintin'g  injurier  Moore  et 
Stevenson  pour  truquage  d'anciennes  mélodies,  Pë- 
TiuE  s.ii-rilier  Iîuntino,  0'  Curkv  tancer  I'etbie,  VVal- 
keh  et  Sedwick,  tandis  que  Sl'llivan  les  condamne 
tous,  ou  les  accable  en  les  louant  avec  une  retenue 
trop  marquée  '  ». 

Cette  lutte  pour  la  plus  liaute.anliquité  se  circons- 
crit surtout  entre  Irlandais,  Gallois  et  Anglais.  Pour 
l'Irlande,  O'Curry,  de  qui  l'enseignement  a  été  long- 
tempsi'évéré,  raconte^  comment,  en  1800  avantjésus- 
Clirist,  les  ancêtres  des  Irlandais,  les  Tuatha  DéDan- 
nan,  ayant  battu  les  corsaires  Fomorians,  ceux-ci 
prirent  la  fuite.  Alors,  "  Lugh  (le  roi  des  Tuatba  Dé 
Danatni),  le  Dagbda  (leur  grand  chef  et  druide)  et 
Ogma  (leur  plus  grand  héros)  suivirent  les  Komo- 
rians  parce  qu'ils  avaient  capturé  L'aithniî,  harpiste 
du  Daglida.  Ils  atteignirent  vite  la  salle  dans  laquelle 
banquetaient  les  Fomorians...  et  là,  ils  virent  la 
harpe  suspendue  au  mur.  C'était  une  harpe  dans 
laquelle  la  musique  était  retenue  par  un  sortilège, 
si  bien  qu'elle  ne  répondait  pas  aux  sollicitations. 
Jusqu'au  moment  où  le  Uaghda  l'éveilla  en  disant  : 
Viens,  Durdabla  (ici  des  formules  d'incantation  intra- 
duisibles)... La  harpe  se  décrocha  du  mur  et  vint, 
tuant  neuf  personnes  au  passage;  elle  vint  vers  le 
Dagbda,  et  il  joua  pour  eux  tous  les  trois  modes  qui 
classent  un  harpiste,  c'est-à-dire  le  Siiantraighe,  le 
Gentraighe,  le  Goltralghe^.  Il  leur  joua  le  Goltraighe 
jusqu'à  ce  que  leurs  femmes  fondissent  en  larmes; 
il  leur  joua  le  Gentraighe  jusqu'à  ce  que  femmes 
et  adolescentes  éclatassent  de  rire;  il  leur  joua  le 
.Suantraighe  jusqu'à  ce  que  tous  fussent  endormis. 
Grâce  à  quoi,  les  trois  héros  échappèrent  aux  Fomo- 
rians qui  voulaient  leur  mort.  » 

A  ces  ancêtres  vénérables,  les  Gallois  opposent 
Blegywrvdd  ab  SEiFYLL,qui  régna  un  peu  plus  tardi- 
vement il  est  vrai,  mourut  deux  mille  soixante-neuf 
ans  après  le  déluge,  ou  environ  cent  quatre-vingt-dix 
ans  avant  l'ère  chrétienne,  et  qui  était  en  ce  temps- 
là,  disent-ils,  supérieur  à  tous  les  musiciens*.  Il  est 
dépassé  par  certains  de  ses  compatriotes  qui  se 
croientassurésde  descendre  d'Adam  en  ligne  directe. 
En  eti'et,  «  le  premier  enfant  qu'Eve  mit  au  monde 
fit  appelé  Gain;  or,  en  Gallois,  cain  signifie  :  j'ai  un 
fils  »  ! 

Transportées  dans  le  domaine  musical,  ces  mé- 
thodes permettent  les  plusbrillantes  démonstrations. 
Avec  plus  de  loisirs  on  pourrait,  à  bien  des  légendes 
de  celte  sorte,  trouver  des  origines  orientales  ou 
helléniques.  Lorsque,  d'après  le  manuscrit  irlan- 
dais, Les  Aventures  de  la  grande  Société  bardique, 
O'Curry  raconte  l'invention  de  la  harpe',  il  est  dif- 
ficile de  n'y  pas  voir  une  adaptation  du  mythe  grec 


de  la  naissance  de  la  lyre  :  c'est  le  frère  du  roi  Guaire 
qui  expose,  en  l'an  592,  comment  Canoclach  Mhor, 
femme  deCuil,  ne  pouvant  plus  supporter  son  mari, 
s'enfuit.  Arrivé  à  la  plage  de  Gainas,  elle  trouve  un 
squelette  de  baleine.  Le  vent,  en  passant  à  travers 
les  tendons,  en  lire  des  sons  qui  endorment  la  fugi- 
tive. Son  mari,  lancé  à  sa  poursuite,  la  trouve,  com- 
prend la  cause  de  son  sommeil,  va  dans  la  forêt 
[irochaine,  taille  une  forme  d'instrument,  y  place  les 
cordes  faites  des  tendons  de  la  baleine,  et  c'est  la 
première  harpe. 

Préiuojen  âge. 

.l'aiévoquécetexempled'emprunts  au.x  civilisations 
antérieures  à  l'ère  clirétienne,  parce  qu'il  suffirait  à 
rappeler  qu'il  n'y  a  pas  eu  —  comme  on  l'écrit  par- 
fois, en  abusant  des  mois  —  cassure  absolue  entre 
les  civilisations  anciennes  etcelledu  moyen  âge  occi- 
dental. Des  éléments  de  tous  ordres  sont  passés  des 
unes  aux  autres,  identifiables  dans  les  langages,  les 
mœurs,  les  rites.  Gomment  la  musique,  el  plus  spé- 
cialemenl  les  instruments,  eussent-ils  fait  exception 
si  l'on  songe  surtout  à  la  mobilité  que  leur  confèrent 
leur  taille  exiguë  et  leur  faible  poids,  au  fait  que  les 
musiciens  sont  de  bonne  heure  des  voyageurs  intré- 
pides", qu'un  instrument  nouveau  frappe  en  tous 
pays  l'attention  des 'envahisseurs  ou  des  ininra- 
leurs,  bien  avant  les  institutions  civiles  et  reli- 
gieuses! 

Il  est,  en  tout  cas,  une  longue  chaîne  de  témoi- 
gnages qui  fournit,  du  iv°  au  viu"  siècle  et  au  delà, 
un  élément  de  continuité  assez  appréciable.  C'est  la 
série  des  écrits  laissés  parles  Pérès  de  l'Eglise;  pres- 
que tous,  commentant  les  Psaumes,  ont  été  amenés 
à  parler  des  instruments.  Ils  l'ont  fait  en  termes  obs- 
curs, non  point  impénétrables,  et  leurs  textes  atles- 
lent  la  connaissance  qu'ils  avaient  d'instruments 
venus  de  l'antiquité  classique  (cithare),  ou  de  l'actua- 
lilé  barbare  (hai'pe). 

Négligeons  une  Epîlre  à  Dardanus,  dont  l'allribu- 
tion  à  sainC  Jérôme  est  douteuse*.  Dès  sainl  Augustin 
(né 334,  mort  430)  apparaît  une  comparaison  enire 
cithare  et  psaltérion'J,  qui  sera  reproduite  à  peu  près 
textuellement  par  Cassiodore  (G.  477-C.  .';70),  Isidore 
DE  SÉviLLE  (mort  en  636l,  puis  Notker  Labeo,  Aegi- 
dius  Zamorensis,  beaucoup  plus  tard  Gerson,  etc.  Il 
y  est  dit  :  «  lllud  locum  unde  sonum  accipiunt 
chordiv,  illud  concavum  lignum  quod  pendet  et  tac- 
tum  resonat,  quia  concepit  aereni,  Psalterium  in  su- 
periore  parle  habet.  Cithara  autem  hoc  genus  ligni 
concavum  et  resonans  in  inferiore  parte  habet. 
Itaque  in  Psallerio  chorda>  sonum  desuper  acci- 
piunt :  in  Cithara  aulem  chordas  sonum  ex  inferiore 
parte  [accipiunt.  Hoc  jinterest  inler  Psalterium  et 
Cithara.  » 

Ces  définitions  ont'découragé  certains  commenla- 


1.  C.  N.  Mac  Intyre  North,  Thi-  book  nf  the  club  o(  trw  Ilirjhlan 
ders,  1,  Londres,  1802,  cliap.  vi. 

2.  Eugec  O'Curry,  Li^ctures  on  the  Manners  and  Customs  of  the 
ancient  Irisii  ..  with  an  introduction  by  W.-K.  Sulliv.in,  3  vol.,  Lon- 
dres, 1S73.  Ce  passage  au  tome  lll,  p.  213. 

3.  La  connaissance  de  ces  trois  modes,  plaintif,  Iiilarant,  soporifique 
était  exigée  ea  Irlande  des  musiciens  de  la  catégorie  la  plus  élevée, 
les  OUamhs  ofmusic. 

4.  Edward  JoNts,  Musical  ami  porticnl  rdicks  nf  the  irelsh  bnrds, 
Londres,  1794,  p.  l. 

ô,  A.  Eruy,  cité  par  Erneft  Dav[d,  Études  historiques  sur  la  poésie 
et  ta  musique  dans  la  Cambrie,  Paris,  18S4,  p.  14. 

6.  Lectures,  MI,  236.  Le  mot  cruit,  que  O'Corby  traduit  par  harpe, 
est,  nous  le  verrons,  de  signification  encore  incertaine  à  cette  époque. 


7.  On  a  conservé  deux  lettres  écrites  vers  l'an  505  de  notre  ère  par 
Cassiodore, questeur(roinistre)du  roi  ostrogcth  Théodoric,  h  première 
â  BofecEpour  lui  demnnder  un  citliarcde,  Clovis,  roi  des  Francs,  ayant 
eiprinié  le  désir  d'en  avoir  un;  la  seconde  à  Clovis.  pour  lui  annon- 
cer la  mise  en  route  du  citharéde  ilemandé.  Cf.  Cassiodori  senatoris 
eariae,  éd.  Th.  Monimsen,  Berlin,  1894,  pp.  70-73,  et  Th.  Hodclin, 
The  letters  of  Cassiodorus,  Londres,  1886,  introduction,  p.  24.  Pour 
les  migrations  des  instruments  eux-mêmes,  voyez  plus  haut  co  qui  a 
»t'!  dit  (p.  ISflO)  du  type  de  harpe  assyrien. 

s.  Epistola  ad  Dnrdnnum  de  dicersis  generibus   musirorum,  J'a- 
Irolnijie  de  Miof,  XXX,  col.  213.  Cette  épilre  serait,  d'après  A.  Hdches- 
llçGHEs  (Ca(.  of  Ms.  music  Uritish  .Vuseum,  III.  37S),  d'un  Jjhome  du 
viii"  ou  IX"  siècle. 
"  9.  Saint  Augustin,  In  Psalm.  LVl. 

120 


1906 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


leurs.  Elle  sonl  beaucoup  plus  claires  si  on  les  rap- 
proche de  celle  que  donne,  au  v=  siècle,  l'évêque 
EccBERius  de  Lyon  (morl  en  430)'  :  «  Nablum,  quod 
grœce  appellatur  Psalterium,  quodque  a  psallendo 
diclum  est.  Ad  simililudinem  est  ciUiarx  barbaries: 
in  nioduni  delUe  litteiœ.  »  Son  intérêt  n'est  pas 
tant  dans  l'équivalence  proposée  entre  nablum  et 
psalterium  :  on  sait  combien,  et  durant  combien  de 
siècles,  les  lexicographes  jonglent  sans  précaution 
avec  des  mots  dont  le  sens  a  cessé  de  leur  être  connu. 
Ce  qui  est  de  plus  de  poids,  c'est  le  recours  au  témoi- 
gnage d'un  instrument  contemporain,  une  cithara 
barbarica  triangulaire,  dans  laquelle  il  est  bien  dif- 
ficile de  ne  pas  reconnaître  la  harpe-.  L'épiLhèle 
barbare  s'accolera  de  semblalile  façon  au  mot  harpe, 
au  siècle  suivant,  dans  le  vers  déjà  cité  de  Venan- 
tius  Fortunalus,  qui,  lui  aussi,  réside  en  Gaule,  à 
Poitiers. 

Reste  à  savoir  qui  désigne  l'épithète  barbare.  C'est 
pour  Venantius  Forlunatus,  comme  pour  Eucherius, 
ce  qui  n'est  pas  romain,  et  nous  ne  serions  pas  très 
avancés  si  des  raisons  nombreuses  ne  donnaient  aux 
Iles-Britanniques  toute  apparence  d'avoir  introduit 
en  Europe  l'usage  de  la  harpe  (Cf.  p.  1908).  D'abord, 
la  place  qu'en  ce  pays  tient  la  harpe  dans  l'histoire  et 
la  légende;  puis  son  apparition  sur  les  monuments 
figurés  bien  postérieurement  aux  dates  proposées 
par  les  textes,  mais  antérieurement  à  toute  mani- 
festation analogue  dans  le  reste  de  l'Europe;  enlin 
le  fait  que,  dans  un  manuscrit  donné  par  Gerbert^ 
pour  fort  ancien  (viu"  siècle?),  une  représentation  de 
harpe  (fig.  9o5)  esi  accompagnée  de  la  mention  cithara 
anglica,  tandis  qu'un  instrument,  non  harpe,  mais 
cithare,  porte  l'étiquette  de  cithara  teutonica.  Nous 
venons  plus  tard  que  Germanie  et  Scandinavie  sont 
pendant  plusieurs  siècles  hors  de  question. 

Chez  les  Britanniques  mêmes  existe  un  conflitlatent 
autour  de  l'événement  historique  assez  mince  qu'est 
cette  résurrection  de  la  harpe,  entre  Irlandais,  Gal- 
lois, Anglais,  Ecossais.  Nous  commencerons  par 
l'Irlande,  non  que  sa  priorité  soit  certaine,  mais 
pour  la  seule  raison  que  c'est  elle  qui,  le  plus  tôt, 
•  semble  avoir  tiré  de  la  harpe  un  parti  hautement 
artistique. 

Avant  d'entrer  dans  le  domaine  historique  pro- 
prement dit,  il  est  justi-  de  rappeler  les  rapports  qui 
existent  de  toute  antiquité  entre  Eiin  (avant  que  les 
Celtes  n'y  soient  installés)  et  l'Orient.  Dès  la  vi'  dy- 
nastie, on  savait  l'existence  de  ses  raines  d'élain,  dont 
les  Egyptiens,  s'ils  ne  les  exploitaient  eu.\-mêmes, 
se  faisaient  apporter  le  produit*-.  Festus  Âvienus  a 

1.  Instructionuni  ad  Salonium  libri  (^!/o^  liv.  II,  ch.  in,'.M[GNE,  Pa- 
iriA.  lut,,  L,  p.  81.T).  Sur  l'identité  de  nabium  et  de  psalterium,  Ed- 
cHERlrs  se  rencontre  avec  un  Icsicographe  du  siècle  précédent,  Hesy- 
chius.  Cf.  Encyclop'die,  I,  34,  note  7. 

2.  Ou  un  intermédiaire  entre  la  harpe  et  le  psaltérioû  triangulaire 
comme  on  en  voit  au  moyen  âge  de  nombreux  exemplaires.  A,  coup 
sûr  pas  le  psaltérion-type,  de  forme  quadrangulaire.  qui  n'apparaît 
pas  en  Europe  avant  les  Croisades. 

3.  De  Cailtu  et  înusica  sacra,  saint  Biaise,  II,  1774,  pi.  xxxu,  Cg.  19 
et  17.  Je  ne  sais  pourquoi  la  plupart  de  ceux  qui  ont  cité  cette  planche 
en  datent  l'original  du  ix«  siècle,  tandis  que  M.  F.-W.  Gali-in  [Otd  en- 
(flisli  instruments  of  rnusic,  Londres,  1910,  p.  8)  le  reporte  au  xii"  ou 
xni».  Le  texte  de  GeaBERT  n'est  pis  si  explicite.  Il  déclare  (pp.  152-i;)3) 
emprunter  quelques  figures  d'instruments  à  un  manuscrit  de  saint 
Biaise  dont  il  avait  pris  copie  avant  qu'il  ne  fût  détruit  par  un  incen- 
die, et  qui  datait  du  vu'  siècle-,  et  d'autres  à  un  autre  manuscrit  de 
saint  Biaise  paalo  recentior  :  rien  de  plus.  La  cythara  teutonica  re- 
présentée à  côté  de  la  ct/thura  anr/lica  et  de  même  provenance,  pré- 
sente des  analogies  avec  un  instrument  figuré  sur  la  planche  xxvi, 
iig.  3,  que  Gerbert  date  :  anno  DC  (affirmation  que  le  style  desdites 
enluminures  fait  paraître  assez  risquée). 

4.  C/".  Jean  Capart,  Les  Grands   Voyafjcs  à  l'époque  égyptienne, 


raconté,  dans  ses  Or*  Maritimx,  le  voyage  d'Himil- 
con,  au  vije  siècle  avant  Jésus-Christ,  aux  Iles  Cassi- 
térides  (Scilly)eten  Hibernie  (Irlande!.  D'autre  part, 
les  Celles,  antérieurement  à  leur  immigration  en 
Irlande,  n'ignoraient  pas  l'ancienne  Egypte,  aussi 
loin  que  l'âge  de  pierre,  s'il  en  faut  croire  M.  Car- 
tailhac  •  ;  et  pour  aborder  des  événements  histori- 
ques plus  si^irs,  il  y  a,  à  partir  du  iv°  siècle  avant 
l'ère  chrétienne,  un  mouvement  d'émigration  qui 
met  en  rapports  étroits  Celtes  et  populations  de  l'A- 
sie Mineure''.  De  ces  constatations  nous  ne  tirerons 
pas  de  conclusions  forcées  :  il  nous  suffit  de  remar- 
quer que  l'Irlande  et  les  Celtes  qui  s'y  vinrent  fixer 
avaient  eu  des  contacts  répétés  avec  les  civilisations 
orientales,  et  que  l'adoption  d'un  instrument  orien- 
tal à  un  moment  quelconque  de  leur  histoire  est  on 
ne  peut  plus  plausible. 

Irlande '. 

Avant  les  sources  littéraires  et  historiques  nous 
examinerons  :  1°  le  vocabulaire,  2°  les  monu- 
ments figurés. 

Les  premiers  monuments  qui  nous  soient  restés 
sont  des  croix  de  pierre  sur  lesquelles  des  scènes  de 
l'Ecriture  sainte,  assez  grossièrement  sculptées,  met- 
tent en  scène  le  roi  David,  ou  quelque  autre  pieux 
musicien.  Les  renseignements  qu'elles  nous  appor- 
tent ne  sont  malheureusement  ni  simples  ni  clairs  : 
fantaisie  de  sculpteur,  imprécision  due  à  l'usure  du 
temps,  enfin,  dans  les  désignations  qui  en  sont  don- 
nées par  les  historiens,  difficulté  spéciale  de  voca- 
bulaire qui  s'ajoute  à  toutes  les  autres. 

La  harpe,  en  gaélique  irlandais,  se  dit  clairseach; 
en  gaélique  écossais,  clarsach;  en  dialecte  de  l'île  de 
Man,  claasagh;  d'une  racine  clar^  :  en  gaélique,  plan- 
che, table,  table  d'harmonie. 

Mais  ces  divers  termes  n'apparaissent  pas  avant  le 
sn«  siècle.  Les  instruments  à  cordes  sont  désignés, 
auparavant,  dans  les  textes  irlandais,  dès  le  v=  siècle 
au  moins,  par  le  mot  cruit  ou  crot  {Seai^chiis  Mor, 
d'après  M.  F.-W.  Galpin,  Musical  Times,  1^''  février 
1912). 

Les  historiens  irlandais  en  déduisent  que  crot,  ou 


Bruxelles,  1903.  W.  Boyd  Dawkins,  Early  man  in  Britain,  Londres, 
18S0. 

.^.  Conrjrès  de  l'Association  française  pour  l'avancementdcs  Scien- 
ces, Cherbourg,  1905,  p.  694  sqq. 

ti.  Cf.  A.  Bertrand,  Archéologie  celtique  et  gauloise,  1889,  p.  xxv, 
et  Léon  Joulin,  les  Celtes,  in  Bev.  Archéologigue,  VIII  (1918). 

7.  Sur  la  harpe  irlandaise,  cf.  J.  Walkeb,  Historical  memoirs  of 
the  Iri^h  Barils,  Londres,  1786  (avec,  en  appendice  I  :  Rev.  Edw.  Led- 
wicH,  Jnquiries  concerning  the  ancient  irish  iiarp,  app.  Vil  :  William 
Beacford,  An  Essay  on  the  construction  and  capability  of  the  irish 
harp).  —  Ed.  Bo>ting,  .4  gênerai  collection  of  the  ancient  inusie  of 
Irelnnd  (la  2*  éd.,  Londres,  1809,  et  la  3«,  Dublin,  1840.  contiennent 
une  copieuse  dissertation).  —  Samuel  Ferguson,  in  Bunting,  éd.  1840, 
p.  37  sqq. —  H.  O'Neili.,  Fine  arts  of  ancient  Irelnnd,  Dublin,  1863. 
—  Heusart  DE  LA  \'iu.^iin^i:ivÉ,  La  Harpe  irlandaise  et  les  Feniaus, 
in  Correspondant,  -5  janvier  1866.  —  Comte  de  Monlalembert,  Les 
Moines  d'Occident,  i'  éd.,  1868,  11,  483,  sqq.,  et  III,  204-211.  —  R.-B. 
ARjisTRoNr.,  .Musical  instruments,  I,  Edinbiirgh,  1904  (p.  27  bibliogr. 
iconographique  delà  harpe  irlandaisel. —  W.-H.  Grattan  Flood,  Irish 
musical  bibliography.  in  Beport  of  the  ith  conyress  of  the  internat. 
mus.  Society,  Londres,  1912,  p.  359.  —  J.  Romilly  Allen,  Celtic  art  ih 
pagun  and  Christian  times,  Philadelphie,  s.d. 

S.  Encyclopxdia  britannica,  Cambridge,  1910  (art.  Harp,  par 
K.  ScHLESiNGER  et  A.-J.  HiPKiNs),  Sclou  E.  Lcdwich  (Antiquities  of 
Ireland,  Dublin,  1603,  p.  253),  le  seul  mot  qui  se  rapproche,  en  irlan- 
liais,  de  la  racine  harp  est  beaucoup  plus  récent  :  oirpeam.  En  irlan- 
dais moderne,  le  dérivé  oirpheadach,  harpiste,  a  été  conservé.  Je  ne 
reproduirai  pas  les  longues  dissertations  de  Bunting  sur  ce  vocabu- 
laire, d'autant  que  sa  science  est  mise  en  doute  par  O'Corrt  {op.  cit., 
Ili,  302),  contesté  lui-même  par  de  plus  récents. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA    HARPE    1.107 


cruil,  signilie  harpe',  et  le  dictionnaire  gaélique 
d'AHMSTHO.NG  admet  que  le  cruit  serait  une  iiarpe  à 
cordes  de  boyaux,  et  le  clarselh,  une  harpe  à  cordes 
métalliques^. 

Leurs  contradicteurs  leur  opposent  la  parenté 
étymolof^ique  évidente  qui  existe  entre  cruit,  ou  ci'ot, 
et  le  bas  latin  mélangé  d'intluences  germaniques 
chrotta,  ou  rottu,  ces  deux  derniers  mots  constituant 
évidemment  un  doublet.  Or,  ces  mots,  dans  leur 
acception  la  plus  générale,  qualifient  presque  tou- 
jours une  sorte  de  cythare  obloiigue,  légèrement 
étranglée^  au  milieu,  celle  même  dont  l'évolution 
ultéiieure  donnera,  avec  adjonction  d'un  archet,  le 
crwth  gallois*.  Autre  argument,  Venantius  Fortuna- 
tus,  dans  le  poème  déjà  cité  de  l'année  570,  attribue 
expressément  la  lyre  aux  llomains,  la  harpe  aux 
barbares,  et  la  chrotta  au.\  Bretons  {chrotta  bril- 
iaana  canat). 

M.  F.-W.  Gali'in  '  voit  dans  ces  barbares  s'oppo- 
sant  au.'i  Irlandais  et  aux  Celtes,  déjà  christianisés, 
les  envahisseurs  nnglo-saxons  el  normands  qui  au- 
raient ainsi  introduit  la  harpe  sur  le  sol  britan- 
nique. 

L'argument  n'est  pas  sans  réplique.  Il  se  peut  qje 
le  barbare  soit  germain;  rien  en  ce  cas  n'indique 
que  le  mot  harpe  désigne  bien,  au  vi'  siècle,  le 
même  instrument  que  de  nos  jours  :  harfe  a  gardé 
dans  les  langues  germaniques,  pendant  tout  le 
moyen  âge,  un  sens  général  d'instrument  à  cordes 
pincées  (cf.  plus  haut,  p.  1893). 

Ensuite,  le  mot  rotta  a  désigné  longtemps  des  ins- 
truments du  genre  harpe".  11  y  avait  une  rotta  trian- 
gulaire, à  cordes  par  conséquent  inégales,  et  qui 
s'apparentait  de  ce  fait  à  la  harpe,  comme  tous  les 
psaltérions  triangulaires  dont  l'image  nous  a  élé 
transmise  en  abondance  dès  le  ix<-'  siècle"  :  un  tel 
instrument,  sculpté  sur  un  chapiteau  du  cloître  de 
Moissac,  porte  l'inscrifilion  Emaii  cuin  Rotta'^.  C'est 
bien  là  cette  «  cithara  barbarica  in  raodiim  deitu' 
liltera;  »,  dont  nous  parlaient  les  Pères  de  l'Église, 
l'assimilant  soit  au  nable,  soit  au  psaltérinn. 

Tandis  que  cithare  et  harpe  obéissenl,  comme 
nous  l'avons  déjà  répété,  à  des  principes  de  cons- 
truction tout  dilférents,  il  y  a  communauté  de  prin- 
cipe et  probablement  d'origine  (les  d^ux  instruments 
coexistent  déjà  en  Assyrie)  entre  la  harpe  ,  où  les 
cordes  sont  tendues  entre  deux  branches  d'un  cadre 


1.  Cf.  W.-H.  Grattas  Fi.god,  Tlie  sforlj  of  flie  harp,  op.  cit.,  p.  25. 

1.  H.  Panum,  op.  cit.,  p.  HT.  Ajoutons  iju'il  n'y  a  aucun  éclaircis- 
sement à  attendre  du  sens  de  !a  racide  gaélique  :  elle  désigne,  d'après 
0,  Cdkbv  (lil,  302'i.  un  oiseau  du  genre  héron  ou  courlis! 

3.  On  en  connaît  d'excellentes  représentations  dès  le  v:ii^  «iècle,  par 
exemple  dans  le  nis.  du  British  Muséum  Cott.  Vesp.  A.  i.  reproduit 
par  J.-O.  Westwood  il' ac-Similt's,  Londres,  1^68,  pi.  m.  datée  par 
erreur  du  vu°  siècle).  Eu  France,  une  des  premières  images,  la  pre- 
mière peut-être,  en  est  donnée  par  le  Psautier  carolingien  de  Mont- 
pellier {Univ.  IJ.  409,  fol.  I.  verso'l.  reproduite  in  Pli.  Lauer,  £/; 
l'^autier  carotin(/i€n  du  ['résident  Bouhicr,  l'J25,  pi.  iit.  M.  Joseph 
Bédier  concilie,  à  dessein  ou  non,  les  interprétations  rivales  quand 
il  écrit  [Les  Lais  de  Marie  de  France,  /ïevite  des  Deux  Mondes, 
1891,  p.  844)  ;  «  Les  jongleurs  s'accompagnaient  sur  une  petite  harpe, 
la  rote.  » 

4.  Sur  le  ceti'th  à  archet,  cf.  <'..  Excel,  liesearches  into  tlie  early 
history  of  the  lyiolin  faniili/,  Londres,  1S84,  p.  iLi. 

5.  Op.  cil.,  pp.  9-10. 

6.  H.  Panum,  op.  cit..  p.  110. 

7.  Cf.  Notker  Balbulus  :  o  Postquam  illud  '  ps;ilterium  i  symphoniaci 
quidam  et  ludicratores,  ut  quidam  ait,  ad  suum  opus  traxerant,  for- 
mam  utique  ejus  et  tiguram  commoditati  sua'  habilem  fecerant  et 
plures  chordas  annectentes  et  nnuiine  barbarico  Rottam  appellanles, 
mysticam   illatn  trinitatis  fortnam   transmulandt).   "   Cité  par  E.  de 

COCSSEMAKER,  Hucbald,   18H,    p.    ittJO. 

S.  F.  NùOLET,  Notice  sur  le  !ulh  {Mémoires  Je  ta  Société  arcliéol. 
de  la  Corrèze,  1895). 


évidé,  et  le  psaltérion  triangulaire,  où  le  plan  de 
cordes  est  tendu  au-dessus  d'une  table  d'harmonie; 
e«i  fait,  les  deux  types  sont  souvent  combinés,  et  il 
arrive  qu'une  harpe  possède,  en  plus  de  son  cadre 
normal,  une  sorte  de  fond  imité  de  la  table  du  psal- 
térion et  parallèle  auxcordes  :  telle  sera  la  spitzfiarfc 
ou  arpanetta  du  moyen  âge  et  de  la  Renaissance.  Les 
deux  types  admellent  d'être  pinces  directement  ou 
joués  au  moyen  du  plectre. 

Le  vague  des  textes  correspond  au  peu  de  fixité 
des  types  d'instruments.  Le  curieux  manuscrit 
connu  sous  le  nom  de  «  Psautier  d'Ulrecht-'  »  illustre 
le  mot  psaltérion  du  psaume  107  par  une  figure  de 
harpe  triangulaire  véritable,  à  six  cordes,  sans  co- 
lonne, semblable  par  conséquent  aux  modèles  asia- 
tique et  égyptien  anciens.  Cette  absence  de  colonne 
mérite  de  retenir  un  instant  l'attention  :  corres- 
pond-elle à  un  type  contemporain  de  l'enlumineur 
qui  la  traça?  est-elle,  au  contraire,  une  réminiscence 
alexandrine,  et  au  delà,  pharaonique?  Pas  complè- 
tement isolée  en  tous  cas.  L'n  manuscrit  anglais  du 
xi°  siècle  en  reproduit  de  semblables'",  et,  de  nos 
jours,  on  trouve  encore  chez  les  Ossètes  du  Caucase 
une  harpe  à  deux  branches  et  douze  cordes",  beau- 
coup plus  proche  du  triyone  du  dieu  Bès  que  des 
instruments  barbares  des  nègres  africains  d'aujour- 
d'hui. 

Monuments.  —  Cette  question  de  la  présence  ou 
de  l'absence  de  la  colonne  \fore-pillar  ou  front-pU- 
htr)  est  précisément,  pour  l'Irlande,  un  sujet  de  con- 
troverses non  encore  taries.  Dans  le  comté  de  Kil- 
kenny,  à  Lllard,  se  trouve  une  croix  que  l'on  date 


FiG.  973.  —  Croix  d'Ullard,  d'après  Bdsting. 

de  la  première  moitié  du  ix«  siècle  (843),  sur  laquelle 
est  sculpté  un  musicien.  Ldward  Binting,  le  premier, 
en  donna  un  croquis  dans  lequel  l'instrument  repré- 
senté est  une  sorte  de  harpe  sans  colonne  qui  a  fail 


9.  Sur  ce  Psautier,  l'ancien  f'iaitdius,  C.  7  de  la  Bibl.  coUonicnne, 
que  la  plupart  des  spécialistes  attribuent  à  un  arliste  de  1  école  de 
Reims,  qui,  vivant  au  début  du  ix*  siècle,  se  serait  inspire  de  mo- 
dèles alexandrins  du  vi»  ou  vu*  siècle,  voir  surtout  :  J.'-J.  Tikkanert_ 
Die  Psalterillustration  im  Miltelalter,  III,  lleUingl'ors,  l'.'tiO;  — 
K.  ScHLEsiNc.ER,  Tltc  Utrcclit  Psalter,  in  Mimical  antit/iuiry,  octobre 
19l().  —  Reproduction  en  rac-similé  par  la  PaUeographical  Society 
(Londres,  1S73|. 

10.  Brilish  Muséum,  tiarl.  60S,-S.  H  h.  27.  Heprod.  in  VVisTwtti.i. 
{op.  cit.). 

11.  Cf.  C.  EK'.Et,,  Musical  instruments  in  the  South  Kensinijloi 
Muséum,  Londou,  1869,  pi,  u,  lig.  I. 


1908 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


travailler  son  imagination'  :  «  C'est  le  premier  spé- 
cimen, écrit-il,  de  liarpe  sans  colonne,  qui  ait  été 
découvert  hors  d'Egypte;  et  si  ce  n'était  la  récente 
confirmation  des  assertions  de  Bruce,  au  sujet  de 
ses  prototypes,  il  serait  peut-être  accueilli  avec  la 
même  incrédulité;  car,  à  la  difficulé  originelle  qu'il 
y  avait  à  croire  un  tel  instrument  capable  de  sup- 
porter la  tension  des  cordes,  s'ajoute  maintenant  l'é- 
tonnante hypothèse  que  les  Irlandais  tiendraient 
leur  harpe  de  l'Kgyple.  » 

Bon  nombre  d'historiens  ont  suivi  Bunting,  ren- 
chérissant parfois  (O'neill,  Sculptiired  crosses,  1857) 
sur  l'inexactitude  de  la  figure  donnée  par  lui,  jus- 
qu'au moment  où  M""  Hortense  Panum,  après  s'être 
rendue  à  Ullard,  déclara-,  avec  calque  à  l'appui, 
que  l'on  ne  pouvait  affirmer  si  la  colonne  existait 
ou  non,  l'usure  de  la  pierre  ne  le  permettant  pas; 
d'autre  part,  il  se  pouvait  que  l'artiste,  faute  de 
place,  ait  confondu  la  colonne  avec  le  bord  de  la 
croix  qui  limitait  son  sujet. 

Entre  temps, M.  W.-H.-Grattan  Flood^  avait  repris 
en  tOOi)  la  même  position  que  Bunting;  le  Hév.  V.-\\. 
Galpin  le  contredit  vigoureusement'  :  pour  lui  l'ins- 
trument a  bel  et  bien  un  cadre  complet,  il  est  qua- 
drangulaire  et  ce  n'est  pas  une  harpe,  mais  bien  une 
sorte  de  grand  criiit.  Nouveau  démenti  de  iM.  W.-H. 
Grattan  Flood"  :  je  ne  puis  prendre  parti  entre  deux 
spécialistes  éminents  qui,  tous  deux,  ont  vu,  et  je 
laisserai  le  débat  ouvert. 

Si  la  croix  d'UUard  est  d'inlerprétation  douteuse, 
à  quelques  milles  de  là,  la  croix  de  Castledermot'" 
(fin  viii'=  ou  début  ix°  siècle)  offre  certainement  un 
cadre  complet;  de  même  celle  d'iona,  eu  Fcosse.  On 
peut  les  concevoir  comme  des  instruments  hybrides, 
dont  le  format  se  rapproche  de  celui  de  la  cithare, 
mais  qui,  par  l'irrégularité  de  leur  cadre,  évoquent 
également  la  harpe. 

Au  reste,  les  types  intermédiaires  foisonnent  :  tel 
celui  de  la  croix  de  Monasterboice  (ix°  siècle '),  sem- 
blable à  un  triangle  dont  on  aurait  tronqué  l'angle 
inférieur;  celui  de  Durrow",  qui  a  le  cadre  d'une 
harpe  triangulaire,  mais  dont  les  cordes  passent  sur 
un  chevalet  avant  de  s'attacher  en  bas  au  corps  so- 
nore, disposition  analogue  à  celle  de  la  cithare *'. 


I.   op.  cil.  (184(1),  pp.  46  sqq. 
i.  Op.  cit.,  11.  102  et  iig.  lli. 

3.  Op.  cit.,  pp.  12-1  Sel  fig.  C.  M.  \Y.-H.  (inAiiAN  Flood  a,  lui  aussi, 
procédé,  en  1888,  :i  un  examen  sur  place. 

4.  Old  english  instruments  of  musiCf  Londres,  1911,  p.  287,  et 
77ie  orifjin  of  tlie  clarsecii  or  irish  Itarp,  ia  Musical  Times,  Londres, 
i"  février  1912. 

5.  .Musical  Times,  1''  mars  191:!. 

C.  Mar^aret  StoUc?,  Tlie  Hitjh  crusses  of  Castlederynol  ami  Durroiv. 
Dublin,  1898,  refrod.  aussi  par  Gii.w.x,  op.  cit.,  pi.  i,  fig.  1  ;  11.  Pa- 
KLM,  op.  cit.,  fig.  lli. 

7.  IJ.  Panum,  up.  cit.,  Iig.  97.  Un  moulage  au  musoe  Victoria  and 
Albert  à  Londres,  Salle  46,  A. 

8.  M.  Stolies,  ap.  cit.,  p.  10;  Pamim,  fig.  104. 

9.  Il  faudrait  de  trop  longues  pages  pour  citer  tous  les  liydrides  de 
liarpe-psaltériùn.  Voici  seulement  quelques-unes  des  variétés  le  plus 
souvent  représentées.  A)  Instruments  triangulaires  d'interprétation 
douteuse,  soit  liarpes  sans  colonne,  soit  harpes-psallerions,  le  plan 
de  cordes  doublé  d'une  table  d'harmonie  parallèle  :  British  Muséum, 
ms.  Arundel,  10,  fol.  'ii\n''  sièclei,  Antiphonaire  sa!/.bourgeois  repro- 
duit in  H.  Tietze,  Die  Iltuminierten  Hamlschrifteain  Salzbiirg, 
Leipzig,  1905,  pi.  v  (xn"  siècle),  A.  Martin  et  Ch.  Gabier,  Monogra- 
phie de  la  cathédrale  de  liourges,  Paris,  1841,  pi.  xxin  (xin*  siècle). 
—  C)  Harpes-ps.iltérions  triangulaires  caractérisées  :  Coussesiakeh, 
Mi'moire  sur  Hucbald,  1841,  pi.  iv,  fig.  1  (ix°  siècle);  Psautier  de 
f'olchardus.  saint  Gall,  in  K.  Scnr.tsixGEH,  op.  cit.,  Il,  pi.  viii  (ix»  siè- 
cle), M?.  Brit,  Mus.  Arundel,  00,  fol.  13  (xi*  siècle),  Hortus  deliciU' 
rum  de  Ilerrad  von  l.andsbcrg,  fol.  2^1,  reproduit  par  M.  "VoGEr-Eis, 
Die  .Musikiiistrumente  im  Hortua  Dcliciarum,  lîceue  Alsacienne, 
1904,  p.  08  {xn»  siècle)  ;  et  la  plus  belle  de  toutes,  reproduite  par 
Luise  von  Kobell,  Kuyisti'olle  Miniaturen  und  Initialen  nus   Hand- 


Tel  est  donc  pour  l'Irlande  primitive  l'élat  de  la 
question  en  ce  qui  concerne  les  monuments  figurés  : 
dès  le  viii'^  siècle,  des  représentations  peuvent  être 
interprétées,  soit  comme  des  harpes  sans  colonne, 
soit  comme  des  harpes  quadrangulaires,  soit  comme 
àescruits  (famille  cithare);  mais,  à  des  époques  encore 
voisines,  la  forme  de  la  harpe  est  déj<à  nettement 
évoquée  (Monasleriioice,  Durrow).  Kdward  I.edwich 
fait  bien  remarquer'"  que  la  harpe  ne  figure  pas  sur 
les  monnaies  bretonnes  du  temps  des  liomains,  où 
sont,  au  contraire,  gravées  des  lyres  :  cela  peut  signi- 
fier simplement  que  l'influence  romaine  prime,  à  ce 
momenl-là,  les  traditions  nationales. 

En  tout  cas,  la  châsse  de  saint  Moedhoc,  conser- 
vée au  Musée  de  Dublin,  que  M.  W.-H.-Grattan  Flood 
date  du  ix=  siècle,  et  M.  R.-B.  Armstbong  du  xr", 
représente  un  joueur  de  harpe  dont  l'instrument, 
cette  lois,  est  déjà  d'un  type  très  moderne  et  très 
complet.  Nous  le  retrouverons  encore  plus  carac- 
térisé dans  la  harpe  de  Brian,  qui  nous  servira  au 
chapitre  suivant  de  modèle-type. 

Nous   en   aurons   fini  avec    la   préhistoire   quand 
nous  aurons  parlé   des    premiers   bardes   irlandais. 
C'est  une  habitude  prise  de  leur  donner  la  harpe 
comme  attribut  distinctif. 

Il  est  vrai  que  Diodore  de  Sicile,  se  basant  sur  des 
historiens  encore    plus    anciens'-,  mentionne,  pour 
l'Irlande,  les  bardes  qui  chantent  «  sur  des  instru- 
ments semblables  à  des  lyres  ».  A  sa  suite,  l'habi- 
tude a  été  prise  d'associer  régulièrement  le  bardisme 
à   la  pratique  musicale;   M.   Armstrong  réagit    là 
contre '^  Selon  lui,  les  diverses  professions  inlellec- 
luelles  ou  artistiques,  poètes,  musiciens,  historiens, 
constituaient  en  Irlande  autant  d'orilres  différents, 
spécialisés,  divisés  à  leur  tour  en  catégories  ou  degrés. 
On  appelait  bardes  des  gens  capables  d'improviser 
des  poèmes,   mais  sans  la  culture  approfondie  des 
poètes  professionnels  :  <(  Un  oi/am/t  de  poésie  (poète 
du  premier  degré)  se  serait  cru  aussi  injurié  d'être 
appelé  bnrde  que  le  plus  grand  chirurgien  actuel  le 
serait  d'être  nommé  rebouteux,  et  l'appellation  de 
barde  n'aurait  pas  moins  indigné  un  ollamh  de  mu- 
sique ou  de  harpe.  »  (Armstrong). 

Parmi  ces  harpistes  (pour  autant  que  leur  instru- 
ment ail  été  la  harpe  et  non  le  cruil),  choisis  dans 
les  familles  les  plus  illustres,  l'histoire  a  conservé  le 
nom  deCRAFTiNÉ,  silué  par  O'Ci'rry  en  341  avant  J. -G.  ; 
et  voici  comment  un  manuscrit  ancien  décrit  les 
neuf  harpistes  du  roi  Conaire  Mor,  tué  l'an  .33  avant 
J.-G.  :  «Je  vis  neuf  autres  musiciens,  avec  neuf  che- 
velures bouclées,  neuf  vêtements  bleu  clair  flottants 


schriflen,  etc.,  Munich,  1800,  pi.  xix,  d'après  le  ms.  lat.  Bibl.  Munich 
.'iOOO  (xiii'^  siècle).  —  C)  Instruments  rigoureusement  quadrangulaires 
apparentés  à  la  harpe,  en  ce  qu'ils  n'ont  ni  le  corps  sonore  pl.icé  à  la 
base,  coninic  les  lyn-s  et  cithares,  ni  la  table  d'harmonie  parallèle  aux 
cordes  du  psaltérion,  des  cordes  nombreuses,  que  les  rtiains  pincent 
dans  une  position  analogue  à  celle  des  mains  des  harpistes  :  Ms.  Va- 
liean  rjr.  7.t:',  fol.  148,  in  Tikkanen,  op.  cit.,  I  (xi'  siècle),  G.  Millet. 
Peintures  de  ms.  grecs  du  Mont  At/ios,  Paris,  1898,  fig.  130  {xi«  siè- 
cle), BuNMNG.  op.  cit.,  p.  47  (d'après  un  ms.  du  xi»  siècle). 

10.  Antiguilies  of  Ireland,  Dublin,  18U3,  p.  251. 

11.  W.-H.  Graitan  ?LO\m,  op.  cit.,  p.  32,  Armstrong,  o/).  ci^,p.57. 

12.  Hécatée  de  Milet  par  exemple.  Cf.  Duidore  de  SrciLE,  éd.  Didot. 
Millier,  Fragmenta  liist.  grxcorum,  III,  259;  Athénée,  IV,  ch.  xux  ; 
Ammieu  Marcellin  mentionne  aussi  (XV,  9)  les  bardes  et  leurs  lyres. 

13.  Op.  vif.,  pp.  8-10  (développe  une  opinion  déjà  exprintée  par 
O'CuHnv).  On  a  tenté  de  légitimer  l'association  de  la  musique  et  de 
la  poésie  chez  les  bardes  en  cherchant  eu  Orient  des  analogies.  Pour 
ce  faire,  on  utilise  la  dissertation  du  ca|>itaine  F.  Wilford,  An  essai/ 
on  tite  sacred  isles,  in  Asiatic  researches,  IX,  7G,  dans  laquelle  il 
dérive  le  mot  barde  d'une  racine  sanscrite  Varia  et  établit  un  paral- 
lèle entre  les  fonctions  des  Vardai  hindous,  poètes  et  musiciens,  et 
celles  de  leurs  prétendus  descendants. 


TECIIXIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA    HARPE    190'J 


parés  de  neuf  Inoches  d'or.  iNeuf  anneaux  de  cristal 
aux  mains,  un  anneau  d'or  au  pouce  de  chacun 
d'eux.  Des  boucles  d'oreilles  d'or  aux  oreilles,  un 
collier  d'arpent  au  cou  de  chacun  d'eux.  Neuf  bou- 
cliers aux  blasons  d'or  au-dessus  d'eux,  pendus  au 
mur.  iN'euf  baguettes  d'arf^ent  dans  leurs  mains.  Je 
les  connais,  dit  Kerrogain,  ce  sont  les  neuf  harpistes 
du  roi,  nommés  Side  et  Dide,  Dilothe  et  Deichkinni, 
Caumul  et  Cellgiîn,  Ol  et  Olene,  et  Olchoi'.  "  Telles 
étaient,  en  ce  temps,  les  splendeurs  du  métier  de 
musique. 

Anglo-Saxons  et  Angleterre  propre. 

J'ai  déjà  cité  la  harpe  anglo-saxonne,  ci/thara  an- 
ylica,  de  haute  époque,  reproduite  par  Gerbeiit  (cf. 
plus  liaut).  C'est  un  bel  instrument  moulé  de  douze 
cordes,  avec  un  corps  sonore  percé  de  deux  ouïes, 
les  chevilles  indiquées, ainsi  que,  à  l'endroit  où  s'at- 
tache l'exlrémité  inférieure  des  cordes,  les  petits 
rentlemenls  destinés  à  les  protéger  contre  les  frot- 
tements, que  les  anciens  Anglais  nommaient  shoes  of 
strings  (souliers  des  cordes).  Les  caractéristiques  de 
ce  type  de  harpe,  comparées  à  celles  des  harpes 
irlandaises,  sont  :  la  rectitude  relative  de  la  colonne, 
à  peine  infléchie,  sa  minceur,  le  peu  de  volume  de 
l'instrumenl. 

Telles  sont  les  harpes  du  viii<^  ou  du  ix"  siècle,  re- 
présentées dans  le  manuscrit  du  Musée  britannique 
Claudius  B.  IV-,  ou  au  x'  siècle  dans  le  Junius  \l  de 
la  Bodleian  library ',  ou  au  xi"  siècle  dans  le  Tiberiiis 
C.  VI  (fol.  :îO,  b)  du  Musée  britannique. 

Ainsi  l'iconographie  nous  mène  positivement  jus- 
qu'au viH'^  siècle.  Les  historiens  remontent  en  deçà: 
ils  nous  content  l'histoire  de  Caednion,  moine  eu  680, 
d'après  Bède  >,  qui  la  relate  au  siècle  suivant  :  «  Par- 
fois, dans  les  festins,  on  décidait  pour  se  divertir  que 
chaque  assistant,  à  tour  de  rôle,  chanterait;  lorsque 
Caednion  voyait  s'ap|irocher  la  harpe,  il  se  levait 
brusquement  et  regagnait  son  logis;  »  ou  encore  l'é- 
popée de  Reowulfs,  roi  des  Jutlandais  au  vi=  siècle, 
dans  laquelle  la  harpe  est  souvent  évoquée,  ainsi 
que  dans  bien  d'autres  textes  anciens.  Il  faut,  toute- 
fois, se  garder  d'affirmations  trop  tranchées. 

Le  texte  de  Bede  donne  simplement  cythara,  et 
c'est  par  analogie  avec  ce  qui  nous  est  connu  des 
mœurs  anglaises  quelques  siècles  plus  tard,  que 
nous  pouvons  traduire  harpe  avec  assez  de  vraisem- 
blance. Pour  le  Beowuif  et  les  autres  poèmes  anglo- 
saxons,  le  mot  hear/.an  ne  signifie  rien  de  plus  que 
le  germain  liarpfen,  ou  le  latin  citharisare.  Les  mots 
qui  semblent  désigner  plus  spécialement  la  harpe 
sont  gliijbeam'-  (joy  wood  :  bois  qui  cause  de  la  joiel 
etgomenuudu  (wooden  musical  instrument  :  instru- 
ment de  musique  fait  en  bois);  rien,  en  somme,  qui 
puisse  imposer  une  conviction  absolue.  M.  F.-W. 
Galpin"  tient  cependant  pour  l'antériorité  des  Anglo- 
Saxons  sur  les  Celtes  d'Irlande.  Mais  il  se  base  sur- 
tout sur  l'origine  nordique  de  la  harpe,  qui,  on  le 


1.  O'CcnRv,  III,  U6. 

2.  Reproduite parj.  Slrutt,  Anijleta-re  ancienne,  trad.  française.  Il, 
Paris,  1789.  pi.  xvir,  fig.  3  (avec  sept  cordes  au  lieu  de  dou^e). 

3.  Oxford.  Repr.  par  Galpis,  op.  cit.,  p.  11. 

4.  Hist.  eccl..  IV,  24,  éd.  J.-B.  Giles,  1848,  112. 

5.  Vers  >fi6S, 2ll>!i,iîe3.  de  U/libliollick  lier  anrjdâc/i.ii.iche  Poésie, 
C.-VV.-M.  Groin.  R,.p.  Wulker,  Cassel,  1883  (la  rédaction  primitive 
serait  du  vu"  siècle). 

6.  Cf.  F.-M.  Padelfobd,  0!d  eni/lisli  musical  lerms,  Bonn,  1899, 
pp.  77-80. 

7.  Op.  cil.,  pp.  9-10. 


verra  plus  loin,  n'est  rien  moins  que  prouvée.  Kt, 
d'autre  part,  on  sait  que  les  missionnaires  irlandais, 
dès  les  ve  et  vi«  siècles,  circulaient  à  travers  toute 
l'Angleterre,  fondant  les  monastères  de  Lindisfarne, 
Ripon,  Durham,  Liclifield,  etc. 

Saint  Mailduff  passe  pour  avoir  été  un  harpiste 
de  talent,  comme  son  élève  saint  Aldhelm,  i|ui  lui 
succéda  en  675  comme  abbé  de  MaildulTsburgh  (Mal- 
mesbury)*.  Les  Anglais  curieux  de  belles-lettres  et 
d'art  à  la  même  époque  gagnaient  l'Irlande,  »  comme 
une  Mecque  des  études  tant  profanes  que  sacrées'  », 
et  M"°  Horlense  Panum  a  fait  remarquer"  que,  de 
bonne  heure,  la  harpe  en  Irlande  prend  des  formes 
variées,  tantôt  grande,  tantôt  petite,  tantôt  très  ar- 
quée, tantôt  moins;  tandisque  la  harpe  anglo-saxonne 
reste  légère,  portative,  de  type  uniforme  :  ce  qui 
indiquerait  chez  les  Irlandais  l'initiative  du  maître, 
chez  les  Anglo-Sasons  la  timidité  du  disciple. 

Pays  de  Galles. 

Un  troisième  compétiteur.  Le  peuple  Kimry,  assez 
proche  parent  des  Celtes  d'Irlande,  mais  fort  diffé- 
rent d'eux  par  les  mœurs  et  la  culture,  et  non  moins 
qu'eux  particulariste,  a  également  cultivé  le  jeu  de 
la  harpe  dans  des  temps  anciens,  que  ses  historiens 
éprouvent,  eux  aussi,  une  grande  fierté  à  reculer 
jusqu'aux  plus  extrêmes  limites. 

J'ai  déjà  cité  le  champion  produit  par  Edward  Jo- 
.NEs,  Blegywhvdd,  qui  régnait  SU  1 90  environ  avant  J .-C. 
et  jouait  de  la  harpe  mieux  qu'homme  du  monde. 
Sur  lui  et  les  autres  héros  mythiques,  il  s'en  faut  rap- 
porter aux  enthousiasmes  de  leurs  biographes,  car 
la  ressource  des  sculptures  et  des  miniatures  n'in- 
tervient pas  ici.  La  linguistique  pas  davantage.  ÎTe 
mot  telyn",  qui  caractérise  l'instrument  en  gallois, 
n'apparaît  que  vers  le  x=  siècle  (en  breton  telen,  en 
dialecte  de  Gornouailles  teleiii);  l'origine  en  est  con- 
testée. M.  E.  David  semble,  avec  Henri  Martin,  croire 
ce  mot  de  racine  gaélique;  Ledwich  le  dérive  de 
l'irlandais  tendhloin  (tcad  :  corde),  VEnri/clopa'dia 
brilannica  déclare  que  la  première  syllabe,  qui  est 
indubitablement  «  vieux  gallois  »,  avait  une  significa- 
tion de  tension.  Pour  Edward  Jones,  «  l'antiquité  du 
mot  telyn  est  singulièrement  fortifiée  par  cette  cir- 
constance que  la  côte  française  oii  se  trouve  Toulon 
était  anciennement  appelée  le  promontoire  des  Githa- 
rèdes,  et  la  ville  même  Telo  .Martius'^  »  ! 

Des  témoignages  de  plus  de  valeur"  font  remonter 
au  roi  Cadwaladr,  vu''  siècle,  l'emploi  artistique  de 
la  harpe  :  dès  celte  époque,  les  Gallois  subissaient,  il 
est  vrai,  l'influence  irlandaise.  A  la  fin  du  siècle  pré- 
cédent, le  roi  des  Welsh,  Roderic,  avait  reçu  à  sa 
cour  un  jongleur  irlandais,  dont  le  talent  de  harpiste 
l'avait  charmé  et  qu'on  avait  comblé  de  présents  '•,  et 
Caradoc  de  Lhancarvan,  mort  vers  H47,  un  Gallois 
cependant'',  convient  que  les  Welsh  empruntaient 

-S.  W.-H.  Gbatta>  Flood,  op.  cit.,  p.  28. 

9.  Padelford,  op.  cit..  p.  6.  Sur  les  missions  irlandaises,  cf.  P.  lo 
Prieur,  in  André  Michel,  Histoire  de  l'Art,  I,  190.'»,  p.  307. 

10.  Op.  cit.,  p.  106. 

11.  Cf.  Ernest  David,  Eludes  historiques  sur  la  poésie  et  la  musique 
ilans  la  Cainbrie,  Paris,  1884,  p.  130;  —  Encyclop.rdia  brilannica, 
art.  Harp,  par  K.  Schlesincer  et  A.-J.  Hipkins;  —  K'Iv.  Ledwich,  op. 
rtt.,  p.  253;  —  Edw.  Jones,  .Musical  and  poeticul  relidcs  of  the 
Il  elsh  bards,  2"  éd.,  London,  1794.  p.  113;  —  Fktis,  Hist.  mus.,  op. 
cit.,  IV,  374  sqq.  ;  Mary  L.  Lekves,  The  lore  of  the  weUh  liarpe 
{.Uusieal  Times,  juinoct.  1924). 

12.  Op.  cil.,  p.  113. 

13.  Jbid.,  p.  26.  et  Hdw.  LEDwrCH.  op.  cit.,  p.  251. 

14.  Armstrom^  op.  cit.,  p.  10,  d'apri-5  Bdntinc,  coll.  1809,  p.  13. 
13.  O'CDnBï,  op.  cit.,  III,  353. 


ilMO 


lENCYCIMPÈDlE  DE  LA  MUSKJHE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSEliVATOlRE 


tous  leurs  airs  de  musique  instnimenlale  à  l'Irlande. 

Cependant,  un  témoi(,'nage  nous  est  donné,  tout  à 
fait  probant,  de  1  importance  qu'avait,  dès  le  s."  siècle, 
la  harpe  dans  la  vie  publique  et  privée  des  Gallois. 
C'est  à  cette  époque  que  Howeil  le  Bon  (Howell  dda, 
roi  d'Aberfraw,  dans  la  partie  méridionale  du  pays  de 
Galles),  qui  régne  de  907  à  948,  donne  h  son  peuple 
un  code  nouveau  '.  Ayant  reconnu  l'insuffisance  des 
anciennes  lois  de  M(ielmud(cinq  cents  ans  avant  J.-C), 
il  réunit,  en  920,  un  conseil  de  cent  soi.xante-dix  éve- 
ques  et  huit  cent  seize  délégués  laïques  de  tous  les 
cantons  de  Galles;  ceux-ci  élurent  un  collège  restreint 
de  douze  membres  et  un  rapporteur,  après  avoir, 
ainsi  que  le  roi,  jeûné  et  prié  pendant  quarante 
jours.  La  compilation  du  code  terminée,  Howell  s'en 
fut  à  Rome  le  taire  approuver  par  le  pape  Athanase. 

Ces  lois  n.xaient,  entre  autres  choses,  le  rang  hié- 
rarchique du  barde  du  Palais,  huitième  officier  de  la 
maison  du  roi,  qui  recevait  de  son  souverain,  après 
l'élection,  une  harpe  (telyn)  et  un  échiquier  d'ivoire, 
et  de  la  reine  un  anneau  tl'or.  Dans  les  banquets, 
lors  des  grandes  fêles,  il  prenait  place  auprès  du  ma- 
jordome, qui  seul  avait  le  droit  de  lui  présenter  sa 
harpe.  «  Aux  noces  du  roi,  ou  d'un  prince  du  sang, 
il  allait  rendre  ses  devoirs  à  l'auguste  fiancée...  et 
pendant  le  festin,  il  était  obligé  de  découper  adroite- 
ment toutes  les  pièces  de  volailles  que  les  maîtres 
d'hùtel  phnaient  devant  lui.  Quelque  étrange  que 
puisse  sembler  cette  prescription,  il  parait  qu'au 
moyen  âge  elle  faisait  partie  de  l'éducation  d'un 
chevalier-.  »  H  accompagnait  le  roi  à  la  guerre  et 
choisissait  son  butin  immédiatement  après  lui.  La 
harpe  était  instrument  de  gentilhomme.  Seuls  le  roi 
et  les  nobles  avaient  le  droit  de  détenir  une  lelun  et 
d'en  jouer.  La  tehjii  d'un  noble  était  insaisissable, 
sous  quelque  prétexte  que  ce  fflt  :  «Trois  choses,  disent 
les  lois  de  Howell,  sont  indispensables  à  un  gentil- 
homme ou  baron,  savoir  :  sa  telyn,  son  manteau,  et 
son  échiquier;  »  et  ailleurs  :  «  Trois  choses  sont  néces- 
saires à  un  noble  :  une  épouse  vertueuse,  un  coussin 
sui'sa  chaise,  et  une  harpe  bien  accordée.  » 

Cette  considération  se  maintiendra  longtemps  et 
nous  en  retrouverons  trace  dans  la  nouvelle  législa- 
tion promulguée  au  .xi"  siècle. 


Éc 


L'Ecosse  revendique  aussi,  sous  la  plume  de  cer- 
tains écrivains,  le  privilège  d'avoir  importé  d'Orient, 
à  une  époque  reculée,  la  musique  et  les  instru- 
ments. John  Gunn^  avait  projeté  de  démontrer  la 
relation  qui  existait  :  1°  entre  la  harpe  et  les  institu- 
tions religieuses  de  l'ancienne  Asie;  2°  entre  le  faid 
des  Ecossais  et  le  Prophète''  des  anciens  peuples 
orientaux,  lequel  avait  la  harpe  pour  attribut.   On 


sait  seulement  de  faron  certaine  que  lorsque,  en  80 
av.  J.-C,  Agricola  pénétra  en  Ecosse,  une  civilisa- 
tion existait  déjà  avec  des  lois  civiles  et  religieuses 
assez  poussées.  Mais  rien,  musicalement,  ne  nous 
esl  parvenu  de  cette  préhistoire. 

Au  cours  du  moyen  âge,  il  semble  avéré  que  les 
Ecossais  commencèrent  par  emprunter  leur  musi- 
que, et  plus  particulièrement  la  harpe,  à  l'Irlande. 
Giraldus  Cambrensis  le  dit  en  propres  termes  au 
xii"  siècle  ^  Cependant,  pour  ce  qui  esl  des  monu- 
ments figurés,  l'Ecosse  ne  tarde  pas  à  nous  présenter 
des  spécimens  fort  intéressants.  La  croix  de  Mgg, 
dans  le  Rosshire  (côte  Est  de  l'Ecosse),  que  Dalyell 
datait  du  vu'  siècle  et  que  l'on  recule  maintenant 
jusque  vers  le  is'  ou  x"',  est  d'une  forme  triangulaire 
très  nette,  avec  cinq  cordes,  un  corps  sonore  qui  va 
s'évasanl  vers  le  bas  à  l'exacte  ressemblance  de  la 
harpe  égyplienue,  colonne  en  plus''. 

D'autres  croix  sculptées,  comme  celle  de  Dupplin 
(Perthsire),  ou  celle  de  Monifieth  (Eorfarl'',  toutes 
deux  du  x(«  siècle,  sont  également  triangulaires. 
Celle  d'Aldbar  (Forfar)  plus  ancienne,  s'il  est  vrai 
qu'on  la  puisse  dater  du  ix"  siècle,  comme  le  fait 
M.  Galpin,  est  légèrement  tronquée,  et  rappelle  celle 
de  Monasterboice.  Les  historiens  non  Irlandais  ont 
parfois  tiré  de  ces  similitudes  la  conviction  que  l'Ir- 
lande avait  imité  les  Ecossais,  et  la  croix  de  Nigg  se 
trouvant  sur  la  côte  Est  de  l'Ecosse,  qu«  la  Scandi- 
navie avait  été  le  premier  modèle.  Il  ne  semble  pas 
que  l'on  doive  se  ranger  à  cette  opinion. 

:\'or<l  priniitir. 

C'est  que,  malgré  le  parti  pris  surtout  littéraire 
qui  atlrilme  la  harpe  aux  populations  Scandinaves 
primitives,  les  faits  d'une  pari,  de  l'autre  l'examen 
des  textes,  donnent  des  résultats  tout  différents.  Les 
premières  harpes  triangulaires  que  l'on  trouve  sculp- 
tées dans  le  Nord  sont,  en  Norvège,  celle  de  l'église 
dOpdal,  du  XIII»  siècle  (il  esl  vrai  qu'on  l'a  parfois 
datée  du  xi»),  en  Suède,  celle  qui  ornait  les  fonts 
baptismaux  de  l'église  de  Lockne,  et  qui  est  actuel- 
lement au  Musée  .Nordique  de  Stockholm.  Toutes 
deux,  représentées  dans  des  scènes  qui  ont  trait  au 
roi  légendaire  Gunnar,  sont  nettement  inspirées  de 
l'Irlande". 

Pourtant,  des  historiens  de  la  valeur  de  Montelius' 
font  de  la  harpe  1  instrumenl  pur  excellence  des 
Vikings  aux  ix«  etx=  siècles.  D'autres  l'attribuent  aux 
Finnois'"  :  pour  ces  derniers,  c'est  confondre  avec  la 
harpe  l'instrument  national  finnois,  le  kântele,  sorte 
de  petit  psaltérion  joué  au  plectre,  tenu  sur  les  ge- 
noux, et  presque  toujours,  dans  la  légende,  attribué 
au  héros  ^Vainamoïnen  ". 

A  la  vérité,  la  première  mention  d'un  instrument 
à  cordes,  d'ailleurs    non    précisé,  nous   est   fournie 


1.  cf.  G.  Pc'ignot.  Tableau  de  mœurs  au  dixième  siècle  ou  la  Cuur 
et  les  Lois  de  Bowel  le  Bon,  Paria,  183^;  —  W.  Probert,  The  aitcient 
Laies  of  Cambria,  Lontloa,  1823;  —  Tlie  Myvyrian  arcltaioloiji/  of 
Wales  (pac  Uwen  Jones,  Edw.  Williams.  Williiim  0«cn),  2"  éd.,  i.on- 
(lon,  i87U;  — ■  E.  hwtu,  op.  cit.,  pp.  (i4  sqi).  —  Lv  lexle;i  if'lé  iloniiC', 
traduit  en  latin,  par  M.  Wotton,  Leijcs  Wallicx  Hoelilioni,  Londoii. 
1730. 

ï.  E.  tlAVin,  op.  cil.,  p.  67. 

3.  Prospectus  d'une  em^uilte  sur  la  harpe,  à  la  fin  de  An  histofical 
inquirif  respectinfj  the  performance  of  the  harp  in  the  Highland.s  of 
Scotland.  Edinburgh,  180".  — Cf.  encore  J.-G.  IUlyeli-,  Musical  mc- 
moirs  of  Scotland,  Edinhurgh  et  London,  J849,cliap.  viii;  — i'..  .N.Uâc 
Intyre  NuiiTH,  The  boule  of  the  Club  of  the  true  Highlanders.  London, 
1892;  — D.  ^wne.  Musical  Scotland,  Paisloy,  1894;  — F.-W.  Galpjk, 
op.  cit.,  p.  305. 

4.  Hume  Bro«n,  Bisl.  of  Scotland,  1,  Cambridge,  1902,  p.  2. 


5.  Topoyraphia  hibernioa.  III,  11,  éd.  J.-F.  Diinock,  1,  Londres, 
1867,  p.  154  ;  «  N^otandum  vero  quod  Scotia  et  Wallia,  !i*c  propaga- 
lionis,  iUa  comnii^.Tlionis  et  affinitatis  gratia,  Hiberniam  in  modulis 
a^niula  imitari  nituatur  ilisi-iplina.  " 

6.  Reproduite  dans  DalyclI.  o}j.  cit..  pi.  xxxvn.  fig.  1.  Un  moulage 
au  Musée  Victoria  and  Albert,  Londres,  s.ille  40  A. 

7.  Hortense  Pandm,  op.  cit.,  lig.  95. 

8.  Hortense  Pamjm.  op.  cil.,  p.  95  cl  iig.  1"2,  103.  J'emprunterai 
beaucoup,  dans  ce  cbapitre,  à  cet  excellent  ouvrage. 

9.  Oscar  iMontelius,  Les  temps  préhistoriques  en  Suède,teiiâ.  S.  Rei- 
nach,  Pari?,1895.p.26S.  —  C/.aussi  P.du Cliaillu,  Cf.  The  Vikingage, 
II.  London,  18S9,  p.  37i. 

10.  J.  Cu-MUARiiiU,  La  .Mu.-iique  et  la  Magie,  1909,  p.  98,  —  l).  Cûm- 
PABETTi,  Jl  Kalewala.  Rome,  1891,  pp.  191-194. 

11.  H.  Pa\u.«,  op.  cit.,  p.  U5. 


TECHNIQUE.  ESTHETIQUE  ET  PEDAGOGIE 


pour  la  Scan Jiiiavie,  au  x"  siècle,  par  la  relalioii  d'un 
auteur  arabe,  Ibn  Fadhian,  qui  nous  rapporte  qu'un 
chef  suédois  avait  été  enterré  avec,  dans  sa  tombe, 
un  instrumeul  à  cordes,  des  boissons  eiiivranles,  et 
des  fruits  pour  soutenir  son  àrae  pendant  le  chemin 
qui  va  au  pays  des  morts.  Le  mol  liarpe  ne  se  pré- 
sente que  dans  les  Eddas  au  x°  siècle,  à  propos  du 
héros  Guniiar'. 

Là  encore,  il  ne  signifie  rien  de  précis.  Harpe  dési- 
gne un  instrumenta  cordes  pincées  :  les  sculptures 
qui  représentent  Gunnar  lui  attribuent,  cinq  fois  sur 
six,  une  lyre  arrondie.  J'ai  déjà  noté  plusieurs  fois 
ce  vague  du  vocabulaire.  M'"^  Hortense  Panum  remar- 
que fort  justement  que,  au  xvi«  siècle  encore,  Sébas- 
tian ViRDUNc.  écrira  (1511)  :  «  Ce  que  l'un  appelle 
harpe,  l'autre  l'appelle  lyre  »,  et  que  Peder  Syv, 
dans  ses  proverbes  (début  du  xvn''  siècle),  donne  le 
nom  de  Harper  à  un  joueur  de  violon-. 

Lorsque  le  jeu  de  la  harpe  entre  dans  les  mœurs 
Scandinaves,  il  faut  encore  se  garder  d'une  opinion 
lancée  sui'tout  par  les  poètes  allemands  du  xix=  siècle, 
voire  des  savants  comme  P.-E.  Mliller  et  P. -A.  Munch, 
d'après  qui  la  harpe  était  l'instrument  des  Skatdes^ 
ou  bardes  Scandinaves^. 

M.  FiN.M'R  JôNssoN  s'est  attaché  à  démontrer  que 
c'est  leur  prêter  abusivement  les  mœurs  mêmes  que 
l'on  attribuait,  avec  plus  devérité,  aux  Anglo-Saxons. 
Les  plus  anciens  poèmes  Scandinaves,  les  Eddun,  ne 
parlent  jias  de  skaldes  harpistes.  La  Volmpa,  par 
exemple,  nous  montre  le  pâtre  Egther  assis  sur  une 
colline  et  jouant  de  la  harpe  :  d'une  part,  il  n'est  pas 
skalde;  de  l'autre,  il  n'accompagne  pas  un  chant,  mais 
joue.  Pour  les  skaldes,  aucune  mention  dans  leurs 
poèmes  avant  le  xn«  siècle,  et  le  seul  skalde,  Rogn- 
VALDR  Kali  (mort  en  1158)  qui  se  targue  de  jouer  de 
la  harpe  et  de  savoir  chanter,  nous  présente  ces  deux 
talents  comme  différents  et  non  complémentaires 
l'un  de  l'autre. 

Laharpe ''jouera,  d'ailleurs,  à  dater  de  ce  temps,  un 
rôle  de  plus  en  plus  considérable  dans  les  légendes 
nordiques.  Déjà  Saxo  Grammaticus,  dans  son  Histoire 
du  Danemark», conte  l'histoire  du  musicien  qui,  sous 
Kric  le  Bon,  se  prétendit  capable  d'agir  avec  sa  harpe 
sur  les  sentiments  des  hommes.  Le  roi  lui  en  ayant 
demandé  la  preuve,  le  musicien  fit  mettre  sous  clef 
toutes  les  armes;  puis  il  commenta  à  jouer.  11  pro- 
voqua alors  dans  l'auditoire  une  tristesse  profonde, 
puis  une  gaieté  exubérante,  enfin  une  fureur  géné- 
rale. Le  ro  lui-même,  pris  de  démence,  courut  aux 
armes  et  tua  quatre  hommes  avant  qu'on  eût  pu  le 
maîtriser. 

Nous  sommes  ici  assez  près  des  trois  Modes  de  la 
musique  irlandaise  primitive.  On  trouverait  d'autres 
analogies  en  confrontant  les  Sagas  des  xii',  xiii'', 
XIV'  siècles  avec  les  légendes  d'Irlande  et  du  Pays 
de  Galles  :  harpes  aux  coffres  géants,  capables  d'a- 


1.  Ibid.,  p.  113.  Et  FiNNoR  ioKsson,  iJas  Hurfsnspiel  des  A'ordens  in 
der  allen  Zeit.  Recueil  /.  M.  G.,  1908. 

2.  Ordspng,  I,  373,  cilé  par  H.  Panum,  p.  111. 

3.  Cf.  FLN^LR  JuNssuN,  op .  cit.y  fit  aussi  E.  (Je  I^veleye,  La  Saga 
des  Niebehuigfn  dans  tes  Eddas ^  Paris.  1860.  pp.  271,  279,  311. 

4.  j'acliève  ici.  pour  n'y  point  revenir,  d'indiquer  le  rôle  de  la  harpe 
au  moyen  à^e  dans  les  pays  scaudina^es  ;  par  la  suite,  son  évolutiQP  se 
modèle  sur  celle  des  instruments  de  l'Europe  occidentale. 

5.  Livre  XII,  cilé  par  F.  Jùnssom  (Saxo  Grammaticus  vécut  entre 
1140  et  lillli). 

G.  VoUungasaga.  :  Heimer  dissimule  dans  sa  harpe  la  petite  Aslog, 
des  vêtements  précieus  et  de  l'or.  —  Sacja  de  Herrod  et  Bosr  :  ici  la 
colonne  de  la  harpe  est  si  grande  qu'au  homme  s'y  tiendrait  debout. 
Bosc  y  cache  les  beaux  gants  brodés  d'or  qu'il  mettra  pour  le  festin 
nuptial. 


LA    HARPE    1911 

briterun  enfantou  une  jeune  fille",  harpes  quiémen- 
vent  ou  irritent  soit  le  cœur  humain,  soit  les  élé- 
ments. 

An  XIV'  siècle  la  harpe  aura  un  répertoire.  La  Saga 
de  Herrod  et  de  Bose  nous  a  conservé  les  titres  des 
morceaux  que  Bose  joue  au  festin  nuptial  de  la  sœur 
du  roi  :  Le  Morceau  de  la  géante  Jaette,  Moicetiu  de 
forfanterie.  Chanson  de  UjarrandaV .  C'est  un  réci- 
tal véritable,  avec,  autant  qu'on  en  peut  juger,  ce  mé- 
lange des  styles  qui  est  encore  la  loi  du  genre. 

dicrniains. 

Pour  les  motifs  linguistiques  déjà  exposés,  on  a 
longtemps  cru  que  les  anciens  Germains  connais- 
saient la  harpe  avant  les  Bretons  et  la  leur  avaient 
transmise.  C'est  une  des  interprétations  du  barbarus 
harpade  Venantius  Fortunatus*.  Du  même  Fortuna- 
tus,  F.-A.Gevaert  cite  d'autres  vers,  tirés  du  récit  de 
son  voyage  sur  la  Moselle';  la  métaphore  du  poète 
aerea  tela  lui  semble  désigner  les  cordes  métalliques 
de  la  harpe  des  riverains.  Si  les  Mosellans  possé- 
daient cet  instrument,  rien  d'impossible  à  ce  que 
les  Irlandais  le  leur  aient  révélé  :  leurs  missions 
commençaient  déjà  à  circuler  à  travers  le  continent, 
et  elles  étaient  particulièrement  actives  en  Ger- 
manie. 

Il  est  certain  que  les  Germains,  de  bonne  heure, 
avaient  des  instruments  à  cordes  pincées.  Procope'" 
raconte  que  le  roi  des  Vandales  Gelimer  (533),  en- 
fermé dans  une  forteresse  des  monts  de  Numidie,  fit 
demander  à  Bélisaire  qui  l'assiégeait,  un  pain  pour 
manger,  une  éponge  pour  laver  ses  yeux  rongés  à 
force  de  larmes,  et  un  instrument  à  cordes  pour 
accompagner  un  chant  qu'il  venait  de  composer. 

Mais,  se  remémorant  la  confusion  de  vocabulaire 
déjà  signalée,  on  a  de  bonnes  raisons  de  croire  que 
l'instrument  en  honneur  chez  les  Germains  pendant 
le  moyen  âge  est  la  cithare,  ou  rotta.  On  n'a  trouvé 
aucun  dessin,  aucune  sculpture,  aucun  vestige  de 
harpe  germanique".  Tandis  que  la  tombe  d'un  guer- 
rier enterréà  Lupfen, entre  le  vi"  et  le  vu' siècle,  ren- 
fermait une  cithare  '-  semblable  au  ciwifi  gallois,  que 
l'on  peut  encore  voir  à  Berlin,  au  Muséum  fur  Volker- 
kunde.  Si  l'on  rapproche  cette  trouvaille  de  celle 
faite  près  de  Oedenburg,  en  Hongrie,  d'une  urne" 
(actuellement  au  Musée  de  Vienne)  sur  laquelle  est 
représenté  un  joueur  de  lyre,  et  que  l'on  date  du 
vin"  au  V»  siècle  avant  l'ère  chrétienne,  on  concevra 
assez  clairement  la  filiation  de  la  cylhara  teulonica 
de  Gerbert,  —  remontant  par  tous  ces  chaînons  vers 
la  Thrace  et  l'Asie  Mineure,  où  la  cithare  avait  tou- 
jours été  en  grande  faveur. 


7.  H.  Panum,  op.  cit.,  p.  llii. 

8.  Celle  de  Fétis  en  particulier.  Hist.  mus.,  IV,  lS74.p.  387.  Voir 
aussi  Oskar  Fleischer,  Die  Musikinstrumente  des  Attertunis...  in  ijer- 
maiiisctten  LUndern  in  Herm.  Paul,  Grundriss  der  germ.  Piiitoto- 
gie,  111.  1900. 

9.  La  yf'Hopée  antique,  Gaud,  1S95,  p.  415,  note  5  : 

Vooibus  exi'ussi*  pulsahiiDt  orçana  montes, 
Red<U'l)antque  suos  pon<lula  saxa  tropos. 
Luxabat  placida  mox  aerea  tela  sa.^urro^. 
Ke<pnn«lil  cannis  rursus  ab  alpe  friilex... 

10.  De  Delto  Vamt.,  u,  6.  Cilé  par  H.  Pusoi,  vp.  cit..  p.  111. 

11.  Car  l'attribution  de  la  curieuse  plaque  de  reliure  du  Louvre 
(ivoire,  A.  G.  iOu3.  fin  ix"  ou  début  x"  siècle)  n'est  p.is  certaine.  Un 
joueur  de  petite  harpe  triangulaire  y  est  représenté  avec  exaclitude- 
mais  tandis  que  M.  E.  Molinier,  qui  l'a  publiée  (Ga-e^/e  arctiéol.  1884 
p.  33  et  pi.  VI),  la  tient  pour  allemande,  d'autres,  dont  Pierre  Aubrv, 
hésitent  entre  .\llemagne  et  Italie. 

12.  H.  PiNUM,  Bg.  76  et  p.  83. 

13.  Jbid.,  ùg.  75  et  p.  81. 


1912 


EXCrCLOPÉniE  de  la  musique  et  DICTIOXXAlnE  DU  CO.VSERVATOIHE 


Lorsque,  vei  s  l'an  7b8,  l'ai-chevèquedi'Caiileibury, 
Culhbeit,  demande  à  Lulltis,  évê(]ue  de  Mayeiice, 
de  lui  envoyer  un  cytharista  capable  de  jouer  de  la 
citliare  appelée  rolta^,  il  nous  fournit  un  nouveau 
témoignage  de  la  pratique  déjà  courante  de  la  votta 
en  pays  germanique,  tandis  que  les  Iles -Britan- 
niques n'en  ont  encore  qu'une  idée  vague. 

Gaule.  —  FraïK'e  priuiitive. 

On  ne  sait  rien  de  précis  de  la  musii|ue  à  l'époque 
gauloise  :  les  phrases  bien  connues  de  Uiodore  de 
Sicile-  sur  les  bardes  accompagnant  leurs  louanges 
ou  leurs  Imprécations  avec  des  instruments  sembla- 
bles aux  lyres,  celles  d'AiiMiEN  llARcrLLiN,  qui  tient 
au  IV''  siècle  des  propos  analogues,  sontà  peu  près 
inutilisables  pour  notre  objet.  L'iconographie,  qui 
va  prendre  chez  nous,  au  cours  du  moyen  âge,  un 
si  magnifique  développement,  est,  jusqu'au  xi"  siècle, 
d'une  rare  indigence.  La  Bible  de  Cliailes  le  Chauve 
(880)3  représente  un  instrument  stylisé  qui  peut  être 
une  harpe  trigone,  semblable  à  celle  du  psautier  de 
Notker  Labeo  iSaint-Gall,  x'  siècle).  Quant  aux 
petites  harpes  du  psautier  d'Utrecht,  qui  sont,  à  ce 
que  l'on  croit,  l'œuvre  d'un  arlisie  de  l'Kcoie  de 
Heims  vei's  le  ix=  siècle,  on  ne  peut  dire  si  leui-  forme 
correspond  à  une  réalité  contemporaine  ou  à  une 
simple  réminiscence  alexandrine.  Le  bassin  émaillé, 
trouvé  près  de  Soissons  et  conservé  au  Cabinel  des 
Médailles*,  que  les  archéologues  ont  longtemps  dalé 
du  viu'=  siècle,  est  du  xiii''  pour  le  moins  :  ainsi,  la 
petite  harpe  qui  y  est  figurée  perd  toute  signification. 
Quelques  sculptures  sur  des  chapiteaux  des  églises 
du  centre  de  la  France  (Verneuil^Nièvre",  Sainle-Marie- 
des-Dames,  Sainles'',  etc.),  quelques  enluminures, 
comme  celles  du  psautier  carolingien  de  la  Biblio- 
thèque de  Boulogne-sur-Mer,  ou  la  petite  harpe  trian- 
gulaire à  neuf  cordes  d'un  psautier  latin  du  xi=  siè- 
cle, d'origine  peut-être  catalane^  constituent  à  peu 
près  l'essentiel  de  ce  que  l'on  possède  antérieure- 
ment au  milieu  du  xu"^  siècle. 

C'est  vers  celte  extrême  limite  qu'apparaît,  dans 
toute  sa  clarlé,  la  petite  harpe  française  du  moyen 
âge,  sculptée  sur  le  chapiteau  de  l'église  Sainl- 
Georges-de-Bocherville ,  en  Normandie  :  dans  un 
groupe  de  douze  musiciens  et  jongleurs,  le  dixième 
personnage  assis  tient  de  la  main  gauche  une  petile 
harpe  qu'il  accorde  de  la  droite  avec  une  clef;  l'ins- 
trument a  moins  de  di.v  cordes  (l'imperfection  delà 
sculpture  rend  illusoire  un  décompte  plus  pi'écis), 
il  présente  le  dessin  général  de  la  cylhara  anglira  de 
Gerbert,  avec  le  corps  sonore  beaucoup  plus  déve- 
loppé qui  caractérise  à  ses  débuts  la  harpe  irlan- 
daise. 


1.  "  Delei-tat  nie  quofjue  cyLharist.im  liabere  qui  possit  cytharisuro 
in  cytliar.i  quam  nos  appellatiuis  Kotla'  {sic),  quia  cytharatn  liabco  et 
artiflci>m  non  liabeo.  »  lu  Aligne,  Patrol.  lai.,  t.  XCVI,  col.  S39. 

2.  DiurjoUE  DE  Sicile,  \',  31.  —  Ammien  MARCEr.LiN,  XV,  25. 

3.  Offerte  en  850  k  Cliur'les  le  Chauve  par  le  coinle  Vivien,  abbé  de 
Saint-Marlin  de  Tours.  Elle  est  reproduite  dans  A.  de  fiastard,  Pein- 
tures el  ornemenls  de  his.s,  VIII,  pi.  ci.xvi;  H.  I.avdix,  La  Afttsigue 
dans  l'Ymagerie  du  moyen  âge,  Paris,  lS7o,  pi.  i. 

4.  Vitrine  VULn-SS.  €/■.  L'Evesquc  de  la  RnyMihre,  Poésies  du  Jtoy 
de  Navarre,  1,  Paris,  1882,  p.251.  — Ch.  Burnev,  Hist.  mus.,  11, 17  82, 
p.  264  et  pi.  11.  3. 

5.  Reproduite  dans  Musée  de  Scu'plure  comparée  du  Trocadéro, 
AUi.  grand  in-fol.  s.  d..  pi.  xi. 

ti.  Bibl.  nat.  Ms.lal.  11550,  fol.  7  verso  (fin  xi»  début  xii»  siècle). 

7.  Reproduite  dans  A.  Deville.  Essai  historique...  sur  l'éijlise  et 
l'abbaye  de  Bocherville,  Uouen,  1827,  pi.  m  6j5,  fig.2.  —  Bottée deTuiii.- 
MOS,  Instructions  du  Comité  historique  des  arts  et  monuments,  &\Ti\ 
1839,  pl.vi.  — C.  de  CoussEUAKEB,  .\Iém.  sur  Bucbald,  1841,  pi.  m,  8. 


Gomme  partout  ailleurs,  il  est  fort  probable  que 
la  harpe  a  été  en  usage  bien  avant  qu'on  en  donnât 
des  représentalions  convenables.  Ce  qui  nous  est  dit 
des  bardes  bretons  et  gaulois  des  premiers  siècles, 
les  définitions  d'Kucherius  qui  résidait  à  Lyon,  ou 
de  Cassiodore,  évêque  de  Poitiers,  nous  fournissent 
un  faisceau  de  présomptions  :  l'ambiguïté  ajthara- 
/iar//a  nous  interdit  de  les  transformer  en  preuves. 
Mais,  lorsqu'une  charte,  donnée  à  Nantes  en  1079, 
nomme  Cadiov,  citharhia'  du  duc  Ilael  de  Bretagne, 
nous  sommes  à  peu  près  sûrs  qu'il  s'agit  là  d'un 
harpiste.  Au  siècle  suivant,  Raoul  de  Cambrai  le  pré- 
cise :  i<  Harpent  bretons  et  viellent  .jougler'-".  » 

On  peut  sans  témérité  admeltie  que,  si  la  harpe 
avait  laissé  chez  les  érudils,  les  gens  d'église,  un 
souvenir  en  quelque  soite  tradilioiniel,  son  usage  est 
ranimé  par  les  missionnaires  irlandais,  qui  le  Irans- 
metlent  aux  Bretons  du  continent,  d'où  il  se  répand  à 
traversla  France  et  l'Europe  occidentale.  M.  Edouard 
FARALcite  au  x'  siècle,  dans  VEcbasis  Captivi'",  l'épi- 
sode du  hérisson  qui  prend  la  cithiirc  pour  chanter 
les  triomphes  de  Home.  Dans  ce  cas,  on  peut  traduire 
à  peu  près  à  coup  siM',  tant  sera  fréquente  pendant 
tout  le  moyen  âge  l'évocation,  par  les  imagiers  et 
sculpteurs,  d'animaux  jouant  de  la  harpe. 


MOYEN  AGE    (llOO  A   1450) 
Irlande. 

Dès  le  début  de  celte  période",  les  Irlandais  possè- 
dent deux  sortes  de  harpes,  de  formats  dilTérents  : 
l'une  très  petite,  à  l'usage  des  missionnaires  reli- 
gieux; la  grande,  à  l'usage  des  harpistes  de  métier. 
M.  li.-B.  Armstrong  détermine  de  la  façon  suivante 
les  caractéristiques  de  la  grande  harpe  :  le  corps 
sonore  (fco.t' ou  tnmk)  est  invariablement  creusé  dans 
un  morceau  de  bois  massif;  à  l'origine,  la  table 
d'harmonie  est  plate,  par  la  suite  elle  sera  légè- 
rement lenHée  le  long  de  la  ligne  médiane,  à  l'en- 
droit où  s'insèrent  les  cordes,  protégées  des  frolte- 


—  Abbé  Cocbel,  Catal.  du  Musée  d'antiquité-;  de  Rouen,  Kouon,  1808, 
p.  58. 
S.  I.a  Bordcrie,  Hist.  de  Brctayne,  111,  p.  29. 

9.  Kd.  Farai..  Les  Jongleurs  en  France  au  moyen  dge,  Paris.  1910, 
p.  283.  Cf.  aussi,  ib.  100  (Merlin). 

10.  Ed.pARAt,,  in  J.  Bédieret  V.  lla/ard,  [list.  Utt.,op.  cit  ,  l.p.  29. 

11.  Bibliographie.  —  B.  de  Roquoforl-Flaméricourl,  De 
l'État  lie  la  pucsie  [runçiiise  dans  les  dou:ièiiie  el  treizième  siécle.<!, 
Paris,  1816,  pp.  112-110.  —  F.  Perne,  Sur  les  instruments  de 
musique  au  moyen  tige  [Rei'.  mus.,  Fëtis,  II,  pp.  457-481).  — 
Bottée  de  Toclmon,  op.  cit.  ot  Dissertation  siir  les  iiislrunienls  de 
mnsiiiue  an  moyen  âge  {Mém.  Société  roij.  des  antiquaires  de  France, 
lS3S-IS4i'.  —  C.  bE  ConssEMAKEE,  Essai  sur  les  instruments  de 
musique  [Annales  urchéol.  de  Didron,  I.  III).  —  H.  von  Hetbebg, 
'iur  Gesch.  der  ilusikiiistr.  [Anzeiger  fur  Kundc  der  drutsclieu  Vorzeit, 
Nurnberg,  1S60.  —  A.-W.  Ambbcs,  Ceseh.  der  Musik,  II,  Ureslau, 
1864,  liv.  I,  ch.  l'r.  —  Anloiiy  Méray,  La  Vie  au  temps  des  Irou- 
vcres,  Paris,  1873,  pi>.  159  sqq.  —  J.  Bowi.e,  HemarliK  an  some 
ancient  in^tr.  menlioned  in  tlie  linman  de  la  Rose  [Archxoloyia,  Lon- 
dres, VII,  214).  —  H.  Lavoix,  La  Musique  dans  l'Ymagerie  in 
moyen  âge,  op.  cit.  —  E.  d'Adriac,  La  Corporation  des  ménétriers, 
Paris,  1880.  —  H.  I.AVoix,  La  Musique  au  temps  de  saint  Louis, 
in  Gaston  Ravnadd,  Recueil  dt  Motels  français  des  douzième  et  trei- 
zième siècles,  II,  Paris,  1881.  —  A. -M.  Schi.etterer,  Ilie  Altnen 
moderuen  MusiUinslrumenle  [Summluug  mus.  Vortrage ,  P.  Graf 
Waldersee,  4«série,  1882),  el  Gesch.  der Spielmannszunft  in  Vran- 
kreich,  Berlin,  1884. —  O.  Fleischer,  Die  Musikinslr.  des  Aller- 
lums  nnd  Mittelulters  (Hermann  Paul's  Grundriss  der  germ.  Philo- 
logie, III,  567  sqq.).  —  H.  Leichtentritt,  Was  lehren  uns  die 
Rildwerke...  [Sammelh.  I.  M.  G.,  VII,  p.  315). 


TECilNKjUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA   HARPE    1913 


ments  par  les  petites  pièces  métalliques  appelées  : 
souliers  des  cordes  (shors  of  strinns).  A  la  base  du 
corps  sonore  est  une  sorte  de  talon  de  bois  destiné 
à  en  supporter  le  poids  et  à  le  f,'arantir  des  cliocs; 
deux  ouïes  sont  percées  dans  la  table,  vers  la  gauche 
par  rapport  au  liarpisle  jouant'. 

La  colonne  est  garnie  de  bandes  de  cuivre  ou  d'ar- 
gent qui  la  renforcent  et  l'ornent  à  la  fois.  Il  arrive 
que  la  tension  des  cordes  la  dévie  vers  la  gauche  :  on 
rajoute,  en  ce  cas,  de  nouvelles  bandes  de  métal. 

La  console  est  robuste,  présente  souvent  une  sec- 
tion en  forme  de  T;  on  la  surélèvera  au  nvii^  siècle, 
et  on  la  raccordera  à  la  console  par  une  couibe 
beaucoup  plus  hai-die. 

Les  chevilles  sont  en  métal,  en  bronze  la  plupart 
du  temps,  presque  loujours  ciselées  et  ornées;  elles 
traversent  la  console  de  droite  à  gauche  et  sont  per- 
cées à  gauche.  Pas  de  sillets  pour  mettre  rigoureu- 
sement les  cordes  sur  un  plan. 

Les  cordes  sont  métalliques.  «  Ils  se  servent  de 
cordes  d'airain  et  non  de  cuivre,  »  dit  (iiraldus  Gam- 
brensis  au  xii°  siècle  %  parfois  même  d'argent,  d'a- 
près un   poème   de    la    même  époque  allégué   par 

O'ClRUY. 

Seuls,  les  harpistes  de  second  ordre  usaient  de 
cordes  de  cuir  {leathcr  thoixjs^]. 

Le  raffinement  de  la  construction  était  extrême. 
L'n  artiste  dessinait  la  forme  de  l'instrument,  un  me- 
nuisier la  découpait,  un  orfèvre  fournissait  les  orne- 
ments d'or,  un  décorateur  achevait  d'embellir  le 
tout.  Un  spécimen  mngnilique  a  été  conservé  et  resie 


FiG.  974.  —  Harpe  de  Brian. 

exposé  au  Musée'  de  Dublin,  sous  le  nom   de  Brian 
Boru's    harp;   ou   a,   en  ellet,    longtemps    supposé 


1.  li.'B.  AiiMSTFiuN.;,  0/1.  cit.,  pi).  27-îi9. 

2.  Topographitt  Inbernicii,  éd.  Biraock,  V,  p.  154. 

3.  Vallancey,  Collectanen  de  rébus  hibernicis,  II,  235. 


qu'elle  avait  appai'tenu  au  roi  Brian  lîoriimha,  tué  en 
lOU  à  la  bataille  de  Clontarf.  11  semble  établi  que 
cette  harpe,  dont  les  vicissitudes  sont  excellemment 
racontées  dans  l'ouvrage  de  M.  W.-H.  (Irattan 
Flood'',  date  de  1220  environ,  et  fut  envoyée  d'Ir- 
lande en  Ecosse  par  le  roi  de  Thoniond,  comme  ran- 
çon de  son  barde,  détenu  en  captivité. 

Klle  a  :iO  cordes;  elle  mesure  environ  72  centi- 
mètres de  haut;  le  corps  sonore  est  fait  de  saule 
rouge,  la  colonne  de  chêne.  La  console  est  recouverte 
presque  entièrement  d'argent  ciselé.  Un  cristal  taillé 
y  est  enchâssé  dans  de  l'argent;  une  autre  pierre, 
enchâssée  de  même  jadis,  a  disparu.  La  console  se 
termine  par  une  bosse  blindée  d'argent,  destinée  à 
la  protéger  en  l'ornant.  Les  trous  de  la  table  d'har- 
monie, par  lesquels  sortent  les  cordes,  sont  entou- 
rés de  ligures  de  lions  (ou  d'ours).  Les  ouJes  sont 
également  ornementées. 

On  jouait  la  harpe  irlandaise,  selon  son  formai, 
maintenue  sur  les  genoux, ou  posée  à  terre;  le  corps 
sonore  appuyé  contre  la  poitrine,  face  à  l'épaule 
gauche;  les  cordes  étaient  pincées  entre  l'ongle  et 
la  chair-',  méthode  graduellement  abandonnée  à  par- 
tir du  xvi=  siècle  environ.  Lynch,  décrivant  les  har- 
pistes du  xvn=  siècle,  écrit  :  «Les  joueurs  les  plus 
accomplis  pincent  les  cordes  avec  l'extrémité  du 
doigt,  non  avec  leur  ongle,  au  contraire  de  l'habitude 
commune  en  Irlande.  Cette  coutume  est  aujourd'hui, 
sinon  tout  à  fait  bannie,  du  moins  adoptée  seulement 
par  les  plus  grossiers  exécutants,  dans  leur  désir  de 
tirer  des  sons  plus  puissants  et  de  faire  résonner 
toute  la  maison  avec  leurs  mélodies".  »  Lors  du 
meeting  fameux  tenu  à  Belfast  en  1792,  le  célèbre 
Denis  Hempso.n  jouait  encore  ainsi  avec  ses  ongles, 
seul  de  tous  les  concurrents. 

La  harpe  irlandaise  s'accordait  selon  un  procédé 
décrit  par  Bu.ming  [op.  cit.,  p.  23),  en  utilisant  succes- 
sivement unisson,  quinte,  octave,  ainsi  de  proche 
en  proche.  L'échelle  de  la  harpe  à  vingt  cordes  s'é- 
tendait de  Vut  deuxième  ligne  supplémentaire  au- 
dessous  de  la  portée  en  clef  de  fn,  au  ri-  deuxième 
ligne  au-dessus,  clef  de  soi;  elle  était,  en  général, 
accordée  en  sol  majeur;  le  premier  fa  dans  le  grave 
manquait. 

La  chronologie  assignée  par  Biinting  aux  pièces 
qu'il  reproduit  est  sujette  à  caution.  On  peut  cepen- 
dant admettre  que,  de  longue  date,  la  mélodie  irlan- 
daise présentait  les  caractères  qu'il  lui  assigne  :  deux 
sortes  d'airs,  les  uns  avec  omission  systématique  de 
la  quarte  et  de  la  septième,  les  autres  qui  possèdent 
ces  deux  degrés.  On  a  tiré  argument  de  la  première 
espèce  pour  émettre  l'idée  que  la  harpe  aurait  été 
construite  tardivement,  à  l'imitation  d'un  instru- 
ment défectif  comme  le  bagpipe.  Ces  omissions,  d'a- 
près Bunting',  ne  sont  pas  caractéristiques.  Ce  qui 
l'est,  c'est  le  rôle  important  joué  par  l'inlervalle  de 
sixte  majeure  qui  se  rencontre  dans  toute  musique 
irlandaise  ancienne.  Voici,  tiré  de  son  recueil  de  1840 
(p.  89),  un  prélude  intitulé  :  Feaghan  Geleash,  ou 
Vois  si  elie  est  accordce. 


i.  Op.  cit..  Pli.  ;i0-48  et  tig.  15.  Nombreuses  descriptions  de  cette 
harpe,  dans  Ledwich,  op.  cit.,  p.  233  et  pi.  xxiv;  Bi.ntinc.  p.  40  et 
pi.  x\xvii,  XI.,  xi.i!i;  O'CunuY,  III;  R.  B.  AuMSTiio.xt.,  I,  p.  55  et  pi.  i  à 
Mi  ;  Galpin,  up.  cit.,  pi.  IV,  Procecdiitgs  of  thc  Society  ofaittii^uaries 
of  Srolland,  1880-81,  p.  23;  Xcitschrift  dir  /.  M.  O.,  1903-1904, 
p.  24S. 

6.  Jolin  GooD  (1506;.    CtLiLl^K  (I581|,  SrANVHonsT  (1584),  cités  par 

.\llMSTHONG,  I,   36. 

6.  AltMSTItONG,  I,  36. 

7.  Op.  cit.,  pp.  13  sqq. 


1914  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Quîck  and  sj>irUed 


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L'authenticité  de  ces  textes  est  peul-ètre  assurée  : 
leur  purelé  l'est  moins:  l'enseiijuement  des  tiarpistes 
était  transmis  dans  le  plus  grand  secret,  confié  seu- 
lement à  la  mémoire.  On  n'acommenoé  que  tardive- 
ment à  recueillir  les  œuvres  traditionnelles. 

GiraldusGambrensis  a  prôné  1res  haut  l'art  des  har- 
pistes irlandais  de  son  temps  (xni'-"  siècle),  louant  la 
vivacité  —  qui  n'excluait  pas  la  douceur  —  de  leur 
jeu,  comparé  à  la  lourde  et  triste  musique  des  autres 
instruments  britanniques;  et,  dans  la  plus  grande 
vitesse,  l'égalité  de  la  mesure,  la  pureté  de  la  mélo- 
die à  travers  toutes  les  modulations  et  les  accords 
les  plus  complexes,  le  dosage  adroit  des  diverses 
sonorités,  un  art  dont  le  summum  semblait  être  de 
se  dissimuler  '. 

La  harpe,  dès  ce  moment,  joue  dans  la  vie  sociale 
irlandaise  un  rôle  important;  on  en  trouvera  de 
nomhreux  traits  dans  l'ouvra^'e  de  M.  \V.-H.  Grat- 
TAN  Flood-.  Je  noterai  seulement,  d'après  lui,  que 
l'introduction  de  la  harpe  dans  les  armoiries  et  sur 

1.  Op.  cit.,  III,  1>1,  éd.  Dimock.  t.  V,  p.  133-1.54  :  «  Non  enim  in 
his,  sicut  in  britannicis  quibus  assueti  sumus  iustrumentis,  tarda  et 
moro^a  est  moLlulatio,  vei-uni  velox  et  pra^ceps,  saavis  taraen  etjocunda 
sonoritas.  .Mirum  quod,  in  taiita  tam  pripcipiti  digitorum  jrapaeitatc 
musica  servatur  proitorlio;  etarte  per  oninia  iûdenini,  iuter  crispatus 
niodulos,  organa:iue  multipli.iter  intricata,  tam  suavi  velocitale,  tani 
dispari  paritate.  tara  disoonli  concordia  coosona  redditur  et  comple- 
lur  raelodia...  Tam  subtiliter  niodulos  intraiit  et  eseunt;  sicque,  snb 
obtuso  grossioris  cburdx-  soiiilu,  graciliuni  tinnitus  iicontius  ludunt, 
lateutius  délectant,  lascivius  dcmulcent,  ut  parsartis  maxima  videatur 
arteni  velare,  tamquam  ;  «  Si  lateat,  prosit;  ferat  ara  depre*sa  pudo- 
rem  (Ovide).  » 

-.  Op.  cit.,  pp.  52  sqq. 


les  monnaies  irlandaises  ne  date  pas,  comme  on  l'a 
souvent  dit,  du  règne  de  Henri  Vlil,  mais  bien  des 
rois  Jean  et  Edouard  I'''',  an  xiii*  siècle.  La  harpe 
avait  d'abord  tiguré  dans  le  blason  particulier  de  la 
province  de'  Leinsler. 

Deux  lies  noms  les  plus  illustres  de  cette  période 
sont  ceux  de  Maelrooniîv  O'Carroll,  chef  des  har- 
pistes irlandais,  tué  le  10  juin  13i9  à  la  bataille  de 
Bragganstown,  et  de  Carrol  O'Daly,  mort  en  1403, 
l'auteur  de  l'air  célèbre  :  Eibhlin  a  Riiin,  composé 
pour  la  jeune  fille  qu'il  enleva,  Eileen  Kavanagh. 

Pays  de  Galles.  —  .\uglelerre.  —  Ecosse. 

La  lelyn  du  pays  de  Galles  ressemble  assez  à  la 
harpe  irlandaise.  La  principale  dilTérence  est  dans 
les  dimensions  beaucoup  plus  grandes  de  la  colonne, 
qui  donnent  à  l'instrument  un  aspect  plus  élancé. 
Les  représentations  anciennes  de  la  teli/ii  nous  mon- 
trent le  dos  de  son  corps  sonore  percé  de  quatre 
ouïes  rectangulaires,  qui  l'ouvrent  sur  presque  toute 
sa  largeur;  elles  étaient  évidemment  closes  par  des 
couvercles,  ou  tendues  de  cuir,  car  une  harpe  ou- 
verte ainsi  n'aurait  pas  eu  de  son. 

L'une  des  plus  ancienjies  qui  subsistent  est  celle  du 
Musée  de  Dublin.  Elle  remonte  à  peine  au  xvii"  siècle, 
mais  sa  ressemblance  avec  la  harpe  de  la  croix  de 
.Nigg  donne  à  croire  qu'elle  correspond  bien  au  type 
primitifs.  Cette  harpe  n'est  pas  équilibrée  de  façon  à 


Cf.  H.    r.^KUM,  op.   Cit.,    p. 


TECHNIQI'E,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA    HARPE    1915 


THster  lieiioiit;  elle  devait  être  posée  contre  un  mur, 
on  suspendue  par  une  cheville,  d'où  l'usure  de  son 
pilier  (AnusTRONc).  Les  Leges  WalHca' '  nous  ap- 
prennent déjà  que  les  lehjn  des  harpistes  de  basse 
classe  étaient  montées  de  crin;  quand  l'un  d'eux, 
pour  devenir  un  musicien  plus  achevé,  éohangeail  sa 
l-li/n  contre  une  harpe  à  cordes  de  métal,  il  payait 
une  redevance  de  vinj^t-quatre  pence  au  maître 
joueur. 

La  harpe  galloise  ancienne  avait  de  douze  à  dix- 
sept  cordes  sur  un  rang,  accordées  diatoniquenient. 
Plus  tard,  au  xvii'=  siècle,  elle  en  possédera  trois 
rangs;  mais  l'hypothèse  formulée  par  Edward  Jones' 
que  cette  innovation  daterait  du  xiv  siècle,  ne  repose 
sur  rien. 

Quelle  musique  exécutait  cette  harpe  ?  Les  ré- 
ponses données  sont  extrêmement  variables.  On  a 
publié  à  Londres,  de  1801  à  1807,  sous  le  titre  de  Mi/- 
ri/riiin  Archidolugij  of  Wiiles\  un  curieux  manuscrit 
du  British  Muséum  (add.  14905)  intitulé  :  «  Musica 
neu  Beioriacth...  la  musique  des  Bretons  (elle  que  la 
régla  un  congrès  ou  assemblée  des  maîtres  de  musique, 
par  ordre  de  GrylTydd  ap  Cynan,  prince  de  Galles, 
vei-s  l'an  1100.  »  Ce  manuscrit  renferme  de  la  mu- 
sique galloise  ancienne,  transcrite  sous  le  règne 
de  Charles  l",  vers  1630,  d'après  un  original  exécuté 
un  siècle  auparavant  par  le  harpiste  William  Pen- 

LÏNN*. 


La  forme  de  la  transcription  est  étrange  :  c'est  une 
tablature  sans  les  traits  horizontaux  qui  caractéri- 
sent les  tablatures  de  luth  et  de  viole,  et  avec  une 
séméiographie  également  particulière.  On  ne  peut 
ici  en  reprendre  l'examen  détaillé,  qui  a  été  fait  par 
M.  Ernest  David  {loco  cit.).  Bien  que  Burney  ne  soit 
pas  parvenu  à  la  lire  d'une  façon  satisfaisante,  et  que 
les  transcriptions  faites,  dit-on,  par  le  violoniste 
français  Bartheleuon^,  aient  disparudans  un  incen- 
die en  ISffO,  il  est  certain  que  c'est  là  un  système 
inspiré  des  tablatures  d'orgue  ou  de  luth  de  l'époque 
de  la  Renaissance,  et  non  une  séméiographie  anti- 
que comme  le  veut  John  Pahry^  ni  même  datant  du 
vi"  siècle,  comme  le  prétend  John  Thomas". 

L'antiquité  du  contenu,  transmis,  par  conséquent, 
par  tradition  non  écrite,  jusqu'aux  xv«,  xvi«  siècles 
environ,  est  variable  et  presque  toujours  incertaine. 
Quelques  fragments  peuvent  avoir  un  passé  fort 
lointain;  ceux,  en  particulier,  qui  indiquent  les  vingt- 
quatre  mesures,  dont  nous  donnons  ici  un  extrait. 
Ces  vingt-quatre  mesures,  dont  chacune  comporte 
vingt-quatre  variations,  se  distinguaient  par  la  po- 
sition différente  des  accords,  les  variations  portant 
sur  la  rythmique;  ainsi,  chaque  harpiste,  qui  était 
tenu  de  les  posséder  à  fond,  avait  a.  sa  disposition 
une  abondance  considérable  de  clichés  techniques 
et  —  si  l'on  peut  ainsi  parler^  harmoniques  : 


Z  Mac  y  Mwn  Byr 


3  Mac  y  Belgi 


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JJjJjJ  - 


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t*  4^^  s 


SE 


Copfi 


H^  Lopiiniwr 


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Pour  les  airs,  il  en  va  autrement. 

John  Thomas  a  donné,  dans  la  deuxième  édition 
de  la  Mi/rijrian  Arcliaiology\  une  transcription  du 
prélude  du  Gosteg  yr  Halen  qu'il  date  du  vi"  siècle. 
On  pourra  juger  ici  de  son  parfum  archaïque.  Mais, 


comme  John  Thomas  ne  donne  aucune  raison  appré- 
ciable, que  d'autres  exemples  sont  bien  faits  pour 
inciter  à  la  prudence',  on  se  gardera  d'accepter  sans 
réserves  celte  chronologie  toute  sentimentale. 


Co&teg  yr  Halen. 


1.  Voypz  plus  haut,  |i.  1911J. 
,.,■■,  •*'"«":«'  <ind  i.oiliral  Helicks  nflhe  Wetsh  bards.  éd.  1794,  p.  tO» 
(il  s  appuie  sur  un  IcUe  extrémenienl  obscur  du  barde  Sios  Eos). 

3.  J)u  nom  de  Mvvyr,  nom  gallois  dOwen  Jones,  Tedileur  principal 
La  .Vijvyriam  Arcli.  :i  élé  rééditée  en  un  seul  lolume,  en  ISTOi'Lon- 
dresj.avec  un  chapitre  additionnel  par  John  Thomas. 

4.  .Sur  ce  ms.  et  ses  transcriptions  cf.  E.  David,  op.  cil.,  chap.  IX. 

5.  E.  Davjd,  op.  cit.,  p.  139. 


ti.  T/ie  Wefsh  Barper,  Londres,  1839. 

T.  .Myvyrian  Arch.  (1870),  p.  Ii38. 

S.   P.  1119. 

'J.  l'ir  exemple,  les  Gallois  (Davf.v,  Bisl.  of  enqlish  music,  1895, 
p.  S,  attribuent  à  l'air  Mona  Ruddlan  une  antiquité  à  peu  près  aussi 
haute  que  celle  de  la  bataille  de  UhuJdIan,  en  7^15.  OrM.  \V.-[1.  GniT- 
TAN  Fr.oOD  y  voit  une  simple  adaptation,  par  Moore,  d'un  air  irlandais 
du  xvii*  siècle  (p.  34), 


une  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


fifi^: 


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#  ^  •  * — '       é 


XIIi 


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2±] 


'J[Ce  que  l'on  sait  avec  cerlilude,  c'csl  la  prédilection 
des  (iallois  pour  leur  Iclijn.  Elle  apparaît  dans  le 
soin  que  prend,  vers  HOO,  le  roi  Grytfvdd  ap  Cynan' 
de  donner  de  nouvelles  lois  à  la  musique  de  son 
pays.  Irlandais  par  sa  mère,  élevé  en  Iilande  après 
que  son  père  eut  été  dépossédé  du  royaume  de 
Galles  par  un  usurpateur,  il  réorganise  à  son  retour 
les  assemblées  de  poésie  et  de  musique,  appelées 
ehleddfodau  (singulier  :  eisteddfod),  dont  la  cou- 
tume remontait  au  moins  au  vi"  siècle.  Il  préside  en 
HOil  Veisti'ddjod  de  Caerwys,  et  c'est  là  qu'il  ari-èle 
le  canon  des  vingt-quatre  mesures,  règle  la  hiérar- 
chie des  bardes,  et  le  détail  de  leurs  attributions. 
Trois  classes  de  bardes  :  poètes,  hérauts,  musiciens. 
Parmi  les  musiciens,  trois  classes  :  première,  les 
harpistes  ;  deuxième,  les  joueurs  de  crirth;  Iroi- 
sième,  les  chanteurs. 

Veistpddfod  devait  être  triennal  -,  aiuioncé  un  an  et 
un  jour  à  l'avance,  à  des  jours  de  fête  déterminés; 
réunir  des  candidats  sévèrement  sélectionnés  et 
jugés  par  des  maîtres  éprouvés.  Les  aspirants  bardes 
n'arrivaient  au  degré  suprême  de  leur  hiérarchie, 
n'étaient  nommés  pencenld  (docteur)  qu'après  trois 
cycles  de  trois  ans,  précédés  d'un  noviciat  de  trois 
ans.  Le  pemerdd  qui,  lors  de  VeUteddfod,  remportait 
le  prix  du  concours,  était  nommé  chef-barde  el  avait 
droit  à  un  siège  d'honneur  et  à  une  chaîne  d'or. 
Chaque  barde  avait  des  revenus,  terres,  émoluments, 

1.  Cf.  E.  Davjd,  op.  cil.,  p.  7i,  et  surtout  Euw.  Jù.nes,  op.  cil., 
pp.  28-34. 

2.  Sur  lu  proiiilection  des  Gallois  pour  le  cliifl're  3,  cf.  Kdw.  Junrs, 
p.  103. 


lors  des  cérémonies  publiques,  et  tournccs  de  Ch'ra 
(triennales,  suivant  chaque  eisteddfo'l,  selon  un  cir- 
cuit déterminé  à  l'avance). 

Gryll'ydd  avait,  dit-on,  pris  conseil  des  harpistes 
irlandais  qu'il  avait  pu  apprécier  sur  place.  L'amour- 
piopre  gallois  a  parfois  tenté  de  le  nier'  :  c'est  aller 
contre  le  témoignage  de  Gerald  Rarry  (Giraldus 
Cambrensis)^,  que  sa  naissance  galloise,  l'époque  à 
laquelle  il  vivait  (G.  H47-122.T),  ses  voyages  et  sa 
culture  rendent  particulièrement  plausible.  Or,  il 
écrit  dans  sa  Topogrnphia  Ilibeinica  (lU,  n)  :  u  II  faut 
noter  que  l'b'cosse  et  le  Pays  de  Galles,  l'une  à  cause 
de  sa  parenté,  l'autre  grâce  à  des  relations  commu- 
nes et  à  l'affinité  de  goûts,  rivalisent  d'émulation 
dans  l'imitation  de  la  musique  irlandaise.  » 

Il  rend  d'ailleurs  justice  à  l'art  des  harpisles  gal- 
lois en  leur  appliquant  les  termes  exacts  {mintm, 
quod,  etc.)  qu'il  avait  employés  pour  évoquer  l'art 
des  Irlandais  ". 

Quant  à  la  place  que  tient  la  harpe  dans  la  vie 
privée  des  Gallois,  il  en  donne  un  aperçu  fort  sug- 


:i.  Par  exetiiple  Tlioma'?  Sicphons  {The  Litteralurc  of  the  Kymry, 
2"  éd.,  Londres,  1870,  p.  Cil  s'eirorcc  de  limiter  l'intluenre  de  Gryffyd 
à  snn  entourii^e  jiersonnel  ;  il  n'aur.iit  eu  (ju'une  faible  action  sur  la 
musique  galloise  lelle  qu'elle  préexistait  à  son  arrivée,  déjà  solide  et 
organisée. 

4.  A  son  sujet  cf.  A.  Joly,  Etudes  aiifito-jwnnandes,  Gh^ald  le  Gal- 
lois. 2  vol.,  Cacn,  1888-1891:  Henry  bwen,  Oerald  the  Wetshman, 
Londres,  1004;  lid.-W.  Llewclyn  Williams,  introduction  .i  The  Jtine- 
riiri/  of  Wales,  Londres,  li)08.  Textes  dans  la  Roirs  édition  :  Topo- 
grnpltia  Hibernica,  V,  1807,  cl  Dcscri/iliii  Kiimbrias,  VI,  1808  (J.-F. 
Dirnock). 

5.  Descript.  Knmliri3\  I,  12(nimocl>,  VI,  180). 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 

gestif  lorsqu'il  écrit'  ;  «Les  voyageurs  qui  arrivent 
chez  eux  dans  la  matinée  sont  récréés  jusqu'au  soir 
parla  conversalion  des  Jeunes  femmes  et  les  sons 
de  la  liarpe.  Car  il  y  a  dans  chaque  maison,  à  cet 
effet,  des  jeunes  filles  et  des  harpes.  D'où  l'on  peut 
conelure  deux  choses  :  que  la  jalousie  est  aussi  peu 
développée  en  Galles  qu'elle  est  excessive  en  Irlande; 
et  que  tous  les  hommes,  dans  chaque  tribu  ou  fa- 
mille, mettent  au-dessus  de  toute  science  l'habileté 
au  jeu  de  la  harpe.  «  L'usage  d'avoir  dans  chaque 
maison  des  harpistes  domestiques  survivra  jusqu'au 
XIX'  siècle  dans  la  haute  société  galloise-. 

Pour  la  pratique  de  l'instrumenl,  on  aura  une 
idée  de  sa  constante  faveur  en  consultant  les  copieu- 
ses listes  de  harpistes  que  donne  Edward  Jones  dans 
son  recueiP,  fort  intéressant  au  point  de  vue  biogra- 
phique, sinon  d'une  chroiiologie  toujours  certaine. 

A  la  cour  des  rois  d'Angleterre,  les  harpistes  sont, 
dès  le  xii"  siècle,  mentionnés  à  chaque  instant.  Je 
n'en  reproduirai  pas  la  liste,  qui  exigerait  des  pag-es. 
Je  signalerai  seulement  le  harpiste  de  Richard  I"', 
BloiNDEL  de  Nesle  (G.  il50-C.  1200),  un  Français, 
comme  il  s'en  trouvera  plusieurs  en  1306,  lorsque 
Edouard  l»'  tiendra  une  cour  plénière  :  à  celte  occa- 
sion sont  nommés  Guillaume  le  Harpolr,  qui  est  avec 
le  patriarche  Anthony  Beck,  Gillot  le  Harpouh,  Huge- 
THUN  le  Harpoud,  Michahd  le  Harpour,  qui  est  avec  le 
comte  de  Gloucestie,  Matheu  le  Harpour,  William  de 
Gry.mesar's  le  Harpour,  Adinet  le  Hahpour'.  La  plu- 
part de  ces  noms  indiquent  une  origine  française, 
tandis  que  l'on  verra  en  France  les  harpistes  anglais 
en  particulière  faveur-'. 

Ecosse. 

Une  harpe  sculptée  sur  un  monument  du  xiv=  siè- 
cle à  Kiels*"  est  à  l'exacte  ressemblance  de  l'instru- 
ment irlandais  dit  Brian's  harp.  C'est  aussi  le  cas  des 
deux  magniliques  harpes  écossaises,  actuellement 
existantes,  connues  sous  le  nom  de  Queen'a  Mairy's 
harp  et  Laniont  harp. 

La  premiéie^  antérieure  auxv  siècle,  a  appartenu 
à  Marie  de  Lorraine,  mère  de  Marie  reine  d'Ecosse. 
Elle  est  aujourd'hui  au  musée  d'Edimbourg.  Ses  di- 
mensions sont  à  peu  près  celles  de  la  Brian's  harp. 
Elle  était  montée  de  vingt-neufcordesencuivre  jaune 
que  l'on  faisait  résonner  avec  les  ongles*.  L'accord 


LA    HARPE    1(117 


1.  lbi,l.,  10  IVI,  lS3j. 

2.  John  Rhys  et  D.  Brynmor  Joncs.  The  Wehhpcople,  Londres,  1906, 
p.  SU. 

3.  Op.  cit..  pp.  48-40. 

4.  Beriah  BoUtieUl,  Munner.s  and  Household  expen.^es  of  Enijland 
inthe  thirieentlt  and  fïftecnth  centuries,  LonJres,  ISil,  p-  Hl.  D'au- 
tres listes  de  harpistes  en  Angleterre,  in  W.-U.  Giivttas  Fi.oui.,  op. 
cit.,  passim,  et  The  engtish  Cliapel  Royal  lunlev  Henri/  V  (Sammelb. 
I.  .1/.  G.  190'.'),  .Musical  entries  in  the  english  patent  lîolls  iMusicai 
&ntiquar}j,]a\'i  1913,  p.  226  sqq.).  — J.-G.  DxLVELf.,  .1/usicaï  memoirs 
ofScotland,  Edinburgh,  1819,  chap.  VllI. 

5.  Ed.  Faral,  op.  cit.,  [).  314,  scène  de  noces  dans  La  Pri.^f  de 
CorJres  (milieu  xiu^  siècle/  : 

De  la  grant  joie  que  il  voient  entr'ox, 
Tubent  ces  gualLes,  chantent  cil  jngleor, 
Lais  lie  Bretagne  chantenl  cil  vicleor. 
Et  fl'iusrieteiie  i  ont  des  harpcor?... 

6.  H.  PASDM.  Dg.  94. 

7.  Cf.  A.-J.  Hi['Ki.NS  and  W.  Gine,  Musical  instruments,  historic, 
rare  and  unique,  Kdinburg,  1888,  pi.  ii  et  pp.  3-i.  —  D.vlveli.,  op. 
cit..  \i.  240.  —  John  Gc.vn,  An  historical  inquinj  respecting  the  per- 
formance of  the  harpe  in  the  Highlands  of  Scottand,  Edinburgh, 
1807,  pi.  u,  et  pp.  13-17.  —  Arsistoonî,  op.  cit.,  I,  168. 

8.  John  GcNN  raconte  {op.  cit.,  p.  19)  la  mésaventure  du  harpiste 
écossais  O'Kane  (wiit^  siècle),  à  qui,  pour  le  châtier  de  son  insolence, 
déjeunes  seigneurs  rognèrent  les  ongles. 


était  basé  sur  la  gamme  diatonique  avec  septième 
mineure;  on  la  jouait  posée  sur  le  genou  gauche, 
appuyée  contre  l'épaule  gauche,  la  main  gauche  tou- 
chant les  cordes  supérieures  (IIii-kins  et  Ginn).  Tout 
dans  cet  instrument  indique  l'origine  irlandaise.  De 
même  dans  la  Lamont  harp,  aussi  ancienne,  sinon 
davantage,  carelle  passe  pour  avoir  élé  apportée  du 
comté  d'Argyle,  en  1464,  par  une  jeune  fille  de  la 
famille  de  Lamont. 

Elle  devait  avoir,  h.  l'origine,  trente-deux  cordes; 
sa  console  actuelle,  raccourcie,  n'en  comporte  plus 
que  vingt-neuf.  Sa  hauteur  est,  à  quelques  centimè- 
tres près,  celle  de  la  harpe  de  Brian.  Elle  a,  à  la 
façon  des  harpes  irlandaises,  sa  caisse  de  résonance 
creusée  dans  une  pièce  de  bois  massive'. 

Inspirés  d'abord  de  leurs  modèles  d'Irlande,  les 
harpistes  écossais,  au  dire  de  Giraldus  Cambrensis'", 
non  seulement  égalaient  de  son  temps  leurs  maîtres, 
mais  encore  les  surpassaient.  Ils  usaient,  d'ailleurs, 
au  xvi=  siècle  encore,  de  harpes  ordinaires  et  de 
clurischoes  (c'est-à-dire  harpes  irlandaises),  les  pre- 
mières montées  de  cordes  de  boyau,  les  autres  de 
cordes  de  laiton  ". 

Pays  gernianiqaes. 

La  harpe, apparue  assez  tardivement,  va  connaître 
à  partir  des  minnesiinger  une  vogue  toujours  crois- 
sante. A  daler  du  xii«  siècle,  les  représentations 
figuièes  abondent,  concordant  presque  toutes  pour 
nous  donner  les  traits  d'un  petit  instrument  très 
portatif,  muni  de  neuf  à  vingt-cinq  cordes.  Il  faut, 
cependant,  excepter  celui  qui  est  attribué  à  une 
jeune  femme  (Musica]  dans  le  Hortiis  deliciarum  de 
Herrad  von  Landsberg,  abbesse  du  couvent  de  Hohen- 
burg  à  Sainte-Odile  d'Alsace'-.  Bien  que  neuf  cordes 
seulement  soient  représentées,  le  format  est  inter- 
médiaire entre  celui  d  e  la  harpe  portative  et  celui 
de  la  grande  harpe  irlandaise,  ou  galloise,  dont 
rintluence  est  ici  très  nette,  dans  le  corps  sonore, 
beaucoup  plus  développé,  et  certains  détails  comme 
les  sho'S  of  trings,  qui  viennent  manifestement 
doutre-mer. 

On  trouve  aussi,  parfois,  des  intermédiaires  enlre 
le  psallérion  et  la  harpe  :  un  manuscrit  allemand 
de  1148"  montre  un  instrument  dont  le  dessin  géné- 
ral est  celui  de  la  harpe,  avec  en  plus  une  lable  de 
psallérion  doublant  les  cordes.  .Mais  le  type  de  beau- 
coup le  plus  répandu  est  celui  de  la  harpe  légère;  la 
colonne  formant  une  courbe  convexe  par  rapport  au 
corps  sonore,  réduit  à  une  très  faible  épaisseur.  Un 
spécimen  direct  en  est  conservé  au  Musée  national 
bavarois  de  Munich.  Il  est  ainsi  décrit,  sous  le  n"  126 
du  catalogue  "  :  «  Harpe  à  vingt-deux  cordes  (actuel- 
lement absentes), marquetée  d'ébène  et  d'ivoire.  Hau- 
teur, cinquante-neuf  centimètres.  Provenance,  l'rei- 


9.  G.  Hii'KiNGS  and  Gibb,  op.  cil.,  pi.  m  et  pp.  5-0.  —  Armstrong 
op.  cit.,  1,  138.  —  Proceedinijs  of  the  Socieli/  of  antiquaries  of 
Scotland,  XV,  10.  —  W.-P.  Grattan  Fi.ood,  op.  cit.,  p.  61. 

10.  Topograph.  Hib.,  111,  n  (Dimock,  V,  là*). 

11.  ACIMSTBONC,  l,  139-140. 

12.  Ce  précieux  manuscrit,  reproduit  pour  la  première  fois  par  Ch.- 
M.  Encelhaudt  en  1818,  a  élé  détruit  en  1870  par  Tincendie  de  la  bibl- 
de  Strasbourg.  M.  Martin  Vogeueis  en  a  donné  une  étude  détaillée  : 
Die Musikin\trunirute  iin  Hortus iJcliciarum^Revue  alsacienne,  1904 
p.  08)  rt  fjuell,  n  und  Bnustrine  zu  einer  (Jeschichte  der  AJusih-  in 
Elsass,  Strasbourg,  1911.  Le  manuscrit  portait  la  date  de  1180.  La 
harpe  représentée  au  fol.  18  y  était  appelée  cithara,  et  citliarœdus, 
dans  le  texte,  traduit  par  Harpfaere. 

13.  Brit.  mus.  Harl.,  2804,  fol.  3  6. 

14.  K.-A.  BierdimpQ.  Munich,  1883,  p.  48. 


1918 


ENCYCLOPÉDIE  DE  KA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


sing.  Type  usité  du  x\'  au  sv»  sièc'e  aux  processions, 
et  joué  surtout  à  cheval.  »  Le  Musée  du  Conserva- 
toire de  Bruxelles  en  possède  un  fac-similé',  pour 
lequel  on  a  reconstitué  le  jeu  de  cordes,  accordées 
diatoniquementen  /a  majeur,  et  couvrant  trois  octaves 
à  partir  du  fa  quatrième  ligne  en  clef  de  fa. 

De  tels  instruments  sont  représentés  à  profusion  ^ 
dans  les  manuscrits  et  sur  les  sculptures  du  temps. 
Leur  nom,  dans  les  textes,  est  harfe,  ou  harpfe.  On 
trouve  parfois  aussi  le  mot  de  swaiwp,  qui  semble 
désigner  une  harpe  d'origine  anglaise  (à  ce  qu'indi- 
quent les  lexiques  hauts  allemands)'. 

Pour  la  place  que  tient  la  harpe  dans  la  société, 
ses  rapports  avec  les  poètes  et  les  chanteurs,  toute 
la  littérature  du  moyen  âge  est  là  pour  en  donner 
une  juste  idée  :  nous  éviterons  les  redites  en  exa- 
minant cette  question  à  propos  des  trouvères  et  des 
jongleurs  français.  C'est,  en  effet,  entre  les  influen- 
ces britanniques  et  françaises  qu'oscille  encore,  pour 
un  temps,  la  vie  musicale  de  l'Europe. 

Franco  et  Flandres. 

La  harpe  qui  se  répand  à  travers  la  France,  dans  tous 
les  milieux  musicaux,  des  jongleurs  aux  musiciens 
princiers,  est  semblable  à  celle  des  Minnesilnyer  : 
comme  elle  influencée,  quant  au  format,  par  la 
petite  harpe  anglo-saxonne,  mais  avec,  assez  sou- 
vent, le  corps  sonore  plus  développé  et  inspiré  des 
modèles  irlandais.  Au  reste,  aucune  mesure  précise, 
aucun  II  canon  ».  De  nombreux  instruments  nous 
sont  représentés  avec  six,  sept  et  neuf  cordes,  mais 
le  poète  Huon  de  Bordeaux,  au  xii»  siècle,  montre 
le, jongleur  qui  «  à  trente  cordes  fait  sa  harpe  son- 
ner* ». 

Si  petite,  elle  ne  peut  avoir  grande  sonorité.  C'est 
ce  que  nous  confirme  un  curieux  passage  de  la 
Ballade  du  métier  profitable  d'Eustache  Deschamps 
(xiv«  siècle),  darLS  lequel  un  jongleur  examine  les 
mérites  et  inconvénients  des  divers  instruments  entre 
lesquels  hésite  son  compère  : 

Les  tiaulx  instrumons  sont  trop  chers. 
La  harpe  tout  bassement  va, 
Vielle  est  jeu  pour  les  mousliers. 
Aveugles  chifonie  aura, 
Choro  bruit,  rolhe  ne  plaira, 
Et  la  trompe  esttrop  en  usaige. 

Un  superbe  spécimen  de  ce  modèle  délicat  et  dis- 
cret est  conservé  au  Louvre.  C'est  la  harpe  d'ivoire, 
travail  franco-flamand  de  la  fln  du  xiv=  siècle,  ou  du 
début  du  XVI"  siècle,  offerte  au  Musée  par  la  mar- 


1.  N"  14',)8.  —  On  aura  une  idfiL'  de  li  iliriirulte  qu'il  y  a  ;i  se  ren- 
seigner exactement  en  comparant  l;i  harpe  Je  Munich  et  ses  deux  fac. 
.^imile.  L'original  a  Û^.dO  de  haut  et  '22  cordes,  la  copie  de  Bruxelles 
(Catalogue  V.  Mahillon,  lit.  p.  95)  û'",56,  une  autre  copie,  à  Copenha- 
gue (Cat.  An.-.di,  Hammehich,  trad.  E.  Bobé,  1911,  n"  261),  «",ï,i  et 
20  cordes. 

2.  Cf.i.  de  llelTner-Alteneck,  Trachten,  Kunxtmerke...  vom  frithen 
Mittelalter,  2'  éd.,  Francfurt,  1889.  —  P.  Riiberl,  Die  Ulumhiievten 
Ilandsckriftcn  in  Steierynarl»,  Leipzig,  1911  (liarpes  des  Mie-siii"  siè- 
cles, en  général  de  petit  format,  et  à  10  cordes);  cf.  aussi  les  recueils 
de  reproductions  de  miniatures,  de  A.-V.  Oechelhauser^  G.  Swar- 
/enski,  F.  WlckholT,  etc. 

3.  «  Die  Herfe  heizet  swalwe  »,  m  Titnrel,  v.  2941).  On  trouve  aussi 
les  formes  Sumlbes,  siratutva,  etc.  (G.  Schade,  Altdftitschrs  Wt»'- 
U'fbnch,  Halle,  1872).  Sur  les  Minnesringer  et  leur  musique,  cf.  Alvin 
ScHUTZ,  Das  hofischeLeben  ztir  Zeii  dc.r  Alinnesarnjçr,  I,  Leipzig,  1879, 
pp.  429  sqq.  —  A.  ScHomci:'.!,  Musikatische  Spich'fiien,  Berlin,  187G- 
—  E.  Michael,  Ocsch.  des  dnuisches  VoU{es,l\',  Frihourg-en-Brisgau» 
1906,  pp.  375  sqq. 

4.  Faihl,  op.  cit.,  p.  281  (au  vers  7811). 

5.  t^ustache  Deschamps,  Poésies  morales  et  historif/ucs  publiées  par 
G. -A.  Crapelet,  Paris,  1832. 


quise  Arconati  -  Visconti.  La  caisse  de  résonance, 
reconstituée  tardivement,  est  sans  intérêt,  ilais  la 
console  el  la  colonne,  par  le  fini  de  leurs  ciselures, 
justifient  le  renom  de  cette  œuvre  d'art''.  La  déco- 
ration se  compose  de  fleurs  de  lys  et  de  sujets  reli- 
gieux, .Nativité,  Adoration  des  Mages,  Massacre  des 
Innocents,  avec  l'inscription  flamande  :  en  Bethlcan. 
L'n  monogramme,  A. -Y.,  a  été  diversement  inter- 
prété :  première  et  dernière  lettre  de  la  devise  de 
Philippe  le  Bon,  «  aultre  n'aray  •<;  ou  initiales  d'An- 
toine de  Bourgogne  et  de  sa  seconde  femme  Vsabelle 
de  Lujembourg,  ou  bien  d'Amédée  de  Savoie  et 
Yolande,  tille  de  Charles  Vil. 

L'instrument  est  de  très  petit  format;  sa  hauteur 
ne  dépasse  pas  quarante-deux  centimètres,  sa  largeur 
vingt-trois  centimètres;  il  est  (ait  pour  èlre  tendu  de 
vingt-cinq  cordes.  C'est  bien  là,  avec  un  raffinement 
de  présentation  qu'on  ne  peut  prétendre  habituel,  — 
mais  la  forme  et  les  dimensions  courantes,  —  la 
harpe  des  mt'neitrel.'i  et  des  jongleurs  dont  les  minia- 
tures et  les  sculptures  du  moyen  âge  nous  fournis- 
sent des  milliers  de  répliques". 

La  harpe  au  moyen  âge  est  intimement  liée  aux 
faits  et  gestes  des  jongleurs  d'abord,  puis  des  ménes- 
trels et  harpeurs  spécialisés.  On  ne  peut  prendre,  pour 
toute  cette  période,  de  meilleur  guide  que  M.  Ed. 
Earal,  dont  le  livre',  paru  en  1910  (en  résumé  dans 
l'Histoire  Littilraire,déysi  citée,  de  Bédier  et  Iktzard), 
annule  un  nombre  considérable  de  travaux  anté- 
rieurs, dont  je  renonce  à  surcharger  la  Ijibliogra- 
phie  de  cet  article. 

Les  jongleurs,  héritiers,  non  des  bardes  ni  des  scdps 
(chanteurs  anglo-saxons  qui,  à  partir  du  vii^  siècle, 
allaient  d'une  cour  princière  à  une  autre  chanter  les 
louanges  des  grands),  mais  des  mimes  latins  qui  en- 
vahirent l'Europe  occidentale  dès  le  début  du  moyen 
âge,  — •  ne  sont  pas  seulement  gens  de  théâtre,  mais 
baladins  de  carrefours.  On  les  trouve  de  l'açon  cer- 
taine (joculares  ou  joculatores)  au  ix<=  siècle,  ce  qui  ne 
signifie  pas  qu'ils  n'aient  pas  existé  antérieurement. 
Ils  prendront  le  titre  de  ménestrels  (à  l'origine  qua- 
lificatif de  tous  les  bas  officiers,  gens  de  maison), 
quand  les  seigneurs,  non"  contents  d'accueillir  les 
jongleurs  errants,  en  conserveront  à  demeure,  atta- 
chés à  leur  service  ■'. 

Le  nom  de  méuwO'?/ bientôt  ne  s'appliquera  plus 
qu'au  jongleur  (xiii=  siècle),  et  finira  par  désigner 
toute  la  corporation,  le  litre  se  dégradant  par  là 
même  sensiblement.  Au  x\"=  siècle,  la  Rite  aux  Jon- 
gleurs (emplacement  de  la  rue  Uambuteau)  devient  la 
Rue  des  Ménétriers. 

Le  harpiste  pendant  longtemps  n'est  pas  étroite- 
ment spécialisé  :  u  L'industrie  du  jongleur  e>>l  extrê- 


6.  Fig.  110  de  E.  Molinier,  Cat.  îles  huires  du  .Wiw('f  </ii  Louore, 

1896.  Cf.  aussi  E.  Molinier,  Un  Doti  récent...  [l'Art,  LUI,  p.  182). 

A.  de  Chanipeaux,  La  Harpe  d'ivoire  du  Musée  du  Louvre  {Chronique 
des  Arts  et  de  la  Curiosité,  1895,  n"  12).  —  A.  Maskcll,  liiorics.  l.oti^ 
drcs,  l»Oi,  pp.  .?0l-303.  —  F.  Vat.dkichi,  .Uemurie  delta  reij.  ace.  in 
.Vodena,  2-  série,  t.  X.  1894,  p.  46. 

7.  Pour  l'iconographie  de  la  harpe  au  moyen  âge,  rf.  les  ouvrages 

déjît  cites  de  CoOS-^KMAKRR,  BoTTtE  DK  ToUI.MuN,   H.LaVOIX  tils,  H.  LkICH- 

TENTiirrr,  les  recueils  et  fac-similé  iléjil  cites,  plus  ceux  de  Durrieus, 
Omonl,  W.  de  Gray-Birch,  11.-11.  Uumplireys.  Willemin,  .tJonumenl.i 
français  inédits,  3  vol..  Paris,  1839.  —  M.  A.  Bacinet,  Le  Costume  liis. 
torique,  Paris,  1888.  — A.-J.  IIipkins.  Tlie  .Musical  Instruments  of  the 
Anç/els  représentée  in  tke  ear/y  ita/innpninliui/s  in  thc  National  Oal- 
lery  (The  Hobby  Horse,  Londres,  1893.  n»l).  —  ScHEiini.niia.  Iconngra. 
phie  des  inslr.  de  musique,  La  Haye,  1914.  —  M.  SAUKrii.ANDï,  Die 
.Vusilc  in  fûnf  Jakrh.  der  europaiscker  .Malerei,  Leipzig,  1922.  — 
CtiiiT  MonEOK,  Die  Musilc  in  der  Malerei,  Munich.  10_'4. 

8.  Les  Jongleurs  en  France  au  moyen  dye, 

9.  Ed.  Fabal,  passim. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQCE  ET  PÉDAGOGIE 


LA    HARPE    1919 


raement  complexe  et  mêlée.  Celui  qui  chante  de 
fçeste  saura  aussi  conter  un  fabliau  :  le  tombeur 
(acrobate)  clianlera  des  lais  d'amour.  Le  musicien 
sera  acrobate;  le  harpeur  considère  de  son  métier 
déjouer  aux  dés  ou  aux  échecs'.  »  Dans  le  Roman 
des  deux  baurdeurs  ribauds  (fin  du  xiii"  siècle),  l'un 
des  deux  compères  expose  ses  divers  talents  : 

Je  suis  jugleros  de  viele 
Si  sai  de  muse,  et  de  frestele 
Et  de  harpe,  et  de  chifonie, 
De  la  .aiguë,  de  l'arinonie; 
E  del  salteireet  en  la  rote 
Sai  ge  bien  chanter  une  note. 

De  nombreux  passages  développent  ce  même  thème 
de  l'universalité  des  talents  du  jongleur. 

De  même,  dans  ses  rapports  avec  le  trouvère,  il  y 
a  des  modalités  dilîérentes.  En  général,  le  trouvère 
compose  le  poème,  le  j'ony/eur  est  chargé  de  l'exécu- 
tion, chant  et  accompagnement.  Mais  il  arrive  que 
le  jongleur  soit  capable  de  composer  aussi,  s'élevant 
au-dessus  delà  classe  des  simples  bateleurs.  11  ap- 
porte sa  harpe  à  la  fin  des  festins  : 

Quand  les  tables  osti^es  furent 
Ciljugleur  en  pies  esturent 
S'ont  vielles  et  harpes  prises 
Chansons,  sons,  lais  et  reprises 
Et  de  gestes  chanté  nos  ont-. 

Au  contraire  de  la  plupart  des  instruments,  le  sien 
est  agréé  des  nobles.  Dans  le  Roman  de  Horn  (xii°  siè- 
cle), un  épisode  rappelle  singulièrement  l'histoire  de 
Caedmon  : 

A  r.DFER  en  après  fu  la  harpe  baillée 

Et  del  lai  qu'il  fit  fu  la  note  escotée 

Loez  l'unt  quant  il  vint  jeke  h  la  finée 

Tut  en  reng  en  après  fu  la  harpe  liverée 

A  chescun  pur  harper  fu  la  harpe  commandée, 

Chescuns  i  harpa,  vileins  seit  qu'il  devée 

En  cet  tens  surent  tuit  harpe  bien  manier. 

Gum  plus  ert  cartels  hora,  tant  plus  sot  des  métier  \ 

L'instrument  en  reçoit  un  grand  prestige.  El  l'on 
voit  dans  le  Roman  de  Perceforèt,  les  lais  accompa- 
gnés par  la  harpe  dévolus  au  seul  roi  des  méndlriers 
Paustonnet'.  Dans  Daurel  et  Béton,  le  harpeur  Dau- 
HEL  reçoit  de  son  seigneur,  à  titre  héréditaire,  le 
château  de  iMontclar».  Dans  le  Roman  d'Alexandre, 
c'est  la  ville  de  Tarse  qui  échoit  en  présent  à  un  har- 
peur'''. Aussi,  n'est-on  pas  surpris  de  voir,  dans  Aucas- 
sin  et  Nicoicttc,  le  harpeur  en  brillante  compagnie, 
lorsque  Aucassin  exprime  son  désir  d'aller  en  enfer 
pluti^t  qu'au  ciel  : 

«  El  s'i  vont  les  bêles  dames  cortoises,  que  eles 
ont  deux  amis  ou  trois  avec  leur  barons,  et  s'i  va  li 
lors  et  li  argent  et  li  vairs  et  li  gris,  et  si  i  vont  har- 
peor  et.jogleor  et  li  roi  del  siècle^  » 

Au  xv"  siècle,  nous  verrons  à  plusieurs  reprises  les 


1.  Faiial.  op.  cit. y  p.  8d. 

2.  Hugues  de  Bercy.  Tournoinmpnt  (V Antéchrist  (milieu  du  xiii*  siè- 
cle), citt'î  par  A.  Dinaux,  tes  Tronréres  camôn'-siens,  1834.  p.  18.  Des 
épisodes  an.ilogues  dans  Diinnar  le  Gatlois.  Erec,  le  Bel  Inconnu,  le 
Roman  de  Brut,  Aymeri  de  Narbonne  (f'AiiAL,  passim).  —  Cf.  aussi 
le  passage  célfbre  de  lu  Prise  d'.ilexanrlrie,  de  Gc[ll4lme  de  Machact 
fxiv"  siècle,  aux  vers  11-10-II70  de  l'éd.  Mas-Latrie,  Genève,  1877), 
auquel  E.  Tbavfus  a  consacré  une  élude  (vieillie)  :  li:s  Instr.  de  mus. 
au  quatofzième  siècle  d'après  Guillaume  de  Machaut,  IJaris,  1882. 
Une  récente  thèse  soutenue  sur  le  môme  sujet  ,i  l'Ecole  des  Chartes 
(D.  Pauekt)  n'a  pas  encore  été  publiée. 

3.  Citépar  A.-\V.  A.MIÎROS,  Gesc/i.  der  .l/usiA-,  II,  Leipzig,  1830,  p.  28. 

4.  Bottée  de  Todlmon,  Dissertation  sur  les  inslr.  de  mus.,  op.  cil 
118«). 

a.  Fahal,  p.  83  (xu'  siècle). 

6.  Ibid.,  p.  112. 

7.  Fatial,  p.  283. 


chroniqueurs  et  les  poêles  exalter  la  gloire  de  vir- 
tuoses particulièrement  estimés.  Dans  sonChampioii 
des  Dames,  Martin  le  Franc  s'exclame  avec  orgueil  : 

Ne  face  mention  d'Orphée 
Dont  les  poètes  tant  descripvent  : 
Ce  n'est  qu'une  droicle  fatfée 
Au  regard  des  harpeurs  qui  vivent, 
Qui  si  parfaictement  avivent 
Leurs  accors  et  leurs  armonies, 
Qu'il  semble  de  fait  qu'ils  escripvent 
Aux  angéliques  mélodies*. 

Guillebertde  Metz,  vers  le  même  temps,  regrette 
déjà  une  splendeur  qu'il  considère  comme  ^révolue  : 
«  Grande  chose  étoit  de  Paris...  quand  y  conver- 
soient  Guillemain  Dancel  et  Perrin  de  Sens,  souve- 
rains harpeurs,  Cresceques,  joueur  de  rebec;  Chy- 
NEDUNY  le  bon  corneur  à  la  turelurette  et  aux  fleutes, 
etc.'-'.  »  D'autres  noms,  antérieurs  même  à  ceux-ci, 
nous  ont  été  conservés.  Celui  de  Copin  de  Brequin, 
roydesmenestereuIx,qui  reçoit  t.3s.4  d.,  enmai  1360, 
pour  une  harpe  achetée  au  commandement  du  roi 
Jean  pendant  son  séjour  en  Angleterre;  en  1403,  de 
Colin  Julienne,  harpeur,  qui  reçoit  40  s.  «  pour  sa 
peine  et  salaire  d'avoir  mis  à  poinct  la  harpe  de  la 
royne  d'Angleterre  qui  estoit  toute  rompue,  et  y 
avoir  mis  des  chevilles  et  encordé  tout  de  neuf'"». 

Philippe  le  Hardi  a  des  harpistes  à  son  service,  à 
partir  de  1375  :  Gautier  l'Anglais,  puis  Raudrnet 
KnEs,\EL,  qui  reçoit  en  une  seule  fois  trente  francs 
"  pour  avoir  une  harpe  »,  et  vingt  francs  «  pour  un 
chevaul  pour  lui  monter"  »  ;  il  fait  de  temps  en  temps 
un  présent  à  des  harpeurs  de  passage. 

Charles  d'Orléans  a  pour  la  harpe  la  même  prédi- 
lection que  sa  mère  Valentine,  qui  en  jouait  fort 
bien  :  il  a  à  son  service  Jean  de  Jondoione  el  Jean  Petit 
GAY'-.On  a  conservé  deux  curieuses  quittances  du 
luthier  île  Valentine  Visconli,  en  date  du  17  janvier 
1400  el  du  29  mars  1401.  Dans  la  première,  Lorens 
nu  Hest,  faiseur  de  harpes  à  Paris,  reconnaît  avoir 
reçu  de  son  trésorier  la  somme  de  trente-deux  sous 
parisis  «  pour  avoir  rappareillé  et  mis  à  point  deux 
des  harpes  de  Madame  la  Duchesse,  esquelles  il  a 
fait  et  mis  broches  et  cordes  toutes  neufves,et  ycelles 
recollées  là  où  mestier  estoit;  et  en  l'une  d'icelles 
fait,  taillé  et  assis  un  fond  tout  neuf».  Dans  la  se- 
conde, trente-six  sous  parasis  «  pour  avoir  rappa- 
reillé et  reffaicte,  et  mise  à  point  la  belle  harpe  de 
.Madame  la  Duchesse.  C'est  à  savoir  lecolé  le  bel 
baston  qui  estoit  rompu  en  deux  lieux,  et  avoir  taillé, 
mis  et  assis  en  icellui  une  pièce  de  bois,  et  avoir 
reffait  tout  neuf  le  fond  d'icelle  qui  avoit  esté  tout 
froissiez  et  rompus,  et  ycelle  avoii'  garnie  de  broches 
et  de  cordes  '''  ». 


8.  Champion  des  Dames,  f»  :Î72.  L  ouvrage,  composé  vers  144u.  est 
édité  à  Lyon  vers  1485.  Cf.  Arthur  Piagct,  .Martin  le  Franc,  prévôt  de 
Lausanne,  Lausanne,  1888.  Le  passage  a  été  cité,  avec  un  commen- 
taire hasardeux,  par  V,  dcr  Stuveten,  La  MiLiique  aux  Pays-Bas,  IV, 
187S,  p.  117.  —  C/'. aussi  A.GAsTunE,  La  Musique  â  Avignon  \  Hii:.  mus. 
ittd.,  1904.  p.  278).  —  Faffep  :  plaisanterie,  sornettes. 

0.  Description  de  la  Ville  de  Paris,  édit.  Leroui  de  Lincy.  1893, 
p.  84  (cité  par  M.  Bbenet,  Les  Concerts  en  France  sous  l'ancien 
ri'ijime,  p.  ',!).  Le  ms.  de  Guillebert  est  de  1434,  mais  il  a  Irait  au 
début  du  siècle. 

10.  L.  Uouët  d'Arcq.  Comptes  de  l'Argenterie  des  Itois  de  France 
au  quatorzième  siècle,  Paris,  1851,  pp.  248  et  382. 

il.  M.  BnENET,  .Musique  et  musiciens  de  l'ancienne  France,  1911, 
p.  il.  —  Cf.  aussi  I!.  Prosl.  Liste  des  artistes  mentionnés  dans  les 
Etats  de  la  maison  du  roi  lArchioes  historiques,  artistiques  et  litté- 
raires. I.  1889|  :  nombreuses  mentions  de  harpistes  attachés  à  de 
nobles  personnages. 

12.  Pierre  Champion,  Fie  de  Ch.  d'Orléans,  Paris,  1911,  pp.477sqq. 

13.  II.  BERNHAnii,  Reçkerches  sur  la  corporation  des  ménétriers 
Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Charles,  IV,  18 12,  p.  530). 


1920 


ENCYCLOPÈUIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIO.V.VAIRE  DU  COXSEHVATOIRE 


Ciiarles  VII,  en  1413,  ac.liéte  cent  livres  tournois 
«  une  belle  harpe  bien  ouvrée  à  notre  devise,  que 
nous  avons  voulu  avoir  et  icelle  faire  acheter  pour 
nous  esbattre  et  faire  jouer  devant  nous'  ».  Isabeau 
de  Bavière,  en  cela  du  moins,  partage  ses  goûls^. 
On  pourrait  allonger  à  l'inPini  la  liste  des  barpeurs 
princiers,  à  partir  du  xv=  siècle,  tant  en  France  que 
dans  les  Pays-Bas,  où  la  harpe  tient  de  plus  aux 
processions  une  place  particulièrement  importante^, 
qu'en  Italie,  où  Dante  la  cite  déjà  dans  son  Paradis 
(XIV,  H8),  où  les  facteurs  d'instruments  la  fabri- 
quent avec  lin  art  consommé'',  où  les  tableaux  de 
maîtres  la  représentent  à  l'envi.  Elle  interwent  peut- 
être  comme  cause  efliciente  dans  les  amours  de  la 
malheureuse  Parisina  d'Esle  et  de  son  beau-fils  Ugo 
qui,  après  s'être  détestés,  furent  pris  de  passion  l'un 
pour  l'autre,  et,  surpris  ensemble,  décapités  le  -1  mai 
142o  par  ordre  du  mari  otlensé.  La  musique,  la  harpe 
en  particulier,  était,  jusiiu'à  la  veille  du  drame,  leur 
distraction  quotidienne  :  ce  n'est  pas  l'imagination 
des  romanciers  qui  nous  livre  ce  détail,  mais  la 
comptabilité  de  la  cour  d'ICste,  où  M.  F.  Valdrighi  a 
relevé^  les  payements  fails  aux  luthiers,  d'ordre  de 
Ugo  et  de  Parisina. 

Placée  à  la  jonction  des  civilisations  française  et 
italienne,  la  cour  de  Savoie  n'est  pas  moins  férue  de 
harpe.  On  y  voit  employer,  entre  1.373  et  1 175,  avec 
un  DoNATO  DE  VE.\'isE,des  Franco-Belges  comme  Bey- 
NAUD,  Jean  d'Ostende,  Guillaume  le  Paiiisien,  François 
DE  Larpe,  Ja.ni.x  de  Larpe''. 

En  Espagne,  le  magnifique  portail  de  la  Gloire,  de 
l'église  de  Santiago  de  Compostelle,  en  Galicie, 
sculpté  par  Master  Mateo  en  1188,  nous  présente 
déjà,  avec  sa  clef  à  accorder,  une  petite  harpe  du 
modèle  courant.  Ce  qui  redouble  l'intérêt  de  celte 
œuvre  fameuse,  c'est  la  réunion  en  orchestre  —  ana- 
logue à  celle  de  Saint-Georges  de  Bocherville  —  de 
tous  les  instruments  connus,  harpe,  psaltérion,  vielle 
pincée,  chifonie,  etc.  La  harpe  revient  dans  plu- 
sieurs motifs  sculptés  de  la  même  église,  parfois 
associée  à  la  tlùte  double.  J'ai  déjà  cité  (page  1899), au 
XHi"  siècle,  l'instrument  de  type  assyrien  assez  sur- 
prenant ligure  dans  le  Libro  de  losjiicijos  d'ALPHO.vsE 
LE  Savant. 

A  partir  de  cette  époque,  outre  de  nombreuses 
mentions  anonymes  conservées  dans  les  pièces  d'ar- 
chives'', nous  voyons  à  la  cour  d'Aragon  un  toccador 
de  arpa,  Hanequi,  probablement  venu  de  Flandre*, 
en  1388;  en  1437  un  Italien,  Piero  da  Gaeta'.  C'est 
d'ailleurs  en  Catalogne  surtout  que  lleurit  l'art  de  la 
harpe.  On  y  cite  au  xiv^  siècle,  outre  Hanequi,  les 


1.  Chartes  royales,  XIII,  099.  Cité  |)ar  H.  Lvvuix,  Hist.  de  l'ins- 
trumcntiitioti,  137S,  p.  13. 

2.  Cf.  B.  liKiiNHAiii),  op.  cit.,  |>.  5S0. 

3.  Cf.  V.  DER  Straf.tek,  Musique  aux  Pays-Bas,  IV  (1878). pp.  i4i.l, 
107,  246,  256,  etc.  :  harpes  aux  processions  à  Grammont,  Tcrmonde, 
Audenarde,  Bruges,  etc. 

4.  A  Feri-are,  en  14-24,  Rinaido  d'Iacopo  da  Coruiai ,  in  L.-F.  Val- 
DiiiGHi,  Nomocheliurfjografia  [Mem.acc.  Modena,  2«  série,  t.  Il,  1884, 
p.  238).  —  Cf.  aussi  Km.  Motta,  Musici  alla  corte  degli  Sforza  (Ar- 
chivio  storico  lombardo,  2*'  série,  t.  IV,  1887,  p.  56). 

5.  Op.  cir,  pp.  119,  235-240. 

6.  Cf.  A.  1)ufoi;h  et  F.  R\Bor.  Les  Miisicieits,  la  ntu^ique  et  les 
instr.  en  Savoie  {.Mèm.  de  la  Sociétf'  savoisienne  d'hist.  et  d'archéo- 
logîCf  XVII,  1878,  p.  13  sq<|.).  —  G.  BoncHEZzio,  La  Fondazione  del 
Collegio  nuovo  puerorum  innocentiwn  del  Duomo  di  Torino  [iVote 
d'an  hivio  per  la  storia  musicale,  Rome,  I,  3). 

7.  Cr.  Encyclopédie  de  la  Mu.^ique,  chap.  relatifs  ù  l'Espagne 
(M.  Mitjana)  et  au  Portugal  (A.  LAMutuTmi).  —  F.  Pëdheli,,  Emporio 
cientifico  e  historico  de  orqanographia  antigua  espailolâ,  Barcelone, 
1901. 

3.    V.  DEO  SrnAiîTEN,  VII  (1883),  p.  73. 
9.  L.-F.  VALDaicHi,  op.  cit.,  p.  242. 


ministrerx  de  harpe  Armer,  Fonte.ny.4,  Martinet,  etc. 
En  1394,  Juan  I'''  d'Aragon,  demandant  à  l'un  de  ses 
organistes  de  lui  envoyer  des  instruments  d'Alle- 
magne, lui  enjoint  d'excepter  les  07-gU''s,  échiquiers, 
rotes,  harpes,  dont  il  a  à  profusion'". 

Les  peintures  des  églises  catalanes,  Barcelone, 
Vie,  etc.,  conlirment  pleinement  les  témoignages  des 
archives.  Les  instruments  représentés  sont  sembla- 
bles, soil  à  celui  de  Santiago  de  Compostelle,  soit, 
avec  un  développement  plus  grand  du  corps  sonore, 
à  la  harpe  irlandaise  dile  de  Brian. 

Teiine  el  technique  priniilivesa 

Nous  pouvons,  en  rassemblant  les  documents  de 
toute  sorte  que  nous  fournit  le  moyen  âge,  nous 
faire  une  idée  approximalive  de  la  tenue  et  de  la 
technique  primitives  de  riuslrument.  Les  représen- 
tations figurées  nous  montrent  la  liai'pe  jouée  de- 
bout (c'est  le  cas  surtout  lorsqu'elle  est  jouée  en 
orchestre  dans  les  cortèges,  en  France  et  dans  les 
Flandres;  en  Allemagne,  il  arrive  même  qu'on  l'at- 
tribue à  des  cavaliers).  Elle  est  parfois  pendue  au 
cou  de  l'exécutant,  comme  le  montrent,  outre  les 
miniatures,  ces  vers  du  Roman  de  Brut  (vers  H3o) 
où  Baldulf,  pour  pénétrer  dans  une  ville  assiégée,  se 
déguise  en  jongleur  : 

At  siège  ala  comme  joslere 
Si  fainst  que  il  estoit  harpere 


Une  harpe  prist  o  son  col'i. 

Plus  souvent  encore,  on  la  joue  assis,  appuyée  sur 
les  genoux.  Dans  de  nombreuses  miniatures,  elle  est 
représentée  sortie  à  moitié  de  la  gaine  d'étolTe 
souple  dans  laquelle  on  l'enveloppait  pour  la  trans- 
porter »  comme  quelque  chose  que  l'on  emporte 
avec  soi  tous  les  jours,  en  manière  de  vade-mecum'^  ». 

On  en  voit  un  excellent  exemple  dans  un  manuscrit 
du  Roman  d'Ale.vandre  (xiii«  siècle),  reproduit  par 
MM.  J.  Bédier  et  Hazard  dans  leur  Histoire  de  la  Lit- 
térature française'^. 

Le  Harpiste  s'accordant  est  un  des  poncifs  de 
l'imagerie  du  moyen  (âge.  Nous  le  voyons  sur  le 
chapiteau  de  l'église  de  Saint-Georges  de  Bocher- 
ville, dans  les  miniatures  des  x"=  au  xv"^  siècle,  en 
abondance  ''.  La  clef  d'accord  dont  il  se  sert  est  gé- 
néralement massive,  ornée  vers  l'extrémité  qui  sert 
de  poignée  soit  de  fleurs  de  lys  (Brit.  Mus.  harl.  745 
interprété  à  tort  par  M.  Hughes-Hughes  comme  un 
pleclre),  soit  de  têtes  d'animaux  ou  de  monstres. 

Comme  l'accord  empirique  de  la  harpe  était  chose 
assez  délicate,  on  lui  donnait  une  extrême  impor- 
tance. La  Lumière  as  lais,  un  manuscrit  français  du 
xiV  siècle  dans  lequel  la  science  du  temps  est  vul- 
Karisée  à  l'usage  des  laïcs  ignorants  du  latin' ',  con- 
tient un  curieux  paragraphe  : 

iLi.  F. -A.  BAiiun:i{i,  appendice  .à  La  Mmica  en  Gerona,  de  Joliak  de 
CHiAjGcrone.  188ti.  —  HiniNi  Anules,  Els  ministers  [lievista  musical 
catalana,  XXII,  1925,  p.  238. 

11.  Ed.  Faral,  op.  cit.,  p.  147  (vers  0336  sqq.  du  ftoman). 

12.  P.-Cl).  Cahier,  Caractéristiques  des  saints  dans  l'art  populaire, 
II,  Paris,  1867,  p.  568. 

13.  Op.  cit..  1,  4.  C'est  le  ms.  fi'ançais  54364,  Bibl.  nat.  —  De  sem- 
blables fourreaux  représentas  dans  les  ms.  anglais  du  lîritish  .Muséum, 
add.  240S6.  fol.  Il  (vers  1280).  add.  21920.  fol.  26  (xiii'),  ou  français, 
15,  D.  a  {ibid.). 

14.  Edw.  BuHLE,  Oie  Afit.-iif,-in.'itr.  in  den  .]fiuiatiiren  des  frïthen  Mit- 
telalters,  I,  Leipzig,  1903,  pi.  xiv.  —  9.  Warner,  Reproductions  from 
itlaminated  nis.,  London.  1910.  pi.  \.  l"-*  série;  xi,  2»  série;  xix. 
3'  série. 

13.  Brit.  .Vus.,  15.  D.  ii.  fol.  .'.;.  Cf.  P.  Mcycr,  in  Homania,  VIII, 
1370,  p.  323. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA   HARPE    1921 


Comeitt  Uni  dt'il  harpe  [l'ni/irer  (iiccuiIlt) 
De  ct'u.i  If  ni  innteincnl  tciitprent  lu  liarpf  : 
Ij'une  corde  Irnp  haut  ticrra  (haussora) 
Et  l'autre  trop  avalera  {liaissera). 

Et  l'auteur  anonyme  conclut  : 

Si  meiiz  ne  prcnjîe  la  temprure 
Dieu  de  sitn  harpeiir  n'aura  cure. 

L'exécutant  se  servjiit  parfois,  du  plectre,  comme 
il  appert  de  ce  passage  du  Roman  de  Brut  : 

De  le  forel  (fourreau)  ad  sa  harpe  saké 
E  son  plectrum  ad  empoyné 
Se  cordes  a  bcri  atempre?. 
Si  ke  ben  se  sont  accordez'. 

L'ancien  anglais  a,  d'ailleurs,  une  profusion  de 
termes  pour  désigner  le  plectre  :  hearpenaegl,  hearp- 
slege,  naeijl,  sceacel,  scearu,  s/egç/-.  Selon  Good',  les 
plus  grandes  harpes  irlandaises  ont  été  très  tardive- 
ment jouées  au  plectre,  mais  la  technique  usuelle 
n'en  comporte  pas  l'emploi,  sauf  rares  exceptions. 
On  la  pince  des  deux  mains,  la  gauche  dans  le  re- 
gistre aigu,  la  droite  dans  le  grave.  L'ordre  inverse 
(dû  probablement  à  une  maladresse  du  peintre  ou 
du  sculpteur)  ne  se  présente  pas  une  lois  sur  dix. 
Jusqu'au  xii»  siècle,  il  semble  que  Texécutant  ne  se 
serve  que  du  pouce,  de  l'index  et  du  médius  de 
chaque  main;  cette  position  est  remarquablement 
indiquée  dans  une  enluminure  du  xii"  siècle  de  la 
Bible  de  Souvigny*.  Plus  tard,  la  position  se  com- 
plique :  un  retable  du  xiv  siècle,  conservé  jadis  dans 
la  collection  Dalman,  à  Barcelone,  montrait  la  main 
qui  jouait  à  l'aigu  pinçant  cinq  cordes,  tandis  qu'une 
seule  corde  était  ébranlée  dans  le  grave  :  ce  qui  cor- 
respondrait à  une  position  d'accords  singulièrement 
moderne. 

Ce  que  pouvait  exécuter  un  instrumentiste  de  cette 
forme,  le  Roman  de  Ilorn  nous  en  donne  un  aperçu 
assez  flatteur  : 

Lors  prend  la  harpe  à  sei,  si  comence  j  lemprer, 
Deu  !  Qui  donc  l'esgardat,  purn  la  suut  manier, 
Gum  ses  cordes  luchot,  cum  les  faisoit  tramler, 
Asquantes  fet  chanter,  asquantes  organer, 
De  l'àrmonie  del  ciel  li  pureit  remembrer. 
Quant  ses  notes  ot  fet,  si  la  prist  ii  munter,- 


Kl  pal-  lut  autres  tons  fet  les  cordes  suner. 
Kant  il  ot  issi  fait,  si  cumence  à  noter 
I.e  lai  d'unt  or  ai  dit  de  Batolf,  haut  et  cler, 
Si  cum  funt  cil  breton  de  tel  fait  cuslumer. 
Après  en  l'estrument  fait  les  cordes  chanter 
Tut  issi  cum  en  vois  l'aveit  en  premier; 
Tut  le  lay  lor  a  dit,  n'en  vot  rieu  retailler. 

«  Voilà  bien,  dit  M.  H.  Lavoix,  l'exécution  d'un, 
véritable  morceau  de  concert,  avec  prélude,  chant' 
et  ritournelle.  Gudmod,  avant  de  chanter,  essaye  sa 
harpe,  plaque  les  accords,  puis  change  de  ton,  pré- 
lude encore  et  attaque  enfin  le  morceau;  à  peine 
a-t-il  fini  son  lai  que  la  harpe  répète  la  mélodie 
sous  forme  de  ritournelle;  c'est  complet".  » 

Un  manuscrit  italien  du  xv»  siècle,  exploité,  sinon 
découvert,  en  1913  seulement,  a  beaucoup  ajouté 
aux  connaissances  antérieures.  Dom.  Ferretti  et  San- 
tore  Debenedetti  en  ont  donné  le  texte,  M.  A.  Sche- 
RiNG  l'a  interprété  musicalement,  et  on  se  reportera 
utilement  à  leurs  travaux^.  En  bref,  il  s'agit  d'une 
suite  de  sonnets  de  Simone  Prudenzani  d'Orvieto 
(C.  i:*87-C.  1440)  intitulés  //  saporetto.  Au  treizièmei 
sonnet  apparaît  un  certain  Pierbaldo,  noble,  riche,, 
adonné  aux  arts.  Son  meilleur  ami,  Buonare,  a  un: 
lils  nommé  Sollazo,  qui,  comme  son  nom  l'indiqufr 
de  façon  non  équivoque,  est  un  boute-en-lrain;  de  sii 
haute  valeur  que,  voulant  divertir  ses  hôtes  pour  !«• 
semaine  de  Noël,  Pierbaldo  supplie  Buonare  de  lelui. 
envoyer.  Buonare  consent.  Sollazo  se  rend  chez. 
Pierbaldo  et  prend  la  haute  direction  des  fêtes  qui 
vont  se  dérouler  sans  arrêt  pendant  huit  jours;  poé- 
sie et  musique  en  seront  les  deux  éléments  alternés.. 
Sollazo  va  se  révéler  chanteur,  joueur  de  luth, 
d'orgue,  de  psallérion,  de  hautbois,  de  harpe,  em 
somme,  de  tous  les  instruments  alors  en  usage,    y.^.j 

Chaque  sonnet  porte,  outre  son  litre,  mention  de. 
l'instrument  qui  intervient  comme  accompagnement,! 
et  parfois,  en  intermède,  comme  soliste.  iS'ous  voyonsi 
ainsi  Sollazo  exécuter,  dans  Agnel  son  bianco,  de 
JoH.  DE  Flohentia,  61  Ln  llorice  Cèrc  de  Bartolino 
DE  Padua,  de  véritables  soli  de  harpe.  On  en  trou- 
vera ci-joint  des  exemples  reconstitués  par  M.  A.  Sche». 
Ri.Ni-,,  à  l'aide  de  textes  musicaux  conservés  par  ail- 
leurs et  mis  au  jour  par  M.  Johannes  Wolff'. 


JoK.deFlorentia    Agnel  son  bianco 


L'IU]\}r\i<\[JJ]\^^\'rm\U\^i^\hîr\}r}^^ 


{U^fÙ^'LlL^trJur^r   rf^ 


l\  c.  1155.  Cité  p^r  J.  Sittard,  Vierteljaliresrchift^  fur  Mu^fkirU' 
senschaft,  1885,  p.  175.  ,  .,  /._,--. 

2.  F.-M.  Padelforr,  Old  eiiylish  musical  terms,  Bonn,  1899^  p.  39, 

:t.  la  Camden's  Brilannia,  1586. 

4.  Musée  de  Moulins.  C'est  le  David  du  BeatJis  vir. 
.   5.  U.  Lavoix,  ixi  Musique  au  siècle  de  saint  Louis,  op.  cit.,.  p.  303. 

6.  Cf,  Dom.  FerretU,  Jl  codice  palatino  pm^mçnse  :W  e  una  nuoca 

Copyright  by  Librairie  Delagrave^  Î9Q7. 


Incatenatiirat  F'arme,  l'JtS.  —  Santorc  OcbeJiedelti,  //  Sollazzo  e  il 
Saporetto  con  altre  rime  di  Simone  Prudrnza/ii  {Oiom.  storicQ  délia 
letterat.  ital.,  Supplément  n"  15,  Turin,  19i:j,.  —  A.  Schekihg,  Stu~ 
di''7i  zur  Musihjesch.  der  FHihrenatssmiCt.,  Leîp/.ig,  l'>14,  pp.  64  sqq. 
7.  Aynel  son  bianco  io  SammelO.  drr  l.  M,  G.,  111;  p.  633,  et  /« 
Doixçe  C^rej  in  Ge&ch.  der  Mensvraluotntion,  Leip/ig,  1904,  u"  46. 


121 


ESCYCUIPÈUIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOWAIliE  OU  CONSEHVATOIRE 


922 

A  quelques  conveutions  près,  M.  Schering  suit  le 
lexte  ancien  authentique.  Il  faudrait  se  garder  de  lui 
donner  trop  d'importance  quant  à  la  technique  de  la 
harpe;  le  transcripteur  l'ail  très  justement  observer' 
que  les  virtuoses  enrichissaient  sans  doute  leur  par- 
tie selon  leurs  possibilités  :  c'est  l'évidence  même, 
la  fidélité  au  texte  étant  une  exifience  toute  moderne, 
et  son  contraire,  jusqu'au  xviu»  siéclepourle  moins, 
tenu  pour  indispensable  à  toute  exécution  instru- 
mentale, preuve  d'ingéniositéet  de  science.  Tel  quel, 
ce  texte,  avec  ses  hoquets,  la  marche  déjà  indépen- 
dante des  deux  parties,  laisse  présumer  un  art  assez 
proche  de  celui  des  luthistes,  qui  auront  tôt  fait,  il 
est  vrai,  de  le  dépasser  et  de  l'éclipser. 

Sj-nibolisnie  de  la   harpe. 

Si  la  harpe  a,  pendant  tout  le  moyen  âge,  un  rôle 
musical  important,  sa  forme  gracieuse,  les  attitudes 
décoratives  auxquelles  elle  prêle  inspirent,  non  seu- 
lement les  arts  plastiques  ou  la  poésie,  où  nous  l'a- 
vons maintes  fois  rencontrée,  mais  aussi  et  de  façon 
plus  surprenante  la  symbolique  religieuse  et  profane. 
Les  Pères  de  l'Eglise  assimilent  couramment  sa 
forme  triangulaire  à  celle  du  cœur  humain,  les  sept 
cordes  dont  on  la  moulait  à  l'origine -aiix  sept  vertus 
cardinales'.  Ils  ne  reculent  pas,ipobr«orser  l'analo- 
gie, à  de  pieux  calembours,  traosaiis  de  leurs  pre- 
miers écrits  au  Traité  de  Germon'  en  plein  xiv«  siè- 
cle, et  jusqu'au  xvi"  au  Tlioscanello  de  la  musica,  de 
Pietro  Aahon*. 

Dès  le  vu»  siècle,  Isidore  de  Séville  amassait  en 
un  paragraphe'toutes  ces  trouvailles  :  «  Forma  ci- 
thar.^l  inilio  similis  fuisse  traditur  peclori  humano, 
quod  nti  vox  de  pectore,  ita  ex  ipsa  canlus  edere- 
tur,  appellataq«e  eadem  de  causa.  Nam  pectus  do- 
rica  lingua  /.■.Oipa  vocatur...  Veteres  aulem  citha- 
ram  fidiculam  vel  fidem  nominaverunt  quia  tam 
concinunt  inler  se  chorda;  ejus,  quam  bene  conve- 
niunt  inter  se  quos  (ides  sit...  Chordas  autem  dictas 
a  corde,  quia  sicut  pulsus  est  cordis  in  pectore,  ita 
pulsus  chord.e  in  cithara'.  » 

Cette  symbolique  atteint  parfois  à  une  sublililé 
qui  finit  par  voisinei'  de  fort  près  avec  une  extrême 
candeur.  L.  Delisleet  P.  Mayeront  publié,  d'après  un 
manuscrit  français  du  début  du  xiii»  siècle,  une  Apo- 
calypse illustrée  de  miniatures  nombreuses  où  sont 
souvent  représentés  les  Anges  harpistes.  Les  gloses 
du  texte  indiquent  à  diverses  reprises  l'idée  de  pr- 
nilence  attachée  à  la  harpe.  La  phrase  «  ils  avaient 
tous  des  harpes  »  est  commentée  ainsi  qu'il  suit  (je 
respecte  la  forme  naïve,  facilement  accessible,  du 
texte  original)  :  «  Ceo  ke  aveint  harpe  signefie  ke  il 
morlifienint  sagement  lur  char  en  croiz  de  penaunce, 
si  com  la  corde  est  tendue  e  atempreiil  al  fust  de  la 
harpe  pur  bien  soner'.  » 

Chez  les  poètes,  l'idée  de  pénitence  s'efface  :  au 
XV»  siècle,  Molinel,  avec  son  art  d'un  verbalisme  as- 


i.   Op.  cit.,  p.  115. 

2,  IsiDOnr;  de  Séville,  Oriijinuvi  siée  eli/molagiarum  libri  XX,  au 
liTre  III,  ch.  xMi  {Pairolor/i'-  de  Mione,  t.  nxxii). 

3.  Œuvres  complètes,  éd.  Anvers,  1706,  t.  III,  p.  626. 
i.   Venise,  I3i3,  fol.  ii. 

5.  Loco  cit.  Ce  passage  a  ôlé  repris  presque  textuellement  par  la 
plupart  (les  tli^ïoriciens  (lu  moyen  âge,  parfois  avec  des  tioritures  addi- 
tionnelles. Jolin  Mauburne,  (iaiis  son  Itosetiim  e.cercitium  spirilun- 
lium,  14^1  (sorte  d'aide -mémoire  à  l'usage  des  prédicateurs  à  court 
de  sujets)  :  «  Cithara,..  qnod  cita  iteratione  percittitur.  « 

6.  L.  Delislt;  et  I*.  Mayer,  L' Apocalypse  en  français,  Paris,  1900. 
1901  (d'après  le  ms.  fr.  403  de  la  Bibl.  nat.,  fol.  8,  v).  Les  éditeurs 
signaient  treize  manuscrits  d'inspiration  analogue. 


sez  creux,  file  de  longues^  compiiraisons  entre  la 
harpe  h.  sept  cordes  et  les  sept  vertus,  les  sept  pla- 
nètes, tout  ce  qui  peut  s'accommoder  d'un  nombre 
aimé  des  dieux'.  Son  devancier  Cuillal'me  de  Ma- 
CHAULT  employait,  à  des  évocations  plus  terrestres, 
un  nombre  plus  élevé  de  cordes  : 

Je  ne  puis  trop  bien  ma  Dame  comparer 
.\  la  Harpe  et  son  corps  pent  parer 
De  vingt-c  nq  cordes  que  îa  Harpe  ha 
Dont  Roi  David  par  maintes  fois  harpa*. 

Là-dessus,  il  énumère  vingt-cinq  cordes,  dont  la 
première  est  honte,  la  seconde  gaieté,  la  troisième 
iloitceitr,  la  quatrième  liuinilit>f;  l'extrême  étiremeiit 
de  ce  jeu  d'esprit  en  dévoile  l'artifice.  11  n'y  a  plus 
rien  là  de  mystérieux  :  une  fantaisie  rhétoricienne, 
et  c'est  tout. 

11  est  encore  une  attribution  de  la  harpe  au  moyen 
Tige,  assez  singulière  celle-là,  dont  l'explication 
n'a  pas  été  trouvée,  telle  du  moins  qu'on  puisse  l'ac- 
cepter de  confiance  :  c'est  celle  qui  en  est  faite  aux 
bêtes. Comme  les  Egyptiens  et  les  Syriens  (cf.  p.  1898) 
nous  ont  laissé  de  nombreuses  représentations  de 
singes  harpistes,  le  moyen  âge  frani^ais  figure  fré- 
quemment dans  le  même  emploi  deux  animaux 
choisis  parmi  les  moins  nobles  :  le  porc  et  l'àne. 
Le  xii*  siècle  abonde  en  représentations  de  ((  l'Ane  a 
la  harpe  ».  Les  églises  de  Sainte-Parize  le  Châlcl, 
dans  lediocèsede  >'evers,  deSuint-Cosne-sur-Loire', 
de  Saint-Nectaire'"  (où  l'on  se  demande,  à  la  vérité, 
si  l'animal  représenté  est  un  àiie  ou  un  bœuf),  la  ca- 
thédrale de  Chartres  (portail  sud),  un  chapiteau  de 
l'église  deMeillet",  la  porte  du  transept  méridional 
de  l'église  Saint-Pierre  àAulnay  (reproduite  au  Mu- 
sée de  sculpture  comparée  du  Trocadéro),  mainte 
enluminure  de  manuscrits,  nous  le  montrent  tantôt 
béat  et  fier  d'un  talent  peu  commun,  tantôt  humble, 
avec  un  air  de  pénitence  profonde. 

Ces  deux  "  expressions  »  peuvent  déterminer  deux 
interprétations  divergentes,  probablement  exactes 
toutes  les  deux.  Fondée  ou  non  en  raison,  la  réputa- 
tion de  stupidité,  d'amusicalité  de  l'Ane,  est  vieille 
comme  le  monde.  Les  Grecs  et  les  Latins  avaient 
pour  désigner  la  sotte  présomption  de  nombreux 
dictons,  tels  que  :  idnc  n'aime  pus  entendre  ré.tonncr 
la  lyre, qu'dde  communriineaveclalyre'-1  Dans  le  haut 
allemand,  iloniifr  une  harpe  à  un  tine  (der  Escl  ein 
Harp/fen  geben),  est  le  comble  de  l'absurdité.  Ce 
qu'expriment  encore  ces  vers  de  Flore  et  Itlance/lor, 
dans  lesquels  un  sorcier  réalise  des  miracles  : 

En  canteyres  esloit  moult  sage 

Les  bues  (bœufsj  faisoit  en  l'air  voler 

Et  les  unes  faisoit  harper". 

Aussi  peut-on  voir,  avec  l'abbé  Crosnier  et  d'au- 
tres, dans  plusieurs  des  sculptures  précitées,  la 
satire  de  l'orgueil  des  sots  qui  les  pousse  à  s'élever 

7.  CItattt  roi/al,  au  fol.  103  v.  des  Faictz  et  dictz  dr  feu  de  bùne 
mémoire  maistre  Jehan  Molinet,  Paris,  1531.  Sur  ce  symbolisme  de 
la  harpe,  cf.  H.  Livui»,  tip.  cit.,  pp.  4ii-423,  432. 

8.  Bibl.  nat.,  ms.fr.  72il  (ancienne  cote),  fol.  163  sqq. 

9.  Kludiées  toutes  deux  par  l'abbé  Crosnier,  Iconographie  ehré' 
tienne  {liulletin  »ioimmfn(a(,  XIV  [1848],  p.  352,  et  XVI  |1850J),  p.  492. 

10.  Abbé  G.  Kochias,  Le.t  Chapiteaux  de  l'rtjtise  de  Saint- Nectaire, 
ibii.,  19O0  (tirage  à  part,  Caen,  1910,  p.  29).  Sur  les  animaux  et  la 
harpe,  r/'.  aussi  V.  Clément,  t'Ane  au  moyen  di/e  {.iniiales  arche ot . 
de  Didron,  .XVI,  1836,  p.  26).^  le  P.  Gh.  Cahier,  in  Nouveaux  Mé- 
langes d'arfhéologie,  III,  1874,  p.  247. 

11.  K.  Stobck,  Mitsikund  .\fusiker  in  Karikatur  und  Satire, Olden- 
burg,  I91i;,  fig.  272. 

12.  Cf.  Kk^tneti,  Pnrémiologie,  op.  cit.,  pp.  181  et  372. 

11.  Cités  par  La  Curne  de  Sainte-Pnlaye,  Dict.  histor.  de  L'aitcica 
langage,  /raneais,  VII,  1880. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


au-dessus  de  la  condition  dans  laquelle  la  Providence 
les  a  placés.  Mais,  dit  le  comte  de  Bastard',  la  sym- 
bolique chrétienne  se  plaît  aux  contrastes,  et  «  il 
nous  sera  permis  aussi  de  prendre  en  bonne  part 
l'àne  musicien  ".  Selon  lui,  il  faut  y  reconnaître  le  roi 
David  ;  comme  parfois  l'ànesse  représente  ou  bien 
sainte  Eve  notre  première  mère,  ou  les  moines  labo- 
rieux, ou  les  diacres,  les  pécheurs  repentants,  l'K- 
glise  cbrétienne,  le  genre  humain  tout  entier. 

C'est  ainsi  que  dans  le  psautier  latin  du  xii"  siècle, 
n"  143  de  la  Bibliothèque  de  Copenhague,  manuscrit 
d'origine  probablement  anglaise,  si  David  est  mon- 
tré sous  les  traits  du  bon  animal  aux  longues  oreil- 
les, symbole  injuste  de  la  stupidité,  c'est  que  lui- 
même  s'est  représenté  comme  une  bête  de  somme 
en  présence  du  Seigneur  :  ut  jumentum  factus  sum 
apiid  te  (psaume  LXXH.) 

Pour  le  «  porc  à  la  harpe  »,  l'intention  caricatu- 
rale seule  semble  de  saison  :  à  part  l'exemple  de  l'é- 
glise de  Bruyères  (Aisne,  xi',  xn°  siècle)-,  où  l'on  voit, 
placidement  assis  et  pinçant  d'un  instrument  trian- 
gulaire, le  représentant  habituel  de  passions  plus 
dangereuses,  on  le  rencontre  davantage  au  début  de 
la  Henaissance.  Dans  une  copie  célèbre  des  Chroni- 
ques de  froiasarl,  exécutée  vers  1 173  et  actuellement 
au  British  Muséum^,  une  Iruie-barpisle  est  repré- 
sentée juchée  sur  des  échasses,  allusion  probable  à 
de  trop  hauts  talons,  et  coiffée  d'un  hennin  à  longs 
voiles  flottants  :  Th.  Wright  rapporte  celte  charge 
avec  beaucoup  de  vraisemblance  à  la  réprobation 
que  soulevèrent,  chez  les  personnes  pieuses,  les  coif- 
fures au  clocher  : 

i<  En  ces  temps  où  les  passions  n'étaient  assujetties 
à  aucune  contrainte,  les  belles  dames  étalaient  un 
tel  luxe  et  une  telle  licence  que  le  personnage  choisi 
comme  pouvant  le  mieux  les  représenter  est  une 
truie.  » 

La  sculpture  de  Notre-Dame-  de-l'lîpine  (Marne'i, 
contemporaine  de  cette  miniature,  bien  qu'elle  soit 
sans  hennin,  voiles,  ni  échasses,  précise  par  la  pré- 
sence de  l'aumùnière  coquettement  pendue  à  la  cein- 
ture, qu'il  s'agit  encore  de  prêtera  l'animal  pervers 
les  apparences  d'une  noble  dame,  ou  inversement. 


RENAISSANCE   (C.  1450-C.    1500) 
Iles  Brilaiinii|iies> 

On  trouve  en  Irlande,  à  l'époque  de  la  lîenaissance, 
nombre  de  harpistes  distingués,  dont  les  noms  nous 
ont  été  transmis  dans  les  ouvru;;es  déj.!  cités  de 
MM.  R.-B.  Abmstrong  et  W.-H.  (JnATTAN  Klood,  tels: 
DoNOGH  Mac  Cbeedan,  Thady  Ckekdan,  Bryan  Mac 
Mahon,  James  O'Harrigan,  Donal  Mai;  .N'amara,  Do- 
nalO'Heffernan.  11  faut  accorder  une  mention  par- 
ticulière à  BicuARD  Crl'isb  qui  a  pu  lléchir  l'historien 
assez  sévère  qu'est  Slanyhurst'.    Tandi»*  qu'il  avait 


L  Etiuies  de  si/iiiboli^ue  chtttifiinf,  liappoit  sur  trs  crosses  de 
Tiron  et  de  Saint-Arnaud  de  //ohch,  Paris,  1861. 

2.  Kd.Flenry,Antiguitêset  monuments  dudéjjai'teinent  de  l'Aisne, 
in,  1879,  p.  61.  —  A.  de  Florival,  in  Réunion  des  Sociétés  des  Beaux- 
Arts  des  départements,  1882,  p.  191. 

3.  Harleian  m.s.  4379.  Reproduite  par  J.-G.  Dalyell.  op.  cit.,  \\i; 
K,  Storclt,  op.  cit..  fig.  376;  Tb.  Wright.  Hist.  de  la  caricature, 
Irad.  Sachot,  Paris,  s.  d.,  p.  lOi.  — C.-A.  MAin;is,  .Musical  animais  in 
ornament  {Musical  Quarterly,  VI,  3,  pï.  ii}. 

4.  De  Itebus  in  Hibernia  ijestts,  liiS-t,  p.  38  sciq.  On  trouve  une  note 
aDalogue  dans  Haphael  Holinslied,  Firste  eolnme  of  the  Clironictes 
of  Entjland,  Scotlande  and  Irelande,  1j77  (cité  par  Ahmsthung,  I,  20). 
il  n'est  pas  moins  dédaigneux  pour  ces  musiques  des  festins  irlandais: 
«  And  wlien  the  harper  twangeth  or  singeth  a  song,  al!  Llic  companie 


LA    HARPE    1'j23 

peint  le  harpiste  aveugle  jouant,  au  l'estin,  avec  ses 
ongles  crochus,  grattant  les  cordes  sans  égard  pour 
la  mesure  ni  l'accent,  ofîensanl  les  oreilles  des  ini- 
tiés, Cruisf.  le  ravit,  el  il  le  déclare  sans  comparai- 
son le  plus  éminent  harpiste  dont  on  puisse  garder 
la  mémoire,  «  non  pas  le  premier,  mais  le  seul  qui 
soit  au  monde  ». 

Quelques  boutades  comme  celle-ci  n'empêchent 
pas  que  les  Irlandais  continuent  à  jouir  d'une  pri- 
mauté à  peu  près  universellement  reconnue,  et  à 
laquelle  Galilée,  à  la  fin  du  xvi«  siècle,  rend  hom- 
mage ■. 

En  Ecosse,  où  le  goût  de  la  harpe  est  si  vif  que  la 
Cour  en  fait  son  passe-temps  favori'',  continuent  à 
coexister  la  harpe  ordinaire  el  la  clarscha,  d'origine 
irlandaise.  J.-G.  Dalyell  mentionne  par  exemple,  en 
1502,  des  payements  faits  à  : 

Pâte,  harper  on  the  harp  xiv  s. 

Pâte,  harper  on  the  clarscha  xiv  s., 

James  Milson,  harper,  xiv  s. 

To  the  Iielanii,  clarscha,  xiv  s. 

To  the  Inglis.  harper,  xiv  '  s. 

Les  hauts  personnages  ont  leurs  harpistes  :  on 
connaît  ceux  de  l'évèque  de  lioss,  du  Laird  Balna- 
cownis,du  comte  de  Sutherland  (un  Donald  Maclean, 
à  son  service,  meurt  en  1602  dans  une  tempête  de 
neige),  etc. 

Le  roi  James  IV  fuit  à  plusieurs  reprises,  en  1302 
par  exemple,  des  largesses  à  des  joueurs  de  clars- 
cha. Quand  la  reine  Anne,  sa  femme,  entre  à  Edim- 
bourg, le  19  mai  1490,  elle  est  accueillie  par  un 
orchestre  où  la  harpe  figure  en  bonne  compagnie 
entre  les  orgues  et  les  luths».  En  1197,  le  nombre 
des  harpistes  est  porté  à  trois;  en  ISOo,  la  musique 
de  la  Cour  possède  «  cinq  liarpistes  et  quatre  clars- 
chas  ». 

Des  dames  de  la  haute  société  ne  dédaignent  pas 
de  s'improviser  virtuoses. 

A  Londres,  sans  parler  des  harpistes  au  service  de 
grandes  familles,  les  comptes  de  la  Trésoierie  sont 
pleins  de  pareilles  mentions  :  en  li.'iO,  un  don  de  dix 
marcs  annuels  fait  par  Henri  VI  au  harpeur  de  la 
reine  John  Turces,  «  Harpour  witli  our  inoost  dere 
and  bestbelovyd  wyf  the  Quene"  ». 

Dans  la  maison  de  Henri  VII,  en  1501,  figure  un 
harpiste  gallois  :  un  autre  Gallois,  Bli.nd  More,  sera 
au  service  de  la  princesse  Mary,  fille  de  Henri  VIII'". 
L'apogée  est  peut-être  atteint  pendant  le  règne  de 
l'implacable  Henri  VIIl(la09-i:Jt7)  qui,  devenu  vieux, 
«  s'elTorce  à  se  récréer  le  plus  fort  qu'il  peut,  allant 
jouer  tous  les  soirs  sur  la  Tamise  avec  harpes,  chan- 
tres, et  toules  autres  sortes  de  musiques  »". 


must  be  whist,  or  cise  lie  chafelh  like  a  cutpursse,  by  reason  his  bar- 
nionic  is  DOt  liad  inbetter  praise.  « 

5.  DiatoQO  délia  musica  anii'jua  e  delta  modernat  Florence,  1631, 
p.  143  (T"  édit.  1581)  :  «  Ce  très  ancien  instrument  (d.?jà  commémorc- 
par  Dante)  nous  fui  apporte  d'Irlande...  les  habitants  de  cette  île  s'y 
sont  exerces  depuis  des  siècles  et  l'ont  adopté  comme  emblème  de 
leur  royaume.  ■ 

6.  Cf.  The  Dethe  of  the  Ki/nijc  of  Scots.  1436,  cité  par  DaljcII, 
op.  cit.,  cliap.  vin. 

7.  Ibid.  .Nombreuses  mentions  en  1491.92-97-9S,  1505,  etc. 

8  BuTicL,  cité  par  E.-t*'.  Uhiuvult,  The  Piano  forte,  London,  1860, 
p.  CI. 

9.  Hollsof  Parliament,  V,  Londres,  9.  d.,  p.  196,  a. 

10.  F.  Maddcn,  Privy  Purse  flipensea  of  the  Prince))  Mary,  Lo»- 
don,  1881. 

11.  Kaulek.j'Vi'i/ocin/ioiisrfs  .1/.  *■  .l/uiiHoc,  1539  (p.  103),  cité  par 
P.  Kf,\her,  les  .Masques  anr/taii,  Paris.  1909.  p.  425.  Sur  Henri  \T11 
musicien,  cf.  N.  llarris  Nicholas,  The  Privij  Purse  Expenses  of  Kiny 
Henri)  the  Eighth,  Londres,  18i7.  —  1(.  N.jbth,  Memoirs  of  ifusiek, 
(1726),  éd,  Kimbault,  Londres,  lS4û,  p.  97, 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MIISIQCE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


1924 

Un  certain  Barnard  Depont  (Bernard  Dupont?)',  à 
son  service  le  20  février  1546,  et  dont  on  conserve 
la  trace  jusqu'à  1535,  pourrait  bien  être  Français,  en 
vertu  de  ce  snobisme  avant  la  lettre,  qui  faisan  ap- 
précier très  fort  en  Angleterre  nos  compatriotes, 
en  France  les  Anglais. 

Pendant  le  règne  d'Elisabeth,  se  succèdent  William 
MooRE,  Edward  LAKE^  et  bon  nombre  d'anonymes 
connus  seulement  par  des  états  de  payements.  INous 
savons  ainsi  que,  vers  le  milieu  du  règne,  deux  har- 
pistes étaient  payés  dix-neuf  livres,  moins  que  les 
luthistes  qui  en  louchaient  quarante,  les  virgina- 
listes  avec  trente,  le  rebec  avec  vingt-huit,  plus  que 
lés  flûtistes  appointés  seulement  à  dix-huit  hvres^. 
Daps  la  littérature  anglaise,  la  harpe  continue  a 
tehir  une  place  importante.  Entre  Shakespeare  et 
Milton,  toute  une  littérature  légendaire,  souvent  imi- 
tée des  romans  français,  fait  d'elle  laccessoire  oblige 
des  amours  chevaleresques',  sans  qu'elle  cesse  pour 
celad\ccompagner  les  chants  des  mendiants  aveu- 

"^  11  n'est  pas  inutile  de  rappeler  enfin  que,  maigre 
les  progrès  croissante  de  la  harpe  sur  le  continent, 
elle  est  encore  considérée,  au  xvi»  siècle,  comme 
l'instrument  insulaire  par  excellence.  Une  preuve, 
parmi  bien  d'autres,  en  est  fournie  par  ces  vers  de 
Jadelle,  dans  VEpilhatame  de  Madame  Marguerite, 
sœur  du  roi  Henri  II  : 

.  Mon  anglovs  qui  chez  moy,  m'a  cent  fois  do  sa  liavpe 
Recréé  les  esprits,  l'ayant  ore  en  escliarpe 
■  "Goiiti'efait  Arion,  sur  les  ftots  ctievaucliant 
'■■So*toàhphiri,  et  sauvantsa  vie  par  son  cliant  . 
'1  ■  j  ;".  I  .  *    ^      , 

'     E'panFe,  provinces  d'influence  française. 

Les  modiTicalions  territoriales  qui  affectent  pen- 
dant ces  deux  siècles  le  royaume  de  France  nous  obli- 
geraient à  morceler  ce  paragraphe  de  façon  fasti- 
dieuse Nous  nous  bornerons  à  constater  la  vogue  à 
peu  près  constante  de  la  harpe  dans  toutes  les  pro- 
vinces d'influence  française.  C'est  seulement  à  la  fin 
du  XVI «  siècle  que  le  tléchissemenl  s'indiquera,  dû  au 
rapide  progrès  des  autres  techniques  instrumentales, 
—  luth,  épinette,  violons,  —  plus  souples,  et  plus 
aptes  à' moduler.  Parlant  des  demi-tons,  un  petit 
traité  anonyme  de  l'an  V6r,1  le  constate  :  «  Aussi  (se) 
fout-ellesès  instruments  musicaux,  et  plus  aisément 
au  lue  et  guiterne  qu'en  la  harpe  et  quelques  autres' .  » 
Nous  verrons  que  celle  décadence  est  toute  relative. 
Kllè  est  précédée  d'une  époque  de  véritable  splendeur. 
En  Bourgogne,  Philippe  le  Hardi,  Jean  sans  Peur, 
Philippe  le  Bon  aiment  la  harpe  :  Philippe  le  Hardi 
cH  son  successeur  n'ont  pas  moins  de  six  harpeurs  dans 
leur  orchestre".  Dans  les  Flandres,  on  eu  rencontre 
des  mentions  nombreuses.  Kn  1424  un  .lean  Hanklet 
se  qualifie  :  roi  des  ménestreux  du  pays  de  Hay- 
uau.  C'est,  le    même  qui   avait  reçu   le    22  février 


1.  H.  C»iiTDpn  FoNTAiMU,  2  he  Kiiii/s  Mu.sick,  Londres,  s. il.  (1909), 
pp.'6-V.      ■■• 

2.  Ibid-,  pp.  l-M.—Cf.  aussi  The  Musical  antiqitary,  Oiford, 
octobre  1909,  p.  57;  avril  1913,  p.  179. 

i.  'W.  Biiici.Aï  SQniRF,  in  Musical  antiquary,  j.invier  i'.UO,  p.  126. 

4.  Cf.  Kdw.-W.  Nailou,  Shakespeare  anil  music,  Londres,  1896. — 
a.-ii.  Sp.w.tb,  Milton'sKiwirledgcofnmsic,  Princeton,  ^9\3.—  }.Khys, 
fsiudies  iii  Ihe  arlhurian  legenil,  Oiford,  1891,  p.  357. 

ii.  Putcnliara,  Arl  of  eiifilish  Poésie,  1589.  11,  9. 

o'.  1559.  Cité  par  H.  UfiTTAno,  Bulletin  Je  VI.  M.  G.,  1907,  p.  169. 

7.  Tiiscours  non  plus  mclaneoHque  que  dieers...,  Poitiers,  clioz  En- 
gjiilbert  de  Marncf,  p.  100. 
■  S.  Cf.  Oh.  Se.'\vQ:!im,Les  Musiciens  franc-comtois,  Dole,  1887, p. 2. 

—  V.   UEll   STRAErEN,  Op.   Cil ..  IV,  pp.  111-llî. 


1421  une  donation  de  Jacqueline  de  Bavière  :  "  A 
nostre  amé  Johannès,  nostre  harpeur,  en  récompen- 
sation des  agréables  services  qu'il  nous  puet  avoir 
fait,  la  somme  de  douze  couronnes  d'or,  pour  faire 
un  voyage  vers  Saiiit-Jacques  eu  Galisse'.  »  En  1450, 
un  Gheram  prend  part  à  la  procession  du  Saint-Sacre- 
ment à  Loiivain'",  selon  une  habitude  ancienne  et 
qui  se  conservera  longtemps.  La  harpe  estégalement 
présente  aux  réceptions  des  souverains,  aux  fêtes 
populaires,  aux  mascarades:  les  ouvrages  déjà  cités  de 
Gregoir  et  de  Van  der  Straeten  abondent  en  témoi- 
gnages précis. 

Il  en  va  de  même  à  Paris  et  dans  les  provinces  : 
Jehan  Guy  est  aux  gages  de  Marguerite  de  Rohan, 
comtesse  d'Angoulême  (1467-1474),  avec  un  salaire 
de  2.3  livres";  Legrant  touche,  le  6  juin  1476,  60  sols 
tournois  pour  avoir  joué  devant  madame  d'Orléans'-. 
Jehan  de  la  Ville  en  1490  reçoit  de  Charles  VIII  di.x 
livres  d'étrennes,  et  la  nirme  année,  21  livres  tour- 
nois «  pour  soy  entretenir  plus  honnestemenl  au  ser- 
vice dudit  seigneur'^  ».  Ici  encore  force  est  de  se 
borner,  en  renvoyant,  pour  plus  amples  détails,  aux 
monographies  spéciales".  On  ne  peut  cependant  ne 
pas  indiquer  d'un  mol  la  prédilection  que  marquait 
à  la  harpe  le  roi  René  (René  d'Anjou,  roi  de  Sicile  et 
duc  de  Lorraine),  qui  en  achète  une,  en  1448,  à  Veri 
de  Médicis,  a  pour  harpiste  en  1466  l'Aiigevin  Guil- 
laume BoL'ETARi),  et  fait  à  mainte  reprise  des  cadeaux 
d'argent  à  des  joueurs  de  son  instrument  favori'-'. 

J'ai  parlé  de  décadence  vers  la  fin  du  xvi»  siècle  : 
encore  ne  faut-il  par  se  l'exagérer.  Si  les  souvenirs 
mythologiques  motivent  sa  présence  (jouée  par  Or- 
phée) lors  de  l'entrée  de  Henri  II  à  Rouen  en  octobre 
1550,  ou  dans  des  ballets  comme  Circi^  (1581)  ou  le 
lialct  conique  de  la  Roi/ne  (1582),  François  l'r  a 
bel  et  bien  ù  son  service,  dès  1543,  le  harpiste  Ber- 
trand Faillert,  qui  plus  tard,  lors  de  ses  obsèques, 
marchera  dans  le  même  groupe  que  le  fifre  et  les 
deux  tabourins,  et  passera  après  1547  au  service  de 
Henri  II'".  Le  luthier  Duiffoprugcar  fabrique  encore 
des  harpes  à  Lyon  en  1562,  ainsi  que  le  prouve  le 
scrupuleux  portrait  de  Wœiriol  :  comme,  à  Amiens, 
le  maître  luthier  Jean  le  Pot,  auquel  Alphonse  II 
d'Esté  avait  payé,  en  1558,  la  somme  considérable 
de  106  livres  tournois'''. 

Dans  la  littérature,  l'envahissement  du  luth  laisse 
encore  la  place  assez  belle.  Rabelais  fait  apprendre 
la  harpe  à  Gargantua,  comme  le  luth,  l'épiuelle,  la 
llûte,  la  viole  et  la  sacquebute'»  ;  Pontus  de  Thiard 

9.  Alexandre  Pinctiart,  Arc/tiees  des  ar/s,  sciences  et  lettres.  Sé- 
rie I,  tome  III.  Gand,  1881,  pp.  154-155. 

10.  Ed.  GRi:r.om,,  Documents  hist.  relatifs  à  l'art  micsieal,  IV-, 
Bruxelles.  1867,  p.  95.  D'autres  harpistes  aux  processions  en  Flandre,, 
in  V.  DEli  Steiaeten,  II,  372  ;  IV,  239,  240. 

11.  H.  Pi{uNn':iiKs,  La  .Musique  de  la  Chambre  et  de  l'Écurie  {Année 
musicale,  1911.  p.   218). 

12.  B.  nat.,  ms,  fr.  7835,  cité  par  R.  de  Lespinassc,  Les  Métiers  de. 
Paris,  Ul.  1897,  p.  575. 

13.  A.  Jal.  Dictionnaire  critique,  1867,  p.  680. 

14.  Cf.  pour  la  Savoie,  Dufoijh  et  Raupt.  op.  cit..  pp.  45,  56,  59sqqî- 
—  pour  l'Orléanais,  Cti.  Cuisg\riD,  L'Iudessur  la  musique/fans  l'Orléa- 
nais, Orléans,  188G.  pp.  59,  69;  —  pour  l'Anjou,  C.  I'out,  Le.^  Artistes 
anqerins.  Paris,  1881,  p.  48  ;  —  pour  la  Lorraine,  A.  .Iacquot,  Essai 
de  répertoire  des  artistes  lorrains,  5°  suite,  Paris,  1904,  p.  27,  et  La 
AJusique  en  Lorraine,  Paris,  1882,  pp.  9,  34,  57. 

15.  Cf.  A.  Leroy  de  la  Marche,  Le  Itoi  /tené,  Paris,  II,  1875,  pp.  136, 
368,  369.  —  rraije.\  des  organistes,  etc..  de  René  duc  d'Anjou  {Rectie 
des  sociétés  sanantes.  4"  série,  t.  IV,  p.  505). 

16.  Henry  Prunikhes,  La  .Musique  de  la  Chambre,  loco  cit.,  p.  23i, 

17.  F.-L.  Vki.uMCM.  Fttbbricatori  di  strumenti  annonici,  w  1811, 
in  Memorie  délia  r.  aer.  di  Màdena,  H,  2,  1884. 

18.  Cargantua.  I,  23,  et  Quart  livre,  ch.  6.  Cf.  J.  C»ki.ez,  La  Musi- 
que el  1rs  musiciens  dons  Itahelais.  Caen,  1871  ;  A.  Macuaueï,  Rabe- 
lais eJ  la  musique,  S.  I.  M.,  septembre  1913. 


TECHNIQUE,  ESTHETIQUE  ET  PEDAGOGIE 


LA   HARPE    l'i25 


<lit  sur  le  mode  lyrique  à  Pasitliée  combien  l'a  trans- 
porté sa  voix  «  accommodée  au  son  de  sa  tiarpe,  ou 
■épinette  »  '.  C'est  au  cours  du  siècle  suivant  que  la  dis- 
parition s'opérera,  presque  complète  au  moment  ou 

Mersenne  écrit. 

Pays  sfpriuaniques. 

Si  la  harpe  est  en  yrande  faveur  en  Allemagne  à 
l'époque  de  la  Uenaissance,  ses  viituoses  sont  rare- 
ment nommés.  On  sait  que  la  musique  des  princes  de 
Bavière  en  comprend  un-  en  1468,  sous  AlbrechtlV. 
Vingt  ans  auparavant,  il  est  possible  qu'il  en  faille 
reconnaître  un  autre  dans  ce  .Nicolo  d'Alkmagna,  ou 
Nicolas  Teuton'icus,  «  pulsalor  optimus  »,  mentionné 
à  diverses  reprises  dans  les  archives  de  la  cour  d'Esté, 
•etqui  reçoit  en  14'tD  six  ducats  pour  prix  ■•  uniuscytha- 
rini^  »  :  une  fois  de  plus,  le  vague  de  la  terminologie 
ne  permet  pas  d'affirmation  catégorique.  Ce  qui  est 
sûr,  c'est  que  Conrad  Paumann,  beaucoup  plus  célèbre 
comme  organiste,  avait  pour  la  harpe  une  inclination 
assez  marquée  pour  qu'après  sa  mort,  en  1473,  on  en 
fît  figurer  une  dans  l'ornementation  de  sa  tombe'. 
La  cour  de  Brandebourg,  de  1542  à  lo4o,  s'assure  des 
services  d'un  certain  Leniiart,  de  lo72  à  1603,  un 
autre  harpiste  nommé  Lang  figure  sur  les  contrôles  '. 
Un   Bruxellois,  Jean  Troitling  (Troitlin,  Treutlie), 
semble  avoir  fait  de  l'Allemagne  son  pays  d'adop- 
tion ^  :  on  le  trouve  en  l;i50  à  Heidelberg,  de  là  à  Stutt- 
gart (1560-1563),  où  il  instruit  dans  son  art  Hieroni- 
mus  Vetterlin.  Il  quitte   Stuttgart  le  13  septembre 
1S63,  et  n'est  à  nouveau  signalé  qu'en  1390,  comme 
troisième   organiste,  instrumentiste    et  harpiste  de 
la  cour  à  Dresde.  C'est  à  Stuttgart  aussi  qu'un  Petrus 
Fez  (ou  Pey)  est  mentionné  en  1381,  à  l'occasion  — 
extra-artistique  —  d'une  rixe  avec  un  de  ses  collè- 
gues''. 

Dès  les  premiers  ouvrages  didactiques  de  Virdung, 
Agricola,  Luscinius  Ottomarus*,  la  harpe  est  catalo- 
guée en  excellente  place,  et  soigneusement  repré- 
sentée. Dans  leurs  divers  traités,  celui  de  Luscinius 
Ottomards  reprenant  les  planches  mêmes  de  Virdung, 
«lie  affecte  la  forme  de  l'instrument  des  Minnesihi- 
ger,  petit,  monté  de  peu  de  cordes,  avec  un  fond  très 
plat.  Le  nombre  de  cordes  est  de  vingt-trois  chez  les 
uns,  vingt-six  chez  l'autre  (Agricola),  ce  qui  indique 
une  tessiture  allant  du  fa^  à  !(<•',  diatoniquement, 
l'accord  étant  celui  de  fa  majeur. 

La  figure  fournie  par  Glarean,  dans  son  Doikca- 
chordon'',  est  beaucoup  plus  poussée.  La  caisse  de 
résonance  y  est  représentée  avec  les  dimensions 
normales  que  l'on  retrouve,  par  exemple,  dans  l'ins- 
trument authentique  du  xvi°  siècle  conservé  au  mu- 
sée germanique  de  Nuremberg  et  copié  à  Bruxelles'" 


i.  Solitaire  second,  [.yon,  1555,  p.  lie, 

2.  A,  Sandberger.  Beitriige  zur  GesGinchte  dur  àayerisrhen  hofkn- 
jlelle  unter  Orlando  di  Lasso,  l,  Leipzig,  1894,  p.  'J. 

3.  L.-F.  VALDFUGHt,  CappeUe,  coiieerti  e  niusiclie  di  Ca-m  d'Esté, 
loco  cit.,  pp.  440-441. 

4.  Sandberger,  Op.  cit.,  p.  13,  et  pi.  face  page  10. 

5.  Cdrt  Sachs,  Musik  uiid  Oper  am  A'iiràrandeitijuriiischen  Hof, 
Berlin,  1010,  pp.  il,  31,  135,  141. 

6.  Cf.  G.  BossERT,  Die  Hofkantorei,  etc.,  in  Monatshefte  fiir  iJn- 
sikgesch.,  1890,  p.  lû.  Furstenau,  I,  36. 

7.  J.  SiTTARD,  Zur  Gesch.  der  .Musik,..,  am  leûrtenibercjischen  Hofe, 
Stuttgart,  11,  18Ul,p.  24. 

8.  Séb.  Virdung,  iîusica  ijetutscht  und  aussijezoyen,  Bàle,  1511, 
p.  12.  —  Martin  Agricola,  Mujiica  instrumentalis  deudseh,  Wittetn- 
berg,  1528,  fol.  53.  —  Ldscimus  Ottûmarl-s,  Musunjia,  Argentorati, 
1536,  p.  13. 

9.  Bâle,  1347,  pp.  58  et  59. 

10.  Mahellon,  op.  cit.,  m,  p.  lui. 


sous  le  n»  1306.  L'accord,  reconstitué  d'après  Mer" 
SENNE,  va  du  sol'  au  Si)/',  par  degrés  diatoniques,  avec 
cependant  les  si  bémol  et  bécarre.  Le  mode  d'attache 
des  cordes  présente  la  même  complète  analogie  :  en 
haut,  de  petites  chevilles  fichées  dans  la  console;  en 
bas  des  crochets  en  forme  d'équerre.  Glarean  cons- 
tate autour  de  lui  la  désaffection  qui  commence  à 
atteindre  la  harpe,  qu'il  juge  due  à  sa  difficulté  d'une 
part,  de  l'autre  à  sa  faible  sonorité,  «  le  vulgaire  pré- 
férant plus  de  son  et  moins  d'art».  La  raison  est  bien 
plutôt  dans  le  diatonisme  strict  de  la  harpe  qui 
l'empêche  de  moduler  au  moment  où  les  modes  an- 
ciens perdent  leur  stabilité  accoutumée,  où  les  ins- 
truments à  clavier  et  à  archet  d'une  part,  le  luth  et 
la  guitare  de  l'autre,  explorent  curieusement  des 
domaines  harmoniques  nouveaux.  Mais  la  harpe,  qui 
avait  à  son  époque  en  Suisse  une  tradition  glorieuse 
(ZwiNGLE,  le  réformateur  en  jouait  fort  bien,  au  rap- 
port des  historiens"!,  continue  à  être  pratiquée  par 
le  musicien  amateur  Félix  Flatter,  dont  l'autobio- 
graphie à  cet  égard  est  curieuse'-,  et  par  le  BàLois 
Amerbach'^. 

L'Italie. 

Comme  ils  l'ont  fait  pour  le  violon,  les   Italiens 
ont  les  premiers  apprécié  à  sa  valeur  le  timbre  dé- 
licat et  rare  de  la  harpe,  incorporée  dès  l'abord    à 
l'orchestre  dramatique  :  d'où  la  nécessité  pour  l'ins- 
trument de   s'assouplir,  de    se    perfectionner  assez 
pour  pouvoir  moduler,  sinon  avec  la  même  aisance 
que  les  violons,  du  moins  de  telle  sorte  que  toutes 
les  tonalités  usuelles  lui  soient  accessibles,  au  moins 
dans  les   mouvements   lents.  D'où    l'invention,  dont 
nous  parlerons  un  peu  plus  loin,  de  la  harpe  double. 
Une  complète  énumération  des  virtuoses  dont  les 
noms  nous  ont  été  transmis  par  les  documents  d'ar- 
chives serait  fastidieuse  :  Je  me  contenterai  de  citer, 
en  renvoyant,  pour  plus  ample    information,  aux 
monographies'*  spécialement  consacrées  aux  xv<'  et 
xvi^  siècles  italiens,  les  plus  réputés,  comme  Zannino 
dall'  Arpa  (C.  1450),  Jacosio  de  Bologna  (1432),  au 
xvi«  siècle  Arramo  et  son  neveu  Abramino,  Giovan 
Leonardo,  Giulio  Caccim,  et  surtout  le  fameux  Gio- 
van Battista  Jaco.melli,  dit  del  Violino,  qui  excellait 
dans  le  jeu  de  tous  les  instruments,  y  compris  la 
harpe.  Sans  atteindre  à  la  gloire  de  la  belle  Adriana 
Basile  au  siècle  suivant,  des  femmes,  comme,  à  la 
cour  d'Esté,  la  signora  Laura,  et  surtout  Tarquinia 
Molza,  dite  Vunka,  qai  chantait,  jouait  de  la  harpe 
et  dirigeait  l'orchestre,  ont  vivement  frappé  les  musi- 
ciens et  les  poètes  de  leur  temps. 

Ici  se  pose  un  problème  difficile  à  résoudre, 
comme  dans  presque  toute  l'histoire  de  ce  singulier 
instrument  (si  vieux,  et  dont  l'origine  reste  mysté- 
rieuse; si  répandu,  et  dont  les  migrations,  en  grande 
partie,  nous  échappent;  si  riche  quant  au  répertoire, 


11.  G.  Weber,  B.  Zwingli,  Seine  Stellung  fur  Mlisik.  Zurscli,  1SS4. 
—  K.  Nek  cite  à  Zurich,  avant  le  milieu  du  xvi»  siècle,  le  harpiste  Hans 
Blochkolz  [Die  Collegia  Musica,  Saint-Gall,  1897,  p.  19j. 

12.  Voir  sur  ce  Flatter,  fils  du  pédagogue  Thomas  P.,  l'étude  de 
W.  Mfria.n  {Sammelb.  1.  M.  G.,  XIII,  pp.  262  sqq.). 

13.  K.  Nef,  Dic  Musik  in  Basel,  Sammelb.  I.  M.  G.,  1909,  p.  542. 

14.  Voir  surtout  L.-F.  Valdrighi,  op.  cit.  —  A.  Bertolotti,  .Musici 
alla  corte  dei  Gonzaga  in  Mantova,  Milan,  1890.  —  P.  Canal, Za  ^fu^ 
sicainifantova{Mem.delM.  Istituto  V'eiie/o, XXI,  1881-821.  — A.  Ca- 
METTi,  Orazio  Michi  detV Arpa  [Riv.  mus.  itat..  XXI,  2).  —  t^MAnîm^L, 
Giulio  Caccini  {Revue  Mitsicale,  \*'  février  1925);  —  Kbi-  Huti  \,  Mu- 
sici alla  corte  degti  Sfurza  {Archivio  storico  lombardo,  2"  série, 
t.  IV,  1887).  —  E.  Miintz,  Les  Collections  des  Médicis  au  xv«  siècle, 
Paris,  1888.  —  A.  Solerti,  ferrara  e  la  corte  estense.  Cilla  di  Cas- 
tello,  1900. 


l!'26 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSEIiVATOIDE 


sans  qu'il  nous  en  resie  de  vesliges  pendant  plus  de 
quarante  siècles).  Dans  les  dernières  années  du 
XVI»  siècle  italien,  il  n'est  plus  question,  sauf  excep- 
tions rares,  tant  chez  les  lliéoriciens  et  historiens' 
que  chez  les  compositeurs  eux-mêmes,  que  de  Varpa 
doppia,  la  harpe  double". 

De  quand  date  cette  harpe  double  destinée,  nous 
le  verrons,  à  fournir  à  l'exécutant  une  échelle  chro- 
matique complète,  et  à  lui  permettre  de  quitter 
désormais  la  tonalité  unique  fixée  par  l'accord  initial 
de  la  harpe?  Je  donne  pour  mémoire  un  témoignage 
assez  vague  des  Irish  annals  rapporté  par  M.  W.-H. 
Grattan  Flood,  selon  lequel  un  chef  harpiste  irlan- 
dais du  xiv<^  siècle,  O'Carroll,  tué  en  1.329  à  la 
bataille  de  Bragganstown,  jouait  de  la  «  harpe  dou- 
ble' ».  On  ne  peut  tirer  de  là  des  conclusions  très 
solides.  Mais  il  est  à  peu  près  certain  que  l'initiative 
en  revient  bien  aux  Irlandais.  Vincent  Gaulée  le 
déclare  positivement  :  selon  des  renseignements 
recueillis  par  lui  auprès  d'un  noble  insulaire,  l'ins- 
trument de  grand  format,  avec  double  jeu  de  cordes 
dont  certains  Italiens,  ses  contemporains,  s'attri- 
buent l'invention,  n'est  qu'une  imitation  et  une 
redite''.  C'est  Gian  Battisla  del  Violino  ((;iacomelli) 
qui  l'introduisit  à  Rome  vers  1.588, au  témoignage  de 


Accord  de  la  harpe  double  selon  Galilée 


GiusTiN'iANP  :  il  avait  été  devancé  en  Italie  parle  très 
célèbre  Giovanni  Leonardo,  antérieurement  à  1581. 
Ledit  Leonardo,  à  qui  Galilée  fait  probablement 
allusion,  car  il  se  disait  «  inventeur  »  de  la  harpe 
double,  entourait  l'instrument  nouveau  d'un  impé- 
nétrable mystère.  L.-F.  Valdrighi  a  reproduit''  la 
curieuse  série  de  lettres  écrites  de  Home  au  duc  de 
Ferrare,  en  février-juin  1581,  par  son  homme  de  con- 
fiance Giulio  Masetli.  11  s'agit  d'une  harpe  du  modèle 
nouveau,  commandée  depuis  plusieurs  mois,  et  dont 
Masetli  promet  merveilles  au  duc.  Seulemenl.  lors- 
qu'elle touche  à  son  achèvement,  Giov.  Leonardo', 
qui  en  a  diiigé  la  construction,  refuse  de  livrer  par 
écrit  le  mode  d'accord,  prétendant  que  c'est  là  son 
invention,  et  qu'il  la  déprécierait  et  se  déprécierait 
en  la  rendant  publique.  Maselti  propose  de  chercher 
lui-même  le  secret,  avec  le  concours  du  luthier  qui 
a  établi  cette  harpe. 

Ces  harpes,  telles  que  les  construisaient  les  Gio- 
vanni Cricca,  les  Bastiano  da  Verona,  que  cite  Val- 
drighi, quelle  en  était  la  forme  exacte? 

Force  est  bien  d'avouer  qu'on  est,  sur  ce  point, 
réduit  aux  conjectures.  L'accord  nous  est  connu.  Le 
voici,  reconstitué  par  M.  A.  Cametti'  d'après  les  indi- 
cations très  précises  de  Galilée  : 


Echelle  diatonique 


Mai 


asm  g 

Tùiht  .2 


Mam 


gauclhs ^'         I       ^  ^  '^^  '  * 


12      <>      e      8     10     R    14    16     1S    20   22    21,  26  28   30    32    31,   3b    38    W)    1,1   41,    48    4S    50    St    54   96 


Échelle  diatonique 


On  remarquera  que  le  rôle  des  deux  mains  est 
inversé  dans  le  médium  :  la  main  gauche  a  en  partage 
dans  le  registre  grave  les  tons  de  l'échelle  diatonique, 
la  droite  les  demi-tons  intercalaires.  Dans  l'aigu,  ces 
demi-tous  sont  attribués  à  la  main  gauche,  la  droite 
des  lors  chargée  de  l'échelle  diatonique.  On  notera 
aussi  que  certaines  notes,  réunies  dans  ce  dispositif 
par  une  ligne  brisée,  sont  redoublées  aux  deux  mains 
{ré  et  la,  du  bas  au  haut  de  l'échelle). 

Mais  divers  modèles  de  harpes  doubles  nous  sont 
parvenus,  réels  ou  figurés,  entre  lesquels  il  est  bien 
difficile  de  faire  un  choix.  L'ua  est  cet  énorme  ins- 
trument conservé  au  South  Kensington  Muséum  de 


1.  Ercole  HoriiMG\no,  //  Desiderio,  Bologne,  1509(1''«  édition  1594), 
p.  3.  —  Gio,  Mariîi  AiiTusi,  L'ArtusiovprodeUeîmperfetlioni  ih-lla  mo- 
derna  muskn,  Venise,  1000,  fol.  1,  v.  —  Galilée  (cf.  plus  loin),  etc. 
Exception poni-  Aurelio  }^tim:^\^\{Sommadi  tiUte  le  scîtmze...,  Komo, 
1587,  p.  94),  qui  n'envisage  que  l'accord  de  la  harpo  simple. 

2.  Luca  Maiilszio,  Giulio  Cvncisi,  G.  Malvezzi,  etc.  Cf.  Hugo  Golb- 
SCBMIDT,  .iludidi  ziir  Gesch.  der  ilul.  Opfr  im  11  Jahrhunderl ,  I, 
Leipzig,  1901. 

3.  Op.  cit.,  p.  57. 

4.  Dialogù  di  Vincenlio  Gaîiîei  nobilc  Fiorcntino  délia  musica 
antica  e  délia  moderna,  Florence,  1582,  p.  145  (!'•  édition  1581). 

5.  Di.icorso  iopra  ta  musica  de  siwi  tempi,  1637,  cité  par  P.  Canal 
{Mem.  del  fl.  htituto  Veneto,  XXI). 

6.  Fabbricotori  di  slfumenli  armonici,  op.  cit.,  pp.  270-271. 

7.  Ce  Gioian  Leo.iaiido  était  déjà  réputé  en  1553  (Luigi  Dentice,  Due 
Dialogh!  délia  vmsica,  Rome,  1553,  p.  1  Ju  2°  dialogue).  On  le  rite 
encore  en  1001  ix  Naples  comme  le  meilleur  harpiste  avec  Donienico 
ûALioet  Scanio  Majoke  (GvjrETii,  Orazio  .Vic/ii  delV arpa,  in  /iivisla 
mus.  ital.,  XXI,  2,  p.  211). 

8.  Loco  cil ,  p.  215,  d'après  Galilée,  op.  cit.,  jip.  143-1  i4. 


Londres  (fin  xvi"  s.),  haut  de  1  m.  7.ï,  large  à  la  base 
de  1  m.  10,  dans  lequel  les  deux  plans  de  cordes  sont 
tendus  sur  deux  consoles  séparées,  les  colonnes  se 
croisant  en  forme  d'.\,  l'ensemble  correspondant 
en  somme  assez  nettement  à  la  figure  que  donne, 
en  1620,  Michel  Pr.ltorius^,  sous  le  titre  de  fiross- 
Doppel-IIarff. 

A  vrai  dire,  ce  doit  être  un  type  peu  répandu,  car 
les  tableaux  des  xvi"  et  xvii=  siècles,  si  riches  en 
représentations  instrumentales,  n'en  portent  pas 
trace.  Au  contraire,  on  y  rencontre  à  mainte  reprise 
des  harpes  d'un  modèle  plus  réduit,  avec  l'aspect 
général  de  la  harpe  simple,  un  double  rang  de  che- 
villes, et  les  boutons  auxquels  viennent  s'attacher 
les  cordes  à  leur  extrémité  inférieure,  dispusés  en 
deux  rangs  parallèles  sur  le  corps  sonore.  L'n  ma- 
gnifique échantillon  de  ce  genre  d'instrument,  connu 
sous  le  nom  de  harpe  d'Esté,  est  conservé  à  la  Galle- 
ria  Estense  de  Modène  '".  C'est  une  harpe  ornée  sur 
toute  sa  surface  de  peintures  et  d'incrustations, 
dues  probablement  à  un  certain  Giulio  Marescotti. 

0.  TheiUrum  instrumentoriim,  Wolfenbiittel,  pi.  XIX.  La  figure  est 
stylisée,  mais  on  retrouve  les  principaui  linéaments  de  la  harpe  de 
Londres.  Un  facteur  des  États-L'nis,  H.  Giif.emvav,  de  Brooklyn,  a 
construit,  à  la  lin  du  siècle  derniei-,  des  harpes  semblables  à  celle  de 
South  Kensington.  Le  Metropolitnn  Muséum  de  Mew-York  en  possède 
une  (Oosby  Hrown  Collection,  n"  1235).  Un  type  dérivé  de  celui-c» 
an  musée  du  Conservatoire  de  Bruielles.n"  1511  (M  \Hn,LON.  III,  105); 
hauteur,  l'",48;  largeur,  O^.OO;  monté  de  94  cordes. 

10,  Décrite  longuement  par  VALonicnr,  loco  cil.  Cf.  .Tussi  G.  Gruyer, 
VArt  fen-arais  à  l'époque  des  princes  d'Esté,  II.  P:triF.  1897,  p.  418. 


TfCllMtjUE,  ESTHÉTfOUli  ET  PÈDAGOdIE 


LA    HARPE     li»27 


l'eiU-ètre,  faut-il  supposeï-  que  c'élail  là  la  harpe 
double  ordinaire,  et  qu'à  rinslrument  géant  de  Soulli 
Kensirigton  était  réservé  le  nom  d'arpa  doppia  ijvande 
employé  par  exemple  par  Al.  IJenelli'. 

Esp:ig;iio  et  Portnj;:il> 

La  harpe  est  en  usage  en  Espagne  et  en  Portugal 
pendant  toute  la  période  de  la  Renaissance;  employée 
parfois  à  faire  danser.  Le  livre  de  chevalerie  Tirant 
h  Blaiich  (I4C0)  nous  montre,  dans  les  grandes  salles, 
les  luths  et  harpes  marquant  la  mesure  des  pas  que 
dansaient  giacieusemenl  courtisans  et  leurs  dames  -. 
Ou,  dans  la  musique  des  festins  (Trainfo  île  Amor,  de 
Juan  DEL  Encln.i,  1496)^.  Ou  encore,  dans  les  proces- 
sions et  autres  cérémonies  religieuses''. 

Les  ordonnances  de  la  corporation  des  luthiers  de 
Séville  en  1502  exigent  que  le  candidat  soil  capable 
de  construire,  entre  autres  instruments,  une  harpe  ^'. 
F.  Pedbell  et  l\.  Mitjana  ont  cité,  en  Espagne  et  en 
Portugal  au  xvi°siècle,  de  nombreux  virtuoses,  llélio- 
dore  DE  Paiva,  le  Néerlandais  Philippe  Iîouier,  etc., 
des  compositeurs  pour  la  harpe,  tels  que  Gomes,  et 
surtout  Cabezon'',  avec  ses  Obras  de  musica  para 
tecla  arpa  y  vihuela  (Madrid,  l.'i78). 

C'est  en  Espagne  que  la  première  méthode  de 
harpe  apparaît,  dans  la  Decluracion  de  instrumentos 
de  Juan  Bermudo''.  Le  livre  IV,  sous  le  litre  général 
Artc  de  entcnder  y  laàer  la  harpa,  lui  consacre  six 
paragraphes  assez  développés,  d'inégal  intérêt  :  il  ne 
nous  apprend  rien  de  bien  nouveau  lorsqu'il  déclare 
que  la  harpe  n'a  pas  un  nombre  de  cordes  déter- 
miné, qu'elle  est  accordée  diatoniquement  dans 
l'ordre  :  deux  tons,  un  demi-Ion,  trois  tons,  un  demi- 
ton  (notre  gamme  majeure).  Mais  il  touche  plus  loin 
au  problème  qui  n'a  pas  cessé  d'exercer  l'ingéniosité 
des  constructeurs,  celui  du  chromatisme  delà  harpe. 
«  La  harpe,  dit-il  au  chapitre  J90,  est  actuellement 
imparfaite,  parce  qu'elle  est  diatonique,  et  que  la 
musique  d'aujourd'hui  est  semi-chromatique.  »  On 
ne  peut  jouer  dans  les  tons  accidentés  qu'en  accor- 
dant à  nouveau  l'instrument:  certains  virtuoses  usent 
de  subterfuges  divers  pour  obtenir  une  note  diésée. 
L'un  d'eux,  nommé  Louis,  raccourcit  à  cet  efl'et,  en  la 


pinçant  près  de  son  extrémité,  la  corde  qu'il  veut 
hausser.  Bermudo  reconnaît  l'imperfection  de  tels 
artifices.  Il  préconise  divers  moyens  d'ajouter  posi- 
tivement à  chaque  octave  les  cinq  cordes  qui  four- 
niraient les  demi-tons  manquants.  On  pourrait  colo- 
rer les  cordes  chromatiques  afin  de  les  distinguer  des 
autres.  Il  y  a  là  une  intuition  réelle  de  l'avenir  de  la 
harpe,  et  ces  suggestions  ont  été  plus  d'une  fois 
reprises. 

La  iiinsique  de  harpe  à  la  fin  de  la  Renaissance. 

On  est  réduit,  là  encore,  à  déplorer  l'absence  de 
textes  précis.  La  plupart  du  temps,  la  harpe  soliste 
est  l'instrument  par  excellence  des  improvisateurs. 
Dès  qu'on  l'associe  au  chant,  le  compositeur  note 
(comme  pour  le  clavecin  ou  l'orgue)  une  simple  basse 
chiffrée  où  la  technique  particulière  des  harpistes  ne 
transparaît  en  aucune  façon.  Il  en  sera  ainsi  pendant 
fort  longtemps  encore.  Lorsque  H^endel  écrira,  vers 
173j  (édité  en  1738),  son  sixième  concerto  de  l'op.IV, 
pour  harpe  ou  orgue,  qu'il  destinera  au  virtuose 
Powell,  on  ne  peut  supposer  que  le  harpiste  s'ac- 
commodera exactement  des  figurations  convenables 
à  l'orgue,  et  négligera  les  ressources  particulières 
(arpèges,  brisures,  etc.)  de  son  propre  instrument. 
Le  droit  aux  fioritures,  à  l'ornementation  person- 
nelle, à  la  libre  transcription,  dont  les  autres  vir- 
tuoses usent  pour  des  raisons  bien  différentes,  se 
renforce,  pour  les  harpistes,  des  nécessités  créées 
par  la  facture  de  l'instrument.  Il  ne  faut  donc  pas 
i-onclure,  de  l'indigence  de  certains  accompagne- 
[  inents  attribués  à  la  harpe  dans  les  partitions,  à 
une  constante  pauvreté  d'exécution:  le  niveau  d'exé- 
cution, dans  la  plupart  des  cas,  dépendait  unique- 
ment de  l'acquis  et  du  bon  vouloir  de  l'interprète. 
Mais  il  y  avait,  à  coup  sûr,  chez  les  musiciens  de  la 
lin  du  xvi=  siècle,  une  compréhension  du  caractère  et 
des  possibilités  de  la  harpe  qui  ressort,  et  de  scru- 
pules comme  ceux  de  Bermudo,  et  des  rares  textes 
dans  lesquels  le  compositeur  a  noté  intégralement  sa 
pensée  :  c'est  le  cas,  dans  X'Orfeo  de  Monteverdi  (1607), 
pour  la  partie  spéciale  de  harpe  qui  accompagne  au 
W-  acte   le  chant  d'Orphée,  et  la  ritournelle  qui  suit  : 


Quelque  idée  que  l'on  se  fasse  du  génie  de  Mo.\- 
TEVERDi.ce  court  fragment  nous  le  montre  beaucoup 


1.  n  Desiderio,  op.  t^it.,  p.  3. 

2.  F.  Pedrem..  Emporta  cientifico...  de  ortjanografia  musical  anti- 
ijua  espaûola^  Barrelone,  1901,  p.  125. 

3.  R.  MlTjANi,  in  Encyelopêdie  de  la  Musique,  p.  2l)31. 

4.  A  Gerone,  par  exemple,  en  1452.  Cf.  Julian  le  Chi  ».  La  .Uusica  en 
fin-ona,  Geron,i,  1880,  p.  28. 


plus  moderne  et  conscient  des  ressources  de  la  harpe 
que  la  plupart  des  compositeurs  qui  s'évertueront, 
pendant  la  deuxième  moitié  du  xviii'  siècle,  à  faire 
d'elle  un  mauvais  succédané  du  clavecin. 


5.  Examen  de  Violeront  publié  par  Van  der  Straeten,  op. cit.,  VI 
259;  F.  Pedhell,  op.  cit.,  p.  90;  R.  Mjtjïnv,  loco  cit.,  p.  1(158, 

6.  Cf.  F.  Llicrat,  in  S.  I.  .M.,  15  nov.  1910,  pp.  605  sqq. 

7.  Grenade,  1555  (la  1"  édition  est  de  1349). 

Marc  PINCHERLE. 


LA  HARPE  ET  SA  FACTURE 


par  M.  A.  BLONDEL 

DIRECTEUR  DE  LA  MAISON  ÉRABD 


ORIGINE  DE   LA  HARPE 

La  harpe,  le  plus  poétique  de  tous  les  instruments 
actuellement  en  usace,  semble  être  un  de  ceux  dont 


l'origine  remonte  à  la  plus  haute  antiquité  ;  on  la 
trouve  figurée  sur  les  monuments  les  plus  anciens 
de  l'Egypte  etde  l'Assyrie;  elle  était,  sous  forme  d'ins- 
trument portatif,  très  répandue  chez  les  Perses,  les 
Hindous  et  les  Hébreux  ;  elle  semble  avoir  été  connue 
des  Grecs,  mais  les  Romains  ne  paraissent  pas  en  avoir 


FiG.  975.  —  Musique  et  danse  égypliennes  d'après  un  papyrus  du  Siudli  Keimiiqtan  Muséum  de  Londres. 


fait  usage  ;  ou  la  trouve  chez  les  Anglo-Saxons,  surtout 
chez  les  Iilandais  et  les  Gallois,  dont  elle  fut  toujours 
l'instrument  préféré. 

Les  bardes  gallois  excellaient  à  s'en  servir  :  dans 
leur  pays,  non  seulement  elle  figurait  à  toutes  les 
fêtes  publiques  et  privées,  mais  elle  était  aussi  em- 
ployée à  accompagner  les  chants  de  guerre  et  à 
exciter  pendant  les  batailles  l'ardeur  des  combat- 
tants. 

Rien  ne  prouve  mieux  l'honneur  dans  lequel  elle 
fut  tenue  en  Angleterre  que  le  fait  d'être  devenue, 
sous  le  règne  de  Henri  VIII,  un  emblème  national,  et 
de  figurer  depuis  lors  sur  les  écussons  et  sur  les 
monnaies  du  Royaume-Lni. 

Des  pays  du  Nord,  la  harpe  pénétra  peu  à  peu  chez 
les  peuples  d'Europe. 

Au  moyen  âge,  elle  était  très  en  faveur.  Au  xvii=  siè- 
cle et  surtout  au  xviii",  sa  vogue  fut  considérable. 

Les  toutes  premières  harpes  ne  portaient  que  peu 
de  cordes,  mais  leur  nombre  s'accrut  rapidement, 
ainsi  que  les  dimensions  de  l'inslrument  lui-même. 
Les  monuments  égyptiens  nous  montrent  des 
harpes  garnies  de  trois,  sept,  neuf,  onze,  treize  et 
même  vingt  cordes. 

La  harpe  des  Hébreux,  appelée  Kinnor,  était  pour- 
vue de  neuf  cordes;  celles  des  Anglo-Saxons  en 
comptaient  onze  et  parfois  treize,  et  les  anciennes 
harpes  galloises  de  neuf  à  dix  :  ce  nombi  e  augmenta 
jusqu'à  vingt-huit  au  xvi=  siècle,  nous  dit  M.  Raphaël 
Martknot,  dans  la  notice  historique  qui  sert  d'intro- 
duction à  sa  remarquable  Méthode  de  harpe'. 


1,  CcUe  mdliode  est  éditée  chez  MM.  Enocli  et  C" 
des  Italiens,  ^"i  Paris. 


27,  lioillï'vard 


Au  xv=  siècle,  apparaissent  des  harpes  garnies  de 
deux  rangées  de  cordes  parallèles,  et  au  xvi= 
siècle,  des  harpes  chromatiques  pourvues  de 
trois  rangées  de  cordes,  la  rangée  du  milieu 
se  composant  des  notes  altérées,   les 
deux  autres  des  notes  naturelles. 

La  ligure  ci-contre  montre  une  de  ces 
harpes  qui  fait  actuellement  partie  de 
la  célèbre  collection  du  Kensington 
Muséum  à  Londres. 

Au  début  du  xix«  siècle,  nous  voyons 
se  produire  de  nouveaux 
essais  de  harpes  chroma- 
tiques dus  au  Saxon  Pfran- 
GER  et  à  l'Américain  de 
Lehman. 

Les  instruments  ainsi 
construilscomplaientdeux 
rangées  de  cordes  se  croi- 
sant en  X  sans  se  toucher, 
et  répondant  l'une  aux 
touches  blanches  du  piano, 
l'autre  aux  touches  noires  ; 
mais  ces  tentatives  ne  don- 
nèrent pas  les  résultats 
espérés. 

On  reprochait  à  ces  ins- 
truments la  difficulté  que 
présentaient  pour  l'exécu- 
tant leur  double  armature 
de  cordes,  le  manque  d'es- 
pace entre  chaque  note, 
qui  empêchait  d'attaquer 
les  cordes  avec  vigueur,  de 


i 


FiQ.  07(;. 

Harpe  chromatique 

:'i  trois  rangs  de  cordes. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  HARPE  ET  SA  FACTURE    1029 


crainte  de  les  faire  s'entre-clioquer,  et  la  pauvreté  de 
leur  sonorité,  conséquence  de  l'excès  de  tirage  exercé 
sur  la  tal)le  d'harmonie  par  ces  cordes  trop  nom- 
breuses. 

iMais,  revenons  un  peu  en  arrière. 

Au  XVI 1=  siècle,  la  harpe  avait  une  étendue  de  quatre 
octaves,  du  ((o immédiatement  au-dessous  de  laportée 
de  la  clef  de  fa  au  do  immédiatement  au-dessusde  la 
portée  de  la  clef  de  sol,  et  ne  présentait  que  des  inler- 
valles  diatoniques. 

Des  facteurs  tyroliens,  dont  les  noms  ne  sont  pas 
parvenus  jusqu'à  nous,  voulant  remédier  à  cette  insuf- 


FiG.  977.  —  Harpe  du  xvii«  siècle 

(Mersenne,  Harmonie  universelle,  1636). 

AUc,  clef  pour  tourner  les  chevilles;  Brf,  cheville  métallique; 

J,  Ijouton  de  fixation. 

flsance  et  mettre  l'instrument  en  étal  de  moduler, 
imaginèrent,  vers  16fiO,  de  fixer  à  la  console  des  cro- 
cEets  appelés  parfois  sabots,  qu'à  l'aide  de  la  main  on 
faisait  appuyer  contre  les  cordes  et  qui,  en  raccour- 
cissant d'un  dix-septième  environ  la  partie  vihrante 
de  celles-ci,  les  faisaient  hausser  d'un  demi-ton. 

Cette  disposition  avait,  entri^  autres  incommodités, 
celle  d'ohliger  l'exécutant  à  cesser  de  jouerd'une  main 
lorsqu'il  fallait  faire  agir  ou  faire  cesser  d'agir  ces 
crochets,  et  elle  ne  modifiait  le  ton  que  d'une  seule 
note  de  l'instrument,  sans  que  les  répliques  par  octave 
subissent  la  moindre  altération. 

Suivant  l'opinion  la  plus  généralement  répandue, 
ce  fut  vers  1720  que  Hoohbhl'cker,  originaire  de  Do- 
nauwerth,  conçut  et  réalisa  le  premier  mécanisme  à 
pédale  qu'on  ait  appliqué  à  la  harpe  pour  la  rendre 
propre  à  moduler,  en  faisant,  au  moyen  des  pieds. 


©PM 


D 


monter  à  volonté   et  instantanément  chaque   corde 
d'un  demi-ton. 

Il  opéra  ainsi  une  révolution  très  remarquable  dans 
fexécution  musicale  dont  la  harpe  est  susceptible. 

Les  sept  pédales,  placées  à  la  base  de  l'instrument, 
étaient  les  pièces  extérieures  de  sept  leviers  doubles, 
dontles  pièces  intérieures  tenaient  à  autant  de  trin- 
gles renfermées  dans  la  colonne.  Une  équerre,  placée 
au  sommet  de  chaque  tringle,  transmettait  le  tirage 
à  une  vergette  à  articulation  infléchie  suivant  la 
courbe  de  la  console  et  attachée  par  son  autre  extré- 
mité à  un  ressort  qui  la  rappelait  quand  on  lâchait 
la  pédale,  ou  qu'on  la  faisait  échapper  du  cran  dans 
lequel  elle  était  arrêtée. 

La  vergette  courbe  tenait  à  autant  d'équerres  qu'il 
y  avait  de  cordes  d'une  même  dénomination,  et 
lorsqu'elle  était  tirée  par  la  pédale,  chacune  des 
équerres  faisait  mouvoir,  per- 
pendiculairement à  la  corde 
à  laquelle  elle  se  rapportait, 
une  tige  portant  un  crochet 
qui  saisissait  la  corde  et  la 
faisait  reposer  sur  un  sillet 
fixé  à  la  console  au-dessous 
du  crochet. 

La  distance  entre  le  sillet 
et  le  bouton  sur  lequel  pas- 
sait la  corde  avant  de  s'en- 
rouler sur  la  cheville  était 
déterminée  de  manière  à  faire 
hausser  d'un  demi-ton  la 
corde  accrochée. 

Ce  mécanisme,  qui  mar- 
quait un  grand  progrès  par 
la  propriété  qu'il  avait  de 
rendre  chaque  note  représen- 
tative de  deux  sons,  présen- 
tait des  inconvénients,  dont 
se  plaignaient  les  musiciens. 
Lorsque  la  corde  était  atti- 
rée par  son  crochet,  elle  sor- 
tait du  plan  des  autres  cor- 
des, ce  qui  gênait  le  doigté, 
et    il    arrivait    fréquemment 

qu'elle  était  trop  ou  trop  peu  serrée  sur  son  sillet  : 
dans  le  premier  cas,  elle  se  coupait;  dans  le  second, 
la  vacillation  de  son  point  d'attache  supérieure  don- 
nait au  son  cette  mauvaise  qualité  que  les  harpistes 
appellent  frisement. 

La  figure  ci-dessus  représente  ce  système  ;  elle 
indique  la  position  de  la  corde  vue  de  front,  celle  de 
la  corde  vue  de  côté  et  celle  de  la  corde  amenée  par  le 
crochet  contre  le  sillet. 

A  HocHBRUCRERet  au  facteur  français  Gaiffre,  auquel 
certaines  personnes,  notamment  M"»  de  Genlis,  atlri- 
buentplutôtqu'àlIocHBRLCKER  la  premièreapplication 
des  pédales  à  la  harpe,  succédèrent  plusieurs  autres 
facteurs  habiles,  parmi  lesquels  nous  citerons  :Loi'vet, 
Salmon,  Holtzmann,  Lépin-e,  Naderman,  et  Cousineau; 
ces  deux  derniers  surtout  s'acquirent,  à  l'époque,  une 
renommée  considérable  et  justement  méritée  par  la 
perfection  de  leurs  instruments,  et  par  le  degré 
d'élégance  auquel  ils  en  poussaient  la  décoration. 

La  figure  ci-après,  qui  représente  une  harpe 
exécutée  par  >'adehman  pour  S.  M.  la  reine  Marie- 
Antoinette,  donnera  une  idée  de  la  richesse  d'orne- 
mentation à  laquelle  atteignaient  parfois  les  instru- 
ments de  celte  époque. 
Cette  harpe  appartient  au  Conservatoire  de  musi- 


Fifl.  978. 
Mécanique  h  ci'ochet. 


1930 


tACrCLOPÉDfE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIliE  niJ  COySERVATOIlîE 


Fia.  y7P. 
Harpe  de  la  reine 
Marie- Antoinelte. 


que  et  de  déclamation  de  Paris,  et  t'ait  partie  de  sa 
collection  d'instruments  anciens. 

Pour  remédier  aux  inconvénients  inhérents  au  sys- 
tème des  crochets  dont  nous  ve- 
nons de  parler,  il  fut  fait  de  nom- 
breuses tentatives,  dont  deux 
seulement  méritent  d'être  rete- 
nues. 

La  première  consistait  à  aug- 
menter la  tension  de  la  corde  de 
manière  à  la  hausser  d'un  demi- 
ton,  résultat  qu'on  obtenait  en 
faisant  tourner,  par  le  moyen  de 
la  pédale,  l'axe  d'une  pièce  ronde 
sur  laquelle  la  corde  était  enrou- 
lée. Cette  disposition  avait  l'avan- 
tage de  conserver  les  cordes  dans 
un  même  plan,  de  ne  point  faire 
varier  les  longueurs,  de  suppri- 
mer les  sillets  et  d'éviter  les  fri- 
semenls  et  les  étoufTements  de 
sons  auxquels  l'emploi  de  ces 
sillets  donnait  lieu;  mais  ces 
avantages  étaient  annulés  par  la 
prompte  altération  de  l'accord  de 
l'instrument,  provenant  de  la 
fatigue  qu'éprouvaient  les  cordes 
successivement  tirées  et  h\chées 
lorsqu'on  faisait  jouer  les  péda- 
les. 

La  seconde  et  la  plus  heureuse 
de  ces  tentatives  fut  faite  par  les  frères  Coisineau  : 
elle  comportait  le  raccourcissement  de  la  corde  par 
le  moyen  de  sillets  mobiles,  sur  lesquels  la  corde 
était  pincée  et  raccourcie  sans  subir  de  mouvement 

latéral.  A  cet  effet, 
il  faisaient  passer 
la  corde  entie  deux 
petites  pièces  de  cui- 
vre placées  au-des- 
sousdu  bouton  d'ar- 
rêt supérieur,  qui 
remplit  l'ofllce  de 
chevalet.  Ces  petites 
pièces  avaient  la 
forme  de  béquilles 
(d'où  le  nom  de  sys- 
tème à  béquilles 
donné  à  cette  dispo- 
sition),etsetenaient 
dans  une  position 
parallèle  à  la  corde 
lorsque  la  pédale 
était  décrochée.  Le 
jeu  de  ces  pédales 
pç>  leur  faisait  faire  à 
chacune,  en  sens 
contraire,  à  peu  près 
un  quart  de  révolu- 
tion; les  cordes  se 
trouvaient  ainsi  ser- 
rées entre  les  pièces 
représentant  les 
manches  des  béquil- 
les et  raccourcies  de  la  quantité  convenable.  Le  dou- 
ble mouvement  de  rotation  qui  faisait  mouvoir  les 
béquilles  s'opérait  à  l'aide  d'une  vergette  à  aiticula- 
tion  épousant  la  courbe  de  la  console;  cette  vergette 
était  commandée  par  la  pédale. 


%  CU^ 


% 


% 


^ 


^ 


FiG.  9S0.  —  Mode  d'action 
d'une  mécanique  à  béquilles. 


Ce  système  marquait  un  progrès  sur  le  système  à 
crochets,  et  sur  celui  qui  consistait  à  raccourcir  la 
corde  au  moyen  de  la  pièce  tournante  dont  nous 
venons  de  parler;  mais  il  était  entaché  encore  de 
nombreuses  imperfections. 

Vers  1810,  Sébastien  Erard,  qui  s'était  déjà  acquis 
comme  facteur  de  pianos  une  renommée  universelle, 
et  que  le  célèbre  harpiste  Krlmi'HOLz  sollicitait 
depuis  longtemps  d'appliquer  à  la  harpe  ses  facultés 
inventives,  imagina  pour  cet  instrument  un  système 
de  mécanique  dii,  à  fourchettes,  dans  lequel  il  substi- 
tuait aux  crochets  et  aux  béquilles,  dont  il  a  été  parlé 
plus  haut,  des  disques  en  cuivre  armés  de  deux  bou- 
tons en  saillie  entre  lesquels  passait  la  corde. 

Ces  disques,  parallèles  à  la  face  de  la  console,  ré- 
pondaient par  leur  axe  à  l'axe  de  la  corde  ;  deux  bou- 
tons de  cuivre  poli  étaient  fixés  à  ces 
disques  perpendiculairement  à  leur 
plan.  Lorsque  la  pédale  élait  décro- 
chée, ces  deux  boutons  se  trouvaient 
placés  de  chaque  côté  de  la  corde, 
sans  la  toucher;  quand  on  voulait 
élever  la  note  d'un  demi-ton,  la  pé- 
dale sur  laquelle  on  appuyait  impri- 
mait un  mouvement  de  rotation  au 
disque,  les  deux  boutons  saisissaient 
la  corde  en  sens  contraire  et  la  rac- 
courcissaient sans  la  déranger  de  sa 
position  normale,  en  laissant  au  son 
toute  sa  justesse. 

La  pression  exercée  par  les  boutons 
des  fourchettes  avait  l'avantage  de 
ne  pas  couper  ou  érailler  les  cordes, 
comme  cela  se  produisait  avec  les 
autres  systèmes. 

Quant  au  fonctionnement  du  mé- 
canisme, il  était  des  plus  simples. 

La  rotation  de  chaque  disque  s'opé- 
rait par  celle  d'un  axe  d'acier  auquel 
le  disque  tenait  par  son  centre.  Ces 
axes  pivotaient  entre  deux  plaques 
de  cuivre  contenant  tout  le  mécanisme 
et  s'appuyant  de  chaque  côté  de  la 
console. 

Chacun  de  ces  axes  était  mis  en 
mouvement  par  un  levier  relié  à  une  vergette  qu'ac- 
tionnait la  pédale   correspondante  par  l'entremise 
d'une  des  tringles  passant  par  la  colonne. 

Toutes  les  pédales  étant  levées,  on  accordait  celte 
harpe  en  mi  bémol;  par  ce  moyen,  on  avait  les 
mi,  si,  ta  bémols,  et  eu  faisant  intervenir  les  pédales, 
on  avait  les  bécarres;  les  ré,  sol,  ut,  fa  étaient  bé- 
carres sans  l'intervention  des  pédales,  et  dièses  avec 
les  pédales;  mais  on  était  privé  des  mi,  si,  la  dièses 
et  des  ré,  sol,  ut,  fa  bémols  :  d'où  il  suit  que  toutes 
les  modulations  n'étaient  pas  possibles  en  certains 
tons,  et  que,  bien  qu'il  fût  déjà  considérable,  le  résul- 
tat acquis  laissait  encore  beaucoup  à  désirer. 

Le  problème  qui  s'imposait  aux  recherches  de 
tous  les  facteurs  parut  un  instant  avoir  été  résolu  par 
MM.  CousiNEAU,  dont  nous  venons  de  parler,  lesquels 
imaginèrent,  en  1812,  d'ajouter  à  leur  harpe  une  se- 
conde rangée  de  pédales,  et  de  doubler  le  mécanisme 
de  l'instrument  h.  l'aide  d'un  jeu  supplémentaire  de 
mouvements  et  de  béquilles. 

L'accord  de  cette  haipe  se  faisait  en  ut  bémol. 

Le  rang  inférieur  de  pédales  répondait  aux  sept 
renvois  de  mouvements  qui  haussaient  les  cordes  à 
vide  d'un  premier  demi-ton;  le  rang  supérieur  était 


FiG.  981. 

Mécanique 

à  fourchettes 

à  simple 
mouvement. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  HARPE  ET  SA  FACTURE    M31 


lié  à  sept  autres  renvois  qui  liaussaient  d'un  second 
demi -ton  les  cordes  déjà  accrocliées  par  le  rang 
inférieur.  Mais  la  difficulté  que  comportait  le  jeu  de 
ces  quatorze  pédales,  le  poids  plus  considérable  de 
l'instrument,  la  complication  inhérente  aux  moin- 
dres réparations,  enfin  et  surtout  le  principe  défec- 
tueux des  béquilles,  que  leur  doublement  rendait 
plus  manifeste  encore,  firent  bientôt  délaisser  les 
harpes  construites  d'après  ces  nouvelles  données. 

Entre  temps,  Sébastien  Erard,  que  ne  rebutait  au- 
cune difficulté,  quelque  insurmontable  qu'elle  parût 
être,  poursuivait  ses  travaux  et,  plus  heureux  que 
MM.  CousiNEAU, réussissait,  au  cours  delà  même  année 
1812,  à  produire  une  harpe  à  double  mouvement  qui, 
par  son  ingénieuse  disposition,  non  seulement  com- 
bla, mais  dépassa  toutes  les  espérances. 

Le  mécanisme  de  cette  nouvelle  harpe  est  iden- 
tique, comme  principe,  à 
celui  de  la  harpe  à  sim- 
ple mouvemeni  que  nous 
avons  décrit  plus  haut, 
sauf  que  l'étendue  du 
mouvemeni  de  va-et-vient 
des  tringles  intérieures  a 
été  augmenté,  de  manière 
à  faire  faire  successive- 
ment une  portion  de  ré- 
volution non  plus  ;i  un, 
mais  à  deux  disques  mu- 
nis des  fourchettes  dont 
nous  avons  déjà  expliqué 
la  disposition,  le  premier 
de  ces  disques  servant  à 
raccourcir  la  corde  pour 
le  premier  demi-ton,  le 
second  la  raccourcissant 
pour  le  second  demi-ton. 
Deux  crans  superposés, 
auxquels  la  pédale  peut 
être  accrochée,  permet- 
tent à  cette  pédale  de 
produire  sur  la  même 
corde  le  double  effet  que 
nous  venons  d'exposer;  accrochée  au  premier  cran, 
elle  fait  décrire  au  disque  inférieur  une  révolution 
partielle  qui,  en  se  répercutant  à  l'aide  d'un  renvoi 
sur  le  disque  supérieur,  produit  le  premier  demi-ton; 
la  continuation  de  ce  mouvement,  quand  on  accroche 
la  pédale  au  second  cran,  donne  le  second  demi-ton. 
Sept  pédales  suffisent  ainsi  pour  rendre  chaque 
corde  représentative  de  trois  sons,  le  bémol,  le  son 
naturel  et  le  dièse. 

Sauf  le  cas  de  doubles  dièses  et  de  doubles  bé- 
mols, ces  harpes  permettent  d'exécuter  toute  la  mu- 
sique; l'artiste  n'ayant  jamais  à  remplacer  l'un  par 
l'autre  le  bémol  d'une  corde  ou  le  dièse  de  la  corde 
inférieure,  le  morceau  à  exécuter  peut  porter  depuis 
sept  dièses  jusqu'à  sept  bémols. 

De  treize  gammes  que  l'on  obtenait  avec  la  harpe 
à  simple  mouvement,  on  en  obtint  désormais  vingt- 
sept  avec  la  harpe  à  double  mouvement,  et  il  devint 
possible  avec  elle  de  moduler  rapidement  et  d'exé- 
cuter des  suites  ininterrompues  de  demi-tons. 

Voici  comment  M.  F.  .Maignien,  le  délicat  écrivain 
et  le  très  distingué  harpiste  de  l'Opéra  de  Paris, 
s'exprime  sur  ses  avantages  : 

«  Cette  grande  invention  du  système  à  double 
mouvement  permit  à  la  harpe  déjouer  dans  tous  les 
tons  et  modes,  avec  ce  réel  avantage  sur  le  piano  que 


FiG.  982.  —  Mécanique  à  four- 
chettes et  à  double  raouve- 
menl. 


le  doigté  est  toujours  identiquement  le  même,  quels 
que  soient  les  tons  et  modes,  ce  qui  est  une  grande 
facilité  et  une  notable  économie  de  travail.  » 

Kt  plus  loin  : 

«  J'ai  essayé  de  noter  harmoniquement  les  divers 
accords  exécutables  et  de  les  chiffrer. 

«  On  peut  obtenir  avec  les  pédales  à  double  mou- 
vement tous  les  accords  de  septième  diminuée;  ceux 
de  septième  de  dominante  sont  possibles  dans  dix 
tons  différents,  les  accords  de  septième  se  font  sur 
dix-huit  sons  distincts,  ceux  de  septième  de  sensible 
sur  douze  sons,  plus  deux  accords  de  septième  de 
dominante  avec  quinte  augmentée.  Tous  les  accords 
de  neuvième  sans  exception,  en  majeur  et  en  mineur, 
sont  facilement  exécutables  en  (ilissandi,  et  cela  très 
vivement,  car  il  y  a  rarement  plus  de  deux  pédales  à 
mouvoir  pour  obtenir  la  combinaison  de  ces  accords. 
Il  y  a  aussi  divers  accords  de  quintes  et  sixtes  aug- 
mentées et  des  gammes  de  tons  entiers.  » 

Pour  toute  simple  que  paraisse  aujourd'hui  cette 
disposition  du  double  mouvement  de  la  harpe,  elle 
constitue  une  œuvre  de  mécanique  prodigieuse  qui, 
après  avoir  fait,  en  ISlii,  l'admiration  des  Académies 
des  Sciences  et  des  Beaux-Arts  réunies,  auxquelles 
elle  fut  présentée,  n'a  cessé  depuis  lors  de  susciter 
le  même  sentiment  admiratif  chez  toutes  les  per- 
sonnes capables  d'en  comprendre  et  d'en  apprécier 
le  rare  mérite  '. 

Les  facteurs  de  harpes  qui  ont  marqué  à  côté 
d'ËRARoau  xix=  siècle  sont  : 

Plane,  auteur  d'un  mécanisme  permettant  d'exé- 
cuter les  doubles  demi-Ions  (1813). 

Gilles,  inventeur  d'un  système  à  peu  prés  analo- 
gue (1814). 

Pierre  Chaillot,  qui  imagina  de  transporter  les 
cordes  du  côté  gauche  au  côté  droit  de  la  console, 
afin  de  rendre  plus  facile  le  jeu  de  la  main  droite, 
disposition  qui  ne  rencontra  d'ailleurs  aucune  faveur 
(1820). 

Camille  Pleyel,  qui,  vers  1834,  fabriqua  d'après 
les  plans  de  Dizi,  harpiste  compositeur  et  virtuose 
de  valeur,  des  harpes  à  simple  et  à  double  mouve- 
ment imitées  de  celles  d'ERARo. 

DoMÉNY,  qui  s'acquit  à  la  même  époque  une  répu- 
tation de  facteur  consciencieux  par  ses  instruments 
à  simple  et  à  double  mouvement. 

De  183^)  à  1838,  Pierre  Erard,  neveu  et  successeur 
de  Sébastien  Erard,  dont  nous  venons  d'exposer  les 
travaux  et  la  géniale  invention,  apporta  à  son  tour 
de  notables  perfectionnements  à  la  harpe,  en  faisant 
opérer  dans  le  corps  de  l'instrument  une  partie  du 
mouvement  des  pédales  qui  s'opérait  jusque-là  dans 
la  cuvette  seule,  ce  qui  lui  permit  de  réduire  la  hau- 
teur de  la  cuvette,  d'augmenter  les  proportions  du 
corps  sonore"  et  de  la  table  d'harmonie,  et,  par  suite, 
d'enrichir  la  sonorité  de  l'instrument  en  employant 
des  cordes  plus  fortes  et  en  les  espaçant  davantage. 

Aujourd'hui,  l'ensemble  de  la  harpe  et  les  détails 
de  ses  différents  organes  semblant  avoir  atteint  le 
plus  haut  degré  de  perfectionnement  possible,  nous 
allons  décrire  la  fabrication  de  ce  gracieux  instru- 
ment, telle  qu'elle  se  pratique  dans  les  ateliers  de  la 
maison  Erard. 

Chacun  sait  que  la  harpe  affecte  une  forme  trian- 
gulaire, et  qu'elle  se  compose  de  trois  parties  essen- 


1.  Nous  avons  fait  intentionnellement,  <iu  cours  de  cette  étude,  de 
fréquents  emprunts  au  rappOTt  présenté  sur  la  harpe  de  Sébastien 
ËRARD  aux  Académies  des  Sciences  et  des  Beaux-Arts  par  le  baron 
DE  Prosv,  dont  la  compétence  en  pareille  matière  fait  autorité. 


1932  ENCrCLOPÉDfE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


tielles  qui  sont  :  le  corps  sonore,  la  console  qui 
reçoit  le  mécanisme  et  les  chevilles,  et  enfin  la  co- 
lonne qui  réunit  le  corps  sonore  et  la  console. 

Dans  les  instruments  modernes,  le  corps  sonore  et 
la  colonne  reposent  et  viennent  se  Joindre  sur  une 
petile  table  que  l'on  appelle  cuvette,  et  sous  laquelle 
sont  placées  les  pédales. 

Le  corps  sonore,  qui  affecte  la  forme  d'une  gout- 
tière allant  en  se  rétrécissant  à  sa  partie  supérieure, 
supporte  une  table  d'harmonie  qui  est  percée,  dans 
le  sens  de  sa  lon^'ueur  et  suivant  une  ligne  médiane, 
de  petits  trous  destinés  au  passage  des  cordes,  les- 
quelles sont  en  boyau  dans  les  octaves  supérieures 
et  dansle  médium,  en  soie  ou  en  acier,  mais  toujours 
recouvertes  d'un  fil  de  laiton,  pour  les  notes  graves. 

Dans  les  harpes  modernes,  les  cordes  sont  fixées  à 
leuT  extrémité  inférieure  au  moyen  de  boutons,  gé- 
néralement en  bois  d'ébène,  que  l'on  insère  dans  les 
mêmes  trous  que  les  cordes,  et  qui  appuient  celles-ci 
contre  la  table  d'harmonie  ;  elles  s'enroulent  à  l'autre 
extrémité  sur  des  chevilles  en  fer  traversant  la  con- 
sole; ces  chevilles  servent  à  les  tendre  et  à  les 
accorder. 

Le  corp.s  sonore. 

Le  corps  sonore,  composé  de  trois  forts  placages 
de  hêtre,  d'érable  ou  de  palissandre,  collés  l'un  sur 
l'autre  dans  un  moule  de  fonte,  est  renforcé  à  l'in- 
térieur par  une  légère  charpente  en 
forme  de  demi-cerceaux,  qui  le  conso- 
lide et  lui  conserve  sa  forme;  il  est 
fermé  à  sa  partie  supérieure  par  une 
table  de  résonance  faite,  comme  les 
tables  de  résonance  des 
pianos,  en  bois  de  sa- 
pin de  Hongrie  (épicéa) 
choisi,  appareillé,  sé- 
ché, préparé  et  collé 
avec  un  soin  extrême. 
Cette  table,  dont  le 
profil  comporte  la  plus 
grande  précision,  ses 
qualités  acoustiques  dé- 
pendant essentiellement 
de  la  rigoureuse  obser- 
vation de  ce  profil,  est 
percée  de  trous  garnis 
à  leur  partie  supérieure 
d'un  épaulenienl  d'i- 
voire, et  eu  nombre  cor- 
respondant au  nombre 
de  cordes  que  comporte 
l'instrument. 
Les  cordes  passent  par  ces  trous;  elles  y  sont 
maintenues  par  des  boutons  d'ébène  qui  les  appuient 
contre  l'épaulement  d'ivoire  dont  il  vient  d'être 
question,  lequel  a  pour  principal  objet  d'empêcher 
la  corde  tendue  de  s'imprimer  dans  le  bois  de  la 
table  de  résonance,  ce  qui  ferait  rendre  à  cette 
table  un  son  sourd  et  cinglant. 

La  partie  inférieure  du  corps  sonore  est  percée  de 
larges  ouvertures  permettant  au  son  de  s'épanouir 
aisément. 

La  console. 

La  console  est  formée  de  plusieurs  épaisseurs  de 
bois  de  sycomore  et  de  cormier,  dont  le  lil  est  dis- 
posé en  sens  contrariés,  pour  lui  donner  plus  de 


FiG.  983. 
Corps  de  harpe 
non  encore  tablé. 


PiG.  981. 

Corps  de  harpe 

tabli^. 


solidité  et  l'empêcher  de  se  fendre;  elle  est  percée 
de  trous  permettant  le  passage  des  pivots  de  la  mé- 
canique, et  des  chevilles  à  accorder  sur  lesquelles 
s'enroulent  les  cordes. 

La  colonne. 

La  colonne,  faite  en  bois  de  sycomore,  est  creuse 
en  forme  de  tube,  et  c'est  par  ce  tube  que  passent  les 
tringles  d'acier  qui  relient  les  pédales  à  la  mécani- 
que; elle  est  légèrement  cintrée  dans  le  sens  opposé 
au  tirage  des  cordes,  afin  de  mieux  résister  à  l'actioB 
de  cette  traction  ;  elle  se  relie  à  la  console  par  un 
collage  que  viennent  consolider  de  fortes  vis. 

La  cuvelte. 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  la  cuvette  forme  le  pied 
de  la  harpe. 

C'est  dans  cette  partie  de  l'instrument  que  sont  fixés 
et  que  fonctionnent  les  pédales  et  leurs  ressorts. 

Chaque  pédale  se  meut  dans  un  créneau  pourvu 
de  crans  d'accrochage  destinés  à  la  retenir  dans  ses 
différentes  positions  de  bémol,  bécarre  et  dièse. 

L'ouvrier  harpiste,  après  avoir  moulé  le  corps 
sonore,  y  colle  les  cerceaux,  la  table  de  résonance, 
assemble  la  console  avec  la  colonne,  et  ajuste  la 
cuvette  au  moyen  de  vis  permettant  un  démontage 
facile  en  cas  de  remplacement  nécessaire  des  ressorts 
ou  de  leur  graissage;  puis,  il  pose  les  ornements  de 
la  colonne  et  de  la  cuvelte,  dont  les  plus  fragiles  ou 
les  plus  exposés  aux  chocs  sont  en  aluminium  ou  en 
cuivre  estampé. 

Le  bois  ainsi  terminé  passe  à  l'atelier  du  vernis- 
sage, où  il  reçoit  les  couches  nécessaires  et  succes- 
sives de  vernis  qui  doivent  être  appliquées  à  inter- 
valles éloignés  et,  de  l'atelier  du  vernisseur,  arrive  à 
la  gravure,  puis  à  l'atelier  de  dorure,  où  les  orne- 
ments sont  repassés  et  dorés. 

Le  monteur  y  ajuste  ensuite  les  chevilles  à  accor- 
der, la  mécanique  qui  a  été,  au  préalable,  montée 
de  toutes  ses  pièces,  place  les  cordes  de  boyau  et  de 
métal  et  pose  les  pédales. 

La  mécanique. 

La  mécanique,  qui  est  faite  par  des  mécaniciens 


FiLi.  935.  —  Mode  d'action  d'une  mécanique  d'Éh.uii» 
à  fourchettes  et  i  double  mouvement. 


TECnS'IQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  HARPE  ET  SA  FACTURE    1933 


spécialistes  à  l'aide  d'un  oulillaf;e  de  précision, 
exi^'e  le  plus  }»rand  soin.  Cliaque  pièce  en  est  soignée 
oomme  une  pièce  d'horlogerie,  et  chacune  de  ses 
articulations  ajustée  et  réglée  avec  la  plus  extrême 
justesse.  KUe  est  composée  intérieurement,  comme 
nous  l'avons  expliqué,  de  tringles  ou  petites  bielles 

d'acier  se  reliant  sur 
des  équerres  de  cui- 
vre, montées  elles- 
mêmes  sur  les  pivots 
des  disques  porleurs 
des  fourchettes,  qui 
pincent  et  raccourcis- 
sent la  corde  lorsque 
ces  disques  sont  ac- 
tionnés par  les  péda- 
les. 

Ces  pivots  tournent 
entre  deux  plaques  de 
cuivre  récrouies  au 
marteau,  dans  le  but 
de  les  rendre  aussi 
dures  et  aussi  résis- 
tantes à  l'usure  que 
possible. 

Ce  sont  ces  deux 
plaques  de  cuivre  qui 
forment  les  joues  de 
la  mécanique. 

La  harpe  étant  ainsi 
montée  est  accordée 
progressivement  au 
diapason,  où  elle  est 
maintenue  pendant  un  mois,  puis  arrive  aux  mains 
du  finisseur,  qui  règle  les  demi-tons;  ce  réglage  s'ob- 
tient au  moyen  des  sillets  mobiles,  que  l'on  fait 
monter  ou  descendre  suivant  que  les  noies  sont  trop 
au-dessous  au  au-dessus  de  leur  point  juste. 

Cette  dernière  opération  terminée,  l'instrument  est 
considéré  comme  complètement  achevé  et  prêt  à 
entrer  en  service. 


FiG.  986.  —  Harpe  finie. 


DE  L'ACCORD  DE   LA  HARPE   A   DOUBLE   MOUVEMENT 
DERARD 

Ainsi  que  nous  l'avons  expliqué  au  cours  de  cette, 
étude,  la  harpe  à  double  mouvement  d'EsARD  pré- 
sente cet  avantage  de  faire  produire  trois  sons  diffé- 
rents à  chaque  corde,  au  moyen  de  deux  fourchettes 
agissant  sur  la  même 
corde  et  mises  en  mouve- 
ment par  la  même  pédale. 

Lorsque  la  corde  est 
libre,  c'est-à-dire  lors- 
qu'elle n'est  pas  pincée 
par  l'une  des  fourchettes, 
elle  donne  le  bémol  (Ii; 
elle  donne  le  son  naturel 
lorsquelle  est  pincée  par 
la  fourchette  supérieure 
(II),  elle  dièse  lorsqu'elle 
est  pincée  par  les  four- 
chettes supérieure  et  infé- 
rieure (III). 

Par  conséquent,  toutes 
les  pédales  étant  levées, 
toutes  les  cordes  sont 
bémolisées,  et  la  harpe 
se  trouve  en  ut  bémol; 

toutes  les  pédales  étant  accrochées  au  premier  cran, 
toutes  les  cordes  donnent  le  son  naturel,  et  la  harpe 
se  trouve  en  ut  naturel;  toutes  les  pédales  étant 
accrochées  au  deuxième  cran,  toutes  les  cordes  don- 
nent le  dièse,  et  la  harpe  est  en  ut  dièse. 

La  harpe  à  double  mouvement  s'accorde  donc  en 
ut  de  la  manière  suivante  : 


Toutes  les  pédales  étant  levées,  accorder  cet  ut  à 
l'unisson  d'ut  bémol  ou  de  si  naturel,  ce  qui  est  la 
même  chose  sur  le  piano;  accorder  ensuite  par 
quintes  cl  par  octaves  de  la  façon  suivante  : 


FiG.  987 


—  Les  trois  positions 
de  la  cordo. 


1 


^ 


i=ïl 


12;: 


ZSL 


Jv^W-^ 


J-    a    ^'ïï 


Cette  partition  étant  bien  faite,  accorder  par  oc- 
taves dans  le  haut  et  par  octaves  dans  la  basse. 

Pour  monter  la  harpe  au  ton,  cette  méthode  d'ac- 
corder est  la  seule  qu'on  doive  employer,  car,  dans 
ce  cas,  toutes  les  cordes  qui  sont  à  vide  se  tendent 


plus  aisément;  mais,  lorsque  la  harpe  est  au  ton,  et 
lorsqu'il  s'agit  simplement  d'en  repasser  l'accord,  on 
peut  accrocher  toutes  les  pédales  au  cran  du  milieu, 
et  accorder  en  ut  naturel  comme  il  suit  : 


^=az 


m 


f 


^ 


^=1 


^^^ 


a»-  -«^ 


Des  bémols* 

Pour  mettre  la  harpe  dans  le  ton  d'ut  naturel, 
accrocher  toutes  les  pédales  au  premier  cran  ;  pour 
passer  dans  les  tons  bémols,  décrocher  ces  mêmes 
pédales;  pour  passer  dans  les  tons  dièses,  les  accro- 
cher toutes  au  second  cran. 


Des  dièses. 

Pour  mettre  la  harpe  en  la  bémol,  par  exemple,  il 
faut  lever  les  quatre  pédales  mi,  si,  la,  ré;  pour  les 
quatre  cordes  bémolisées,  et  laisser  les  pédales  sol,  ut, 
fa  accrochées  au  premier  cran,  pour  les  trois  cordes 
naturelles. 


Hl34 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONS'AIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Pour  mettre  la  harpe  en  si  naturel,  par  exemple, 
il  faut  accrocher  au  second  cran  les  cinq  pédales /"a, 
ut,  sol,  ré,  la,  pour  les  cinq  notes  dièses,  et  laisser  les 
pédales  mi,  si  accrochées  au  premier  cran,  pour  les 
deux  cordes  naturelles. 

Tel  est  sommairement  décrit  dans  ses  origines, 
ses  progrès  successifs  et  son  état  actuel,  qui  semble 
avoir  atteint  le  plus  haut  degré  de  perfection  auquel 
il  pouvait  être  amené,  le  gracieux  instrument  dont 
la  voix  célesle  a  inspiré  tant  de  poètes,  tant  de  com- 
positeurs, qui  a  ému  et  charmé  tant  de  générations, 
et  dont  une  pléiade  de  fervents  admirateurs  a  pieu- 
sement entretenu  le  culte  depuis  les  temps  les  plus 
reculés  jusqu'à  nos  jours. 


Après  avoir  principalement  servi  pendant  des 
siècles  à  accompagner  les  chants  de  guerre,  les  mé- 
lopées nationales,  et  plus  tard,  les  improvisations  des 
minstrels  et  des  troubadours,  après  avoir  été  et 
être  demeuré  l'irtstrumenl  favori  de  virtuoses  émé- 
rites,  dont  certains  ont  conquis  une  renommée  uni- 
verselle, la  harpe,  grâce  aux  ressources  dont  l'a  enri- 
chie la  géniale  invention  de  Sébastien  Erard,  a  pris 
dans  l'orchestre  moderne  une  place  de  plus  en  plus 
importante,  elle  y  joue  déjà  un  rôle  essentiel,  et  il 
n'est  pas  téméraire  de  prévoir  que,  dans  ce  vaste 
domaine,  une  faveur  plus  grande  encore  lui  sera 
réservée  dans  un  très  prochain  avenir. 

A.  ni.ONDEl.. 


LA   HARPE  ET  SA  TECHNIQUE 

Par  Alphonse  HASSELMANS 


ancii:n   TROI-'ESSECR   ac  conskrvatoike 


ÉVOLUTION  ET  TECHNIQUE  DE   L'INSTRUMENT 

La  harpe,  jusqu'au  xiv«  siècle,  était,  formée  d'un 
cadre  en  bois  sur  lequel  on  tendait  les  cordes;  on 
conçoit  qu'un  tel  système  était  réfractaire  aux  mo- 
dulations; aussi,  la  musique  se  transformant  peu 
à  peu  et  les  autres  instruments  subjssant  les  lois  de 
cette  progression,  la  harpe  ne  tarda  pas  à  tomber 
en  désuétude  jusqu'à  la  fin  du  xvn"  siècle. 

Ace  moment  (1660),  des  Tyroliens,  dont  les  noms 
sont  restés  inconnus,  imaginent  les  sabots,  sortes  de 
crochets  actionnés  par  la  main  dans  le  but  de  modi- 
fier d'un  demi-ton  les  cordes  correspondantes;  ce 
mécanisme  n'eut  aucun  succès-. 

En  1720,  un  luthier  de  Oonauwerth,  nommé  Hoch- 
BRUCKEn,  invente  la  pédale^;  Gousinkau  et  Naderman 
bénéficient  de  cette  découverte  et  consti-uisent  des 
harpes  à  sept  pédales*,  chacune  de  celles-ci  pouvant 
hausser  d'un  demi-ton,  dans  toute  l'étendue  de  l'ins- 
trument, une  des  noies  de  la  gamme  diatonique^. 

Vers  la  fin  du  xviii'  siècle,  la  harpe  prend  un  essor 
considérable;  on  lui  fait  accompagner  les  romances 
en  vogue,  et  l'exemple  en  est  donné  par  la  reine 
Marie-Antoinette  elle-même;  les  virtuoses  commen- 
cent à  se  produire;  parmi  eux,  KauMPHOLz  et  le  vi- 
comte DE  Marin  se  l'ont  particulièrement  remarquer; 
enfin,  nous  voyons  apparaître  les  premières  parties 
de  harpe  à  l'orchestre  :  les  Bardes,  de  Lesueur  ;  Uthal, 
Joseph,  de  Méhul;  Orphée,  de  Gluck;  la  Vestale,  de 
SpontiniI;  Wallace,  de  Catel;  Prométhée,  de  Beetho- 
ven; Manfred,  de  Schumann,  etc. 

Cependant,  la  harpe  avait  encore  de  nombreux  dé- 
fauts :  les  crochets  actionnés  par  les  pédales  se  bri- 
saient très  rapidement;  les  cordes  et  les  ressources 
générales  de  l'instrument  s'opposaient  encore  à 
l'exécution  des  modulations  rapides;  c'est  alors  que 
le  génie  de  Sébastien  Krard  s'en  empare;  il  substitue 
les  fourchettes  aux  crochets,  puis  il  crée,  en  1811, 
une  merveille  d'ingéniosité  et  de  précision  :  la  harpe 
à  double  mouvement'^. 


1.  Nous  adressons  nos  vifs  remerciements  à  M.  Tochnif.r,  profes- 
setir  au  Conservatoire,  qui  a  bien  voulu  revoir  te  manuscrit  Je  son 
mattre  Hassklmans.  (n.  d.  l.  d.) 

2.  Ce  système  est  appliqué  sur  quelques  tiarpes  galloises. 

3.  L'invention  de  HocHBitncKEii  ne  fut  connue  en  France  qu'en  1749. 

4.  CocsiNEAU  fut  fauteur  d'un  projet  de  harpe  i  quatorze  pédales. 

5.  On  appelle  cet  instrument  harpe  n  simple  mouvement  ;  on  l'ac- 
cordait en  mi\^  majeur, 

6.  Sébastien  Eiiaiid  commença  par  appliquer  la  fourchette  à  la  harpe 
à  simple  mouvement,  celle  qu'on  construisait  alors;  dans  cette  harpe, 
l'intonation  de  chaque  corde  pouvait  âtre  modifiée  d'uu  demi-ton  (au 


Depuis,  certains  facteurs,  voyant  dans  l'usage  des 
pédales  une  source  de  difficultés  dont  ils  s'exagé- 
raient l'importance,  cherchèrent  le  moyen  de  les 
supprimer;  c'est  ainsi  qu'un  nommé  Pfeikker  ima- 
gina, en  1820,  une  harpe  ditale,  dans  laquelle  le 
mécanisme  des  pédales  était  placé  sous  les  doigts  de 
l'exécutant;  en  1843,  un  facteur  de  pianos,  Pape,  prit 
un  brevet  pour  une  harpe  chromatique  à  deux  ran- 
gées de  cordes  croisées  en  X  et  formant  un  total  de 
soixante-dix-huit  cordes  environ". 

La  harpe  Erard  est  accordée  en  ut\i  majeur*;  elle 


a  une  étendue  de  six  octaves  et  demie,  du  ^E 


l-o 


n-< 


^"  ^=  '' 


est  munie  de  sept  pédales  qui  peu- 


vent, au  gré  de  l'exécutant,  être  employées,  soit  pas- 
sagèrement par  une  simple  pression  du  pied,  soit 
fixées.  Un  ressort,  agissant  de  bas  en  haut,  les  ramène 
ù  volonté. 

Chacune  de  ces  pédales  correspond  à  une  des  notes 
de  la  gamme  diatonique  et  porte  son  nom;  elle  agit 
simultanément  sur  toutes  les  notes  de  même  nature 
que  comporte  l'instrument;  ainsi,  la  pédale  de  do 
agit  sur  tous  les  do,  celle  de  ré  sur  tous  les  ré,  etc. 
L'action  de  ces  pédales  sur  les  cordes  a  pour  effet 
de  les  hausser  de  deux  demi-tons  successifs,  ce  qui 


lieu  de  deuj  actuellement)  ;  la  console  ne  supportait  qu'une  rangée  de 
sabol.1  (remplacés  par  les  foiirche(ti'x),  et  les  pédale»  n'évoluaient  que 
dans  un  cran,  d'oii  le  nom  de  harpe  n  iimple  effet,  simple  mouvement. 
On  facrordait  en  mi[y,  et  un  grand  nombre  daltérations  ne  pouvaient 
«obtenir  qu'a  l'aide  de  synonymes;  le  champ  d'action  de  cet  instru* 
ment  était  naturellement  très  restreint, 

7,  La  notice  publiée  en  langue  anglaise  par  l'inventeur  de  ce  svs- 
téme  dit  textuellement  ;  «  Pour  éviter  la  confusion,  j'ai  disposé  les  tons 
d'un  coté  de  la  console,  et  de  l'autre  coté  les  demi-tons.  •  Ce  ne  peut 
être  qu'un  lapsus,  et  par  cela  même  qu'une  semblable  disposition  serait 
en  fait  impraticable,  dés  que  ta  tonalité  d'ut  majeur  serait  abandonnée; 
il  faut  admettre  que  Put  qui,  dans  la  facture  instrumentale,  était  loin 
d'être  le  premier  venu,  a  voulu  dire  :  •  J'ai  placé  d'un  côté  de  la  con- 
sul; les  cordes  correspondant  aui  touches  blanches  du  piano,  et  de 
l'autre,  celles  qui  correspondent  aiii  touches  noires.  ■ 

8,  La  nécessité  pour  I  eiécutant  d'accorder  sa  har[)e  l'oblige  à  pos- 
séder une  oreille  musicale  très  siipe  ;  il  en  est  de  même  pour  te  violon, 
le  violoncelle  et  tous  les  instruments  dont  la  justesse  dépend  du  »ir- 
luose.  Cette  nécessité  crée,  de  prime  abord  it  du  fait  même  de  la 
nature,  une  sélection  ;  on  peut  le  regretter,  mais  seulement  au  point 
de  vue  de  la  démocratisation  de  l'art,  ce  qui  est,  eu  somme,  une  théorie 
très  discutable. 


1936 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


revienl  à  dire  que  chaque  corde  peut  produire  trois 
sons  différents  :  le  h,  la  corde  étant  à  vide,  le  t),  après 
un  premier  mouvement  de  la  pédale,  et  le  jf  après 
un  second  mouvement  de  la  même  pédale. 

Pour  la  clarté  de  cette  démonstration,  nous  sup- 
posons que  les  sept  pédales  ont  subi  un  premier 
mouvement,  et  que  toutes  ont  été  accrochées  au  ti; 
la  succession  naturelle  des  cordes  donnera  la  gamme 
d'ut  majeur.  Il  suffit  alors,  si  Ton  veut  obtenir  celle 
de  fa  majeur,  de  décrocher  la  pédale  du  si,  ce  der- 
nier reprenant  sa  place  au  K  tous  les  si  redeviennent 
b,  et  la  succession  naturelle  des  cordes  produit  la 
gamme  de /a  majeur. 

En  agissant  de  la  même  façon  pour  le  yni,  on  se 
trouve  en  si  b  majeur;  si  alors  on  ramène  ces  deux 
pédales  de  si  et  de  mi  au  t],  il  suffira  d'une  nouvelle 
pression  sur  la  pédale  du  fa  pour  que,  cette  dernière 
opérant  son  second  mouvement,  tous  les  fa  devien- 
nent S  et  que  l'on  obtienne  ainsi  la  tonalité  de  sol 
majeur. 

Tous  ces  mouvements  de  pédales  se  font  facile- 
ment et  rapidement;  ils  deviennent  très  vite  familiers, 
et  sont  tellement  logiques  à  l'égard  des  principes 
mêmes  de  la  musique,  qu'en  une  seule  leçon  ils  sont 
compris  des  élèves,  pour  lesquels  la  vraie  difficulté 
de  bien  jouer  de  la  harpe  réside  toujours  dans  le 
mécanisme  des  doigts'. 

Une  des  particularités  du  doigté  de  la  harpe  est 
qu'il  n'est  pas  fait  usage  du  cinquième  doigt.  Cepen- 
dant, un  de  nos  prédécesseurs  au  Conservatoire, 
s'inspirant  de  la  méthode  de  M-»»  de  Genlis  et  d'une 
conformation  de  main  exceptionnelle,  préconisa  et 
enseigna  l'utilisation  de  tous  les  doigts.  Sous  une 
apparence  de  logique,  cette  innovation  cachait  une 
tare  qui  devait  conduire  l'art  de  la  harpe  à  un  effa- 
cement presque  absolu;  le  petit  doigt  étant  norma- 
lement de  beaucoup  le  plus  court,  il  fallait,  pour  lui 
permettre  d'atteindre  les  cordes,  modifier  de  telle 
façon  la  position  des  mains,  que  la  qualité  du  son  en 
était  altérée  de  très  sensible  et  désastreuse  m£\nière. 
Cette  vérité,  cependant  si  évidente,  n'empêcha  pas  la 
nouvelle  méthode  de  prévaloir. 

Ce  fut  le  signal  d'une  période  de  décadence  qui 

AndnnJte  c&n  moto 

\  0        0  0 


dura  quaranle-six  ans,  après  laquelle  le  bon  sens 
repi'it  enfin  ses  droits. 

On  aurait  aujourd'hui  quelque  peine  à  retrouver 
une  demi-dou/.aine  d'adeptes  de  ce  système  qui, 
pendant  un  temps,  passa  pour  être  celui  de  l'avenir. 

Comme  conclusion  à  ce  qui  vient  d'être  dit,  la 
bonne  position  des  mains  est  la  condition  essentielle 
d'une  belle  sonorité  et  d'une  virtuosité  de  bon  aloi. 

En  outre  des  sons  naturels,  la  harpe  possède  la 
faculté  de  produire  des  sons  artificiels  qui  viennent 
très  heureusement  varier,  par  des  timbres  différents, 
le  jeu  de  l'exécutant  :  il  s'agit  des  sons  harmoniques^ 
des  sons  étouffés,  et  de  ceux  qu'il  peut  obtenir  en 
rapprochant  les  mains  de  la  table  d'harmonie  (sons 
de  guitare). 

Les  sons  harmoniques  s'indiquent  par  un  zéro 
placé  au-dessus  de  la  note  à  jouer,  et  produisent 
l'octave  supérieure  de  cette  même  note.  Un  son  har- 
monique (le  son  2  en  l'occurrence)  est  le  résultat  de 
deux  opérations  distinctes,  lesquelles  s'effectuent  en 
même  temps  :  1"  mise  en  vibration  de  la  corde, 
2°  séparation  de  celte  corde  en  deux  parties  stricte- 
ment égales  au  moyeu  d'un  sillet  artificiel  ;  à  la  harpe, 
les  sons  harmoniques  sont  doigtés  par  le  pouce,  et 
le  sillet  artificiel  est  constitué  à  la  main  droite  par 
l'index  replié  sur  lui-même,  à  la  main  gauche  par 
le  côté  extérieur  de  la  paume,  la  main  étant  allon- 
gée en  forme  de  coupe.  Cette  différence  dans  la  posi- 
tion respective  des  mains  est  nécessitée  par  une  ques- 
tion de  sonorité,  et  aussi  par  l'exiguïté  de  la  partie 
supérieure  de  l'instrument,  laquelle  ne  permet  pas 
le  développement  de  la  main  pour  la  production  de 
ces  sons;  elle  explique,  en  outre,  pourquoi  la  mai(i 
droite  ne  peut  obtenir  qu'un  son  harmonique  à  là 
fob,  alors  qu'on  en  peut  produire  deux  et  mênw 
trois  à  la  main  gauche  (pourvu  toutefois  que  ces 
différents  sons  ne  soient  pas  trop  distants  les  luis 
des  autres).  Les  sons  harmoniques  s'indiquent  de 
même  que  pour  la  main  droite,  en  mettant  autant 
de  zéros  superposés  que  cela  peut  être  nécessaire'. 

On  peut  faire  alterner  les  deux  mains  comm€  dans- 
l'exemple  suivant  : 


r        0  y  .t. 


Fantaisie  sur  un  motif  d'Obéron  (Parish-Alvars)  (Lemoine  éd.). 
La  région  la  plus  favorable  pour  les  sons  harmo- 
niques   est    comprise    entre    le    ^t 


et    le 


m 


passé  cette  note,  ils  peuvent  encore  se 


faire;  mais  l'exécution  eu  est  dangereuse  et  produit 
parfois  un  son  mat  dont  l'effet  est  à  éviter. 

1.  Afm  d'éviter  la  confusion  qui  résulterait  pour  les  yeux  de  la  suc- 
cession parallèle  des  quarante-sept  cordes  de  la  harpe,  les  /"a  sont 
teintés  en  bleu  et  les  do  en  rouge. 


On  peut  aussi  obtenir  une   double  octave  d'une 
seule  main,  de  la  façon  suivante  : 


Andanie  reli^ioso.  IL  tatto  eù>lce  e  Légats. 


l^^^    \    f 


^m 


^^ 


mm 


É 


M 


0      0      0      0° 


[:nii^ 


etcL 


(On  remarquera  que  les  sons  harmoniques  se  font 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  HARPE  ET  SA   TECHNIQUE    1937 


ici,  dans  la  partie  supérieure  de   la  main  gauche 
seulement.) 

Les  sons  étouffés  se  font  éyalement  des  deux 
mains;  mais  seulement  en  montant,  pour  la  main 
droite,  et  en  succession  de  gammes  ou  fragments  de 


gamme.  On  les  indique  par  la  mention  :  sons  l'touf- 
fcs,  placée  au-dessus  ou  au-dessous  des  notes  à  exé- 
cuter. Pour  la  main  gauche,  ils  se  font  dans  les  deux 
sens. 

Exemple  de  sons  étouffés  de  la  main  gauche  : 


Allegro  moderato 


^WW 


Sona  étouffés 

Variations  de  bravoure  sur  des  motifs  italiens  (Parish-Alvah?,  op.  37)  (Lemoine  éd.). 


Les  sons  étouffés  sont  souvent  employés  à  la  main 
gauche  afin  d'éviter  le  frisement  qui  se  produit  dans 
feuchainement  de  deu.x  ou  plusieurs  sons  graves,  — 
les  cordes  graves  ayant  un  champ  de  vibration  assez 
étendu.  —  On  joue  les  sons  destinés  à  être  étouffés 
avec  le  pouce,  en  ayant  soin  de  laisser  les  autres 
doigts  à  plat  sur  le  plan  des  cordes;  l'opération  s'ef- 
fectue automatiquement,  en  ce  sens  que  les  vibra- 
tions d'un  son  quelconque  sont  étoufîées  au  moment 
précis  où  le  pouce  (et  par  conséquent  l'ensemble  de 
la  main)  se  place  sur  le  son  suivant. 

Dans  les  enchaînements  ascendants,  les  sons  sont 
étoulTés  par  les  2%  3%  4«  et  :i«  doigts  réunis,  et  dans 
les  successions  descendantes,  par  la  partie  inférieure 
du  pouce. 

On  rencontre  rarement  les  sons  étouffés  de  la  main 
droite;  on  les. joue  avec  l'index  en  avançant  la  main 
du  côté  de  la  colonne  de  l'instrument  ;  les  notes  sont 
étoulîées  par  la  phalangette  de  ce  doigt  quand  il  se 
pose  sur  la  corde  suivante. 

Un  des  avantages  les  plus  précieux  du  système  de 
pédales  en  usage  pour  la  harpe,  est  de  rendre  uni- 
forme le  doij;té  de  toutes  les  gammes  majeures  et 
mineures;  elles  peuvent  aussi  se  glisser,  toujours 
dans  tous  les  tons,  avec  un  seul  doigt,  non  seule- 
ment en  notes  simples,  mais  encore  en  tierces  ou  en 
sixtes  dans  les  deux  sens,  en  octaves  et  en  dixièmes 
en  descendant. 

Les  gammes  glissées  en  tierces,  sixtes  (voire  octa- 
ves) ne  sont  possibles  qu'en  descendant,  car  la  partie 
supéiieure  de  ces  gammes  seule  est  glissée  par  le 
pouce,  —  lequel  ne  pourrait  opérer  de  même  en 
montant,  —  la  partie  inférieure  étant  doigtée  par 
les  2',  3=  et  4"  doigts,  qui  jouent  à  tour  de  rôle, 
comme  dans  une  gamme  simple  (sans  pouce). 

Ceci  nous  conduit  à  parler  d'un  genre  de  trait 
tout  à  fait  personnel  à  notre  instrument,  et  qui  en 
constitue  une  des  ressources  les  plus  curieuses.  11 
s'agit  du  sdrucciolando,  incorrectement  appelé  ;//<.«- 
sando. 

L'orchestration  moderne  s'en  est  emparée,  et  ces 
traits  oll'rent  de  multiples  combinaisons,  d'un  intérêt 
sans  cesse  renouvelé. 

Voici  la  théorie  de  ces  sdrucciolandi  (un  de  nos 
anciens  élèves,  M.  Fernand  Maignien,  en  a  compté 
deux  cents  espèces)  :  elle  est  basée  sur  ce  principe 
qu'en  faisant  entendre,  toujours  dans  leur  ordre 
■régulier,  les  notes  qui  composent  l'échelle  de  la 
gamme,  il  est  possible  de  les  altérer  de  telle  façon 
■qu'elles  forment,  non  plus  une  gamme,  mais  un 


accord,  soit  régulier,  soit  agrémenté  de  notes  de  pas- 
sage qui  peuvent  produire  le  plus  piquant  effet,  et 
en  tout  cas,  un  effet  qu'aucun  autre  instrument  ne 
saurait  réaliser. 

La  harpe  ayant  la  faculté  de  hausser  ou  de  baisser 
à  volonté  d'un  demi-ton  chacune  des  notes  de  la 
gamme  diatonique  d'M<  majeur,  neuf  sons  de  la  gamme 
chromatique  possèdent  leur  synonyme,  ou  mieux 
leur  homophone  ;  en  un  mot,  la  harpe  dispose  d'un 
rf[,  et  d'un  «<#  distincts,  d'un  mt'h  et  d'un  réid,  d'un 
mit]  et  d'un  fa\^,  etc.;  elle  est  donc  enharmonique 
dans  la  plus  grande  partie  de  son  échelle.  Les  trois 
seules  notes  ne  possédant  [las  d'homophones  sont  : 
le  ré^,  le  sol:^  et  le  lat^. 

C'est  ainsi  que  l'on  peut  obtenir  des  traits  glissés 
sur  toutes  les  gammes  diatoniques  majeures  et  mi- 
neures, ainsi  que  les  gammes  de  tons  entiers;  tous  les 
accords  de  9"=  majeure  et  mineure  et  tous  les  accords 
de  7"  diminuée  sont  également  praticables;  les«glis- 
sando  »  sont  aussi  possibles  sur  o  accords  de  7"  de 
dorninante,  o  accords  de  7"  seconde  espèce,  5  accords 
de  7=  troisième  espèce  et  %  accords  de  7"  quatrième 
espèce;  il  faut,  en  outre,  ajouter  beaucoup  d'accords 
(de  7")  qui  ne  sont  pas  compris  dans  cette  nomen- 
clature, mais  qui  sont  exéculables  malgré  l'adjonc- 
tion forcée  d'une  note  de  passage. 

Accord  de  7",  2^  espèce,  indiqué  ci-dessus  : 
Syn,         id.         id. 


A      f\i.^A»^-^^ 


même  accord  écrit  un  demi-ton  plus  bas 


Syn 

A 


id. 


Ilote  de  passage 

Cet  accord  n'a  pas  été  classé  plus  haut,  car  il  pos- 
sède une  note  de  passage;  il  garde  néanmoins  toute 
sa  musicalité,  l'emploi  de  la  note  de  passage  peut 
(l'ailleurs  être  utilisé  dans  toutes  les  combinaisons 
de  synonymes. 

L'enchainenient  de  deux  ou  plusieurs  «  glissando  » 
d'espèces  différentes  est  souvent  possible  par  le  dé- 
placement d'une  ou  deux  pédales  : 

122 


1938 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  OICTIOXMAIRE  DU  COXSEltVATOIRE 


supposée  :r^zji-^Ç^ 


Péd.  à  déplacer  la  11  laj  sib      . 


%  (Avec  note  de  passage- Do  b) 


Les  glissades  de  cel  exemple  peuvent  être  jouées 
nalurellemenl  sur  toute  l'étendue  de  la  harpe.  Disons 
aussi  qu'en  dehors  des  accords  connus  et  classés,  cer- 
taines combinaisons  produisent  des  effets  tout  à  fait 
curieux,  si  l'on  en  juge  par  l'exemple  suivant  extrait 
d'une  pièce  pour  harpe  (La  Mandoline}  composée  par 

PARlSH-ÂLVAnS  : 


Effet  produit  *)'•  p  oj 


-g-e^ 


-e-o 


»^?ttet 


etc. 


M?^ 


etc. 


Exécution 


D'après  ce  court  aperçu,  il  sera  facile  d'imaginer 
le  nombre  incalculable  de  combinaisons  qu'il  est 
possible  de  réaliser,  et  on  comprendra  que  le  côté 
personnel  et  pittoresque  de  leur  emploi  ait  séduit  les 
compositeurs  modernes  —  lesquels  furent  d'ailleurs 
devancés  en  cela  par  Wag.nkr,  Liszt  (qui,  crojons- 
nous,  a  été  le  premier  à  employer  les  i<  glissande  ») 
et  les  musiciens  de  l'école  russe. 


TONS  MAJEURS  ACCORDS  DE  SEPTIEME  17  espèce 

en  do  b  en  sol  b  en  ré  b 


y? 


-W^ 


^ 


Ujt*  1'°"' 


*    PO 


kiH"""* 


1^1*^ 


en  SX 


enfajf 


en  do  8 


ao|/*i!o>r'^ 


w« 


,  k  il"  1"  "' 


jt^klto^'tf"'"    1^^ 


2î  espèce 


en  do  I» 


^„^■^.■■^.l■^^^^^^oil^^°»''^^     t'-V'"^- 


■W> 


en  SI 


i*''"''      ltob.|h>^*l'"^'""    1°'"° 


\,,  o  1'*  fl* 


^a^ 


3! -espèce 

en  do  b 


en  sol  b 


ea  re  b 


^te 


ira 


-Wy 


j.M'^°l'- 


b»  fi* 


•-bot 


en  SI 


33; 


-M^* 


fa}} 


en  do  tt 


S 


fl^^*tt°l'*"°" 


w^^ 


4-!  espèce 


en  do  b 


en  sol  b 


ACCORDS  DE  95  MAJEURE 

en  do  b  en  sol  t>  en  ré  b 


»  cil  ui>  /  Cil  aui.  \/ 


-bn> 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  HARPE  ET  SA  TECHNIQUE    1939 


ACCORDS  DE  95  MNEURE 


J)ans  tous  les  ton 3 _  Exemples  :        en  la  1»  mm .  en  la  l^  mm .  en  la }(  min . 


ACCORDS  DE  75  DIMINUEE 


i 


^^.^^^ 


^ 


^fe^,^^^^ 


^^ 


Dans  tous  les  tars_E:-:emple= 


en  re  mm. 


en  la  min. 


en  mi  mm. 


Exemples  de  ponihinaisoiis. 

L'écriture  de  la  harpe  a  une  cerLaine  analogie  avec 
celle  du  piano,  surlout  du  piano  tel  que  l'enten- 
daient Liszt  et  ïnALitEiiG,  avec  des  intervalles  espacés 
et  des  croisements  de  mains  fréquents'. 

Sa  région  grave  est  pleine  d'ampleur  et  de  richesse; 
ses  basses  ont  une  puissance  et  une  rondeur  trop 
ignorées,  bien  des  artistes  n'en  utilisant  qu'excep- 
tionnellement ou  trop  discrètement  les  ressources. 

Le  médium  convient  aux  parties  chantantes  ;  son 
timbre  se  prête  parfaitement  aux  sons  soutenus; 
habilement  exploité,  il  en  donne  du  moins  l'illusion. 

La  partie  supérieure  est  exclusivement  brillante  et 
convient  aux  traits  rapides"-. 

Dans  son  ensemble,  la  sonorité  de  la  harpe  dégage 
une  impression  de  tluidité,  de  poésie  en  quelque 
sorte  hiératique,  dont  le  charme  est  tout-puissant. 

Si  l'écriture  de  la  harpe  est  la  même  que  celle  du 
piano,  il  en  est  tout  autrement  de  sa  technique,  quia 
pour  base  une  position  de  mains  absolument  diffé- 
rente. 

Pour  s'en  rendre  compte,  il  suffit  de  placer  sur  un 
clavier  la  main  gauche  dans  sa  position  normale, 
tandis  que  la  main  droite  se  tiendra  renversée  la 
paume  en  l'air  au-dessous  de  ce  même  clavier;  les 
pouces  se  trouveront  alors  à  la  partie  supérieure  de 
chaque  main,  ce  qui  est  le  cas  pour  le  harpiste. 

A  noter  aussi,  qu'à  l'enconlre  de  ce  qui  se  passe 
pour  le  piano,  c'est  seulement  lorsque  le  doigt  quitte 
la  corde  qu'elle  résonne. 

Parmi  les  parties  d'orchestre  les  mieux  écrites  pour 
l'instrument,  il  faut  remarquer  en  première  ligne 
toutes  celles  de  Mkyerbeer,  celles  de  la  Dame  Blanche, 
de  Faust,  de  Tannhiiiiser  (gauche  parfois,  mais  très  en 
dehors),  celles  des[poèmes  symphoniques  de  Liszt,  de 
Saint-Saëns,  et  de  la  nouvelle  école  russe,  de  Wagner, 
Berlioz,  Bizet,  Thomas,  Cuabrier,  Massenet,  Dubois, 
PiERN'É,  Debussy,  Vincent  d'Iindv,  Humperdinck,  Puc- 


ci.Ni,  Ravel,  Paul  Duras,  etc.  Enfin,  nos  jeunes  com- 
positeurs donnent  chaque  jour  à  la  harpe  une  impor- 
tance plus  grande  en  utilisant,  parfois  avec  un  rare 
bonheur,  les  effets  dont  il  a  été  parlé  plus  haut  à 
propos  du  sdrucciolando. 

Bien  avant  ces  auteurs,  et  quoique  les  ressources  de 
la  harpe  fussent  encore  restreintes,  les  maîtres  clas- 
siques en  avaient  déjà  fait  usage.  Il  existe  un  Con- 
fère pour  llùte,  harpe  et  orchestre  de  Mozart; 
Gluck  fait  accompagner  par  la  harpe  une  scène 
d'Orphée,  et  Beethove.n  s'en  sert  dans  un  ballet  de 
Prométhée. 


ENSEIGNEMENT  ET  VIRTUOSES  DE  LA   HARPE 

La  fondation  de  la  classe  de  harpe  au  Conserva- 
toire de  Paris  date  de  1823. 

C'est  Naderma.n  qui  en  fut  le  premier  professeur; 
A..  Prumier  lui  succéda  en  1835;  Labarre  occupa 
ensuite  ce  poste,  de  1867  à  1870;  C.  Prumier  fils,  de 
1870  à  1884;  puis,  à  partir  de  cette  date,  A.  Hassel- 
UANS,  l'auteur  de  cette  notice,  auquel  a  succédé  le 
professeur  actuel,  M.  M.  Tournier. 

Les  principaux  ouvrages  adoptés  pour  renseigne- 
ment sont  : 

La  Méthode  de  R.  .Martenot  (Enoch  el  C''),  celle 
de  Labarre  (Leduc),  les  sept  cahiers  d'Etudes  de  Ch. 
lîocHSA  (Maisons  Lemoine  et  Costallat),  les  Etudes  de 
.Naderman,  extraites  de  son  Ecole  de  Harpe  (Cos- 
tallat); les  huit  Caprices  de  Labarre  (Joubert),  les 
iS  Etudes  de  Dizi  (Noël),  celles  de  Zabel  (Zlmmer- 
mann);  les  Etudes  de  perfectionnement  de  Bérens, 
transcrites  par  Vizthum;  les  six  grandes  Etudes  de 
virtuosité  de  M.  Schlecker,  les  huit  Grandes  Etudes 
de  M.  Wilhelm  Posse. 

Entre  tous  les  harpistes  qui  illustrèrent  la  harpe, 
il  convient  de  placer  au  premier  rang  les  noms  de 
Ch.  BocHSA  fils,  de  Dizi,  de  Th.  Labarre,  des  frères 
Jules  et  Félix  GontPROio,  et,  tout  à  fait  hors  de  pair, 


1.  H  va  sans  dire,  cepentiant,  que  les  notes  répétées  en  succession 
un  peu  rapide  sont  ineiécutables,  à  moins  que  l'on  ne  puisse,  pour 
les  réaliser,  recourir  à  cet  artifice  dont  il  est  parlé  précédemment,  et 
qui  permet  de  disposer  a  la  fois  de  deux  sons  homophones  (réjf  et  mi\^ 
ou  bien  siff  et  e/o  H  par  exemple).  Kn  ce  cas,  la  note  répétée  pour 
l'oreille  est  en  réalité  une  sorte  de  trille  exécuté  soit  par  une  main. 


soit  par  les  deux,  sur  des  cordes  voisines.  —  Fort  en  usage  d'abord 
dans  les  morceaux  de  virtuosité,  cette  ressource  est  utilisée  maiu- 
tenant  aussi  à  l'orchestre  : 

Ballet  d'Ascanio,  C.  SAmt-SiSss 
(Durand  et  fils  éditeurs). 


/'g^'g^'^ 


2-   Il  est  bon  de  se  piéinunir  à  ce  iiropns  contre  une  erreur  assez  1   sages  qui,  tout   en  paraissant  suraigus,    n'appai  tiennent  cependant 
ïéquente,  qui  consiste  à  croire  écrits  à  l'octave  supérieure  des  pas-  |   qu'a  l'avant-deroicre  octave. 


t940 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


celui  de  Parish-Alvars,  qui  fui  non  seulement  un 
grand  virtuose,  noire  Paganini,  mais  aussi  le  vérilable 
<:réateur  de  la  technique  moderne  de  la  harpe,  aussi 
différente  de  l'ancienne  que  peut  l'être  pour  le  piano 
celle  de  Liszt  ou  de  Rubinstein  comparée  avec  celle 
de  FiELD  ou  de  Clementi,  par  exemple. 

Parish-Alvars  (Klias),  né  à  Londres,  le  28  février 
1808,  mourut  à  Vienne  le  25  janvier  1840,  en  pleine 
malurité  d'un  (aient  demeuré  jusqu'ici  sans  rival,  et 
dont  la  disparition  prématurée  fut  une  irréparable 
perte  pour  la  harpe. 

Voici  en  quels  termes  Berlioz,  dans  ses  mémoires, 
s'exprime  à  son  sujet  :  «  J'ai  fait  la  connaissance  à 
Dresde  du  prodigieux  harpiste  anglais  Parissh-Alv  ars, 
dont  le  nom  n'a  pas  encore  la  popularité  qu'il  mé- 
rfte.  Il  arrivait  de  Vienne.  C'est  le  Liszt  de  la  harpe! 
On  ne  peut  s'imaginer  tout  ce  qu'il  est  parvenu  à 
produire  d'eU'ets  gracieux  et  énergiques,  de  traits 
originaux,  de  sonorités  inouïes  avec  son  instrument. 
Cet  homme  est  sorcier,  sa  harpe  est  une  sirène  au 
beau  col  incliné,  aux  longs  cheveux  épars,  qui 
exhale  des  sons  fascinateurs  d'un  autre  monde,  sous 
l'étreinte  de  ses  bras  puissants.  » 

S'il  ne  fut  pas  un  virtuose  de  la  même  envergure, 
Charles  Bochsa,  né  à  Montmédy  en  1789,  n'en  fut  pas 
moins  un  musicien  de  valeur,  connaissant  à  fond  son 
instrument.  Fils  d'un  hautboïste,  qui  s'était  établi 
marchand  de  musique  à  Paris  en  1806,  Ch.  Boghsa 
entre  à  cette  époque  au  Conservatoire,  où  il  obtient 
la  même  année  un  premier  prix  d'harmonie  (Classe 
■Catel). 

II  fut  pour  la  harpe  l'élève  de  Naderman,  puis  de 
"Ni.  de  Marln. 

Peu  d'artistes  laissèrent  une  œuvre  aussi  féconde, 
bien  que  portant  naturellement  la  trace  du  temps; 
il  en  reste  une  centaine  d'études  qui,  à  l'heure  ac- 
tuelle, constituent  encore  la  base  de  notre  enseigne- 
ment. 

L'invention  du  double  mouvement,  qui  n'était,  en 
somme,  que  le  développement  du  système  alors  en 
usage,  le  compta  parmi  ses  plus  chauds  partisans,  et 
il  écrivit  à  son  intention  de  nouvelles  études  dédiées 
à  Sébastien  Erard'. 

En  outre  de  ses  compositions  pour  harpe,  parmi 
lesquelles  figurent  plusieurs  concertos,  il  produisit 
nombre  de  morceaux  d'ensemble  et  plusieurs  opéras 
qui  furent  représentés  sur  la  scène  de  l'Opéra-Co- 
mique  :  Les  Héritiers,  de  Paimpol,  Alphonse  d'Ara- 
gon, Les  Héritiers  Michau,  Les  Noces  de  Gamache,  Le 
Roi  et  la  Ligue,  La  Lettre  de  Change,  Un  mari  pour 
■étrennes. 

A  l'un  de  ses  concerts,  très  suivis  par  la  haute 
société  du  premier  Empire,  il  disparut,  raconte-t-on, 
■emportant  une  moisson  de  riches  cachemires  dépo- 
sés au  vestiaire.  Poursuivi  et  condamné  en  1816 
pour  différentes  aventures  du  même  genre,  il  se  ré- 
fugie à  Londres,  y  enlève,  en  1839,  M'"'  Bishop,  et 
parcourt  avec  elle  l'Europe  et  l'Amérique. 

Fixé  enfin  en  Australie,  il  fut  chef  d'orchestre  à 
Melbourne  et  mourut  à  Sydney,  en  1836,  après  une 
longue  maladie. 

A  côté  de  cette  existence  si  déplorablement  acci- 

1.  Comment  ne  pas  remarquer,  en  présence  de  l'accueil  fait  au  double 
mouvement  par  Bochsa,  par  L\b\rre,  Parish-Alvars,  Dizi,  les  frères 
Jules  et  Félix  Godkfroid,  l'attitude  hostile  de  Naderman  leur  contem- 
porain; Naderman  était  lui-même  facteur  de  harpes;  le  brevet  d'ERARD 
ruinait  son  industrie,  et  cette  seule  constatation  donne  à  ses  critiques 
(préface  de  l'Ecote  de  harpe)  leur  juste  valeur.  Pourquoi  sans  cola  cette 
opposition? 

La  harpe  nouvelle  se  prêtait  admirablement,  aussi  bien  pour  le  mê- 


dentée,  celle  de  Dizi  paraîtra  peut-être  bien  terre  à 
terre  ;  elle  offre  cependant,  à  son  début,  un  épisode 
qui  vaut  d'être  conté  ici. 

Dizi  (François-Joseph),  né  à  Namur  le  14  janvier 
178U,  fit,  sous  la  direction  de  son  père,  professeur 
de  musique  en  cette  ville,  de  sérieuses  études  musi- 
cales, mais  c'est  à  lui  seul  qu'il  dut  son  talent  de 
harpiste,  personne  ne  pouvant  à  Namur  lui  ensei- 
gner la  technique  de  son  instrument. 

A  l'âge  de  seize  ans,  se  trouvant  en  Hollande  où  il 
donnait  une  série  de  concerls,  le  désir  lui  vint  de  se 
rendre  en  Angleterre. 

Rempli  d'espérances,  la  bourse  un  peu  légère,  il 
est  vrai,  le  jeune  virtuose  s'embarque. 

Peu  d'heures  après,  le  navire  ayant  fait  relâche 
dans  un  des  petits  ports  de  la  côte,  un  matelot 
tombe  à  la  mer;  sans  songer  seulement  qu'il  ne  sait 
pas  nager,  Dizi  se  précipite  au  secours  du  naufragé, 
se  débat,  perd  connaissance  et,  sauvé  à  son  tour 
par  des  pêcheurs,  se  retrouve  auprès  d'un  grand  feu 
allumé  pour  le  ranimer.  Pendant  ce  temps,  et  sans 
plus  s'inquiéter  de  son  passager,  le  navire  continuait 
sa  route,  emportant  tout  ce  que  Dizi  possédait  :  ses 
vêtements,  ses  lettres  de  recommandation,  son  ar- 
gent, sa  harpe,  tout  enfin.  Ses  habits  séchés,  grâce 
à  quelques  florins  retrouvés  au  fond  de  ses  poches, 
il  prend  passage  sur  un  nouveau  bâtiment,  espé- 
rant retrouver  à  Londres  celui  qui  l'avait  abandonné, 
et  dq/fit  il  ignorait  même  le  nom.  Après  plusieurs  jours 
de  recherches  infructueuses,  le  malheureux  Dizi, 
sans  ressources  aucunes,  errant  dans  les  rues  de 
Londres,  perçoit  tout  à  coup  les  sons  d'une  harpe; 
sans  hésiter,  il  frappe  à  la  demeure  d'où  s'étaient 
échappés  les  accords  providentiellement  sauveurs. 
C'était  celle  de  Sébastien  Erard,  qui  le  fit  jouer,  lui 
vint  en  aide  de  toutes  manières,  et  contribua  puis- 
samment à  lui  créer  une  situation  tout  à  fait  avan- 
tageuse en  Angleterre. 

Très  doué  pour  la  mécanique,  Dizi  chercha  à  per- 
fectionner son  instrument;  il  crut  en  avoir  trouvé  le 
moyen  en  disposant  l'attache  supérieure  des  cordes 
à  l'intérieur  de  la  console,  où  elles  se  trouvaient 
subir  l'action  de  la  mécanique  dans  une  position 
exactement  verticale,  d'où  le  nom  de  harpe  perpen- 
diculaire. 

Cette  innovation  avait  malheureusement  pour 
inconvénient  de  rendre  le  remplacement  des  cordes 
excessivementcompliqué;  de  plus,  la  mécanique  était 
sujette  à  de  Iréquents  dérangements.  Dizi  lui-même 
y  renonça  au  bout  de  quelque  temps,  et  construisit 
une  nouvelle  harpe  se  rapprochant  davantage  de 
celle  d'ERARD. 

En  1830,  il  quitte  Lohdres  pour  s'établir  à  Paris  et 
y  forme,  avec  la  maison  Plevel,  une  association  pour 
l'établissement  d'une  fabrique  de  harpes,  mais  cette 
entreprise  n'eut  aucun  succès.  (Fétis.i 

A  son  arrivée  en  France,  Dizi  avait  été  nommé 
professeur  de  harpe  des  princesses  de  la  famille 
royale. 

Quelques  mots  encore  à  propos  du  marquis  d'AL- 
VIMARE,  très  remarquable  harpiste  né  en  1770;  c'est 
ù  son  talent  qu'il  dut  d'échapper  aux  rigueurs  de  la 


canisme  des  pédales  que  pour  ceîui  des  doigts,  i\  Teiiécution  de  la 
musique  écrite  jusqu'alors,  et  cela  sans  étude  préalable  et  sans  ciian- 
gement  de  teclinique  d'aucune  sorte;  elle  n'apportait  à  l'eiécutant  que 
des  facilités,  une  sonorité  sensiblement  enricliie  et  lui  laissait  l'eulipre 
faculté  de  se  borner,  si  tel  était  son  bon  plaisir,  aui  seules  ressources 
de  l'ancienne  harpe.  Si  routinier  qu'ail  pu  être  l'esprit  de  Nuilrman, 
iljest  donc  difficile  d'admettre  que  les  motifs  qu'il  invoque  pouressayer 
de  justifier  son  mauvais  vouloir  aient  été  bien  sincères. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  HARPE  ET  SA  TECHNIQUE    19'.r 


tourmente  révolutionnaire  auxquelles  le  désignait 
sa  naissance. 

Admis  en  l'an  VllI  à  l'orchestre  de  l'Opéra,  sa  no- 
mination définitive  date  de  fructidor  an  IX.  Dalvi- 
MARE  (c'est  ainsi  qu'on  l'appelle  désormais)  fait  par- 
tie de  la  musique  particulière  de  Napoléon;  en  1807, 
il  devient  maître  de  harpe  de  l'impératrice  José- 
phine, et  se  retire  à  Dreux,  en  1812;  il  y  vivait  en- 
core en  1837,  et  ses  descendants,  qui  ont  repris  leur 
titre,  y  sont  toujours  fixés. 

La  période  comprise  entre  1820  el  1843  fut  extrê- 
mement brillante  pour  la  harpe.  L'invention  du 
double  mouvement  (1811)  venait  de  développer  si 
heureusement  les  ressources  de  l'instrument,  en  lui 
conservant  son  caractère  propre  et  en  facilitant  le 
mécanisme  de  l'exécutant,  qu'elle  fit  surgir  des  vir- 
tuoses de  premier  ordre.  En  Allemagne  et  en  Angle- 
terre, Parish-Alvars  et  Uizi  ;  en  France,  Th.  Labarre, 


Léon  Gatayes,  Bochsa,  Xavier  Désargl'Es,  et  les  frères 
Jules  et  Félix  Godefroid. 

.Mais,  à  cette  époque,  les  progrès  du  piano,  ses 
succès  de  plus  en  plus  envahissants,  ses  maîtres, 
l'importance  et  la  valeur  des  compositions  écrites  à 
son  intention,  submergèrent  bien  vite  tout  ce  qui 
n'était  pas  lui.  Th.  Labarre  crut  pouvoir  suivre  ce 
courant;  ses  compositions  marquent  une  tendance 
évidente  à  vouloir  assimiler  la  harpe  au  piano;  ce 
fut  une  faute.  Félix  (iodefroid  sut  mieux  comprendre 
son  instrument,  et,  ne  lui  demandant  pas  plus  qu'il 
ne  peut  donner,  il  se  contenta  de  mettre  en  valeur 
ses  qualités  exquises  de  finesse  et  de  sonorité.  C'est 
donc  à  lui,  en  grande  partie,  que  revient  le  mérite 
d'avoir  conservé  en  France  le  goût  d'un  instrument 
dont  le  timbre,  tantôt  moelleux  et  doux,  tantôt  ar- 
gentin et  clair,  se  fond  toujours  si  artistiquement 
dans  la  polyphonie  de  l'orchestre. 

Alph.  HASSELMANS. 


LA  HARPE  CHROMATIQUE  ET  SA  FACTURE 


Par  Gustave  LYON 


DIRECTEUR     DE    LA     MAISON     PLEVEI. 


LA  HARPE   «  CHROMATIQUE  SANS  PÉDALES  " 
PLEYEL   (SYSTÈME  G.    LYON) 

Origine. 

C'est  en  août  1894  que  deux  des  plus  grands  et 
des  plus  illustres  harpistes  de  l'époque',  aussi  célè- 
bres par  leur  enseignement  que  par  leurs  brillants 
succès  de  virtuoses  et  de  compositeurs,  vinrent  faire 
visite  à  M.  Gusiave  Lyon,  alors  gérant  de  la  Société 
Pleyel,  Wolff  et  C'*,  pour  lui  demander  que  la  mai- 
son Pleyel  fabriquât  à  nouveau  des  harpes  à  double 
mouvement  comme  elle  l'avait  fait  autrefois. 

M.  Gustave  Lyon  répondit  à  ses  interlocuteurs  qu'il 
n'en  avait  nullement  l'intention,  pour  la  simple 
raison  que  son  beau-père,  M.  Auguste  Wolff,  qui 
avait  été  le  collaborateur  de  Camille  Pleyf.l  jusqu'en 
1835,  date  de  la  mort  de  ce  dernier,  avait  lui-même 
décidé,  en  prenant  la  gérance  de  la  Société  Pleyel, 
Wo>LFF  et  C",  de  cesser  la  fabrication  et  même  la 
séparation  des  harpes  à  pédales  à  double  mouve- 
ment, dont  il  avait  pu,  avec  son  esprit  judicieux  et 
critique,  mesuier  les  imperfections  incorrigibles  et, 
pour  ainsi  dire,  organiques.  Et  c'est  pour  donner  à 
cette  décision,  longuement  mûrie  et  rationnellement 
voulue,  force  de  loi  que  M.  Auguste  Wolff  fit  brûler 
dans  la  cour  de  l'immeuble  Pleyel  de  lu  rue  Roche- 
cbouart,en  1855,  en  autodafé,  pour  plus  de  deux  cent 
mille  francs  de  matériel  de  harpes,  de  harpes  en  cours 
et  même  de  harpes  terminées,  des  marques  Pleyel- 
Dizi  et  Naderman,  que  la  Société  possédait  encore. 

M.  Gustave  Lyon  ne  voulait  pas  recommencer  en 
1894  une  expérience  que  son  prédécesseur  avait  par 
avance  condamnée  en  1855,  mais  il  s'intéressa  à  la 
question  posée  par  ses  éminents  visiteurs.  Il  fit  une 
enquête  approfondie  sur  les  causes  de  lu  demande, 
sur  les  griefs  invoqués  contre  les  fabricants  de  l'é- 
poque. Il  puisa  dans  les  documents  qu'il  pul  réunir 
les  éléments  constitutifs  des  raisons  simultanées  de 
ces  désirs  et  de  ces  oppositions,  et  constata  ceci. 

La  harpe  ancienne,  qui  comportait  sept  notes  par 
octave  et  qui  avait  une  étendul  d'environ  six  octaves, 
avait  été,  pendant  longtemps,  dans  l'impossibilité  de 
produire  les  demi-tons  compris  entre  les  notes  de  la 
gamme  diatonique  de  do  majeur  par  exemple;  à 
partir  du  xviii"  siècle,  une  série  d'inventeurs  imagi- 
nèrent des  systèmes  destinés  à  raccourcir,  soit  avec 


1.  Alphonse  Hasselmans  et  Félix  Godefroid. 


la  main,  soit  avec  une  transmission  par  pédales, 
chacune  des  cordes  de  la  longueur  nécessaire  pour 
hausser  cette  note  d'un  demi-ton.  Ces  harpes  étaient 
dites  à  simple  mouvement. 

En  1787,  Sébastien  Ehard  eut  l'idée  très  remar- 
qualile  de  la  harpe  à  double  mouvement.  Cette  harpe 
était  caractérisée  par  ce  fait  que  la  tonalité  de  cha- 
que corde  pouvait  être  élevée,  d'abord  d'un  demi- 
ton,  puis  d'un  second  demi-ton,  par  deux  raccour- 
cissements successifs  île  la  partie  vibrante  de  la 
corde,  obtenus  à  l'aide  de  fourchettes  solidaires  cor- 
respondantes, mises  en  mouvement  par  des  pédales 
à  deux  crans  d'arrêt. 

La  première  harpe  de  ce  système  ne  fut  livrée 
terminée  qu'en  1811,  après  avoir  paru  une  première 
fois  en  1797,  soit  quatorze  ans  après  son  invention. 
Le  problème  était  aussi  bien  résolu  que  possible, 
étant  donné  qu'on  acceptait  les  défauts  inhérents  à 
la  harpe  à  pédales  ordinaire,  même  à  double  mou- 
vement. Etcependant,  en  1844,  elle  n'étaitpas  encore 
adoptée  au  Conservatoire  de  Paris,  où  le  célèbre 
professeur  Naderman  n'enseignait  et  ne  voulait  ensei- 
gner que  la  harpe  à  simple  mouvement.  Voici  ce  qu'il 
écrivait  dans  sa  méthode  : 

c<  Comme  maître  de  harpe,  j'ai  été  en  position  de 
juger  les  talents  de  ceux  qui,  dans  les  deux  pays, 
avaient  abordé  la  harpe  à  double  mouvement,  et 
que  de  fois  j'ai  reconnu  que  le  succès  ne  répondait 
pas  à  la  peine  et  à  la  fatigue  qu'ils  s'étaient  données! 
Est-ce  leur  intelligence  ou  leur  talent  que  j'en  ac- 
cuse'.' Non;  sur  la  harpe  à  simple  mouvement,  ce 
talent  eût  brillé  de  tout  son  éclat;  mais  ils  se  sont 
pris  à  un  instrument  rebelle  qui  les  a  trahis.  Que 
faudrait-il  de  plus  qu'une  si  triste  expérience  pour 
les  ramener  à  cette  harpe  à  simple  mouvement,  si 
belle,  si  harmonieuse,  si  riche,  si  facile  et  qui, 
comme  on  le  verra  dans  le  dictionnaire  des  transi- 
tions qui  fait  suite  à  cet  ouvrage,  peut,  dans  la  main 
des  artistes,  se  prêter  à  toutes  les  combinaisons  dont 
l'autre  harpe  les  a  llattés  si  vainement? 

«  Pour  rendre  plus  sensible  ce  qui  vient  d'être 
dit,  supposons  que  le  premier  inventfur  de  la  harpe 
eût  créé  tout  d'abord  la  harpe  à  double  mouvement, 
et  que,  fatigué  de  tout  ce  mécanisme,  un  artiste  eût 
cherché  les  moyens  de  s'en  alïranchir  sans  appau- 
vrir son  instrument  :  qu'eût-il  fait?  Il  se  fût  rendu 
familier  l'emploi  des  synonymes,  il  eût  trouvé  sur 
sa  harpe  ces  séries  de  transitions  dont  je  donne  les 
tables  et  le  dictionnaire;  et,  ramenant  la  double 
harpe  à  la  simple,  il  eût  fait  évanouir  tous  les 
inconvénients  de  la  première,  et  concentré  dans  la 


TECIINIQUH,  ESrilÉTKji'E  ET  PÉDAGOGIE 


LA  HARPE  CHROM.  ET  SA  FACTURE    lOW 


seconde  tous  les  avanta;^es  de  l'une  el  de  l'autre'.  » 
Nadkrman  ajoiitail  cette  prédiction,  désormais  réa- 
lisée par  l'invention  de  la  harpe  chromatique  sans 
pédales  : 

«  Si,  entraîné  par  ce  premier  succès,  il  eût  tenté 
de  le  porter  plus  loin,  et  découvert  te  moyen  d'oter  à 
la  harpe  ses  pédales,  en  lui  conservant  les  mêmes 
ressources  et  la  même  richesse,  avec  quelle  chaleur 
eût  été  applaudie  cette  découverte?  Rendue  ainsi  à 
toute  sa  perfection,  la  harpe  ne  serait-elle  pas  devenue 
le  premier  de  tous  les  instruments?  Perfection  dont  il 
faut  malheureusement  désespérer^.  » 

L'opposition  de  Naderm.\n  fui  vaine.  Tous  les  har- 
pistes de  qualité  adoptèrent  la  harpe  à  double  mou- 
vement, malgré  les  critiques  que  certains  lui  faisaient, 
et  qui  peuvent  se  résumer  ainsi  : 

A.  —  Impossibilité  de  savoir  instantanément  quelle 
note  doit  donner  une  corde  déterminée,  puisqu'il 
faut,  en  même  temps,  se  rendre  compte  de  la  position 
de  la  pédale  correspondante. 

B.  —  Impossibilité  d'un  accord  stable,  puisqu'une 
corde  parfaitement  bien  choisie  pour  une  certaine 
note  sera  successivement  raccourcie  de  deux  frac- 
tions ditférentes  pour  obtenir  les  deux  demi-tons 
supérieurs,  et  que  ce  raccourcissement  est  obtenu 
par  une  torsion  produite  par  les  deux  tiges  de  la 
fourchette,  qui  détermine  une  variation  dans  le 
tirage  de  la  corde  et,  par  suite,  un  léger  allonsenienl, 
en  même  temps  qu'un  écrasement  de  cette  même 
corde  aux  deux  points  de  contact. 

D'ailleurs,  le  moindre  jeu  ou  le  moindre  retard 
qui  se  produira  dans  les  rotations  de  sa  fourchette 
modifiera  aussi  l'accord  de  cette  corde,  et  comme  ce 
mécanisme  est  1res  compliqué  et  comporte  un  très 
grand  nombre  de  centres,  on  doit,  de  ce  chef  encore, 
prévoir  des  variations  fatales  dans  l'accord  de  ces 
harpes  à  pédales. 


Ke^fit 


C.  —  On  conçoit,  d'autre  part,  les  difficultés  qu'on 
peut  avoir  pour  l'exécution  des  passages  chromati- 
ques, par  exemple,  où  une  même  corde  peut  être 
appelée  à  donner,  dans  des  intervalles  de  temps  très 
courts,  les  trois  demi-tons  successifs  de  la  même 
corde  et  dans  un  ordre  quelconque. 

La  complication  est  encore  plus  grande  lorsque  le 
virtuose  a,  comme  dans  le  trait  de  Vlncantation  du 
feu,  de  la  Walkyrie,  par  exemple,  des  mouvements 
de  pédales  extrêmement  fréquents. 

C'est  en  août  1894  que,  pour  essayer  de  corriger 
les  inconvénients  de  la  harpe  à  pédales  et  de  satis- 
faire les  exigences  de  la  musique  nouvelle,  M.  Gus- 
tave Lyon  eut  l'idée  de  réaliser  une  harpe  chroma- 
tique sans  pédales  à  accord  stable,  et  qui  permit  d'a- 
border la  plupart,  pour  ne  pas  dire  la  totalité  des 
œuvres  écrites  par  nos  grands  musiciens  anciens  ou 
modernes. 

Les  directives  de  ce  projet  résultaient  des  de- 
mandes des  chefs  d'orchestre,  ainsi  que  l'a  dit 
M.  Laloy  dans  la  Revue  Musicale  : 

<i  L'orchestre  moderne  a  besoin,  pour  rester  lim- 
pide, de  s'incorporer  les  paillettes  lumineuses  que 
sont  les  sons  de  la  harpe,  et  la  musique  moderne  a 
besoin,  pour  développer  sa  richesse,  d'user  de  plus 
en  plus  de  la  gamme  chromatique.  » 

Dans  son  Traité  d'instrumentation  et  d'orchestration 
modernes  (1844),  Bkrlioz  écrit  :  "  Quand  une  mé- 
lodie, déjà  exécutée  par  d'autres  instruments,  vient 
à  être  reproduite  par  la  harpe,  et  contient  des  pas- 
sages chromatiques  impossibles  ou  seulement  dan- 
gereux, il  faut  la  modifier  adroitement  en  rempla- 
çant une  ou  plusieurs  des  notes  altérées  par  d'autres 
notes  prises  dans  l'harmonie.  Ainsi,  au  lieu  de  don- 
ner à  la  harpe  le  chant  suivant,  tel  que  viennent  de 
l'exécuter  les  violons  : 


l'auteur  a  dû  l'écrire  de  la  manière  suivante  : 


La  nature  du  mécanisme  de  la  harpe  indiquait  ce 
sacrifice  des  quatre  demi-tons  successifs  de  la  3'  me- 
sure'. » 

Cet  exemple  montre  que  la  harpe  chromatique 
sans  pédales  est  un  progrès  pour  l'exécution  des 
musiques,  pensées  comme  dans  le  premier  exemple, 
alors  que,  sans  son  concours,  cette  musique,  pensée 
chromatique  par  Berlioz,  devait,  pour  être  jouable, 
devenir  diatonique  comme  dans  le  second  exemple. 

Ce  projet  de  harpe  chromatique  sans  pédales,  une 
fois  formé,  a  pris  corps  rapidement,  et  a  conduit  peu 
à  peu  M.  G.  Lyo.n  à  une  série  d'études  et  de  recher- 
ches qui  lui  ont  permis  de  résoudre  finalement  la 
question  posée. 


i.  Ecole  ou  Méthode  raisonnée  pour  la  harpe  adopti'e  par  le  Con- 
servatoire, par  François-Joseph  Naderman.  Paris,  i'»  partie,  op.  91 
{s.  d.),  p.  VI. 

2.  Ibid. 

3.  Loco  cit.,  p.  77.  Il  s'agit  du  célèbre  Ihèmc  de  la  valse  de  la 
Symphonie  fantastique,  de  Berlioz. 


PRINCIPE 

Le  principe  de  la  nouvelle  harpe  est  sa  constitu- 
tion à  l'aide  de  deux  plans  de  cordes  correspondant 
l'un  aux  notes  blanches,  et  l'autre  aux  notes  noires 
du  clavier  du  piano,  avec  croisement  de  ces  deux 
plans  l'un  par  rapport  à  l'autre.  Ce  croisement  a  lieu 
vers  la  région  moyenne  des  cordes,  et  il  est  effectué 
de  manière  que  les  cordes  ou  notes  noires  passent 
entre  les  cordes  ou  notes  blanches  de  la  même  façon 
que  les  notes  blanches  du  clavier  du  piano  encadrent 
les  noies  noires  du  même  instrument. 

Lorsque  M.  G.  Lyon  voulut  prendre  un  brevet  en 
Allemagne  et  en  Amérique,  il  fut  surpris  d'apprendre 
qu'en  1843,  P.^ie,  le  célèbre  facteur  de  pianos,  avait 
eu  une  idée  de  même  genre. 

A  l'analyse,  il  ne  fut  pas  difficile  d'établir  que  son 
principe  était  tout  dilTérent,  et  que  l'invention  de 
M.  G.  Lyon  était  bien  nouvelle. 


1944 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Pape,  en  effet,  voyant  le  défaut  que  présente,  dans 
les  harpes  à  pédales,  leur  dissymélrie,  avait  pensé 
qu'on  pourrait  ramener  l'équilibre  dans  ces  instru- 
ments en  munissant  le  sommier  du  haut  de  leviers 
placés  alternativement  vers  la  partie  droite  et  vers 
la  partie  gauche,  et  en  faisant  descendre,  des  extré- 
mités de  ces  leviers,  des  cordes  venant  s'accrocher 
alternativement  dans  la  région  gauche,  puis  dans  la 
région  droite  de  la  table  d'harmonie.  Ces  notes  de- 
vaient se  succéder  par  demi-tons,  si  bien  qu'on  devait 
avoir,  pour  un  des  plans  de  cordes,  par  exemple,  la 
succession  des  notes  :  do  naturel,  rf  naturel,  mi  na- 
turel, fa  dièse,  sol  dièse,  la  dièse,  et  pour  l'autre  plan 
de  cordes,  la  succession  des  notes  :  do  dièse,  ré  dièse, 
fa  naturel,  sol  naturel,  la  naturel,  si  naturel. 

Or  le  principe  du  croisement  des  cordes  est  connu 
depuis  fort  longtemps,  car  il  existe,  au  Musée  du 
South-Kensington,  une  harpe  écossaise  à  cordes  croi- 
sées qui  date  (sauf  erreur)  du  sv'  siècle.  L'idée  de 
Pape  compliquait  ce  système,  voilà  tout. 

Cette  harpe  proposée  par  Pape  n'a  d'ailleurs  jamais 
été  réalisée,  et  n'avait  été  indiquée  par  lui  qu'inci- 
demment. 

Somme  toute,  l'idée  nouvelle  de  M.  G.  Lyon  n'em- 
prunte rien  à  l'idée  de  Pape,  et  présente  cet  avantage 
d'amener  la  netteté  là  où  la  solution  de  Pape  aurait 


FiG.    988. 

amené  un  chaos  épouvantable,  ceci  étant  dit  au  point 
de  vue  purement  historique  et  afin  d'écarter  l'idée  de 
plagiat.  La  copie  du  dessin  du  brevet  de  Pape,  en 
face  d'une  des  premières  réalisations  de  la  harpe 
chromatique  sans  pédales  système  Lyon  ,  montre 
bien  la  différence. 
En  somme,  si  l'on  place  les  basses  de  la  harpe 


vers  sa  gauche  et  les  dessus  vers  sa  droite,  on  cons- 
tate que  les  cordes  blanches  et  noires  se  succèdent 
de  telle  façon  que  les  cordes  blanches,  qui  sont  à 
peu  près  équidistantes  les  unes  des  autres,  se  sui- 
vent en  donnant  les  sons  que,  dans  le  piano,  donnent 


FiG.  9S9.  —  Harpe  sans  pédale  n°  1. 

les  notes  blanchesdu  clavier,  et  que  les  cordes  noires 
inclinées  sur  le  plan  des  blanches,  apparaissent  grou- 
pées par  deux  et  par  trois  comme  les  dièses  du  cla- 
vier du  piano.  Il  en  résulte  que,  pour  n'importe 
qui,  la  corde  noire  du  milieu  d'un  groupe  de  trois 
représentera  un  sol  dièse  ou  un  la  bémol,  que  la 
corde  blanche  qui  la  précédera  à  gauche  sera  un 
sol  naturel,  et  que  la  corde  blanche  qui  la  suivra  à 
droite  sera  un  la  naturel. 

La  première  réalisation  de  cette  idée  a  été  faite 

dans  la  harpe  n°  1,  dont  les  deux  clichés  ci-joints 

(flg.,989,990)  donnent  l'aspect  vu  de  face  et  d'arrière. 

Cette  harpe  était,  ainsi  qu'on  peut  s'en  rendre 

compte,  construite  d'après  les  idées  généralement 

admises  pour  la  construction  des  harpes  à  pédales, 

c'est-à-dire  constituée  avec  un  sommier  supérieur 

en  bois  enclavé  entre  deux  plaques  d'acier  vissées 

et  boulonnées;  la  table  était  collée  sur  les  bords  de 

la  caisse  faite  en  trois  épaisseurs  de  bois  contrepla- 

qués  et  sans  ouvertures;  les  cordes  étaient  fixées  à 

la  table  à  l'aide  d'un  bouton,  et  venaient  s'enrouler 

sur  les  chevilles  placées  dans  le  sommier  du  haut. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  HARPE  CHROM.  ET  SA  FACTURE    1945 


TIRAGE   DES  CORDES 

Or  cette  harpe  pré- 
sentait ce  défaut  capi- 
tal de  ne  pas  tenir  l'ac- 
cord et  de  se  déformer 
énormément. 

L'effort  que  le  tirage 
des  cordes  imposait  à  la 
table  d'harmonie  était 
trop  fort;  M.  G.  Lyon  a 
donc  été  amené  tout 
d'abord  à  préciser  cet 
effort,  qui  devait  être 
conditionné  par  la  ré- 
sislance  à  la  rupture 
des  cordes  employées. 

On  sait  qu'étant 
donné  une  note  à  pro- 
duire par  une  corde  de 
longueur  déterminée  et 
de  poids  connu,  il  est 
facile  par  la  formule 
des  vibrations  transver- 
sales des  cordes  de  sa- 


Fia.  900.  —  Harpe  sans  pédale  n"  1. 


FiG.  991. 


voir  quelle  tension  il   faut  donner  à  cette  corde. 
Cette  formule  est  en  effet  : 

g 

où  P  représente  le  poids  tenseur  en  kilos  appli- 
qué à  la  corde, 

n  le  nombre  de  vibrations  simples  par  seconde, 

l  la  longueur  de  la  corde  en  mètres, 

p  le  poids  en  kilos  de  la  portion  vibrante  de 
la  corde, 

g  l'accélération  due  à  la  pesanteur. 

On  sait  aussi,  par  la  loi  de  Savart,  qu'une 
corde  vibre  d'autant  mieux  que  sa  tension  est 
plus  voisine  de  sa  limite  de  résistance  à  la  rupture. 

Le  problème  consistait  donc  : 

1"  à  trouver  exactement  jusqu'à  quelle  limite  de 
tension  on  peut  employer  avec  sécurité  une  corde 
de  grosseur  donnée  ; 

2»  à  connaître  le  poids  par  mètre  courant  d'une 
corde  tendue  à  cette  limite,  et  dont  le  diamètre 
avant  tension  est  connu.  Ces  variations  de  diamètre 
sont  fonctions  des  allongements  considérables  cons- 
tatés à  première  vue  sur  une  corde  en  boyau  qu'on 
tend  de  plus  en  plus. 

Pour  résoudre  ce  problème,  M.  G.  Lyon  imagina 
un  appareil  destiné  à  enregistrer  les  allongements 


successifs  que  prend  une  corde  en  boyau  sous  la 
tension  d'un  poids  croissant  d'une  manière  continue. 
Cet  appareil  (llg.  992),  construit  à  l'usine  Pleyel,. 
WoLFK  et  C'",  est  basé  sur  le  principe  de  l'enregis- 
trement simultané  des  allongements  et  de  la  tension 
sur  une  même  feuille  d'inscription  placée  sur  un 
cylindre  enregistreur  tournant  de  Richard.  La  ten- 
sion est  obtenue  par  l'écoulement  de  l'eau  provenant 
du  réservoir  R,  dans  un  récipient  S  suspendu  à  la 
corde. 


Flii.  992. 

La  corde  ab  est  attachée,  d'une  part  à  un  point 
fixe  a,  de  l'autre  à  une  cheville  6  fixée  dans  une 
pièce  à  laquelle  est  suspendu  le  récipient  S  au  moyen 
d'une  chaîne.  Cette  pièce  appuie  par  un  taquet  ré- 
glable sur  une  petite  plate-forme  reliée  par  un  fil  à 
un  secteur  circulaire  portant  une  plume;  celle-ci 
enregistre  sur  le  cylindre  la  variation  de  hauteur  de 
la  petite  plate-forme,  et,  par  suite,  les  allongements 
de  la  corde. 

Le  réservoir  R  est  cylindrique  et  de  diamètre  connu. 
—  Un  Uotteur  relié  par  un  fil  à  un  secteur  q,  portant 
aussi  une  plume,  permet  à  celle-ci  d'inscrire  sur  le 
même  cylindre,  mais  du  côté  diamétralement  opposé 


104G 


ESOCLOPÈniE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


h  la  première  plume,  les  variations  du  niveau  de 
l'eau  du  réservoir  et,  par  suite,  le  poids  de  l'eau  écou- 
lée dans  le  seau  S. 

Les  plumes  portent  des  encres  de  deux  couleurs 
pour  faciliter  la  lecture  des  feuilles  d'inscription. 

Huit  cent  trente-cinq  expériences  furent  faites  sur 
une  quantité  de  cordes  de  tous  diamètres  et  de  toutes 
provenances. 

La  première  conclusion  fut  que  les  boyaux  pouvaient 
être  employés  avec  sécurité  jusqu'à  IS  kilogrammes 
par  millimètre  carré  de  section.  Cette  loi  est  vraie 
pour  toute  la  lutherie  à  cordes  (violons,  violoncelles, 
guitares,  etc.). 

Les  autres  conclusions  furent  résumées  au  moyen 


de  courbes,  dont  les  variables  sont  lestensions  abso- 
lues et  les  longueurs  sous  tension,  lues  sur  les  dia- 
grammes, et  les  diamètres  sous  tension  mesurés  au 
cours  des  expériences,  à  cela  près  que  les  longueurs 
sous  tension  sont  remplacées  par  le  poids  du  mètre 
sous  tension  qui  s'en  déduit  en  divisant  le  poids  du 
mètre  courant  au  repos  par  la  longueur  sous  ten- 
sion, en  admettant,  ce  qui  est  évident,  que  le  poids  de 
l'échantillon  ne  varie  pas  pendant  l'expérience. 

On  a  constaté  d'abord  qu'«  un  diamètre  donné  cor- 
respond une  valeur  unique  du  poids  par  mètre  courant, 
la  même  quelle  que  soit  la  tension.  Les  points  repré- 
sentatifs sont  en  effet  groupés  le  long  d'une  même 
parabole   dont  l'équation  est   D'  =  96P  (D  étant  le 


JJlOJitc/j-i 


(Zo\^àui.5   e<L  boyaui. 


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0  i 

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0    iK 

FiG.  993. 


diamètre  en  centièmes  de  millimètre,  et  P  le  poids 
par  mètre  en  centigrammes). 

Cette  courbe  est  représentée  fig.  993. 

On  a  construit  ensuite  les  courbes  des  diamètres 
sous  tension,  d'après  lesquelles  on  a  conclu,  par 
exemple  :  qu'une  corde  de  180  centièmes  au  repos, 
n'a  plus  que  164  centièmes  sous  65  kilogrammes 
de  tension;  puis  on  a  déduit  de  ces  courbes  celles 
des  poids  par  mètre  sous  tension  d'après  la  parabole. 

D'après  ces  dernières  courbes,  on  a  reconnu,  par 
exemple  :  qu'une  corde  pesant  4  grammes  par  mètre 
au  repos  ne  pèse  plus,  sous  la  tension  de  67  kilo- 
grammes et  pour  une  longueur  d'un  mètre,  que 
3  gr.  27.  Si  donc  on  a  besoin,  pour  produire  une  note 
donnée  sous  une  tension  de  67  kilogrammes,  d'une 
corde  pesant  3  gr.  27  par  mètre,  il  faut  prendre  une 
corde  pesant  4  grammes  par  mètre  au  repos,  et  dont 
le  diamètre  donné  par  la  parabole  serait  19o  cen- 
tièmes. 


Le  calcul  permet  d'arriver  à  quelques  conclu- 
sions. 

Soient  P  le  poids  en  centigrammes  du  mèlre  courant  .«ous  une 
tension  donnée; 

D  le  diamètre  en  centièmes  de  millimètre  à  la  même  tension. 

d  la  densité  correspondante;  ' 

;  l'allongement  en  niilimélres  de  1  mètre  de  corde  au  repos 
soumis  à  cette  tension; 

De  même,  P'  le  poids  du  mèlre  courant  sans  tension  ot  par 
suile  le  poids  à  une  tension  quelconque  d'un  échantillon  ayant 
primitivement  1  mètre; 

D'  le  diamètre  initial; 

d'  la  densité  initiale  ; 

A  la  tension  où  le  diamètre  est  D,  la  section  en  millimètres 
carrés  est  : 

4  VlOO/ 

et  le  volume  en  millimètres  cubes  j 

T.  I  V)  Y. 
1000-     —  1 
4  \100/ 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  HARPE  CHROM.  ET  SA  FACTURE    1947 


Le  poids  est  donc  en  inilligraininps  pour   I  inètie  de  corde 
sous  tension  : 


(.'t  on  a  par  suite  : 


p  =  — -  X  i;. 


409 


Sans  tension,  on  a  de  même 


P-4ÔÔ"""'- 
Or,  nous  avons  vu  que       D'  =  9(i  P       et       D''  =  96P'  ; 
on  en  conclut  que  77  =^'^.  d'où  : 


P 
P        400  _     400     _  400 


:  1,3262. 


La  densiti'  rfes  eitrdfn  de  biiyaii  reste  donc  cnuslivite  sous  tension  et 
=  1,3262, 

Ce  résultat  vérifie  pleinement  les  mesures  directes 
de  densité  elFectuées  par  M.  Gustave  Lyon. 

Un  point  était  aussi  très  intéressant  à  étudier, 
celui  de  l'action  de  l'humidité  sur  les  cordes  de 
boyau. 

Si  l'on  soumet  une  corde  de  boyau  tendue  à  l'action 
d'un  mouillage,  en  l'entourant  de  coton  imbibé  d'eau, 
le  poids  tendeur  restant  d'ailleurs  constant,  elle 
s'allonge;  si  on  la  laisse  s'allonger  jusqu'à  refus,  et 
qu'on  enlève  le  coton  pour  la  laisser  sécher,  elle 
continue  à  s'allonger  pendant  le  séchage.  A  partir  de 
ce  moment,  si  ou  soumet  ultérieurement  la  corde  à 
des  mouillages  et  à  des  séchages,  les  phénomènes  ne 
sont  plus  les  mêmes  ;  tout  mouillage  autre  que  le  pre- 
mier cau!<e  un  raccourcissement,  et  un  séchage  consé- 
cutif à  ce  mouillage  donne  un  allongement  qui  com- 
pense sensiblement  le   raccourcissement  précédent. 

Le  premier  mouillage  a  sur  la  corde  une  action 
importante  qui  fait  glisser  les  fibres  les  unes  sur  les 
autres  et  permet  ce  premier  allongement  considé- 
rable. Cet  ell'et  ne  se  produit  pas  par  l'huraiditc' 
atmosphérique  ordinaire,  dans  laquelle  une  corde 
n'ayant  pas  subi  le  premier  mouillage  déformant,  se 
comporte  comme  celle-ci  pour  le  second  mouillage. 
L'humidité  telle  que  celle  d'une  salle  de  concert,  par 
exemple,  tend  donc  à  raccourcir  les  cordes,  et  les 
instruments  ne  changeant  pas  de  dimensions,  les 
cordes  subissent  de  ce  fait  un  supplément  de  tension 
que  l'appareil  a  permis  de  mesurer  facilement. 

Les  instruments  A  cordes  dans  un  orchestre  ont  donc 
une  tendance  à  monter  et  à  suivre  le  mouvement  des 
instrum,enls  à  vent,  qui  montent,  eux,  pour  une  tout 
autre  raison,  qui  est  l'échaulfement  de  la  colonne 
d'air  vibrant  et  la  diminution  de  sa  densité. 

Au  moyen  de  ces  résultats,  et  en  admettant,  à  la 
suite  d'un  essai  avec  des  longueurs  de  cordes  à  peu 
près  bonnes,  une  série  de  diamèties  donnant  la  rai- 
deur à  laquelle  les  doigts  des  harpistes  étaient  habi- 
tués, il  fut  facile  de  calculer  la  longueur  e.xacte  à 
donner  à  cliaque  corde,  dans  les  meilleures  condi- 
tions de  tension. 

Une  des  extrémités  de  chaque  corde  étant  fixée  sur 
la  table  d'harmonie  par  bouton  sur  une  ligne  droite, 
on  en  déduit  la  courbe  de  la  tête  de  la  harpe. 

Il  n'en  restait  pas  moins  certain  que  l'ensemble 
des  tirages  des  cordes  sur  la  table  dépassait  la  force 
de  résistance  de  celle-ci.  M.  G.  Lyon  chercha  donc  à 
faire  traverser  la  table  par  les  cordes,  en  les  accro- 
chant, en  arrière  de  cette  table,  à  un  sommier  fait 


d'abord  en  bois,  et  que  l'on  pourrait  armer  de  façon 
aussi  énergique  que  l'on  voudrait  pour  résister  à  la 
traction  totale  de  toutes  les  cordes. 

La  harpe  n"  2  (flg.  994)  représente  l'essai  fait  dans 
cette  voie;  les  cordes  ont  pu  être  accrochées  à  deux 
sommiers  placés  en  arrière  (fig.  993),  et  la  harpe  a 
été  construite  de  façon  à  ce  qu'on  pût  se  rendre 
compte  si  le  fait  d'accrocher  la  corde  au  sommier 
d'arrière,  au  lieu  de  l'accrocher  à  la  table,  correspon- 


FiG.  99  i.  —  Harpe  n°  2. 

dait  ou  non  à  une  diminution  des  qualités  sonores 
de  l'instrument. 

Le  résultat  de  l'expérience  ayant  amené  à  recon- 
naître qu'il  n'ij  avait  aucun  dommage  à  supprimer  l'at- 
tache des  cordes  sur  la  table,  par  bouton,  le  principe 
des  sommiers  d'attache  en  arrière  de  la  table  fut  con- 
siitéré  comme  opérant. 

Cependant,  il  était  assez  naturel  de  penser  que 
des  cordes  ne  faisant  que  traverser  avec  deux  cou- 
dages  une  table  d'harmonie,  ne  donneraient  pas  tou- 
jours le  même  timbre  que  des  cordes  tirant  directe- 
ment sur  cette  table;  des  essais  furent  tentés  qui 
modifiaient  les  dimensions  de  la  table  en  largeur  et 
en  épaisseur,  ainsi  que  les  longueurs  des  portions  de 
cordes  en  dessous  de  la  table,  jusqu'aux  sommiers 
d'accroché  :  ils  donnèrent  d'utiles  indications.  La 
tabk  n'était  pas  assez  souple,  les  longueurs  de  cordes 
en  dessous  de  la  table  étaient  trop  faibles,  et  celle-ci 


19'i8 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


se  trouvait,  pour  ainsi  dire,  bridée  par  ces  liaisons 
non  élastiques. 

On  substitua  alors  à  ces  portions  de  cordes  des 
ressorts  à  boudin  fixés  aux  pointes  d'accioche  et 
auxquels  étaient  attachées  les  cordes.  On  vit  alors  la 


FiQ.  995.  —  Harpe  n»  2. 

table  reprendre  toute  sa  souplesse,  elle  timbre  rede- 
venir celui  auquel  on  était  habitué  dans  les  harpes 
à  pédales,  avec  la  grande  sonorité  coutiimièie. 

Mais  quels  ressorts  fallait-il  emplojer?  Les  cordes, 
coudées  à  leur  passage  dans  la  table,  n'y  glissent 
pas  facilement,  et  si  le  ressort  a  un  allongement  trop 
considérable,  les  cordes,  en  entraînant  la  table,  lui 
donnent  un  bombement  trop  grand,  et  lui  font  repren- 
dre de  la  raideur  par  bombement.  Il  fallait  donc 
des  ressorts  qui,  sous  les  tensions  des  ditférentes 
cordes,  variant  de  3  à  50  kilogrammes,  eussent  un 
allongement  faible,  constant,  ne  dépassant  pas  3  mil- 
limètres environ. 

Pour  la  commodité  de  la  fabrication,  et  vu  l'em- 
placement disponible  dans  la  harpe,  on  choisit  un 
type  de  ressoits  enroulés  sur  un  mandrin  de  4  mm. 
de  diamètre.  Les  ressorts  furent  essajés  sur  l'appa- 
reil qui  avait  servi  déjà  aux  cordes  de  boyau.  Les 
courbes  d'inscription  donnèrent!  toujours  une  ligne 
d'abord  sensiblement  droite,  puis  s'infléchissant  assez 
brusquement.  Le  point  d'inflexion  brusque  corres- 
pond à  la  tension  à  partir  de  laquelle  les  allonge- 
ments ne  sont  plus  proportionnels  aux  tensions,  et 
indique  la  limite  d'élasticité  jusqu'à  laquelle  le  res- 


sort peut  être  employé.  En  mesurant  sur  la  feuille 
l'allongement  total  correspondant,  et  en  le  divisant 
par  le  nombre  de  spires  et  par  le  nombre  de  kilo- 
grammes qui  l'a  produit,  on  obtient  l'allongement 
par  spire  et  par  kilogramme  caractéristique  du  res- 
sort employé. 

On  sait,  en  etfel,  que,  pour  les  ressorts  à  boudin,, 
l'allongement  par  unité  de  tension  est  proportionnel 
au  nombre  des  spires,  et  que  l'allongement  total  est 
proportionnel  à  la  tension,  tant  qu'on  ne  dépasse 
pas  la  limité  d'élasticité. 

Une  petite  modification  dut  être  apportée  à  l'ap- 
pareil pour  obtenir  un  débit  uniforme  de  l'eau,  afin 
d'assurer  la  rectilignité  de  l'inscription  des  allonge- 
ments. L'eau,  au  lieu  de  s'écouler  par  le  robinet 
placé  au  bas  du  réservoir  R,  passait  par  un  siphon 
porté  par  le  flotteur,  et  dont  l'orifice  se  trouvait  alors- 
suivre  exactement  les  variations  du  niveau  de  l'eau 
dans  le  réservoir. 

Il  existe  pourtant,  dans  l'interprétation  de  ces  ins- 
criptions, une  cause  d'erreur  tenant  à  l'allongement 
permanent  des  ressorts.  Cet  allongement  est  dû  à 
deux  causes  :  la  première  se  manifeste  assez  rapi- 
dement, et  provient  delà  déformation  des  bouclettes 
qui  terminent  le  ressort;  cette  déformation  a  lieu 
progressivement  pendant  l'inscription  rectiligne,  et, 
une  fois  produite,  ne  se  répète  plus;  l'autre  com- 
mence à  partir  de  l'inscription  infléchie,  c'est-à-dire 
au  moment  où  la  limite  d'élasticité  est  dépassée. 

Quand  cette  limite  fut  établie  par  les  moyennes 
d'un  nombre  suffisant  d'expériences,  on  dut,  pour 
étudier  les  allongements  proportionnels,  arrêter  les 
expériences  à  la  tension  limite,  puis  décharger  le 
ressort;  l'aisuille  traçait  alors  l'allongement  AU  à  la. 
déformation  des  bouclettes  qu'on  n'avait  qu'à  retran- 
cher de  l'allongement  total. 

Ces  résultats,  contiôlés  par  un  grand  nombre 
d'expériences  entreprises,  sous  la  direction  de  M.  G. 
Lyon,  sur  des  ressorts  en  fils  d'aciei'  de  Firrainy 
(cordes  de  piano),  ont  été  condensés  sous  la  forme- 
des  deux  courbes  indiquées  sur  la  figure  996  ci-contre 
et  donnant  : 

L'une,  en  trait  plein,  la  tension  en  kilogrammes 
au  delà  de  laquelle  on  ne  peut  employer  un  ressort 
fait  avec  un  fil  de  diamètre  donné,  quel  que  soit 
d'ailleurs  le  nombre  de  ses  spires; 

L'autre,  l'allongement  par  spire  et  par  kilogramme 
de  traction  d'un  semblable  ressort. 

Connaissant  la  tension  de  chaque  corde,  on  peut 
facilement  calculer  le  diamètre  du  fil  d'acier  à  em- 
ployer pour  chaque  ressort,  et  le  nombre  de  spires 
à  lui  donner  pour  obtenir  l'allongement  désiré. 

Dans  la  harpe  suivante,  n"  3,  une  série  de  perfec- 
tionnements consécutifs  à  ces  décisions  fut  réalisée  : 
suppression  des  attaches  des  cordes  à  la  table  par 
bouton,  leur  remplacement  par  des  systèmes  d'atta- 
ches à  la  caisse  elle-même  au  delà  de  la  table,  em- 
ploi de  la  cheville  Alibert  à  vis  micrométrique,  en 
remplacement  de  la  cheville  ordinaire  aux  nombreux 
inconvénients;  les  dessus  étaient  montés  avec  des 
chevilles  ordinaires,  et  la  partie  basse  avec  des  che- 
villes Alibert.  Dans  un  autre  exemplaire  de  ce  mo- 
dèle, M.  G.  Lyon  avait  fait  l'inverse,  montant  avec 
des  chevilles  Alibert  les  dessus  de  la  harpe,  et  avec 
des  chevilles  ordinaires  les  cordes  de  la  basse. 
%,0n  voit  naître  dans  cette  harpe  n°  3  (fig.  997,  998) 
également  un  étoulfoir,  car,  cette  harpe  devant  être 
jouée  chromatiquemenl,  il  devenait  nécessaire  de  la 
munir  d'un  étoulfoir  comme  en  possède  le  piano. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  HARPE  CHROM.  ET  SA  FACTURE    l'J49 


■Cet  étouH'oii-  comportait  deux  bandes  de  l'autre  et, 
par  un  mouvement  oscillatoire  autour  d'un  axe  placé 
dans  le  plan  de  symétrie  incliné  de  l'6°  sur  la  table, 
et  commandé  par  pédale,  ce  feutre  venait  s'écraser 
contre  les  cordes  blanches  vers  le  haut,  et  contre  les 
cordes  noires  vers  le  bas. 


M.  G.  Lyon  établit  donc  les  harpes  suivantes,  re- 
présentées par  les  figures  999, 1000, 1001,  d'après  les 
longueurs  de  cordes  précises  que  le  calcul  lui  avait 
fixées,  en  adoptant  pour  traction  le  maximum  de 
18  kilogrammes  par  millimétré  carré  de  section. 

La  harpe  n°  5  (fig.  999)  était  à  deux  colonnes  fines, 


Potds     tejtcew,!*     Li/iivUe     eji    KUoct  . 


•j-rfî-utTin }^    -s-p-        l      ira    ^°]^  •""'  'P   '-^S   •™'l   T"»^''^'°TTjr 


et  ce  modèle  bien  équilibré  aurait  été  adopté  s'il 
n'avait,  pour  le  début,  trop  modifié  l'aspect  habituel 
de  la  harpe. 

L'image  de  la  harpe  n°  7  (fig.  1001)  permet  de  se 
rendre  compte  de  la  construction  du  sommier  du 
haut,  qui  était  fait  en  plusieurs  épaisseurs  de  hêtre 
contrecoilées,  et  des  sommiers  d'accroché  de  l'inté- 
rieur, qui  étaient  également  en  hêtre,  avec  des  arcs- 
boutants  formés  de  trois  cordes  de  piano  tendues  à 
100  kilogrammes  chacune,  et  qui  devaient  s'opposer 
au  cintrage  possible  de  ces  sommiers  sous  l'action  du 
tirage  des  cordes. 


A  peu  près  convaincu  qu'il  devait  avoir  ainsi  une 
harpe  très  solide,  dont  les  cordes  ne  casseraient 
pas,  M.  G.  Lyon  transportait  cette  harpe  au  bord  de 
la  mer,  à  Villers-sur-Mer,  au  mois  d'août  1895.  Il  a 
donc  fallu  un  an  pour  arriver  à  ce  résultat. 

Contrairement  à  ses  prévisions,  il  s'aperçut  avec 
étonnement  que  cette  harpe  ne  tenait  pas  l'accord 
du  tout,  que  les  cordes  cassaient  sans  arrêt;  le  ré- 
sultat, en  somme,  était  inquiétant,  puisqu'il  y  avait 
plus  de  cordes  dans  cette  harpe  que  dans  la  harpe  à 
pédales,  et  que  ces  cordes  cassaient  à  peu  près  aussi 
vite  que  dans  ladite  harpe.  Fort,  cependant,  des  con- 


1950  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOS'NAIRE  DU  COXSËIWATOIRE 


I 


TECHNIQUE,  EUTIIÉTIoL'E  ET  FÈDAdOGIE 


LA  HARPE  CHROM.  ET  SA  FACTURE    l'JSl 


clusions  que  lui  avait  données  son  appareil  d'étude 
sur  les  cordes,  il  fut  obligé  d'admettre  que  les  rup- 
tures de  cordes  ne  provenaient  pas  seulement  de 
l'action  des  variations  hygrométriques  de  l'air  sur 
les  cordes,  mais  qu'une  autre  cause  sérieuse  devait 
produire  ces  ruptures. 

Il  fut  induit  à  chercher  si  la  carcasse  même  de  la 
harpe  n'était  pas  capable  de  raouvemenis  tels  que 
ces  ruptures  de  cordes  fussent  obligatoires. 

Il  construisit  donc  un  appareil  portant  six  cylin- 


Fia.  1001. 


Harpe  n°  ' 


dres  tournants'  et  sur  lesquels  marquaient  leurs 
traces  trois  plumes  lixées  aux  deux  bouts  et  au  mi- 
lieu de  la  partie  supérieure  de  la  harpe,  puis  trois 
autres  plumes  qui  occupaient  des  places  analogues 
sur  les  sommiers  d'accroché  intérieurs  de  la  harpe. 

Au  bout  de  huit  jours  d'expériences,  il  fut  obligé 
de  constater,  avec  stupéfaction  d'ailleurs,  que  la 
harpe,  ainsi  que  le  violon  pour  lequel  il  a  pu  le 
vérifler  également,  semble  respirer  pendant  les  dif- 
férentes heures  de  la  journée,  se  déforme  très  éner- 
giquement  à  certains  moments  pour  reprendre  sa 
position  d'équilibre  à  d'autres  moments.  Selon  qu'il 
faisait  du  soleil  et  de  la  chaleur,  ou  de  l'ombre  et 
de  l'humidité,  la  harpe  paraissait  s'épanouir  ou  se 
resserrer  sur  elle-même. 

M.  G.  Lyo.n  a  pu  vérifier  ainsi  que  la  partie  cin- 
trée du  sommier  du  haut  pouvait  présenter  des  va- 


riations de  niveau  atteignatit  trois  millimètres,  ce 
qui,  une  fois  les  calculs  faits,  l'a  amené  à  conclure 
qu'il  n'y  aurait  jamais  de  cordes  de  boyau  capables 
de  résister  aux  variations  de  traction  que  cela  repré- 
sentait. 

Il  était  donc  porté  à  attribuer  les  ruptures  de  cordes 
à  la  déformation  des  pièces  composant  la  harpe. 

Pour  en  avoir  le  cœur  net,  il  prit  la  décision  de 
faire  une  harpe  toute  en 
acier.  Ce  fut  la  harpe  n"  9 
(fig.  1002,  1003,  1U04). 

Les  clichés  de  la  harpe 
n°  9  permettent  de  voir 
le  sommier  du  haut,  tout 
en  acier  coulé,  qui  avait 
été  calculé  comme  on 
l'aurait  fait  pour  une 
poutre  de  pont.  Cette 
pièce  s'arc-boutait  à  une 
extrémité  sur  la  colonne 
en  acier  étiré,  et  venait 
s'encastrer  à  la  paitie 
opposée  entre  deux  joues 
que  portait  le  sommier 
d'attache  des  cordes, som- 
mier qui,  lui  aussi,  était 
en  acier  coulé  et  placé  à 
l'intérieur  de  la  caisse  en 
bois  de  la  harpe. 

Hn  même  temps, 
comme  les  harpes  précé- 
dentes avaient  donné  la 
preuve  que  la  cheville  à 
mouvement  micrométri- 
qiie  était  supérieure  à  la 
cheville  ordinaire,  cette 
harpe  n"  9  fut  munie  de 
ces  nouvelles  chevilles, 
genre  Alihert,  sur  toute 
son  étendue;  puis,  cette 
harpe  fut  montée  de  cor- 
des dont  les  longueurs 
avaient  été  calculées  par 
M.  Lyon  pour  la  limite 
de  sécurité. 

C'est  au  mois  d'avril 
1890  que  cette  harpe  fut 
terminée,  l'él  ude,  le  des- 
sin, la  faliricalion  des 
modèles,  la  fonte  de  ces 

modèles,  les  retouches,  etc.,  ayant  exigé  beaucoup 
de  temps. 

Cette  harpe  fut  placée  à  côté  d'une  grande  harpe 
gothique,  à  pédales  et  à  double  mouvement,  de 
fabrication  récente,  et  d'une  petite  harpe  Plkyel  du 
même  système,  datant  de  18;i0  environ. 

Ces  trois  harpes  ayant  été  montées  avec  des  cor- 
des achetées  chez  lé  même  fabricant,  le  même  jour, 
turent  transportées  de  conserve  au  bord  de  la  mer, 
encore  à  Villers-sur-Mer,  et  là,  la  nuit  même  de  leur 
arrivée  et  de  leur  déballage,  elles  eurent  à  sup- 
porter un  terrible  cyclone  qui  abattit  plus  de  vingt 
gros  arbres  dans  la  propriété  où  se  trouvaient  les 
instruments. 

C'est  grâce  à  ce  cyclone,  cependant,  que  M.  G.  Lyon 
put  constater  le  lendemain  matin,  que  s'il  manquait 
quinze  cordes  à  la  harpe  ancienne  Pleyel,  quatorze 
cordes  à  la  grande  harpe  gothique  à  pédales,  par 
contre,  il  n'en  manquait  pas  une  à  sa  harpe  d'acier. 


Fig.  1002.  —  Harpe  n"  9. 


1952 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


La  démonstration  était  faite,  et  sa  conviction  assise 
que  la  solution  était  dans  l'adoption  d'un  sommier 
du  haut  indéformable,  donc  métallique,  d'un  som- 
mier d'acci-oclie  intérieur  métallique,  d'une  coloime 
métallique  encastrée  entre  les  deux  sommiers,  et 


dans  l'emploi  de  chevilles  à  vis  micrométriques  pour 
le  réglage  de  l'accord. 

Cette  harpe  avait  pourtant  un  défaut  Irhs  grave  : 
elle  pesait  plus  de  60  kilos,  et  ce  n'était  pas  sans 
une  appréhension  bien  naturelle  que  M.  G.  Lton  se 


FiG.  1003.  —  Harpe  n"  9. 


FiG.  1004. —  Harpe  n°  9. 


demandait  comment  cet  instrument  si  lourd  pourrait 
être  manié  par  de  gracieuses  et  charmantes  mains 
féminines. 

Pour  pallier  tout  d'abord  un  peu  ce  défaut  de  mo- 
bilité, il  munit  cette  harpe  de  roulettes  cachées  sous 
les  griffes  de  lion,  à  la  partie  antérieure  du  socle, 
de  sorte  qu'il  suffisait  de  pencher  légèrement  la  harpe 
en  avant  pour  bien  la  faire  poser  sur  ses  roulettes, 
et  pour  la  transporter  facilement  par  roulement 
d'un  endroit  à  un  aulre,  malgré  ses  60  kilos. 

D'ailleurs,  les  progrès  que  faisait  au  même  mo- 
ment la  métallurgie  de  l'aluminium  amenèrent 
M.  G.  Lyon  à  entreprendre  des  essais  sur  l'emploi  de 
cet  alliage  pour  les  harpes.  Après  un  certain  temps 
de  recherches,  couronnées  de  succès  d'ailleurs,  il 
put  réaliser  en  aluminium  le  sommier  du  haut,  le 
sommier  d'accroché  et  même  la  colonne. 

Les  clichés  ci-après  ((ig.  1005,  1006)  représentent  la 
première  harpe  en  aluminium  qu'il  a  pu  construire. 

Le  sommier  d'accroché  de  l'intérieur  a  été  calculé 
d'une  faron  rationnelle  en  forme  de  double  T.  Les 
pointes  d'accroché  ont  pu  être  reportées  à  la  partie 


externe,  et  par  suite,  les  ouvertures  des  fenêtres  du 
cintre  ont  pu  être  reportées  hors  de  l'arête  posté- 
rieure, position  irrationnelle  dans  les  anciennes 
harpes,  puisque  les  robes  ou  la  poitrine  des  exécu- 
tantes les  fermaient  complètement. 

Cette  harpe  ayant  montré  : 

1°  Sa  parfaite  lenue  d'accord; 

2°  Sa  résistance  à  la  rupture  des  cordes; 

3°  Ses  bonnes  qualités  sonores,  le  modèle  fut 
adopté  en  principe,  et  une  forme  plus  convenable  fut 
réalisée  dans  la  harpe  n"  H,  modèle  de  mai  1897, 
(fig.  1007  et  1008). 

Étouffoir.  —  L'étoufToir  rotatif,  appliqué  dans  la 
harpe  n"  2,  modifié,  une  première  fois,  dans  la  harpe 
n"  5  en  devenant  ascensionnel,  était  placé  au-dessus 
de  la  table  d'harmonie;  dans  la  harpe  n"  11,  cet 
étouffoir  esl  transporté  sous  le  sommier  du  haut,  et 
son  mouvement  vertical  est  descendant,  pour  per- 
mettre aux  deux  bandes  de  feutre  de  se  coincer  entre 
les  deux  plans  de  cordes,  lesquels  sont  inclinés  sur 
la  verticale;  ce  mouvement  est  très  peu  visible. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE  LA  HARPE  CHROM.  ET  SA  FACTURE    l;i53 


Copyright  liy  lihrairie  Delagraie,  1927. 


123 


1954  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 

ne  put  pas  se  confondre  avec  le  ré  bémol  donné  par 
la  corde  voisine.  Le  double  mouvement  n'avait  de 
raison  d'être  que  si  cette  substitution  pouvait  être 
obtenue,  et,  par  conséquent,  M.  G.  Lyon  a  conclu  de 
tout  cela  que  l'accord  de  sa  nouvelle  harpe  avec  le 
tempérament  égal  présenterait  un  avantage  incon- 
testable. 

Une  objection  majeure  qui  se  présentait  à  l'esprit, 
était  qu'il  y  aurait  une  très  grande  difficulté  pour 
tous  les  harpistes  à  faire  la  partition,  c'est-à-dire  à 
diviser  l'octave  en  douze  demi-tons,  le  nombre  de 
vibrations  d'une  corde  étant  égal  à  celui  du  demi-ton 
précédent  multiplié  par  le  nombre  v  2  ou  1 ,0b946,  etc. 

On  sait,  en  effet,  combien  il  est  difficile  de  faire 
un  bon  accordeur  de  pianos,  et  l'on  ne  pouvait  pas 
décemment  exiger  de  chaque  élève  de  harpe  l'obli- 
gation d'un  travail  de  six  mois  pour  établir  exacte- 
ment cette  partition. 

M.  G.  Lyon  a  donc  placé,  au  début,  dans  la  partie 
creuse  du  sommier  du  haut,  une  partilion  de  douze 
lames  d'acier  admirablement  accordées  avec  les 
demi-tons  d'une  octave  entière. 

Il  en  résulte  qu'en  frappant  sur  les  boutons  qui 
font  vibrer  ces  lames,  le  harpiste  entendait  le  son 
exact  qu'il  devait  faire  rendre  à  la  corde  du  même 
nom,  et  en  choisissant  la  note  à  l'octave  correspon- 
dant à  celle  de  la  lame  d'acier,  il  n'avait  qu'un  unisson 
à  faire,  coque  toutebonne  oreillepeutréalisereu  trois 
minutes  d'étude;  pour  l'octave  immédiatement  infé- 
rieure, il  n'avait  plus  qu'à  accorder  à  l'octave  grave 
et,  en  immobilisant  le  point  milieu  de  cette  nouvelle 
corde,  il  lui  était  loisible  d'obtenir  l'harmonique 
n°  \,  qui  devait  donner  l'unisson  de  la  corde  à  l'oc- 
tave supérieure.  Pour  obtenir  cet  accord,  M.  G.  Lyon 
employa  définitivement  la  nouvelle  cheville  ii  vis  mi- 
croiruHrique  dont  la  fig.  1009  fera  comprendre  exacte- 
ment l'emploi. 


Cette  harpe  tient  très  bien  l'accord  et,  pour  les 
raisons  d'équilibre  indiquées,  casse  très  peu  de  cor- 
des :  en  quatre-vingt-trois  jours,  treize  ruptures  de 
cordes  se  sont  produites.  La  harpe  à  pédales  qui 
servait  de  témoin  en  cassait  vingt-huit  en  trente-six 
jours,  ce  qui  fait  qu'alors  que  la  nouvelle  harpe 
possède  près  de  deux  fois  plus  de  cordes,  il  lui  faut 
à  peu  près  cent  soixante-dix  jours  pour  casser  au- 
tant de  cordes  que  la  harpe  ordinaire  en  trente-six 
jours. 

ACCORD  TEMPÉRÉ  DE  LA  HARPE 

Une  difficulté  qui  aurait  pu  arrêter  bien  des  per- 
sonnes désirant  travailler  la  harpe,  consistait  dans 
l'accord  de  cette  harpe,  qui  doit  s'effectuer  suivant 
la  gamme  chromatique  du  piano,  c'est-à-dire  avec  le 
tempérament  égal. 

Ce  qui  a  été  dit  relativement  à  l'impossibilité,  pour 
une  harpe,  de  tenir  l'accord  d'une  façon  sérieuse,  ne 
fût-ce  que  pendant  quelques  minutes,  montre  déjà 
quelle  est  l'erreur  des  harpistes  qui  prétendent  ac- 
corder leur  harpe  à  pédales  au  conima  près,  con- 
vaincus très  honnêtement,  il  faut  l'espérer  du  moins, 
qu'ils  peuvent  facilement  établir  exactement  la  diffé- 
rence entre  le  ré.  dièse  et  le  mi  bémol,  par  exemple. 

M.  G.  Lyon  rappelle,  à  ce  propos,  que  tous  les  essais 
qu'il  a  eu  l'occasion  de  faire  avec  les  appareils  de 
mesure,  diapasons  étalonnés,  en  particulier,  l'ont 
amené  à  conclure  que,  toutes  les  fois  qu'un  musicien 
très  fin  veut  montrer  la  différence  qui  doit  exister 
entre  ces  deux  sons,  il  exagère,  malgré  lui,  incons- 
ciemment, et  arrive  à  quadrupler  sans  la  moindre 
hésitation  l'écart  qu'il  aurait  dû  réaliser;  d'ailleurs, 
la  harpe  à  double  mouvement  serait  d'un  emploi 
parfaitement  incommode  si  l'on  ne  pouvait  pas,  avec 
la  corde  du  do  bémol,  arriver  à  faire  un  do  dièse  qui 


FiG.  1009.  —  Cheville  à  vis  micromélrique. 


Échelle  chromatique  des  sons  musicaux.  —  Pour 
repérer  la  place  des  notes  d'un  instrument  dans  l'é- 
chelle chromatique  des  sons,  M.  G.  Lyon  a  adopté, 
en  particulier  pour  les  harpes  de  sa  construction, 
le  numérotage  chromatique  proposé  par  lui  et  par 
M.  Mahillon,  alors  Conservateur  du  Musée  du  Con- 
servatoire de  Bruxelles,  au  Congrès  de  Musique  tenu 
à  Paris  en  1900. 

Cette  numération  part  des  idées  fondamentales 
suivantes  : 

Le  son  musical  le  plus  grave  perçu  par  l'oreille 
humaine  est  Vut  de  32  pieds  qui,  avec  le  la  normal 
de  8'70,  en  comporte  .32,318  vibrations  simples  par 
seconde,  et  avec  le  diapason  de  864,  en  comporte- 
rait 32,0886. 

Ce  son  sera  dénommé  son  1  :  il  est  produit  par  un 
tuyau  de  trente-deux  pieds,  et  donne  presque  exac- 
tement trente-deux  vibrations  simples  par  seconde  à 
15  degrés  centigrades;  la  montée  chromatique  s'éta- 
blirait ainsi  : 


Le  son  dit  oriyhia  dénommé  ul  de  32  pieds  sera  numéroté. .  1 

L' ul  dièse  qui  le  suit 2 

l'aie lerf    3 

Té  difse  S 

ul 5 

fa 6 

fa  dièse 7 

sol 8 

sol  dièse H 

la 10 

la  dièse II 

si 12 

Ces  douze  premiers  sons  ont  un  nombre  de  vibra- 
tions égal  au  nombre  de  la  note  précédente  multi- 
plié par  l'/l  ou  1,05946,  et  constitueront  ce  qui,  en 

langage  populaire  (d'organiste  et  de  claveciniste),  est 
appelé  octave  de  trente-deux  pieds. 

Les  douze  noies  de  l'octave  dite  de  seize  pieds 
comporteront  ainsi  le  deuxième  ut  de  l'échelle  chro- 
matique, soit  le  son  13,  puis  le  deuxième  ut  dièse  de 
la  même  échelle,  soit  le  son  14,  etc. 


TECHNIQUE,  ESTIIÉTIQCE  ET  VÈDAC.OGIE 


LA  HARPE  CHROM.  ET  SA  FACTURE    1955 


Pour  conclure,  chaque  note  sera  numérotée  en 
multiples  de  douze  correspondant  aux  octaves  com- 
plètes qui  la  précèdent,  à  partir  du  son  1,  ut  de 
trente-deux  pieds,  plus  son  rang  de  nom  dans  la  pre- 
mière octave. 

C'est  ainsi  qu'on  peut  savoir  quel  est  le  nom  etl'oc- 
tave  du  son  cinquante-trois  :  53  — 18  =:=  S.  Donc,  c'est 
une  note  delà  cinquième  octave  (au  delà  de  4  fois  12) 
et  c'est  la  cinquième,  puisque  après  quatre  douzai- 
nes, il  reste  cinq  notes  à  franchir.  C'est  donc  le  mt'de 
la  cinquième  octave. 

De  même,  si  on  veut  savoir  le  rang  de  l'échelle 
chromatique  du  sol  dièse  de  la  sixième  octave,  on 
fera  le  simple  calcul  suivant  : 

5  octaves  complèles  valent .     60  notes. 
Le  sol  (lifse  a  ran^' 9 

Le  so/rf(«e  est  le  son 69  de  l'échelle  cliromalique   des 

sons. 

La  l'"  octave,  allant  du  son  1  au  son  12  est  dite  de  32  pieds. 
2°      —  — 

3«      —  — 

4e      _  _ 


61! 

se 


Tempérament  égal.  —  Il  a  été  noté  ci-après,  pour 
faciliter  le  travail  des  expérimentateurs  ou  des  cher- 
cheurs futurs,  les  valeurs  des  puissances  successives 
de  t/2  et  de  leurs  inversos  qui  conditionnent  les 

nombres  de  vibrations  ou  les  longueurs  des  diffé- 
rentes notes  d'une  octave  : 


13 

— 

24 

— 

16  — 

25 

— 

30 

— 

8  — 

37 

— 

48 

— 

4  — 

49 

— 

60 

— 

2  

61 

— 

72 

— 

1  — 

72 

— 

85 

— 

6  pouces 

Sj 

— 

90 

. — 

3  — 

^2  =  n  =1,0594632 

1    1 

=  »j  =0,948593 

/iy2y=«-  =1. 1224621 
II'   =1,1892071 

m°-   =0,890898 

)«'  =0.840896 

n»  =1,2599211 

)»*  =0,793635 

«^  =1,3318399 

,«=  =0,749153 

ifi   =1,4142136 

)«•  =0,707106 

k'  =1,4933071 

»r  =0,667419 

n«  =1,5871011 

m«  =0,629960 

n'  =1,6817926 

«i'  =8,594605 

«>0=  1,7817975 

m'0  =  (}.â6i23l 

«"  =  1,8877187 

m"  =  0,529731 

«'-  =  2. 

mi  =  =0.5. 

Sur  la  table  de  la  harpe,  à  hauteur  de  chaque  trou 
de  passage  d'une  corde,  est  marqué  en  noir  le  rang 
de  la  note  sur  l'échelle  chromatique  des  sons;  on 
peut  donc  monter  la  corde  voulue  à  la  place  voulue, 
et,  pour  l'accord,  faire  vibrer  la  lame  coirespoudante 
au  rang  de  la  note,  les  boutons  de  frappe  des  lames 
d'accord  étant  numérotés  de  la  même  façon. 

Dans  la  suite,  il  a  paru  plus  pratique  de  mettre 
en  une  petite  boite  légère  les  douze  lames  d'accord 
pour  les  douze  notes  de  la  sixième  octave,  dite  de 
un  pied. 


CRÉATION  DE  L'ENSEIGNEMENT 

DE  LA  HARPE  CHROMATIQUE   SANS  PÉDALES 

RÉSULTATS  ARTISTIQUES  ACQUIS 

Dès  le  mois  d'octobre  1900,  M.  Gevaert,  l'éminent 
directeur  du  Conservatoire  Uoyal  de  Belgique,  fon- 
dait une  classe  de  harpe  chromatique  an  Conserva- 
toire de  Bruxelles,  et  nommait  M.  Jean  Uisler  pro- 
fesseur titulaire  de  cette  classe. 

C'est  le  18  avril  190:i  que,  par  décret  du  gouverne- 


ment de  la  République  Française,  une  classe  de  harpe 
chromatique  sans  pédales  est  instituée  au  Conserva- 
toire National  de  Musique  et  de  Déclamation  de 
Paris.  M™'=  Tassu-Spenceh  fut  chargée  du  cours. 

Au  point  de  vue  des  résultats  acquis  dès  1903,  les 
trois  lettres  ci-dessous,  parmi  tant  d'autres,  qui  sont 
dues  aux  fameux  chefs  d'orchestre  et  compositeurs 
Hans  liicHTEH,  Félix  Mottl  et  Edouard  GniEr,,  tous 
trois,  hélas  1  aujourd'hui  décédés,  en  donnent  la  me- 
sure indiscutable. 

Lettre  de  Hans  Richter  à  M.  Gustave  Lyon  : 

Bowdon  (Clieschire),  14  janvier  1903. 

Depuis  longtemps  déjà,  je  voulais  vous  écrire  au  sujet  de  vos 
excellentes  harpes  chromatiques;  mes  voyages  et  mes  obligations 
professionnelles  m'ont  empêché  de  réaliser  immédiatement  ce 
projet. 

Avec  votre  inslrumenl,  il  n'y  a  plus  maintenant  aucun  obstacle 
dans  l'exécution  même  des  parties  les  plus  difficiles  des  œuvres 
magistrales  de  R.  Wagner;  j'ai  pu  m'en  convaincre  en  condui- 
sant le  Crépiiscu/e  des  Dieux,  à  Paris  :  c'était  une  grande  joie  pour 
moi  d'entendre  les  quatre  harpistes  femmes  jouer  sur  vos  instru- 
ments. 

Les  avantages  principaux  de  votre  instrument  me  paraissent 
se  résumer  en  ceci  :  1"  la  sonorité  irréprochable  ;  2»  la  constance 
de  l'accord,  parce  que  les  cordes  ne  sont  ni  trop  tendues  ni  trop 
flasques;  3°  la  complète  absence  de  bruit  pendant  le  jeu,  car, 
dans  les  harpes  à  pédales,  le  bruit  de  l'enfoncement  des  pédales, 
pendanl  les  rapides  changements  d'harmonie,  est  absolument  iné- 
vitable. J'ai  été  complètement  satisfait  du  son  de  la  harpe  chro- 
malique. 

Dans  l'espérance  que  voire  amélioration  recevra  bientôt  sa 
consécration  de  tous  côtés,  je  reste  votre  très  amical. 

Signé  :  Hans  Rir.mKR. 

Lettre  de  Félix  Mottl  au  même  : 

Carlsruhe,  le  25  janvier  1903. 

La  harpe  chromatique  construile  d'après  les  idées  de  M.  Lvon 
rend  possible  une  exécution  minutieuse  et  consciencieuse  des 
parties  les  plus  difficiles  écrites  pour  cet  instrument  dans  les 
partitions  modernes. 

Le  bruit  qu'occasionnait  l'ancienne  harpe,  et  qui  est  inévitable 
par  le  changement  rapide  des  pédales,  disparaît  complètement. 

La  sonorité  obtenue  par  M.  Lyon  est  tellement  réussie  que  je 
ne  puis  pas  admettre  les  reproches  qui  ont  été  faits  à  la  harjn' 
chromatique  de  n'avoir  pas  la  sonorité  caractéristiiiue  de  la 
harpe. 

Nous  devons  donc  reconnaître  avec  grande  joie  que  nous 
sommes  ici  en  présence  d'une  invention  absolument  parfaite  et 
pratique  qui  ne  tardera  pas  à  être  adoptée  partout,  et  cela  dans 
un  temps  très  prochain. 

Signé  :  I^élix  Mottl. 

Lettre  de  Ed.  Giuec  au  même  : 

Très  honoré  Monsieur  Lyon, 

Je  partage  tout  à  fait  l'opinion  exprimée  par  M.  hi  docteur 
Hans  RicHTEB. 

Votre  harpe  chromatique  est  une  invention  de  la  plus  haute 
importance  au  point  de  vue  technique.  Maintenant,  presque  tout 
peut  être  écrit  pour  la  harpe. 

Je  suis  convaincu  que  de  cette  innovation  tout  à  fait  réussie 
résultera  pour  vous  une  grande  satisfaction. 

Permettez-moi  de  vous  en  exprimer  mes  meilleures  félicita- 
tions. 

Signé  :  Ed.  Griko. 

Ce  nouvel  instrument  répond  donc  à  une  véritable 
nécessité,  puisque,  comme  nos  instruments  modernes 
les  plus  perfectionnés  (le  piano,  l'orgue),  il  enrichit 
la  musique  de  ses  nouveaux  effets  chromatiques  qui 
sont  innombrables,  indéfinis. 

Gaston  Carr.ald,  Prix  de  Rome  de  composition, 
écrivait  à  ce  sujet  dans  Musica  : 

Elle  triomphera  un  jour  fatalement,  inéluctablement,  parce 
qu'elle  répond  aux  besoins  vrais  de  la  musique  et  à  son  effort  ac- 
tuel qui  est  d'étendre  les  limites  de  la  tonalité,  et  parce  qu'il  est 
une  loi  qui  régit  le  monde  :  celle  du  progrès,  de  la  simplification, 
du  beau  et  du  bon  mis  aux  mains  du  plus  grand  nombre. 


1956 


ENCrCLOPÈDlE  DE  LA   MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Possibilités  d'exéculion  et  de  composition. 

La  harpe  chromatique  sans  pédales  fournil  à  l'ar- 
tiste la  possibilité  de  tout  exécuter.  Possédant  les 
mômes  ressources  que  le  piano,  l'orgue  et  le  clave- 
cin, elle  est  capable,  en  principe,  d'exécuter  toutes  les 
œuvres  écrites  pour  ces  instruments.  Quelques  œuvres 
de  piano  particulièrement  toufl'ues  peuvent  toujours 
être  transcrites  intégralement  pour  deux  harpes; 
de  même,  les  œuvres  pour  deux  pianos  pourionl  se 
jouer  SUT  deux  harpes,  ou  être  transcrites  sans  mo- 
difications pour  trois  et  quatre  harpes  : 

Exemples  :  scherzo  de  Saint-Saëns  pour  deux  pianos, 

Bourrée  Fantasque  de  Chaurieb, 

Danse  Macabre  de  Saint-Saëns. 

Les  élèves  peuvent  ainsi  recevoir  une  éducation 
musicale  complète,  puisque,  au  lieu  de  devoir  se 
cantonner  dans  la  seule  musique  spéciale  de  la  harpe 
{Fantaisies  et  Concertos  de  Parish-Alvars,  d'OBERTHUR, 
de  BocHSA,  etc.),  dans  laquelle  la  virtuosité  tient  lieu 
le  plus  souvent  de  sens  artistique,  ils  apprendront 
(en  plus  de  cette  musique  de  harpe)  le  répertoire 
complet  des  œuvres  des  grands  maîtres,  les  clave- 
cinistes :  Rameau,  Coupkrin,  Scarlatti,  Daquin,  Haess- 
LEB,  en  passant  par  Haendel,  J.-S.  Bach,  Ph.-Em. 
Bach  ;  les  classiques  :  Havdn,  Mozart,  Beethoven  ;  les 
romantiques  :  Mendelssohn,  Schouann,  Schubert, 
Cnoi'iN,  pour  arriver, après  Lizsret  Wagner,  aux  con- 
temporains :  Saint-Saëns,  Widor,  Charpentier,  d'Indy, 
Fauré,Bruneau,  Richard  Strauss,  Claude  Debussy, etc., 
dont  la  pureté  de  l'écriture,  la  profondeur  du  senti- 
ment, l'art  et  le  génie,  élèvent  le  goût,  le  style  et 
l'âme  même  des  interprètes. 

Le  compositeur  n'a  plus  actuellement  qu'à  écrire 
sa  pensée  musicale  sans  se  demander  avec  angoisse 
si  l'œuvre  qu'il  a  conçue  sera  jouable  ou  non.  Il  peut 
laisser  planer  librement  sa  fantaisie,  son  imagina- 
tion et  s'oublier  complètement  dans  ses  rêveries 
sonores.  La  harpe  chromatique  sera  toujours  sa 
fidèle  interprète  et  ne  lui  laissera  jamais  une  décep- 
tion, un  regret.  11  ne  risquera  plus  de  devoir  suppri- 
mer, mutiler,  modifier,  refaire,  simplifier  les  traits 
et  les  modulations  qui  semblent  être  parfois  les  plus 
simples  du  monde. 

«  Grâce  à  la  harpe  chromatique  sans  pédales 
Pleyel,  dit  à  son  tour  Reynaldo  Hahn,  les  compo- 
siteurs n'auront  plus  besoin  de  se  casser  la  tête 
pour  répandre  de  la  lumière  et  de  la  gloire  sur 
l'ensemble  de  l'instrumentation,  ni  de  se  demander 
dans  ces  moments  de  belle  folie,  si  le  sol  bémol  est 
possible,  ou  si  le  si  a  le  temps  de  devenir  bécarre.  » 

De  même,  une  cantatrice  peut  désormais  s'accom- 
pagner elle-même  à  la  harpe,  et  cela  dans  les  œuvres 
les  plus  modernes.  La  harpe  chromatique,  en  ett'et, 
ne  s'appuie  pas  sur  l'épaule,  mais  sur  les  genoux. 
La  poitrine  reste  libre  et  haute.  Tout  le  corps  reste 
dégagé  et  complètement  détaché  de  rinstrument_ 
La  respiration  n'est  donc  plus  gênée  par  une  mau. 
vaise  position,  et,  n'ayant  plus  la  préoccupation  con- 
tinuelle des  pédales,  la  chanteuse  peut  se  laisser 
aller  tout  entière  à  son  inspiration  et  à  l'interpré- 
tation de  l'œuvre  qu'elle  désire  chanter. 

Grâce  à  leurs  accords  faciles  et  durables,  des  en- 
semliles  de  harpes  chromatiques  sans  pédales  ont 
pu  se  constituer  : 
à  Paris  :  Quatuor  Marie-Louise  Casadesus, 

Sextuor  Lina  Cantelon, 
à  Efruxelles  :  Quatuor  Germaine  Gornélisj 


qui  ont  obtenu  en  France,  Suisse,  Espagne,  Belgique» 
les  succès  les  plus  éclatants. 

Un  groupe  de  seize  harpistes  chromatiques  sans 
pédales  a  pu,  à  Vevey,  participer  à  l'exécution  de 
l'œuvre  de  Gustave  Doret  :  La  Fête  des  Vvjnerons. 

A  Béziers,  douze  harpistes  chromatiques  sans 
pédales.  Groupe  Lina  Cantelon,  ont  participé  à  l'exé- 
cution dans  les  arènes  (21.000  auditeurs)  : 

En  1922,  (le  Pcnlhesilée,  de  Marc  Delmas  ; 
En  1<J23,  de  Dèjanire,  de  Camille  Saint-Saëns; 
En  1924,  de  Dieu  stjnf:  coiiroiitif,  de  Marc  Delmas  ; 
En  1925,  du  Zorrjfiu,  de  Francis  Bousquet; 
■En  1926,  de  Zorriga,  de  Francis  Bousquet  ; 

à  la  complète  satisfaction  des  auteurs,  de  l'organi- 
sateur de  ces  festivités  musicales,  M.  Castelbon  de 
Beauxhostes,  et  des  spectateurs  qui  ont  exigé,  chaque 
année,  le  lendemain  de  la  dernière  représentation, 
un  concert  dans  les  arènes,  les  douzes  harpistes 
chromatiques  sans  pédales  figurant  seules  au  pro- 
gramme. Le  triomphe  sans  précédent  de  ces  séances 
fut  la  preuve  des  qualités  pratiques  des  instruments 
et  de  la  perfection  artistique  des  interprètes. 

Avantages  artistiques  et  pratiques. 

La  harpe  Pleyel  «  chromatique  sans  pédales  »,  au 
point  de  vue  des  qualités  d'interprétation,  présente 
les  avantages  artistiques  suivants  : 

L  —  La  suppression  des  pédales  élimine  la  préoc- 
cupation d'esprit  de  l'exéculant  et  lui  rend  son  indé- 
pendance absolue.  L'emploi  des  pédales  demande 
un  elfort  considérable  de  mémoire,  dans  la  musique 
moderne,  oii  il  peut  y  avoir  à  chaque  mesure  la  néces- 
sité d'abaisser  plusieurs  pédales  et  d'en  remonter 
plusieurs  autres.  Cette  préoccupation  constante  de 
l'esprit  est  aux  dépens  de  l'interprétation,  de  l'ins- 
piration, de  l'émotion  de  l'exécutant. 

Dans  la  harpe  chromatique  sans  pédales,  les  har- 
monies les  plus  compliquées,  les  traits  les  plus 
chromatiques  ne  sont  pas  plus  difficiles  que  les  pas- 
sages les  plus  simples  elles  plus  diatoniques.  Aussi, 
cet  instrument  permet-il  une  interprétation  vraiment 
artistique,  dans  le  sens  large  et  complet  du  mot. 

IL  —  La  harpe  chromatique  sans  pédales  a  une 
corde  indépendante  par  note,  de  tension  et  de  lon- 
gueur constante.  Elle  possède  donc  seule  l'unité, 
l'égalité  dans  la  sonorité,  la  constance  de  l'accord  et 
la  suppression  du  bruit  des  manœuvres  de  pédales. 

Félix  MoTTL  constate  que  «  le  bruit  qu'occasion- 
nait l'ancienne  harpe,  et  qui  est  inévitable  par  le 
changement  rapide  des  pédales,  disparait  complète- 
ment avec  la  harpe  chromatique  sans  pédales  ». 

Le  frisement  des  cordes  contre  les  fourchettes,  dès 
qu'on  manœuvre  les  pédales,  n'existe  plus,  ni,  par 
suite,  les  coulées  du  son  qui  résultent  de  la  niodifl- 
cation  de  la  tension  des  cordes  dont  les  pédales  sont 
actionnées. 

La  harpe  chromatique  sans  pédales  présente,  en 
plus,  les  avantages  d'ordre  matériel  et  pratique 
suivants  : 

L  —  L'accord  de  la  harpe  chromatique  sans  pé- 
dales est  plus  facile,  plus  stable  que  celui  des  autres 
harpes.  11  se  fait  d'après  le  tempérament  égal,  comme 
pour  le  piano,  le  clavecin,  l'orgue. 

11  est  1res  simple,  très  facile,  même  pour  les  élèves 
les  plus  jeunes  (dix  à  douze  ans);  cinq  minutes  par 
jour  suffisent  pour  l'enlretien  de  l'accord  de  la 
harpe. 

II.  —  L'accftrd  tempéré  ds  la  harpe  chromatique- 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  HARPE  CHROM.  ET  SA  FACTURE    1957 


-sans  pédales  correspond  à  l'accord  de  l'orcliestre 
moderne.  Il  doit  et  peut  être  précis,  car  la  justesse 
de  l'instrument  est  constante. 

III.  —  Les  cordes  de  la  harpe  chromatique  sans 
pédales  se  rompent  moins  souvent.  Et  cela  : 

i"  Parce  qu'elles  ne  sont  pas  écrasées,  tordues  et, 
par  conséquent,  usées  continuellement  parles  four- 
chettes; 

2°  Parce  que  la  tension  des  cordes  est  toujours  la 
même,  celles-ci  gardant  toujours  la  même  longueur. 

IV.  —  La  harpe  chromatique  sans  pédales,  de 
construction  simple  et  robuste,  est  d'un  entretien  peu 
coûteux. 

V.  —  La  cheville  Âlihert,  perfectionnée  par 
M.  G.  Lyon,  à  mouvement  de  vis  micrométrique, 
ne  peut  se  dérouler  au  milieu  de  l'exécution  d'un 
morceau. 

VI.  —  La  harpe  chromatique  sans  pédales  repose 
sur  les  genous  et  non  sur  la  poitrine,  ce  qui,  au  point 
de  vue  de  la  santé,  de  l'hygiène,  surtout  au  moment 
de  la  croissance  des  jeunes  filles,  est  de  la  plus 
grande  importance. 

BocHSA,  dans  sa  Méthode  de  harpe,  disait  à  ce  sujet: 
c<  Beaucoup  de  mères  se  refusent  à  donner  à  leurs 
filles  un  maître  de  harpe,  malgré  la  juste  préférence 
que  mérite  ce  bel  instrument  sur  tous  les  autres, 
par  la  seule  raison  qu'appuyé  constamment  sur 
l'épaule  droite,  il  exige  un  effort  permanent  qui, 
agissant  constamment  d'un  même  côté,  peut  devenir 
capable  de  tourner  la  taille  des  jeunes  personnes  '.  » 
C'est  un  reproche  qu'on  ne  peut  faire  à  la  harpe 
chromatique  sans  pédales. 


CRITIQUES  DE  LA  HARPE  CHROIVIATIQUE 

Différentes  critiques  ont  été  formulées  concernant 
la  harpe  chromatique  sans  pédales,  critiques  dont 
une  expérience  de  près  de  vingt  ans  a  fait  complète 
justice. 

Première  critique.  —  L'on  a  dit  que  si  la  harpe 
pouvait  être  chromatique,  elle  ne  devrait  pas  l'être, 
•c'est  contraire  à  son  génie. 

C'est  exact,  mais  seulement  pour  les  harpes  à 
pédales;  le  chromatisme  est  contraire  au  génie  de  la 
harpe  à  pédales,  parce  que  celle-ci  présente  des 
inégalités  dans  la  sonorité  ;  un  état  de  désaccord 
continuel,  des  bruits  de  pédales  incorrigibles,  des 
frisements  contre  les  fourchettes  à  leur  entrée  en 
action,  des  sons  étrangers  et  coulés  pendant  le  ser- 
rage des  fourchettes,  des  arrêts  dans  l'épanouisse- 
ment de  la  vibration;  une  impossibilité  absolue 
d'exécuter  rapidement  des  gammes  chromatiques, 
des  successions  d'accords  chromatiques  et  tous  traits 
chromatiques  (que  ce  chromatisme  soit  apparent  ou 
caché),  etc. 

Donc,  ou  bien  le  chromatisme  est  inexécutable  sur 
la  harpe  à  pédales,  et  c'est  la  majorité  des  cas,  ou, 
quand  il  l'est,  il  est  d'un  effet  détestable,  insuppor- 
table. 

Voilà  les  seules  raisons  qui  ont  fait  dire  à  Berlioz 
et  à  Gevaert  que  la  harpe  à  pédales  est  un  instru- 
ment essentiellement  anlichromatique. 

Mais  si,  comme  cela  a  lieu  pour  la  harpe  chroma- 


1.  Nouvelle  Méthode  de  harpe  en  deux  parties..,  par  M.  Cliarles 
BocBSÀ  fils,  harpiste  de  la  Musique  particulière  de  S.  M.  l'Empereur... 
Op.  60,  Paris  (s.  d.).  Schonenberger.  Robert-Nicolas-Charles  Bocrsa 
né  à  MontmMy  le  9  août  1789,  mourut  à  Melbourne  (Australie)  eu 
janvier  1856. 


tique  sans  pédales,  la  sonorité  dans  le  chromatisme 
est  aussi  belle  que  dans  le  diatonisme,  si  on  y  re- 
trouve la  même  pureté  de  jeu,  la  même  égalité,  la 
même  unité,  la  même  justesse  d'accord,  et  si  l'instpu- 
ment  permet  dans  l'interprétation  le  même  abandon, 
dans  l'inspiration  la  même  tranquilité  d'âme,  il  faut 
dire  au  contraire  que  le  chromatisme  est  aussi  bien 
dans  le  génie  de  la  harpe  qu'il  l'est  dans  celui  du 
piano,  du  clavecin,  de  l'orgue,  et  qu'il  l'emporte  sur 
le  diatonisme  par  sa  nouveauté,  sa  variété,  son 
piquant,  sa  couleur,  sa  possibilité  de  pouvoir  expri- 
mer tous  les  sentiments  humains, tousiesétatsd'àme. 

Deuxième  critique.  —  L'on  a  dit  que  les  fugues  de 
Bach  n'étaient  pas  faites  pour  la  harpe,  et  la  harpe 
pour  les  fugues  de  Bach,  que  c'était  un  sacrilège  de 
jouer  sur  la  harpe  les  morceaux  de  piano. 

Les  préludes  et  fugues  du  clavecin  bien  tempéré 
de  J.-S  Bach  ont  été  écrits  pour  le  clavecin,  mais 
on  ne  les  joue  presque  plus  aujourd'hui  que  sur  le 
piano  et  l'orgue.  Est-ce  un  sacrilège?  Saint-Saëns 
affirme  que  non,  et  quelle  voix  était  plus  autorisée 
que  la  sienne  en  matière  de  musique  ancienne? 

«  La  musique  des  époques  anciennes,  dit-il  à  pro- 
pos de  Rameau  (dans  sa  préface  à  l'édition  Durand 
des  œuvres  de  Rameau),  tire  toute  sa  valeur  de  la 
forme  (les  nuances  alors  étant  impossibles  que  nous 
pouvons  réaliser  sur  nos  pianos  modernes),  et  la 
sensation,  qui  est  parfois  tout,  ou  presque  tout, 
dans  la  musique  moderne,  n'est  rien  ou  presque  rien 
dans  l'ancienne.  D'après  ce  principe,  Haendel  a  pu 
écrire  un  concerto  pour  orgue  oa  harpe,  dont  la  par- 
tie concertante  peut  être  exécutée  indifféremment 
par  l'un  ou  l'autre  de  ces  instruments,  et  pouvait 
l'être  également  par  le  clavecin.  » 

Rien  de  plus  clair  et  de  plus  juste;  c'est  dire  que 
la  musique  ancienne  de  clavecin  convient  aussi  bien 
à  la  harpe  qu'au  clavecin,  et  c'est  la  même  raison 
qui  permet  qu'on  la  joue  sur  le  piano  et  l'orgue. 

Dans  cette  même  préface,  Saint-Saëns  dit  en  par- 
lant des  nuances  sur  le  clavecin  :  «  11  était  impos- 
sible sur  le  clavecin  de  passer  graduellement  du 
piano  au  forte,  et  de  pratiquer  cet  art  savant  des 
nuances  infinies  et  de  la  variété  du  toucher  qui 
donne  au»piano  moderne  son  plus  grand  attrait.  » 

Eh  bien,  ces  avantages,  la  harpe  chromatique  sans 
pédales  les  possède  au  même  titre  que  le  piano,  et 
c'est  ce  qui  fait  que  les  morceaux  de  piano  peuvent 
très  bien  s'interpréter  sur  la  harpe,  sans  pour  cela 
faire  crier  au  sacrilège.  En  effet,  ces  instruments  sont 
tous  deux  à  sons  courts,  si  on  les  compare  au  violon, 
à  l'orgue  ou  au  chant,  et  la  différence  entre  la  pro- 
longation de  leurs  vibrations  est  insignifiante. 

D'ailleurs,  tous  les  auteurs  ont  transcrit  leurs 
œuvres  pour  différents  instruments  :  il  a  été  fait,  du 
Cygne  de  Saint-Saëns,  cette  célèbre  et  ravissante 
page  extraite  du  Carnaval  des  Animaux  :  16  trans- 
criptions réalisées  ou  autorisées  par  l'auteur. 

Il  est  indiscutable  qu'un  beau  morceau  de  musique 
restera  beau  aussi  bien  sur  la  harpe  que  sur  le  piano, 
et  qu'un  mauvais  morceau  de  harpe  sera  toujours 
un  mauvais  morceau  de  musique„même  sur  la  harpe. 

C'est  ce  qui  a  fait  dire  un  jour  à  M.  Gevaert,  en 
entendant  M"«  Lenars  jouer  une  chaconne  de  Haen- 
DEi.  sur  la  harpe  chromatique  sans  pédales  : 

«  Je  n'avais  jamais  jusqu'ici  entendu  jouer,  sur 
une  harpe,  un  beau  morceau  de  musique.  » 

Ce  qui  voulait  dire  évidemment  que  les  harpes 
autres  que  la  harpe  chromatique  sans  pédales  ne 
permettaient  pas   de  jouer    les    œuvres  musicales 


1958 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


tenues  universellement  pour  belles  {Haendel,  Bach, 
Reethoven,  etc.),  et  que  les  morceaux  que  l'on  pou- 
vait y  exécuter  ne  l'intéressaient  pas  (Oberthub, 
BocHSA,  Pauish-Alvars,  etc.). 


TECHNIQUE   DE  L'ÉCRITURE   POUR   HARPE 
CHROMATIQUE  SANS   PÉDALES 

Certaines  particularités  sont  à   observer  Jans  la 


façon  d'écrire  pour  la  harpe  chromatique  sans  pé- 
dales : 

1"  Inutilisation  du  cinquième  doigt. 
•2"  Règles  pour  les  batteries. 

a]  Les  batteries  doivent  donc  être  de  trois  ou  quatre 
notes  au  plus  : 

Prélude,    Valse   et  Rigaudon,   de  Reynaldo   Hahn 
(pour  harpe  chromatique  et  double  quatuor)  : 


Anéntc 

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^ 

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3- 

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FS^^Si 

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li^"       ttJ- 

n^' 

AUegro-Fdntaisie,  de  Jean  Risler  (pour  harpe  chromatique  et  double  quatuor)  : 


b)  Si  les  batteries  sont  écrites  avec  plus  de  quatre  notes,  elles  doivent  pouvoir  se  faire  des  deux  mains, 
à  moins  que  le  mouvement  ne  soit  très  modéré  d'allure  : 

Pièce  de  Concert,  de  P.-L.  Hillemacher  (pour  harpe  chromatique)  : 

-^--^ 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PEDAGOGIE  LA  HARPE  CHROM.  ET  SA  FACTURE    1959 

Ij"  Accords.  —  Les  accords  prévus  plaqués  ne  doivent  pas  comporter  plus  de  quatre  notes  pour  chaque 
main,  soit  huit  pour  les  deux  mains.  S'il  y  a  plus  de  huit  noies,  il  faut  prévoir  l'arpège,  afin  d'avoir  le 
temps  de  faire  un  déplacement  de  mains  : 

Ouverture  des  Maîtres  Chanteurs,  de  lUchard  Wagner  (partie  d'orchestre)  : 


F^t== 

1 — - 

— f— 

1 — 

P 

M^ 

H=f^ 

r=^ 

p± 

M 

1= 

n 

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H 

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F^ 

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h 

-—^ — F— 

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R — 

M 

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Fantaisie  (Études  artistiques),  de  Benjamin  Godahd  : 


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't"  De  la  virtuosité.  —  Les  traits  qui  ne  peuvent  être  faits  que  d'une  seule  main  doivent  être  écrits  dans 
un  mouvement  assez  modéré,  et  ne  doivent  pas  dépasser  V Allegro  moderato,  à  raison  de  trois  ou  quatre  notes 
par  temps  : 

Prélude,  Valse  et  Rigaudon,  de  Reynaldo  Hahn  (pour  harpe  chromatique  et  double  quatuor)  : 


FjUijiiè  sans  AJU 


1960  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 

Au  contraire,  ies  traits  qui  peuvent  se  faire  en  se  servant  des  deux  mains  peuvent  être  exécutés  avec 
.la  plus  grande  vélocité  : 

Prélude,  Valse  et  Ritjmidon,  de  Reynaldo  Hahn  (pour  harpe  chromatique  et  double  quatuor)  : 


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5°  Effets  particuliers  de  la  harpe.  —  Les  divers 
effets  spéciaux  à  hi  harpe  à  pédales  se  rendent  avec 
la  même  facilité  sur  la  liarpe  chromatique  sans  pé- 
dales, tels  sont  : 

fi)  Lm  note%  hurmoniquei<  : 
Barcarollc,  de  Mario  van  Ovkheem  (pour  harpe  chromatique) 
Jnr//inLtito  (los.J') 


Jfof/créh 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE  LA  HARPE  CHROM.  ET  SA  FACTURE    1961 

AJleurO'Fantaifi'u',  de  Jean  Hislkr  (pour  harpe  chromatique  et  double  quatuor)  : 

Allegro  7ftoJer*€h 


/  AnfLtwttu^ul} 


5)  Les  sons  étouffés  : 

Ronde  des  Archers,  Th.  Dubois  (transcripLiou  pour  harpe  chromatique  par  M"®  L.  Delcourt) 


•du  même  morceau  : 


Sona  clduffcA 


■^  Joni  éiou^io 


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■^  Sona  fttcujjc* ---»     ÉatdSC^vvt-j 

c)  L';s  sons  près  de  la  table  : 

Petite  Fantaisie,  de  Jean  Uisler  (pour  harpe  chromatique)  : 


-0-  •JS<ynb  -ntcs  defo.  \awc 


d)  Les  notes  répétées  : 


1962  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


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Sonate,  d'Emanuel  Moon  (pour  barpe  chromatique)  : 


e)  Les  ?rî7/es 


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f)  Les  mordants 


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TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE  LA  HARPE  CHROM.  ET  SA  FACTURE    1963 


6"  Style  fugué.  —  Le  slyle  fugué  convient  très 
bien  aux  liarpes  cliromatiques. 

L'exécution  en  est  aussi  aisée  qu'au  piano.  L'on 
obtiendra  même  d'heureu.x  effets  par  le  mélange  de 
ce  style  fugué  au  style  familier  à  la  harpe  (arpèges, 


batleiies,  traits,  accords,  notes  harmoniques,  sons 
étouffés,  noies  répétées). 

Sonate,    d'iùnanuel    Moor    (pour   harpe   chroma- 
tique) : 


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6o  La  harpe  à  l'orchestre.  —  L'emploi  de  la  harpe 
à  l'orchestre,  surtout  dans  les  passages  touffus,  sono- 
res, puissants,  demande,  pour  être  entendue,  un  gros 
flot  de  noies,  des  paquets  de  notes  ; 

Mot/tn   (  J  .  i«) 

.     Tteirnu.  t  - 

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a)  Arpèqei  : 

Danses,  de  Claude  Debussy  (pour  harpe  chromatique 
et  double  quatuor)  : 


Allegro-Fantaisie,  de  Jean  Risler  (pour  harpe  chromatique  et  double  quatuor)  : 


Allrfra  mo</erjfa 
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La  WiiWi(;e,  de  Richard  Wagner  (partie  d'orchestre).  Wagner  prévoit  l'emploi  à  l'orchestre  de  trois 
harpes  I  jouant  à  l'unisson  : 


J^olfojuilttjfo 

-tr- — , âj-M- 


196i  ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


et  de  trois  harpes 


h)  Fusées  : 
Traits  tirés  du 


Tannhàuser,  de  Richard  Wagner  (partie  d'orchestre) 


c)  Accords  : 
Maîtres  Chanteur 


,  doublant  à  l'oclave  inférieure  les  trois  premières. 


:,  de  Richard  Wagner  (partie  d'orchestre) 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 

70  Emploi  de  la  harpe  chromatique  en  solo.  — 
Employée  en  solo,  ou  dans  iin  passafje  dorchestre 
extrêmement  doux,  la  partie  de  harpe,  au  contraire, 
pourra  être  beaucoup  plus  simple.  Dans  ce  cas,  le 
style  fugué  conviendra  très  bien  aussi,  surtout  si  l'on 
y  introduit  les  effets  spéciaux  à  la  haipe. 

Œuvres  d'écriture  facile  à  exécuter  sur  la  harpe 
chromatique  sans  pédales.  —  Voici  une  liste  de 
morceaux  pouvant  servir  de  modèle  aux  composi- 
teurs sur  la  façon  d'écrire  pour  la  harpe  chroma- 
tique : 

Fantaisie  chromatique J.-S.  Bach. 

Concerto  en  rc  mineur  (1'»  partie) .  J.-S.  B\cu. 

Chaconne  en  sol Haendel. 

Fantaisie Tti.  Dneois. 

Choral  et  Variations Widob. 

Andante  et  Sclierzo Florent  Schmitt. 

Sonate Emanuel  Moor. 

Danse  sacrée  et  danse  profane. . . .  Debussy. 

Prélude,  Valse  et  Rigaudon R.  Hahn. 

Impromptu  Caprice Pierné. 

Impromptu Ciarlone. 

Fantaisie-Ballade Pfeiffe». 

Scherzo Périlhou. 

Les  Trois  Valses Neeixi. 

Concerto Mario  von  Overeem. 

Parties  d'orchestre Wagner. 

Etc. 

Facilité  des  études. 

Il  va  sans  dire  que  la  harpe  chromatique  sans 
pédales  ne  se  joue  pas  toute  seule,  et  que,  pour  être 
un  bon  virtuose,  il  faut,  comme  pour  tous  les  ins- 
truments, beaucoup  de  travail  pour  acquérir  une 
égalité  parfaite  de  jeu,  un  beau  son,  de  la  virtuosité; 
mais  ce  qu'on  peut  dire,  c'est  que  les  modulations, 
le  chromatisme,  qui  constituaient  la  grosse  difllculté 
de  la  harpe  à  pédales,  ne  sont  pas  une  difficulté  pour 
la  harpe  chromatique  sans  pédales.  Au  contraire,  le 
plus  souvent,  ce  chromatisme  rend  l'exécution  plus 
facile,  plus  aisée.  La  gamme  chromatique,  par 
exemple,  est  certainement  plus-  aisée  à  jouer  que 
la  gamme  A' ut  majeur,  laquelle  ne  se  joue  cependant 
que  sur  le  plan  des  cordes  blanches,  tout  comme 
dans  la  harpe  à  pédales. 

Il  en  résulte  que  les  commençants  peuvent  jouer 
facilement  au  bout  d'un,  deux,  trois  mois,  de  petites 
pièces  de  nos  grands  maîtres  (anciens  ou  contempo- 
rains), dont  l'exécution  sur  la  harpe  à  pédales,  quand 
elle  serait  possible,  ne  serait  abordable  que  par  les 
meilleurs  virtuoses. 

Une  bonne  musicienne,  quelque  peu  pianiste,  peut 
ainsi,  après  quelques  mois  de  travail,  faire  déjà  une 
partie  à  l'orchestre  sur  la  harpe  chromatique,  grâce 
à  la  disposition  des  cordes  rappelant  le  clavier  du 
piano,  à  l'analogie  du  doigté  et  de  la  façon  d'écrire 
et  de  lire  la  musique  de  piano  ou  de  harpe  chroma- 
tique sans  pédales,  et  par  le  fait  de  l'assouplisse- 

i  ment  et  de  l'indépendance  dans  le  mécanisme  des 

'  doigts. 

Cette  facilité  à  s'initier  à  la  harpe  chromatique 
sans  pédales  est  d'une  grande  utilité  pour  les  théâ- 
tres, surtout  les  théâtres  de  province,'  qui,  pour  la 
plupart,  ont  été  privés  de  harpes  jusqu'ici,  et  réduits 
fâcheusement  à  en  confier  la  partie  au  piano  qui, 
cependant  chromatique,  n'a  point  le  timbre,  le  ve- 
louté et  les  ressources  spéciales  de  la  harpe. 

Quant  à  la  lecture  à  vue  et  à  la  transposition,  elles 
sont  toutes  deux  aussi  faciles  sur  la  harpe  chroma- 
tique sans  pédales  que  sur  le  piano. 


LA  HARPE  CHROM.  ET  SA  FACTURE    1965 


Les  ouvrages  didactiques  concernant  la  harpe 
chromatique  sans  pédales  sont  les  suivants  : 

Onvragcs  didactiques. 

1°  Mcthode  de  harpe  chromatique  sans  pédales  (faite 
en  1898)  écrite  par  l'inventeur  M.  G.  Lyon,  avec  la 
collaboration  de  M™"  TAssu-SpE^'CER  (alors  profes- 
seur au  Conservatoire  National  de  Paris) ,  de 
M"''  Madeleine  Lefebire  et  de  .M.  Jean  Risler  (pro- 
fesseur au  Conservatoire  Royal  de  Rruxelles). 

2"  Méthode  de  harpe  chromatiqice  (aLilepa.r  MmeT/t^ssv- 
Spencer,  professeur  au  Conservatoire  National  de 
Paris.  Chez  Leuoine,  à  Paris. 

3°  Méthode  de  harpe  chromatique  (1907)  de  M™' 
WuRMSER-DiiLcouRT,  chez  A.  Leduc,  à  Paris. 

4"  Etudes  de  Bochsa  doigtées  pour  la  harpe  chro- 
matique sans  pédales  par  M"»  Tassu-Spkncer,  chez 
Lemoine,  à  Paris. 

'6°  Exercices  et  études  de  Labarre,  Larivière,  trans- 
crits pour  la  harpe  chromatique  sans  pédales  par 
M"«  L.  Delcourt.  Chez  A.  Leduc,  à  Paris. 

6°  Méthode  de  harpe  pouvant  servir  à  la  harpe 
chromatique  sans  pédales,  par  M.  Snoer.  Chez  Snoer, 
à  Leipzig. 

1"  Méthode  de  harpe  chromatique  sans  pédales,  sys- 
tème G.  Lyon,  par  Hilpert.  Chez  M.  Hilpert,  à  Ha- 
novre. 


LA   HARPE-LUTH 

La  harpe-luth,  dont  nous  donnons  ici  une  repro- 
duction en  photogravure,  inventée  également  par 
M.  Gustave  Lyon,  est  construite  sur  les  mêmes  prin- 
cipes que  la  harpe  chromatique  sans  pédales;  seule- 
ment, toutes  les  cordes  sont  en  métal. 

Elle  permet  l'interprétation  des  pièces  anciennes 
de  clavecin  (Rameau,  Daquin,  Sgarlatti,  Haeivdel, 
Rach). 

Rien  de  plus  délicieusement  joli,  et  de  plus  éino- 
tionnant  que  d'entendre  jouer  sur  cette  harpe-luth 
ces  anciennes  pièces  de  clavecin.  On  a  dit  même  que 
ce  fut  une  révélation,  parce  que  le  toucher  subtil  et 
expressif  de  l'artiste  leur  donne  un  attrait,  une  vie, 
une  poésie,  une  émotion,  qu'elles  ne  peuvent  pas 
avoir  sur  le  clavecin. 

En  effet,  Saint-Saens  disait  : 

«  Sur  le  clavecin,  il  était  impossible  de  passer  gra- 
duellement du  piano  au  fo^-te,  et  de  pratiquer  cet 
art  savant  des  nuances  infinies  et  de  la  variété  de 
toucher,  qui  donne  au  piano  moderne  son  plus 
grand  attrait.  » 

Mais  cet  art  savant  des  nuances  infinies,  la  harpe- 
luth  le  permet  au  même  titre  que  le  piano,  et  grâce 
à  elle.  Rameau,  Haendel,  Bach,  ont  trouvé  un  instru- 
ment qui  fait  revivre  leur  âme,  leurs  joies,  leurs 
tristesses,  leurs  douleurs,  avec  une  intensité,  une 
vérité  d'expression  inconnues  même  à  l'époque  où 
vivaient  ces  grands  maitres,  car  le  clavecin,  pour  eux, 
n'a  jamais  pu  être  qu'un  froid  et  inexpressif  inter- 
prète. 

Voici,  en  effet,  ce  que  dit  le  savant  docteur  Albert 
Schweitzer,  dans  son  admirable  monument  :  J.-S. 
Bach,  le  musicien  poète  : 

«  De  l'autodidacte,  Bach  avait  l'esprit  inventeur. 
Autant  les  théories  lui  répugnaient,  autant  tout  ce 
qui  était  expérience  pratique  l'attirait.  Il  connaissait 
à  fond  la  structure  de  tous  les  instruments  et  réflé- 


1966 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


chissait  sans  cesse  à  la  façon  de  les  perl'eclionner. 
De  là,  sa  sympathie  pour  Scfieiiœ,  le  fadeur  d'or- 
gues qui,  lui  aussi,  avait  le  goùl  des  essais  et  des 
inventions.  Bach  dut  l'encourager  plus  d'une  fois  à 
pousser  ses  recherches  et  à  pénétrer  plus  avant  dans 
les  secrets  de  son  art.  » 

M.  ScHWEiTzER  dit  encore  : 

«  La  question  du  perfectionnement  du  clavecin  le 
préoccupa  de  tout  temps.  Il  vit  bien  les  commence- 
ments du  piano  moderne,  car,  dés  1740,  (jottfried 
SiLBERMANN  couslruisait  des  liammerclaviere  (clave- 


FiG.  1010.  —  La  harpe-lulli. 

cins  à  raarteau.x).  Frédéric  le  Giand  avait  toute  une 
collection  de  fortepianos  sortant  de  sa  fabrique. 
Mais,  tout  en  encourageant  Silhkrmann  à  poursuivre 
ses  essais,  Bach  ne  se  déclarait  satisfait  ni  du  méca- 
nisme ni  du  son  du  nouvel  instrument.  Il  rêvait  un 
instrument  à  sonorité  aussi  souple,  aussi  llexihle  que 
possible,  et  se  lit,  eu  17i-0,  construire,  par  le  facteur 
d'orgues  Zacharias  Hildeuhand,  un  clavecin-luth, 
qui  devait  remplir  ces  conditions. 

«  Pour  prolonger  le  son,  il  avait  imaginé  deux 
rangs  de  cordes  de  boyau  et,  de  plus,  un  rang  de 
cordes  métalliques  en  octave.  » 

Ainsi,  Bach  voulait  un  instrument  à  cordes  pincées, 
mais  à  sonorité  prolongée,  souple  et  flexible. 

La  sonorité  sèclie,  courte  et  raide  d'un  jeu  de  cla- 
vecin est  fonction  du  mode  d'ébranlement  de  la  corde 
par  sautereau. 


En  effet,  il  est  une  loi  d'acoustique  pratique,  qui 
peut  se  résumer  sous  une  forme  imagée,  mais  qui 
répond  très  exactement  à  la  réalité. 

La  sonorité  perçue  est  de  l'ordre  et  de  la  forme 
de  l'ébranlement  vibratoire  produit.  .Si  on  pince  la 
corde  avec  un  bec  dur,  sec,  raide,  le  son  est  dur,  sec 
et  raide.  Un  marteau  dur  et  plat  donnera  un  son 
dur  et  plat;  un  marteau  rond  et  souple  déterminera 
une  sonorité  ronde  et  souple,  etc. 

Or,  le  saulereau  du  clavecin  ne  peut  être  élargi. 
Le  plectre,  plume  ou  cuir,  chargé  de  soulever  la 
corde  jusqu'à  ce  qu'elle  lui  échappe,  ne  peut  être  que 
fort  éti'oit,  pointu  pour  ainsi  dire;  la  forme  initiale 
de  la  vibration  sera  pointue,  le  son  sera  pointu,  sec 
et  court. 

Pour  le  corriger  dans  le  sens  rêvé  par  Bach,  l'em- 
ploi de  la  corde  de  boyau  qui,  toutes  choses  égales 
d'ailleurs,  donne  un  son  plus  rond,  à  cause  même  de 
la  constitution  plus  large  de  la  corde  pour  le  même 
poids  de  celle-ci,  n'est  pas  la  bonne  solution,  en  raison 
des  défauts  de  stabilité  d'accord  et  do  justesse  de  la 
corde  de  boyau,  et,  ensuite,  à  cause  de  l'insuflisance 
de  la  force  du  plectre  pour  soulever  la  corde,  ou  de 
l'impossibilité  d'obtenii- une  course  suffisante  pour  le 
sautereau. 

On  comprend  donc  pourquoi  l'essai  ne  satisfit  pas 
Bach  qui,  dit  M.  Schwkitzkr,  dut  continuera  se  servir 
du  clavicorde  simple,  et  pourquoi  .M.  G.  Lyon  a  pensé 
à  remplacer  le  plectre  étroit  et  pointu  du  sautereau 
du  clavecin  par  la  partie  arrondie  et  large  de  l'extré- 
mité du  doigt  humain;  seulement,  puisque  les  cordes 
du  clavecin,  si  elles  étaient  pincées  ainsi,  devraient 
donner  un  son  de  corde  pincée,  mais  gras,  rond, 
souple  et  flexible,  en  même 
temps  que  plus  prolongé, 
l'étude  paraissait  raison- 
nable d'une  harpe  montée 
avec  des  cordes  de  cla- 
vecin, ou  s'en  rapprochant 
tout  au  moins,  et  l'adop- 
tion s'imposait  du  système 
permettant  le  chroma- 
lisme  si  cher  à  l'illustre 
Bach. 

Et  voilà  comment  est 
née  la  harpe-luth. 

Une  réduction  de  cet 
instrument  à  cinq  octa- 
ves, avec  monture  spé- 
ciale de  cordes  et  table 
d'harmonie  moditîée,  a 
réalisé  le  timbre  voulu  ■' 
par  Wagner  pour  Taccom-  \ 
pagnement  des  sérénades 
de  Beckmesser  dans  les 
Maures  Cliunlfuis  à  l'O- 
péra de  Paris,  à  Bayreuth, 

à  l'Opéra  de  Mannheim,  à  ceux  d'Amsterdam,  La 
Haye,  Venise,  au  Théâtre  de  la  Scala  de  Milan. 

Extrait  d'une  lettre  adressée  par  M"«  Wagner  à 
M.  G.  Lyon  à  propos  de  la  «  harpe-luth  »  : 


I 


Fia.  1011. 


Uaijreuth,  È  juillet  tS99. 


Monsieur, 


Le  luth  que  vous  avez  eu  l'eslrème  obligeance  île  desliner  aux 
représentalions  (le  Bayreuth  a  élé  produit  en  présence  des  trois 
niailrcs  de  chapelle  el  des  harpistes  de  notre  orchestre.  11  n'y  a 
i]u'une  voix  sur  la  beauté,  l'avantage  et  le  mérite  de  voire 
invention. 

Cet  instrument,  ravissant  par  la  forme  autant  que  par  le  son, 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE  LA  HARPE  CHROM.  ET  SA  FACTURE    l;<67 


décorera  noire  s^lle  de  musique,  et  je  ne  saurais  vous  dire, Mon- 
sieur, combien  je  suis  sensilde  à  votre  aimable  attention. 

Recevez,  Monsieur,  avec  mes  remerciements  et  ceux  de  mon 
fils,  l'assurance  de  ma  considération  bien  distinguée. 

C.  Wagner. 

11  y  a  lieu  d'ajouter  que  l'emploi  de  la  harpe-lulh 
a  permis  de  satisfaire  : 

1"  Aux  concerts  symphoniques,  les  vœux  des  chefs 
d'orchestre  dans  les  œuvres  de  Bach  (concert  de  la 
Schola  sous  la  direction  de  M.  Vincent  d'Indy,  con- 
certs du  Conservatoire  de  Nancy  sous  la  direction 
de  M.  Guy  Ropartz,  concerts  du  Conservatoire  de 
Liège  sous  la  direction  de  M.  Radoux). 

2°  Au  théitre,  les  desiderata  de  M.  Gustave  Char- 
pentier dans  Louise,  à  l'Opéra-Comique  de  Paris  et 
à  celui  de  Berlin,  de  M.  Mancinelli,  dans  Françoise 
de  Riinini,  en  1907,  à  la  Scala  de  Milan,  au  Théâtre 
de  Venise,  au  théâtre  Reggio  de  Turin,  au  Théâtre 
de  Bologne,  et  en  1908,  aux  Théâtres  de  Lisbonne  et 
de  Buenos-Ayres. 


LA  HARPE   INTÉGRALE 

La  harpe  chromatique  sans  pédales  ne  peut  pas 
faire  le  «  glissando  »;  on  a  pu,  à  la  demande  de  cer- 
tains auleurs,  remplacer  ces  effets  par  des  arpèges 
rapides  et  des  gammes  roulées.  Pour  le  théâtre,  si 
la  nécessité  s'en  faisait  sentir,  rien  ne  peut  empêcher 
le  harpiste  chromatique  d'avoir  à  l'orchestre,  dans 
ces  rares  occasions,  un  instrument  à  glissando,  soit 
la  harpe  à  pédales,  soit  même  un  instrument  cons- 
truit spécialement  à  cet  effet,  et  qui  pourrait  per- 
mettre de  glisser,  non  seulement  des  accords  de 
septième,  mais  des  accords  de  trois  notes. 

Néanmoins,  pour  doinier  satisfaction  à  certains 
directeurs  de  théâtres,  qui  préféreraient  utiliser  la 
harpe  chromatique  sans  pédales  et  avoir  dans  cet 
instrument  les  effets  coutumiers  de  la  harpe  à  pé- 
dales, M.  G.  Lyon  a  réalisé  la  harpe  intégrale  en 
s'inspirant  de  toutes  les  conclusions  indiscutahles 
où  l'avaient  conduit  les  études  et  la  construction  de 
la  harpe  chromatique  sans  pédales. 


La  nappe  des  cordes  blanches  a  été  établie  de  façon 
à  constituer  une  surface  plane;  les  cordes  ont  été 
allongées,  par  rapport  à  leur  longueur  dans  la  harpe 
chromatique  sans  pédales,  de  la  quantité  voulue  pour 
que,  sous  la  même  tension,  elles  fussent  baissées  d'un 
demi-ton. 

Un  mécanisme  à  double  mouvement  tout  nouveau 
permet,  par  des  commandes  mues  par  des  pédales 
ordinaires  des  harpes  à  pédales,  de  raccourcir  cha- 
cune des  cordes  de  deux  demi-tons  successifs,  cha- 
que pédale  commandant  en  même  temps  toutes  les 
cordes  de  même  nom  de  la  harpe;  le  plan  des  cordes 
blanches  donne  donc  normalement  la  gamme  diato- 
nique d'ut  bémol. 

Toutes  les  pédales  étant  abaissées  jusqu'au  pre- 
mier cran,  ces  cordes  blanches  donnent,  alors,  la 
gamme  diatonique  d'ut  naturel,  si  bien  qu'à  ce 
moment,  l'ensemble  de  ces  cordes  blanches  et  des 
cordes  noires  qui  les  croisent  constitue  la  harpe 
chromatique  sans  pédales  coutumiére. 

Les  cordes  traversent  la  table  sans  coudage,  s'en- 
roulent en  haut,  au  delà  du  sillet,  aux  chevilles  Ali- 
bert  perfectionnées  par  M.  Gustave  Lyo.n,  et  s'accro- 
chent au  delà  et  au-dessous  de  la  table  à  un  sommier 
d'accroché  en  duralimin  qui,  avec  la  colonne  en 
magnésium  et  le  sommier  du  haut  en  duralimin  et 
magnésium,  constituent  un  tout  indéformable. 

Pendant  le  repos,  ces  cordes,  qui  sont  libérées  de 
la  table,  ne  la  déforment  donc  pas;  quelques  minutes 
avant  le  jeu,  on  pousse  vers  le  centre  de  la  table 
des  boutons  de  pression  qui  appuient  la  corde  contre 
la  table,  lui  permettant  ainsi  de  répandre  dans  l'es- 
pace les  vibrations  de  la  corde. 

Le  mécanisme  des  pédales,  très  perfectionné,  per- 
met un  réglage  immédiat  et  durable,  particulière- 
ment utile  aux  harpistes. 

Enfin,  les  recherches  pour  la  harpe  intégrale  ont 
amené  M.  G.  Lyon  à  réaliser  des  montures  de  cordes 
sur  axe  d'acier  filé  en  boyaux,  qui  assurent  un  accord 
absolument  stable  et  une  durée  d'utilisation  extraor- 
dinaire à  ces  cordes;  d'où,  économie  fort  impôt - 
tante  pour  les  harpistes,  et  sécurité  absolue  pour 
l'exécution. 

Gustave  LYON. 


LA  HARPE  CHROMATIQUE  ET  SA  TECHNIQUE 


Par  Madame  Renée  LENARS 

PROFESSEUR    AC    CONSERVATOIRE 


LA   HARPE  CHROMATIQUE  SANS  PEDALES 

La  harpe,  sous  les  divers  aspects  qu'elle  prit  dans 
le  passé,  et  sous  la  forme  qu'elle  présente  de  nos 
jours,  a  toujours  été  un  instrument  essentiellement 
caractérisé  par  une  très  pure  sonorité,  empreinte 
d'un  charme  particulier,  qui  en  fit,  dés  la  plus  haute 
antiquité,  un  instrument  auréolé  d'idéal. 

Tous  les  instruments  anciens  se  rapportant  à  la 
famille  de  la  harpe,  il  est  curieux  de  le  constater  sont 
d'oripine  orientale.  Les  Occidentaux  s'inspirèrent 
des  instruments  créés  parles  Orientaux,  et  les  modi- 
fièrent peu  à,  peu  en  conformité  avec  leurs  concep- 
tions musicales. 

Description  de  l'instrniiicnt. 

La  harpe,  qui,  au  xvin«  siècle,  fut  successivement 
dotée  de  crochets,  puis  de  pédales,  se  trouva  perfec- 
tionnée, au  commencement  du  xix'  siècle,  par  la 
harpe  à  sept  pédales  de  Sébastien  Er.\rd. 

Laissant  à  la  harpe  son  aspect  général,  M.  Gustave 
Lyon,  ingénieur,  directeur  de  la  Maison  Pleyel, 
supprima  les  pédales  et  imagina  un  second  plan  de 


cordes.  Ces  deux  plans  sont  croisés  au  milieu  de  la 
longueur  des  cordes,  correspondant  ainsi  aux  tou- 
ches blanches  et  noires  du  piano.  Ils  donnent  une 
succession  chromatique  de  six  octaves  et  demie,  allant 
du  ré  grave  au  sol  suraigu,  soit  un  total  de  soixante- 
dix-huit  cordes  (les  cordes  des  o  premières  octaves 
sont  en  boyau,  et  en  métal  pour  les  basses).  C'est 
donc  vers  la  fin  du  xix=  siècle  que  la  harpe  dite  chro- 
matique sans  pédales  vit  le  jour.  (Voir  fig.  989.) 

Écriture  et  technique  de  riustrnnient* 

Cette  harpe  s'accorde  en  ut  comme  le  piano.  Son 
écriture  est  semblable  à  celle  de  la  harpe  à  pédales, 
et  plus  encore  à  celle  du  piano.  Le  chromatisme 
devient  donc  facile  à  exécuter,  d'où  liberté  absolue 
pour  les  compositeurs  d'écrire  les  enchaînements  et 
traits  chromatiques,  piaisqu'ils  n'ont  plus  à  se  préoc- 
cuper du  jeu  délicat  des  pédales. 

Les  gammes  chromatiques  simples,  en  tierces,  en 
sixtes,  en  octaves,  en  dixièmes,  en  sens  contraire, 
toutes  praticables  seulement  à  deux  mains,  sont 
d'une  exécution  aisée.  En  voici  quelques  exemples  : 

Prélude,  Valse  et  Rigaudon,  de  Reynaldo  Hahn 
(pour  harpe  chromatique  et  double  quatuor)  : 


^f//r, 


^!f.iliitiàJ'a3 


'tprçH'-l 


fc 


Sonate,  op.  68,  n"  1,  d'Emanuel  Moor  (pour  harpe  chromatique)  : 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE       LA  HARPE  CHROM.  ET  SA  TECHNIQUE    1969 


AlU^rt 


n:\  ;^. A-^ ,  ^  „  A  j;h./^,  tt;^ 


Allegro  de  Concert,  de  Georges  Enesco  (pour  harpe  chromatique)  : 


Romance  sans  paroles,  de  Ch.  Lefebvre  (pour  harpe  chromatique)  : 

AUe^ro  Jnoderah 


Pièce  de  Concert,  de  L.-P.  Hillemacher 


Les  enchaînements  chromatiques  d'accords  de  trois  ou  quatre  notes  sont  facilement  exécutables,  à  con- 
dition que  les  intervalles  ne  soient  pas  trop  espacés  et  ne  dépassent  pas  l'oclave.  Voici  quelques  exemples  : 

Réminiscence,  de  Jean  Risler  (pour  harpe  chromatique)  : 


Andénfûtff 


un  ftoc^  ftçfafp 


12i 


1970  ESCYCLOPÈDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOS'ISAIRE  DU  COySERVATOIRE 

Pièce  de  Concert,  de  P.-L.  Hillemacher  (pour  harpe  chromatique)  : 

'b-     y,     _    ,  aJlarg.poco 


Fantaisie,  de  Samuel  Rousseau  (pour  harpe  chromatique)  : 

a  Tempo  viro 


Ê 


"^ 


j'4,;:'Vr[t^|V;.-ff^ 


Les  successions  chromatiques  d'accords  brisés  sont  aussi  d'exécution  facile  : 
Improvisation  et  Allegro,  de  Noël  Gallon  (pour  harpe  chromatique)  : 


Prélude,  Valse  et  Rigaudon,  de  Reynaldo  Hah.n  (pour  harpe  chromatique  et  double  quatuor) 

Anime 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQVE  ET  PÉDAGOGIE      LA  HARPE  CHROM.  ET  SA  TECHNIQUE    1971 

Les  sons  harmoniques  se  font,  soit  par  la  main 
gauclie,  soit  par  la  main  droite,  ou  par  les  deux  mains 
ensemble.  Le  meilleur  registre  sonore  pour  les  sons 
harmoniques  se  trouve  compris  entre  le  so/'  et  le  mï'. 

Ceux-ci  s'écrivent  au  niojen  d'un  o  sui'monlant  la 
note;  l'eiïet  produit  est,  comme  pour  la  harpe  à  pé- 
dales, à  l'octave  de  la  note  écrite. 

Les  sons  étouffés  sont  praticables,  soit  à  une  main 
(gauche  ou  droite),  soit  à  deux  mains. 

Les  «  glissando  »  ne  sont  possibles  qu'en  ut  ma- 
jeur, ut  8  majeur  (ou  ré\;),  comme  sur  le  piano. 

Les  méthodes  de  harpe  chromatique  usitées  sont 
celles  de  M""  Tassu-Spencer  et  Wurmser-Delcourt. 
Les  études  employées  sont  celles  de  Bochsa,  Dizi, 
ScHLCKER, etc. 


Parmi  les  œuvres  les  plus  intéressantes  écrites 
spécialement  pour  la  harpe  chromatique,  nous  devons 
mentionner  celles  de  Samuel  Rousseau,  Claude  De- 
bussy, P.-L  HiLLEUACHER,  Bi  ssER,  Florent  Schmitt, 
Février,  Nol-I  Gallon,  Mignan,  E.nesco,  etc. 

En  1900,  une  classe  de  harpe  chromatique  a  été 
créée  au  Conservatoire  Royal  de  Bruxelles  (profes- 
seur M.  Jean  Risler). 

Le  Conservatoire  National  de  Paris  suivit  cet 
exemple,  et  en  1903  (date  de  la  création),  il  fit  appel 
à  M™'  Tassu-Spencer,  remarquable  professeur  de 
harpe  chromatique. 

Depuis  1912,  l'auteur  de  cette  brève  notice  a  l'hon- 
neur de  diriger  la  classe  de  harpe  chromatique. 

Renée  LÉNARS. 


LE  LUTH 

Par  Madame  Adrienne  MAIRY  et  par  M.  Lionel  de  LA  LAURENCIE 


1 


LE   PROBLÈME   DES  ORIGINES   DU  LUTH 
ÉVOLUTION   DE  L'INSTRUMENT' 

Question  complexe  et  confuse,  l'origine  du  hilli  a, 
depuis  longtemps,  attiré  l'attention  des  historiens 
■et  des  commentateurs,  non  sans  provoquer,  de  leur 
part,  des  explications  fantaisistes.  Nous  voudrions 
■essayer  ici,  en  nous  appuyant  sur  les  travaux  mo- 
dernes, de  montrer  comment  se  pose  actuellement 
Je  problème  de  la  généalogie  de  l'instrument. 

Ce  problème,  qu'on  a  dégagé  des  brouillards  éty- 
mologiques dont  nombre  d'auteurs  se  complaisaient 
à  l'entourer,  se  délimite  d'abord  avec  une  certaine 
rigueur  d'un  point  de  vue  organographique.  Le 
luth,  en  effet,  est  un  instrument  à  cordes,  avec  un 
•corps  bombé  portant  une  table  plate,  et  muni  d'un 
manche  sur  lequel  sont  tendues  les  cordes.  La  pré- 
sence d'un  manche  le  distingue  donc  nettement  des 
intruments  à  cordes  libres  tels  que  la  harpe  et  la 
lyre^  et  le  cantonne  dans  un  groupe  spécial  qui  ne 
saurait  admettre  des  types  instrumentau.x  spécili- 
-quement  dissemblables.  Ce  manche  suppose  une  tech- 
nique très  différente  de  celle  des  instruments  à 
cordes  libres,  technique  fondée  sur  le  raccourcisse- 
ment des  cordes,  lequel  permet  de  produire  un  grand 
nombre  de  sons  avec  un  minimum  de  cordes. 


1.  Bibliographie  (ouvrages  modernes).  —  Fr.  Behn  :  Die 
Laule  im  AlUrtitm  tiiid  frfiheii  llillelaller  [Zeitsclirifl  ffir  iliisikms- 
senscltaft,  nov.  19 18);  —  Bottée  de  Todlmonn  :  Uisserliitioii  sur 
les  inslnmenls  île  mu'siiiiie  emplmjès  nu  moijeii  âge,  Paris  (l?44).  — 
G.  Bhanzoli  :  Rirerche  siillu  sliiilm  (Ici  liuln,  Rome  (1889);  — 
W.  Bkenet  :  yoles  sur  t'Iiistoire  du  lulh  en  France,  Turin  (1899); 

M.   R.  Brondi    :    Il  Liuto    e   la  ckilarru,    Turin    (1926);  — 

■G.  CnoDaCET  :  Le  Musée  du  Conserraloire  national  de  musique, 
Paris  (1884);  —  E.  de  Coussemakee  ;  Essai  sur  les  iuslrunienls 
de  musique,  Paris  (1856);  —  Curt  Sachs:  Real-Lciibm  dcr  Mu- 
sikinstrumenle,  Berlin  (1913);  Handhuch  dcr  Musikinsirumentenkunde, 
Leipzig  (1920);  —  Fr.  Gevaeht  :  Histoire  et  théorie  de  la  mu- 
sique de  l'Antiquité,  Gand  (1875-1881);  —  G.  Kinskt  :  Kntalnii 
der  Sammtung  aller  ilusikinstnmenle.  Miisitliist-iluseum  von  11'.  Ileijer 
in  Coin,  Leipzig  (1913);  —  O.  Kobte  :  Laule  und  Lautenmusik  l'is 
zur  Mille  des  XYI  Jahrhunderts,  Leipzi"  (1901);  —  W.  von  Li't- 
OENDOBFF  :  lUe  Geir/en  und  Laulenniaclicr  rom  Miltelulter  liis  :ur 
Cegenvart,  Francfort  (1904);  —  V.  Ch.  Mahillon  :  Catalogue 
descriptif  et  nnaliitii/uc  du  musée  instrumental  du  Conserraloire  roijal 
de  musique  de  llruxellcs,  Gand  (1893-1912);  —  F.  Nodlet  :  Soliec 
sur  le  luth  (Mèm.  de  In  Société  arcliéolog.  de  la  Corréze,  1S95).  — 
C.  PiEBBE  :  Les  Fiicleurs  il  instruments  de  musique,  les  tulliiers  et  lu 
facture  instrumenlule,  Paris  (1893).  —  K.  Schi.esingeb  :  Tlie  Pre- 
cursors  of  the  riolinfainilg,  Londres  (1910). 

2.  Il  convient  touLefois  de  remarquer  qu'au  xv"  siècle,  on  désignait 
encore  le  luth  par  le  mot  lyra.  C'est  ce  qui  résulte,  notimment,  du 
traité  de  J.  Ti.nctokis  :  /Je  Jtwentione  et  iisu  musicx  (14S4),  où  ou  lit  ; 
«  Quid  sit  Ivra  popularitcr  leutum  dicta  n  et  «  nunc  vulgus  eam 
«bique  leutum  appellat.  »  [Kx  libre  quarto,  cf.  liiemann-Fcstschrift 
[1709],  p.  269,  271.) 


Les  recherches  sur  l'origine  du  lulh  doivent  donc 
porter  avant  tout  sur  les  ins- 
truments à  manche.  Malheu- 
reusement, la  rareté  relative 
du  matériel  documentaire 
remontant  à  l'antiquité  laisse 
subsister  encore  beaucoup 
d'obscurité  autour  du  pro- 
blème. 

Quoi  qu'il  en  soit,  M.  Fried- 
rich Behn  3  discerne  en  Asie 
Mineure  trois  types  primitifs 
lesquels  peuvent  passer  pour 
les  lointains  ancêtres  du  luth. 
C'est  d'abord  celui  qui  do- 
mine sur  les  bas-reliefs  ba- 
lobyniens  et  assyriens,  et  qui 
présente  un  petit  corps,  de 

forme  ovoïde,  auquel  est  fixé  un  long  manche;  cet 
instrument  se  rapproche  nettement  du  type  tan- 
bura  (bas-relief  babylonien  du  Musée  de  Philadel- 
phie et  bas-relief  assyrien  de  Koujouudjik,  British 
Muséum  (fig.  1012). 

Au  même  type  appartiennent  les  instruments  que 
l'on  relève  sur  des  bas-reliefs  égyptiens  de  l'époque 


Fig.  1012.  —  Instrument 
assvrien  à  manche. 


Vie.  1013.  —  Instrument  égyptien  à  manche  Je  Tell  el  Amarna. 


3.  Fr.  BbHN,  op.  cit.,  pp.  89  et  suiv. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PEDAGOGIE 


LE   LUTH    1973 


•du  Nouvel  Empire,  comme  celui  de  Tell  el  Amarna 
(fig.  d013)',  instruments  importés  d'Asie  Mineure. 
Disons,  il  propos  de  l'Iiiéi'Oglyphe  nefer,  que  les 
égyplologues  n*  s'accordent  pas  sur  sa  signification  : 
pour  les  uns,  il  représente  le  luth  dont  il  reproduit 


Fi6.  101-i.  —  Type  de  luth  du  Bas  Empire,  Musée  d'Arles 
(K.  ScHLEsiNSER,  The  Preciirsnrs,  pi.  II). 

la  forme;  pour  les  autres,  il  figure  un  couvernail,  à 
moins  que  ce  ne  soit  le  cœur  avec  la  tracliée-artère. 
Enfin,  des  instruments  du  type  tanbiira  se  rencon- 
trent chez  les  Grecs,  contrairement  à  l'assertion  de 
Gevaert,  selon  laquelle  ceux-ci  ne  connaissaient  pas 
les  instruments  à  manche-.  Un  des  compartiments 
d'un  triplyque  remontant  à  quatre 
siècles  avant  l'ère  chrétienne,  et  décou- 
vert à  Manlinée,  montre  une  muse 
jouant  d'une  façon  de  luth  analogue 
aux  instruments  de  Mésopotamie  et 
d'Kgypte'.  De  même,  deux  sarcopha- 
ges romains,  dont  l'un  du  Bas-Empire, 
donnent  des  images  d'instruments  à 
manche  se  rapprocliant  du  type  lan- 
hura,  encore  que  celui  du  Bas-Empire, 
provenant  du  monument  d'un  musi- 
cien d'Arles,  rappelle  singulièrement 
la  forme  du  luth  classique  de  la  Re- 
naissance'. Enfin,  les  instruments  à 
manche  indiens  et  niogols  se  ratta- 
chent, eux  aussi,  au  tanbura. 

Un  autre  type  anceslral,  différent 
du  tanbura,  apparaît  sur  un  bas-relief 
hittite  de  Bos-ujiilj,  avec  une  forme 
légèrement  échancrée  de  chaque  côté, 
et  semble  annoncer  la  guitare.  Mais 
au  point  de  vue  de  la  généalogie  du 
luth  proprement  dit,  la  présence,  en  Egypte,  à  l'épo- 
que alexandrine,  d'instruments  du  type  rebab,  si 
abondamment  représenté  sur  les  vases  persans- 
sassanides,  oflre  une  importance  de  premier  ordre". 

1.  C'est,  en  effet,  sous  le  Nouvel  Empire  que  des  instruments  ana- 
logues au  lulh  apparaissent  en  Egypte  i  côté  des  harpes  et  des  flûtes, 

2.  Gevaeht,  Histoire  et  théorie  de  lamusique  de  l'Antiquité,  vol.  H, 
p.  242. 

3.  Behs,  ïoco  cit.,  p.  95. 

4.  Espérandieu,  Rf.cueil  général  des  bas-reliefs  de  ta  Gaule  ro- 
maine, tome  1  (19U7J,  p,  146.  Ce  sarcophage  provient  de  Saint- 
Honorat. 

5.  Cf.  CuRT  SiicBS,  Bandbuch  der  ituàihinstnanenlenkunde,  Lcip- 
aig,  1920,  p.  314. 


Fia.  1015. 
Instrument  pro- 
venant 
d'Herculanum 

(SCHLESINGEK, 

op.  cit.,  p.  26). 


Le  re\}cib  se  caractéi'ise  par  un  corps  en  forme  de 
|ioire,  s'aniini'issant  |)rogief- 
sivement  pour  donner  lieu  à 
un  manclie  qui  ne  se  sépare 
pas  nettement  de  lui,  et  que 
termine  un  cheviilierrenversé. 
Cet  instrument  porte  de  trois 
à  quatre  cordes  que  l'on  pince, 
soit  à  l'aide  d'un  plectre,  soit 
directement  avec  les  doigts; 
le  rebab,  dès  son  apparition, 
avait  fait  une  poussée  vers 
l'Occident;  il  en  fit  une  se- 
conde à  l'époque  carolin-  fuj.  loio.— Luthdutyiie 
gienne,  en  même  temps  qu'il  rebab  des  vases  sassa 
s'insinuait  jusqu'en  Chine  ^. 
C'est  incontestablement  lui 
qui  a  exercé  la  plus  forle 
influence  sur  la  constitution 

du  lulh  européen,  tout  en  évoluant,  sous  le  nom  de 
refcec,  vers  un  type  d'instrument  à  archet,  preuve  qu& 


nides  (Zeitschrift  fur 
Miisikwissenschafl ,  nov. 
191S,  Leipzig,  Breilkopf 
et  Hiirlel.) 


Fig.  1017.  —  Archétype  de  luth-rehab.  Terre  cuite  grecque 
de  l'époque  postmycéenne.  (ScHLiîsiNiiEB,  op.  cit.,  pi.  XIII). 

les  diverses  modalités  de  la  mise  en  vibration  des 
cordes  n'otfrent  qu'une  importance  secondaire. 


6.  Fr.  Behn,  loco  cit.,  p.  107. 


1974 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Déjà,  un  psautier  du  viii"  siècle,  envoyé  à  Charle- 
magne  par  le  pape  Adrien,  montre,  sur  sa  couver- 
ture d'ivoire,  un  lulh  apparenté  à  l'instrument  du 
sarcophage  d'Arles,  alors  que  le  Psautier  de  Lothaire 
(ix»  siècle)  fournit  un  échantillon  très  analogue  et 
monté  de  trois  cordes',  el  que  le  Psautier  d'Ùtrecht 


FiG.  1018.  —  Luth  du  Psautier  de  Lothaire 

(SCHLESINGKR,  op.     Cit.,   pi.  V). 

(vers  8S0  apr.  J.-C.)  figure,  à  côté  de  sortes  de  luths 
à  très  long  manche,  rappelant  l'aspect  du  tanbura, 
les  premiers  instruments  européens  à  archet^. 

Si  nous  passons  au  x»  siècle,  nous  rencontrons 
dans  le  Psautier  d'Ivrée,  parmi  les  musiciens  du  roi 
David,  un  joueur  de  lulh  qui,  au  moyen  d'un  plectre, 
louche  un  instrument  dont  le  corps  a  la  forme  d'une 
lentille,  et  dont  le  manche,  comme  chez  le  rebab,  se 
raccorde  insensiblement  au  corps;  ce  luth  est  garni 
de  trois  cordes  et  porte  un  chevillier^. 

Ainsi  que  l'observe  M.  Behn',  une  hybridation  a 
pu  se  produire  en  Orient  entre  les  deux  types  tanbura 
et  rcbab,  et  a  donné  naissance  à  ïaleoud  arabe,  qui 
associe  le  corps  bombé  et  le  col  coudé  du  rebab  au 
manche  du  tanbara.  C'est  ce  lulh  arabe  qui,  grâce 
aux  relations  toujours  plus  actives'établies,  aux  envi- 
rons de  l'an  1000,  entre  l'Europe  et  l'Orient,  établis- 
sement des  Maures  en  Espagne  et  croisades,  pénétra 
en  Europe,  où  il  se  modifia  pour  devenir  le  luth  de 
la  Renaissance.  C'est  ce  que  conslalait  en  176")  le 
président  de  Brosses,  lorsqu'il  écrivait:  «  Les  Arabes 
ont  porté  en  Espagne  un  instrument  à  cordes  pincées 


1.  Cf.  ScHLESiNGEn,  Instruments  of  the  modem  orchestra,  et  Behn, 
lococit.,  p.  loi,  102. 
a.  Behk,  pp.  102,  103. 

3.  Paléographie  rnusicate  {Solesmes),  Behn,  ^oco  cit.,  pp.  103,  104. 
*.  Behn,  p.  107. 


dont  ils  se  servent  habituellement  poui'  accompa- 
gner leurs  voix,  el  qu'ils  appelaient  al-laùd.  Nous  le 
tenons  des  Espagnols,  qui  l'appellent  aussi  laud  el  que 
nous  nommons  luth'^.  »  En  edèt,  ce  qu'on  a  appelé  le 
<■  chant  au  luth  »  remonte  à  une  époque  extrême- 
ment reculée.  A  ce  point  de  vue,  le  Livre  des  Chan- 
sons (Kitab  al  Aghani)  du  chroniqueur  arabe  Al  Is- 
bahani  (x^  siècle)  apporte  d'intéressantes  indications 
en  précisant  le  rôle  de  premier  plan  que  jouèrent 
les  Persans  dans  la  musique  arabe.  Cette  dernière, 
ainsi  que  l'a  remarqué  M.  Rouanet'',  n'est  pas  auto- 
gène, mais  résulte  d'infiltrations  persanes  et  syriennes, 
et  ce  fait  vient  à  l'appui  de  la  filiation  de  l'eoud  arabe 
qui  dérive  du  luth  sassanide.  Si  ce  dernier  ne  porte 
pas  de  touches  sur  le  manche,  ainsi  qu'on  en  peut 
juger  par  les  figures  de  joueurs  de  luth  des  vases 
d'argent  de  l'époque  sassanide  (m',  vu»  siècles) ,  Veoud, 
contrairement  à  l'assertion  de  certains  auteurs',  en 
compte  quatre,  et  ceci.  Al  Farabi  nous  le  dit  expli- 
citement dans  son  Livre  de  la  Musique  (x«  siècle). 
Monté,  à  l'origine,  de  quatre  cordes,  dont  chacune, 
de  l'aigu  au  grave,  symbolise  un  des  quatre  éléments, 
le  luth  arabe  ne  comporta  dabord  que  quatre  tou- 
ches, mais  Farabi  indique  une  division  du  manche 
en  six  touches,  qui  enrichit  le  potentiel  musical  de 
l'instrument".  Quoi  qu'il  en  soit,  ïcoud  arabe  est 
devenu  laud  eu  Espagne,  alawl  en  Portugal,  liitlo  en 
Italie,  laute  en  Allemagne,  Iule  en  Angleterre,  lulh 
en  France. 

Installé  en  Europe,  le  luth  arabe  y  a  subi  d'impor- 
tantes modifications  relatives  au  rattachement  du 
manche  au  corps  de  l'instrument,  au  nombre  des 
louches  et  des  cordes.  Dès  le  x=  siècle,  le  Psautier  de 
Stutlijard  lui  donne  cinq  cordes,  mais  pas  de  touches; 
au  xii",  il  prend  une  signification  symbolique,  et  les 
sculptures  mutilées  de  l'abbaye  de  Cluny  en  font  le 
représentant  du  sixième  ton  grégorien';  au  xiii",  les 
vitraux  de  l'abbaye  normande  de  Bon-Port  précisent 
sa  forme,  qui  est  celle  d'ime  poire  coupée  en  deux, 
dans  sa  longueur;  le  dos  est  bombé,  la  table  d'har- 
monie porle,  dans  sa  partie  centrale,  une  ouie  ou 
rose  rappelant  les  ouvertures  pratiquées  dans  celle 
du  vi.eil  eoud;  enfin,  le  manche  se  termine  par  un 
chevillier  renversé  et  placé  presque  en  potence  de 
celui-ci.  Le  nombre  des  cordes  demeure  très  varia- 
ble, à  en  juger  par  les  monuments  figurés;  il  est  de 
quatre  (ms.  9002  de  la  Biblioth.  royale  de  Bruxelles), 
de  six  (ms.  fr.  782  de  la  Bibliothèque  nationale),  ou 
de  cinq  (tombeau  à  Lynn,  Norfolk).  Mais  les  repré- 
sentations du  luth  restent  assez  rares  et  clairse- 
mées jusqu'au  XIV"  siècle,  où  nous  retrouvons  le  luth 
à  quatre  cordes,  qui  parait  alors  le  plus  répandu 
[  llguiine  d'ivoire  du  musée  de  Cluny,  sculpture  de  la 
cathédrale  d'Amiens,  Lectionarium  de  Cuno  von 
FalUenstein  (vers  1380),  Evangéliaire  de  Johann  von 
Troppau  (vers  1368)].  Déjà,  on  pratique  le  système 
des  cordes  doubles,  ou  chœurs,  qui  renforcent  la 
sonorité  de  l'instrument  (ms.  902;)  de  Bruxelles); 
déjà  aussi,  la  littérature  mentionne  le  luth  :  Dante 
parle  du  liuto  dans  son  Enfer,  et  Juan  Ruiz,  archi- 
prètre  de  Hita,  signale  el  corpudo  laud  dans  son 
Libro  de  btten  «mor'".  De  plus,  certains  monuments 


o.  Mécanisme  du  langage  (1765),  cliap.  11. 

6.  Enctjclopédie de  la  Musiqne,  \^°  partie,  t.  V,  p.  2080  et  suiv.    . 

7.  C'est  ainsi  que  M.  Curt  Sachs  assure  que  le  vieil  ud  ne  portait 
pas  (le  touclies  {Handbuch  der  Musikinstrumentenkunde,  1,  214). 

8.  J.  Rouanet,  La  Musique  araf)e  {Encyclopédie  de   la  Musique, 
t.  V,  p.  2713). 

0.  M.  Brenet,  Notes  sur  l'histoire  du  luth  en  France,  p.  3. 

10.  Libro  de  buen  amor,  II,  strophe  1251  (réédition  de  1913).  Gf, 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  LUTH    197 


figurés  marquent  l'évolution  de  la  forme  de  l'inslru- 
ment,  suivant  laquelle  le  manche  tend  à  se  détacher 
nettement  du  corps  de  résonance.  C'est  ainsi  que  le 
triptyque  du  Couronnement  de  la  Vicrije  a.  Santo- 
Ansono,  près  Florence  (1373),  affecte  au  luth  un  corps 
allongé  avec  un  manche  hien  distinct  de  celui-ci,  et 
quatre  cordes  doubles'. 

Dès  le  XII'  siècle,  le  luth  donne  naissance  à  des 
instruments  dérivés,  telle  la  citole,  de  forme  ana- 
logue à  la  guitare,  que  cile  Giraud  de  Calenson,  dans 
un  sirvente,  telle  la  mnndore,  qui  devait  devenir  la 
mandoline,  et  qui  consiste  en  un  petit  luth  monté  au 
xv«  siècle  de  quatre  cordes.  Ou  trouve  dans  un  ma- 
nuscrit français  du  xiv'  siècle  (ms.  7378'  de  la  Bibl. 
nationale)  une  description  de  la  mant/o/f;  cet  instru- 
ment a  un  corps  bombé,  un  manche  non  détaché  de 
celui-ci,  un  chevillier  courbé  et  porte  le  nom  de  guis- 
terna.  Virdung  (1511)  et  Agricola  (1o28)  représentent, 
dans  la  première  moitié  du  xvi"  siècle,  la  mandole 
comme  un  petit  luth,  portant  un  chevillier  renversé 
et  dénommé  quintern  en  Allemagne.  Déjà,  au  xv«  siè- 
cle, TiNCTORis,  dans  le  traité  visé  plus  haut  [be  Invcn- 
iione  et  usu  musicac),  tenait  le  petit  luth  pour  une 
ghitena  ou  ghilerna  montée  de  quatre  cordes-.  La 
Musurgia  seu  praxis  musicae  de  Virdumg  (1536)  traduit 
par  Inlina  le  nom  primitif  de  quintern.  Enfin,  le  Dic- 
tionnaire de  Roth  (1571)  décrit  la  quintern  comme 
un  luth  monté  de  neuf  cordes,  alors  que  le  luth  pro- 
prement dit  en  avait  onze'.  La  mandore  comptait 
cependant  encore  quatre  cordes  au  commencement 
du  xva'  siècle,  lorsque  Praetoriis  la  définissait  dans 
son  Organographia'' . 

Au  xv«  siècle,  les  représentations  du  lulh  se  mul- 
tiplient, pendant  que  celui-ci  prend  une  importance 
musicale  considérable.  D'une  manière  générale, 
l'instrument  va  évoluer  rapidement  vers  sa  forme 
classique,  non  sans  rappeler  ce  qu'il  doit  à  l'ancien 
eoud.  C'est  ainsi  que  souvent  le  nombre  des  ouver- 
tures de  la  table  d'harmonie  témoigne  d'inthiences 
ancestrales.  La  Madone  d'Ottaviano  Nelli  à  Gubio 
(1404)  présente  un  luth  avec  deux  roses,  et  plus 
tard,  Konrad  Fyol  adjoint  à  l'ouïe  centrale  trois 
ouvertures  triangulaires  °.  De  même,  le  luth  que  tient 
Terpsichore  (ms.  des  Adages,  Bibliothèque  de  l'Ar- 
senal) est  percé  d'une  rose  et  d'une  seconde  ouver- 
ture placée  près  du  col.  L'existence  de  touches  sur 
le  manche  ne  se  manifeste  point  de  façon  constante. 
D'après  M.  Sachs,  dans  la  moitié  des  cas,  le  manche 
est  démuni  de  frettes'^.  Lorsque  celles-ci  sont  repré- 
sentées, leur  nombre  apparaît  extrêmement  variable, 
mais  avec  une  tendance  à  l'accroissement,  particu- 
larité dont  témoigne  également  le  nombre  des  cordes. 

Si  les  anges  musiciens  de  Stephan  Lochner  (Wall- 
raf-Richartz  Muséum  de  Cologne)  se  servent  de  luths 
à  4  cordes  et   à  o  louches,  le  luth  de  Terpsichore, 


CoRT  Sachs,  Handbuchder  Musi/iinstrumentenkunde{lOiO),  p.  215,  et 
M.  R.  Brondi,  loco  cit.,  p.  81. 

1.  Cdbt  Svchs,  loco  cit.,  p.  215.  A  la  fin  du  xiv«  siècle,  certaines 
figurations,  comme  les  Ogurations  murales  du  cliàteau  de  Runkelstein, 
près  de  Ëozen,  donnent  six  cordes  au  luth. 

2.  Riemann-Festschrift,  p.  271. 

3.  Voir  :  Geiringer  ;  Der  Itistrumenteimame  Quinterne  und  die 
mittelalterlicken  Bezeichnunyen  der  Gitarre,  Mandola  und  des  Co- 
lascione  [Archiv.  fur  Musikiinssenschaft,  6«  année,  mai  1924,  pp.  104- 
105). 

4.  De  Organographia,  vol.  II,  du  Syntatjnm  de  1615-1619,  chap. 
Txvii,  Comme  Mersenne,  Walther,  dans  son  Lexikon  (1732),  dit  que 
la  mandore  prend  le  nom  de  h  mandore  luthée  »  lorsque  le  nombre 
de  ses  cordes  dépasse  six.  Elle  figure  encore  dans  V Anweisung  zur 
Composition  de  J.-G.  Albrecbtsberger  (1790). 

5.  CoRT  Sachs,  loco  cit.,  p.  216. 

6.  Jbid.,  p.  216. 


cité  plus  haut,  est  monté  de  quatre  cordes  doubles 
et  son  manche  porte  sept  touches.  Les  luths  peints 
par  t;iambellino  et  par  André  Mantegna  montrent 
que  le  nombre  des  cordes  augmente;  sur  les  tapis- 
series de  Charles  le  Téméraire,  il  est  de  six  cordes 
doubles,  et  une  constatation  identique  peut  se  faire 
sur  les  fresques  de  Coucy-la-Ville. 

Durant  la  seconde  moitié  du  siècle,  Melozzo  da 
Forli  place  aux  mains  de  ses  anges  de  la  Basilique 
de  Saint-Pierre  des  luths  qui  revêtent  la  forme  et  la 
monture  classiques.  La  table  est  percée  d'une  rose 
unique,  artistiquement  ouvragée;  le  manche  se  divise 
en  sept  touches,  et  l'instrument  comporte  onze  cordes 
divisées  en  cinq  chœurs  (groupes  de  deux  cordes)  et 
une  seule  corde  représentant  la  chanterelle.  Melozzo 
précise  même,  de  la  façon  la  plus  exacte,  la  position 
du  luth  sous  le  bras  droit  de  l'exécutant,  alors  que  les 
doigts  de  la  main  droite  pincent  directement  les 
cordes  un  peu  en  arrière  de  la  rose,  tandis  que,  pré- 
cédemment, les  peintures  représentaient  l'instrument 
actiomié  tantôt  avec  un  plectre,  tantôt  avec  les 
doigts'.  C'est  encore  le  luth  à  onze  cordes  qui  appa- 
raît sur  le  beau  plafond  peint  par  Ercole  Grandi  dans 
le  palais  Scrofa-Calcagnini  à  Ferrare",  ou  bien  un 
luth  sera  ligure  de  face,  .disposition  qui  permet 
d'étudier  tous  ses  détails  extérieurs'. 

Citons  également  les  représentations  de  l'instru- 
ment par  Memling  et  par  les  maîtres  de  l'Ecole  fla- 
mande'". Ce  n'est  pas  à  dire  que  la  morphologie  du 
luth  reste  complètement  fixée.  Quelques  variantes 
surgissent  encore  çà  et  là,  chez  Carpaccio,  par 
exemple,  dans  la  «  Présentation  au  Temple  »  de 
Vérone,  ou  chez  Bassani  (palais  Pitti  à  Florence), 
sans  que  l'on  puisse  affirmer  que  ces  figurations 
correspondent  à  des  types  réels  de  l'instrument,  ou 
qu'elles  résultent  simplement  de  la  fantaisie  des 
peintres;  en  tout  eus,  elles  expriment  sans  conteste 
la  vogue  extrême  dont  jouissait  alors  le  luth". 

Le  XVI'  siècle  fournit  sur  le  luth  une  abondante 
documentation  qui  provient,  à  la  fois,  des  monuments 
figurés  et  des  ouvrages  des  théoriciens,  car  c'est  l'é- 
poque qui  voit  paraître  les  premières  tablatures  et 
les  premiers  traités  concernant  l'instrument.  Parmi 
les  peintures,  Branzoli  cite  celles  du  Carrache,  d'il 
Domenicchino,  d'il  Gessi.  Valentin  de  Coulommiers 
représente  un  joueur  de  luth,  et  Gabriel  Metzu  une 
luthiste  accordant  son  instrument '2. 

Mais  voici,  avec  la  Musica  getutsclU  de  Sébastien 
ViRDUNG  (Idll),  publiée  à  Bàle",  un  important  traité 
théorique  qui  apporte  une  description  complète  du 
luth,  tout  en  relatant  l'incertitude  qui  règne  encore 
à  l'égard  du  nombre  des  cordes  dont  il  est  monté. 
ViiiDL'.NG  explique  que  certains  luthistes  jouent  sur 
un  instrument  portant  neuf  cordes  groupées  en  cinq 
chœurs,  alors  que  d'autres  adoptent  six  chœurs 
(onze  cordes),  et  que  quelques-uns  jouent  sur  des 
luths  montés  de  treize  ou  quatorze  cordes.  D'après 
ViRDUNG,  le  nombre  de  neuf  cordes  semble  insuffi- 


7.  G.  BRA>zoLr,  Uicerche  sulto  studio  del  /i'«(o,  Rome,  1880,  p.  38. 
On  trouvera  dans  c'et  ouvrage  d'abondantes  citations  de  représen- 
Utions  du  lulh  par  les  peintres.  Voir  aussi  :  Max  Sauf.ih.andt,  Die 
Musik  in  fiinf  JaltrnhunderCen  der  europàisclwn  Maierii  (1450-1850), 
Leipzig,  1922. 

8.  L'Artc  (Adoifo  Venturi,  Rome,  1903),  lig.  7  {.'^uf/dto  nel palazzo 
Scrofa  Calcaijnini). 

9.  Ibid.,  p.  140. 

iO.  M.  Brbket,  loco  cit.,  p.  4,  5. 

11.  Branzoli,  loco  cit.,  p.  39. 

12.  Branzoli,  loco  cit.,  p.  40. 

13.  Sébastien  Virdu.ng.  Musica  getutsckt  und  aufgt'zogen.  Bâle, 
1511. 


1976 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


sant,  et  l'élève  luthiste  devra  travailler  sur  le  luth  à 
onze  cordes. 

Les  cordes  de  basse,  au  nombre  de  trois,  sont  dou- 
blées, la  seconde  corde  sonnant  à  l'octave  supérieure 
de  la  première;  Virdung  leur  donne  les  noms  de 
Grospriimmer ,  J^littlerprummer,  Klainprummer ;  les 
deux  autres  chœurs,  accordés  à  l'unisson,  s'appellent 
Grossancksait  et  Klahumichsait ,  et  la  chanterelle, 
corde  simple,  prend  la  dénomination  de  Qinntsait. 
L'instrument,  ainsi  monté,  reçoit  un  accord  com- 
portant deux  groupes  de  quartes  séparés  par  une 
tierce  majeure;  c'est  l'accord  que  Mersenne  désignait 
par  l'expression  de  «  vieil  ton'  ». 

Quant  au  manche,  il  se  divise  en  sept  cases  délimi- 
tées par  des  liens  (Blinde);  c'est  donc  encore  le  sys- 
tème des  sept  touches  déjà  en  usage  durant  la  seconde 
moitié  du  xV  siècle.  Les  liens,  constitués  par  des 
cordes  de  boyau,  tracent  sur  chacun  des  chœurs 
une  gamme  chromatique  ,  la  note  fournie  sur  la 
septième  touche  donnant  la  quinte  aigui'  de  la  corde 
touchée  à  vide.  Ces  frettes  que,  d'après  Kiesewetteb, 
on  remplaçait,  déjà  au  xiv  siècle,  par  des  sillets 
fixes^,  restèrent  en  pratique  jusqu'au  xvni"  siècle^. 
Elles  présentaient  le  double  avantage  d'une  pose 
plus  facile,  et,  en  raison  de  leur  mobilité,  elles  assu- 
raient une  plus  grande  justesse '^. 

L'octaviation  des  cordes  de  basse  permettait  d'ob- 
tenir une  sonorité  plus  claire,  et  celle  des  chœurs 
accordés  à  l'unisson  devenait  plus  pleine.  Les  ligures 
de  ViRDL'NG  font  voir  que  le  manche  s'est  un  peu 
allongé,  en  même  temps  qu'il  s'élargissait  à  mesure 
que  le  nombre  des  cordes  s'accroissait. 

C'est  encore  sept  touches,  et  incidemment  huit,  que 
Martin  Agricola  donne  au  luth,  dans  son  ouvrage  de 
1  !J28^, alors  que  HansJuDENKiNir,  parle  de  huit  touches"^, 
comme  Pierre  Attaingnant,  dans  sa  Très  brève  et 
familière  Introduction  (1529)''.  Par  contre,  HansGERLE, 
en  1332,  revient  au  système  des  sept  touches,  et  le 
Parmesan  Lanfranco  fait  de  même,  dans  ses  Scintille 
di  Musica  de  1533.  Comme  Gerle,  il  ne  s'occupe  que 
du  luth  à  onze  cordes,  qu'il  déclare  être  le  plus  par- 
fait de  tous.  Lanfranco  désigne  les  chœurs  de  basse, 
accordés  à  l'octave,  par  les  noms  de  Bassi,  Bordoni, 
Tenori;  ces  chœurs  sont  suivis  des  Mezzanelle  et  des 
Soltimelte,  accordées  à  l'unisson,  et  enfin  d'une  corde 
simple,  la  chanterelle,  appelée  Canto^. 

Une  modification  apportée  pour  la  première  fois 
au  luth  par  Hans  Newsidler,  en  l."i36,  consiste  en 
l'adjonction  d'un  nouveau  chœur  aux  cinq  dont  l'ins- 
trument est  monté  depuis  la  fin  du  xv«  siècle'.  De 
plus,  en  1556,  Jacques  Pelletier,  du  Mans,  fournit 
des  précisions  sur  la  façon  de  disposer  les  liga- 
tures du  manche;  après  avoir  déploré,  dans  son  petit 
ouvrage  :  La  Manière  de  bien  et  justement  entoucher  les 
lues  etgiiilernes^",  l'empirisme  qui  règne  à  cet  égard, 

1.  Voir  plus  loin  au  chapitre  Ti'chnU/ue  et  Péiingor/ie. 

2.  KiKSEWF.rrETi,  Die  Mnsik  (1er  Araber,  Leipzig,  1842,  p  3i.  Sur 
les  frettes,  voir  l'article  Blinde  dans  le  Musikalisches  Conservations 
Lexikon  de  Mendel  (i87(l|,  t.  II,  pp.  227  et  suiv. 

3.  Oswiild  IvORTE,  Laute  und  Lautenmusik  bis  zur  yfitte  des  t6 
lafirhunderts,  p.  47,  d'après  Baiion. 

4.  Meusenne,  Harmonie  unÎL^ersellr,  livre  II,  p.  o2, 

5.  Martin  Agricol.v,  Musica  instrumental is  deutsch,  Witteinberg, 
1528  (chap.  v). 

6.Jtn)ENKi'Nrr.,  Ufilisetcompendiarinintroductio,  1323.  Cf.  0.  Kôhte, 
loco  cit.,  p.  44. 

7.  0.  KÔRTE,  loco  cit. 

8.  G, -M.  L*NFKANco,  Scm(i7(c  di  Musica  (1533),  IV"  partie  ;  Del 
JLiuto,  pp.  140  et  suiv. 

9.  H.  Newsidler,  Ein  neugcordnet  Kûnstlich  Lautenbuch,  Niirera- 
fcopg,  1536. 

AO.  Voir  Wkckerlin,  Nouveau  Musiciana  (18'JO),  pp.  103  et  suiv.   | 


et  les  i<  grandes  fautes  »  qui  en  résultent,  il  expose 
un  procédé,  un  «  compassement  »,  lequel  permet  de 
diviserle  manche  en  douze 
demi-tons. 

Si  la  tablature  publiée 
par  Sébastien  Ochsen'kuhn 
en  l-ibS,  n'envisage  que 
huit  touches  sur  le  man- 
che, elle  admet  onze  ou 
treize  cordes  pour  la  mon- 
ture du  luth,  et  doime  de 
curieuses  explications 
symboliques  de  l'accrois- 
sement progressif  du  nom- 
bre de  ces  cordes". 

Cet  accroissement,  qui 
n'a  point  l'assentiment  de 
Vincenzo  Galilei,  le  père 
du  célèbre  astronome,  aux 
yeux  duquel  la  multipli- 
cation des  cordes  de  basse 
semble  inutile'-,  se  laisse 
discerner  sur  les   monu- 
ments figurés  de  la  fin  du 
xvi"  siècle.   En  outre,   le 
luth  se  trouve  alors  repré- 
senté par  une  famille  d'ins- 
truments,   dont    Michael 
Pr.etorius,    au    cours   de    son   Syntagma  musicum 
(1610-1619)1^  fournit 
des    descriptions   et 
des  images;  ces  ins- 
truments, l'octoi'/aui, 
le   discanllaut,  Valt- 
liiut,  le  tenorlant,  le 
basslaiit  et  le  grossoc- 
tavbasslaut,  dilTèrent 
par    les    dimensions 
et  par  la  tessiture. 
Comme  la  pratique 
du    chant    au    luth 
poussait  à  multiplier 
les  cordes  de  basse, 
on  élargissait  le  man- 
che, ce    qui    rendait 
plus  difficile  le  jeu  de 
l'instrument.    Aussi, 
fut-on  conduit  àcons- 
truiie  des  luths  mu- 
nis de  cordes  tendues 


FiG.  1010.  —  Luthàonze  cordes 
(MKiisr.NNB,  Harmonie  univers 
selle,  Traité  des  instruments  à 
nirtles.  ) 


L'opuscule  en  question  se 
trouve  à  la  fin  d'un  petit 
volume  intitulé  ;  Discours 
non  plus  mélancoliques  que 
divers  de  choses  mémement 
qui  appartiennent  à  notre 
France,  Poitiers,  1356. 

Le  petit  traité  de  luth  a 
été  attribué  sans  preuves  à 
Bonaventure  Despériers. 

La  question  de  la  division 
du  manche  du  luth  a  été 
étudiée  par  Meusemne  [Har- 
monie universelle,  livre  II, 
proposition  ui,  pp.  54  et 
suiv.). 

il.  Sébastien  Ochsen- 
KCHN  ,  Tabulatur- Buch,... 
1538,  Heidelberg:  Prasfatio 


Frs.  1020.  —  Théorbe, 
d'après  Mkrsenne. 


operis  sui. 

12.  Vincenzo  Galilei,  Fronimo  (Venise,  1584).  Voir  0.  KïnkeliïeTj 
Ori/el  und  Klavler  in  der  .Musik  des  16  Jahrhunderts,  p.  68,  en  note, 

13.  M.  Pb.ttobjus,  t.  II.  De  Oryanoi/rapliia,  ch.  xxiv,  p.  51. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    LUTH    1977 


hors  maiiclie  Pt  louchées  à  ville,  d'où  de  nombreux 
dérivés  du  luth  piimitif,  dont  nous  ne  retiendrons 
ici  que  les  plus  importants,  à  savoir  le  théorbe,  le 
eMtarronc  et  Varchiluth. 

Le  throrbe,  vraisemblablement  inventé  par  Anto- 
nio Naldi,  dans  les  dernières  années  du  xvi"  siècle', 
et  dont  PR.ETomus  donne  une  description  dans  son 
(irr/anoijrnpliia-,  consiste  en  un  fjrand  lutli  monté  de 
quatorze  ou  de  seize  cordes,  tantôt  de  boyau,  tantôt 
de  métal,  et  muni  de  deux  manches,  l'un  portant  les 
cordes,  à  l'ordinaire,  et  l'autre,  beaucoup  plus  long, 
se  terminant  par  un  chevillier  auquel  sont  fixées  les 
cordes  basses,  touchées  à  vide. 
Quant  au  chitarrone,  muni,  lui  aussi,  de  deux 
manches  et  de  deux  chevilliers  éloi- 
gnés l'un  de  l'autre,  PR.ETonius  le  tient 
pour  la  forme  romaine  du  théorbe  ;  il 
a  seulement  un  aspect  plus  élancé 
que  ce  dernier.  Un  passage  de  Ylnta- 
volatura  di  tiuto  d'Alessandro  Picci- 
NiNi  (1623)  souligne  la  parenté  étroite 
qui  le  rattache  au  théorbe  :  Piccinlni 
écrit,  en  effet  :  «  Tiorba  ovvero  chi- 
tarrone 3.  )) 

En  outre,  Piccinini  explique  que 
^'archiluth  ne  diffère  pas  du  luth 
théorbe;  l'un  et  l'autre  n'ont  point  de 


FiG.  1021.  —  Chitarrone, 
d'après  Ph.etorids. 


FiG.  1022.  —  Luth  tlit'i 
ou  archiluth, 
d'après  Pr.etorius 


irbe 


second  manche  élancé;  ils  portent  seulement  un 
second  chevillier  destiné  aux  cordes  à  vide  et  légère- 
ment déplacé  vers  l'extérieur.  Ces  instruments  déri- 
vés du  luth  et  munis  de  cordes  touchées  à  vide  sont, 
on  le  voit,  des  instruments  hybrides,  partie  à  man- 
che, partie  à  cordes  libres.  Quant  au  luth  proprement 
dit,  sa  monture  ne  subit  guère  de  modifications  au 
cours  du  xvii'  siècle.  Celui  qui  est  représenté  dans 
VHarmonie  universelle  de  Mersenne  admet  neuf  chœurs 
et  la  chanterelle,  alors  que  le  manche  est  divisé  en 
neuf  touches.  Trichet  s'élève  d'ailleurs  contre  la  mul- 
tiplication des  cordes  qui  détermine  une  surcharge 
susceptible  de  briser  la  table  de  l'instrument^.  Aussi, 


1.  Antonio  Naldi,  dit  il  Ëardeila,  était  au  service  du  duc  de  Tos- 
cane. Les  Nuove  musiche  (1601)  de  Caccim  lui  attribuent  l'invention 
du  théorbe. 

â.  Au  chapitre  xxv  de  son  Organographia  (1619). 

3.  Alessandro  Picci:<ini.  Intavolatura  di  tiuto  e  di  chitarrone^  Bo- 
logne, 1623,  cité  par  M. -A.  Bhùmdi  (//  Liulo  e  la  chitarra),  pp.  60-61. 

4.  Pierre  Trichet,  Traité  des  InatrumentSi  p.  92. 


ne  dépasse-t-on  pas  dix  rangs  de  cordes,  chanterelle 
comprise.  CependanI  Perrine,  en  1670,  ajoute  aux 
neufs  chœurs  habituels  deux  cordes  simples^. 

Sans  doute,  l'instrument  ne  va  pas  sans  subir 
quelques  fantaisies,  d'ailleurs  sans  lendemain.  Ainsi, 
Jean  Leuairk,  sous  prétexte  de  faciliter  l'exécution 


Fia.  1023.  — Luth  à  neufs  chœurs  et  la  chanterelle 
d'après  Mrrsenni;.  Dans  ce  dessin,  la  chanterelle 
est  mal  placée;  elle  doit  se  trouver  à  droite  des 
chœurs  el  non  à  gauche. 

des  ornements,  substitue  aux  touches  de  petits  res- 
sorts que  l'exécutant  actionne  avec  son  pouce  «  par 
dessous''  ».  D'autres  adjoignent  au  luth  des  tuyaux 
d'orgue  placés  dans  le  corps  ou  sous  le  manche  ;  c'est 
là  ce  que  Meusenne  appelle  le  «  luth  organisé"  ».  On 
s'attai|uait  surtout  au  théorbe,  auquel  on  donnait 
trois,  quatre  et  même  cinq  chevilliers. 

Les  facteurs  de  luths  les  plus  anciens  sont  Alle- 
mands. Ambros  Heinrich  Helt  vivait  à  Niiremberg 
en  lilS*;  puis  ce  sont  Andres  der  Rildehouver,  à 
Strasbourg,  en  1427,  et  Hans  Meisingeb,  à  Augsbourg, 
vers  1447.  En  Italie,  Laux  ou  Lucas  Mahler,  à  Bolo- 
gne, se  tailla  une  immense  réputation,  et  en  1650, 
les  instruments  construits  par  lui  valaient  de  qua- 
rante à  soixante  pistoles^. 

Au  xvp  siècle,  on  peut  citer  Hans  Newsidlbh  (1533), 
Sebastien  Uaugler  (1394),  A.  Ml'ntzer,  Hieber,  A. 


5.  Dans  sou  Livre  de  Musique  pour  te  luit  non  plus  en  tablature, 
mais  en  riotatiou  ordinaire.  Ce  livre  contient  une  Méthode  nouvelle 
pour  apprendre  à  toucher  le  lut  sur  les  notes  de  la  musique. 

6.  Mersenne,  Harmonie  unirersrlle  (éd.  de  1637j,  p.  91. 

7.  Ibid. 

S.  KôiiTE,  toco  cit.,  p.  78. 

9.  D'après  la  Correspondance  de  HnvcE^s.  Laui  Mahleb  a  dû  mou- 
rir vers  lo^iS.  cnr  une  lettre  du  luthiste  Jarques  Gaultier  à  Hoïgeks 
datée  de  i64S  déclare  que  AIahler  était  mort  "  il  y  a  six-vingt  ans  • 
(LCtgendorfp,  Die  Geigen  und  Lautenmacher...,  p.  40-2). 


1978 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


KoLER.  Vers  1553,  le  liavarois  TiEiTrNBRicKER,  dit 
DuiFFOPROucART,  vint  s'établir  à  Lyon,  où  on  relève, 
à  partir  de  1:'>57,  d'autres  fabricaiils  de  lutlis,  dont 
Pierre  Lejeu.ne,  Jehan  Helmu,  Philippe  Flac,  Pierre 
Le  Camus  et  maître  Simon. 

Au  XVII'  siècle,  nous  trouvons,  parmi  les  luthiers 
allemands  et  italiens  les  plus  réputés,  Buchenberg, 
A.  CoRTARO,  les  frères  Hocbi,  G.  Sella,  M.  Hartung, 
et  cet  Eberle  ou  Heberle  de  Padoue  qui  travailla 
avec  Alessandro  Piccini.m,  dans  les  dernières  années 
du  XVI'  siècle,  à  la  construction  de  l'archiluth'. 

Les  premiers  luthiers  parisiens  apparaissent  au 
svii'  siècle  avec  Paul  Belami  (1012),  UouÉ,  si  vanté 
par  HuvGRNs,  Claude  Colin,  Estienne  Flament  et  An- 
toine Hl'dot.  Au  siècle  suivant,  de  nombreux  fac- 
teurs s'emploient  encore  à  la  construction  d'instru- 
ments de  la  famille  du  luth;  on  connail  des  archiluths 
de  l'Italien  Storin'o  (I72o), de  l'Allemand  Jatck  (1746), 
et  du  Franrais  Laurent  (177'j).  A  Leipzig,  J.-Ch.  Hoff- 
mann construit  des  luths  en  1710;  par  contre,  le  goût 
alors  grandissant  en  France  pour  la  guitare  et  la 
vielle  incite  des  luthiers  comme  Vohoam  et  Bâton,  de 
Versailles,  à  transformer  luths  et  théorbes  en  gui- 
tares et  en  vielles,  profanation  dont  s'indignait 
l'abbé  Carbasus^.  On  entendit  bien  encore,  au  Con- 
cert spirituel  de  Paris,  en  1763  el  1764,  le  luthiste 
KoHAULT  jouer  avec  le  violoncelliste  Duport  des  duos 
de  luth  et  de  violoncelle;  dix  ans  plus  tard,  un  musi- 
cien de  l'Opéia,  Van  Hkcke,  imaginait  une  nouvelle 
espèce  de  luth,  le  bisae.r,  qui  fut  accueillie  avec  indif- 
férence. Ce  hissex  marque  le  dernier  état  des  trans- 
formations du  luth,  qui  meurt  à  la  lin  du  xviii'  siècle. 


II 


EMPLOI   DU   LUTH.    —   LES   PRINCIPAUX   LUTHISTES 

Dès  les  xi%  XII'  et  xiii'  siècles  des  textes  littéraires 
signalent  l'emploi  du  luth  ou  d'instruments  à  cordes 
pincées  analogues.  C'est  ainsi  que  Donizo  Monachus 
[Vita  Mathildis,  I,  9,  xi<:  siècle)  écrit  : 

«  Timpana  cum  citliaris,  stivisque,  lyrisque,  so- 
nant  hic  ;  » 

Qu'on  lit  dans  Le  Bel  Inconnu  ^xii'  siècle),  à  propos 
des  fêtes  du  couronnement  du  roi  Arthur  : 

«  Li  autres  la  cilole  maine-'.  » 

Giraud  de  Calenson  et  Jehan  de  Garlande  parlent 
aussi  de  la  cilole  dont  on  joue  chez  les  riches';  le 
Livre  de  la  taille  de  (292  mentionne  trois  ciloleurs^; 
Jean  de  Meung,  dans  son  Roman  de  la  Rose,  cite  la 
guiterne  et  le  "  lei'is  »,  et  Adenet,  ménestrel  du  comte 
de  Flandre,  énumère,  dans  son  Roman  de  Cléomades^ 
les  quinlarieurs,  les  «  bons  lenteurs  »  et  les  «  tlau- 
teurs  ». 

L'association  du  luth  et  des  instruments  à  vent  et 
à  percussion  se  trouve  (igurée  sur  quelques  enlumi- 
nures de  manuscrits  du  xiv«  siècle.  Le  Lectionarium 
de  Cuno  von  Falkensleiu,  conservé  à  Trêves,  contient 
un  concert  d'anges  où  le  luth  voisine  avec  la  harpe, 
le  psaltérion,  des  instruments  à  archet,  des  flûtes, 
des  trompettes,   etc.*.  Les  peintures  donnent  aussi 


1.  A.   Piccisisi,  Intacolalura   ai  liuto    e   di    chitarione   (1623). 
Cliap.  XXVIV.  —  Cf.  M.-R.  Bbondi,  op.  cit.,  pp.  63,  64. 

2.  Lettre  de  M.  l'abbé  Carbasiis.,.  sur  la  mode  des  instruments  de 
musique,  Paris,  1739,  p.  18. 

3.  Edmond  Faii\l  :  Les  Jonyleurs  en  France  au  moyen  àijr,  Paris 
(1910),  p.  290. 

4.  L»voix,  La  Musique  française  (1801),  p.  i5. 

5.  Constant  Pierre,  Le  Livre  de  la  lutherie,  p.  392. 


des  images  des  groupements  instrumentaux  les  plus 
fréquents.  Lippo  Memnii,  Jacopo  Avanzi,  montrent 
le  luth  joint  à  la  flûte,  à  la  vielle,  à  la  trompette,  au 
psallérion.  lùistache  Deschamps,  dans  sa  ballade 
sur  la  mort  de  Guillaume  de  Machaut,  évoque  les 
mê.mes  instruments,  et  n'omet  point  les  leiiths,  que 
MACHAUTlui-mème  appelle  /eus,  au  cours  de  son  roman 
de  La  Prise  d' Alexandrie' .  Mais  il  y  a  plus,  car  un 
poème  du  xiV  siècle,  dû  à  Jean  Lefèvre,  assure  que 
la  vielle,  le  luth,  la  guiterne  et  la  rebèbe  concordent 
souvent»;  donc,  on  nous  confirme  l'association  luth 
et  instruments  à  archet,  si  souvent  représentée  par 
les  monuments  figurés.  Les  théoriciens,  comme  Jean 
de  Grocbko,  dans  la  seconde  moitié  du  xiv«  siècle, 
indiquent,  en  outre,  quelles  sont  les  pièces  que  l'on 
confie  à  ces  instruments.  Grocheo  cite  les  chants 
royaux,  les  ducties  et  les  estarapies,  ces  deux  der- 
nières consistant  en  pièces  instrumentales'.  Or,  si 
on  observe,  avec  Quittard,  qu'aux  xiii'  et  xiv  siè- 
cles, la  musique  se  renferme  dans  une  étendue  de 
deux  octaves  et  une  sixte,  le  luth  de  cinq  cordes, 
alors  assez  répandu,  comprend  sensiblement  cette 
étendue. 

D'autres  textes  du  xiv°  siècle  précisent  les  fonctions 
musicales  du  luth.  Ainsi,  le  Comte  d'Anjou  de  Jean 
Maillart,  daté  de  1316,  contient  ce  passage  : 

Li  autres  dient  en  vielles 
Chançoiis  roy.iux  et  estampies 
Dances,  notes  et  baleries 
En  leiU,  en  psaltérion, 
Ctiascun  selonc  s'entencion, 

qui  énumère,  comme  instruments  d'exécution  des 
chants  royaux,  des  estampies  et  baleries,  la  vielle 
alors  prédominante,  le  luth  et  le  psaltérion.  Les 
monuments  ligures  représentent  d'ailleurs  fréquem- 
ment l'associalion  vielle-luth;  citons  les  deux  anges 
musiciens  de  la  Vierge  d'Andréa  del  Verocchio,  dont 
l'un  joue  de  la  vielle  et  l'autre  du  luth,  et  les  peintures 
de  Cima  da  Conegliano,  à  Venise,  ou  de  Francia,  à 
Bologne.  De  même,  on  rencontre  souvent  le  grou- 
pement llûte-luth,  représenté  par  G.  Bellini  aux 
Frari  de  Venise;  dans  ce  cas,  comme  dans  le  cas  de 
la  vielle,  il  semble  que  l'instrument  à  vent  se  charge 
de  la  partie  mélodique,  tandis  que  l'accompagne- 
ment reste  dévolu  au  luth. 

.Mais  les  ensembles  auxquels  participe  le  luth  ne 
sont  pas  toujours  purement  instrumentaux.  Souvent, 
en  etiet,  ces  ensembles  comportent  un  groupe  de 
chanteurs  et  revêtent,  par  conséquent,  un  aspect 
mixte,  mi-partie  instrumental  et  mi-partie  vocal. 
Une  image  de  la  Vierge  due  à  iNicolo  da  Foligno,  et 
conservée  à  la  Pinacothèque  de  Bologne,  associe 
des  anges  chanteurs  à  des  anges  jouant  du  luth,  de 
la  harpe  et  d'instruments  à  percussion  ;  au  xv°  siècle, 
Loientino  d'Arezzo  nous  fera  voir  trois  chanteurs 
accompagnés  d'une  viole,  d'un  chalumeau,  d'un 
luth  et   d'un   tambourin;  de   même,   le    Christ  de 


0.  Cf.  Hugo  I^EioHTENTniTT,  Wus  Utiren  uns  die  Dildwerke  des  li~ 
n  Jahrimnderts  ilber  die  Instrumentalmusik  ihrer  Zeit?  {Sammel- 
bande  de  1'/.  -lA  ^?.,  avril-juin  1906,  pp.  31,^  et  suiv.) 

7.  Guillaume  de  Mvchvut,  La  Prise  d'Alexandrie  (vers  1307)  pu- 
bliée par  M.  de  Mas  Latrie,  p.  35  (1877). 

8.  La   Vieille^  cil*^e  par  M.  Brenet,  loco  cit.,  p.  3. 

9.  Dans  son  ouvrage  théorique,  commençant  par  les  mots  :  Quo- 
niamquidamjuvenuin  amiei  mei...  (Ms.  ■2tJ03  de  la  Bib.  de  Darmstadt) 
publié  par  ftl.  Johannès  Wolf  (t.  I  des  .Samjnelbànde  de  1"/.  M.  G. 
(1899),  pp.  6ij  et  suiv.)  sous  le  litre  :  Die  ^fusiklehre  des  Johannès 
de  tjrocheo. 

10.  Jean  Maillart,  Le  Comte  d'Anjou  (1310),  cité  par  E.  Dnoz  et  G. 
TumAcr.T  dans  la  Préface  (p.  5)  de  Poètes  et  Afusiciens  du  quinzième 
siècle  (1924). 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   LUTH    1979 


Memling  à  Anvers  s'enloure  de  deux  groupes  d'anges 
chanteurs  et  instrumentistes.  On  admet  que  les 
compositions  polyphoniques  du  xv=  siècle  n'étaient 
que  partiellement  vocales,  et  l'étude  de  M.  Leichten- 
TRiTT,  citée  plus  haut,  fait  ressortir  la  rareté  relative 
dans  les  monuments  figurés,  de  représentations  de 
concerts  a  rn/je/Za,  alors  que  celles  d'exécutions  raixles 
sont  beaucoup  plus  nombreuses'. 

La  participation  possible  du  luth  à  de  semblables 
exécutions  annonce  les  transcriptions  pour  cet  ins- 
trument, transcriptions  que  nous  verrons  fleurir  au 
XVI'  siècle.  Nous  savons  d'ailleurs  que,  dans  la  poly- 
phonie à  trois  parties  du  xv"  siècle,  ces  trois  parties 
étaient  rarement  attribuées  aux  voix.  Ainsi,  la 
Chronique  de  Mathieu  d'Escouchy  -  rapporte  que,  lors 
de  la  fête  du  Faisan  à  Lille,  en  1453,  »  fut  joué  d'un 
leux  avec  deux  bonnes  voix  ».  Voici  donc  du  chant 
au  luth,  et  plus  loin,  d'Kscouchy  indique  la  combi- 
naison voix,  violes  et  luth.  D'ailleurs,  dès  le  xiv=  siè- 
cle, les  chansons  admettaient  un  accompagnement 
instrumental.  Dans  les  chansons  de  Guillaume  db 
Machalt,  une  seule  partie  porte  des  paroles,  les 
autres  pouvant  être  confiées  à  des  instruments;  un 
passage  de  son  Livre  du  Voir  Dit  indique  nettement 
"la  participation  de  ceux-ci^.  A  la  cour  de  Pierre 
d'Aragon,  Minuccio  d'Arkzzo,  nous  dit  Boccace,  était 
à  la  fois  chanteur  et  joueur  de  viole '*,  et  si  l'on  en 
juge  par  les  allégories,  on  pratiquait  déjà  le  cbanl  en 
solo  accompagné  au  luth.  C'est  ainsi  qu'un  bas-relief 
du  Campanile  du  Dôme  de  Florence,  datant  des 
environs  de  1330,  figure  Orphée  chantant  et  s'accom- 
pagnant  du  luth".  C'est  encore  ainsi  que,  plus  tard, 
Hartman  .Schedel  décrit  une  peinture  représentant 
l'agriculture  et  figurant,  en  un  beau  jardin,  deux 
couples  amoureux,  dont  l'un  fait  de  la  musique, 
l'homme,  la  tète  couronnée  de  roses,  chantant  au 
luth,  la  femme  chantant  aussi  en  jouant  de  la 
cithare". 

On  voit  donc  que  le  luth,  aux  xiv«  et  xv«  siècles, 
est  employé  soit  dans  la  musique  purement  instru- 
mentale, et,  en  particulier,  dans  la  musique  de 
danse,  soit  dans  la  musique  vocale,  à  titre  d'instru- 
irient  d'accompagnement.  Il  y  a  là  l'annonce  des 
principales  modalités  que  manifestera  plus  lard  la 
musique  du  luth,  à  savoir  les  transcriptions  de  pièces 
vocales,  les  airs  de  danse  et  le  chant  au  luth.  La 
vogue  dont  jouissait  l'instrument  s'affirme  chez  les 
poètes,  chez  les  princes,  et  dans  les  corps  de  musi- 
ciens attachés  aux  villes.  Nombre  de  poètes  cultivent 
le  luth,  tels  le  Dante  et  Pétrarque,  tels  Francesco  di 
Vannozzo  et  Boccace'.  lui  Allemagne,  Goltl'ried  de 
Strasbourg,  Fberhard  Cersne,  Sébastien  Brant,  le 
citent  dans  leurs  œuvres*.  Les  ducs  de  Saxe,  d'Au- 


1.  Leichtentritt,  loco  cit.,  p.  3^9. 

2.  Société  de  l'Histoire  de  France,  vol.  Il,  chap.  cix.  Voir  H.  Qdit- 
TAHD,  France,  Musique  iiistrumenlaje  jusqu'à  Lulhj  {E ncyclopéiiie , 

'    'onie  111,  pp.  1190  et  suiv.) 

3.  M^cHAUT  écrit  en  effet,  à  sa  ■<  dame  "  Péronnelle  :  u  Je  vous  envoie 
I     mon  livre  de  Morpkeus  que  on  appelle  ta  Fontaine  amoureuse,  où  j'ai 

fait  un  chant  à  votre  commandement...  Si  vous  supplie  que  vous  le 
daignez  oyr  et  savoir  la  chose  ainsi  comme  elle  est  faite,  sans  mestre 
ne  oster.  Et  se  porroit  mettre  sur  les  orgues,  suz  cornemuses  ou  autres 
instruments,  c'est  sa  droite  nature.  »  (  Voir  Dit,  éd.  de  1876,  p.  69.) 

4.  Décaméron,  X,  p.  7. 

5.  Leichtentritt,  loco  cit.,  p.  345. 

6.  Ibid.,  p.  346. 

7.  Sur  le  Dante,  voir  A.  Bonaventura,  Dante  e  la  inusica  (1904); 
BUT  Pétrarque,  E.  Levi,  Fr.  di  Vannozzo  e  la  lirica  nette  corti  Lom- 
barde durante  ta  seconda  meta  del  tecoto  XIV  (1908),  el  M.-R. 
Brondi,  toco  cit.,  p.  41  ;  sur  Boccace,  M.-R.  Bro.ndi,  ifjid.,  p.  43. 

8.  Gotifried  de  Strasbourg,  dans  son  Tristan  und  Isolde,  parle 
d'une  espèce  de  luth,  le  «  Sambiut  »  (H.  Sommer,  Die  Laute  (1920), 


triche,  entretiennent  des  luthistes,  comme  ceux  de 
Lorraine  et  de  Bourgogne,  comme  la  reine  Anne  de 
l?retagne,  el  Jacques  IV  d'Ecosse  touche  lui-même 
du  luth'.  A  la  cour  de  Provence  et  à  celle  de  Savoie, 
l'instrument  est  en  grand  honneur  au  xv'  siècle'". 
Auprès  des  princes,  les  luthistes  jouent  dans  l'inti- 
mité, durant  les  fêtes  et  pendant  les  repas;  ils  sui- 
vent leurs  protecteurs  en  voyage,  et  lorsque,  en  1454, 
Philippe  le  Bon  traversa  la  Bourgogne  et  la  Suisse 
pour  se  rendre  à  la  diète  de  Ralisbonne,  il  fut  fêté 
partout  par  des  luthistes  attachés  à  des  grands  sei- 
gneurs ou  à  des  villes".  Les  cours  italiennes  font 
hriller  le  luth  d'un  éclat  incomparable;  la  maison 
d'Esté, à Feirare,  ménage  aux  musiciens  qui  en  jouent 
un  accueil  fastueux,  et  Isabelle  d'Esté  cultive  person- 
nellement l'instrument  cher  aux  poètes;  elle  avait 
appelé  auprès  d'elle  le  luthiste  Testagrossa.  De 
même,  les  Sforza,  les  rois  de  Naples,  les  Bentivoglio 
et  les  Médicis  s'entourent  de  joueurs  de  luth'^. 

En  France,  les  souverains  comptent  des  luthistes 
parmi  les  musiciens  de  leur  chambre  à  partir  de 
Charles  VIII,  qui  prend  à  son  service  le  luthiste 
Antoine  Her". 

Enfin,  les  villes  suivent  l'exemple  des  princes, 
surtout  aux  Pays-Bas  et  en  Allemagne,  et  il  n'est 
pas  rare  de  voir  des  joueurs  de  luth  appartenir  à 
leurs  corps  de  musique.  Tel  est  le  cas  pour  Matines, 
dont  les  ménestrels  municipaux  comptaient  des 
luthistes,  dans  la  seconde  moitié  du  xiv"  siècle  ".  On 
rencontre  de  ces  musiciens,  au  w"  siècle,  à  Nurem- 
berg, à  Augsbourg,  à  Francfort,  et  le  comte  de 
Wurtemberg  acquiesçait  à  l'association  des  luthistes 
et  des  «  pfeil'pr  »,  ou  joueurs  d'instruments  hauts'^ 

Mais  c'est  seulement  au  début  du  xvi=  siècle  que 
paraissent  les  premières  œuvres  de  luth,  avec  les 
publications  de  tablatures  faites  à  Venise  par  0.  Pe- 
iRLCci'".  A  partir  de  ce  moment,  la  pratique  du  luth 
prend,  par  toute  l'Europe,  un  grand  essor,  et  l'ins- 
trument donne  naissance  à  une  littérature  d'une 
importance  extraordinaire.  Cette  littérature  groupe 
quatre  types  de  pièces  dont  les  esquisses  se  dessi- 


p.  41.  Sur  l'épopée  Der  Minne  Regel  (1404)  d'Eberhard  Cersne,  voir 
CoRT  Sachs,  Die  Musikenslrumenten  der  Minne  Regel  [I.  M.  O.,  juillel- 
sept.  1913,  p.  484);  sur  le  NarrenaclU^ àe  Séb.  Brant,  voir  H.  Som- 
mer, Die  Laute,  p.  42. 

'.'.  Sur  les  luthistes  des  ducs  de  Saie  et  d'Autriche,  voir  R.  van 
AE«nE,  Musicalia,  Malines,  19i.5.  Sur  ceui  des  ducs  de  Lorraine,  cf. 
A.  Jacqcut,  La  Musique  en  Lorraine,  f.  21  ;  sur  ceux  de  Bourgogne, 
rî.  Van  der  Straeten,  La  Musique  aux  Pays-Bas,  t.  Il,  p.  368.  Anne 
de  Bretagne  avait  à  son  service  le  luthiste  Pierre  Yvert  (M.  Breset, 
loco  cit.,  p.  9,  et  Leroux  de  Lincy,  Vie  de  la  reine  Anne  de  Bretagne, 
t.  IV,  p.  9). 

10.  Sur  les  luthistes  de  la  cour  d"Ai\-en-Provcnce,  voir  Arch.  B.-du- 
Rh.,  B.  2491,  B.  i.îl2,  B.  H.  488.  Sur  ccui  de  la  cour  de  ,*avoie  (Tu- 
rin), voir  :  Xote  d'arcltivio  per  la  Sloria  musicale  (juillet-décembre 
1924),  Dtji-oun-RABUT,/.e*  Musiciens,  ta  musique  et  les  instruments  en 
.Savoie  {.Mêm.  Société  Savoisienne  d'I'ist.  et  d'arctiéolog.,  XVII,  1878). 

11.  Van  der  Stbaeten,  La  Musique  congralutaloire  en  t4S4,  De  Di- 
jon d  Ratistioune  (ISSOI,  pp.  13  et  suiv. 

12.  Voir,  sur  la  musique  dans  les  cours  italiennes,  les  études  de 
MM.  Bertouitti,  Frati,  Motta,  Valdrighi,  etc. 

13.  M.  Brenet,  JVotes  sur  l'histoire  du  luth  en  France,  p.  8.  On  se 
reportera  â  cet  ouvrage  pour  tout  ce  qui  concerne  les  luthistes  des  rois 
tle  France. 

14.  R.  Van  Aerde,  loco  cit.,  passim. 

15.  Sur  les  luthistes  dans  les  villes  allemandes,  voir  C.  Valentin,  Ges* 
chichteder  .Vusik  in  Frank-furt  am  Main  (1906),  pp.  29,  30;  J.  SiT- 
TAno.MonatalteftefitrMnsikgesclachte,  1887,  t.  !,  pp.  4  et  suiv.;  K.  Nef, 
Die  Stadipfeiferei  und  die  Instrumental musiker  in  Basel  (/.  M,  G., 
avril-juin  1909,  p.  396);  0.  Kôrte,  Laute  und  Lautenmusik  bis  zur 
Mitte  des  16  Jaltrtiunderts,  p.  78;  Vooeleis,  Quelten  und  Bausteine 
zu  einer  Geschichte  der  Musik  im  Etsass  (500-1800y  (1911),  passim. 

16.  De  1501  à  1511,  Ottaviano  dei  Petkocci  fit  de  fimpression  musi> 
cale  a  Venise,  en  vertu  d'un  privilège  du  Conseil  de  celte  ville,  daté, 
de  1498. 


1980 


ENCrCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


liaient  déjà  au  siècle  précédent  :  les  transcriptions 
de  pièces  vocales,  les  airs  de  danse,  les  pièces  libres, 
telles  que  fantaisies  et  ricercari,  enfin  les  airs  ac- 
compagnés au  luth.  Elle  emploie  encore  le  luth  en 
concert,  soit  avec  d'autres  lutlis,  soit  avec  des  instru- 
ments à  archet.  Nous  l'étudierons  rapidement  dans 
les  principales  écoles  européennes  :  l'école  italienne, 
l'école  allemande,  l'école  française,  l'école  néerlan- 
daise, l'école  ant;laise,  l'école  polonaise,  et  duranl 
sa  période  de  floraison  qui  comprend  les  xvi'  et 
xvii"  siècles. 

École  italienne  ', 

Le  premier  auteur  italien  de  pièces  de  luth  semble 
être  Francesco  Spinaccino,  dont,  dès  1507,  Petrucci 
publiait  un  livre  de  luth,  après  avoir  mis  au  jour 
des  recueils  de  Frottole  à  quatre  voix,  qui  admet- 
taient une  exécution  mi-partie  vocale,  mi-partie 
instrumentale^.  Spinaccino  transcrit  intégralement 
pour  le  luth  des  pièces  polyphoniques  vocales,  mais 
il  réduit  et  déforme  la  pol_yphonie  en  ne  conservant 
que  la  ligne  mélodique,  et  en  éparpillant  des  frag- 
ments des  autres  parties.  Les  airs  de  danse  consti- 
tuent comme  un  embryon  de  suite,  dont  le  principe 
se  trouvait  déjà  inclus  dans  la  Basse  Danse  du 
xv«  siècle.  Spinaccino  écrit  de  petites  suites  en  trois 
parties,  pavane,  saltarello,  piva,  les  deux  dernières 
découlant  de  la  première.  Il  écrit  aussi  des  ricercari, 
mais  de  forme  mal  dégrossie.  Après  lui,  nous  cite- 
rons J. -A.  d'Alza  et  Fr.  Bossinensis  (1509).  Le  dernier 
pratique  des  arrangements  de  pièces  vocales,  dans 
lesquels  le  luth  se  charge  du  ténor  et  de  la  basse; 
il  y  joint  des  ricercari  flottants  et  indécis.  Puis  c'est, 
en  1336,  la  première  tablature  du  célèbre  Francesco 
daMila.no  qu'on  appelait  «il  divine  »^;  de  15:16  à  1563, 
Francesco  donne  sept  livres  de  luth  qui  lui  valurent, 
conjointement  avec  son  magnifique  talent  d'e.xécu- 
tant,  une  réputation  européenne.  Par  son  ingéniosité, 
son  infatigable  imagination,  sa  science  du  maniement 
des  parties,  il  apparaît  comme  un  des  maîtres  du 
ricercare,  et  surtout  de  la  fantaisie.  Un  autre  remar- 
quable virtuose  du  luth,  P. -P.  Borrono,  qui  s'était 
associé  à  Francesco,  poursuit  l'évolution  de  la  suite 
de  luth;  et  c'est  aussi   de  ce  côté  que  se  dirigent 

A.  ROTTA,  M. -A.  DEL  PlFFABO,   J.-M.  DA  CrEMA,  D.  BlAN'" 

CHiNi.  Les  deux  derniers  portent  surtout  leur  elfort 
sur  les  ricercari,  dont  la  forme  se  précise  et  dont  le 
tissu  s'organise.  Avec  G.  Abondante  (1548)  et  Melchior 
Bareeris,  l'école  italienne  confirme,  consolide  ses 
conquêtes;  elle  mettra  son  art  au  point  durant  la 
seconde  moitié  du  xvi"",  par  les  soins  de  Drusina 
(1556),  de  r..-C.  Barbetta  (1564)  et  surtout  de  G.  Gor- 
zANis*-  qui  fait  des  emprunts  à  l'art  allemand. 

En  1568,  Vincenzo  IJalilei'^  donne  un  traité  théo- 
rique, srtn  Fronimo,  puis  G.  Fallamero  (1584)  cultive 
l'air  au  luth;  c'est  le  moment  où  l'art  du  luth  atteint 
son  point  culminant.  Vers  1590,  d'habiles  luthistes, 
G. -M.  Radino,  a.  Terzi,  s.  Molinaro^  font  état  d'une 

1.  On  se  reporlera,  pour  plus  de  détails,  à  l'article  d'O.  Chilesotti  : 
Notes  sur  les  tablatures  de  luth  et  de  guitare  ( Encyclopédie  de  la 
i/usî'yue,  t.  II,pp.636et3uiv.).  Voiraiissi  :  E.  Ekoei,,  Die Instrumental- 
formen  in  der  Lautenmusik  des  16  Jahrhunderts  (I9lï),  passim.  — • 
L.  Frati,  Liutisti  e  liutai  a  Bologna  {Riv.  mus.  il.,  fasc.  I,  1919). 

2.  A.  Pmno,  Les  Frottole  et  la  Musique  instrumentale  {Hevue  de 
Musicologie,  mars  1922). 

3.  0.  Chilesotti,  Francesco  da  Milano  (I.  M.  G.,  1903,  fasc.  31). 

4.  0.  Chilesotti.  Jacopo  Gorzanis  { nioista  musicale  italiana,  1914). 

5.  0.  Chilesotti,  Il  Primo  Libro  di  liuto  di  Vincenzo  Galilei 
(Rivisfa  musicale  italiana,  fasc,  4,  1903). 

G.  Sur  Tebzi  et  Mulinabo,  voir  Ent.el,  loco  cit.,  pp.  22-25. 


harmonie  raffinée,  améliorent  le  système  de  la  varia- 
tion et  perfectionnent  la  suite  de  luth.  Terzi  écrit 
des  sonates  et  des  pièces  à  deux  luths.  Le  luth,  au 
début  du  xvii«  siècle,  tend  à  jouer  un  rôle  d'accompa- 
gnement, mais  se  voit  préférer,  à  cet  effet,  le  théorbe, 
et  c'est  ce  qui  se  produit  dans  les  œuvres  de  S.  d'In- 
dia;  il  devient  aussi  de  plus  en  plus  concertant  avec 
P.-P,  Melio,  Al.  PicciNiNi;  S,  CRESCENXiojoue  de  l'archi- 
luth,  et  Baglioni  du  théorbe.  A  la  fin  du  xvu'  siècle, 
le  luth  tombe  en  décadence;  on  ne  l'emploie  plus  que 
dans  la  musique  d'ensemble,  et  comme  intrument 
d'accompagnement. 

Écoles  allemande  et  antrichienne  '• 

La  plus  ancienne  tablature  allemande  est  celle 
d'Arnold  Schlick  (1512)';  puis  nous  voyons  (1523) 
Hans  JuDENKi'NiG,  dans  des  ouvrages  à  intentions 
pédagogiques,  s'inspirer  des  précédents  italiens,  mais 
l'emporter  de  beaucoup  sur  Spinaccino,  par  exemple, 
en  matière  de  ricercari.  Hans  Gerle  cultive  le  pream- 
bel  et  les  arrangements  de  lieder,  tout  comme  Joden- 
KUNiG,  mais  Hans  .Newsidler  (1308-1563)  l'emporte 
de  beaucoup  sur  tous  les  luthistes  précédents  par  la 
puissance  et  la  poésie  de  ses  compositions.  Ses  S!/i?t>s 
s'ouvrent  par  un  preambel,  après  lequel  se  disposent 
des  couples  de  danses  lentes  et  vives'.  Newsidler  a 
fait  de  nombreuses  transcriptions,  A  côté  de  lui, 
S.  GiNTZLER  (1547)  apparaît  sous  un  aspect  italien 
des  plus  marqués  et  jette  les  premières  indications 
du  style  tié^". 

En  Allemagne,  le  luth  concertant  se  fait  jour  avec 
WolITen  Heckel,  qui,  en  1536,  publie  des  pièces  à  deux 
luths;  puis,  c'est  S.  Oghsenkuhn  qui  transcrit  savam- 
ment des  lieder  pour  voix  seule  et  luth".  La  suite 
allemande  de  luth  se  compose  alors  de  trois  mor- 
ceaux, à  l'italienne  (Schmid,  J.  Wecker,  etc.).  Avec 
Waisselius,  apparaît  (1392)  le  Deutschcr  lanz  ou  Alle- 
mande ;la.  suite  comporte  alors  quatre  airs  de  danse ''^. 
Citons  encore  Sixte  Kargel,  A.  Uenss,  M.  Reymann. 


7.  Bibliographie.  — U.-l).  BrOoe-r,  Allé  Lautenkuiisl  ausdrci 
Jiihrhiinikrten  (1923).  —  J.-S.  Bnch's  Komposilionen  fiir  die  Laiile 
(1925);  —  O.  Chilesotti,  Da  un  Codice  Lauteii-Buch  del  Cinque- 
ceiito,  Leipzig  (1890);  —  Luutenspieler  des  XV  IJaMiunderts ,  Leip- 
zig (1891).  —  Di  Hans  Newsidler  e  ili  un'  aulica  intai'tilatura  di  linto 
[Riv.  mus.  ital.,  fasc.  1,  1894);  —  E.  Engel,  loco  cit.,  passim.  — 
W.  GuRLiTT,  Ein  Beilrag  zur  Biographie  (/c.v  Lautenisteu  Esagas  Reu^S' 
lier  (/.  M.  G.,  1912,  1913);  —  O,  Kinkeldey,  Orgel  und  Klarier  in 
der  Musik  des  XVI  .lahrhimderts,  Leipzig  (1910).  —  A.  Koczibz, 
Oexlerreichische  Lautenmusik  im  XVI  Jalirhiindert.  —  Oeslerreiclnsclie 
Lautenmusik  z-wiselien  1650  und  nsfi  (Deukinâler  der'  Tnnkunst  in 
Oeslerreich.  2e  partie,  1911-1919);  —  O.  Kobte, /oco  ri/.  (1901); 
—  T.  NoRLiND.  Zur  Geschichte  der  Suite  (/.  il.  G.,  janvier-mars 
1906);  —  Zur  Gescliichte  der  poliiischea  Tàn:e  (/.  M.  G.,  juiU.-oct. 
1911);  —  E.  Radkcke,  Dus  deulsche  weltliche  Lied  in  der  Lauten- 
musik des  XVI  Jalirhuiiderts  {Vierteljalirrsselirill  VU,  1S91);  — 
II.  RiEMANN,  Zur  Gescliiclile  der  deutsehen  Suite  (/.  J/.  G.,  juillet- 
septembre  190'));  — A.  .Simon,  Die  Lantenmusikheslânde  der  Kûii. 
BiliHuthek  in  Berlin,  Leipzig  (1909);  —  H.  So.mmer,  Die  Laule, 
Berlin  (1920);  —  W.  Tappert,  Die  Lautenlmeher  des  Hans  Gerlc 
(U.  F.  il.,  18S6);  —  Sebttsiiiiii  Baeh's  Komposilionen  fiir  die  Laule, 
Berlin  (1901)  ;  —  Sang  und  Klniig  aus  aller  Zeit.  Berlin  (1906)  ;  — 
W.  VON  Wasielewski,  Gesckichte  der  luslruinentalmusik  im  XVI 
Jattrhunderl,  Berlin  (1878). 

8.  Voir  G.  lUnM,  Tabulaturen  etlicher  Lobgesang  uff  die  Orgel  und 
Lauten  (réédition  d'A.  Schlick,  19^4). 

9.  KocziRz,  loco  cit.,  2"  partie,  pp.  xx\i  et  suîv.  =  E.  Ehgbl,  loco 
cit.,  pp.  If),  16.  A  Augsbourg,  on  conûait  à  Newsiiileb  la  direction 
de  la  «  Stille  Musik  »  (Kinkeldey,  loco  cit ,  p.  185). 

10.  KocziRz,  loco  cit.,  2"  partie,  pp.  29  et  suiv. 

11.  Oghsenkuhn  a  traduit,  nutammeot,  le  lied  célèbre  d'Heinrich 
IsAAc  :  u  Innsbruck  ich  muss  dich  lassen  ».  Voir  Tart.  de  M.  Adolf 
ThCrlixos,  in  Featschift  du  !!•  Congrès  de  1'/.  M.  G.,  à  Bâle.  pp.  54 
et  suiv. 

12.  Voir  le  Deutscher  Tanz  publié  par  M.-D.  BrCceb  (Âlte  Lauten- 
kunsi,  Heft  1). 


TECHNIQUE,  ESTIlÈTinUli  ET  PÊOAGDGIE 


LE    LUTH    lîisl 


L'influence  italienne  coiilinue  à  se  manifester  en 
Allemagne  au  ooniinencotneiit  du  xvii"  siècle,  où  Kude 
■et  Hmnhofkr  emploient,  pour  leurs  œuvres,  la  tabla- 
ture d'outre-nionts.  A  cetteépoque,  le  Strasbourgeois 
E.  Mertel  passait  pour  posséder  sur  le  luth  un  talent 
hors  de  pair;  il  excellait  dans  les  transcriptions 
(1615).  G.-L.  FuHRUANN  emploie,  lui,  les  tablatures 
allemande  et  française  (1615),  et  publie,  comme  l'avait 
■déjà  fait  Waisselius,  des  danses  polonaises.  Si,  vers 
1620,  le  luth  proprement  dit  était  encore  très  cul- 
tivé en  Allemagne,  comme  c'est  le  cas  pour  Mvlius  et 
Lœlius,  le  théorbe  n'en  réalisait  pas  moins  des  pro- 
grès certains.  En  1640,  J.  Stefan  jouait  du  théorbe  à 
Francfort. 

Dans  l'Allemagne  du  Nord,  nous  rencontrons  Esa- 
jas  Reussner  (1636-167'.»),  dont  le  recueil  de  1667  ré- 
vèle d'incontestables  influences  françaises,  et  pré- 
sente des  suites  disposées  comme  celles  des  Gaultier. 
De  même,  l'.^utrichien  J.-G.  Peyer  adopte  le  style 
français.  Par  contre  J.  Bittner  associe  à  celui-ci  le 
style  legato  des  Italiens.  Au  .wii"'  siècle,  les  luthistes 
sont  innombrables  par  toute  l'Allemagne  :  Gumprecht, 
Strobel,  Kremuerg  cultivent  le  lied,  la  pièce  à  plu- 
sieurs luths,  et  soulignent  par  là  la  tendance  qui, 
comme  en  Italie,  incline  le  luth  et  ses  dérivés  au 
«  concerto  ».  Tel  est  le  cas  pour  Strobach  (1698)  et 
pour  F.-l.  HiNTERLEiTHNKR '.  Au  reste,  alors  que  le 
luth  se  voit  délaissé  en  Italie  et  en  France,  à  la  lin 
du  xv!!"  siècle,  cet  instrument  conserve  sa  vitalité  en 
Allemagne  où  nous  le  trouvons  représenté  par  F.  Le- 
SAGE  DE  Richée  (169o)et  par  le  comte  Logi  (1641-1721) 
qui,  à  côté  de  pièces  concertantes,  écrit  des  partite 
k  luth  seul.  Parmi  les  luthistes  germaniques  du 
xviii'  siècle,  J.  Herold  (1702)  adopte  encore  le  cadre 
de  la  suite  française,  et  li.  Hkrhandizki  écrit  des 
«  Tombeaux  »  ;  tous  deux  s'adonnent  à  la  pièce  pour 
luth  seul,  tandis  que  .l.-G.  Weichexberger,  Hadolt, 
KChnell,  composent  de  la  musique  concertante  qui 
associe  au  luth  le  violon  et  la  basse  d'archet.  Fn  1727, 
Ernest  Gottlieb  IUron  donne,  h.  Nuremberg,  son 
Untersuchung,  historique  et  théorique  ;  il  a  laissé,  en 
manuscrit,  quelques  morceaux  de  luth-. 

Vers  1750,  on  rencontre  encore  des  pièces  pour 
luth  seul  sous  la  plume  de  A.  Falkenhagen,  et  de 
D.  Kellner.  S.-L  Weiss  fut  un  des  plus  remarquables 
luthistes  du  xviii=  siècle  allemand;  il  a  dû  connaître 
J.-S.  Bach,  à  la  Chapelle  de  Dresde;  celui-ci  a  écrit 
diverses  pièces  pour  luth  et  a  employé  l'instrument 
dans  sa  Johannes  Passion  (1723),  comme  dans  la 
Trauer-Ode  (1727).  Déjà,  en  1708,  la  Ri'surrectioii 
d'HAENDEL  comportait  l'usage  du  théorbe;  le  musi- 
■cien  le  pratique  encore  dans  Jules  César  (1724)  et 
dans  Parténope  (1730)^. 

A  partir  de  1760,  environ,  le  luth  trahit,  en  Alle- 
magne,des  symptômes  de  décadence;  on  ne  le  joue 
plus  guère  en  solo.  Citons  les  noms  des  derniers 
luthistes  germaniques  :  Pichler,   Bleditsch,   Blohm, 


1.  Le  D^  BrI  GEK  a  piibljt^  le  «rracieui  menuet  pour  violon,  luth  el 
basse  du  Lauten-Conrert  ÏX  d'HiNrciiLEiTaNEB  (1699)  \Altf  Lauten- 
kunst,  Heft  II).  Ce  menuet  a  été  publie  également  par  M.  Koczinz. 
■  2.  Ernst  Gottlipb  Barons  historisch.  theoretisch  und  prncttscke 
Vntersuclumg  fies  Instruments  ffer  Lauten,  Niirember^,  1727.  Il  existe 
^eux  compléments  à  ce  traité  dans  le  -'  vol.  de  Marpdrg  {Historisch- 
ErUtische  Beytrdqe,  pp.  65  et  119). 

Le  fonds  Fétis  de  la  Eibl.  royale  de  Bruxelles  possède,  sous  la  cote 
5912,  quelques  pièces  mnnusrrites  de  Bahun. 

3.  Dans  la  Résurrection,  le  théorbe  est  associé  à  la  flûte,  à  la  viole 
<le  gambe  et  au  qiialuor  d'archets.  Le  D""  Bai  ger  a  reproduit  \Aite 
Lautenkunst,  Heft  II)  l'air  de  saint  Jean  de  cet  oratorio  ;  f  Cosi  la  tor- 
torella.  ■.  Dans  Jules  César  (1724j,  le  théorbe  s'associe  à  la  gambe,  à 
'a  harpe,  au  hautbois  et  au  quatuor  d'archets. 


Laui'E.nsteiner,  Meussel,  Seidler,  Beyer,  KrOI'FKGANS, 
KoiiAL'LT,  enfin  Ch.-G.  Sgheidler,  mort  en  1815*, 
J.  Haydn,  vers  1770,  écrivait  des  pièces  de  luth  en 
concert  ■'. 

École  fran^-aisc  "• 

La  première  tablature  française  parut  en  1829. 
Due  à  Pierre  Attai.-ngnant,  elle  contient  des  Irans- 
criplions  totales  ou  partielles  de  chansons  polypho- 
ni(|ues  et  des  airs  de  danse  organisés  en  une  suite 
primitive  provenant  de  la  Basse  Danse,  avec  sa  re- 
coupe et  son  Uiiirdion.  Le  Mantouan  Albert  de  Ripe 
ou  DE  Rii'PE,  lutliiste  de  François  I»''  et  de  Henri  II, 
jouissait  d'une  grande  réputation.  Son  élève  G.  Mor- 
laye  publia  quelques  pièces  de  lui  (1351),  et  en  1533, 
A.  le  Roy  et  H.  Ballard  faisaient  de  même,  en  don- 
nant un  autre  recueil  de  de  Rippe.  Morlaye  a  laissé 
de  bonnes  transcriptions  de  chansons,  de  psaumes 
et  de  cantiques'.  Quant  à  A.  le  Roy,  il  a  publié,  en 
l!i7l,  un  important  recueil  d'airs  de  cour  mis  sur  le 
luth",  alors  qu'en  l.io2-o3,  Pierre  Phalèse,  à  Louvain, 
faisait  paraître  son  remarquable  Hortus  musavum, 
contenant  des  transcriptions,  des  airs  de  danse,  des 
airs  avec  luth  et  des  pièces  pour  deux  luths''.  Le 
xvii°  siècle,  qui,  dans  sa  première  moitié,  fut  l'époque 
la  plus  brillante  du  luth  en  F'rance,  s'ouvre  (1600) 
avec  le  Trésor  d'Orphée  de  Francisque,  contenant 
surtout  des  airs  de  danse  et  des  préludes,  tablature 
bientôt  suivie  1 1603)  du  Thésaurus  de  J.-B.  Besard,  qui 


+.  W.  Tappert  donne,  dans  son  Siuiy  und  Klang,  le  portrail  de 
Christian  Gottlieb  Scueidi-eh  «  le  dernier  luthiste  "  qui  a,  vers  1700, 
luis  au  luth  et  varie  le  Champagner  lied  du  Don  Juan  de  Mozart  (Tap- 
l'ERr,  tac'-icit,.  pp.  1:;7-|-J9). 

I.  D'a|très  PoHi..  H  vvDN  aurait  écrit,  vers  177u,deux  Cassations  pour 
luth  oblige,  violon  et  violoncelle.  La  Bibliothèque  d'Augsbourg  pos- 
sède en  manuscrit  un  quatuor  enre  majeur  d'IlAVDN  pour  luth,  violon, 
alto  et  violoncelle. 

(j.  Bibliographie.  —  L.  Baii.le,  J.-B.  Besard,  luthiste  llison- 
titi  [tterue  de  triith-he-tU<mté,  15  février  1925);  —  M.  Brenet, 
Sates  sur  l'histoire  du  luth  en  France,  Turin  (1899);  —  H,-D.  Br»- 
GRR,  Aile  Lautenkunst  aus  drei  Jahrhunderten,  Berlin  (1923);  —  A. 
Castan,  Soles  sur  j. -H.  Hesard  de  Hesaneon,  cèlèlire  luthiste  (Mèm. 
de  la  Sociélé  d'emulntmn  du  Doulis,  lS7(li;  —  O.  Ghilksotti,  Di 
G. -II.  Ilcsardu  e  del  sua  Thésaurus  harmonicus.  Milan  (KSSS)  ;  —  Airs 
de  court  del  Thésaurus  harmonicus  diJ.-H.  Besard.  Rome  (1903);  — 
Villanclle  a  ire  roci  dut  Thésaurus  hartnonieus  di  ./.-fi.  Besard  Leip- 
zig (1909);  —  J.  DoDiiE,  Les  Airs  de  Cour  d'Adrien  Le  Rmj  (S./.  M., 
15  nov.  19071  ;  —  J.  ÉcoRCHEViLLE,  Le  luth  et  sa  musiijue  (S.  /.  .V., 
15  fcv.  190S); —  0.  Fleischer,  Denis  Gautlier  {Vierteljnhres- 
sclirift  l'iir  Musikuisseusehafl,  II,  18.S6);  —  Th.  GERor.n,  L'Art  du 
chant  en  France  au  dix-septième  siècle,  Strasbourg  (1921);  —  L. 
DE  LA  Laurencie,  Essai  de  ehronolofjie  de  quehines  ouiraj/es  de  luth 
de  l'école  française  du  di.r -sept iè nie  siècle  {Bulletin  de  la  S,  F.  M.,  déc. 
1919);  —  Un  Maître  de  luth  au  dix-septième  siècle  :  Jehan  Basset 
(Revue  musicale, '}niUel  1923);  — Quelques  Luthistes  français  dudix- 
septicme  siècle  (René  de  ilusicoloyic,  nov.  1923);  —  Le  Luthiste 
Jacques  Gaultier  [Herue  musicale,  jaiiv.  1924);  —  Les  Femmes  et  le 
luth  en  France  aux  seizième  et  dix-septirme  siècles  (Correspondant, 
mai  f925);  —  Les  Luthistes Ch.  Bocquet,  A.  Francisque,  et  J.-B.  Be- 
s-ard  [Revue  de  Musicologie,  mai,  août,  1926);  —  G.  Lindgren, 
Fin  Laulenlnich  ron  Mouton  (M.  f.  M.,  t.  XXIII,  1891);  —  C.  Pho- 
TiADEs,  Ronsard  et  son  luth,  Paris  (1925);  —  H.  Prunikbrs,  Docu- 
nieuis  pour  servira  ta  biographie  des  luthistes  R.  Ballard  et  Fr.  Piuet 
I.  H.  G.,  juillet-sepl.  1914);  —  H.  Qoittard,  Le  Trésor  d'Orphée 
de  Francisque,  Paris  (1906);  —  L'Accompagnement  au  théorbe 
(S.  I.M.,  avril-juin,  1910);  —  Encgclopédie  de  la  Musique.  L  III, 
pp.  1188  etsuiv.  ; —  D.-F.  Schkcri.eer,  Ilct  Luithoek  van  Nico- 
laus  Vallet  (Tijdschrift  der  Vereeniging  voor  Soord  Nèderlands  Musick- 
geschiedenis,  ô"  partie);  —  W.  Tappert,  Zur  Geschichtc  der  fran- 
zusLtchen  Lautentabulalnr  (Allg.  lleutsch.  Mnsikz-eitung,  1S86). 

7.  De  15.')3  à  la^S,  Morlaye  publia  des  pit-ces  d'Albert  de  Rippe 
(.5  livres"). 

8.  Voir  l'article  de  Miss  Dodge  cité  plus  hant, 

II.  IJoirrARD,  L' Hortus  musarum  de  l^>l>'2-')S  et  les  arrangements  de 
pièces  polyphoniques  pour  voix  seule  et  luth  (/.  M.  G.,  janv.-mars 
1907). 


1982 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  COSSERVATOIRE 


apporte  un  raccourci  de  la  prodiicUon  européenne, 
en  matière  de  musique  de  lulh. 

Plus  solide  musicien  que  Fkancisque,  Bf.sard  cul- 
tive tous  les  genres  de  la  musique  de  luth.  Vers 
1611,  R.  Ballard  donne  une  lablature  contenant 
surtout  des  pièces  destinées  aux  ballets  de  cour'. 
A  ce  moment,  s'illustre  une  brillante  pléiade  d'au- 
teurs d'airs  de  cour  avec  luth,  G.  Bataille,  Guédbon, 
A.  BoËssET,  AuGET,  ViNCRNT,  Fr.  RiCHARD,  Fr.  ChancV^, 
pendant  que  Nicolas  Vallet,  ou  Valet,  publiait,  aux 
Pays-Bas,  à  partir  de  1613,  plusieurs  éditions  d'un 
livre  de  luth  en  deux  parties  qui,  comme  le  Thésaurus 
de  Besard,  présente  un  caractère  nettement  interna- 
tional. Vers  1630,  l'école  française,  très  fortement 
constituée,  compte  de  nombreux  luthistes  groupés 
autour  des  Galltier,  Ennemond,  dit  le  Vieux,  et 
Denis,  dit  le  Jeune;  malheureusement,  exception 
faite  pour  ce  dernier,  aucun  des  autres  luthistes  n'a 
laissé  de  tablature  imprimée,  et  leurs  pièces  sont 
éparses  dans  des  recueils  manuscrits.  La  vogue 
d'Entiemond  Gaultier  s'est  prolongée  jusqu'à  la  fm 
du  XVII»  siècle;  quant  à  Denis  (1603-1672),  il  a  donné 
un  recueil  imprimé  et  un  autre  recueil  manuscrit 
datant  de  la  seconde  moitié  du  siècle,  la  Wu'torique 
des  Dicux^.  Les  deux  Gaultier  cultivent  le  portrait  eu 
musique  ;  leurs  airs  de  danse  n'ont  plus  de  fonction 
chorégraphique;  leur  style  est  haché,  syncopé, contre- 
pointe.  Parmi  les  contemporains  et  les  élèves  des 
Gaultier,  il  convient  de  mentionner  René  Mézangeau, 
Mercure,  Mebvillk,  les  Du  But,  Du  Fault,  auteur  de 
remarquables  préludes  et  ingénieux  transformateur 
d'airs  de  danse,  G.  Pinel,  musicien  h  l'art  ferme  et 
savoureux;  mais  de  ces  luthistes,  il  ne  subsiste  pas 
de  recueils  imprimés. 

Au  contraire,  Jacques  Gallot  apporte  des  docu- 
ments précis  sur  l'état  de  la  musique  de  lulh  en  France 
vers  la  fin  du  xvn»  siècle,  avec  sa  lablature  de  1673*. 
Ici,  nous  voyons  la  suite  française  de  luth  définili- 
vement  constituée,  et  la  substitution  du  menuet  au 
branle  qu'on  employait  depuis  Franxisque;  Gallot 
dessine  lui  aussi  de  fines  miniatures  musicales  aux- 
quelles il  affecte  des  titres  psychologiques  ou  pitto- 
resques. Un  des  derniers  représentants  du  lulh  en 
France,  Charles  Mouton  (vers  1699),  entraîne  les 
mêmes  observations  \  Dès  la  seconde  moitié  du  siècle, 
l'emploi  du  théorbe  se  généralise  pour  l'exécution  de 
la  basse  continue,  avec  M.  Fleurv,  Bartholomi,  Gbé- 
NERiN  et  Delair.  La  lentative  faite  par  Perrine  (16*9) 
pour  faciliter  l'usage  du  luth,  en  abandonnant  la 
tablature,  n'eut  pas  de  succès.  Au  commencement  du 
xvni"  siècle,  on  ne  jouait  plus  de  luth  en  France. 

École  des  Pays-Bas". 

Nous  avons  cité  parmi  les  éditeurs  de  musique  de 
luth  aux  Pays-Bas,  le  nom  de  Pierre  Phalèse,  dont 

1.  M.  Bbeset,  Noies  tur  l'histoire  du  lulh,  pp.  44  et  suiv.;  H. 
PRDKitnis,  Le  Ballet  de  cottr  en  France  aoaiit  Benserade  et  Lully, 
Paris  (1914),  pp.  222  et  suiv. 

2.  Sur  ces  divers  auteurs  voir  H.  Phunièbes,  op.  cit.,  et  Th.  GEnoLD, 
op.  cit..  pp.  4  et  suiv. 

3.  0.  Fleischer,  Denis  Gaultier  {loco  cit.)  et  M.  Brenet,  op.  cit., 
pp.  67  et  suiv. 

4.  Un  luthiste  du  nom  de  G \li.ot  mourut  à  Vilna  en  1647;  il  était 
au  service  de  Wenceslas  IV  de  Pologne  (Sowisskï,  Les  Musiciens 
polonais.  Paris  (1857),  p.  207. 

5.  LiNDGur.N  {op.  cit.,  pp.  4  et  suiv.)  a  transcrit  sept  pièces  de  Ch- 
MoDToN.  But  OF.R  en  a  transcrit  deux  dan»  le  deuiiènie  cahier  de  son 
Alte  Lnutenkunst, 

5.  Bibliographie.  —  H.-D.  BrGgkh,  op.  cit.,  Heft  I;  — 
J.-P.-N.  Land,  Ilel  lidlboekvan  Tliysius,  Amsterdam  (1889);  — 


l'Horlus  musarum  {l'6n-2-i'6'63)  contient  des  transcrip- 
tions de  chansons,  des  airs  au  lulh,  des  danses,  puis 
des  pièces  à  deux  luths.  Kii  lSo9  J.  Matelart  publie 
des  ricercari  ou  fantaisies,  dont  plusieurs  compor- 
tent également  l'emploi  de  deux  instruments,  pen- 
dant que  Phalèse  continue  ses  éditions  de  recueils 
de  luth.  On  peut  encore  citer,  parmi  les  luthistes  des 
Pays-Bas,  S.  Vreedman  (1569),  E.  Adriansen  (1589)% 
qui  organise  des  pièces  pour  trois  et  quatre  luths  et 
ordonne  les  airs  de  danse  par  tonalités,  puis  Van 
DEN  HovE,  de  1601  à  1616,  J.  Vermeulen,  dont  le  fils 
Philippe  était  théorbiste.  En  1626,  A.  Valerius  fai- 
sait paraître  une  collection  d'airs  nationaux  accom- 
pagnés au  luth;  enfin  un  excellent  virtuose,  Jacques 
de  Saint-Luc,  qui  jouait  du  luth,  du  théorbe  et  de  la 
guitare,  et  dont  la  production  s'étend  jusqu'aux 
premières  années  du  .wiii"  siècle,  pratique  le  leijato 
italien  et  écrit  des  pièces  de  style  galant  qui,  le  plus 
souvent,  associent  le  luth  au  violon. 

École  anglaise  '• 

En  Angleterre,  où,  dès  1574,  parait  une  traduction 
de  Y  Instruction  d'A.  Le  Roy,  et  où  W.  Barlev  publie 
(1596)  un  traité  pédagogique,  une  brillante  école  de 
chant  au  luth  se  développe  sous  l'action  de  l'émi- 
nent  luthiste  qu'était  John  Dowland  (1562-1626)'. 
Son  premier  recueil  (1597)  lui  valut  une  immense 
réputation,  et  fut  suivi  de  trois  autres  livres  d'airs 
accompagnés  au  luth.  Dowland  possède  des  qualités 
de  mélodiste  et  d'harmoniste  qui  lui  assurent  une 
des  premières  places  parmi  les  luthistes  européens; 
c'est  lin  musicien  sobre,  émouvant,  concentré;  il 
adjoint  souvent  au  luth  d'accompagnement  une  viole 
de  gambe.  A  côté  de  lui,  nous  citerons  Th.  Campian, 
qui,  postérieurement  à  1612,  donne  des  airs  pour 
voix  et  lulli,  dont  le  caractère  dilfère  de  ceux  de 
Dowland  par  un  enjouement  galant,  puis  des  madri- 
galistes,  comme  Th.  Morley  (1600),  Ph.  Rosseter 
(1601),  Th.  FoRD  (1607)  qui  approche  du  style  récitatif, 
Robert  Jones  (1609),  Fr.  Pilkington,  M.  Cavendish, 
J.  Rartlet,  j.  Maynard,  J.  Attey.  Le  fils  de  Dowland, 
Robert,  dans  son  recueil  de  1610,  manifeste,  en 
traitant  les  airs  de  danse,  de  tendances  qui  le  rat- 
tachent aux  virginalistes.  D'autres  luthistes,  comme 
.41.  Ferahosco  et  J.  Cooper  ou  Coprario,  travaillent  à 
la  musique  des  Masks,  où  une  large  place  est  faite 
au  luth'".  C'est  Walter  Porter  (1032)  qui  marque  la 
fin  de  l'école  anglaise  de  chant  au  luth.  Ses  niadri- 


Ch.  Van  den  Borrbn,  Les  Origines  de  la  musique  de  clavier  dans 
les  Pays-Bas,  Bruxelles  (1914);  —  E.  Van  ber  Straeten,  La 
Musique  aux  Pays-Bas,  Bruxelles  (1867-1888);  —  Jacques  de  Saint- 
Luc,  luthiste  Alkois  du  dii-seplième  siècle,  Bruxelles  (18S7). 

7.  Une  pièce  d'AoïiiANSEN  est  transcrite  dans  le  11"  cahier  de  VAlte 
Lautenkunst  de  H.-D.  BniiGEB. 

8.  Bibliographie.  —  H.-D.  BrDger,  JoIui  Dowlands  Solo- 
stûchf  fur  du-  Laule,  Berlin  (1923);  —  J.  Dodge,  On  Lutenists  ami 
Luie  Musik  in  England  (Eulerpe,  vol.  7,  190S)  ;  —  E.-H.  Fellowes, 
The  Kniilish  School  of  Lulcni.it  Souywriler.s,  Londres  (1920);  — 
A.  IIammebich,  Musical  relations  hctween  Enyland  and  Denmark  in 
Ihe  Sevenleenth  century  (/.  il.  G.,  ocl.-déc.  1911);  —  W.  Naoel, 
John  DowUml's  yecessarie  Observations  belonging  lo  Lute-playing 
{il.  f.  il.,  1891);  — NoRLiND,  La  l.usique  anglaise  de  luth  au  temps 
de  Shakespeare,  Londres  (1911);  —  H.  Riemann,  Handbuch  der 
ilusikgeschichle,  Leipzig  (1911).  —  Cu.  Van  drn  Borken,  Les 
Origines  de  la  ilusiqiie  de  clavier  en  Angleterre,  Bruxelles  (1912). 
—  Lu  Musique  anglaise  du  temps  de  Shakespeare  {Revue  musicale, 
juin  1923). 

9.  E.-H.  Feli.owes.  op.  cit.,  pp.  304-328. 

10.  Sur  le  rôle  du  luth  dans  les  Masks  anglais,  voir  :  P.  Reyer,  Les 
Masques  anglais,  Paris  (I9U0),  pp.  427  et  suiv. 


TECHNIQUE.  ESTHÉTJni'E  ET  PEDAGOCIE 


LE    LUTH    1(183 


gaux  à.  plusieurs  voix  admettent  la  participation 
d'un  véritable  orchestre  comprenant,  notamment,  le 
luth  et  le  théorbe.  Durant  la  seconde  inoilié  du 
XVII''  siècle,  Thomas  Mage  (vers  1613-1709)  doime, 
après  l'ouvrage  pédagogique  de  Th.  Rouinson  (1603), 
une  importante  méthode,  Muaick's  Monument  (1676), 
dont  la  deuxième  partie  se  consacre  au  luth.  Celle-ci 
contient  des  «  Lessons  )  comportant  des  préludes, 
des  fantaisies  et  des  danses  dont  plusieurs  sont  spé- 
cifiquement anglaises'. 

École  polonaise-. 

En  Pologne,  durant  le  xvi'  siècle,  la  musique  de 
luth  prend,  comme  dans  toute  l'Europe,  un  dévelop- 
pement considérable.  Le  Transylvain  Valenlin  (iaEFF, 
dit  BAKK.iRK  (lr)07-l.'i76),  qui  s'était  formé  auprès  du 
Padouan  Rotta,  résida  en  Pologne  à  plusieurs  re- 
prises; il  jouait  du  luth  de  façon  incomparable,  et 
donna,  en  1532  et  en  l^fio,  deux  livres  de  luth,  notés 
en  tablature  italienne.  Ses  transcriptions  de  compo- 
sitions vocales  témoignent  de  sa  nature  impérieuse 
par  les  transformations  souvent  radicales  qu'il  fait 
subir  aux  textes  originaux.  Il  publie  des  cliansons 
polonaises,  avec  des  séries  de  "  mordants  »  caracté- 
ristiques, des  ricercari  et  des  fantaisies  où  s'affichent 
son  intransigeante  personnalité,  son  goût  du  chro- 
matisrae  et  ses  innovations  harmoniques.  Un  autre 
luthiste,  Albert  Dlugoray,  représenté  dans  le  Thé- 
saurus de  Busard,  imprime  h.  ses  danses  un  faciès 
nettement  national,  comme  Dioraedes  C.vto,  et 
comme  Jagor  Polonais,  dont  les  pièces  dispersées 
dans  divers  recueils  sont  entraînantes  et  fortement 
rythmées.  Les  danses  polonaises  figurent  fréquem- 
ment dans  les  tablatures  allemandes  de  la  fin  du 
xvi«  siècle. 

Enfin,  nous  rappellerons  ici  l'école  espagnole  de 
vihuela,  si  remarquable  au  xvi"  siècle,  et  qui,  con- 
trairement à  l'assertion  de  Rafaël  Mitjana,  doit  être 
comptée  au  nombre  des  écoles  européennes  de 
luth^. 

LlO.NEL  DELA  LAURENCIE. 


III 

TECHNIQUE   ET   PÉDAGOGIE 

Le  Père  Mersenne  déclare,  en  1636*,  (c  qu'encore 
que  plusieurs  habiles  hommes  aient  cultivé  l'art  de 
jouer  du  luth  avec  adresse  et  dextérité,  il  n'y  a  néan- 
moins qu'Adrien  Le  Roy^  qui  ait   donné  par  écrit 

1.  J.  Hawkiws.  dans  sa  General  Bistory  of  Music  (1776),  donne 
(t.  IV.  pp.  459,  461 1  deux  pièces  de  lutb  de  Mace. 

2.  Bibliographie.  —  A.  Chybinski,  Polniscke  Musik  und  Mii- 
sikkultur  îles  lil  .hihrhiinderls  (/.  M.  G.  19!  1-1U12)  ;  —  A.  Koczirz, 
Deiikmâler  lier  Musik  in  Oeslerreich,  18°  annùe  ;  —  T.  Norlind, 
ZurGeschiehle  lier  pnlnischen  Tànze(I.  M.  G.,  juillet-oct.  1906);  — 
H.  Opienski,  Lu  Musique  polouaise,  Paris  (191S);  — Jacot/  Polo- 
nais et  Jacob  Reijs  (Riemann  Fesischrift,  Leipzig  (1909);  —  A.  Po- 
LiDSKi,  Geseliiehle  lier polnischen  ilusik  im  Vmriss,  Lemberg  (1907)  ; 
—  A,  SowiNSKi,  Les  Musiciens  polonais  ci  slaves,  Paris  (1857).  — 
E.  Pdjol,  art.  Giiilare{V.  plus  loin). 

3.  Sur  les  viliuelisles  espagnols,  voir  :  R.  Mitjana,  Encijclopédie  de 
la.  Musique f\..  IV,  pp.  2017  et  suiv.  — G.  Mouphy,  Les  luthistes  espa- 
gnols du  seizièuip  siècle,  Leipzig  (1002)  ;  —  H.  Riemann,  Vas  Lauten- 
werk  desMiijuel  de  Fuenllana  (1554)  (M.  f.  M.,  1893);  —  E.-M.ToBNEn 
Coleccion  de  vihuelistas  espatloles  del  sif/lo  XVl,  Madrid  (1923). 

4.  Harmonie  Universelle.  Livre  second  (Instruments  à  cordes). 

5.  Instruction  de  partir  toute  musique  des  huit  tons  en  tablature 
de  luth.  In-4''  obi.,  Paris,  1557.  Adrien  Le  Roy  et  Robert  Bai.laad. 

On  ne  possède  actuellement  aucun  exemplaire  de  cet  ou\rage,  men- 


quelques  préceptes  do  son  iiistructiotj.  Ils  ont  peut- 
être  cru,  dit-il,  acquérir  plus  degloirci  à  tenir  cet  art 
caché  qu'à  le  divulguer,  de  là  vient  que  les  pièces 
qui  sorlonl  de  leurs  mains  ne  sont  Jamais  touchées 
selon  leur  intention,  si  premièrement  elles  n'ont  été 
ouïes  ou  apprises  d'eux-mêmes.  » 

il  semble,  en  effet,  que  les  luthistes,  jaloux  de  con- 
server les  procédés  d'exécution  propres  à  chacun 
d'eux,  n'ont  guère  enseigné  la  prati(|ue  de  leur  instru- 
ment qu'en  particulier.  Dans  un  petit  livre  de  tabla- 
ture de  luth,  intitulé  poétiquement  Le  Secret  cfesJl/uses'', 
Nicolas  Vallet  reconnaît  que  «  tant  de  capables,  suffi- 
santsel  gravesauteurs  i>  ontdonné  des  préceptes  pour 
l'étude  du  luth  en  termes  si  peu  accessibles,  «  que  la 
Jeunesse  ni  la  plupart  des  amateurs  de  cet  art  n'y 
peuvent  mordre  ".Nicolas  Vallet  essaye  d'être  plus 
intelligible  que  ses  prédécesseurs,  mais  son  discours 
de  trois  pages  est  vraiment  trop  sommaire  pour  nous 
éclairer  d'une  façon  satisfaisante  sur  «  la  vraye  con- 
gnoissauce  du  vray  maniement  du  luth  »,  ainsi  que 
l'annonce  le  titre  prometteur. 

On  peut  toutefois  arriver  à  reconstituer  la  tech- 
nique du  luth  en  réunissant  les  éléments  théorico- 
pratiques  épars  dans  les  ouvrages  des  luthistes, 
malgré  leur  obscurité  parfois  déconcertante. 

Une  trop  longue  énumération  serait  nécessaire 
pour  signaler  tous  ces  ouvrages.  Nous  en  citerons 
seulement  quelques-uns  parmi  les  principaux: 

D'abord,  le  précieux  livre  de  tablature  de  Pierre 
Attainonant,  imprimé  à  Paris  en  13-29,  dont  un  seul 
exemplaire  connu  appartient  actuellement  à  la  Biblio- 
thèque de  Berlin.  En  voici  le  titre  :  Tn-s  brève  et 
familii're  introduction  pour  entenilre  et  apprendre  par 
soi/mc.'<me  lï  jouer  toutes  cliansons  reiluicics  en  la  tabu- 
lattire  de  lutz,  avec  la  manière  d'accorder  ledit  lutz. 
Ensemble  XXXIX  chunsons  dont  la  plupart  d'icellcs 
sont  en  deux  sortes,  c'est  assavoir  à  deux  parties  et 
la  musique,  et  à  troys  sans  musique.  Le  tout  achevé 
d'imprimer  le  VI  jour  d'Octobre  lo29  par  Pierre 
Attaingnant,  etc.  »  —  (Voir  Wasielewski,  Geschichte 
der  Iiistrumentalmusik,  etc.,  page  126,  exemple  n°  5. 
Berlin,  1878.) 

Un  traité  allemand  de  Jean  Gerle",  luthiste  à  Nti- 
remberg.  édité  en  Iu37,  nous  livre  les  secrets  de  la 
tablature  allemande;  la  quatrième  partie  contient 
de  nombreux  renseignements  sur  le  luth  à  six  et 
sept  cordes,  et  indique  la  façon  d'en  jouer,  ainsi  que 
de  reconnaître  les  bonnes  et  les  mauvaises  cordes, 
d'accorder,  de  chill'rer  le  manche,  etc. 

Une  autre  méthode,  imprimée  à  Louvain  en  154S, 
par  Jacques  Bathen  et  Reynier  Velpen",  pour  Pierre 

tionné  par  Fétis  dans  sa  Biographie  Universelle  des  .Musiciens, 
tome  V,  page  280.  Une  traduction  anglaise  en  fut  publiée  en  1574  : 
A  briefe  aud  plaine  Instruction  to  set  ail  .Vusicke  of  eight  divers 
tunes  in  Tablature  for  the  lute.  Wlut  a  brief  Instruction  hoif  to  platj 
on  the  lute  by  Tablature,  to  conduct  and  dispose  thy  hand  unto  tlie 
lute,  irilh  certaine  easies  lessons  for  that  purpose.  And  also  a  third 
booke  containing  divers  new  excellent  time.i.  AH  first  written  in 
French  by  .idrian  Le  Rov,  and  now  translated  into  English  by 
.l.-K.  (Kingston)  genllefian.  Inprinted  at  London  by  James  Rowbos 
thnm,  and  are' to  lie  sold  in  Pater  Noster  Rom  at  the  signe  of  the 
lute.  Anno  1574. 

6.  Nicolas  Vallet  (1618-1619). 

7.  Jean  Geiu-e  ;  Traduction  du  titre  qu'on  trouve  dans  la  Itîoyraphie 
des  .Musiciens  de  Fétis  :  Musica  en  allemand  pour  les  instruments, 
les  grandes  et  les  petites  violes,  aussi  les  lutbs,  indiquant  la  manière 
de  l'ordonner  (la  musica)  et  transcrire  selon  les  principes,  etc.  Hans 
Geiîle,  luthiste  à  Niiremberg,  1537. 

8.  Des  Chansons  réduictz  en  tablature  de  lut  à  deux,  trois  et 
quatre  parties,  .ieec  une  bresve  et  familiaire  Introduction  pour  en- 
tendre et  apprendre  par  soy-mesme  et  jouer  dudict  lut.  Livre  pre- 
mier. Tout  nouvellement  imprimé  à  Louvain  par  Jacques  Bathen  et 
Reynier  Velpen,  aux  dépens  de   Pierre  Phaleys,  Libraire.  L'an  de- 


1984 


ENCYCLOPEDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Phalèse,  prétend  initier  les  amateurs  aux  délices  de 
la  musique  de  luth.  On  y  appiend  (en  quelstermes  !) 
que  «  ces  doux  accords  elprolations  peuvent  au  lieu 
de  médecine  suarir  et  réparer  le  corps,  vendre  force 
et  vertu  »,  etc.  Après  un  discours  d'une  touchante 
naïveté  adressé  au  «  Béning  lecteur  »,  l'auteur  se 
débat  dans  des  explications  follement  compliquées 
pour  essayer  d'exposer  les  principes  rudimentaires 
de  son  art  : 

1°  pour  savoir  les  voix  ou  les  sons; 

2°  pour  savoir  trouver  les  tons  ; 

3°  s'ensuit  du  temps  ou  des  mesures  et  pauses; 

4  "  pour  savoir  mettre  les  doigts  ; 

5"  pour  savoir  tendre  et  accorder  les  cordes. 

On  trouve,  à  la  fin  du  Discours  non  plus  mélan- 
colique que  diveis,  d'un  auteur  anonyme,  paru  en 
1557',  la  manière  de  bien  et  justement  entoucher  les 
lues  et  guiternes.  Ce  discours  a  été  reproduit  par 
M.  Wecrerlin  dans  le  nouveau  Musiciana,  p.  104  à 
119,  1890.  Il  explique  comment  on  doit  monter  le 
luth  à  cinq  ou  six  cordes,  et  diviser  le  manche  en 
demi-Ions. 

Jean-Baptiste  Besard  nous  donne  l'explication  des 
signes  de  tablature  contenus  dans  son  Thésaurus 
Harmonicus-,  et  indique  quelques  doigtés  d'accords. 

Le  maître  de  luth  Jean  Basset  publie  enfin,  dans 
VHarmonie  Universelle  du  Père  Mersenne',  une  véri- 
table méthode  de  luth,  qui  n'a  d'équivalente  que  celle 
de  Thomas  Mage''. 

Ces  deux  derniers  ouvrages  sont,  à  proprement 
parler,  les  plus  sérieux  et  les  plus  documentés.  Nous 
y  reviendrons  plus  longuement  tout  à  l'heure. 

Les  luthisles  faisaient  souvent  précéder  leurs  com- 
positions d'une  introduction  dans  laquelle  ils  don- 
naient quelques  conseils  pratiques.  Les  recueils  de 
pièces  gravées  de  Nicolas  Vallet»,  Denis  Gaultier" 
Perrine'',  etc.,  nous  fournissent  quelques  exemples. 

Nous  ne  pouvons  entreprendre  ici  la  bibliographie 
de  tous  les  ouvrages  ayant  traité  du  luth  ;  nous  nous 
efforcerons  seulement  de  résumer  l'ensemble  des 
connaissances  acquises  à  leur  étude. 

Il  a  été  question,  plus  haut,  de  l'origine  du  luth  et 
de  son  évolution,  nous  ne  présenterons  donc  l'ins- 
trument, dans  ce  chapitre,  qu'à  partir  du  moment  où 
sa  technique  a  pris  quelque  consistance,  c'est-à-dire 
vers  la  fin  du  xv"  siècle.  Monté  primitivement  de 
quatre,  cinq  et  six  chœurs'  de  cordes,  il  arriva  à  en 


grâce  MDXLV.  In  4°  obi.  {Bibliothé(|ue  de  la  ville  de  Besançon). 
Van  der  Straeten  a  cité  une  autre  édition  de  cet  ouvrage  cliez  Pierre 
Ph\lèse  à  Louvain  en  1575,  dans  la  Musique  aux  Pays-Bas,  tome  II, 
p,age  40i.  M.  Brenet  supposait  que  ce  volume  était  une  réimpression. 
de  celui  d'A-rrAiNGrTXNT.  (Voir  Notes  sur  l'histoire  ihi  luth  en  Franev, 
p.  i*.) 

1.  Attribué  successivement  à  Bonaventure  Despériers,  Elle  Vinet 
et  enfin  î\  .lacques  Pelletier  du  Mans,  par  A.  Chenevière  {Bonaven- 
ture des  Pfbners,  etc.,  1885,  p.  241j. 

2.  Thésaurus  harmonicus  divini  Lnurencini  Romani,  necnon  prnes 
tantissimorum  musicorum  qui  hoc  strculo  in  diversis  orbis  partibus 
excetlutit.  selectissimn  omnis  f/eneris  canfus  in  test.,  etc.,  per  Joan- 
nem  Baptistam  BESAnona,  Vesontinum,...  MBCIII. 

3.  Harmonie  Universelle  du  F'ère  Mersenne,  i6:î6.  Second  livre 
des  instruments.  Proposition  IX. 

4.  Miisick's  Monument,  1670.  Thomas  Mage  (Bibliothèque  du  Con- 
servatoire de  Paris  et  nombreuses  Bibl.  étrangères). 

5.  Nicolas  Villet:  Le  Secret  des  .Muses  (1C18-IG19). 

6.  Pièces  de  luth,  de  Denis  Gacetier  sur  trois  modes  nouveaux, 
in-12|. 

7.  Perrine  :  Livre  de  musique  pour  le  lui,  Paris,  1679,  in-rol.  obi. 
Pièces  de  luth  en  musique  avec  des  règles  pour  toucher  parfaitement 
sur  le  luth  et  le  clavecin,  in-S"  obi. 

8.  Un  a  chœur  »  sur  le  luth  est  la  réunion  de  deux  cordes  à  Pu- 
'DiasoD  ou  à  l'octave. 


compter  jusqu'à  douze  et  même  davantage  à  la  fin 
du  xvii'"  siècle.  La  chanterelle  était  généralement 
simple,  les  autres  cordes  étaient  doubles  et  ne  comp- 
taient que  pour  une;  ainsi,  le  luth  dit  à  cinq  cordes 
en  comprenait  réelleraenl  neuf,  celui  à  six  cordes, 
onze,  etc. 

Le  luth  à  cinq  cordes  fut  usité,  comme  on  l'a  vu, 
jusqu'à  la  seconde  moitié  du  xv=  siècle;  vint  ensuite 
celui  à  six  cordes  employé  jusqu'au  xvii'"  siècle;  mais, 
en  vérité,  il  y  avait  une  grande  variété  d'instruments, 
et  le  nombre  des  cordes  n'était  pas  fixé  d'une  façon 
absolue.  Le  manche  du  luth  était  divisé  en  neuf  cases 
pour  indiquer  les  demi-tons.  Ces  cases  étaient  for- 
mées par  des  barres  de  cordes  nouées. 

On  accordait  souvent  la  chanterelle  à  une  octave 
inférieure,  parce  que  la  corde  ne  supportait  pas  une 
plus  forte  tension;  quelquefois  même,  on  était  obligé 
de  baisser  éf,'aleinent  le  second  rang;  en  elfet,  la 
grosseur  des  cordes  devant  être  proporlionnelle  à 
la  longueur  comprise  entre  le  chevalet  et  le  sillet, 
il  arrivait  qu'on  ne  pouvait  trouver  de  cordes  assez 
fines  pour  les  grands  luths. 

Mais,  ainsi  que  le  fait  judicieusement  observer 
Mage',  «  faute  d'une  petite  corde  de  dessus,  la  grâce 
et  la  légèreté  des  pièces  s'évanouit  tout  entière  et 
les  airs  sont  fort  altérés  ». —  Le  montage  de  l'instru- 
ment était  diflîcultueux,  le  choix  des  cordes  délicat. 
PRiETORius  donne*  à  ce  sujet  une  quantité  de  rensei- 
gnements précieux  et  d'une  justesse  remarquable 
{Syntagma  musicum...  De  Organographia,  cap.  XXV). 
Mersenne  également,  quoiqu'il  soit  moins  clair  et 
moins  précis'".  Baron  traite  aussi  longuement  la  ques- 
tion dans  son  livre  intitulé  :  E.camen  historique,  théo- 
rique et  pratique  des  instruments^'...  Il  parle  des 
préjugés  qui  discréditent  l'emploi  du  luth  :  l'accord 
continuel  et  désagréable,  la  grande  dépense  pour 
l'entretien  des  cordes  dont  le  prix  était  si  élevé  que 
.Mattheson'-  disait  :  «  Il  en  coûte  autant  d'entretenir 
un  luth  en  bon  état  que  de  nourrir  un  cheval.  »  Le 
même  Mattheson  prétendait  aussi  qu'un  luthiste  de 
quatre-vingts  ans  aurait  bien  passé  soixante  ans  de 
sa  vie  à  s'accorder,  «  et  ce  qui  est  pire,  ajoutait-il, 
c'est  que  sur  cent  joueurs,  il  est  difficile  d'en  rencon- 
trer deux  capables  de  le  faire  convenablement  »... 

Thomas  Mage  se  chargeait  de  tenir  des  luths  tou- 
jours prêts  pour  l'exécution,  moyennant  trois  shillings 
par  trimestre.  Pour  les  monter  la  première  fois  de 
cordes,  il  prenait  dix  shillings'''. 

Il  nous  dira  avec  quelle  sollicitude  un  amateur 
devait  entretenir  son  luth  en  bon  état"  :  «  Vous  ferez 
bien,  si  vous  le  mettez  de  côté  pendant  le  jour,  de  le 
placer  dans  un  lit  qui  soit  en  constant  usage,  entre 
les  couvertures,  mais  jamais  entre  les  drajis,  parce 
qu'ils  pourraient  être  moites.  C'est  la  plus  sûre  et  la 
meilleure  place  pour  le  conserver.  11  y  a  beaucoup 
de  grands  avantages  à  faire  ainsi  :  vous  empêcherez 
vos  cordes  de  se  rompre;  vous  conserverez  votre  , 
luth  en  bon  ordre,  de  sorte  que  vous  aurez  peu  de 
dérangement  dans  son  accord  ;  il  résonnera  plus  bril- 
lamment et  plus  agréablement  ;  si  vous  avez  une  occa- 
sion extraordinaire  de  mettre  votre  luth  à  un  diapa- 


fl.  .Mu^ick's  Monument,  1676. 

10.  Mersenne,  Harmonie  Universelle.  2"  Livre.  Propositions  1.  Il 
et  III. 

11.  Titre  en  allemand,  traduit,  in-S",  Niiremberg,  1727,  etc. 

12.  Das  neu  erôffnete  Orchester,  171 H. 

13.  Henri  Qimttard,  Le  Théorie,  Itei'ur  S.  l.  .)/.  du  15  avril  l'iKi 
(page  22S). 

14.  Thomas  Mace,  Musick's  .Monument,  1676.  Seconde  partie,  traité 
du  luth. 


rECHXIjX'E,  ESTHÉTIQUE  ET  PÈDACOGIE 


LE    LUTH    1985 


son  plus  élevé,  vous  pourrez  le  faire  sans  accident, 
taiiiiis  cnie  vous  ne  sanriezy  parvenir  sans  mellre  en 
danger  votie  insliiimeni  et  vos  cordes;  ce  sera  une 
srti'eté  pour  votre  lulli,  ipii  sera  préseivé  dn  délalire- 
rnent;  vous  éviterez  beaucoup  de  dég.U  en  entpè- 
rhant  les  barres  de  se  roin|ire,  et  la  laide  de  s'enlon- 
cer  ;  et  ces  six  avanlagrs  reunis  doivent  en  produire 
lin  septième  qui  est  de  facilitiT  certainenienl  le  jeu 
du  inlli  et  de  le  rendre  lieaucoiip  plus  délicieux.  Seu- 
lement, il  ne  tant  pas  être  assez  étourdi  pour  se  jeter 
sur  le  lit  pendant  que  le  lulh  y  est,  car  j'ai  vu  quel- 
ques bons  lutlis  abîmés  par  un  tel  coup...  » 


ArpoFtl  du  luth. 

Au  XVI*  siècle,  "  le  vieil  ton  »  était  l'accord  clas- 
sique servant  de  base  à  tons  les  autres:  on  employait 
aussi  coiirammenl  l'accoid  dit»  à  cordes  avalées  •>. 
Plus  lard,  au  milieu  du  xvii«  siècle,  ce  lut  l'accord 
«  nouveau  ou  extraordinaire  »  qui  prévalu!,  mais 
on  discordait  facilement  le  lulb  pour  jouer  dans  le 
Ion  de  la  cliévre,  dans  celui  des  Juif'^,  dans  le  ton 
enrliumé',  etc.,  el  on  modiliait  les  cordes  de  basse 
suivant  la  tonalité  dn  morceau. 

On  trouvera  ci-dessous  une  table  des  différents 
accords  les  plus  courants  : 


I 


1°    Accord  dit 
°  Vit  1  Ton 


2°  Accord  d'Adrien  bémol 


Le  Roy 

5?  Accord  employé  par 
Anthoine  Trsncisque 
(Luth  à  Scordes) 

4°     Accord  dit 
"à  cordes  avallees  " 

5?    Accord  emploie 
pac  Mace 

6°         Accord 

"Nouveau  on  extraordinaire 


7?Ton  de  la  Chèvre 


8! 


Accord 


de  Perririfi,  Baron  : 


9  Accords  pour  la  Famille 
des  Luths  allemands 

(d'après  Mahillon) 


Lemplo^é  par  Francisque, Bêsard,  etc. 

1^         . 


par  bémol 


Luth  soprano 


Grosse  8".' Laute 
Grand  Lulh  octave 


par  bécarre, le  même  que 
l'accord  nouveau, ex  6° 


^ 


i»- 


On  pouvait  accorder  les  chœurs  à  l'unisson  ou  à 
l'oclave,  selon  le  gré  de  l'exécutant. 

Parmi  les  instruments  dérivés  dn  lutli  nous  cile- 
Varchiliith,  comprenant  deux  chevilliers,  dont  l'un, 
en  deliors  du  manche,  ne  complaît  que  des  cordes 
pouvant  être  jouées  à  vide;  le  nombre  des  touches 
sur  le  manche  était  le  même  que  celui  du  luth,  son 
accord  identique  ;  seul,  son  lon^  chevillier  le  dilTéreii- 
ciait.  Il  élait  monté  de  quatorze  cordes;  la  chante- 
relle était  généialeraeiiL  simple,  les  cinq  cordes  sui- 


1.  Antoine  Frvncisqoe,  Le  Tréso'-  '/'Orph>'e,  Paris,  160D,  in-fol. 
Copyright  by  Librairie  Delagrave,  19i7 . 


vantes  doubles,  el  les  cordes  de  basse,  en  dehors  du 
manche,  simples. 

Le  ihéorbe,  employé  surtout  pour  l'accompagne- 
ment, était  uni  nsl  ru  meni  dont  l'aspect  était  à  peu  près 
sembliilile  à  celui  de  l'aichiluLh,  sauf  que  le  manche 
était  beaucoup  plus  long.  Le  nombre  des  touches  sur 
le  manche  était  également  de  neuf;  les  cordes  du  pre- 
mier chevillier  étaient  généralement  simples. 

Dklair2  tixe  le  nombre  total  des  cordes  du  Ihéorbe 


2.  Delair,  Traité  d'accompagnement  pour  If  tliéorbr  et  te  clavecin, 
l'aris.  16110. 

125 


19K6 


ESCYCLOPÈDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


a   quatorze.   Prstorius'     nous   dit   que   le    thoorhe 
padoiiaii  avail  huit  cordes  sur  la  lourlie,  et  le  théorbe 
romain  six,  les  autres  cordes  en   dehors  :  six,  pour 
le  premier,  huil,  pour  le  second. 
Il  explique  aussi  que  les  théorbes  fabriqués  à  Rome 


et  appelés  chilarroni  possédaient  de  si  longs  man- 
ches qu'ils   arrivaient  à  atteindre  avec  le  corps  de 
l'nistrument  jusqu'à  six  pieds  et  demi  et  deux  pouces. 
LaccortI  du  théorbe  était  ainsi  fixé  : 


^ 


11' cheviller  (théorbe  padouan)      1  I  2'?  cheviller 


m 


^   'l^^'-^^i^^ 


l'/ cheviller  (théorbe  romain)  ';  |         2^  cheviller 


Vangélique  était  une  sorte  de  théorbe,  qui  comp- 
tait dix-sept  cordes  simples  accordées  pardepréscon- 

Accord  : 


joinls,  ce  qui  simpliliait  beaucoup  son  jeu;  le  man- 
che était  divisé  en  dix  touches. 


^^TTTff 


Il  existe  une  lable  de  rapport  de  l'élendue  des  voix 
et  des  instruments  de  musique  comparés  au  clavecin, 
dans  le  Mémoire  sur  l'Acoustique  de  J.  Sauveur  publié 

en  176"-. 

I\ot:ilion. 

La  musique  de  luth  était  écrite  en  tablature  Les 
luthistes,  qui  avaient  emprunté  ce  procédé  aux  orpa- 
nisles,  le  trouvaient  si  commode  qu'ils  ne  voulurent 
jamais  y  renoncer,  malpré  les  récriminations  des 
musiciens  de  leur  temps.  Agricola  prétendait  que 
latahlature avait  été  inventée  par  un  aveugle^;  c<  cette 
malice  ne  m'étonne  pas  de  sa  paît,  disait-il,  quand 
les  clairvovants  oui  assez  de  peine  pour  apprendre 
avec  leurs  deux  yeux  grands  ouverts*.  » 

Vers  1680,  Perbine  '  lit  paraître  son  premier  vol  unie 
de  pièces  de  luth  mises  en  musique,  mais  il  était  trop 
tard  pour  réagir  contre  l'habitude  de  ia  lahiatiiie, 
et,  d'auti'e  pai't,  l'usage  du  luth  se  perdait  (h'jà. 

La  tablature  ditl'érait  selon  les  pays.  On  peut  en 
compter  ijuatre  principaux  svstènies  : 

1"  La  tablature  française,  qui  s'écrivait  sur  cinq 
lignes  auxquelles  on  ajouta  une  sixième  à  pailir  du 
xvn"  siècle.  Ces  lignes  représentaient  les  cordes  du 
luth, en  faisant  partir  la  chanterelle  de  la  ligne  supé- 
rieure : 

I  re   

2'     


3<î 


Les  cases,  qui  devaient  êlie  touchées  par  les  doigts 
de  la  main  gauche,  étaient  (igurées  par  des  lettres  pla- 
cées sur  ou  entre  les  lignes  :  n,  pour  la  cor'le  à  vide  ; 
6,  pour  la  première  case  ;  c,  pour  la  deuxième,  etc. 
Par  exera|de,  un  b  sur  la  troisième  ligne  indiquait 
qu'il  fallait  jioser  le  doigt  sur  la  première  case  de  la 
troisième  corde,  un  c  sur  la  quatrième  ligne,  poser 
le  doigt  sur  la  deuxième  case  de  la  quatrième  corde  : 


dt 


I        Pv. 


^ 


iUl 


-â-=- 


Si 


I./is     iJisfts  fcufirs  aux  pieds  de  l.i  cruel- 


M    b 

b    h 

*» 

-» 

T) 

b 

A      <« 

^ 

H   -B 

-0       b 

b 

f 

-» 

b    « 

b 

\     ^W      T 

c 

-» 

M. 

«• 

r    b 

-o 

\^ 

Tablature  française,  avec  partie  vocale. 


f 


jr  ,^r  g.  <»■  r  g.  |> 


X 


L  i  r  fi-  r  j. 


11^    yuj    i.M  i\  ,  1-)^ 


f^-r'-^^  h,  y^^  ^r^^;kà^t^±^^=^^^ 


w 


E 


Tablature  française  employée  en  .Angleterre.  —  lord  Zoiiche's  llask  (Brilisli  Muséum}. 


1     Si/iilai/nuL  Miisiciim.  Dr  Orqanuiiriiphxa,  rap.  XXV. 

2.  Insér'^  dans  le  recueil  île  rA':nleiiiie  «les  S'-ipmes. 

3.  Il  s"agissHiL  lie  Knnrad  Paumann.  qui  naquit  aveugle  à  Niirem- 
bcrg  au  ciimmciiccmeul  du  XV'  siècle  (Kif.sevvettf.k,  Gescliiclile  der 
europxisch-atimillieiiilischen,    oder  wiscrer  heutigen    Musik,   1834, 


p.  n!1).  Vnir  IFrtis  :   BiOi/ropIljeldi'S  Mvsiciei'S.   loni      VI.   page   468. 

4.  Aguicola  Martin,  Musique  instrumentale  ea  aii  imund,  Witieni- 
berg,  \53-2. 

5.  pERBiNr,  Livre  de  Musigue  pour  le  lut    Iliibliolh.    Nalinnale, 
Paris). 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  l'ÉDAGOGII' 


LE   LUTH    1987 


\,;\  ini^siire  était  indiquée  au-dessus  de  la  pnriéi'. 
A  p.iitir  du  xvn'  sie.'le,  les  cordes  di;  basse  supplé- 
mentaires ajoutées  au  luth  étaient  indiquées  au-des- 
sous des  lignes  de  la  façon  suivante  : 


"  /a.    //a  ///a  4567 

2°  La  tablature  italienne,  qui  comptait  six  lignes 
dès  le  xvie  siècle,  devait  se  lin-  di^  lia>  en  haiil.  La 
chanterelle  était  représentée  parla  ligne  inférieure. 
De  phis,leslellrfS  étaient  remplacées  par  des  chiffres  : 
0  pour  la  corde  à  vide,  1  pour  la  première  case,  2 
pour  la  deuxième,  etc.  : 


Le  0  sera  la  chanterelle  à  vide,  le  2  de  la  deuxième 
ligne  indique  qu'il  faudra  poser  un  doigt  de  la  main 
gauche  sur  la  deuxième  case  de  la  deuxième  corde, 
et  le  3  de  la  troisième  ligne  sur  la  troisième  fa>e  de 
la  troisième  corde. 

3°  La   tablature  espagnole   était  semblable  à  la 
tablature  italienne,  et  se  lisait  de  haut  en  bas  ou  de 


bas  en  haut,  suivant  les  auteurs.  (Juand  la  tablature 
de  luth  contenait  une  partie  de  chant,  celle-ci  était 
indiquée  par  une  lettre  rouge. 


poîuôocircfi  (tnii 
/O0  bleues q  b0'i'. 


iV 


<>   0  O 

?      ?    7 


d 


-^-^i- 
5-i-?- 


<N     O  O  ♦ 


uiuuaii  an 


3  5\-}l  ^ 


-e- 


-^^ 


■^-J-o- 


-?-^ 


-^-^-o-^-^ 


-o  3  J  y 


\N  O   O 


0  iiiininui,..uiiii 


1    ^    }    s    2   f 


-o-Q- 


-^ 


■0-3r 


o-\-o- 


-^-f-^-^ 


-o- 


<>  ♦  <> 

-3-0-- 


-5 H-3 -A 


^-S-0-r5 O  3    J  3 


Tablature  t^spaîriioie. 


4"  La  tablature  allemande  diUérait  totalement  des 
systèmes  précédents.  Pas  de  lignes.  Chaque  corde  et 
chaque  case  étaient  représentées  par  une  lettre  ou 
par  un  chiffre. 


-s- 


Tablature  allemande  (division  du  manche). 


— — a — 1>  c  •  f  a  Ct> — •»fViy>-  ^~tp  • T~"*^ T 

*'l      ^  * — •** — -  tjj        Si.m    f     — — 


Tablature  néerlandaise.  Recueil  Balhen  et  Velpen,  1545. 


1988 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MI'SKJCE  lîT  DICTIO.V.VAfliE  DU  CONSERVATOinE 


Jusnu'auxv.i- siècle,  lest:.blaUiresétaienlexempl.'s  I  alors  shc  et  préci'^  comme  cnlm  de  1  e,.ineUe.  A  partir 
de  si  mes  d  ornemeMtalion;  on  Ironvaitseulement  n„  de  lase.-onde  moilié  du  sv„es,ecle,  les  ornements  de 
ou  deux    points    (.lacés  au-dessnus    des   lellrespour      la   musiqne    de   lulh    dev,en,.ent   umonibral.les    les 


■indiqiierque  les  notes devaicnl  iHre  pincées  avec  I  m 
dex  ou  le  médius  di- la  main  dioile;  une  pt-tile  étoile 
signifiait  que  la  leltiesous  laquelle  elle  se  trouv^iit 
devait  étie  tenue  pai'  la  main  j;aurlie.  Pointde  place 
pour  les  tirades,  les  pinçades,  le>  liaisons,  dont  Tusaye 
fut  si  répandu  par  la  suite.  Le  jeu  du  luth  devait  être 


lalilalures  sont  surcharfsées  de  si^'nes  liiéroglyplii- 
ques,  dont  il  lant  eonn.iitre  l'inlerprélalion  spéciale 
à  chaque  auteur  pour  exécuter  les  œuvres  écrites  à 
celte  époque. 

Le  talileiiu  ci-dessous  donnera  une  idée  des  signes 
le  plus  couramment  employés  ; 


M 


,.de..ousd»Ultre..la.aindro-,lanepincequcUrinote.     (  GaUot  nndic,u.  auss,  :  A  avant ,.  leiU.) 
tirade, ou  chute  . 


Effefc 


Z"         aprèslalettre- lam.a.nepincequelal'î'IcllJ-e 
■^  les  autres  notes  sont  Frappées  par  lam.J 
(Gallot  indique  ainsi  le  tremblement^; 


Effet: 


3«     A  aprèsia  lettre, lam.d  ne  pince  tjue  la  l'-"nole 
(MartelUment.ou  accent,  Gallo  l'indique:  y 
Mersenne  :  X  martellement  8  vide,    A   ferme) 


Effet-. 

4?     X  aprèsU  lettre,  laui.d.  ne  pince  que  la  1  "  note 

(MsrtellemEnt  pour  Mersenne  ,eitDulTement  pour  Denis  taull.er, 


tremblement  pour  Mouton.) 


Iffet: 


''X   (jjalmifrMiiiiJUl.) 


-^rl■mlllHlllW^^- "^ 


5?    bouT  au  dessus  delà  Uttre.lam.A.  nepince  c,uuna  rois  (Cadence  ou  trembUmenlJ  ^exécute  comme  un  trille. 
60    Une  petite  barre  au  de.su.  d'un  signe  d'ornement  indique  que  cet  ornement  doitètre  e.écte  au  demi-ton. 


.7?    Accent  plaintif    .y  après  la  lettre 

pin  cer  lalî  note  de  la  m.d.  el  laisser  tomber  un  doigt  de  la  m.g. 
\evve    cassé    y 


Effet; 


double    relis  h 


8?0rne/nenti  de  Thomas  Mace. 
[tantd.pincetoujouriune  seule  foi») 


jg  (Rflr.hrall): 


Effet: 


■f,  Whnlpf/ill 


* 


Simple.ou  orné 


^ 


iSingEEëÏÏIt 


s'exécute  : 


pm^mt 


rsi 


^^ 


FIpuflttnnT 


S  exécute  : 


ta 


r'ri'rrnr 


.°.h«l<.> 


m^^^ 


S 


alfJTffi- 


^ 


/     SînqëT^ 


Arrêter  le  son  sur  la  25note 


^ 


TECIISKjL'E,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    LUTH    1«89 


Les  nom  lues  qui  piréreJenl  les  leltresde  la  lalilu- 
ture  si^'iiilieiil  (|uels  doij^ls  il  faut  poser.  Les  tenues 
de  main  f^auclie  sont  représentées  par  de  grandes 
lignes  droites  on  courbes  :  —  on  ^-^ ;  ne  pas  lever 


les  dni;its  de  la  main  «auche  avant  la  lettre  où  elles 
aboutissent.  Nicolas  Vallet  indiijne  aussi  les  doi(,'lés 
de  main  pauclie,  non  par  des  cliiCfres,  mais  par  des 
points  placés  avant  la  lettre  : 


IVdnlgt.  ;      Z^dnipt  -•-_3l.dolg 


rr- 

,'7» 

> 

A^doigt^  2!dj  5îdj 


5?     Unirait  devant  IScoopd  signiHe 
qu'il  Faut  coucher  le  rî'doigt 


y 


U°,  Coucher  lel*''doigt  jusqu'à 
lâ  fermelure  de  la  parenthèse 


i-'^"    "■] 


5?    Coucher  la  doigt   -* 


;=E=e= 


69    Notetenue  depuis  le  oommencementde.la 
barre  jusqu'au  moment  ou  elle  prend  fin 


lar"? 


Teuue  de  l'instrainenl. 


Position  des  mains» 


Le  luth,  posé  sur  les  {.-enoux  ou  sur  une  table,  était 
soulenu  par  le  bras  droit,  la  main  yauche  an  bout  du 
manche,  le  poifjnet  un  peu  élevé,  alin  que  la  pointe 
des  doigts  soit  proche  des  contes,  le  ponce  au  bord  du 
manche  au-dessous  de  la  première  louche;  la  main 
droite  à  plat,  le  petii  doigt  posé  prés  ilu  chevalet,  les 
autres  doigt's  prêts  à  jouer,  au-dessns  des  roriles,  le 
pouce  vers  la  rose.  On  faisait  sonner  les  cordes  en  les 
touchant  du  bout  des  doi^tts.  Les  cordes  L'raves 
étaient  touchées  par  le  pouce  élendu,  qui  devait  ton- 
jours  se  reposer  sur  la  corde  suivante,  lorsqu'il  n'a- 
vait pas  d'autre  i;ole  <à  jouer  immédiatement  après. 
Basset  recomiiiandait  tout  spécialement  de  n'en  ja- 
mais plier  la  lointnre. 

Les  notes  simples  des  cordes  hautes  étaient  tou- 
chées alternativement  par  l'index  et  le  médius,  jamais 
deux  l'ois  de  suite  avec  le  même  doi;;t,  sauf  indication. 
Les  accords  de  trois  notes  pouvaient  être  pinces  par 
les  premier,  deu.^ieme  et  troisième  doigts;  les  accords 
de  quatre  noies  p^ir  le  ponce  et  les  trois  autres  doigts; 
les  accords  de  cinq  et  six  notes  par  le  pouce  et  l'index 
ou  par  le  pouce  el  les  antres  doigts.  Knfin,  loiites  les 
combinaisons  possibles  étaient  employées  pour  varier 
les  elîets  de  sonorité. 

Basset  nous  dit  encore  que  chaque  luthisleavait  sa 
façon  particulière  de  toucher  les  pièces,  et  grande- 
ment diirérenle.  Après  avoir  indiqué  qneLpies  laçons 
de  faire  les  accords,  il  ajoute  qu'il  faudrait  un  volume 
de  plus  de  cent  feuilles  pour  les  comprendre  tous.      | 


Doigtés  de  main  droite. 


Après  l'accord, 


Après  l'accord. 


index,  en  relevant. 


l'index  en  baissant. 


Après  l'accord,      p-     pouce. 


Accord  de  deux  lettres  :  pouce  et  médius. 

Accord  de  plusieurs  lettres  :  pincer  avec  le  pouce  et 
plusieurs  doi^'ts. 

Sous  un  accord  de  plusieurs  lettres,  ne  pas  y 
mettre  le  pouce. 

Cinq  lettres,  en  jouer  deux  du  pouce,  les  autres 
des  autres  doigts. 

Sis  lettr'^s,  en  jouer  trois  du  pouce  les  autres  des 
autres  doigts. 

Une  corde  du  pouce,  et  les  autres  de  l'index     ! 

ou     p     après  l'accord. 

Index  =  sous  une  lettre  seule. 

Médius  =  sans  si;,'ne,  de  la  clianterelle  à  la  4'. 

Poucet  sans  signe,  après  la  4",  ou  bien  avec  un  p, 
sous  une  lettre  qui  est  avant  la  4". 

Passages  du  pouce  et  index  alternés  p  sous  la  pre- 
mière lettre  et  —  sous  la  seconde  seulement,  sui- 
vez de  même.  Exemples  : 


'doigt 


V. 


Pouce 


5°  4'PouceetlVdoi9l5'Pouceetlî'do;gt 

Pouce  tout  seul.        ensemble.  ensemble. 


znz. 


^=^ 


ir  doigt 

6?Poucela>V?et1Vet  2î 
doigts  les  deuxautres. 


7?Poucela6«el5^  et  Iti  8!  I».' doigt      Rabattre    9?  Pouce  laBÎ^Z^la 

"  ...  en  relevant,    dul^doiqt.  chanter«lle. 

-'  n 


.r  ouce  lao- eL3r  et  ic^  o. 

3 autres  de&doigtasuivanti.     er 


^ 


^ 


1990 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MdSKjUE  ET  DlCTION.yAlRE  DU  COySERVATOltiE 


Pouceel     Releverdu     l"doi9tla5'et  10?  1Vdolqtla3'(dles   U°  lî» Pouce  ttir doigt 

2'doigt.    l'/doigt.      Z'.lachanttrelle.      iautrtstîcti'doijts.      2tdoigt  IVdoigt  S'doigt      I un  après I autre. 


Index  =  Leltre  surmontée  de     • 

Médius  =  Letlre  siirniontée  de    •• 

Annulaire  —  Leltre  surmontée  de     .-. 

(Mace,  Valleï,  Mersenne,  etc.). 

Doigté  de  Gallot  : 

Vouée  I,  s'il  ne  piiice  qu'une  seule  note.  Dans 
l'exemple  suivant,  les  autres  notes  sont  pincées  avec 
l'index  et  le  médius  : 


^1^^ 


Vouée  T,  s'il  pince  deux  notes,  soit  ensemble,  soit 
séparément  : 

i. 


I 


^ 


Index    .    ou 


(Mersenne. 
le  point  se  met  sous  la  lettre  : 


^ 


ou  à  coté; 


~7a. 


Quand  le  point  est  avant  les  lettres,  on  les  frappe 
avec  le  reveis  de  l'index  : 


^^   ur 


nale  placée  ainsi  : 


^^  ou  ainsi  :  ^^ 


indique  deux  notes  frappées  en  traînant  par  l'index. 
Médius  =  sans  aucun  signe. 


1? Séparer  les  2"  Les  deu3tl^'''leLtres,  S?l"Mctlre  touchée deiamaindroile^    S'indique     li^.  Index  las  5 premières 

deux  lettres.           del'index.  laZ'*.' tirée  par  la  main  gauche.  aussi:  notes,  pouce  la  4?, 

n    _    n 


:=s:: 


^ 


5?  D'abord  !a  basse  du  pouce  et  Ies3         6°   Appéjement-, 
autres  lettres  arpégées, E'etl'.'doigts. 


^ 


:^ 


^  Denis  Gaultier,MoutoTi,  Gallot.) 


Les  doistés  de  main  gauche  étaient  souvent  très 
compliqués,  mais  ils  s'appliquaient  aisément  à  l'u- 
sage, puisque  l'eniplai^ement  des  notes  sur  le  manche 
était  indiqué  par  la  tablature.  On  a  vu  précédemment 
comment  ils  étaient  chiffrés  avant  la  letlre. 

Il  était  recommandé  aux  luthistes  de  travailler 
lentement,  doucement,  en  s'écoutanlbien,  alin  de  ne 
pas  brouiller  les  parties  (Nicolas  Vallkt,  Denis  Gaul- 
tier, etc.).  «  La  mesure  précipitée  n'étant  pas  1res 
bien  reçue  parmi  les  gens  qui  ont  les  oreilles  délicates 
et  qui  se  connaissent  à  ce  charmant  roi  des  instru- 
ments. »  (Mouton.) 

On  peut  voir,  d'après  ces  quelques  notes,  combien 
l'étude  du  luth  était  chose  complexe.  Mais  de  quelles 
nobles  satisfactions  n'était  pas  comblé  l'heureux  et 


patient  musicien  qui  avait  réussi  à  pénétrer  les  arca 
nés  de  la  tablature  ! 

i<  ...  Un  joueur  de  luth  pourra  l'aire  tout  ce  qu'il 
voudra  par  le  moyende  son  instrument  :  parexemple, 
il  pouna  représenter  les  deux  moyennes  proportion- 
nelles, la  quadrature  du  cercle,  la  pioporlion  des 
mouvements  de  touslescieux  et  de  leurs  astres,  celle 
de  la  vitesse  des  poids  qui  tombent,  et  mille  autres 
choses  par  les  sons,  et  les  airs  de  son  instrument,  s'il 
comprend  tout  le  contenu  de  cet  œuvre''.  » 


I.  Mkiisenne,  Harwouie  imiverseVPf  proposition  IX. 

Des  eitraits  étendus  de  l.i  méthode  de  Basset  ont  été  reproduits  par 
Jonclibloet  et  l.and  ;  introduction  de  la  (  orrespondance  de  Hii\i;ens, 
page  cGixxj  et  suivantes  (Mictiel  Brenet  :  Notes  sur  l'histoiri'  du 
luth  en  France,  page  61). 

Adhienne  MAIRY. 


LA  MANDOLINE 

Par  M.  Silvio  RANIERI 


ORIGINE   ET   DESCRIPTION   DE   LA   MANDOLINE 

La  mandoline,  du  point  de  vue  de  sa  forme  cons- 
tructive,  est  un  dérivé  presque  intégral  du  luth. 

Le  luth,  en  elfel,  ce  souverain  déchu  de  la  musique, 
revit  encoie  dans  \a.mandole  qui  en  est  une  réduction, 
et  dans  la  mandoline  très  répandue  au  xviue  siècle. 

La  niandole,  un  peu  plus  grande  quela  mandoline, 
a  très   probablement  pris   son  nom   de   l'espagnole 
bandol'ira,  dû  à  la  façon  dont  les  ménestrels  la  por- 
taientaucou,  car,  en  Espagne,  elle  s'appelait  (/a/idote. 
Elle  avait  à  peu  près  la  forme  de   la    niandole 
actuelle,  mais  le  manche  en  était 
plus  court  et  pins  large,  la  caisse 
de  résonance  apl.itie   et  formée 
par  quelques    éclisses   alternati- 
vement en  bois  clair  et  foncé.  La 
tête  se  trouvait  presque  a  angle 
droit  avec  le  manche,  et  les  .tou- 
ches étaient  représentées  par  des 
ficelles,  système  qu'on  retrouve 
également  dans  le  luth. 

Ainsi,  la  famille  du  luth  est 
unie  à  la  mandoline  qui  fut  avec 
raison  considérée  comme  le  so- 
prano de  la  famille,  et  dont  on 
trouve  déjà  l'origine  dans  le  tan- 
boiir  arabf. 

A  l'époque  de  Farabi,  musicien 
arabe,  en  900  avant  noti'e  ère,  on 
distinguait  le  tambour  de  Koracan 
de  celui  de  Bagdad.  Ensuite,  les 
formes  de  cet  instrument  se  mul- 
liplièrent,  et  on  eut  le  tanbour 
T!?'',?"'!  Kebir-Tourki  ou  grande  mando- 
line turque,  le  tanbour  Rhargi 
ou  mandoline  orientale,  dérivant 
très  probablement  directement  des  primitives  formes 
égyptiennes,  puis  également  le  tanbour  Boiilgary, 
le  tanbour  Bourzoulc  très  répandu  en  Perse,  et  lina- 
lement  le  tanbour  Bagmalha  ou  mandoline  des  en- 
fants. 

Tous  ces  types  ont  une  grande  ressemblance  avec 
l'actuelle  mandoline  romaine  on  napolitaine,  et  cer- 
tainsd'entreeuxn'endifferentque  par  les  dimensions. 
A  rencontre  des  autres  instruments  arabes,  le  tan- 
bour avait  des  cordes  métalliques,  et,  dans  certains 
types,  tel  le  tanbour  d'Algérie,  les  quatre  cordes 
sont  doublées  comme  dans  la  mandoline  actuelle, 
ce  qui  conlirme  l'hypothèse  qu'elle  doit  être  la  des- 


Fia.  1024. 

ar;ibe  ou  niandolinf 
arabe. 


cendante  directe  du  tanbour  arabe  introduit  par 
les  Sarrasins  pendant  leur  domination  dans  l'Italie 
méridionale,  tandis  que  la  mandoline  lombarde  ou 
milanaise  à  six  cordes  simples  doit  être  considérée 
comme  un  dérivé  direct  du  hitli. 

En  elîet,  on  a  coiislriiil  des  demi-luths  et  même 
des  quarts  de  luth,  et  le  luth  moyen  produit  juste- 
ment à  vide  l'accord  de  la  mandoline  milanaise. 

La  partie  principale  delà  mandoline  est  le  corps  |1), 
qu'on    a    coutume    d'appeler 
aussi  caisse  de  résonance. 

C'est  celte  partie  qui  e.xerce 
la  plus  gran  le  iidluence  sur 
la  qualité  du  son  produit  par 
le  frottement  du  plectre  ou 
mi'diator  sur  les  cordes. 

Le  dessus  de  l'instrument 
est  formé  par  la  table  d'har- 
monie (2)  (oi'dinnirement  en 
bois  de  sapin),  percée  d'un 
trou  circulaire  appelé  cosKce  (3) 
et  destiné  à  faire  sortir  le  son 
de  I  intérieur  de  la  caisse  de 
résonance. 

Le  manche  (4)  est  lixé  au 
haut  du  corps  de  l'instrument, 
et  il  en  forme  pour  ainsi  dire 
le  prolongement. 

Le  clavier  (o)  se  trouve  in- 
séré sur  le  manche;  ordinai- 
rement en  bois  d'ébène,  il  est 
divisé  dans  toute  sa  longueur 
par  des  lamelles  de  cuivre 
ou  de  ruolz  qu'on  appelle 
touches  (6). 

L'espace  compris  entre  cha- 
que touche  se  nomme  case  (7). 
A  l'extrémité  supérieure  du 
clavier,  se  trouve  fixé  un  petit 
morceau  d'os  ou  d'ébène  qui  s'appelle  sillet  (8). 

La  tête  (9|  de  la  mandoline  est  formée  par  le  pro- 
longement de  la  partie  supérieure  du  manche. 

La  mécanique  (10)  est  adaptée  à  la  tête  de  la  man- 
doline et  se  compose  de  huit  pettes  chevilles  (H|  en 
os,  placées  quatre  de  chaque  côté  de  la  tétïi,  et  qui 
seivent  à  régler  la  tension  des  cordes. 

L'^cîi  (12)  est  une  plaque  en  écaille  ou  en  ébène 
adaptée  sur  la  table  d'harmonie  pour  la  préserver 
du  frottement  du  plectre. 

Les  huit  cordes  sont  portées  par  le  chevalet  (13) 
en  ébène;  elles  aboutissent  à  la  mécanique  d'une 
part,  et  de  l'autre  à  de  petits  clous  ou  boutons  (14) 


FiG.  1025. 
Mandoline  actuelle. 


1992 


Evr.yr.i.nnii/HE  de  i.a  ^rc^iorn:  et  nfCTfnxxAtnE  nu  coxsuHVAToinE 


cachés  parle  couvr''-roriles  (l.S),  destiné  à  garatilir  le 
Têlemenl  de  rexécutuiit  du  rioUemeiit  coiitie  les 
cordes. 


EMPLOI   DE   LA   MANDOLINE   DANS   LA   MUSIQUE 

I,a  l'abricalioii  dp  la  mandoline  étail,  au  déliul  du 
XVI II'  siècle,  assHZ  |vriniiiive.  Le  lorni.il  était  heaiiroiip 
plus  petit  que  le  foiiiiat  actuel,  |p  claviei-  nariivait 
pas  an  delà  de  la  qualrièine  ou  cini|uièiiifi  position. 
C'est  très  pinbahlement  à  cau;-e  de  (tela  que  la 
musique  éerile  à  cetteéfioqiie-là  ponr  C'I  inslrunieul, 
quoique  souvent  bien  appiopriée,  p-esente  toujours 
un  caractère  de  simplicilé;  c'est  de  la  iiinsique 
aimaile,  éléf;ante  ei  convenant  à  un  instrument  qui 
s'adressait  surtout  à  une  aristocratie  dilelLmie. 

Gbéthy,  dans  la  célèlne  sérénade  de  V Amant  jnlonx, 
«  Tandis  (|ue  tu  sommeilles  »,  et  Mo/art,  dans  celle 
(fc  Don  Juan,  ne  dédaignaient  pas  d'introduire  la 
mandoline  à  l'orchestre,  et  cela  d'une  façon  tout  à 
fait  heureuse. 

Cette  sérénade,  dit  Gounod  dans  une  étude  critique 
sur  Dun  .luan\  est  une  perle  d  inspiralion,  d'élé- 
gance, de  mélodie,  d'harmonie  et  de  rythme,  avec 
son  dessin  d'acconipaynenienl  confié  à  la  mandoline. 
Elle  est  destinée  à  la  mandoline  et  non  à  tout  autre 
instrument  semblable. 

Berlioz,  dans  son  Tcai'<éd'orc/is<ra/îon,  s'est  donné 
la  peine  de  le  remarquer  avec  sa  coutuinière  amer- 
tume : 

«  Rien  qu'au  bout  de  quelques  jours  d'études, 
écnt-il,  un  guitariste  ou  même  un  violoniste  oïdi- 
naiie  puisse  se  rendre  familier  le  manche  de  la  man- 
doline, on  a  si  peu  de  respect,  en  ;.'éiieral,  poui'  les 
instruments  des  «rands  maitres,  des  qu'il  s'agit  de 
déranger  en  la  moindre  chose  de  vieilles  habitudes, 
qu'on  se  permet  presque  partout,  et  même  à  l'Opéra 
(le  dernier  lieu  du  monde  où  l'on  devrait  prendre 
une  pareille  liiierlé),  de  jouer  la  partie  de  mando- 
line de  [)im  Juan  sur  des  violons  en  pizzicato  ou  sur 
des  guitares. 

"  l.e  timbre  de  ces  instruments  n'a  point  la  finesse 
mordante  de  celm  auquel  on  le  substitue,  et  Mozart 
savait  bien  ce  qu'il  faisait  en  choisissant  la  mando- 
line pour  accompagner  l'héroïque  chanson  de  son 
héros.  " 

Beethoven  lui-même  n'échappa  pas  à  l'enj^ouement 
de  son  temps,  et  à  Prague,  dans  la  bibliothèque  des 
comtes  Clam  Gallas,  on  a  trouvé  plusieurs  intéres- 
santes coniposilioiis  pour  mandoline  et  clavecin 
dédiées  "i  la  comtesse  Joséphine  Clary,  œuvres  qui 
appartiennent  bien  à  la  séiie  des  compositions  réa- 
lisées par  l'auteur  de  Fidelio,  au  cours  d'un  séjour  à 
Praj^iie  qui  doit  se  situer  en  1796. 

Des  tentatives  d'emploi  de  la  mandoline  an  théâtre 
ont  été  (ailes  également  dans  la  musique  moderne, 
mais,  disons-le  l'rancliement,  ces  tentatives  n'ont 
pas  liMi|onrs  été  heureuses  au  point  de  vue  niando- 
linistique. 

Ainsi  Vkrbi,  dans  sa  sérénade  de  VOtello,  malgré  la 
beauté  de  celte  page  musicale,  digne  du  grand  maî- 
tre qu'il  était,  n'a  pas  tiré  de  la  mandoline  le  parti 
auquel  on  aurait  pu  s'attendre, s'il  avait  mieux  connu 
les  ressources  inimitables  de  cet  instrument. 

Dans  le  même  défaut  est  tombé  le  compositeur 


1.  Discours  sur  le  Don  Juan  de  Mo/art,  lu  â  l'Instilut,  le  25  oc 
tobre  un.  [s.  o.  l.  u.] 


allemand  Mahlir  (Das  Lied  von  der  Erde\  qui,  en 
'aisant  trémnler  par-ci  par-là  une  faible  noie  dans 
lin  plein  rendement  instnimental,  ou  en  accentuant 
par  lin  simple  coup  de  plectie  la  première  noie  de 
l'arpège  des  harpes,  n'esi  arrivé  qu'à  leter  <)uelqnes 
lueurs  presque  imperceptibles  et  insi;.;niliantes. 

Pareille  pauvreté  dans  la  mise  en  valeur  de  l'ius- 
liument  résnile,  il  est  douloureux  de  le  consta- 
ter, de  l'absolue  i;,'iiorance  que  les  orchestratenrs, 
même  les  plus  ;^rands,  ont  des  plecties  et  de  leur 
rendement  instrumental  si  tvpique  ,  soit  dans  les 
solos,  soit  dans  le  jeu  d'assimilation  avec  les  autres 
limbres. 

(".epeiulant,  si  nous  examinons  quelques  partitions, 
même  parmi  les  plus  modernes,  nous  ne  pouvons 
pas  nous  empêcher  de  relever,  de  temps  en  temps,  des 
fi  aliments  de  mnsii|ue  c|iii,  parleur  l'orine,  par  leur 
inliin  si^nidcation,  sont  essentiellement  mandoli- 
nistiqnes.  Combien  de  passades  pétillants  seraient 
pins  efficacement  mis  en  lumière  par  les  plectres, 
combien  île  siaccali,  île  pizziC'iti  seraient  mieux  exé- 
cutés par  les  mandolines  que  par  les  archets. 

Kt  de  même,  quelle  merveilleuse  valeur  prendrait 
dans  l'orcheslre  le  tremnlo,  qui  esl  la  caractéristique 
de  la  mandoline,  s'il  était  traité  par  uii  musicien  gé- 
nial et  compétent  en  la  matière! 

(Test  ainsi  que  le  compositeur  napolitain  Mario 
Costa  ,  dans  l'esqiiise  sérénade  de  sa  pantomime 
llistûiie  d'un  Pierrot,  et  que  Villorio  Monti,  dans 
uneanlie  pantomime,  .Soel  de  Pvrrot,  de  même  que 
P. -A.  Tasca  dans  l'opéra  A  Santa  Lucin,  et  .spinblli 
dans  A  basso  i.iorto,  ont  écrit  des  pages  vraiment  mer- 
veilleuses pour  mandoline  solo  avec  accompagne- 
ment dorclieslie. 

Plusieurs  autres,  comme,  par  exemple,  (îiordano, 
dans  l'opéra  II  l'o^v  Sernagiotto,  dans  A  Cannaregio, 
CoROiNARO.avec  Festn  a  l/a/'ina,  Brèion,  avec  Dulores, 
LAHAHRA,dans  llnbanera,  Montilla,  dans  Dramma  Zin- 
i^are>co,  \Volfp-Ki:hrahi,  avec  Donne  Curio^e,  et  dans 
Les  Joyaux  de  la  Madone,  Manuel  de  F\lla,  dans  la 
Vi  brèvf,  Verdi,  dans  O'ello  et  Falstaff,  et  puis  encore 
Andreoli,  dans  le  ballet  La  Fata  d'oro,  Valverde, 
avec  la  Zarzuela,  I  Ciinchi,  Alpano,  dans  L'Ombre  de 
Don  Juan,  se  sont  servis,  plus  ou  moins  ellicace- 
menl,  de  la  mandoline  ou  de  la  guitare,  pour  obte- 
nir des  elléis  de  situation  scénique;  mais,  en  réalité, 
exception  laite  pour  Lea  Joyaux  df  la  Madone  de 
Wolff-Ferhari,  ces  tenlalives  sporadiqnes  figurent, 
non  pas  comme  élément  de  giand  orchestre,  mais 
bien  comme  élément  à  part. 

On  ne  peui  pas  dire  que  le  xviii'  siècle  ait  donné 
des  virtuoses  extraorilinaires  pour  la  mandoline,  et, 
si  quelques-uns  comme  Sobv,  Puochktti,  Vimercati, 
Vailati,  snrnomnié  I  aveugle  de  Crenia,  se  sont  dis- 
tingués des  autres,  il  est  certain  que  les  iiisiruments, 
d'une  conslruclion  assez  primitive  et  d'une  sonorité 
plutôt  grêle,  dont  ils  se  servaient,  ne  leur  permirent 
pas  de  se  montrer  dans  la  plénitude  de  leur  talent. 
Mais  voici  que  la  fabrication  subit  peu  à  peu  une 
heureuse  évolution;  Vinaccia  de  iNaples  agrandit  le 
format  de  rinslrnnient,  et  obtient  ainsi  une  sonorité 
plus  ;.'rande;  il  allontie  également  le  clavier  jusqu'au 
la  de  la  septième  position. 

C'est  le  système  de  la  mandoline  napolitaine,  qui 
a  été  adopté  et  imité  ensuite  par  les  piincipaux 
liilliiers  italiens  et  étrangers,  et  qui  est  encore  ac- 
tuellement en  vogue  chez  les  amateurs. 

L'accord  est  le  même  que  celui  du  violon,  c'est- 
à-dire  : 


TEciiMon:.  usTin'niniE  ht  picnAconih: 


LA  MANDOLINE    1993 


♦ 


Une  heureuse  évoluiion  nous  vini  ensiiilo  de  liorne, 
où  It'S  li'éfes  un  .>ANiis,  Liii^i  Kwiieuiuiku,  et  toule  une 
pléiade  d'eleves  revoliil  ioridereiil  comiilèt^-iiieiit  l"arl 
de  la  f.ibiio.ition  de  la  mandoline  en  coiislruisaiit  la 
mniidoline  roinuine,  qui  est,  de  nos  jours,  considéiée 
comme  riiistnimeiil  des  virluo^es. 

La  principale  diirérenoe  lechniiiue  entre  la  man- 
doline napiililaine  et  la  mandolimt  romaine  consi-^le 
dans  le  davier  i|ui,  dans  cetie  derrdèie,  est  d'une 
octave  plus  liant  ipie  celui  de  la  première,  plus  étroit 
et  i.'énér.ilement  pins  élevé  du  côlé  des  basses. 

Ni  on  ajoute  à  cela  la  qualité  du  son,  tour  à  tour 
d'util'  puissance  extraordinaire,  el  il'une  douceur 
qui  rappelle  presqun  celle  du  violon  dans  les  phrases 
chantantes,  on  peut,  sans  crainte  d'exagération,  esti- 
mer que  ces  t;rands  artistes  sont  couiparahles  aux 
Amati,  aux  (îuAUNEiuus  et  aux  Stradivarius,  et  qu'ils 
ont  don  lé  an  momie  inandolinistique  des  instru- 
ments analoiiiies  aux  célèbres  violons  fabriqués  par 
leurs  illuslres  ancêtres. 

Qu'ici,  il  me  soii  permis  d'adresser  un  élose  spé- 
cial à  Luigi  KianEHiiiiER,  ce  grand  artiste  italien  qui 
n'a  cessé  pendant  toute  son  existence  de  travaillera 
l'aniélioralion  de  la  l'ahricalion,  et  qui,  par  son  taUnl 
hors  de  pair,  a  puissamment  contribué  à  l'éclat  tout 
particulier  dont  jouit  la  mandoline  de  nos  jours. 

Il  est  en  fait  qu'au  fur  el  à  mesure  que  les  instru- 
ments se  perlectionnenl,  les  virtuoses  surgissent, 
comme  |)aienchanleineiit;  si  le  répertoire  de  la  man- 
doline nexislait  pour  ainsi  dire  pas,  il  y  a  quelqire 
cinquante  ans,  aciuellement  il  est  doté  d'(Kuvres 
d'un  intérêt  technique  et  musical  incontestable. 

Au  surplus,  la  mandoline  étant  semblable  au  vio- 
lon par  l'accord  et  par  l'étendue  ne  son  clavier,  une 
grande  quantité  d'œuvres  écrites  pour  le  violon  s'a- 
daptent adiiiiralilement  à  la  mandoline. 

D'autre  part,  urre  bonne  école  peut  transformer 
un  trémolo  dur  et  désagréable  en  une  sonorité  velou- 
tée presqire  susceptible  de  se  confondre  avec  celle 
produite  par  l'archet  le  plus  habile. 

C'est  là,  d'ailleurs,  la  spécialité  de  celte  belle  école 
romaine  qui  a  donné  au  monde  mandolinisliqiie  des 
Tirtnoses  extraordinaires,  tels  que  Conti  (père),  Car- 

RAIIA,  MaLDL'RA,  Kl  ROCl,  CuRTl,  MoilELLI,  HrïRTLICCI, 
BraNZOLI,   TaRTAGLIA,    MAGRlMr,  CaLZOLETTI.  MiCIOCCHl, 

CoNTr  (fils),  et  tant  d'auti'es  parmi  lesquels  j'ai  quel- 
ques droits  à  me  placer  aussi;  tous,  avec  les  vir- 
tuoses venus  d'autres  villes  italiennes,  tels  que 
Rocco  et  Calage  de  Maples,  GRrMALoi  de  Bologne, 
Léopoido  pRAMcrA  de  Milan,  Carlo  Mei.nier  et  Luigi 
BrA.NCHi  lie  Florence,  Marcelli  Cargano,  AiirENZo, 
Mi:::zACAr'o,  SrtvESTRi,  Cottin,  ou  parmi  les  jeunes, 
Frans  de  Groodt  et  César  Costrrs  d'Anvers,  de  Bhe- 
UACRRR,  dk  Crerf,  Lison,  Baumann,  Aknauts,  Vande- 
velde  de  Bruxelles,  Stienon  de  Liège,  et  tant  d'au- 
tres issus  de  mon  école  en  Belgiqire,  ont  formé  une 
foule  de  concertistes  dont  les  programmes  mettraient 
à  dure  épreuve  des  violonistes  de  tout  premier 
ordre. 

ORCHESTRE  A  PLECTRE 

Je  crois  utrie  maintenant  de  consacrer  quelques 
lignes  a  la  composition  instrumentale  des  orchestres 


à  plectre  et  à  l'ellicacité  de  cerlaitrs  inslriiments 
appartenant  à  d'autres  groupes  que  ceux  qiri,  jusqu'à 
ces  dei-riiers  temps,  avaient  uiiiqrrement  constitué 
nos  ensembles. 

11  n'v  a  pas  encore  lont-'tenrps  qire  les  Esltidian- 
tiudK  (c'est  de  ce  nom  qu'oir  appelle  ordinairement 
les  groupements  mandolinistii|iresi  se  corrr|iosaient 
exclirsivement  de  prerrriéres  el  secorrdns  mandolines, 
de  mandoles  (accordées  une  octave  plirs  bas  que  la 
mandoline),  et  de  gnilares:  et  c'est  à  chs  faibles 
movens  que  les  transcri pleurs  devaierrt  consacrer 
toutes  les  ressources  de  leur'  ingéniosiié,  en  r-épartis- 
sarrt  entre  ces  quatre  inslrrrments  les  ninlliples  par- 
ties dont  se  compose  généralement  un  morceau  d'une 
certaine  importance. 

Car  les  compositions  originales  pour  orchestre  à 
plectre,  bien  que  très  nombreuses,  nous  devons  le 
constater  avec  regret,  présentent  rarement  une  réelle 
val  eirr  musicale;  desorleque,  de  rrrêrneque  le  soliste, 
pour  des  raisons  analogues,  doit  puiser  dans  le  réper- 
lorre  dir  violon,  de  même,  nos  :;roupemenls  sont 
obligés  de  se  former  un  répertoire  air  moyen  de 
morceaux  écrits  à  l'origine  pour  l'orchestre  sympho- 
nique  pouvant  s'adapter  au  car  actère  de  nos  instru- 
meits. 

C'est  ainsi  que,  dés  le  premier  concours  organisé 
eir  Italie,  en  1892,  dans  la  ville  de  Cènes,  un  groupe 
de  mandolinistes  romains  se  préseiila  haidiment 
avec  l'orrverture  de  Zam/.a  d'HÉROLD. 

C'était  là  un  fait  nouveau,  car,  jusqu'à  ce  moment, 
le  répertoire  des  Estudiantinas  se  linritait  à  des  mor- 
ceaux de  moindre  importance.  Le  succès  éclatant 
que  remporta  ce  groupe,  en  gagnant  d'ailleurs  la 
médaille  d'or  el  les  félrcitations  du  jiirv  dont  taisait 
partie  l'illustre  violoniste  Caniillo  SivoRi,  encouragea 
les  mandolinistes  à  élargir  les  moyens  dont  ils  dis- 
posaient. 

C'est  vers  cette  époque  qn'EuRKnGHFn  lit  un  pre- 
mier essai  de  luth  à  cinq  cordes  doubles,  mi,  la,  ré, 
sol,  do  : 


m 


f 


^ 


i^ 


qui,  tout  en  ayant  l'avantage  de  réunir  en  un  même 
instrument  une  maïutole  et  un  rello,  à  l'instar  des 
luths  anciens,  était  d'un  maniement  assez  ingrat  à 
cause  de  la  largeur  du  manche.  I>e  là,  son  idée  de 
créer  la  m.an<loliula  et  le  mundoloncello,  ayant  la 
mèuie  tessiture  que  l'alto  el  le  violoncelle. 

C'esl  en  1897  (pie  se  lit  entendre  à  Borne,  pour  la 
première  fois,  le  nouveau  quatuor  a|)pelé  "  classi- 
que »,  et  qui  était  composé  de  deux  mandolines 
(pr'emiere  el  seconde),  mandoliola  et  mandotoncello. 
Ces  deux  nouveaux  instruments  furent  adoptés  par 
les  EitiiUidiitiiia^,  el  le  désir-  de  se  corisacrei'  à  un 
genre  de  musique  plus  relevé,  fit  que  la  nrusique 
classique  devint  le  répertoire  courant  des  meilleurs 
orchestres  italiens  et  étrangers. 

ViNACGiA,  de  son  côlé,  fabriqua  le  quarlini accordé 
une  quarte  plus  haut  que  la  mandoline,  de  même 
qu'EMBERGHER  introduisait  le  lerzini,  plus  haut  d'une 
tierce. 

Ces  deux  instruments,  qui  jouent  le  rôle  de  flûte,  à 
cause  de  leur  sonorité  aiguë,  sont,  au  point  de  vue 
pratrque,  d'une  utilité  relative,  car  le  clavier  de  la 
mandoline  étant  actuellement  aussi  étendu  que  celui 


1994 


ENCYCl.orÈlHE  DE  LA   lUlSK^tlJE  ET  DICTION NAIHE  DU  CONSEHVATOI RE 


du  violon,  l'emploi  <le  ces  instniniHiils  est,  pour  ainsi 
dire,  nul,  d'aulanl  qu'ils  ne  possèdent  pas  une  sono- 
rité qui  puisse  servir  à  des  ettels  d'opposition. 

Malji^ré  les  progrès  réalisés,  une  grande  lacune 
restait  à  combler,  celle  de  la  création  d'un  instru- 
ment capable  de  fairn  fonction  de  contrebasse.  En 
ell'et,  au  fur  et  à  mesure  que  les  orchestres  abor- 
daient des  morceaux  de  plus  en  plus  importants,  la 
faiblesse  des  instruments  graves  se  faisait  sentir, 
surtout  si  l'on  considpre  que  les  quatrièmes  cordes 
du  mnndoloncello  n'ont  pas  une  puissance  de  sono- 
rité proportionnée  à  celle  des  autres  cordes. 

Deux  fabricants  tentèrent  alors  des  elforts  certai- 
nement louables,  mais  qui,  à  mon  avis,  n'ont  pas 
donné  de  résultat  délinilif. 

Je  veux  parler  ici  de  Monzino  de  Milan,  qui,  en 
1890,  inventa  Varcichilarra,  comme  plus  communé- 
ment sous  le  nom  de  cliitarroiv ;  celle-ci,  tout  en 
ayant  l'accoid  de  la  contrebasse  à  archet,  est  en 
réalité  un  instrument  qui  doit  se  jouer  en  pizzicato, 
à  moins  d'essayer  île  réaliser  la  noie  tenue  par  un 
trémolo  lait  alternativement  avec  l'index  et  le  médius 
de  la  main  droite,  selon  le  système  employé  pour  la 
guitare;  mais  Vurcichitarra  est  loin  de  pouvoir  sou- 
tenir toute  une  masse  orchestrale,  surtout  actuelle- 
ment, où  cerlaiiies  EstttdiaiUinas  comptent  jusqu'à 
quatre-vingts  exécutants. 

En  outre,  cet  instrument,  qui  peut  être  d'une 
certaine  eflicacilé  dans  des  notes  tenues  exécutées 
en  pidnissimo,  ou  dans  des  passages  détachés  lents, 
devient  d'un  rendement  presque  nul  lorsqu'il  s'agit 
d'un  fortissimo,  ou  d'un  passage  rapide. 

Plus  heureux  fut  Vinaccia  de  Naples,  avec  le  man- 
dotone,  qui  est  une  sorte  de  sous-basse  du  mandoton- 
celto,  et  dont  l'accord  est  do,  sol,  ré,  la  : 


■y    I    J    ^    r 


avec,  comme  ell'et  réel  : 


m 


f 


Mais  ici  également,  si  l'instrument  peut  être  utile 
dans  un  orchestre  à  plectre,  en  ce  sens  qu'il  peut 
aider  le  mandoloncello,  surtout  dans  les  notes  graves, 
c'est  un  tort  de  le  considérer  comme  la  contrebasse 
de  VEstudiantina,  parce  que,  tout  d'abord,  il  lui 
manque  une  quarte  dans  les  notes  basses,  et  qu'en 
second  lieu,  de  même  que  pour  le  cello  et  la  mai(- 
dole,  la  quatrième  corde  ne  possède  pas  une  sonorité 
comparable  à  celle  des  autres  cordes. 

En  outre,  en  raison  de  sa  structure  et  de  la  posi- 
tion qu'on  doit  employer  pour  l'exécution,  l'instru- 
ment étantassez  diflicile  à  manier,  il  est  évident  que 
maint  passage  de  technique  de  contrebasse,  même 
si  la  tessiture  le  permet,  ne  jsera  pas  exécutable 
dans  le  mouvement  réel,  et  cela,  malgré  l'habileté 
de  l'exécutant. 

C'est  pour  ces  différentes  raisons  que  de  nombreux 
orchestres,  parmi  les  meilleurs  d'Ilalie  et  même  de 
l'étranger,  se  sont  décidés  à  employer  la  contrebasse 
à  archet. 

Si,  d'abord,  on  s'était  contenté  de  la  jouer  unique- 
ment en  pizzicato,  ce  qui  réduisait  son  rôle  à  celui 
du  ckitarrone,  et  ce^qui,  par  suite,  l'entrainait  aux 


mêmes  défauts,  on  a  lini  par  rompre  avec  les  vieux 
préjugés,  et  nomlireux  sont  les  orchestres  inando- 
linisliques  qui  emploient  la  contrebasse  à  archet  sans 
restriction  aucune. 

Cette  intrusion,  comme  certains  l'appellent,  a  déjà 
fait  couler  beaucoup  d'encre,  avec  plus  ou  moins 
d'exagération  et,  le  plus  souvent,  d'incompétence. 

Qu'il  me  soit  permis  ici  de  dire  que,  si  l'orchestre 
à  plectre  possédait  un  instrument  capable  de  rem- 
placer eflicacenient  la  contrebasse  à  archet,  il  ne 
serait  cerles  venu  à  l'idée  de  personne  il'iiitroiluire 
un  instrument  à  archet  parmi  les  instiumenis  à 
plectre,  quoique,  de  tout  temps,  on  ait  assimilé  les 
plectres  aux  archets;  de  plus,  les  mandolinisles 
demandent  pourquoi  ils  devraient  se  priver  d'un 
instr  umeni  qui  est  la  base  typique  de  n'importe  quel 
groupeineiit  musical,  et  dont  se  servent  même  les 
haimonies  et  les  fanfares,  qui  en  ont  certainement 
moins  besoin  qu'eux. 

Une  catégorie  de  parties  doul  on  ne  se  sert  pas 
assez  est,  à  mon  avis,  celle  de  troisième  mandoline. 
Cette  partie,  à  laquelle  on  pourrait  donner  le  nom 
d'harmonie,  peut  rendre  un  service  énorme  pour 
produire  un  elTet  de  tittti,  ce  qui  s'obtient  à  l'or- 
chestre par'  l'entrée  des  hautbois,  tliHes,  clarinettes, 
basse  us,  eu  ivres,  etc.  Dans  un  orchestre  mandolistique, 
on  pourra  obtenir  un  elfet  comparable  (toule  propor- 
tion gardée)  par  l'entrée  des  troisièmes  mandolines, 
secondes  mandoles,  guitares,  timbales,  etc. 

Par  des  notes  tenues,  les  troisièmes  mandolines 
pouri'ont  être  dune  gi-ande  ulilrté  pour  soutenir  des 
traits  d'agilité  exécutés  par  les  premières  et  deuxiè- 
mes mandolines. 

Si,  comme  je  l'ai  dit  précédemment,  les  œuvres 
écrites  pour  orchestre  à  plectre,  et  qui  présentent 
un  intérêt  musical  digne  de  la  valeur  inconteslable 
de  niaini  groupement  moderne,  sont  plutôt  rares, 
je  suis  heureux  de  signaler  toutefois  quelipies  coin- 
posileurs  qui,  par  leur  talent  et  leur  compétence 
lecliriique  de  l'iuslrument,  ont  produit  des  œuvres 
tout  à  fait  recommarrdables. 

Je  citerai  ici  Carlo  Munier,  auteur  de  plusieurs 
quatuorset  pièces  de  concert  pour  mandoline,  dont 
la  musique,  si  elle  n'est  pas  toujours  absolument 
distinguée,  est  toutefois  bien  écrite  pour  l'instrument 
et  de  grand  elîet.  En  outre,  on  ne  peut  pas  lui  enle- 
ver le  mérite  d'avoir  été  peut-être  le  premier  à  com- 
prendre que  la  musique  de  mandoline  devail  s'élever 
au-dessus  des  vulgaires  valses,  sérénades  et  marches 
dont  était  infestée,  il  y  a  trenle  ou  quarante  ans,  la 
littérature  mandolinistiqiie;  son  œuvre  n'a  pas  peu 
contribué  à  développer  chez  les  mandolinistes  le 
désir- d'élever  l'instrumenl  à  un  niveau  d'art  qui  au- 
rait pu  paiaitre  inaccessible  jusque-là. 

Nous  avons  également  Arnedeo  AiiABEr,  dont  la 
musique  line,  élégante,  d'une  mélodie  et  d'une  fac- 
ture toujours  distrnguées,  est  très  appréciée  par  le 
inonde  mandolinislique.  La  Suite  Marinarescu,  en 
quatre  parties,  œuvre  primée,  est  vraiment  déli- 
cieuse. 

Mario  MAcioccHr  est  également  un  des  composi- 
teurs les  plus  féconds  de  l'école  moderne. 

Ses  innombrables  œuvres  pour  orcheslre  à  plectre 
sont  sur  tous  les  pupitres,  et  l'on  peut  dire  que  cet 
artiste  de  talent  a,  depuis  plus  de  virrgt  ans,  beau- 
coup contribué  au  développemerrt  de  l'art  maruloli- 
nistique  et  par  ses  œuvres,  et  par  l'activité  déployée 
avec  son  jourrral  L' Estudùintina,  qu'il  fonda  à  Paris 
en   1906;  ce  journal  est   actuellement  l'organe  qui 


TEC/INIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  l'ËDAGnCIE 


LA  MANDOLINE    lySfi 


relie  les  sociétés  inandolinisliques  du  monde  eiilier- 
Je  puis  éf,'aleinent  citer  S.  Falbo,  auteur  d'une  très 

"belle  suite  eu  quatre  parties,  Spngna,  d'uue  facture 
très  moderne,  mais  dont  la  lecliniqiie  n'est  mallieu- 
reusenient  pas  toujours  bien  appropriée  aux  plectres; 

•Giuseppe  Milanesi,  H.  Gouard,  N.  Lavdas,  Mellana 

•VOGT,  U.  UOTIACHIARI,  Ezio    KeDEGHIERI,  A.  CAlJPiaLETTl, 

G.  Cannas,  J.-|{.  Kor,  (jargano.  Amoroso,  et  tant  d'au- 
tres aulcurs  féconds,  auxquels  j'ajoute  modestement 
mon  nom  comme  auteur  d'un  Concerto  en  ré  majeur 
pour  mandoline  et  orchestre  ou  piano,  de  Souvenir 
de  Varsovie,  d'une  Fantaisie  originale,  de  Canto  d'Es- 
tate  pour  mandoline  seule,  et  de  mainte  autre  pièce, 
ainsi  que  d'une  méthode,  L'Art  de  la  mandoline. 


TECHNIQUE   ET   PÉDAGOGIE 

Une  des  lacunes  les  plus  déplorables  de  l'ensei- 
gnement de  la  mandoline  c'est,  qu'à  rencontre  des 
autres  instiuments,  il  n'existait  anciennement  aucune 
véritable  école  servant  de  base  au  développement 
de  la  li'clinique  de  cet  instrument. 

Chaque  exécutant  jouait  un  peu  comme  bon  lui 
semblait  et,  disons-le  franchement,  le  plus  souvent 
en  dépit  du  bon  sens,  à  rencontre  des  principes  les 
•plus  élémentaires  de  l'expression  musicale. 

C'est,  d'aillenis,  la  raison  principale  pour  laquelle 
l'instrument,  qui  a  joui  de  tout  temps  d'une  popula- 
rité indiscutable,  a  cependant  été  renié  jusqu'à  nos 
■jours  et  même  dénii.'ré  par  des  musiciens  de  valeur, 
ainsi  que  par  les  amateurs  de  bonne  musique;  tous 
m;  voyaient  dans  la  mandoline  qu'un  instrument 
inapte  à  rendre  la  pensée  musicale. 

Fort  heureusement,  comme  je  l'ai  dit  précédem- 
ment, depuis  quelques  années,  j^ràce  aux  progrès 
réalisés  par  les  facteurs,  et,  par  conséquent  par  les 
exécutants,  la  technique  de  la  mandoline,  si  l'on  en 
juf;e  par  les  programmes  des  orchestres  et  des  so- 
listes qu'il  nous  est  donné  d'entendre,  peut  être  con- 
sidérée comme  arrivée,  à  l'instar  de  celle  des  autres 
instruments,  au  point  culminant  de  son  développe- 
ment. 

Les  maîtres  ont  fait  école,  et  celui  qui  veut  obtenir 
actuellement  un  résultat  satisfaisant  ne  manque  ni 
de  bons  exemples,  ni  des  movens  indispensables. 

Toutefois,  sachant  combien  les  bons  principes 
peuvent  avoir  une  importance  capitale  pour  l'étuJe 
de  la  mandoline,  je  terminerai  cet  exposé  en  énon- 
çant quelques  règles  tirées  de  ma  méthode  L'Art  de 
la  mandoline,  règles  qui  constitueront  les  éléments 
aptes  à  Ibrmer  des  mandolinistes  d'un  talent  com- 
parable à  celui  de  tous  autres  instrumentistes. 

Le  plectre.  —  Pour  obtenir  une  belle  sonorité,  il 
faut,  avant  tout,  savoir 
choisir  un  bon  plectre, 
qu'on  appelle  aussi  mèdia- 
tor  ou  encore  plume.  Les 
meilleurs  plectres  sont 
ceux  d'écaillé  ayant  une 
des  formes  ci-contre. 

Au  début,  il  sera  préfé- 
rable que  l'élève  se  serve 
d'un  plectre  assez  flexible. 
Il  évitera,  de  la  sorte,  de 
rencontrer  une  certaine 
difficulté  en  apprenant  le 
trémolo. 


FiG.  1027.  — Tenue  de  la  mandoline. 


FiG.  1026.  —  Le  plectre. 


Toutefois,  lorsque  le  poignet  aura  acquis  un  cer- 
tain degré  de  souplesse,  l'élève  pourra  se  servir  d'un 
plectre  un  peu  plus  dur,  et  obtenir  ainsi  une  sonorité 
plus  grande  et  plus  agréable. 

Tenue  de  la  mandoline.  —  La  position  assise  est  la 
position  préférable,  car  elle  donne  plus  de  stabilité 
à  linstrumenl.  Le  haut  du  corps  devra  être  dans  sa 
position  naturelle, 
sans  que  le  dos  soit 
courbé.  La  jambe 
droite  doit  être  croi- 
sée sur  la  jambe  gau- 
che, ou  bien  reposer 
sur  un  tabouret  haut 
de  quinze  à  vingt 
centimètres  environ. 
Le  côté  droit  de  la 
caisse  doit  s'appuyer 
sur  la  cuisse  droite, 
et  le  côté  gauche 
contre  la  poitrine, 
l'avant-bias   droit  et 

la  main  gauche  devront  assurer  à  la  mandoline  une 
stabilité  complète. 

L'élève  porlei-a  son  attention  à  bien  obtenir  ces  ré- 
sultats, parce  qu'autrement,  il  no  pourra  jamais  avoir 
un  jeu  sûr,  notamment  en  passant  d'une  position  à 
l'autre. 

La  table  d'harmonie  doit  être  inclinée  aux  trois 
quarts  vers  la  jambe  droite. 

Tenue  du  plectre.  —  Le  phctre  sera  tenu  entre  le 
bout  de  l'index  et  la  première  phalange  du  pouce, 
de  façon  que  le  pouce  dépasse 
l'index  d  un  centimètre  envi- 
ron. L'index  doit  être  courbé, 
afin  de  ne  pas  exercer  de  pres- 
sion sur  le  plectre,  et  le  pouce 
sera  allongé  pour  la  même 
raison.  Les  autres  doigts  doi- 
vent prendre  la  même  position 
courbée  que  l'index. 

Le  bout  du  médius  reposera 
sur  la  première  phalange  de 
l'index;  celui  de  l'annulaire 
sur  la  première  phalange  du 
médius,  et  tinalement,  l'auri- 
culaire, étant  plus  court  que 
les  autres,  reposera  sur  le 
milieu  de  la  deuxième  phalange  de  l'annulaire. 

Ainsi  que  je  l'ai  fait  remarquer  pour  le  pouce  et 
l'index,  il  faut  éviter  toute  pression  des  autres  doigts, 
condition  essentielle  si  l'on  veut  obtenir  une  belle 
sonorité. 

Le  plectre  doit  pouvoir  osciller  librement,  et  con- 
server toujours  la  plus  grande  élasticité. 

En  jouant,  il  devra  former  un  angle  droit  avec  les 
cordes.  11  est  absolument  nécessaire  d'attaquer  les 
cordes  par  le  côté  plat  du  plectre. 

Le  bras  droit.  —  L'avant-bras  droit  se  placera  un 
peu  à  gauche  des  cordes,  de  façon  qu'en  jouant  sur 
la  corde  du  sol,  le  plectre  reste  à  plat  et  n'attaque 
pas  la  corde  de  biais. 

Ainsi  que  pour  les  autres  instruments  à  cordes, 
un  des  plus  grands  défauts  de  l'élève  est  de  prendre 
l'habitude  de  jouer  du  bras. 

Dès  le  commencement  de  ses  études,  l'élève  devra 


FiG.  1028. 
Tenue  du  plectre. 


1996 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DfCI/oyiVAinE  DU  COSSEUVATOIliE 


al.soliiment  pii^Ler  la  pUis  gramie  ailenhoii  a  ce  que 
l'avant-brus  droit  reste  imiuoliile,  en  laissant  agir  le 
poignet  avec  souplesse  et  sans  raideur. 


Fi6.  10^9   —  Pcisition  du  bras  droit. 

Le  bras  gauche.  —  Le  bras  pauche  doit  rester  ap- 
puyé coiiire  le  coips,  de  façon  à  iloimer  à  la  main 
une  position  naiinelle.  Il  doit  élever  le  manclie  de 
la  mandoline  à  peu  piès  à  la  hauteur  de  l'épaule 


Fis.  1030.  —  Position  de  la  main  gauche. 

gauche  et  éloigné  de  celle-ci  de  vinf»t-cinq  centimètres 
environ. 

Du  doigté.  —  La  main  gauche  soutiendra  le  manche 
de  la  inaudoline  sans  le  seirer  entre  la  première 
phalange  du  pouce  et  la  troisième  de  l'index.  11  laut 
empêcher  que  le  manche  touche  la  partie  de  la  main 


qui  |oint  le  pouce  à  l'inde-f.  On  doit  laisser  là   un 
petit  espace  vide. 

L'elHve  df-vra  tenir  la  panme  de  la  main  dans  une 
position  naturelle,  sans  la  rapprocher  ni  l'éloigner 
du  manche,  et  sans  raidir  le  poignet. 

On  aura  toujours  soin  de  faire  tomber  le  bout  des 
doij;ts  sur  la  louche  comme  de  petits  marteaux  frap- 
pant perpendiculairement  les  cordes,  mais  de  telle 
sorte  qne  le  milieu  de  l'exirémilé  de  chaque  doi;;t 
touche  ces  dernières  avec  une  certaine  pression  élas- 
tique; on  veillera  à  ne  jamais  étendre  les  doigts  sur 
les  coides. 

H  est  nécessaire  que  les  doigts  se  trouvent  cons- 
laniinent  maintenus  en  ligne   au-dessns  du  clavier. 

Il  est  également  nécessaire  que  le  doi^t  qui  vient 
de  faire  une  note  ne  la  quilte  pas  penilant  que  le 
suivant  en  fait  une  autre.  Pour  obtenir  une  sonorité 
pure,  les  doigts  iloivent  s'appuyer  assez  fortement 
emre  les  deu.x  touches,  au  milieu  de  la  case.  Le  pouce 
n'a  pas  d'emploi  dans  l'exécution,  et  l'on  aura  soin 
de  le  tenir  toujours  bien  droit. 

Conclusion.  —  La  conclusion  que  nous  pouvons 
tiienle  l'exposé  qui  précède  sera  plutôt  un  vœu  en 
faveur  de  l'extensioir  de  la  mandoline,  et  surtout  en 
faveur  de  son  élude. 

Ici,  une  grande  lacune  serait  à  combler,  en  ce  sens 
qu'il  faudrait  que  SOI)  enseijjneinent  lit  parlie  de  l'en- 
seignement instrumental  des  Conservatoires,  car,  du 
fait  que  tous  les  éléments  en  sont  aujourd'hui  com- 
plètement mis  au  point,  il  n'y  a  pas  de  raison  pour 
que  cet  instrumeni,  digne  de  bien  d'autres  à  plusieurs 
titres,  soit  exclu  des  grandes  écoles  de  musique.  La 
suppression  de  cette  exclusion  serait  non  seulement 
la  consécration  définitive  qui  lui  revient,  j'oserai  dire 
de  plein  droit,  mais  aussi  un  bienfait  pour  ceux 
qui  veulent,  au  même  titre  que  tous  autres  élèves 
musiciens,  pousser  l'étude  de  la  mandolineà  un  point 
de  perfectionnement  tel  que  celle-ci  ligure  dignement 
dans  la  phalange  des  instruments  d'élite. 

SiLvio  RAMEIU. 


LA  GUITARE 

Par  Emilio  PUJOL 


APERÇU   HISTORIQUE  ET  CRITIQUE   DES  ORIGINES 
ET   DE   LÉVOLUTION  DE   L'INSTRUMENT 

L'homne  porle  en  lui-même 
le  principe  de  ses  chants... 

FÉTIS. 

1,'univers  étant  vibration,  la  nalure  porte  en  elle- 
les  principes  de  la  musique  instiuiiieiitale. 

L'arc  fie  nos  priiiiitils  ancèlres  fut  penl-êlte  plus 
qu'un  instrument  'le  chasse  et  île  comliat,  sa  corde, 
une  lois  mise  en  vibration,  porlani  en  elle  la  fjenèse 
des  instruments  à  cordns  pincées.  I,  instinct  auditil 
humain,  devenu  plus  tard  senlimniit  esthétique, 
créa  sur  ces  données  enibryoïiiialres  des  principes 
de  musique  iiislrumeiitale. 

\,ps  diversi's  mvlholo'.'ies  trouvent  les  ori).;ines  de 
la  lyre  dans  Hermès  pour  les  Tirées, dans  Thoth-Tris- 
iiÉGisTE  pour  les  Ef^yptiens,  et  dans  Jlbal  pour  les  Hé- 


breux. Ainsi,  l'arc  de  Diane  chasseresse  crée  le  mo- 
nocorde cher  à  Apollon. 

D'après  VOdys>ée,  Ulysse  s'exerçait  à  l'arc  devant 
les  prétendants  de  Pénélope.  La  corde,  pincée  de  sa 
main  droile,  produisit  un  son  vibrant  et  clair,  «  tel 
la  voix  d'un  oiseau  ». 

Mais  lai.-^sons  ces  mythes  aimables. 

Sappiivant  sur  d'inconleslabips  données  scienti- 
fiques, l'histoire  enseif,'ne  que  les  insiruments  à 
cordes  pincées,  connus  dans  le  fond  des  plus  loin- 
taines civilisations  de  l'Orient, apparliennenl,  à  dfux 
familles  principales  :  il  y  a  ceM.\  dont  les  cordes 
vibrent  librement  dans  toute  leur  loiij-'uenr,  et  ceux 
dont  la  Inn^iueur  des  cordes  e«t  susceptible  de  rac- 
courcissement par  la  pression  des  doiyts  sur  un 
manche. 

Les  instruments  du  premier  groupe  ont  un  nombre 
de  cordes  variant  de  trois  à  onze  au  |ilus.  Ils  sont 
généralement  reproduits  sui'  les  scrrlptrrres  et  bas- 
reliefs  assyriens,  égyptiens',  représentant  des  scènes 


FiG.  1031.  —  Ghelys  Testudo-Lyre,  v»  siècle  Fio.  1032.  —  l.yie  du  vs  siècle  Fio.  10  3.  —  r.vre  d'Apollon, 

av.  J.-C.  British  Muséum.  av.  J.-C.  British  Muséum.  .Mus6e  Borboiiico,  Naples. 

(The  Precarsors  ot  the  liolin  famity,  K.  rScnLEsiN(;r:R. —  William  Reeves,  à  Londres.) 


1.  Fétis.  Histoire  rli'  la  Musifjiii'. 

Les  caplifs  de  Mesopiiiaraie  porrant  des  cithares,  appartiennent  à 
une  époque  antérieure  a  tnute  diM-umentarion  sur  l'Iiistuire  de  ia 
musique.  Mais  re  genre  d'instruments  à  cordes  est  très  dirFerent  de 
ceui  qui  sont  représentes  sur  les  antres  monuments  de   l'iigyide. 


Parmi  le;  innombrables  représenLalioni  d'instruruents  qu'on  y  voit,  il 
en  e-t  qui  apparlienoent  à  la  civilisation  (iropie  de  l'Egypte,  mais  il 
en  e*t  <l'autres  où  l'on  reconnaît  dans  la  forme  une  origine  6tran?ère, 
et  que  la  conquête  introduisit  dans  te  pays. 


199S 


EXCYCLOPÈniE  DE  LA  MVSIQVE  ET  DICTIOXXAIRË  Di:  CnySERVATOIRE 


musicales,  ainsi  que  la  lyre  ancienne,  kithare  égyp- 
tienne, chclharali  dus  Chakléens  ou  ketkurah  assy- 


Fifi.  1034.  —  Primilive  Kelharah  asiajique. 

Boita,  lHointmfiils  île  M'ive,  vol.  II.  pi.  162. 

{The  Precurxorn  of  the  rioliii  fttniî/r/,  K.  St'.HLKSiNfiKR.) 

rienne  (semblable  à  la  peclis  ou  magadin,  devenue 
kilhara  des  Grecs  en  passant 
par  la  Thrace  ,  ainsi  que  le 
tanhotira,  le  kinnor  et  le  nable 
des  Hébren.x,  le  Irigonon  el  la 
sambiike  des  Syriens,  la  cithare, 
la  rottp,  le  psallérion  des  lio- 
niains,  et  une  grande  diversité 
de  harpes  de  taille  et  de  mon- 
ture variées. 

Ces  instruments  élaient  mis 
en  vibration  de  deux  manière.<i, 
soit  par  l'impulsion  des  doigts, 
soit  au  moyen  d'un  pb'ctre. 

FiG.    1035.  —   Cithare.        Dans  les  instruments  du  se- 

^°"",V?'",r"  '■"'"'îf   cond   tvpe   ligurenl    le   mono- 

lano.  {Tke  l'renirsars  of  ,      T  „ 

ihe    rinlin    fctmUy .  V..    Corde,  le  ne/^e»- que  Champollion 

ScHi.EsiNGER.)  appelle  luth,  ou  guitare,  puis 

le  ncbel  phénicien  à  deux  cor- 
des, le  tanhoiira  assyrien  et  la  ih  lys  des  Hébreu.x. 
Au  moyen  âge,  on  trouve  la  kiiitra  et  Veoud  des 


FiG.  1036.  —  Nefer  égyptien.  Champollion,  tome  II,  pi.  cvii. 
(Tlie  frecursors  of  the  vioUii  fiimily,  Iv.  Schlesinger.) 

Arabes,  plus  lard,  le  théorbe,  l'archilulli,  la  man- 
dore,  puis  la  vihuela,  la  guitare,  et  liualement  tous 
les  iiislrumeuls  modernes  à  archet. 


Les  inslnimenls  à  mancheappart^uanl  à  la  famille 
de  la  guitare  apparaissent  souvent  sur  les  inscrip- 
tions égyptiennes  de  l'Ancien  Empire  ',  mais  certains 


FiG.  1037.  —  Ancienne  suitare  égyptienne,   1700  à  1200 
av.  J.-C,  Voyatie  in  Emipl,  Denon,  Lnndon,  IS07,  pi.  55. 
[The  yrecuTfiora  of  the  vioiin  fumity,  K.  .Schlesinger.) 

historiens  leur  attribuent  une  orisine  chaldéo-assy- 
rieniie,  étant  donnée  l'influence  qu'ils  exercèrent 
sur  les  au  très  peu  pies  de  l'Asie  Mineure  et  de  l'Egypte. 

Le  musée  de  Leyde  possède  un  bas-relief,  tiré  de 
la  tombe  du  roi  de  l'hèbes,  représentant  un  instru- 
ment dont  les  incurvations  e.^térieures  ressemblent 
à  celles  de  la  guitare  (.3762-3703  av.  J.-C).  Il  existe 
aus«i  un  bas-relief  hittite  d'EuyuU,  en  Cappadoce, 
remontant  à  1000  ans  avant  Jésus-Christ.  Il  y  est 
ligure  un  instrument  de  l'ancienne  Egypte  semblable 
à  la  guitare  par  sa  forme,  avec  éclisses,  et  manche 
muni  de  touches. 

La  plupart  des  musicologues  bssent  leurs  convie- 
lions  à  l'égard  de  l'origine  île  la  guitare  sur  deux 
hy[iothèses  principales  :  selon  la  première,  la  guitare 
serait  un  instrument  original,  créé  de  toutes  pièces 
ou  dérivé  du  luth  chaldèo-assyrien  qui,  passant  par 
la  Perse  et  l'Arabin,  conquit  l'Europe  el  se  ,ti.\a  spé- 
cialement en  Espagne  sous  la  domination  des  Mau- 
res de  71 1  à  1469-. 

La  deu-xiéme  hypothèse,  sans  intirmerla  première, 
attribue  à  la  guitare  d'autres  précédents  historiques. 
Elle  dériveiait  de  la  cithare  romaine  d'orif^ine  assy- 
rienne et  {.Tecque,  et  aurait  été  importée  en  lispat;ne 
avant  l'invasion  musulmane,  sous  le  nom  de  /idiculd''. 

Celte  théorie,  énergiquenient  défendue  par  Kalh- 
leen  Schlesingkr  dansson  ouvrage  :  histraments  of 

1.  Dans  Rambusson,  L''S  Bnrmonies  du  son  et  l'Histoire  des  instru- 
ments de  imisiguf't  Pirrairi-Didol  el  C'*.  P;*ris,  I87S,  nous  lisons  :  o  On 
en  Irnuvc  la  li^iire  sur  des  monuments  ^uyi'lietis.  Plusieurs  voient 
dans  le  kinnor  d  -s  Hébreux  une  es|.ècc  de  guit.ire.  » 

i.  Hugn  RiKMAN.v,  Dietioimaire  de  Musique. 

Jacquot,  Dictionnaire  pratique  et  raisonné  des  instruments  de 
musique. 

Soranio  Fcert>s,  Bistoria  de  la  musica  espanola^  vol.  IV,  chaj». 
xxvni,  p.  I9S  à  217. 

Maria- Kita  Brondi,  //  Liutu  e  la  Chitnrra. 

3.    K»ii»o5su!i,  Op.  rit. 

Grillet.  L^s  .Ancêtres  du  violon. 

Silvador  ll*r»iEi.,  f-a  .iJusii/ue  arabe. 
■    ScHLESt-vGUR,  Tke  Instruments  of  the  modem  orchestn-. 


TEciiyiQim,  EsriiÉTiQiE  HT  Pi:/).i(i()r,fE 


LA  GUITARE     1999 


the  mudein  orchestre  ainl  rai  li/  reconls  0/  tlie  prectn 

.aHm-IAM   IMlia  CU(»,llHillS.HHrACIiM.'l      R  ICJ-^BIIOV^ClMy, 


F16.  Iû:t8.  —  Psautier  d'Ulrecht,  ixi^  siècle.  Reproduil  du  fac- 
similé  autotype  qui  se  trouve  au  Biitish  Muséum  [Tlie  Precur- 
sorx  of  Ihe  riulin  familij,  K.  Scbli  singi-r). 


iom  of  the  violin  /((Hu/(/,  s".i[ipuie  sur  raulorilé  d'un 
iiianusciil  unique,  le  Psautier  d'I'trecht,  chaque 
psaume  y  étanl  agrémenté  par  de  remarquables  illus. 
Irations  et  dessins  à  la  plume  et  à  l'encre  de  Chiue- 
1, 'évolution  delà  cilliaie,  devenant  guitare  en  pas- 
sant par  la  lotte,  s'y  dé- 
mentie dans  ses  moilili- 
catioiis  successives-. 


Fis.  1039.  —  Cilhare 
ou  rotta  du  xiv'  siècle 
(Bitil.  royale,  Dresde). 


y^^MJû 


FiG.  1041).  —  Cilhare  ou  rotta 

à  ses  premiers 

stades. 


FiG.  10'42.  —  Cilhare  comme 
l'antérieure,  ditîérant  de  la 
rolla  par  les  incurvations  exté- 
rieures et  par  la  base  soute- 
nant les  cordes. 


FiG.  1043.  —  Cithare 

à  laquelle 
on  ;i  ajouté  un  manche 
(deuxième  transition). 


FiG.  lOS  1.  — Cithareaiuleuxième 
slade.  Kile  comporte  un  man- 
che démesurément  long,  troir 
cordes  et  trois  chevilles. 


FiG.  1045.  —  David  avec  une  cithare 
au  deuxième  stade,  un  psalteiium 
et  une  longue  épée.  I.a  cithare, 
ici,  est  munie  du  chevalet,  d'une 
queue,  et  de  trois  chevilles. 


Fia  1016.  —  Cithare  au  troi- 
sième stade  vue  de  dos.  .'^es 
incurvations  se  rapprochent 
de  celle'!  de  la  vielle  du 
xin*'  siècle. 


FiG.  1047.  —  Cithare 

au  iroisième 

stade, 

jouée  en  position 

horizont.ile. 


FiG.  1048.  —  Cilhare 

avec  touches 

ou  cases. 


D'après  la  théorie  de  K.  Schlksinger,  la  généalogie 
de  la  guitare  se  trouveiait  comprise  entre  la  kithara 


égyptienne,  son  aïeule,  et  d'ullétieurs  instruments  à 
cordes  dont  elle  serait  le  précurseur. 


Tableau  sjiiopliqiio. 


KITHARA  EGYPTIENNE 
KETHAKAH  ASSYRIF.NNE 
CITHARE  ORKCQUE 


Vihuela  à  archet. 

Viole. 

violon. 


fVuitare  latine, 
vihuela  à  main. 
Guitare  espagnole. 


cithabe  romaine  oc   fidiccla. 
Cithare  fn  transition  oo  rotte. 


Vihuela  îi  plectre. 

Laud. 

Bandurria. 


Kithara  persane  et  arabe. 

KiNNOB. 

I 
Kuitra  mauresque. 
Guitra  ou  kuitra. 
Guitare  mauresque. 


1.  Fdilé  par  William  Reeves,  Londres  (Bil)l.  du  British  Muséum).  |    fnrt  ancien  qui  aur.ul  driniip,  à  force  de  perfectioonenieii  Is,  la  guitare 

2.  D'après  Jacqoot,  ce  serait  un  instrument  d'origine  ori.  nlale  et  |   moderne.  11  dérivait  de  la  cilhare  el  de  la  rotte. 


2000 


ESCrCUtPEDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICrin\SMnE  DU  COSSEliVATOIHE 


K.tyinoloiji'liieniPiil,  le  mot  yuitare  dérive  de  ci- 
thara  ou  /£!(//aru.- il  devi.'iil  te^/iora/t  en  assyrien,  c/(e- 
Ihiriiken  clial.lc'eii,  kuitra>tu  quUni  chez  les  Aiabes. 
En  Krance,  lu  «Hilare  suiM'fla  au  moyen  àt/e  giiiiteie, 
guileinc,  (/uhVernH,  gnilurne,  gni^tenif  elguistarne; 
en  llalie,  elle  s'iipi'e"''  cliilurra;  en  Angleterre  et  an 
DaneiiiaiU,yui7a/;pn  Allpma;;ne,9«Va)-'e;en  Ksfiayne, 
gidlarni;  eu  Hollande,  <4laar:  eu  Suède,  guilarr;  eu 
Russie,  en  l'ulo-neeten  Serbie,  (/i^'ini;  en  13oliênie  et 
eu  Tscliécoslovaquie,  kilarn. 

I,es  traces  de  la  tiuitare  proprement  dite  n'appa- 
raissent pas  avant  les  miniatures  du  célèbie  manus- 
crit esp.i:;nol  du  xni"  siècle,  Caiitiga>i  de  S'inla  Marin, 
attribué  au  roi  Alphonse  X  le  Nage  l Bibliothèque  de 
riiscuiial,  J,  6,  2i,  les  luiuiatuies,  soigneusement  des- 
sinées, déterminent  la  l'orme  de  la  yuilare  mau:es- 
que  et  de  la  «uilare  latine  auxquelles  (ait  allusion 
Juan  Ituiz,  archipiétre  de  Hita  au  xir'  siècle,  dans 
son  Libro  d  I  Bnen  Amor.  Au  même  siècle,  elle  est 
éfialenient  citée  par  (uiiliaume  de  Machailt  dans  Le 
Temps  Pailuiir  : 

Là  je  vis  tout  en  un  cerne 
Viole,  rubabe  giiitenie... 

Dans  la  Prise  d'Alexnndrv-: 

Oi'iîups,  viriles,  micamon, 
Rulipbc?  l't  psallérion, 
Li'iis,  morarhi's  et  giiUernes 
Doiil  on  joue  par  ces  tavernes. 

El  aussi  par  Eiistache  Heschamps  dans  cette  ballade  : 

Plourez,  harpes  et  cars  sarrazinois, 
La  mnri  rruiohaull  la  noble  rélborique 
KubébL-s.  leulhs,  vielle,  syphonie, 
Paalti'Tions.  tous  in^lriunents  coys, 
Rothes,  (iiiileriie.  flausLes,  chaleniie 
Traversaincs  et  vnus  nympbes  de  boys 
TiiTipane  aussi  ineltez  en  œuvre  dois; 
Kt  Icrhoro  n'y  ail  nul  iiui  le  réidiijue 
Faicles  devoir  plourez,  gentils  galois 
La  m'irt  iiiachaiill  la  noble  rétborique. 

La  giiitaie  mauresque  a  une  caisse  de  résonance 
ovale  et  le  fond  convexe  (demi-poire)  comme  les 
instruments  dérivés  du  luth;  un  manche  long,  et  à 


l'exlremilé  opposée 
de  la  cai^se  de  réso- 
nance, une  pièce  en 
forme  de  demi-lune 
où  s'amorcent  Irois 
COI  des  I  La  caisse  de 
la  fjuitare  latine  pié- 
sente  des  inrurva- 
lioiis  latérales  (en 
lorme  de  8),  une  ta- 
ble d'harmonie  plaie 
et  un  fond  plat  èga- 
leineiil  uniseiitieeiix 
par  ces  incurvations; 
son  manche  est 
moins  long  et  porte 
quatre  rangs  de  cor- 
des. 

Dans  la  strophe 
12.t1  du  Libro  del 
Bu  n  Amor  de  l'ar- 
chiprêtre  de  Hita,  on 
lit  : 


Fn-.  1050.  —  Ouilare  latine 
du  uiême  manuscrit,  xni"  siècle 


FiG    104U.  —  Guitare  mauresque.  Canlinan  île  Saiila  Maria, 
XIII'  siècle  (Bibl.  de  l'Escurial). 


Alli  sale  gritando  la  puitarra  morisca 
De  las  boces  a^ud  1  é  de  l'ts  punies  arisca 
Kt  corpudu  laud  que  tyene  piiiilo  à  la  trisca 
I^a  ^'uilarra  latyna  con  esos  se  aprisca. 

De  la  subtilité  qui  caractérise  l'esprit  de  ce  poète, 
considéré  en  Espa!.'ne  comme  le  (ireuiier  éci  ivain  de 
son  époque,  ou  déduit  que  la  guitare  mauresque  avait 
unesiinoiilé  ciiarde  et  rebelle  aux  points  (notes). 
On  psut  aisément  concluii^  i|u'elle  était  jouée,  non 
pas  "  punleada  »  (note  par  noie),  ranis  «  rasgueada  » 
(en  arpégeant  d'un  seul  Irait  toutes  les  cordes  avec 
le  dos  des  doigts). 

Aravi^o  non  quière  la  vihueta  de  arco 
Giaronia,  guitai-ra,  non  son  dé  aqueste  marco. 

C'est  pourquoi  la  pjuitare  (latine  sans  doute),  par 
oppo'iilion  à  la  précédente,  ne  se  piélail  au  f^oiU 
musical  du  pmiple  arabe  ni  par  la  disposilion  de  ses 
cordes,  ni  par  sa  sonorité  intime,  ni  par  l'usage 
qu'on  en  lais.iil . 

Ces  déductions  permettent  de  croire  que  la  théo- 
rie de  K.  SciiLK-iNc.EB,  partagée  aussi  par  d'auires 
auteurs,  a  toute  l'apparence  d'un  lugement  sfir,  et 
que  l'existence  simullanee  de  deux  aspects  dans  la 
;.'uitare  depuis  le  moyen  à^ie,  l'un  populaire,  l'autre 
musical,  s'adapte  bien  à  la  supposition  d'une  }.'ui- 
tare  d'orijiine  arabe  et  d'une  autre  d  origine  gréco- 
romaine. 


Guitare  et  vihnela. 

D'après  le  livre  Declaracion  de  fnsirumenlos  du 
P.  Juan  Bkrmi:do  lOssuna,  1. H ">.'))■■',  la  guitare  ne  porte 
plus  au  xvi"  siècle  l'épitbèle  de  inaiircs(jtie  ou  de 
iaii'ie;  elle  est  siiuplemeut  appelée  guitare. 

Sa  forme  est  celle  de  la  guilaie  laline  des  Cmiti- 
gas.  comportani  quatre  rangs  de  cordes  doubles,  sauf 
le  premier  rany,  dont  la  corde  est  «énéi aleiiienl 
simple,  plus  dix  touches  formées  par  d'autres  bonis 
de  cordes  de  boyau  enroulés  autour  du  manche  aux 


1.  Jiitian  RioicRA,  La  Mu.sica  ilr  las  Canti^as,  I^ladrid,  Real  Arade* 
mia  Espaiiola. 
i.  Bibl,  Nat.,  Ms.,V.  601. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  GUITARE    2001 


FiG.  1051. 


distances  cnrrespondanles,  pour  produire  les  notes  '. 
Certains  iiisiruiiienlistes  la  lOiiaient  en  pinçant,  tuais 
elle  étail  principalement  réservée  à  la  musique  "  frap- 
pée   »    (rasgueuda)    servant    au 
peuple    pour    acconipapner    ses 
danses  et  ses  vieilles  romances. 
Salvador    Danikl^,    décrivant 
<•  la  guitare  de   Tunis  n,  que  les 
Maures  appellent  kuilra.  atllrme 
qu'elle  avait  le  fond  convexe  et 
qu'elle  comportait  trois  rangs  de 
cordes.  Puis  elle  adopta  (on   ne 
sait  quand)  le  fond  plal,  et  acquit 
une  corde  de  plus.  D'insuflisanls 
détails  dans  sa  description  em- 
pêchent de  l'assimiler  a  la  gui- 
tare déciite  par  le  Père  Beumudo  : 
mais  on   peut  supposer  que    le 
contacl  de  plusieurs  siècles  entre 
Aialies  el  Espagnols  (Mozarabes) 
mélangea  les  caractères  distiiic- 
tils  des  instruments  comme  ceux 
des  autres  arts.  Si  les  Espagnols 
«  s'aiabisérent  »  au  contact  des 
Maures,    ceux-ci    subirent    l'in- 
fluence    européenne    et    surent 
adapler  leur  goût  à  la  l'orme  et 
à    la   ."onoiité    des  instruments 
espagnols. 
Ce  progrés  du  peuple  se  refléta  chez  les  musiciens. 
Le  luth,  primitivement  à  quatre  cordes,  en  prit  une 
Ciiu|uieme   en    Espagne    pour    se    perfectionner    en 
Europe.  L'mfluence  exercée  par  la  civilisation  arabe 
sur  la  musique  européenne  devait  avoir  une  réper- 
cussion sur  les  inslruraents  de  l'époque;  c'est  amsi 
que   la   vihnela  ou  vhjola  comporte  une  disposition 
de  rangs,  techniquement  égale  à  celle  du  luth,  sans 
renoncer  en  essence  au  caractère  latin. 

La  vihuela  n'est  qu'une  guitare  plus  grande  dans 
sa  taille,  sonorilé  et  étendue.  Hermudo  dit  :  «  Si  vous 
voulez  transformer  une  vihaelu  en  tiuitaie,  enlevez- 
lui  la  première  et  la  sixième  corde,  les  restantes  sont 
celles  de  la  guitare.  Pour  transformer  une  guiiare 
en  vihuela,  ajoutez-y  une  sixième  et  une  première 
corde.  " 

-  Le  nom  vihuela  esl  la  coiruption  du  nom  fidicula, 
fithek,  vigola,  xihwla,  vielle,  viol  et,  selon  saim  Isi- 
dore, équivaut  h  cithare  (Voir  son  Etymoloyiarinm, 
livre  III,  chap.  xxi).  Trois  genres  de  vihuela  existaient 
à  la  même  époque  :  à  main,  à  archet  et  à  plectre,  se- 
lon qu'on  les  louchait  avec  les  doigts,  avec  un  archet 
ou  avec  un  plectre. 

Il  y  eut  simultanément  une  grande  variété  de  vi- 
huelas  à  main  :  la  vihuela  commune  comportait  six 
doubles  cordes  en  boyau  et  dix  touches.  On  l'accor- 
dait par  quartes  en  deux  groupes  de  trois  rangs  à 
une  distance  de  tierce  majeure.  En  voici  la  disposi- 
tion ; 


€ofdiS:vi«  v   rv»  m" 
STT^ 1; ©- 


m 


Le  Père  Bermcdo  (livre  IV,  chap.   xiii  décrit  aussi 


1.  Aq  Musée  de  Vicli  (Espagne),  on  peut  voir  une  vieille  guitare  à 
quatre  rangs  de  cordt's  avec  dix  louches  formées  par  ties  cordes  de 
boyau. 

î.  Salvador  Daniel,  La  Musique  arabe. 


une  vihurla  à  sept  rangs,  avec  une  corde  au-dessus 


9" 


t  r^  »r  »  ï  ''f  I  E  1  "* 


Atp*5<>tr*3o 


f  l/iU}CL£ÏC^ISf 


Fio.  1052.  —  Vihuela  de  Bermddo 
et  division  de  son  manche. 

de  la  première,  c'esl-à-dire  ayant  un  rang  de  plus 
dans  le  registre  aigu  que  la  vihuela  commune.  Son 
accotd  est  : 


Cordes:  vn«  vi«   v«   iv» 
& — 


m 


é 


JB'     W 


Il  cite  encore  une  autre  vihuela  employée  en  Italie, 
qui  a  six  rangs  de  cordes,  mais  avec  l'accord  suivant 
(livre  IV,  chap.  .xxx)  : 

Cordes:  VI'  v    iv«    ™' 


m 


c'est-à-dire  qu'on  augmente  d'un  demi-ton  la  distance 
entre  le  4'  el  le  3»  rang,  et  qu'on  diminue  d'autant 
la  distance  entre  le  3"  et  le  second. 

Dans   la    guitare,    la    disposition    des   cordes    du 
grave  à  l'aigu  correspondait  aux  intervalles  suivants  : 


Cordes:    TV»  m*    n'    v 


Cet  accord,    le    plus   courant,    était  appelé    a  lus 
nuevos  o  a  los  altos  (nouvelle  façon),  et  celui-ci  : 


Cordes:  iv"   m»   n"     i- 


m 


rrc 


a  los  vii-jos  o  a  los  bajos  (vieille  façon).  Ce  dernier, 
dit  Bermudo,  s'emploie  plus  spécialement  dans  les 
vieilles  romances  et  dans  la  musique  frappée  que 
dans  la  musique  de  son  époque  :  la  bonne  musique 
pour  guitare  devait  être  chilt'rée  dans  la  nouvelle 
façon. 

126 


2002  ENCYCLOFÈIHE  DE  LA   MUSIQI  E  ET  DfCTIO.V.VAlHE  DU  CONSEHVATOIBE 

En  même  temps  que  la  guiiaie  à  quatre  cordes,  il 
en  est  (iécril  une  aulre  ^  cinq  cnmporlanl  une  coiiie 
supplémentaire  à  i'aij^u,  à  distance  de  quarte,  que 
l'ou  nomme  première  dans  la  vihuela.  Voici  son 
accord  : 


Cordes:  v«     w  nr   n« 


Bermudo  parle  aussi  d'un  aulrn  instrument  plus 
ancien,  qu'il  appelle  guitare  de  Mercure';  elle  avait 
quatre  cordes  ainsi  accoi  dées  : 

Cordes:  rv«    m'    a'    i« 


m 


on  y  remarque  l'écart  d'oclave  entre  ses  coides 
extrêmi'S. 

Dans  le  prologue  de  sou  ouvrage,  le  même  auteur 
s'attribue  l'invenlion  d'une  di-posilion  lalculée  des 
touches  iiinsi  (|ue  celle  dune  vihuela  à  sept  cordes, 
avi-c  un  accoid  dilTerenl  de  celui  euiplo\é  par  les 
autres  viliuelistes  (Molainmeul  le  célelire  ^;L1/,MA^). 

Toute  la  musique  de  vihuela  et  de  guita'e  est 
écrite  en  lalilalure  jusqu'au  début  du  xvik'  .-lêcle. 

La  talilature  de  vihu-la  indique  par  des  nomhres 
les  touches  où  il  faut  placer  les  dniiits  pour  obtenir 
les  noies.  La  portée  sur  laquelle  ligurent  ces  nom- 
bres comprend  six  lignes;  les  nombres  placés  sur 
chacune  d'elles  indiquent  la  touche  et  la  corde  cor- 
respondanles. 

Certains  auteurs  considèrent  la  ligne  supérieure 
corame  la  siiième  corde,  et  la  ligue  intérieure  comme 
la  première-.  Dans  le  livre  intitulé  El  Ma'Stro,  de 
Luis  MinN  (le  plus  ancien),  l'ordre  des  lignes  cor- 
respondant aux  cordes  e-^t  : 


et  l'accord  est  le  suivant  : 


Cordes:    \i'   v 


cnrresponilant  à  l'autre;  d'autres  la  font,  ressortir 
au  moyen  deiiouibres  à  l'encre  rouge  f)lacés  parmi 
ceux  qui  l'oimeiit  la  partie  de  vihuela. 

I.a  tahlalure  de  guitare  comporta  d'abord  quatre 
ligues  en  raison  de  ses  rangs  de  cordes  : 


Par  contre,  dans  la  Li/ia  Orphenica  de  Miguel  de 
FuE\LLANA,  et  dans  le  Libre  rft;  l/«si'a  de  lihnela  de 
Diego  PisvDOR,  l'ordre  des  lignes  correspondant  aux 
coi'des  est  reiiver>é  : 


6«  - 

5!" 
4'  - 

3»- 
2'- 

1'- 


Dans  les  œuvres  pour  chant  et  vihuela,  certains 
auteurs  écrivent  la  mélodie  sur  une  portée  sépaié'-, 


1.  11  fail  |)rol>  ibtement  alliisiiMi  à  la  tyre  qui  était  en  vojrue  [liirnii 
les  (îrera  nisqu'au  inonienl  où  Ter|iaQ'lre  arriva  «le  Lfsbu^,  av.inl  la 
35»  lllyin|,ia.le. 

2.  N"US  MHiiMie^  obligé  di^  faire  rcniartiuer  terreur  qui  se  liouve 
dans  le  ttavail  du  tlo-tenr  Cuii.fsoi  n  dtns  la  1'-  pallie  de  VEncyeiû- 
pi^die,  |>.  6-iti  et  t)47,  au  sujet  de  la  tablature  de  Luis  .Milan. 


Fup;^LLANA  et  Mudarba  écrivirent,  en  1554  et  1546, 
diverses  fantaisies  pour  guitare  de  même  (pie  pour 
vihuela  à  cinq  rangs.  Kn  lo.ïl.  Ballahd,  imprimeur 
du  roi  Henri  11,  publia  cinq  Livres  de  t'ibidatiuf  de 
gid'/ejve,  composés  par  son  beau-lrère  Adrien  Lk  Uoy. 
Les  premier,  troi>ième  et  quatrième  de  ces  livres, 
écrits  en  lahlalure  de  quatre  ligues,  comportent  plu- 
sieurs lanlaisies,  pavanes,  gaillardes,  allemandes, 
branles  et  psaume»;  les  deuxième  et  cinquième  con- 
tieniii  lit  |ilusieurs  mélodies  pour  chant  et  guitare^. 
Des  Ih  (iii  du  xvi<:  siècle,  toute  la  tablature  de  gui- 
tare cninporta  cinq  lignes. 

Eu  I  spagie  comme  en  Italie,  la  ligne  supérieure 
de  la  tiildature  de  guitare  correspondait  a  la  corde 
grave  ;  la  ligne  inrérieure,  à  la  plus  aiguë  : 


6  = 

4=   ■ 

Z'  ■ 
1«  • 


Par  contre,  en  France,  la  ligne  supérieure  indique 
la  corde  la  plus  haute;  la  ligne  inrérieure,  la  corde 
grave. 

Les  taliLttures  esp:igiioles  et  italiennes  se  distin- 
guent par  d'autres  parlirulaiités  de  la  tablature  fran- 
çaise :  dans  les  premières,  les  touches  ou  miles  sont 
indiquées  par  des  chillres;  dans  la  seconde,  par  des 
htlres,  exemple  : 


Tablature  espagnole  et  italienne 
J  JjJJ.iJ 


— 1— 

14_ 

— 

j_fl_ 

—:L- 

S 


Tablature     Française 
\  a  I    "   I      a 


J 


Parmi    les  accords   employés   pour   la   guitare    à 
quatre  cordes,  le  plus  commun  était  : 


Cordes:  iv^  m'  n« 

;- ©— 


m 


m 


et  pour  la  guitare  à  cinq  cordes  : 


Cordes:   v»  rv»  m'^     p    n»   i« 


On  alti'il'ue  à  Girolamo  Montesardo,  j^uitariste 
italien  du  début  dn  xvii«  siècle,  l'iiiveiUion  d'un  sys- 

;i.  A  \:i  Uibliotli'-qu"  dci  Brilisti  Miiai'iim  fK.  2  h.  \t],  L..n'lrps.  C'esl 
l'oiivia^'e  le  plus  ancien  iiu-  no-is  cuiirinis^tons  6*>  musi'|iie  écrite 
[mur  I;i  puihire.  E't  voici  le  tiire  :  Premie?'  Livre  de  Taftulatnre  dp 
ijuilfiTe,  conti'nant  plitftï''urs  rlia"5otis.  faiitaisi''S.  /mraui'fi,  t/ail- 
inrile.s,  nllemmuies,  /{nmles,  tant  simples  qu'autres  :  h  tout  cum- 
posp  /lai-  Adrîa"  Le  Itoi/.  A  Pons.  Df  l'îin/'rinn'rie  'VAdrum  Lf  lioy 
et  Hubert  liailurd,  rue  Saint-Jean  de  B''niu<ais,  à  /'eiis''iyne  Saitite~ 
Geneviève,  ii  septembre  i55t.  Arec  privilèye  du  Jiuy  pour  neuf  aus. 


JECIINIOVE,  lisrHKTKjl't:  ET  FÈIIAGOdlE 


LA  GUITARE    2003 


lènie  indi'|iianl  en  ahrf>«é  Ips  .iccor-ils  Innaiix.  Tout 
accoril,  dans  ce  svsif'mi',  étail  représRnIé  par  une 
etlre  majuscule  de  l'alplialiet.  (^e  procédé  fui  vile 
généralisé;  on  l'einplova  snrloul  dans  ce  que  Hek- 
MUDo  appelle  la  niusupie  IVappi'e  pour  acconipajjne- 
ments  msifiieoiios  (sorte  (!■•  Iinis(|iies  arpèges), siiiiple- 
menl  destiiés  à  niari|uec  les  rvlliines  el  les  toialiiés. 

les  i-\tliin<'s  siint  indiq  lés  par  <1h  peliis  liaits 
piTpendiculaires  à  une  seule  liyiie  horizoïilale.  Si  le 
trait  est  au-dessus  de  celte  lif,'ne,  le  coup  ou  aipèji^e 
doit  se  donner  de  bas  en  haut  ;  si  au  contraire  il  est 
au-dessous,  le  coup  se  donne  de  haut  en  lias.  Cela 
s'appelait  e-n  français  «  releverou  rahai.lre  l'HCcord  », 
et  la  prolDiigaiion  du  son  par  ces  deux  Irails,  allnr- 
nativeriienl  répétés,  se  nommait  «  chaudronneiUHnt  •>. 

Certains  nuisicolo;iues  ont.  conondu  et  conlondent 
la  vihuela  et  le  luth,  eu  raison  de  leuis  al'linités  coni- 
muiii'S,  erreur  qui  est  admise  par  le  vulgaire.  On 
arriva  a  croire,  el  beaucoup  l^'  croient  de  nos  jours, 
que  fjuitare  et  m  indoliue'  -iont  synonymes  La  na- 
ture du  luth  el  de  la  vihuela  dérive  d  nu  mf'mf  piin 
cipe  de  physique  inslruni»'iit<ilH.  I,"ailinité  de  ces  deux 
instruments  se  prohuiye  ilans  l'histoire  et  le  déve- 
loppenit-iil  f,'éiiéral  de  la  musique.  I.e  contour  de 
leur  caisse  harmoniipie  élahiit  entre  eux  une  ditl'é- 
reiice  marquée.  I.a  construction  devenue  tradilion- 
nelle  avantajjea  la  vihuela,  plus  riidie  en  moyens 
sonoies.  De  cet  insti'ument  naquirent  les  instiumenls 
à  archet.  La  vihuela,  représentant  jadis  l'esiirit  mu- 
sical de  tout  un  peupli',  est  à  l'aiiuelie  lillérature 
musicale  de  rKspaf.'ne  ce  que  le  luth  et  le  théorhe 
sont  à  celles  de  la  France,  de  l'Italie,  des  Flaudr>'S 
el  i\>'  l'Allemagne. 

L'cjBUvre  des  viliueli^les,  qui  nous  a  été  conservée, 
appartient  à  la  [leriode  compiise  entre  1535  et  1578  ; 
ell  •  se  compose  des  œuvres  suivantes  : 

Libro  de  miisica  df  rihmla  dp  mnno  inlitidado  Kl 
Maestro  comimest"  )ior  D  n  Luijs  Milan.  Dirigido  al 
muy  alto  i'  inuy  iiodero^o  é  invictissimo  principe  Don 
Juan,  por  la  grarin  de  IHo$,  rey  de  Portugal  y  de  las 
Yslas.  Valencia,  153.Ï  (Ui  d.  .\at.,  Parisl'^ 

L 'S  se/s  libres  del  IJellin  de  niusica  de  cif'ras  para 
taiîer  vihii'la.  Ilecho  por  Liiys  db  Nahiuez.  Diiiiiidn 
al  muy  ilu-tre  sei'wr  el  seiwr  f)nn  l''rancisro  de  los  Covos- 
Valladoiid,  1538  (Hild    Nacional,  Madiidj^. 

Los  1res  librus  de  mn^ica  de  cifra  para  vigiiela... 
All'onso  MuDARRA.  >evilla,  1546  (BihI.  .\acional  de 
Madii  L  Legs  liarluerii*. 

/  ibro  de  miisi  a  de  vihuela  intituladn  .Silva  cle  Sire- 
nas.  Cnmiiuealo  par  Enriqiifz  dk  Valhkhrabano.  VaHa- 
dolid.  1547  (Hibl.  .Nacional,  Madrid)». 

Librn  de  miisica  de  vilinela  agora  nwvamente  cum- 
piiesto  por  Diegn  PisaD'^r,  vecino  de  lu  ciudad  de 
Salamanca,  dirigido  al  muy  alto  y  muy  poderoso  senor 


1.  A.  liKiLiET.  Au  Cililogii»  cie  riiôtel  de  Clu'iv  par  E.  du  Somme- 
/  BAR[),  P.i'is,  1884.  |i.  .^6U  :  ..  Muidolin"  iinTustée  -l'ivoire  ave-  man<h  . 
_  orne  d';(ril»e^'(ue^  en  inci-usl. lions  signi^e  p^ir  Aieiin-lre  lîohOHu  [sici 

fVuBuAM.  fin  du  xviii"  siècle,  à  Ptii-Jl.  en  iS61.  '  onni^e  |.;tr  M.  i;lia- 
bann"  à  l^ar-^,  en  11*72.  »  Lei  in«l'unieiit  est  une^inilaie  fraDcaise. 
comme  en  f^tit  foi  la  signalure  mentionnée  au  calal-.gue. 

2.  Li'^rf  de  misiqn'*  pour  vihuela  à  main  intittJ-  u  f^l  Afapstro  » 
{Le  Mtlîtru).  ronlnos'  par  Don  Luis  Mu, an,  lié'ljé  an  tn's  /taitt,  tr<-s 
puissa-it  et  invinrihle  prince  finn  Juan,  rui  ttu  Portnijalet  '/es  Iles,  par 
la  grdce  île  Dieu.  Valence,  15:^5 

3.  Les  Sir  Livres  'a  Oaupkin  de  Musique  pour  vihuela.  Ecrit  pnr 
Luys  UE  Naruae/  et  dédie  au  Ires  illustre  teiior  Von  Francisco  de  los 
Coros.   VHlhidcdid.   IfilS. 

4.  Les  Trois  Livres  de  musique  chifr^e  pour  vihiela.  Alphonse 
MuDAntiA.  Séviile.   I54(i. 

5.  Livre  de  musique  de  vihuela  intitulé  «  Silva  dp  Sirenas  »  com- 
posé par  Enriquez  os  VALDBKRABA^o.  Valladolid.  1547. 


l>'-n  Philippi',  principe  de  Espai'ia,  nuestro  scttor. 
Salamanca,  IbS'i  (Bilil.  .\at    de  l'aris)". 

Libro  da  )iimica  para  vihneln  iniilulado  Orphenica 
l.yru,  coiiipxtcsio  por  Miguel  de  Iie.nluiva.  birigido 
al  muy  alto  y  muy  poleroso  set'ior  Dan  Pkiliupe,  prin- 
cipe de  Espnfui,  rey  de  Inglaln-ra,  île  \ai,oles,  niiei^tro 
fei'un-...  Sevilla,  1554  (Bibl.  du  Conservatoire  de 
Parisi''. 

El  librn  llainndo  Declaracion  de  iiislriimeiilos  del 
Padre.Iunn  Bkhmi'do.  Ossuna,  1555  (Bibl.  nal.,  à  Paris, 
et  Orléo  Catal.i,  Barcelona...)*. 

Libro  de  cifra  nueva  para  te'  la,  hnrpa  y  vihwta 
por  Luys  Vknec.as  de  Himestrosa.  Alcalii,  1557^ 

A' te  de  tni'ier  f'ntnsia  assi  para  lecla  lomo  para 
vihuela  por  Frmj  Toiiuis  de  Sa.nta  Maria.  Valladolid, 
1565"'. 

Libr-'  de  musict  en  '-ifra  pai-'i  vihuela  intiluhido  lîl 
Parnasso.  CnntpU' sto  ,'Or  I)  n  Estebun  I>a/a,  de  Val- 
la'/olil  biri/ibial  muy  ilmhe  senor  lirenciad"  Her- 
nando  de  Itiivahs  de  Soto-mayor  licl  Coiuejo  SuiiremO 
de  S.  M.  Imiire^o  por  Die,,o  Fernando  de  Co'dob'i, 
impresor  dr  S.  M.  Valladoli.l,  ano  de  1576  (Bibl. 
.Nacional  de  Madrid  "). 

Obra-  de  musici  para  tcda.  harpa  y  vihuela,  por 
Antonio  DE  Cahezon.  Madrid,  1578'^. 

Bien  que  l'inifioriancH  de  ces  ouvrages  ait  été  mise 
en  relier  par  llaphaêl  .MirjAVA  dans  sou  élude  sur  la 

si. pie  en    Bspa;;ne   (Ewyclopédie  de   la    Mnai'iue, 

vol.  IV,  Kspaf."ie-Poitui;al|,  nous  nous  permettons 
d  ainuler  quelques  remarques  capables  de  contribuer 
à  alTerinir  leur  valeur-  artistique. 

Alhi-rl  SiiuiiiKs  dit.  dans  son  Histoire  de  la  musi- 
que :  a  Ils  ont,  en  somme,  une  Ires  liiande  impor- 
tance a  trois  points  de  vue.  loul  d'abord,  c'est  là 
qu'il  laut  chercher  la  première  ébauche  de  l'or- 
chestre mod -rne.  tait  absolument  reconnu  par  Ce- 
VAERT  el  bien  daiilies.  Kn-uile,  ils  apportent  une 
roiiirihuiion  con-idéralde  pour  l'étude  du  lolMore 
musiial.  .Non  l'onierits  de  s'approprier  tout  ce  qui, 
ilans  les  (euvres  de  pohphonie  vocale,  était  n  leur 
convenance,  les  vihuelislps  prenaient,  en  vue  d'amu- 
ser les  rors  et  les  grands  dans  l'entourage  deS(|uels 
ils  vivaient,  des  thèmes  populaires,  toute  une  musi- 
ipie  naive  i|ui,  t.'ràce  à  eux.  nous  apparaît  c'aire, 
charmante,  pleine  île  couleur.  Enfin,  littérair.niHnt, 
les  cidieclions,  dans  les  textes  des  chansons  qu'elles 
groupent,  nous  oll'rent  les  sp  citnens  d'une  poésie 
toit  caiacléristique  (|ui,  sans  cette  circonstance, 
serait  demeurée  irrconnue    ■■ 

l.opEz  Chavabbi  (liduardoi  dit,  dans  son  Histoire  'le 
la  musiijue  :  «  Bien  ipiils  adoptent  lré()uenrment 
des  moiifs  populaires  comme  thèmes  de  leurs  com- 

1».  Livre  de  musique  de  vihuel't  no'ireflement  composé  par  Diego 
PisADOR  de  SaJamanquP^  ilèdie  an  très  haut  et  très  puissant  seitjneur 
Don  /'hi/ippe.  prince  d'Espat/ne,  notre  sei',7ieur.  Salan'an'iue,  15.52» 

7.  Li'-re  'te  musique  pour  vi/iuela  intitu'é  ■■  tirpheniea  t yrn  •,  com- 
pn.Hi'  par  Miiiuvl  DE  KuENLi  AfiA.  D'diè  au  très  liaut  el  très  puissant 
seii/neur  Do''  PliiUnne.  prince  d  Espai/ne,  roi  d  Angleterre,  de  .\ap/e.i^ 
notre  seitjUenr..     Sé»itle.  I5''4. 

H,  Le  livre  appelé  Déclaration  d'instruments  par  le  Pi're  Juan 
Behmudo.  O^igunii,  1555. 

y.  Livre  de  notation  nouvelle  pour  instruments  n  touches,  harpe  et 
vihuela.  I  ar  Lnys  Venjcas  de  Hine>trosa,  Alcala,  1557. 

lu.  Art  de  jOuer  tti  fantaisie  sur  les  instruments  â  touches  et  sur 
la  cihuehi ,  par  Fray  I  onuis  DE  Sama  Maria.   \  alladolj'I.  15(i5. 

1 1 .  Livre  de  tnu^ique  chiflr-'e  pour  vihuela  intitulé  «  El  Pnmasso  », 
compose  par  Esleban  Da/a.  de  \  allridnliil.  Dèdii-  au  très  illustre  aci- 
gneur  licencié  Hernando  de  Havalos  de  Soto,  président  du  Conseil 
suprême  de  S  .U.  Ini.riine  |iar  Diego  Keinandrz  de  Cordoha,  impri- 
meur de  S.  M.  \  alladnlid.  1576. 

1  ::.  Œuvres  de  mwique  pour  instruments  à  touches,  harpe  et 
vihuela, pur  Antonio  De  Cabe/uh,  Madrid,  1578. 


2004 


ENCrCUIPÈDlE  DU  LA  MUSIQUE  ET  DrCTfOVVAlliB  DU  CONSERVATOIRE 


posilio  13,  ils  nppliiiiient  ;i  leur  art  le  contrppoinl 
dans  loiil.e  sa  rij^neiir  et  ils  reclierclient,  d'autre  pari, 
la  prédoraiMaiic?  d'une  mélodie  sur  I.'S  auties;  ils 
abièseut  la  polyphonie  des  aulres  voix  en  la  rame- 
nant, da  is  l'écriture  et  dans  la  pratique,  à  de  simples 
accords;  ils  di^oouvreiit  ainsi  des  harmonies  caracté- 
ristiqUfS,  et  délivrent  des  entraves  sévères  du  conlre- 
poinl  le  chant  mélodique  loiifîtenips  avant  la  Came- 
rata  Florentina,  qui  créa  l'opéra.  " 

Ils  créent  la  monodie  accompapnée,  la  fantaisie 
et  les  variations.  Antonio  de  Cabezô.n  écrivit  des 
Taiiations  bien  définies  avant  le  virgiiialiste  an}»lais 
Byrd.  La  l'orme  varintion  procède,  non  pas  des  vihue- 
listes  eux-mêmes,  mais  des  guitaristes  populaires, 
leurs  prédécesseurs,  en  raison  de  la  musique  qui 
accompafjnait  les  vieux  romances  hispaniques.  Le 
romance  consistait  en  une  sorte  de  poésie  populaire 
où  étaient  narrées  plus  ou  moins  lonf,'uement  les 
aventures  chevaleresques,  les  amours,  les  guerres, 
les  faits  religieux  ou  les  aventures  comiques.  Il  se 
chantait  sur  une  courte  mélodie  avec  arcompagiie- 
raent  de  guitare  ou  de  viluiela,  et  la  répétition  fié- 
quenle  du  chant  lit  lechercher  d'inslinct  ce  qui 
pouvait  éviter  la  monolonie  musicale.  Ainsi  naquit 
la  vanalion,  d'ahord  simple  moiceau  instrumental, 
et  qui  ouvrit  <lepuis  un  lioi'izon  nouveau  et  illimité. 
Tous  les  vihiielistes  écrivirent  de  nombreuses  va- 
riations. Une  romance  populaire,  El  Conde  Claros, 
fournit  à  Narvaez  le  thème  de  vingt-deux  vaiialions, 
de  douze  à  Mud.\rra,  de  trente-sept  à  Pisador.  Dans 
la  romance  Guardame  las  vacas,  apparail  déjà  un 
effet  d'écho. 

Le  maître  Pedrf.ll  dit,  dans  Miisicali'iias  :  «  Le  mu- 
sicographe rencontre  dans  les  livres  des  vihuelistes 
les  -t'ormes    natives    et    originelles   de    la   monodie 
accompagnée,  el,  par  extension,  loutfs  ou  presque 
toutes    les    formes    de    l'orchestre 
symphonique  moderne.  » 

Le  siècle  de  l'apogée  di-s  vihuelis- 
tes lut,  en  général,  une  période  de 
travail  si  intense  et  si  décisif  pour 
la  musique    instrumentale,   qu'elle 
devait  forcément  marquer  de  nou- 
velles orientations.  Les  instruments 
à  archet  et  à  touches,  en  se  perfec- 
tionnant, attirèrent  sur  eux  l'atten- 
tion des  musiciens  et  des  artistes. 
La  vihiiela  partageait  avec  le  luth 
et  le  théorbe  la  préilorainance  de  la 
musique  profane;  elle  avait  relégué 
la  guitare  à  l'humble  rfile  d'accom- 
pagnateur     routinier      aux 
mains  du  peuple;  mais  elle 
disparait   après  la  dernière 
œuvre  des  vihuelistes  (1578). 
La    chute    de    la    vihuela 
correspond    au     relèvement 
de  la  guitare.  L'instrument 
est  le  même,  mais  il  est  dif- 
féremment  monté.   Comme 
vihuela,    il    a    un    rang    en 
moins;  comme  guitare,  un 
rang  en  plus.  Ce  qui  oblige 
surtout     à     le     considérer 
comme  une  guitare,  c'est  son 
caractère    essentiellement 
populaire.    Tandis    que    les 
musiciens  limitaient  le  con- 
trepoint, le  peuple  s'efforçait 


de  rechercher  dans  la  guitare  le  sens  tonal  pour  ses 
chants  et  ses  daii<es. 

Les  premiers  promoteurs  de  la  guitare  furent  le 
génial  poète  Vicente  Kspinel  et  J. -Carlos  Amat,  doc- 
teur en  médecine. 

Le  premier,  baptisé  à  Ronda  le  28  décembre  1550, 
fut  l'auteur  de  la  rime  appelée  espinela,  le  maître  de 
littérature  de  Lope  de  Vega  et  l'ami  intime  de  Cer- 
vantes, qui  écrivit  dans  sa  Gnlatea  : 

Del  famoso  Espinel  cosas  diria 
Que  escedan  al  humaao  entendimiento 
De  aquellas  ciencias  que  en  su  pecho  cria 
El  divino  de  Febo  sacro  aliento, 
Mas  pues  no  puede  la  lengua  niia 
Decir  lo  menos  de  lo  mas  que  siento, 
No  digo  mas  sino  que  al  cielo  aspira 
Ora  lome  la  pluma,  ora  la  lira. 

Et  dans  le  Vinje  ai  Parnaso  : 

Este  aunque  tiene  parte  de  Zoilo 

Es  el  grande  Espinrl  que  en  la  guitarra 

Tiene  la  prima  y  en  el  rare  eslilo. 

Lope  de  Vega,  dans  sa  Dorotea,el  Doizi  de  Velasco 
dans  son  Nuevo  Mo'in  d'-  cifra  para  taiier  la  guUarra, 
attribuent  à  Espinel  l'addition  d'une  cinquième  corde, 
faite  une  quarte  au  dessus  de  la  plus  aiguë  corres- 
pondant à  la  première  de  la  vihuela.  On  peut  croire 
qu'il  n'a  fait  qu'eu  adopler  et  répandre  l'usage.  Reb- 
MUDO  déclaie  avoir  vu  auparavant  des  guitares  à  cinq 
cordes,  I''uenllana  \Orphenica  Lt/ra)  et  Mudarra  (Trois 
livres  de  musique  pour  vihuela)  ont  publié  des  fantai- 
sies pour  guitare  ou  vihuela  de  ce  genre. 

L'instrument  ainsi  adopté  fut  nommé,  hors  d'Es- 
pagne, guitare  espagn'd'-,  épithèle  qui  le  distinguait 
de  son  congénère,  la  guitare  à  quatre  cordes,  employée 
jusqu'alors  dans  divers  pays. 

On  attribue  aussi  à  Espinei.  l'accord  la-ré-sol-si-mi 
délinitivement  adopté  et  qui  subsiste  encore  pour  ces 
cinq  cordes. 

En  15815,  parut  le  premier  traité  pour  guitare, 
publié  à  Barcelone  sous  le  titre  : 

Guitarra  espai'iold  y  Vandola  en  dos  maneras  de 
guitarra  Castellana  y  Cathalana  de  cinco  ordenes  la 
quai  ensi'fia  de  tenplar  y  taùer  rasgado  todos  los  puntos 
mitundes  y  bemolados,  con  eslilo  maravillnso.  Y  para 
paner  en  elta  quidquier  tono,  se  pow  uria  tabla  cnn  la 
quai  podra  qualquier  sin  dificultad  cifrar  el  tono  y 
despues  laner  y  canlarlc  por  doce  moiios.  Y  se  haze 
mencion  tambien  de  la  guitarra  de  quatro  ordfnfS. 
Gerona  pur  Joseph  lirô  Itnpresor  (sans  date  ni  nom 
d'auteur)  '. 

L'édition  de  ce  traité  que  nous  avons  sous  les 
yeux  contient  une  lettre  du  P.  Leouardo  de  San 
Martin  datée  de  Saragos^e,  le  30  avril  KCjg,  adressée 
à  l'auteur,  Juan  Carlos  Amat,  docteur  en  médecine; 
elle  nous  apprend  que  la  première  édition  parut  à 
Barcelone  en  1586,  que  l'auleur  est  âgé  de  soixante- 
sept  ans,  qu'à  l'âge  de  sept  ans  il  chantait  et  jouait 
de  belle  manière,  qu'il  avait  publié  divers  petits 
traités  sur  la  musique,  l'arithmétique,  l'astrologie, 
la  poésie  (Quatre  crnts  Aphorism  .s  ca/a/ans  imprimés 
plus  de  vingt  fois),  un  Traité  sur  la  peste  imprimé  à 


Fio.  1053.  —  La  guitare. 


1.  Guitare  espagnole  et  vandola  {mandore?)  d'après  les  deux 
modes  de  la  fiuitare:  castillane  et  catalane  à  cinq  rangs  de  conli's. 
où  l'on  apprend  à  acrofler  et  à  Jouer  «  rasi/ado  »,  tous  les  tons  natu- 
rels et  hémolisi's  avec  un  style  merveilleux.  Ht  pour  qu'on  puisse 
,oaer  tous  les  tonSt  il  y  a  un  tableau  avec  lequel  on  peut  sans  diffi- 
rulti^  chiffrer  le  ton  el  après  le  Jouer  et  le  chanter  de  douze  façons 
différentes.  On  traite  aussi  de  la  guitare  à  quatre  cordes,  Gérone, 
i.nprimô  pjir  Joseph  liro. 


TECIIiMtJI  E,  ESTHÉTIQUE  ET  FÉOAGOGIE 


LA  GUITARE    2005 


j|  ~G  U  I  T  A  R  R  A 

'^  ESPANOLA   >    Y    VANDOLA 

'Ji  eu  dos  maneras  de  Guitarra,  Caste- 
^  Uana  ,  y  Caihalana  de  cinco  Ordenes, 
la  quai   enfenade  templar  ,   y   taner 
rasgado ,  todos  los  puntos  naturalft, 
y  b ,   mollados  ,    con    estilo 
maravilloso. 
r'PARA  PONER  EN  ELLA  QUAL- 
quier  tono,  fepone  una  tabla,  con  la  quai 
podrd  qualquier  Jîn  dificultad  cjfrar  tl 
tono,y  de/pues  taner,y  contarle  por  do^ 
ze  modos.  Tfe  bazemencion  tambien'^ 
de  la  Guitarra  de  quatro  ordenès. 


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1 1 

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K     G:rot}a  :  ppr    Jofeph_^ro  ,.  Imprefor.- 


1^' 

r* 


lîarcelone,  et  un  Fruclus  Medicinie,  édile  à  Lyon 
(H'rarice),  Itois  fois  depuis  lfV23. 

Ce  traité,  ;comme  l'expose  l'auteur,  n'a  d'antre 
but  que  d'eiiseif;ner  la  manière  de  jouer  et  de  tou- 
cher en  rasfjiieiido  la  f;uitare  à  cinq  cordes,  appelée 
espa^îuole  parce  quelle  est  plus  répandue  dans  ce 
pays  que  dans  les  autres;  il  enseigne  aussi  la  nia- 
nièie  de  s'en  servir^dans  n'importe  quel  ton.  Suivent 
trois  sonnets  célébrant  la  guitare  et  l'auteur,  puis  le 
traité  commence;  il  comprend  neuf  clinpitres. 

Le  premier  dit  que  la  guitare  est  montée  de  neuf 
cordes,  une  au  premier  rang  et  deux  aux  autres 
rangs;  les  cordes  des  deuxième  et  troisième  rangs 
sont  accordées  à  l'unisson,  celles  des  quatrième  et 
cinquième  rangs,  à  l'octave  : 


FiG.  1054. 


Cordes  V® 


Cet  accord  montre  un  intervalle  de  quarte  entre 
le  cinquième  et  le  quatrième  rang,  le  même  inter- 
valle entre  le  quatrième  et  le  troisième,  entre  le 
deuxième  et  le  premier,  puis  une  tierce  majeure  entre 
le  troisième  et  le  deuxième  rang. 

Dans  le  deuxième  chapitre,  il  explique  la  formation 
des  accords  qu'il  appelle  iJiintos,  constitués  par  trois 
voix,  bajete.  allô  y  Upl'-  (basse,  baryton,  ténor).  Il 
explique  la  dilférence  entre  les  accords  maj'-urs  et 
mineurs  (naturels  et  béniolisés),  le  nombre  qu'on 
en  peut  former  (douze  de  chaque  manière)  et  la  dé- 
signation (le  chacun  d'eux  par  un  chitîre. 

Le  troisième  chapitfe  expose  tous  les  accords 
majeurs  en  précisant  les  cordes,  les  touches  et  les 
doigts  au  moyen  desquels  ou  les  obtient  : 


sis 

3«-      3«-      )  a 


^m 


Le  quatrième  chapitre  décrit  de  la  même  manière  les  accords  mineurs  ou  béniolisés  : 


iii^iiÉi 


Le  cinquième  présente  un  tableau  très  iii;.'énieux 
sur  lequel  tigurent  tous  les  accords  disposés  de 
façon  facilement  transposable.  Les  numéros  I,  2,  3 
et  4  servent  à  indiquer  les  seules  louches  employées 
pour  la  formation  des  accords;  les  lettres  a,  e,  i,  o 
indiquent  les  doigts  de  la  main  gauche,  index,  mé- 
dius, aiHiulaire,  auriculaire. 

Le  chapitre  VI  montre  comment  les  accords  pré- 
cédents renferment  toutes  les  tonalités,  et  la  manière 
de  s'en  servir  pour  passer  àdes  tonalités  différentes. 

Le  chapitre  VII  explique  la  façon  d'appliquer  ces 
accords  à  des  airs  connus,  tels  que  vacas,  piiseos, 
gallardas,  villancic<ts,  ilalianas,  pavnnillas,  etc.,  et 
comment,  par  transposition,  ces  accords  peuvent 
s'adapter  au  ton  le  plus  convenable.  U  donne  comme 
modèle  un  paseo  lespece  de  petrt  prélude  lonal) 
formé  par  la  succession  des  accords  majeurs,  tonique, 
sous-dominante,  dominante  et  tonique  : 


I 


hâ 


& 


5 


^ 


Il  indique  aussi,  en  se  sei'vant  du  tableau  précédent, 
la  laçon  de  transposer  facriement  le  même  paseo 
dans  des  tous  ditlèreuts  par  progression  de  quarte 
ascendante.  11  justilie  l'utilrté  de  la  transposition  en 
disant  que  «  les  voix  humaines  ne  peuvent  pas  s'ac- 
commoder à  toutes  les  notes,  que  les  guitares  sont 
d'ordinaire  très  hautes  ou  très  basses,  et  que  ceux 
qui  ne  peuvent  jouer  que  d'une  seule  manière  un 
morceau  le  chanteront  torcémenl  très  haut  ou  très 
bas  »  ;  enlin, connaissant  ces  régies,  orr  peut,  en  mê'me 
tem|is,  jouer  de  douze  grrilares,  chacune  dans  sa  to- 
nalité, el  toutes  auront  une  même  consonance. 
Le  chapitre  VllI  donne  une   table  permettant    à 


2006 


EhC)  C.LOl'ÉliŒ  liE  LA   Mi:SIQlE  ET  DICTIOS  y  MUE  ni'  CoySlillVATOIHE 


qiiiconi|ue  de  chiltrer  le  ton  cl  de  rliiiiilei-  de  douze 
maiiière-i.  Ce  système  iiisf^riieux  prouve  les  ficullés 
didactiques  de  l'auieur  el  coiicoui  t  ar  dévelopiiemeiil 
de  la  théorie  exposf^e  dans  le  clia[)itie  précédent. 

Le  chapitre  IX  traite  de  la  guitare  à  quatre  rarrgs, 
avec  le  tn^irie  accord;  celle-ci  possède  le  m^rne 
iiombie  d'accords  naturels  et  bémolisés,  et  peut  être 


jouée  en  n'imporle  quel  torr.  Mn  peut  <léduire,  d'après 
les  iiidic.itlorrs,  que  le  mouverrieiil  à  donrrer-  aux  airs 
découle  ilij  ton  lrii-mi''me. 

I':n  Ruise  de  snile,  rrri  autre  Irailé  pins  corrrl,  en 
calalarr,  expose  les  accord*  en  chiffres,  et  indique  les 
doigls  au  moyen  île  points  : 


Tons. 

MIS'- 


jn    jn    l^n     5n    6"    7"     8"^   9^  10"-  11"    12"     l^     2^    jb    4l>    5!»    el"    7^    sb    9^    10^'    H^    11^ 


iï*^^ 

f-î^ 

r^^ 

r*^ 

r^ 

r*^ 

_^.- , 

r4^ 

r*^^ 

r^^ 

r-V—^ 

|-4^ 

ri 

r^ 

r*rrn 

,....     7  :■ 

, .... 

, ... 

'•!•• 

1 

g-' 

L^iid 

U^ 

i^l^ 

l^-  —  l 

H^-l 

L^ 

L2^_l 

L+i_l 

-V--I 

{-•■ 

LU-J 

|_|_L_J 

LiJ 

\Jr^ 

LI^ 

L?^_U 

Naturels  f Majeurs) 


Une  page  de  vingt-quatre  dessins,  appelés  Mar^chs 
y  Afans  (manches  el  mainsl,  représente  les  positions 
des  doig(s  sur  les  cordes  pour  chaque  accord,  liien 
qu'il  y  ail  doirze  accords,  on  n'y  voit  ligurer  que  dix 
manches  :  les  accords  de  sol  liémol  on  pi  dh'se,  en 
majeur  et  mineur,  se  lorment  comme  leurs  accords 
respectils  naturels,  sur  urre  touche  plus  avancée, 
doniiarrt  un  demi-ton  plus  liant. 

Chacun  de  ces  dessins  porle  une  lettre  maïuscirle 
indiqirarrt  la  laçon  de  réaliser  les  divers  accords  sur- 
l'ensemlile  des  cordes.  Kn  l(i06,  Montesahro  emploie 
le  même  alphah -t,  qu'il  altère  li'gèrement. 

I.e  derrriei'  chapitre  esl  corrsacré  à  la  ni.iiiière  d'ac- 
corder la  vandola,  insirumeni  à  six  rangs  de  cordes, 
dont  la  posilion  et  la  tessitirre  donnent  du  grave  à 
l'aigu  In.  ré,  sol,  si,  mi,  la. 

Gel  ouvrage,  plagié  par  Andrès  de  Sojo  (ou  Soto) 
en  nti4,  et  imité  par  Mincuet  è  Ibol  en  1752  à  Ma- 
drid, coutrihrra  grarrdenient  à  la  diffusion  de  la  gui- 
tare dans  toule  l'Kspagne. 

Dix-septicinc  siècle. 

l,e  premier  ouvrajce  paru  au  svii»  siècle  est  celui 
de  Girolamo  Montesakdo  intitulé  :   Nuovn  Inventione 


Avec  bémols    (Mineurs) 

d'Intavolaliira  per  sonare  H  halleti  S"pra  la  chilarra 
^piignnlu  senzantimeri  e  nu'e,  i&M,  liologrra  iLic. 
Mirs.  Bihl.  MusiUlreund.  à  Viennel.  Quoique  l'on  at- 
trihue  à  cet  aulenr  l'iirverrtion  de  l'alphabet  ilalieii, 
le  lail  qu'urr  alphabet  ligure  d.irrs  l'ouvrage  de  J.  Car- 
los Amat,  pirblié  vinyl  ans  auparavant,  dimiirue  l'im- 
portance de  son  iuveulion.  I)  ailleurs,  dans  l'alphabet 
de  MoNTBSARDO,  tous  les  loirs  ne  sont  pas  indiqués; 
par  coiil  re,  on  y  trou  ve  l'iuveision  d'un  même  accord, 
et  les  valeurs  irnliquées  au  moyen  de  majirscules  et 
de  minuscules  précisenl  bien  mieux  les  rythmes. 

Tous  les  guitaristes  italieirs  postérieirrs  à  Monte- 
SARDO,  et  même  certains  guilaristes  espagnols,  ont 
adopté  sou  alphabet. 

Ko  1020,  parut  à  Paris  une  Méthode  très  facile  pour 
a/tprendre  'i  jnwr  de  la  (juilare  espagnole,  composée 
par  l.uis  de  BiircENO,  et  dédiée  à  M""  de  Châles;  on 
y  trouve  des  choses  cirrieirses  srrr-  les  romane  s  et  les 
ségiredilles,  une  soixantairre  de  chansorrs  différentes, 
une  rnélbode  porrr  jouer-,  le  lont  dans  un  ordre  lacile 
et  ayréable.  Imprinré  à  Paris  par  Pierre  Ballard, 
imprimeur  du  roi,  1026'. 

L'auteur,  cité  ai  ec  éloge  par  le  P.  Mersennf.',  dans 
son  llarmonir  Universelle,  présente  les  accords  sui- 
vanls  comme  les  plus  rrécessaires  : 


SV; 


^ 


:^ 


=^ 


9 


+ 


^ 


Accord  , 


SoLM.     DoM.    FaM     &iiïM:  Rém    La  m     MiM.  Faffm.  Sim.    L    M.    RBM.L|^^^);^^JSiM.     Dom    Lat^M.    Mit>M. 


à 


m 


^^ 


m 


^ 


r  r  "^  r  f  f  r    r  r  f  ^r 


o    à    Cl    Ct       à       ©    c/ 

1  -f  1 

Bo     -     la  -  va        la         pa  -  lo 


P  3 

3 

mi  -  la 


o    à    c/        a    à    c>        Cl    à        Cl    c 
3  1  + 

Por        en     ci  -  ma       del        ver-de  limon 


J 


J 


o    à    c       c    à       c       a 
+  1 

Con         Us  a  -  las        a-par-ta 


J 


Ci        Ci    6 

3 
las         ra-mas 


o       c    à       c     a     c    à        c    a, 

nor. 


c 

3  1  + 

Con      ei         pi  -  co        Ile-  va      la 


i .  \I*itù  lo  mil/  facili<\iino  para  aprender  l'i  ta/ïer  la  yuitarra  à  lo 
Bxpaiiol  r.ompu-sto  por  Luis  de  Bhiçneu  y  presentado  à  Afadama 
de  CliaUs  en  el  quai  se  halluran  co.sas  ruriosas  rff  llomanresy  6V- 
t/uidiVai.  Jiinlaincnte  sesenta  /içiones  'liferentes,  un  Mrtodo  para 
templar,  otro  para  conoçer  los  acurrdos^  tudo  poruna  horJen  tiyra- 


Arrojome  las  mançanitas 
Por  ençima  del  mançanar, 
Arrojoniclas  y  arroji'selas 

Y  toriiôniplas  a  arrojar. 

Si  jarnâs  duermen  mis  ojos, 
Madré  mia  que  harân 
Que  como  aiiior  lus  desvela 
Pienso  que  se  mnriràn. 

Quien  dixo  muerle  al  amor 
Libre  de  pesâtes  era 
Mejur  dixera  dolor 

Y  màsnatural  le  luera. 

Una  niora  me  enamora 
Por  ser  mora  de  nacion, 
Mas  no  es  mora,  porque  mora 
Denlr'i  de  mi  coiMçon 


diib'e  y  fuçilissima.  Jmpreso  en  Paris  por  Pedro  Ballard,  impreaor 
del  lity.  Itiiô. 

2.  A  la  Bit».  Nat.,  V.  280i. 

3.  I.ji  [lote  grave  du  7"  :icrord  est  5t  *'t  non  la;  8*  arcord,  liret/o^l 
fajft  la,  dojjf,  faif^;  I5"accurd,  la  note  supérieure  est  /a^^et  noD  ^^,| 

i 


TECH.VJQI  t,  tsrilËI  inUt  ET  l'EnAOUUIE 


LA  GUITARE    2007 


Vers  la  m^me  époque,  Nicolas  Doizi  dr  Vfxasco, 
d'oriyiiie  pcirtu;,'aise,  élevé  en  Ks|>a;;iie,  musicien  iln 
roi  et  du  cariliiial  don  l'eriiamlo,  aH|iiiiil.  an  duc 
de  Meijina  cle  las  ToiTrs,  ai;issanl  dans  le  niênie  sens 
en  llalie,  (Il  |),uaiti(î  à  .Naples  sa  NoKvelli'  MHJiode 
chi/f'ré'  jionr  (jnilare  il6.'!0i  '. 

AnlérieurHinenl  à  lui  (quoique  après  Tcenvre  de 
Mo\TESAiiBi)),  par-ur'ent  en  llalie  divers  oiivr;i;.'es  de 
Orazio  (maccio  (Naples,  1618),  fiiovanni  Amlitosio 
CoLONNA  (.Milan,  1620el  1637)^  MiL\.Nrzzi  el  Heneilello 
SA^sBVEE^l^'o•'  (16:;2i,  Ludovico  Monte  ((620),  Pielio 
MiLio.Ni'>,  Kanrizio  Covsta.nzi  et  G. -H.  Abaïtkssa  |Ve- 
nise,  )017) ',  Fonano  Picn,  Hartolotii^,  Runcaili''  et 
autres',  ainsi  (jue  lifs  ouvrages  spécialement  écrits 
pour  cliilarriglia,  ninl  qui  n'indique  pas  un  instru- 
ment, mais  plulôt  une  façon  de  jouer  équivalenle  au 


rasQiiea'lo  de  nos  jours.  Lesdiles  œuvres  spécifiant 
la  cliitiirriijlia  sont  basées  sur  des  accords  à  tonique 
rudimeniaire,  sans  indication  de  temps.  Les  conles 
et. lient  lonies  frappées  à  la  l'ois  sans  pincemeni,  en 
monveni'iits  allernatils,  vers  le  haut  ou  le  lias,  sui- 
vant l'indication  des  monvemenls.  Ceux-ci  étaient 
indiqués  par  des  leltres  placées  en  dessus  ou  en 
dessous  d'une  lif,'ne  unique  horizontale'  : 


aA 


Aa 


C  A 

(MONTESARDO) 


Quelques  auteurs   indiquent  les  accords   par  de 
petits  traits  verticaux,  au  lieu  d'employer  des  lettres  : 


B 


I    '  r    I    '     I 


A  :||       B 

■   I'     I     '       Il 


I     1  rn  n 

ACADEMICO  CALICDIOSO) 


iiMiiit,  hijîj  Ijilj  ijnij  ,   lijîjhyij  îj'-J  ijijiJ 


frfTfTTT  rrr  rrr    rrrrr^r^/r 


(GASPAR   SANZ) 


Sous  le  titre  de  /  Qiiati-o  Lihri  d  lia  Chilarra  spai/nuola  nelli  qualli  si  contfngono  tulle  le  Sonate  ordinarie, 
FoscARiNi  (V Arademico  Caliijino^o,  de  lo  il  furioso)  publie,  en  1629,  un  volunie  employant,  pour  la  première 
fois,  le  procédé  du  pincement  (fiimleado)  ajouté  à  l'ancien  rafitjueado^" . 

Ce  volume  contient  la  première  lablature  comportant  des  accords  dissonants,  et,  où,  d'ailleurs,  le  doigté 
de  a  main  gauche  est  indiqué  comme  dans  le  traité  de  J.-C.  Amat  : 


-ir^ 


C* 


F^       G* 


-»^ 


-3^ 


H^ 


I* 


K^ 
-1^ 


L-' 


-3 — 


M^ 


N-^ 


Cet  ouvrage  et  ceux  d'Antonio  Carbonchi",  Lo- 
renzo  KARomo,  Domeuico  Pkllkgrini  "*,  Goriandolli, 


I.  Nuevo  Modo  de  cifrar  para  tatler  ta  giiitarra  cort  varie'tad  y 
perffccion  y  se  muestra  Sfr  instrumenta  perfecto  y  abnndante  pur 
NiCol'Vi  f>oi/.i  0^  VtiAiOu,  m'iiico  de  S.  \f.  y  del  Sr.  Infante  Cur- 
dennl  ij  ut  présente  det  Duque  de  Médina  de  las  Torres,  virrey  de 
Napol''s.  Va/>o/.'S  pur  Egi  lit)  L  iQj^o,  1(145  (tiibl.  NHCion;il  MadiiJ). 
CcL  auteur  déi-l.ire,  dins  son  ou  vrage,  que  la  ^uitaie  etail  appelpe  es- 
(>a^u<ile  eu  ^KrHiice  et  en  Italie  depuis  qu't^si>meL  lui  avait  ajoute  ta 
5'  cor. le. 

2.  fntanotntura  di  ckitarra  alla  spagiiola.  Giovanni  Ambrosio 
CoLON>A  ibibt.  «lu  Britisti  .Muséum). 

3.  H  Print't  Livra  d'intaootatura  per  ta  chitarra  (Britisti  Muséum, 
K.  t.  g.  U). 

4.  V^Ttt  e  facil  mod  >  d'impirafe  a  sonare  et  accordare  da  s^  me- 
desimo  La  Chitarra  Spa'/nuola  >ion  solo  con  i  Alfnb'tlo  et  accorda- 
tura  oMinaria  mi  anco  con  un  nltro  Alfahetto  et  nccurdatura  stra- 
ordinaria  nuooamente  inventât^  da  l*ietro  .\Iilioni  e  L'idovico  Monts. 
Compaijni  con  una  reg  )'a  uer  impararc  il  modo  d'accordare  .sei  chi- 
tarre.  per  poterie  s  iii'iri-  in  deine  in  concerto,  ciascuna  per  ihfferente 
chiaoe.  In  Venetia  MDi;X.XX.ViI  per  Ootn^'itiro  Lnvisa  à  liialto  (Bibl, 
du  Coiiserv.itoire  et  au  Mu^ée  hiâLori'iue  Je  musique  «le  L).-W.  Scueun- 
LEEH  à  la  Haye). 

5.  Corona  -H  oa/hi  fiori...  Venetia,  iôil  (British  Muséum,  |K,  1. 
a.  7.1 

6.  \ngiolo-Mi -Iiele  Bartolotti.  Libro  primo  di  chitarra  spagnuola. 
Ploreucti,  1640  (Au  British  Muséum  K.  8.  i.  i). 


AcioLi,  Pesori,  Granata  *^,  ainsi  que  ceux  du  fameux 
CoRBETTA  ou  CoRBERA.  tioiinenl  unB  grande  impul- 
sion à  la  valeur  musicale  de  la  guitare,  améliorent 


7.  Ludovico  KoNCALLi.  Ciprici  armonici  sopra  la  chitarra  spa- 
gnuola. Bergamf*,  1692  (Brislish  Muséum.  K.  t  c.  12}. 

8.  Voir  Jnhanne-t  Wulf,  Handbuch  der  Notationskunde,  Leipzig, 
Breitkopr  et  H:  rtel,  1919. 

9.  Maria-I{ila  Brurdi,  op.  cit.  Oscar  Chilesutti,  Ritista  musicale 
Italiana.   Vol.  XIV,  lasc.  4",  Fialelli  Bocca  edilori,  Torino. 

10.  A  la  Bibl.  INat  ,  R-s.  Vm  s-u.  2. 

11.  Le  Do'Hci  Cfntarre  apoitate  inventate  del  cavalière  Antonio 
Carbonchi.  Firenze,  1639,  rét'dilpeen  1643  sous  le  titre  i^ibro  Seconda 
di  chitarra  spatjnuola  ion  due  alfabetti  nno  alla  franctse  e  l'ait ro- 
alla  spagnuola^  dedicato  alla  Jlustriss.  Sig.  Marchfse  Bartolomeo 
Corsini.  L'auteur,  né  à  Flureote,  fut  nomme  chevalier  de  l'ordre  de 
Toscane,  pti  hocnmage  à  ses  aciioas  héroïques  peudaut  la  guerre 
c'ontre  le-<  Turcs.  Il  fui  le  preraitTguitiristequî  donna  plusieurs  liai  mo- 
nis  liions  à  une  mi^me  mélodie.  (fUilip-J.  Bone,  GuitarandAlandoUrit 
Au;^ener,  Londres.) 

12.  Armoniosi  Conf^erti  sopra  la  Chitarra  spagnuola  di  Domenieo 
Pi  i.LfcGRiNi  Buloynene,  Accademito  t'ilomuso.  In  Bulogna,  per  Uia- 
como  Monli.  Ifi.so  iBihl.  du  Conservaloire), 

13.  Caprici  armonici soprà  la  chitarriy  lia  spagnuola  di  Gio  Battista 
(ÏHASATA  da  TorniQ  da  lai  eu  tempi  musicali  tomposti  e  dedicali  al 
S  reniss.  Principe  D.  Lorenzo  di  Toscana,  Bologiia,  lt)46  (Bibl.  Mat. 
K''S.  :  Vm'',  59'i)  et  Armoniosi  loni  di  varie  sonate  musicali,  Bologna, 
I6Ù4  (Bristisb  Muséum  K.  4.  b.  i}. 


2008 


ËNcrcLOPÉniE  nu  la  musiqi  e  et  dictiossaire  du  conservatoire 


sa  technique,  auRraenlent  le  nombre  de  shs  ellels 
instiumentaiix  el  les  indiquent  par  les  signes  sui- 
vants : 


martèlements  (trilles  continu? 


miolements  (vibratos) 


tremblements  (mordants) 


0 


vers  la  note. 


thtule.s  (liés  montants)  f~\  ,  tiradei  (liés  descendants)  V^/ 


arpèges  en  sens  double    ^^^^  ' 


L'apogée  de  cette  époque  si  intéressante  pour  la 
guitare  est  marqué  par  Francisco  Corbrra,  musicien 
espagnol  selon  Lichtental,  qui  lui  attribue  le  Irailé 
Gvitarra  espanola  y  sus  difcrentes  soues,  dedicado  à 
Felipe  IV;  d'autres  musicologues  soutiennent  qu'il 
est  né  à  Pavie,  en  1613,  el  s'appelait  Corbbtta'.  Très 
jeune  encore,  on  le  tenait  pour  le  meilleurgnitariste 
de  son  temps.  Après  avoir  été  pemlant  quelques 
années  musicien  à  la  cour  d'Kspafjne,  il  voyagea  en 
Allemagne  et  en  Fiance,  où  la  protection  du  duc  de 
Mantoue  le  (it  nommer  musicien  de  la  chambre  du 
roi  Louis  XIV,  charge  qu'il  occupa  pendant  plusieurs 
années.  Durant  celle  période,  il  publia  La  Guitare 
Royale^  (Paris,  H.  Bonneuil,  1671,  Bibl.  du  Musée 
Historique  de  iMusique  de  l).-W.  Scheurleeh,  à  la 
Hâve,  et  British  Muséum,  K.  7.  i  4),  précédée  d'un 
discours  aux  amateurs  de  cet  instrument.  Il  leur 
dit  qu'il  a  publié  divers  autres  ouvrages  composés 
dans  le  style  propre  aux  pays  visités  par  lui.  Il  fait 
allusion  à  un  travail  paru  deux  années  auparavant, 
et  enseignant  les  différentes  manières  de  jouer  de 
la  guitare.  Dans  ce  même  ouvrage,  il  se  plaint  de 
son  collèj;ue  (îranata,  qui  lut  quelque  temps  son 
élève,  et  qui  publia  plus  tard,  sous  son  propre  nom, 
plusieurs  de  ses  compositions.  De  la  cour  de  France, 
Corbetta  passe  à  celle  d'Angleterre,  où  il  est  nommé 
musicien  de  la  reine  par  le  roi  Charles  H,  lors  de 
son  avènement  au  trône.  L'enthousiasme  qu'il  sus- 
cita dans  ce  pays  fut  si  extraordinaire  qu'il  ohlinl 
non  seulement  la  faveur  du  roi,  mais  celle  de  toute 
la  cour,  où  il  devint  du  meilleur  ton  d'apprendre  la 
guitare.  Il  eut  pour  élèves  le  ducd'Vork,  lord  Anan, 
lady  Glosterfîeld;  parmi  ceux  qui  furent  ses  meilleurs 


1.  Philip-J.  BoNE,  Guîtar  and  \fandQtvi,  l.ondreii,  édit.  Augener. 

2.  La  Guitnrre  Royalti',  dédi'^e  au  fioi/  de  In  Grande-Bretagne^ 
composée  par  Francisque  Corbetl,  firavée  far  H.  Bonnetiit,  rue  au 
Lard,  proche  ta  Rouetierie  fie  Beaiivais,  au-dessus  de  la  halle  aux 
cuirs.  Avec  privitëiji'  'lu  /tôt/,  1671.  Cet  ovivrajfe  contient  plus  d'une 
centaine  de  compositions,  parmi  lesquelles  plusieurs  Prélnde«.  Sara- 

'bunJes,  AIIemand.'s.  G.ivottes,  Gigues.  Courantes.  Doubles,  Rondos. 
Menuets,  Passac^ulles,  Folies,  Ch.icnnnes,  <loiit  une  Allemande  a  été 
faite  lors  de  remprisonnemcnt  du  duc  de  Bur-kingham,  une  autre  sur 
la  mort  du  duc  de  (ilocesler;  une  troisième  composition  est  inti- 
tulée :  Le  Tombeau  de  ma'lame  d'Ortéans. 

Un  autre  ouvrase  antérieur  a  cetni-ci  :  V«rii  caprici per  l'i  ghit- 
tara  si.agnuola  di  Francesco  Corbetta  Pavese.  MVano,  f6l:J,  eiiste 
à  la  Bibl.  du  Brilisb  Muséum.  K.  10.  a.  4.  H  contient  un  portrait  de 
l'auteur,  plusieurs  passai  ailles  et  différents  airs  de  danses  traités  en 
t  rasgueado  »  et  ■  punt>'ailo  »,  à  la  manière  des  guitaristes  italiens 
de  l'époque. 


disciples,  figuienl  Vabray,  Médabd  et  lioberl  de  Visée, 
l'un  des  plus  grands  maiires  de  cet  instrument  à  la 
lin  du  xvii'  siècle  et  au  commencement  du  xviii"^. 

Son  œuvre  de  précurseur  est  transcendante.  Il  est 
sûrement  le  premier  de  son  lemps  à  annoncer  les 
ultérieures  polyphonies  des  fiuilarisles.  Son  style  est 
personnel  et  puissant.  Sa  musicjue,  de  coupe  popu- 
laire el  surtout  galante,  soutient  aisément  la  com- 
paraison avec  celle  de  ses  meilleurs  contemporains, 
LuLLY  et  autres. 

C.ciRBETTA  niournl  à  Paris  durant  l'été  de  168t. 
ainsi  que  l'annonre  le  Mercure  dans  son  nuinèro 
d'aoïlt  1681,  page  132. 

(In  attribue  à  Micdard  cette  épitaphe,  dédiée  à  son 
maître  : 

Ci-giirAmphion  de  nos  jours, 

Francisque  cet  homme  si  rare 

Qui  ht  parler  à  la  guitare 

I.e  vrai  langage  des  amours. 

Il  gaf^na  par  son  harmonie 

Le  cœur  des  princes  et  des  rois, 

Kt  plusieurs  ont  cru  qu'un  génie 
Prenait  le  soin  de  conduire  ses  doigts. 
Passant,  si  tu  n'as  pas  entendu  ses  merveilles, 
Apprends  qu'il  ne  di'vait  jamais  finir  son  sort. 

Et  qu'il  aurait  charmé  la  mort. 
Mais,  hélas!  par  malheur,  elle  n'a  point  d'oreilles. 

Le  succès  de  Corbetta  contraste  avec  le  fait  rapporté 
par  Jacques  Bo.nnet  dans  son  Histoire  df  In  Mtisviue. 
Un  mathématicien,  ayant  inventé  le  moyen  de  laire 
jouer  automatiquement  une  guitare  placée  dans  les 
mains  d'un  squelette,  fut  accusé  de  sortilège,  puis 
pendu  el  briMé  avec  l'instrument  en  1664,  sur  une 
place  publique  d'Aix-en- Provence. 

De  tous  les  traités  jiarus  au  xvii»  siècle,  le  plus 
important  fut  certainement  celui  de  Gaspar  Sanz  : 
Instruccion  de  musica  sohre  la  guitarra  espai'iola  y  me- 
lodo  desde  sus  primeras  riidimentos  hasla  tnûerla  ron 
destreza.  Il  comprend  deux  labyrinthes  in;;énieux, 
plusieurs  airs  et  quelques  danses  en  arpéf;es  {ras- 
gueado)  et  en  pincé  [punUatlo]  dans  les  styles  espa- 
fjnol,  italien,  français  ou  anglais,  plus  un  court  traité 
d'accompasnement  pour  guitare,  harpe  et  orpue. 
("e  traité  d'accnmpagnemeiil  se  résume  en  douze 
réples  avec  les  principaux  exemples  du  contrepoint 
et  de  la  composition.  On  l'édita  à  Saragosse  chez  les 
héritiers  de  Diego  Dormes,  en  1674  (Uibl.  Nationale 
de  Madrid;  Bibl.  du  Conservatoire  de  Paris  et  Musée 
hist.  de  musique  de  D.  W.  Scheuri-eer  à  La  Hâve). 
Le«  airs  espa;inols  et  italiens  qu'il  renferme  sont  des 
t'olias,  gallardas,  marianas,  pa$acallis,  pavnna^i,  jaca- 
ras,  espafioletns,  iiriarizaptilas,  granduques,  elc.  En  de- 
hors de  sa  valeur  artistique,  il  présente  le  plus  grand 
intérêt  didactique. 

Sanz  emploie  l'abécédaire  italien,  le  meilleur  de 
tous  selon  lui,  et  donne  un  tableau,  qu'il  nomme 
labyrinthe,  pour  transposer  les  passacailleS  el  les 
autres  airs  rasgueadns  dans  n'importe  quel  ton.  Huit 
règles  suffisent,  d'après  lui,  pour  apprendre  à  jouer 
de  l'instrument  dans  la  manière  populaire. 

La  première  régie  enseigne  à  choisir  les  cordes 
et  à  les  placer  sur  la  guitare  selon  leurs  diverses 
grosseurs. 

La  seconde  :  Comment  il  faut  les  accorder. 

La  troisième:  Disposition  des  noies  sur  leurs  tou- 
ches respectives. 

La  quatrième  :  Kxplication  de  l'alphabet  italien. 

La  cinquième  :  Manière  de  s'en  servir. 

La  sixième  :  Transposition. 

La  septième  :  «  Barré  »  [Ceja). 


TECIINIQVE,  ESIHÈTIQVE  ET  PEDAGOGIE 


LA  GUITARE    2009 


l,a  liiiili^me  :  Explicalion<lii  laliyriiithe  di's accords 
dissonants,  avec  îles  modèles  pour  s'exercer  dans  les 
arpèges  [riiaditeadux),  sona'lax  (airsi  français  et  ita- 
liens. 

Pour  ci'ux  qui  désireraii'nl  pousser  plus  loin  leurs 
études,  il  donne  «  les  rei-'les  essentielles  dont  se 
servent  les  maîtres  de  lionie  ».  r/esl  après  avoir  fré- 
quenté ceux-ci  et  concouru  avec  eux  dans  de  nom- 
breuses académies,  qu'il  prit  le  meilleur  de  chacun 
d'eux,  surtout  de  Lelio  Colista,  qu'il  nomme  l'Or- 
phéi-  de  son  temps. 

Ces  règles  sont  les  suivantes  : 

I.  —  Manière  de  produire  le  son;  doigts  à  employer 
pour  les  dilférenls  accords;  mouvement 
alterné  des  doigts  de  la  main  droite  pour 
les  notes  consécutives. 
II.  —  Manière  d'employer  le  pouce  de  la  main 
dioite. 
III.  —  Conseils  pour  le  mécanisme  de  la  main 
gauche. 

IV.  —  Manière  de  faire  le  trille  (indiqué  par    T  )  )• 

V.  —  Manière  de   faire  le  mordant  (indiqué   par 

VI.  —  Manière    de    faire    le    vibrato    (indiqué    par 


^y 


\ 


vil.  —  Manière  d'exécuter  le    extr/isino    (plusieurs 
notes  liées  par  un  seul  traitl. 

VIII.  —  Manière  de  lier  une  note  donnée  sur  une 
corde  avec  une  autre  donnée  sur  une  lou- 
che (]uelconque  de  la  même  corde.  Ce  pro- 
cédé  s'appelle  apoyniiiento  ou  rsmorsala. 
IX.  —  Explication  de  l'arpège  de  trois  ou  de  quatre 

doigts.  On  l'indique  par  le  signe  — r^r— 
ou    ^^'~   ;  il  est  conseillé  de  placer  tous 


les  doigts  de  la  main  gauche  qui  forment 
une  même  position'  comme  on  les  place- 
rait pour  produire  des  accords. 

X.  —  Sanz   recommande  la  simultariéilé  d'action 

des  deux  mains;  les  doigts  de  la  main  gau- 
che ne  doivent  pas  quitter  les  notes  tant 
que  les  suivantes  ne  sont  pas  préparées 
par  d'autres  doigts  :  le  contraire  choque 
l'oreille. 

XI.  —  Les  mesures  liinaire  et  ternaire  expliquent 

les  valeurs  des  notes  indiquées  par  les  chif- 
fres elle  mouvement  approximatil.  L'ou- 
vrage contient,  en  outre,  une  grande  quan- 
tité de  commentaires,  une  série  dérègles 
pour  le  contrepoint  et  la  composition. 

Gaspar  Sanz  naquit  à  Calanda  (Aragon),  on  ne  sait 
'à  quelle  date.  Dans  sa  jeunesse,  il  étudia  à  l'Univer- 
sité de  Salaraanque,  où  il  obtint  successivement  le 
grade  de  bachelier  en   théologie   et  de  licencié  en 
philosophie.  Il  cultiva  à  Naples  ses  facultés  musi- 


cales. Outre  ses  succès  comme  organiste,  il  acquit 
une  grande  virtuosité  sur  la  guilaie.  De  retour  dans 
sa  patrie,  il  fut  nommé  professeur  de  guitare  de  Uon 
Juan  d'Autriche,  fils  naturel  de  Philippe  IV  et  de  la 
célèbre  artiste  Maria  Calderon.  son  œuvre  fut  dédiée 
à  son  royal  élevé.  Il  mourut  à  Madrid,  en  1710. 

Ce  volume  renferme  toute  l'œuvre  connue  de  Cas- 
par  Sanz,  (-(important  des  airs  de  cour  et  populaires, 
des  plus  simples  aux  plus  compliqués,  tous  du  plus 
pur  caractère  national,  richement  varié.  Leur  carac- 
tère instrumental  s'y  marie  à  la  construction  artis- 
tique. Ces  moiceaux  subissent  l'influence  des  (|ualités 
austères  inhérentes  aux  polvphonies  liturgiques  d'œu- 
vies  vocales  ou  pour  orgue.  1, 'appoint  instrumental 
donné  à  la  guitare  par  Gaspar  Sanz  revêt,  pour  ces 
raisons,  une  austérité  insolite  pour  l'époque. 

PendMiit  que  Gaspar  Sanz  recueillait,  dans  son 
œuvre,  l'esprit  du  peuple,  Hobert  de  Visée,  successeur 
de  son  maître  Corhetta  dans  la  charge  de  i.'uilariste 
de  la  cour  de  Louis  XIV  et  renommé  théorbiste,  pro- 
duisait d'autres  oeuvres  retlétant  toute  la  grâce 
courtoise  de  son  temps  et  de  son  milieu. 

La  biographie  de  cet  illustre  artiste  est  encore  bien 
incomplète.  Son  Livre  de  ijuilare,  dédié  a  Louis  XIV 
(Bibl.  iNat.),  parut  à  Paris  en  t6S-J,  et  fut  réédité  en 
1686-.  Il  contient  une  grande  profusion  de  danses, 
menuets,  allemandes,  .;igues,  sarabandes,  couran- 
tes, passacailles,  bourrées,  gavottes,  etc.  En  outre, 
il  renleime  divers  préludes  et  une  allemande  en  do 
mineur,  appelée  Tombeau  de  monsieur  Francisque, 
morceau  sans  doute  dédié  à  son  maître  Corbetta. 
Le  docteur  Chilesotti  met  en  relief  la  curieuse  ana- 
logie qui  existe  entre  les  premières  mesures  de 
cette  œuvre  et  celles  du  second  temps  de  la  marche 
funèbre  de  la  Symphonie  héroïque  de  Beethoven. 

Dans  sort  prologue,  de  Visée  déclare  s'inspirer  de 
LuLLV,auteurqu'il  alVectionne  grandement.  Il  affirme, 
en  outre,  avoircomposé  une  suite  basée  sur  un  accord 
nouvellement  découvert  par  lui  (si.  ri*,  sol,  rf,  sol)'^. 
L'œuvre  de  Robert  ue  Visée  relléte  une  aristocratie 
spirituelle  digne  de  son  haut  lang  social.  Ayant  été 
attaché  à  la  personne  du  dauphin,  il  approcha  le 
roi  plus  tard,  ne  manquant  jamais  aucune  des  bril- 
lantes réunions  privées  de  M"''  de  .Maintenon  et  de 
la  cour. 

Trois  ans  après  l'ouvrage  de  Sanz,  parut  en  Espa- 
gne le  livre  :  Liiz  y  norte  muninil  para  caminar  por 
kii  cifras  (II-  la  guitarrn  espafwla  y  harpa.  etc.,  com- 
posé par  le  piètre  don  Lucas  Uuiz  de  Uibayaz,  Ma- 
drid, Melchor  Alvarez,  1677  (Bibl.  Nacional  Madrid 
et  Bibl.  Koyale  de  Bruxelles),  renfermant  des  pava- 
nas, gallardas,  danzn  del  hacha  (danse  de  la  hache), 
chaconas,  rugeros,  para^ielas,  sarabaiidas,  eapanole- 
tas,  folias,  jacaras,  torneos,  galevia  de  amor,  mario- 
nas,  muselas,  maluchiii'S,  turdiones,  pasiicalles,  vacas, 
viltunos,  canariiis,  zambeques,  elc. 

Riiiz  DE  Bibayaz  naquit  à  Saiita-Maria  de  Ribarre- 
donila,  dans  les  montagnes  de  Burgos;  il  lut  prében- 
dier  de  l'église  collégiale  de  Villafranca  del  Bierzo. 
.Son  œuvre  est  consacrée  à  la  reine  des  anges.  Maria 
Sanlissima  de  Curiùego. 

Le  dernier  des  traités  espagnols  du  xvii»  siècle  a 
pour  titre   :    Pnema  harmonica  compuesto  de  varias 


\.  Sar  te  sens  du  mot  «  position  »,  voir  plus  loin,  p.  2022  (Main 
gaufhe).  II  s'agit  ici  d«  l'arrangement,  de  la  disposition  des  doigts, 
nécer^saire  pour  produire  un  accord. 


i.  Liore  de  pièces  pour  la  guitarre,  dédié  au  finy,  composépar  R. 
DE  Visée,  trruvé  par  Bonneuil.  Et  se  vend  d  Faris  ehez  le  dit  Bon- 
neuil.  proche  la  halle  aux  cuirs,  vers  let  SS.  Jnnucena,  et  cliez  A. 
Letleguine,  rue  Oaupliine,  à  la  Pucelle,  vis-à-vis  la  rue  d'Anjou. 

3.  D'après  le  D'  Oscar  Ch(LE9otti,  Rioisla  Musicale  haliana,  vol. 
XIV,  fasc.  4(Fralelli  Bocca,  editori,  Torinoj. 


2010 


Hyr.yCLill'È/l/E  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTI()>IN AIHE  DU  COSSERV ATOIRE 


cif'ras  par  el  lemplc  de  la  nuiturra  e-i/ianola.  ilciicado 
à  la  so'-ra  lalolva  y  nal  MajeMad  del  T'y  niiesiro  sc/î'T 
rf'.ji  Carl'is  II,  que  nio<  <piard'\,  por  su  mejor  caitellan 
y  mas  afceto  vasnilo,  Franscisco  Gikhau,  pri'sbis/i'ro 
miisiro  de  su  Rral  Cupilla.  Madcid.  Iinpreiila  de  Ma- 
nuel Hiiiz  de  Mriifxia,  Iii84  iBnlisli  MiiS'  uin).  Cet 
oiivra^'e  piéspiile  dans  son  roiiienu  une  j;iaiide  aiia- 
lof-'ie  aver  celui  de  Hniz  dk  Ribav-az 

lin  1699,  Nirolas  Dkhozik»  piihliail  à  Paiis  ses 
Nouveaux  Principes  pour  la  guitare  lédilion  Ballard  . 
Il  est  le  |iiemier  à  traiter  la  p'iilare  comme  inslni- 
ni  en  tdVnsc  mille.  Ttoi-i  aiisau|iaiavaiil,  no  m  nié,  à  La 
Haye,  musicien  de  chambre  d.-  lEIecirice  Palatine, 
il  édite  douze  ouvertures  [louryuilare  seule  i  Hild.  Nal., 
Paris,  et  Musée  de  D.-VV.  Schei  rleer,  La  HayeJ. 

Dix-hnitiènie  siècle. 

Les  Nouvelles  Découvertes  sur  la  guitare  de  François 
Campion,  niailie  de  théorlie  et  de  s  itare  à  l'Acadé- 
mie loyale  de  musique,  paruieni  1\  Paris  eu  1705; 
roiivraj;e  expose  les  accords  inliiiiment  variés  que 
Ton  praliquait  à  celte  époque  : 


La  même  année  Gammon donnait  :  Virsion  di>  tabla- 
ture en  musique  de  pièces  de  guitare,  et  eu  1716,  Traité 
d'i;ocompagnemei)t  el  de  compnsilion  selon  la  règle  des 
oclavfs  de  musique. 

Sous  le  litre  :  liesumeii  d'-  acimpaùtir  lu  parle  con 
guilarra  por  Santiaijo  de  Mi'ncr\,  l'ut  éditée,  en  ITU, 
la  dernière  œuvre  en  tablature  (lirilisli  Muséum). 

il  ne  période  de  décadence  succède  à  ce  livre.  Les 
sonorilés  éminemment  délicates  de  la  «uitare  sont 
sacriliées  à  celles  plus  bruyaiiles  d'autres  inslru- 
ments;  la  guilare  t-ii  arrive  à  f'tre  désavantagée  et 
traitée  souvent  iidiabilement  en  insirument  d'en- 
semble par  les  Iîoccubrim,  Rombeiig,  Humsiel,  Pleyel, 
J. -Baptiste  Hérahd,  etc. 

Kn  cetle  lointaine  époque,  les  vraies  ressources 
et  l'extraordinaire  potentiel  de  la  guitaie  restaient 
insoupçonnés. 

Des  musiciens  de  prand  lalenl,  manifestement  atti- 
rés vers  elle,  n'arrivent  pas  à  percer  son  mystère, 
faute  d'une  compréhension  adéquate  et  de  moyens 
techniques. 

Ses  richesses  demeurent  inopérantes,  puisque  igno- 
rées; on  écrit  pour  elle  d'une  façon  sommaire,  empi- 
rique et  souvent  maladroite.  Kt  cet  instrument  si 
riche  est  traité  en  parent  pauvre. 

Il  s'éclipse  bientôt. 

Vers  le  dernier  tiers  du  même  siècle,  paraît,  en 
Espagne,  la  figure  la  plus  luaiquante  dans  la  renais- 
sance de  la  guitare  :  c'est  celle  de  don  Miguel  (iarcia, 
devenu  plus  tard  le  Père  Basile,  moine  de  l'ordre  de 
Saint-Basile  ide  Ciieaux),  orgaiiisle  du  couvent  de 
Madrid  et  auteur  de  nombreuses  œuvres  de  caractère 
religieux.  Il  lut  le  maiire  de  Mouetti  et  d'AciUAuo, 
qui,  avec  Son,  activèrent  la  renaissance  guitaristique 
du  xviii»  siècle. 

Celle  période  engendra  dans  tous  les  pays  de 
l'Europe  des  guitaristes  de  plus  ou  moins  grande 
valeur.  Les  plus  fameux,  lixés  a  Paris,  lirentde  cetle 
capitale  le  centre  guitaiislique  le  plus  impoitanl  de 
l'époque. 


Citons  :  en  l''ranc.e,  Béraiio,  (juic.hakd,  (Ioiolet, 
Labarhk,  Docbk,  AiuQN,  Gataves,  Cilles,  Butticnot, 
Bâillon',  Magnien",  Boulley,  etc. 

Kn  Italie,  Cahulli,  Caucassi  et  Cii'liam  prédomi- 
naient; h  cAté  d'eux,  Li  gnani,  Gkacnani,  Molino, 
ALB^^EZE,   GiARDiNi,    Bkvilaqoa,   Boccomim,    Mekchi, 

tiRAGONETTI        MllSSINl,     CaLEGAHI,     CeMIMANI,     HolLA, 

Këubanti  (Zani  dii,  etc.;  même  le  grand  Pagamni 
composa  douze  sonates,  op.  2  et  op.  3,  en  deux  S'-ries 
pour  guitare  et  violon,  publiées  par  liicoidi  de  Milan 
el  Itichaiilt  de  Paris,  en  plus  de  nombreux  morceaux 
pour  guitare  seule. 

Kn  Allemagne,  Chrysandfb,  Cauerloher,  Raum- 
BACH,  Amon,   Arnold,   Khlers,    Call,    Blim,    Benzon, 

DiaBILLI,  DotZAUER,  KuNZE,  KuFFNER,  (iANDE,  Korner, 
KllAUS,  HaUPTIHNN,   LlNCKE,   HenREL,  liOHLRR,'GLAESER, 

Helu,  GoLLMicK,  Prattk.n,  Straube,  etc. 

Kn  Autriche,  Ignace  Pleyil,  Krnst,  AmbroscbEi 
Hëld  (Theobald),  Klingenbhunnër,  Gbubeh,  Rayer, 
GvNSBACHER,  Knize,  I.eidksdorf,  Meiik,  Jansa,  Craef- 
FER,  CoR.NKT,  LicKL,  Petzuayer  et  Mf.htz,  Ib  plus  célèbre 
d'entre  eux. 

Kn  Angleterre,  Harder,  Louenz,  Marghsner.  Call, 
MouNsEY,  Merrir,  Pelzfr  et  Ellis. 

Kn  Hollande,  Boom,  Hi'dersdorff,  Prager,  Drouet, 
Craeuva.nger. 

Kn  Relyiipie,  Schindlocrer  et  Molitor. 

Kn  Danemark,  Berggreen  et  Wilhelm  Gade. 

En  Russie,  Sykua,  Sczopanowski,  Wyssotzki,  Soko- 

LOWSKI,  LiBEDEFF,  Clc.'. 

Des  musiciens  susnommés.  Fernando  Cabulli,  né 
a  Nafdes  en  1770,  apprit  seul  la  guitare  et  parvint  à 
une  grande  virtuosité.  Fixé  en  1797  à  Paris,  il  donna 
de  nombreux  concerts.  Intimement  lie  avec  les  mu- 
siciens les  pins  éminenls  de  son  temps,  il  eut  pour 
disci|iles  Filippo  Cragnani  et  le  célèbre  organiste 
Cuiluant. 

Ses  œuvres,  nombreuses  et  variées,  sont  écrites 
soil  pour  guilare  seule  ou  sous  l'orme  de  concerto 
pour  guitare  et  oichestre,  qiiinletles,  quatuors,  trios, 
duos,  etc.  (ensembles  d'instruments  divers  toujours 
avec  guitare).  On  en  Ht  l'édition  à  Vienne  chez  Has- 
linger;  à  Bonn  chez  Simrok;  à  Mayence  chez  Schott; 
à  Leipzig  chez  Holfmeister  el  chez  BreitUopf  el  Hartel. 

Ces  œuvres,  d'un  classicisme  strict,  témoignent 
d'une  grande  habileté  technique  et  instrumenl.tle. 
Malgré  ces  enviables  qualités,  des  idées  trop  ame- 
nuisées y  poussent  la  mièvrerie  jusqu'à  l'indigence. 

.Sur  la  lin  de  sa  vie,  Cahulli  écrivit  pour  son  fils 
une  méthode  dans  laquelle  se  trouve  un  traité  d'har- 
monie appliqué  à  la  guitare.  Carulli  est  mort  à  Paris, 
en  1841. 

Matlieo  Cahcassi  (Florence,  1792)  fut  un  des  plus 
célèbres  guitaristes  de  l'école  ilalieniie.  Son  nom  est 
familier  aux  amateurs,  en  raison  de  la  popularité  de 
sa  Méthode  et  de  ses  Etudes.  Il  vécut  à  Paris,  don- 
nant des  concerts  et  voué  à  renseignement;  il  voya- 
gea souvent  à  Londres  el  en  Allemagne.  Malgié  le 
prestige  de  son  compatriote  Carulli,  ,les  Parisiens 
lirent  de  Carcassi  leur  eiilaiil  gâté.  Sa  Méthode,  pu- 
bliée d'abord  par  la  maison  Schott  de  Mayence,  lut 
traduite  en  allemand,  en  français,  en  espagnol  et  en 
anglais.  Cet  ouvrage,  en  dehors  de  ses  nombreux 
exercices,  a  comme  partie  saillante  vingt-cinq  éludes 
récemment  doigtées  par  Miguel  Lloret  (édition 
Kowies,  Paris). 


1.  l'our  lijs  bio/r.t|iliioâ  el  biblùpgr'aphies  se  référant  à  cei  artistes, 
voir  le  volume  de  Philifj-J.  Bonk,  Guitar  and  Sfandotin,  Ati^Mr, 
Londres. 


TECHSiorE.  nsnif'TtnnE  icr  i'ëdaciicih 


LA  GUITARE    2011 


On  allrihu'' à  Gmicvssi  eiiviion  qiiiilre-viiii.'ts  com- 
posilinris,  sans  ordre  île  classenieiil.  Il  éciivil,  aussi 
de  ndinbr  f  uses  li'iinscriplions  il'aii  s  (ro|)éras  ali>fS  en 
V0f,'iie,  mais  qui  soiil  loiiihei-s  dans  un  juste  oulili. 
Maiiro  (iiuLiANi  iiaqnit  à  Holofiiie  vei's  1700.  C'est 
une  des  plus  inipoitanles  li;.'UiRS  des  ;.'iiilarisli's  de 
son  é|iO(|iie.  A  la  lin  de  1807,  il  s'inst:illa  à  Vienne, 
on,  en  deliors  de  noiiilneux  conceils,  il  se  voua  à 
la  cninposilion  el  à  renspiyiieineiit,.  Parmi  ses  disci- 
ples, lij;iireienl.  THrcliidiieliesse  d'AuLrirlip,  la  pi'in- 
CHsse  de  llohenzollern ,  le  duc  de  Serumnetia,  le 
coiiile  (ieor^^es  de  Waldsleiri,  aiiisr  que  les  virlnoses 
pcdonais  Huiikowicz  el,  Horiîtzki.  De  1807  à  1821, 
la  presse  vi.niioise  commenta  ses  Iréqnents  >ucces, 
ne  lui  méuaL'eanl  pas  les  éloges.  Il  lut  l'ami  inlirne 
de  Ik'MMBL,  MoscuELBs  et  Mayskdeb.  Il  al  lira  l'atten- 
tion de  nombreux  musiciens  de  valeur,  if^norants 
de  rim|inrlance  que  peut  acquérir  la  «uilarn  dans  les 
mains  d'un  véntalile  artiste.  A  l'ailmiiation  «le  ces 
niusii'iens  de  talent,  s'ajoula  celle  d'aiilres  musiciens 
portés  à  écrire  de  nouvelles  œuvres  pour  f:!uitare. 
Les  commentateurs  de  Giuliam  disent  qu  il  acquit 
l'estime  de  Haydn,  de  Heethoven  et  de  SroHR.  On  doit 
au>si  à  GiLLiANi  l'invenliou  d'une  lerz  guitaie,  plus 
petiie  que  les  autres,  de  cordes  plus  coui-tes,  aci-.ordée 
une  tierce  niaieure  plus  haut,  il  cnra[)osa  pour  cet 
insti  iirrjenl  des  œuvres  avec  aciorapa;,'nement  de 
quatuur  à  cordes  et  d'orchestre. 

Le  sl^'le  de  ses  cnni positions  primait  dans  le  goût 
douteux  il'un  public  alors  plus  friand  de  virtuosité 
audacieuse  quv  d'inti-rprétations  austeies. 

toiiLiAM  prit  part  aux  Concerts  Uikatën  simulta- 
néMH'iit  avec  Hl'mmkl  l't  Mavskder.  Son  succès  lui  très 
gland.  On  l'entendit  ensuite  aux  conrerls  <lu  Jaidin 
Hotauique  lioyal  de  Schoeulirunn,  donnés  devant  la 
famille  royale.  Puis,  il  parcourui  l'Italie,  la  Hollande 
et  la  lUissie;  dans  ce  dernier  pa\s  il  obtint  le  plus 
f-'rand  triomphe  de  sa  carrière,  et  s'y  lixa  pour  plu- 
sieurs années. 

En  1832,  il  fut  à  Londres  le  rival  de  Sor,  que  le 
public,  injustement,  lui  préléra  souvent.  Pour  main- 
tenir son  prestige,  on  vit  paraître,  sous  le  litre  The 
Giuliaaiatl,  une  revue  mensuelle  dont  le  premier 
numt'io  fut  publié  le  !"■  janvier  1833,  et  le  dernier 
au  mois  de  décembre  de  la  même  année. 

Les  œuvres  de  (iiULiANi  sont  classées  en  trois 
groupes  :  [°  concertos;  2"  compositions  pour  guitare 
avec  ensemble  instrumental;  3°  œuvres  pour  guitare 
seule. 

Concertos  pour  guitarf,  op.  30,  36,  70  et  103  (Arla- 
ria  et  Diabelli,  Vienne,  el  Johanning,  Londres).  Le 
coiicerlo  36  fut  transcrit  pour  piano  el  publié  par 
Hichaiilt,  de  Paris.  Les  op.  20,  43,  6o,  93,  lOt,  102  et 
103  sonl  des  compositions  concertantes  éditées  pour 
la  plupart  à  Vienne. 

Le  second  groupe  comprend  les  Duos  op.  2o,  52, 
76,  77,  SI,  8:i,  126  et  127,  qui  ne  représentent  pas 
tous  ceux  qu'il  écrivit,  et  les  œuvres  66,  H6,  130, 
137,  68,  104  et  113,  qui  furent  publiées  siraulta  dé- 
nient par'  Hicordi  à  Milan,  .>imrok  à  Bonn,  et  Holl- 
meister  à  Leipzig. 

Dans  1''  troisième  groupe,  on  trouve  op.  18,  Grand-* 
Sonate  héioique;  op.  20,  31  et  i2,  sontdes  iiots-paiirris ; 
op.  119  el  120,  h'ssinianas;  op.  3o,  Papillon;  o^^.  46, 
Album  de  dix  mélodies,  publié  par  démenti,  à  Lon- 
dres, op.  83,  Six  Préludes  pour  guitare,  lin  1798,  la 
maison  Hichault  édita  7'rois  ilondos,  op.  H,  et  l'op.  1, 
qui  est  une  Méth'de  pratique  pour  guitare,  eu  quatre 
parties,  parut  chez  Kicordi,  de  Milan,  et  Peters,  de 


Leipzi;,',  en  français,  en  italien  el  en  allemand  La 
Bibliiiilieque  îles  Miisikfreiinden  de  Vienne  possède 
plusieurs  manuscrits  du  même  auteur. 

En  KspaKue,  le  Père  Hasilio,  professeur  de  la  reine 
Marie-Louise  et  du  prince  de  la  Paix,  propagea  par 
son  erisei;;nerrrenl  le  meilleur  gofit  de  laguilare.  Ses 
nombreux  et  inléi'essants  maniiscriis  ont,  pour'  la 
plupart,  dis'iarii.  Ses  disciples  romplétei  eut  l'œuvre 
du  maître  en  lixant  et  en  ordonnant  les  principes 
d'une  nouvelle  école.  Ils  puhlièrenl  pi  'S  lard  des 
œuvres  didactiques  fondées  sur  ces  [U'iiu'ipes,  œuvres 
qui  préS'nleiil  le  plus  Iraul  intérêt. 

Federico  Moretti,  d'oriyine  napolitaine  et  natura- 
lisé Kspagnol  (voir  sa  biogr.iphie  dans  ['Encyclop'^die 
de  la  mu^i'/iie,  l"  partie,  pages  2192  et  2193i,  fut  le 
premier  à  établir  les  re;,des  pi-inci|iales  qui  servirt-nt 
de  base  aux  traités  postérieurs.  Sorr  œuvre  a  pour 
titre  :  Principios  intra  tocur  la  guitarra  de  seis  orde- 
nes'  precedidos  delos  elementos  générales  'le  la  mu^ica, 
dediruda  à  la  reimi  mtestra  senora,  pur  el  capitan  don 
Kedeiico  MoRurr,  alf'i'rez  de  lieutes  Guardins  Watonas 
en  Madrid,  linprenta  de  Saniho,  ano  de  1799. 

Cet  ouvrage,  dans  sa  ileuxiéme  éililion  revue  et 
i-orrif,'ée  par  l'auteur,  contient  une  parlie  île  théorie 
ap|iliquée  à  la  musique,  aiisi  qu'une  autre  consacrée 
à  d''S  principes  insti  iiinentaux. 

La  première  conrprend  deu.^  sections  :  la  deuxième 
se  présente  en  vin^'t-qualre  tableaux. 

Il  est  dit  dans  ce  iraité  que  la  guitare  com|iorte 
des  cordes  simples  au  lieu  des  cordes  doubles  du 
siècle  précédent  Poirr  la  première  fois,  on  mentionne 
la  sixième  corde  que  Ion  trouve  antérieurement  chez 
le  maître  de  l'auteur',  le  Père  B4S1lio,  qui  passe,  peut- 
être  à  tort,  pour  en  être  l'inventeur.  Chaque  pays 
revendique  pour  la  guitare  le  créateur  d  une  sixième 
cor'de,  mais  l'aUsence  de  documents  reinorriant  à 
cette  époque  rend  dillicile  toute  conclusion  ferme. 

Les  seules  vraies  preuves  qui  nous  restent  sont  les 
compositions  du  Père  Bxsilio  [Eiicyclo  édie  te  ta  mu- 
sique, vol.  IV,  Lspaj;ne  et  Portugal,  page  2t92). 

Dans  le  premier  lableau  de  la  métirode  de  Moritti 
nous  lisons  :  ..  Les  Krançais  et  les  Italiens  emidoient 
des  cordes  simples  sur  leurs  guitares,  ce  qui  per- 
rrrel  de  les  accorder  plus  rapidement;  les  cordes 
durent  plus  longtemps  sans  se  fausser,  car  il  est 
très  iliflii'ile  de  renconlier  deux  cordes  égales  don- 
nant exactement  la  m'^me  note.  Je  suis  ce  système 
et  ne  puis  que  le  coiiserller  aux  amateurs  de  guitare, 
en  avant  reconnu  la  grande  utilité.  » 

Il  distribue  le  diapason  ou  manche  en  trois  mains 
(positions)^  La  première  va  jusqu'à  la  cinquième 
touche;  la  seconde,  de  la  cinquième  à  la  dixième;  la 
troisième,  de  la  dixième  à  la  dernière. 

Ilnlre  ces  trois  positions,  il  terme  les  gammes 
chromatiques,  dialoniqnes  et  par  octav  s  de  chaque 
ton  majeur  et  mineur';  les  accords  consoiianls  et 
dissonants  de  septième,  appartenant  à  chaque  ton, 
sont  formés  avec  les  six  cordes  dans  chacune  des 
trois  positions,  ainsi  que  les  accords  enharmoniques 
consonants  et  dissonants.  Les  cadences  var  iees  pour 
chaque  ton  et  chaque  position,  les  résolutions  de 
l'accord  de  septième  diminuée,  et  196  exenifdes  dif- 


1.  Princi/ies  pour  Juaer  de  ta  f/nitare  à  six  rangs,  prêcédt'S  d'été' 
munts  de  musique  tj  -nerate.  dédies  à  ta  Heine  notre  dnme,  par  le  ca- 
pitaine Federico  Moretti,  porte-ensei'/ne  à  La  Garde  Ituijnle  Wal- 
lunne  de  .Madrid.  Iiii|irinierie  de  Sniiclia,  179a.  l_iiic  Iraduclmii  de  cet 
oiivritrerulcdilée  à  N.i|)le.<  eu  leOi,  el  uuc  nouvelle  édilmn  ul  publiée 
il  Madi-itl  che/Sancha,  en  1407. 

2.  Ici  ie  mot  pusitiOD  a  le  môme  sens  que  dans  la  technique  du 
violon. 


2012 


ENCYCLOPÉDIE  PB  L\  MVSlQi'E  ET  nfr.TfOWAIRE  OU  COVS/iRVATOtRE 


féients  d'exHrcicf^s  pour  la  main  droite  eu  forme 
d'arpèges  complètent  la  méthode. 

On  peut  déduire  de  ce  résumé  que  l'ouvrage  de 
MoiiETTr  présente,  à  sou  époque,  uu  intérêt  capital 
pour  l'exposé  si  complet  qu'on  y  trouve  de  la  théorie 
niusiiale  appliquée  à  l'instrument,  liien  que  le  même 
auteur  ait  produit  d'autres  œuvres  de  caractère  di- 
dactique et  des  compositions  pour  la  guilare,  rien 
ne  contribua  aulant  que  ci't  ouvrage  à  l'expansion 
de  la  guitare.  D'autres  traités,  parus  presque  en 
même  temps,  furent  bien  moins  appréciés.  Citons 
celui  d'Antonio  Abreu  (Le  Portugais!,  levu  et  corrigé 
par  le  Père  Victor  PniEro  de  Salamaiique,  et  celui 
de  Fernando  FEnRANoiÈRE  de  Zamora,  parus  en  1799. 
On  réédita,  en  1816,  le  traité  de  ce  dernier,  qui  tut 
un  éleVH  distingué  du  Père  Basilio 

Ces  travaux  ont  guidé  les  émiiients  virtuoses  de 
cette  époque,  Rallesteros,  Avellana,  Francisco  ïos- 
TADO,  .laiine  Uamonet,  Francisco  de  Taima,  Miguel 
Garnicir  et  les  deux  grands  artistes  vraiment  domi- 
nateurs SoR  et  Aguado. 

Dîx-iieavièiiie  siècle. 

Au  début  de  ce  siècle,  Ferdinand  Sor  (José-Maca- 
rio-Kernaudo  Sors  y  Sons  de  son  vrai  nom),  né  à 
Barcelone,  croit-on,  le  14  février  1778,  ouvrit  de 
nouveaux  horizons  à  la  guitare,  relevant  le  prestij/e 
de  cet  mstrument,  en  même  temps  qu'il  traçait  dans 
l'histoire  de  l'art  un  sillon  bien  personnel.  (Pour  sa 
biographie,  voir  EncyclopéiHe  de  la  musique,  vol.  IV, 
Espagne-Portugal,  pages  234:i,  2340,  ou  le  Diccion- 
nario  ci Efemerides  de  musicos  espanoles  de  Baltasar 
Saldoni.) 

Son  œuvre  musicale,  la  plus  personnelle  qui  soit 
dans  la  littéraluie  de  la  guitaie,  marque  l'apogée 
de  la  période  classique.  On  y  rencontre  pour  la  pre- 
mière fois  la  mélodie  harmonisée  à  trois  ou  quatre 
voix  libres  en  une  pol\phonie  équilibiêe,  traitée 
par-  les  procédés  les  plus  avancés  de  la  technique 
musicale  et  instrumentale  de  l'époque.  Sor  a  sûre- 
ment subi  l'influence  de  Haydn  et  de  Mozart. 

Sa  prodirclion  est  la  plus  riche  par  le  nombre  et 
la  diversité  des  œuvres  directement  créées  pour  la 
guitare,  sonates,  thèmes  variés,  fantaisies,  divertisse- 
ments, études,  i-ondos,  menuets,  valses,  thèmes  po- 
pulaires; elle  présente  aussi  de  nombreux  morceaux 
pour  deux  guitares. 

L'abondante  imai-'ination  de  Sor  se  complut  dans 
le  genr'e  Variation,  irés  goûté  à  l'époque.  Des  thèmes 
de  CoRELLr,  Mozart,  Paisiki.lû,  et  souvent  des  motils 
de  sa  propre  invention,  lui  permirent  de  mettre  en 
évidence  son  génie  créateur  et  les  ressources  infinies 
de  linstrurnent,  sans  parler  de  l'extrême  habileté  du 
virtuose  exécutant. 

Le  génie  Varialion,  disséminé  dans  la  plus  grande 
partie  de  son  œuvre,  n'est  probablement  pas  le  plus 
apte  à  marquer'  sa  puissante  personnalité.  La  créa- 
lion  de  SoR  se  distingue  plus  spéiialement  par  sa 
force  émotive  assoiiée  à  irne  forme  parfaite.  Son 
œuvre  gagne  d'autant  plus  en  tieauté  qu'il  arrive 
souvent  à  se  libérer  des  préjugés  techniqires  inévi- 
tatiles  chez  un  virtuose  de  cette  envergure.  Son  idée 
musicale  est  toujours  de  la  plus  haute  distinction; 
dans  ses  œuvres  les  plus  instiumenlales,  prime  tou- 
jours le  sens  élevé  de  la  musique.  Ses  Sonates,  sorr 
Eli'gie,  les  Douze  Menuets, \es  Eludis  9,  11,14,  16,22, 
23,  24,  25  de  la  Méthode,  publiée  par  Coste,  et  cer- 
taines Fantaisies  constituent  la  partie  saillante  de  »a 


production.  Jusqu'à  son  époque,  cette  œuvre  est  de 
loin  la  plus  importante  qu'on  ail  confiée  à  la  gui- 
taie.  Ces  exquis  joyaux  guitarisliques  ont  tous  une 
valeur  aussi  musicnle  qu'instnrmentale,  de  par  leur 
mélodie,  leur  pureté  de  forme  et  leur  originalité  har- 
moniqire. 

L'œuvre  de  Sor  est  toute  conçue  dans  l'esprit  d'indé- 
pendance polyphonique  caracléristi(|ire  du  quatuor 
et,  par  extension,  de  l'orehestre.  Elle  condense  en 
miniature  tous  les  elléts  d'orchestre  conipatrbles avec 
les  ressources  de  l'instrument.  11  est  par  cela  aisé 
d'induire  qire  Sor  puise  sa  force  créatrice  aux  sources 
les  plus  pures  de  la  musique. 

Son  œuvre  didactique  est  le  résumé  de  ses  nom- 
breuses études,  et  embrasse  tous  les  procédés  techni- 
ques des  plus  simples  aux  plus  complexes.  Le  Traité 
pour  ta  guitare  (texte  français),  publié  à  Paris  en 
1832,  presque  à  la  lin  de  sa  vie  |I839),  résume  et  syn- 
thétise les  expériences  de  son  talent  et  de  son  labeur. 
Sor  y  traite  de  tous  les  aspects  de  l'instrument  :  cons- 
truction, choix  des  cordes,  production  et  qualité 
du  son,  pincement  de  la  main,  action  des  doifits, 
manière  de  considérer  le  diapason  dans  le  sens  des 
intervalles,  doigté,  conseils  en  forme  de  proveibes, 
manière  de  transcrire  pour  la  guitare  les  œuvres 
écrites  pour  d'autres  instruments.  Tout  cela  est 
exposé  avec  un  sens  critique  rationnel,  avec  des 
démonstrations  basées  srrr  des  principes  scienti- 
fiques qui  donnent  une  logique  incontestable  à  cette 
œuvre,  malheureusement  presque  épuisée,  mais  qui 
constitue  un  vrai  modèle  du  genre. 

Les  exécutions  de  Sor  devinrent  une  révélation 
en  France,  en  Kiissie  et  en  Angleterre.  Ules  contri- 
buèrent à  raffermir  le  prestige  de  la  guitare. 

Sor  devint  la  liguie  la  plus  saillante  dans  l'his- 
toire de  la  guitare.  Pour  les  lidèles  de  cet  instrument, 
son  nom,  à  l'instar  de  ceux  des  plus  grands  musi- 
ciens de  son  époque,  fut  et  demeure  le  plus  vénéré 
de  tous  ceux  des  guitaristes. 

Habitant  Paris  pendant  de  nombreuses  années  de 
sa  vie,  il  y  mourut  le  8  juillet  1839. 

Dionisio  Acuado,  né  à  Madrid  le  8  avril  1784  (Voir 
sa  biographie  dans  l'Encyclopédie  de  la  musique, 
vol.  IV,  Kspagne-Portugal,  pages  2346-48;  Diccionaiio 
de  Efemcrides  de  mtisiros  cspanoles  de  Saldonu,  est 
aussi  une  des  ligures  les  plus  importantes  dans  l'his- 
toir-e  de  la  guitare. 

Ce  virtuose,  doué  de  facultés  extraordinaires, 
obtint  a  Pans  des  succès  brillants  et  sut  gagner  l'ad- 
miration de  KossiM,  RiLLiM,  Hkrz,  Paganini  et  autres 
grands  artistes;  il  s'adonna  surtout  à  l'enseignement. 

(jràce  aux  connaissances  acquises  sous  la  direction 
du  Père  BAsiLro,  ainsi  qu'à  l'étude  de  l'œuvre  de  Mo- 
RETTi,  et  surtout  grâce  à  sa  propre  expérience,  Aguado 
publia  à  Madrid,  en  1819,  sa  première  Colercion  de 
Estudios  (collection  d'études),  rééditée  dans  la  même 
ville,  en  182.5,  sous  le  titre  Escuela  de  guitarra  (tcole 
de  guitare).  M.  de  Fossa  ,  nrusrcien  grritariste  qui 
fut  l'ami  et  l'admirateur  d'AcuADo,  traduisit  en  fran- 
çais cet  ouvrage,  au(iuel  il  prêta  un  concours  puis- 
sant en  lui  adjoignant  l'invention  (qu'il  s'attribue) 
des  harmoniques  à  l'octave,  et  un  abrégé  des  régies 
dans  l'art  de  moduler,  appliqué  à  l'instrument  (tra- 
duction éditée  à  Paris,  en  1827,  chez  Kichault). 

H  faut  joindre  à  cet  oirvr'af;e  une  collection  très 
importante  de  compositions  de  genres  variés:  fantai- 
sies, variations,  rondes,  contre-danses,  nrenuets, 
boléros,  etc.,  habilement  traités  et  d'un  bel  rniéiet 
musical  et  instrumental.  Les  éludes  d'AouADO  cens- 


TECHNIQUE,  ESTHÈTIQVE  ET  PÈDAGOGIF. 


LA  GUITARE    2ot3 


liluent  iiéaruiioiiis  la  [lai  lie  de  suii  a'iivie  la  ^ilus  iiilé- 
n-ssanle  pour  les  {iiiilaristes. 

L'œuvre  île  Sor  est  considérée  comme  siiijérieiire  a 
celle  iI'Aguado,  en  laiU  i|iie  valeur  musicale  el  poilée 
artistique.  Par  coiiire,  l'ieuvie  did.ictique  de  ce  der- 
nier est  siipéneuri',  en  lliési'  générale,  à  loul  ce  qui 
la  précéda.  On  ponirait  même  ajoulrr  que,  de  nos 
jours,  il  n'e.xiste  pas  d'œuvie  lésumanl  les  prin- 
cipes de  la  guitare  moderne;  on  en  est,  la  plupart 
du  temps,  réduit,  le  cas  écliéanl,  à  s'en  référer  à 
Ai;UADO,  dont  l'iiillui-nce  fiédagogique  persiste  de  nos 
jours  et  doit  silrement  se  prolonger. 

Les  personnalités  de  Son  et  d'Ar.UADo  furent  fon- 
cièrement distinctes.  Le  caractère  humble  et  doux 
de  ce  dernier  contiastait  avec  le  tempérament  lou- 
gueux  et  exubérant  de  .Sor.  Leurs  œuvres  devaient 
forcémeril  refléter  cette  diversité  de  caractères.  L'exé- 
cution d'AGi'ADO  était  plus  brillante  (Sor  écrivit  le 
duo  pour  guitares  Les  Deux  Amis  pour  metire  en 
reliel  l'exti'ême  virtuosité  d'Aui'ADo).  Par  conire.  Sur 
surpassait  Aguado  en  luorondeur  et  en  émotion. 
Aguaoo  recherchait  le  son  clair,  brillant,  obtenu  avec 
l'ongle;  >or  s'elforçait,  au  contraire,  de  l'éviter;  sa 
sonorité  pure  el  veloutée  [irovenuit  du  contact  direct 
de  la  chair  el  des  cordes. 

Aguado  fut  l'invenleur  d'un  trépied  sur  lequel  se 
plaçait  la  guitare  alin  d'en  obtenir  de  plus  amples 
sonorités.  La  distance  mise  entre  l'exécutant  et  l'ins- 
trument en  augmentait  le  son,  mais  elb-  détruisait, 
par  contre,  tout  contart  pouitant  si  nécessaire.  L'ar- 
tiste ne  se  sentail  pas  identilié  avec  son  instrument. 
Cet  appareil  n'eut,  par  la  suite,  aucun  succès. 

Rentré  dans  sa  patrie  en  1843,  Aguado  lit  paraître 
la  troisième  et  dernière  édilion  de  son  traité,  sous  le 
titre  de  Nueio  Metndo  (nouvelle  méthode);  il  y  a|outa 
un  grand  nomlire  d'esercices,  en  en  supprimant  d'au- 
tres qui  n'étaient  (las  sans  valeur.  Kn  1S39,  peu  de 
temps  avant  sa  mort  (20  décembre),  il  lit  imprimer 
un  Appindicf  destiné  à  étendre  C'tte  nouvelle  ini>th'ide 
dans  le  bat  d'amener  a  la  perfection  le  loucher  de  la 
ijuitare.  La  mort  le  surprit  pendant  la  correction  des 
épreuves.  Suivant  ses  dernières  volontés,  ses  héritiers 
publièrent  cet  Appendice,  qui  fut. joint  à  la  Méthode. 

Si  l'on  accorde  à  Sor  un  patrimoine  de  la  plus 
grande  valeur  artistique,  Aguado  laisse,  par  contre, 
un  héritage  de  haut  enseignement  qui  a  contribué 
à  la  gloire  du  premier. 

Irinidad  Huerta,  né  à  Orihuela  en  18ii3,  était  d'un 
esprit  audacieux  et  aventureux,  aux  nobles  inspira- 
tions; doué  d'une  géniale  intuition  guitaiisliqne,  où 
se  mêlaient  l'esprit  populaire  et  l'esprit  artistique, 
qui  donnaient  un  intérêt  spécial  à  l'ensemble  de  ses 
qualités  personnelles,  il  obtint  les  plus  brillants  suc- 
cès auprès  des  publics  de  Paris  et  de  Londres,  grâce 
à  la  protection  de  Manuel  Garcia  (père  de  la  célèbre 
Malibran)  et  du  ;;énéral  Lafayelte;  celui-ci  fut  l'un 
de  ses  admirateurs,  ainsi  que  Victor  Hugo,  M™"  de 
Cirardin  (Delphine  Gav),  la  princesse  Victoiia,  les 
ducs  de  Kent,  de  Susses,  de  Devonshire,  et  des  artistes 
comme  Kosskni  et  Paganini. 

Dans  le  Diccionnario  d'Efemerides  de  inusicus  espa- 
noles  de  Baltasar  Saldo.'^i,  au  milieu  de  notes  biblio- 
graphiques, nous  lisons  une  lettre  élogieuse  de  Victor 
Hugo  et  la  poésie  suivante  de  .M""  de  Girardin  : 

Heureux  pays  d'.\Qdalousie, 
Garde  ta  joie  et  ta  fierté. 
Ta  noble  part  si  bien  choisie; 
Honneur,  araour  et  poésie. 
Vaut  mieux  qu'argent  et  liberté. 


l.'.ivei-vou-  ent"iidu,  ce  Ir.mljadoiir  J'Itspagnc, 
Qu'un  arl  m/'lndieux  aux  combats  accompagne? 
Sur  saguiliirc  il  chante  el  soupire  à  la  fois; 
Ses  doigts  ont  un  accent,  ses  cordes  une  voix. 
Tout  ce  que  l'on  i^prouve,  on  rêve  qu'il  l'exprime; 
I.a  be.iuté  (jui  l'écoute,  heureuse  en  souvenir, 
S'émeul,  sourit  et  pleure  et  croit  entendre 
Ce  qu'on  lui  dit  jamais  de  plus  doux,  de  plus  tendre. 
Sa  guitare,  en  vibrant,  vous  parle  tour  à  tour 
Le  l.mgage  d'esprit,  le  langage  d'amour, 
Chacun  y  reconnaît  l'instrument  qui  l'inspire  ; 
Pour  le  compositeur  c'est  un  orchestre  entier; 
C'est  le  tambour  léger  pour  le  Basque  eu  délire; 

C'est  le  clairon  pour  le  guerrier  ; 

Pour  le  poète,  c'est  la  lyre. 

Les  œuvres  imprimées  qui  nous  restent  de  Huerta, 
fantaisies  sur  des  airs  populaires  (Bibl.  du  Conserva- 
toire), expliquent  sa  naliire  de  musicien  intuitif  et 
d'exécul  ant  audacieux.  Doué  d'une  nature  trépidante, 
dépourvue  d'une  base  musicale  solidn,  il  en  imposait 
par  des  qualités  extérieures,  obtenant  l'admiralion 
du  granil  public  fasciné.  Prndant  que  Sor,  qui  vé- 
gétait ignoré  des  foules,  se  complaisait  à  l'appeler 
généreusement  le  sublime  Figaro  {sublime  barhero), 
Aguado  disait,  par  conire,  qu'il  déshonorait  la  (jui- 
tar'. 

Tout  autre  est  l'inliTêl  musical  de  Napoléon  Coste, 
né  le  28  juin  1806  dans  le  Donbs.  C'est  le  guitariste 
français  le  plus  érainent.  On  l'entendit  pour  la  pre- 
mière fois,  comme  soliste,  aux  Conceits  Philharmo- 
niques dn  Valenciennes,  âgé  à  peine  de  dix-huit  ans. 
Venu  à  Paris  en  1830,  il  étudiaà  fond  la  composition. 
Ses  premières  œuvres  datent  de  1840.  Dans  la  pré- 
face de  son  ;;rand  so\o  La  C  hasse  des  sylphes,  on  lit  ceci: 
0  En  18.56,  un  concours  a  été  ouvert  a  Bruxelles  par 
M.  Makarolf,  noble  seigntur  russe;  lous  les  guiia- 
iisles  de  rKurojie  y  ont  été  conviés  :  vingt-qiialre 
concurrents  ont  présenté  soixante-quatre  pièces.  Le 
Jury  s'est  réuni  le  10  décembre  1S56.  J.  .\1ertz,  de 
Vienne,  mort  depuis  l'envoi  de  ses  œuvres,  a  obtenu 
qualre  voix  pour  le  premier  pris,  contre  trois  qui 
ont  été  données  à  Napoléon  Costk,  de  Paris,  el  lui  ont 
valu  le  deuxième  prix.  Par  le  l'ait  du  décès  de  Mkrtz, 
Mapoléon  Costk  est  donc  resté  l'unique  lauréat  de  ce 
concours  européen    » 

Quelques  années  plus  lard,  se  rendant  à  un  con- 
cert, Coste  eut  le  malheur  de  lombei  dans  un  esca- 
lier el  de  se  casser  le  bras  droit  :  cet  accident  fil 
perdre  à  la  main  l'élasticité  nécessaire,  rempèchant 
a  tout  jamais  de  jouer  en  public. 

Sa  guitare  à  sept  cordes,  construite  sous  sa  direc- 
tion, est  conservée  au  Musée  du  Conservatoire.  Coste 
publia  soixante-dix  compositions,  caractérisées  par 
leur  correction  harmonique  el  par  leur  soliile  struc- 
ture; on  y  trouve  des  fantaisies,  valses,  andantes, 
menuels,  marches,  préludes,  rondes,  divertissements, 
études  el  récréalious.  La  plupart  sont  épuisées.  (Juel- 
ques-nnes  ont  été  rééditées  à  Paris  chez  Costallat, 
revues  par  Alfred  Cottin,  el  d'autres  se  trouvent  à  la 
rtibliotheque  du  Conservatoire. 

A  la  deman<le  des  éditeurs  de  Sor,  Costk  ajouta 
aux  vingt-cinq  études  de  ce  dernier  un  court  texte 
explicatif,  une  collection  d'exercices,  d'études  pio- 
gressives,  quelques  Irauscriptions  di'S  œuvres  en 
tablature  de  liobeit  tu.  Visée,  et  une  notice  sur  la  sep- 
tième corde.  Cette  édition  fut  publiée  par  Lenioine  el 
rééditée  plus  tard  par  Schoonenberger,  de  Paris,  avec 
quelques  addilious. 

Une  autre  colleclion  de  vingt-cinq  éludes  origi- 
nales fut  doigtée  par  Alfred  Gottin,  et  publiée  par  la 
maison  Costallat. 


201'* 


K.\'(:ycLor>ÈniE  de  la  mi:siql:e  et  dii.tiovwaihe  un  r.ovsERi'AToniE 


A  cps  œuvres,  on  doit  ajoulfr  L  Livre  d'or,  (iK<lié 
ail  Club  de-i  f,'uitarisLes  de  Leipziy,  coiitenanl  la 
transcription  assez  lilne  dn"  f;roup'  d'œuvies  de 
R.  DE  Visée  et  de  divers  Itagnients  de  sonates  des 
meilleurs  ailleurs  clussii|ues. 
C"STE  Miourut  le  17  janvier  1883. 
A  la  nièiue  époque,  lions  trouvons  en  llalie,  mar- 
chant sur  les  traces  &<■  Carllli  et  de  Gn  liavi,  deux 
arlistes  ■lislin;;iiés:  Hegondi  el  Mehtz,  celui-ci,  Aiilii- 
chien  de  naissance,  mais  lormé  d'après  les  proiédés 
italiens.  Knsnite,  païaîl  en  Kspai;ne  un  groupe  de 
guilaiislps  lorniés  à  l'école  (I'Aguado,  parmi  Insqu^ls 
nous  sifinalnrinis  Bhoca,  Vinas,  Costa  y  IIuras,  José 
deCiEBUA,  liosca,  Rassdls,  Kkkher,  Antonio  et  Fede- 
rico Cx.No,  Miguel  Mas  et  d'autres  encore,  parmi 
lesquels  s^  détachent  José  Pahcaî-  et  Jirlian  Arcas, 
artisles  admiiiibles  i\a\  applii|ueiit  la  leclmiqne  de 
leur  temps  à  l'esprit  de  la  musique  populaire. 

José  P\ri;as,  bien  qn'i'iléiieiir  au  st-cond  par  sa 
musicalil'',  produisit  une  collection  d'œuvres  qui  ne 
se  sifjnalent  peut-être  pas  par-  leur  valeur  purement 
musicale,  mais  qui  oUrent,  pai-  contre,  nn  grand  inté- 
rêt iiisli  uniental,  parce  quelles  lendeni  ii  traduire 
les  traits  les  plus  caiaclérisliques  de  l'àme  dn  peuple. 
Jiilian  Akcas  naquit  a  \hiria.  tioiirgade  d  ■  la  pro- 
vince de  .Malaj^a,  en  1K33;  il  Mit  le  plus  oélebe  des 
guitariste-  de  son  époque,  en  même  temps  qu'in 
miisirien  de  •jénie  qui  coniribna  au  dévelo|ip.iueiit 
de  la  niusii|ue  nationale  Sa  miisiquH,  d'une  firàce 
sponiaoée  el  caractéristique, expiimèe  en  ses  S'ileares 
et  Piiiadcros,  dépassa  bs  t'ronlieres  de  l'art  ;;nitaris- 
tique  poiii'  s'incorporer  au  réperloire  nation:il.  Ses 
œuvres  de  fjnitare  mettent  en  relief  toutes  les  res- 
sources de  l'instrument. 

Ahoas  mourut  à  Anteq'iera,  le  18  février  1884. 
Tarrkga,  i|ui  le  connut  et  l'enlendit  dans  sa  jeu- 
nesse, eut  le  talent  d'assimiler  le  meillenr  de  son 
arl,  qu'il  appliqua  à  ses  propres  quilites,  tout  en 
gardant  toniours  pour  le  iiiailre  inoubliable  une 
prnlo   de  adiuiiatioii  el  nn  grand  respnct. 

Francisco  Tarrega  Ei.\ka  naquit  à  Vilbirrcal  (Cas- 
tellon,  prov.  de  Valencel,  le  29  novembre  1834.  Il 
obtint  le  premier  pii.x  de  piano  et  d'harmonie  dans 
les  classes  (iagliana  et  H^rnanuo,  au  ConS'-rvatoire  de 
national  de  .Madrid.  A  Cistellon,  il  lecut,  1res  Jeune 
encore,  ses  preniières  leçons  d'un  giiitarisie  populaire 
aveuiiie,  appelé  L"  c  go  de  ii  Marina.  Ses  parents 
étant  de  la  pins  modeste  classe  soci.ile,  il  ne  put  pour- 
suivre ses  éludes  musicales  qiie«ràc>'à  la  prutection 
d'un  rictie  pro[iriélaire  de  Buni^na,  ilori  Antonio 
Conesa.  Cell.  s-ci  terminées  a  Madrid,  il  donna  au 
théâtre  Alliainbra  un  conrerl  de  guitare  dont  le  suc- 
ces  décida  pour  toujours  de  sa  carrière.  Il  parcourut 
triomphalement  toutes  les  villes  d'Espagne  et  les 
plus  importants  centres  de  l'EnropH. 

I.a  vie  de  Iarrega  l'ut  celle  il'un  grand  mystique, 
une  vie  lie  pi-sion  pour  l'art,  dé(iourvue  d'ambitions 
étrangères  à  la  recherche  de  son  idéal;  il  dédaigna 
honneur,  foi  lune  et  gloire  pourse  consacrer  à  son  art, 
corps  fl  Ame. 

A  la  périoile  si  brillante  des  Caucassi,  Cxri'lli, 
GiiLiA.M,  Agi'auo  et  Sur,  succéda  une  iionvelle  déca- 
dence lie  la  guitare,  que  l'incoutesiable  valeur  de 
Co-TK  el  d'ARCAS  n'arrivèrent  pas  à  enrayer. 

La  carrière  de  gnilansle,  à  l'époque  de  rARREGA, 
supposait  le  renoncemeiii  aux  liinis  de  ce  monde. 
La  iiolile  g  litare'  était  ninse-timne  dans  ses  possibi- 
lités artisli<)Ues,  les  musiciens  en  étant  arrivés  à  la 
juger  inapte  aux  maniiestatioiis  élevées.   La  faveur 


dii  puldic  allait  au<  virt'iojîes  acrobates,  ainsi  (piaus 
formes  imisicMles  de  vastes  dimensions.  Le  waiiné- 
risiiie  Iriomphait;  un  mépiis  pour  lonln  expression 
par  trop  populaire  eiiu'Iobant  la  guiiare,  contribua 
à  répandre  chez  les  ania  eurs  le  dédain  de  cet  ins- 
trument el  de  ses  e.téciilants. 

rAiiREi;A  dut  liitlercoiitre  cite  atmosphère  hoslile. 
.Ainsi  qn'EsiMNKL  et  le  Père  B*silio,  il  revèlit  la  gui- 
lare  d'nn  nouvel  aspect  artistique  et  porta  le  culte 
de  riii-trninenl  à  son  apo:.'ée.  La  guitare  lui  doit 
sa  renaissance  et  sa  splendeur. 

L'activité  ciéatriie  de  cet  auteur  s'étant  vouée  au 
culte  exclusif  de  l'instriiment,  son  iBiivre  renferme 
la  quintessence  de  l'esprit  instrumentai.  Du  priMiiier 
élément  jusqu'an.N  détails  les  plus  immatériels,  tout 
y  fut  par  lui  étudié,  résolu,  et  ordonne,  souvent  au 
prix  d'énormes  sam  ilices.  Si  la  guitare  actuelle  doit 
sa  raison  d'être  à  I'arrkga,  celui-ci  viviliu  ses  carac- 
lérisques  individuelles.  Jamais  un  objet  vibrant  el  un 
être  ne  se  compéiiélrerent  mieux,  l'un  parlant  fiar 
I  autre.  Vibration  d'âme,  sens  débordant  de  la  vie, 
(.'eiiéro-ité  sonore,  tout  leur  était  commun.  Tarrega 
est  éminemment  un  auleur  de  guitare.  Il  a  con- 
densé sur  SHS  si.x  cordes  le  pins  pur  ronuinlisnie  du 
XIX'  siècle.  Sou  œuvre  ne  peut  pas  passer  à  d'autres 
instruments;  par  contre,  nombreux  sont  les  mor- 
ceaux de  guitare  d'auteurs  fameux  i|ui  gagneraient 
à  être  conliés  à  d'autres  iiislriimeuts. 

11  cunuiit  Bkch,  les  classii]iies  et  romaiiiiques.  dont 
il  iransposa  les  œuvres  fiour  la  guitare,  moins  par  le 
désir  d'èi  re  un  traiiscripleur  que  pour  puiser  ilaiis  ces 
transcriptions  un  moyen  d  élevai  ion  et  d  ennoblis- 
sement de  l'instrument.  Ceriaines  œuvres  des  clas- 
siques de  l'étioque,  bourrées,  fufiues,  meniiels.  etc., 
coniues  dans  l'esprit  du  luth,  l'incilèrent  à  réaliser 
certaines  adupl.itions  pour  -on  inslmment  dans 
cet  ordre  d'idées.  Il  eut  la  clairvo\ance  d>-  ne  choisir 
que  des  (Hiivres  adéquates;  ses  transcrifitions, sortes 
de  réintéyraiioiis  du  luth  à  la  guitare,  lelrempi-nt  les 
œuvres  dans  leur  vraie  nature. 

Ce  fils  du  peuple  crut  devoir  éloigner  aniant  que 
possible  l'art  de  son  sens  «  plébéien  ».  Il  consentait 
à  jouer  des  Jotas  populaires  et  des  Fanliii^ies  souvent 
banales,  pour  prêcher  plus  eflicaceinent  l'évangile 
de  Bach,  .Mozart  et  Beeihiivev.  Le  classicisme  de 
ces  «  purs  »  le  fascina;  tout  chez  lui  eu  sunit 
l'inllnence  :  écriture,  technique  instrumentale,  ma- 
tière sonore  el  inleiprélation  Les  ipialilés  intrin- 
sèipies  de  la  sonorité  primitive,  uiiiverselleiiiHnt 
gin'ilée  du  public,  évoluèrent  de  la  sorte  vers  une 
unilormilé  plus  airinée  el  austère.  Ce  changement 
fut  réllechi  el  voulu. 

Tariiega,  dans  son  désir  de  perfectionner  la  musi- 
calité de  son  iiisirument,  se  heuiia  à  d^-s  di'liculiés 
qui  ensendrerenl  les  procédés  d'une  technique  lon- 
guement épurée.  L'école  mo  lerne  naquit,  leiulanl  à 
la  mise  en  valeur  de  l'œuvre  passée,  présente  et 
tutuie,  tout  en  amélioianl  ;i  l'inMni  la  portée  artistique 
et  musirale  de  l'iiistroment. 

Alhemz,  séduit  iiula   t  par  l'exécntion  de  ses  œu- 
vres que  |iar  le  chariue  île  son  caractère,  devint  un      | 
di'  ses  intimes. 

PhDRKi.i.  disiit  de  Tarrhx.a,  ilans  une  de  ses  qiiin- 
zaiiips  musicales  de  La  Vant/uardia  i  journal  île  Bar- 
celone) :  i<  Pour  l'élévHtiou  de  soi  art  Taruiga  étu- 
diait sans  trêve  ni  repos,  jour  et  nuit,  an  mépris  de 
la  iati:;iie,  non  comme  un  artiste  domimuii  siipé- 
rii-uienient  la  technique  et  tout  ce  que  réclamait 
le  culte  de  son  iiistrumenl  lavori,  mais  comme  un     1 


TbillMiJI  E,  EsrilETIOl  E  ET  I'EUACOGIE 


LA  GUITARE    2015 


deluilaiil  qui  iHiitliH  el  ilécliiltie  à  làlons.  Lart  sli- 
nml  lii  r>-s|iiitilu  coiiipiisilfiireii  oiiviaiitdes  linrizons 
plus  l;ir:;es  à  son  ins(iiratioii  ;  il  1  éprouva  liii-mèiiie 
dans  l'éldilp  dns  classii|iies,  par  exemple  dans  c  11'- 
de  l'erJiiiand  Sor  ;  cesl  pouri|uni,  le  développemeiil 
du  classique  dans  les  compositions  de  caraclein 
mnderiie  acquiert,  dans  son  œuvre,  les  qualités  qui 
l'exaltent  et  la  mettent  en  valeur.  Joint  à  l'insiiiia- 
tion  du  créaleur,  l'art  réilamait  de  lui  le  concmirs 
de  l'ensei^jnement;  l'impérieuse  nncessité  de  lormer 
une  plialanf.'e  de  disci|il>'s  nous  valut  nii  groupe  d'é- 
levés qui,  quoique  reslrcinl,  fut  apte  à  conlinuer  son 
œuvre.  Auti-e  chose  encore  nous  étonnn  dans  l'œiivr -e 
de  Iarhkga  :  l'amplitude  de  coiu-eplinn  qu'il  donn.i 
à  la  musique  destinée  à  ce  niodesle  iustrumeni,  -i 
frêle,  presque  insi;,'niliant,  mais  dont  l'àme  sonoie 
est  si  iidmiialilemHnt  expressive.  •> 

Se  liepensant  durant  loule  sa  vie  en  une  insolite 
tensio  I  spirituelle  et  physique  pour  réaliser  si  mis- 
sinn  d'arlisie,  ses  jours  en  liirenl  ahréyés.  Il  mounil 
prématiirémenl,  à  l'à^ie  de  cinquanle-cinq  ans,  sans 
trouver  les  in-tantsde  sérenilé  propii'e  an  parachè- 
veiiieiit  de  son  œuvre.  Ses  principes  dilactiqnes,  an. 
jourilhni  epars,  demeurent  inédils.  Il  e'^t  a  regretter 
qu  une  main  bieniaisa  le  ne  reuiiis-^e  et  ne  pnlnie 
pas  ces  trésors,  pour  la  fzloire  de  la  guitare  et  de 
son  aprttre. 

(Jnoique  une  grande  partie  de  l'œuvre  de  Tahrkc, \ 
deiiieur''  encore  inédite,  les  maisons  Aiilicli  y  Tena 
de  Valence,  Vidal,  Llimona  y  Uocela  de  Barcelonn, 
Alionsn  Alier,  Urleo  Irario  de  Madrid,  et  Homero 
y  Keinande/,  de  Huenos-Aires,  oui  publié,  en  des  rol- 
lertinns  diierses,  des  préludes,  éludes,  gavotles,  séré- 
nades, mennets,  danses,  aubades,  trémolos,  valses, 
ina/.url<as.  caprices  et  lanlaisies  sur  des  thèmes  po- 
pulaires, une  série  île  transcriptions  de  B\ch,  Haexdkl, 
Haydn    Mozart,  ainsi  que  des  auteurs  espagnols. 

S'-s  jours  lînirenl  à  Barcelone,  le  l">  décembre  1909. 

Cniq  ans  après,  Castellon,  la  ville  aus  luminosilé" 
médilerranéennes,  réclama  ses  restes.  Un  monu- 
ment y  fut  ériiié  à  la  gloire  ilu  i.'rand  artiste  qni, 
'jadis  enfant  indigent,  ensorcelait  par  ses  accords 
vibrant  dans  l'arôme  des  orangers  un  public  eiitliou- 
t  siaste. 

I, "aveugle  andalou  Anloiiio-ljimenez  Manjon,  tech- 
nicien Ires  habile,  contemporain  de  Takrega,  fut 
applaudi  tant  en  Europe  qu'eu  Amérique  du  Sud,  on 
il  passa  la  moitié  de  sa  vie,  contribuant  avec  Juan 
Alais  --t  Garcia  Tolsa  à  la  ditfusion  de  la  guitare 
dans  le  nouveau  continent. 


LA  GUITARE  ACTUELLE 

Avec  Tarrega disparait  le  meilleur  interprète  de  la 
guitare  de  tous  les  lenips.  Mais  son  enseignement 
n'a  pas  éiè  perdu,  car  il  a  généreusement  fructili>' 
pendant  les  premiers  lustres  de  ce  xx"  siècle,  si  pro- 
digues en  vulgarisations  artistiques.  L'abus  du  piano 
et  des  instruments  à  archet,  ainsi  que  la  ledite  île 
certaines  sonorités,  provoquèrent  une  lassitude  qui 
devint  proliiable  à  l'expansion  de  la  guitare. 

D'antre  part,  un  renouveau  d'intérêt  vers  la  mu- 
sique et  les  instruments  anciens,  l'inclination  du 
peuple  vers  la  poésie  musicale  et  1  existence  de  gei- 
taristi-s  de  yrand  mérite  ont  délinilivemenl  relevé 
le  prestige  de  la  guitare. 

Miguel  Lloket,  artiste  complet,  d  universelle  re- 
noniiuee,  parcourt  constamment  l'Kuropeel  les  Amé- 


riques. Acclamé  par  tous  It-s  publics  et  piise  par  les 
plus  presti;.'ieux  Compositeurs,  il  est  le  plu-^  puis- 
samment et  le  plus  diversement  doué  de  tons  ses 
contemporains. 

Uuoii|iie  jeune  encore,  il  fut  de  loin  le  premier  à 
révéler  les  orientations  modernes  de  la  guitare, 
l.LoiiKT  fut,  en  Kspaeiie,  moins  nu  élève  i]u'nn  «  dis- 
ciple »  du  grand  rAniiEGA.  l'ixé  à  Paris  des  19114  il  se 
lia  inliniemeni  avec  Alhkniz,  Mavrl  et  ItKinssY.  La 
l'ré(|iieiilatinnde  cesnovaleiirs,  ainsi  que  ratiiiosphèie 
d'art  ratliné  dans  laquelle  il  vivait,  eurent  une  era- 
[piise  décisive  sur  son  esprit  Son  œuvre  et  son  talent 
d'inlerpiele  ne  tardèrent  pas  à  en  subir  la  p  us  bien- 
aisante  indiience.  l.a  technique  instrumentale  déjà 
prndi;,'ieuse  de  .Mivmel  I.lobrt  fut  portée  aux  léalisa- 
lions  les  plus  conscientes.  Il  en  arriva  à  tout  subor- 
don  ler  à  la  musique. 

Le  t>remier  parmi  les  maîtres  contemporains,  il 
imposa  la  yuitare  à  l'admiralion  des  auditeurs  les 
plus  réserves.  La  soeieié  iiitioiiale,  l.a  Trompette, 
la  Sel  loi  a  CaïUoriiin  et  d'an  1res  cercles  et  cénacles  de 
Paris  donnèrent  ilroit  de  cité  à  rinstrnineit.  Jadis 
plébéien,  mais  ilu  coup  anobli. 

Parmi  ses  lenvres,  li^nient  d'exijuises  harmonisa- 
tions de  mélodies  populaires;  El  Mestre  ei  est  la 
pins  remarquable.  Ce  nioneau  marque  un  point  de 
d epart  vers  de  nouvelles  oiienlatious,  renfermani  le 
germe  d'ultérieures  polychromies  instr  imentales. 
Grâce  à  I.loukt,  la  guitare  révèle  un  nouveau  verbe 
esllieiique  :  elle  s'éveille  à  la  couleur  et  à  la  poly- 
phonie. 

Manuel  dk  Falu,  attiré  par  ces  nouvelles  ressour- 
ces, écrivit  \'Hommage  à  Debiissi/';  le  chel-d'ceuvre 
d'un  tel  maille  est  un-^si  un  hommage  à  la  ynitare. 
La  lionne  semence  friictilie  :  une  pléiade  d'auteurs 
modernes  écrivent  à  l'heure  actuelle  pour  la  «nitare, 
mais  c'est  "race  à  Miguel  Llouet  que  l'on  ose  lui 
demander  tout  ce  qu'elle  peut  donner. 

Entre  a  itres,  nous  citerons  le  tout  moilerne  com- 
positeur uruguayen  Alfoiiso  Broqua,  dont  les  œuvres 
nombreuses  nous  senibleiit  apporter  une  nouvelle 
cnuiiibution  a  l'écrit iii  e  pour  guitare.  Cet  auteur  est 
un  des  pretuieis  Américains  Lalins  pour  qui  cet  iiis- 
tiiimenl  soit  devenu  nn  puissant  moyen  d'e.xpiession 
de  la  race. 

Identiliè  à  la  gnilaie  moderne  et  aux  nouvelles 
mnsi.|ues  du  Sud-Amérique,  IIroqi  4  met  eu  relie 
toutes  les  ressources  sonores  de  l'insti  iiment.  .>on 
est hétique.  Ires  personnelle,  puise  à  la  source  popu- 
laire et  s'exprime  en  de  viiioureuses  louches,  sans 
jamais  perdre  de  vue  la  musique  ;  elle  >ail  demander 
a  1  instrument  de  ces  polychromies  latentes,  si  rare- 
ment révélées,  par  crainte  des  ditlicultés  instrumen- 
tales. 

Cet  auteur  écrit  plus  pour  la  guitare  que  pour  les 
guitaristes. 

lianiel  KoRTKA  perpétue  la  tradition  de  I'arri-ga. 
Exécutant  de  premier  ordre,  il  jouit  du  meilleur 
prestige  parmi  les  musiciens  Sa  firoduciion  abon- 
dante et  diverse  est  réalisée,  telle  l'œuvre  de  son 
maître,  en  vue  'de  l'exclusive  spécialité  de  l'instru- 
ment. 

(Juoique  donnant  de  nombreux  concerts,  ii  dirige 
spécialement  son  activiié  'vers  la  production  el  ren- 
seignement. 

André  Sëgovia  est  un  des  ai  listes  les  plus  admirés 


1,  Le  sigfialairc  de  cel  ailicle  cul  l'iKnnt'i.r  d'iMrf  le  [len-irr  a 
Paris  ;t  louer  V Hommage  d  hibuny  j  our^tiil«re.  Salli'  du  Conserva- 
toire, le  2  decembrt-,1922. 


2016 


ENCYCLOPÉniE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


de  nos  jours.  Virluose  aux  dons  exquis,  il  connut, 
très  leune  encore,  un  succès  univi-rsel.  Son  art  ex- 
pressil'  et  leniarqtiablemenl  cliantanl,  aux  limbre-s 
délicats,  possède  un  étrange  pouvoir  de  fascination 
sur  l'Ame  du  public.  Les  interprétations  de  ce  vir- 
tuose extraordinaire  portent  toujours  en  elles  le 
germe  du  lêve  musical.  La  fîuitare  doit  à  sa  propa- 
gande zélée  et  inlatij^able  une  des  meilleurs  raisons 
de  son  prestige  actuel. 

Ainsi  que  Llobkt,  il  possède  un  ascendant  décisif 
sur  les  meilleurs  compositeurs  modernes,  récemment 
acquis  à  la  cause  de  la  guitare.  Ses  compatriotes 
TuRiNA,  Chavabri.  Moreno  Torboba,  Salazar,  Arregui 
et  rilispano-Argentin  Carlos  Pedrell  lui  ont  dédié 
des  ceuvres.  A  cet  appoint  hispanique  s'ajoutent  des 
essais,  souvent  réussis,  de  musique  dans  le  caractère 
espagnol,  des  l''raneais  Uousskl,  Samazei'ilh,  Col- 
let, etc.  D'autres  œuvres  de  caractère  non  régional 
sont  dues  à  Ponce,  Miiot,  Petit,  Tansmann  et  autres. 

Uegino  Sainz  de  la  Maza,  le  plus  ,|eune  des  guita- 
ristes espagnols,  doué  d'èminentes  qualités,  parcouri 
triomphalement  les  principales  capitales  de  l'Kurope 
et  de  l'Amérique,  continuant  de  iaçon  intensive  la 
propagande  inaugurée  par  ses  prédécesseurs. 

Sa  naissante'  personnalité,  at-'rémentée  de  dons 
inventifs,  laisse  présumer,  en  plus  de  l'interprète, 
un  auteur  de  brillant  avenir.  L'école  espagnole  de 
guitare  moderne  lui  doit  déjà  plusieurs  essais  d'un 
haut  intérêt 

Pour  cluie  la  série  des  artistes  espagnols,  nous 
mentionnerons  Josi'fina  Iîhbledo,  célèbre  en  Espagne 
et  en  Sud-Aniérique,  .Matlnlde  Clkrvas  à  Paris,  Pé- 
pita liocA,  Qnintin  E/ol'kurre,  Alfredo  Uouea,  cri- 
tique musical  a  Bareelone,  Nor.uÈs  y  PoN  (critique 
et  professeur  à  l'Hcole  Municipale  de  Musique  de 
Barcelone),  José  Cirera,  S.  Garcia  Fohtea,  etc. 

On  compte  en  France  un  certain  nombre  de  gui- 
taristes distingués:  Lucien  Gelas,  David  delCastillo, 
Madeleine  Cotti.n,  M"°  Doré,  Zurfluh,  Marcelle 
MuLLRR,  etc.  Alfred  Cottin,  décédé  en  1923,  est 
auteur  d'œuvres  assez  répandues,  et  lut  un  des  plus 
zélés  propiitiatHurs  de  la  guitare  dans  ce  pays. 

En  Italie,  mentionnons  .Vlaria-Hita  Hh«ndi,  auteur 
d'un  volume  récemment  édité,  //  Liuto  e  lu  ChUarra, 
et  le  célèbie  Mozzani,  qui  est  le  plus  estimé  par  ses 
compatriotes. 

En  Allemagne,  Heinrich  Albkrt,  F.  Buek,  Tempel, 
Hans  BisHOP,  Munchen,  Georg  Meier  de  Hambourg, 
Schwarz  Reifli.ngen,  G.  I'uholski  à  Berlin,  Margarethe 
Mullkr  à  Dresde,  et  d'autres. 

En  Aiitriclie,  Jacob  Okt.mer,  professeur  au  Conser- 
vatoire de  Vienne;  Joseph  Zuth,  Victor  Kolon  et 
l'admirable  virluose  Louise  Walker. 

En  Hollande,  Pierre  van  Es. 

En  Argentine,  au  Chili,  en  Uruguay  et  autres 
républiques  sud-américaines,  Domingo  Prat',  Anto- 
nio SiNoi'OLi,  Adolfo  LuNA,  11.  Lkloup,  J.  Sagkeras 
et  autres,  paiini  lesquels  se  détache  nellement  la 
forte  personnalité  de  i\l"«  Maria-Luisa  AiNido,  laquelle 
est  en  train  de  conquérir  la  plus  juste  célélirité,  pour 
la  plus  grande  gloire  de  l'art  musical  de  son  pays. 

Parmi  les  instruiueiits  d'origine  ancienne,  la  gui- 
lare  est  le  plus  typii|ue,  le  plus  complet,  celui  qui 
ne  lut  pas  surpasse.  Ses  racines  populaires  l'acherai- 
neiit  vers  les  expressions  les  plus  musicales,  loin  de 
l'en  écarter,  toutes  les  musiques  lui  sont  accessibles, 

1.  DomiDgo  PiivT,  iSteve  de  Miguel  Li.uiiET,ot  Jo.sefina  Uobi.>i.u,  élevé 
de  Takkbga,  lurent  tes  premiers  a  répandre  en  Amérique  du  Sudt'érote 
moderne  espagnole. 


des  plus  simples  aux  plus  complexes,  des  plus  ingé- 
nues aux  plus  savantes. 

Les  Coiiservatoiies  de  Barcelone  et  Valence  ont 
l'exclusif  privilège  en  Espagne  d'enseigner  ofticielle- 
inent  cet  instrument.  Ils  perpétuent  les  traditions 
des  anciens  maîtres.  Les  principales  légions  d'Espa- 
gne continuent  de  gaider  à  la  guitare  son  aspect 
populaire. 

Des  influences  arabes,  en  s'insinuant  en  Andalousie, 
produisirent  l'art  dit  /lamenco,  dérivation  du  cantt 
jondo,  dont  l'inlluence  fut  si  bienfaisante  à  la  musique 
espagnole  moderne'-.  On  doit  à  cette  musique  popu. 
laire  une  série  d'interprètes  de  mérite,  qui,  souvent, 
furent  de  modestes  illettrés,  mais  fortement  intuitifs 
et  admirablement  doués.  N'ayant  pour  rëglf  qu'un 
sentiment  musical  inné,  ils  transmirent  de  généra- 
tion en  génération  les  couleurs,  rythmes  et  cadences 
dont  s'enrichit  le  Iblkloie  andalou. 

Le  classique  parmi  les  fOimencos  fut  le  maître 
Patino  (élève  du  célèbre  PaqcirrP).  On  doit  à 
Pati.\o  des  falsetas  du  style  le  pins  pur.  D'autres  sui- 
virent :  El  Mellizo,  auteur  delà  Malnyiiefia  flamenca 
(1850),  Paco  EL  DE  Jerez  et  le  plus  célèbie  de  la 
pléiade,  Paco  el  de  Lucena.  Ensuite,  el  iMùo  del  Car- 
men, Francisco  Cortès,  Angel  Haeza,  Manuel  Alvarez 
(Niûo  de  Moron),  etc.  De  nos  jours,  on  compte  Pepe 
EL  EciiANO,  Hahichuilas,  José  Cabeza,  Javier  Molina, 
le  prodigieux  Manolkte  dit  :  «  Mùo  de  Huelva  •>,  et 
Kamon  Mo.ntoya,  Miguel  Bohrull,  Amallo  Ci:enca, 
José  Cirera,  le  peintre  gitane  Fabian  de  Castro, 
Roman  Garcia,  son  élève  Hernamlo  Vines,  peintre 
aussi,  etc. 

L'Aniérii|ue  latine  acquit  des  Espagnols  le  culte 
de  la  guitare  La  guitare  y  devint  la  compagne  et  la 
conlidente  du  (jawho  solitaire,  des  mornes  «  pam- 
pas »  aux  II  punas  "  escarpées  des  régions  andines. 
Le  folUlore  sud -américain ,  révélé  avec  un  art 
esquis  au  public  d'Europe  par  l'Argentine  M"""  Aiia 
S.  DE  Cabrera,  relève  à  peine  des  primitives  intluen- 
ces  espagnoles.  Cette  musique  provient  d'un  lolklore 
foncièrement  indigène,  oïl  les  modalités  indiennes 
s'amalgament  à  un  art  populaire  plus  récent,  formé 
par  le  travail  de  plusieurs  siècles.  Le  chant  et  la 
guitare  en  sont  les  principaux  soutiens.  Il  est  à  présu- 
merque  l'Amérique  latine  réservera  la  surprise  d'une 
future  école  qui,  dérivant  de  la  jinitare  espagnole, 
sera  complètement  autochtone.  L'avenir  est  des  plus 
brillants  et  laisse  discerner  d'immenses  perspectives. 
INotre  guitare  actuelle  revêt,  ainsi  que  celle  du 
moyen  âge,  un  double  aspect  :  l'aspect  populaire, 
sans  fard,  et  un  autre  afliné  et  savant  dérivant  de  la 
guitare  latine. 

Les  hommes  célèbres  et  la  guitare. 

Le  Piémontais  Rizzio  devint,  en  Ecosse, "le  déposi- 
taire des  secrets  de  Marie  Sluait  et  l'âme  du  Conseil, 
glace  â  son  habileté  à  jouer  de  la  guitare.  Durant 
quatre  années,  il  tut  le  véritable  roi  de  ce  peuple; 
victime  d'une  conspiration,  il  fut  assassiné  dans  la 
charnlire  île  Marie  Stuail,  et  mourut  dans  les  bras 
(le  cette  reine  (Allonso  Torres  del  Castillo,  Ilisl^ire 
des  persécuiiuns  [lutUiques  el  relii/ieuses,  t.  IV,  p.  324' 
el  3251. 

i.  Voir  La  .Wisique  espagnolt:  par  Edijar  Neviile  dans  la  revue 
L'Esprit  Nouveau,  a'  16,  lîditions  de  V Esprit  Nouveau,  3,  rue  du 
Clicrclu-.Midi,  l'aris. 

3,  l*Ayuntiu  fui  le  preninr  /ocaor  qui  accompagna  sur  la  guitare  les 
Seiiuirii/as ,  SetTanas,  Soltares^  Polo  y  ta  Caûa,  les  seuls  air.i  du 
/'(,  uu  jOtido  (idnieltant  l'iutcrveDljoa  de  la  guitare. 


TECHMQVE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÈDAGOCIE 


LA  GUITARE    W\l 


Louis  XIV  fut  aussi  un  {,'rand  amateur  et  protec- 
teur (le  la  guitare.  Bonnet  dil  dans  son  Histoire  de 
lu  Musvine  (1715)  :  «  La  guitare  fêtait  sou  instrument 
favori,  et  en  dix-huit  mois,  il  avait,  dit-on,  égalé  un 
niaitre  que  le  cardinal  avait  fait  venir  d'Italie  (pro- 
bablement Francisco  Corhetta).  »  On  lit  dans  les 
Mémoires  de  M™"  de  Molteville  :  «  Il  adorait  la  musi- 
que et  faisait  des  concerts  de  guitare  quasi  tous  les 
jours.  "  (Collection  Petitot,  vol.  XXIX,  p.  408.)  L'Estat 
gênerai  îles  officiers  du  roi,  -29  avril  16lil,  prouve  que 
Louis  XIV  avait  un  niaitre  de  guitare  (maistre  pour 
enseigner  le  roi  à  jouer  de  la  guitare  :  Bernard  Jour- 
D.\N,  sieur  de  la  Salle). 

M"''  de  Nantes,  fille  de  Louis  XIV,  joua  aussi  de 
la  guitare.  (Voir  Constant  Pikrre,  page  67.) 

Maurice  de  Raoui.x  fut  professeur  de  guitare  de  la 
duchesse  de  Berry  et  auteur  d'un  grand  Duo  concer- 
tant pour  deux  guitares,  édité  par  Louis  Bresler. 

Le  comte  de  Lowendhal,  la  marquise  de  Marbeuf, 
le  prince  de  Conli,  lord  Kerby,  la  marquise  de  Las- 
salle  et  autres  personnalités  laissèrent  aux  mains 
des  révolutionnaires  leurs  guitares  avec  d'autres  ob- 
jets d'art 

Pour  certains  grands  musiciens,  la  guitare  fut 
comme  un  petit  bréviaire  leur  permettant  de  puiser 
les  premiers  éléments  d'une  idée  orchestrale. 

MoNTEVERDi,  dans  l'orchestration  de  son  opéra 
(irfeo,  chanté  devant  la  cour  de  Mantoue  (1607),  ajou- 
tait deux  guitares  à  son  orchestre. 

D'après  Lederf  de  la  Viéville,  Lully  aurait  appris 
d'un  vieux  cordelier,  à  toucher  de  la  guitare,  en 
même  temps  que  les  premiers  principes  de  la  mu- 
sique. 

Weber  et  Schubert  écrivirent  aussi  des  mélodies 
qu'ils  accompagnaient  eu.x-mêmes  sur  la  guitare.  Ce 
dernier  composa,  dans  sa  jeunesse,  un  quatuor  pour 
instruments  à  archet  et  guitare. 

DiAiiELLi  (Antonio)  11781-1838),  pianiste  connu 
surtout  par  son  œuvre  didactique,  fut  professeur  de 
guitare  à  Vienne  pendant  plusieurs  années. 

Beethoven  aimait  entendre  les  deux  sœurs  Mal- 
FATTi  interprétant  diverses  musiques  et  la  sienne 
propre  sur  la  guitare  et  le  cymbalum. 

La  célèbre   sérénade  du  Barbier  de  Rossini  s'ac- 
compagne en  principe  sur  la  guitare,  qu'emploient 
[aussi  (JRÉTRY  dans  L'Amant  jalou.i,  Auber  dans  La 
\Nei(je,  Weber   dans  Ûberon,    Spohr    dans    '/.émire   et 
lÂzor. 

On  racoute  que  Paganini  électrisait  ses  auditeurs 
[autant  avec  sa  guitare  qu'avec  son  violon.  Parmi  ses 
nombreuses  compositions  pour  guitare  seule,  on 
remarque  deux  sonates  (op.  2  et  .3,  édition  Ricordi, 
Milan,  et  Richault,  Paris),  une  collection  abondante 
de  menuets  et  fantaisies,  puis  trois  «  grands  »  qua- 
tuors pour  violon,  alto,  violoncelle  et  guitare,  des 
variations  de  bravoure  sur  un  thème  original  pour 
violon  et  guitare  et  neuf  quatuors  pour  violon,  alto, 
violoncelle  et  guitare  (Ricordi,  186.1). 

Berlioz  fut  toute  sa  vie  passionné  pour  la  guitare. 
Dans  son  Berlioz  intime,  Edmond  Hippeau  dit  :  »  Il 
emporte  sa  guitare  et  l'Enéide,  et  improvisi'  sur  ces 
vers,  enfouis  dans  sa  mémoire  depuis  son  enfance, 
une  étrange  mélopée  sur  une  harmonie  plus  étrange 
encore.  Sous  l'intluence  combinée  des  souvenirs  de 
la  poésie  c-t  de  la  musique,  il  atteint  le  plus  incroyable 
degré  d'exaltation.  »  Berlioz  avait  appris  la  guitare 


avec  un  musicien  de  la  côte  Saint-André,  Dorant'. 
Dans  la  correspondance  inédite  de  Berlioz,  figure 
un  fragment  de  lettre  adressée  à  Ferdinand  IIiller, 
datée  de  Rome  (17  décembre  1831),  où  on  lit  :  »  Je 
vais  retourner  dans  le  mien  (ermitage)  à  Subiaco; 
rien  ne  me  plait  tant  que  cette  vie  vagabonde  dans 
les  bois  et  les  rochers,  avec  ces  paysans  pleins  de 
bonhomie,  dormant  le  jour  au  bord  du  torrent,  et  le 
soir  dansant  la  saltarelle  avec  les  hommes  et  les 
lemmes  habitués  de  notre  cabaret.  Je  fais  leur 
l'Onheur  par  ma  guitare;  ils  ne  dansaient  avant  moi 
qu'au  son  du  tambour  de  basque;  ils  sont  ravis  de 
ce  mélodieux  instrument.  » 

Dans  son  Traité  d'instrumentation,  Berlioz  s'occupe 
longuement  de  la  guitare;  à  son  avis,  elle  n'est  pas 
destinée  aux  ensembles,  puisque,  au  contraire  des 
autres  instruments,  elle  perd  l'effet  exquis  de  sa 
sonorité.  11  considère  au  surplus  qu'il  est  impossible 
d'écrire  pour  la  guitare  sans  savoir  en  jouer. 

Paraphrasant  Berlioz,  lorsqu'il  appelait  la  guitare 
«  un  petit  orchestre  »,  Wagner  aftirmait  que  l'or- 
chestre était  «  une  grande  guitare  ». 

Charles  Malherbe  raconte  que  Counod  essaya  sur 
la  guitare  l'esquisse  de  Mireille-. 

.Massenf.t  disait  :  "  C'est  l'instrument  le  plus  com- 
plet; »  pour  Debi'ssy,  c'est  «  un  clavecin  expressif». 
Marie   Malibran,  Adélaïde  Risïori,  le  ténor  T.\m- 
iiERLiR,  le  fameux  agitateur  italien  Mazzini  lui-même, 
eurent  la  passion  de  la  guitare. 

Glinka,  pendant  son  séjour  à  Grenade,  recueillit 
des  «  toques  »  du  Ml'rciano,  les  sonorités  et  les  pro- 
cédés qui  influèrent  sur  l'orchestration  moderne. 

Verdi  employa  la  guitare  dans  Falstaff,  Donizetti 
dans  Don  Pusquale,  Scarlatti  dans  son  ballet  Les 
Jûijetises  Commères  de  Windsor. 

Entre  autres,  Boccherini  écrivit  un  quintette  pour 
violon,  alto,  violoncelle  et  guitare  (op.  46,  chez 
Pleyel,  1780). 

Manuel  de  Falla  emploie  la  guitare  dans  La  Vie 
flrère,  Breton  dans  La  Doloirs,  Raoul  Laparra  dans 
Lu  Halianera,  Schœnberg  dans  un  de  ses  quatuors,  et 
d'autres  musiciens  modernes  dans  quelques-unes 
de  leurs  œuvres. 

Le  "  bardo»  Iparraguirre  composa  l'hymne  basque 
Gtiernikako  Arbola  sur  sa  guitare. 

Dans  tous  les  temps,  les  poètes,  les  écrivains  et 
presque  tous  les  peintres  aimèrent  la  guitare.  On 
dit  que  Cervantes  jouait  de  la  vihuela  et  connais- 
sait parfaitement  la  musique.  (Voir  Soriano  Et  ertes, 
Ilistoria  de  la  musica  espaiiola,  cap.  xv,  p.  171  et 
172.) 

Schopenhauer  s'assimila  toutes  les  sciences  :  miné- 
ralogie, botanique,  météorologie,  physiologie,  ethno- 
logie, etc.,  hormis  la  guitare,  et  dut,  après  bien  des 
années  de  stériles  ell'orts,  suspendie  à  un  clou  de  sa 
chambre  l'instrument  rebelle. 

Le  poète  saxon  Shelley  écrivit  un  poème  dédié  à 
la  guitare.  Eugenio  d'Ors,  connu  sous  le  pseudo- 
nyme de  Xénius,  disait  dans  un  de  ses  Gtussaircs  : 
<■  Le  chant  de  la  harpe  est  une  élégie;  le  chant  du 
piano  est  un  discours;  le  chant  de  la  guitare  est  un 
chant.  )■ 

Lm'Arra  dit  :  <■  On  pourrait  appeler  les  six  cordes 
de  la  guitare  six  âmes  ditférentes  dans  un  corps 
harmonieux,  tant  est  grande  leur  indépendance 
d'expression.  » 


i.  Hippeau,  loco  cil.,  p.  189.  \'oir  aussi  :  Adolplie  ÎIi-^chot,  f.a  Jeu. 
nessc  d'un  romantique  (1906),  pp.  6G  et  suiv,  (N.  11.  L.  D. 

Copyrigthby  Librairie  Delagrare,  1021. 


■1.  Voir  aussi    :  S.  G.  f'noo'H 
p.  41.  (N.  D.L.  D.i 


)M)iE  el  A.  DxNDEr.or,  Gouiiod  {\'i\\). 


127 


201 


8  ESCVCLOPÉniE  DE  LA  MCSIOCE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Ruben  Daiio  déliiiissait  lyriquement  la  guilare  : 

Urna  amorosa  de  voz  femeniiia, 
Caja  de  musica  de  dolor  y  placer, 
Tiene  el  acenlo  de  un  aima  divina, 
Talle  y  caderas  como  una  mujer'. 

Les  facteurs. 

Parmi  les  fadeurs  de  guitare  de  lous  les  temps,  la 
place  d'honneur  revient  à  Antonio  de  Toures.  Ses 
instruments,  non  encore  catalogués,  n'ont  pas  tous 
les  mêmes  qualités;  ils  furent 
construils  à  deux  époques  dis- 
tinctes :  ceux  de  la  première 
époque,  à  Séville,  datent  de  18bO 
à  1869;  ceux  de  la  seconde 
furent  construils  à  Alméria,  où 
ToRRES  était  né,  et  datent  de  1880 
et  au  delà. 

Elève  du  célèbre  luthier  J.  Për- 
NAS,  il  introduisit  dans  la  cons- 
truction des  innovations  qui 
furent  conservées  par  la  suite.  Il 
modifia  les  dimensions  de  la  gui- 
tare, obtenant  ainsi  un  plus  joli 
timbre  et  une  sonorité  plus  am- 
ple. ToBREs  sut  concilier  la  soli- 
dité avec  la  beauté  des  lignes,  la 
délicatesse  el  la  sobriété  dans 
l'ornementation.  Il  inventa  un 
tube  de  résonance  qui,  placé  à 
l'intérieur  de  la  caisse,  autour  de 
la  rosace,  renforçait  la  sonorité 
des  cordes  graves.  Néanmoins, 
il  n'employa  pas  ce  procédé  d'une  façon  générale. 

On  raconte  de  Torres  cette  anecdote  curieuse.  Il 
discutait  avec  plusieurs  constructeurs  des  causes 
qui  agissaient  sur  la  sonorité  de  la  guitare.  A  l'appui 
de  ses  théories,  Torres  promit  de  construire  une 
guitare  en  carton,  sauf  la  table  d'harmonie  qui 
serait  en  sapin.  Il  tint  parole,  à  la  grande  admira- 
tion de  ses  collègues.  Cette  guitare,  qui  appartint 
d'abord  à  Tarrega,  figure  aujourd'hui  dans  la  belle 
collection  du  guitariste  Miguel  Uobet. 

Les  instruments  de  Torres  sont  ceux  qui  ont 
obtenu,  après  la  mort  de  l'artiste,  les  prix  les  plus 
fabuleux,  surtout  ceux  de  la  première  époque,  tenus 
pour  les  meilleurs. 

Les  prédécesseurs  de  Torres  furent  les  facteurs  Pa- 
ges, père  et  fils,  José  Benedict,  Cadix,  Récio,  Munoa,  de 
vers  la  fin  du  xviii»  siècle  et  le  début  du  xi.k«  siècle, 
et  plus  tard,  Altimira,  de  Barcelone,  en  1850. 

Ont  continué  Torres  dans  la  maîtrise  de  la  facture, 
Vicente  Arias,  de  Ciudad  Real,  et  Manuel  Ramihez, 
de  Madrid;  ce  dernier  a  eu  pour  élèves  les  luthiers 
les  plus  réputés  d'aujourd'hui,  Santos  Hernandez  et 
Domingo  Esteso,  de  Madrid,  et  Enrioue  Gabcia,  dé- 
cédé en  1923  à  Harcelone,  dont  le  brillant  successeur 
est  Francisco  Simpi.icio. 

Parmi  les  luthiers  espagnols  modernes,  citons  Ri- 
BOT  Y  Alcaniz,  Sanfeliu,  Flix,  Marchuet  et  Serra- 
TOSA,  de  Barcelone;  Soto,  de  Séville;  Zubia,  de  Lo- 
groûo;  Luis  Soria,  de  Gijon;  Llorente,  Pau,  Pascual 
RocB,  Iranez,  Ponce,  de  Valencia;  José  Ramihez,  Rojas 
et  Gonzalez,  de  Madrid. 


FlG.  1055. 

Guitare  Tobres 

(2«  époque). 


Au  début  du  xix"  siècle,  on  appréciait  beaucoup 
les  guitares  de  François  Lacôte,  de  Pari.s,  instru- 
ments admirables  d'élégance  et  de  solidité,  construits 
et  perfectionnés  sur  les  avis  de  Carl'lli,  Caucassi  et 
Sors,  admirateurs  et  amis  du  célèbre  luthier.  On 
appréciait  aussi  les  instruments  de  Panormo-. 

Parmi  les  luthiers  italiens  du  siècle  passé,  se  dis- 
tinguèrent   G.    GUADAGNINI,    MeLEGARI,     TADOLIM,    Ro- 

vetta,  Volpe;  Manzini,  Silvestri,  Manni,  Malagoli, 
Reggiani,  Giacopo  Rivolta,  etc.;  parmi  les  mo- 
dernes, MozzANi  est  le  plus  célèbre. 

Antonio  Stradivahks  (1644-1737)  construisit,  à  ses 
débuts,  deux  guitares  dont  l'une  figure  au  Musée  du 
Conservatoire  de  Paris. 

Actuellement,  tandis  que  J.  Gouez  Ravirez  cons- 
truit à  Paris  selon  les  traditions  de  la  facture  espa- 
gnole, L.GELAs,inventeur  d'un  nouveau  système  basé 
sur  des  théories  acoustiques  différentes,  a  récem- 
ment créé  un  type  d'instrument  à  deux  tables  har- 
moniques :  l'une  oblique  el  inférieure,  sur  laquelle 
est  monté  le  chevalet,  l'autre  parallèle  aux  cordes 
à  travers  la  rosace  et  qui  se  termine  à  mi-chemin 
entre  celle-ci  et  celui-là.  Bien  que  ce  procédé  ait 
donné  d'appréciables  résultats  quant  à  l'intensité 
sonore  et  soit  excellent  pour  les  grands  ensembles, 
on  peut  douter  qu'il  possède  le  charme  des  instru- 
ments construits  dans  la  forme  classique. 

Certains  vieux  instruments  de  notre  civilisation, 
tels  le  violon  et  la  guitare,  atteignent  un  degré  de 
perfection  qu'il  est  oiseux  de  vouloir  dépasser  au 
risque  d'en  altérer  le  charme  immanent.  Ils  sont 
comme  des  dogmes  chers  à  l'àme  collective,  inacces- 
sibles à  l'évolution.  En  modifier  la  construction, 
c'est  altérer  leur  essence,  toucher  à  leur  àme.  Ceci 
n'empêche  que  l'on  construise  d'autres  instruments 
similaires  sur  des  données  physiques  modernes,  et 
susceptibles  de  plus  amples  sonorités;  mais  ce  sont 
d'autres  instruments. 

Les  transcriplions. 

La  haute  autor  té  du  critique  Emile  Vuillermoz 
nous  confirme  dans  une  opinion  personnelle  lorsqu'il 
accepte,  en  principe,  que  les  œuvres  conçues  pour 
des  instruments  déterminés  soient  détournées  de 
leur  but  primitif,  pourvu  que  les  transcriptions  se 
réalisent  avec  un  haut  discernement. 

L'essor  indéniable  pris  par  la  guitare  en  ces  der- 
niers temps  serait  moindre  sans  l'aide  des  transcrip- 
tions (souvent  si  systématiquement  combattues)  qui 
contribuèrent  àenrichirsa  littérature.  Legénie  trans- 
cripteur  d'un  Tarrega  et  de  plusieurs  de  ses  émules 
a  imposé  la  guitare  à  tous  les  instrumentistes  et 
aux  musiciens. 

Il  est  aisé  de  montrer  qu'elle  améliore  certaines 
musiques  qui  ne  lui  étaient  pas  destinées;  les  trans- 
criptions de  certaines  œuvres  pour  piano  d'ALRÉNiz 
et  Ghanados  en  font  preuve.  Jamais  la  couleur  imma- 
nente dans  l'àme  musicale  espagnole  ne  fut  mieux 
révélée  que  par  la  guitare. 

Douée  d'une  étrange  faculté  de  mimétisme,  la  gui- 
tare sait  aussi  s'adapter  au  sens  archaïque  des  ins- 
truments anciens;  elle  clianle  dans  toutes  les  lan- 
gues :  d'abord,  dans  le  vieil  idiome  des  viliuelistes. 


Urne  aiiioiiri'use  à  la  \oiK  rnininine, 
lioite  â  musiiiiie  de  douleur  el  de  plaisirj 
VAWa  l'dccenl  d'un;  ùiiie  divine, 
Taille  el  hanches  comme  une  femme. 


2.  Dans  l'inventaire  d'objets  abandonnas  par  la  noblesse  française 
il  l'époque  révolutionnaire  Gguraient  plusieurs  fçuitares  conslruitCs 
par  Svi.oMoN,  Pierre  Locvet,  Saumek,  Guu.laumk,  F'euun.  I''i,f,u»\, 
Coum:n,  RkM\,  Alexandre  Vockanf  le  jeune  (1673)  et  autres  (M.-Uîta 
Bno.NDi,  Il  Liiit'j  e  ta  Chilarra,  Torino,  lOâti). 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÈDAGnciE 


LA  GUITARE    2019 


ancêtres  des  guitaristes,  puis,  dans  Haendel,  Bacd 
et  Mozart,  elle  s'humanise  au  point  de  l'aire  oublier 
qu'elle  traduit  des  pensées  qui  ne  lui  étaient  pas 
destinées.  Mieux  que  tout  autre  instrument,  elle  s'a- 
dapte sans  elTort  au  classicisme,  au  romantisme,  au 
modernisme,  embellissant  tous  les  genres. 

Ou  ne  doit  pas  craindre  d'accepter  les  transcrip- 
tions lorsqu'elles  sont  réussies.  Cela  est  aisé  à  obte- 
nir si  le  trariscripteur  possède  une  haute  conscience 
de  sa  mission,  tous  les  moyens  techniques  néces- 
saires, et  l'intuition  de  discerner  quelles  sont  les  œu- 
vres n'ayant  rien  à  perdre  à  la  transcription,  mais 
plutôt  à  y  gagner. 

Considérations  générales. 

La  guitare,  étant  l'Ame  de  la  musique  espagnole, 
a  donc  contribué  à  la  floraison  des  oeuvres  aujour- 
d'hui les  plus  répandues.  Ses  cadences  typiques, 
ainsi  que  ses  systèmes  d'harmonie,  ne  proviennent 
pas  tou|ours  d'une  l'aison  purement  esthétique,  mais 
d'une  raison  plutôt  physiologique  :  ce  sont  les  doigts 
intuitifs  des  focaores  (joueurs  populaires)  qui  en  sont 
souvent  la  cause. 

L'esprit  de  la  guitare  se  trouve  "naturellement  chez 
tous  les  auteurs  espagnols  de  toutes  les  époques; 
dès  le  XVI"  siècle,  on  le  voit  agir  sous  l'inlluence  des 
vihuelistes  Milan,  Fuenll^na,  Cabezox,  etc  ;  au  xvii'", 
les  guitaristes  Sanz,  Hibayaz,  au  xvni',  les  composi- 
teurs EsTÉvE,  le  Père  Soler,  Mateo  Alreniz,  etc.  s'en 
inspirent. 

Les  vihuelistes  et  guitaristes  des  xvi=  et  xvn«  siècles 
portèrent  à  l'étranger  le  germe  des  inlluences  espa- 
gnoles. La  France,  l'Angleterre  et  l'Italie  en  profitè- 
rent d'abord;  l'irradiation  devint  ensuite  plus  uni- 
verselle. Les  formes  des  danses  anciennes  espagnoles, 
sarabandes,  passacailles,  pavanes,  folies,  gaillardes 
et  autres  sont  empruntées  au  peuple  par  la  guitare, 
qui  les  passe  aux  ultérieures  musiques  instrumen- 
tales. Les  musiciens  de  tous  les  pays  en  profitent  : 
la  pléiade  des  Bach  en  Allemagne,  Scarlatti  en 
Italie,  les  clavecinistes  français  et  anglais,  les  classi- 
ques, les  romantiques ,  puis  les  modernes.  Entre 
autres,  nous  citerons  Glinka,  Rimsky  Korsaroff,  César 
Cui  en  Russie,  Boccherini  et  le  moderne  Zandonaï  en 
Italie,  puis  le  groupe  des  illustres  Français  Bizet, 
Lalo,  Charrier,  Saint-Saëms,  Debl:ssy,  Bavel,  et,  na- 
turellement, en  Espagne,  les  créateurs  ou  continua- 
teurs de  la  typique  zarzuela  cspanota,  Barbieki,  Bre- 
TO.N,  Chapi,  Vives,  enfin,  parmi  les  maîtres  contem- 
porains, Albeniz,  Granados,  Falla,  Turina,  etc.;  tous 
rendent  hommage  aux  rythmes  espagnols,  souvent 
fils  de  la  guitare. 

Cet  instrument  plus  que  latin,  méditerranéen, 
exprime  mieux  qu'aucun  autre  le  sens  de  l'mtimismf 
musical,  en  opposition  avec  le  jazz  tonitruant.  La 
guitare  éveille  et  accentue  chez  l'auditeur  le  goût  de 
la  qualité  sonore.  Mais  pour  bien  percevoir  ses  sono- 
rités, il  est  indispensable  d'écouter  à  distance,  —  ce 
qui  peut  paraître  étrange  à  l'égard  d'un  instrument 
confidentiel  par  excellence;  —  l'éloigneraent  per- 
met aux  ondes  de  s'amplifier,  de  s'épurer  et  de  se 
iusionner. 

Peut-être,  la  guitare  n'est-elle  pas  toujours  traitée 
dans  toute  son  ampleur  par  certains  compositeurs 
modernes.  On  la  considère  un  peu  trop  comme  un 
instrument  exclusivement  chantant,  féminin  et  frêle, 
inapte  à  un  rôle  plus  vaste,  aux  polychromies  et  aux 
élans  audacieux.  Nous  croyons  que  la  guitare  (même 


dans  son  accord  actuel  susceptible  d'ultérieures  mo- 
difications), s'adapte  aux  genres  d'expression  les  plus 
opposés.  C'est  allaire  d'entente  entre  compositeurs  et 
interprètes. 

On  lu  croit  souvent  incapable  d'évoquer  des  mu- 
siques autres  que  celles  d'Espagne...  (De  l'avis  de 
certains  puristes  de  nos  jours,  elle  ne  serait  qu'un 
instrument  arabisé  du  sud  de  l'Espagne,  voué  à  l'art 
flamenco,  et  même  elle  ne  devrait  jamais  quitter  ce 
rôle.)  C'est  ignorer  ses  facultés  universelles  et  son 
pouvoir  d'adaptation  à  tous  les  génies. 

Les  compositeurs  modernes  dont  la  nationalité 
n'est  pas  espagnole  ne  veulent  presque  jamais  écrire 
pour  la  guitare  sans  se  croire  obligés  de  faire  de  la 
musique  espagnole.  Etrange  pouvoir  d'hypnose  qui 
crée  des  œuvres  souvent  d'une  grande  valeur,  mais 
forcément  déracinées,  d'un  hispanisme  qui  ne  peut 
être  qu'extérieur. 

Cela  porte  souvent  à  regretter  que  les  composi- 
teurs sous-estiment  les  moyens  expressifs  de  la  gui- 
tare... Que  ne  donnerait  l'esprit  de  la  musique  fran- 
çaise drtmeut  adapté  à  cet  intrument! 

La  guitare,  de  tous  temps  animatrice  de  l'esthé- 
tique, a  supérieurement  enrichi  la  musique  moderne. 
C'est  maintenant  à  la  musique  moderne  d'enrichir 
davantage  l'écriture  de  la  guitare. 


EXPOSÉ  DE  LA  TECHNIQUE  DE  L'INSTRUMENT 

La  technique  doit  s'apprendre  directement  sur 
l'instrument,  et  les  dissertations  pédagogiques  nous 
semblent  la  plupart  du  temps  oiseuses.  Nous  croyons 
cependant  devoir  compléter  ce  travail  sur  la  guitare 
en  exposant  quelques-uns  des  procédés  techniques 
qui  aident  à  sa  compréhension. 

Pour  plus  de  concision  dans  l'exposé,  nous  avons 
dû  omettre  les  exercices  pratiques,  mais  nous  nous 
proposons  de  faire  un  jour  un  travail  plus  étendu 
sur  ce  sujet. 

i\onieaclatare  des  parties  qui  composent 
l'instrument. 

La  guitare  usuelle  se  compose  essentiellement  d'unfe 
caisse  de  résonance,  d'un  manche  et  de  six  cordes. 

La  caisse  de  résonance  est  formée  par  deux  sur- 
faces planes  et  parallèles  qui  constituent  le  dessus 
et  le  dos.  Les  courbes  formées  par  les  contours  de 
cette  caisse  offrent  symétriquement  deux  corrvexités 
extérieures,  l'une  plus  grande  que  l'autre,  unies  cha- 
cune par  une  courbe  concave  qui  détermine  les  deux 
parties  supérieure  et  inférieure  de  la  caisse. 

La  surface  supérieure,  invariablement  en  sapin, 
s'appelle  table  d'harmonie,  et  constitue  la  partie  la 
plus  importante  pour  la  sonorité  de  l'instrument. 
Au  centre,  vers  la  partie  supérieure,  se  trouve  une 
perforation  circulaire  de  8  centimètres  et  demi  de 
diamètre  environ,  ayant  pour  but  de  prolonger  les 
sons;  on  l'appelle  rosette  ou  rosace.  Les  luthiers  ont 
toujours  donné  libre  cours  à  leur  habileté  et  à  leur 
fantaisie  en  incrustant  autour  d'elle  des  mosaïques 
de  bois,  de  nacre  ou  d'autres  matières  ornementales. 

Au  centre  de  la  partie  inférieure  de  la  table 
d'harmonie,  se  trouve  une  pièce  de  bois  rectangu- 
laire de  19  à  20  centimètres  de  long  sur  3  de  large. 
On  l'appelle  chevalet.  Ce  chevalet  est  plus  épais  au 
centre  sur  une  longueur  de  84  millimètres;  cette 
partie  surélevée  est  divisée  en  deux  autres  (antë- 


2020 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


rieure  et  postérieure)  par  une  rainure  longitudinale. 

L;i  jiartie  antérieure  supporte  une  petite  pièce  rec- 
tangulaire d'ivoire  ou  d'os  appelée  sillet.  Ce  sillet  a 

pour  objet  :  \°  de  soulever  les  cordes  au-dessus  de 

)a  table  d'harmonie;  2"  de  fixer  une  des  extrémités 

de  vibration   des  cordes,  et  3»  de  transmettre  les 

vibrations  à  la  caisse  de  résonance  par  le  contact 

avec  la  table  d'harmonie. 

La    partie    postérieure    du  chevalet    contient  six 

trous  transversaux  par  lesquels  l'extrémité  inférieure 

de  chaque  corde  s'attache  solidement  au  chevalet. 
Ce   système  de  chevalet,  inventé  par  Acuado',  se 

substitua  aux  anciens  systèmes,  moins  pratiques. 
Le  fond  An  la  caisse  de  résonance  est  généralement 

en  palissandre,  parfois  en  érable  ou  en  cyprès;  il  a 

les   mêmes   dimensions   et  contours   que  la   table 

d'harmonie.   Ces  deux   surfaces   sont  reliées  entre 

elles  dans  leurs  contours  par  deux  bandes  de  bois 

assez  minces  de  9  à  10  centimètres  de  haut,  nommées 

cclisscs.  L'ensemble  de  toutes  ces  pièces  constitue  la 

caisse  de  résonance. 

L'ne  pièce   de  bois  de  32  centimètres  et  demi  de 

long  sur  b  à  6  de  large,  plate  sur  le  dessus,  con- 
vexe   par-dessous,  part  du    bord   supérieur   de   la 

caisse,   perpendiculairement  au  chevalet  ;   c'est  le 

manche  (généralement   en  cèdre).  Sa  partie  plate 

supporte  une  planchette  de  bois,  plate  aussi,  appe- 
lée diapason,  clavier  ou  plaque  des  touches,  qui  est 

en  ébène  ou  en  palissandre. 
La  plaque  des   touches  est  divisée   par   19   filets 

transveisaux  en  métal  ou  en  argent,  qui  dépassent 
légèreuiement  sa  surface^.  Les  filets  sont  placés  à 
des  distances  calculées  de  telle  sorle  qu'ils  corres- 
pondi-nt  aux  demi-tons  de  la  gamme. 

Les  dix -neuf  espaces  entre  les  filets  sont  appelés 
cases  ou  touches. 

Le  diapason  est  limité  à  sa  partie  supérieure  par 
Tin  second  sillet  légèrement  plus  court  que  celui  du 
chevalet.  Il  est  sillonné  par  six  rainures  transversales 
sur  lesquelles  viennent  s'appuyer  les  six  cordes.  Le 
sillet  du  diapason  corres|>ond  au  sillet  du  chevalet 
en  ce  que  chacun  d'eux  iixe  une  des  extrémités  de 
vibration  des  cordes.  La  paitie  inférieure  du  diapa- 
son s'arrête  à  la  rosace.  Cette  partie  inférieure  s'ap- 
puie donc  sur  la  partie  supérieure  de  la  caisse;  il  en 
résulte  que  les  douzes  premières  divisions,  formant 
une  gamme  complète,  sont   sur  le  manche, 
et  les  sept  autres  sur  la  caisse  de 
En  prolongation  du  manche  et  le 
se  trouve  iine  pièce   en  cèdre  gé 
recouverte  de  palissandre,  qui  s'élargit  et  s'in 

La  tradition  veut  qu'on  n'écrive  pour  la  guitare  qu'en  clef  de  sol,  alors  que  sa  tessiture  réelle  demanderait 
aussi  la  clef  de  fa.  Ceci  faciliterait  la  tâche  du  compositeur,  souvent  gêné  par  trop  de  lignes  supplémen- 
taires. 

IJenini-quoiis  que  la  musique  éciite  en  clef  de  sol  pour  la  guitare  sonne  une  octave  plus  bas  : 


cline  vers  le  dos  de  l'instrument.  On  la  nomme  tête  : 
elle  contient  six  chevilles,  trois  de  chaque  côté. 

Les  chevilles  ont  un  double  but  :  assujettir  les 
cordes  fixées  à  leur  extrémité  sur  le  chevalet,  et 
obtenir  la  tension  nécessaire  pour  les  accorder. 
Anciennement,  elles  étaient  en  bois;  aujourd'hui  on 
emploie  un  système  mécanique  à  vis  sans  fin. 

De  nos  jours,  la  guitare  a  six  cordes  simples',';  les 
trois  premières  {mi,  si,  sol)  sont  en  boyau,  les  trois 
autres  {ri!,  la,  mi  grave)  sont  en  soie  recouverte  de 
laiton;  on  les  appelle  cordes  fdées. 

Les  cordes. 

Le  meilleur  instrument,  muni  de  cordes  médiocres, 
perd  ses  plus  précieuses  qualités  sonores.  Les  cordes 
doivent  être  avant  tout  de  bonne  facture,  de  justesse 
parfaite  et  di'iment  calibrées  au  préalable. 

L'industrie  si  délicate  des  cordes  de  guitare  a 
dernièrement  souffert  les  elfets  de  la  grande  guerre, 
et  rend  difficile  le  choix  des  guitaristes  quelque  peu 
exigeants. 

Les  anciennes  marques  réputées  ayant  aujourd'hui 
disparu, nous  connaissons  parmi  les  meilleures  mar- 
ques actuelles,  cordes  en  boyau,  celles  de  Pirastro  •  ; 
Elite".  Double  diapason'',  El  i\Iaestro\.  etc. 

Pour  les  cordes  filées,  nous  inclinons  à  recom- 
mander celles  de  M.  Hei'ni.  IIaiser,  de  Munich,  et  de 
M.  Manuel  Dura,  de  Valence. 

Nous  croyons  personnellement  que  le  calibre  des 
jeux  de  six  cordes  devrait  être  choisi  en  rapport  avec 
la  grosseur  de  chaque  table  d'harmonie,  celle-ci  étant 
vaiiable. 

Préférence  aussi  toute  personnelle,  entre  deux 
cordes  similaires,  nous  choisissons  toujours  celles 
dont  la  sonorité  est  la  moins  métallique. 

Accord. 

Les  six  cordes  de  la  guitare  actuelle  s'appellent 
sixième,  cinquième,  qualrième,  troisième,  seconde 
et  première  ou  chanterelle  du  grave  à  l'aigu. 

L'écart  entre  la  6=  et  la  3%  la  fi"  et  la  4%  la  4=  et 
la  3%  la  2'  et  la  1'»,  correspond  à  un  intervalle  de 
quarte;  entre  la  3"  et  la  2''  corde,  il  n'y  a  qu'une 
tierce  majeure  : 


;  résonance.  P 
e  terminant,  tU 
énéralement        J 


CorilesVI    V    IV   m    E 


Cordes  VI 


V    TV 


m 


UiiUnji^ 


UM^ 


Votes  figurées  ençl^f  desol 


^^W 


I.    Voir  son  IS'ueuo  Metodo  para  [luitarra,  chup.  vi,  p.  3. 

i.  AncienneniHut,  les  cases  ou  touches  etnient  détimitùes  par  des 
cwrdfs  de  bojaii  enroulées  «ulour  du  maiiclie  aux  distances  néces- 
saires |)our  établir  les  demi-tons.  Ces  cordes  furent  remplacées  par 
des  filets  en  métal  ou  en  argent  dont  Ruiz  pe  Ribay.\z  s'attribue  l'inven- 
tion. 

■i.  D'après  F.  de  F uss.\,  la  guitare  à  cordes  simples  l'ut  adoptée  en 


France  bien  plus  tôt  qu'en  Espagne.  Cf.  sa  traduction  de  la  Méthode 
complète  d'Ar.uAuo,  p.  31. 

'i.  Gustav  PiRAz^i,  0/feiibach. 

■  K  iind. 

li.  Jbid.  Maison  Jombard.  3T,  rue  de  Rome,  Paris;  R.  Piin-amou^ 
Rarcelone;  Santos  Hernandez,  Madrid. 

7.  Ibid,  Uue,  Zurich. 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  GUITARE    ':c2l 


Ceci  serait  évité  par  l'écriture  avec  deux  clefs  : 


Notes  réelles 


La  5' 

— 

— 

ye 

La  i» 

— 

— 

V 

La  se 

— 

— 

IV 

La  2= 

— 

— 

Vc 

Le  procédé  le  plus  ancien  pour  accorder  la  guitare 
est  de  chercher  sur  la  corde  grave  l'unisson  de  la 
corde  aigué  voisin»;.  Cet  unisson  se  trouve  sur  la 
cinquième  tourlie  pour  les  cordes  ayant  entre  elles 
un  écart  de  quarte,  et  sur  la  quatrième  touche  pour 
celles  n'ayant  qu'un  écart  de  tierce. 

La  6"  ccinJij  sur  la      V  louche  lionne  le  son  de  la'5''  à  viilc. 

_  4''       — 

—  3°        — 

90  

_  1=  - 

On  peut  aussi  accorder  par  octaves. 

La  5c  corde  â  vide  a  pour  octave  !a  3^  sur  la  11^  touche. 
La  5=  corde  sur  la  II"  louche  a  pour  octave  la  2"  k  vide. 
La  5»'  corde  à  vide  a  pour  octave  la  2''  sur  la  III^  touche. 
La  i'  corde  sur  la  II"  touche  a  pour  octave  la  1'°  à  vide. 
La  1  f^  corde  et  la  (i"  à  vide  sont  à  la  distance  juste  d'une  octave 
double. 

Il  est  loisible,  parfois,  de  descendre  la  G"  corde 
d'un  ton  (le  mi  devient  ré);  ceci  donne  une  Ionique 
grave  dans  le  ton  de  ré  majeur  et  mineur.  Ex.  : 


CordïS 
RÉ  .M. 


m 


VI   V  HT  on.    n 


Cordes  -  -  p. .  .VI   V    IV    m      ^     }, 
RE.m.  1+^ 


•I 


-^ OT" 


Et  une  dominante  grave  en  sol  majeur  et  mineur.  Ex.  : 
Cordes  I) vr    V    Tv^    m    H    i 


Cordes. - 


.  \T    V    TV    m 


3E 


ËE 


Dans  ce  ton  (majeur  ou  mineur),  la  cinquième  et 
la  sixième  baissées  d'un  ton  donnent  la  tonique  et 
la  dominante  à  vide,  ce  qui  favorise  les  sonorités  de 
l'exécution.  Ex.  : 

Coraes.fl VI     V    IV     m    TI     I 

SUL^f 


Cordes 
SOL  ni 


Pour  le  ton  de  fa,  la  sixième  peut,  au  conlraiie, 
monter  d'un  demi-ton.  Ex.  : 


Cordes.  - 

,...V1 

V   w   m 

n 

I 

Pt" — 

o— 

"" 

Le  guilariste  Andrés  Segovia  émet  la  thèse  d'un 
éventuel  changement  d'accoril  qui  doterait  la  gui- 
tare d'une  disposition  d'intervalles  plus  adaptée  aux 
complexités  de  l'écriture  moderne. 

Tous  les  principes  novateurs  en  pédagogie  instru- 
mentale méritent  d'être  sérieusement  considérés. 
Mais  nous  persistons  à  croire,  jusqu'à  preuve  du 
contraire,  que  le  vieil  accord  traditionnel,  basé  sur 
des  principes  physiques  el  physiologiques,  n'entrave 
pas  l'adaptation  de  la  guitare  aux  plus  nouvelles 
modalités  expressives. 

Ce  nouvel  accord  proposé,  que  nous  ignorons, 
sera  le  bienvenu  s'il  doit  coniribuer  à  l'expansion  de 
l'instrument. 

Étendue  et  ressources  de  rinstrniiient. 

L'étendue  totale  de  la  guitare  est  de  trois  octaves 
plus  une  quinte.  Tout  dessin  mélodique  compris  dans 
ces  limites  y  peut  ftre  réalisé. 

Elle  admet  une  écriture  comportant  un  nombre 
de  voix  allant  de  une  à  six.  On  n'en  emploie  généra- 
lement que  trois  ou  quatre. 

La  guitare  montre  une  prédilection  pour  les  tons 
basés  sur  les  cordes  à  vide  de  son  accord  naturel 
(mi,  la,  n'',  sol,  si)  majeurs  ou  mineuis.  .Si  les  fon- 
damentales sont  à  vide,  le  son  en  est  amplifié,  et  la 
liberté  de  la  main  gauche  accrue.  Toutes  les  tonalités 
sont  possibles. 

Les  accords  les  plus  étendus  proviennent  généra- 
lement d'uae  note  donnée  sur  la  corde  à  vide.  Pour 
obtenir  une  tonalité  en  s'appuyant  sur  une  touche, 
l'étendue  maxima  des  \oix  doit  être  circonscrite 
entre  cinq  touches  embrassant  les  six  cordes,  soit 
une  étendue  totale  de  deux  octaves  et  une  tierce 
majeure;  il  faut  éviter  de  dépasser  cette  étendue, 
sauf  daus  le  cas  où  la  note  grave  peut  être  donnée 
par  une  corde  à  vide.  La  meilleure  étendue  est  celle 
qui  se  circonscrit  entre  deux  octaves;  elle  oITre  la 
plus  grande  liberté  pour  la  formation  de  tons  les 
intervalles  el  de  tous  les  mouvements  des  voix. 

Cette  étendue  permet  les  passages  allant  du  dia- 
tonisme  au  plus  subtil  chromatisme,  les  polyphonies 
souvent  complexes,  voire  des  polytonies...  On  doit 
néanmoins  penser  qu'elle  n'est  pas  indéfiniment 
extensible;  l'exécutant  ne  dispose  que  de  six  cordes 
et  de  quatre  doigts.  La  guitare  est  un  instrument  qui 
donne  souvent  plus  qu'on  n'en  attend,  mais  auquel 
il  ne  faut  pas  demander  plus  qu  il  ne  peut  donner. 


1.  11  faut  un  bée  uTc  devant  le  ai.  (X.  D.  L»  D.) 


2022 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Position  de  la  guitare» 

Le  guitariste  doit  s'asseoir,  et  appuyer  le  pied 
gauche  sur  un  tabouret  de  12  à  13  centimètres  de 
haut.  Pour  le  parfait  repos  du  pied,  la  surface  du 
tabouret  penchera  de  quelques  centimètres  vers  le 
talon.  Les  dames  se  servent  généralement  d'un  tabou- 
ret plus  élevé. 

La  cuisse  gauche  doit  former  avec  le  corps  un 
angle  légèrement  aigu,  tandis  que  la  droite  s'écarte 
pour  faire  place  à  la  partie  inférieure  de  l'instru- 
ment. Les  dames  ont  l'habitude  d'incliner  davantage 
le  genou  droit  et  de  le  rapprocher  de  la  jambe 
gauche,  au  lieu  de  l'écarter. 

La  guitare  doit  s'appuyer  par  sa  courbure  concave 
inférieure  sur  la  cuisse  gauche,  le  fond  de  la  caisse 
tourné  vers  la  poitrine.  Le  buste  sera  légèrement 
incliné  en  avant,  pour  permettre  à  la  guitare  de  s'y 
appuyer.  Les  épaules  tomberont  naturellement, 
l'avant-bras  droit  s'appuiera  sur  l'arête  de  la  table 
d'harmonie,  au  sommet  de  la  courbe  de  la  partie 
inférieure  de  la  guitare,  en  sorte  que  la  main  tombe 
entre  la  rosace  et  le  chevalet.  L'avant-bras  gauche 
se  pliera  pour  permettre  à  la  main  d'atteindre  le 
manche  de  la  guilare  au  niveau  des  cordes. 

Main  droite. 

F^e  poignet  courbé,  la  main  s'inclinera  vers  la  ro- 
sace perpendiculairement  aux  cordes.  Les  doigts 
réunis  et  recourbés  effleurent  les  cordes  de  leur 
extrémité.  Aucune  contraction  inutile  ne  doit  altérer 
la  souplesse  de  la  main.  Dans  l'attaque  des  cordes, 
la  force  des  doigts  doit  être  concentrée  vers  leur 
extrémité. 

Le  sens  normal  de  l'impulsion  de  l'index,  médius 
et  annulaire,  en  agissant  séparément,  est  perpendi- 
culaire aux  cordes  et  va  vers  l'intérieur  de  la  caisse. 
La  résistance  de  la  corde  ne  doit  pas  obliger  à  ou- 
vrir l'angle  des  articulations.  La  corde  roulée  sous 
le  doigt,  celui-ci  vient  s'appuyer  légèrement  sur  la 
corde  suivante. 

Pour  les  accords,  l'impulsion  se  donne  de  la  même 
façon  et  dans  la  même  direction.  Néanmoins,  au  lieu 
de  se  reposer  sur  les  cordes  suivantes,  les  doigts  se 
replient  légèrement  vers  l'intérieur  de  la  main. 

Dans  certains  cas  spéciaux,  un  même  doigt  peut 
glisser  d'un  seul   mouvement  sur  plusieurs  cordes. 

Le  pouce  agit  indépendamment  des  autres  doigts. 
Il  peut  aussi  toucher  la  corde  de  diverses  façons.  Il 
a  pour  mission  spéciale  de  produire  les  notes  graves  ; 
parfois,  il  peut  altprner  avec  les  autres  doigts  dans 
des  passages  mélodiques.  Le  plus  souvent,  dans  l'at- 
taque de  la  corde,  le  pouce  se  plie  sur  sa  phalange 
extrême  vers  l'extérieur  de  la  caisse.  Pour  donner 
les  notes  accentuées,  il  s'appuie  sur  la  corde  voisine 
sans  plier  sa  phalange. 

Dans  d'autres  cas,  on  peut  toucher  deux  cordes  et 
plus  d'un  seul  trait.  Alors,  la  direction  du  doigt  est 
parallèle  au  plan  des  cordes. 

Pour  les  accords  où  l'intervention  du  pouce  est 
nécessaire,  ce  doigt  rejoint  l'index  par  sa  dernière 
phalange  après  avoir  produit  la  note. 

Tous  les  doigts  doivent  s'habituer  à  toucher  avec 
■égalité  toutes  les  parties  de  la  corde. 

Les  doigts  de  la  main  droite  s'indiquent,  dans  l'é- 
criture pour  guitare,  par  leurs  lettres  initiales  :  ;>=; 
pouce,  i=i  index,  m  =  médius,  a  =  annulaire. 


Dans  les  notes  consécutives,  il  faut  éviter  la  répé- 
lition  d'un  même  doigt  :  alterner  l'index  et  le  mé- 
dius, le  médius  et  l'annulaire. 

Dans  certains  passages,  le  doigté  dépend  de  la  dis- 
position des  cordes,  mais  on  ne  doit  jamais  l'aban- 
donner à  l'improvisation. 

Main  gauche. 

Le  poignet  courbé,  la  main  gauche  est  en  contact 
avec  le  manche  par  la  partie  charnue  de  la  phalange 
extrême  du  pouce,  ainsi  que  par  la  pointe  des  autres 
doigts  lorsqu'ils  touchent  les  cordes.  La  paume  de 
la  main  doit  donc  être  écartée  du  manche  et  paral- 
lèle à  celui-ci,  les  doigis  également  distants  du  plan 
des  cordes,  ouverts  et  recourbés,  de  façon  à  embras- 
ser quatre  touches  consécutives.  Kn  touchant  les 
cordes,  les  doigts  doivent  se  placer  près  du  filet  qui 
sépare  la  touche  de  sa  voisine  aiguë.  L'index,  le 
médius, l'annulaire, .l'auricufciire  s'indiquent  respec- 
tivement par  les  numéros  1,  2,  .')  et  4. 

Le  pouce,  placé  vers  la  moitié  inférieure  et  posté- 
rieure du  manche,  doit  contre-balancer  la  pressioa 
des  autres  doigts  sur  les  cordes. 

Les  doigts  de  la  main  gauche  agissent  en  deux 
sens  :  perpendiculaire  et  parallèle  aux  cordes.  L'ef- 
fort doit  être  porté  par  les  doigts  tout  en  évitant  les 
contraclions  du  bras  ou  de  la  main.  Bien  que  la 
pression  des  doigts  s'exerce  sur  les  cordes  les  plus 
éloignées  (5°  ou  6"),  la  dernière  phalange  doit  tou- 
jours marteler  la  corde.  Quand  ils  agissent  sur  les 
cordes  plus  rapprochées  (i''°  et  2«),  ,1e  poignet  reste 
toujours  immobile,  mais  la  courbe  des  doigts  s'ac- 
centue. 

Il  faut  habituer  les  doigts  à  s'exercer  aisément  à 
n'importe  quelle  hauteur  du  manche.  Pour  passer 
les  doigts  d'une  partie  du  diapason  à  une  autre  partie 
rapprochée  ou  lointaine,  la  main  doit  agir  avec 
souplesse.  Le  pouce  accompagne  tous  les  déplace- 
ments de  la  main.  Lorsque  les  doigis  s'exercent  sur 
la  région  située  au-dessus  de  la  XII'  touche,  le  pouce 
se  glisse  vers  la  partie  externe  et  inférieure  du  man- 
che, d'où  il  oppose  la  résistance  nécessaire  à  la  pres- 
sion des  autres  doigts. 

La  disposition  des  doigts  pour  appuyer  sur  les 
diverses  noies  d'un  accord,  s'appelle  position.  Celle- 
ci  doit  se  former  dans  un  mouvement  simullané  de 
tous  les  doigts  qui  la  composent.  Kn  quittant  chaque 
position,  les  doigts  s'écarteront  le  moins  possible  des 
cordes.  Tenir  les  doigts  écartés  et  éloignés  des  cordes 
constitue  un  effort  inutile,  ainsi  qu'une  perte  de 
temps. 

La  pression  des  doigts  sur  les  cordes  doit  toujours 
durer  autant  que  la  noie  voulue.  Cette  prescription 
est  aussi  établie  pour  les  notes  simultanées  en  accords 
ou  en  arpèges. 

Lorsque  l'on  passe  d'une  position  à  une  autre  sans 
arrêt  prescrit  du  son,  il  convient  d'éviter  l'interrup- 
tion de  la  sonorité.  Cela  s'obtient  par  une  gradation 
subtile  de  l'elîort,  tout  en  maintenant  les  doigts  sur 
les  cordes  le  temps  voulu. 

Il  faut  veiller  à  ce  que  l'action  de  la  main  gauche 
et  celle  de  la  main  droite  soient  indépendantes,  mais 
simultanées. 

Afin  d'obtenir  les  sons  les  meilleurs,  les  plus 
intenses,  les  plus  prolongés  et  clairs,  il  est  indispen- 
sable de  douer  cliaque  main  de  son  maximum  de 
force,  se  réservant  d'employer  l'efîort  strictement 
nécessaire. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGŒ 


LA  GUITARE    'M-n 


L'index  de  la  main  f;auclie  a  une  fonction  plus 
complexe  el  d'une  utilité  essentielle.  Etendu  et  ap- 
puyé horizontalement  suc  les  cordes,  parallèlement 
aux  louches,  il  aijit  comme  un  sillet  artificiel  et  mo- 
hile,  qui  réduirait  lélendue  du  manche.  Pour  cela, 
il  est  nécessaire  de  développer,  par  des  exercices 
répétés,  la  force  de  ce  doigt,  dont  la  résistance  con- 
tribue srandement  à  la  bonne  exécution  du  guita- 
liste.  Ce  procédé  s'appelle  barré,  et  s'indique  par  un 
|{  suivi  des  cliilTres  1,  2,  3,  4,  o,  etc.,  ou  bien  I,  II, 
III,  IV,  V,  etc.,  qui  indiquent  la  touche  sur  laquelle 
il  faut  placer  l'index. 

Production  Aa  .son. 

Le  timbre  (qualité  sonore)  dépend  non  seulement 
du  son  de  l'instrument,  mais  aussi  du  corps  qui  le 
produit  el  de  la  façon  dont  l'attaque  est  réalisée. 

Une  même  corde,  suivant  qu'elle  est  attaquée  près 
ou  loin  du  chevalet,  donne  un  timbre  différent. 

Deux  procédés  sont  employés  pour  produire  le  son  : 
l'un  se  pratique  avec  l'ongle,  l'autre  avec  la  chair  : 
ces  deux  procédés  donnent  des  sonorités  distinctes 
et  parallèles. 

L'ongle  provoque  un  timbre  clair,  brillant,  parfois 
métallique,  d'une  inévitable  dureté  dans  les  accords 
forts.  Ce  procédé  est,  par  contre,  riche  en  grada- 
tions timbrées. 

L'attaque  sans  ongle  donne  un  son  plus  pur  et 
humain  :  la  qualité  du  timbre  est  mate,  voilée, 
immatérielle;  le  volume  de  sonorité  s'agrandit  et 
devient  plus  mâle.  Ce  système  de  pulsation  est  aussi 
varié  que  l'autre,  mais  les  etïets  en  sont  peut- 
être  moins  perceptibles,  offrant,  en  outre,  des  effets 
de  sonorité  pour  lesquels  l'ongle  deviendrait  un 
embarras.  La  pulsation  sans  ongle  donne  la  sonorité 
la  plus  pure  et  la  plus  sobre,  celle  qui  convient  le 
mieux  au  caractère  musical  de  l'instrument. 


Quelques  guitaristes  ont  piétendu  allier  les  deux 
procédés  en  attaquant  d'abord  avec  la  chair  et  glis- 
sant ensuite  avec  l'ongle,  mais  inutilement,  puisque 
l'action  de  l'ongle  ne  peut  être  dissimulée.  Il  est  à 
regretter,  surtout  pour  l'cxpiession  de  la  musique 
moderne,  que  les  deux  procédés  ne  puissent  être 
employés  simultanément. 

On  suppose  que  l'origine  de  l'emploi  de  ces  deux 
procédés  remonte  à  l'époque  où  la  guitare  adopta 
les  cordes  simples  (fin  du  .\viii«  siècle).  Aguado  sou- 
tint la  théorie  de  la  pulsation  par  l'ongle,  que  Sor 
proscrivait;  il  a  écrit  :  «Je  n'ai  jamais  pu  supporter 
un  guitariste  qui  joue  avec  les  ongles.»  (Traité  de 
guitare  par  Ferdinand  Sor.)  Il  fit  cependant  une 
exception  en  faveur  de  son  ami  Aguado,  étant  donné 
sa  technique  prodigieuse.  Pensons  que  les  bons  gui- 
taristes n'abondaient  pas  à  cette  époque,  sans  oublier 
qu'en  tout  temps  tous  les  procédés  sont  bons,  s'ils 
sont  épurés  par  le  travail. 

Carcassi,  Meissonnier,  préconisèrent  le  son  sans 
l'emploi  de  l'ongle.  Tarrega,  qui,  pendant  vingt-cinq 
années,  se  servit  de  l'ongle  sans  grande  conviction, 
en  abandonna  le  procédé.  (On  a  attribué  ce  change- 
ment à  des  causes  d'impossibilité  physiologique. 
C'est  à  tort  :  Tarrega  avait  déjà  adopté  ce  procédé 
lorsque  je  fis  sa  connaissance,  en  1901,  cinq  années 
avant  sa  première  attaque  d'hémiplégie.) 

La  pulsation  «  par  l'ongle  »  offre  à  l'exécutant 
l'avantage  d'exiger  un  moindre  effort  d'impulsion 
et  moins  de  résistance  de  la  main  gauche.  L'agilité 
y  gagne,  peut  être  au  détriment  de  la  sécurité  et  de 
l'unité. 

Disposition  des  notes* 

La  touche  correspond  à  un  demi-ton  dans  l'é- 
tendue de  chaque  corde.  La  première  el  la  sixième 
corde  comportent  19  louches,  les  autres  18  : 


Touches fi..o    I    D   mivv'vivii'vinixx  XI  xnxinxivxvxvixvflxynixix. 

Sixième  corde 


Première      id. 


«  #«. 


o  8o    «•  fl«- 


«>  tt-e-  V  «0  r~ 


o   Ito       t^Wff^r 


cinquième  id. 
Quatrième     id.    /L    ■ 


^t(«'    ^ 


^^  tf«-  <*  fl<r 


À    \\r.      o  Jf^-'-^M^^ 


o  tfo     o- 


^If^      0^^^=3E|;3E 


3Eq;sE 


_^^j^       à       Ot»      <^tf" 


Troisième    id.    f^  q  a  o    o  ir*>    ^    °  ^^ 
Seconde       id. 


tr,     ^^-^ 


à    ^t-^ 


^-^^ 


o    <jA     ^t^     °     ^*^ 


o  |o 


a  D£2 


o  go    *^-fr 


n     -»  B-e- 


o  Je     Q  «o 


Q  i;q   «^ 


V^    olfo    ^ 


V.n  se  basant  sur  les  unissons  du  tableau,  l'échelle  1  peut    se   réaliser    par    différentes    distributions    de 
chromatique  qui  embrasse  l'étendue  de  la  guitare  |  cordes.  En  voici  la  réalisation  générale  : 


2)24 


FSr.yr.LOPÈDIK  OF.  la  musique  et  niCTfOSXAlRE  nu  COXSERVATOfnE 


Touches    a  inuivoiiLiaiviiiii   nivo  iik   oi   irnivo   iiuivvvi  -^-m 

^o|to^^°' 

D(rigt& 


XVBXVIXK 


o"liQ' 


o  »][<»oi|o  "»"       1   V  ^F^ 


1    y   •<   '   J    ■<  .^ 


1     y    T    ^    1    ;  a   t. 


Cordes      s? 


Les  cordes  étant  toutes  accordées  par  intervalles 
de  cinq  demi-tons  (o  touches},  excepté  la  troisième 
{sol],  qui  n'est  séparée  de  la  deuxième  corde  (si)  que 
par  quatre  touches,  cette  étendue  plusieurs  lois 
incluse  dans  le  diapason  permet  d'obtenir  une  même 


note  sur  diSérentes  cordes.  La  note  propre  d'une 
corde  reproduite  sur  une  autre  corde  s'appelle 
équissonant  ou  équisson  (unisson). 

Les  cinq  notes  les  plus  graves  et  les  six  plus  aigui-s 
n'ont  pas  d'unissons  : 


TABLEAU  DIS  UNISSONS 

GRAVES  ^'i"" 


SUR  AIGUS 


SOL    LA  SI  DO     BE  MI  TA 


BE  MI  TA 


SOL    LA       SI  DO    BE       M     PA  , 


POSITION 
DBS  SONS  PRIMITIFS 


Mi 


PREMIERS 


SECONDS 


Touches—   5  6  7  8  9 


(  Cordes  _ 
[  Touches - 


r  Cordes  -. 
TROISIÈMES  < 
V  l  Touches. 


Tfr^ 


Ȕ^ 


t  iji  «K 


^^l.^^.^^. 


^'U^ 


0    1    Z    3   j;    5    6    7   a   9  tO  11   1113 14 


5   6 

7 

t 
1 

1 

1 
1 
t 

1 
1 

S  9  1C 

11   12  13  R  15  16  )/  18 

i  3!|  ; 

f 

9  10 

11 

1 
1 

1 

12  13  14  Î5  16  17  18 

1 
1 
1 
1 

!   ^ 

POSITION    DES  NOTES  SUR 
LE  MANCHE  BE  LA  GUITARE 


Si  le  demi-ton  se  trouve  sur  une  même  corde  dans 
des  touches  voisines,  le  ton  composé  par  deux  denii- 
loiis  se  trouvera  sur  la  même  corde  à  la  dislance  de 
deus  touches. 


Si   nous  considérons  la  noie   d'une  corde  à  vide 
comme    tonique    de    son   ton    respectif   miijrin 
mineur,  nous  aurons  sur  la  6'"  corde  mi,  sur  la  :i"  la, 
sur  la  4'  ri,  sur  la  .3'  iol,  sur  la  i'-'  s/,  sur  la  1'-^  //.i. 


TfCH.VIQI'li,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  GUITARE    202' 


I,cs  degrés  diatoniques  qui  s'appuient  sur  chacune  1  «liaque  coide  en  proportion  d'une  touche  par  chaque 
de  ces  loniiiues  seronl  disposés  sur  la  ]onf;ueur  de  |  demi-ton  : 


Valeur  en  demi  -tons 
Valeur  en  touches 

Degrés 
Touches 


iA 


re-^p 


Deux        Deux         Un  Deux         Deux       Deux 

2  2  1  '?  2  z 


Un 


Tonique      Surtonique  Médiante   Sousdomitiante^ommjnte  Sumudianle    Sensible       Toni^iue 

0  Dr/vvnDCXïxn 


^ 


5!^ 


i 


4'_ 


3! 


0) 

t< 

o 
o 


I 


¥ 


2!^ 


I 


i':«^^ 


Le  même  procédé  pour  les  tons  mineurs  donne  le  tableau  suivant 


Valeur  en  demi -tons  Deux        Deux         Deux        Deux  Un  Trois  Un 

"Valeur  en  touches  2  a  a  a  i  3  i 

Degrés 
Touches 


I 


Tonique     Suptonjqne,  MédianU.SousdoiDinante.Doniîrantc.Sunnidiairtf,  Sensible  ,    Toraqne 

0  nmvvnvmxixn 


-Ifo- 


-fr^ 


u 

o 


4?^ 


=îtï= 


3!^ 


:±ez 


I 


_Q tî 


11*1 


A  partir  de  la  douzième  touche,  les  degrés  conti- 
nuent dans  la  même  proportion  de  touches,  comme 
si  nous  considérions  l'octave  comme  la  tonique  à 
vide  jusqu'au  poii.t  où  finit  l'étendue  de  la  corde  sur 
les  touches. 

Chaque  note  pouvant  être  considérée  séparément 
■comme  un  degré  distinct  d'autres  tous,  si  nous  pre- 


nons la  note  produite  par  chaque  corde  à  vide,  et  si 
nous  la  considérons  comme  tonique,  siipertonique, 
médiante,  sous-dominante,  dominante,  sons-mé- 
diante  et  sensible  de  son  ton  respectif,  nous  pour- 
rons distribuer  sur  chaque  corde  les  degrés  corres- 
pondant à  sept  tons  différents  majeurs  et  mineurs  : 


2026 


ENCYCLOPÉDIE  f)E  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Degrés 

T 

ST. 

M. 

SD. 

D 

SM 

S. 

G! 

MI 

BE 

DO 

SI 

LA 

SOL 

FA 

MAJEURS 

MI 

RE 

DOtt 

SI 

LA 

SOLj 

FA 

MINEURS 

5^ 

LA 

SOL 

FA 

Ml 

RE 

DO 

sib 

MAJEURS 

LA 

SOL 

FAJ 

Ml 

RE 

DOj 

Sll» 

MINEURS 

1 

A'. 

RE 

DO 

STb 

LA 

SOL 

FA 

Mil» 

MAJEURS 

KE 

DO 

sifcl 

LA 

SOL 

FAÏ 

Mlb 

MINEURS 

3'. 

SOL 

FA 

Mib 

BE 

DO 

Slt» 

LAl? 

MAJEURS 

o 

SOL 

FA 

Mit; 

KE 

DO 

Sll, 

LAt» 

MINEURS 

Z'. 

SI 

LA 

SOL 

FAj 

MI 

RE 

DO 

MAJEURS 

SI 

LA 

soLB 

FAj 

Ml 

RE» 

DO 

MINEURS 

0' 

MI 

HE 

DO 

SI 

LA 

SOL 

FA 

MAJEURS 

Ml 

RE 

DOJ 

SI 

LA 

SOLJt 

FA 

MINEURS 

Si,  au  lieu  de  prcndie  comme  point  de  départ  la  1  se  forme  sur  la  première  touche  de  cliaque  corde, 
note  de  chaque  corde  à  vide,  nous  prenons  celle  qui  |  nous  aurons  : 


Oegre 


(0 

4! 

o 


2«  { 


V 


v:'  [ 


T 

SX 

M 

SD. 

D 

S.M. 

S. 

TA 

Mil» 

RÉl» 

DO 

Sib 

LAb 

SOLb 

MAJEURS 

FA 

Mlb 

RÉIl 

DO 

sib 

LAI] 

SOLb 

MINEURS 

Slt» 

LAt» 

SOLb 

FA 

Mlb 

RÉb 

DOb 

MAJEURS 

SI  t. 

laI> 

SOLt) 

FA 

Mlb 

RÉIl 

DO  b 

MINEURS 

?Mll> 

RÉb 

DO  b 

sib 

LAb 

SOLb 

FAb 

MAJ  EURS 

Mil» 

REl» 

DOJ] 

sib 

LAb 

SOLll 

FAb 

MINEURS 

LAl» 

SOLl» 

FAb 

Mlb 

HÉb 

DOt» 

sibb 

MAJEURS 

LAl» 

SOLl» 

FAl) 

Mlb 

RÉb 

Dol; 

sibb 

MINEURS 

so 

SIt> 

LAt> 

SOL 

FA 

Mlb 

RÉb 

MAJEURS 

DO 

Sit» 

LA  11 

SOL 

PA 

Mil? 

RÉb 

MINEURS 

FA 

Mit» 

RÉb 

DO 

sib 

LAb 

SOLb 

maje;urs 

FA 

Mlb 

RÉ  11 

SO 

sib 

LAlî 

SOLb 

MINEURS 

Une  gamme  diatonique  dépassant  l'étendue  d'une 
seule  corde  doit  se  prolonger  forcément  sur  deux 
ou  plusieurs  cordes. 

Dans  ce  cas,  pour  produire  tous  les  degrés,  du 
plus  grave  au  plus  aigu  ou  vice  versa,  on  peut  le 
faire  à  volonté,  en  parlant  d'un  degié  déterminé  sur 
la  corde  convenant  le  plus  à  un  bon  doigté,  ou  à  une 
qualité  de  timbre  voulue. 

On  doit  prévoir  ces  éventualités  et  les  résoudre  à 
l'avance;  il  convient,  pour  cela,  de  combiner  les  dis- 
positions tonales  de  chaque  corde  pai'  rapport  à 
chacune  des  autres  cordes. 

Si  l'on  prend  le  mi  de  la  6«  corde  à  vide,  l'élendne 
de  la  gamme  dans  ce  ton  sur  la  même  corde,  sera  : 


6' corde 
il  n'est  pas  aisé  pour  la  libre  action  de  la  main,  ni 


flatteur  pour  la  sonorité,  d'employer  les  notes  aiguës 
de  cette  corde;  il  est  préférable  de  continuer  la 
gamme  sur  la  suivante  dans  une  paitie  du  diapason 
où  la  main  agit  plus  naturellement,  ce  qui  donne 
une  sonorité  plus  franche,  par  exemple  : 


6!  corde 


L'étendue  d'une  gamme  commencée  et  suivie  sur 
une  même  corde  conduisant  les  doigts  trop  loin  de 
la  première  touche,  on  devra  passer  à  la  corde  voi- 
sine avant  que  la  main  croise  la  douzième  louche. 

Pour  cela,  il  est  nécessaire  de  connaître  et  d'avoir 
pratiqué  les  dispositions  des  diflérents  degrés  de  la 
gamme  appartenant  à  chaque  ton,  dans  l'étendue 
de  chacune  des  cordes. 

Gamme  diatonique  de  trois  octaves  exposée  dans 
son  aspect  le  plus  employé  : 


Disposition  des  ■ii'orv;illes. 

L'étendue  chromalique  et  diatonique  peut  s'obte- 


nir soit  dans  la  longueur  de  chacune  des  cordes,  soit 
dans  un  sens  tiansversal  parallèle  aux  touches. 

Les  intervalles  entre  notes  consécutives  se  trou- 
vent dans  les  deux  sens,  ceux  des  notes  simultanées 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  GUITARE    2027 


se  forment  en  combinai) L  les  deiu  sens  de  l'étendue.  1  demi-tons,  à  l'exception  de  la  ù"  et  du  la  U»  qui  en  ont 
Chaque  corde,  par  elle-même,  contient  dix-huit  |  dix-neuf  : 


Touches  0      v     v    m-  iv«  v   vi*  va*  "m*  ix*   x.»  xi*  xn^xm- xiv' xv'xyi' xyn'xvnrxix' 

Intervalles  /)  :       ■       :       :     .J_„^..  =  ---îi---«,=.-'T>7^>5/ïSr'-m,^!«^'^, 


u 

o 


^  .|A     o     <>  ii«>^:^=^^ 


o     ilo        <'     it" 


ft   jfo      <o    Mo 


„     b   Bo     o  Ko    ^  t-' 


■o-  «^ 


ft    ;o      o  Mo- 


it^-J^èl5=^=^'^-*-  ^  ^ 


A       o    tto       ^'-tto- 


-o-  8'^     o    i{o 


4.  Q  »o   ^«-a-   e  »? 


Certains  intervalles  simultanés  peuvent  se  former 
sur  deux  cordes,  soit  voisines,  soit  séparées. 

Entre  les  notes  simultanées,  qui  peuvent  s'exécuter 
sur  deux  cordes  voisines  incluses  dans  un  espace  de 
cinq  touches,  on  peut  trouver  tous  les  intervalles, 
depuis  celui  de  seconde  jusqu'à  celui  de  septième 
mineure. 

Si  l'on  produit  avec  le  4°  doigt  de  la  main  gauche 
le  ré  de  la  cinquième  corde  (V"  touche),  on  peut 
produire,  en  même  temps,  le  mi  bémol  frappé  par  le 
i"  doigt  sur  la  quatrième  corde  (l"  touche).  Ces 
deux  notes  donnent  l'intervalle  de  seconde  mineure. 


i*^ 


(S) 


Si  l'on  maintient  le  4"  doigt  sur  le  même  ré  de  la 
cinquième  corde,  et  si  l'on  avance  d'une  touche  le 
doigt  placé  sur  la  première  touche  de  la  quatrième 
corde,  soit  jusqu'au  mi  naturel,  on  obtient  l'inter- 
valle de  seconde  majeure.  Puis,  si  l'on  avance  d'une 
touche  sur  la  même  corde  en  y  plaçant  le  2=  doigt, 
il  en  résultera  l'intervalle  de  tierce  mineure.  Si  le 
3=  doigt  occupe  la  touche  suivante,  soit  le  fa  dièse, 
il  se  formera  avec  le  ré  gardé  par  le  4"  doigt  sur  la 
V' touche  de  la  cinquième  corde,  une  tierce  majeure. 
Exemple  : 


2?  m. 


m 


^ 


lODCHts  VI  V  rv  m  D     I         ^ 

En  déplaçant  la  main,  si  nous  faisons  le  barré  sur 
la  touche  correspondant  au  ré  de  la  cinquième 
corde  (V«  touche),  nous  aurons  une  quarte  entre  les 
deux  notes  formées  par  le  barré.  Si  nous  avançons 
de  touche  en  touche  sur  la  quatrième  corde,  sans 
abandonner  le  ré  de  la  cinquième,  chaque  nouvelle 
avance  donnera  une  augmentation  d'intervalle, 
jusqu'à  ce  que  nous  arrivions  à  la  séparation  de  six 
louches. 

Ceci  nous  donnera  l'intervalle  de  septième 
mineure,  distance  maxinia  qu'une  main  normale 
peut  embrasser  aisément  : 


Anxix  K.V1YI  VI  V 


Il  serait  peu  utile  de  pouvoir  embrasser  une  plus 
grande  distance,  |  uisque  l'intervalle  qui  serait  pro- 
duit entre  les  deux  cordes  sur  un  plus  grand  nombre 
de  touches,  est  oITert  par  la  corde  voisine  supérieure  : 


Intervalles         Second  mm., 


Second  Maj, 


Tierce  min.  ;  Tierce  Maj. 


QuarU  min. 
BARRÉV 


Quarte  Maj .  Quinte  Maj. 


Çuinte     ;  Sixte  Mdj;  7?  min.  . 
augmentée; 


O  >o     '   cfW^ 


^ 


=»«?: 


-,       ^  ■    .        «.r   .      „      "   '  O  t^'*   '  O — '.    '   O  "    ',  '  O ■   '  o ^-^-ti r'-CT 

Doigts h  T.  ■»'■        1'.        4'-        2\        *',        3',         !'■       1',  <•        2',        1\        4'        1',         5'.        l'.         * ',        '  •.         *'; 

Cordes (si    w      isi   (i.)    (si    (4i     l's)    c»)     (5)  w      (si   wi    (si    ('*)    (S)    (•,)    c's)    ci    pi     cm 


En  employant  le  même  procédé  sur  des   cordes  I  résultera  une  série  d'intervalles  comprise  entre  la 
alternes,    accordées  à   distance   de   quarte,   il    en  |  quarte  augmentée  et  une  dixième  mineure.  L'inter- 


2028 


E.VCrcLOPÈDlE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOSXAIRE  DU  COySERVATOIRE 


valle  de  seplieme  mineure  sera  pour  ces  cordes  ce  qu'est  l'inlervalle  de  quarte  pour  les  cordes  voisines 

Intervalles         5?mincure  ,5«Hajeurt,6?mineure;6ÎMajeiirt;7'rT„neurei7fMajeurt, octave    ,  9- mineure  9?Majtur.jlO?mmeure; 


yo 


CWdls-':'-'-^  -"i's)  '(3)  ''<»'    ''il    "''^''v     ''à)      %)'(5,     '(i)       (5)     (i)        iSl    (3)       (5)     (S)       (5)    (i>        (5)     (i) 


Exemples  : 


l-> — 1 

»^*u— • —  »- 

TOUCHES  VI V  IV  m  n     i 


Si  nous  appliquons  ce  procédé  à  des  cordes  de 
séparation  graduellement  progressive,  il  en  résul- 
tera une  série  d'un  nombre  égal  d'intervalles  partant 
de  la  septième  majeure  et  s'élevanl  d'un  demi-ton 
par  touche. 

Le  même  procédé,  employé  sur  les  troisième  et 
deuxième  cordes,  en  modifiera  la  proportion,  étant 
donné  leur  dislance  de  tierce  majeure.  Les  inter- 
valles que  nous  obtiendrons  avec  la  même  disposi- 
tion de  doigts  auront  une  étendue  moindre  d'un 
demi-ton.  Le  barré  donnera  la  tierce  majeure;  la 
séparation  graduelle  des  doigts  dans  le  sens  de  la 
diminution  des  intervalles  donnera  l'unisson  dans 
sa  dislance  maxima,  et  la  séparation  graduelle  con- 
traire à  partir  du  barré  donnera  une  sixième  ma- 
jeure dans  son  plus  grand  écart. 

La  disposition  des  intervalles  entre  ces  deux 
cordes  peut  être  formée  proportionnellement  sur 
n'importe  quel  degré  compris  sur  toute  l'étendue  de 
ces  cordes,  mais  pas  en  dehors  d'elles,  car  elles  sont 
les  seules  accordées  en  tierce  majeure. 

On  doit  tenir  compte  de  la  disposition  des  inter- 


valles sur  ces  deux  cordes  pour  la  formalion  des 
intervalles  composés  compris  dans  un  espace  qui 
embrasse  lesdites  cordes. 

Tout  intervalle  formé  sur  deux  cordes  quelconques 
peut  se  répéter  sur  les  mêmes  cordes.  On  doit,  pour 
cela,  conserver  la  même  disposition  de  louches  à 
n'importe  quel  degré. 

La  même  disposition  des  doigts  dans  la  même 
disposition  des  touches  et  des  cordes  donnera  tou- 
jours le  même  intervalle,  quoique  de  tessiture 
différente,  à  n'importe  quelle  hauteur  du  manche. 

Les  intervalles  les  plus  aisés  à  réaliser  sont  : 
la  quarte,  que  l'on  obtient  sur  une  même  touche; 
la  tierce  majeure,  qui  se  donne  ensuite  sur  touches 
voisines;  la  tierce  mineure,  sur  touches  alternes;  la 
seconde  majeure,  sur  la  distance  emlirassée  par 
quatre  doigts,  et  la  seconde  mineure  avec  adjonction 
d'une  touche. 

Il  en  est  de  même  pour  les  intervalles  plus  étendus 
à  partir  de  la  quarte.  L'intervalle  le  plus  proche  de 
la  quarte  est  le  plus  facile  à  obtenir.  Ceux  de  quinte 
majeure,  de  sixième,  sixième  augmentée  et  septième 
correspondant  à  l'éloignemenl  et  à  la  séparation 
des  doigts,  en  proportion  au  sens  inverse  de  la  quarte. 
Ainsi,  nous  observons  que  les  dislances  des  doigts 
diminuent  à  mesure  qu'on  approche  de  la  quarte; 
elles  augmentent,  par  contre,  quand  on  s'en  éloigne. 

L'intervalle  compris  entre  une  note  sur  corde  à 
vide  et  une  autre  note  quelconque  sur  une  autre 
corde  a,  pour'  la  main  gauche,  la  valeur  d'une  note 
simple,  puisqu'il  n'y  a  qu'une  corde  à  presser. 

Ci-joint  un  aperçu  graphique  de  la  formation  des 
intervalles,  tendant  à  faciliter  la  compréhension  de 
sa  disposition  sur  le  manche  en  vue  d'une  applica- 
tion systématique. 


UNISSON         SECONDES      TIERCES        QUARTES       QUINTES        SIXTES      SEPTIEMES     OCTAVES 

lïtinaura  ^-\  Diminuce^,^  Diminuée _^-a  Mineure  ^x   Mineure^x  Diminuée 


UNISSONS       SECONDES       TIERCES  QUARTES      ÇUINTES        SIXTES        SEPTIÈMES    OCTAVES  1 

Mineure    ^^  Diminuée  ^x   Diminuée    ^\   Mineure     ^-l   r^ineure      -*    Diminuée 


Avec  des  cordes 
V.tiV.accordùi 
fntieme  majeure 


J.  riiriMluiii  :  intervertir  les  cusior,  dimijiuce  et  tniitruj-e  (Je  la  coloane  des  septiômeii. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  GUITARE    2029 


Accords. 

Les  accords  étant,  la  plupart  du  temps,  des  noies 
superposées,  il  est  aisé  de  les  réaliser  lorsqu'on  en 
connaît  les  intervalles. 

IJeux  cordes  voisines  peuvent  produire  les  inter- 
valles de  tierce  majeure,  et  deux  coi'des  alternes 
ceux  de  quinte.  On  peut  obtenir  l'accord  parfait  en 
formant  sa  tierce  majeure  sur  deux  cordes  se  trou- 
vant à  la  distance  d'une  quarte;  la  quinte  de  cet 
accord  se  trouve  sur  la  corde  voisine  supérieure. 

Si  l'on  piend  la  bémol  sur  la  0'  corde  (IV«  touche), 
on  formera  sa  tierce  majeure,  do  naturel,  sur  la 
1I1<;  touche  de  la  5"^  corde,  et  sa  quinte,  mi  bémol,  sur 
la  I'^'  touche  de  la  4«  corde;  ainsi  sera  réalisé  l'ac- 
cord Ionique  de  la  bémol  majeur. 

Trois  cordes  voisines  permettent  les  renversements 
de  l'accord. 

Si  nous  prenons  la  même  tierce  {do  naturel]  du 
même  accoi'd  (la  bémol)  comme  fondamentale  sur 
la  \\\\'  touche  de  la  6=  corde,  puis  si  nous  doinions 
la  quinte  de  l'accord  tjni  bémol)  placée  à  distance  de 
tierce  mineure  sur  le  do  naturel  donné  sur  la  6"=  corde, 
nous  occuperons  la  VI'  touche  de  la  o«  corde;  si,  sur 
ce  mi  bémol,  nous  produisons  la  tonique  à  la  distance 
supérieure  de  quarte,  nous  aurons  le  la  bémol  sur 
la  4'  corde  et  sur  la  même  touche,  ayant  ainsi  com- 
plété le  premier  renversement  de  l'accord  parfait. 

Si  ensuite  l'on  prend  mi  bémol  sur  la  XI«  touche 
de  la  6"  corde  et  si  l'on  forme  sa  quaite  la  bémol  sur 
la  même  touche  de  la  3=  corde,  et  sa  sixte  do  naturel 
sur  la  X"  touche  de  la  4"  corde,  on  obtient  le  second 
renversement  de  l'accord  parfait. 

Il  est  donc  démontré  que,  sur  trois  cordes  voisines, 
on  peut  réaliser  les  accords  de  tierce  et  quinte,  de 
tierce  et  sixte  et  de  quarte  et  sixte,  c'est-à-dire  l'ac- 
cord parfait  et  ses  renversements.  Nous  avons  vu  que 
la  disposition  des  intervalles  se  reproduit  sur  les 
mêmes  cordes  à  une  distance  tonale  proportionnelle 
au  nombre  des  touches  qui  les  séparent;  nous  en 
conclurons  que,  sur  les  mêmes  cordes,  on  pourra 
facilement  réaliser  les  accords  de  tonique,  dominante 
et  sous-dominante  de  tous  les  tons  : 


S.D. 


iÔ= 


WW^ 


Le  même   procédé  régit   les   accords   de  quatre 
notes  : 


S.D. 


T 


:^ 


D. 


T 
O 


:S= 


Lorsque  l'on  connaît  les  principaux  accords  d'un 
ton,  il  est  facile  d'obtenir  les  accords  correspondants 
dans  les  douze  tons,  grâce  à  la  disposition  des  tou- 
ches et  des  cordes  : 


ai 


PREMIERE 
POSITION 


I 


i-J-J- 


^ 


.  BID 


^ 

-^ 


^ 


-  f 


r  ^f 


1.  tCrraluii]  :  lire  si  et  non  do. 


SECONDE 
POSITION 


^ 


BJI- 


«     g     g 


-iBi   B.n 

«   i?    g. 


-fT-ft 


r 


B.m- 


TB0)S1£MI 
POSITION 


--.BIBJE 


r 


p  - 


T'  r'  r 


Ainsi,  successivement,  un  ton  dans  chaque  position 
listincte. 
On  agit  de  la  même  manière  pour  les  tons  mineurs  . 

BI-------,         B.I 


PREMIÈRE  /    ,  l>h^    g    g   hJ      g 

f  r  f  ^  f 


SECONDE 
POSITION 


fff  rf 


TROISIEME 
POSITION 


B.m ,B.n  Bm 

fcMEjf      I.     {     i      ^    tf  j    ^ 

La  même  théorie  peut  être  appliquée  à  chaque 
renversement  des  accords,  même  de  ceux  composés 
de  cinq  ou  six  notes.  Il  suilira  d'éviter  les  notes  à 
vide. 

TECHNIQUE   DE   LA   MAIN   GAUCHE 
Doigté  de  la  main  gauche. 

Un  même  passage  peut  se  doigter  de  diverses 
façons  en  ayant  recours  aux  unissons.  Gomme  le 
calibre  ditférent  des  cordes  produit  diverses  qualités 
de  son,  un  même  passage,  réalisé  sur  certaines  cor- 
des ou  sur  d'autres,  peut  produire  une  sonorité  diffé- 
rente. Le  doigté  doit  donc  être  d'accord  avec  l'elfet  à 
obtenir.  Pour  cette  raison,  il  n'y  a  pas  de  doigté  fixe 
pour  tel  ou  tel  passage,  mais  un  ordre  systématique 
dans  l'action  respective  des  doigts  pour  que  ceux-ci 
correspondent  aux  notes  dans  un  ordre  logique  et 
naturel. 

Deux  facteurs  principaux  régissent  le  doigté  :  la 
note  de  départ  et  la  note  terminale. 

Dans  les  passages  à  notes  simples,  où  chaque  doigt 
peut  occuper  une  louche  diliérente,  chaque  note  doit 
être  occupée  par  le  doigt  correspondant  à  l'ordre 
proportionnel  des  louches;  donc,  pas  de  sauts  brus- 
i|ues  sur  des  coidi'S  séparées.  Dans  ce  cas,  bien  que 
la  séparation  des  touches  soit  limitée,  il  convient 
d'employer  un  autre  doigt  qui  ne  soit  pas  voisin;  la 
séparation  des  cordes  doit  se  considérer  comme  une 
séparation  des  touches  dans  un  sens  perpendiculaire. 


2030 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


P  Dans  les  passages  où  la  main  doit  forcément  se 
déplacer,  un  même  doigt  peut  presser  deux  notes 
consécutives  sur  une  même  corde,  que  ces  notes 
soient  proches  ou  éloignées.  Dans  les  passages 
ascendants,  il  est  conseillé. d'employer,  de  préle- 
rence,  le  premier  doigt,  et  dans  les  descendants,  le 
quatrième. 

Dans  les  cas  où  la  main  doit  se  déplacer,  il  convient 
de  conserver,  autajit  que  possible,  un  doigt  commun 
à  deux  notes  consécutives  sur  une  même  corde,  pour 
la  continuité  des  sons. 

Il  ne  faut  pas,  surtout  dans  les  passages  rapides, 
presser  avec  un  même  doigt  plus  de  deux  notes 
consécutives;  la  raison  en  est  que  chaque  mouve- 
ment d'un  même  doigt,  sur  une  même  corde,  exige 
un  déplacement  de  la  main,  donc  un  danger  d'insé- 
curité dans  l'exécution. 

11  faut  éviter  les  sauts  hrusques  d'un  doigt  posé 
sur  une  corde  allant  vers  une  autre,  pour  ne  pas 
briser  le  prolongement  du  son  primitif.  Dans  le  cas 
où  un  silence  se  trouverait  entre  les  deux  notes,  ce 
procédé  pourrait  ètie  indiqué. 

Lorsqu'une  gamme  se  termine  sur  la  note  d'un 
accord,  on  réglera  l'ordre  des  doigts  de  façon  quf 
celui  qui  donne  la  dernière  note  de  la  gamme  soit 
le  même  que  celui  qui  doit  donner  la  note  corres- 
pondante dans  l'accord. 

Eviter  les  sauts  de  la  main  non  justifiés  par  un 
effet  voulu. 

Certains  passages  sont  susceptibles  de  deux  sys- 
tèmes d'exécution;  le  premier  oblige  à  se  mouvoir 
dans  des  extensions  des  touches  d'étendue  normale; 
le  deuxième  porte  la  main  à  se  désaxer  par  rapport 
au  manche.  Il  est  préférable,  autant  que  possible, 
de  se  servir  du  premier  moyen,  plus  propice  à  la 
sûreté  d'exécution  et  à  la  bonne  sonorité. 

Eviter  aussi'  les  écarts  exagérés  entre  les  doigts. 
Tout  ce  qui  dépasse  la  mesure  de  trois  touches  voi- 
sines pour  deux  doigts  voisins  est  violent  et  forcé. 
Néanmoins,  il  est  recoramandable  d'exagérer  un  peu 
la  pratique  de  ces  écarts  dans  le  travail  quotidien 
du  guitariste,  afin  que  la  séparation  normale 
devienne  en  pratique  une  position  naturelle.  La 
séparation  de  trois  touches  avec  deux  doigts  voisins 
peut  s'obtenir  par  n'importe  quels  doigts  :  i  et  2, 
2  et  3,  3  et  4. 

Eviter  autant  que  possible  les  notes  à  vide,  pour 
les  raisons  suivantes  :  1°  dans  le  changement  de 
tonalité,  les  vibrations  continues  peuvent  constituer 
des  dissonances  pour  le  nouveau  ton;  2°  elles  sont 
inaptes  à  être  vibrées  au  moment  nécessaire;  3"  la 
qualité  de  timbre  de  la  corde  libre  peut  ne  pas  con- 
venir, à  certains  moments,  à  la  nature  du  passage. 
Parfois,  il  est  nécessaire  de  ne  pas  s'en  servir,  mais 
parfois  elles  sont  tout  indiquées.  C'est  une  question 
de  discrétion  et  d'adresse. 

S'il  convient  d'éviler  les  notes  à  vide,  on  peut 
toutefois  les  employer  lorsqu'elles  relient  des  posi- 
tions distantes  entre  elles. 

Quand  un  doigt  se  pose  sur  une  corde  précédem- 
ment occupée  par  un  autre  doigt  placé  sur  une 
touche  plus  basse,  on  doit  maintenir  celui-ci  sur  la 
touche.  Le  fait  de  lever  un  doigt  et  d'en  laisser 
tomber  un  autre  par  mouvement  simultané,  peut 
interrompre  la  continuité  du  son. 

Dans  les  passages  à  plusieurs  voix,  le  doigté  dépend 
des  mesures  du  début  et  de  la  lin  :  les  premières, 
à  cause  de  la  disposition  qu'elles  offrent  aux  doigts, 
les  deuxièmes,  par  la  disposition  qu'elles  exigent. 


Ln  bon  doigté  facilite  l'exécution  et  améliore  la 
sonorité. 

IVoles  conlées. 

On  appelle  notes  couléex  celles  qui  proviennent  du 
seul  Jeu  de  la  main  gauche. 

Elles  sont  indiquées  par  un  trait  courbe  allant 
d'une  note  à  l'autre  s'il  n'y  en  a  que  deux.  Pour  lier 
plus  de  deuxnotes,  il  suffit  d'une  seule  courbe  les  em- 
brassant toutes. 

Lorsqu'elles  sont  ainsi  liées,  la  première  s'attaque 
toujours!  de  1^  main  droite;  toutes  les  autres  sont 
produites  par  la  main  gauche. 

Les  notes  coulées  peuvent  être  ascendantes  ou  des- 
cendantes, soit  qu'elles  aillent  d'une  note  basse  à 
une  autre  moins  basse,  ou  d'une  aiguè  à  une  autre 
plus  haute  (ascendantes),  ou  bien  qu'elles  marchent 
en  sens  contraire  (descendantes). 

Les  coulées  ascendantes  se  produisent  en  laissant 
tomber  sur  la  note  voulue  un  des  doigts  libres  de  la 
main  gauche.  Les  descendantes  exif;ent  que  les  doigts 
soient  placés  à  l'avance  sur  les  notes  à  couler;  la 
première  note  une  fois  attaquée  par  la  main  droite, 
le  doigt  de  la  gauche,  qui  mainleiiait  cette  note,  dé- 
clanche  brusquement  la  deuxième  coulée;  ainsi  de 
suite. 

Une  note  coulée,  musicalement  égale  à  une  coulée 
descendante,  peut  être  réalisée  comme  ascendante  : 


I 


JsJ 


ti)  "'Qf) 


dans  ce  cas,  ces  notes  coulées  se  trouvent  sur  des 
cordes  distinctes. 

Pour  couler  des  notes  successives  en  mouvement 
direct  ascendant  ou  descendant  sur  une  même  corde, 
on  répète  le  même  procédé  autant  de  fois  qu'il  y  a 
dénotes.  Dans  l'attaque  de  la  3''  corde  [sol]  à  vide, 
nous  laisserons  tomber  avec  force  le  premier  doigt 
sur  la  première  touche  de  cette  corde,  d'où  résultera 
un  sol  dièse  plus  doux  que  s'il  était  attaqué  par  la 
main  droite;  cette  note  une  fois  produite,  sans 
attendre  la  fin  de  ses  vibrations,  nous  laisserons 
tomber  le  second  doigt  avec  une  force  égale,  sur  la 
2=  touche,  obtenant  le  la;  le  troisième  doigt  sur  la 
3«  touche  donnera  le  la  dièse,  et  l'autre  doigt  le  s« 
naturel  : 


Mais,  si  nous  plaçons  les  quatre  doigts  sur  la  même 
corde  occupant  quatre  touches  voisines,  et  si  nous 
frappons  la  note  occupée  par  le  quatrième  doigt  et 
tirons  fortement  la  corde  avec  ce  quatrième  doigt, 
on  entendra  la  note  donnée  par  le  troisième  doigt 
sur  la  touche  précédente;  en  répétant  cette  ma- 
nœuvre avec  le  troisième  doigt,  nous  obtiendrons  la 
note  suivante,  et  ainsi  de  suite  : 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  GUITARE    2031 


L'ii  même  passafje  peut  comporter  des  coulées  as- 
cendanles  el  descendantes.  Une  coulée  en  prépa- 
rant naturellement  une  autre,  les  deux  procédés 
peuvent  éjjaleinent  alterner.  Le  ré  de  la  deuxième 
corde  (lll"^  touche)  produit  par  le  second  doii^t  permet 
de  couler  un  mi  naturel  (V«  touche)  sur  la  même  corde 
avec  le  quatrième  doigt  (coulée  ascendante);  celui- 
ci  élant  placé  en  position,  pincer  avec  le  même  doigt 
la  corde  que  le  second  doigt  tient  encore,  el  le  ré  sera 
de  nouveau  produit  (coulée  descendante)  ;  le  premier 
doigt,  placé  au  préalable  sur  la  l\'  touche  de  la 
même  corde,  produira  le  do  dièse  si  on  retire  le 
second  doigt;  le  second  doigt,  frappant  de  nouveau 
lacordi'  sur  la  111"=  touche,  produira  encore  le  ré.  De 
l'ensemble  de  ces  mouvements  successifs  aura  ré- 
sulté : 


Les  notes  coulées  peuvent  être  doubles  et  simul- 
tanées, genre  le  plus  souvent  employé  dans  les  mou- 
vements ascendants.  Les  mouvements  descendants 
sont  moins  courants  et  se  limitent  à  deux  notes  : 


^*  m 


JBT 


Ils  peuvent  être  aussi  doubles  et  combinés,  c'est- 
à-dire  comporter  simultanément  un  mouvement  as- 
cendant et  un  descendant  : 


Trilles. 

Le  trille  est  la  répétition  alternée  de  la  note  coulée 
ascendante  et  descendante;  sa  durée  est  égale  à  la 
valeur  de  la  note  trillée. 

Il  est  inhérent  à  chaque  corde,  et  se  réalise  géné- 
ralement sur  deux  notes  séparées  par  un  ton  ou  un 
demi-ton  ;  tous  les  doigts  de  la  main  gauche  peu- 
vent pratiquer  le  trille,  mais  le  doigté  doit  être  dis- 
cerné selon  le  cas. 

Le  trille  double  ne  s'emploie  guère  sur  la  guitare. 

(■lissés. 

Le  glissé,  nouvel  aspect  de  la  note  coulée,  tend  à 
produire,  comme  celle-ci,  une  seconde  note  non 
frappée,  par  le  déplacement  du  doigt  qui  a  donné  la 
première  :  la  pression  est  maintenue  sur  la  coide 
et  le  dùigt  glisse  jusqu'à  la  touche  où  se  trouve  la 
deuxième  note  qu'il  s'agit  de  couler. 

Le  glissé  ne  peut  s'appliquer  qu'à  deux  notes  con- 
sécutives sur  une  même  corde.  11  peut  être  ascendant 

ou  descendan' ,  lent  ou  rapide;  dans  ce  cas,  J. "f" 

l'accent  se  perle  sur  la  note  d'arrivée.  Quand  il  est 
lent,  l'accent  se  porte  sur  la  note  de  départ. 

Le  glissé  s'indique  par  une  ligne  droite  allant  de 
la  note  de  départ  à  la  note  d'arrivée. 


Porlaniento. 

Le  portainen(o  est  composé  de  notes  glissées  (mou- 
vement initial)  et  coulées  (terminaison). 

Le  portamento  entre  le  do  dièse  (2^  corde.  II»  touche, 
premier  doigt)  et  le  la  (accorde,  X'touche,  quatrième 
doigt)  se  produit  par  glissement  du  premier  doigt 
sur  la  2»  corde  après  l'attaque  du  do  dièse,  jusqu'à 
ce  que  le  quatrième  doigt  arrive  à  hauteur  de  la 
X»  touche;  alors,  le  quatrième  doigt  frappe  le /d  dans 
le  sens  de  note  coulée. 

Le  portamento  descendant  se  fait  de  la  même  façon, 
mais,  la  note  coulée  devant  être  descendante,  il  faut 
prendre  soin  de  placer  le  doigt  de  la  note  d'arrivée 
à  la  fin  du  glissé  pour  que  le  portamento  se  termine 
par  la  note  coulée. 

Généralement,  les  porlamentos  se  réalisent  entre 
deux  notes  d'intervalles  tonaux.  Ils  excluent  impli- 
citement les  notes  à  vide,  sauf  pour  leur  terminai- 
son. Ils  sont  indiqués  par  un  trait  courbe  comme 
les  notes  coulées. 

.\'otes  données  exelnsivenient  par  la  main 
i;anelie. 

On  peut  exécuterdes  passages  sans  intervention  de 
la  main  droite  par  l'emploi  des  notes  coulées. 

A  partird'une  note  donnée,  les  suivantes  non  inter- 
rompues se  considèrent  comme  notes  coulées. 

Le  début  d'un  passage  sur  cordes  à  vide  se  fera 
en  pinçant  la  première  note  d'un  doigt  de  la  main 
;<auchevers  la  corde  à  tessiture  plus  haute,  telles  les 
coulées  descendantes  sur  une  même  corde.  Cette 
note  initiale  peut  aussi  se  produire  par  le  procédé 
de  coulée  ascendante  sur  un  de  ses  unissons. 

Pour  éviter  la  sonoi'ilé  vague  d'une  corde  vibrant 
sous  la  brusque  pression  du  doigt,  on  doit  presser  [la 
même  corde  avec  un  autredoigt  sur  une  des  touches 
antérieures. 

Les  passages  pour  la  main  gauche  sont  parfois 
indiqués  par  un  trait  courbé,  ainsi  que  les  coulées  de 
plusieurs  notes. 

On  peut  aussi  produire  des  sons  harmoniques  sans 
intervention  de  la  main  droite.  Le  quatrième  doigt 
forme  l'harmonique,  et  le  premier  doigt  pince  la 
corde  dans  l'espace  compris  entre  le  quatrième  doigt 
et  le  sillet. 

Le  barré. 

Quand  il  faut  jouer  en  même  temps  sur  plusieurs 
cordes  dont  les  notes  doivent  être  pressées  sur  une 
même  touche,  on  place  sur  elles  l'index  de  la  main 
gauche  étendu  en  les  embrassant  d'un  seuIelTort. 

Le  doigt  ainsi  placé  peut  embrasser  soit  les  six 
cordes,  soit  seulement  celles  qu'il  convient  de  pres- 
ser :  cela  est  réalisable  sur  chaque  touche,  de  la  I" 
jusqu'à  la  IX"  ou  la  X"  au  plus.  Quand  le  barré  em- 
brasse seulement  les  trois  cordes  aiguës,  on  l'appelle 
petit  barré,  et  on  peut  l'employer  jusqu'aux  touches 
les  plus  aiguës. 

11  existe  un  petit  appareil  spécial,  fréquemment 
employé  parles  guitaristes  populaires, appelé ctfy'ue/a 
en  Espagne  et  capotasto  en  Italie.  Le  but  de  cet 
appareil  peut  équivaloir  au  barré,  quoiqu'il  ne  puisse 
être  déplacé  pendant  l'exécution  d'une  même  œuvre. 
L'utilité  de  cet  appareil  ingénieux  est  manifeste 
pour  les  accompagnements   du  chant;  il   peut  être 


20.12 


ENCYCLOPÈniE  DE  LA  MUSIQUE  ET  niCTWNNArriE  PU  CONSERVATOIRE 


placé  par  demi-tons  dans  toute  l'étendue  de  l'instru- 
ment, ainsi  qu'un  sillet  mobile.  Cein  permet  de  trans- 
poser facilement  l'accord  de  la  fiiiitare  à  la  tonalité 
nécessaire  pour  la  tessiture  de  la  voix  que  l'on  doit 
accompagner. 

Les  guitaristes  italiens'ont  employé  le  pouce  de  la 
main  gauche  pour  remplacer  le  6a?T(''.  Ce  doigt  glisse 
derrière  le  manche,  et  vient  presser  la  6<^  corde  sur 
la  même  touche  que  le  ferait  le  barré.  Cela  oblige  la 
main  à  faire  un  violent  mouvement  en  arrière,  et 
réduit  l'extension  des  doigts  en  les  privant  de  la 
liberté  nécessaire  pour  presser  les  notes  convenables. 


1056.  —  Cejucin  ou  e(i]inlasli). 


Ces  deux  appareils  de  barré  artificiel  correspon- 
dent au.x  deu.x  systèmes  employés.  Le  premier  est 
en  acier  nickelé  ;  une  vis  l'assujettit  mécaniquement 
contre  le  manche  par  sa  partie  postérieure.  Le  se- 
cond est  en  bois,  attaché  au  manche  par  une  corde 
fixée  par  une  de  ses  extrémités  au  barré  artificiel,  et, 
par  l'autre  extrémité,  attaché  à  une  cheville  qui,  en 
tournant,  enroule  la  corde  et  presse  l'appareil  contre 
les  cordes. 

Vibrato  (notes  vibrées). 

Le  vibrato  était  anciennement  appelé  tremulo,  qu'il 
ne  faut  pas  confondre  avec  l'actuel  trémolo.  La  main 
gauche  peut  prolonger  les  sons  en  leur  donnant  plus 
d'intensité  par  le  vibrato. 

Soit  une  corde  martelée  par  un  doigt  de  la  main 
gauche  sur  n'importe  quelle  touche;  si  on  balance 
ce  doigt  sans  quitter  la  corde,  le  son  en  sera  pro- 
longé par  de  minimes  ondulations.  Cet  effet  s'indique 
par  le  mot  vibrato. 

Pour  l'obtenir,  il  faut  agiter  le  doigt  à  l'instant 
précis  où  la  corde  est  frappée,  profitant  des  pre- 
mières vibrations,  les  plus  intenses,  sans  omettre 
toutefois  de  maintenir  le  même  degré  de  force  que 
dans  la  première  impulsion.  Ces  mouvements  ne 
doivent  pas  être  trop  vifs,  ni  s'étendre  au  delà  du 
poignet.  Certains  exécutants  pratiquent  le  vibrato 
en  écartant  le  pouce  du  manche;  Aguado  conseille 
d'éviter  ce  défaut,  alln  de  mieux  équilibrer  les  résis- 
tances éventuelles. 

La  bonne  exécution  du  vibrato  dépend  moins  de 
la  force  de  pression  en  elle-même,  que  de  la  façon 
dont  on  l'exerce.  Il  faut  appuyer  sur  la  corde  la 
dernière  phalange  des  doigts,  mais  remarquons  que 
la  force  d'inertie  de  la  mam  soutient  et  prolonge  les 
vibrations,  mieux  que  la  force  excessive  qu'on  pré- 
tendrait donner  au  moyen  du  bras. 

Le  vibrato  peut  s'obtenir  sui'  toutes  les  cordes,  sur 
chaque  touche  et  par  chacun  des  doigts,  pourvu  que 
la  note  à  faire  vibrer  soit  isolée.  Les  notes  simulta- 
nées ne  peuvent  pas  toujours  être  vibrées. 

TECHNIQUE   DE  LA   IVIAIN   DROITE 

Doijjté  de  la  main  droite. 

Les  accords  consécutifs  seuls  autorisent  la  répéti- 
lioa  d'un  même  doigt  sur  la  même  corde.  Dans  les 


autres  cas,  le  même  doigt  ne  doit  jamais  frapper 
deux  fois  de  suite  la  même  corde,  excepté  le  pouce. 

L'action  des  doigts  de  la  main  droite  admet  un 
ordre  alterne  entre  deux  doigts,  et  consécutif  entre 
divers  doigts. 

Dans  les  gammes  simples,  on  peut  alterner  l'index 
et  le  médius  ou  vice  versa,  ou  le  médius  et  l'annu- 
laire, ou  le  contraire. 

Dans  les  accords,  il  faut  répartir  les  doigts  de 
telle  sorte  que  chacun  s'occupe  de  pincer  la  corde 
qui  lui  correspond,  la  corde  grave  pour  le  pouce,  la 
suivante  pour  l'index,  l'autre  pour  le  médius,  la  plus 
aiguë  pour  l'annulaire.  Si  l'accord  comprend  cinq 
cordes,  le  pouce  glisse  simultanément  sur  les  deux 
graves;  s'il  est  de  six  notes,  le  pouce  frappe  de  la 
même  façon  les  trois  cordes  lilées. 

Dans  les  mouvements  où  deux  ou  trois  notes  simul- 
tanées alterneraient  avec  des  notes  simples,  les  pre- 
mières seront  produites  pai-  des  doigts  conjoints,  et 
la  note  d'après  par  le  doigt  libre  qui  se  trouvera  le 
plus  rapproché. 

Dans  les  accords  arpégés,  le  pouce  peut  frapper 
quatre  cordes,  et  plus. 

En  principe,  éviter  autant  que  possible  les  croise- 
ments de  doigts.  INéanmoins,  on  ne  considère  pas 
comme  tel  le  passage  d'une  corde  à  la  voisine  en 
mouvement  alterne  continué,  comme  dans  les 
gammes.  L'action  des  doigts  peut  ainsi  se  détinir  : 
que  celui  qui  est  voisin  du  pouce  n'aille  pas  frapper 
les  cordes  aiguës,  pendant  que  les  doigts  éloignés 
viennent  frapper  les  coides  graves. 

Toute  ordonnance  des  doigts  sur  une  seule  corde 
est  admise.  Si  on  lève  le  doigt  d'une  corde  détermi- 
née (3")  et  si  la  note  suivante  est  plus  aiguë,  on  la 
produira  avec  un  doigt  voisin  de  l'ainiulaire,  ou  bien 
avec  celui-ci.  Par  contre,  s'il  faut  toucher  une  corde 
plus  grave,  on  la  frappera  avec  un  doigt  voisin  du 
pouce,  voire  avec  celui-ci.  S'il  s'agit  d'un  arpège  de 
quatre  notes  consécutives  descendantes,  allant  de 
l'aigu  au  grave,  la  première  note  sera  donnée  avec 
l'annulaire,  et  la  dernière  avec  le  pouce,  quelle  que 
soit  la  disposition  des  cordes.  Si  l'arpège  est  d'ordre 
inverse,  le  pouce  donnera  la  première  note,  et  l'an- 
nulaire la  dernière. 

Le  passage  d'une  corde  grave  à  une  corde  aiguë 
se  fera  dans  le  sens  de  la  main  correspondant  à 
l'ordre  des  doigts:  index,  médius,  annulaire;  le  pas- 
sage contraire,  de  l'aigu  au  grave,  se  fera  dans  le 
sens  inverse  :  annulaire,  médius,  index. 

Le  pouce,  qui  servait  jadis  à  donner  seulement  les 
notes  basses,  s'emploie  aujourd'hui  sur  toutes  les 
cordes.  On  l'intercale  au  besoin,  en  alternant  avec 
les  autres  doigts,  dans  des  passages  dilférents,  fus- 
sent-ils en  gammes  ou  arpèges. 

Arpèges. 

En  eux-mêmes,  les  arpèges  ne  sont  que  des  ac-    ! 
cords.  Au  lieu  de  donner  les  notes  simultanément, 
ils  les  donnent  successivement.  Gomme  les  accords, 
ils  sont  composés  de    trois,   quatre,   cinq   notes   et 
plus. 

L'arpège  peut  être  ascendant  ou  desceridanl,  sim- 
ple, double,  ou  composé;  il  peut  être  formé  de  notes 
appartenant  à  des  cordes  voisines  ou  séparées,  et 
réalisé  par  l'emploi  de  différentes  combinaisons  de 
doigts. 

Pour  les  arpèges  dont  l'étendue  embrasse  trois 
cordes,  on  emploie  généralement  le  pouce,  l'index  et 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LA  GUITARE    2033 


le  médius  de  la  main  droite;  si  l'étendue  embrasse 
un  plus  ^'land  nomhre  de  cordes,  on  emploie  qualie 
doigts  :  pouce,  index,  médius,  annulaire.  (Voir  les 
différentes  formules  d'arp''f;es  de  la  Méthode  de 
!•'.  Mohetti.) 

Pour  la  maiti  ^.'auche,  te  i^i'oupe  de  notes  d'un 
arpège  est  considéré  comme  un  accord;  les  dillé- 
reuls  doigts  qui  pressent  les  cordes  de  l'arpège  ne  le 
i|uittent  pas  pendant  loule  la  durée  de  ces  notes. 
Cette  régie  n'est  pas  absolue  et  comporte  des  excep- 
tions. 

Trémolo. 

Le  tri'molo  est  nu  arpège  de  quatre  doigts  obtenu 
par  l'annulaire,  le  médius,  l'index  sur  une  corde 
chantante,  cependant  que  le  pouce  fait  résonner 
libiement  les  cordes  plus  basses.  Ce  tri'molo  tend  à 
prolonger  la  note  par  de  rapides  répétitions  de 
celle-ci.  On  produit  babituellement  le  trcmolo  par  la 
triple  répélition  d'une  même  note;  on  le  réalise  dans 
ce  cas  par  les  doigts  a,  m,  i,  ou  i,  m,  a,  de  la  main 
droite.  Parfois,  on  le  réalise  sous  la  .formule  d'ime 
quadruple  répétition  a,  m,  i,  m,  ou  i,  m,  a,  m.  On 
ppurrait  le  donner  par  autant  de  notes  qu'il  est 
possible  d'en  employer  dans  les  différentes  formules 
•d'arpèges  habituels  aux  quatre  doigts. 

Le  trimolo  peut  être  réalisé  sur  n'importe  quelle 
corde;  pour  le  produire  sur  des  notes  graves,  il  fau- 
drait des  formules  de  doij^té  exceptionnelles. 

Pixzîcato* 

La  paume  de  la  main,  par  son  bord  inféiieur  et 
extérieur,  se  place  sur  les  cordes  graves  que  frappe 
le  pouce,  prés  du  chevalet,  pendant  que  l'auricu- 
laire, étendu,  s'appuie  sur  la  table  d'harmonie  poin- 
contre-balancer  la  pression  du  bas  de  la  main  sur 
les  cordes  graves.  Les  autres  doigts  forment  pont 
pai'-dessus  les  cordes  de  boyau  libres  du  contact  de 
la  main,  pour  que  les  cordes  puissent  donner  leur 
son  naturel. 

La  main  ainsi  placée,  le  pouce  étendu  frappera 
les  cordes  vers  l'intérieur  de  la  caisse  d'harmonie, 
jusqu'à  ce  qu'il  trouve  la  corde  suivante.  Le  son  est 
étouffé  par  le  contact  de  la  main  avec  la  corde, 
s'assombrit  et  prend  une  teinte  de  sourdine,  sans 
altérer  son  volume.  Le  médiu?  et  l'index,  destinés  a 
pincer  les  notes  élevées,  opèrent  comme  dans  les 
accords,  mais  en  sens  diagonal,  étant  donné  la  posi- 
tion de  la  main.  Il  en  résulte  un  son  piqué,  saccadé, 

TABLEAU  DES  HARMOWÇUES  TtATURELS 

ToucHcs   xn    IX    vn    V     iv   ■'in.    in 


r 


'¥ 


:J«= 


=6Sz 


É 


=tt=c: 


I^tlE 


I 


:J«= 


-»o- 


V- 


Les  harmoniques  naturels  se  résument  ainsi  : 


dilférent  du  son  ordinaire,  semldable  au  pizzicalo 
des  instruments  à  archet. 

Pour  le  piziicato  strident  (efTel  réservé  à  des  sono- 
rités spéciales  et  de  caractère  humoristique),  il  suflit 
de  placer  la  raain  plus  près  de  la  rosace,  où  la  corde 
présente  moins  de  rési.stance.  Elle  vibre  ainsi  sous 
la  main  avec  laquelle  elle  est  en  contact,  et  produit 
un  litnbre  spécial. 

Dans  les  passages  où  le  pouce  doit  agir  sur  les 
cordes  de  boyau,  la  partie  charnue  de  la  main 
appuyée  sur  les  cordes  lilées  glisse  par-dessus  ces 
cordes  jusqu'à  se  placer  au-dessus  des  autr'es.  Donc, 
cette  partie  de  la  main  doit  toujours  se  placer  sur 
la  corde  frappée  par  le  pouce  pour  en  étoulTer  les 
vibrations. 

Dans  certains  cas,  on  laisse  vibrer  librement  les 
notes  basses,  en  élevant  le  bord  de  la  main. 


SONORITÉS   SPÉCIALES 
Sons  lisiriiioiïiqnt's. 

Ils  se  trouvent  sur  les  di''érents  nœuds  de  vibra- 
tion dé  la  corde,  c'est-à-dire  à  la  moitié,  au  tiers,  au 
quart  de  sa  longueur  et  aux  autres  subdivisions 
aU'érentes  au  corps  sonore.  Ils  correspondent,  sur  le 
manche,  aux  touches  XII,  IX,  VU,  V,  IV  et  III. 

Pour  les  obtenir,  il  sul'lit  de  placer  le  doigt  étendu 
dans  le  sens  perpendiculaire  à  la  corde  et  en  simple 
contact  avec  elle,  sur  la  touche  correspondant  à  la 
noie  à  doinier.  Le  doigt  doit  ne  faire  d'autre  ell'orl 
que  d'empêcher  légèrement  l'oscillation  de  la  corde 
et  cesser  le  contact  sitôt  le  son  obtenu,  afrri  que  les 
vibrations  se  prolongent  le  temps  nécessaire. 

Plus  on  se  rapproche  du  sillet,  plus  les  sons  bar- 
rrroriiques  augmentent  d'acuité  :  ce  qui  prouverait 
que  c'est  la  partie  entre  le  doigt  et  le  sillet  qui  pro- 
duit le  son.  Le  même  phénomène  se  répète  sur 
l'autre  moitié  de  la  corde  :  plus  on  éloigne  la  main 
gauche  de  la  XII^  touche,  tout  en  la  rapprochant  du 
chevalet,  plus  les  sons  devieirnent  aigirs. 

De  ces  sons  harmonii|ues,  les  plus  clairs  sont  ceux 
qui  s'obtiennent  sur  les  toirches  XII.  V  et  VII;  ceux 
de  la  W  touche  sont  nroins  clairs,  et  ceux  des 
louches  IV  et  III  sont  bien  plus  vagues  encore. 

Les  anciennes  nréthodes  recommandent  l'emploi 
du  troisième  doigt  pour  donner  les  harmoniques. 
De  nos  jours,  ce  procédé  est  devenu  accessible  à 
tous  les  doigts,  qui  doivent  librement  s'y  exercer. 

Tableau  des  harmoniques  naturels  : 


ÉTAT  DE  TOUS  LES  HARMONIQUES  NATURELS  ^   •©}!-»    *>  #** 


^     0|Q    ^t^ 


2034 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Les  touclies  XVI  et  XIX,  éqiiidistantes  de  la  moitié 
de  la  corde,  ainsi  que  les  touches  IX  et  VII,  en  sens 
inverse,  produisent  les  mêmes  harmoniques.  A  par- 
tir de  la  moitié  de  la  corde,  toutes  les  distances  qui 
produisent  des  harmoniques,  dans  un  sens  de  la 
corde,  peuvent  le  reproduire,  en  sens  inverse,  sur  des 
distances  proportionnelles. 

Les  harmoniques  s'écrivent  généralement  en  sens 
figuré,  c'est-à-dire  que  l'on  écrit  la  note  produite 
par  la  corde  à  vide  où  se  forme  l'harmonique  désiré; 
sur  cette  note,  un  chilTre  indique  la  touche  qui  doit 
le  produire. 

Certains  auteurs  écrivent  les  notes  réelles,  puis 
ajoutent  un  chiffre  indiquant  la  touche;  un  autre 
numéro  entouré  d'un  rond  indique  la  corde.  Sor 
employait  ce  procédé. 

Harmoniques  à  l'octave» 

On  attribue  à  M.  de  Fossa  l'ingénieuse  invention 
du  procédé  de  ces  sons,  qui  ont  pris  tant  d'impor- 
tance dans  la  technique  moderne  de  la  guitare.  11 
exposa  cette  théorie  au  début  de  VOuuerlure  du  jeune 
Henri  de  Méhil,  arrangée  pour  deux  guitares. 

Si  nous  considérons  que  la  corde  à  vide  donne 
son  octave  harmonique  sur  la  X1I=  touche,  la  délimi- 
tant en  deux  parties  égales,  il  nous  faut  conclure 
que  la  même  corde  pincée  sur  la  I"  touche  aura 
son  octave  harmonique  sur  la  XIII";  pincée  sur  la 
II»  touche,  elle  aura  son  octave  harmonique  à  laXlV», 
et  ainsi  de  suite. 

Comme  dans  ces  cas  les  doigts  dé  la  main  gauche 
sont  distraits  par  leur  jeu  habituel,  il  faut  que  les 
doigts  de  la  main  droite  remplissent  deux  fonctions 
simultanées  ;  former  et  pincer  l'harmonique. 

A  cet  effet,  on  étend  l'index  en  sorte  que  la  partie 
intérieure  de  la  phalange  extrême  vienne  se  poser 
légèrement  sur  la  corde  et  sur  la  touche  correspon- 
dant à  la  noie  voulue;  ensuite,  on  pince  simultané- 
ment avec  l'aïuiulaire,  comme  pour  les  accords. 

Lorsque  l'harmonique  est  seul  et  sur  une  corde 
grave,  il  peut  être  préférable  de  le  donner  avec  le 
pouce  de  la  main  droite. 

Pincer  l'harmonique  avec  l'aimulaire  olTie  l'avan- 
tage de  pouvoir  donner  simultanément  une  partie 
de  basse  (avec  le  pouce),  et  une  autre  partie  inter- 
médiaire (avec  le  médius),  généralement  sur  la 
corde  inférieure  voisine  de  celle  de  l'harmonique.  Il 
se  produit  un  accord  de  trois  notes  dont  l'aiguë 
sonne  en  harmonique. 

Ce  procédé  permet  de  jouer  des  mélodies  harmo- 
nisées à  trois  voix  dont  la  supérieure  est  en  harmo- 
niques :  mélodies  doubles  ou  en  tierces,  sixtes,  octa- 
ves et  en  mouvement  direct  ou  contraire;  la  partie  la 
plus  aiguë  est  la  seule  susceptible  d'êlre  donnée  en 
harmoniques. 

Les  harmoniques  naturels,  compris  même  sur  des 
cordes  différentes  dans  l'espace  que  peut  embrasser 
la  main  gauche,  peuvent  se  donner  en  accords  ou  en 
arpèges. 

Uifféreiiles  qualités  du  son 
sur    une  niOuie  corde. 

Le  point  normal,  où  doit  élre  frappée  la  corde 
pour  en  obtenir  une  qualité  de  son  moyenne  entre 
les  contrastes  de  ses  divers  timbres,  est  situé  vers 
l'extrémité  de  la  courbe  formée  par  la  rosace  du 
côté  du  chevalet,  à  cause  de  la  proportion  entre  la 


résistance  de  la  corde  et  la  force  d'impulsion  du 
doigt.  Remarquez  la  différence  graduelle  obtenue 
en  frappant  la  même  corde  depuis  ce  point  jusqu'à 
l'extrémité  opposée.  Vers  les  touches,  le  timbre 
obtenu  est  plus  doux  et  plus  pur;  il  a  une  nuance 
indiquée  pour  certains  effets  spéciaux  ;  dans  le  sens 
opposé,  chaque  rapprochement  vers  le  chevalet  pro- 
duit une  qualité  de  son  plus  ouverte,  plus  nasillarde, 
indiquée  dans  les  effets  qui  contrastent  avec  ceux  de 
l'extrémité  opposée. 

On  obtient  ces  effets  en  déplaçant  la  main  dans  le 
sens  voulu,  sans  contraction  du  bras  ni  perte  d'équi- 
libre. 

C'auipanclns  (elTot  do  sonorité  «ive 
et  cristalline). 

Procédé  rarement  employé.  Effet  du  jeu  d'une  ou 
deux  cordes  à  vide  de  notes  souvent  étrangères  à  un 
accord  exécuté  en  arpège.  (Voir  la  Méthode  d'AcuADO 
traduite  par  M.  de  Foss.\.) 

Tainbora  (elTet  de  percussion). 

Effet  de  son  à  obtenir  sur  les  cordes  donnant  un 
accord,  au  moyen  d'un  coup  sec  proiluil  |)ar  le  pouce 
de  la  main  droite  étendu  perpendiculairement  aux 
cordes,  près  du  chevalet.  On  l'obtient  par  un  demi- 
tour  de  la  main  sur  le  poignet  portant  vers  l'extérieur, 
afin  que  le  pouce  tombe,  de  toute  sa  longueur,  sur 
les  cordes  qui  doivent  vibrer.  Le  poignet  ne  doit  pas 
être  contracté;  au  contraire,  il  permettra  à  la  main 
de  se  mouvoir  aisément  pour  que  le  son  soit  produit 
par  son  propre  poids. 

Cet  effet  peul  encore  s'obtenir  par  l'index  et  le 
médius.  Ces  doigts  tendus  perpendiculairement  sur 
les  cordes,  les  frappent  en  mouvements  alternatifs, 
rapides,  comme  pour  le  trille.  Cet  effet  s'adapte  à 
tous  les  rythmes  et  à  toutes  les  tonalités. 

Efl'et  de  ronlenieni  de  tambour. 

On  l'obtient  en  croisant  la  V''  corde  par-dessus  la 
Vl«  sur  une  même  touche,  tout  en  les  maintenant  avec 
force  par  un  seul  doigt  (généralement  le  premier), 
pendant  que  l'index  ou  le  médius  touche  les  deux 
d'un  même  effort  avec  des  rythmes  de  tambour. 

ElTets  lointains. 

Procédé  consistant,  pour  la  main  droite,  à  frôler 
doucement  plusieurs  cordes  avec  le  bout  charnu  des 
doigts  en  allant  de  l'aigu  au  grave,  pendant  que  les 
doigts  de  la  main  gauche  forment  les  accords  aux- 
quels sont  soumis  les  rythmes  de  la  main  droite. 

Rasgneado  (elTel  spécial  de  caractère 
populaire). 

La  main  droite  tourne  sur  le  poignet,  en  se  levant 
jusqu'à  ce  que  le  petit  doigt  (seul  employé  sur  la 
guitare  pour  ce  procédé)  soit  placé  sur  les  cordes 
graves  (bourdons);  le  dos  des  (juatre  doigts  auricu- 
laire, annulaire,  médius  et  index,  glisse  immédiate- 
ment sur  l'ensemlile  ou  sur  une  partie  des  cordes 
(suivant  les  indications  spéciales).  Il  se  produit  un 
accord  arpégé  plus  ou  moins  intense  et  prolongé. 

Le  rasgueado  s'exerce  en  double  sens  :  l'un  ascen- 
dant de  la  VI'  à  la  I"  corde,  au  moyen  de  quatre 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


doigls  indiqués,  l'autre,  de  la  I"  corde  vers  les 
cordes  graves,  seule/nerU  avec  le  pouce  ou  l'index. 
On  indique  le  rasgiicado  par  une  tlèche  allant  dans 
les  deux  sens  voulus. 

Le  premier  mouvement  est  pour  les  accentuations 
fortes,  le  deuxième  pour  les  parties  failjles. 

L'alternance  prolonf,'ée  de  ces  deux  mouvements 
contribue  à  maintenir  pendant  le  temps  nécessaire 
la  sonorité  d'un  groupe  de  notes  simultanées. 

Parfois,  on  mélange  le  rasgucado  amoindri,  obtenu 
seulement  avec  l'index  sur  quelques  cordes  aiguës, 
avec  un  petit  coup  sec  donné  en  même  temps  sur  le 
chevalet  par  le  bout  du  médius  ou  de  l'annulaire. 
L'index  doit  se  replier  complètement  avant  d'atta- 
quer les  cordes  en  s'ouvrant,  tandis  que  le  médius, 
levé  à  distance  prudente  du  clievalet,  tombe  recourbé 
d'un  coup  sec  sur  la  partie  inférieure  du  chevalet, 
dont  il  s'éloigne  aussitôt  l'effet  produit'. 


QUELQUES  CONSEILS  AUX  DÉBUTANTS 

L'éclosion  de  nouveaux  instruments,  tels  le  violon 
le  clavecin,  puis  le  piano,  afiina  le  goût  collectif  et 
par  reflet  releva  l'écriture  pour  la  guitare.  (Nous 
dirons  à  nouveau  qu'à  notre  avis,  la  guitare  exerça 
une  décisive  inlluence  sur  le  développement  de  la 
musique  instrumentale  moderne.) 

Dans  l'ensemble  des  œuvres  didactiques  pour  gui- 
tare se  détache  lumineusement  la  méthode  d'AcuADO 
(1843).  Un  siècle  cependant  ne  s'est  pas  écoulé  en 
vain.  Des  esprits  de  haute  valeur  ont  su  tirer  des 
six  cordes  classiques  de  décisives  promesses  pour 
l'avenir. 

Il  est  à  regretter  que  l'œuvre  didactique  renfer- 
mant tous  les  principes  de  la  technique  moderne 
n'existe  pas  encore.  La  faute  peut  en  être  imputable 
au  manque  de  toute  protection  officielle  dont,  un  peu 
partout,  soull're  la  guitare. 

Cet  insti'iiment,  d'un  passé  si  glorieux  et  voué  à  un 
si  grand  avenir,  en  passe  de  s'imposer  aux  publics 
de  tous  les  continents,  n'a  malheureusement  pas  la 


LA  GUITARE    2035 

place  qu'il  mérite  dans  les  plus  importants  Conser- 
vatoires. Son  enseignement  se  pratique  même  de 
nos  jours  dune  façon  par  trop  empirique,  d'où  le 
nombre  si  restreint  de  virtuoses  et  de  professeurs 
éclaires. 

Il  esta  souhaiter  que  la  connaissance  approfondie 
de  cet  instrument,  l'un  des  plus  organiquement 
complets,  cesse  d'être  l'apanage  de  certains  élus  de 
la  musique.  Sa  technique  doit  être  divulguée 

Pour  tâcher,  dans  une  faible  mesure,  de  remédier 
a  cet  elat  de  choses,  nous  nous  permettrons  quelques 
conseils  sous  forme  de  plan  d'études 

Distribuer  d'ahord  l'étude  de  la  guitare  en  deux 
parties  :  théorique  et  pratique. 

Obtenir  autant  que  possible  le  summum  de  con- 
naissances musicales  en  dehors  de  la  guitare,  tout  en 
approlondissant  son  étude  théorique. 

Envisager  l'étude  pratique  sous  trois  aspects  : 

I.  Développer  le  mécanisme  graduellement  (pra- 
tique de  gammes,  arpèges,  accords,  trémolos,  notes 
coulées,  trilles,  elfets  et  traits  instrumentaux  inhé- 
rents aux  œuvres^). 

Tout  débutant  devant  choisir  un  des  deux  procé- 
dés indiqués  pour  la  production  du  son,  il  nous  faut 
signaler  que  la  plupart  des  virtuoses  les  plus  réputés 
se  servent  des  ongles. 

n.  Mettre  le  mécanisme  acquis  au  service  d'œuvres 
créées  musicalement. 

Une  sélection  préalablement  ordonnée  parmi  les 
études  d'AGUADO,  de  Sor,  Carcassi,  Coste,  Tarrega, 
Llobet,  Fortea  et  de  quelques  autres  encore  renfer- 
merait toute  la  matière  demandée. 

m.  La  vraie  technique  une  fois  acquise,  s'initier 
dans  la  connaissance  des  viliuelistes  et  guitaristes 
depuis  Milan  et  Corbetta  jusqu'à  SoR  et  Tarrega.  Se 
préparer  ensuite  à  aborder  les  auteurs  modernes  les 
plus  complexes. 

La  guitare  portant  en  elle  l'esprit  de  toutes  les 
musiques,  nous  pensons  que  l'intelligence  du  guita- 
riste doit  être  toujours  en  éveil,  ainsi  que  son  désir 
de  se  raffiner  et  d'élargir  ses  vues. 


1.  Au  sujet  du  genre  flamenco  auqui^l  appartient  surtout  cet  eU'et, 
voir  la   Mélliode  de  Rafaël  Maiux  iMailrid,  vers  IS'JOl. 

-.  Nous  recommandons  spi'-cialenieiit  les  exercices  ntanuFcrils  de 
TxKREGA,  les  I^scalasy  Arpeijios  de  Domingo  Puât,  édités  à  Buenos- 


Aires,  les  ex..rcices  de  noies  coulées  dans  la  .\mhode  d'Ar.uAoo  et  les 
d.lTérentes  formules  d  arpèges  de  fancienne  méthode  de  Morett,  sus- 
ceptibles d  êtres  appliquées  à  des  harmonies  diverses. 

EuiLio  PUJOL,  1926. 


LE  CLAVECIN 

Par   André    SCHAEFFNER' 


Un  préjugé  tenace  fait  encore  du  clavecin  une 
ébauche  assez  primitive  de  notre  piano  moderne  : 
l'usape  désormais  généralisé,  la  supériorité  admise 
du  [liano  plaideraient  donc  l'inutilité  pour  nous  de 
vouloir  entendre  un  instrument  aussi  désuet,  aussi 
avantageusement  i-emplacé  que  le  clavecin.  Oi'  si,  en 
fait,  le  piano  se  substitua  au  clavecin  daiis  nos  salles 
de  concert  comme  dans  nos  habitations,  ne  fut-ce 
pas  au  même  titre  que  rorchestre  d'un  Wagner 
succédant  à  celui  d'un  Beethovem,  ou  que  l'orcliestre 
d'un  SïRAwi.N'sKV  à  celui  d'un  Wagner?  Succession 
qui  n'implique  pas  forcément  équivalence,  ni  même 
filiation  entre  les  deux  termes.  Pas  plus  que  nous 
ne  dirons  que  Schuuann  remplaça  Bach  parce  que 
supérieur  à  celui-ci,  nous  ne  dirons  que,  si  les  con- 
certs modernes  ont  vu  le  piano  chasser  le  clavecin, 
c'est  que  celui-ci  avait  sur  le  piano  des  désavantages 
plus  durables  que  celui  de  ne  répondre  plus  aux 
nouvelles  exigences  instrumentales  des  musiciens. 
Cette  fausse  idée  du  progrés,  que  Wanda  Landowsea 
nous  exhorte  à  chasser  de  nos  comparaisons  entre 
musiciens  anciens  et  modernes^,  il  nous  faut  encore 
la  détruiiv  sous  la  forme  plus  insidieuse  qu'elle  revêt 
lors  de  nos  jugements  à  l'égard  de  tels  ou  tels  ins- 
truments. Sans  doute,  le  clavecin  a-t-il  été  la  victime 
du  goût  d'une  certaine  époque  pour  le  forte-pian<i 
et  pour  tous  les  modes  d'expression  que  représentait 
cet  instrument,  mais  un  peu  de  même  que  le  luth 
a  été  la  victime  d'une  préférence  collective  pour  le 
style  cursif  et  pour  le  volume  sonore  du  clavecin', 
ou  de  même  que,  depuis  Wagner,  l'on  a  vu  l'orchestre 
déplacer  son  centre  de  gravité  en  s'annexant  de  nou- 
veaux instruments  à  vent,  en  leur  prêtant  un  rôle 
de  choix,  et  cela  de  plus  en  plus  au  détriment  des 
cordes.  Aulaut  en  celle  matière  qu'ailleurs,  Metzsche 
nous  gardera  d'estimer  que,  si  une  chose  a  disparu, 
c'est  qu'elle  avait  tort  :  <i  l'idolâtrie  des  faits  »'  a 
toujours  profondément  nui  à  la  compréhension  de 
la  musique  ancienne. 

Rien  ne  permet  de  dire  que  le  piano  ait  remplacé 
le  clavecin.  Le  règne  si  absolu  du  piano  n'a  point  su 
combler  —  on  le  voit  maintenant  —  la  disparition 


1.  Les  pages  de  cet  article  ont  été  rédigées  en  très  grande  partie 
grâce  aux  documents  communiqués  par  M""»  Wanda  Lando\v>ka. 

2.  «  On  no  dépasse  pas  l'Oratorio  de  Sort  de  Bach  ;  on  ne  dopasse 
pas  une  petite  picci?  de  Cuupkuin.  Bach  l'a  essayé  dans  ses  Saiten 
fraiyraises  sans  y  arrivei-,  tout  cti  créant  des  beautés  nouvelles,  b 
(W.  L\:si)u\\sKA,  Musigin^  aiicJenne.  VariSf   Seuart,  1921,  pp.  i5-i6.) 

3.  La  Konlaine,  E pitre  a  M.  de  tSiert  (1077)  : 

11  favitvinfçt  clavecins,  cent  violons  porir  plaire 
On  ne  va  plus  cliereher,  au  fonil  «le  quelqties  liois, 
Des  amoureux  berjrers  la  llùte  et  le  hautbois; 
l.i>  tlt'orbc  ehatmaiit  qu'on  ne  voulait  enleinlre 
Que  dans  une  ruelle  avec  une  voix  tendre  .. 

4.  Nietzsche,  Un:ilgenia':sse  Bctrachlunijen,  II. 


du  clavecin.  Les  analogies  avec  d'autres  inslrumeiits 
qui  pouvaient  se  trouver  à  la  base  de  ce  dernier  se 
dessinent  selon  deux  direclions  différentes  :  le  cla- 
vecin, avec  ses  cordes  d'une  part,  avec  ses  jeux  ou 
registres  d'autre  part,  lient  tout  autant  de  l'orgue 
que  du  piano.  Cet  orgue  à  cordes,  auquel  ni  le  piaiin 
ni  l'orgue  ne  se  devaient  pleinement  substituer, 
répondait  à  un  usage  instrumental  vraiment  parti- 
culier. Cet  usage  n'était  donc  pas  appelé  à  se  perdre 
au  profit  de  l'emploi  du  piano  plutôt  que  d'un  autre 
instrument.  On  ne  -voit  d'ailleurs  dans  le  passé 
aucune  marche  inéluctable  du  clavecin  vers  le  piano. 
Les  premiers  instruments  à  cordes  et  à  clavier  par- 
tageaient le  sort  de  beaucoup  d'autres  instruments 
anciens  :  ils  étaient  bien  plutôt  l'œuvre  même  des 
musiciens  qui  en  jouaient;  et,  si  ceux-ci  ne  pouvaient 
pas  toujours  se  faire  leurs  propres  luthiers,  les  fac- 
teurs de  leurs  instruments  ne  semblent  pas  avoir 
cédé  au  désir  d'atteindre  à  un  type  uniforme  et  pré- 
tendu immuable,  tel  notre  piano  moderne;  de  sorte 
que  leurs  instruments,  tout  en  obéissant  à  une- cer- 
taine évolution  générale,  tout  en  appartenant  collec- 
tivementà  telle  ou  telle  famille  aisément  discernable, 
se  distinguaient  encore  les  uns  des  autres  par  de 
petites  différences  de  construction,  par  de  petites 
modifications  où  se  marquait,  sinon  toujours  l'indi- 
vidualité de  chaque  amateur  ou  interprète,  du  moins 
un  vaste  esprit  de  recherche  étendu  à  tout  ce  qui 
était  de  l'ordre  de  la  sonorité,  du  timbre,  de  la 
technique.  Esprit  de  recherche  qu'il  faut  bien  dire 
très  atténué  de  nos  jours,  inconnu  de  la  plupart  des 
maîtres  actuels  du  piano  qui  ignorent  le  mécanisme 
de  leur  instrument  et  demeurent  incapables,  comme 
d'ailleurs  insoucieux,  de  suggérer  la  moindre  amé- 
lioration possible  de  facture.  Or,  s'il  n'est  pas  prouvé 
que  ces  différents  exemplaires  de  clavecins  ou  d'épi- 
nettes  se  soient  ajoutés  les  uns  aux  autres  pour  se 
rapprocher  de  plus  en  plus  du  futur  piaffio,  et  s'il  est 
en  outre  probable  qu'aux  origines  du  piano  aient 
également  présidé  des  instruments  autres  que  le 
clavecin,  nous  ne  devons  considérer  le  piano. que 
comme  une  simple  variété  de  l'espèce  des  instru- 
ments à  cordes  et  à  clavier,  et  non  comme  le  but 
vers  lequel  tous  auraient  tendu.  Variété  au  sort  plus 
heureux,  quoique  peut-être  appelée  elle-même  à 
disparaître,  à  ne  survivre  plus  que  comme  inter- 
prèle de  la  musique  romantique  et  impressionniste. 

HYPOTHÈSES  SUR   LES  ORIGINES 

Sur  les  origines  communes  au  clavecin,  au  clari- 
corde  et  au  piano,  nous  sommes  réduits  à  de  vagues 


i 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   CLAVECIN    2037 


hypotlièses.  Mais  qu'il  s'agisse  de  coiilcs  fi-appées,  de 
cordes  pincées  ou  des  deux  systèmes  combinés  en 
Je  même  instrument,   ne  trouverions-nous  pas  tou- 
jours à  l'origine  de  cette  corde  tendue  sur  une  table 
d'harmonie  la  corde  du  psaltérion  que  l'on  touchait 
à  l'aide  de  la  main,  d'un  plectre  ou  d'une  baguette? 
C'est  (lu  moins  l'hypothèse  qui  nous  est  proposée  en 
l'un  des  plus  anciens  ouvrages  que  nous  ayons  sur 
riiistoire  et  sur  la  facture  des  instruments,  la  Mvsica 
yctutsi.-ht...    de    l'abbé    Virdlt.ng   (publiée  à  Bàle  en 
1511)  :  nous  y  lisons  en  effet  que  le  «  virginal  »,  ou 
l'instrument  nommé  comme  tel  par  Virdi'ng,  a  pu 
naître  du  psaltérion'.  Si  donc  à  l'origine  de  la  corde 
tendue  du  clavecin  et  du  clavicorde  se  décèle  la  corde 
du   psaltérion,    nous     devrons    tenir    compte    des 
diverses  manières  dont  elle  pouvait  être   mise  en 
vibration,   les  unes  annonçant  plus   précisément  le 
clavecin,  les  autres  le   clavicorde.   Les  psaltérions 
conservés  à  Newhaven'-  sont   ou  triangulaires,  ou 
carrés,  ou  incurvés,  ou  de  la  forme  d'une  harpe.  Le 
père  Mkrsenne  prêtait  aux  psaltérions  le  type  unique 
de  triangle  tronqué^.   Type  que  nous  retrouverons 
à  peu  près  identique  sur  cette  enluminure  d'un  ma- 
nuscrit français  de  la  Bibliothèque  nationale  {l'Is- 
tiiire  de  ta  conqueste  du  noble  et  riche  tlioison  d'or, 
ras.   fr.  331),  reproduit  par  M.  André   Pirro  dans 
ses   Clavecinistes'',   et    qui,    selon    déjà  Bottée   de 
TouLMON  (dans  sa  Dissertation  sur  les  instruments  de 
nnlsiqu^'    employés   art    Moyen  âge-'],   représenterait 
«  un  clavecin  »  tout  en  n'étant  «  pas  autre  chose 
qu'un  psaltérion  à  touche  ».  La  ligure  pentagonale 
irrégulière  que  le  clavecin  constitue  normalement  se 
trouve  apparaître  presque  déOnitive  dès  ce  manus- 
crit du  moyen  âge  :  sorte  de  harpe  couchée  horizon- 
talement, à  laquelle  serait  joint  un  clavier.  Cette 
identité  de  forme,  maintenue  à  travers  plusieurs  siè- 
cles entre  certains  psaltérions  et  le  clavecin,  ne  laisse 
pas  que  d'être  troublante  :  si  elle  ne  résout  point  à 
elle  seule  le  problème  des  origines  du  clavecin,  elle 
ne  constitue  pas  moins  une   présomption  en  faveur 
du  rôle  initial  du  psaltérion.  Ajoutons,  en  outre,  que 
le  psaltérion  décrit  par  le  père  Mersenne  comporte 
treize  rangs  de  cordes,  chacun  ayant  deux  cordes  à 
l'unisson  ou  à  l'octave'"',  —  ce  qui  déjà  nous  rapproche 
des  registres  que  l'on  Irouve  dans  le  clavecin. 

Un  autre  instrument  dont  l'action  mérite  d'être 
envisagée  est  le  dulciiner  ou  dulce  melûs,  que  Bottée 
DE  ToL'LMON  hésite  à  assimiler  au  tympanon'';  cet 
instrument  ne  semble  avoir'  rien  eu  de  commun  avec 
le  psaltérion  à  clavier  llguré  sur  le  manuscrit  mé- 
diéval que  signalent  Hottée  de  Toulmon  et  M.  André 
PmRO.  Un  autre  manuscrit  latin  du  xv-  siècle,  pro- 
duit également  par  BorTÉE  de  ToumoN,  ainsi  que  par 
Fétis',  et  qui  traile  conjointement  de  la  construc- 


1.  Aher  ich  glnub  l'itrf  main,  daz  dtiz  virr/maîs  erstmais  oojt  dem 
P^altfrio  erdachi  se//  zi-marjien.  daz  man  nunjfttzund mit  schliisseln 
ifryffut.  rnd.  schlfcht  i'nd  mit  ffdprkilcit  gemacht  int  ii'ie  trot  daz 
s-'lbiii  dock  auch  in  ein  lantji;  fadeil  irirt  vi'rfnssi't,  t/lich  einem 
ctaoiclK'rdio,  so  liât  es  dor-li  rd  ander  eii/en/icliaften,  Di^  aicit  mer 
mit  dem  psaiterio  vert/leiclien,  dann  mit  dem  clavicordio,  Syt  daz 
man  doeli  zu  ietlichetii  scIdUssel  eine  besimderliehe  saiten  muss 
îinben.  Eine  iettichetn  Suite  miiss  aucli  hoher  daim  die  ander  zogen 
sijitd.  Darnmb  aiiclt  ein  Jetliche  faite  lenger  dnnn  dye  ander  muss 
si/n,  Oardiirclt  irirt  dnnn  nnss  dem  abbredien  vud  verkurtsen  der 
saiten,  ijiriclc  als  ein  driani/el  in  der  Laden, 

2.  Cf.  caliilngue  de  Moriss  Steimut  (Xe\\h:iven,  1803). 

3.  Harmonie  universelle,  l.  III,  proposition  \xv,  pp.  173.17n. 

4.  Paris,  Lauren^;  (s.  d.).  collection  Les  Musiciens  célèbres, 

5.  Kilr.  du  X.V!1»  vol.  (les  Mërnoires  de  la  Société  royale  de» anti- 
quaires de  France  (1844) . 

0.  Lococit.,  pp.  173-173. 
7.  toco  cit.,  p.  63. 


lion  des  luths  et  de  la  facture  du  dulre  inrlos,  en 
donne  une  ligure  en  laquelle  notre  auteur  croit  voir 
celle  d'  «  un  piano  »,  c'est-à-dire  d'un  instrument  à 
clavier  qui,  sans  être  proprement  «  im  piano  à  mar- 
teau libre  11,  n'en  illustrerait  pas  moins  «  le  principe 
du  piano  ».  Autrement  dit  :  instrument  à  cordes 
frappées.  Mais,  était-ce  bien  déjà  notre  clavicorde 
auquel  le  même  manuscrit  fait  allusion  en  ces  ter- 
mes :  Etiam  posiet  fieri  clavicordiiim  qnid  sonaret  sicul 
dulce  melos.  Simililer  etiam  posset  fieri  quod  clacicor- 
ttium  sonoret  ut  clavicembalum  cum  simplicibus  coi'dis 
vei  duplicibus^...'! 

Aussi  énigmatique  que  le  dulrimer  est  demeuré 
pour  nous  Véchiquier.  Curl  S.^chs,  dans  l'article 
Echiquier  du  Real  Lexicon  der  Musikinstrumente,  et 
M.  André  PiRRo,  dans  son  volume  sur  \es  Clavecinistes. 
citent  tous  deux  divers  textes  du  xiv^  siècle,  em- 
pruntés pour  la  plupart  à  des  sources  diplomatiques, 
et  où  il  est  question  de  l'échiquier.  Instrument  dont 
le  nom  paraîtra  encore  plus  fréquemment  dans  les 
textes  poétiques  du  xv«  siècle,  mais  sans  que  jamais- 
—  comme  le  remarque  .M.  Pirro  —  une  figure  quel- 
conque en  soit  repioduite'".  Faut-il  voir  en  cet  échi- 
quier un  type  déjà  du  clavecin,  ainsi  que  le  présu- 
merait assez  M.  Pirro  d'après  l'examen  de  deux 
manuscrits  enluminés  de  la  Bibliothèque  nationale, 
et  d'après  ce  mot  du  roi  .lean  d'Aragon  en  1388  que 
Vcxaquier  ressemble  à  l'orgue  bien  qu'il  sonne  avec 
des  cordes  {islrument  semblant  d'orqurns  qui  sone  ab 
cordis),  définition  parfaite  du  clavecin"?  Mais  com- 
ment expliquer  que  sur  un  texte  d'archives  remontant 
à  1311  — etque  cite  toujours  M.  Pirro  — l'cceschic- 
quier  »  soit  distingué  nommément  de  1'  «  espinette  » 
au  même  titre  que  de  l'orgue  et  de  la  «  tlucte'-  »? 

Alors  que  le  psaltérion  revêt  pour  nous  un  typie 
d'instrument  assez,  précis,  qui  ne  semble  pas  devoir 
être  confondu  avec  un  autre,  et  qui  a'a  pu  se  rappro- 
cher du  clavecin  ou  du  clavicorde  que  par  l'adjonc- 
tion d'un  clavier,  nous  nous  trouvons  avec  le  dulci'- 
mer  et  avec  l'échiquier  en  face  d'instruments  très 
mal  décrits,  mais  que  les  témoins  de  l'époque  seai- 
blent  distinguer  encore  l'un  de  l'autre,  et  derrière 
lesquels  ont  pu  se  cacher  les  premiers  exemplaires 
du  clavecin.  Le  dulcimer  et  l'échiquier  furent-ils  la 
double  étape  qui  conduisit  du  psaltérion  au  clavecin 
ou  à  l'épinette,  hypothèse  que  rien  ne  vient  soutenir 
ni  interdire  nettement?  .Nous  demeurons  donc  ici  les 
victimes  d'une  terminologie  assez  llottante  ou  deve- 
nue pour  nous  à  peu  près  obscure.  Comme  le  remarque 
V.\N  DER  Straeten  à  propos  de  l'échiquier,  «  la  con- 
fusion dans  les  dénominations  d'instruments,  au 
moyen  âge,  est  trop  considérable  pour  n'être  point 
un  sujet  d'ér|uivoques  constantes.  Que  d'appellations 
diverses  pour  une  simple  boîte  sonore,  et  que  de 
boites  ou  de  tuyaux  sonores  pour  une  simple  appel- 
lation'^! » 


8.  .\ls.  latin  7^03  de  la  Bibliolllèque  nationale.  —  Cf.  Kk^i<ï,  His- 
toire (l'-nérnle  de  la  miisigite,  t.  V,  p.  301. 

9.  Lu  ddlciiner  demeura  assez  longtemps  en  usage  en  Alll^magnc 
comme  en  Angleterre.  I.e  Musicat  dictionanj  de  James  Grassineac 
iLondres,  174(1)  dit  (jue  l.i  \0|îue  du  dulcimer  tomba  en  Angleterre 
vers  le  commencement  du  xvrij"  siècle  et  que  l'inslmment  no  fut  plus 
(jmployé  que  pour  les  spectacles  de  marionnettes. 

10.  Loco  rit,,  p.  6. 

11.  Loco  cit.,  pp.  tJ-7. 
li.  Ihid. 

i:î.  VANruwSTTtvrTES,  Lu  Mitsiffiie  aux  Pni/S'Iifis.\.  VIII  (Bruxelles, 
18!*o),  pp.  43-44t  — Cf.  sur  r«chiqut(?T.  ibid.,  pp.  i(>.45.  —  Cf.  en  outre, 
sur  t©.U  ce  prot>lêm«de*  origines^  le<ifrl)Ut  de  l'élude  de  Cari  K'rfrs, 
Oie  besaiteten  Klanierinstrnmente  bit  ziim  Anfavff  des  17,  Jttlirhun- 
derts  [Vicrteijahressclirift  fiir  ilm.kirissenscliaft,  féy.  1892). 


2038 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  Ml'SIQfJE  ET  DICTIOXA'AIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Le  monocorde,  l'un  des  insli  uraenls  qui  remontent 
le  plus  haut  dans  l'anliquité,  si'  place  également  à 
l'origine  du  clavicorde.  Servant  d'ordinaire  à  mesu- 
rer la  hauteur  du  son,  tel  le  sonomètre  de  nos  labo- 
ratoires d'acoustique,  le  monocorde  se  composait 
d'une  boîte  sonore  montée  d'une  corde  et  ressem- 
blant —  comme  le  remarque  Hipkins'  —  à  une  harpe 
éolienne.  Il  est  cité  à  deux  reprises  par  Guillaume 
DE  Machault,  d'abord  dans  le  fameux  Poème  sur  lu 
prise  d'Alexandrie  : 

...  monocorde 
Qui  à  tous  insliuments s'accorde, 

« 

puis,  dans  le  Temps  Pastour  ; 

...  monocorde 
Où  il  n'y  a  qu'une  seule  corde''. 

Cette  corde  unique  fut  par  la  suite  doublée,  triplée, 
quadiuplée,  etc.,  de  manière  à  permettre  la  produc- 
tion d'accords  entiers  ^  Comme  dans  le  sonomètre, 
les  diverses  notes  étaient  obtenues  en  déplaçant 
sous  la  môme  corde  un  chevalet  mobile,  afin  de  divi- 
ser celle-ci  selon  des  nombres  fractionnaires  plus  ou 
moins  simples.  Jean  de  Mûris  (celui  de  Paris)  signale 
dans  sa  Mî/sic(i  speculativa  (1323)'  l'existence  d'un 
«  monocorde  »  de  dix-neuf  cordes».  Le  nom  de 
monochordium  donna  celui  de  manichordion  (xv"  siè- 
cle) :  faut-il  voir  là  un  exemple  de  celle  logique 
populaire  qui,  ne  saisissant  plus  le  sens  originel 
d'une  expression  {monochordium),  la  déforme  pour 
rejoindre  ce  qui  tombe  plus  aisément  sous  le  sens 
commun  (mon!  =;  avec  les  mains)»?  11  est  à  noter 
que,  dans  l'ouvrage  de  théorie  musicale  paru  chez 
l'imprimeur  parisien  Gaspard  Pliilipe  sous  le  titre 
de  l'Art,  science  et  pratique  di-  pleine  musique,  le 
monocorde  simple  est  également  désigné  sous  le 
terme  de  manicorde.  Il  est  donc  possible  que  le  mo- 
nocorde sans  clavier,  qui  par  la  suite  devait  prati- 
quement subsister  sous  les  termes  de  trompette 
marine  ou  de  sonomètre,  ait  prêté  son  nom  ou  un 
nom  voisin  [manicordion]  au  clavicorde,  du  fait  que 
les  cordes  de  celui-ci  étaient  divisées  en  même  temps 
que  mises  en  vibration'.  C'est  le  procédé  de  division 
delà  corde,  pareil  en  les  deux  cas,  qui  entraîna  une 
similitude   de  nom.   Mais  remarquons   encore   que 

1.  Introduction  to  the  Catalogue  of  thc  Metropolitan  Muséum  of 
Art  (New-York,  1003). 

2.  Vers  (I6j:'i  riWs  par  Bottée  de  Todi.jion  cl  par  Kastneu  (Parâmio- 
logie  musicale;  Paris,  Brandus),  et  desquels  il  est  curieux  qu'on  n'ait 
pas  rapproché  ceux  de  Marguerite  de  NAVAititE  : 

...  monocorde 

Où  il  n'a  c'une  seule  corde. 

3.  Cf.  l'écrit  de  Simon  To.nstede,  De  (juntuor  principalibus  musi- 
cne  (xiv  siècle),  reproduit  par  Cuossemakeu,  t.  IV  des  Scriptores. 

4.  Cf.  Gkudeut,  Scriptores,  t.  III. 

5.  Il  faut  teuir  compte  avec  Cari  Kfiebs  de  la  réserve  suivante,  ex- 
primée par  VinnuNi;  et  par  C^,llo^E  {El  Mclojieo  y  maestro;  Naplcs, 
1613),  que  le  terme  de  monocorde  a  bien  pu  désigner  non  le  nombre 
de  cordes,  mais  le  rapport  d'unisson  existant  entre  les  cordes.  (Cf.  Cari 
Khebs,  op.  cit.,  pp.  97-98). 

6.  Le  cat.doguc  de  Mahu.i.o»  (t.  V,  n"  3173)  signale  l'existence  d'un 
monocorde  à  clavier  de  construction  moderne.  Il  est  dû  à  un  lutliier 
de  Jleurthe-et.Muselle,  du  nom  de  Puossut,  cl  qui  prit  un  brevel  le 
S  mars  1880  pour  un  instrumenl  de  ce  genre  qui,  selon  lui,  devait 
tenir  lieu  d'harmonium  dans  les  églises.  La  corde  do  cet  instrument 
est  accordée  au  fa  {,)  avec  eirct  réel  à  l'octave  grave;  l'amplitude  de 
ce  monocorde  comprend  deux  octaves  chromatiques  et  deux  liemi-lons. 

7.  Le  clavicorde  n'est  pas  autrement  désigné,  aussi  bien  par  le 
père  Mchsekm:,  qu'au  xvni»  siècle  dans  le  Dictionnaire  de  Trècoux. 
El,  ainsi  que  Kheos  (op.  cit.)  le  remarque  également,  dans  le  Diction- 
naire universel  de  commerce  des  frères  Savary  (nouvelle  édition,  t.  Il, 
Copenhague,  1760,  art.  Faiseurs  d'instrumrns),  le  monocorde  on  trom- 
pette marine  est  nettement  distingué  du  manicordion  qui,  lui,  se 
trouve  cité  à  la  suite  de  l'épinette  et  du  clavecin,  en  place  du  clavi- 
corde. 


dans  le  poénie  didactique  d'Eberliardt  Cersne  de 
Minden,  der  Minne  Reyel  {iiOi),  se  trouvent  désignés 
à  quelques  vers  de  distance  le  schachlbret  (peut-être 
l'échiquier),  le  monocordium ,  puis  le  clavicordium, 
au  même  titre  que  le  psalterium  y  est  distingué  du 
clavicymhatum*.  Il  est  donc,  une  fois  de  plus,  assez 
difficile  d'établir  là  une  ligne  de  partage  quelconque. 
Il  faut  noter  enfin  le  rûle  important  joué  par  le 
pantateon  de  Hebenstbeit,  sorte  de  dulcimer  perfec- 
tionné par  les  soins  mêmes  de  ce  dernier.  Comme  le 
dit  Cari  Engel',  le  dulcimer,  longtemps  en  usage  en 
Allemagne,  était  généralement  de  forme  trapézoïdale 
et  mesurait  deux  pieds  sur  quatre.  Or  l'instrimient 
de  Panlaleon  IIebenstreit  mesurait  le  double  de  lar- 
geur et  de  longueur,  avec  deux  tables  d'harmonie 
face  à  face,  l'une  armée  de  cordes  métalliques,  l'au- 
tre de  boyaux  couverts  de  fils  métalliques.  C'est  en 
entendant  le  jeu  de  Pantaleon  Hebenstreit  que 
Christoph-Gotlieb  Schrœter  eut  l'idée,  au  xvui'  siècle, 
de  construire  une  sorte  de  clavecin  à  marteaux'". 
Ainsi,  comme  le  remarque  Engel,  le  dulcimer,  après 
avoir  pu  engendrer  le  clavecin,  aurait  aidé  à  l'in- 
vention du  piano-forte;  il  se  trouverait  donc  à  l'ori- 
gine de  ces  deux  instruments. 


FACTURE 

IiiNiriiiiients  ù  cordes  pincées. 

Le  clavecin  est  un  instrument  de  forme  longue,  le 
clavier  occupant  l'un  des  côtés  d'une  figure  penta- 
gonale  irrégulière,  assez  semblable  à  une  aile  d'oiseau 
étendue.  L'épinette,  de  dimensions  plus  restreintes, 
plutôt  oblongue,  tiendrait  du  rectangle  ou  du  tra- 
pèze". Tous  deux,  avec  leurs  formes  respectives  et 
avec  certaines  particularités  tecliniques  qui  les  dis- 
tinguent encore  l'un  de  l'autre,  n'en  offient  pas 
moins  de  multiples  analogies  de  facture.  Instru- 
ments à  cordes  pincées  tous  deux,  il  est  logique  i]ue 
leur  construction  s'appuie  sur  les  mêmes  pi  iiicipes. 
Le  père  Mersenne,  dans  son  Harmonie  itnircrselte 
(1636-37),  livre  m  des»  iustrumens  à  cliordes  »,  prend 
comme  point  de  départ  la  facture  de  l'épinetle  com- 
mune, qu'il  complète  ensuite  par  celle  d'une  épinelte 
plus  petite,  et  enfin  de  ce  qu'il  appelle  le  «  double 
clavecin  ».  Les  textes  de  Mersenne  nous  paraissant 
posséder  en  cette  matière  le  plus  d'autorité,  nous 
leur  emprunterons  de  multiples  citations  et  fixerons 
ainsi  quelle  était  au  xvii'  siècle  la  facture  exacte  des 
épinetles  et  clavecins,  tout  en  prenant  plutôt  pour 
base  la  facture  de  ces  derniers. 

Le  père  Mersenne  commence  par  dire  que  n'im- 
porte quel  instrument  est  toujours  <'  divisible  eu 
corps,  table  et  manche  ».  Ici  le  corps  de  l'épinette, 
comme  du  clavecin,  c'est  le  coffre  en  bois.  Il  faut  — 


8.  Vers  408-414, d'aprèslaréédilion  de  Franz  X.  IWiôbeu  et  d'AMuaos 
(Vienne,  1861).  — De  même  beaucoup  plus  tar-d,  dans  une  «les préfaces 
a  son  poème  niacaronique  {.\d  swis  compagnoncs,  qui  sunt  de  persona 
friante.^,  bassas  Dansas  et  Branlas  jiractilantcs,  Paris,  1574),  Anto- 
nius  de  AiiESA  distinguera  l'épinette  simple  de  l'épinette  organisée,  ii\i 
manicordion  et  du  clavicorde. 

9.  Descriptive  catalogue  of  tfie  musical  instruments  in  the  South 
Kensington  .Uuseum  (Londres,  1870). 

10.  Cr  Muicmr.,  Krilisclie  llricfe  ùber  die  Tonkunst,  t.  Il,  n»  139 
(Berlin,  1764l.  —  .Supplément  de  1776  à  V Encgctopédie  de  dAi.em- 
iii;uT,  art.  Pantaleon  ;  ><  Ouelques  uns  appellent /i'i'i/a/on  le  clavcssin 
a  cordes  et  il  marteau  <|ue  les  Ilaliens  et  les  Allemands  appellent 
forte-piano,  k  cause  que  le  son  en  est  susceptible;  probablement  le  j 
nom  de  Pantalon  a  donné  lieu  :\  cette  dénomination,  tout  comme 
l'instrumenl  paraît  avoir  occasionné  le  forte-piano,  » 

11.  Cf.  PnAETOiiios  et  MEllsl:^^•E. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   CLAVECIN    2u39 


écrit  Mkiisemne'  —  "  que  l'ouvrier  ait  esgard  à  deux 
choses  quand  il  fait  les  Iiistrumens,  à  sçavoir  a 
l'harmonie  ou  résonance  de  l'Instrument,  et  à  la 
force  et  solidité,  qui  sont  deux  choses  qui  demandent 
le  bois  contraire  en  qualité,  car  l'harmonie  le 
demande  délié,  et  conséquemment  fragile,  et  sujet 
à  se  démentir,  et  la  solidité  le  demande  épais  et 
grossier,  or  ce  qui  est  grossier  est  lourd.  Et  les 
ouvriers  qui  donnent  beaucoup  de  son  aux  épinettes, 
les  rendent  de  pi'U  de  durée,  de  là  vient  qu'il  y  faut 
perpétuellement  travailler;  et  ceux  qui  les  font  trop 
massives,  les  rendent  sourdes  et  incommodes.  >■  D'où 
l'existence  de  df  ux  barres  de  traverse  et  des  som- 
miers excessivement  duis,  ordinairement  en  bois  de 
hêtre;  enlin  quatre  ais  plus  délicats  en  bois  blanc-'. 
Le  fond  même  des  grandes  épinettes  —  ajoute  Mer- 
senne  —  est  de  sapin 3. 

La  table  d'harmonie  est  de  bois  résineux  :  cyprès, 
cèdre,  sapin,  —  nous  dit  Mersenne,  —  et  de  l'épais- 
seur d'  «  une  ligne  environ  ».  Quand  «  elle  est  bien 
collée  et  appuyée  sur  les  tringles  ou  sommiers,  c'est 
elle  proprement  qui  compose  l'instrument;  car  si 
l'on  tend  des  cliordes  sur  une  table  de  sapin  de  cetle 
espaisseur,  elle  rend  du  son,  encore  qu'il  n'y  ait 
derrière  ou  dessus  nulle  boële,  nul  coffre,  ou  corps 
d'instrumens  [...]  Toutesfois  les  parois  d'alentour  en 
augmentent  le  son,  et  lui  donnent  quelque  qualité, 
en  le  rendant  plus  doux,  plus  aigre,  plus  perçant, 
plus  creux,  ou  plus  sec,  et  mieux  prononçant  qu'il 
ne  seroit  autrement.  »  Du  reste,  les  clavecins  et  épi- 
nettes n'étaient  en  réalité  que  des  caisses  que  l'on 
mettait  dans  d'autres  caisses  :  celles-ci  ayant  des 
pieds  et  servant  de  supports  ainsi  que  de  cadres; 
celles-là  étant  en  rapport  inlime  avec  la  qualité  du 
son  produit.  Les  clavecins  et  les  épinettes  avaient 
leur  table  d'harmonie  percée  d'une  rose  en  ivoire 
ou  en  quelque  métal  noble  et  qui  était  toujours  Ime- 
ment  ciselée,  sorte  de  vaporisateur  sonore  (l'expres- 
sion est  de  Wanda  Landowsra),  qui  permettait  à 
chaque  constructeur  d'y  dessiner  son  monogramme 
particulier^ 

C'est  sur  cetle  table  d'harmonie  que  se  trouvent 
directement  tendues  les  cordes.  Mersenne  écrit  à  ce 
propos  qu'  «  il  faut  que  les  chordes  ayent  la  force 
d'ébranler  la  table  de  l'instrument,  et  l'air  qui  est 
au  derrière,  pour  rendre  du  son;  par  conséquent, 
si  la  table  est  bien  solide,  il  faut  que  la  chorde  soit 
bien  forte  »...  Mais  alors  que,  sur  les  luths,  guitares 
et  violons,  les  cordes  s'étendent  hors  de  la  table  de 
l'inslrument,  le  long  d'une  proéminence  qui  excède 
le  corps  de  celui-ci  et  qui  est  le  manche,  <<  l'épinette 
semble  manquer  de  manche;  sa  figure  était  toute 
d'une  venue  et  uniforme,  et  n'ayant  aucune  proémi- 
nence, néantmoins  si  nous  considérons  l'usage  du 
manche,  nous  treuverons  que  le  sommier  qui  reçoit 
les  chevilles  fait  le  mesrae  office  que  la  queue  du 
manche  fait  au  luth;  et  les  clavecins  ont  une  queue 
quasi  toule  semblable;  finalement  ledit  sommier  a 
•deu  eslre  un  manche  conlinu  et  uniforme  à  la  table, 
à  raison  de  la  multitude  des  chordes  '  ». 


1.  O/t.  cil.,  liv.  m,  |j.  101. 

2.  /bid.,  p.  102. 

3.  L'Enri/cloiiédie  de  d'ALEMBERT,  kVari.Ctauecinit.  III,  1753),  ajoute 
\e  détail  suivant  :  les  côtés  de  la  caisse  du  cla\'ecin.  nommés  cclUses, 
sont  ordinairement  de  tilleul  et  assemblés  k-s  uns  avec  les  autres  »  en 
peigne  et  en  queue  d'aronde  ".  Le  même  article  parle  de  sommiers  eu 
chône  et  de  près  de  trois  pouces  d'épaisseur. 

4.  Les  plus  belles  <■  roses  o  se  trouvaient  sur  les  cla\  ceins  de  prove- 
nance vénitienne. 

5.  lijid.,  p.  103. 


Du  temps  du  père  Mersenne,  on  usait  df;  sept  à  huit 
grosseurs  de  cordes.  Sur  les  quarante-neuf  cordes 
de  l'épinette  commune,  les  trente  plus  grosses  étaient 
de  laiton,  les  dix-neuf  autres  d'acier  ou  de  fer  :  on 
pouvait  aussi  mettre  —  remarque  notre  auteur  — 
des  »  chordes  de  boyau,  de  soye,  d'or  et  d'argent"  »... 
Sur  les  clavecins  où,  à  la  même  touche,  répondent 
plusieurs  cordes,  celle  qui  correspond  «  aux  seize 
pieds  »,  c'est-à-dire  à  l'octave  inférieure  de  la  note, 
est  plus  épaisse  et  filée;  tandis  que  la  corde  qui 
correspond  aux  «  quatre  pieds  »,  c'est-à-dire  à  l'oc- 
tave supérieure,  est  courte  et  plus  fine.  Ces  diverses 
cordes  s'entortillent  autour  de  plusieurs  rangs  dis- 
tincts de  chevilles. 

L'élément  actif  du  clavecin  et  de  l'épinette  est  le 
sautereau  (en  allemand  :  Holzclockf).  Comme  son 
nom  l'indique,  c'est  une  petite  règle  de  bois,  plus 
rarement  de  métal",  qui,  par  le  mouvement  de  la 
touche  faisant  bascule,  saule  et  vient  ainsi  brusque- 
ment pincer  la  corde.  Au  repos,  le  sautereau  est  posé 
par  son  extrémité  inférieure  sur  l'un  des  bords  de 
la  touche,  perpendiculairement  à  celle-ci;  son  extré- 
mité supérieure,  traversée,  à  la  hauteur  d'une  petite 
entaille,  soit  d'une  plume  de  corbeau,  soit  d'une 
languette  de  cuir  ou  de  métal,  vient  passer  assez 
près  de  la  corde  pour  que  la  plume  ou  la  languette 
heurte  celle-ci*.  Lorsque  le  sautereau  retombe, 
grâce  à  la  pression  de  la  corde  et  à  un  petit  ressort 
(en  soie  de  sanglier),  languette  et  plume  (lécliissent 
et  se  replient  sur  le  sautereau.  Au  repos,  ces  saute- 
reaux  sont  logés  dans  des  «  petits  trous  »,  écrit  le 
père  Mersenne,  (c  dont  on  perce  une  règle  de  bois 
qui  s'appelle  mortaise  ».  Les  mortaises  ne  sont  autre 
chose  que  des  rails  mobiles  et  que  viennent  déplacer 
des  tirasses,  des  genouillères,  des  pédales,  à  moins 
qu'ils  ne  soient  en  liaison  même  avec  le  retrait  ou 
l'avancement  du  clavier,  dispositif  dont  nous  expli- 
querons plus  loin  l'usage.  Toujours  selon  Mersenne, 
>i  chaque  sautereau  a  deux  morceaux  d'escarlate  ou 
d'autre  drap,  afin  d'étoulfer  et  d'amortir  le  son  »... 
Ce  drap  amortisseur  est  placé  tout  à  l'extrémité 
supérieure  du  sautereau,  de  sorte  que,  dans  le  saut 
de  celui-ci,  le  drap  touche  par  deux  fois  la  corde, 
d'abord  en  montant,  puis  en  redescendant,  lorsque 
la  corde  est  en  vibration  et  afin  d'en  étou.''er  le  son. 
Une  baire  horizontale,  doublée  de  laine  et  placée 
au-dessus  des  rangs  de  sautereaux,  permet  d'amor- 
tir le  bruit  de  ceux-ci'. 

Le  clavier  est,  comme  au  piano,  l'ensemble  des 
touches.  Son  étendue  est  assez  variable.  Le  père 
.Mersenne  donne  la  moyenne,  pour  les  clavecins  et 
les  grandes  épinettes,  de  quaiante-neuf //ia/'c/tes  ou 
touches,  dont  vingt-neuf  <i  principales  »  et  vingt 
«  feintes  ■> ,  et  de  trente  et  une  touclies  pour  les 
petites  épinettes'".  Les  octaves,  d'ordinaire  au  nom- 


C.  Ibid.,  pp.  103-04, 

7.  L'emploi  de  métal  permettait  de  résister  plus  à  l'iiumidité  :  l'essai 
en  fut  fait  dans  le  clavecin  dit  brisé  et  servant  pour  le  voyage. 

8.  .1  Les  plumes  les  plus  estimées  étaient  celles  de  corbeau  ;  les  becs 
se  taillaient  dans  la  partie  qui  occupe  le  bas  de  la  tige,  inunediate- 
mcnt  au-dessus  du  tube  corné.  On  n'utilisait  guère  que  deuv  ou  trois 
centimètres  de  la  tige;  au  delà,  elle  perdait  ses  qualités.  »  {MAHii.i.oN, 
t.  Il,  Uand,  i'M*,  2"  éd.,  n"  630).  Jakob  Adi.ong  dit  avoir  employé,  mais 
assez  vainement,  des  baleines  ou  des  plumes  d'autrucUe  et  leur  avoir 
préféré  la  plume  de  corbeau  graissée  avec  de  l'buile  d' aVi\ c  {.Vusica 
mccltanica  organ/ndi,  i"  vol.,  p.  512;  Berlin,  Bernstiel.  i7i,S).  L'em- 
ploi du  buffle  figure  parmi  les  caractéristiques  des  instruments  de  Pas- 
cal T,vsKiN  (voir  plus  loin). 

9.  Cf.  VEncycîopédie  de  1753,  art.  Clavecin, 

10.  II  faut  remarquer  que  dans  beaucoup  de  clavecins,  h  l'inverse  de 
nos  pianos,  les  touclies  diatoniques  étaient  noires  et  les  touches  chro- 


8640 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


bre  de  quatre  on  cinq,  n  étaient  pas  tontes  égales. 
Il  existait  ce  que  l'on  appelait  Voctave  courte,  procédé 
qui  permettait  d'épargner  la  place  sur  un  clavier,  en 
rétrécissant  la  première  octave  grave  d'un  certain 
nombre  de  notes,  par  exemple  de  quatre  sur  douze. 
Ainsi,  dans  une  épinette  fabriquée  à  Paris  en  1709,  et 
qui  est  signalée  au  n"  1582  au  catalogue  de  Mahillon', 
la  première  touche  du  grave,  à  gauche  iinniédiate- 
ment  de  Wit,,  donne  un  soly  qui  esta  la  quarte  infé- 
rieure de  cet  uti,  tout  en  paraissant  n'être  qu'un  si,. 
Ou  bien,  dans  d'autres  instruments,  les  cinq  premières 
touches  étaient  apparemment  mi,  fa,  fa^,  sol,  sol;:;, 
—  alors  que  le  7?n' n'était  en  réalilé  qu'un  i(<et  que  les 
deux  touches  faussement  chromatiques  donnaient 
?'^et  mi,  de  sorte  qu'on  avait  la  disposition  suivante  : 

Ré       m       Si\,  (Vif 

m  Fa        Sol        La        Si  lll        Ré,  olc^. 

Ou  bien  encore,  on  pouvait  trouver  ceci  : 

Ul         Hé         Si  I, 
Mi  Fa         Sol         La         Si  Ul.  etc. 

Toutes  ces  dispositions  d'octave  courte  s'expliquent 
si  l'on  songe  que,  jadis,  on  modulait  peu  à  des  tons 
très  éloignés,  et  qu'ut  Jt,  ré  if,  fa  if  etso/Jt  étaient  rare- 
ment employés  comme  notes  fondamentales  ;  cer- 
taines de  ces  notes  pouvaient  donc  être  supprimées. 
Plus  lard,  lorsqu'on  fut  obligé  de  réintroduire  un 
/'c5  et  un  so/g,  on  coupa  par  moilié  les  ré  et  m/  pla- 
cés en  guise  de  touches  chromatiques,  la  moitié 
supérieure  donnant  /'a#  et  sol  S,  la  moitié  inférieure 
continuant  de  produire?'^  et  mi  : 

Fai        Sol  if 
Re  m       Sip 

Mi  Fa        Sol        La        Si,  etc. 

C'est  ce  qu'on  appela  au  xvn"  siècle  l'octave  brisée^. 
Mais  il  ne  faudrait  pas  confondre  ce  système  de  deux 
touches  sectionnées  dans  la  pi'eniière  oclave  grave 
avec  un  autre  procédé  qui,  ne  tenant  point  compte  du 
tempCrament  énnl,  essaye  de  produire,  par  exemple, 
le  )•«  #  séparément  du  mi  p.  Ainsi  le  clavecin  n"  1603 
du  catalogue  de  Mahillon,  et  qui  fut  fabriqué  en 
Corse  en  1619,  comporte,  d'une  part,  une  première 
octave  courte  et  brisée  et,  d'autre  part,  au  cours  des 
deux  octaves  qui  suivent,  deux  touches  noires  divi- 
sées chacune  en  deux  parties  pour  être  accordées 
enharmoniquement  à  ré  if  et  mib,  ainsi  qu'à  sol  if  et 
/ail*.  Deux  procédés  distincts,  quoique  réunis  parfois 
dans  le  même  instrument,  et  qui  —  comme  nous  le 
venons  —  ont  eu  cependant  ceci  de  commun  qu'ils 
tentaient  de  pallier  certaines  difficultés  du  tempé- 
rament égal  ■. 

Le  ravalciiicnt  était  une  opération,  fréquente  au 
cours  du  xviii^  siècle,  qui  consistait, au  contraire  de 
l'octave  courte,  à  agrandir  l'étendue  d'un  clavier. 


m.itiqiies  étaient  blanclies.  (Cf.  le  clavier  figuré  dans  la  niélliode  de 
SAiKT-LAMiii,iir,  les  J'rincipes  du  clavecin,  Paris,  170:;,  p.  G.) 

1.  Tome  II!  (Gand.  iOOU). 

2.  De  même  dans  l'instrument  du  musée  de  Bruxelles  eitô  plus 
haut,  l'on  devait  avoir  : 

/.a        Si  FaH 

.Sol  Ut        Ru        Mi  Fa        .Sol.  eti-. 

3.  Cf.  le  ppécieu»  riitalogue.  élaboré  par  M.  (leorp  Kr«siiv  et  nu- 
quel  Tious  aurons  souvont  recours,  du  .\faail{historisclii'S  Mitsfvm 
de  Wilholra  Hem:h  i  Cologne  (Cologne,  HllO  ;  t.  I,  p.  20  et  pp.  34-3:i). 
L'admiraldecolIccUon  mémo  de  c*'  musée  vient  d'être  dispersée  (10à7). 

4.  MAHULon,  op.  cit..  t.  m  (Oanil.  1900). 

ii.  Les  clavecins  et  les  clavicordes  n'étaient  d'ailleurs  pas  l«s  seuls 
instruments  à  clavier  qui  continssent  une  octave  rowff.  Les  régales 
par  exemple  pouvaient  oS'rir  la  même  particularité.  (Cf.  Kinskv, 
0/).  ci/.,  pp.  .132-3,  n»31(l;  p.  a3ti,  n"  »12.) 


Beaucoup  de  clavecins  anciens  ne  nous  sont  parve- 
nus qu'après  avoir  ainsi  subi  cette  transformation, 
l'el  instrument  qui  avait  eu  une  étendue  primitive 
de  quatre  octaves,  dont  une  courte,  comportait  dés 
lors  quatre  octaves  complètes  et  une  quarte  ou  une 
quinte  en  plus"^. 

La  position  du  clavier  à  l'égard  du  reste  de  l'ins- 
Irnment  olfrait  quelque  importance.  Ainsi  que  le 
remarque  le  père  Mersenne',  le  clavier  d'alors  se 
trouvait  «  à  l'une  des  extrémités  du  clavecin  »,  tan- 
dis qu'il  se  plaçait  au  milieu  des  épinetles  et  des 
manichordions  (ou  clavicordes),  comme  encastré 
dans  un  coli're  rectangulaire  qui  le  venait  déborder 
à  gauche  et  à  droite,  ou  d'iu)  côté  seulement.  De 
plus,  les  clavecins  pouvaient  avoir  double  et  même 
triple  clavier.  C'est  à  un  facteur  flamand,  Hans  Ruo 
iLERS  le  Vieux,  que  Hl'llmandel,  ainsi  que  d'autres, 
attribuait  d'avoir  fait  «  à  l'iniitation  de  l'orgue  un 
second  rang  de  touches"  ».  Les  trois  plus  anciens  ins- 
truments connus  qui  soient,  en  elî'et,  l'œuvre  de  cet 
Hans  HucKEHS  ont  deux  claviers;  ils  datent  tous  trois 
de  lo9U'.  Mais  des  recherches  d'archives  ont  permis 
de  découvrir  l'existence  antérieure  (vers  i;>30  notam- 
ment) de  vin/itials  à  deux  claviers;  enfin,  la  collec- 
tion Heyeh  renferme  un  cluvici/therium  italien  à 
double  clavier  (ou  spinetta  verticale  a  due  tasiiere), 
du  début  du  xvi=  siècle'".  Certaines  épiiieltes  com- 
portaient aussi  deux  claviers  :  il  en  existe  une  au 
Kiiksmiiseum  d'Amsterdam;  elle  date  de  1640  et  est 
due  à  Jean  Couchet,  le  facteur  anversois"  ;  une  autre, 
de  fabrication  italienne  et  de  la  première  moitié  du 
xviii«  siècle,  appartient  à  la  collection  Heveb'-. 
Quant  aux  clavecins  à  trois  claviers,  le  père  Mer^ennk 
se  borne  à  en  noter  simplement  l'existence'^;  le 
Metropolitan  Muséum  de  New-Vork  en  contient  un, 
aux  armes  de  Florence,  mais  d'une  authenticité 
assez  douteuse' ^ 

Touchant  encore  ces  questions  de  clavier  ainsi  que 
de  ravalement,  nous  signalerons  le  cas  d'un  clave- 
cin à  double  clavier,  construit  à  Florence  en  1683, 
et  qui,  an  xviii'  siècle,  fut  mis  en  ravalement,  c'est- 


6.  Mamiluon,  ibid.,  t.  IV,  n"»  29-li  et  2'.)34.  —  Cf.  aussi  Kinskv, 
np  cil,  w'  74,  81,  86,  etc.  —  Hoi.t.MANDEL  cite  parmi  les  auteurs  de 
ces  ravalements  le  facteur  Bunchft  qui,  en  France,  «  refît  des  cla- 
viers a  un  grand  nomlire  de  clavecins  des  Ruckeus,  auxquels  il  ajouta 
quatre  notes  gi-aves  et  autant  d'aigucs  »  [Encyclopè'lie  inctho'tiguf. 
Masigue,  publiée  parMM.  Fbamehv  et  Gingdene,  1. 1,  Paris,  l'auckoucke, 
1791).  Pascal  Taskin,  l'élève  de  Bi.a^îchet,  fut  également  l'auteur  de 
nombreuses  mises  <i  à  ravalement  u  et  «  à  grand  ravalement  »  (lors- 
qu'il s'agissait  d'atteindre  une  étendue  de  cinq  octaves)  :  cf.  l'étude  de 
Ci-ossua  ikins  les  San]mi_'tb.  d.  1.  M.  t?.,  janv.  1911. 

7.  Loco  cit.,  p.  107. 

8.  Loco  cit.  — ■  M.  EoNFST  C.i.ossuN  Irouvo  cette  *<  attribution  d'au- 
tant plus  plausible  que  le  maître  s'employait  également  à  la  facture 
de  l'orgue,  auquel  les  registres  du  clavecin  sont  êvidcrameut  em- 
pruntés »  (Biographie  nationale  (de  Belgique],  t.  W,  art.  RcckEus). 

9.  Cf.  GnovE.  Dictianari/,  vol.  IV  (Londres,  1908),  art.  Bdckcrs. 
p.  18.S.  DeuR  do  ces  exemplaires  sont  au  Conservatoire  de  Paris  ot 
au  cliàteau  de  Pau  ;  celui  de  Paris  a  eu  son  clavier  agrandi  par  Blan- 

CHET. 

10.  KtNSKV,  Loco  cit..  pp.  81-87. 

11.  Heitscltrifl  d.  I.  M.  G..  \"  année,  p.  30. 
13.  Ihid.,  pp.  74-7li. 

13.  MF,RSE^^E,  ihid.,  p.  112.  —  ftLvRPUlui  cite  une  lettl'c  d'un  Stras- 
bourgeois.  Matbias  Ivocu,  qui  présente  un  clavecin  à  trois  claviers- 
tloot  le  claviers  inférieur  sert  à  préluder  et  à  accompagner,  celui  du 
milieu  â  <■  concerter  »  et  à  jouer  en  sulo  ;  le  clavier  supérieur  est  un 
écho  \"  lias  unterste  zum  Prùlutliren  u,  Accompagniren,  das  mit- 
teUie  rthee  zu  Cancerten,  Soins,  etc..  t/ehraacht  leaeden  kann.  Das 
oberste  enthùlt  em  Eclw  p).  Cet  instrument  possède  trois  jeux  de 
!S'  et  un  de  4',  un  simple  ou  double  jeu  de  luth  ;  d'oii  quinze  combinai- 
sons poi^aibles.  (Cf.  Maiu'ur(;,  Historich-Kriti.schen  Hetjtrdge,  III.  4; 
Berlin,  I7.i7,  p.  367). 

14.  Selon  Wanda  Lanhoxvska.  —  La  collection  Hfver  renferme  un 
clavecin  à  3  claviers  de  fabrication  moderne  (1909);  il  est  dû  à 
Seyffarth,  de  Leipzig.  {CL  Kinskv,  ibid.,  pp.  112-114.} 


TECIINIQI'E.  ESTIlÈTIQi'E  ET  PÉDAGOGIE 


LE   CLAVECIN    204i 


à-ilirt!  :  eut  les  oclavcs  de  l'iiii  de  ses  claviers  coin- 
|)l(Hées  par  les  louches  de  l'autre,  celui-ci  étant 
transféré  stir  le  plan  du  piTinier.  Cet  instrument, 
appailonanl  à  la  collection  HKvrn  ,  a  été  rétabli 
depuis  lors  dans  son  état  primitif'.  De  telles  dépra- 
dations  —  auxquelles  nous  devons  la  perte  de  très 
précieux  instruments  —  se  taisaient  en  outre  dans 
un  sens  inverse;  ainsi  Van  ueu  Stiiaetex  cile  la  plainle 
suivante  d'un  théoricien  du  xviu°  siècle,  OrinuN  Van 
liLANKENHUROH,  auteur  d'une  Eleiiienla  munira  (La 
Haye,  1739)  :  «  ...  Les  clavecins  (qui  pendant  la  vie 
du  facteur  [Uugkers]  se  vendaient  vingt  livres  lla- 
mandes,  les  petites  queues  douze  livres  et  les  carrés 
six  livres)  sont  devenus  d'un  prix  si  élevé  que  cer- 
tains entrepreneurs,  pour  tromper  le  public,  ont  fait 
avec  les  petites  queues  qui  n'avaient  qu'un  clavier, 
deux  registres  et  quarante-cinq  touches,  des  instru- 
ments à  deux  claviers,  avec  quatre  registres  com- 
plets f...l  On  les  nomme  alors  des  clavecins  de  Hl- 
CKERs  à  deux  claviers.  .Mais  c'est  un  abus,  car  ce  n'est 
là  qu'un  instrument  forcé,  dont  le  son  sera  peut-être 
agréable,  mais  faible  2.  » 

Le  grave  problème  d'alors,  celui  du  tcinpéramenl 
vijal,  qui  devait  tant  passionner  les  théoriciens,  les 
physiciens  et  les  luthiers,  ne  laissa  naturellement 
pas  que  de  beaucoup  préoccuper  les  clavecinistes. 
En  le  Clavecin  bien  tcmpi'ré  de  J.-S.  Bach  retentit  en- 
core un  dernier  écho  de  discussions  que  cette  œuvre 
a,  en  quelque  sorte,  closes  par  son  autorité  même  : 
nous  pourrions  presque  nous  demander  si  Bach 
n'avait  pas  glissé  quelque  ironie  en  ce  titre  si  lourd 
de  problèmes.  Mais,  du  temps  de  Zarli.no,  la  question 
du  tempérament  se  posait  moins  pour  aboutir  à  une 
division  de  chaque  ton  en  deux  demi-tons  stricte- 
ment égaux  que  pour  rechercher  a  rendre  sensible 
sur  un  clavier  la  diflérence,  par  exemple,  d'un  ré; 
et  d'un  mi  h.  H  y  a  donc  deux  aspects  op[iosés  du 
problème. 

Tout  d'abord,  on  veut  traduire  cette  non-équiva- 
lence du  ré  Si  et  du  )ni[i,  —  et  parla  même  faire  que 
l'instrument  à  clavier  ne  soit  pas  en  désaccord  avec 
l'instrument  à  archet  lorsqu'ils  jouent  tous  deuï 
ensemble,  bref  remédier  à  la  fausseté  du  genre  que 
sera  la  future  sonate  pour  piano  et  violon.  Zarlino 
écrit  dans  ses  Istituzioni  harmoniche  (luS8)  qu'il  fit 
construire  à  Venise  en  134-8  par  Dominico  (de  Pesaro) 
un  Gravecembalo,  ou,  non  seulement,  les  secondes 
majeures,  mais  aussi  les  secondes  mineures  étaient 
partagées  en  deux;  de  sorte  que,  sur  deux  octaves, 
les  touches  diatoniques  et  les  touches  chromatiques 
étaient  toutes  coupées  en  deux,  alîn  que  chaque  ton 
entier  fiU  divisé  en  quatre'.  Zarlino  allait  donc  au 
delà  même  de  la  question,  alors  que  Praetoruis,  dans 
son  De  Organoi/raphia  (1619),  parle  d'un  Clavicyniba- 
liim  wiiversale  seu  perfectum  que  possédait  un  orga- 
niste de  Prague,  et  qui  aurait  été  construit  à  Vienne 
vers  1.Ï90,  avec  tous  les  demi-tons»  brisés  »,  —  soit 
soixante-dix-sept  touches  pour  quatre  octaves  '•.  Dans 
le  même  sens  que  Zarlino,  l'abbé  Mcola  Vuîentino  se 
serait  fait  construire  à  Venise  un  arcicembalo  ainsi 


1.    KiN*K\,  o/*.  Cit..  pp.  04  cl  'J7. 

^1,   Vandeu  .SrR\ErEi\,  loco.  cit.,  t.  I,  p.  65. 

'4.  Istituzioni  harmoniche  ^Venise,  1558.  in.fol,),  1.  II,  cUap.  47, 
pp.  163-4.  Cf.  aussi  Van  der  Sthaeten,  La  Musique  aux  Pays-ll(i,-i.  t.  I. 
|>.  286.  —  On  voit  que  Zari.in»,  précède  'le  quatre  siècles  les  recher- 
ches actuellement  en  coups  dans  les  jeunes  écoles  tchèque  et  russe 
afin  de  réaliser  la  division  eiacte  du  ton  en  quarts  de  ton. 

4.  Organ'Hjraphia,  chap.  XL,  —  cit.  par  Kinsk\,  op.  cit.,  t.  I.  p.  4i!7. 

5.  L'Antica  niusica  et  ridotta  alla  moderna  pratica,..  (Korae,  iSoa  i 
et  De^ci-izioiie  delV  arcioriiano  (Venise,  15C1.) 


qu'un  ai-ciorijanu  produisant  les  cinquièmes  de  ton  '. 
Plus  modeste  est  le  cembalo  de  1683,  dit  au  facteur 
tiirolamo  Zknti  et  que  renfeimait  la  collection  Hkyer  : 
six  touches  seulement  (un  fai,  trois  sol  if  et  deux  rcit) 
s'y  trouvent  i<  brisés"  ».  Mais  le  plus  bel  instrument 
enharmonique  qui  nous  reste  est  au  Liceo  musicale 
(le  Hologne.  11  remonte  au  xvi'^  siècle  et  est  l'œuvre 
du  Vénitien  Alessandro  TRASUNTmo.  Orné  de  trois 
roses,  le  claiymiisiciim  oiiinitnnnm  moihdis  tlintonicis 
crumaticis  cnharinonis  ou  archicembalo  porte  la  trace 
de  cent  vingt-quatre  chevilles  et  d'un  même  nombre 
de  sautereaux;  ses  touches  sont  sur  quatre  rangs. 
Chacune  des  quatre  octaves  se  trouve  divisée  en  trente 
et  un  intervalles.  11  est  accompagné  d'un  monocorde 
[Irectacordo)  pour  permettre  de  l'accorder''. 

\  rencontre  de  ces  tentatives  isolées  et  un  peu 
monstrueuses,  où  l'abstraction  des  recherches  ma- 
thématiques l'emportait  trop  sensiblement  sur  le 
caractère  pratique  et  purement  musical  des  résul- 
tats, se  rangent  toutes  les  méthodes  dont  on  usa 
pour  atteindre,  par  un  accord  rationnel,  à  ce  tcm- 
pt-vament  égal,  faussement  éf;al,  —  dirions-nous  plu- 
tôt, —  où  les  /a;  et  les  .si;  se  confondent  respective- 
ment avec  les  si  ,  et  les  m(  naturels.  Brièvement,  nous 
rappellerons  d'abord  ici  quel  est  le  principe  du  tem- 
pérament :  si  nous  prenons  la  succession  des  quintes 
strictement  Justes  ul,  sol,  ré,  la,  mi, si,  faif,  (/o#,soJ#, 
etc.,  nous  aboutissons  au  .vig;  or,  pour  que  ce  st'it 
se  confonde  avec  un  lit,  il  nous  faut  nécessairement 
diminuer  d'un  peu  chacune  des  quintes,  —  à  moins 
que  nous  n'altérions  les  octaves,  ce  qui  paraîtrait 
inlolérable  à  nos  oreilles;  de  même,  si  nous  prenons 
la  suite  des  tierces  strictement  majeures,  nous  avons 
ul,  mi,  sol  if,  sii;  or  ce  dernier  sijf  est  différent,  non 
seulement  de  \'ut  naturel  (un  peu  au-dessous  duquel 
il  se  trouvera),  mais  aussi  du  premier  si;,  produit  de 
la  succession  des  quintes;  d'où  nécessité,  pour  que 
ce  sî#  se  confonde  comme  le  premier  avec  \'ut  na- 
turel et  pour  que  le  solU  (ou  lal->)  soit  à  deux  tons  de 
Vut,  d'augmenter  en  général  toutes  les  tierces;  il 
faudra  donc  en  conclusion  diminuer  chaque  quinte 
d'environ  1/876'^etaugmenter  chaque  tierce  majeure 
d'environ  1/100<".  Opération  à  laquelle  il  sera  d'ail- 
leurs difllcile  de  ne  donner  point  un  caractère  em- 
pirique. «  Or  le  secret  du  tempérament  —  écrit  le 
père  Mersknne  —  consiste  à  scavoir  quelles  conso- 
nances l'on  doit  tenir  justes,  fortes  ou  faibles,  afin 
de  tempérer  tout  le  Système,  ou  le  Clavier  :  c'est 
pourquoy  chaque  note,  ou  chaque  son  qu'il  faudra 
fortitier,  ou  diminuer,  on  tenir  juste,  auia  pour  mar- 
que l'une  de  ces  trois  dictions,  fort,  iusie  ou  faible".  » 
D'où  une  méthode  d'accord  de  l'épinette  que  nous 
propose  le  père  Mersenne  :  "  Preniièremeut  il  faut 
commencer  à  la  première  touche  ou  chorde  delà 
seconde  octave,  accorder  les  dix  ou  douze  chordes 
qui  suivent  en  montant  de  quinte  en  quinte  :  de 
sorte  que  l'on  approche  le  plus  prés  de  la  juste 
(juintu  qu'il  sera  possible  pour  treuver  les  autres 
accords.  Puis  il  faut  tellement  diviser  les  quintes  en 
tierces  majeures  et  mineures ,  que  les  maieures 
soienl  un  peu  alToiblies,  et  les  mineures  un  peu  plus 
fortes   que  ne  désire  leur  iuslesse  :   et  ces  dix  ou 


6.  Cf.  KiNSKV.   (6f(/.,  p.   '.'a. 

7.  HsctL,  op.  cit.,  pp.  377-8. 

8.  Lire  â  ce  sujet  icxci^llent  chapiire  quo  u'At.i'iMtEUr  n  consacré 
au  tempérament  dans  ses  Ktémen.i  de  musique  (chap.  vu).  —  On  verra 
que  le  père  Mersennk  propose  plutcrt  que  l'on  diminue  les  tierces 
fiiajeures  et  augmente  les  tierces  mineures,  —  ce  qui,  datis  i'ensemblc 
du  système,  revient  au  même. 

9.  Loco  cit.,  p.  105. 


2042 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


douze  louches  estant  d'accord  l'on  doit  mellre  les 
autres  à  leurs  octaves'.  «  Rameau  et,  à  sa  suite,  d'A- 
LEunERT,  réagirent  contre  l'habitude  qu'on  avait  à 
leur  époque  d'alfaiblir  plutôt  les  quatre  premières 
quintes  (sol,  ré,  la,  mi)  pour  pouvoir  former  une 
tierce  vl  mi  absolument  juste,  d'alfaiblir  moins  que 
les  précédentes  les  quatre  autres  quintes  (si,  fait, 
ut»,  sol»)  pour  n'aboutir  qu'à  une  tierce  à  peu  près 
juste  mi  sol»,  et  ainsi  de  suite  =.  D'où  l'inégalité 
des  différentes  échelles  diatoniques  (l'une  ayant 
une  quinte  plus  juste  que  celle  de  l'autre,  etc.),  à 
quoi  Hameau  et  d'Alembert  voulurent  remédier  :  n  On 
doit  être  convaincu  que,  suivant  l'intention  de  la 
nature,  l'échelle  diatonique  doit  être  parfaitement  la 
même  dans  tous  les  modes;  l'opinion  contraire,  dit 
M.  IUmeau,  est  un  préjugé  de  musicien'.  »  Un  nouvel 
avantage  du  système  d'accord  préconisé  par  Rameau 
et  d'Alembert  était  de  se  conformer  à  celui  que  pra- 
tiquent les  violonistes,  ceux-ci  préférant  »  la  jus- 
tesse des  quintes  et  des  quartes  à  celle  des  tierces 
et  des  sixtes^  »...  Procédé  d'ailleurs  infiniment  ré- 
pandu depuis  presque  toujours,  l'accord  par  quintes 
n'a  pas  laissé  que  de  revêtir  dans  l'histoire  une  sorte 
de  caractère  sacré  et  magique.  Mais  —  comme  le 
remarque  M.  Mahillon  —  les  lacunes  de  Voctave 
courte  pouvaient  aussi  aider  à  la  réalisation  parfaite 
d'un  tempérament  :  «  C'est  sur  les  notes  supprimées 
que  les  accordeurs  rejetaient  toutes  les  imperfec- 
tions du  système"...  »  L'augmentation  du  nombre 
de  notes  sur  toute  l'étendue  du  clavier  ne  lit  donc 
que  rendre  plus  délicat  le  problème  du  tempéra- 
ment. 

Maintenant  intervient  l'analyse  d'un  des  procédés 
qui  particularisèrent  le  plus  le  jeu  du  clavecin  :  soit 
l'usage  des  registres  et  des  combinaisons.  Si  l'on  ap- 
pelle nuances  «  dynamiques  »  celles  qui  consistent 
en  l'accroissement  ou  en  la  diminution,  soit  brusque, 
soit  progressive,  de  la  sonorité  des  notes,  afin  d'at- 
teindre ainsi  à  une  certaine  diversité  d'expression, 
il  ne  serait  pas  juste  de  dire  que  le  clavecin  n'y  prête 
nullement,  mais  il  faudrait  cependant  reconnaître 
qu'il  n'y  prête  que  d'une  façon  limitée,  et  qui  est  la 
sienne  propre.  L'action  du  sautereau  sur  la  corde 
qu'il  vient  pincer  conserve,  sans  doute,  quelque  chose 
d'autonome  à  quoi  la  manière  même  d'enfoncer  les 
touches  n'ajouterait  guère.  Et  pourtant,  dans  son  Art 
de  toucher  le  clavecin  (1717),  François  Coupebin  parle 
d'une  dureté  de  jeu  à  laquelle  il  faut  remédier  par 
une  «  douceur  du  toucher  ».  Et  de  même,  Rameau, 
dans  la  méthode  qui  précède  ses  Pièces  de  clavessin 
(1724),  écrit  qu'  «  il  faut  que  les  doigts  tombent  sur 
les  touches,  et  non  pas  qu'ils  les  frappent  »...  Il  y  a 
là  déjà  la  preuve  que  les  maîtres  du  clavecin  réprou- 
vaient tout  jeu  qui  fût  sec  et  inexpressif.  Mais  de 
semblables  recherches  d'un  style  chantant  (cantable) 
—  et  qui  formaient,  comme  nous  le  verrons,  l'objet 
d'une  pédagogie  particulière  —  ne  faisaient  plus  que 
couronner  par  des  nuances  de  tracé  mélodique  tout 
un  art  de  combinaison  et  de  registration,  tel  qu'il 
était  déjà  pratiqué  à  l'orgue,  et  où  d'assez  subtils 
rapports  de  piano  à  forte  étaient  produits  soit  par 
des  doublements  automatiques  à  l'unisson  ou  à  l'oc- 

1.  Ibid.,  p.  103. 

2.  Cf.  HwiF-xiuGèiU'rafion  hariiioiiiijue  (1127)  etD'ALEMiiEiiT,  iococi/. 
Mais,  coinm<;  le  remarque  cet  écrivain,  Kameai:  avait  d'abord  corn- 
ineucê,  dans  sod  ]\'OUveau  Syslime  tif  musigue  {lliti),  par  se  rallierau 
procédé  ordiuaire  de  lempéranienl. 

:i.  l)'Ai.i:MBi;nT,  Joco  cit.  Nouvelle  édilion  (I.yoïl,  (Ttiti),  [i.  j7. 

4.  Ibid. 

5.  Loeo  cit.,  t.  I,  p.  309. 


lave  de  la  note  frappée,  soit  par  des  variations  de 
timbre.  Du  fait  que  chaque  touche  pouvait  ébranler 
un  ou  plusieurs  sautereaux  à  la  fois,  une  ou  plusieurs 
cordes  de  timbres  semblables  ou  différents,  du  fait 
aussi  que  la  même  touche  pouvait  exister  sur  deux 
claviers  superposés  du  même  instrument,  le  clavecin 
trouvait  là  des  ressources  expressives  se  suffisant 
par  elles-mêmes. 

Dans  une  lettre  provenant  des  archives  de  Modène 
et  citée  par  Cari  Krehs'',  Giacomo  Alvisi  signale  au 
ducdeFerrare  (Padoue,  3  mars  1595)un  instrumento 
(la  penna  de  sa  propre  invention,  et  qui,  avec  deux 
rangs  de  cordes,  pouvait  donner  pour  la  même  note 
trois  sons  différents.  Du  reste,  des  instruments  à 
deux  rangs  de  cordes  existaient  en  Italie  déjà  au 
début  du  xvi"  siècle  :  ainsi,  le  claviojtheriwn  ou  spi- 
netta  verticale  de  la  collection  Heyer,  et  qui  remonte- 
rait à  la  première  moitié  du  xvi"  siècle,  possède  deux 
claviers  et  de  deux  à  quatre  rangs  de  cordes  suivant 
les  différentes  octaves;  dans  la  même  collection  et 
de  la  même  époque,  un  cembalo  de  fabrication  ita- 
lienne a  deux  rangs  de  cordes  pour  nn  seul  clavier'. 
Les  trois  plus  anciens  instruments  que  nous  ayons 
de  Hans  Ruckers  le  Vieux,  et  qui  datent  tous  trois  de 


Fil. 


10J7.  —  Clavi'ciii  à  duux  claviers,  construit  à  Dresde 
en  1T74.  ^Coll.  llKYnn,  n»  91.) 


1590,  disposent  de  deux  claviers  pouvant  commander 
à  trois  rangs  de  cordes,  d'où  Hullmandf.l  tire  la 
remarque  suivante  :  «  L'objet  fut  de  produire  des 


{,.  Dir  bi:aaitiHen  Kltunt'riiistrxunenten  bis  zum  A  ufnni/  des  f  7.  Jalit'- 
kunderts  {\ierlel)aUïesscbriH  liir  Musil^\\issensrliart,  VIII,  18!>2,  p.  91). 
7.  KiNSk\,  op.  cit.,  pp.  «l-SJ  et  p.  80  in"  68). 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    CLAVECIN    2043 


nuances  eu  faisant  eiiLondre  ti'ois  cordes  sur  un  cla- 
vier et  une   seule   sur  l'autre'.  »  Signalons  encore 
(|ue  Praetorils,  dans  la  deuxième  partie  duSi/ntagma 
musicum  (1610),  parle  d'un  clavicymbci  à  quatre  rangs 
de   coi'des -.    linlin.   c'est  à   l'Harmonie    universelle 
(1636-37)  du  père   Mersemne  que  nous  emprunterons 
une  analyse  des  jeux  grâce  auxquels  les  clavecins 
de  son  époque  offraient  une  assez   riclie  variété  de 
nuances  instrumentales  :  à  la  base  de  tout  se  trouve 
le  jeu  commun  qui  est  <c  le  fondement  des  autres  »; 
c'est  à  ce  jeu  qu'on  "  adiouste  quelquefois  un  sem- 
blable jeu  à  l'unisson,  ou  un  autre  à  l'oclave,  afin 
de  le  rendre  plus  remply  d'harmonie,  et  afin  qu'il 
ayt  un  plus  grand  effet  dans  les  concerts  et  sur  les 
auditeurs'  »  ;  ainsi  —  pour  éclaircir  le  texte  de  Mer- 
senne  —  on  pouvait  augmenter  la  sonorité  en  dou- 
blant la  corde  principale  d'une  autre  corde  à  l'unis- 
son de  celle-ci  (c'est  le  S  pieds  double),  ou  encore 
d'une  autre  corde  à  l'octave  supérieure  de  la  pre- 
miéie  (soit  le  i  pieds  ou  petite  octave,  spinella),  ou 
enfin    d'une    corde   à    l'octave    inférieure    (soit  le 
16  pieds  ou  jeu  grave,  bourdon)^.  Une  telle  dispo- 
sition, —  16  pied-:,  deux  8  pieds,  4  pieds,  —  où  le 
S  pieds  se  trouvait  ainsi  doublé  dans  la  profondeur 
comme  à  l'aigu,  avait  l'avantage  du  meilleur  équi- 
libre; nous  songerions  ici  à  un  orchestre  avec  son 
fort  médium  et  avec  la  doublure  de  ses  contrebasses 
ou  de  sa  flûte  piccolo.   Mersenne  parle  encore  de 
jeux  de  tierce  ou  de  quinte  «  dont  les  uns  pourront 
avoir  des  chordes  de   luth,  et  les  autres  de  leton  ou 
d'acier  »  :  ces  jeux  ne  furent  que   l'éphémère  copie 
de  ce  que  l'orgue  possède  toujours  sous  le  nom  de 
jeux  de  mutation.  En  ce  qui  concerne  l'emploi  géné- 
ral  des  jeux,  Mersenne   précise   qu'ils   «    se  jouent 
tous  ensemble,  ou  séparément  comme  l'on  veut,  en 
les  ouvrant  ou  fermant  par  de  certains  ressorts  et 
registres  que  l'on  tire,  ou  que  l'on  pousse  selon  la 
volonté  du  facteur  et  du  musicien  ».  Le  procédé  con- 
siste donc  à  déplacer  les  divers  rangs  de  sautereaux 
afin  de  les  mettre  à  la  portée  d'un  ou  de  plusieurs 
rangs  de  cordes,  ou  au  contraire  de  les  mettre  hors 
de  portée  de  celles-ci.  Mais  cesjeux  de  4,  8  et  16  pieds 
au  timbre  uniforme  n'étaient  pas  les  seuls  :  très  vite 
on  y  adjoignit  d'autres  timbres,  et  ainsi,  le  père  Mer- 
senne parle  de  ces  «  jeux  differens,  que  plusieurs 
ont  essayé  d'introduire  dans  l'épinette,  comme  l'on 
a  fait  dans  l'orgue,  afin  qu'elle  comprint  toutes  sortes 
d'instrumens    à   chorde,   comme    l'orgue    contient 
toutes  sortes  d'instrumens  à  vent,  mais  l'un  n'a  pas 
réussi  comme  l'autre,  quelques  Panodions  et  autres 
instrumens  que   l'on  ayt  inventé   pour  ce  sujet  »; 
Mersenne  cite  pourtant  le  jeu  des  violes  «  le  plus 
excellent  de  tous  ceux  que  l'on  y  peut  augmenter  », 
ainsi  que  celui   des   luths   et   harpes  que   l'épinette 
«  imite  assez,  lors  qu'elle  est  montée  de  chordes  à 
boyau  »,  et  remarque  d'autre  part  que  les  «  AUe- 
mans  )...],  pour  l'ordinaire  plus  inventifs  et  ingénieux 
dans  la  mechanique  que  les  autres  nations,  »  avaient 
su  parfaitement  adapter  le  jeu  des  violes  au  clavecin. 


i.  Encyclopédie  méthodique...,  art.  Clavecin.  Cf.  aussi  le  Diction- 
naire de  GnuvE,  art.  Jiuckers  (t.  IV,  p.  185). 

2.  II,  63.  —  Cl  Wie  ich  dann  eitis  gpseiien,  welches  2  Afgnaï,  eine 
Quint  und  ein  Oclaviin  von  eitet  S'aiten  i/elmbl  hat  :  Und  gar  irol 
liebtich  und  jtràclUiçj  in  einander  gekluiigpn.  "Cf.  aussi  Adldng,  Mit- 
sira  tnpcltanica  organfedi,  p.  :il6. 

3.  Mki-.srnnk.  op.  cit.,  p.  loti. 

4.  Atin  d'tn  lier  une  confusion  possible,  il  est  bon  de  signaler  iri 
remploi  en  allemand  du  mot  chor  dans  le  sens  spécial  de  corde  ;  d'oii 
le-i  expressions  eiticliôrig,  zweichôrig,  etc.,  pour  :  à  un  rang  de  cordes, 
à  deux  rangs  de  cùrdcs,  etc. 


Instrument  polyphonique,  —  comme  l'orgue,  —  le 
clavecin  ne  devait-il  pas  naturellement  développer 
ce  caractère  polyphonique,  non  seulement  dans  le 
sens  d'un  nombre  plus  ou  moins  grand  de  voix  ou  de 
/larties,  mais  aussi  dans  le  sens  d'une  multiplicité 
de  timbres?  L'idée  d'être  par  soi-même  un  petit 
concert  d'instruments  variés,  le  clavecin  ne  laissa 
pas  que  de  la  nourrir.  D'où,  à  côté  du  pincement  des 
cordes  par  les  sautereaux,  l'introduction  d'archets, 
<le  roues  semblables  à  celles  des  vielles,  de  marteaux 
même,  tout  cela  entraînant  la  confusion  de  plusieurs 
instruments  à  l'intérieur  d'un  seul,  comme  nous  le 
verrons  plus  loin  dans  l'étude  des  instruments  com- 
binés. Mais  certaines  différences  de  jeux  pouvaient 
être  produites  simplement  par  des  cordes  de  ma- 
tière ou  de  grosseur  différentes  (ainsi  ce  jeu  des 
luths  et  harpes  avec  des  cordes  à  boyau,  dont  parle 
Mersenne),  par  le  pincement  des  cordes  à  des  points 
divers  de  celles-ci,  soit  encore  en  armant  les  saute- 
reaux, au  lieu  de  plumes  de  corbeau,  de  «  matières 
les  plus  propres  à  rendre  l'intention"  »,  soil  enfin 
en  rendant  plus  mat  le  son  des  cordes  par  le  contact 
de  fragments  de  feutre  ou  de  buffie  à  l'une  des 
extrémités  de  ces  dernières.  Ainsi,  abordant  l'étude 
du  «  double  clavecin  »,  Mersenne  écrit  que  "  l'on 
fait  maintenant  des  clavecins,  qui  ont  sept  ou  huit 
sortes  de  jeux,  et  deux  ou  trois  claviers  »;«  ces  jeux 
se  varient  et  se  tirent,  se  joignent,  mêlent  ensemble 
comme  ceux  de  l'orgue,  par  le  moyen  de  plusieurs 
petits  registres,  chevilles  et  ressorts,  qui  font  que 
les  sautereaux  ne  touchent  qu'un  seul  rang  de  cordes, 
ou  qu'ils  en  touchent  deux  ou  plusieurs''...  »  Plus 
tard,  Hl'llmandel  parlera  de  «  clavecins  qui  [eurent] 
plus  de  vingt  changemens  pour  imiter  le  son  de  la 
harpe,  du  luth,  de  la  mandoline,  du  basson,  du  fla- 
geolet, du  hautbois  et  d'autres  instrumens   ■. 

Lorsque  le  clavecin  n'a  qu'un  clavier  et  deux  rangs 
de  cordes,  le  mécanisme  en  est  des  plus  simples  à 
saisir.  Mais,  lorsqu'on  a  deux  claviers  et  trois  ou 
quatre  rangs  de  cordes,  selon  quel  genre  de  rapports 
les  derniers  étaient-ils  liés  aux  premiers?  Le  cas  le 
plus  simple  est  le  suivant  :  un  clavier  commande  à 
deux  rangs  de  cordes,  l'autre  clavier  à  un  troisième 
rang;  par  exemple,  le  clavier  supérieur  commande 
au  jeu  de  «  4  pieds  »  et  le  clavier  inférieur  au  dou- 
ble «  8'  »;  soit  exactement  l'inverse;  ou  encore,  le 
clavier  inférieur  commande  le  8'  et  le  16',  alors  que 
le  4' dépend  du  clavier  supérieur".  Mais  il  peut  arri- 
ver qu'un  même  rang  de  cordes  soit  touché  par 
deux  rangs  de  sautereaux,  ceux-ci  mus  par  deux 
claviers  dilférents;  nous  en  avons  un  exemple  dans 
un  clavecin  de  Hans  Ruckers,  daté  de  1610  et  appar- 
tenant au  musée  de  Bruxelles  (n»  276)  :  le  clavier 
inférieur  commande  à  un  double  8'  et  au  4';  le  cla- 
vier supérieur  agit  également  sur  un  double  8',  mais 
dont  l'un  déjà  dépendait  du  clavier  inférieur".  Un 
clavecin  de  Hass,  construit  à  Hambourg  en  1734  et 
appartenant  à  la  même  collection  (n°630),  nous  mon- 
trera à  quelle  complexité  le  système  de  ces  registres 


5.  Encyclopédie  métltodique,  ibid, 

6.  Loco  cit.,  p.  m. 

7.  Cf.  KiNSKv,  op.  cit.,  pp.  7U,  94  et  108,  —  Dans  le  cas  de  deux 
unissons  et  d'une  octave  supérieure  (4').  ou  peut  avoir  les  cin(|  conilii- 
naisons  suivantes  :  un  8'  seul,  un  4'  seul,  les  deux  8',  un  8'  et  le  4',  les 
deux  8'  et  le  4'. 

8.  Cf.  Mahili.on,  op.  cit.,  t.  I  (Gand.  18031.  —  Dans  une  lettre  adres- 
sée à  Constantin  Hi:\gkns(15  oct.  1648  ,  I,a  HAraiE  cite  un  fadeur  fran- 
çais qui  construisait  des  clavecins  ù  deux  claviers  «  non  pas  i  la  moile 
de  Flandre  qui  ne  jouent  que  les  mesmes  chordes,  mais  dilVcrens  en 
ce  que  ceux-ci  font  sonner  dilTerentes  chordes  sur  chaque  clavier  ». 


S0«i4 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


pouvail  parfois  atteindre  :  le  clavier  luléiieur  com- 
mande à  quatre  ranfîées  de  saulereaiix;  la  première, 
armée  de  pointe  de  buffle,  pince  le  8'  (jeu  de  cijmha- 
lurn);  les  trois  autres  rangées,  armées  toutes  trois 
de  becs  de  plume,  agissant  sur  le  4'  (jeu  de  spinelta), 
sur  un  autre  8'  {uniaoniis)  et  sur  un  16'  {bourdon); 
le  clavier  supérieur  commande  à  deux  rangées  de 
sautereaux,  mais  dont  l'une  est  déjà  commune  au 
clavier  inférieur,  et  l'autre  seule  est  particulière 
au  clavier  supérieur,  toutes  deux  venant  attaquer 
la  même  corde  au  vrai  ton,  l'une  avec  une  pointe  de 
buffle,  l'autre  avec  un  bec  de  plume  et  à  une  plus 
petite  distance  du  sillet  (timbre  dit  de  luth).  Ajoutons 
que  les  quatre  rangs  de  sautereaux  du  premier  cla- 
vier dépendent  de  quatre  registres,  qu'un  cinquième 
et  un  sixième  registre  font  approclier  un  fragment 
de  buffle  tout  à  l'extrémité  des  cordes  de  Vanisomis 
et  du  10'  (ell'et  d'assourdissemeni,  dit  de  harpe)  et 
que  c'est  un  septième  registre  qui  commande  au  jeu 
de  luth'.  Une  disposition  dilférente,  mais  plus  sim- 
ple, nous  sera  donnée  par  un  clavecin  de  Hans 
HucKERS  conservé  au  même  musée  (n"  2.t10)  :  deux 
claviers,  trois  rangs  de  cordes  (8',  4'  et  16'),  quatre 
registres,  puisque  le  8'  peut  être  également  pincé 
près  du  sillet  (jeu  de  luth);  ce  8'  dépend,  par  deux 
rangs  de  sautereaux  (jeu  ordinaire  de  cymhahun  et 
jeu  de  luth),  du  clavier  supérieur;  le  clavier  inférieur 
agit  sur  les  trois  rangs  de  cordes^. 

A  ces  combinaisons  que  permettent  les  registres 
pour  faire  entendre  soit  une  corde,  soit  deux  ou 
trois  cordes  à  l'unisson  ou  à  l'octave  les  unes  des 
autres,  soit  des  cordes  pincées  à  des  points  dill'érents 
et  avec  des  matières  dissemblables,  il  faut  ajouter  la 
possibilité  encore,  en  accouplant  les  deux  claviers, 
d'agir  d'un  seul  clavier  directement  sur  les  divers 
rangs  de  sautereaux  auxquels  commandent  les  deux 
claviers.  Le  mécanisme  de  cet  accouplement  s'expli- 
que par  la  mobilité  du  clavieriiiférieur  qui  peut  être 
tiré  en  avant  ou  repoussé,  suivant  que  l'on  veuille 
que  l'extrémité  interne  des  touches,  limitée  par  des 
tiges  verlicales,  appuie  sur  le  dessous  des  touches 
du  clavier  supérieur  ou  au  contraire  que  ces  tiges 
frappent  dans  le  vide,  au  delà  de  l'extrémité  des 
touches  supérieures''.  En  accouplant  ainsi  les  cla- 
viers, —  piocédé  dont  il  est  inutile  d'ajouter  qu'il 
dérive  de  la  technique  de  l'orgue,  —  on  obtient  le 
maximum  d'intensité  sonore,  les  quatre  cordes 
d'unissons  et  d'octaves  d'une  même  note  pouvant 
être  pincées  ensemble  :  effet  de  tiitii  dont  le  déclan- 
chement  subit  et  la  puissance  d'ordre  mécanique 
créent  des  sforzandos  assez  particuliers  au  clavecin, 
permettant  de  violents  contrastes  avec  la  sonorité 
grêle,  par  exemple,  d'une  voix  monocorde. 

Autant  pour  accoupler  les  deux  claviers  que  pour 
commander  ;i  tel  regisire,  il  fallut  songer  à  un  dis- 
positif spécial  de  tirasses,  placées  soit  sur  le  devant 
de  la  caisse,  soit  sur  le  côté,  afm  d'être  mises  en 


1.  lltid.,  t.  Il  (G:inJ,  1SI09,  3«.éd.).  Notice  recUnée  par  Wanda  \,\ti- 

2.  Mahillon,  o[).  cit.  Ci.  plus  loin,  p.  la  uoLe  :!D47,  concernant  \f, 
clavocia  motlei-nc  de  la  maison  Plf,vi:l. 

3.  Cf.  les  articles  Claurciii  et  Clavier  âans  le  t.  ÏIl  de  V Encyclo- 
pi'rli';{èii,  do  1753),  ainsi  que  les  lifjures  daos  le  t.  IV  des  platirlies 
(ti^'.  S  de  la  pi.  xvj)  :  «  Les  toselies  du  clavier  ini'/M"ieup  l'ont  hausser 
les  louches  du  second  clavier  par  le  moyen  des  pilules  [...]  qui  répen- 
(ii'ul,  lors. lue  le  clavier  est  lire,  sous  ie^  talons  ipii  sont  au-dessous  des 
([ueui'S  des  touches  du  second  clavier.  Elles  cessent  de  les  mouvoir, 
lorsque  le  clavier  est  poussé;  parce  que  le  pilote  passe  au  del.'i  du 
talon,  ou  de  l'extrcniilé  de  la  touche  du  second  clavier  aux  touches 
duquel  réjiiiud  le  premier  ran^  de  sautereaux...  »  Cf.  aussi  Jakob 
Ai>i.u.NG,  .l/(i$ica  inecUaniviiovtjaniii'di,  p.  518. 


aclion  par  une  seconde  personne.  Puis  on  imagina 
l'emploi    de   genouillères,   enfin,  de   pédales.    Les 
genouillères,   déjà  employées  à  l'orgue  comme  les 
tirasses,  étaient  faites  de  tiges  de  fer  venant  de  des- 
sous  l'instrument    dont    elles    avaient   traversé    le 
sommier.  Constant  Pikrue,  dans  son  ouvrage  sur  les 
Fadeurs  d'instruv^enU  de  musique'',  et  Ernest  Glosson, 
dans  son  étude  très  documentée  sur  Pascal  Taskin', 
signalent,  vers  1763,  des  clavecins  à  genouillères  dus 
aux  facteurs  Berger  et  Virbès,  ainsi  qu'un  clavecin 
de  llucKERs  datant  de   1612,  mis  «  à  grand  ravale- 
ment »  par  Pascal   Taskin,  et  dont  les  Af/iches,  an- 
nonça et  avis  diwrs  de  janvier  1777  disent  qu'il  «  est 
composé  de  six  mouvements  que  l'on  échanije  avec  le 
genou,  sans  retirer  les  mains  de  dessus  le  clavier; 
ce  qui  donne  le  piano,  le  forte,   le  crescendo  de  la 
manière  la  plus  nette  et  la  plus  sensible"  ».  C'est 
d'ailleurs  afin  d'obtenir  avec  plus  de  commodité  le 
jeu  de  ces  nuances,  le  contraste  rapide   des  divers 
timbres,  que  l'on  songea  à  faire  commander  regis- 
tres, combinaisons,  accouplement  pardes  pédales,  — 
ce  qui  ne  nécessile  aucun  déplacement  superflu  des 
mains.  Un  instrument  du  nom  de  Pedal-Harpsichord 
et  attribué  à  John   Havward  exista  à  Londres,  au 
xvii=  siècle  :  i<  instrument  —  écrit  John   Mace^  — 
convenant  fort  bien  aux  ensembles,  mieu-i:  que  tous 
les  clavecins  et  orgues  [...]  Cet  instrument  a  la  forme 
et  les  dimensions  du  clavecin.  Mais  il  en  dill'ère  en 
ceci  :  sous  le  clavier,  près  du  sol,  se  trouve  une  sorte 
de  placard  ou  caisse  qui  s'ouvre   avec  deux  petites 
portes  et  où  le  musicien  met  ses  pieds  reposant  sur 
le  talon  (la  pointe  relevée)  et  ne  touchant  rien'jus- 
qu'au  moment  où  il  lui  plait  de  s'en  servir;  ceci  de 
cette  manière  :  il  y  a  sous  la  pointe  de  ses  pieds 
quatre  pommes  de  bois,  deux  sous  chaque  pied.  Il 
peut  faire  agir  chacune  de  ces  pommes  comme  il  lui 
plaît.  La  pression  du  pied  se  transmet  à  un  ressort 
et  donne  à  l'instrument  un  son  doux  ou  fort  suivant 
qu'il  appuie  sur  l'une  ou  sur  l'autre  [...]  Le  bord 
extérieur  du  pied  droit  agit  sur  une  pomme  et  le 
bord  intérieur  sur  une  autre,  si  bien  qu'en  appuyant 
le  pied  un  peu  de  travers,  soit  vers  la  gauche,  soit 
vers  la  droite,  il  varie  à  son  gré  de  registre;  et  s'il 
pose  le  pied  à  plat,  il  appuie  sur  les  deux  en  même 
temps  (troisième  combinaison  —  son  plus  fort).  Sous 
le  pied  gauche,  se  trouvent  aussi  deux  autres  pédales 
différentes,  et  par  les  mêmes  mouvements  qu'avec 
le  pied  droit,  il  peut  produire  trois  autres  combinai- 
sons plus  douces   ou  plus  fortes.   Vous  voyez  donc 
qu'il  a  plusieurs  variétés  de  registres  à  son  gré,  tous 
rapides  et  manœuvrant  aisément  grâce  aux   mou- 
vements du  pied  [...]  J'en  tis  construire  un  chez  moi 
qui  a  neuf  autres  combinaisons  différentes  (vingt- 
quatre  en  tout),  obtenues  par  un  jeu  (manœuvré  à  la 
main)  que  mon  ouvrier  appelle  le  jeu  de  théorbe,  et 
en  effet  cela  lui  ressemble...  »  Un  autre  usage  de  la 
pédale  apparaît,   toujours  au  xvii»  siècle,  dans  les 
instruments   de    Couchet,   le  facteur  anversois  qui 
succéda  aux  Ruckers  :  le  musée   de   Bruxelles  ren- 
ferme un  clavecin  à  deux  claviers  et  qui  a,  en  plus 
des  registres  ordinaires  mis  à  la  main,  une  pédale 
agissant  sur  une  espèce  d'étoull'oir*.  L'un  des  instru-       j 


4.   Paris,  Sagot,  1893. 

6.  SamwM.  ,1.1.  M.  «.,  janv.  1911,  pp.  255-6. 

(i.  11  faut  ciler  encore  les  clavecins  ix  genouillères  dus  au  facteur 
ansiflais  Kuikmann. 

7.  .Mii.iick's  monument,  3"  part.  (Londres,  1676),  pp.  235-6.  —  Cf. 
aussi  l'art,  de  QorrrAnn  dans  le  bulletin  de  IV.  M.  G.,  oct.  190!', 

8.  Cafaloijif  deRlAHn.LuN,  t.  1,  n"  276. 


TECIIMQI'E,  ESTHÈTinlE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   CLAVECIN    2045 


nienl3  de  Kiukuann  (de  Londres),  qui  figurèrent  à  une 
exposition  d'instruments  anciens'  et  dataient  de  la 
liu  du  xviu"  siècle,  possédait  une  jalousie  vénitienne 
s'ouvranl  et  se  formant  an  moyen  d'une  des  pédales, 
comme  la  boite  expressive  employée  à  l'orgue;  du 
reste,  ainsi  que  le  rappelle  Kngel,  un  l'acteur  londo- 
nien, du  nom  de  BurUat  Shidi  ou  BurckhardtTscHUDi, 
avait  piis  un  brevet  en  1769,  concernant  l'invention 
d'une  C'  rtaine  sorte  de  jalousie  vénitienne  (venitian 
sii'etl)  :  HuLLMANDEL  parle  de  cette  invention  anglaise 
comme  d'  •<  un  couvercle  placé  au-dessous  des  cordes 
et  divisé  en  lattes  bien  jointes,  qu'une  pédale  écarte 
et  rapproche  à  tous  les  degrés,  pour  faire  sortir  ou 
pour  renfermer  le  son-  ».  Kn  France,  bien  qu'il  pût 
y  avoir  quelques  précédents-',  le  clavecin  à  pédales 
apparaît  surtout  comme  l'œuvre  de  Pascal  Taskin. 
Ainsi  nous  voyons  ce  facteur,  ayant  d'abord  adapté 
un  système  de  genouillères  à  des  clavecins  anciens, 
y  placer  des  pédales  :  témoin  ce  clavecin  de  Couchkt 
i(  mis  k  grand  ravalement  par  P.  Taskun  »  et  avec 
«  mécanique  au  pied  pour  varier  le  jeu  de  dix  à 
douze  manières  »,  que  de  Rricqueville  signale  parmi 
des  inventaires  du  xviii''  siècle''.  Mais  cet  instrument 
à  pédales  apparaît  à  une  époque  où  le  désir  de  "  faire 
sentir  toutes  les  variations  possibles^  »  du  forte  om 
piano,  selon  un  assez  fiti  dégradé,  se  trouve  déjà  réa- 
lisé par  le  pinno-forli',  ou  ancêtre  direct  du  piano. 
Comme  le  remarque  Closson,  on  chercha  de  plus  en 
plus  à  doter  le  clavecin  «  du  nuancement  dynamique 
propre  à  son  rival  »,  le  piano;  d'où  émulation  entre 
les  deux  instruments,  et  dont  il  résulta  «  ce  fait 
curieux  que  les  pianos  du  temps,  avec  leur  timbre 
grêle,  évoquent  encore  le  clavecin,  tandis  que  ce 
dernier  se  rapproche  de  plus  en  plus  du  piano,  non 
seulement  dans  sa  forme,  plus  rigide  el  plus  lourde, 
mais  aussi  dans  ses  qualités  essentielles,  la  pléni- 
tude sonore  et  un  nuancemeutrelatif,  — comme  dans 
ces  clavecins  de  Broadwood  dont  les  cordes  robustes, 
à  la  sonorité  profonde,  et  la  venitian  swell,  font 
presque  un  piano'*  ■.  Du  reste —  comme  le  remarque 
encore  Closson  —  il  semble  que  les  genouillères  ou 
pédales  n'aient  eu  que  pende  succès  auprès  des  con- 
temporains de  Taski.n  :  «  Au  point  de  vue  du  nuan- 
cement, le  système  en  question  ne  pouvait  donner 
que  des  résultats  médiocres.  Le  principe  du  clave- 
cin, et  non  l'art  du  facteur,  en  était  cause.  Un  jeu 
fonctionne  ou  ne  fonctionne  pas,  suivant  que  les 
.dards  de  ses  sautereaux  sont  à  portée  des  cordes 
J3U  non  ;  un  fonctionnement  intermédiaire  ne  peut 
s'imaginer  que  sous  forme  d'un  effleurement  qui 
risque  fort  de  rester  silencieux''  ».  Une  aisance  dans 
l'exercice  des  registres,  le  clavecin  pourra  sans  doute 
l'acqui'rir  au  plus  haul  degré,  gi'àce  à  ce  système  de 
pédales,  mais  au  moment  où  l'on  ne  songe  qu'à  en 
user  pour  obtenir  un  gonflement  progressif  du  cres- 
cendo ou  un  déclin  insensible  du  diminuendo,  — 
toutes  choses  avec  quoi  le  futur  piano  nous  saura 
charmer  plus,  pour  d'ailleurs  nous  en  lasser  par  la 
suite.  Mélancolique  destinée  d'un  insti-umenl  à  la 
veille  d'atteindre  à  sa  perfection  mécanique,  lorsqu'un 
rival  l'emporte  sur  lui. 


l.  Catulotjtœ  d'r.aGEi.,  p.  352. 

:i.  Entijctoiiéiiic  méthodique  d«,  l'iRhMBKY  et  de  Giar.uEXÉ,  art.  Clave- 
cin. 
3..  C/",  l'élude  déjà  citée  de  Clos&oj»,  pp.  25(3-7. 

4.  De  Bkicqdeville,  Lea  Ventes  d'inatrument-'i  au  xyiil"  siècle. 

5.  Abbé  TrtouFLANT,  Lettre  »ur  le  claoecin  en  peau  de  buffle  inventé 
par  M.  Pascal  Taskin  \JournaI  de  tntisique,  1773). 

6.  CujsâuN,  loco  cit.,  p.  249. 

7.  Ibid.,  p.  238. 


Ainsi  que  le  noie  Constant  I'ikhre,  dans  son  ouvrage 
sur  les  Facteurs  d'insiruments  de  music/ue,  longtemps 
en  France,  on  nomma  ceux-ci  des  faiseurs  d'instru- 
ments :  de  l'un,  l'on  dit  qu'il  est  «  faiseur  d'espinet- 
tes»  ou  de  «  manicordions  »,  de  l'autre,  «faiseur  de 
clavessins*  ».  Outre  les  roses  qui  portaient  en  quel- 
que sorte  le  monogramme  du  facteur,  une  inscrip- 
tion sur  le  devant  du  clavecin  ou  de  l'épinette  don- 
nait la  date  de  labrication  de  l'instrument,  à  côté  de 
laquelle  pouvait  être  répété  le  nom  du  facteur;  cette 
Ibrmule  était  d'ordinaire  en  latin  :  Andre'is  Huritcre 
me  ferit  Anlverpiir  Uil.'i;  Hieronjimus  Albre  Itans  fecit 
llainhuig  mmo  l7oi...  Le  plus  ancien  clavecin  que 
l'on  connaisse  ainsi  daté  provient  d'un  facteur  bolo- 
nais installé  à  Home  et  appartient  actuellement 
au  Soulh-Kensington- .Muséum  de  Londres  :  Hie- 
roni/mus  Bonoiisi^.nsis  faciebat  Romx  MDXXl  [1321]. 
Ensuite,  vient  un  instrument  d'Alessandro  Irapu-ntino, 
daté  de  1531,  et  actuellement  au  musée  Donaldsonde 
Londres.  Puis,  dans  la  collection  Hever  à  Cologne, 
un  cembalo  de  Dominicus  Pisai'hensis,  datant  de 
ir;.33,  mesurant  quatre  octaves  et  une  quarte  (avec 
une  octave  courte  au  grave),  et  n'ayant  qu'un  seul 
rang  de  cordes  pour  un  clavier  unique  '.  Ces  trois 
clavecins  seraient  donc  postérieurs  aux  premières 
épinettes  dont  la  date  nous  soit  connue  :  l'épinette 
qui  est  à  Pérouse  date  de  1493,  celle  de  Milan  re- 
monte encore  à  i;)20.  Si  nous  ne  tenions  compte 
aussi  des  instruments  qui  furent  détruits  et  des  do- 
cuments manuscrits  ou  iconographiques  qui  témoi- 
gnent de  leur  existence,  il  semblerait  que  l'I'alie 
fût  l'unique  berceau  des  premiers  facteurs  de  clave- 
cins ou  d'épineltes.  Aux  trois  noms  italiens  déjà 
cités,  il  nous  faut  encore  ajouter  ceux  de  .lohannes 
Antonius  Baffo,  très  célèbre  facteur  de  clavecins  à 
Venise  et  dont  le  Conservatoire  de  Paris  possède  un 
inslruineiit,  de  Benedetto  Floria>o,  auteur  d'un  cla- 
vecin (l.'i7:i|  actuellement  au  Conservatoiie  des  Arts 
et  Métiers  de  Paiis. 

Puis  vient  l'illustre  famille  des  facteurs  anversois 
RccRERs.  Si,  comme  le  rappelle  Ivinsry  '",  ce  n'est  plus 
aux  RucKEBS  que  la  science  actuelle  attribue  «  l'in- 
vention »  des  registres  de  clavecin,  du  second  clavier, 
l'introduction  d'un  réseau  de  cordes  à  l'octave  supé- 
rieur (4  pieds),  ainsi  que  la  création  du  claviorga- 
num  iinstrument  composite  qui  tient  de  l'orgue  et 
du  piano),  les  Rlckers,  par  la  beauté  extérieure  de 
leurs  clavecins  (que  décoraient  de  grands  maîtres 
de  l'art  flamand),  par  la  perfection  techni()ue  de  ces 
instruments  et  par  leur  renommée  universi-lle  au 
xvii<î  siècle,  ont  attaché  leur  nom  à  la  diffusion,  dès 
cette  époque,  du  type  de  grand  clavecin  à  deux  cla- 
viers et  à  plusieurs  registres.  Hans  Blcrehs,  dit  Hains 
le  Vieux,  né  à  Malines  vers  looo,  était  lils  d'un  P'ran- 


8.  Dans  les  arcliives  de  la  ville  de  Lyon,  C'nnAOMt  relève  en  J516 
le  nom  d'un  Nicolas  bo>-TKHes.  •<  faiseur  de  manicordions  »,  et  en  1523 
celui  li'iin  Honoré  de  Likuv^ie,  «  faiseur d'espinettes  »  tCoinAONE,  Gas- 
pard /Jui/foproucart  et  les  luthiers  lyonnais  du  xvi»  siècle;  Paris, 
Fiscbbacher,  1893).  VEncijclopédie  de  d'Alembkht  parle  encore  de 
<i  l'art  du  faiseur  d'instrument  ».  Le  ternie  de  facteur  est  donc  assez 
récent. 

9.  Ce  même  Dumimco  de  I-*ESArio  est  l'auteur  du  plus  vieux  clavicordc 
lie  que  nous  connaissions  (1543)  ;  il  vécut  jusque  vers  1580.  —  Pour 
tout»  cette  queslion  de  l'histoire  des  facteurs  de  clavecins  et  d'épi- 
nettes,  cf.  le  DirtioQnaire  de  (isove  aui  articles  Cn.ttofor  ,  Jiuc/cers, 
elc.  ;  cf.  aussi  le  catalogue  de  Kinsky,  t.  1,  pp.  5:;-  »  et  21i-284r(a*ec  la 
reproduction  des  divers  monogrammjes,  noms  ou  signatures):  cf.  ue 
BuHBCHK,  lii'.clterches  sur  les  facteurs  de  clarecin»  el  les  hillùers 
ilWnrers  (Bruielles.  t>iti3l  et  l'art.  Jhtckers  par  Cuisso»  dans  1;^  liio- 
fjraphie  nation'de  de  Belgique  (Bruxelles,  lltOS-10;  t.  X.\,  pp.  332- 
386);  cf.  aussi, Vu*  DEh  Scmju'.tl.n,  passiui. 

10.  KlRSKV,  oj?  ci(.,  p.,  i.V. 


204  G 


EXCYC.I.OPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


çoisRrcKEBs,  lui-même  facteur  d'instruments;  Hans 
commença  par  être  menuisier,  puis  devinl  facteur 
d'OÊgues  et  de  clavecins.  Les  clavecins  qui  nous  ont 
été  conservés  de  lui  datent  de  1590  et  des  années 
suivantes.  Hans  le  Vieux  fut  le  père  de  quatre  lils, 
Franz,  Hans,  Andréas  et  Anton,  dont  deux  construi- 
sirent des  clavecins  :  Andieas,  dit  André  le  Vieux,  de 
1610  à  1631  ;  Hans,  dit  Hans  le  Jeune,  de  1617  à  1642'. 
André  le  Vieux  eut  un  lils,  André  le  Jeune,  ce  der- 
nier facteur  de  la  famille  des  IUckkrs,  né  en  1607, 
et  dont  les  clavecins  datent  de  d6oo  à  1659.  Aux  qua- 
tre UucKERs,  il  faut  joindre  le  facteur  anversois  Jean 
CoucHET,  neveu  de  Hans  le  Jeune  et  mort  en  1655-. 

Au  ww  siècle,  l'Ilalie  eut  pour  principaux  facteurs 
de  clavecins  :  Vincenzo  da  Pr.\to,  Giovanni  PerticiS 
Luigi  Fani,  Abel  Adam,  Bartolomeo  CHisTOFORqlôoo- 
1731)  qui  fut  l'inventeur  du  piano  à  marteaux,  Zenli 
GiROLAMO,  l'un  des  plus  célèbres  facteurs  romains, 
Lorenzo  .M.\gniai,  etc.  Puis  au  xviii=,  ce  furent  Gio- 
vanni-Krancesco  Franco,  Giovanni  Giusti,  Vincenzio 
SoDio.  Après  la  disparition  des  Kuckkrs,  Anvers  n'en 
continua  pas  moins  à  construire  d'excellents  instru- 
ments, dus  à  des  facteurs  comme  Simon  Haghens  au 
xvn"  siècle,  Heinemann  et  Bull'  au  sviip.  A  Bruxel- 
les, ce  fut  DuLCKE.N^;  à  Strasbourg,  Jean-Andié  Sil- 
BERMANN,  iieveu  d'uu  célèbre  facteur  d'orgues  et  cons- 
tructeur, comme  son  père,  de  pianos  à  marteaux; 
à  Hambourg,  les  Hass  père  et  lils'';  à  Berlin,  Oster- 
LEiN  ;  en  Angleterre,  un  ami  de  Hae.ndel,  Burkard 
Shudi,  associé  avec  Joannes  Bboadwood  et  les  Kjrk- 
mann''. 

En  France,  c'était  Richard,  puis  Blanchet,  dont 
Hullmandel  vante  «  la  légèreté  extrême  de  ses 
claviers,  qui  contribua  beaucoup  aux  progrès  de  cet 
instrument  en  France  ».  C'est  à  Blanchet  et  à  son 
élève  Pascal  Taskin  que  l'on  doit  la  mise  en  ravale- 
ment d'un  grand  nombre  de  clavecins  flamands.  L'é- 


1.  Le  plus  ancien  clavecin  connu  li'André  le  Vieux  (IBIO},  apparte- 
nant â  une  collection  particulière  de  T  tisser,  n'a  qu'un  clavier  de  quatre 
octaves.  (Cf.  Gnove.) 

2.  De  Jean  CoucHET,  le  musée  de  Bruxelles  contient  un  clavecin  de 
i64t>,  à  double  clavier  et  à  quatre  registres  ;  le  clavier  supi^rieur  agit 
sur  deux  8'  ;  le  clavier  inférieur  sur  l'un  de  ces  deux  8  et  sur  un  4'  ; 
de  plus  une  pédale  agit  sur  un  étouToir  (n"  -276  du  catalogue  de  Ma- 
nillon, t.  1). 

3.  De  ce  facteur  tlorentio,  la  collection  HEVErt  possédait  uû  clave- 
cin de  1683  à  deux  claviers  cl  à  trois  rangs  de  cordes  |4',  8'  et  16)  dont 
le  4'  est  commandé  par  le  clavier  supérieur  (n"  74  du  catalogue  de 

KlNSKV). 

4.  Le  musée  de  Bruxelles  possède  de  Joannes-Petrus  Bill  un  clave- 
cin de  1784,  à  deux  claviers,  sur  une  étendue  de  cinq  octaves  complètes, 
avec  quatre  registres  pour  deux  8'  et  un  4'  ;  le  clavier  inférieur  agissant 
sur  les  deux  unissons  et  sur  l'octave,  alors  que  le  clavier  inférieur  n'agit 
que  sur  l'un  des  8'  dont  le  timbre  .<  pouvait  se  modifier  par  l'emploi  du 
registre  basson  »  (n»  2936  du  catalogue  de  Mahillun,  t.  IV).  Un  autre 
clavecin  de  1776  de  mêmes  caractéristiques  n'a  que  trois  registres 
(n'  1601,  t.  111). 

5.  Le  musée  de  Bruxelles  renferme  un  clavecin  de  Johannes-D:iniel 
DcLcuE»,  de  1769,  ayant  cinq  octaves,  trois  rangs  de  cordes  (deux  8  et 
un  4'),  d'où  cinq  registres  (n»  2312  du  catalogue  de  Mahillos). 

6.  Voir  plus  haut  la  description  du  clavecin  dWlbert  IIass  de  1734 
{n"  630  du  catalogue  de  Bruxellesl  ;  ajoutons  que  l'étendue  des  deux 
claviers  est  de  quatre  octaves  et  d'une  sixte  (du  5o/.,  au  mir,],  —  La  col- 
lection Steineht  à  Newhaven  contient  un  instrument  de  J.-A.  Hass, 
datant  de  1710  :  cinq  octaves,  deux  claviers  tdoni  lus  tr)uches  sont  en 
ivoire  et  en  écaille),  avec  deux  jeux  de  8',  un  de  16',  un  de  4'  et  un 
même  de  2'. 

7.  Au  musée  de  Bruielles,  un  clavecin  (n*»  1604)  signé  Biirkat  Shudi 
et  Johannes  Broathroud  Londiiii  ffceruiit  tllS  a  deux  claviers  de 
cinq  octaves  et  demie  ;  le  clavier  su|jérieur  commandant  à  trois  rangs 
de  sautereaux(deux8',un4),  le  clavier  inlèrieur  à  deux  rangs  dont  un 
sur  le  4'  précédent  et  un  autre  comme  jeu  de  luth  sur  l'un  des  8'  duda- 
vierinférieur  ;  en  tout,  cinq  regislresetdeui  pédales.  Le  hapsicliord  dii 
à  Shddi,  de  la  collection  Stei.n  (n"  22),  a  deux  claviers,  cinq  octaves,  cinq 
registres  dont  deux  de  8',  un  de  4',  un  jeu  de  luth  et  un  jeu  de  harpe. 
Des  KiRKMANN  {Jacobus  et  Abraham),  ENOEf.  cite  un  clavecin  de  1773, 
adeux  claviers,  six  registres  et  deux  pédales  {Op.  cit.,  ji.  3â4). 


tendue  du  clavier,  qui  avait  atteint  chez  les  Ruckers 
quatre  octaves,  passe,  par  l'adjonction  de  quatre  notes 
environ  dans  l'aigu  et  dans  le  grave,  à  cinq  octaves. 
Jean  Marius,  qui  chercha  en  même  temps  que  Cristo- 
FORi  et  que  Schrœter  dans  la  direction  du  clavecin 
ou  piano  à  marteaux,  fut  l'inventeur  de  plusieurs 
instruments  démontables.  Son  clavecin  brisé,  pour 
lequel  il  prit  un  privilège  le  18  septembre  1700,  se 
démontait  en  trois  parties;  la  plus  petite  venait  se 
placer  dans  le  prolongement  de  la  partie  médiane 
et  lotîtes  deux  se  poser  surla  plus  longue*. 

De  Wallonie  vint  à  Paris,  très  jeune,  le  célèbre 
Pascal  Taski.n,  pour  y  construire  ses  clavecins  «  à 
buflle  »  et  ses  pianos.  Son  premier  clavecin  «  à  buf- 
11e  ",  c'esl-à-dire  aux  sautereaux  pourvus  non  plus 
de  plumes  de  corbeau,  mais  de  pointes  de  cuir,  pour 
permettre  un  pincement  plus  doux  de  la  corde,  le- 
monie  à  1768  '.  Du  vivant  même  de  Taskin,  puis,  chez 
des  auteurs  d'ouvrages  d'organologie,  cette  inven- 
tion lui  fut  contestée  :  «  Toujours  est-il  que  ce  der- 
nier, qui  s'était  livré  à  des  e.\périences  méthodiques 
en  vue  d'améliorer  le  timbre  de  l'instrument  (il  avait 
essayé  pour  les  dards  de  ses  sautereaux  jusqu'à  la 
corne  de  sabot  de  cheval),  régularisa  et  généralisa 
le  système  du  registre  de  buffle'".  »  Cette  innovation 
—  qui,  comme  le  remarque  Wanda  Landowska,  con- 
duisait non  à  «  une  augmentation  de  sonorité  »,  mais 
à  un  pincement  plus  doux  qui  cavessuit  la  corde", 
c'est-à-dire  à  des  recherches  d'intensité  sonore  juste 
en  sens  inverse  de  celles  que  semblait  marquer  la 
superposition  abruple  des  unissons  et  de  leur  double 
octave  —  fut  très  vite  adoptée  par  ceux-là  mêmes 
qui  allaient  abandonner  le  clavecin  pour  le  piano- 
forte  :  le  jeu  de  buffle  se  retrouve  dans  le  clavecin 
mùcanique  de  Sébastien  Erard  (1776),  dans  les  pre- 
miers piano-forte,  où  il  s'obtenait  en  abaissant  deux 
pédales  sur  trois  (la  troisième  étant  du  reste  nom- 
mée :  jeu  de  buffle),  enfin  dans  les  clavecins  moder- 
nes édités  par  les  maisons  Erard  ou  Pleyel'-. 

Ce  n'est  sans  doute  que  peu  à  peu  que  l'usage  du 
clavecin  se  perdit  devant  le  succès  grandissant  du 
piano-lorte.  RossiNi  recommandait  encore  cet  ins- 
trument, plutôt  que  le  piano,  pour  l'enseignement 
du  chant'-'.  Mais  les  divers  dictionnaires  de  Fétis  et 
de  Schilling  montrent  bien  que  le  clavecin  avait  cédé 
entièrement  la  place  vers  le  début  du  xix»  siècle.  Ce 
ne  sera  que  plus  tard  que,  du  rang  de  vieux  meuble, 
le  clavecin  passera  à  celui  de  témoin  archéologique  : 
on  songera  un  jour  à  regarder  du  raèmea;il  cetins- 


8.  Plusieurs  clavecins  brises  conservés  à  Berlin  avaient  appartenu  à 
Frédéric  le  Grand  ;  ces  instruments  que  l'on  retrouve  CTicore  à  Bruxelles, 
an  Conservatoire  de  Paris  et  au  musée  Hkveu,  pou  valent  a  voir  une  éten- 
due de  quatre  octaves  et  d'une  si\te(.ivec  octave  courte)ettrois  rangs 
de  cordes  dont  deux  de  huit  pieds  et  un  de  quatre.  Cf.  Iti'Citeil  des 
machines  approuvées  par  V Académie  royale  des  sciences  (t.  I,  année 
1700,  pp.  193-4  et  pi.  n»  38);  Mémoires  de  Trëi'oux  (1703,  p.  1292): 
KiNSKY,o/j.ci'f.(pp.  98-100).  Il  est  curieux  de  noter  que,  dans  le  tome  11 
de  ce  liecxtcil  des  machines,  on  voit  que  Marius  inventa  en  outre  plu- 
sieurs modèles  de  tentes  brisées,  de  parapluies,  de  parasols  (pp.  87-97, 
145-8,  J61-2). 

9.  Ci.ossoN,  Pascal  Taskin  {.Sammelb,  d.  1.  M.  G.,  janv.  I9M, 
pp.  234-267). 

10.  Ciossor»,  loco  cit.,  p.  251. 

11.  Musique  ancienne  (éd.  Senart),  [).  210. 

12.  Ibid.  et  Closson,  loco  cit.,  p.  252.  —  Le  clavecin  «  mécanique  • 
d'KnAHD  avait  quatre  jeux  dont  trois  de  plume  et  un  de  bufde;  deux 
[tèdales,  attachées  aux  deux  pieds  du  clavecin,  permettaient  île  retirer 
ou  d'avancer  un  ou  deux  registres  de  jilume,  relui  de  buflle,  d'accoupler 
tous  li'S  jeux  à  la  fois  ou  d'agir  sur  un  chevalet  qui,  divisant  les  cordes 
en  «leux,  donnait  l'octave  supérieure  de  chaque  note  (ou  4)  ;  cf.  FtTis- 
Hioiiraphie  universelle,  t.  III,  art.  Kkahd. 

11.  Cf.  Les  lettres  publiées  par  Guido  Biagi  (in  ;  Onoranze  fiortntine 
fi  Cionehtno  /{ossini.  Florence,  1902). 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÈnAGOGlE 


LE   CLAVECIN    io'û 


trument  et  la  musique  qui  fut  écrite  pour  celui-ci; 
(lesexpositions  d'instruments  doniierontl'iilée  d'exé- 
cutions d'oeuvres  anciennes  au   moyen   de   ceux-ci; 
enfin  des  facteurs  sonfjeronl  ù  cons- 
truire des  clavecins  modernes  sur  des 

modèles     anciens     ou     perfectionnés. ^ 

Ainsi,  le  clavecin  Pleyel  n"  1398  du 
catalogue  de  Mahillon  sera  à  double  — ^ 
clavier  et  à  six  pédales,  pour  deux  jeux 
de  8',  un  de  4',  un  jeu  de  luth  et  une 
sourdine.  Leclavecin  PLEYF.Ldontjouera 
Wanda  Landowska,  également  à  deux 
claviers  mais  à  sept  pédales,  possédera 
un  16'.  Nous  entrerons  alors  en  pleine 
période  de  renaissance  du  clavecin, 
celle  où  des  chefs  d'orchestre  feront 
réaliser  la  basse  continue  ou  accom- 
pagner les  récitatifs  par  le  clavecin,  et 
où  un  compositeur  comme  Manuel  de 
Falla  fera  figurer  une  partie  de  cla- 
vecin au  milieu  d'un  petit  orchestre^. 

L'i'pinelte  exige  ici  un  complément 
d'indications.  De  dimensions  moindres 
que  celles  en  général  du  clavecin,  cet 
instrument  a  moins  d'octaves,  et  plutôt 
un  système  unique  de  cordes.  11  forme 
une  caisse  oblongue  de  type  rectan- 
gulaire ou  trapézoïdal,  plus  rarement 
pentagonal,  les  cordes  étant  disposées 
presque  parallèlement  au  sens  du  cla- 
vier, comme  le  montre  Mersenne.  Son 
nom  viendrait  soit  du  latin  ou  de  l'ita- 
lien s/u'da  (épine)*,  soit  du  nom  d'un 
facteur  vénitien  de  la  lin  du  xv''  siècle, 
Giovanni  Spinetti  ou  Joanes  Spinetus'. 
Ce  nom  d'cpinetle  se  répandit  très  rapi- 
dement :  de  1.j08,  la  réserve  de  la 
Bibliothèque  Nationale  à  Paris  possède 
un  long  poème  d'un  Simon  Bougouyn 
intitulé  l'Espinetle  du  ieune  prince 
Conquérant  Le  royaulme  de  bonne  re- 
nommée... 

La  plus  vieille  épinette  datée  qu'on 
ait  conservée  est  de  1403  et  se  trouve 
à  Pérouse;  elle  a  cinq  côtés.  Puis  vien- 
nent des  épinelles  de  1320  et  de  1323, 
dues  au  Milanais  Anibale  Hosso  et  au 
Véronais  Francesco  de  Portalupo,  la 
seconde  appartenant  au  Conservatoire 
de  Paris.  Au  Musée  de  Bruxelles,  une 
épinette  de  1530  due  à  Antonio  Patavino  mesure 
quatre  octaves».  La  collection  de  Heyer  renfermait, 
sous  le  n°  33,  une  épinette  de  Benedetto  Floria.m, 
datée  de  Venise  1371,  et  qui  a  six  côtés  irréguliers; 
le  clavier  olfre  i^ne  étendue  de  quatre  octaves  et  une 

1.  Dans  ce  dernier  rliiveciap  i.E\Ei.,  le  clavier  supérieur  commande 
â  un  seul  réseau  de  cordes  pincées  de  deui  façons  différenles  (8'  el  jeu 
de  lutli  oii  le  saulereau  vient  toucliei-  la  corde  plus  pri'S  du  sillet)  ;  le 
clavier  inférieur  commande  à  un  jeu  de  8'  (placé  sur  le  même  plan 
que  le  précédent  8'),  à  un  jeu  do  4'  et  à  un  jeu  de  10'  (cordes  lilées). 
\\e  gauche  à  droite,  les  trois  premières  pédales  ont  pour  effet  de  sup- 
primer successivement  les  jeux  de  iO',  4'  et  8';  la  quatrième  pédale 
amène  un  ctouffoir  sur  le  8'  du  clavier  supérieur  {sourdine]:  la  cin- 
quième pédale  accouple  les  deux  claviers;  la  sixième  amène  le  jeu  de 
luit)  ;  la  septième  supprime  le  jeu  ordinaire. 

•1.   Dans  Ar/  Relablo  et  dans  un  Concerto. 

:>.  ScAMGLii  écrit  à  ce  sujet  :  .-  Me  puevo  Clauicynibalem  et  Bari- 
ehot'dum,  nunc  ab  illis  mucronibus  Spinetam  nominant.  n  (Poetices, 
l,  48,  Lyon,  i.ïtll.) 

4.  D'après  un  manuscrit  de  Baschieim,  Conetusioni  del  suono  d'or- 
gttito,  cité  par  KutDs. 

;>.   Catalogue  de  SIahii  lu»,  n»  171  (t.  I,  !•  éd.,  p.  .168). 


quarte,  avec  une  octave  courte  :  c'est  en  général 
l'étendue  maxiraades  épinetles''.  Deux  autres  exem- 
plaires assez  curieux  d'épiiiette   se  trouvaient  aux 


Yta.  1058.  —  Figure  d'une  épinullc  dans  Mkbsenne  (livre  III,  p. 


n"^  o3  et  36  de  cette  même  collection'  :  le  premier, 
dû  au  fameux  CnisroFORi  et  daté  de  1613,  est  à  dou- 
bles cordes  pour  un  seul  clavier;  le  second,  non 
daté,  ;i  double  clavier  et  à  trois  systèmes  de  cordes, 
dont  deux  jeux  de  8'  au  clavier  supérieur  et  un  de  4' 
au  clavier  inférieur. 

Il  existe  une  variété  plus  petite  de  l'épinette,  du 
nom  (ÏÛktav-Spinett,  Oltarinn,  Spinetta  da  serenala 
ou  SpinettiiLu.  La  collection  Heyer  en  renfermait 
plusieurs,  la  plus  ancienne  (1610)  de  Vincentius  de 
Prato;  certaines  atteignent  à  une  étendue  de  quatre 
octaves,  dont  la  première  est  courte;  lapins  curieuse, 
construite  en  1677  par  Israi'KJELLi.NGER  de  Fiaiicfort- 
sur-Mein,  possède  deux  claviers  de  deux  octaves,  et 
une  sixte.  Selon  Engel'',  il  est  probable  que  l'aigu  des 


6.  La  petite   épinette   décrite   par    Meiisenne  {op.  cit.^ 
trente  et  une  touches,  près  de  trois  octaves. 

7.  Cf.  Ki>'Skv,  op.  cit.  , 
3.   Enc.el  op.  cit.,  pp.  -70-2Ti. 


prop.  iij  a 


2048 


ENC.VCLOPEDIË  DE  I.A  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


ottavinos  soDnait  à  une  octave  ou  à  une  quinte  plus 
haute  que  ne  l'indiquait  le  clavier  :  ces  instruments 
auraient  donc  été  partiellement  tianspositeurs. 

Quant  au  v'mjiwd,  son  nom  désignait  un  instru- 
ment voisin  de  l'épinetle,  de  foime  rectaiifîulaire, 
oblongue,  et  dont  on  usait  en  Angleterre  du  xv"  au 
xvMi'  siècle'.  Cet  instrument  n'était  pas  forcément 
de  fabrication  anglaise,  puisque  les  IUickers,  par 
exemple,  en  conslruisaient  à  Anvers.  Documenis 
diplomatiques  et  textes  poétiques  le  citent  dès  la  lin 
du  xv«  siècle  comme  très  en  honneur  à  la  cour  d'An- 
gleterre. Shakespeare  le  nomme  à  plusieurs  reprises 
et  notamment  dans  un  de  ses  sonnets.  Kniiii,  tout 
prouve  qu'il  fut  très  populaire  en  Angleterre  aux  xvi'- 
et  xvii»  siècles.  Mais  son  nom  désigna-t-il  toujours 
le  même  insiruraent?  Il  est  difficile  de  l'assurer.  La 
Musica  rjelulsrht  de  l'abbé  Virdung  (l'Hl)  donne  la 
figure  d'un  petit  viiginal  rectangulaire  de  trois  octa- 
ves, le  clavier  faisant  saillie  sur  le  bord  de  la  caisse. 
Le  virginal  représenté  en  frontispice  du  piemier 
recueil  im[)rimé  de  virginalistes,  la  Parthenia  de 
16H,  a  son  clavier  encastré  dans  la  boite  rectangu- 
laire, comme  en  maintesépinettes '.  A  cet  égard,  Van 
DEN  BoRHEiN  conclut  ainsi  :  "  Le  terme  ririjinal  aservi, 
en  Angleterre,  à  désigner  toutes  espèces  de  claviers 
à  cordes  pincées,  à  partir  de  la  fin  du  xV  siècle  jus- 
qu'à la  lin  du  xvu".  A  partir  du  xyiii"  siècle,  son 
sens  se  restreignit  peu  à  peu  et  il  ne  fut  bientôt  plus 
appliqué  qu'aux  petits  instruments  à  forme  rectan- 
gulaire, par  opposition  aux  instruments  à  queue,  qui 
reçurent  le  nom  de /(ri/-psic/(Ocd.  Dès  lors,  spinet  (épi- 
nette)  et  virginal  deviennent  entièrement  synony- 
mes'. »  Le  nom  lui-même  de  cuyina/ resie  d'origine 
obscure;  il  semble  pourlant  qu'on  doive  se  rallier 
à  l'idée  d'un  inst''ument  domestique  et  réservé  aux 
jeunes  filles  :  Cari  Krers  signale  à  ce  propos  une 
œuvre  à  quatre  chœurs  de  Heinrich  Schi'tz,  le  Veni 
Sancte  SpiritdK,  où  le  3<^  chœur  est  accompagné  d'un 
instrument  nommé  «  Frauenzimmer  »  qui  serait  peut- 
être  une  traduction  germanique  du  mot  virginul''. 
En  certains  cas,  la  distinction  entre  le  virginal  et  l'é- 
pinette  (spécialement  Yottavino)  est  fort  dillicile.  La 
collection  IIkyer  contenait,  sous  les  n»'  3c),  37  et  51 
du  catalogue  Ki.nsry,  trois  virginals  de  Hans  Ruckers 
le  Vieux  ou  de  fabrication  italienne  (xvii<^  siècle),  et 
qui  ont  la  forme  d'une  petite  boite  à  ouvrage,  de 
trente-sept  à  trente-huit  centimètres  de  longueur, 
de  vingt  à  vingt  et  un  de  largeur,  et  ayant  tous  trois 
la  même  étendue  de  deux  octaves  et  une  sixte,  —  soit 
bien  les  caractéristiques  de  ïoUavlno.  l'n  quatrième 
virginal  (n"  36),  dans  la  manière  de  Hans  Ruckers 
le  Vieux,  donne  trois  octaves  et  une  quinte.  Les 
virginals  du  musée  du  Conservatoire  de  Bruxelles 
sont  de  trois  octaves  et  une  sixte  à  uii  peu  plus  de 
quatre  octaves,  la  première  octave  grave  étant 
courte '.  Comme  ce  sont  les  instruments  antérieurs 
au  xvn=  siècle  qui  offrent  les  claviers  de  moindre 
étendue,  et  que  ce  sont  les  virginals  de  1613  et  de 
1628,  dans  la  même  collection,  qui  atteignent  et  dé- 


passent quatre  octaves,  on  suit  assez  nettement  l'ex' 
tension  progressive  du  clavier,  ce  que  d'ailleurs 
vient  confirmer  l'examen  des  pièces  des  virginalistes''. 
Mahillon  remarque  que,  dans  la  plupart  des  virgi- 
nals, comme  des  épinetles,  fabriqués  par  les  Riciums. 


i.  Cf.  GiiuVE,  IJictwnari/f  a^vl.'  V irgiiiaf.  pat  Ilipkins  {t.  V,  pp.  340-1  (le 
l'éii.  dclO\0);K.iKKvA.t>v.Y^Or(jetundKlavii;riit.drtu\/uvik  ffes  16.  Jahr- 
Inmderts  (Ureilkopf,  1010):  Cari  Khebs,  Dir  liesnitrlen  Klmierinslru- 
)!U'Hfe...(VierlL'l|alires5chriflfiirMusik\vissenscliiifl.  ISili):  Van  des  Bor- 
urs,  Les  Origines  di'  la  musique  de  cluvier  eu  Auf/leterre  (Bruxelles, 
1912)  et  les    Virgiuali.'ites  aw/lais  {S.  J.  .1/.,  nov.   l'Jli). 

S.  Cf.  les  illustralioiis  aeeonipagnanl  l'article  île  M.  Van  dex  Bourek 
dans  5.  /.  M.  «le  novembre  i^Mi. 

3.  Les  Origiues  de  la  musique  de  ctuvier  en  Auijleterre,  p.  4. 

4.  Krebs,  op.  cit. 

à.  MAMiLLu.N.OJJ.cii.,  t.  III,  n"  1591  et  1597;  t.  IV,  n»'  2926à2933. 


FiG.  lOôy.  —  Vii-ginal  an  construction  tlamande 
et  du  début  du  xviio  siècle  ^ccll.  Heyi;i<,  n"  3U). 

la  corde  est  pincée  vers  le  milieu  de  sa  longueur  : 
nouveau  trait  commun  entre  ces  deux  genres  d'ins- 
truments, dont  d'autre  part  Engel  notait  aussi  la 
ressemblance,  tel  virginal,  ayant  appartenu  à  la  reine 
Elisabeth,  pareil  à  des  épinettes  italiennes  d'Anni- 
bale  DEi  Rossi''. 

Aux  facteurs  de  clavecins  déjà  cités  et  qui  durent 
également  construire  des  épinettes  et  des  virginals, 
aioutons  li'S  noms  d'Italiens  du  xvii=  siècle,  comme 
Abel  Adam,  l.uiyi  1''A^M,  Valerius  Perius,  ainsi  que 
d'un  Allemand  de  la  même  époque,  Israël  Gellimger, 
et  d'Anglais  comme  Tbomas  Hitcucooh,  puis,  au 
xviii'-- siècle,  comme  Thomas  Barton  et  William  Pe- 
ther,  tous  construisant  des  épinettes;  le  même  nom 
de  Valerius  Perius  et  ceux  de  Johannes  Graiwels, 
John  Loosemore,  Lodovicus  Grovvelus,  etc.,  comme 
facteurs  de  virginals. 

Instriiineiits  sk  cordes  frappées» 

Le  clavicorde  est  le  plus  primitif  des  instrumenis  à 
clavier  et  à  cordes  frappées*.  Il  se  distingue  essen- 
tiellement (lu  clavecin,  de  l'épinette  et  du  virginal 
en  ce  que  ses  cordes,  faute  d'êtr'e  pincées,  sont  heur- 
tées selon  un  dispositif  qui  permet  en  même  temps 
de  les  diviser.  H  ne  s'agit  donc  là  d'aucun  emploi 
de  sautereaiix,  ni  même  encore  de  marteaux  pareils 
à  ceux  du  piano.  La  corde,  placée  horizontalement, 
est  heurlée  par  en  dessous,  grâce  à  de  «  petits 
crampons  n  métalliques-'  ou  langenles  fichés  sur  les 
queues  des  touches.  Ce  procédé  de  division  des  cordes 
apparente  le  clavicorde  au  monocorde,  à  l'actuel 
sonomètre  où  seul  un  chevalet  mobile  aide  à  pro- 
duire des  sons  de  différentes  hauteurs;  il  semble 
d'ailleurs  probable  que  le  clavicorde  ail  dérivé  orga- 
nologii[uenient  du  monocorde.  C'est  ce  qu'écrit  de 
C\sTiLLON  (ils,  dans  le  supplément  de  1776  à  VEiicy- 

li.  Van  ikn  liniiiiF.N  montre  pour  des  pièces  datées  de  lolû  à  1620 
environ  réteiidiio  s'éiover  de  trois  octaves  et  une  tierce  a  -i  octaves  et 
une  tierc  toyy.  f  (7..  pp.  231-232). 

7.  Op.  cil.,  pp.  271-272  et  319-350. 

S.  Nous  renvoyons  une  fois  pour  toutes  à  la  thèse  de  F.-A.  Goeuli/- 
i:iR.  Geschicl>tede:<  Alui'icliords  {hà\e,  1910). 

9.  IUctiounaii'e  de  Trévoux,  nouvelle  édition,  t.  V  (Paris,  177n, 
art.  Manicordion. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    CLAVECIN    2049 


'opédiii  de  u'Alkuiikrt  :  «  La  preuve  que  le  clacicorde 
tire  son  origine  du  monocorde,  c'est  qu'on  avoit 
des  monocordes  où,  au  lieu  de  transporter  le  ciie- 
valet,  il  y  avoit  des  sautereaux'  à  chaque  division; 
de  plus,  les  premiers  clavicordes  n'avoient  qu'une 
seule  et  même  coide  pour  tous  les  tons  qui  n'eu- 
troieiit  pas  dans  le  même  accord,  et  alors  l'har- 
monie étoit  fort  hornée^...  »  Principe,  mais  porté  à 
l'absolu  du  clavicorde  dit  lié. 

Une  des  premières  citations  du  mot  clncicorcle  ap- 
paraît, en  1484,  dans  une  traduction  anglaise  du  Livre 
du  citcvalier  de  la  Tour  Laiidnj,  où  le  terme  iïislrii- 
incnt  est  rendu  pai-  celui  de  clavicorde".  De  la  même 
époque  environ,  un  manuscrit  de  la  bibliothèque  de 
Gand,  signalé  par  Van  der  Straeten*,  donne  le  des- 
sin d'un  clavicorde  :  «  De  forme  trapézoïde  ou  plutôt 
rectangulaire,   cet    instrument   est   monté    de   huit 
cordes,  auxquelles  correspondent  autant  de  touches. 
Ces  touches  font  mouvoir  huit  languettes  de  bois  ou 
de  cuivre,  huit  clavcs,  destinées  à  frapper  les  cordes 
sous  lesquelles  elles  sont  placées.  |...]  L'instrument 
—  continue  Van  dur   Straeten  —    n'apparait  point 
dans  le  manuscrit  comme  un   spécimen  de  la  fac- 
ture du  temps,  mais  comme  un  exemple  de  l'appli- 
cation de  la  division  du  monocorde  au  système  des 
polycordes  à  clavier    L'auteur  a  emprunté  son  mo- 
dèle à  un  clavicorde  qu'il  avait  à  la  main,  et  il  ne 
juge  pas  opportun  de  dire  qu'il  fait  chose  insolite 
en  traçant  sa  figure.  »  Ce  manuscrit  porte  d'ailleurs 
comme  titre  :   De  diversis   monocordis,   lelracordis, 
penthecordis,  e.rtacordis,  eptucordis,  etc.  Ex  quibus 
diversa  formaxtur    instrumenta    musica'-'...    Dans  la 
Mtisica  getusclit  (loll)  de  l'abbé  Virdung,  aucun  dé- 
tail sur  la  provenance  du  c/dwtnorrfiîwn;  mais  l'auteur 
cite  déjà  des  clavicordes  de  trente-huit  touches  et 
même  plus,  celles-ci  venant  frapper  chacune  deux 
ou  trois  cordes  à  l'unisson  :  il  s'agit  donc  là  d'ins- 
truments assez  évolués,  de  plus  de  trois   octaves, 
avec  des  cordes  triplées,  soit  —  comme  le  dit  Vir- 
DUNG  lui-même  —  pour  qu'il  en  reste  toujours  une 
ou  deux  eu  cas  de  rupture  de  l'une  d'elles,  soit  — 
comme  le  supposerait  Cari  Krers  —  pour  oblenir 
de  plus  fortes  intensités  de  son*.  Virduno  nous  ap- 
prend, de  plus,  que  les  parties  des  cordes  qui  ne  de- 
vaient pas  vibrer  étaient  assourdies  par  des  bandes 
de  drap''.  Ce  clavicoide  apparaîtra  en  France  sous 
le  nom  de  manicurdion  :  témoin,  en   1529,  le   litre 
d'un  recueil  d'AxiAiNGNANT  :  Quatorze  gaillardes,  neuf 
pavanes...,  le  tout  reduict  de  musique  en  la  tabulature 
du  jeu  d'orques,  d'espinettes,  manicordions  et  tels  sem- 
blables   instrumens    musicaux;    témoin    aussi    deux 
passages  de  Eiabelais,  où  quelqu'un  est  présenté  "  mo- 
nochordisant  des  doiglz  »,  tandis  qu'ailleurs  «  Eus- 


1.  Ici  sautcreau  est  manifestement  employé  dans  le  sens  de  cram- 
pon ou  tangente. 

2.  Supplément  aux  Dictionnaires  des  sciences...  (n'ô),  art.  Clavi- 
corde. 

3.  Cf.  FiRRESo,  le  Trésor  des  pianistes.  PrPlirainaires  (Paris,  I8CI1. 
Cf.  plus  haut  sur  les  origines  possibles  du  clavicorde. 

4.  La  Musique  aux  Paijs-Lns...,  l.  I  (Bruxelles,  1867).  pp.  278-28(5, 

5.  Ajoutons  que  le  clavicorde  de  celle  ligure  porte  une  grande  ro§e 
au  mdieu  et  quatre  petites  sur  les  côfé^. 

6.  -«  .Aber  i/tnainlicli  tiiuc/tt  man  drey  saitenvff  einen  Ki>r,  darum 
06  einen  zu  :yten  ein  saiten  abspritnge,  alsdann  etwangeschiclil  das 
er  danndarum  nit  r/f  rmis:  hiiren  zu  sptien.  »  (  VihodN'c,  cité  par  Cari 
Knr.BS,  op.  cit.  p.  105.) 

7.  .1  Dos  nympt  de.n  saiten  das  Kessels,  oder  die  i/riibe  onfreuntli- 
che  Hallun  oder  tlmnuni/.  Das  di/e  selben  nit  leuger  clyngen,  dnnn 
dije  weil  er  v/f  dent  sclUùsset  onyeferlich  eins  tempus  lang  still  haL 
let,  atter  nit  lenrjer,  so  bald  er  aber  ymer  abijebrechen  mag,  auch  in 
den  Idufflin,  so  schnell  hOrt  auch  âye  saiten  vff  zu  lauten,  das  macheri 
dye  tûchlein.  »  [Ibid.j 

Copyright  by  Librairie  Delagrave,  1927. 


thènes  sur  une  longue  couleuvrine  jouait  des  doigtz 
comme  si  feust  un  monochordion*  ».  Ce  terme  de 
raanichordion,  nous  le  retrouverons  en  France,  au 
XVII"  siècle,  chez  le  père  Mersenne,  et  au  xviii'  siècle, 
jusque  dans  le  Dictionnaire  de  Trévou.r.  Il  fut  cause 
de  bien  des  confusions  modernes,  par  suite  de  la 
similitude  entre  monucorde  et  manichorde  ou  mani- 
chordion".  A  cette  même  époque,  en  1543,  était  cons- 
truit le  plus  ancien  clavicorde  que  nous  eussions  en- 
core en  notre  possession  et  qui  fût  daté  :  figurant  en  la 
collection  Heyer,  ce  clavicorde  de  Dominico  de  Pesaro 
offre  un  peu  la  forme  rectangulaire  de  l'épinette  ;  il 
mesure  une  étendue  de  quatre  octaves,  dont  la  pre- 
mière est  courte;  ses  quarante-cinq  touches  vien- 
nent frapper  seulement  vingt-deux  cordes  doubles, 
plusieurs  touches  ayant  donc  la  même  double  corde 
en  commun.  11  s'ensuit  que  les  crampons  ne  heur- 
tent pas  à  la  même  hauteur  de  chaque  corde  :  pa- 
reille caractéristique  répondra  à  la  première  époque 
du  clavicorde,  celle  du  clavicorde  lié  {;/vbuiidenesCla- 
vichord)  '".  Un  exemple  de  clavicorde  nous  est  encore 
olfert  au  xvi'  siècle  sur  le  frontispice  d'un  traité  de 
musique  anversois,  composé  en  dialogues  entre 
maître  et  élève,  comme  l'avait  été  la  Musica  qetuscht 
de  ViRDUNG  et  comme  le  seront  plus  tard  les  Leçons 
de  clavecin  de  Bemetzrieder  :  ce  traité  anonyme, 
intitulé  Dit  is  ee.  seer  schoo  boecxhe  om  te  leere  make 
alderhande  tabulatuere  uuten  discante.  Daer  dticr  men 
liclitebick  mach  leere  spelen  op  clavicordiu,  est  donc 
précédé  d'un  frontispice  qui  représente  un  joueur  de 
luth  surmonté  d'un  clavicorde  et  encadré  de  deux 
flïites".  Le  traité  de  Pedro  Cerone,  El  Mclopeo  y 
maestro,  paru  à  Naples  en  161.3,  reproduit  le  clavier 
d'un  rnoTKtc/iorrfio  atteignant  trois  octaves  et  une  sixte, 
la  première  octave  étant  apparemment  courte  '-. 

Praetorius  et  Mkrsenne  parlent  du  clavicorde  diins 
leurs  grands  ouvrages.  Dans  la  proposition  iv  du 
livre  m  des  «  Instrumens  à  chordes  »,  Mersenne 
traite  du  manichordion  :  l'instrument  qu'il  décrit  a 
quarante-neuf  ou  cinquante  touches,  —  comme  le 
clavecin,  ajoute-t-il;  sauf  onze  touches  de  l'aigu, 
toutes  répondent  à  des  rangs  particuliers  de  cordes  ; 
il  n'y  a  donc  que  cinq  cordes  liées '^.  La  figure  de 
l'instrument  montre  une  caisse  rectangulaire  assez 
longue,  le  clavier  étant  encastré  à  gauche  du  mani- 
chordion, les  cordes  s'étendant  sur  toute  la  lon- 
gueur. L'extrémité  gauche  des  cordes  est  couverte 
de  morceaux  d'  «  escarlale  »  ou  d'autre  drap,  la 
sonorité  n'étant  produite  qu'entre  la  ligne  des  cram- 
pons au-dessus  du  clavier  et  la  ligne  de  chevalets  à 
droite  :  «  la  partie  qui  reste  entre  les  crampons  et 
l'escarlate  ne  sonne  point  :  de  là  vient  qu'une  même 
corde  peut  servir  à  plusieurs  crampons,  dont  chacun 
fait  un  son  différent  selon  la  distance  du  point  où  il 
touche  la  corde,  jusques  au  chevaletde  ladite  corde.  » 
L'étoulfement  produit  par  les  morceaux  d'écarlate 


8.  R.'ibel.'iis.  Gargantua,  1.  I,  ch.  vu;  Pantagruel,  1.  IV,  cli.  i,xin.  — 
Aujourd'hui  nous  dirions:  pianoter. 

9.  \S  Encyclopédie  de  i7^\  donnera  comme  autrcsynonyniede  mnni, 
cordion  :  clnriorde, 

10.  KiNSKV,  op.  cit.,  cf.  l'instrnmenl  îi»  I.  Poiii-  celui-ci,  le  rapport 
entre  nombre  de  louches  fl  nombre  de  cordes  doublesse  répartitainsi  ; 
3  cordes  doubles  répondent  chacune  à  4 louches;  ti  cordes  à  3  touches 
chficune  ;  les  1 3  autres  coi'dos  à  I  ou  2  touches. 

11.  11  existe  un  eiemplîiire  de  cet  ouvrage  raiissime,  pât'ii  éh  1568, 
à  la  hibliollicque  <le  la  Haye.  Le  frontispice  et  des  fragments  en  ont 
été  reproduits  par  V.\>  ['En  Stiuetëx.  op.  cit.,  t.  II,  pp.  lU-II.'). 

12.  Cf.  p.  932.  —  A  la  page  lOtiS  de  sou  traité,  Cfbone  cite  comme 
instruments  à  clavier  l'orgue,  le  clavicembalo,  Varpyeorde,  ïe  mono- 
corde, la  régale,  le  claviorgane. 

13.  Cf.  pp.  111-110. 

129 


2050 


EycrCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOlflE 


ajoute  encore   à  la  douceur  du  son;  d'où  le  nom 
parfois  d'épinelte sourde  ou  muette^. 

Beaucoup   rie  clavicordes  liés  du  temps  de  Mer- 


senne  et  de  Praetorius  révèleiil  une  disproportion 
entre  le  nombre  des  touches  et  celui  des  cordes, 
bien  plus  forte  que  ne  le  marque  Mersenne.  Le  cla- 


FiG.  1060.  —  Figure  donnéi;  par  le  père  Mkrsennk  du  manichordion  (li?rejlll,  p.  1 15 


vicorde  de  1S43,  décrit  plus  haut,  avait  trois  cordes 
sur  chacune  desquelles  venaient  frapper  quatre  tou- 


I.  L'article  Manicordion  dans  le  Dictionnaire  ilf  7'n'-voiix  et  qui 
semble  avoir  été  inspiré  par  Mersenne  (même  nombre  de  touches  : 
49  à  'JO]  même  nombre  de  cordes  :  70;  de  chevalets  :  5.  etc.)  ajoute 
ceci,  à  proiios  du  son  extrêmement  doux  du  clavicorde  :  «  Aussi  esl-il 
particulièrement  en  usage  chez  les  Beligieusos,  qui  apprennent  à  en 


ches  différentes,  six  cordes  qui  correspondaient  à 
trois  touches  chacune,  treize  cordes  à  une  ou  deux 
touches  :   soit  un[  rapport  de  quarante-cinq  touches 

jouer,  et  qui  craignent  de  troubler  le  silence  du  Dortoir.  "  —  «  On  dit 
proverbialement  et  burlesquement  qu'une  lille  a  joué  du  manicortfion 
quand  elle  a  eu  quelque  amourette  secrète  quia  duié  long-temps  sans 
faire  bruit.  » 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  CLAVECIN    2o.-il 


sur  vingt-deux  cordes.  Praetorius  parle  de  quatre 
touches  par  corde,  ce  qui  —  comme  il  le  remarque 
—  réduisait  le  nombre  de  dissonances  possibles'.  Un 
clavicorde  de  fabrication  italienne,  qui  appartint  à 
la  collection   Heyer,   n'avait  que  dix-neuf  doubles 


cordes  pour  répondre  à  quarante-cinq  touches;  aussi 
une  corde  y  élait-elle  déjà  heurtée  par  cinq  tou- 
ches-. Deux  clavicordes,  appartenant  à  une  collec- 
tion de  Berlin,  olfrent  un  rapport  de  quarante-cinq 
touches  sur  vingt-six  à  vingt-huit  cordes  :  l'un  d'eux 


FiG.  1061 


Touches  et  tangentes  do  clavioorde  lié. 


touche  blanelie;  6,  touche  noire;  c.  ouvertures  par  où  passent  les  pointes  qui  retiennent  les  tangentes; 
d.  crampons  qui  viennent  frapper  la  même  corde  k  une  distance  d'un  demi-ton. 


a  deux  touches  brisées  afin  de  produire  des  sons 
enharmoniques  {fn%  et  aol ,u  solit  et  In  ii)  ;  sept  tou- 
ches seulement  ont  leurs  cordes  particulières.  D'au- 
tres instruments  comportent  vingt-huit  et  vingt-neuf 
cordes   pour    le    même    nombre    de   quaranle-cinq 
touches  ^  On  voit  ainsi  le  nombre  de  cordes  augmen- 
ter, de  vingt-trois  à  vingt-neuf  au  xvii'  siècle,  passer 
à  trente-huit  et  jusqu'à  quarante-deux  au  xviii='.En 
général,  la  répartition  des  cordes  libres  et  des  cordes 
liées,  c'est-à-dire  de  celles  qui  répondent  chacune  à 
une  seule  ou  à  plusieurs  touches,  reste  assez  varia- 
ble; mais  les  cordes  liées  prédominent  plutôt  dans 
le  médium  ou  vers  l'aigu  de  l'instrument.  Nous  don- 
nerons ici  quelques  exemples  empruntés  à  des  cla- 
vicordes du   Musée  de  Bruxelles".  Deux  clavicordes 
du  xvii",  d'origines  italienne  et  allemande  (n"'  1620 
et  1621),  ont  pour  leurs  2.3  et  27  cordes  les  touches 
suivantes  : 

123456  7  s  9  10 

lil     rè     mi     fa     sol     la     si\^elsi\i     iil  idf     ré     mi^mii 
ut     rè    réjjf  mi     fa     fa§        sol  sol  if      lu     lajf  si 

11  12  13  14  15 

fa-fijlr      sol-sot  Jt  la  si'^-si  Q  ut-ntJK 

nl-ultt     ré-réH-mi     fa-fa'i-sol     solff-ln-liijf     si-iil-uti 

10  17  18  19  20 

IV  mi'^-mi'i  fa-foif      sol-sol  fi         ta 

Tè-rc^-mi     fa-fai(-sol-sol^     la-/(ijf     si-ut-iilf     rc-rèH-iiii 

21  22  23  2i  25 

si'^-sii  «<•«(#     rê-mi]^-iiiii     fa-fafj^-sol-noii  la-siy-sif 

fa-fa^-sOl     sol^-ta-lui;     si-nt 

26  27 

id-iilS-re-tni^     mi- fit 

Un  clavicorde  (n°  634),  provenant  du  couvent  de 


1.  Sijntotjma  mu.iicum  (1018),  t.  Il,  p.  61  :  u...rfai'C  nllezëit  zireeii, 
drei,  àisœeilen  auch  wol  fier  Cla\jes  {ivelche  propter  di^sonaiitiam 
zufjlcick  auf  einmal  nicht  angeridirt  ii'erden  mtisseii)  zn  iinem  Cho~ 
saiten  rjebraneht  irerden.  « 

2.  KiNSKv,  op  cit.,  n°  3. 

3.  Cari  KuEbs.  op.  cit.,  pp.  100-1#1  et  Oskar  Fi.eisohkb,  Fiiftrer 
durehdie  Samnduni/  aller  Musikinslnimeiite  (Berlin,  18!I2),  p.  96. 

4.  KiKSKV,  op.  cit.,  p.  28. 

5.  MiBiLLON,  1. 11  et  IlI,  n"  034,  1619,  1620  et  1021. 


Saint-Nicolas  à  Prato,  offre  la  disposition  suivante, 
—  les  octaves  allant  de  mi  à  mi  : 

t       2.      3        4         5         6       7         8  9  10       1 1 

mi     fa     faif     su/     solit     la     si\,     si  S     ilo-tlofjf     ré     rêff-mi 

12  13  14  13  16  17  18  19 

fa-fnH     sol-solg     la     Sî|>-»IÈ1     do-dojf     ré     réjf-mi     fa-fa^ 

20        21         22  23  24         25  26  27 

sol-sol ji     la     ,si(,-siS     do-do  a      ré     réjjf-mi     fa-fa  H     sol-sol^ 

28  29 

(«-.«■(,    ùi-iio 

Un  clavicorde  de  trente-huit  cordes  doubles  et  de 
quatre  octaves  et  une  quarte  (n"  1619)  répartit  ainsi 
ses  cordes  et  ses  touches  : 

12        3       4         5       6       7  8  9     10       11        12 

ut     ut  a     rr     ré  if     mi     fa     fait     sol-sot  H     la     lajt     si     ut-ullf 

13         11  15  16  17        18  19         20       21 

ré     réjt-mi     fa-fa  jf     sol-sol  $     la     /njf-.vi     ul-utit     ré     réjt-'»' 

22  23  24         23  26        27  28  29 

fa-fatt     so/-.«o/îf     la     lait-si     ul-utit     "'     réit-mi     fa-fait 

30       31       32        33     31      35      36     37     38 

sol-.oltt     '«     lait-si    ut     ultt    ré    réif    mi    fa 

Ce  dernier  instrument,  manifestement  postérieur 
aux  autres,  montre  le  nombre  de  cordes  liées  en  di- 
minution, seize  pour  un  total  de  trente-huit  cordes, 
el  aucune  de  ces  cordes  liées  ne  répondant  à  plus 
de  deux  touches  à  la  fois.  C'est  alors  que  le  clavi- 
corde va  entrer  dans  une  nouvelle  période,  celle  du 
buiidfreies  Clavichord,  qui,  vers  la  seconde  moitié  du 
xviii''  siècle,  succédera  au  gebundenes  Clavichord  : 
chaque  touche  ayant  sa  corde  correspondante,  celle- 
ci  pouvant  être  naturellement  doublée  ou  triplée^. 


6.  AriLUN.;;  déclare  n'avoir  jamais  rencontré  de  clavicorde  n'ayant 
aucune  corde  doutdéi^  à  l'unisson  {.Masica  meehanicn  orijanœdi  p.  580). 
Il  spécifie  dt^  plus  qu'on  entoure  parfois  les  cordes  intérieures  de  fil 
d'argent  pour  leur  donner  une  ijrarili'  particulière  ;  on  peut  ain^j 
mêler  les  cordes  entourées  d'argent  aiii  cordes  non  filées,  soit  que 
les  premières  forment  des  10',  ou  soit  qu'elles  donnent  l'unisson  des 
secondes;  si  à  la  basse  les  cordes  se  trouvent  triplées  {dreichoritj), 
deux  seulement  d'entre  elles  sont  lilées,  tnndis  que  la  troisième,  non 
rdée,  sonne  à  l'octave  supérieure  des  premières  (4), 


•2052 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MVSIQVE  ET  DICTIONNAIRE  DV  CONSERVÂTOIHE 


Va  des  plus  beaui  exemplaires  de  clavicoide  «  libre  » 
se  trouve  acUiellemeTit  au  Musée  de  Braselles,  apiès 
avoir  été  au  Musée  hisloiiqae  de  musique  de  Copen- 
hague :  fubiJqué  par  Hieronymls  Uass  de  Hambourg 
en  1744,  ceclaviconde  a  une  étendue  de  cinq  octaves, 
du  fdo  au  fa::,;  toutes  les  cordes  sont  doubles,  sauf 
pour  les  vingl-deux  premiers  degrés  qui  possèdent  en 
plus  une  troisième  corde  à  l'oclave  grave  des  deux 
autres  (16'). 

Le  principe  qui  avait  conduit  à  faire  lier  chaque 
corde  à  plusieurs  touches  répondait  au  désir  d'éco- 


nomiser de  la  place.  Les  clavicordes  étaient  de* 
instruments  éminemment  portatifs.  On  en  construi- 
sit même  au  début  du  ^viii""  siècle  de  minuscules, 
comparables  par  leurs  dimensions  exiguis  aux  pe- 
tits virginals  en  forme  de  boîtes  à  ouvrage  dont 
nous  avons  parlé;  comme  ces  derniers,  lOktaro- 
Clavichord  ou  clavicorde  «  bible  »  pouvait  ne  mesu- 
rer que  trente-sept  centimètres  de  longueur,  pour 
vingt-huit  de  largeur  et  sept  de  hauteur'.  Le  clavi- 
corde bible  n"  13  de  la  collection  Heyer  offrait  ainsi 
une  étendue  de  deu.x  octaves  et  une  quarte,  quinze 


FiG.  1062.  —  Clavicorde  lié  tlu  xvii''  siècle  (coll.  Wanda  Lanhowska). 


doubles   cordes  seulement  répondant  à  vingt-sept 
touches,  et  la  dernière  touche  étant  brisée. 

Mais,  qu'on  ail  été  amené  peu  à  peu  à  faire  com- 
mander une  corde  entière  par  une  seule  touche, 
comme  cela  avait  lieu  sur  les  clavecins  et  sur  les 
épinettes-,  on  s'est  trouvé  dès  lors  avoir  accru  les 
dimensions  d'un  instrument  dont  la  sonorité  ne 
pouvait  que  resler  faible,  —  et  à  un  moment  où  un 
autre  instrument  à  cordes  frappées,  le  piano,  allait 
remplir  toutes  les  qualités  expressives  demandées 
au.clavicorde  sans  en  oli'rir  les  défauts.  Hullma.ndel 
disait  du  clavicorde  :  «  Sa  seule  méchanique  est  une 
languette  de  cuivre  attachée  à  l'extrémité  de  chaque 
touche  au-dessous  de  la  corde  qu'elle  doit  frapper. 
L'avantage  de  cette  languette  est  d'augmenter  et 
d'adoucir  le  son  en  appuyant  du  doigt  plus  ou  moins 
fort  sur  la  touche,  et  son  inconvénient  est  de  le 
hausser  ou  de  le  baisser  en  même  temps''.  «D'où  la 
valeur  pédagogique  du  jeu  de  clavicorde  :  a  L'exer- 
cice du  clavicorde  est  très  propre  à  perfectionner  le 
tact.  La  plus  légère  difféience  de  force  dans  les 
doigts  y  est  sensible,  et  la  moindre  irrégularité  peut 
faire  un  mauvais  effet*.  »  C'est  ce  que  Ue  Castillon 
nis,  dans  son  article  Clavicorde  du  supplément  à  l'En- 
cyclopédie, dit  également  :   «  Cet  instrument  vaut 


1.  Ferni^',  ce  cLivicorde  avait  ;i  peu  près  l'a&p«ct  d'uue  bible, 
coBime  ces  i-ég.iles  do  voyage  surnommées  bibles-regales.  \C[.  KlKbK^, 
op.  cil,,  n"  13.) 

2.  Un  avanUge  du  clavicoi-de  Uùrr.  était,  outre  de  permettre  cer- 
taïas  iiiterviUles  olii'omatii]ucs  irrf^alisdbles  sur  tes  cordes  liées,  d  evi. 
ter  qu'une  seule  eoriie  se  laussant  reudit  plusieurs  notes  fausses  à  la 
fois.  (Cf.  AiinjNr.,  Musica  mechanica  oi-ijaiioeili,  page  57;).) 

3.  ArUC/aurciit  dans  !7i^iicyc/op(;'/iefïM.7/.0(/i^«e publiée  par  FtiAwrin 
ctCi»cuBNÉ,  t.  1  (Paris,  1791). 

4.  Itiid. 


beaucoup  mieux  pour  les  coramençans,  que  le  cla- 
vecin :  1°  parce  qu'il  est  plus  aisé  à  toucher;  i°  parce 
que,  comme  il  est  capable  de  piano,  de  forte,  et  même 
de  tenue, quand  on  sait  bien  le  ménager,  on  peut  s'ac- 
coutumer à  donner  de  l'expression  à  son  jeu.  Un  cé- 
lèbre musicien  allemand  nommé  Bach,  présentement 
directeur  de  musique  de  la  ville  de  Hambourg»,  ne 
juge  d'un  joueur  de  clavecin  qu'après  l'avoir  entendu 
toucher  du  clavicorde''.  »  Moins  d'un  demi-siècle 
plus  tard,  au  (i  clavecin,  trop  automate  »,  De  Momi- 
c;ny  opposera  <i  le  précieux  avantage  du  marteau  [de 
piano]  d'être  aux  ordres  de  celui  qui  sait  le  inaitri- 
ser.  11  reçoit  du  tact  du  pianiste  une  sorte  d'ani- 
mation magique  qui  fait  que  le  son  prend  successive- 
ment tous  les  caractères''  ».  Le  piano  triomphera 
par  la  raison  même  qui  faisait  adopter  l'e.xercice 
préalable  du  clavicorde  en  vue  du  jeu  de  l'orgue  ou 
du  clavecin  :  par  cette  sensibilité  extrême  de  l'ins- 
trument aux  moindres  différences  de  toucher.  Mais, 
comme  le  remarque  Cari  Krebs,  combien  plus  direct 
que  tout  autre  aura  été  le  contact  du  clavicordiste 
avec  ses  cordes,  grâce  à  la  simplicité  même  de  son 
instrument  et  dont  ni  le  clavecin  ni  le  piano  n'offre 
l'équivalent.  Ainsi  que  sur  les  inslruments  non  tem- 

'i.  Il  s'agit  donc  de  A'arl'PliUijip-Enianiwt  Bvch. 

6.  Kreus  cite  ce  passage  de  VinniiNii,  également  en  faveur  de  l'étude 
du  clavicorde  ;  a  Dann  iras  du  l'/ftlem  clavivlwi-ilio  lernest,  das  hast 
du  daim  yitt  end  teichtUck  sfjilrn  zit  In'iien  l'jj  der  Orgeln,  v/[  dem 
Claoitzijilimet,  vff  dem  virtjinal,  and  vfj  aUen  andern  ctavierten  îiiS' 

riimenteii.  «  Même  conseil  donne  p;ir  Puai.toiuds,  ainsi  que  par  lUt.N- 
,,Kr.  lui-mùme  (d'après  une  conversation  a\oc  Griinville)  :  «  but  the  cla- 
,.u:liord  must  be  iiiade  itse  of  by  bfijirtiuTs  înstead  of  organ  or  harpsi" 
ckord^  rt  (Reproduit  par  En<.ki.,  lueo  cil.,  p.  35G).  \V\i.ji,ii  fait  du  clavi- 
corde une  erste  Grammalihti  {MiisikiUisclifS  Lexicon,  1732). 

7.  Art.  Piano  dans  le  t.  Il  de  encyclopédie  mèlhodique  de  Fra. 
Mi:uv  (Paris,  1818), 


TECHMIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    CLAVECIN    iOM 


pérés,  une  léf^ère  altération  des  notes  était  pos- 
sible sur  le  clavicorde  :  le  moindre  tressaillement  du 
doigt  se  répercutait  sur  la  corde,  sous  forme  d'un 
vibrato  assez  parlieiilier'.  C'était  la  fameuse  Bebung, 
ornement  tout  spécial  au  clavicorde-. 


L'instrument,  fabriqué  par  des  Middeliuirg,  des 
Fleischeh,  des  Kramer,  des  Hass,  des  Hubert,  des 
Cari  Lemme,  etc.,  devait  être  l'objet  d'un  usage  plus 
prolongé  en  Allemagne  «  à  cause  —  comme  Hull- 
MA.NDEL  le  remarque  en  1791  —  de  sa  commodité,  du 


FlG.  1063. 


Clavicorde  .■xvoc  écriloire  de  compositeui'  (Conservatoire  de  Paris) 


peU'  d'entretien  qu'il  exi^e,  et  parce  que  dans  ce 
pays  1^...]  l'on  a  plus  qu'ailleurs  fait  des  recherches 
sur  l'art  de  toucher  du  clavecin^...  »  Il  y  eut  d'ail- 
leurs en  Allemagne  bien  des  varianles  du  clavicorde  : 
[a.  siimphonia  dont  parle  Kreks*;  le  Peilal-clavichord 
construit  en  1700  par  un  facteur  d'orgues,  Johann- 
David  Gerstenheri-.,  mesurant  quatre  octaves  et  une 
tierce,  et  ajant  deux  claviers  qui  commandaient  à 
deux  rangs  de  cordes  de  8'  et  un  pédalier  qui  agis- 
sait sur  quatre  rangs  de  cordes  de  8'  et  de  16'";  le 
TangentenflUgcl,  inventé  au  xviii«  siècle  par  Franzen 
Sp\th'',  et  qui  tenait  déjà  de  ce  piano  à  marteaux 


1.  Ivrirr.s,  op.  cit.,  I}.  ILti;  ><  Uarclt  ilrn  Itiichst  tinfachfti  Aiisch- 
tagsmt^chanismtis  stand  der  Spiefer  immer  in  einem  dirfklen,  mnitjen 
Konnex  mit  dfr  Saite,  er  hatte  sip  sotjar  melir  in  dèr  Geiralt,  al- 
dies  bel  df'n  jctzignn  Klaricren  mit  freier  I/awmeralislnsunif  niiif! 
glùjli  isi.  Aiich  iiach  dt'm  Ansfidafi  iroj-  niiclt  eiitfi  Modiftkation  dis 
Tous  mi'ijîich  :  ein  lei^es  Anschirellenlassendnrch  rennpliflen  Dnick 
undjcdc  Bebuni/  di^s  Fini/ffs  Idang  in  dem  Vibrato  dt'r  Saitr  irit'dar.  » 

i.  i<  En  pressant  la  touche  du  clavicorde,  on  peut  obtenir  l'elVet  le 
plus^caractéristitiuc  pour  ci'l  instrument,  d'ailleurs  oxquis>une  sorte  do 
vibrato,  de  battement  redoublé  sur  une  même  note  que  nous  p  >u- 
vons  obtenir  .lussi  sur  notre  piano  en  répétant  les  coups  de  pédale 
en  pressant  la  touche  sans  la  quitter,  mais  qui  était  inexécutable  sur 
le  clavecin.  Les  chnàcnnlistes  employaient  fréquemment  cet  orneinont 
appelé  Bi'bung.  eLles  clavecinistes, bien  entondii,  jamais.  ■•  (WandaLxK- 
t'u\vsK.v,  Le  Clavecin  clu-z  Bach,  S.  l.  M.,  13  mai  l'.HO).  Cf.  dans 
ce  même  article,  la  réfulation  de  cette  vieille  erreur  qui  remonte  à 
Si'iTTv  et  il  FoiiKFj,  et  d'après  laquelle  J.-S.  B,\cu  aurait  écrit  pour 
le  clavicorde  «'  bien  tempéré  »  :  alors  que  maints  passages  de  B.\cii 
étaient  inexécutables  sur  un  instrument  à  un  seul  clavier,  dont  les 
cordes  liijes  ne  permettaient  pas  certains  intervalles  de  seconde  et, 
du  reste,  dont  rorocmout  essentiel,  la  Bebimg,  ne  trouvait  guère 
d'emploi  auprès  du  style  de  Bach. 

3.  Art.  CtnveciJi.  liiiTis  VEfici/clopi'die  miitliodique  de  Fn^.MKl!\^  — 
(ioEHi.iN'iRii.  dans  sa  thèse  sur  Gesrhichti'  des  lilojvichoirdu,  tlU  qun 
ce  clavicorde  l'ut  «  aus  xvu"  et  xv.iiio  siècles  un  instruinent  allemuiid 
par  excellence;  il  était  construit  de  préférence  par  des  fa<'t«ur3,  .xlle- 
mands  n  (p.  33).  M  donne,  en  appendice  à  son  ouvrage,  une  liste  de 
faieteurs  de  clavicordes  et  de  clavecins  (pp. ,4j-61),  ainsi  que  de  nom- 
breuses citations  empruntées  à  la  poésie  allemande  du  wni"  siècle 
(PO-  38^3  (. 

4.  K[tF.BS,  op.  ciï.,.pp.  Ll-2-1  13. 

5.  KiNsKY,  op.  cit.,  n»  23.  —  LudHigGEiinEii,  l'auteur  du,  £/'xjco;i  der 
Tonkiinstler  (Leipjig.  17'J01,  dit  que  son  père,  l'organiste  Ueioriidi  M- 
colaus  GEHDF,a  avait  inventé  vers  1742  un  clavicorde  de  celte  espèce  de 
fosma  pyraïuidaic  (fit'.  Kiksivï,  p..4..j)v. 

6.  Cdrt  Sacbs,  Real'Lexicon  der  yfusikinstruimnte,  p.  3.76, 


dont  le  succès  allait  nuire  au  clavicorde  plus  irré- 
médiablement encore  qu'au  clavecin. 

Instrnincnts  conibitiés. 

Il  est  à  remarquer  que  les  premiers  piano-forte 
avaient  un  son  très  inférieur  à  celui  du  clavecin.  Cela' 
(■tait  dt"!  en  grande  partie  à  la  minceur  des  cordes  dfe 
clavecin  qu'on  utilisait  encore,  faute  d'aulres  «  plus 
tendues,  plus  fortes  et  plus  courbes  »,  susceptibles 
de  «  souli'rir  les  coups  de  marteaux"  ».  Déjà  — 
comme  le  i-emarque  Wanda  La.n'dowsra  —  »  l'a  corde 
pincée  est  en  elle-même  toujours  plus  pure  que  lit 
corde  frappée  »;  mais  la  beauté  du  son  du  clavecin 
pouvait  encore  provenir  de  ce  faillie  diainètre  de 
corde  dont  le  piano  devrait  peu  à  peu  abandonner 
l'usage.  Cette  supériorité  sonore  du  clavecin  sur  le 
piano  fut  constatée  au  wiii"  siècle  par  des  Qi^anti, 
des  Marpiirc,  des  Philipp-Emanuel  Bach.  D'ot't  aussi, 
en  tout  temps,  l'excessive  rareté  dns  »  tentatives  de 
lenforcer  la  sonorité  du  clavecin  »,  les  inventions 
d'alors  n'ayant  tendu  surtout  qu'  <•  à  augmenter  la 
variété  des  sonorités  ou  à  prolonger  le  son*  ».  D'oii, 
ces  combinaison^i  d'instruments,  vrais  monstres  par- 
lois  de  l'organologie,  mais  qui  Irahi'îsent  sous  leur 
extravagance,  sous  leur  fantaisie  laborieuse,  la  pour- 
suite d'une  toujours  même  idée,  celle  de  réunir  en 
un  instrument  unique  les  qualités  diverses,  inconci- 
liables presque,  de  plusieurs  instruments  rivaux. 
Esprit  de  synthèse,  toujours  prêt  k  reparaître  jusque 
dans  la  facture  et  dont  l'intermittence  explique  tan- 
Hôt  ce  désir  de  resserrer  le  champ  musical  entre  les 
limites  d'un  seul  instrument,  tantôt  cet  effort  vers 
une  confusion  orchestrale  de  plusieurs  instruments 
en  un  seul.  Ainsi  aux  côtés  du  clavecin  naquirent  de 
ces  instruments  combinés  —  qu'il  faudrait  savoir 
dfstinguer  aussi  de  telles  autres  fantaisies  éphémères 

7.  Art.  Piano  par  de  Mumigx\,  dans  l'Encyelopii'die  mét/uidigiie  de 

FuASiBBV,  t.  II. 

8.  Wanda  Laxhowska,  Musique  anoiûiinc  (p.  2Uft  de  l'édition  Se- 
nart). 


20J4 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


de  luthier  —  et  à  l'intérieur  même  desquels  se  su- 
perposent, voire  se  compénètrent  plusieurs  instru- 
ments comme  le  clavecin,  le  piano-forte,  le  violon 
ou  l'orgue,  afin  de  varier  ou  de  prolonger  les  diverses 
sonorités. 

A  la  rigueur,  le  clavicytherium,  arpichord  ou  épi- 
nette  italienne,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  pourrait 
être  considéré  comme  un  type  d'instrument  combiné. 
Il  s'agirait  ici  du  mélange  de  harpe  et  d'épinette,  les 
cordes  étant  verticales  comme  celles  d'une  harpe, 
donc  perpendiculaires  au  plan  du  clavier.  Les  saute- 
reaux  y  vont  d'arrière  en  avant.  Ainsi  disposées,  les 
cordes  «  font  une  très  douce  harmonie  —  écrit  Mer- 
senne  —  quand  le  vent  vient  à  les  frapper,  et  qu'il 
aide  au.x  sons  naturels  que  font  les  plumes  des  sau- 
tereaux  '  ».  Celte  parenté  du  clavicytherium  avec 
la  harpe  avait  été  saisie  par  Banchieri,  dans  ses 
Conclusioni  del  si/ono  d'organo  (1609)  ^  Mais  un  très 
curieux  exemplaire  de  clavicytherium  ou  spinetia 
verticale,  du  début  du  xvi'  siècle  et  de  fabrication 
italienne,  l'un  des  plus  précieux  instruments  qui  nous 
restent  de  cette  époque,  décèle  une  origine  plus  par- 
ticulière. Cet  instrument  —  n"  66  de  la  collection 
Heyer  —  est  à  double  clavier,  pour  une  étendue  de 
quatre  octaves  et  d'une  tierce^  :  sur  quarante-neuf 
cordes,  quinze  sont  doubles,  douze  sont  liiples  et 
vingt-deux  quadruples.  Comme  le  remarque  Kinsky*, 
il  s'agit  ici  de  l'exacte  superposition  de  deux  psalté- 
rions  à  clavier,  —  nouvel  argument  en  faveur  de 
l'origine  commune  des  instruments  «  à  plumes  » 
(Kielinstriimente)  en  le  psaltérion.  Praetorius  note 
la  ressemblance  qui  existe  entre  le  clavicytherium 
et  le  ciavicembalo,  avec  cette  différence  que  le  pre- 
mier résonne  comme  une  harpe,  grâce  à  des  crochets 
de  laiton  qui  pincent  des  cordes  ^  Adlung  différen- 
cie le  clavicytherium  du  clavecin  par  le  fait  que  les 
cordes  du  premier  montent  perpendiculairementau 
clavier,  et  tandis  que  les  cordes  du  second  s'étendent 
dans  le  sens  horizontal  f'.  De  Castillon  fils,  dans  l'ar- 
ticle Clavecin  vertical  du  Supplément  de  1776  à  l'En- 
cyclopédie, dit  que  cet  instrument  ou  clavicithcrium, 
«  que  quelques-uns  appellent  mal  à  propos  panta- 
lon>',  a  un  corps  plus  étroit  que  le  clavecin  et  «comme 
ici  les  saulereaux  ne  sont  pas  verticaux,  et  ne  peu- 
vent pas  retomber  d'eux-mêmes,  ils  sont  repoussés 
par  un  fil  élastique  '.  »  Tandis  qu'HuLLMANDEi,  écrit 
dans  l'Encyclopédie  méthodique  de  Framery  et  de 
GiNGUENÉ  :  «  L'espace  que  les  clavecins  occupent  en 
a  fait  construire  autrefois  dont  le  corps  élevé  per- 
pendiculairement forme  un  angle  avec  le  clavier. 
Dans  ces  instruments,  le  clavier  et  le  sautereau  tien- 
nent ensemble.  La  foiblesse  de  leur  son  a  toujours 
fait  préférer  les  cluvecins  horizontaux.  » 

Les  clavecins  ou  épinettes  organisés,  tels  que  le 
claviorganum,  composite  de  clavecin  et  d'orgue, 
oifrent  une  illustration  frappante  de  ces  instruments 
combinés.  Les  exemples  en  sont  malheureusement 
rares.  Nous  en  trouvons  au  Musée  de  Douai,  à  celui 
du  Conservatoire  de  Bruxelles,  au  Metropolitan  Mu- 
séum de  New-York.  La  collection  Heyer  possédait 
bien  cinq  instruments  de  ce  genre,  mais  ce  sont  des 
combinaisons  d'orgue  et  de  pianos  à  marteaux*.  Nous 


1.  Mefisenne,  op.  cit.,  liv.  m,  p.  113. 

2.  D',iprès  KnEes,  op.  cil.,  qui  place  l'invention  du  'clavicytherium 
avant  1515, 

3.  Une  des  octaves  étant  courte. 

4.  Ki.NsKY,  op.  cit.,  p.  84. 

5.  PiiAEToïMiis,  Syntagmamusicum,  t.  II,  et  Iïngel,  <jp.  cit.,  p.  351. 

6.  Adldng,  Atusica  Tîiechanica  organa-di,  p.  505. 

î.  Cf.  dans  ce  supplément  la  figure  8,  planche  1  de  Lutherie. 


voyons  apparaître  l'épiiiette  organisée  chez  Uahelais  : 
son  personnage  de  Quaresmeprenant  ayant  des 
■<  orleilz...  comme  une  épinelte  orguanisée  »■'.  Dans 
un  inventaire  du  mobilier  du  cardinal  de  Granvelle, 
décédé  en  ISoÛ,  figure  une  «  espinette  organisée  de 
cinq  jeux,  les  deux  soufflets  au  dessoubz...  ».  Praeto- 
rius signale,  dans  son  De  Organographia  de  1619, 
l'existence  de  pareils  instruments  oij  une  série  de 
tuyaux  d'orgue  se  trouvent  mêlés  à  un  réseau  de 
cordes'".  Engel  parle  d'un  claviorganum  qui  porte 
comme  inscription  :  (  Lodowicos  Threires  me  fecit, 
1379,  »  et  note  que,  dans  ces  instruments,  une  tirasse 
ou  une  pédale  permettait  d'unir  ou  de  séparer  les 
jeux  de  clavecin  et  d'orgue".  Le  claviorganum  du 
musée  de  New-VorU  est  dû  à  un  facteur  d'orgues 
de  Hanovre,  Brock,  et  date  de  1712  :  il  a  une  étendue 
de  quatre  octaves,  d'«<  à  ut,  le  premier  îUjt  manquant; 
à  l'origine,  cet  instrument  se  composait  d'un  harp- 
sichord  et  d'un  orgue,  et  fut  plus  tard  transformé  en 
un  piano  avec  un  jeu  d'octaves;  tel  quel  aujourd'hui, 
le  clavecin  inférieur  commande  l'orgue,  avec  ou  sans 
piano, tandis  que  le  clavecin  supérieur  joue  l'octave; 
les  deux  claviers,de  plus, peuvent  être  accouplés'^.  Le 
clavecin  organisé  du  Conservatoire  de  Bruxelles  fut 
construit  en  1585  par  Alexandre  Bortolotti;  le  cla- 
vier d'orgue  (du  sol,  à  l'ut..)  peut,  grâce  à  trois  regis- 
tres, agir  sur  trois  jeux,  l'un  de  llûte  (8'),  l'autre  de 
quinte  en  bois,  le  dernier  de  preslanl  (4')  ;  le  clavier 
de  clavecin  (du  s(uà  lut.)  peut,  grâce  à  deux  regis- 
tres, commander  à  deux  jeux,  l'un  de  16',  l'autre  de 
4';  les  deux  claviers  sont  susceptibles  d'un  accou- 
plement". Nous  ignorons  à  quelle  fin  sonore  répon- 
dait ce  mélange  de  cordes  et  de  tuyaux  :  qu'on  ait 
cherché  sur  un  même  instrument  à  reproduire  tour 
à  tour  l'orgue  et  le  clavecin,  nous  nous  l'explique- 
rions, mais  qu'on  ait  fait  entendre  simultanément  des 
timbres  de  cordes  pincées  et  de  tuyaux  d'orgue  nous 
demeure  assez  étrange. 

L'existence  des  clavecins  à  roues  ou  à  archets  se 
comprend  plus  aisément.  Il  s'agissait  là  de  prolonger 
indéfiniment  la  sonorité  de  la  corde,  de  même  qu'on 
prolonge  indéfiniment  le  son  émis  par  untuyau  d'or- 
gue. Ces  instruments  étaient  comme  des  violons  à 
clavier;  leurs  cordes  se  trouvaient  non  plus  frappées 
ou  pincées,  mais  frottées.  Il  est  donc  naturel  que  ces 
instruments  se  soient  plutôt  inspirés  de  la  vielle  qui 
constituait  déjà  une  étape  intermédiaii'e.  Célèbre  fut 
à  cet  égard,  au  début  du  xvii«  siècle,  le  Geigenwerk 
inventé  par  un  Nurembergeois  du  nom  de  Hans 
Haiden  :  cetinstrument,  ou  plutôt  un  autre  absolument 
similaire,  dont  de  Castillon  fils  parle  encore  dans  le 
Supplément  aux  Diclionnaires  des  sciences  de  1776, 
appartient  aujourd'hui  au  musée  du  Conservatoire 
de  Bruxelles''.  Cette  «  fantaisie  »,  où  l'on  cherchait 


8.  Cf.  KiNSKv,  op.  cit.,  n"  228-232. 

9.  Pantagruel,  lV-31. 

10.  Sijntagma  tnusicum,  cliap.  xlh. 

11.  Loco  cit.,  pp.  375-6. 

12.  N»  2741  du  cataloficuc  du  Metropolilan  Muséum  of  art,  iutr.  par 
HipKiNs  (New-York,  r,iii3). 

13.  Cf.  cat.ilogue  de  Mihillon,  t.  Il,  n»  1132. —  Cf.  aussi  des  épinettes 
organisées  signalées  en  1492  et  en  1511  par  André  Pmito,  lis  Ctaceci- 
7iistes  (Paris,  Laurens,  s.  d.),  pp.  7  et  14. 

14.  Cf.  l'article  sur  le  clavecin  à  roue  ■*  dont  probablement  l'inten- 
teur  a  tiré  l'idée  de  la  vielle  •i.(5!f/Jj0^em.  aux  Dicti'jnnairc>id>'s  sciences, 
1776):"  Comme  le  clavecin  ordinaire  n'a  ni  tenue,  ni  pi a7io,  ni  fnrte, 
ou  du  moins,  point  de  dilferens  <legré.s  de  piano  et  de/arfe.plusieur-s 
personnes  ont  cherché  a  remédier  à  ces  défauts.  Ces  recherches  onl 
mené  un  bourgeois  de  -Nuremberg,  nommé  Jean  Hwden,  t]ui  vivait  au 
commencement  du  xvii*  siècle,  à  l'invention  de  l'instrument  suivant.  » 
Suit  une  description,  après  quoi  il  est  question  d'un  autre  instrument 
de  ce  genre  vu  à  Berlin. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   CLAVECIN    2055 


à  combiner  la  contiiuiilé  du  coup  d'archet  avec  la 
vélocité  du  jeu  sur  le  clavier,  a  été  minutieusement 
décrite  par  l'inventeur  même, cité  par  I'raetorius  el, 
de  nos  jours,  par  Ernest  Closson'.  L'instrument  de 
IIaiben  est  —  selon  Praetorius  —  »  muni,  au  lieude 
tangentes,  de  cinq  à  six  roues  d'acier  très  également 
recouvertes  de  parchemin  enduit  de  colophane  ou 
d'huile  de  spic,  comme  les  archets.  Ces  roues  sont 
actionnées  par  l'organiste  lui-même  au  moyen  des 
pieds,  et  par  l'intermédiaire  d'une  roue  plus  grande 
•et  de  poulies  situées  sous  la  caisse  de  résonance,  ou 
bien  encore  latéralement,  par  le  souftleur.  Dés  qu'on 
abaisse  une  touche,  la  corde  correspondante  s'appuie 
sur  la  roue  qui  tourne  en  dessous  et  entre  en  vibra- 
tion, comme  si  elle  était  frottée  par  un  archet^  ». 
Sur  son  Geige7ucerk,  Haiden  dit  lui-même  qu'on  peut 
«  nuancer  les  sons  et  tout  à  la  fois  les  prolonger  à 
volonté,...  —  ce  qui  n'est  même  pas  réalisable  sur  les 
violes,  vu  les  dimensions  restreintes  de  l'archet»; 
«  on  peut  y  reproduire  l'effet  du  registre  trémolo  de 
l'orgue,  mais  sans  registre,  et  réaliser,  par  le  seul 
secours  de  la  main,  un  tremblementlentou  rapide»; 
on  peut  encore  y  imiter  l'écho,  le  luth,  la  vielle,  la 
•cornemuse,  le  hautbois,  la  cithare,  la  viole  bâtarde, 
etc.^.  L'instrument  de  Bruxelles  décrit  par  Closson 
■et  par  Mahillon,  porteur  de  la  légende  suivante  : 
Fràij  Ratjmundo  Truchado  incentor,  I62S'',  est  mû 
par  une  manivelle  placée  à  l'arrière  de  l'instrument; 
il  nécessite  doncla  présence  d'une  seconde  personnel 
comme  dans  cet  organistrum,  sorte  de  vielle  géante 
figurée  sur  un  tympan  du  xi« siècle  à  l'abbaye  de  Saint- 
Georges-Boscherville,  et  que  nous  voyons  posée  sur 
les  genoux  de  deux  personnes,  l'une  tournant  la  ma- 
nivelle, l'autre  touchant  le  clavier^;  de  plus,  Mahil- 
lon remarque  que  le  clavier  de  ce  geigenu-erk  «  ne  se 
trouve  qu'aune  hauteur  de  0'», 34  du  sol,  ce  qui  prouve 
à  toute  évidence  que  l'instrumentiste  s'en  servait  à 
la  façon  orientale,  assis  sur  un  coussin...  »  Ce  clavier 
s'étend  sur  quatre  octaves d'«<  à  ut,  la  première  étant 
courte  suivant  les  coutumes  de  la  facture  d'alors.  Les 
quatre  roues  disposées  verticalement  agissent  respec- 
tivement sur  treize,  douze,  onze  et  neuf  cordes,  soit 
au  total  quarante-cinq  cordes,  toutes  de  boyaux,  alors 
que  l'instrument  de  Haiden  avait  des  cordes  d'acier, 
les  plus  grosses  entourées  de  parchemin.  Glossom 
note  que  le  son  de  cet  étrange  instrument  «  ne  rap- 
pelle en  rien,  comme  on  pourrait  le  croire,  celui  des 
archets,  mais  bien  plutôt  celui  de  l'orgue,  —  à  cause 
probablement  de  sa  prolongation  et  de  son  égalité"^  »■ 
Un  troisième  type  d'instrument  nous  est  signalé  par 
DE  Castillon  fils  dans  son  article  sur  le  Clavecin  à 


i.  Cf.  Haiden,  Musicale  in^trumeiiittm  veformatum  (Nuremberpr, 
ItilO);  Praetuhius,  De  Orfjanofjraplûa  (in  :  Sijntagma  jnusice,  t.  II, 
IGlS-iiO);  Dopi'Ei.MAMîR,  Historische  Nachricht  von  dttn  nUrnbergis- 
chen  Mathematicis  u.  Kùnstlern  (1730,  p.  212,  pi.  IV,fig.  1)  ;  Ernest 
Closson,  Le  Geii/^nicerk  au  Musée  du  Conservatoire  de  Bruxelles 
(*  Guide  musical  ■,  3,  10,  i",  24  avril  et  !•'  mai  1004);  Mahjlm'N, 
op.  cil.,  a'  2485  (t.  IV,  Gand,  HU2). 

2.  Praetorius,  cité  par  Ceossox,  op.  cil. — De  Castili.ûn  fils  repro- 
duit cette  description. 

3.  Haiden,  cité  par  Praetorius  et  par  Closson.  —  A  noter  que  Mer- 
senne,  parlant  du  môme  instrument,  ne  cite  que  «  des  jeux  entiers  de 
violes  »  {Harmonie  ainrerselle,  liv.  Ill,  p.  106). 

4.  Closson  remarque  que  si  le  mécanisme  est  d'invention  bavaroise, 
la  peinture  de  la  table  est  llamande,  la  signature  el  l'extérieur  portent 
une  origine  espagnole. 

.T.  FhTis,  Hisloire  Qènrrale  de  la  musique,  t.  IV,  pp.  504-505. 

0.  Remarquons,  avec  Closson,  ([ue  si  la  nielle  a  elle  aussi  un  petit 
clavier,  l'action  de  celui-ci  est  assez  différente  :  dans  le  ffeigenwerl,\ 
à  chaque  touche  correspond  un  anneau,  dans  lequel  passe  une  corde 
qui,  lorsque  la  touctie  s'abaisse,  vient  frotter  contre  l'une  des  roues; 
dans  la  vielle,  les  touches  ne  servent  qu'à  changer  l'intonation  des 
cordes. 


roiie  du  Supplément  aux  Iticlionnaircs  des  sciences 
(1776)  :  instrument  vu  à  Berlin  el  ayant  également 
des  cordes  de  boyaux,  mais  où  les  roues  parcheminées 
se  trouvent  remplacées  par  une  sorte  d'archet  — 
<<  large  bande  formée  par  un  assemblage  de  nombre 
de  crins  de  cheval,  noués  à  un  bout;  cette  bande  de 
crins,  qui  formait  un  anneau,  passait  sur  deux  cy- 
lindres». «  A  une  des  extrémités  de  l'archet  —  ajoute 
DE  Castillo.n  —  était  un  petit  sachet  de  mousseline 
ou  de  quelque  autre  tissu  clair,  plein  de  colophane, 
(|ui  frottait  continuellement  les  crins.  >  C'était  l'ins- 
trument de  HoHLFELD,  nommé  Hohlfeldtischer  Bogen- 
jUigel.  et  qui  connut  une  grande  vogue  en  Allemagne 
vers  la  fin  du  xvm«  siècle  '.  D'autres  essais  de  clave- 
cins à  archet  apparurent  encore,  tant  en  Allemagne 
qu'en  F'rance'. 

La  combinaison  du  clavecin  avec  le  luth,  avec  le 
théorbe  ou  avec  la  guitare  fut  également  tentée. 
Ainsi,  J. -S.  Bach  commanda  au  facteur  Hildebrand  un 
clavecin-luth  (Lautenclavicymbel)  pour  lequel  il  com- 
posa même  des  œuvres  {Prélude,  fugue  et  allegro);  cet 
instrument  était  composé  de  trois  rangs  de  cordes 
dont  deux  de  boyaux  et  un  fil  de  laiton.  Adlcng  remar- 
que que  cet  instrument  rappelait  tantôt  le  théorbe, 
tantôt  le  luth  proprement  dit».  De  même,  Johann 
Christoph  Tleischer  construisit  un  Theorben-Flûgel 
et  un  Lautcn-Cltivessin,  ayant  (comme  dans  le  Lau- 
tenclavicymbel] deux  rangs  de  cordes  à  boyau  et  un 
ran^  de  cordes  métalliques  '".  Mais,  en  réalité,  ces  ins- 
truments ne  sont  pas  plus  que  des  variantes  de  cla- 
vecins, où  la  variété  des  effets  se  trouve  obtenue  par 
des  cordes  de  matières  diflérentes.  Seul  mérite  d'être 
cité  à  part  le  clavicorde  inventé  par  D.-T.  Faher  vers 
1725,  et  qui  pouvait  sonner  tantôt  comme  un  luth, 
tantôt  comme  un  glockenspiel  assourdi  ou  non  ". 

En  dernier  lieu,  nous  signalerons  la  superposition 
de  deux  épinetles  dans  le  même  instrument,  ou  d'une 
épinette  au  clavecin.  Mais  là,  il  s'agit  d'un  instrument 
double  pouvant  être  joué  à  la  rigueur  par  deux  per- 
sonnes à  la  fois.  Ainsi  les  deux  clavecins-épinettes, 
dus  à  Ruckers  et  que  possèdent  le  Conservatoire  de 
Bruxelles  et  le  Musée  Plantin  d'Anvers,  ont  trois  cla- 
viers, deux  superposés  pour  le  clavecin  sur  l'un  des 
petits  côtés  du  rectangle,  un  autre  clavier  pour  l'épi- 
nette  encastré  dans  l'un  des  grands  côtés;  les  claviers, 
du  clavecin  offrent  une  étendue  Je  quatre  octaves  et 
un  degré  (du  ,si„  à  Vut^),  le  clavier  de  l'épinette  a 
moins  de  quatre  octaves,  la  première  étant  courte  (de 


7.  Cet  instrument  fut  présenté  à  Frédéric  II  en  1754  (cf.  les  Prin- 
cipes du  clavecin  de  Mahpurg,  IX-li,  cl  diclionn.iires  de  Schillinc  et 
de  FÉTrs). —  Etait-ce  déjà  un  instrument  de  ce  genre  que  .'  l'instru- 
ment à  clavier, ..  offert  par  l'électeur  duc  Auguste  de  Saxe  au  grand 
Albert  (le  Bavière  »  dont  parle  Vincent  Galilée  dans  son  Dialogo... 
délia  musica  antica  et  délia  moderna  (Florence,  l'iSl,  dial.  II,  p.  48)  : 
des  cordes,  »  semblables  à  celles  du  luth,  sont  ébranlées  comme  celles 
de  la  viole,  au  moyen  d'un  écbeveau  ingénieusement  fabriqué  avec  des 
soies  employées  pour  les  archets  de  viole;  cet  écheveau,  facilemeut 
mis  en  mouvement  par  l'instrumentiste  au  moyen  d'une  pédale,  touche 
les  cordes  sans  interruption  en  passant  sur  une  roue,  aussi  longtemps 
qu'on  obtient  la  touche  abaissée  '>  (cité  par  Closson,  op.  cit.). 

8.  Cf.  l'article  Bogenclavier  dans  XEnci/clopddie  de  Schill.ing  (t.  I). 
Cf.  aussi  le  clavecin  de  CuisiNit,  dans  le  Recueil  des  macliines...,  t.  II, 
1708  (pp.  155-(i,  p!.  127}  :  vielle  perfectionnée  posée  sur  une  table,  la 
manivelle  étant  tournée  à  l'aide  d'une  pédale  semblable  à  celle  d'un 
rouet  {comme  dans  l'instrument  à  rouesdécrit  par  Mersenne);  la  corde 
y  est  frappée  par-dessus  à  l'aide  de  petits  maillets  pareils  à  des  tan- 
gentes de  clavicorde.  Cf.  aussi  les  instruments  signalés  par  Ci.osson  : 
l'épinette  à  archet  de  Renald  (1745),  l'orphéon,  eto. 

y.  Adlcng,  Musica  mechanica  organœdi,  p.  ,02. 

10.  Walthek,  Musik'-Lexicon  {l.eifiig,  1732),  p.  248.  —  Cf.  dans  le 
même  dictionnaire  (pp.  170  et  28  i)  les  /.'lavier-Oamba  el  Laitten~Cla- 
viér  de  Georg  Gleichmans. 

11.  Walthlii,  op.  cit.,  p.  23o. 


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ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Vuli  iiX'uly,);  au  clavecin,  qualre  rangs  de  sautereaux 
viennent  pincer  trois  rangs  de  cordes  (deux  8'  et  un  4')  ; 
l'épinette  a  son  réseau  de  cordes  distinct  :  il  s'agit 
donc  bien  de  deux  instruments  indépendants  l'un  de 
l'autre'.  Les  doubles  épiiieltes  de  la  collection  Stein 
et  du  Metropolitan  Muséum  of  Ait,  fabriquées  par 
Ludovicus(;novvELUs  et  par  Hans  Ruckers,  rappellent 
le  mol  de  Pbaetorius  disant  que  l'on  peut  mettre  les 
ottavinos  sur  de  plus  grandes  épinettes,  comme  de 
petites  tourelles  sur  de  grandes  tours'-.  Ces  petites 
épinettes  accordées,  à  une  octave  plus  haut,  pouvaient 
d'ailleurs  être  retirées,  comme  uu  tiroir  d'un  meuble, 
et  posées  sur  une  table.  Le  vis-a-vis  du  musée  de 
Naples  oppose  un  piano-forte  à  un  clavecin,  placés 
face  à  face;  tandis  que  le  clavecin  à  maillets  et  à 
sautereaux  de  Marius  combinait  les  deux,  — les  jeux 
de  marteaux  et  les  jeux  de  sautereaux  pouvant  être 
directementaccouplés^.  On  saisira  parla  toute  l'am- 
plitude des  combinaisons  qui  ont  pu  se  proihiire  sur 
les  frontières  du  type  commun  de  clavecin  :  tan- 
tôt il  s'agit  de  mêler  intimement  deux  instruments, 
ou  du  moins  de  réunir  les  propriétés  du  plus  grand 
nombre  d'instruments  en  un  seul,  tantôt  il  s'agit  de 
loger  matériellement  deus  instruments  dans  un 
coUre  unique. 


ROLE  DE  CES  INSTRUMENTS  ET  PÉDAGOGIE 

Garl-Philipp-tEmanuei   Bâun,  dans  fson   ouvrage 
théorique,  Versiich  iiber  die  Wahre  Artdas  Clavier  zu 
spiekn'',  après  avoir  dit  que  i<  l'orgue,  lo  clavecin 
[Ftiigel\,  le  fijvlepiano  et  le  clavicorde  sont  les  instru- 
ments à  clavier  les  plus  usités  pour  l'accompagne- 
ment .),  spécifie  exactement  le  rôle  dévolu  à  chacun  : 
«  L'orgue  est  indispensable  dans  les  offices  religieux, 
à  cause  des  fugues,  des  cho'urs  puissants  et  surtout 
pour  aider  à  la  liaison.  Il  appelle  le  faste  et  main- 
tient l'ordre.  »  Mais,  «  dès  qu'à  l'église  interviennent 
des  récitatifs  et  des  airs,  surtout  ceux  où  les  voix 
intermédiaires  laissent  à  travers  un  simple  accom- 
pagnement toute  latitude  à  des  changements,  alors 
le  clavecin  devient  nécessaire.  On  a  encore  trop  sou- 
vent l'occasion  d'observer  combien  froide  est  une 
exécution  sans  l'aocompagnemei.t  du  clavecin  ».  Ce 
dernier  instrument  est,  de  plus,  indispensable  pour 
les  airs  et  pour  les  récitatifs  au  théâtre  et  dans  la 
musique  de  chambre.  Quant  au  forte-piano  et  au 
clavicorde,  <(  ils  conviennent  le  plus  à  ce  qui  exige 
de  grands  raffinements  de  goût.  Certains  chanteurs 
préfèrent  ("lie  accompagnés  parle  clavicorde  ou  par 
le  clavecin,  plutôt  que  par  tout  autre  instrument  ». 
Il  est  assez  remarquable  que  ces  lignes  aient  été  écri- 
tes à  un  moment  où  le  piano-forte  commence  à  être 
substitué  au  clavecin,  et  alors  que  les  seules  quali- 
tés  pour  lesquelles   on   recommandait  encore,   un 
demi-siècle  auparavant,  l'usage  du  clavecin  se  retrou- 
vent dans  le  piano  à  marteaux  :  l'étendue  du  clavier 
et  les  possilnlilés   polyphoniques   de   l'instrument. 
«  Kntre  tous  lis  Instruraens  qui  sont  en  usage  au  jour- 
d'huy,  —  lit-on  dans  les  Principes  (/«  clavccinàe  Saint- 
Lambeut  parus  en  1702  ^  —  il  n'y  en  a  point  après 

1.  Mahu  LON,  op.  cit..  Il"  iOSS  (I.  IV,  Gaml,  1912).  Une  pbolograpbie 
docetinstruœnnta  élé  reproduite  d:ins  le  miime  ouvrage,  t.  V  (Brun-Iles 
l'.iii),  p.  l.iO. 

2.  CM  par  Hu'Kiisis  intr.  au  c&talogue  du  Metropolitan  Muséum  ol, 
Art  (tU03,  p.  18.  u"  1 196).  Cf.  iiiissi  le  calalogae  de  I&  collectida  Siiiin, 
p(».2S-27. 

3.  Cr.  neciieih  des  machines  approuvées...,  t.  111  (ITUd,  pp.  83-00). 
i.  2"  part.,  i'  td.  (licrlin,  1702),  inlr.,  p.  1-6. 


l'Orgue  de  si  parfait  que  le  clavecin,  puisqu'il  a  plu- 
sieurs avantages  qu'aucun  autre  n'a  tout  h  la  fois 
comme  luy.  Il  contient  généralement  tous  les  tons 
delà  Musique,  qui  ne  sont  distribuez  aux  autres  Ins- 
trumens  que  par  portions.  Il  est  propre  à  joiier 
toutes  les  parties  à  la  fois,  et  il  peut  toujours  produire 
une  Harmonie  parfaite.  Il  garde  son  accord  très  long- 
temps. Il  est  d'une  extrême  facilité  à  toucher,  ne  fati- 
guant point  ceux  qui  eujoiient,  et  n'exigeant  point 
comme  quelques  autres  une  posture  contrainte,  qui 
même  bien  souvent  ne  convient  pas  aux  personnes 
modestes.  »  En  préface  à  son  premier  livre  de  Pièce» 
de  clavecin  (1713),  François  Couperix  le  Crand  écrit 
de  même  :  a  Le  clavecin  est  parfait  quant  à  son 
étendue...  » 

Ce  qu'on  apprécie  donc  tout  d'abord  dans  le  cla- 
vecin, c'est  de  pouvoir  embrasser  plusieurs  octaves  : 
pareille  ampleur  de  registre  le  met  au  centre  des 
instruments  d'alors;  d'où  son  rôle  harmonique  d'ac- 
compagnateur ou  de  «  basse  continue  »  que  déjà, 
mais  avec  des  possibilités  moindres,  le  luth  et  le 
théorbe  avaient  rempli''.  «  L'Épinette  —  écrivait  en 
1630  le  père  Mersenne  —  tient  le  premier,  ou  le  se- 
cond lieu  entre  les  Instrumeus  qui  sont  harmonieux, 
c'est-à-dire  qui  expriment  plusieurs  sons  ensemble, 
et  qui  chantent  plusieurs   parties,  et   font  diverses 
consonances;  ie  dis  le  premier  ou  le  second  lieu,  parce 
que  si  on  la  considère  bien,  et  si  l'on  iuge  de  la  di- 
gnité des   Intrumens   de  Musique  par  les  mesraes 
raisons  que  l'on  ingérait  de  la  bonté  des  voix,  sans- 
doute  on  la  préférera  au  Luth,  qui  est  son  Gompedi' 
teur;  mais  la  commodité  du  Luth,  sa  bonne  grâce  et 
sa  douceur  luy  ont  donné  l'avantage '.  »  Le  même  au- 
teur ajoutait  plus  loin  :  l'épinette  «a  cela  d'excellent 
qu'un  seul  homme  fait  tontes  les  parties  d'un  concert, 
ce  qu'elle  a  de  commun  avec  l'orgue  et  le  luth  :  mais 
ses  accords  et  ses  tons  approchent  plus  près  delà 
juste  proportion  de  l'harmonie  qu'ils  ne  font  sur  le 
luth  ;  et  l'ont  fait  plus  aysément  plusieurs  parties 
sur  l'Epinetle,   que    sur  ledit  luth  »;   et  Mersenne 
concluait  :  l'épinette  «  représente  sans  beaucoup  de 
bruit  tout  ce  qui  se  fait  sur  l'orgue  »;  de  même,  elle 
peut  «  être  mêlée  avec  toutes  sortes  d'instrumens, 
comme  enseigne  l'expérience,  et  même  avec  les  voix, 
qu'elle  règle  et  qu'elle  maintient  dans  le  ton'...   » 
Or,  à  s'en  tenir  simplement  au  nombre  d©  traités 
parus,  il  semble  que  ce  caractère  d'accompagnateur 
ou  de  réalisateur  harmonique  (soit  à  l'égard  du  chant, 
soit  à  l'égard  de  tout  ensemble  d'instruments)  ait  été 
plus  particulièrement  envisagé.  Ainsi,  les  Leçons  de 
clavecin  et  principes  d'Iiarmonie    de   Be.metzrieder' 
ne  sont  en  réalité  qu'un  double   traité  de  solfège  et 
d'harmonie  à  l'usage  des  élèves  d'accompagnement. 
De  grands  clavecinistes  qui  composent  pour  cet  ins- 
trument solo,  tels  CoLiPBRiN,  RA.MEAU,  Phillppc-Em- 
manuel  Bach,  songent  seuls  à  analyser  la  technique 
du  clavecin  pur  ;  les  autres  auteurs  de  traités,  comme 
BowiN,  GoRUETTE,  Dandrieu,  Alexandre  I'rère,  L'Af- 
i-ii.ARD,  etc.,  écrivent  des  a  principes  »  d'accompagne- 
ment an  clavecin  '".   Le  caractère  centralisateur  de 
cet  instrument,  sa  force  centripète  dans  l'orchestre 
ne  devaient  cesser  qu'avec  le  déclin  de  la  basse  coii- 


3.   Paris.  Chiisloplie  Ballard.  1702.  Préface. 

0.  Cf.  dans  la  Impart,  du  présont  ouvrage,  t.  llf,  l'étude  de  UuirrMio, 
p.  121!i). 

7.  Meiisexmî.  tt/J.  CI*.,  liï.  III,  p.  loi. 
».   Plid..  p.   107. 

9.  Paris,  Bluel,  1771. 

10,  Cf.  dans  la  l^*  part,  du  présent  ouvrage,  l.  lit,  l'élude  de  Lionel 
m:  r.\  Lxi  rtrvcii;,  pp.  UlM-l'il  2. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE   CLAVECIN    20.-.7 


liiiiic.  Le  piano  à  inarleaux,  dont  les  qualités  propres 
d'expression  allaient  attirer  à  lui  presque  tous  les 
eorapositeurs  romantiques  et  modernes,  ne  retrou- 
verait cependant  pas  un  rôle  aussi  privilégié  ou  — si 
l'on  veut  —  un  pareil  caractère  d'universalité;  saut' 
comme  instrument  concertant  ou,  plus  rarement, 
comme  elt'et  rare  de  timbre  ',  le  piano  ne  jouerait 
plus  dans  l'orcliestreau  milieu  duquel  il  reste  «  inso- 
luble- ».  Il  conserverait  cependariL  cet  avantage  de 
laisser  réduire  pour  le  clavier  toule  œuvre  destinée 
à  un  ensemble  de  plusieurs  instruments  :  réduc- 
tion pour  piano  de  quatuors,  de  symphonies  ou 
d'opéras,  et  dont  l'idée  se  trouvait  déjà  dans  ces 
adaptations  au  luth  de  pièces  chorales  de  la  Renais- 
sance, dans  ces  recueils  de  danses  et  de  chansons 
transcrites  afin  d'être  conservées  à  l'usage  de  l'or- 
gue ou  du  clavecin-',  dans  ces  transcriptions  d'ou- 
vertures de  Ll'lly  par  d'Anglebert*  ou  d'airs  à  la 
mode  dans  le  Journal  de  clavecin  que  fondait  Clé- 
MKNT  en  17fi2''. 

Instrument  polyphonique,  le  clavecin,  avant  même 
que  d'être  autonome  et  de  jouer  en  solo,  et  par  le 
fait  d'être  à  l'unisson  de  tous  les  instruments  compo- 
sant un  orchestre,  se  mêle  à  celui-ci  pour  en  former 
comme  la  base,  —  «  colonne  sur  laquelle  —  écrit 
Mattiieson  —  s'appuie  tout  l'ensemble''  ".  Le  clave- 
cin est  un  petit  orchestre  dans  l'orchestre,  soit  qu'il 
constitue  la  somme  harmonique  de  l'orchestre  (con- 
Hnuo\,  soit  qu'il  s'oppose  à  celui-ci  dans  son  rôle, 
d'instrument  concertant.  Dans  certaines  œuvres,  le 
même  clavecin  peut  jouer  tour  à  tour  ces  deux  rôles 
qu'il  faut  savoir  distinguer  avec  précision  :  ainsi, 
dans  le  Conceïto  en  réiiiiijeur  de  J.-S.  Bach  pour  cla- 
vecin, ilOlte  et  violon,  l'auteur  indique  tantôt  que  le 
cumbalo  est  concertato,  tantôt  qu'il  est  accompli;/ na- 
mento:  les  huit  premières  mesures,  par  exemple,  de 
l'Allégro  offrent  une  basse  chiffrée  que  le  claveciniste 
doit  réaliser,  alors  que,  dans  les  dix  mesures  suivan- 
tes, le  clavecin  concerto  avec  les  autres  instruments; 
le  mouvement  lent  est  composé  de  cinq  groupes  de 
quatre  mesures,  durant  lesquelles  le  clavecin  «accom- 
pagne »  le  violon  solo  et  la  flûte  traversière,  pour 
concerter  avec  eux  entre  temps". 

Instrument  de  la  basse  continue,  le  clavecin  diri- 
ijeait  aussi  l'oichestre  :  en  tant  que  principe  de  cohé- 
sion parmi  les  instruments,  son  rôle  élail  de  mar- 
quer la  mesure  et  d'entraîner  dans  son  exact  sillage 
harmonico-rythmique  l'ensemble    de  l'orchestre  ou 


\.  Dans  désœuvrés  coiume  \^S>jmjihoiiie  en  ut  mineur  de  Saisi- 
Sains,  le  l'romtthée  de  Schiabixk,  Petroitclika  de  STr^AWl^■sk^,  la 
Suite  .\ci/the  de  PitoKOFiErr,  etc. 

^.  L\M'[\.  Histoire  df  Vinatruweutation.  Cf.  NVainla  I.aspovi  ska, 
Musique  uncifnne,  4»  éd.,  pp.  105-lti7  ;  («  Le  clavecin  dans  l'orcheslFe 
ancien  ne  constituait  p««  une  matière  ptLrticulifri\  bien  au  conlraiic, 
sa  sonorité  de  cordes  pinct^e.fse  joignait  merveitli-useinent  aux  autres 
instruments  et  formait  un  ciment  liarmonieux  pour  lier  les  voix  dis- 
Iiersées  et  pour  remplir  les  vides  des  cadences...  »  (C'ost  no«3  qui 
soulignons. ) 

3.  Cf.  Puiito,  les  Clavecinistes,  notamment  pp.  19,  21,  -iO,  etc. 

4.  f'iceesde  clavessin...,  diverses  chaconnes,  ouvertures  et  autres 
air.s-  de  M.  de  Lully  mis  sur  cet  instrument  iParis.  ISS'J). 

5.  Ce  .journal  était  mensuel  et  parut  de  ildi  à  t7Gâ.  Son  6diteur 
av.ùt  [luLilié  auparavant  un  fessai  sur  VaC'-Omiiaijnement  du  chiveein 
et  un  E.^S'ii  sur  la  hase  fondementale  qui  en  formait  le  supplément. 

ti.  Cité  par  Wanda  Lanoûwska,  op.  cit..  p.  162.  —  Cf.  le  mot  de 
OuAATZ  :  «  Le  clavecin  est  indispensable  pour  toute  musique,  grande 
ou  petite.  » 

7.  D'après  l'édition  de  la  Bach'tieS'Itschaft.  Do  même,  dans  la 
cantate  prof:me  Amnre  traditore,  Waiida  Land(i\\>ka  remarque  qu'une 
partie  de  claveeio  obligé  y  figure.  «  c'est-a-dire  que  le  cemttato  n'y 
joue  point  là  seulement  la  basse,  en  improvisant  une  harmonie  li'a- 
près  des  chilTres  marqués,  mais  exécute  avec  la  basse  un  acconqja- 
gnement  formé  de  motifs  organisés.  »  {Musique  aneien^ie,  p.  164. j  Cf. 
Piniio,  y  Esthétique  de  J.-S.  Bach. 


des  chœurs.  «  L'épinelte  —  écrit  Mkrse.n.ne  —  peut- 
être  mêlée  avec  toutes  sortes  d'instrumens,  comme 
enseigne  l'expérience,  et  même  avec  les  voix,  qu'elle 
règle  et  qu'elle  maintient  dans  le  ton;  mais  elle  se 
mesle  particulièrement  avec  les  Violes,  qui  ont  le  son 
de  percussion  et  de  resonnement  comme  l'Kpinette.  » 
De  même  :  •<  si  l'on  demande  quel  instrument  est  le 
plus  propre  pour  régler  un  concert,  et  pour  tenir  les 
autres  instrumens  d'accord  et  les  voix  en  leurs  jus- 
tesses, afin  qu'elles  ne  haussent  ny  ne  baissent  de 
long  temps,  je  crois  qu'on  peut  répondre  que  de 
tous  ceux  qui  sont  connus  c'est  l'Epinette,  ou  la  Harpe, 
mais  plutôt  l'Epinette  que  la  Harpe'...  »  La  direction 
par  le  clavecin  offrait  une  qualité  concrète  que  n'a 
pas  la  direction  silencieuse  avec  une  baguette,  a  Au 
dix-seiitième  siècle  et  encore  du  temps  de  la  jeu- 
nesse de  Rach,  les  maîtres  de  chapelle  dirigeaient, 
qui,  en  battant  la  mesure  du  pied,  qui,  en  faisant 
des  mouvements  de  la  tète,  du  bras,  des  deux  bras, 
qui,  avec  un  rouleau  de  musique  ou  avec  un  bâton; 
ceux  qui  jouaient  du  violon  battaient  la  mesure 
avec  leur  archet.  Mais  à  partir  de  I73ti,  nous  voyons 
le  clavecin  devenir  le  viai  chef  d'orchestre.  On  diri- 
geait jusque-là  debout,  on  dirigera  maintenant  du- 
rant un  siècle  assis,  jusqu'au  jour  où  les  chefs  d'or- 
chestre se  recruteront  principalement  parmi  les 
violonistes.  L'Opéra  de  Paris  avait  son  maître  de 
musique  qui  dirigeait  en  battant  la  mesure  armé 
d'un  gros  bâton,  ce  qui  a  fait  dire  au  grand  détrac- 
teur de  la  musique  française,  à  Boisseai-,  que  l'O- 
péra de  Paris  est  le  seul  théâtre  de  l'Europe  â\i  l'on 
bat  la  mesure  sans  la  suivre,  tandis  tpie  partout  ail- 
leurs on  la  suit  sans  la  battre.  On  s'y  servait  cepen- 
dant des  clavecins  d'accompagnement.  En  Italie  et 
eu  Allemagne,  le  compositeur  d'un  opéra  dirigeait 
lui-même  l'exécution,  non  pas  en  battant  la  mesure, 
mais  an  clavecin.  On  se  servait  de  cet  instrument 
déjà  au  dix-septième  siècle,  dans  l'église.  Spitta  en 
cile  quelques  cas  du  temps  de  Ivuunac  et  avant.  Fres- 
coBALDi  et  BuxTEHUDE  l'employaient  aussi,  mais  je  ne 
saurais  dire  si  c'était  pour  diiigerou  pour  accompa- 
gner... Pour  les  opéras,  on  avait  d'habitude  deux  cla- 
vecins, l'un  pour  accompagner,  qui  se  trouvait  placé 
à  côté,  et  l'autre  au  milieu  de  l'orchestre,  qui  servait 
pour  diriger.  Pour  les  concerts,  un  seul  instrument 
remplissait  les  deux  rôles  en  même  temps.  Hae.ndel 
en  avait  deux  dans  son  orchestre,  pour  lesquels  il 
écrivait  fréquemment  deux  basses  dilférentes. 
Vers  168f,  on  avait  parfois  à  l'Opéra  des  orchestres 
d'accompagnement  pour  les  voix,  composées  de  plu- 
sieurs clavecins,  épinettes,  théorbes  et  violons'.  >> 
Et  Wanda  Landowska  conclut  :  »  Le  n'ile  d'accom- 
pagnement du  clavecin  a  été  plus  important  encore 
que  celui  de  la  direction  de  l'orchestre,  car  nous 
voyons  assez  souvent,  vers  la  lin  du  dix-huitième  siè- 
cle, quand  le  batteur  de  mesure  devenait  à  la  mode, 
le  cembalo  d'accompagnement  persister'".  » 


s.  Mbiisejse,  op.  ?i/.,pp.  107  et  llii  du  t.  111.  —  CL  Carl-l'hilipp- 
Enimanu«l  Bach,  Versucli  iiàer  die  irahre  Art  dus  Clavier  zu  sjne- 
len,  1,  '  :  «  l'C  clavecin,  auquel  nos  prédécesseurs  ont  coulie  la 
direction  peut  non  seulement  remplir  les  basses,  mais  encore  tenir 
tout  ensemble  dans  la  mesure  et  dans  la  justesse.  Le  son  du  clavecin 
tombe  dans  l'oredle  de  tous  les  instrumentistes.  Et  je  sais  que  les 
ensembles  les  moins  accordés,  composés  de  musiciens  médiocres^ 
peuvent  être  cependant  tenus  grâce  aux  sons  du  clavecin,  o 

0.  Landowska,  op,  cit..  pp.  lGi-164.  —  Romain  Rolland,  dans  ses 
Origines  du  théâtre  lyrique  moderne  (cli.  V),  dit  que  l'orchestre  de 
IXretusa  de  Vltali,  jouée  i  Rome  le  S  février  1620.  comprenait  deux 
cernliali  pour  deux  Iheorbes,  deux  violons,  un  luth  et  une  viole  de 
gambe.  ÙOrfeo  de  Montevkbdi  employait  deux  tjravicembali. 

10,  LvNDOwsKv,  op.  cit.,  pp.  Hi4-5. 


2058 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQVE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Des  trois  rôles  que  le  clavecin  remplissait  tour  à 
tour  vis-à-vis  d'un  orchestre,  —  rôles  d'accompagna- 
teur, de  concertant,  de  directeur,  —  c'est  donc  celui 
de  concertant  qu'il  saura  transmettre  à  sou  héritier, 
le  piano.  De  même,  pour  les  combinaisons  dans  les- 
quelles il  entrait  avec  un  violon  ou  avec  un  violon- 
celle (sonates  en  duo,  en  trio).  La  littérature  roman- 
tique de  piano  ne  retiendra  pas  cette  forme  instru- 
mentale si  fréquente  aux  xvii"  et  xvui'  siècles,  et  où 
le  clavecin  réalisait  la  basse  continue;  elle  ne  gar- 
dera qu'une  autre  forme  moins  ancienne  où  le  cla- 
vecin et  plus  tard  le  piano  ont  un  rôle  concertant 
égal  à  celui  du  violon,  —  qui  pour  ainsi  dire  les 
accijmpaijnp.  Il  s'est  donc  fait  ici  un  renversement 
dans  les  rapports  :  le  clavecin,  qui  ne  réalisait,  comme 
dans  l'orchestre  ou  vis-à-vis  du  chant,  qu'une  basse 
harmonique,  devient  personnage  mélodique  de  pre- 
mier plan,  au  même  titre  que  le  violon.  En  1703,  le 
Dictionnaire  de  musique  de  Sébastien  de  Brossard 
signale,  à  l'article  Suonata,  qu'«  ordinairement  »  les 
sonates  i<  sont  à  violon  seul  ou  à  deux  violons  dilTé- 
rens,  avec  une  Basse-continue  pour  le  Clavessin,  et 
souvent  une  Basseplus  figurée pourlaViollede  gambe, 
le  Fagot,  etc.  '  ».  Or,  comme  le  remarque  Lionel  de  la 
Laurencie^,  les  sonates  en  trio  de  François  Coim'Erin 
le  Grand,  quoique  écrites  en  effet  en  trio  «  avec  deux 
dessus  de  violon  et  la  basse  »,  forment  en  réalité  des 
quatuors,  puisque  la  basse  se  dédouble  et  »  est  con- 
fiée à  la  fois  au  clavecin  et  à  une  basse  d'archet  ». 
Les  sonates  à  peu  près  contemporaines  de  Dandrieu 
vont  même  plus  loin,  admettant  parfois  «  quatre 
parties  distinctes,  puisqu'un  violoncelle  vient  s'a- 
jouter aux  deux  violons  et  à  la  basse  continue,  sans 
doubler  cette  dernière'  ».  Mais,  à  l'inverse  de  ces 
sonates,  les  Pièces  de  Cluvi'cinen  Sonates,  avec  accom- 
pagnement de  Violon,  de  J.-J.  Cassanéa  de  Mondonville, 
et  les  Pièces  de  clavecin  en  concert  de  J.-P.  Rameau 
introduisent,  entre  1734  et  1741 ,  dans  la  littérature  de 
musique  de  chambre  un  genre  nouveau  de  sonate 
où  t(  d'abord  employé  ad  libitum  avec  le  clavecin, 
le  violon  deviendra  peu  à  peu  un  instrument  obligé, 
d'où  la  sonate  de  piano  et  violon  moderne''  ».  Avec 
Hugo  RiEMAN.N,  L.  DE  LA  Laurencie  admet  que  ce 
genre  de  sonate  «  vise  surtout  à  préciser,  à  fixer 
le  texte  musical,  et  à  faire  respecter  les  intentions 
du  compositeur,  en  imposant  un  terme  aux  fantaisies 
de  réalisation  de  la  basse  continue  ».  Ici  finit  donc  le 
règne  de  cette  basse  continue.  «  Mais  le  violon  ne  se 
résigne  pas  toujours  au  rôle  de  personnage  sacrifié; 
le  principe  concertant,  qui  rencontre  son  expression 
dans  les  symphonies  concertantes  alors  à  la  mode, 
tend  à  placer  les  deux  instruments  sur  un  pied  d'é- 
galité '...  »  Il  y  a  donc  eu  dans  la  sonate  en  trio,  em- 
ployée aussi  bien  en  Italie  qu'en  France  et  en  Alle- 
magne, élimination  d'une  partie  intermédiaire,  celle 
de  second  dessus,  qui  s'est  trouvée  «  transférée  à  In 
main  droite  du  claveciniste''  ».  On  pourrait  dire  que 
l'importance  mélodique  du  clavecin,  si  on  évoque 
encore  telles  sonates  en  trio  à  basse  dédoublée, 
n'a  fait  que  croître  en  raison  de  la  disparition  pro- 
gressive de  ces  parties  intermédiaires  qui  gontlaient 


1.  Paris,  1703,  p.  139. 

2.  VEcotf  fi-aiii-aise  du  riuttu  Or  Lully  n    Vioiii^  t.    I    (Paris, 
Delagi-uve,  10i2),  |i.  (i-i, 

3.  /bi'l.,]}.  15H.  Cf.  l'eiemplo  musical  reproduit  à  culte  iiièiDC  page. 

4.  JbitL,  t.  Il  (Caris,  llelagravf,  t'Ji-i),  p.  100. 

5.  Jbid.,  Il,p|i.  4li-4l3. 

0.  Ibkl.,  III  (Paris,  ilebigiavc,   1921),  p.  120. 

7.  Cf.  Si^hastien  di.  liHos-^xnn,   oy.    cit..  et  la  I.avrevcik,  op.  cit., 
t.  III,  p.  lil. 


la  sonate  aux  dimensions  dune  symphonie''.  Le  cla- 
vecin et  le  violon  sont  alors  entrés  dans  une  rivalité 
réciproque  où  le  violon  a  perdu  parfois  beaucoup  de 
son  importance  :  car,  comme  le  remarque  L.  de  la 
Lai^irencie,  Mozart  et  Beethoven  dans  les  titres  de 
leurs  sonates  font  précéder  du  mot  Klavier  le  mot 
de  violon*;  avant  eux,  J.-S.  Bach  avait  surtout  écrit 
soit  des  sonates  ou  des  suites  pour  violon  solo  ou 
pour  violoncelle  solo,  soit  des  sonates  pour  clavecin 
el  violon,  pour  clavecin  et  violoncelle  {somita  a  cem- 
batû  e  viola  da  gamba),  pour  clavecin  et  tlùte;  tandis 
qu'il  ne  laissa  que  deux  sonates  pour  un  ou  deux 
violons  avec  accompagnement  de  basse  chiffréf,  quatre 
sonates  pour  une  ou  deux  llûtes  et  basse  chitlrée.  On 
peut  donc  conclure  que  le  clavecin,  dans  la  sonate  à 
plusieurs  instruments  comme  dans  la  symphonie 
concertante,  lègue  au  piano-forte  une  place  culmi-^ 
nante,  hors  de  comparaison  avec  celle  que  lui-même 
occupait  à  ses  débuts,  obligé  qu'il  était  de  pourvoir 
d'abord  à  des  besognes  de  basse  continue,  de  rem- 
plissage harmonique  ou  de  simple  direction. 

François  Couperin,  dans  son  Art  de  toucher  le  cla- 
vecin (1717),  recommandait  d'étudier  le  clavecin  deux 
ou  trois  ans  avant  d'apprendre  l'accompagnement  : 
«  La  main  droite  dans  l'accompagnement,  n'étant 
occupée  qu'à  faire  des  accords,  est  toujours  dans  une 
extension  capable  de  la  rendre  très  roide;  ainsi  les 
pièces  qu'on  aura  aprises  d'abord,  serviront  à  préve- 
nir cet  inconvénient.  »  De  plus,  o  la  vivacité  avec 
laquelle  on  se  porte  à  exécuter  la  musique  à  l'ouver- 
ture du  livre  enirainant  avec  soi  une  façon  de  toucher 
ferme,  et  souvent  pesante,  le  jeu  coure  risque  de  s'en 
ressentir,  à  moins  qu'on  n'exerce  les  pièces  alterna- 
tivement avec  l'accompagnement'  ».  Sans  doute,  l'ac- 
compagnement constitue  «  les  fondemens  d'un  édifice 
qui...  soutiennent  tout  »,  mais  l'étude  pratique  n'en 
doit  être  faite  qu'au  moment  où  l'élève  a  un  jeu  suffi- 
samment formé  pour  que  celui-ci  n'en  souffre  pas. 
Or  quel  est  donc  ce  jeu  de  clavecin  dont  Gouperln  et 
Philippe-Emmanuel  Bach  nous  veulent  enseigner  le 
«  véritable  art  »?  «  Le  Clavecin — écrit  Couperin'"  — 
est  parfait  quant  à  son  étendue,  et  brillant  par  luy- 
même;  mais  comme  on  ne  peut  entier,  ny  diminuer 
ses  sons,  je  sçauray  toujours  gré  à  ceux  qui  par  un 
art  infini,  soutenu  par  le  goût,  pouront  ariver  à  ren- 
dre cet  instrument  susceptible  d'expression  :  c'est  à 
quoy  mes  ancêtres  se  sont  apliqués,  indépendamment 
de  la  belle  composition  de  leurs  pièces...  »  Quatre 
ans  plus  tard,  Couperin,  dans  son  Art  de  loucher  le 
clavecin,  écrit  :  «  Les  sons  du  clavecin  étant  décidés, 
chacun  en  particulier;  et  par  conséquent  ne  pouvant 
être  enflés,  ny  diminués,  il  a  paru  presque  insou- 
tenable jusqu'à  présent,  qu'on  put  donner  de  l'àme 
à  cet  instrument...  »  D'où  des  qualités  d'ordre  phy- 
sique et  d'un  ordre  plus  intellectuel.  Tout  d'abord, 
il  existe  un  «  beau-Toucher  du  clavecin".  »  Il  faut  au 
préalable  «  que  le  dessous  des  coudes,  des  poignets, 
et  des  doigts  soit  de  niveau  »  et  que  l'on  tienne  «  ses 
doigts  le  plus  près  des  touches  qu'il  est  possible  » 
afin  d'éviter  la  sécheresse  des  coups'-.  On  devra  — 


8.  Jbid..  t.  III,  p.   \r,i. 

'.I.  CouPFHiN  va  même  jusqu'à  dire  que  les  enfants  ne  doivent  pas 
ap|iri'ndre  à  jouer  d'aliord  avec  la  partition  sous  les  yeuv  :  «  .Ne 
roinnioncer  à  montrer  la  tablature  aux  enfants  qu'après  qu'ils  ont  une 
certaine  quantité  de  pièces  dans  les  mains.  Il  est  presque  inipoïsible, 
qu'en  regardant  leur  Livre,  les  doigts  ne  se  dérangent;  et  ne  se 
cnntofsionnent...  »  {L'Art  dt:  touchi'r  tt^  clarecill.) 

10.  Pirces  de  clavi'Citi...  l"'  livre  (Paris,  1713),  préf. 

H.  Coui'LiiiN,  l'Art  de  toucher  le  clavecin,  préf. 

12.  /bid. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE    CLAVECIN    2059 


comme  l'écrit  Hameau  —  recherchei'  la  «  souplesse 
des  doigts  à  leur  lacine'  »  :  on  s'asseoit  »  auprès  du 
Clavessin,  de  façon  que  les  coudes  soient  plus  élevés 
que  le  niveau  du  clavier,  et  que   la  main  puisse  y 
tomber  par  le  seul  mouvement  naturel  de  la  jointure 
du  poignet.  [...|  l.ajomturedu  poignet  doit  toujours 
être  souple  :  cette  souplesse  qui  se  répand  pour  lors 
sur  les  doigts,  leur  donne  toute  la  liberté  et  toute  la 
légèreté  nécessaires  :  et  la  main  qui  par  ce  moyen  se 
trouve,  pour  ainsi  dire,  comme  morte,  ne  sert  plus 
qu'à  soutenir  les  doigts  qui  lui  sont  atlachés,  et  à  les 
conduire  aux  endroits  du  clavier  où  ils  ne  peuvent 
atteindre  par  le  seul  mouvement  qui  leur  est  propre. 
Le  mouvement  des    doigts  —  continue    Ramrau  — 
se  prend  à  leur  racine,  c'est-à-dire,  à  la  jointure  qui 
les  altaclie  à  la   main,  et  jamais  ailleurs;  celui  de 
la  main  se  prend  à  la  jointure  du  poignet,  et  celui 
du  bias,  supposé  qu'il  soit  nécessaire,  st  prend  à  la 
jointure  du  coude.  [...]  11  faut  que  les  doigts  tombent 
sur  les  louches,  et  non  pas  qu'ils  les  frappent,  i' 
faut  de  plus  qu'ils  coulent,  pour  ainsi  dire,  de  l'un 
à  l'autre  en  se  succédant  :  ce  qui  doit  vous  prévenir 
sur  la   douceur  avec   laquelle   vous  devez    vous   y 
prendre  en  commençant.  [...]  N'appesantissez  jamais 
le  toucher   de  vos  doigts  —  recommande   encore 
Rameau  —  par  l'eiïort  de  votre  main;  que  ce  soit  au 
contraire  voire  main  qui  en  soutenant  vos  doigts, 
rende  leur  toucher  plus  léger  :  cela  est  d'une  grande 
conséquence-  ".  D'où  nous  voyons  que  ce  jeu  sec  et 
monotonement   égal,    par   quoi   certains    pianistes 
croient  de  nos  jours  rendre  1'  «  esprit  »  de  la  mu- 
sique ancienne,  était  pleinement  réprouvé  à  cette 
époque.  Aussi  Couperin  recommande-t-il  de  ne  se 
servir  d'abord  que  d'une  épinette  ou  d'un  seul  cla- 
vier sur  le  clavecin,   cette  épinelte   ou  ce  clavecin 
étant  même  «emplumés  très  faililement  »  («  la  belle 
exécution  dépendant  beaucoup  plus  de  la  souplesse, 
et  de  la  grande  Liberté  des  doigts,  que  de  la  forcée..  »); 
de  même  Rameau  spécilie-t-il  :  o  Le  clavier  sur  lequel 
on  exerce  ne  sçauroit  être  trop  dou.v  :  mais  à  me- 
sure que  les  doigts  se  fortifient  dans  leur  mouve- 
ment, on  peut  leur  opposer  un  clavier  moins  doux, 
et  arriver  ainsi  par  degrez  à  leur  faire  enfoncer  les 
touches  les  plus  dures*  »;  tandis  que  Carl-Pliilipp- 
Emnianuel  Rach  ne  craindra  pas  de  trop  recomman- 
der au  jeune  élève  de  s'exercer  sur  un  clavicorde^. 
L'article  du  Versuch  ûber  die  irahre  Art  das  Clavier 
zu  spielen  concernant  le  jeu  de  clavicorde  est  très 
important  à  citer  à  cet  égard  :  «  Chaque  joueur  de 
clavier  [Claviei-ist]  doit  de  toute  conséquence  avoir 
un  bon  clavecin  [Fliigel],  ainsi  qu'un  bon  clavicorde, 
afin  qu'il  puisse  jouer  alternativement  sur  les  deux 
toutes  sortes  de  choses.  Celui  qui  sait  Lien  toucher 
du  clavicorde,  pourra  de  même  venir  à  bout  du  cla- 


1.  Kameau,  Pièces  de  cUiuessin  .ivec  une  tiiétiiode  pour  la  méca- 
nique des  doigts  {Paris,  1724).  —  Le  jeu  des  pièces  de  clavecin  sur  un 
piano  moderne  devra  s'inspirer  de  pareille  forme  d'attaque  digitale. 

2.  Dk  Saint-Lambert  écrit  de  son  coté  :  «  Le  poignet  à  la  hauteur 
du  coude...  ne  levant  point  les  doigts  trop  haut  en  jouant,  et  n'ap- 
puyant point  aussi  trop  l'ort  sur  les  Touclies.  »  {Les  Principes  du  cla- 
vecin, Paris,  1702,  cli.  .\ix,  p.  42.) 

3.  CouPEuiN,  l'Art  de  loucher  fc  clavecin. 

4.  Rameao,  op,  cil, 

5.  Matu-uik;,  Principes  du  chwi'cin  {Berlin,  Haude  et  Spener,  17o6), 
I,  3  :  a  En  Allemagne  on  se  sert  communément  du  Clavicorde  pour 
l'usage  de  lu  première  jeunesse.  L'n  d'autres  pays  c'est  l'Epitiette  qui 
tient  lieu  de  cet  instrument.  CcUe  Epinette  ne  doit  avoir  le  Clavier 
ni  trop  dur  ni  trop  mou.  Cela  fait  forcer  les  mains  aux  jeunes  per- 
sonnes; les  nerfs  prennent  un  mauvais  pli  par  les  contorsions  que 
les  mains  sont  obligées  de  faire;  ceci  les  empêche  d'acquérir  un  jeu 
rond  elnet.  L'élève  contracte  un  jeu  traînant  et  pesant  ;  c'est  toujours 
comme  s'il  avoit  de  la  glu  aux  doigts.  ■ 


veciii,  mais  non  l'inverse.  On  doit  donc  employer  le 
clavicorde  pour  l'étude  de  la  bonne  expression,  et 
le  clavecin  pour  acquérir  dans  les  doigts  la  force 
nécessaire.  »  Mais  le  défaut  du  jeu  de  clavicorde  esl 
de  vous  accoutumera  des  elfets  de  délicatesse  hors  de 
propos  sur  le  clavecin  et  de  faire  perdre  de  la  force 
dans  les  doigts.  Inversement,  le  défaut  du  jeu  de 
clavecin  est  de  vous  accoutumer  à  ne  vous  servir  que 
d'une  couleuretd'ignorer  ces  différences  de  toucher 
chères  au  bon  clavicordiste''.  On  voit  donc  que  les 
deux  espèces  de  jeu  sont  complémentaires,  et  qu'il 
y  aurait  préjudice  à  n'user  que  d'une  seule  au  détri- 
ment de  l'autre. 

Une  autre  recommandation  de  C.-P.-E.  Rach  va 
mieux  préciser  encore  l'idée  que  nous  devons  avoir 
du  jeu  parfait  du  clavecin  ou  du  clavicorde  :  il  faut 
étudier  le  chant,  ou  écouter  au  moins  avec  soin  les 
meilleurs  chanteurs'.  De  même,  Mattheson  écrivait 
dans  sa  Grosse  General  Bassschtde  (1731)  :  «  Celui  qui 
ne  connaît  point  l'art  de  chanter  ne  sera  jamais  capa- 
ble de  jouer*...  »  Il  s'agit  donc  de  ce  «  jeu  chantant 
et  expressif»,  dont  J.-S.  Rach  parle  en  tête  de  ses 
Inventions  de  1723,  de  ce  «  Cantable  Art  »  qui,  en 
composition  comme  en  interprétation,  signifiait  — 
selon  Wanda  Landowska  —  «  une  manière  propre 
de  mettre  en  évidence  la  beauté  et  l'indépendance 
d'une  ligne  mélodique,  l'expression  soumise  au  con- 
trôlede  l'esprit,  l'artdephraserune  ou  plusieurs  voix, 
en  leur  donnant  simultanément  et  indépendamment 
à  chacune  d'elles,  un  relief  différent'  ».  Cet  art  du 
chant,  dont  le  claveciniste  devait  tenter  de  ravir  le 
secret  sur  la  bouche  des  chanteurs  ou  dans  la  mys- 
térieuse intimité  du  petit  monde  sonore  formé  parle 
clavicorde'",  devait  se  poursuivre  auprès  de  l'étude 
de  la  musique  à  deux  voix,  base  rationnelle  de  la 
polyphonie  de  cette  époque",  par  l'étude  préala- 
ble de  chacune  des  deux  mains  séparément  (et  où 
chacune  en  effet  devient  comme  une  voix  de  violon 
ou  de  violoncelle  dans  une  sonate  en  solo'-),  par  la 
connaissance  enfin  des  ornements  ou  ayréinents  em- 
ployés par  chaque  auteur,  —  non  pas  de  ces  «  orne- 
mens arbitraires  au  moyen  desquels  l'exécuteursubs- 
titue  son  goût  à  celui  du  compositeur;  mais  de  ces 
ornemens  essentiels,  qui  font  valoir  à  la  fois  celui 
qui  a  fait  la  pièce  et  celui  qui  l'exécute.  Les  agré- 
mens  arbitraires  diminuent  souvent  de  la  beauté 
de  l'air;  les  essentiels  y  en  ajoutent  ».  Etude  qui  va 


6.  Ver-sucU  uber  die  irahre  Art  das  Clavier  zu  spielen,  2»  éd. 
(Berlin,  1759),  par.  13.  — Au  cours  du  par.  H,  C.-P.-E.  Bach  dit 
préférer  pour  l'exercice  du  loucher  le  clavicorde  au  nouveau  forlr- 
piano,  ce  dernier  instrument  n'y  oll'rant  pas  les  tenues  et  les  vibra- 
tos de  l'autre. 

7.  lltid.,  par.  ÎO. 

8.  Cité  par  Wanda  Landowska  ;  Sur  l'interprétation  de  la  musique 
à  deux  voix  de  Jean-Sébastien  Bach  {  «  Monde  musical  »,  sept.  1922). 

f.  Ibid. 

iO.  Sur  l'art  du  clavicorde,  —  musique  de  chambre  et  de  l'expression 
pure  par  excellence,  — •  cf.  dans  OirHLiNnEn,  Geschichte  des  Klavi- 
chord.t,  deux  curieuses  citations  de  Schuuart,  tirées  des  Musik-al. 
Ithapsodivn  de  1786  et  des  Ideen  zur  Aesthctik  der  Tonliunst. 

11.  Cf.  là-dessus  les  idées  de  Wauda  La.nûuwska  exprimées  dans 
l'art,  cité  plus  haut. 

12.  Have^v  {J'iàces de  Clavessin  de  1724)  recommande  l'élude  des 
mains  séparées  «  jusqu'à  ce  qu'on  reconnaisse  que  les  mains  soient 
dans  une  si  bonne  habitude,  qu'il  n'y  a  plus  lieu  de  craindre  qu'elles 
se  gàtenl  u.  —  Wanda  Landowsk  v  [op.  cit.)  écrit  que  .,  la  ligne  mélo- 
dique de  BvcH  est  pcrpétuellemenl  vivante,  agitée  même  quanil  elle 
semble  s'assoupir.  Celte  animation  intérieure,  qui  n'a  rien  de  fébrile, 
dérive  de  la  vitalité  débordante  de  l'Inspiration  de  B\ch.  Exubérante 
et  fougueuse,  pénétrante  et  incisive,  elle  creuse  des  sillons  si  pro- 
fonds, qu'elle  en  devient,  a  elle  seule,  polyphonique.  Les  Suites  pour 
violoncelle  ou  les  Sonates  et  Parlilas  pour  Violon  solo,  senza  Cem- 
baloy  le  prouveront  à  celui  qui  n'a  pas  étudié  de  près  une  des 
voix,  prise  séparément,  dans  son  œuvre  chorale  ou  instrumentale  ». 


2060 


E^CYCLOPÈDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


de  l'expéiience  physique,  intelligemment  contrôlée, 
du  toucher  jusqu'à  cet  art  du  clianl,  sous  toutes  les 
formes  que  celui-ci  peut  supposer,  puisqu'il  réside 
aussi  bien  dans  le  sens  expressif  de  la  ligne  mélo- 
dique que  dans  ces  expressions  mêmes,  prévues  avec 


{.  Minci 


.  op.  cit.,  Xll.  :ïrt. 


netteté  par  l'auteur,  \es  ornements.  Mais  est-il  l'exer- 
cice d'aucun  autre  instrument  qui  n'exige  pareil  en- 
semble de  qualités  chantantes,  pareille  progression 
de  l'une  à  l'autre?  Chant  toujours  le  même,  mais 
que  chaque  instrument  atteint  selon  un  biais  parti- 
culier. 

André  SCHAEFF.NER. 


LE  PIANO  ET  SA  FACTURE 


Par   M.    A.   BLONDEL 


DIRECTEUR    D15    LA    MAISON    KRARD 


«  Le  piano,  hôte  de  la  Maison,  couvert  d'habits 
de  fêle,  ouvre  à  tous  son  facile  vêtement,  et,  comme 
il  se  prête  aux  passe-temps  les  plus  frivoles  aussi 
bien  qu'aux  études  les  plus  sérieuses,  comme  il  re- 
cèle en  son  sein  tous  les  trésors  de  l'harnionie,  il  est 
de  tous  les  instruments  celui  qui  a  le  plus  contribué 
à  répandre  le  goût  de  la  musique  et  à  en  faciliter 
l'étude.  Popularisé  par  de  grands  artistes,  il  habite 
toutes  les  demeures;  sous  ses  formes  variées,  il  force 
toutes  les  portes.  S'il  est  quelquefois  voisin  insup- 
portable, il  offre  du  moins  a  l'olfensé  une  vengeance 
facile  et  des  représailles  toujours  prêtes.  Il  est  le 
confident,  l'ami  du  compositeur,  ami  rare  et  discret, 
qui  ne  parle  que  quand  on  l'interroge  et  sait  se  taire 
à  propos.  » 

Ainsi  s'exprimait,  au  sujet  de  l'instrument  qui  fait 
l'objet  de  l'étude  qui  va  suivre,  le  célèbre  auteur  de 
la  Juive,  P'romental  Halkvy,  dans  les  pages  consacrées 
à  l'œuvre  d'O.NSLOw. 

Puisse  une  si  flalteuse  appréciation  éveiller  l'inté- 
rêt du  lecteur  sur  un  sujet  qui  n'est  pas  indigne  de 
retenir  son  attention,  et  que  nous  nous  sommes 
ell'orcé  de  traiter  avec  autant  de  sincérité  que  de 
simplicité. 


LES  ANCÊTRES  DU   PIANO 

L'ancêtre  le  plus  lointain  dont  puisse  se  réclamer 
le  piano  semble  être  le  monocorde,  constitué  par  une 
planchette  de  boissurlaquelle  étaittendue  unecorde 
que  l'on  pinçait  avec  le  doigt,  dont  un  petit  chevalet 
mobile  permettait  de  raccourcira  volonté  la  partie 
vibrante,  etdont  on  tirait  ainsi  des  sons  variés. 

Le  monocorde  ne  tarda  pas  à  être  remplacé  par 
des  instruments  moins  rudimentaires,  munis  d'un 
plus  grand  nombre  de  cordes  que  l'on  faisait  vibrer 
soit  en  les  pinçant  avec  le  doigt,  soit  en  les  frappant 
avec  des  plectres  ou  des  petits  maillets.  Ce  fut  l'ori- 
gine du  tricorde,  de  la  lyre,  du  psaltérion,  du  lym- 
panon. 

L'idée  vint  ensuite  d'augmenter  les  ressources 
musicales  et  de  faciliter  le  jeu  de  ces  instruments 
primitifs  en  y  adaptant  un  clavier  et  un  mécanisme; 
c'est  ainsi  que  des  cordes  pincées  de  la  lyre  naqui- 
rent le  clavicorde,  \'épinette  etle  clavecin. 

Plus  tard  encore,  les  cordes  frappées  du  tympanon 
firent  penser  à  remplacer,  dans  le  clavecin,  les  becs 
de  plume  ou  de  cuir  qui  pinçaient  les  cordes  par  des 
marteaux  qui  les  frappaient;  de  cette  modification 
naquit  le  piano,  dénommé  à  l'origine  piano-forte; 


parce  que  ce  nouvel  instrument  avait  la  prétention, 
justifiée  depuis,  de  produire  ces  deux  nuances  d'in- 
tensité du  son. 

Avant  d'aborder  la  description  du  pinno,  disons 
quelques  mots  de  ses  devanciers  immédiats  :  le  cla- 
vicorde, l'epinette  et  le  clavecin. 

L.C  clavicoi-de. 

Le  clavicorde,  appelé  aussi  clavicytherium,  auquel 
certains  érudils  assignent  une  origine  anglo-nor- 
mande, d'autres  une  origine  tlamande  et  qui  semble 
remonter  à  la  fin  du  xiu«  ou  au  commencement  du 
xiV  siècle,  était  au  début  un  petit  instrument  rec- 
tangulaire d'une  étendue  habituelle  de  deux  octaves 
trois  quarts  à  trois  octaves. 

La  caisse  supportait  une  table  d'harmonie  sur  la- 
quelle étaient  tendues  des  cordes  de  métal;  elle  était 


FiG.  lOtii. —  CLavicorde  cl  sou  mécnnisme. 

munie  sur  un  des  grands  côtés  d'un  clavier  formé 
de  touches  portant  à  leur  extrémité  une  petite 
lamette  de  cuivre  qui,  en  venant  frapper  la  corde,  la 
mettait  en  vibration,  système  bien  défectueux,  car, 
une  fois  la  corde  frappée,  si  le  doigt  de  l'exécutant 
ne  quittait  pas  de  suite  la  touche,  la  lamelle  de  cui- 
vre restait  en  contact  avec  la  corde,  dont  elle  para- 
lysait les  vibrations. 

D'ordinaire,  deux  et  parfois  jnême  trois  touches 
frappaient  la  même  corde,  mais  à  des  points  dilférents, 
produisant  ainsi  des  sons  de  hauteur  différente. 

Du  XIV»  au  xvii«  siècle,  de  nombreux  perfectionne- 


20G2 


ENCyCLOPÈDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


metits  furent  apportés  au  clavicorde;  son  étendue  fut 
augmentée  jusqu'à  cinquante  notes,  voire  davan- 
tage; à  chaque  touche  fut  attribuée  une  corde  isolée, 
et  un  étoufl'oir  fut  finalement  ajouté  à  l'instrument 
qui,  dès  lors,  fut  souvent  dénommé  sourdine. 

Au  déhut,  le  clavicoide  n'était  pas  supporté  par 
des  pieds,  il  se  posait  sur  une  table;  il  fut  muni  de 
pieds  lorsque  ses  dimensions  agrandies  le  rendirent 
moins  facilement  maniable. 

Les  facteurs  de  clavicordes  qui  ont  laissé  quelque 
trace  sont  :  Lemue,  Wilhelmi,  Khamkr,  tous  les  trois 
Allemands,  les  Français  Ricbard  et  Philippe  Denis, 
qui  ont  fabriqué  également  des  épinettes  d'une  exé- 
cution très  soignée. 

L'épiiietle'. 

Vcpinetle,  contemporaine  desxv«,  xvi="et  xvii=  siè- 
cles, parfois  de  même  forme  que  le  clavicorde,  par- 


Fia.  1065.  —  Epinettc  et  son  mécanisme. 

fois  aussi  de  forme  triangulaire  ou  pentagonale, 
mais  de  proportions  plus  grandes  que  le  clavicorde, 
puisqu'elle  comptait  habituellement  quatre  octaves, 
olFrait  à  l'intérieur  l'aspect  d'une  harpe  couchée  sur 
une  table  d'harmonie;  elle  était,  comme  le  clavi- 
corde, garnie  de  cordes  métalliques. 

Son  mécanisme  consistait  en  sautereaux,  dont  la 
partie  supérieure  portait  une  languette  mobile  pour- 
vue d'un  ressort  de  crin  de  cheval  et  armée  d'un  bec 
de  plume,  de  cuir,  d'écaillé  ou  de  bois  qu'actionnaient 
les  touches  d'un  clavier. 

La  touche  étant  frappée,  le  sautereau  montait,  le 
bec  de  plume  pinçait  la  corde  et  faisait,  en  retombant, 
reculer  la  languette,  que  son  ressort  de  crin  remet- 
tait en  place,  en  ramenant  le  bec  de  plume  sous  la 
corde. 

Au  moyen  d'un  petit  morceau  de  drap  dont  on 
garnissait  le  bord  du  sautereau,  les  vibrations  de 
la  corde  se  trouvaient  étouifées  lorsque,  le  doigt  de 
l'exécutant  quittant  la  touche,  le  sautereau  retom- 
bait. 

Combien  fragiles  et  sujets  à  se  déranger  étaient 
ces  délicats  organes  ! 


Dans  l'épinette,  chaque  note  n'était  représentée  que 
par  une  seule  corde. 

En  dehors  de  RicuAnD,  et  de  Philippe  Dii.Nis  déjà 
nommés,  il  convient  de  citer,  comme  constructeurs 
d'épinettes,  les  Français  Renaud  et  Berger,  et  les  deux 
RucKEBS  d'Anvers. 

Le  clavecin. 

Le  c/ayecm,  sorte  d'épinette  agrandie,  présentait 
généralement  deux  cordes  à  l'unisson  pour  chacune 
de  ses  notes  ;  sa  longueuret  sa  forme  étaient  approxi- 
mativement celles  des  pianos  à  queue  modernes,  son 
mécanisme  à  sautereaux  était  analogue  à  celui  de 
l'épinette. 

Son  étendue  de  clavier  était  d'ordinaire  de  cinq 
octaves,  parfois  de  cinq  octaves  1/4;  il  était  monté 
en  cordes  métalliques;  on  trouve  cependant  trace  de 
quelques  clavecins  montés  en  cordes  de  boyau,  mais 
cette  disposition  n'a  constitué  que  de  rares  excep- 
tions. 

De  nombreux  facteurs  de  talent  se  distinguèrent 
dans  la  fabrication  de  cet  instrument,  auquel  on  pro- 
digua parfois  une  décoration  extrêmement  riche. 

Les  plus  réputés  de  ces  facteurs  furent  en  Angle- 
terre :  ZuMPE,  BuRCKHARDT-TscHUDi  ;  en  Allemagne  : 
Stkin,  Schrœter,  Silbermann,  le  Florentin  Gristofori, 
les  Anversois  Hans  et  Andréa  Ruckers;  en  France  : 
Faiîy,  Marius,  les  Blanciiet,  dont  trois  générations 
successives  s'adonnèrent  à  la  fa- 
brication du  clavecin,  Pascal  Tas- 
KiM,  plus  près  de  nous  John  Broad- 
wooD  de  Londres,  élève  de  Bur- 
CKHARDT-TscHUDi,  et  enflu  Sébas- 
tien Krard,  né  à  Strasbourg,  mais 
dont  toute  la  carrière  active  se 
déroula  à  Paris. 

De  notables  perfectionnements 
furent  apportés  au  clavecin  par 
Hans  Ruckers,  qui  le  dota  d'un 
double  clavier  et,  afin  d'obtenir 
une  sonorité  plus  forte,  adjoignit 
au  plan  de  cordes  habituel,  com- 


I.  Probabtement  ainsi  .appelée  Ju  nom  du   premier  constructeur, 
!c  Vénitien  Giovanni  Si'lsE'itl. 


FiG.  106(5.  —  Clavecin  à  tlcux  claviers. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÈDACOGIE 


LA  HARPE  ET  SA  FACTURE    20f>3 


porlant  deux  cordes  par  iiole  accordées  à  l'unisson, 
un  deuxième  rang  de  cordes  plus  fines  et  plus  courtes 
accordées  à  l'octave  au-dessus,  cordes  que  faisait 
parler  le  second  clavier  et  qui  venaient  amplifier  le 
son  du  rang  fondamental. 

On  pouvait,  au  besoin,  actionner  les  trois  cordes 
à  la  fois,  à  l'aide  du  même  clavier,  ce  qui  permettait 
de  varier  les  effets  de  sonorité. 

Ces  diverses  combinaisons  étaient  réglées  par  un 
système  de  pédales,  de  genouillères  et  de  boutons. 

Conjointement  aux  cordes  de  fer  pour  les  notes 


Fia.  1067. —  Sautereaux  d'un  clavecin  à  deux  claviers. 

moyennes  et  aiguijs,  RurKERS  employa  des  cordes  de 
cuivre  pour  les  notes  basses,  ce  qui  leur  donna  une 
sonorité  plus  ronde. 

De  leur  côté,  certains  facteurs  anglais,  pour  mieux 
permettre  au  son  de  s'épanouir,  formèrent  le  cou- 
vercle de  leurs  instruments  de  jalousies  à  lames  mo- 
biles que  l'on  pouvait  ouvrir  et  fermer  à  volonté. 

Si  nous  ajoutons  que  le  clavecin  était  parfois  ac- 
couplé à  un  petit  orgue,  que  parfois  aussi  on  lui  ajou- 
tait des  rangs  supplémentaires  de  sautereaux  qui,  au 
lieu  d'être  armés  comme  d'habilude  de  petits  coins 
de  cuir  ou  de  becs  de  plume,  élaient  garnis  de  buffle, 
de  baleine,  de  parchemin  ou  d'autres  matières,  en 
vue  de  leur  faire  produire  un  son  imitant  celui  du 
luth,  de  la  harpe  ou  d'aulres  instruments,  on  se  ren- 
dra compte  des  recherches  auxquelles  se  livrèrent 
les  facteurs  de  l'époque  et  des  efforts  qu'ils  firent 
pour  donner  le  plus  possible  satisfaction  aux  exi- 
gences sans  cesse  croissantes  des  artistes  auxquels 
les  ressources  du  clavecin  ne  suffisaient  plus. 

Ce  fut  en  17H  que  le  Florentin  Bartolomeo  Cris- 
TOFORi  construisit  un  clavecin  dans  lequel  les  saute- 
reaux qui  pinçaient  les  cordes  étaient,  pour  la  pre- 

-zMi, 


FiG.  1068.  —  Mécanique  de  Cristoi  ori. 

mière  fois,  remplacés  par  de  petits  marteaux  qui  les 
frappaient. 

En  1716,  le  facteur  parisien  Marius,  qui  semble  ne 
pas  avoir  eu  connaissance  des  essais  de  Cristofori 
et  qui  visait  aux  mêmes  résultats,  produisait  de  son 
côté  un  clavecin  dit  «  à  maillets  »,  qui  fut  à  ce  point 
remarqué  qu'il  fit  l'objet  d'une  communication  à 
l'Académie  des  Sciences.  En  Allemagne,  vers  la  même 
époque,  Schrœter  de  Dresde  et,  un  peu  plus  tard, 
SiLBERM.'VNN  de  Frevberg  fabriquèrent  des  clavecins  à 


marteaux,  dont  la  mécanique  pouvait  jouer  piano  et 
forte,  ce  qui  marquait  un  nouveau  progrès. 
Enfin,  en  1772,  Sébastien  Erard,  en  construisant 


FiQ.  1069.  —  Mécanique  de  Schrœtbr. 

pour  M.  de  la  Rlancherie  son  célèbre  clavecin  méca- 
nique, portait  l'instrument  au  plus  haut  point  de  per- 
fection qu'il  eût  atteint  jusqu'alors. 

Malgré  toutes  ces  améliorations,  qui  n'allaient 
malheureusement  pas  sans  comporter  de  très  gran- 
des complications  et,  par  suite,  de  trop  nombreuses 
chances  d'accidents,  le  clavecin  ne  répondait  plus  aux 
besoins  du  monde  musical,  qui  réclamait  un  autre 
instrument. 

Ce  nouvel  instrument  était  le  piano,  entrevu  et 
ébauché  par  Cristofori,  Marius,  Schrœtër  et  Silber- 

UANN. 


LES  DEBUTS  DU    PIANO 

Si  le  piano  était  demeuré  ce  qu'il  était  à  son  ori- 
gine, il  n'aurait  probablement  jamais  remplacé  le 
clavecin;  inégal  de  son,  lourd  de  toucher,  laissant 
entendre  le  coup  du  marteau,  paresseux  de  méca- 
nisme, forçant  l'exécutant  à  êtreattentif  pour  attein- 
dre sûrement  la  corde  et  ne  pas  laisser  le  marteau 
s'y  coller  en  étoulfoir,  le  piano  primitif  fit  douter 
pendant  longtemps  qu'on  en  pût  jamais  faire  autre 
chose  qu'un  médiocre  instrument  d'accompagne- 
ment. 

Que  d'efforts  patients  et  intelligents  il  a  fallu  aux 
ingénieux  facteurs  qui  s'occupèrent  de  la  construc- 
tion de  ces  instruments,  que  d'essais  cent  fois  renou- 
velés pour  établir  le  corps  sonore  et  lui  donner  a  la 
fois  la  force  et  la  résistance  nécessaires  pour  ne  pas 
se  déformer  sous  l'action  du  tirage  des  cordes,  pour 
choisir  la  table  de  résonance  la  plus  sensible,  pour 
déterminer  la  longueur  et  la  grosseur  relative  des 
cordes,  le  nombre  qu'il  en  fallait  attribuer  à  chaque 
note  afin  d'obtenir  la  puissance  et  l'égalité  du  son, 
que  de  tâtonnements  enfin,  avant  de  trouver  le  point 
juste  où  le  marteau  doit  frapper  pour  produire  la 
sonorité  la  plus  franche! 

Que  d'efforts  également  pour  réaliser  cette  méca- 
nique à  la  fois  solide  et  docile  au  toucher,  au  moyen 
de  laquelle  l'artiste  rend  les  nuances  les  plus  déli- 
cates, bref,  pour  arriver  au  piano  tel  qu'il  se  fabri- 
que aujourd'hui! 

C'est  en  Allemagne  que  furent  construits,  au  com- 
mencement du  xviu'  siècle,  les  premiers  pianos  en 
forme  de  clavecin. 

Les  auteurs  les  plus  connus  de  ces  premiers  ins- 
truments sont  Schrœter,  Silbebmann,  Frederici, 
Stein,  Streicher.  Les  mécaniques  employées  par 
ces  facteurs  étaient  des  plus  rudimentaires.  On  en 


2064 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


juf,'era  par  la  (îsure  ci-dessous  rcprésenlanl  l'une 
d'elles,  dénommée  «  mécanique  à  pilote  ». 
En  1796,  un  jeune  facteur  français,  originaire  de 


FiG.  1070.  —  Mécanique  à  pilole. 

Strasbourfi,  Sébastien  Ebard,  que  ses  travaux  et  ses 
inventions  devaient  bientôt  rendre  célèbre,  et  qui 
s'était  déjà  signalé  par  le  clavecin  de  M.  de  la  Blan- 
clierie  dont  il  a  été  parlé  plus  haut,  produisit  une 
nouvelle  mécanique  dite  «  à  échappement  »,  qui  mar- 
quait sur  sa  devancière  un  notable  prof;rès. 

Dans  celte  mécanique,  que  représente  la  figure  ci- 
après,  le  marteau  poussé  par  le  pilote  échappait  au- 
tomatiquement à  deux  millimétrés  de  la  corde;  en 
échappant,  il  faisait  sortir  de  son  cran  la  pièce  par 
laquelle  la  touche  commandait  le  marteau,  et  il 
fallait  que  la  touche  reprît  sa  position  première 
pour  que  le  mécanisme  piU  de  nouveau  soulever  le 
marteau. 

Malgré  cet  inconvénient,  ce  système  avait  sur  le 
mécanisme  à  pilote  la  supériorité  d'une  plus  grande 
précision  du  coup  de  marteau,  ce  qui  peimettait  à 
l'exécutant  de   mieux   nuancer  son  jeu.   Il  y    avait 


touche  se  relever,  lorsqu'elle  a  été  abaissée,  pour 
faire  de  nouveau  agir  le  marleau;  il  s'ensuit  qu'avec 
ce  système,  la  rapidité  de  la  répétition  est  beaucoup 
plus  grande  et  que  la  dépense  de  force  physique  de 
"exécutant  se  trouve  de  beaucoup  diminuée. 

Voyons  de  quelle  manière  s'opère  le  fonctionne- 
ment de  cette  mécanique. 

La  touche,  dont  le  point  de  bascule  est  en  A,  agit 
sur  le  mécanisme  par  l'intermédiaire  du  pilole  I!, 
articulé  en  B'  dans  la  touche  et  en  G  dans  le  grand 
levier.  Ce  grand  levier,  mobile  en  D,  porte  a  son 
extrémité  antérieure  un  échappement  en  forme  d'é- 
querre  GKF,  mobile  en  E. 

Lorsque  la  mécanique  est  au  repos,  la  branche  F 
de  cet  échappement  qui  traverse  le  petit  levier  vient 


['•''f??'";'f^^'^'V\V'^vy-^'^'"''  ^^'^''?y^'^^'j??^^^^'',s\\^-'-'"' '  Z"^"   "' ; 


^1^ 


Fht.  1071.  —  Mécanique  h  échappement  d'ÉuARi 


progrès,  mais  le  résultat  acquis  était  encore  insuf- 
fisant. 

Stimulés  par  les  succès  de  Sébastien  Erard,  les 
plus  habiles  facleuis  de  l'époque  rivalisaient  d'elforts 
pour  résoudre  le  difficile  problème  qui  s'imposait  à 
leurs  communes  préoccupations  ;  des  essais  sans 
nombre  étaient  tentés  dans  ce  but  en  Allemagne,  en 
Autriche,  en  Angleterre  aussi  bien  qu'en  France,  mais 
tous  demeuraient  stériles. 

La  mécanique  réunissant  à  la  fois  la  précision  du 
fonctionnement,  la  facilité  du  toucher  et  la  rapidité 
de  la  répétition,  semblait  introuvable,  lorsque,  par 
sa  géniale  invention  de  la  «  mécanique  à  double 
échappement  »  ou  «  mécanique  à  répétition  » ,  Sébas- 
tien Erard  lit  du  piano  un  instrument  pouvant  satis- 
faire l'exécutant  le  plus  dilTicile. 

Cette  invention,  qui  marque  le  plus  grand  progrés 
qui  ait  été  réalisé  dans  la  facture  du  piano,  mérite 
d'être  expliquée. 

Dans  la  mécanique  à  double  échappement  ou  mé- 
canique à  répétition,  l'action  de  la  touche  sur  le 
marteau  s'exerce  à  tout  point  de  la  course  de  celui- 
ci,  et  il  n'est  pas  besoin,  par  conséquent,  de  laisser  la 


l'is.  1072.  —  Mécanique  h  double  échappemenl  d'KRABD  (ISSIi). 

porter  sous  le  rouleau  qui  se  trouve  sous  le  manche 
du  marteau. 

Sur  la  pièce  H  est  fixée  l'attrape  !N,,  laquelle  tra- 
verse le  manche  du  marteau  près  de  la  tête,  et  a  pour 
fonction  d'empêcher  le  (loltement  de  celui-ci  au 
moment  on  ilvienl  d'attaquer  la  corde. 

De  la  même  pièce  H,  part  un  ressort  à  deux  bran- 
ches, dont  l'une  maintient  à  sa  place  le  petit  levier, 
et  l'autre  l'échappement. 

Que  se  produit-il  au  moment  où  l'on  a  frappé  la 
touche  pour  faire  parler  la  note? 

Le  grand  levier  soulevé  par  le  pilole  BG  s'est  re- 
levé et,  avec  lui,  l'échappement  GEF,  dont  la  bran- 
che  F  a  poussé  le  marleau 
\  ,  l'n  vers  la  corde,  mais,  la  tête 
du  marteau  étant  parvenue 
à  trois  millimètres  de  cette 
corde,  la  branche  G  de 
l'échappement  a  rencontré 
le  bouton  V,  et  l'équerre  a  basculé,  abandonnant  le 
marteau  qui  a  continué  seul  sa  course,  poussé  par 
la  force  acquise. 

Au  môme  moment,  un  petit  organe  métallique  en 
forme  de  T  renversé,  vissé  sous  la  tige  du  marteau, 
près  du  rouleau,  est  venu  s'appuyer  sur  l'extrémité 
du  petit  levier,  soutenant  le  marteau,  de  sorte  que, 
si  peu  que  l'on  laisse  la  touche  se  relever,  fût-elle 
presque  à  fond,  l'échappement  est  ramené  sous  le 
rouleau,  et  l'on  peut  faire  parler  et  répéter  la  note 
avec  une  grande  rapidité. 

Lorsque,  en  abaissant  la  touche,  on  fait  monter  le 
grand  levier,  l'extrémité  postérieure  de  celui-ci  ap- 
puie sur  le  vilebrequin  P  dans  lequel  est  vissée  la 
tige  qui  porte  la  tête  de  l'étoiiffoir;  ce  vilebrequin 
descend,  débarrassant  la  corde  de  l'étoulïoir  et  la 
laissant  vibrer  libi'ement;  dès  que  ia  touche  remonte 
et  que  le  grand  levier  descend,  le  vilebrequin,  poussé 
par  son  ressort,  remonte,  et  l'étouffoir  vient  repren- 
dre sous  la  corde  sa  place  antérieure. 

Telle  est,  sommairement  décrite,  celte  capitale 
invention  qui,  en  portant  d'un  seul  coup  le  piano  à  un 
point  de  perfection  inespéré,  devait  en  faire  en  peu~ 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  FACTURE    îons 


de  temps  le  plus  poimlaire  et  le  plus  répandu   des 
instruments. 

Ce  fui  à  l'Exposition  de  Paris,  en  1823,  que  le  pre- 
mier piano  pourvu  de  cette  mécanique  fut  présenté 
au  public. 

Les  autres  parties  de  l'instrument  ne  lardèrent  pas 
à  être  mises  en  harmonie  avec  l'admirable  méca- 
nisme dont  Krard  venait  de  le  doter. 

La  table  de  résonance  en  fut  agrandie  et  fortifiée; 
on  augmenta  la  longueur  et  la  grosseur  des  cordes, 
ainsi  que  la  force  de  résistance  du  barrage,  de  la 
caisse  et  des  sommiers;  aux  cordes  de  cuivre  de  la 
basse,  on  substitua  des  cordes  d'acier  recouvertes 
d'un  lit  de  cuivre  ou  de  laiton  d'une  sonorité  plus 
forte  et  plus  franche;  enfin,  les  marteaux,  autrefois 
garnis  de  cuir  ou  de  peau  qui  avaient  l'inconvénient 
de  durcir  assez  rapidement,  furent  garnis  d'un  feutre 
spécial  faisant  rendre  à  la  corde  un  son  plus  rond  et 
plus  harmonieux. 

De  ces  améliorations  successives,  dues  aux  elforlg 
persévérants  d'une  pléiade  de  facteurs  émérites,  ré- 
sulta le  piano  moderne  qui,  en  raison  de  sa  puis- 
sance de  son,  de  son  jeu  facile  et  de  ses  multiples 
ressources,  est  promptement  devenu  l'instrument 
de  prédilection  des  virtuoses  et  des  compositeurs. 

Le  piano,  telqu'ilse  fabrique  aujourd'hui,  se  com- 
pose d'un  corps  sonore  formé  d'une  table  de  réso- 
nance dite  ((  table  d'harmonie  »,  s'appuyant  sur  une 
charpente  nommée  <<  barrage  »;  à  cette  table  est 
fixé  un  chevalet  sur  lequel  sont  tendues  des  cordes 
d'acier  ;  chaque  corde  est  fixée  par  l'une  de  ses  ex- 
trémités à  une  pointe, -et  enroulée  à  l'autre  extrémité 
sur  une  cheville  de  fer  servant  à  l'accorder;  ces 
cordes  sont  mises  en  vibration  au  moyen  de  mar- 
teaux actionnés  par  un  mécanisme  auquel  corres- 
pondent les  touches  d'un  clavier. 

Ces  divers  organes  sont  enfermés  dans  une  caisse 
qui  alfecte  une  forme  et  des  proportions  différentes, 
suivant  que  le  piano  est  «  à  queue  »  ou  "  droit  )>. 

Lorsque  le  marteau  en  frappant  la  corde  la  met 
en  vibration,  cette  corde  entraîne  à  la  fois  dans  son 


mouvement  d'oscillation  le  chevalet  sur  lequel  elle 
s'appuie  et  la  table  d'harmonie  sur  laquelle  est  collé 
le  chevalet;  l'ébranlement  de  la  table  d'harmonie 
déplace  la  couche  d'air  en  contact  avec  elle  et  pro- 
page les  ondes  sonores  que  perçoit  notre  oreille. 

Le  harvaije  d'un  piano  doit  présentei'  une  grande 
solidité;  il  est  formé  d'un  cadre  de  forts  barreaux  de 


FiG.  1071.  —  BarragTi  d'un  piano  droit. 

sapin  réunis  par  des  entretoises  qui  en  maintiennent 
l'écartement  ;  il  supporte  : 

{"  la  taille  de  résonance; 

■2"  le  sommier  d'accroché,  —  plaque  de  métal  ou 
cadre  métallique,  —  muni  des  pointes  auxquelles 
sont  accrochées  les  cordes  par  l'une  de  leurs  extré- 
mités ; 

.3°  le  sommier  de  chevilles,  pièce  de  boi^  dur, 
hêtre  ou  érable,  dans  laquelle  sont  enfoncées  les 
chevilles  sur  lesquelles  viennent  s'enrouler  les  cordes 
à  leur  autre  extrémité. 

C'est  à  l'aide  de  ces  chevilles  que  les  cordes  sont 
tendues  et  accordées. 

La  corde  s'appuie  sur  le  chevalet  entre  deux  pointes 
métalliques  contre  lesquelles  elle  dévie  successive- 
ment et,  avant  d'aboutir  à  la  cheville,  passe  par  un 
sillet  qui  la  coude  légèrement  :  la  partie  vibrante  de 


•       Fi6.  1073.  —  Barrage  d'un  piano  à  queue 


Fii4.  1075.  —  Corde  tendue  sur  le  chevalet. 

la  corde  se  trouve,  par  suite,  comprise  entre  le  che- 
valet et  le  sillet. 

Le  nombre  des  cordes  dans  un  piano  varie  suivant 
l'étendue  du  clavier;  la  plupart  des  notes  compor- 
tent trois  cordes,  d'autres  deux,  d'autres  enfin  une 
seule;  ce  sont  celles  de  l'extrême  basse. 

Ces  cordes  sont  de  longueur  et  de  diamètre  diffé- 
rents, suivant  la  hauteur  de  la  note  qu'elles  doivent 
produire.  Autour  de  celles  de  la  basse,  est  enroulé  un 
til  de  cuivre  ou  de  laiton  destiné  à  augmenter  leur 
sonorité. 

Les  touches  blanches  du  clavier  correspondent  aux 
notes  qui  composent  la  gamme  à'ut  majeur,  les 
touches  noires  représentent  les  demi-tons  complé- 
mentaires; la  succession  des  touches  blanches  et  des 

1»0 


2066 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


touches  noires  forme  la  fi;amme  cliromatique,  dont 
toutes  les  noies  successives  sont  à  un  demi-ton  les 
unes  des  auties. 
La  mécanique  met  en  mouvement  un  marteau  qui 


FiG,  1076.  —  Une  octave  de  touches. 

frappe  la  corde;  cette  mécanique  doit  remplir  diffé- 
rentes conditionsjndispensables,  entre  autres  la  légè- 
reté, la  précision  et  le  fonctionnement  sans  bruit. 

Le  marteau  doit  frapper  la  corde  aussitôt 
que  le  doigt  a  enfoncé  la  touche,  se  retirer  de 
lui-même  quand  il  a  été  mis  en  contact  avec 
la  corde,  et  rester  suspendu  tout  le  temps  que 
le  doigt  demeure  sur  la  touche. 

11  faut,  de  plus,  qu'un  organe  destiné  à  étouf- 
fer le  son  et  que  l'on  appelle  «élouffoir  »  quitte 
la  corde  par  le  seul  fait  de  la  percussion,  et  se 
replace  sur  ou  sous  la  corde  pour  l'empêcher 
de  vibrer  lorsque  le  doigt  quitte  la  touche. 

Le  piano  possède  aussi,  sous  forme  de  péda- 
les^, le  moyen  de  modifiera  volonté  l'inlensilé 
du  son. 

Les  pédales  constituent  un  double  levier 
acliomié  par  les  pieds,  d'où  leur  nom;  l'une 
d'elles,  dite  "  pédale  douce  »,  soit  en  faisant 
glisser  un  peu  le  clavier,  comme  dans  le  piano 
à  queue,  de  manière  que  le  marteau  ne  frappe 
plus  que  deux  cordes  au  lieu  de  trois,  soil  en  inter- 
posant un  morceau  de  drap  ou  de  feutre  entre  la 
corde  et  le  marteau,  soit  en  diminuant  la  force 
du  coup  de  marteau,  soit  encore  en  faisant  faire  au 
marleau  un  petit  mouvement  de  côté  pour  qu'il  ne 
frappe  plus  la  troisième  corde,  comme  dans  le  piano 
droit,  permet  d'obtenir  une  diminulion  plus  ou  moins 
sensible  du  son. 

L'autre,  dite  «  pédale  forte  »,  produit  un  effet 
inverse  en  laissant  vibrer  à  la  fois  toutes  les  notes 
débarrassées  de  leurs  étoulfoirs. 

Ainsi  que  nous  venons  de  le  dire,  les  pianosse  clas- 
sent aujourd'hui  en  deux  types  principaux  : 

les  pianos  à  queue; 

les  pianos  droits. 

Le  piano  à  queue  est,  de  toule  évidence,  celui  dont 
la  supériorité  s'iiupose;  il  la  doit  à  l'étendue  plus 
grande  de  sa  table  d'Iiarmonie,  à  la  perfection  de 
son  mécanisme  répétiteur,  à  la  longueur  de  ses 
cordes,  à  la  façon  normale  dont  elles  sont  attaquées 
parlesmarteau.Ketà  leurhorizontalilé  (|ui  fait  qu'une 
fois  frappées,  elles  ne  demandent  qu'à  continuer 
leurs  amples  vibrations,  ne  reprenant  l'état  de  repos 
que  par  la  résistance  de  l'air  et  de  leurs  points  d'at- 


tache, tandis  que  les  cordes  verticales  ou  plus  ou 
m  oins  obliques  des  pianos  droits  tendent,  au  contraire, 
à  retrouver  beaucoup  plus  vite  l'aplomb  qui  leur  est 
naturel,  et  rendent  par  conséquent  un  son  plus  court. 
A  tous  les  points  de  vue,  le  piano 
à  queue  demeure  donc  l'instrument 
par  excellence,  et  c'est  à  lui  qu'iront 
toujours  les  préférences  de  tous  les 
musiciens. 

Du  piano  carré,  ainsi  nommé  en 
raison  de  sa  forme  qui  rappelle 
celle  d'un  table  à  écrire,  et  qui, 
après  avoir  connu  une  période  de 
vogue,  est  aujourd'hui  complète- 
ment délaissé,  nous  ne  dirons  que 
(juelques  mots. 

Dans  le  piano  carré,  comme  dans 

le  piano  à  queue,  les  cordes  sont 

tendues   horizontalement,  mais  se 

présentent  obliquement  à  la  ligne  des  marteaux  ;  le 

mécanisme  eruplo3'é    dans   ces    instruments  a    été 

d'abord  la  mécanique  à  pilote,  ensuite  la  mécanique 


1,  Pour  apprécier  à  toute  sa  valeur  le  rôle  des  pédales  dans  le 
jtiaiio,  lire  le  très  remaniuable  ouvrage  d'Alliert  Lavignac,  professeur 
d'harmonie  au  Conservatoire  d(!  Musique,  intitulé  l'Ecole  de  la  Pé- 
dale, qui  représente  re  qui  a  été  écrit  de  plus  complet  et  de  plus 
judicieux  sur  la  matière. 


Fia.  t077.  —  Piano  carré. 

à  échappement,  parfois  même  la  mécanique  à  répé- 
tition. 

D'une  puissance  de  son  moindre  que  le  piano  à 


FiG.  107S.  —  Intérieur  d'un  piano  carré. 

queue,  moins  robuste  aussi  de  mécanisme,  à  cause 
de  la  disposition  beaucoup  plus  resserrée  de  ses 
organes,  d'une  forme  à  la  fois  peu  gracieuse  et 
encombrante,  il  ne  constitua  qu'un  instrument  de 
transition  et  disparut  graduellement  vers  le  milieu 
du  xix«  siècle,  à  mesure  que  grandissait  la  faveur 
accordée  par  le  public  au  piano  droit. 

Le  piano  droit. 

C'est  au  fadeur  anglais  William  Southwell  que 
revient  le  mérite  d'avoir  construit,  vers  tSOT,  le  pre- 
luier  piano  droit,  dont  l'idée  lui  fut  vraisemblable- 
ment suggérée  par  le  harpsichorde  droit  du  l'Idren- 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉIUGOCIE 


LE  PIANO  ET  SA  FACTURE    2067 


tin  liiGOLi  (1620),  ou  par  le  piano  à  queue  verticale 
lie  STODAriT  (1795). 

ILn  1826,  RoLiert  Wornum,  de  Londres,  et,  en  1837, 
floLLER,  de  Paris,  construisirent  des  instrument  qui 
s'inspiraient  du  même  principe,  mais  plus  perfec- 
tionnés; ceux  de  Holler  surtout  se  distinf^uaient 
par  des  (jiialités  spéciales  qui  les  firent  considérer  à 
l'époque  comme  des  modèles  du  genre,  et  qui  popu- 
larisèrent rapidement  le  nom  de  leur  auteur.  Ce  type 
d'instrument,  aujourd'hui  très   répandu  à  cause  de 


Fis.  1079.  —  Piano  droit. 

ses  proportions  restreintes,  et  de  son  bon   marché 
relatif,  a  complètement  supplanté  le  piano  carré. 

Dans  le  piano  droil,  dont  la  (igure  ci-dessus  indi- 
que la  forme  générale,  la  table  d'harmonie  se  pré- 
sente verticalement  ;  elle  est  fixée  sur  un  fond  composé 
de  forts  barreaux  de  sapin  disposés  dans  le  sens  des 
cordes,  lesquelles  sont  tendues  tantôt  dans  une  direc- 
tion verticale,  tantôt  dans  une  direction  demi-obli- 
que ou  oblique,  d'où  les  nomsde  piano  vertical,  piano 
demi-oblique,  piano  oblique  donnés  à  ces  divers  types 
d'instruments. 

La  mécanique  du  piano  droits  alTecte  une  dispo- 
sition appropriée  à  la  forme  de  l'instrument. 

Cette  mécanique,  comportant  obligatoirement  des 
ressorts  destinés  à  renvoyer  les  marteaux  en  arrière 
une  fois  qu'ils  ont  frappé  les  cordes,  est  moinsagréa- 
ble  au  toucher  que  celle  du  piano  à  queue,  dans 
laquelle  les  marteaux  retombent  d'eux-mêmes  par 
leur  propre  poids;  son  attaque  est  également  moins 
énergique,  en  raison  de  la  résistance  qu'opposent  les 
ressorts,  résistance  qui,  si  bien  compensée  qu'elle 
soit,  demeure  toujoni-s  un  peu  sensible. 

La  direction  plus  ou  moins  obli- 
que des  cordes  permet  d'en  aug- 
menter la  longueur  et  favorise  en 
même  temps  leurs  vibrations. 

Les  deux  systèmes  de  mécani- 
ques les  plus  généralement  em- 
ployés dans  les  pianos  droits  sont 
la  mécanique  dite  à  lames  et  celle 
dite  à  baïonnettes. 

Dans  la  mécanique  à  lames,  que 


Fi6.  lOSO.  —  Mécanique  de  pianu  droit  k  lames. 


représente  la  figure  ci-dessus,  l'étoulloir  s'applique  au 
dessous  de  la  ligne  du  frappé  des  marteaux,  sur  un 
point  de  la  corde  où  les  vibrations  sont  plus  amples, 
et  où  son  action  est,  par  suite,  plus  efficace,  tandis 
que,  dans  la  mécanique  à  baïonnettes,  l'étouffoir,  fixé 
au  bout  d'une  broche  de  laiton  coudée  en  forme  de 
baïonnette,  va  porter  au-dessus  du  point  frappé  par 
le  marteau,  dans  un  espace  étroit  où  il  rencontre 
généralement  les  pointes  du  sillet,  et  où  il  produit 
naturellement  un  effet  moins  efficace. 
A  ce  titre,  la  mécanique  à  lames    présente  donc 


FiG.  lOSl.  —  Mécanique  dp  piano  droit  à  baïonnettes. 

une  supériorité;  elle  tend  du  reste  de  nos  jours  à  se 
répandre  de  plus  en  plus. 

Le  mode  d'action  de  la  pédale  douce  varie  aussi 
dans  les  pianos  droits. 

Tantôt,  la  diminution  du  son  s'obtient  à  l'aide 
d'une  bande  ou  d'une  série  de  languettes  de  feutre 
ou  de  Uanelle  venant  s'interposer  entre  les  marteaux 
et  les  cordes,  tantôt  en  faisant  faire  aux  marteaux 
un  léger  mouvement  de  côté,  de  manière  à  ne  leur 
laisser  frapper  que  deux  cordes  sur  trois,  tantôt  en 
diminuant  la  course  du  marteau  et,  par  suite,  la  force 
de  son  attaque. 

Ces  divers  systèmes  ont  leurs  partisans,  mais  les 
plus  généralement  adoptés  sont  les  deux  derniers. 

Nous  ne  pouvons  malheureusement  évoquer  ici  les 
noms  de  tous  les  facteurs  qui,  par  leurs  inventions 
ou  par  les  perfectionnements  dont  ils  l'ont  doté,  ont 
porté  le  piano  à  son  état  actuel;  l'énuméralion  en 
serait  trop  longue;  nous  nous  bornerons  à  mention- 
ner, dans  l'ordre  chronologique,  les  plus  marquants 
d'entre  eux. 

Aux  premiers  inventeurs  dont  nous  avons  déjà  cité 
les  travaux  :  Christoi-ori,  Mauius,  .Schboeteu,  Siliieh- 
MANN,  Frederici,  Stkin,  Séb.  Erard,  il  convient  d'a- 
jouter : 

JohannèsZuMPEqui,  en  1763,  construisit  à  Londres 
le  premier  piano  carré. 

Bl'rckhardt-Tschudi  et  son  collaborateur  John 
Broadwood,  également  de  Londres,  qui  commencè- 
rent, en  1767,  à  construire  des  instruments  de  même 
lype,  mais  plus  perfectionnés. 

Robert  Stodart,  de  Londres,  qui  construisit  en 
1777,  d'après  un  brevet  acheté  à  Allen  et  Tiiosi,  un 
piano  à  queue  présentant  cette  particularité  (|ue  le 
barrage  en  était  constitué  par  des  barres  tubulaires, 
et  plus  tard,  en  1793,  un  piano  à  queue  verticale. 

HiLLEiîRAND,  facteur  allemand  fixé  en  France,  qui 
fabriqua,  vers  1783,  des  pianos  avec  marteaux  frap- 


2QCS 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


paiH  au-dessus  des  cordes,  comme  l'avait  déjà  fait 
Mabius,  système  au  moyen  duquel  le  son  devenait 
plus  doux  et  le  toucher  plus  sensible.  HiLLEBHANDest 
considéré  comme  ayant  construit,  vers  1790,  le  pre- 
mier piano  dans  lequel  les  cordes  se  croisaient. 

WiLRiNsoN,  de  Londres,  inventeur  d'arches  en  fer 
reliant  le  sommier  de  chevilles  à  la  traverse  servant 
de  support  à  la  table  d'harmonie,  afin  de  contre- 
balancer le  tirage  des  cordes. 

John  Bhoadwood,  de  Londres,  imagina,  en  1808,  de 
remplacer  les  arches  de  fer  de  Wilkinson  par  des 
barres  de  fer  plus  résistantes,  ce  qui  lui  permit  de 
monter  ses  pianos  encordes  plus  fortes.  John  Broad- 
wooD  est  de  tous  les  facteurs  anglais  celui  qui  con- 
tribua pour  la  plus  large  part  aux  progrès  réalisés 
en  Angleterre  dans  la  construction  des  pianos  au 
commencement  du  xix"  siècle. 

Camille  Pleyel,  de  Paris,  fils  et  successeur  d'Ignace 
Pleyel,  auteur  d'un  piano  unicorde  (1825),  dans 
lequel  une  seule  corde,  de  diamètre  naturellement 
plus  fort  qu'une  corde  ordinaire,  était  destinée  à 
produire  l'effet  des  deux  ou  trois  cordes  habituelle- 
ment employées;  ce  même  facteur  imagina,  en  1826, 
un  cadre  en  fonte  de  fer,  fit  breveter,  en  1830,  une 
table  d'harmonie  revêtue  d'un  placage  à  contre-fil, 
et  produisit,  en  1844,  une  mécanique  permettant 
d'obtenir  plusieurs  sous  à  la  fois. 

La  Maison  Pleyel  a  inventé,  depuis,  un  piano  péda- 
lier, une  pédale  tonale  permettant  de  prolonger  le 
son  de  certaines  notes,  un  clavier  transpositeur  pou- 
vant s'adapter  à  tous  les  pianos  et,  plus  récemment, 
une  pédale  harmonique  qui  laisse  vibrer  à  volonté 
un  accord  frappé,  alors  que  les  doigts  ont  quitté  les 
touclies. 

Par  l'ensemble  de  leurs  travaux,  la  qualité  et  le 
fini  des  instruments  sortis  de  leurs  ateliers,  les 
Pleyel  et  leurs  successeurs  furent,  avec  les  Erard 
et  Henri  Herz,  les  facteurs  qui  contribuèrent  le  plus 
à  établir,  à  maintenir  et  à  propager  la  légitime  répu- 
tation des  pianos  français. 

Baiscocb,  de  Philadelphie,  établit,  en  )82ù,  un  piano 
carré  avec  cadre  en  fer  fondu  d'une  seule  pièce,  qui 
est  habituellement  considéré  comme  le  premier  piano 
construit  avec  cette  disposition. 

Cette  même  invention  a  été  parfois  attribuée  à 
Petzold,  mais  le  brevet  que  prit  ce  facteur  ne  datant 
que  de  1829,  il  semble  bien  que  ce  soit  Babcock  qui 
ait  eu,  le  premier,  l'idée  du  cadre  métallique  fondu 
d'une  seule  pièce. 

De  son  cùté,J.-N.  Pape,  d'origine  allemande,  mais 
fixé  à  Paris,  fabriqua,  en  1826,  un  piano  pourvu  d'un 
cadre  en  fer  fondu  avec  ses  pointes,  et  innova  la 
même  année  en  France  l'emploi  du  feutre  pour  la 
garniture  des  marleaux,  disposition  adoptée  depuis 
par  tous  les  facteurs. 

Pape,  qui  se  distinguait  par  un  esprit  inventif  et 
une  ingéniosité  remarquable,  donnait  volontiers  à 
ses  pianos  les  formes  les  plus  diverses,  forme  table, 
forme  guéridon,  forme  ronde,  forme  console,  forme 
ovale,  etc.  ;  il  essaya  aussi  de  remplacer  les  cordes 
par  des  ressorts  d'acier,  alin  (^"éviter  autant  que  pos- 
sible les  variations  de  l'accord. 

En  1827,  KoLLER  el  Bla.nghet,  facteurs  parisiens, 
produisirent  un  piano  vertical  qui  semble  avoir  élé 
le  premier  instrument  de  ce  genre  construit  en 
France,  et  qui  éveilla  sur  ce  nouveau  type,  qui  de- 
vait rapidement  se  populariser,  l'attention  des  fac- 
teurs et  du  monde  musical. 
On  doit  à,,  ces  mêmes  facteurs  ua  piano  à  queue  à 


double  table  d'harmonie  et  double  rang  de  cordes. 
Pierre  Erard,  de  Paris,  neveu  et  successeur  de  Séb. 
Eraud,  créa,  en  1830,  la  barre  harmonique  qui  donna 
aux  notes  hautes  du  piano  une  plus  grande  pureté 
et  une  plus  grande  intensité  de  son;  il  produisit,  en 
1850,  un  nouveau  système  de  barrage  en  fer  dans 
lequel  un  sonmiier  de  bronze,  parallèle  aux  chevilles, 
formait  avec  le  sommier  d'accroché  un  châssis  en 
métal  d'une  grande  solidité;  il  est  également  l'au- 
teur d'agrafes  perfectionnées  et  d'un  piano  à  queue 
avec  clavier  de  pédales,  dans  lequel  le  clavier  des 
mains  et  celui  des  pieds  agissaient  sur  les  mêmes 
marleaux. 

J.-L.  BoissELOT,  de  Marseille,  inventeur  en  1839  du 
piano  Cledi-harmonique,  en  1843,  du  piano  à  double 
son  dans  lequel  les  marleaux  frappaient  à  volonté 
cinq  cordes,  trois  à  l'unisson  et  deux  à  l'oclave  au- 
dessus,  et  finalement  du  piano  Plani-corde,  dans 
lequel  les  cordes  étaient  remplacées  par  des  lames 
d'acier. 

Kriegelstein,  Alsacien  fixé  à  Paris,  auteur  d'agra- 
fes de  précision  (1841)  et  d'une  mécanique  à  double 
échappement  très  appréciée  (1844|. 

A.  F.  Deuain,  de  Paris,  inventeur  fécond  qui  ima- 
gina, en  1848,  un  piano  mécanique  qu'actionnait  une 
manivelle. 

Mercier,  de  Paris,  élève  de  Roller,  auteur  d'un 
piano  transposant  au  moyen  de  touches  brisées  agis- 
sant sur  plusieurs  leviers  suivant  le  déplacement  du 
clavier  (1831). 

Claude  Montal,  facteur  aveugle,  qui  imagina  en 
1831  une  mécanique  à  échappement  continu,  et  pro- 
duisit, en  1838,  un  piano  à  sons  soutenus. 

\N  OLrEL,  auteur  d'en  piano  avec  clavier  en  forme 
d'arc  decercle  permeltanl  aux  petits  bras  d'en  attein- 
dre plus  facilement  les  extrémilés;  auteur  également 
d'une  cheville  à  vis  pour  faciliter  et  assurer  l'accord. 
Mangeot  frères,  de  Nancy,  auteurs,  en  1878,  d'un 
piano  à  queue  à  deux  claviers  renversés. 

Cet  instrumenl  était  formé  de  deux  pianos  super- 
posés, de  façon  que  la  note  la  plus  grave  du  premier 
se  trouvât  en  face  de  la  note  la  plus  aiguë  du  second, 
disposition  ayant  pour  but  de  supprimer  l'écarte- 
ment  des  bras  pour  atteindre  aux  limites  extrêmes 
de  l'étendue  du  clavier  et  les  croisements  de  mains. 
Beaucoup  de  ces  inventions,  pour  la  plupart  très 
ingénieuses,  n'ont  laissé  qu'une  trace  purement  do- 
cumentaire, soit  que  leur  utilité  ne  se  soit  pas  suf- 
fisamment affirmée,  soit  qu'elles  aieot  présenté  dans 
l'application  des  difficultés  hors  de  proportion  avec 
les  avantages  poursuivis;  il  élait  intéressant  cepen- 
dant de  les  mentionner,  ne  fût-ce  que  pour  montrer 
à  quelles  recherches  se  sont  livrés  leurs  auteurs,  et 
les  efforts  de  toute  nature  qui  ont  été  faits  pour 
compléteretaméliorerrinstrumenl  qui  nous  occupe. 
Parmi  les  facteurs  qui,  dans  les  différents  pays, 
ont  le  plus  marqué  dans  leur  industrie,  nous  cite- 
rons, en  dehors  de  ceux  déjà  nommés  : 

Pour  r.\llemagne  : 

Bechstein,  Blithner,  les  Ibach,  Kaps,  les  Schied- 

ÎIAYER. 

Pour  l'Amérique: 

Baldwiin,  Chickerlnc,  Knaiie,  Maso.n  et  Hamll\,  les^ 
Steinway,  Weber. 

Pour  l'Angleterre  : 

BkLNSUEAD,    GuAPPEL,    CoLLARD,    HOPRINSON. 


TEC/INIQUE,  ESTIlÉTinVE  ET  PÉDACOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  FACTURE    2069 


Pour  rAiHric,lie-linni»rie  : 

Les  BôSENDORFRB,    I^HRIiAn,    SCHWEIGIIOI-F.R. 

Poui'Ja  fielgiqiie  : 

Berdkn,  (ïlnthkr,  V'ogelsangs. 

Pour  la  Russie  : 
Becker,  Schrodf.r. 

Pour  la  France  : 
Elgre,  Gaveai;,   Wolffx. 

C'est  des  eîTorts  combinés  de  ces  inventeurs,  de 
ces  chercheurs  infatigables,  toujours  en  quête  d'un 
perfectionnement,  d'un  progrès  ou  d'une  simple  amé- 
lioration, qu'est  résulté  le  piano  moderne,  —  dont 
l'Académie  des  Beaux-Arts  dans  sa  séance  du  13  juil- 
let 18tî|  a  pu  dire  à  si  juste  titre  n  qu'il  est  de  tous 
les  instruments  celui  dont  l'étude  a  exercé  la  plus 
grande  iniluencesur  le  développement  de  l'art  mu- 
sical à  notre  époque  ». 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  dire  maintenant  quel- 
ques mots  de  deux  questions  qui,  surtout  depuis 
l'Exposition  Universelle  de  Paris  en  1867,  ont  suscité 
de  nombreuses  controverses,  le  croisement  des  cor- 
des et  le  châssis  de  fer,  double  disposition  adoptée 
aujoui'd'hui  par  la  presque  généralité  des  facteurs. 

Le  croisement  des  cordes. 

Dans  la  pensée  d'amplifier  la  sonorité  de  leur  pia- 
nos en  augmentant  l'écartement  des  cordes,  et  en 
rapprochant  le  plus  possible  les  chevalets  du  centre 
de  la  table  d'harmonie,  la  plupart  des  facteurs  ont 
adopté  une  disposition  consistant  il  tendre  leurs 
cordes  sur  deux  plans  différents,  superposés  du  côté 
opposé  au  clavier,  et  alfeclant  chacun  une  forme  en 
•éventail  ainsi  que  le  démontre  la  vue  ci-aprés. 


FiG.  10S2.  —  Intérieur  d'un  piano  à  qurue  ■■<  cordes  croisée?. 

S'il  est  vrai  que  cette  disposition  ait  pour  effet  de 
favoriser  la  sonorilë  générale  de  l'instrument,  elle  a 
pour  conséquence  de  rendre  cette  sonorité  un  peu 


moins  nette;  ce  que  l'on  gagne  d'un  côté,  il  semble 
qu'on  le  perde  de  l'autre,  et  on  peut,  par  suite,  se  de- 
mandersi  le  résultat  obtenu  n'est  pas  acquis  au  prix 
d'un  trop  grand  sacrifice. 

I.r  châssis  de  fer. 

Quant  au  châssis  de  fer,  c'est-à-dire  au  cadre  en 
fonte  de  fer  ou  en  fonte  aciérée  d'une  seule  pièce 
faisant  former  un  tout  au  sommier  de  chevilles  et  au 
sommier  d'accroché,  que  presque  tous  les  facteurs  ont 
également  introduit  dans  leurs  pianos,  et  sur  lequel 
sont  tendues  les  cordes  de  l'instrument,  il  présente 
l'avantage  de  fournir  à  la  corde  deux  points  d'attache 
inébranlables,  ce  qui  lui  permet  de  mieux  conserver 
son  accord;  cet  avantage  est  surtout  appréciable 
dans  les  pavs  où  il  se  produit  de  grandes  et  brusques 
variations  de  température,  ou  dans  lesquels  on  fait 
communément  usage  de  moyens  de  chaufl'age  inten- 
sifs, dont  les  effets  sont  éprouvants  pour  les  bois  et 
auxquels  les  instruments  qui  ne  sont  pas  pourvus  de 
ce  châssis  demeurent  plus  sensibles  ;  mais,  il  en  est 
du  châssis  de  fer  comme  du  croisement  des  cordes, 
la  supériorité  dont  il  peut  se  réclamer  au  point  de 
vue  de  la  tenue  de  l'accord  a  une  contrepartie;  la 
masse  de  fonte  introduite  dans  l'instrument  lui  donne, 
en  effet,  un  timbre  plus  métallique,  et,  ici  encore,  la 
question  est  de  savoir  si  ce  que  l'on  gagne  d'un  côté 
compense  bien  ce  que  l'on  perd  de  l'autre. 

Les  deux  opinions  sont  également  soutenables,  et 
chacune  d'elles  compte  des  partisans  aussi  bien  parmi 
les  artistes  que  dans  le  monde  des  dilettantes;  nous 
devons  toutefois  reconnaître  que  la  théorie  du  châs- 
sis de  fer  et  du  croisement  des  cordes  tend  de  plus 
en  plus  à  prévaloir,  et  que  c'est  aujourd'hui  dans 
cette  voie  que  se  sont  engagés  la  presque  généralité 
des  facteurs. 

CONSTRUCTION   DU   PIANO 

Voyons  maintenant  comment  se  construit  un 
piano. 

Il  entre  dans  la  fabrication  d'un  piano  les  maté- 
riaux les  plus  variés,  tels  que  le  fovr,  l'acier,  le  cuivre, 
le  drap,  le  feutre,  le  molleton,  la  soie,  l'ivoire,  le 
cuir,  la  peau,  etc.  Mais  celui  qui,  dans  sa  construc- 
tion, joue  le  rùle  le  plus  important,  est  avant  tout 
le  bois. 

Sans  parler  des  essences  qui  servent  surtout  au 
placage  et  à  l'ornementation  extérieure,  telles  que  le 
palissandre,  l'acajou,  le  citronnier,  le  thuya,  l'am- 
boine,  le  noyer,  etc.,  il  entre  dans  la  fabrication  de 
tout  piano  du  sapin,  du  hêtre,  du  chêne,  de  l'érable, 
du  tilleul,  du  charme,  du  sycomore,  de  l'ébène,  de 
l'épicéa. 

Ces  différentes  sortes  de  bois  ne  s'emploient  pas 
indistinctement,  mais  suivant  les  qualités  qui  domi- 
nent dans  chacune  d'elles  et  qui  conviennent  le  mieux 
aux  différentes  parties  de  l'instrument 

Le  sapin,  raide,  résistant,  est  plus  indiqué  que  tout 
autre  pour  le  barrage. 

Lechme,  dur,  robuste,  peu  sujet  à  être  attaqué  par 
les  insectes,  se  recommande  pour  la  caisse  et  les 
barres  minces  qui  réclament  beaucoup  de  solidité. 

Le  hêtre  et  l'érable,  durs  et  compacts,  peu  sujets 
â  se  fendre,  sont  généralement  préférés  pour  les 
sommiers;  les  chevilles  y  conservent  mieux  qu'elles 
ne  le  feraient  dans  tout  autre  bois  l'adhérence  néces- 
saire à  la  bonne  tenue  de  l'accord. 


2070 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSJQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


L'épicéa,  à  la  fibre  régulière,  élastique  et  sonore, 
fournit  la  meilleure  table  d'harmonie. 

Le  tilleul,  tendre,  léger,  rigide,  tourmentant  peu, 
se  coupant  admirablement,  fournit  les  meilleures 
touches. 

Dans  la  mécanique,  entre  également  de  l'acajou, 
du  charme,  du  sycomore,  du  cèdre,  du  cédra,  de 
l'ébène;  ce  dernier  bois  est  employé  pour  les  dièses 
on  touclies  noires  du  clavier. 

Du  choix  de  ces  bois,  de  leur  minutieuse  prépara- 
tion, de  leurlong  séchage  et  de  leur  judicieux  emploi, 
dépend  en  grande  partie  la  qualité  de  l'instrument. 

Sans  entrer  dans  tous  les  détails  de  la  fabrication 
d'un  piano,  nous  allons  indiquer  sommairement,  et 
dans  l'ordre  où  elles  s'accomplissent,  les  différentes 
opérations  dont  elle  se  compose. 

Ces  opérations  sont  : 

la  construction  du  barrage; 
le  tablage; 

la  construction  de  la  caisse; 
le  montage  des  cordes; 
le  vernissage; 

l'exécution,  la  mise  en  place,  le  réglage  delà  mé- 
canique et  du  clavier; 
l'égalisation  et  l'accord. 

Le  barrage,  qui  est  le  point  de  départ  de  l'instru- 
ment, consiste,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  en  un 
nombre  variable  de  forts  barreaux  de  sapin  réunis 
par  des  entretoises  qu'encadre  le  châssis  intérieur 
sur  lequel  sera  collée  la  table  d'harmonie. 

Ce  «  fond  »,  comme  on  l'appelle  en  terme  de  fac- 
ture, est  la  pièce  de  résistance  qui  doit  supporter 
l'effort  parfois  très  considérable  de  la  tension  des 
cordes. 

Le  tablage.  —  La  table  d'harmonie  est  faiteenplan- 
ches  de  sapin  de  Hongrie  ou  de  Galicie  (Epicéa)  débi- 
tées bien  sur  maille,  appareillées  et  collées  avec  un 
soin  extrême  et  rabotées  ensuite  à  une  épaisseur 
déterminée;  une  fois  rabotée,  elle  est  pourvue  des 
barres  qui  doivent  la  raidir  et  lui  permettre  de  mieux 
résister  à  la  pression  des  cordes. 

Sur  la  table  ainsi  préparée,  le  tableur  colle  le  che- 
valet qui  doit  supporter  les  cordes  et  en  communi- 
quer les  vibrations  à  celle-ci,  puis  il  colle  la  table 
sur  le  châssis,  visse  et  boulonne  sur  le  barrage  soit 
la  plaque  d'accroché  que  réunissent  au  sommier  de 


solides  barres  de  fer,  soit  le  châssis  métallique,  lors- 
qu'il s'agit  d'un  instrument  à  cadre  en  fer;  à  cette 
plaque  oij  à  ce  châssis,  pourvu  au  préalable  des 
pointes  nécessaires,  viendront  plus  tard  s'accrocher 
les  cordes;  il  perce  dans  le  sommier  formé  de  plu- 
sieurs épaisseurs  de  hêtre  ou  d'érable,  collées  l'une 
sur  l'autre  à  fil  contrarié,  les  trous  destinés  à  rece- 
voir les  chevilles,  et  fixe  dans  le  chevalet  les  pointes 
entre  lesquelles  viendront  passer  et  se  couder  les 
cordes. 

Le  fond  une  fois  tablé,  pourvu  de  son  chevalet,  de 
son  sommier  de  chevilles,  de  sa  plaque  d'accroché 
ou  de  son  châssis  métallique,  est  remis  aux  mains  du 
caissier. 

Le  caissier  revêt  ce  fond  de  son  enveloppe  exté- 
rieure, dont  toutes  les  parties  ont  été  plaquées  au 
préalalile;  la  caisse  ainsi  montée  passe  alors  à  l'ate- 
lier du  monteur  de  cordes,  où  sont  posées  les  che- 
villes et  les  coides. 

Chaque  corde,  tordue  à  son  extrémité  en  forme  de 
boucle,  est  accrochée  par  cette  boucle  à  l'une  des 
pointes  de  la  plaque  ou  du  châssis  métallique  dont  il 
vient  d'être  parlé  et,  en  passant  entre  les  pointes  du 
chevalet  contre  lesquelles  elle  s'appuie,  vient  se  fixer 
par  son  autre  extrémité  à  la  cheville  qu'elle  traverse 
et  autour  de  laquelle  elle  s'enroule. 

La  cheville  est  enfoncée  à  force  dans  le  sommier 


FiG.  1083.  —  Fond  de  piano  druil  tablé,  muni  de  son  cadre. 


FiG.  lûSi.  —  Fond  de  piano  droit  monté  en  cordes. 

préalablement  percé  par  le  tableur,  ainsi  qu'il  a  été 
dit  plus  haut. 

Une  fois  montée  en  cordes  et  en  chevilles,  la  caisse 
arrive  à  l'atelier  du  vernisseur,  où  elle  est  raclée,  pon- 
cée, vernie  ou  cirée,  garnie  de  ses  charnières  et  de 
ses  roulettes. 

C'est  alors  que  l'instrument  reçoit  le  premier  pin- 
çage,  accord  sommaire  fait  sans  le  secours  de  la 
mécanique  ni  du  clavier. 

La  mécanique  et  le  clavier.  —  Nous  ne  pouvons 
songera  entrer  ici  dans  tous  les  détails  d'exécution 
de  la  mécanique,  des  étouffoirs,  des  marteaux,  du 
clavier,  de  ce  travail  complexe  et  délicat  qui  se  divise 
et  se  subdivise  en  une  foule  d'opérations  de  sciage, 
de  perçage,  de  garnitures,  d'ajustages,  de  collages,  de 
façons  des  touches  d'ivoire  aux  joints  imperceptibles; 
disons  simplement  qu'un  ouvrier  spécial,  appelé  mon- 
teur, assemble  et  met  en  place  les  pièces  composant 
la  mécanique,  le  clavier  et  l'étouffoir  de  chaque  ins- 
trument, règle  le  clavier,  pose  et  ajuste  les  pédales. 


TECHyiQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  FACTURE    2071 


L'égalisation  constitue  la  dernière  des  opérations. 


FiG.  10S5.  —  Piano  droit  tablé,  monté  en  cordes, 
avec  sa  mécanique. 

L'égaliseur  règle  définitiveraent  la  mécanique,  le 
jeu  des  étoulfoirs,  le  clavier  et  les  pédales  ;  au  moyen 
d'un  peigne  à  aiguilles,  il  pique  et  assouplit  le  feutre 
des  marteau.x,  de  manière  à  en  régulariser  l'élasticité 
el  à  obtenir  une  parfaite  homogénéité  des  sons,  sans 
mélange  de  notes  sourdes  ou  éclatantes,  cette  homo- 
généité étant  la  principale  qualité  d'un  bon  piano. 
Avant  l'égalisation,  l'instrument  a  été  plusieurs 
fois  accordé  à  intervalles  réguliers;  il  l'est  encore 
plusieurs  fois  après  avoir  été  égalisé,  et  c'est  alors 
seulement  qu'il  est  considéré  comme  achevé. 


DE   L'ACCORD   DES   PIANOS 

La  question  de  l'accord  des  pianos,  sa  théorie,  sa 
pratique,  ont  été  exposées  et  développées  par  de 
nombreux  spécialistes. 

Un  de  ces  traités,  signé  du  nom  très  autorisé  de 
M.  Albert  DoLMETscH,  a  particulièrement  retenu  notre 
attention;  nous  croyons  ne  pouvoir  mieux  faire,  pour 
donner  de  l'art  de  l'accordeur  un  aperçu  exact,  que 
de  citer  ces  pages  qui  traitent  de  ce  délicat  sujet 
avec  autant  de  simplicité  que  de  compétence  : 

Les  anciens  instruments  à  cordes  et  à  clavier  tels  que 
l'épinette,  le  clavicorde,  le  clavecin,  étaient  accordés 
par  tierces,  quintes  altérées  et  une  quinte  juste,  com- 
binées avec  les  octaves  des  basses  et  des  dessus,  ce  qui 
donnait  un  résultat  harmonique  plus  que  précaire. 

L'harmonisation  des  sons  du  piano,  c'est-à-dire 
l'art  d'accorder  le  piano  d'après  la  partition  à  tem- 
pirament  égal  employée  aujourd'hui,  ne  date  que  du 
commencement  du  xvui»  siècle. 

Bien  que  les  intervalles  de  cette  partition  ne  soient 
pas  rigoureusement  exacts  dans  leurs  rapports  entre 
eux,  ils  arrivent  à  le  paraître  suffisamment  dans  un 
instrument  bien  accordé  pour  devenir  très  accep- 
lables,  même  à  l'oreille  la  plus  exercée. 

L'impossibilité  d'obtenir  un  justesse  plus  rigoureuse 
provient  de  ceci  : 

Le  son  musical  que  l'on  appelle  Ion  se  divise  idéa- 


lernent  en  neuf  parties  égales  dénommées  commas, 
quatre  de  ces  parties  forment  le  demi-ton  diato- 
nique, et  cinq  le  demi-ton  chromatique,  ce  qui  fait 
par  exemple  que  le  doS  est  plus  haut  d'un  comma  que 
le  reb. 

Celte  dilférence  peut  se  traduire  très  exactement 
sur  les  instruments  à  cordes  et  à  sons  non  fixes  tels 
que  le  violon,  mais  elle  est  impossible  à  exprimer 
sur  les  instruments  à  clavier  et  à  sons  lixes,  qui  n'ont 
qu'une  seule  note  pour  rendre  ces  deux  altérations, 
d'où  nécessité  de  recourir  au  tempérament  pour 
équilibrer  à  peu  près  les  demi-tons  entre  eux  dans 
toute  l'étendue  des  gammes  majeures  et  mineures. 

Comment  on  accorde  un  piano. 

Pour  devenir  bon  accordeur,  il  faut  tout  d'abord 
être  doué  d'un  grande  finesse  d'ouïe.  On  arrive  à  déve- 
lopper cette  faculté  chez  les  élèves  accordeurs  en 
leur  faisant  accorder  les  instruments  en  cours.de 
fabrication,  d'après  une  méthode  qui  consiste,  non  pas 
à  faire  vibrer  la  corde  au  moyen  du  marteau,  mais 
à  la  pincer  à  la  façon  des  harpistes,  à  cette  différence 
près  que  le  harpiste  ébranle  la  corde  avec  le  doigt, 
tandis  que  l'élève  accordeur  l'ébranlé  avec  un  mor- 
ceau d'ivoire  ou  de  bois  mince. 

Le  débutant  cherchera  ;d'abord  à  entendre  l'unis- 
son de  la  première  corde  du  cinquième  lu  marqué 
A  en  partant  des  basses,  qu'il  accordera  en  se  ser- 
vant, comme  point  de  repère,  du  diapason  normal 
(870  vibrations  à  la  seconde),  puis,  ayant  établi  l'u- 
nisson de  celte  note,  c'est-à-dire  accordé  les  deux 
autres  cordes  de  ladite  note  au  ton  de  la  première, 
il  cherchera  à  accorder  le  la  de  l'octave  inférieure; 
il  sentira  qu'il  y  a  réussi  quand  les  vibrations  des 
deux  la  se  marieront  parfaitement  ensemble. 

Il  essayera  ensuite  d'entendre  le  demi-ton,  puis 
la  quinte,  la  quarte,  la  tierce,  etc.,  en  un  mot,  les 
intervalles  qui  composent  la  partition,  et  accordera 
en  conséquence  les  notes  correspondantes.  Ces  pre- 
mières difficultés  surmontées,  le  débutant  accordera 
un  piano  pourvu  de  sa  mécanique  et  de  son  clavier, 
mais,  comme  alors  les  trois  cordes  de  la  même  note 
seront  mises  simultanément  en  vibration,  il  sera 
obligé  de  se  servir  d'un  coin  pour  étouffer  deux  de 
ces  cordes.  Lorsque  la  première  sera  mise  au  ton 
du  diapason,  il  retirera  le  coin  pour  le  placer  entre 
la  troisième  corde  de  cette  note  et  la  première  corde 
de  la  note  voisine;  il  accordera  la  seconde  corde 
à  l'unisson  de  la  première  et  procédera  de  même 
pour  la  troisième. 

Les  coins  employés  pour  l'accord  des  pianos  droits 
consistent  généralement  en  une  tige  de  bois  aplatie 
et  effilée  aux  extrémités.  Ils  sont  garnis  de  peau 
dans  le  but  d'assourdir  le  bruit  que  produirait  le 
contact  du  bois  avec  les  cordes. 

Pour  les  pianos  à  queue,  on  se  sert  de  coins  affec- 
tant une  forme  rectangulaire,  mais  plus  courts, 
plus  larges  et  plus  épais  que  ceux  employés  pour  les 
pianos  droits. 

Il  existe  plusieurs  façons  d'établir  une  partition,  et 
comme  chaque  accordeur  peut  en  combiner  une 
différente,  nous  nous  bornerons  à  en  indiquer  deux 
à  simple  titre  d'exemples. 

La  première  procède  par  quintes  et  oclaves  : 


(  un.  hirinnnii'.  ) 


fci^ 


W 


f^r^m 


-©- 


^ 


2072 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSKJUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Cette  pai'lition  se  lermine  sur  le  )V-  naturel  qui  vient 
former  deux  quintes,  une  avec  le  la  du  diapason,  ta, 
ré,  et  l'autre  avec  le  snl  inférieur,  ré,  sol.  Ces  deux 
quintes  étant  bonnes,  la  partition  est  jugée  exacte. 

La  seconde,  procédant  par  quintes  et  quartes,  est 
celle  que  nous  préférons  : 


,      "T       T       ^        6        7        "         q        ,„       Il        U       15 


Dans  cette  seconde  partition,  les  quintes  et  les 
quartes  ont,  comme  preuve  essentielle  de  leur  jus- 
tesse, la  tierce  et  la  sixte. 

En  elTet,  les  corps  sonores  produisent  des  vibra- 
tions parfaitement  sensibles  à  l'oreille  exercée,  et 
avec  la  pratique,  on  arrive  à  percevoir  ces  vibra- 
tions ou  battements,  qui  deviennent  alors  la  preuve 
indéniable  de  la  justesse  d'un  son  par  rapport  à 
l'autre. 

Ainsi,  les  tierces  et  les  sixtes  seront  considérées 
comme  j  ustes  lorsqu'elles  auront  toutes  des  battements 
précipités;  par  contre,  les  quartes  et  les  octaves  ne 
devront  avoir  aucun  battement. 

La  quinte  doit  être  accordée  avecEbattements  lents, 
toujours  au-dessous  de  la  quinte  juste. 

Cette  petite  différence  entre  la  quinte  juste  et  la 
quinte  altérée,  répétée  dans  l'ensemble  des  quintes 
que  comporte  la  partition  ci-dessus,  suflil  pour  com- 
penser le  rommu  qui  existe  entre  le  demi-ton  diato- 
nique et  le  dcnii-lon  chromatique,  et,  par  conséquent, 
pour  ramener  réquilil)re  entre  les  demi-tons. 

Pour  établir  cette  partition  au  point  de  vue  pra- 
tique, nous  conseillons  de  procéder  de  la  manière 
suivante  :  Accorder  : 

1°  Le  lu  du  diapason  ou  o"  la  en  partant  des 
basses,  à  l'unisson  du  diapason  normal. 

2"  L'octave  inférieure  du  la  précédent,  sans  batte- 
ments. 

3°  La  quinte  la  mi  faible. 

i"  La  quarte  inférieure  mi,  si,  sans  battements. 

5"  La  quinte  si,  fu-f  faible.  Preuve  de  la  justesse  : 
la  sixte  ta,  fafi  avec  des  battements  précipités. 

6"  La  quarte  inférieure  sol\-:,  ré\j,  sans  battements- 
Preuves  :  la  tierce  la,  rfo#  avec  battements  précipités 
et  l'accord  la,  (loi,  nii,  la. 

7°  La  quinte  )'^|i,  la\y  faible.  Preuves  :  la  tierce  jni, 
sol^  avec  battements  précipités,  égale  à  la  tierce 
la,  doi,  la  sixte  si,  so/;  égale  à  la  sixte  la,  f'a^  avec 
battements  précipités  et  l'accord  si,  mi,  sol::. 

8"  La  quarte  la\^ ,  mi\j  sans  battements.  Preuves  : 
la  tierce  si,  réi(  a.vec  battements  précipités,  égale  à  la 
tierce  la,  doi  et  l'accord  si,  réit,  fait. 

0°  La  quarte  inférieure  mif,  si.»  sans  battements. 
Arrivé  à  cet  intervalle,  nous  conseillons  d'accorder 
l'octave  supérieure  si  h  qui  donne  comme  preuves  : 
la  tierce  so/|>,  si[i  avec  battements  précipités,  égale 
à  la  tierce  si,  réf,  la  sixte  )■«>,  siU  jégale  à  la  sixte 
si,  soli,  avec  battements  précipités  et  les  accords 
ré[t,  sol\},  sib  et  mi\<,sol\^,si\<. 


10°  La  quinte  si|v.  fa  faible.  Preuves  :  la  tierce 
ré\),  fa  avec  battements  précipités,  égale  à  la  tierce 
la,  doUi. 

H»  La  quarte  inférieure  fa,  do,  sans  battements. 
Preuves  :  les  tierces  la,  do  et  do,  vii,  avec  battements 
précipités,  la  sixte  do,  la  et  l'accord  do,  fa,  la. 

12°  La  quinte  do,  sol  faible.  Preuves  :  la  tierce 
(/ii(i,  sol,  la  sixte  si^.,  sol  avec  battements  précipités, 
et  les  accords  do,  mi,  sol  et  sib,  mi\>,  sol. 

13°  La  quarte  inférieure  sol,  ré.  Preuves  :  les 
quartes  la,  ré  et  i-é,  sol  sans  battements,  les  tierces 
sih,  ré  et  ré,  faUf  avec  battements  précipités.  Inter- 
valles égaux  '  et  les  accords  la,  ré,  fai,  —si  \,,ré,  fa, 
—  si,  7'é,  sol. 

Enfln,  accorder  les  octaves  des  basses  et  des  dessus 
parfaitement  justes,  c'est-à-dire  sans  battements. 

C'est  par  la  quinte  et  les  accords  parfaits  majeurs 
que  nous  conseillons  de  vérifier  la  parfaite  justesse 
de  l'octave. 

Une  fois  la  partition  accordée  bien  également,  les 
dessus  et  les  basses  formant  un  tout  bien  juste,  la 
sonorité  du  piano  devient  harmonieuse  et  acquiert 
un  charme  qui  met  en  pleine  valeur  les  qualités  natu- 
relles de  l'instrument. 


OBSERVATIONS  IMPORTANTES 

Le  piano  étant  construit,  comme  nous  l'avons  vu, 
en  bois  d'essences  variées,  et  se  composant  de  nom- 
breux organes  dans  lesquels  entrent  du  métal,  du 
drap,  de  la  peau,  du  feutre,  etc.,  est  très  sensible  aux 
variations  atmosphériques  et  hygrométriques,  aux- 
quelles on  doit,  par  conséquent,  s'efforcer  de  le  sous- 
traire. 

11  importe  surtout  de  le  garantir  contre  l'humidité 
qui  a  pour  effet  de  faire  gonfler  le  feutre  des  mar- 
teaux et  de  rendre  le  son  mat  et  sourd,  d'oxyder  les 
cordes,  qui  sont  alors  beaucoup  plus  sujettes  à  se 
rompre,  de  rendre  aussi  la  mécanique  et  le  clavier 
paresseux,!et  parfois  même  de  provoquer  dans  l'ins- 
trument de  graves  désordres  dont  la  réparation  peut 
être  très  coûteuse. 

U  faut,  autant  que  possible,  éviter  de  poser  sur  le 
couvercle  des  objets  quelconques  dont  le  moindre 
inconvénient  est  d'assourdir  les  sons  et  qui,  en 
vibrant  par  sympathie,  peuvent  produire  des  frise- 
ments  désagréables. 

Il  importe  enlin  de  tenir  toujours  l'instrument  en 
bon  état  d'accord,  en  le  faisant  accorder  en  moyenne 
trois  ou  quatre  fois  par  an,  et  en  évitant  de  le  placer 
dans  le  voisinage  tiop  immédiat  d'une  cheminée, 
d'une  conduite  ou  d'une  bouche  de  chaleur,  surtout 
d'un  radiateur. 

C'est  sur  ces  quelques  conseils  dictés  par  l'expé- 
rience que  nous  terminerons  cette  élude,  laissant 
à  une  plume  plus  autorisée  le  soiu  d'apprécier  le 
piano  au  point  de  vue  de  ses  ressources  musicales. 


1.  N.-B.  Le  nombre  des  battements  augmentant  progressivemeut 
,1  mesure  qu'on  avance  vers  les  sons  aigus,  nous  n'entendons  par 
les  mots  tierces  égnlrs  et  sixtes  ri/ules  que  l'égalité  .ipprosimative 
perçue  par  roreiile. 

A.  BLONDEL. 


LE  PIANO  ET   SA  TECHNIQUE 

Par  MM.  L.-E.  QRATIA  et  Alphonse  DUVERNOY 


PROFESSnUR  AU  CONSERVATOIRE 


EVOLUTION   DE  L'INSTRUMENT 

h'arlkte  écoute  chanter  en  lui  toutes  les  voix  de 
la  nature.  Rires  et  sanglots,  espoirs  et  souvenirs 
vibrent  dans  sa  sensil)ilité;  il  est  le  grand  miroir  qui 
reçoit  tontes  les  impressions  humaines.  Le  talent 
laborieusement  acquis  lui  pernietlra  de  donner  une 
forme  à  ces  échos  multiples,  de  muer  ces  émotions 
en  œuvres  d'art,  qui,  à  leur  tour,  impressionneront 
les  autres  hommes,  heureux  de  puiser  en  elles  une 
joie,  un  plaisir,  une  tendresse,  une  douceur,  une  vie 
plus  intense  ou  plus  profonde. 

La  science  du  facteur  d'instruments  aidera  évidem- 
ment l'artiste;  l'outil  dont  celui-ci  a  besoin  pour  exté- 
rioriser ses  sensations,  pour  les  rendre  perceptibles 
auî  autres,  sera  sans  cesse  perfectionné.  Grâce  à  ce 
corps,  créé  pour  lui,  l'oeuvre  du  compositeur  se  mo- 
difiera suivant  les  degrés  de  perfection  de  l'instru- 
ment. 

Des  génies  tels  que  Beethoven  écrivirent  des  œu- 
vres dépassant  de  beaucoup  les  moj'ens  d'interpré- 
tation des  instruments  de  leur  époque  :  ils  ont  prévu. 
Ce  n'est  plus  le  savant  constructeur  qui  incita  le 
compositeur,  c'est  ce  dernier,  au  contraire,  qui  de- 
vança les  inventeurs  de  son  temps.  Le  mécanisme 
instrumental  amélioreia  donc  ses  ressources  afin  de 
faciliter  la  tâche  de  l'e.xécutant  et  de  servir  plus  fidè- 
lement les  volontés  du  compositeur,  ses  désirs,  ses 
rêves,  sa  pensée. 

C'est  ainsi  que  deux  colonnes  soutiennent  le  tem- 
ple de  l'art  :  la  Science,  l'Artiste. 

Il  est  alors  nécessaire,  avant  de  parler  du  piano  tel 
qu'il  est  à  notre  époque,  de  dire  quelques  mots  sur 
ses  ancêtres,  sur  ses  origines. 

Nous  examinerons  ensuite  le  rôle  de  l'instrument 
sur  la  musique  et  sur  les  musiciens  passés  et  présents, 
ainsi  que  sur  les  œuvres  musicales  qui  furent  écrites 
à  son  usage. 

Nous  citerons  tes  principaux  virtuoses,  et  dirons 
enfin  quelques  mots  sur  la  Pédagogie  ancienne  et  mo- 
derne de  l'instrument. 

Origine  da  piano. 

Le  piano  est  un  instrument  à  cordes  frappées; 
■c'est  donc  en  recherchant  parmf  les  instruments  de 
cette  famille  que  nous  trouverons  ses  vieux  parents. 

Le  monocorde  antique  me  semble  être  le  premier 
.ancêtre  du  piano. 


Le  monocorde  remonterait  au  v«  ou  au  vi°  siècle 
avant  J.-C.  «  On  attribue  son  invention  à  Pythagore. 
Il  était  composé  d'une  règle  de  bois  divisée  en  plu- 
sieurs parties,  sur  laquelle  on  mettait  une  corde  de 
boyau  ou  de  métal,  tendue  par  deux  chevalets,  et 
au  milieu  de  laquelle  se  trouvait  un  troisième  cheva- 
let mobile '. 

Le  psaltérion,  ou  psalterium.  En  allemand psaZier, 
en  italien  satterio,  en  anglais  dulcimer  et  psaltery. 
Instrument  à  cordes  fixes  et  pincées  ayant  habituel- 
lement la  forme  d'un  triangle  tronqué  en  haut.  A 
part  les  psaltérions  égyptiens,  on  ne  sait  pas  exacte- 
ment quelle  était  la  nature  et  la  forme  du  psaltérion. 

Au  ix^  siècle,  il  était  carré  ou  triangulaire;  ensuite, 
il  admit  une  caisse  plate  percée  d'ouïes  comme 
dans  le  tipnpanon  (voir  plus  loin).  A  l'exemple  des 
Egyptiens,  au  xn"  siècle,  on  le  suspendit  au  cou  de 
l'exécutant  ;  les  cordes  étaient  mises  en  vibration  par 
les  mains  ou  avec  un  pleclre,  —  bâtonnet  pointu  ou 
crochu  aux  deux  extrémités.  On  appela  le  psaltérion  : 
saltérion  ,  salière ,  salteire.  à  cause  sans  doute  de 
sa  ressemblance  avec  le  santir  ou  pisantir  de  l'Inde 
ou  de  l'Egypte.  11  y  en  eut  de  six  à  trente-deux 
cordes-. 

Souvent,  il  y  avait  deux  cordes  à  l'unisson,  et  son 
étendue  variait  de  trois  à  cinq  octaves. 

Le  tympanon.  En  anglais  dulcimer,  en  italien 
timpano,  en  allemand  Itackbret.  C'est  une  sorte  de 
harpe  horizontale,  dérivant  du  santir  (psaltérion 
orienl:il|,  montée  de  cordes  métalliques  se  frappant 
avec  deux  plectres.  Souvent,  il  y  avait  deux  cordes 
à  l'unisson,  et  son  étendue  variait  de  trois  à  cinq 
octaves.  On  joue  encore  beaucoup  du  tympanon  en 
Hongrie'. 

Cet  instrument  donna  naissance  au  claTicitherium. 
Instrument  à  cordes  verticales  duxv«  siècle;  les  cor- 
des les  plus  longues  se  trouvaient  à  droite,  et  les 
plus  courtes  à  gauche.  On  l'appelait  aussi  cithare  à 
clavier;  c'est  la  combinaison  du  psaltérion,  du  tym- 
panon et  de  l'antique  monocorde^. 

Le  clavicorde.  —  iVous  lisons  dans  le  catalogue  de 
la  maison  G.weau  : 

Le  clavicorde  est,  sans  nul  doute,  le  premier  en 
date  de  tous  les  instruments  à  cordes  et  à  claviers. 


l.  Dictionnaire  pratique  et  raisunnr  ii*'s  instruments  'fe  musi'jue 
anciens  et  modernes,  par  Albert  Jacui^ot.  Paris,  édit.  Fisulibiiclier, 
1886,  p.  147. 

i.  Loco  cit.,  Albert  Jac^uot,  p.  18G. 

:!.  Ibid.ip.  232. 

4.  Jbid.,  p.  Si. 


2074 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Son  mécanisme  est  extrêmement  simple  :  les  cor- 
des en  laiton  reposent,  à  l'une  de  leurs  extrémités, 
sur  un  chevalet  faisant  corps  avec  la  table  d'harmo- 
nie ;  l'autre  extrémité  reste  indéterminée  et  se  perd 
dans  des  enirelacements  de  feutre.  Quand  on  appuie 
sur  une  touche,  la  tanijcnie,  petite  lame  de  laiton, 
va  loucher  la  corde  et  en  même  temps  l'élïranle  et  la 
fait  vibrer.  La  tangente  mesure  donc  la  longueur 
de  la  corde  nécessaire  pour  obtenir  le  son  voulu,  en 
même  temps  qu'elle  le  fait  naître  :  son  rôle  est  donc 
à  lafois  celui  des  doigts  et  de  l'archet  du  violoniste. 

Le  son  du  clavicorde  est  faible,  mais  il  est  pur, 
tout  en  étant  coloré.  11  obéit  au  toucher  d'une  façon 
merveilleuse  et  peut  nuancer  les  phrases  les  plus  dé- 
licates. Il  est,  et  c'est  là  une  qualité  qui  n'appartient 
qu'à  lui  seul,  doué  du  vibrato  comme  le  violon  et  la 
voix. 

L'émission  du  son  au  clavicorde  étant  débarrassée 
de  presque  tous  bruits  mécaniques,  rien  ne  vient 
interrompre  la  continuité  de  la  phrase:  c'est  pour 
cette  raison  que  la  musiqueancienne,  souvent  écrite 
en  contrepoint,  est  si  facile  à  couipiendre  au  clavi- 
corde, qui  permet  de  donnera  chaque  partie  l'expres- 
sion qui  lui  est  propre. 

L'audition  d'une  fugue  au  clavicorde  est  une  véri- 
table révélation;  on  comprend  que  J. -S.  Bach  lui  ait 
consacré  ses  plus  belles  œuvres. 

Gaveau  a  reconstitué  cet  instrument;  le  petit  mo- 
dèle possède  quatre  octaves  et  deux  notes,  du  do  au 
)'t',  le  graïul  modèle  est  de  cinq  octaves. 

C'est  bien  là  le  véritable  ancêtre  du  piano,  car  c'est 
le  premier  instrument  à  clavier  et  à  cordes  frappées 
par  un  petit  marteau.  Nous  sommes  encore  loin  du 
marteau  du  piano  garni  de  peau  et  plus  tard  de  feutre. 

Dans  le  clavicorde,  le  marteau  de  laiton  est  épais 
comme  une  lame  de  couteau'. 

C'est  vers  le  commencement  du  xviii»  siècle  que 
les  facteurs  cherchèrent  à  remédier  aux  sons  secs, 
dépourvus  de  nuances.  On  va  laisser  les  sautereaux  — 
petits  becs  de  plumes  d'oiseaux  —  qui  pinçaient  la 
corde,  pour  leur  substituer  des  petits  maillets  frap- 
pant cette  corde.  Voici,  de  ce  fait,  créé  un  nouveau 
type  «  d'instrument  à  cordes  frappées  ».  C'est  le 
piano  qui  est  né  :  l'enfant  sera  robuste;  cliaqnejour 
il  grandira  et  acquerra  de  la  puissance. 

Marius  avait  inventé  le  clavecin  à  maillets  — 
embryon  du  piano  —  dès  1716  , année  durant  laquelle 
il  soumit  cette  innovation  à  l'Académie  des  Sciences. 
«  Il  fallut  que  l'idée  en  revînt  d'Angleterre,  où  elle 
avait  été  portée,  dit-on,  en  1760,  par  l'Allemand 
ZuMPE,  pour  décider  nos  facteurs  à  s'occuper  de  cet 
instrument-.  » 

Parmi  les  facteurs  qui  imaginèrent  cette  modifica- 
tion de  l'épiuette  et  du  clavecin,  il  faut  citer  l'Italien 
Rartolomeo  Cristofori  ou  Ciustofali,  qui  inventa 
vers  1711,  suivant  les  uns,  vers  1718,  suivant  les 
autres,  des  clavecins  dans  lesquels  les  becs  de  plume 
pinçant  les  cordes  étaient  remplacés  par  de  petils 
marteaux  qui  les  frappaient  pour  les  faire  résonner, 
après  avoir  été  mis  en  mouvement  par  la  touche  du 
clavier  abaissée  par  le  virtuose.  Cristofori  donna  à 
cet  instrument  le  nom  de  gravicembalo  con  piano 
e  forte,  c'est-à-dire  clavecin  avec  nuance  douce  et 
forte  ^. 


1.  Voir  l'article  i.lo  M.  Bi.ondel  :  Le  Piano  et  .'ia  facture. 

2.  Len  I''artritrs  d'instruments  de  musique  et  ta  facture  instrumen- 
tale, Pri^cis  historique.  Constant  Pieiïhe,  ^-dit.  Sagot,  1893,  p.  136. 

3.  Piano  et  Pianiste,  par  RoonsoN,  édit.  J.  Ltangon,  18^5. 


Cet  instrument  nouveau  détrôna  le  clavecin  qui 
occupait  une  place  prépondérante  sous  Louis  XIV  et 
Louis  XV;  on  l'appela  forte-piano  ou  piano-forte,  de 
deux  mots  italiens  :  forte,  éclatant,  fort,  et  piano, 
doux,  faible,  pour  exprimer  que,  sur  ce  nouvel  ins- 
trumenl,  on  pouvait  à  volonté  jouer  fort  ou  doux. 
Peu  à  peu,  on  abandonna  forte  pour  ne  plus  garder 
que  le  nom  actuel  :  piano. 

Ces  instruments  possédaient  de  réels  avantages 
sur  leurs  ancêtres,  mais,  néanmoins,  étaient  loin 
d'approcher  du  perfectionnement  de  ceux  d'au- 
jourd'hui. La  sonorité  n'en  était  sans  doute  pas  tou- 
jours des  plus  agréahles,  si  on  en  juge  par  une  lettre 
que  Voltaire  écrivit  à  M"»»  du  Deffand,  en  1774,  appe- 
lant le  forte-piano  un  instrument  de  chaudronnier 
comparé  au  clavecin. 

Suivant  une  affiche  signalée  par  la  Gazette  musi- 
cale (1851,  p.  212),  dont  l'original  est  actuellement, 
selon  M.  Lavoix,  entre  les  mains  de  M.  Broadwood, 
la  première  audition  publique  du  piano-forte  eut 
lieu  à  Londres  en  1767.  L'importation  ne  tarda  pas; 
en  1770,  il  était  connu  à  Paris. 

ViRBics,  organiste  de  Saint-Germain-l'Auxerrois, 
en  1766,  avait  déjà  essayé  de  donner  au  clavecin  le 
piano  et  le  forte  au  moyen  de  bascules  actionnées 
par  les  genoux.  Dumontier,  en  177^,  avait  aussi  tenté 
d'obtenir  ce  résultat,  nous  dit  Vllistoirc  de  l'Aca- 
démie des  Sciences  (p.  161).  —  Virrès  persista  dans 
ses  recherches  et  opposa  un  instrument  de  sa  façon 
à  celui  venu  d'Angleterre;  l'entrefilet  suivant,  découpé 
dans  V Avant-Coureur  du  2  avril  1770,  en  fait  foi  : 

c<  Le  même  soir  (S  avril),  le  sieur  Virrks  fils,  âgé 
de  0  ans  et  demi  et  élève  de  son  père,  fera  entendre 
plusieurs  morceaux  de  musique  sur  un  instrument 
à  marteaux  de  la  forme  de  ceux  d'Angleterre.  Cet 
instrument  a  été  exécuté  en  Allemagne  suivant  les 
principes  de  M.  Virbès.  Il  rend  les  sons  beaucoup 
plus  forts  et  plus  nets  que  ceux  d'Angleterre,  et 
l'harmonie  en  est  plus  agréable  et  d'un  meilleur 
effet*.  » 

Stlbermahn  (Jean-Henri),  né  et  mort  à  Strasbourg 
(1727-1790),  s'occupa  spécialement  de  la  construction 
des  pianos,  d'après  les  principes  de  son  oncle  Gode- 

FROID. 

Ce  sont  ses  instruments  qui,  semble-t-il,  furent 
les  premiers  munis  de  mécaiii(]ue  à  marteaux.  Sil- 
BERMAN.Nen  expédia  dès  1775. 

ZuMPs  —  ouvrier  allemand  —  s'établit  à  Londres, 
où  il  lança  ses  petits  pianos  carrés,  eu  1760. 

FnEDERici,  facteur  d'orgues  à  Sera,  en  Thuringe, 
avait  déjà  créé  le  piano  carré  en  1753. 

Français,  Allemands,  Anglais  apportent  chacun 
une  amélioration.  Ce  furent  l'Allemagne  et  l'Angle- 
terre qui  commencèrent.  Frkuekici  ayant  inventé 
le  piano  carré  an  xviu»  siècle;  Stein,  d'Augshourg, 
le  perfectionna  et  inventa  un  piano  appelé  ris-ù-vis. 
En  Angleterre,  les  plus  célèbres  facteurs  furent 
Broadwood  et  W.  Mason. 

HiLDERRAXD,  de  Berlin,  fit  des  pianos  carrés  avec 
marteaux  frappant  les  cordes  au-dessus,  mécanisme 
conçu  par  Maru's  et  perfectionné  par  Streicher, 
Petzold  el  Pape,  Americus  Backehs,  l'inventeur  de 
la  mécanique  anglaise;  citons  les  Allemands  Zlmpe, 

POHLUAN,   K1RK.MÀN,   GlEB. 

Mercken  est  peut-être  le  premier  qui  construisit 
régulièrement  des  forte-piano  à  Paris.  Il  y  a,  aux 
Arts  et  Métiers,  un  de  ces  instruments,  de  forme 


4.  Loco  cit..  Constant  Pif.riik,  p.  130. 


TECIISIQVE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    2075 


rectangulaire,  marqué  «  Johaniies-Kiliaiius  Merokeîn, 
Paris,  1770  »,  et  Castil-Blaze  a  cité  celui  de  1772'. 

Bbékers,  gendre  de  Mercken,  lui  succéda  vers  18-2a. 
A  partir  de  1777,  d'autres  facteurs  se  Tirent  recevoir 
dans  la  communauté  :  Foucault,  Nicolas  Hoffmann, 
François  Duverdier. 

En  17S3,  de  nouveaux  facteurs  de  pianos  s'étaient 
installés  à  Paris,  presque  tous  étrangers,  si  l'on  s'en 
rapporte  à  leurs  noms  :  Jaccas  Klein;  Mathieu  NEi,- 
lesse;  Jean  Schweb. 

HiLLERRAND  reprend  l'invention  de  Marris  (1716)  con- 
sistant à  mettre  les  marteaux  au-dessus  des  cordes; 
le  mécanisme  de  ce  fait  devient  plus  sensible  au  tou- 
cher et  les  sonorités  plus  douces  (1783).  On  peut 
voir  cette  mécanique  au  musée  du  Conservatoire. 
ZiMMERMANN  (1783-an  VIll),  dont  une  harpe  est  aux 
Arts  et  Métiers,  vendait  des  pianos  anglais,  —  Guil- 
laume ZiMMERUANN  et  un  troisième  facteur,  Joannes 

ZlMMERMA.NiN. 

Korwer,  en  1788,  fournisseur  de  l'Opéra,  dont 
nous  avons  vu  un  mémoire  pour  cinquante-trois 
accords  de  clavecins  faits  du  II  thermidor  an  IV  au 
28  biumaire  an  V,  à  raison  d'une  livre  dix  sous''. 

De  1783  à  1780,  nous  trouvons  les  noms  de  Wolff, 
Bosch,  Da ickviller,  Uanjard,  Eberhard  Lange,  Schmidt, 
TiBLES,  Stirnemann,  Systermans. 

Les  tentatives  plus  ou  moins  timides  de  ces  nom- 
breux facteurs  n'auraient  pu  lutter  contre  la  produc- 
tion étrangère  si  n'était  survenu  Sébastien  Erard. 

Je  ne  citerai  à  partir  d'ici  que  les  principaux  fac- 
teurs, en  suivant  l'ordre  chronologique.  Je  ne  les 
citerai  pas  tous,  car  les  facteur's  du  xi.\"=  siècla  sont 
nombreux  :  109  pour  135  maisons^. 
-Sébastien  Erard,  né  à  Strasbourg  le  5  avril  17o2, 
mort  à  Passy,  1831,  s'exerça  de  bonne  heure  aux 
travaux  manuels  dans  l'atelier  d'ébénisterie  de  son 
père,  et  vint  à  Paris  en  1768,  peu  après  la  mort  de  ce 
dernier. 

L'industrie  du  piano  en  France  ne  date  réellement 
que  d'ERARD.  C'est  lui  qui  sut,  dès  le  début,  perfec- 
tionner la  facture  de  manière  à  pouvoir  lutter  contre 
les  instruments  allemands  et  anglais,  et  ensuite  à  les 
surpasser. 

Dès  son  arrivée  à  Paris,  il  entra  comme  ouvrier  chez 
un  facteur  de  clavecins,  mais  y  resta  peu  de  temps, 
son  désir  de  tout  connaître  ayant  déplu  à  son  maître 
inquiet  et  soupçonneux.  Son  second  maître  (il  appel 
à  son  adresse  pour  construire  un  instrument  particu- 
lièrement délicat. 

Peu  après,  il  exécuta,  pour  le  duc  de  la  Blanche- 
rie,  un  clavecin  mécanique  qui  fit  sensation;  VAIma- 
nacli  musical  de  1783  mentionne  ce  clavecin  à  «  trois 
registres  de  plumes  et  un  de  buffle  »,  munnis  de  plu- 
sieurs pédales,  et  constate  qu'ERARO  est  le  premier 
facteur  qui  ait  trouvé  le  moyen  de  faire  parler  les 
quatre  sautereaux  au  moyeu  du  grand  clavier  seul. 

La  duchesse  de  Villeroy  oti'rit  l'hospitalité  à  Erard, 
qui  commença  chez  elle  la  fabrication  du  piano. 

«  Bientôt,  la  vogue  arriva,  et  S.  Erard  dut  faire  ve- 
nir son  frère  Jean-Baptiste  pour  lui  conlier  la  direc- 
tion de  son  atelier,  pendant  qu'il  se  livrait  à  ses 
recherches  et  expériences  (1780;.*  » 

La  Révolution  interrompit  ses  travaux;  il  partit 
pour  l'Angleterre,  revint  en  France,  repartit  encore, 
et.  enfin  demeura  en  France  à  dater  de  1815.  C'est 


1.  Constant  PlERHE,   p. 

2.  IbuL,  p.  144. 

3.  Ibid.,  p.  163. 

4.  Uid.,  p.  141. 


à  cette  époque  qu'il  lit  subir  une  transformation  com- 
plète à  la  fabrication  du  piano. 

Les  facteurs  du  xix«  siècle  étaient  déjà  en  grand 
nombre.  Constant  Pierre,  après  de  laborieuses  re- 
cherches, nous  donne  les  chitfres  suivants-': 

En  1821  :  .30  facteurs  ;  1837  :  7ï  ;  1847  :  80  ;  1853  : 
120  ;  1873  :  80;  1892  :  55. 

Ces  chitfres  sont  ceux  de  la  statistique  faite  par  la 
Chambre  de  Commerce  de  Paris  :  ils  ne  se  rappor- 
tent qu'aux  facteurs  de  cette  ville. 

Erard  construisit  un  instrument  à  deux  claviers  : 
l'un  pour  le  piano,  l'autre  pour  l'orgue.  Il  imagina  un 
clavier  mobile  permettant  de  transposer  en  dessus 
et  en  dessous  d'un  demi-ton,  ou  d'un  ton  et  demi. 

«  Dès  le  début  (1790),  il  dota  le  piano  du  faux- 
marteau  à  double  pilote;  quatre  ans  après,  il  faisait 
breveter  l'échappement  simple,  à  l'aide  duquel  on 
obtenait  une  grande  précision  du  coup  de  marteau, 
avantage  qui,  malheureusement,  faisait  perdre  la 
légèreté  et  la  facilité  de  répétition  que  donnait  la 
mécanique  à  pilote  fixe,  laquelle  pourtant  n'était  pas 
exempte  d'inconvénients,  teisque  le  manque  de  fixité 
du  coup  de  marteau,  le  rebondissement  lorsque  la 
touche  était  fortement  attaquée,  etc.  Malgré  la  satis- 
faction des  artistes,  S.  Erard  ne  considéra  pas  sa 
nouvelle  invention  comme  complète,  et  il  continua 
ses  recherches".  » 

Il  remplaça  la  pointe  du  sommier  des  chevilles  par 
une  agrafe  donnant  à  la  corde  une  assiette  ferme, 
indispensable  aux  notes  aiguës  (1809).  Il  imagina 
ensuite  le  piano  à  deux  claviers  eu  regard  (1811),  le 
piano  à  sons  continus  |1812),  et  construisit  des  ins- 
truments de  diverses  formes  :  piano  clavecin  (1809), 
piano  secrétaire  à  deux  jeux  de  marteaux,  et  piano 
en  forme  de  colonne  (1812)  ;  puis,  en  1821,  il  fit  con- 
naître son  piano  à  deux  claviers  indépendants  placés 
vis-à-vis  l'un  de  l'autre'. 

EnQn,  en  1822,  Erard  acquiert  toute  sa  renommée 
en  inventant  le  double  échappement.  Ce  perfection- 
nement de  la  mécanique  est  adapté  à  tous  les  pianos 
à  queue;  il  olfre  au  virtuose  un  grand  avantage,  puis- 
qu'il permet  au  marteau  de  revenir  à  sa  position  de 
lancement  avant  que  l'étoutToir  soit  retombé,  et  que 
le  doigt  ait  laissé  la  touche  remonter  complètement. 
Non  seulement,  les  notes  répétées  avec  rapidité  sont 
d'une  exécution  plus  facile,  mais  il  est  possible, 
grâce  au  toucher  de  près,  d'obtenir  de  beaux  effets 
de  sonorité,  liés,  soutenus. 

TuALRERii  considère  que  ce  nouveau  mécanisme 
permet  de  communiquer  aux  cordes  tout  ce  que  la 
main  la  plus  habile  et  la  plus  délicate  peut  exprimer. 

«  Une  autre  innovation  importante  fut  le  barrage 
métallique  au-dessus  du  plan  des  cordes,  assurant  à 
la  caisse  la  plus  grande  solidité  et  permettant  l'em- 
ploi de  cordes  d'un  plus  fort  diamètre,  laquelle  inno- 
vation fut  complétée  peu  après  (1830)  par  la  substi- 
tution aux  cordes  de  cuivre,  jusqu'alors  employées 
pour  les  basses,  de  cordes  tilées  en  acier.  Alors,  le 
piano  acquit  une  sonorité  particulière  n'ayant  plus 
aucune  analogie  avec  celle  du  clavecin.  » 

Sébastien  Erard  meurt  le  5  avril  1831,  après  une 
année  de  terribles  soud'rances.  Jean-Baptiste,  sou 
frère,  étant  mort  le  10  avril  1826,  ce  fut  le  fils  de 
ce  dernier,  Jean-Baptiste-Pierre-Orphée,  né  à  Paris 
en  1794,  qui  succéda  à  son  oncle. 


5.  Ibid.,  p.  158. 
C.  Ibid.,  p.  164. 

7.  Ib>d.,  p.  165. 

8.  Loco  cit.,  RocGsox,  p. 


2076 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


En  1834,  Pierre  Erakd  introduisit  un  perl'ectioiiiie- 
mentà  la  mécanique  à  double  échappement;  en  1838, 
il  imagina  la  barre  harmonif|ne  donnant  aux  sons 
aigus  une  pureté  et  une  intensité  inconnues  à  cette 
époque,  enlin  il  appliqua,  en  1843,  le  double  échap- 
pement au  piano  carré. 

On  peut  encore  ciler  parmi  les  autres  inventions 
de  ce  facteur  :  le  clavier  de  pédales  adapté  au  piano 
à  queue  (1848),  le  sommier  de  bronze  formant  avec 
le  sommier  d'attache  un  chi'issis  augmentant  la 
puissance  de  l'inlrument,  sans  avoir  les  inconvénients 
du  châssis  en  fer  fondu  d'une  pièce  (1850),  et  diverses 
améliorations  de  détail  (1853-o:i)'. 

P.  Erard  mourut  au  château  de  la  Muette,  le  16  août 
<85o.  Sa  veuve,  secondée  par  son  Ijeau-frère.M.  Schœf- 
FER,  conserva  la  maison,  dont  la  prospérité  s'intensi- 
liait  chaque  année.  C'est  lorsque  M.  Sciiœffer  mou- 
rut (17  janvier  1873)  que  M""  Erard  confia  l'admi- 
nistralion  de  la  manufacture  à  M.  Blondel  lAlberl- 
Louis),  situation  qu'il  conserva  après  le  décès  de 
M"'  Erard  (13  octobre  1889). 

En  188(1,  la  disposition  de  la  pédale  douce  fut  mo- 
difiée dans  les  pianos  droils.  L'ancien  svslème  de 
languettes  de  feutre  s'interposant  entre  les  marteaux 
et  les  cordes  n'était  pas  exempt  de  reproches.  Non 
seulement,  son  emploi  était  difficile  pour  les  per- 
sonnes peu  exercées,  mais  l'usure  entraînait  rapide- 
ment des  inégalités  de  sonorité.  Le  système  de  dé- 
placement des  marteaux  de  droite  à  gauche  n'était 
pas  beaucoup  meilleur;  il  fatiguait  le  mécanisme  et 
produisait  une  usure  inégale  des  feutres  des  mar- 
teaux. Le  nouveau  système  n'a  plus  ces  inconvénients, 
la  diminution  d'intensité  de  la  sonorité  est  la  ré- 
sultante du  rapprochement  des  marteaux  vers  les 
cordes.  Leur  lancement  est  plus  ou  moins  court,  et 
ils  frappent  avec  plus  ou  moins  de  vigueur  suivant 
qu'ils  sont  plus  ou  moins  près  des  cordes. 

D'autres  facteurs  avaient  déjà  employé  ce  système, 
mais,  malheureusement,  le  dispositif  permettant  de 
diminuer  la  course  du  marteau  entraînait,  lorsqu'on 
s'en  servait,  une  altération  du  toucher;  il  fallait  y 
ajouter  un  mécanisme  compensaleur  pour  éviter 
une  perte  de  poids  sous  les  doigts. 

La  maison  Erard  mérite  encore  une  des  premières 
places  parmi  les  manufactures  françaises  de  pianos. 
Les  goûts  des  grands  virtuoses  sont  dillerents  sui- 
vant leurs  mains,  les  œuvres  qu'ils  atfectioiinent 
particulièrement  et  leur  tempérament:  ils  s'accor- 
dent néanmoins  à  reconnaître  que  les  pianos  Erard 
sont  des  instruments  soignés  et  agréables  à  jouer, 
principalement  pour  faire  valoir  les  traits  rapides  et 
des  doigts  bien  exercés. 

Ayant  demandé  à  M.  Blo.ndei.  quelles  étaient  les 
dernières  modifications  apportées  à  la  fabrication 
et  en  quoi  elles  consistent,  M.  BLO^•DEL  a  bien  voulu 
m'ëcrire  ce  qui  suit  : 

«  Depuis  1889,  nous  nous  sommes  surtout  appliqués 
à  porter  au  plus  haut  degré  possible  la  qualité  de 
son  de  nos  modèles  à  cadre  en  fer  et  cordes  croisées, 
créant  successivement  un  type  nouveau  de  quart-de- 
queue,  de  demi-queue  et  un  grand  modèle  de  concert. 

«  La  tâche  entreprise  et  heureusement  menée  à 
bien  consistait  à  atténuer,  au  point  de  la  rendre 
insensible,  l'intluence  qu'exerce  sur  la  sonorité  d'un 
piano  la  masse  de  métal  que  constitue  son  cadre,  et 
à  atténuer  de  même  les  inconvénients  inhérents  au 
croisement  des  cordes. 


i<  Le  résultat  cherché  était  difficile  à  atteindre;  il  a 
nécessité  de  longues  recherches,  de  nombreux  essais, 
mais  nous  avons  été  assez  heureux  pour  voir  nos 
efforts  couronnés  de  succès,  et  les  suffrages  des  plus 
célèbres  virtuoses  et  des  amateurs  les  plus  éclairés 
nous  ont  amplement  récompensés  de  nos  sacrifices 
et  de  nos  peines. 

«  Aujourd'hui,  chacun  de  nos  types  semble  avoir 
atteint  son  apogée,  ce  qui  ne  nous  empêche  pas  de 
continuer  à  mettre  tout  en  œuvre  pour  ajouter 
encore,  si  faire  se  peut,  à  leurs  qualités  acquises,  et 
pour  justifier  toujours  davantage  la  considération 
que  nous  ont  value  dans  le  monde  des  musiciens 
cent  quarante-trois  ans  d'existence  et  les  nom- 
breuses inventions  dont  nous  avons  enrichi  le  patri- 
moine de  la  facture  française  et  mondiale.  » 

(Voir  article  :  Le  Piano  et  sa  fartme.) 

Moins  ancienne  de  quelques  années,  mais  non 
moins  justement  célèbre,  sera  la  maison  Pleyel. 

Pleyel  (Ignace),  qui  donna  son  nom  à  la  manufac- 
ture de  pianos,  naquit  à  Ruppersthal,  près  Vienne,  le 
l"juin  1S31. 

Compositeur,  virtuose  et  éditeur,  sa  facilité  d'as- 
similation et  sa  puissance  de  travail  l'incitèrent  à 
fabriquer  des  pianos  en  l'année  1808. 

«  Ayant  remarqué  que  la  prompte  détérioration  des 
pianos  provenait  de  la  fatigue  que  le  tirage  des  cordes 
faisait  éprouver  à  la  table  d'harmonie,  et  que  l'ac- 
tion continue  de  ce  tirage  la  faisait  presque  toujours 
enfoncer,  bomber  ou  fendre,  nous  avons  remplacé 
l'ancienne  construction  par  un  barrage  en  fer  fondu, 
qui  offre  une  résistance  invincible  à  l'action  des 
cordes,  et  donne  un  plus  grand  volume  de  son,  en 
laissant  la  table  d'harmonie  à  découvert.  Cet  avan- 
tage nous  a  permis  de  garnir  les  marteaux  de  ma- 
nière à  donner  au  son  ce  moelleux  et  cette  rondeur 
qu'on  n'avait  pu  obtenir  jusqu'ici.  Ces  pianos  tien- 
nent l'accord  bien  plus  longtemps  que  les  autres,  et 
la  longueur  des  cordes  est  si  bien  calculée  qu'il  est 
presque  impossible  qu'elles  cassent-.  » 

Le  cadre  en  fer  augmentant  la  résistance  à  la  trac- 
tion des  cordes,  il  devient  possible  d'augmenter  leur 
volume  et  leur  tension;  le  son,  par  conséquent, 
s'accroîtra,  acquerra  une  plus  grande  puissance.  La 
virtuosité  gagnant  ainsi  un  son  plus  prolongé,  plus 
rond,  n'aura  plus  besoin  d'avoir  recours  à  autant  de 
volubilité;  la  rapidité  des  notes  sera  moins  recher- 
chée (à  moins  d'etfets  spéciaux);  on  préférera  autre 
chose  qu'une  dentelle  de  notes,  qu'une  cascade  de 
perles;  le  jeu  brillant  pourra  persister,  mais  le  jeu 
émotif  sera  possible.  Le  piano  de  1927  n'est  pas  sem- 
blable au  piano  de  1832  joué  par  Chopin. 

Il  faut  pourtant  constater  que  des  génies,  tels 
Bach,  Beethoven,  Liszt,  ont,  par  leurs  compositions, 
dépassé  les  ressources  des  instruments  de  leur  épo- 
que. L'homme  de  génie,  comme  l'homme  de  science, 
est  un  précurseur  qui  voit  au  delà  de  son  siècle. 

Ignace  Pleyel  était  aussi  éditeur  de  musique, ets'il 
joignait  à  ses  travaux  d'édition  ceux  de  facteur  de 
pianos,  ce  n'était  pas  sur  les  encouragements  de  sa 
femme,  qui  s'en  plaignait  souvent,  considérant  qu'au 
lieu  de  «  tous  ces  pianos,  harpes,  guitares  et  luths, 
il  ferait  bien  mieux  de  graver  toutes  sortes  de  petites 
œuvres  demandées  tous  les  jours,  qui  n'exigent  pas 
grandes  avances  et  dont  la  rentrée  est  sûre'  ». 


I.  C.  PiEBni;,  p.  170. 


-1.  Circulaire  i|in'  MM.  I'ih\n.  el  C'"  adressèrent -t  leur  clientèle  en 
1832.  pour  annoncer  l'introiluction  du  barrage  en  fer. 

3.  Lettre  de  M'""  Pleyel;  L'Art  Déctiralif,  mai  1909,  p.  178,  arlklo 
de  M.  L.-ti.  Mavniel. 


TECHNIQVE,  ESTIIÈTlQf'E  ET  PEDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    2077 


C'est  elle  qui  ciisei^iiia  le  piano  a.  ses  quatre  en- 
fants. L'un  d'eux,  Camille,  est  devenu  un  érainent 
virluose,  compositeur  et  facteur  de  pianos.  C'est  lui 
qui,  lorsd'un  voyage  en  Allemagne,  écrivait  à  sa  mère  : 
Il  (In  nous  a  menés  chez  Beethovicn.  C'est  un  petit 
trapu,  le  visage  grêlé  et  d'un  abord  très  malhonnête. 
Cependant,  quand  il  a  su  que  c'était  Pleykl,  il  est 
devenu  un  peu  plus  honnête;  mais  comme  il  avait 
affaire,  nous  n'avons  pu  l'entendi'e.  )>  Puis,  sur  une 
autre  lettre  envoyée  quelques  jours  après,  nous  lisons: 
(i  Enfin  j'ai  entendu  Bef.thoven,  il  a  joué  une  sonate 
de  sa  composition,  el  Lamark  l'a  accompagné.  Il  a 
infiniment  d'exécution,  mais  il  n'a  pas  d'école,  el  son 
exécution  n'est  pas  finie,  c'est-à-dire  que  son  jeu 
n'est  pas  pur.  11  a  beaucoup  de  feu,  mais  il  lape  un 
peu  trop;  il  fait  des  difficultés  diaboliques,  mais  il 
ne  lestait  pas  tout  à  fait  nettes.  Cependant,  il  m'a  fait 
grand  plaisir  en  préludant.  Il  ne  prélude  pas  l'roide- 
ment  comme  Woli'k  :  il  l'ait  tout  ce  qui  lui  vientdans 
la  tèle  et  il  ose  tout.  11  fait  quelquefois  des  clioses 
étonnantes.  D'ailleurs,  il  ne  faut  pas  le  regarder 
comme  un  pianiste,  parce  qu'il  s'est  totalement  livré 
à  la  composition,  et  qu'il  est  très  difficile  d'être  en 
même  temps  auteur  et  exécutant'.  » 

Deux  ans  après  cette  visite,  Beethoven  écrit  à 
Pleyel  pour  lui  demander  de  s'intéresser  à  l'édition 
de  ses  wuvres. 

Méhul  l'aida  à  fonder  unefabrique  de  pianos  en  lui 
prêtant  10. OOi)  livres.  Le  28  octobre  1808,  Ignace  Pleyel 
s'installe  boulevard  Bonne- .Nouvelle.  La  maison  avait 
du  mal  à  prendre  sa  place,  car  en  1817,  à  la  mort  de 
Méhul,  il  fallut  rembourser  les  10.000  livres,  et  cela 
causa  un  ralentissement  marqué  dans  l'achat  des 
œuvres  à  éditer.  Ce  tut  le  succès  croissant  des  pianos 
Pleyel  qui  détourna  peu  à  peu  le  facteur  de  la  com- 
position et  de  l'édition. 

Kalkhrenner  devint  son  associé. 

Camille  Pleyel  continue  à  faire  progresser  la  fac- 
ture ainsi  que  l'élégance  des  formes.  En  18.34,  la 
faJbrique  occupait  plus  de  200  ouvriers,  faisant  près 
de  1000  pianos  par  an. 

Dans  la  salle  de  concerts  nouvellement  édifiée,  on 
entendit  :  Ruiunsteln,  Fran/.  Liszt,  Chopln. 

En  18.Ï.Ï,  à  la  mort  de  Camille  Pleyel,  les  ateliers 
de  la  rue  Cadet  occupaient  :iaO  ouvrieis  et  produi- 
saient 1400  pianos  par  an.  Depuis  quelques  années, 
.^uauste  WoLi  F,  neveu  d'Ambroise  Thomas,  premier 
prix  au  Conservatoire,  professeur  de  1842  à  1847, 
était  l'associé  de  la  maison;  durant  trente  années, 
il  y  fut  administrateur. 

.Son  gendre  et  successeur  fat  M.  Custave  Lyon;  sa 
grande  réforme   fui  l'introduction  du  cadre  en  mêlai. 

A  l'heure  actuelle,  l'usine  fabrique  147. OOo  pianos 
par  an. 

H.  Herz,  né  à  Vienne  en  1802,  fut  aussi  virtuose 
avant  d'être  facteur;  il  fit  ses  études  au  Conserva- 
toire de  Paris,  où  il  obtint  un  premier  prix  de  piano 
en  1818;  il  y  fut  professeur  de  1842  à  1866;  il  débuta 
comme  facteur  avec  H.  Klepfer  vers  182i),  époque 
à  laquelle  les  ateliers  furent  transportés  de  Lyon  à 
Paris.  Herz,  plus  virtuose  que  commerçant,  avait 
confié  la  direction  de  la  facture  à  Klei'Fer,  dont  la 
gestion  fut  déplorable.  Ilompant  avec  son  associé, 
il  ne  fut  pas  plus  heureux  en  choisissant  comme 
successeur  un  étranger;  les  résultats  pécuniaires  ne 
furent  pas  meilleurs.  En  1844,  il  faisait  quatre  cents 
pianos  par  an,  instruments  justement  appréciés.  Ses 


md.,  j).  iT'j. 


pianos  à  queue,  ses  pianos  carrés  à  deux  ou  trois 
cordes,  et  principalement  son  piano  droit  à  cordes 
obliques  lui  firent  obtenir  une  médaille  d'or,  et  le 
classèrent  au  premier  rang.  De  1843  à  18:11,  il  donna 
une  série  de  concerts  à  l'étranger.  En  1849,  un  brevet 
est  pris  à  son  nom  pour  une  mécanique  reposant  sur 
le  parquet  du  clavier.  C'est  à  dater  de  cette  époque 
que  cette  nianui'aclure  fil  de  rapides  et  importants 
progrés,  et  s'éleva  au  rang  des  meilleures  maisons 
françaises . 

Agé  de  quatre-vingt-six  ans,  H.  Herz  mourut  le 
:;  janvier  1888.  M">'=  Herz  présenta  en  188n,  à  l'Expo- 
sition de  Paris,  les  derniers  instruments  préparés  par 
son  mari.  Enfin,  le  3  juillet  1891,  M-"»  veuve  Herz 
cède  à  .MM.  A.  Thiiîolt  et  C"=  le  commerce  el  le  maté- 
riel, qui  se  réunissent  à  la  maison  fondée  par  M.  Amé- 
dée  Thuîout  père,  que  nous  citerons  plus  loin. 

.Nous  ne  pouvons  parler  ici  d'un  grand  nombre  de 
facteurs  plus  modestes  qui,  quoique  disparus  actuel- 
lement,jouirent  pourtant  d'une  certaine  notoriété  et 
firent  accomplir  divers  progrès  dont  nous  recueillons 
maintenant  les  fruits.  Citons  rapidement  :  Pfeiffer, 
en  1806;  obtient  une  mention  pour  un  piano  vertical 
fait  en  collaboration  avec  Petzold;  en  1807,  soumet 
à  l'Académie  des  Beaux-Arts  un  piano  à  caisse  trian- 
gulaire, et  en  1827,  un  piano  Iranspositeur  par  le 
moyen  d'une  pédale. 

Schneider,  en  1827,  fait  plaquer  en  argent  les  cordes 
de  piano. 

J. -Henri  Pape,  d'origine  allemande,  mais  formé 
par  Pleyel,  fonde  une  maison  en  1818.  Ce  facteur 
l'ait  de  nombreuses  innovations;  le  chiffre  de  ses 
inventions  se  monte  à  137.  Si,  parmi  elles,  il  faut 
en  considérer  comme  négligeables  (tels  les  pianos 
en  forme  de  tables,  de  meubles  divers,  le  piano  rond, 
1834,  le  piano  console,  des  pianos  donl  les  cordes 
étaient  remplacées  par  des  ressorts,  1840),  il  convient 
de  retenir  comme  remarquables  :1e  système  de  mar- 
teaux placés  au-dessus  des  cordes  (1827-35),  le  piano 
vertical  d'un  mètre  de  hauteur  (1828),  un  système 
<le  montage  des  cordes  propre  à  diminuer  le  tirage 
(  1838),  et  particulièrement  l'heureuse  idée  d'employer 
du  feulre  pour  garnir  les  marteaux;  depuis  1826,  on 
adopta  universellement  cette  matière. 

Pai'E  eut  comme  rontremaitre,  de  1826  à  1831 ,  Jean- 
Georges  Kriegelstein,  un  de  nos  plus  célèbres  facteurs 
actuels,  dont  nous  parlerons  un  peu  plus  loin. 

Guillaume-Lebrecht  Petzold,  que  nous  avons  déjà 
cité  comme  collaborateur  de  Pveiffrr,  naquit  à  Lich- 
tenstein  (Saxe),  le  2  juillet  1784,  el  s'établit  à  Paris 
vers  180u.  II  resta  l'associé  de  Pfeiffer  jusqu'en  1814; 
c'est  ensuite  qu'il  modifia  la  table  d'harmonie  en  la 
rendant  indépendante  (182.3),  et  qu'il  présenta,  en 
1829,  un  piano  carré  à  cadre  en  fer  fondu. 

RoLLER  et  BLAM;HEr  furent  les  premiers  qui  expo- 
sèrent un  piano  droit  en  1827.  D'un  mètre  trente  de 
large  sur  un  mètre  de  hauteur,  le  nouveau-né  allait 
bientôt  faire  disparaître  le  piano  carré.  En  lb29,  ils 
firent  un  piano  qui  pouvait  changer  de  ton  à  volonté, 
au  moyen  du  déplacement  des  marteaux  qui,  entraî- 
nés par  le  clavier,  frappaient  sur  dili'érentes  cordes 
suivant  le  désir  de  l'exécutant. 

Ils  tentèrent  aussi  d'augmenter  la  puissance  de  la 
sonorité,  d'abord  par  l'emploi  d'une  table  renversée 
et  l'utilisation  d'une  plus  grande  force  donnée  aux 
marteaux,  ensuite  à  l'aide  d'une  double  queue  dou- 
blant ainsi  le  nombre  des  cordes  (1839).  Ils  simplifiè- 
rent leur  invention  en  se  servant  d'un  double  rang 
de  cordes  et  d'une  double  table  d'harmonie  (1844). 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MVSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


oc  8  

Ils  inventèrent  aussi  une  mécanique  ci  point  de 
contact  mobile  (1852),  et  en  1829,  le  chromamètre  faci- 
litant l'accord  du  piano,  supprimant  pour  l'accor- 
deur le  soin  d'établir  la  partition.  Le  chromamètre 
dut  son  insuccès  à  son  prix  relativement  trop  élevé, 
quatre-vingts  francs! 

En  ISal.RoLLER  se  retira  de  l'association.  P.-A.-C. 
Blanchet  (ancien  élève  de  l'Ecole  Polytechnique) 
succéda  à  son  père.  Il  participa  pour  la  dernière  fois 
à  une  Exposition,  en  l'année  1867,  avec  quatre  instru- 
ments intéressants  :  le  premier,  par  son  tablage;  le 
deuxième,  par  ses  dimensions  très  réduites  :  80  cen- 
timètres de  hauteur;  le  troisième,  par  un  méca- 
nisme; le  quatrième  se  démontant  comme  les  pièces 
anatoniiques,  construit  par  emboîtements,  et  destiné 
à  l'école  normale  de  Cluny. 

Gaidon  aîné  et  Gaido.n  jeune  créèrent  une  manu- 
facture en  1820,  inventèrent  en  18'i-9  un  mécanisme 
donnant  presque  les  mêmes  avantages  que  le  double 
échappement  et,  en  1878,  un  grand  piano  vertical 
pouvant  instantanément  se  transformer  en  piano 
à  queue. 

Séb.  Mercier,  en  1844-,  présenta  un  piano  droit  à 
cordes  verticales  permettant  de  transposer  de  cinq 
demi-tons.  Plus  tard,  toujours  pour  faciliter  la  trans- 
position (1831),  il  fabriqua  un  instrument  muni  de 
touches  brisées  agissant  sur  divers  leviers,  suivant 
le  déplacement  du  clavier.  A  la  même  époque,  il 
ajouta  une  pédale  expressive. 

Claude  Montal,  facteur  aveugle  de  naissance  et 
pourtant  étonnamment  adroit,  débuta  en  1836.  »  Il 
inventa  un  système  de  mécanique  à  répétition  (1842), 
deux  modèles  de  pianos  transpositeurs  (1846-50), 
une  mécanique  à  échappement  continu  (1851),  un 
piano  dont  le  corps  sonore  était  renversé  sur  la  mé- 
canique (1848);  un  autre  à  sons  soutenus  (1858)'.  » 
Il  présenta  aussi,  à  Londres,  en  1862,  un  piano 
dont  le  clavier  s'abaissait  au  moyen  d'une  pédale 
pour  modider  la  force  de  la  sonorité.  Il  publia  un 
volume  ayant  pour  titre  :  L'Art  d'accorder  soi-mcmt' 
son  piano.  Il  lut  professeur  à  l'Institution  des  jeunes 
aveugles,  et  mourut,  le  7  ou  le  8  mars  1865,  dans  sa 
65«  année. 
Tessereau  lui  succéda;  ensuite,  ce  fut  Donasso.n- 
WoLFEL  fonda  sa  maison  vers  1837,  fit  subir  de 
nombreuses  moditications  à  dilîérentes  parties  du 
piano.  C'est  lui  le  premier  qui  exécuta  des  claviers 
en  forme  d'arc  de  cercle,  et  c'est,  je  crois,  cette  même 
invention  qu'exploitait  encore  en  1914  la  maison 
Zeitter  etWiNKELMANN  de  liraunschwcig  (Allemagne)- 
Il  inventa  aussi  (en  1846J  un  mécanisme  répétiteur  et 
sa  cheville  mécanique  à  vis,  permettant  de  passer 
du  forte  au  piano  sans  variation  dans  la  touche,  mé- 
canisme pai'fait  comme  précision,  mais  malheureuse- 
ment d'un  prix  trop  élevé  pour  qu'on  en  généralisât 
l'emploi.  Lairent,  professeur  de  piano  au  Conserva- 
toire, fut  quelque  temps  l'associé  de  Wolfel. 

ScHOLTUs,  établi  en  1848,  construisit  en  1856  un 
piano  de  voyage  de  82  notes,  du  poids  très  réduit  de 
60  kilos,  et'mesuraut  1  m.  10  de  largeur.  .<  11  ima- 
gina aussi  une  pédale  douce  par  le  rapprochement 
des  marteaux  et  des  crampons,  contre  le  tirage  des 
cordes,  qui  porte  son  nom-.  » 

Franche    obtint  des   récompenses   en   1840-1855, 
1867-1878,  pour  divers  perfectionnements. 
SoL'FLETO  créa  sa  maison  eu  1828  et  accomplit  de 


1.  Constant  Pierre,  p.  187. 

2.  lOid.,  p.  189. 


nombreux  perfectionnements,  entre  autres  celui  de 
l'échappement  anglais  (1836),  le  mode  d'ajustement 
de  la  touche  (1840),  un  système  de  compensation 
dans  la  charge  des  cordes  sur  la  table  d'harmonie 
(1853),  un  piano  droit  à  table  bombée,  pour  éviter 
la  détérioration  subie  par  les  tables  planes  (1855), 
un  piano  déconcerta  cordes  parallèles  et  des  pianos 
ilroits  dont  les  cordes  étaient  disposées  en  éventail 
sur  la  table  d'harmonie,  dans  le  but  d'intensifier  la 
sonorité  (1878). 

De  nombreux  facteurs  ont  contribué  aux  progrès; 
il  serait  trop  long  de  les  citer  tous  ici.  Les  lecteurs 
qui  auront  besoin  de  plus  de  renseignements  pour- 
ront consulter  utilement  l'ouvrage  très  documenté 
de  Constant  Pierre  :  Les  Facteurs  d'instruments  de 
mtisique  (Sagot,  édit.,  1893). 

Parmi  les  grandes  maisons  françaises  de  vieille 
date  et  dont  les  usines  subsistent  encore,  il  convient 
de  citer  au  premier  rang  l'établissement  de  la  mai- 
son Kriegelstein. 

Jean-Georges  Kriegelstein,  natif  de  Riquewihr  (Haut- 
Rhin),  arrivant  àParis  en  1826,  entra  comme  contre- 
maître chez  Pape,  où  il  resta  jusqu'en  1831,  année 
où  il  fonda  sa  manufacture  de  pianos  qui  devait  ac- 
quérir une  si  belle  renommée.  Kriegelstein  n'avait 
alors  que  30  ans;  deux  ans  après,  il  faisait  breveter, 
en  collaboration  avec  .\rpîal'd,  un  piano  carré  avec 
mécanisme  et  marteaux  au-dessus  des  cordes  (1834), 
qui  lui  valut  une  médaille  d'argent  à  l'Exposition  de 
la  même  aimée;  en  1839,  ce  fut  un  piano  à  queue  à 
sillet,  contre-sommier  et  marteaux  frappant  les 
cordes  contre  le  point  d'appui,  avec  étouti'oirs  perfec- 
tionnés, récompensé  d'une  nouvelle  médaille  d'ar- 
gent; puis,  en  1841,  ce  sont  des  agrafes  de  précision 
pour  faciliter  l'accord,  et,  en  1844,  le  système  de 
double  échappement  qui  porte  son  nom  («chef-d'œu- 
vre de  simplicité  et  de  précision»  adopté  par  beau- 
coup de  facteurs  et  perfectionné  plus  tard  par  son 
lîls),  bientôt  suivi  d'un  mécanisme  à  répétition  pour 
le  piano  droit,  également  simple  et  précis  (1846). 
L'année  précédente  avait  été  marquée  par  l'appari- 
tion du  piano  demi-oblique  de  1  m.  07  de  hauteur,  — 
véritable  et  précieuse  innovation,  —  dont  l'exécution 
et  la  sonorité  étaient  en  tous  points  remarquables; 
la  médaille  de  première  classe  qui  fut  décernée  en 
1833  à  son  auteur,  déjà  titulaire  de  deux  médailles 
d'or  (1844-49),  était  donc  parfaitement  méritée.  Mo- 
difiant les  plans  primitifs,  M.  Kriegelstein  a  résolu- 
ment adopté  le  système  à  cadre  tout  en  fer  et  cordes 
croisées-'. 

Aujourd'hui,  la  maison  Kriegelstein,  qui  eut  tou- 
jours le  mérite  de  chercher  la  première  les  amélio- 
rations et  les  adaptations,  ne  fabrique  plus  que  des 
pianos  de  7  octaves  1/4  et  supprime  tous  les  modè- 
les de  pianos  à  7  octaves.  C'est  là  une  heureuse 
décision,  car  l'emploi  des  notes  dans  les  registres 
élevés  est  devenu  de  plus  en  plus  fréquent  dans  les 
nouvelles  œuvres  musicales.  Ces  instruments  possè- 
dent une  sonorité  étendue  et  profonde,  qui  en  fait 
des  pianos  de  qualité  très  supérieure.  Tous  ces  pia- 
nos sont  à  cordes  croisées.  Finis  les  pianos  à  cordes 
obliques! 

Le  premier  grand  prix  fut  donné  à  la  maison 
Kriegelstein  en  1900,  pour  un  piano  à  queue  format 
extraréduit.  Ce  fut  elle  la  première  (jui  créa  ce 
genre  d'instrument.  Elle  n'est  pas  restée  en  route 
depuis  1900,  et  je  dois  signaler  ici  un  modèle  parti- 


3.  Uni,  [I.  t'.ll 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PEDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    207y 


culiéiemeiU  remarquable  :  piano  à  queue  modèle 
Bijou,  qui,  quoique  posséJaut  7  octaves  1/4,  ne  me- 
sure que  1  m.  .'JO  de  longueur  sur  1  m.  33  de  largeur. 
Cordes  croisées,  cadre  métallique,  mécanique  à  dou- 
ble échappement.  C'est  le  plus  petit  piano  à  queue  du 
monde.  Je  ne  connais  que  cet  instrument  aussi  petit 
et  merveilleusement  réussi,  non  seulement  comme 
clavier  et  sonorité,  mais  aussi  comme  meuble.  On  a 
bien  souvent  regretté  que  l'ancien  piano  dit  «  cra- 
paud »  fiU  si  lourd,  si  disgracieux;  ce  petit  modèle 
Bijou  mérite  son  nom,  autant  comme  meuble  que 
comme  instrument.  C'est  plaisir  que  de  visiter  la 
fabrique  nouvellement  construite  à  Droittecourt 
(Oisel;  elle  répond  bien  à  toutes  les  exigences  de 
l'industrie  moderne,  dirigée  qu'elle  est  actuellement 
par  iM.  Boulé  Kriegelstein,  l'arrière  petit-fils  du 
fondateur  de  la  maison. 

Chronologiquement,  c'est  ici  que  prend  place  la  mai- 
son BuRCKH.\RDT,  fondée  en  1S3'J.  En  1883,  M.  Marqua, 
neveu  de  M.  Burckhahdt,  devient  son  associé.  En 
1889,  cette  maison  expose  un  piano  à  queue  muni 
dune  pédale  sourdine,  ne  laissant  vibrer  qu'une 
seule  corde,  réalisant  ainsi  le  iina-corda  qui,  en  réa- 
lité, e?t  exécuté  sur  deux  cordes  à  l'aide  de  la  pédale 
douce  ordinaire.  «  Dans  ce  système,  contrairement 
à  l'usage  courant,  le  clavier  et  la  mécanique  restent 
en  place,  —  ce  qui  évite  l'usure  causée  par  le  va-et 
-vient.  —  Ce  nouveau  jeu  d'étoulfoirs  est  fixé  au  delà 
du  frappé  du  marteau,  et  les  feutres  en  forme  de 
coins  viennent  se  placer  entre  deux  cordes,  de  façon 
à  n'en  laisser  vibrer  qu'une'.  » 

Blondel  ^.\lpllonse-l'hilippe-Alfred),  né  à  Douai,  le 
4  février  1813),  fonde  également  son  établissement 
en  1839.  11  se  fait  remarquer  par  l'invention  d'une 
mécanique  uidépendante  du  clavier  (18411,  et  par 
son  «  piano-oclave  >)  {ISiJS-ool  muni  d'un  appareil 
permettant  d'ajouter  à  chaque  note  de  basse  son 
octave  grave  et  à  celles  du  dessus  leur  octave  aigué. 
Il  invente  aussi  une  baïonnette  d'étouUoir  détachée 
dulevierd'échappement  dont  l'usage  s'est  généralisé. 
En  1881,  il  présente  un  système  de  double  échappe- 
ment pour  piano  droit,  dit  «  mécanique  Blondel  », 
qui  doime  la  répétition  des  notes  quelle  que  soit  la 
distance  du  marteau;  il  présente  aussi  au  jury  de 
l'Exposition,  la  même  année,  un  piano  à  clavier  mo- 
bile, se  reb'vant  de  manière  à  supprimer  la  saillie; 
ce  piano  fut  inventé  par  Bogez  (en  1838),  chez  qui  il 
travaillait  à  cette  époque. 

«  S'inspirant  d'une  disposition  de  ce  clavier  mo- 
bile qui,  en  s'abaissant,  fait  ouvrir  un  volet  fermé 
d'une  partie  du  panneau  placé  au-dessous  du  clavier, 
alln  d'augmenter  la  sonorité  comme  cela  a  lieu  avec 
les  jalousies  de  la  boite  expressive  du  grand  orgue  -.  » 
Le  piano-orgue,  à  un  seul  clavier  permettant  de 
jouer  simultanément  ou  séparément  des  deux  ins- 
truments, ou  encore  de  n'employer  que  l'orgue  pour 
les  basses,  le  piano  pour  l'aigu,  ou  le  contraire,  est 
aussi  une  de  ses  ingénieuses  découvertes.  M.  A.  Blon- 
del meurt  le  20  mars  1S'J3  ;  son  fils,  Alphonse-Alexan- 
dre-Ferdinand, né  à  Paris  le  14avril  1832,  son  colla- 
borateur depuis  vingt-quatre  ans,  lui  succède. 

Thibout  (Amédée-Benoit)  s'établit  en  1840,  après 
avoir  fait  son  apprentissage  chez  Mussard  et  travaillé 
quatre  ans  chez  Pape;  M™"  veuve  Thibout,  comme 
nous  lavons  dit  précédemment,  acquit  le  fond  Herz 
en  1801. 


1.  Constant   PiEliRE,  p.  19-'. 

2.  Ibid,  p.  19t. 


Bord  (Antoine-Jean-Denis)  commence  à  fa  briquer 
en  1843.  Il  s'applique  spécialement  à  produire  des 
pianos  d'un  prix  aussi  réduit  que  possible,  et  n'ima- 
gine guère  qu'un  mécanisme  à  double  échappement, 
en  1831.  En  1889,  il  présente  des  pianos  de  petit  for- 
mat avec  barrage  de  bois,  du  prix  modique  de  430  fr. 
Il  poursuit,  aidé  de  sou  neveu,  Antonin  Boud, 
diverses  amélioralions  :  prolongation  du  son,  nou- 
velle division  du  travail  permettant  à  l'ouvrier  d'ac- 
quérir une  plus  grande  habileté.  Ses  pianos  droits 
sont  munis  de  la  mécanique  à  lames  Ebard  et  d'une 
pédale  douce  par  rapprochement  des  marteaux. 

Prouw-Aubert  (1844)  eut  l'idée  de  la  vente  à  tem- 
pérament, ce  qui  fut  une  des  causes  contribuant  à 
répandre  le  piano  dans  la  classe  bourgeoise. 

Aucher  frères  participent  pour  la  première  fois 
à  l'Exposition  de  1849.  Ils  inventent,  en  1830,  un  sys- 
tème de  barrage  mixte  et  d'agrafes  mobiles  posées 
sur  le  chevalet  pour  compenser  la  charge  des  cordes. 
ELKÉ(Erédéric)  fonde  sa  maison  en  1846,  construit 
des  pianos  droits  bon  marché. 

Gouttière,  en  1878,  prend  la  direction  de  la  mai- 
son et  fabrique  aussi  des  pianos  à  queue. 

Caveau  (Jos.-Cab.),  né  à  Romorantin  en  1824,  fonde 
sa  maison  en  1847;  il  n'accumule  pas  les  brevets, 
mais  pourtant  apporte  différentes  modifications 
dans  la  conslruction,  et  donne  son  nom  à  une  méca- 
nique adoptée  par  divers  facteurs.  Il  tente  d'obtenir 
l'amplilîcalion  du  son  par  réflexion,  en  plaçant  une 
glace  à  quelques  millimètres  de  la  table  d  harmonie 
(18891.  11  s'adjoint  ses  six  fils,  qu'il  place  à  la  tète  de 
difléients  services  de  son  usine. 

Depuis  vingt-cinq  ans,  .M.  Etienne  Gaveau  dirige 
la  maison  de  la  rue  de  la  Boétie.  Plus  de  70,000  pia- 
nos furent  fabriqués  depuis  la  fondation  de  cette 
maison. 

M.  Gabriel  Gaveau,  frère  du  précédent,  continue  de 
son  côté  la  fabrication  ;  ses  instruments  sont  des 
plus  remarquables  au  point  de  vue  de  la  sonorité; 
quelques  artistes  désireraient  un  clavier  plus  léger; 
c'est  là  une  modification  relativement  facile  à  faire. 
Gabriel  (Caveau,  aidé  de  Marcel  Tournier,  exploite 
un  appareil  appelé  le  canlq,  rappelant  le  jnanor 
(voir  plus  loin).  Le  canto  oITre  l'avantage  de  pouvoir 
s'adapter  sans  aucune  modification  à  tous  les  pia- 
nos. Il  permet  d'obtenir  la  prolongation  du  son.  Vu 
courant  électrique  ordinaire,  alternatif  ou  continu, 
suffit  à  l'actionner. 

L'Association  ouvrière  :  Socicti!  des  facteurs  de 
pianos,  fut  fondée  en  1849,  et  à  dater  de  18t)7  prit  la 
raison  sociale  Yot,  Schreck  et  G'';  ce  dernier,  rem- 
placé par  ,M.  Hamel  vers  1872,  représenta  l'association 
avec  M.  Benard.  Cette  association  construit  de  bons 
pianos  à  des  prix  raisonnables. 

Pruvost,  établi  en  ISoO,  cède  en  1880  sa  maison 
à  son  fils  Henri,  qui  adopte  le  cadre  en  fer,  l'allège 
et  compense  la  diminution  d'épaisseur  par  des  ner- 
vures qui  en  augmeiitenl  la  résistance. 

Victor  Pruvost,  oncle  du  précédent,  dont  la  manu- 
facture date  de  1832. 

GERVEx,dont  la  maison  fut  fondée  en  1830,  a  l'idée 
de  faire  périodiquement  une  loterie  entre  ses  loca- 
taires de  pianos,  le  gagnant  ayant  droit  à  un  instru- 
ment de  son  choix. 

FocKÉ  frère,  dont  la  fabrique  remonte  à  la  nième 
époque,  s'associe  avec  son  fils  aine  vers  1877-78. 

Ce  dernier,  en  1889,  présente  un  essai  de  piano  à 
queue  à  double  table  d'harmonie  à  divisions  for- 
mant boites  sonores  pour  renforcer  toutes  les  notes. 


20S0 


BNCrCLOPÈDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Angenscheidt-Everhard,  manufacture  devenue  par 
la  suite  la  propriété  de  MM.  Angenscheidt  frères,  pré- 
sente, en  188f»,  un  piano  vertical  démontable  par 
pièces  de  40  kilos,  un  piano  oblique  à  double  table 
d'harmonie. 

Ri;CH,  originaire  d'Alsace,  dont  la  manufacture  date 
de  1869,  fut  l'un  des  premiers  à  adopter  le  système 
à  cordes  croisées  et  cadre  en  fer  forsé  avec  mécani- 
que à  double  échappement  d'ERARO  pour  les  pianos 
à  queue,  et  celle  à  lames  pour  les  pianos  droits. 

Jfe  ne  saurais  terminer  cette  longue  énumération 
des  principau.'i  facteurs  parisiens  —  j'en  passe  de 
nombreux  —  sans  citer  quelques  manufactures  de 
province. 

BoissELOT  ^Jean-Louis)  s'établit  à  Marseille  en  1830; 
il  fournissait  déjà  200  à  :îOO  pianos  par  an  en  1830. 
Il  invente,  entre  autres,  le  piano  rledi-hannonique 
(18301,  lequel  permet  de  monter  à  la  fois  deux  cordes 
à  l'unisson  parfait. 

Le  piano  à  double  son  (1843),  dont  les  marteaux 
frappaient  à  volonté  cinq  cordes,  trois  à  l'unisson  et 
deux  à  l'octave  haute;  le  planicordc  dont  les  cordes 
étaient  remplacées  par  des  lames  d'acier.  Boisselot 
mourut  en  mai  1847.  Louis-Constantin,  son  fils,  lui 
succéda;  il  fut  à  son  tour  remplacé  à  sa  mort  (juin 
1830)  par  son  frère,  Dominique-Krançois-Xavier,  né 
à  Montpellier  (3  déc.  18H),  grand  prix  de  Rome 
pour  la  composition  musicale  en  1836, qui  fit  repré- 
senter, en  1847,  un  opéra-comique,  Ni'  touchez  pas  il 
la  reine,  et  qui  abandonna  la  composition  pour  don- 
ner tout  son  temps  à  la  fabrication  des  pianos.  Il 
augmenta  la  longueur  et  le  volume  des  cordes.  Il 
mourut  le  8  avril  1893. 

ScHULTz,  après  avoir  travaillé  quelque  temps  à 
Paris,  se  fixe  également  à  Marseille,  obtient  une  men- 
tion en  1844  et  une  médaille  de  bronze  en  1840. 

Mangeot  (Pierre-Hyacinthe)  s'établit  à  Nancy  en 
1830.  Ses  fils  Alfred  et  Edward-Joseph  lui  succèdent 
en  1839.  M  est  impossible  de  ne  pas  signaler  une  très 
originale  tentative,  dont  l'idée  revient  au  célèbre  pia- 
niste WiEMAwsRi,  professeur  à  celte  époque  au  Con- 
servatoire de  Bruxelles  et  qui,  en  1877,  disait  aux 
frères  Mangeot  combien  il  regrettait  qu'aucun  fac- 
teur n'eût  essayé  de  réaliser  son  désir  consistant  à 
construire  un  piano  à  deux  claviers  renversés.  Ce  sont 
en  réalité  deux  pianos  à  queue,  superposés  de  telle 
sorte  que  la  corde  la  plus  grave  du  premier  soit  pla- 
cée sous  la  plus  aiguè  du  second.  L'avantage  escompté 
par  cette  disposition  spéciale  consistait  dan  s  la  sup- 
pression de  l'écartement  des  bras  pour  atteindre 
aux  limites  extrêmes  du  clavier;  facilité  aussi  pour 
lescroisements  de  mains.  Les  frères  Mangeot  envoyè- 
rent un  piano  de  ce  genre  à  l'Exposition  de  1878;  ils 
en  fabriquèrent  six,  dont  un  est  au  Conservatoire  de 
Bruxelles,  un  autre  au  Conservatoire  de  Varsovie; 
le  prix  en  était  de  3000  francs.  Les  avantages  offerts 
par  cette  disposition  n'étaient  pas  en  rapport  avec 
les  difficultés  d'exécution,  —  parait-il.  Avec  une 
plus  grande  difficulté  encore,  MM.  Mangeot  frères 
parvinrent  à  faire  quelques  pianos  droits  du  même 
système  au  prix  de  2300  francs. 

M.  A.  Mangeot  est  aujourd'hui  directeur  du  jour- 
nal le  Monde  Musical. 

3.  Staub,  également  à  Nancy,  dès  avant  \8':>'6,  était 
le  gendre  de  Wahnecke,  qui  eut  une  médaille  de 
bronze  en  1878  et  auquel  son  fils  a  succédé. 

WiRTB  (Samuel),  à  Lyon  en  1830.  Produit  en  1840 
un  piano  doucino  de  forme  et  de  mécanisme  diffé- 
rents des  pianos  ordinaires,  frappe  en  dessus,  nou- 


veau jeu  d'éloufToirs,  double  échappement.  Son  suc- 
cesseur en  1889  est  M.  Aurand-Wirth. 

Baulth,  facteur  de  Lyon,  présente,  en  1878,  des 
pianos  droits  d'un  travail  soigné. 

PoL-Lons,  àiMmes,  imagina,  enl8.)4,  d'employer 
la  pression  angulaire  au  moyen  d'une  cheville  à  vis,^ 
qui  avait  pour  effet  de  rendre  la  corde  sensible  au 
moindre  effort. 

Au  musée  Kraus,  à  Florence,  on  peut  voir  un  piano 
de  PoL-Louis,  dont  la  table  d'harmonie  a  la  forme 
de  celle  d'un  violon;  il  fut  fabriqué  en  1854. 

Maury  et  Dumas,  deux  facteurs  de  Nimes,  obtiennent 
une  mention  en  1835. 

LoDDÉ  (J.-Ch.),  établi  à  Orléans,  se  distingue  en  1834 
par  divers  perfectionnements,  notamment  par  l'ad- 
jonction au  piano  droit  d'un  clavier  de  vingt-sepj 
notes,  faisant  vibrer  des  cordes  indépendantes  du 
clavier  à  mains. 

Lété,  à  Nantes,  en  1827,  marchand  de  pianos  et 
fabricant  en  1847. 

Martin  fils  aine,  à  Toulouse,  vers  1840,  et  dont  le 
frère,  Casimir  Martin,  est  l'inventeur  du  Cliiro'jym- 
naste. 

Comme  on  le  voit,  si  le  nombre  des  facteurs  est 
considérable,  le  nombre  des  inventions  diverses  ne 
l'est  pas  moins.  Nous  ne  pouvons  citer  tous  les  essais 
de  pianos  divers  qui  furent  abandonnés;  ils  sont  en 
trop  grand  nombre  et  il  serait  fastidieux  de  les  énu- 
mérer  tous. 

Le  Dictionnaire  pratique  et  raisonné  dei  instruments 
de  musique  anciens  et  modernes  d'Albert  Jacquot, 
(éditeur  Fischbacheri,  publié  en  1880,  en  cite  117,  et 
depuis,  il  y  eut  encore  de  nombreuses  tentatives. 

La  fabrication  des  pianos  atteint  à  présent  un 
chiffre  considérable. 

En  1914,  la  situation  de  la  production  des  pianos 
dans  le  monde  entier  pouvait  être  à  peu  près  la  sui- 
vante : 

France,  20.000  pianos  par  an  ; 
Angleterre,  60.000; 
Allemagne,  120.000; 
États-Unis,  360.000. 

Parmi  les  derniers  perfectionnements  méritant  de 
retenir  l'attention,  il  faut  citer  le  piano  à  double 
clavier  d'Emmanuel  Moor,  que  M.  Gustave  Lyon  vient 
de  réaliser.  M.  K.  Vlhllermoz,  dans  le  numéro  d'Ex- 
celsior  du  14  janvier  1924,  écrit  : 

«  Les  facteurs  d'orgues  peuvent  modifiera  leur  gré 
la  couleur  de  l'échelle  sonore  en  permettant  à  cha- 
que série  de  touches  de  commander  plusieurs  jeux 
différents.  Et  pourtant,  malgré  ces  nombreuses  pos- 
sibilités, ils  n'ont  pu  se  passer,  non  seulement  du 
double,  mais  du  triple,  quadruple  ou  quintuple  cla- 
vier. Par  quel  étrange  souci  d'ascétisme  le  piano, 
qui,  lui,  ne  dispose  que  d'une  seule  couleur  par  note, 
s'est-il  volor»tairement  privé  jusqu'ici  de  la  ressource 
d'un  clavier  supplémentaire? 

«La  présentation  du  nouveau  piano  a  été  faite  par 
la  femme  de  l'inventeur,  M™"  Winifred  Christie,  pia- 
niste écossaise  de  la  plus  haute  valeur,  qui  possède 
en  particulier  une  compréhension  de  l'écriture  de 
Bach,  d'une  intelligence,  d'une  finesse,  d'un  équilibre 
et  d'une  clarté  que  j'estime  tout  à  fait  inégalables. 
Surn'inipoi'te  quel  piano,  une  telle  artiste  est  capable 
de  nous  enchanter.  Mais,  sur  l'instrument  à  deux 
registi'es,  sa  maîtrise  s'est  affirmée  d'une  faron  plus 
irrésistible  encore. 

Cl  L'accouplement  des  claviers  et  l'adjonction  des 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    liusl 


octaves  graves  ou  aiguOs,  sont,  en  effet,  dans  la  poly- 
phonie de  Bach,  des  ressources  sonores  extrême- 
ment précieuses.  Ce  sont  piéciséraent  celles  que  les 
compositions  fuguées  trouvent  dans  l'orgue.  Dans 
le  nouveau  piano,  les  associations  de  coides  crénit 
un  scintillement,  un  éclat,  une  vibration  lumineuse 
et  une  vie  frémissante  du  son  qui  font  songer  au 
rayonnement  des  «  jeux  de  fournitures  ».  En  même 
temps,  les  plans  sonores  prennent  de  l'indépendance 
et  de  la  variété  :  l'interprète  peut  souligner  une 
«  entrée  »,  sans  en  déformer  le  volume  et  rompre 
l'équilibre  de  la  composition  comme  sont,  trop  sou- 
vent, oldigés  de  le  faire  les  pianistes.  Tout  est  ici  le 
triomphe  de  la  souplesse,  de  la  délicatesse  et  des 
résonances  subtiles.  Les  doigis  dirigent  un  orchesire 
composé  de  fines  voix  métalliques,  dont  les  h.'i[- 
raoniques  frissonnent  et  chatoient.  L'austérité  tra- 
ditionnelle du  pianiste  s'évanouit.  Le  sévère  instru- 
ment, en  retrouvant  la  registralion  délicate  du 
clavecin,  a  vu  augmenter  à  la  fois  sa  puissance  et 
sa  sensibililé.  Il  a  maintenant  un  système  nerveux 
comparable  à  celui  de  la  viole  d'amour  ou  de  la 
harpe  éolienne. 

«L'expérience  est  toutà  fait  concluante.  Le  piano  à 
deux  rangées  de  dents  est  un  type  d'instrument  nou- 
veau doué  d'une  forte  personnalité.  11  doit  rendre  à 
la  musique  des  services  d'une  importance  exception- 
nelle. Il  est  impossible  que  les  compositeurs  mo- 
dernes ne  comprennent  pas  immédiatement  tout  le 
parti  qu'ils  pourront  tirer  de  cette  richesse  inatten- 
due. Les  progrès  eiH'egistrés  par  l'histoire  de  notie 
art  ont  toujours  été  conditionnés  par  le  perfection- 
nement du  matériel  sonore.  L'apparition  du  piano 
à  deux  claviers  marque  une  date  dans  l'évolution 
musicale,  car  il  ne  peut  manquer  d'y  jouer  un  rùle 
décisif.  Il  ne  reste  plus  à  nos  facteurs  qu'à  décou- 
vrir la  formule  industrielle  et  commerciale  de  cette 
démonstration,  qui  ne  sort  pas  actuellement  du 
domaine  de  la  curiosité  de  laboratoire. 

'.'  J'imagine  que  cette  étape  sera  bientôt  franchie. 
Dans  la  réduction  à  deux  mains  de  son  magnifique 
Psaume,  Florent  Schmitt,  ne  pouvant  obtenir  une 
transcription  exacte,  a  introduit  une  variante  pour 
le  pauvre  instrument  qu'il  désigne,  dans  une  note 
méprisante,  sons  le  nom  de  piano  dix-neuvième 
siècle.  On  sent  qu'il  attend  impatiemment  la  création 
d'un  outil  plus  perfectionné.  Emmanuel  Mooa  com- 
mence à  nous  l'otTrir.  Son  initiative  a  une  importance' 
considérable  :  ce  piano  éclaire  et  rend  persuasives 
les  écritures  les  plus  enchevêtrées.  En  tout  cas,  je 
mets  au  défi  n'importe  lequel  de  nos  virtuoses  de 
premier  plan  d'exécuter  certaines  pages  de  Bach  sur 
un  piano  ordinaire  immédiatement  après  l'interpré- 
tation que  M">'=  Winifred  Christie  en  aura  donnée 
sur  ses  deux  claviers.  Quel  que  soit  le  talent  dp 
l'exécutant,  la  comparaison  sera  écrasante.  On  nv 
saurait  faire  du  nouvel  instrument  un  éloge  plus 
précis  et  plus  complet.  » 

Le  plus  important  progrès  des  horizons  nouveaux 
est  certainement  celui  constitué  par  le  l'ianor. 

En  voici  la  démonstration  telle  qu'elle  fut  faite  à 
la  réunion  de  la  Société  des  Ingénieurs  civils  do 
France  le  3  juillet  1914. 

C'est  M.  Bevierre  qui  elfectua  la  démonstration  de 
ce  nouveau  piano,  construit  par  MM.  Maître  et  Mau- 
TIN,  de  Rouen. 

Dans  tous  les  essais  qui  ont  été  tentés  en  vue  l'i' 
l'emploi  de  l'électricité  comme  agent  de  sonorité, 
on  a  fait  usage  d'un  électrn-.-iiinanl.  i  lare  en  regarii 

Cnp^/j-ir/hl  hy  l.ihritirii'  l>''n'/r,ii  '■,   1 .1  ■}7 . 


de  la  corde,  et  actionné  de  telle  sorte  que  toute  demi- 
vibration  consécutive  à  l'attraction  magnétique  soit 
suivie,  par  un  procédé  de  rupture  approprié,  d'une 
demi-vibration  duo  à  la  réaction  élastique  de  la 
corde. 

Pour  que  la  corde  vibre  en.donnant  la  note  qui  la 
caractérise,  il  faut  procéder  à  des  interruptions  et  à 
des  reprises  successives  de  courant  en  nombre  iden- 
tique au  nombre  de  vibrationsjpropre  à  la  note  con- 
sidérée. 

Exemple  :  Vut  6  donne,  à  la  seconde,  4.176  vibra- 
tions ou  demi-vibrations  :  il  faut,  pour  le  produire, 
2.088  reprises  et  2.0SS  interruptions  de  courant. 

Ce  n'est  pas  tout  :  il  faut  f|ue  l'appareil  d'interrup- 
tion, quel  qu'il  soit,  soit  en  phase  avec  la  vibration  de 
la  notecorrsidéi-ée.  Il  fautqrre  le  contact  s'établisse  au 
moment  où  la  corde  passe  h  sa  position  d'équilibre, 
et  cesse  au  moment  où  elle  y  revient. 

Tout  relard  ou  toute  avance  dans  l'excitation  pro- 
voque des  troubles  dans  la  sonorité  de  la  corde  et, 
dans  son  soutien,  des  irrégularités  pouvant  aller  jus- 
qu'à l'extinction. 

Tout  le  problème  réside  dans  cette  proposition; 
elle  est  assez  complexe,  vous  le  concevez, pouravoir 
hanté  le  cerveau  des  chercheurs  et  troublé  leur 
sommeil. 

Pour  régler  le  rythme  de  l'interruption,  on  utilisa 
d'abord  le  dispositif  bien  connu  de  la  trembleuse 
ou  sonnerie  électrique,  mais  la  nécessité  de  ne  pas 
altérer  la  sonorité  des  cordes,  comme  aussi  l'exigniié 
de  la  vibration  au  voisinage  de  leurs  extrémités,  ron- 
duisirent  à  emplover  des  contacts  si  délicats  que  les 
étincelles  de  rupture  et  les  déformations  mécaniques 
entraînaient  un  perpétuel  déréglage. 

On  eut  ensuite  recours  à  un  vibreur  auxiliair-e, 
sorte  de  diapason  synchronisé  avec  la  corde  à  faire 
chanter;  mais  il  était  difficile  de  réaliser  un  accord 
absolu,  et  le  fonctionnement  fut  si  irrégulier  qu'on 
dut  y  renoncer. 

De  1888  à  1894,  le  docteur  Eisp.mian,  de  Berlin, 
imagina  d'utiliser  comme  organes  interrupteurs  des 
microphones  disposés  sur  la  table  d'harmonie.  C'était 
le  piano  électrophorrique.  H  eut  son  entrée  à  lacour- 
de  Berlin  et  il  remplit  l'Allemagne  de  tels  échos  que 
M  les  gens  compéterrts  en  musique,  a-t-on  écrit,  ne 
savaient  plus  à  quels  saints  se  vouer  ».  Et  pourtant, 
il  disparut  dans  l'oubli. 

C'est  que  la  phase  de  la  table  d'harmonie  n'étant 
pas  exactement  celle  de  la  corde,  l'intensité  du  son 
est  amoindrie,  le  timbredénaturé,lacordeassourdii'; 
c'est  que  le  piano  électropbonique  comportait  quatre 
microphones  seulement,  et  que  si  l'interruption  four- 
nie par  chacun  d'eux  converrait  àeertairresnotes,  elle 
ne  convenait  pas  à  d'antres.  Et  piris,  il  semble  ))ien 
difficile  d'obtenir  rigoureusement  avec  un  nricro- 
phonc  la  rupttrre  théorii|ue  correspondant  à  chaque 
note. 

Il  fallut  dorrc  revenir  à  l'interruption  individuelle 
par  la  corde  elle-même  et  trouver,  dans  ce  but,  des 
contacts  aphones,  indér-églubles,  et ensynchrouisnie 
constant  avec  celle-ci. 

C'est  ce  que  firent  avec  succès  .M,\l.  Maithk  et 
Martin,  en  imaginant  un  procédé  que  nous  allons 
décrire  très  succinctement,  sans  autre  prétention 
que  celle  d'exposer  un  pr'irrcipe.  à  l'exclusion  ilo  tout 
(iétail  de  cor)stiuction. 

La  schéma  1086  indique  somniairenrent  ladisposi- 
lioir  qu'ils  ont  adoptée  pour  lamine  ei;  vibration  d'une 
corde. 

1.11 


2082 


ENCrCLOPÉUIË  DE  LA  MdSlQVE  ET  DfCTlOV.VAIRE  DUCONSKRVATOIRE 


FiG.  10S6. 


■A  est  la  corde, 

B  l'éilectro  qui  l'aclionne  ou  électro  principal. 
h,  lin  électro  auxiliaire  d'excitation  qui  actionne 
le  bras  mobile  C  d'une  pièce  de 
contact  c    pivotant  autour  du 
point  c  et  formant  avec  le  corps 
vibrant  interrupteur  de  circuit. 
F  un  ressort  de  rappel,  qui 
tend  constamment  à  ramener 
celle-ci  sur  le  corps  vibrant. 
Les  deux  électros  sont  dis- 
posés dans  le  même  circuit. 
Le  courant  suit  le  trajet  B, 
/;,  G  et   c',   A  et  regagne  la 
source. 

Lorsque  le  circuit  est  fermé, 
l'électro  B  attire  la  corde,  et 
l'ôleclro  b  attire  l'armature  r 
du  bras  mobile  C  et  rompt  le 
courant  entre  celui-ci  et  la 
corde  La  corde  et  l'armature 
sont  alors  brusquement  abandonnées  à  elles-mêmes  ; 
la  corde  vibre,  C  n'est  plus  soumis  qu'à  l'action  du 
ressort  de  rappel,  d'où  nouveau  contact,  nouvelle 
attraction  de  la  corde,  et  ainsi  de  suite. 

L'expérience  ayant  montré  qu'il  convient,  pour 
produire  instantanément  un  son  pur  et  le  maintenir 
tel  pendant  toute  la  durée  du  passade  du  courant,  de 
réduire  dans  la  plus  larj^e  mesure  possible  l'ampli- 
tude d'oscillation  de  la  pièce  de  contact,  on  a  ad- 
joint à  celle-ci  un  dispositif  spécial  de  freinage  dont 
l'effet  est  de  neutraliser  les  mouvements  osL-illatoires 
propres  que  pourrait  prendre  par  inertie  le  bras  mo- 
bile C,  mouvements  qui  nuiraient  à  la  netteté  et  à  la 
régularité  des  ruptures.  Ce  dispositif  agit  à  la  façon 
d'un  amortisseur  ni!  troublant  en  rien  la  délicatesse 
indispensable  des  mouvements. 

Pour  en  faciliter  la  description,  sans  sortir  du 
cadre  de  cette  communication,  je  prendrai  comme 
exemple  l'amortisseur  du  timbre,  car  l'invention  de 
MM.  MAiTKEet  Martin  est  d'un  caractère  très  général 
et  trouve  son  application  dans  la  mise  en  vibration 
de  tout  corps  sonore. 

Entre  les  deux  brandies  d'une  pince  1  (llg.  1087) 
pivote,  par  l'intermédiaire  de  deux  pointes,  un  volant 
H.  Une  lame  flexible  G,  portée  par  le  bras  mobile  R, 


Fl.i.   1I1K7. 

s'appuie  sur  la  périphérie  du  volant  II.  Une  vis  J 
permet  de  régler  la  pression  que  la  lame  (.  exerce 
sur  la  surface  du  volant.  Le  fonctionnement  du  dis- 
positif est  le  suivant  :  lorsque  le  bras  mobile  li  oscille 
sous  l'inlluence  de  l'électro-aimant  d'inlerruption 
et  du  ressort  de  rappel  F,  la  lame  flexible  G  tend  à 
entraîner  le  volant  II,  mais,  par  suite  de  son  inertie, 
celui-ci  oppose  une  résistance  à  cet  entraînement. 
L'oscillation  de  la  lame  G;  se  trouve  donc  freinée. 
Quand  le  bras  mobile  est  entraîné  d'un  mouvement 
lent  par  son  ressort  de  rappel,  par  exemple,  le  volant 
tourne  en  accompagnant  la  lame  G,  mais  si  le  mou- 
vement du  bras  mobile  est  rapide,  l'entrainement  ne 
peut  se  produire,  la  lame  G  glisse  sur  le  volant,  d'où 
amortissement. 
Uevenons  au  schéma  1080  :  le  bras  mobile  étant 


ainsi  amorti,  il  arrive  très  rapidemeni,  instanlané- 
ment  peut-on  dire,  que  la  corde,  par  ses  oscillations- 
successives,  devient  seul  agent  de  l'interruption.  A 
partir  de  ce  moment,  b's  ruptures  se  succèdent  avec 
une  telle  rapidité  que  l'attraction  de  l'armatuie  par 
l'électro  auxiliaire  esl  constamment  dominée  par  la 
réaction  du  ressort  de  rappel;  rarmatiire  devient 
inerte,  la  corde  est  auto-excitatrice. 

En  résumé,  la  pièce  de  contact  est  rendue  mobile 
pour  assurer  les  premières  ruptures  ;  elle  se  fixe  spon- 
tanément aussitôt  après. 

D'où  ces  conséquences  remarquables  :  réglage 
facile  au  montage,  mécanisme  indéréglable  dans  le 
fonctionnement. 

Ajoutons  :  durée  de  fonctionnement  pratiquemeni 
illimitée,  car  la  ruslioité  des  organes  esl  telle  qu'ils 
sont  mis  à  l'abri  des  altérations  ou  oxydalions  résul- 
tant du  passage  du  courant  et  n'ont  rien  à  redouter 
des  transports.  L'expérience  a  prouvé  que  des  con- 
lactsd'un  quart  de  milliniètrecarrédesection  perniel- 
tent  de  jouer-  de  l'orgue  une  heure  par  .jour  pendant 
dix  ans  :  or  ils  sont,  dans  le  pianor,  de  6  à  8  milimètres 
carrés,  ce  qui  donnerait,  dans  les  mêmes  conditions 
d'usage,  si  ces  règles  mathématiques étaientapplica- 
bles,  une  durée  de  deux  cent  cinquante  ans. 

Mais  un  pareil  instrument,  pourêtre  complet,  doit 
se  prêter  à  toutes  les  exigences  de  l'expression,  et 
particulièrement  :  à  la  variation  de  l'intensité  de  la 
note  du  forte  au  pianissimo,  au  clwnl  expressif  et  au 
chant  frissonnant . 

Pianissimo.  —  Le  pianissimo,  conséquence  de  la 
réduction  de  l'amplitude  des  oscillations  de  la  corde, 
s'obtient  par  adjonction  d'une  résistance  de  circuit. 
On  conçoit  combien  il  devieiil  indispensable  de  com- 
penser par  un  dispositif  parliculier  la  diminution 
d'activité  de  l'oi'gane  auxiliaire  d'inleri'uplion,  qui  ne 
manquerait  pas,  sous  l'inlluence  d'un  courant  trop 
faible,  de  provoquer  des  difficultés  d'arrachement  de 
la  lame. 

Le  schéma  1088  indique  l'un  des  moyens  de  réali- 
sation :-à  la  suite  de  l'électro  B,,  est  placé  dans 
le  circuit  un  second  électro  auxiliaire 
Bj,  enroulé  dans  le  même  sens  et 
monté  sur  le  même  fer  doux  que  B,. 
Cet  électro  R^  est  construit  de  telle 
sorle  que  : 

1"  Sa  résistance  soit  suflisante  pour 
produire  le  pianissimo  désiré; 

2"  Le  nombre  des   ampères-tours 
de  B,  et  B^  réunis,  pendant  le  pianis- 
simo, soit  sensiblement  égal  à  celui 
de,R,  pendant  le  forte,  alin  que 
l'activité  de  l'électro  d'interrup- 
tion soit  la  même  dans  les  deux 
cas. 

Pendant    le    piayiis- 
simo,  les  contacts  c'-  et  ' 
c^  sont  séparés,  et  R_,  est 
mis  en  court-circuit. 

Pendant,  le  forte,  les 
conlacts  '-  et  c'  se  touchent,  et  B-  est  mis  en  court- 
circuit. 

Une  pédale  permet  la  manœuvre  simultanée  des 
contacts  c- et  c^,  soit  pour  tout  le  clavier,  soit  pour 
un  demi-clavier. 

Une  résistance  R'  est  placée  en  dérivation  au  tra- 
vers de  la  rupture  pour  supprimerl'étincelle  d'extra- 
courant. 


FiG.  loss. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉPAGOCfE 


LE  PIANO  ET  SA   TECHNIQUE    i(M3 


Chant  expressif.  —  Le  principe  de  la  réalisation 
tlu  chant  expressif  consiste  dans  une  interruption 
rythmique  du  chanl  ordinaire,  de  manière  à  produire 
l'ellet  d'expression  que  dotnie  le  violoniste  ou  le  vio- 
lonceliisle  en  faisant  trembler  le  doigt  sui'  la  corde, 
el  que  fournit,  dans  les  grandes  orgues,  le  remous 
du  vent.  Ce  résultat  s'obtient  en  interrompant  le 
courant  du  circuit  général  au  moyen  d'un  inter- 
rupteur spécial,  suivant  un  rythme  larije  et  régulier. 
Le  nombre  ries  interruptions  par  seconde  est  de 
l'ordre  de  quelques  unités,  cinq  par  exemple. 

Chant  frissonnant.  —  11  consiste  à  interrompre 
ra[)iilemeiit  If  raurant  du  circuit  général,  de  façon 
que  le  rythme  de  l'interruption  ne  puisse  jamais  être 
en  phase  avec  les  vibrations  de  l'une  des  cordes  du 
piano  et  ne  puisse  fausser  les  notes  en  développant 
des  résonances  harmoniques.  Le  meilleur  mode 
consiste  k  découper  le  courant  principal  suivant  un 
rythme  rapide  et  irrégulier.  On  conçoit  aisément 
qu'une  vibration  de  l'interrupteur  rapide  etrégulière 
doive  provoquer  dans  les  cordes  "un  mouvement  en 
synchronisme  avec  le  sien,  et  augmenter,  par  suite, 
l'intensité  de  certains  harmoniques  au  point  de 
dénaturer  le  son  fondamental.  On  conçoit  également 
que,  grâce  à  l'irrégularité  de  l'interruption,  le  rythme 
de  l'interrupteur  ne  sera  Jamais  en  phase  avec  la  vi- 
bration de  l'une  quelconque  des  cordes  du  piano,  les 
notes  ne  seront  pas  faussées  par  les  résonances  har- 
moniques et  toutes  les  cordes  murmureront  avec  la 
même  intensité.  L'adjonction  d'un  rhéostat  dans  le 
circuit  général  permet  de  régler  l'intensité  du  mur- 
mure obtenu. 

Tous  ces  dispositifs  ont  été  brevetés  ou  reconnus 
brevetables  dans  les  pays  à  examen. 

i>'ous  terminerons  ce  court  exposé  d'une  grande 
invention,  en  faisant  observer  que  le  courant  néces- 
saire au  fonctionnement  du  piano  s'emprunte  à  une 
canalisation  d'éclairage,  que  la  consommalion  de 
l'instrument  en  plein  jeu  est  à  peu  près  celle  d'une 
lampe  de  cinq  bougies  à  filament  ordinaire,  entraî- 
nant une  dépense  de  0  f.  Oo  à  l'heure. 

Cet  instrument  obtint  le  plus  grand  succès  à  la  foire 
de  Paris  en  192 't.  —  .Nul  doute  que  bien  mis  au  point, 
l'usage  rendu  pratique  grâce  à  quelques  amélio- 
rations indispensables,  il  n'ariive  à  donner  au  piano 
les  qualités  qui  —  jusqu'à  ce  jour —  lui  manquèrent 
totalement:  prolongation  du  son,  augmentation  d'un 
son  après  que  le  marteau  frappe  la  corde  en  réalité  : 
sons  iilés^ 

LE   ROLE  DU   PIANO 

.Supprimer  le  piano  serait  nous  priver  de  la  plus 
grande  partie  des  œuvres  musicales.  Unique  en  son 
genre,  aucun  autre  instrument  ne  peut  le  remplacer. 
Zélateurs  et  indiiférents  s'accordent  à  lui  consentir 
une  place  prépondérante.  Artistes,  amateurs,  tous 
ont  recours  à  lui.  Nul  autre,  en  effet,  ne  possède  cette 
riche  échelle  à  laquelle  est  jointe  une  docilité  expres- 
sive que  le  talent  du  facteur  et  de  l'artiste  grandit 
chaque  jour.  Nul  n'est  si  réellement  utile.  Enfin,  son 
évolution  bien  avancée  n'est  pas  terminée,  et  nous 
avons  le  droit  d'espérer  lui  voir  acquérir  encore  des 
richesses  nouvelles. 

Le  piano  est  actuellement  l'instrument  le  plus  com- 


1.  Voir  ci-tlessus  Gaveau  (Gabriel)  pour  invention  similaire  :  l.f 
Cantu,  appareil  à  dispositif  électrique  [.crmettant  également  d'oble- 
nir  la  prolon^ution  du  ^oi;. 


plet,  le  plus  intime  dispensateur  d'art  musical.  Con- 
fident des  plus  belles  pensées  de  nos  grands  compo- 
siteurs, son  clavier  ami,  toujours  prévenant,  peut  ex- 
haler les  plus  douces  consolations,  pleurer  nos  dou- 
leurs, chanter  nos  joies,  apaiser  nos  soulfrances  aussi 
bien  que  se  prêter  aux  sentiments  plus  légers,  égayer 
nos  loisirs,  babiller  des  riens  qui  lleurissent  la  roule 
de  nos  jours,  aider  aux  réunions  de  famille  et  d'a- 
mis. Par  un  invisible  lien,  il  harmonise  nos  sensa- 
tions, procure  distractions,  consolations,  plaisirs. 
Aucun  instrument  ne  réunit,  en  même  temps  qu'une 
échelle  sonore  musicale  si  complète  (88  notes),  cette 
docilité  expressive  :  la  moindre  modification  de  pres- 
sion modifie  sa  sonorité. Il  se  suffit  à  lui-même,  étant 
capable  de  faire  entendre  un  chant  et  son  accompa- 
gnement, plusieurs  parties  simultanément.  Une  mé- 
lodie privée  de  ses  harmonies  a  vile  fait  de  nous  las- 
ser. Aussi,  une  de  ses  primordiales  qualités  résulte- 
t-elle  de  ce  qu'il  est  l'instrument  polyphonique  par 
excellence;  il  devient  en  réalité  le  prolongement  du 
corps  et  de  la  pensée  de  l'être  sensible,  c'est  notre 
voix  qui  chante  lorsque  nos  doigts  le  sollicitent. 

Son  rôle  est  immense;  sa  longue  vie  lui  a  déjà 
permis  de  grandir,  et  presque  chaque  année  il  nagna 
en  beauté;  savants,  techniciens,  ingénieurs,  mécani- 
ciens, artistes,  tous  ont  participé  à  son  éclosion.  Le 
voici  devenu  presque  adulte,  mais  ce  grand  enfant 
qui  suivit  nos  générations  successives  est  encore  en 
croissance  ;  il  est  beau  et  fort,  il  sera  plus  encore,  et 
nos  enfants  seuls  le  connaîtront  peut-être  en  sa  toute- 
puissance. 

Il  aide  l'homme  à  vivre,  il  développe  chez  lui  la 
finesse  de  l'ouïe,  de  la  vision,  —  par  la  lecture,  — 
l'indépendance  des  muscles,  l'ordonnance  du  sys- 
tème nerveux,  l'esprit  d'observation,  la  mémoire, 
l'intelligence,  la  suite  dans  les  idées  dans  le  travail. 
Il  est  très  exigeant,  nécessite  une  grande  fidélité,  des 
soins  quotidiens;  l"oublie-t-on quelque  temps,  aussi- 
tôt les  doigts  moins  habiles  ne  retrouvent  plus  les 
belles  sonorités.  La  satisfaction  ressentieen  jouant  du 
piano  n'est  pas  toujours  en  rapport  avec  la  somme 
de  talent,  elle  est  peut-être  plutôt  dans  la  joie 
éprouvée  lorsque  nous  gagnons  un  petit  progrès. 
Elle  est  donc  illimitée,  puisque,  dans  le  domaine  de 
l'art,  on  chemine  sur  une  route  aux  aspects  multiples  ; 
verdoyante,  caillouteuse,  fleurie,  épineuse,  on  y 
cueille  des  fruits,  des  Heurs, on  s'y  blesse  aussi,  mais 
cetle  route  est  sans  fin.  Le  piano  se  prête  à  toutes  les 
fantaisies.  Dans  le  tableau  ci-dessous  sont  réunis  ses 
différents  emplois. 

11  est  instrument  :  solixie,  d'ensemble,  accompa- 
gnateur, (l'orchcslie.  Voici  ses  diverses  attributions  : 


Soliste. 


ilorcemix   de 

'tes,  etc. 
Vannes, 

Transcriiilions. 
Concerts. 


ijenre  :    llo/iiaiices,  Xacliu-- 


iCoiicerfoa. 
Opi'ra.  vpérn 
Snwpliunics. 
I!tt/Ms. 


■comiqiw,  etc. 


<  Triiiis. 
\  iiimtuors. 

Ensemble 1  (juinuties,  etc. 

lieit.v  pianos. 


,  etc. 


Accompagnateur. 


Orchestre. 


Piano  ci  urrfue, 
(  i'Jinnti'iirs. 
»  l'!\trii'nciilisli's. 
.   Àri-i>m}}ni]iicmcnl  ile^  récilitlifs. 
\  iicnifif'/iremenl  it'ùistrittuents  fttistinl  UrfinU. 
i  Etolfer  orcheslre  Irop  rainil  {remptissiiije). 
j  Au  mnne,  litre  ijiic  les  autres  inslnmculs  de 
\      l'nrclieslre. 


2084 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIOSNAIRE  DU  CONSEnVATOÎRË 


DrvERNOY  dil  fort  bien  :  «  que  le  piano  est  par  excel- 
lence l'instrument  traducteur  de  la  pensée  musicale. 
Mais  il  n'est  pas  que  cela,  ajoute-t-il,  il  est  aussi 
l'instrument  qui  a  le  plus  conlriliué  à  la  dill'usion  de 
la  musique,  ci  l'éducation  musicale  de  la  foule.  Par 
lui,  ce  n'est  pas  seulement  sn  musique  qui  est  connue  : 
ce  sont  les  symphonies  les  plus  symphoniques,  les 
opéras,  les  drames  lyriques,  la  musique  de  chambre 
qu'il  vulgarise.  Tout  par  lui  est  donné;  tout  par  lui 
est  accessible  à  tous. 

«  Si  nous  ne  craignions  pas  d'employer  une  expres- 
sion triviale,  nous  dirions  que  le  piano  est  un  «  com- 
mis voyageur  de  musique  »  incomparable. 

«C'est  ici  que  le  virtuose  intervient  et  prend  le 
rôle  d'éducateur,  rôle  dont  l'importance  est  indiscu- 
table et  capitale.  C'est  le  virtuose  qui,  parson  talenl. 
par  le  choi.\  de  son  répertoire,  porte  la  bonne  ou  la 
mauvaise  parole;  c'est  lui  qui  va  évangéliser  les  pu- 
blics réfraclaires  à  la  musique  des  maîtres,  aux 
œuvres  fortes  et  saines.  La  tâche  est  digne  et  bien 
faite  pour  tenter  les  vrais  artistes  :  ceux  qui  ont  le 
respectd'eux-mèmes  et  qui  ne  se  sont  abreuvés  qu'aux 
pures  sources  de  l'art.  Cette  tâche,  ils  la  remplissent 
par  devoir,  et  aussi  par  reconnaissance  envers  le'; 
génies  divins  dont  l'imagination  nous  transporte  loin 
des  réalités  vulgaires  et  bien  souvent  douloureuses, 
dont  les  inspirations  nous  charment,  nous  consolent 
et  nous  font  aimer  la  vie.  Us  servent  ainsi  la  plus 
noble  des  causes  :  celle  de  l'art,  de  l'art  qui  survit  à 
tout,  de  l'art  immortel. 

Taul  passe.  —  L'art  robuste 
Seul  a  l'L'ieruilé.  u 


TECHNIQUE  ET   [PÉDAGOGIE 

L'étude  du  piano  joue  un  rôle  des  plus  imporlaiits 
dans  l'éducation  générale.  Ce  serait  mie  eri-eur  de 
croire  que  ses  résultats  sont  simplement  musicaux. 
Cette  élude  —  bien  conduite  —  développe  considé- 
rablement la  somme  d'attention  de  l'en  fani,  elle  habi- 
tue les  yeux  à  voir  Juste  et  vile,  à  diviser  rapide- 
ment une  courte  étendue;  elle  afQne  l'ouïe  et,  mieux 
encore,  elle  est  un  puissant  moyen  pour  coordonner 
les  impressions  visuelles  et  tactiles.  Klle  lait  naître 
l'indépenilance  des  muscles,  canalise  l'elTort  de  la 
pensée,  par  uei  travail  psycho-physiologique  spécial, 
elle  contribue  puissamment  à  l'évolution  de  l'intelli- 
gence'. 

On  peut  dire  que  l'étude  du  piano  est  nécessaire  à 
trois  points  de  vue  :  éducatif,  arli'itiqne,   récréatif. 

Il  est  presque  indispensable  de  savoir  jouer  du 
piano,  même  si  l'on  désire  apprendre  à  jouer  de  tout 
autre  instrument,  ou  s'y  l'on  désire  se  livrer  à  des 
éludes  vocales.  La  lecture  obligée  de  deux  portées, 
des  deux  clefs,  d'un  nombre  siiuultané  de  notes  et 
d'accords,  est  un  excellent  moyen  pour  se  perfec- 
tionner en  solfège  et  pour  être  capable  de  déchiU'rer 
facilement,  je  dirai  même  pour  entendre  intégrale- 
ment, car  ou  entend  mieux  la  musique  quand  on  la 
sait  bien  lire. 

L'enseignement —  bien  compris  —  développe  di- 
verses facultés  précieuses.  .Malheureusement,  il 
n'existe  pas  de  cours  de  pédagogie  musicale  au  Con- 
servatoire ;  ceci  est  d'autant  plus  regrettable  qu'il 
n'est  délivré,  par  celte  école,  aucun  diplôme  certi- 
fiant que  son  bénéliciaire  soit  apte  à  donner  un  bon 


1.  L  Etude  du  Pian-j,  L.-E.  Gft  vtia,  p.  7.  Dehgr.ivp,  .^illteup. 


enseignement.  Ce  témoignage  ne  conférerait  aucun 
droit  à  son  possesseur  et  n'empêcherait  nullement 
ceux  qui  en  seraient  privés  de  faire  du  professorat, 
mais  il  constituerait  une  garantie  précieuse  aux 
parents  qui,  ne  connaissant  rien  en  musique,  sont 
soucieux  de  choisir  un  mailre  léellement  capable  de 
guider  leurs  enfants. 

Savoir  bien  jouer  d'un  instrument  ne  prouve  pas 
toujours  que  l'onsoi<  qualifié  pour  s'intituler  profes- 
seur. La  science  nous  fournit  suftlsammenl  de  don- 
nées précises  pour  faciliter  la  rapidité  des  progrès 
chez  les  élèves.  11  est  souhaitable  de  savoir  quels  sont 
les  moyens  les  plus  efficaces  pour  réduire  les  heures 
d'étude,  afin  de  disposer  du  temps  nécessaire  à  l'en- 
seignement général  et  aux  sorties  indispensables  au 
maintien  de  la  sanlé,  de  la  vigueur  corporel  le, .du  bon 
fonctionnement  de  notre  organisme. 

Si  le  travail  est  rationnellement  ordonné,  si  on 
n'augmente  pas  inconsidérément  les  heures  d'étude, 
sachant  en  obtenir  le  maximum  de  rendement,  — ne 
se  contentant  pas  du  procédé  dangereux  consistant 
en  de  multiples  répétitions  «  identiques  »,  si  préjudi- 
ciables tant  à  l'intelligence  qu'au  développement  du 
sentiment  artistique,  —  il  reste  des  loisirs  poui-  ac- 
quérir, conjointement  à  la  virtuosité,  des  notions 
indispensables  d'harmonie,  de  contrepoint  et  d'ana- 
lyse musicale. 

La  lâche  du  professeur  s'embellit  encore  s'il  déve- 
loppe le  goût  aitistique  de  ses  élèves,  ne  se  bornant 
pas  à  faire  de  ceux-ci  des  perroquets  plus  ou  moins 
mal  appris. 

Il  s'appuiera  sur  des  bases  solides,  pour  former  le 
jugement  musical  de  chacun  de  ses  adeptes,  sans 
tomber  dans  l'erreur  trop  répandue  il'imposer  ses 
préférences  personnelles. 

Tous  les  professeurs  comptent  parmi  leurs  élèves 
des  natures  privées  de  sentiment  ailislique,  n'ai- 
mant que  la  musique  vulgaire.  Pour  faire  l'éducation 
de  ces  derniers,  il  est  prudent  de  ne  pas  combattre 
de  front  leur  déviation  de  goût  par  des  aftlrmations 
toujours  discutables.  Ce  n'est  que  peu  à  peu  qu'il 
sera  possible  de  former  des  êtres  sensibles  à  la  saine 
beauté.  Il  sera  même  recommandable  de  vaincre  ses 
répugnances  et  de  faire  travailler  la  musique  piôfé- 
rée  par  l'élève,  ayant  grand  soin  de  lui  donner  simul- 
tanément, comme  études,  des  œuvres  méticuleusc- 
ment  choisies  parmi  celles  des  maîtres  incontestés. 
Il  sera  bon  de  les  analyser  sommairement,  de  signa- 
ler les  passagesles  plussaillants.etdenepas craindre 
de  faire  jouer  comme  exercices  les  plus  belles  pages 
appropriées  au  degré  de  force  du  sujet.  Si  le  profes- 
seur sait  patienter  et  bien  mener  son  œuvre,  il  est  cer- 
tain qu'arrivera  le  jour  où,  ayant  donné  le  titre  d'un 
morceau  sans  valeur,  succès  de  café  concert...  ou 
autre  ..,  l'élève  exprimera  le  désir  d'étudier  une 
œuvre  réellementailistique,  considérant  qu'il  est  fas- 
tidieux de  jouer  des  mélodies  sans  saveur,  mal  po- 
sées sur  des  harmonies  banales  et  peu  variées:  il  se 
plaindra  de  l'absence  de  polyphonie,  de  conlre-chant. 
Ce  jour-là  le  résultat  sera  obtenu.  Le  mailre  méri- 
tera son  titre. 

11  est  évidemment  indiscutable  qu'on  ne  peul  bien 
jouer  du  piano  si  l'on  ne  possède  pas  un  niécarn'snie 
suffisant.  Cette  vérité  engendra  toute  une  pléiade  de 
pianistes  inconsidérés,  prenant  le  mnijen  pour  le  but, 
Voutil  pour  le  chef-d'œuvre  ! 

Le  premier,  l'unique  objectif  n'est-il  pas  de  créer 
des  musiciens?  L'homme  s'atiribuant  de  nombreuses 
qualités  qui   l'élèvent   au-dessus   des    animaux,  ne 


TECHNIQUE,  ESTllÉriQUE  ET  FÈOAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    208 r. 


peiU-ou  pas  légitimement  prétendre  aussi  que  celui 
qui  vilire  par  l'émotion  d'art  s'élève  au-dessus  de 
lui-même,  communie  plus  intensément  avec  ce  qu'il 
y  a  de  plus  estimable  dans  la  nature?  N'est-ce  pas 
là  tiouver  le  breuvage  de  l'esprit,  une  raison  de  vivre 
supérieure,  un  apaisement  aux  douleurs  humaines, 
une  joie  sereine  ou  bien  encore  une  simple  dis- 
traction reposante...!  Qu'importe,  si  la  vie  en  est 
agrandie. 

Pour  gravir  cet  idéal  Tliibet,  pour  vaincre  les  dé- 
couragements, les  dilTieultés  toujours  nouvelles,  il 
faudra  le  guide  sûr  qui  dirige  nos  pieds  trébuchants 
et  inhabiles  sur  la  route  au  sol  ferme.  Le  travail 
quotidien  apportera  lentement,  mais  sans  défail- 
lance, le  petit  progrès  qui,  par  sa  répétition,  grandira 
sans  cesse. 

La  paresse,  l'indécision  seront  plus  facilement 
domptées,  grâce  à  la  discipline  imposée  d'un  elfort 
régulièrement  reproduit. 

Le  bon  travail,  sans  déchet,  ne  peut  résulter  du 
surmenage,  mais  il  implique  une  attention  puissante 
et  toute  portée  sur  un  point  unique.  L'ensemble  de 
nos  facultés  étant  orienté  vers  le  même  but,  nous 
évitons  l'éparpillement  de  nos  forces;  nous  créons 
ainsi  une  sorte  de  centre  attractif  aspirant  toutes  les 
idées  connexes. 

La  mise  en  route,  parfois  difficile,  sera  facilitée  si 
nous  prenons  soin  de  nous  mettre  au  travail  chaque 
jour  à  la  même  Aci/re;  l'habitude  résultant  de  cette 
régularité  entraînera  le  besoin  du  travail,  sans  que 
la  volonté  soit  obligée  d'intervenir'. 

Le  professeur  qui  n'aime  pas  enseigner,  préten- 
dant qu'il  est  ennuyeu.x  de  donner  des  leçons,  est 
généralement  plus  nuisible  qu'utile.  Sa  mission  con- 
siste à  donner  du  courage,  à  stimuler  l'énergie,  la 
volonté  persévérante.  Il  doit  être  animateur.  Or  de 
quel  pauvre  enthousiasme  peut-il  faire  vibrer  ses 
élèves  si  lui,  le  maître,  baille  d'ennui? 

On  ne  luttera  jamais  trop  non  plus  contre  l'erreur, 
si  répandue,  qui  consiste  à  croire  qu'une  expérience 
et  un  talent  médiocres  sont  suffisants  pour  diriger  de 
jeunes  enfants.  Cette  tâche  particulièrement  déli- 
cate exige  non  seulement  beaucoup  de  tact,  de 
prudence,  de  psychologie,  mais  de  très  sérieuses 
connaissances  jointes  à  beaucoup  de  pratique.  On  ne 
peut  apprendre  aux  autres  que  ce  que  l'on  connaît 
parfaitement.  Si  les  premiers  conseils  sont  mauvais, 
les  habitudes  contractées  seront  mauvaises,  plusieurs 
années  de  pépibles  efforts  ne  suffiront  pas  toujours 
pour  se  débarrasser  complètement  des  défauts  enre- 
gistrés. C'est  souvent  le  prix  modique  des  leçons  qui 
tente  les  parents,  mais  c'est  là  une  économie  aussi 
trompeuse  que  dangeieuse.  Le  prix  des  leçons  néces- 
saires pour  détruire  avant  de  reconstruire  dépasse 
celui  qu'eût  demandé,  dès  le  début,  un  professeur  de 
valeur.  Encore  est-on  heureux  que  l'élève  découragé 
par  un  mauvais  départ  aime  encore  la  musique. 

Il  n'y  a  pas  une  méthode,  une  manière,  un  secret, 
une  recette  pour  apprendre  à  jouer  du  piano. 

La  technique  se  modifie  suivant  les  élèves,  leur 
âge,  leurs  désirs,  leurs  aptitudes,  le  temps  dont  ils 
disposent,  leur  intelligence  et  l'évolution  mécanique 
de  l'instrument. 

Le  piano  moderne  est  autre  que  celui  de  Chopi.n, 
celui  de  Chopin  très  différent  de  celui  de  Beethoven. 

La  mécanique  n'étant  plus  la  même,  la  manière  de 

1.  Lr  Trac  et  la  TimidW;  L.-E.  Gratia,  p.  iîl.  iMarcel  Rivière, 
éditeur. 

i.  Ibi'l.,  |..  91. 


jouer  doit  aussi  se  transformer.  Malheureusement, 
l'esprit  de  routine  est  si  ancré  chez,  l'iiomme  que  de 
nombreux  professeurs  continuent  de  recommander 
des  positions,  des  doigtés  qui  étaient  excellents  pour 
toucher  le  clavecin  et  qui  sont  nuisibles  pour  l'ob- 
tention des  qualités  pianistiques  recherchées.  «  La 
tradition  est  respectable,  elle  est  un  précieux  héri- 
tage, une  véritable  richesse  du  savoir  humain,  tandis 
que  la  routine  —  d'où  le  raisonnement  est  absent  — 
n'est  qu'une  fausse  science,  un  préjugé  néfaste  qui, 
tel  un  frein,  vient  arrêter  l'élan  des  plus  beaux 
elforts,  des  plus  saines  audaces,  qui  érige  comme 
lies  dogmes  des  erreurs  d'observateurs  inhabiles  e' 
de  vulgaires  conventions  résultant  d'une  mode  ou 
même  d'un  défaut-.  » 

Si  quelques  professeurs  —  qui  ne  raisonnent  pas, 
ou  qui  raisonnent  mal,  —  perpétuent  des  idées  de- 
venues fausses  et  sont  cause  ainsi  de  la  lenteur  des 
progrès  de  leurs  élèves,  il  en  est  d'autres  —  trop  mo- 
dernes ■ —  qui,  perchés  sur  un  socle  de  bluff,  inven- 
tent des  procédés  de  travail  ridicules  et  préjudi- 
ciables. D'autres  enfin  manquent  de  la  virtuosité 
nécessaire  pour  donner  des  exemples,  ou  —  ce  qui 
est  aussi  grave  —  ignorent  comment  ils  procèdent, 
et  sont  par  conséquent  totalement  inaptes  à  ensei- 
gner. 

Le  professoral  est  une  science  exigeant  des  quali- 
tés autres  que  des  qualités  musicales.  En  plus  de  la 
connaissance  très  complète  de  l'instrument  et  de 
l'ai  t  musical  en  général,  des  acquis  de  psychophysio- 
logie, des  dons, d'observation,  une  élocution  claire, 
du  tact,  de  la  douceur,  de  l'énergie  et  une  patience 
illimitée,  sont  nécessaires. 

c<  L'attention  est  à  la  base  de  tous  progrès.  Aug- 
menter l'attention  est  un  moyen  d'augmenter  la  vo- 
lonté'.  »  L'attention  —  comme  toutes  nos  facultés  — 
se  développe  par  l'exercice  et  s'atrophie  faute  d'u- 
sage. S'imposer  chaque  jour  une  tâche,  un  travail, 
sera  d'une  méthode  d'éducation  fort  productive,  dé- 
passant comme  résultat  des  progrès  pianistiques. 
Sans  l'attention,  il  est  peut-être  plus  nuisible  qu'utile 
de  fatiguer  l'instrument.  On  doit  rejeter  comme 
absolument  mauvaise  la  «  méthode  »  (!)  qui  consiste 
,i  l'aire  agir  les  doigts  durant  des  heures,  tandis  que 
la  pensée  est  absente,  occupée  ailleurs.  Les  résultats 
dépendent  plus  de  la  qualité  du  travail  que  de  sa 
quantité.  On  peut  dire  que  le  progrès  est  p)'opo?'(iwn- 
itel  à  la  somme  d'attention  dépensée^. 

Héuirt  n'hésite  pas  à  écrire  :  «  Le  travail  qui  n'est 
pas  soumis  à  l'attention  devient  improductif,  inutile, 
dangereux  pour  la  santé  comme  pour  le  piano. 
«  Jeu  réfléchi  =  progrès; 
«  Jeu  machinali=;  recul,  déformation'',  » 
Marmontel   insiste  également  :  «  Les   progrès  de 
l'élève  dépendent  plus  du  soin  consciencieux  apporté 
aux  études  que    du    nombre  d'heures  passées   au 
[liano.  La  volonté  et  la  rédexion  donnent  de  meil- 
leurs  résultats   que   de  longues  heures  employées 
>aiis  discernement...   11  faut  concentrer  toute  son 
itlention,  s'observer,  s'écouter  pour  éviter  des  dé- 
laiils  que  la  force  de  la  routine  rend  plus  lard  si 
difficiles  à  corriger^.  « 


;;.  ihi  I.,  p.  23J. 

i.  L'EtHile  du  piano,  L.-E.  Gratja,  p.  10,  édit.  Delagra*c.  Voir 
;iussi  :  Moyens  de  trarail  pour  l'étude  du  piano.  Comment  réaliser 
un  maximum  de  progrès  dans  un  minimum  de  temps,  par  L.-E.  Ohatia. 

5.  Hi^;iJSHT,  L'Art  de  développer  le  sentiment  musical  cliez  l'enfant, 
p.  26. 

0.  Conseih  (Ï'wh  y  »'o/es5e»r,  MAn«oRT£i.,  p.  79el  suiv.,6Jit.  Hcugel. 


2086 


EXI.rcLuPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  OU  COSsEaVATOlRE 


Tous  les  auteurs,  tous  les  techuicieus  sont  (rac- 
cord sur  ce  poinl.  Remuer  les  doigts  taudis  que  la 
pensée  s'évade,  c'est  les  ajîiler  en  pure  perle.  Evi- 
demment, il  est  indispensable  d'avoir  des  muscles 
bien  nourris,  fonctionnant  aisément,  mais  ce  n'est  là 
qu'une  faible  partie  du  travail.  Il  sera  tout  aussi 
sinon  plus  important  de  rechercher  et  d'utiliser 
les  moyens  capables  de  maintenir  l'attention  afin 
d'agir  sur  les  cellules  nerveuses,  sur  la  pensée,  et 
d'obtenir  rapidement  :  la  vélocité,  la  mémoire  des 
distances,  des  formes  d'accords,  des  pressions,  des 
mouvements,  des  attaques.  L'adresse  des  doigts,  des 
mains,  la  souplesse  des  poignets,  des  avant-bras, 
des  bras,  des  pieds  se  développe  par  l'exercice,  par 
les  répétitions  lentes  ou  vives,  variées  et  multiples. 
Aucun  mouvement  —  dans  l'étude  —  ne  doit  être 
exécuté  qu'après  avoir  été  pensé;  ce  n'est  qu'ensuite, 
lorsque  l'automatisme  sera  créé,  que  l'on  pourra  peu 
à  peu  accélérer  le  mouvement  et  réaliser  en  toute 
rapidité,  et  sans  que  la  pensée  intervienne,  les 
agencements  les  plus  délicats,  les  plus  complexes. 
Apprendre,  c'est  enregistrer,  c'est  localiser  à  l'aide 
de  toute  notre  conscience  une  infinité  prodigieuse 
de  mouvements,  c'est  créer  des  réflexes  que,  par  la 
suite,  notre  automatisme  déroulera  fidèlement'. 

Méthodes  de  piano. 

Le  nombre  des  méthodes,  études  et  exercices  écrits 
pour  l'enseignement,  est  des  plus  considérables;  il 
serait  fastidieux  de  les  citer  ici.  Parmi  ces  nombreux 
cahiers,  il  en  est  de  remarquables,  beaucoup  offrent 
de  l'intérêt,  quelques-uns  sont  presque  nuls,  mais 
en  réalité,  la  manière  de  travailler  importe  plus 
encore  que  ce  que  l'on  travaille!  Les  ouvrages  de 
didactique  étant  peu  nombreux  et  moins  connus,  il 
nous  semble  plus  utile  de  donner  ci-après  la  lisle 
des  principaux  de  ceux-ci.  Ils  sont  d'un  grand  attraii 
tant  pour  les  élèves  que  pour  les  professeurs. 

Nous  citons  par  ordre  alphabétique  de  noms 
d'auteurs. 

BaE!TS.\DPT(Rodolphe). — I.  ilaiiuel  prulique  du  pianisle.  — II.  Les 
l'ondements  de  la  techinijue  piaiiisliiiiie.  Traduction  française 
par  Ernesl  Ct.ossoN.  Edit.  Durdilly. 
Deliodx(CIi.). — ■Coiirsrom/ileld'exefcicex  pour  piano.  Durand,  édit. 
Réaumant  les  difiicultôs  du  mécanisme,  donnant  de  pré- 
cieux conseils  sur  la  méthode  de  travail. 
Demeny  (g.).  —  te  Violonisle.  Maloine  édit. 
—  Education  et  Itarm^jiie  îles  mouvements.  Librairie  des  Aunalefi. 
DoMDR  (Esclimann).  —  Guide  du  jeune  pianiste. 
Falkenberg.  —  Les  Vé.dales  dit  piano. 
FÉTis.  —  Metlii'de  des  ilelliodes  de  yitinn. 
FiscHBACHER.  —  Conseils  au.v  Jeunes  pianistes. 
Gratia  (L.-E. ).  —  L^ Etude  du  piano  (Gomment  réaliser  un  maxi- 
mun  de  progrès  à  l'aide  d'un  minimun  de  travail).  Préface 
de  Ch.-M.  WiDOR,  de  l'Institut.  60  ligures,  4  plauclies 
hors  le.iile,  Dela^rave,  édit.,  4"  édition. 

—  Le  True  et  la  Timidité.  Conseils  de  pédai^ogie  et  d'éducation. 

lOillustrationshors  16x10,2°  édition,  édit.  Marcel  Rivière. 

^-  Koijen-s  de  travail  pour  l'étude  du  piano.  Recueil  d'exercices 
développés  d'après  des  fragments  d'oeuvres,  montrant  de 
quelles  manières  différentes  il  faut  jouer  un  même  pas- 
sade pour  réaliser  un  maximum  de  i)ro,ïîrês  dans  un  mi- 
nimum de  temps. 

HÉBERT.  —  L'Art  de  développer  le  sentiment  mmieal  chez  l'enfant. 

Jaei.l  (MDriel  —  La  Musique  et  la  Psychophnsiologie.  Félix  Al- 
can,  fdil. 

—  Le  Mécanisme  du  toucher. 

Kalkbren.ner-  —  Métli'ide  pour  itjipreniire  o  jouer  du  piano-forte  ii 
l'aide  du  guide-main. 


1.  On  a  proposé  de  nombr.'uv  ;ip|mreils  pour  aitler  à  l'amélioration 
du  mécanisme.  Le  plus  rerommandable  est  l'appareil  de  mécanothé- 
rapie  inventé  par  llf.rn-  :  ï'ochydaetfjl.  Huit  minutes  d'exercices  méca- 
notliérapiques  remplacent  indisculaldcment  une  heure  d'ctiide  faite 
sur  le  clavier.  Cet  appar-dl  est  fabrique  à  Sancoius  (Cher) 


KixKCVNSKi.  —   Trois  Conférences  faites  il  Varaorie. 

Ki;i-i-i:uATH,  d'après  Bcschorzeff.  —  Traité  de  la  pédale  ou  mè~ 
lliode  de  son  emploi  au  piano.  Avec  exemples  cités  des  con- 
certs historiques  donnés  par  Antoine  Rdbinsteis.  Bos- 
worth,  édit. 

RnRPiN.sivi.  —  E.rpose  systématique  de  la  musique  pour  piano. 

Lavignac.  —  L'Education  musicale.  Delagrave,  édit. 

Lebebt  et  Starcr.  —  Ecole  du  pianiste. 

Levacher.  —  De  l'Anatomie  de  la  main,  considérée  dans  ses  rapports 
arec  l'e.ïécution  de  ta  musique  instrumentale.  (Elaboré  sur  les 
ciinseils  du  docteur  Augias  de  Turcnue.  professeur  à  la 
faculté  de  médecine,  ouvrase  recommandé  parTHALBERQ.) 

Malwina-Brée.  —  Hase  de  la  méthode  Leschetitzky. 

Marmo:5Tel  (a.).  —  Conseils  d'un  professeur  sur  l'enseignement 
technique  et  l'esthétique  du  piano.  Edit.  Heugel. 

—  Yade-mecunr  du  professeur.  Catalogue  gradue  et  raisonné.  I-Mil. 
Heugel. 

MoxoD,  professeur  au  Conservatoire  de  Genève.  —  La  Sonorité  du 
piiuio. 

Parent  iHortense).  —  L'Etude  du  piano. 

PaiLipp  (L.).  —  De  l'Enseignement  rfujjiii/io (simple  causerie).  Édit. 
Janin  frères,  à  Lyon. 

Praeger.  —  Conseils  sur  l'exécution  des  itnvres  de  Chopin. 

QciDANT  (.Vlfred).  —  L'.ime  du  piano.  Essai  sur  l'art  des  dcnr  pé- 
dales. Edit.  Ch.  Maquet. 

Rameau.  —  Code  de  musique  pratique. 

RoMED.  —  L'.lrt  du  pianiste. 

Sghar-wenka.  —  La  Méthodique  du  jeu  de  piano. 

ScHiFFBiACHER.  — ■  La  Main  et  I  ilme  du  piano. 

Selva  (Blanche).  —  L'Enseignement  musical  de  la  technique  du  pian» 
(3  vol.  Édit.  Rouartet  Lerolle). 

Steinhadsek  (F. -a.).  —  Les  Erreurs  phijsiologiques  et  la  transfor- 
mation de  la  technique  du  jeu  de  piano,  traduit  de  l'allemand 
par  M™"  Emile  Javal.  Édit.  Rouart  et  Lerolle. 

XVabtel.  —  Leçons  écrites  sur  tes  sonates  de  Beethoven. 

Wassili  (Safonoff).  —  yourelle  Farmule.  Quelques  pensées  pour  le 
professeur  de  piano. 

Weber.  —  Lettre  au  directeur  de  musique  de  Leipcig. 

XVeingartner.  —  L'.irt  de  diriijer  (traduction  d'Emile  Heintz). 
(Conseils  d'interprétation.  ) 


COMPOSITEURS   ET   VIRTUOSES 
Littérature  _dn  piano. 

Le  xvn''  siècle  fut  la  dernière  époque  de  la  vogue 
du  clavecin  avant  sa  transition  au  piano.  Les  derniers 
grands  maîtres  du  clavecin  furent  :  Frescoraldi, 
ScARLATTi,  Jean-Sébastien  Bach  et  son  fils  Emmanuel 
Bach,  Haendel,  de  Chambonnières,  François  Couperin, 

RAMliAU. 

Puis,  presque  contemporains,  nous  trouvons  : 
Haydn,  Mozart,  Clementi,  Dussek,  Steibelt,  qui  sont' 
les  maîtres  de  la  nouvelle  école  du  piano,  les  pré- 
curseurs du  plus  grand  de  tous.  Beethoven. 

Il  est  remarquable  que  presque  tous  les  grands 
compositeurs  ont  été  plus  ou  moins  pianistes  et  com- 
posèrent pour  le  piano.  On  verra  par  les  pages  qui 
vont  suivre  que  le  nombre  des  compositeurs  ayant 
contribué  au  répertoire  de  cet  instrument  est  consi- 
dérable. 

Dès  la  construction  du  piano-forte,  les  musiciens 
accommodèrent  leurs  œuvres  —  au  moins  parle  titre 
—  au  nouvel  instrument.  Le  plus  ancien  exemple 
que  nous  ayons  trouvé  de  cette  adaptation  —  nouî 
ne  disons  pas  qui  ait  existé  —  est  dû  à  M""  Branche 
et  à  Homain  de  Brasseur,  qui  faisaient  annoncer,  à 
la  date  du  22  avril  1771  :  la  première,  des  Ariettes  chvi- 
sies  mises  en  so'nale  pour  le  clavecin  ou  le  piano- 
forte  ;  le  second,  Trois  Sonates  pour  clavecin  ou 
forte-piano;  puis,  le  12  mai  suivant,  paraissaient  Siv 
Concertos  pour  le  clavecin  ou  le  forte-piano  par  J.-C. 
Bach  (Op.  Vil), 

Nous  allons  citer  chronologiquement  les  grands 
compositeurs  et  les  grands  virtuoses. 

Les  premiers  maîtres  du  piano  au  Conservatoire 
de  Paris  furent  Boieluiiu',  Pradheii  et  Louis  Adam. 


TECHNIQUE.  ESTHETIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    2087 


Joseph  Hayun,  né  à  Itoliraii  (Autriche)  en  17.'!2, 
mort  à  Vienne  en  1809. 

En  nS't,  la  direction  des  concerts  île  la  Loge  Olym- 
pique de  Paris  lui  demanda  d'écrire  pour  elle  six 
syni|ihonies;  il  accepta.  Cessix  symphonies  comptent 
parmi  les  plus  lielles  de  ce  niaitre. 

Quelques  années  plus  lard,  il  dii'igea  les  concerts 
de  llanover-Square,  à  Londres,  puis  il  se  lixa  défini- 
tivement à  Vienne. 

Il  composa  plus  de  30  aotintes  \ionv  piano-forte, 
20  concertos  de  pianos,  4  sonatet:  pour  violon,  9  concer- 
tos di'  violon,  6  pour  violoncelle,  10  pour  flûte,  cor,  cla- 
rinette, orgue,  baryton,  contrebasse,  ii  duos  pour  violon 
et  alto,  l'7b  compositions  pour  baryton,  etc.,  environ 
1 00 . «i  ;/ ffJ/î /wnies,  77  çiw?  «ors  pour  instruments  à  cordes, 
30  trios  pour  diverses  combinaisons  d'instruments. 
Eûtin  24  opéras,  '.)  oratorios  :  la  Cn'ation,  les  Saisons, 
le  Retour  de  Tobie,  des  cantates,  des  iiedcr,  de  nom- 
breux morceaux  de  chant,  des  wu'sses,  des  Te  Deum, 
un  Stabat  Mater,  de  nombreux  ch.ints  d'église. 

Haydn  donna  des  leçons  d'harmonie  à  Beethoven, 
mais  il  ne  semble  pas  qu'il  pressentit  —  même  fai- 
blement —  le  futur  génie  de  sou  élève. 

«  Sur  trois  cents  devoirs  environ  que  Beethoven 
dut  remettre  à  Haydn,  nous  en  possédons  deux  cent 
quarante-cinq  :  les  fautes  n'y  manquent  point,  et  ce 
sont  celles  de  tous  les  élèves,  quintes  et  octaves 
découvertes  ou  cachées,  unissons,  dissonances  défen- 
dues, erreurs  dans  l'accompagnement  des  appogia- 
tures,  etc.  Cette  liasse  de  documents  montre,  avec 
les  fautes  du  disciple,  les  négligences  du  maître  : 
Haydn  a  corrigé  à  peine  un  cinquième  des  devoirs 
écrits  par  iÎEEiHovEN'.  » 

On  ne  peut  qu'admirer  l'arcliilecture  correcte, 
sage,  riche,  la  grandeur  du  style  de  Joseph  Haydn. 
Les  iruvres  pour  piano  sont  des  modèles  de  forme 
gracieuse,  de  finesse.  Elles  eurent  une  influence  con- 
sidérable sur  la  musique  de  piano. 

RusT  (Friedrich-\ViUiem),né  à  \Vo;rlitz,  près  de  Des- 
sau,  le  6 juillet  1739,  mortàDessau  même,  le 28  février 
1796. 

On  connaît  peu  de  chose  sur  cet  artiste,  et  nous  em- 
pruntons le  fond  et  le  détail  de  noire  texte  à  M.  Vin- 
cent d'Indy  qui  a  publié  une  belle  édition  des  douze 
sonates  de  ce  maître  avec  un  portrait  (Uouart  édil., 
1913). 

Comme  la  plupart  des  musiciens  de  son  temps, 
RusT  commença  par  étudier  le  droit  à  Leipzig,  en 
17G2.  Le  prince  régnant  d'Anhalt,  Léopold  III,  favo- 
risa la  vocation  du  jeune  Frédéric  et  l'envoya  travail- 
ler le  violon  à  Zerbsl  sous  la  direction  de  Hoeck.  Il 
alla  ensuite  à  Berlin  étudier  la  composition  avec 
Franz  Benda  (1764),  mais  il  est  probable  que  c'est 
Ch.-Ph. -Emmanuel  Bach  qui  fut  son  maitre. 

En  1765,  Rusïaccorapagne  son  prince  en  Italie,  où 
il  séjourne  deux. ans.  IJansson  style,  l'intluence  ita- 
lienne se  reirouve  mêlée  au  sérieux  des  musiciens 
all«mands.  Hentré  à  Dessau,  il  devient  directeur  de 
la  musique,  et  écrit  un  grand  nombre  d'œuivres  pour 
piano,  violon  et  chant. 
11  connut  Gœthe  de  passage  à  Dessau,  en  1776. 
Après  la  mort,  accidentelle  de  sou  Lils  (li79a):,  Husx 
n'écrivit  plus. 

M.  Vincent  d'Indy  estime  que  chez  aucun  compo- 
siteur de  ce  temps  on  ne  rencontre,  dans  l'ordre  de 
la  sonate,  les  audaces  et  lesi  innovations  qui  foison- 
nent dans  l'eauvre  de  Kust,  tant  au  point  de  vue  de 


>..  Constant  PrKiiHE,  p.  ISn. 


l'écriture  de  l'instrument  à  clavier  qu'à  celui  de  la 
disposition  architecturale  despièces.  Figurations  es- 
pacées; traits  d'agilité,  non  pas  indifférents,  comme 
chez  la  plupart  de  ses  contemporains,  mais  tendant 
toujours  à  l'expression  mélodique;  emploi  desoclaves 
aux  deux  mains;  croisements  dans  le  but  de  varier 
la  sonorité;  sons  harmoniques,  etc. 

Dans  sa  troisième  période  (1792),  il  établit  délibé- 
rémentla sonate  à  deux  mouvements,  formequ'onne 
retrouvera  que  dans  les  dernières  œuvres  de  Beet- 
hoven; bien  mieux,  il  adopte  pour  quelques-unes  de 
ses  sonates  le  thème  unique,  générateur  des  princi- 
pales parties  mélodiques  de  l'œuvre...  C'est  alors 
qu'il  devient  un  véritable  précurseur  de  Beethoven, 
non  seulement  par  la  similitude  des  idées  qui  est 
flagrante,  mais  par  la  manière  même  de  disposer 
les  diverses  parties  de  l'œuvre  musicale. 

Mais  son  rôle  de  précurseur  mis  à  part,  Rusi  mé- 
riterait quand  même  d'attirer  l'attention  de  ceux 
qui  aiment  l'art,  parce  que,  dans  toutes  ses  œuvres, 
on  trouve  de  la  musique,  et  parfois,  dans  sa  dernière 
époque  surtout,  de  la  très  belle  musique. 

Ce  que  l'on  connaît  de  l'œuvre  de  Rust  comprend  : 
17  sonates  écrites  spécialement  pour  le  piano  (pinno- 
forte  0  clavicembalo)  ;  28  sonates  pour  violon;  1  sona-k 
pour  violoncelle;  8  sonates  pour  alto  ou,  viole  d'a- 
mour; 3  sonates  pour  harpe;  6  compositions  de 
musique  de  chambre  [trios,  quatuors,  etc.);  10  pièces 
diverses  pour  piano  ou  pour  violon  (variations,  suites 
pour  violon  seul)  ;  2  livres  de  Iiedcr  (gravés  de  sou 
vivant),  au  milieu  desquels  on  rencontre  l'admi- 
rable Todtenkranz,  élégie  avec  chœur  sur  la  mort 
d'un  enfant;  1  recueil  de  cantates  pour  une  voix  avec 
orchestre;  enfin  des  divertissements  dramatiques  pour 
l'Opéra  de  Dessau  :  Pyrame  et  Tisbé,  Enkle  et  Yariko, 
ïirylas  et  Lalage,  une  opérette  allemande  :  Le  Lundi 
6ie«(1777l,denombreusescantate3de  fête  et  d'église. 

La  revue  Die  Musik,  du  l"'  mars  1913  et  passim, 
a  donné  d'intéressants  articles  du  D''  Erich  Phiever, 
de  Bonn.  Ce  dernier,  érudit  musicologue,  a  publié 
en  brochure  des  études  critiques  sur  F.-VV.  Uust. 

Paesiello  ou  Paisiello  (Giovanni),  né  à  Tarenfe  ea 
1741,  mort  à  Naples  en  1815.  A  ses  nombreuses  œu- 
vres dramatiques,  environ  94  opéras,  il  faut  ajouter 
un  uralorio,  une  quarantaine  de  messes,  2  Te  ùeuin, 
une  soixantaine  àëmotels,  un  Requiem,  12 symphonies, 
des  concertos,  sonates  et  caprices  pour  piano.  On  dit 
que  son  caractère  était  loin  d'égaler  son,  talent,  et 
qu'il  s'efforça  d'entraver  les  débuts  de  Uossini.  11  fut 
membre  de  l'Institut  en  1809. 

BoccHERiNi  (Luigi),  compositeur  et  violoncelliste 
italien,  né  àLucques  en  1743,  mort  à  Madrid  en  1805. 
Il  étudia  la  composition  à  Rome,  puis  alla  à  Paris, 
où  il  composa  un  recueil  de  trios,  un  autre  de  qua- 
tuors et  un  de  sonates  pour  piano  et  violon.  11  mourut 
presque  sans  ressources,  après  avoir  eu  la  douleur 
de  perdre  sa  femme  et  ses  deux  filles.  Son  œuvre  est 
considérable  (366  œuvres  de  musique  de  chambre  et 
tO  symphonies),  originale,  toute  de  grâce;  elle  com- 
prend des  sonates,  des  duos,  des  trios,  des  q.u-atuors, 
des  quintettes,  des  se.rtuors,  des  symphonies,  des  mo- 
tets, une  messe,  des  menuets  dont  un  célèbre,  etc.  Son 
style  rappelle  beaucoup  celui  de  Haydn,  son  célèboe 
contemporain. 

Glembnti  (Muzio),  né  à  Rome  en  1752,  et  mort  à 
Londres  en  1832.  C'est  bien  lui  qui  édifia  les  bases 
de  l'enseignement  du  piano.  Ses  premières  années 
vécues  en  Italie  lui  conférèrent  le  style  mélodique 
de  l'Ecole  italienne,  mais  ses  études  avec  les  grands 


2088 


ENCYCLOFÈDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


maîtres  de  l'Ecole  allemande,  Bach  et  Hakndel, 
solidifièrent  sa  science  musicale.  II  composa  de 
très  belles  sonates,  des  fugues,  caprices,  sonatines 
et  le  très  connu  Chemin  du  Parnasse,  le  Gradtis  ad 
Parnassien  ou  l'art  de  jouer  du  Piano-Forte,  démontré 
par  des  exercices  dans  le  style  sévère  et  dans  le  style 
élégant,  composé  et  dédié  à  M™=  la  princesse  Wol- 
konsky  par  Muzio  Clementi,  membre  de  rAcadémie 
lioyaledeSkockholm  ;  recueil  de  lOOpièces,  intitulées: 
Exercices,  et  comprenant  des  morceaux  de  tous  gen- 
res, y  compris  des  fugues.  Ces  études  intéressant 
tout  le  mécanisme:  indépendance  des  doigis,  exécu- 
tion des  diverses  difllcultés,  gammes,  arpèges,  dou- 
bles notes,  etc.,  étant  bien  travaillées,  enliainent  un 
progrès  sensible.  Le  monument  pédagogique  est  ici 
commencé  magistralement.  En  plus  de  ses  sonates,  au 
nombre  de  cent  six,  que  Beethoven  préférait  à  celles 
de  iMozART,  il  a  composé  divers  morceaux,  deux 
symphonies.  Il  a  publié,  en  quatre  volumes,  une  col- 
lection superbe  de  pièces  choisies  d'orgue  et  de  cla- 
vecin des  plus  grands  maîtres. 

IJès  l'âge  de  neuf  ans,  il  obtenait  au  concours  une 
place  d'organiste.  Il  avait  quatorze  ans  lorsqu'un  An- 
glais voyageant  en  Italie,  émerveillé  par  son  talent  sur 
le  clavecin,  l'emmena  en  Angleterre,  où  il  acquit  une 
grande  réputation,  et  fut,  parla  suite,  accompagna- 
teur de  l'Opéra  Italien.  Il  composait  et  enseignait, 
lorsqu'une  banqueroute  lui  fil  perdre  une  somme 
considérable;  c'est  à  cette  époque  qu'il  fonda  une 
maison  de  commerce  de  musique  et  de  fabrication 
de  pianos  qui  fut  rapidement  prospère. 

A  mbroise  Thomas,  qui  l'avait  en  tendu  dans  sa  prime 
jeunesse  et  qui  jouait  lui-même  du  piano  avec  une 
pureté  et  un  cbarme  exquis,  nous  a  répété  souvent, 
dit  A.  DuvERNOY,  qu'il  n'avait  jamais  connu  un  méca- 
nisme plus  complet  que  celui  de  Clementi.  Pour  Cle- 
menti, il  n'y  avait  pas  de  difficultés.  Tout  lui  était  aisé. 
Sa  tenue,  au  piano,  était  parfaite,  impeccable  de 
mesure,  immobile  de  main;  seuls,  ses  doigts  bien 
arrondis  agissaient  et  rendaient  avec  une  n  etteté,  une 
clarté  incomparables  les  traits  les  plus  compliqués.  Il 
possédaitaussi  une  belle  sonorité,  et  cherchait  dans 
son  jeu  à  imiter  l'orchestre,  comme  il  le  disait.  Il 
va  de  soi  qu'il  connaissait  à  fond  le  maniement  et 
les  ressources  des  pédales  et  qu'il  s'en  servait  avec 
sobriété.  Bref,  c'était  le  digne  chef  de  cette  belle 
école  de  piano  dont  se  réclamaient  les  virtuoses 
fameux  du  siècle  qui  vient  de  finir! 

Amédée  Méreaux  dit  que  Clementi  consacrait  huit 
heures  par  jour  au  clavecin,  et  que  si  un  jour  ce  chiffre 
d'heures  n'avait  pu  être  atteint,  le  lendemain  le  dé- 
ficit était  comblé. 

RuBi.NSTEiN  le  nomme  :  c<  le  père  de  la  nouvelle  vir- 
tuosité. »  11  ajoute  :  n  Clementi,  le  premier  repré- 
sentant de  la  pédagogie  pour  piano,  reste  pour  nous 
jusqu'à  ce  jour,  avec  son  Gradus  ad  Parnassum,  le 
hieilieur  guide  du  virtuose'.  » 

Kalkbrenner  (Chrétien),  né  à  Minden  en  1755,  mort 
à  Paris  en  1806,  pianiste  et  compositeur,  fut  chef 
de  chant  à  l'Opéra  de  Paris,  où  il  fit  représenter  '• 
Oli/mpii  (1798)  ;  La  Descente  des  Français  en  Angleterre 
(171(8);  Saiil,  oratorio  (1805),  et  lu' Prise  de  Jéricho, 
oratorio  (1805);  Don  Juàn,  travestissement  du  chef- 
d'o^uvre  de  Mozart;  le  Mort  par  spéculation  (1800). 
Il  écrivit  aussi  Œnone,  et,  pour  le  prince  Henri  de 
Prusse,  plusieurs  opéras  français  :  La  Veuve  du  Ma- 
labar, Démocrite,  les  Femmes  et  'le  secret,  Lanassa, 


1.    KUCINSTEI.^,  loco  cil.,  p.    ^1. 


deux  scènes  lyriques  :  Pygiiialion  et  Ossian,  et  un 
chant  funèbre  pour  la  mort  du  général  Hoche  (1797). 
Il  publia  aussi  un  recueil  de  romances  d'Estelle 
(de  Florian),  et  trois  suites  de  sonates  pour  piano  el 
violon  ainsi  qu'une  Histoire  de  la  musique  (1802). 

Il  fut  le  père  de  Frédéric-Guillaume  Kalkbrenner 
(I784-1849i,  le  très  distingué  pianiste  (voirplusloin). 
Mozart  (Wolfgang-Amédée),  fils  de  Johann-Geor- 
ges-Léopold,  né  à  Salzbourg  en  1756,  et  mort  à 
Vienne  en  1791.  Cet  admirable  artiste  mourut  dans 
un  état  presque  voisin  de  la  misère  et  fut  enterré 
dans  la  fosse  commune.  Le  nombre  de  ses  ouvrages 
est  de  six  cent  vingt-six.  Il  aborda  tous  les  genres  : 
composition  dramatique,  religieuse,  sympbonique, 
oratorio,  musique  de  chambre,  lieder,  cantates.  Il 
laissa  une  inépuisable  collection  de  pièces  pour 
piano  :  Sonates,  Fantaisies,  Airs  variés,  etc.  Il  joua 
du  violon,  du  clavecin,  du  piano-forte,  de  l'orgue  et 
remporta  de  grands  succès  comme  compositeur  et 
comme  virtuose. 

En  1767  (âgé  de  onze  ans),  il  composa  deux  petits 
opéras  :  La  Finta  simplice  et  Bnslien  et  Bastienne. 
Puis  :  Mithridule,  re  di  Ponio,  des  messes,  des  ora- 
torios. Parmi  ses  œuvres  pour  le  théâtre,  les  plus 
renommées  sont  :  L'Enlèvement  au  sérail,  opéra- 
comique  (1781),  Les  Noces  de  Figaro  (1785),  Don 
Juan  (1787),  Cosi  fan  lutte  (1790),  La  Clémnwede  Ti- 
tus (1791),  La  Flûte  Enchantée  (1791). 

Mozart  est  le  musicien  dont  le  nom  est  le  plus 
connu.  Il  est  une  des  colonnes  du  grand  édifice  de 
l'Art  musical. 

Adam  (Jean-Louis),  né  le  3  décembre  1758  à  Miit- 
tersholtz,  enJAIsace,  dans  le  département  du  Bas- 
Rhin,  mort  en  1848,  â  Paris,  fut  peut-être  considéré 
comme  un  des  premiers  maîtres  de  l'Ecole  française 
du  piano.  Comme  professeur  au  Conservatoire,  de 
1797  à  1842,  il  forma  nombre  d'élèves  remarquables, 
parmi  lesquels  il  faut  citer  :  son  fils,  Adolphe-Charles 
Adam,  l'auteur  du  Chalet,  de  Si  j'étais  roi,  du  Postillon 
de  Longjumeau  ;  HtnoLO,  l'auteur  de  ZrtHipa  et  du  Pré 
aux  Clercs;  Frédéric  Kalkbrenner  (voir  plus  loin), 
et  M"'  Massart,  qui  devint  un  des  plus  renommés 
professeurs  du  Conservatoire. 

Jean-Louis  Adam  a  publié  une  grande  quantité  de 
sonates  et  d'airs  variés,  des  romances  nombreuses  et 
deuxouvrages  d'enseignement:  1°  Méthode  ou  principe 
général  du  doigté  (avec  Lachmith);  2"  Méthode  nouvelle 
pour  le  Piano. 

Dussek  (Jean-Louis),  né  à  Czaziau  (Bohême)  en 
1791,  mort  à  Saint-Germain-en-Laye  en  1812,  est  le 
fils  d'un  organiste.  Il  fullélèvedes  Jésuites,  organiste 
a  Malines,àBerg  op  Zoom  et  professeur  du  Stalhou- 
derde  la  Haye.  Après  avoir  beaucoup  voyagé,  donnant 
des  concerts,  comme  pianiste  et  compositeur,  à 
Berlin,  Saint-Pétersbourg,  Paris,  Milan  et  enfin  à 
Londres,  il  s'installa  dans  cetti'  dernière  ville  et  y 
fonda  un  commerce  de  musique  qui  fut  désastreux 
et  l'obligea  à  fuir  ses  créanciers.  Il  s'en  alla  d'abord 
à  Hambourg,  puis  au  Danemark  et  enfin  à  Paris,  en 
1808,  où  il  dirigea  les  concerts  du  prince  de  Talley- 
rand.  Il  devint  si  gros,  durant  ses  dernières  années, 
qu'il  ne  quittait  presque  plus  le  lit.  Pour  vaincre 
celle  torpeur,  il  absorba  de  nombreux  stimulants 
de  tous  genres  qui  entraînèrent  sa  mort.  Il  fut  très 
remarqué  comme  pianiste  au  style  ample  et  au  jeu 
délicat.  Ses  compositions  eurent  une  grande  vogue, 
méritée  du  reste.  Parmi  ses  œuvres,  douze  concertos 
et  cent  quarante-deux  sonates  pour  piano  seul  ou 
accompagné,  des  trios,  des  quntujrs,  des  quintettes, 


TECHNIQUE.  EsriIÈTlQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    2089 


des  fantaisies,  des  airs  variés,  elc.  11  composa  jilu- 
sieurs  oratorios  allemands,  deux  opéras  joués  en 
Angleterre,  mais  sans  succès,  une  Messe  solennelle  et 
enlin  une  Grande  Méthode  de  piano.  Il  eut  un  frère  : 
l'rançois- Benoit  Dusses,  né  à  Czaslau  en  1766,égale- 
nieiil  talentueux  comme  organiste,  violoniste,  maître 
de  chapelle. 

Actuellement,  enjoué  encore  fréquemment  la  mu- 
si([iie  de  Jean-Louis  Dussek,  particulièrement  des 
sonates,  des  sonatines,  des  rondos  et  variations.  La 
Canzonetta,  Les  Adieux,  La  Matinée,  etc.,  sont  au 
répertoire  des  jeunes  pianistes. 

Steibklt  (Daniel!,  né  à  Berlin  en  1765,  mort  à  Saint- 
Pétersbourg  en  1823,  élève  de  Kirnbergf.r  (composi- 
teur et  théoricien  allemand,  1721-1837).  Quoique  la 
musique  de  Steuielt  mérite  plus  d'attention  que 
celle  qu'on  lui  accorde  aujourd'hui,  on  a  peine  à 
comprendre  par  suite  de  quelle  aberration  le  public 
viennois,  en  1799,  l'opposait  à  celle  de  Beethoven! 

Il  composa  pour  le  piano  :  quarante-six  sonates, 
sept  concerts,  de  la  musique  de  chambre,  parfois  d'une 
réelle  valeur,  et  remporta  de  grands  succès  comme 
virtuose.  Il  fut  l'introducteur  en  France  (sinon  l'inven- 
teur) du  genre  Fantaisie —  pot-pourri  —  sur  des  mo- 
tifs d'opéras,  genre  heureusement  tombé  en  désué- 
tude. Illit  jouer  à  Paris,  au  théâtre  Feydeau,  en  1793, 
Roméo  et  Juliette,  opéra  en  trois  actes,  qui  obtint  un 
succès  éclatant.  La  grossièreté  de  son  caractère  l'obli- 
gea, en  1798,  à  fuir  Paris.  Il  voyagea  en  .Angleterre,  en 
Allemagne,  où  il  entra  en  lutte  avec  Beethoven,  puis 
revint  à  Paris  pour  faire  représenter  à  l'Opéra  une 
traduction  de  la  Création  de  Haydn  et  un  ballet,  le  Re- 
tour de  Zéphir,  dont  il  était  l'auteur  de  la  musique.  A 
Londres,  ensuite,  il  fit  jouer  deux  ballets  :  la  Belle 
Laitière  et  le  Jugement  de  Paris.  De  retour  à  Paris, 
il  donna  à  l'Opéra  un  intermède  de  circonstance, 
Austerlitz,  puis  partit  pour  la  liussie,  où  il  obtint  la 
succession  de  Boieldiel'  comme  directeur  de  la  mu- 
sique à  l'Opérade  Saint-Pétersbourg.  II  fit  représenter 
dans  cette  ville  :  Sargines,  Cendrillon  et  la  Princesse 
de  Babylone. 

Beethoven  (Ludvig  Van),  né  à  Bonn,  le  16  décembre 
1770,  mort  à  Vienne,  le  2G  mars  1827. 

.^'existerait-il  que  les  sonates  de  Beethoven  pour 
le  piano,  que  l'élude  de  cet  instrument  mériterait  les 
elforts  de  toute  la  vie.  Beethoven,  musicien,  penseur, 
artiste,  composa  trente-deux  sonates  pour  le  piano. 
Cette  musique  dépasse  la  musique;  elle  est  le  plus 
merveilleux  moyen  d'exprimer  l'inexprimable,  elle 
est  le  langage  de  l'Etre  à  l'Etre.  Beethoven  arracha 
dans  l'immensité  un  bouquet  de  vibrations;  il  les 
ordonna  de  telle  sorte  que,  par  leur  impalpable  ma- 
nifestation, l'Esprit  touche  l'Esprit.  Il  est  puéril  de 
chercher  ce  qu'exprime  une  sonate.  Il  faut  la  subir. 
Soyons  l'organisme  vivant  et  vibrant  qui  recueille 
l'harmonie  de  ces  ondes,  nos  blessures,  de  joie,  de 
douleur,  d'inquiétude,  toutes  nos  cellules  seront 
atteintes,  mordues  et  pansées.  Ne  cherchons  pas  si 
c'est  un  accord,  une  harmonie,  une  mélodie  qui  nous 
fait  vibrer,  Beethoven  est  un  Titan,  la  musique  son 
moyen.  Elle  est  la  plus  ardente  prière  de  l'incroyant, 
un  torrent  qui  passe  avec  fracas,  la  petite  source 
murmurante,  le  feu  qui  dévore  et  qui  purifie. 

Beethoven  est  le  plus  imposant  «  phénomène  » 
que  la  nature  ait  produit.  Son  œuvre  pour  piano  est 
immense  par  le  nombre  et  par  la  valeur. 

Le  catalogue  des  œuvres  de  Beethoven  est  donné  de 
façon  très  complète  dans  La  Jeunesse  de  Beethoven  par 
J.-S.  Phod'homme  (Delagrave,  édit.).  On  compte  plus 


lie  cent  trente-cinq  compositions  (celles  de  jeunesse, 
non  numérotées)  écrites  avant  l'op.  20  (1800).  Le  re- 
marquable ouvrage  Les  Symphonies  de  Beethoven,  éga- 
lement par  J.-G.  Prod'homme  (édit.  Delagrave),  donne 
la  liste  des  œuvres  de  Beethoven  de  1800  à  1827. 

Disons  donc  seulement  ici  que  l'ensemble  de  ses 
productions  comprend  : 

Pour  le  piano  :  trente-huit  sonates,  si  nous  y  adjoi- 
gnons les  sonatines;  fantaisies,  op.  77;  variations, 
vingt  et  un  motifs;  bagatelles,  rondos,  préludes,  seize 
pièces  ;  danses,  treize  cahiers;  Quatre-mains,  quatre 
pièces. 

Chant  avec  accompagnement  de  piano,  cent  pièces, 
dont  V Adélaïde,  poèmes  à  la  Bien-Aimée  lointaine; 
avec  accompagnement  d'orchestre,  six  pièces; 

Piano  et  violon,  dix  sonates  ;  piano  et  violon  ou  vio- 
loncelle. Variations,  quatre  motifs;  piano  et  violon  ou 
jlntc,  seize  pièces  ;  piano  et  violoncelle,  cinq  sonates; 
piano  et  cor,  une  sonate;  trios  de  piano,  dix  et  deux 
motifs  variés  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  dont 
l'un  original;  Quatuors,  seize. 

Quintettes  pour  instruments  à  cordes,  deux  et  une 
fugue  pour  deux  violons,  deux  altos  et  violoncelles. 
Quintette  pour  instruments  à  vent,  un,  op.  16.  Sex- 
tuors, deux,  op.  71  et  81.  Septuor,  un,  op.  20.  Oc- 
tuors, deux,  piano  et  orchestre,  rondo.  —  Fantaisie 
pour  piano,  orchestre  et  chœurs.  Concertos  pour 
piano,  cinq;  pour  violon,  trois;  pour  piano,  violon  et 
violoncelle,  un.  Pièces  symphonigues,  marches  à 
^iiand  OTchesire  ;  ouvertures,  onze;  symphonies,  neuf; 
nintales,  deux;  ballet,  un,  Prométhée  ;  opéra,  un,  Fi- 
delio;  oratorios,  un.  Le  Christ  au  jardin  des  Oliviers; 
messes,  deux,  dont  la  gigantesque  Messe  en  ré. 

Enfin,  les  ouvertures  du  Roi  Etienne,  d'Egmont  et  de 
Coriolan. 

L'éditeur  Joseph  Williams,  à  Londres,  a  publié  une 
belle  édition  des  trente-deux  sonates  avec  analyse 
et  doigtés  par  Slewart  Macphebson. 

Georges  Sporck  a  aussi  publié  une  édition  des  so- 
nates avec  analyse  et  annotations. 

On  écrivit  de  nombreux  volumes  sur  Beethoven, 
dans  toutes  les  langues,  près  de  deuxcents  ouvrages. 
On  trouvera  une  bibliographie  en  citant  environ 
cent  soixante-dix,  dans  Beethoven  et  ses  trois  styles, 
de  \V.  de  Lenz;  dans  Beethoven  par  Jean  Chanta- 
voiNE  (Alcan  édit.). 

Cramer  (Jean-Baptiste),  né  à  Mannheim  en  1771, 
mort  à  Kensington  en  1858,  fils  aîné  de  \Villielm  Cra- 
mer, violoniste  de  premier  ordre  et  compositeur,  dont 
le  père  Jacques  Cramer  (1703-1770)  était  également 
musicien  ;  fiûtisie  habile. 

Jean-Baptiste,  fils  et  petit-fils  des  précédents,  se 
faisait  entendre  en  publie  dès  l'âge  de  treize  ans  ;  sa 
renommée,  comme  pianiste,  devint  européenne.  Il 
joua  en  Italie,  en  Autiiche,  en  Allemagne,  en  An- 
i;leterre,  où  il  enseigna,  tout  en  s'occupantde  compo- 
silion.  Il  se  fixa  à  Paris  de  1832  à  1845,  puis  retourna 
en  Angleterre. 

Il  composa  cent  cinq  sonates,  sept  concertos,  deux 
ivcueils  de  nocturnes,  deux  suites  d'études,  quantité 
de  morceaux  de  genre  pour  piano,  plus  des  duos,  un 
(luintette  et  un  quatuor  pour  piano  et  instruments  à 
cordes,  et  enfin  une  grande  Méthode  de  piano.  Ses 
o'uvres  sont  encore  très  appréciées  :  ses  études, 
principalement,  sont  considérées  comme  des  chefs- 
d'ieuvre  en  leur  genre. 

BoïELDiEU  (François-Adrien),  né  à  Rouen  en  1773, 
mort  à  Jarcy  en  1834,  mérite  en  cet  article  une  place 
prépondérante,  car  il  est  un  des  premiers  maîtres 


2OT0 


ENCrCLOPÈDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


de  l'Ecole  fi'aiiçaise  du  piano.  L'hulilat  National  de 
musique  (appelé  plus  tard  Conservatoire  de  Musique, 
créé  par  la  Convention  nationale,  le  8  nov.  1793^)  eut 
comme  professeurs  à  son  début  :  Boïeldieu,  Pbadher 
et  Louis  Adam. 

Les  études  musicales  de  Boïeldieu  commencèrent 
sous  la  direction  d'un  excellent  artiste.  Broche,  or- 
ganiste de  la  cathédrale  de  Rouen,  qui  avait  étudié 
en  Italie. 

Boïeldieu  écrivit  presque  uniquement  pour  le 
théâtre,  sauf  quelques  mélodies  et  pièces  instrumen- 
tales tomliées  aujourd'hui  dans  l'oubli. 

En  1793,  son  premier  opéra-comique,  La  Fille 
coupable,  dont  le  livret  lui  fut  fourni  par  son  père, 
était  donné  à  Rouen,  au  Théâtre  des  Arts,  et  obtenait 
un  vif  succès.  Hoaalie  et  ilyrza  (1793)  fut  aussi  bien 
accueilli.  C'est  alors  que  Boïeldieu  revint  à  Paris. 
Accueilli  dans  la  nwison  Erard,  il  s'y  lia  avec 
Kreutzer,  Cuerubini,  Méiiul,  Jadin,  G.\rat,  Rode,  La- 
mare,  etc.  C'est  à  cette  époque  qu'il  écrivit  ses  phis 
jolies  mélodies,  ainsi  que  plusieurs  morceaux  pour 
piano:  vinrent  ensuite  de  petits  ouvrages  en  un 
acte  :  La  Famille  suisse  et  L'Heureuse  Nouvelle  (1797), 
Le  Pari  (1797),  Zoraïme  et  Zulnare,  La  Dot  de  'luzcllc 
(1798),  Les  Méprises  espagnoles  (1799).  Reprenant  son 
éducation  musicale  avec  Cherubini,  il  écrit  avec  ce 
maître  :  Emma  ou  la  Prisonnière  (1799),  Benioirski 
(1800),  Le  Calife  de  Bagdad. 

HuMMEL  (Jean-Népomucène)  naquit  à  Presbourg,  le 
14  novembre  1778,  et  mourut  à  Weimar,  le  17  octo- 
bre 1897.  Il  reçut  des  leçons  de  Mozart  dès  l'Age  de 
sept  ans,  étudia  la  composition  avec  Aluiif.ohtsber- 
GER,  qui  compta  Beethoven  parmi  ses  élèves,  puis 
avec  Salieri,  compositeur  italien.  Il  fut  grand  admi- 
rateur de  Clementi  . 

«  La  régularité  de  plan  dans  l'agencement  des 
éléments  qui  forment  ses  morceaux,  la  richesse  du 
style  et  l'élégance  des  traits  font,  des  œuvres  de  ce 
maître,  une  source  précieuse  d'enseignement  solide 
à  laquelle  toute  école  de  piano  pourra  toujours  puiser 
avec  profit,  »  nous  dit  Paul  Roug.non';  et  plus  loin  : 
u  Hlîhuel,  disciple  de  Mozart,  admirateur  de  Haydn, 
était  un  classique  d'une  imagination  poétiquement 
douce,  mais  toujours  réguLièFe.  Il  écrivait  dans  un 
esprit  de  soumission  complète  aux  règles  et  aux 
principes  de  l'art.  Au  contraire,  la  nature  indépen- 
dante et  impétueuse  de  Beethoven  l'entraînail  au 
delà  des  limites  prescrites.  »  Malgré  ces  dill'érences, 
des  livalilés  de  succès  entraînèrent  des  altercations 
entre  ces  deux  artistes.  Huumel,  apprenanllamaladie 
de  Beethoven  (1827),  coxirut  se  réconcilier  avec  lui. 
Comme  exéculant,  Hummel  a  transformé  l'école 
pianistique  en  Allemagne.  Il  fut  improvisateur  de 
premier  ordre. 

Il  composa  comme  œuvres  maîtresses  :  sa  gi'ande 
Méthode  de  piano,  des  études,  des  sonates,  celle  en 
mi  bémol  particulièrement,  la  Delln  Capricciosa,  fan- 
taisie dédiée  à  M"""  Pleyel.  Ces  difTérentes œuvres  mé- 
ritent d'être  travaillées  avec  soin  par  tous  les  élèves. 
Il  composa  aussi  des  opéras  :  Lk  Vicunte  d'Amorc, 
Mathil'de  de  Guise,  Maison  à  vendre.  Le  Betour  de  l'Em- 
pereur; deux  cantates  avec  chieurs  et  orchestre.  Eloge 
de  l'amitié  et  Diana  ed  Endimione:  plusieurs  ballets, 
Hélène  et  Paris,  Sapho  de  Milylène,  Le  Tableau  par- 
lant, L'AnneatM  magique,  Le  Combat  magique;  trois 
messes,  deux  motels,  des  oureriures,  conaertos,  sep- 
tuors, quatuors,  trios,  etc. 


t.  Piano  et  pianktes,  \).  II. 


Pradher  (Louis-Barthélemy),  compositeur  et  pia- 
niste, né  à  Paris  en  1781,  mort  à  Giay  en  18i:i. 

A  vingt  ans,  il  quitta  le  Conservatoire  pour  épouser 
la  fille  de  Philidor.  Il  fut  nommé  ensuite  professeur 
de  piano  (1802),  puis  appartint,  comme  accompagna- 
teur, à  la  Chapelle  de  Louis  XVIII  el  de  Charles  X; 
fut  directeur  du  Conservatoire  de  Toulouse,  enfin  se 
retira  définitivement  à  (îray.  Sa  seconde  femme, 
FélicieMoRE,  née  h.  Carcassonne  en  1800,  moi-le  en 
187o,  cantatrice  renommée,  fut  de  l'Opéra-Comique. 
Le  premier  ouvrage  de  Pradher,  Le  Voisinage,  com- 
posé avec  quelques-uns  de  ses  camarades  du  Con- 
servatoire, fut  représenté  au  ThéAtre  Kavart  en  1800 
Pradher  fit  représenter  à  l'Opéra-Comique  :  Le 
Chevalier  d'Industrie  (1884),  La  Folie  musicale  ou  le 
Qkantew  prisonnier  (1807),  Jeane  et  vieille  (1811), 
L'Emprunt  secret  (1812);  Les  Enlèvements  impromp' 
tus  (1824);  Jenny  la  bouquetière  (182r)). 

FiELD  (John),  né  à  Dublin  en  1782,  mort  à  Moscou 
en  1837.  Il  fut  l'élève  de  Clemekti  et  l'invealieur  de 
charmante  pièces  nommées  Nocturnes;  il  en  composa 
dis-huit  qui  jouirent  d'un  légitime  succès.  Les  ro- 
mances de  Mendelssohn,  et  surtout  les  nocturnes  de 
Chopin,  tirent  oublier  les  œuvres  du  même  genre  dont 
FiELD  était  le  ci-éateur. 

Excellent  pianiste,  au  jeu  souple  et  élégant,  la  na- 
ture de  ce  talent  se  relléta  dans  ses  compositions; 
sonates,  rondeaux,  fantaisies,  morceaux  de  genre,  et 
enfin  conaertos  de  piano  aux  mélodies  gracieuses  et 
aux  traits  brillants. 

Il  fut  certainement  le  plus  célèbre  pianiste  anglais, 
irlandais  devrions-nous  dire;  malgré  ses  origines,  il 
se  rattache  presque  autant  à  l'Kcole  italienne  qu'à 
l'Ecole  allemande. 

AuBER  (Oaniêl-François-Esprit),  né  à  Caen  eMl782, 
mort  à  Paris  en  1871. 

Elève  de  Ladurner  pour  le  piano  et  de  Cheruiuni  pour 
lacompositioii.  Il  remplaça  Gossecù  l'Institut  en  1S29. 
En  1830,  directeurdes Concerts  delà  cour  et  directeur 
du  Conservatoire  succédant  àCHERURixi  de  1842 à  1871  ; 
il  meurt  pendant  la  Commune. 

Comme  son  librettiste  Scribe,  il  fut  extrêmement 
fécond.  On  retrouve  dans  toutes  ses  œuvres  lesmêmes 
procédés,  les  mêmes  combinaisons.  Ce  sont  des  traits 
d'esprit  en  musique,  de  petits  airs  enjoués  et  faciles, 
la  grâce  et  la  distinction  n'y  sont  jamais  absentes. 
Une  fois  pourtant,  il  modifia  ses  habituels  procédés  : 
ce  fut  en  écrivant  La  Muette  de  Porlici,  où  l'on  trouve 
un  entrain,  un  enthousiasme  extnaordinaires  et  une 
chaleur  italienne.  Cette  pièce  fut  jouée  à  l'Académie 
de  Musique  Je  Paris  en  1828,  et  sa  voj^ue  devint 
européenne.  Le  duo  «  Amour  sacré  de  la  Patrie  »  à 
fut,  à  Bruxelles,  le  signal  de  la  Révolution  !l830).  "l 

AuBBR  commença  par  composer  des  quatuors,  di- 
vers essais  lyriques,  des  concertos  pour  basse;  puis 
un  concerto  pour  violon,  joué  au  Conservatoire,  attira 
l'attention  sur  lui.  C'est  à  cette  époque  qu'il  fut  re- 
marqué par  Cuerubini,  avec  lequel  il  refit  ses  études 
musicales.  Il  débuta  au  théâtre  avec  un  opéra  en  un 
acte  :  Le  Séjour  militaire  (1813).  Divers  morceaux  de 
musique  religieuse,  parmi  lesquels  Y Agniis  l)ei,  qui 
devint  plus  tard  la  prière  de  La  Muette,  précédèrent, 
en  1819,  les  opéras-comiques  :  Le  Testament  et  les 
Billets  doux-,  La  Bergère  châtelaine,  qui  commencèrent 
une  série  de  succès  ;  Emma  ou  la  promesse  imprudente 
(1821);  Leirester  (1823),  premier  ouvrage  écrit  en 
collaiboralion  avec  Scribe,  La  Xeige  (1824)  ;  Le  Concert 
Il  la  Cour,  Léocailie  (1824)  ;  Le  Maron.  (18251  ;  Le  Timide 
et  Fionella  (182o). 


TECIINinUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    209t 


AiiiiKii  avait  Joriné  à  l'Ûpéra,  en  1823,  en  sociétù 
avec  IlÉaoLi),  un  acte  officiel  :  Vendôme  en  Eupanne, 
pour  le  retour  du  duc  d'Angoulême.à  Paris.  Le  Dieu 
et  la  Bayadère,  opéra-ballet  (18.30),  succéda  à  La 
Muette.  Vinrent  ensuite:  Le  Ph'dlre  (1831);  Le  Ser- 
ment (1832)  ;  (iustnvi^  ;|/(1S33);  Le  Lw:  des  Fée^  (1838)  ; 
L'Eiifaut  prodigue  {i8'60);  'lerline  ou  la  corbeille  d'o- 
ranijex  (1831);  Les  Premiers  Pas  ou  les  Deux  Génies, 
avec  IIalévv,  Carafa  et  Adam.  Il  remportait  en  m<?me 
temps  une  série  de  succès  à  l'Opéra-Coniique,  scène 
plus  en  rapport  avec  son  genre,  très  à  la  mode  à 
cette  époque;  il  donnait:  La  Fiancée  (1820);  Fra 
Diavolo  (1830);  La  Marquise  de  Brinvilliers,  en  société 
avec  Bato.n,  Cueuudini,  Paér,  Blangim,  Hérold,  Ca- 
rafa, etc.,  neuf  compositeurs  !  Lestoc  (1834);  Le  Cheval 
de  Bronze  (1833),  donné  par  la  suite  à  l'Opéra;  Actéon, 
Les  Chaperons  blancs,  V Ambassadrici  (1836);  Le  Do- 
mino iV(jir(1837)  ;  lanelta  (1840)  ;  Les  Diamanls  de  ta 
Couronne  (1841);  Le  Due  d'Ûlonne  (1842)  ;  La  Part  du 
Diable  (1843);  La  Sirètic  (1844);  La  Bnrcarolle{l8't'>]; 
Haydée  (1847);  Marco  Spada  (1853);  Jeanny  Bell 
(185;;);  Manon  L"scaiit  (1856);  La  Fiancée  du  roi  de 
Garbe  (1863);  Le  Premier  Jour  de  bonheur  (iSG'i]  \  el 
enfin  Ri'rcs  d'amour  (1809). 

Un  monument  funéraire  lui  a  été  élevé  au  cime- 
tière du  Père-Lachaise. 

Ries  (Kerdinand),  né  à  Bonn,  le  28  novembre  1784, 
mort  à  Francfort,  le  13  janvier  1838.  «  Elève  de  son 
père  Franz  (1753-1846)  et  de  Romberg,  passa  à  Munich 
en  1801,  puis  à  Vienne  (octobre  1801),  où  il  devait 
être,  avec  l'archiduc  Rodolphe,  le  seul  élève  de 
Beethoven.  Celui-ci  l'attacha  d'abord  comme  pianiste 
à  l'ambassadeur  de  Russie,  comte  Browne,  et  au 
comte  Lichnowsky.  —  Il  vécut  à  StocUolm  (ISOI),  Pé- 
lershourf;  (1810),  Londres  (1813),  se  retira  à  Godes- 
berg,  jirès  Bonn  (1824),  puis  à  Francfort  (1830), où  il 
resta  jusqu'à  sa  mort,  sauf  deux  années  (1834-30) 
passées  à  Ai.\-la-Chapelle,  où  il  fut  appelé  comme 
•chef d'orchestre  de  l'Académie  de  chant'.  i> 

Ries  eut  peu  d'originalité,  plus  de  talent  que  de 
génie,  mais  de  l'élégance  et  du  brillant.  Son  style 
tient  beaucoup  de  Beethoven  et  un  peu  de  Hummel, 
dit  Lavignac-.  —  Il  fut  certes  un  des  artistes  les  plus 
distiniîués  de  son  temps,  aussi  bien  comme  pianiste 
que  comme  compositeur.  On  lui  doit  deux  oratorios, 
ï Adoration  des  Hois  et  le  Triomphe  de  la  foi;  sinsijm. 
phonies  :  ouvertures  de  Don  Carlos  et  de  La  Fiancée  de 
Messine,  La  Fiancée  du  briganl  (1830/,  Liska  ou  la 
sorcière  de  Gellcnstein. 

II  publia,  avec  le  docteur  Wegeler,  un  volume  de 
souvenirs  :  Notic  biographique  sur  Ludwig  Van  Bef.t- 
HOVEM  (1838).  Son  frère  Hubert  (1802-1886)  fut  un  vio- 
loniste distingué. 

Kalkkrenn'er  (Frédéric-Guillaume),  né  à  Cassel  en 
1784,  mort  à  Paris  en  1849,  d'abord  élève  de  son  père, 
Chrétien  Kalrhrent>ier,  compositeur  et  écrivain  (voir 
plus  haut),  puis,  pour  le  piano,  d'Ad.  Adam  au  Conser- 
vatoire de  Paris  où  il  obtint  un  premier  prix,  et  de 
Catel  pour  l'harmonie.  Il  passa  quelques  années  à 
Vienne,  où  il  modifia  son  jeu  dans  le  sens  et  la  manière 
de  Clementi.  Son  talent  était  plein  de  puissance,  d'é- 
clat et  de  distinction.  En  1814,  il  se  fixa  à  Londres,  y 
resta  dix  années,  et  s'associa  avec  Logier  pour  l'ex- 
pioilation  du  Ohiroplaste,  que  celui-ci  venait  d'in- 
venlcr;  c'était  un  «  plateau  en  bois  verni,  sur  lequel 


1.  JeaQ  Chantavuink,  Correspondance  d''  Beethoven,  p,  i'j-y^^  êdit^ 
€almnnn-Lévy. 

2.  La  Musique  el  les  Musiciens,  tdit.  Ch.  Delagrave. 

3.  L'Etude  du  piano  (comment  ré.lliser  un  maximum  lie  progrès  a 


se  trouvaient  neuf  petits  appareils  dilférenls  destinés 
à  assouplir  et  à  écarter  les  doigts^  ». 

Lui-mî-me  inventa  le  «  guide-main,  qui  consiste 
dans  une  double  barre  horizontale  placée  au-dessus 
du  clavier.  Cette  sorte  de  double  règle  s'étend  d'un 
bout  à  l'autre  du  piano  et  maintient  le  poignet  ;i 
une  hauteur  déterminée.  Les  mains,  ainsi  soutenues 
à  une  élévation  arrêtée  par  le  professeur,  peuvent 
parcourir  le  clavier  ou  rester  en  place,  en  laissant 
aux  doigts  toute  leur  liberté  d'action,  et  sans  réagiv 
sur  eux  par  un  mouvement  d'abaissement  devenu 
impossitde*  ». 

Il  entreprit  ensuite  un  voyage  artistique  avec  Dizii 
harpiste,  en  Allemagne  et  en  Autriche. 

De  nouveau  de  retour  à  Paris,  il  s'associa  avec 
Camille  Pleyel.  M™=tPLEyEL  fut  une  de  ses  meilleures 
élèves,  ainsi  que  Stamaty  (voir  ce  nom).  Il  devint  — 
peut-on  dire  —  le  chef  de  l'Ecole  française  de  piano. 

Il  composa  un  grand  nombre  d'oîuvres  :  quatre 
concertos,  une  grande  quantité  de  sonates,  des  ron- 
ileaux,  des  fantaisies,  des  éfwdtfs,  des /'m;/W('.s,  soit  plus 
de  cent  vingt  œuvres  diverses.  Une  Méthode  de  piano 
devenue  célèbre  et  un  Traité  d'harmonie  du  pianiste. 

FÉTis  (François-Joseph),  né  à  Mons  (Rel;;ique)  en 
1784,  mort  à  Bruxelles  en  1871.  Elève,  pour  le  piano, 
de  BoïELDiEu,  au  Conservatoire  de  Paris,  de  Hev,  de  Ca- 
tel etde  Pradher,  pour  l'harmonie  et  la  composition. 
En  1821,  il  est  nommé  professeur  de  contrepoint  et 
fugue  au  même  Conservatoire,  qu'il  abandonne  en 
1833  pour  accepter  la  direction  du  Conservatoire  de 
Bruxelles.  Comme  compositeur,  il  montra  plus  de 
science  que  d'inspiration,  et,  malgré  le  grand  nombre 
de  ses  œuvres,  c'est  surtout  par  ses  écrits  de  musi- 
cographe qu'il  est  resté  célèbre.  Il  est  l'auteur  de  la 
Bioi/raphie  universelle  des  musiciens  (1834  el  1860- 
186.')),  ouvrage  auquel  Arthur  Pouoin  a  ajouté  un  sup- 
plément en  deu.'T  volumes,  et  de  nombreux  ouvrages 
didactiques  et  historiques.  11  a  donné  à  l'Opéra- 
Comique  :  LAmanl  et  le  Mari  (1820);  Les  Sœurs 
jumelles  (1823);  Marie  Stuart  en  Ërossf  (1823);  Le 
Bourqcoisdc  Reims  (1824);  La  Vieille  (1826),  Le  Man- 
nequin de  nergamc  (1832).  H  a  publié  de  la  musique 
religieuse  et  de  la  musique  de  chambre.  La  Méthode 
des  méthodes  de  piano  parut  en  1837. 

Son  Histoire  ijéncrale  de  la  musique  depuis  les  temps 
les  plus  anciens  jusqu'à  nos  jours  est  restée  inachevée, 
sa  mort  étant  survenue  avant  qu'il  l'ait  terminée. 

ZniMERMANN  (Pierre-.lospph-Guillaumei ,  né  et  mort 
à  Paris  (1783-1833).  Fils  d'un  facteur  de  pianos.  IClève 
de  BoiF.LUiEU  au  Conservatoire,  pour  le  piano,  de 
Catel,  pour  l'harmonie,  se  perfectionna  ensuite  sous 
la  direction  de  Cherueini.  Devenu  professeur  de  piano 
au  Conservatoire  en  1817,  il  y  fut  remarquable  et 
forma  un  grand  nombre  d'élèves  dont  les  noms 
devinrent  célèbres  :  Ambroise  Thomas,  C.-V.  Alkajj, 
César  Franck,  Emile  Prude.nt,  Gobia,  Uavina,  Louis 
Lacombe  ,  Lefébure-Welv,  Marmontel  ;  ce  dernier 
devint  son  successeur  en  1848. 

ZiiiMERUANN,  en  plus  d'un  artiste  distingué  ayant 
composé  des  sonates,  des  concertos,  des  rondeaux,  des 
fantaisies  pour  le  piano,  six  recueils  de  romances,  un 
opéra,  L'Enlèvement,  représenté  à  l'Opéra-Comique 
de  Paris  en  1830,  un  grand  opéra,  Sausicaa,  qui  n'a 
pas  été  joué,  fut  aussi  un  écrivain  didactique  de 
valeur. 

Kn  1848,  il  devi?it  inspecteur  des  études  musicales 

l'aitiiî  d'un  niiiUmum  de  travail),  L.-E.  Gratu,  p.  154.  Edil.  Ch.  Dela- 
grave. 

l.  MvRMoNTEt,,  Conseils  d'un  professeur,  p.  07  (Hpugel  '•dit.). 


2092 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


(Conservatoire).  11  publia  aussi  une  MiHhode  élénwn- 
taive  de  piano  et  une  Encyclopédie  du  pianiste. 

BoËLY  (Alekandre-Pierre-François),  né  à  Versailles 
en  1785,  mort  à  Paris  en  1858.  Pianisle,  organiste  et 
composileiir,  élève  de  son  père,  puis  du  Conserva- 
toire, acheva  seul  ses  études  musicales.  Il  tint  durant 
plusieurs  années  rorp;ue  de  Saint-Germain-TAuxer- 
rois  avec  beaucoup  do  talent.  Ses  compositions  pour 
orgue,  piano  et  harmonium  sont,  écrites  dans  un 
style  sévère  et  classique. 

Wëber  (Charles-Marie-Frédéric-Ernest,  baron  de), 
né  k  Eutiri  (duché  de  Holstein)  le  18  décembre  1786, 
mort  à  Londres  en  1S26.  Dans  sa  jeunesse,  il  travailla 
le  dessin  et  la  peinture,  fit  aussi  de  la  lithographie, 
dont  il  perfectionna  le  procédé  inventé  par  Senefel- 
der  (1772-1834).  II  abandonna  de  bonne  heure  pin- 
ceaux etcrayons  pour  se  livrer  uniquement  à  l'étude 
de  la  musique.  Il  suivait  son  père,  directeur  d'une 
troupe  lyrique  nomade. 

Son  maîlre  de  piano  fut  Heuschrel,  pour  le  chant, 
Michel  Haydn  (frère  du  grand  François-Joseph  Haydn, 
voir  plus  haut)',  organiste  et  compositeur  de  valeur, 
Kalchicr  et  l'abbé  Vogler  pour  la  composition.  Ce  der- 
nier, né  à  Wurtzbourg  e:i  1749,  mort  à  Darmstadt 
en  1814,  établit  à  Mannlieim,  en  1775,  une  école  de 
musique  1res  réputée  qui  attira  un  grand  nombre 
d'élèves;  il  inventa  un  orgue  appelé  orchesirion, 
sorte  d'orgue  portatif  à  quatre  claviers. 

Weber  est  le  premier  en  date  et  l'un  des  plus 
grands  compositeurs  allemands  de  l'école  roman- 
tique. R.  Wagner  lui  a  emprunté  une  partie  des  qua- 
lités de  son  orchestration  riche  et  colorée,  avec  em- 
ploi fréquent  des  bois.  Avant  R.  Wagner,  il  demanda 
ses  livrets  d'opéra  au,\  légendes  populaires  alle- 
mandes, à  la  poésie  panthéiste  indo-germanique.  En 
1804,  il  était  chef  d'orchestre  au  théâtre  de  Breslau. 
Deux  ans  plus  tard,  intendant  de  la  musique  du  prince 
Eugène  de  Wurtemberg  et  professeur  de  ses  fils,  puis 
secrétaire  du  prince  Louis  de  Wurtemberg. 

Il  était  connu  comme  excellent  pianisle  à  Berlin  el  à 
Vienne.  Directeur  de  la  musique  de  l'Opéra  allemand 
à  Prague,  en  1813,  il  acquit  une  belle  renommée 
qui  lui  valut  d'être  appelé  à  l'Opéra  royal  de  Dresde. 
C'est  là  qu'il  déploya  toutes  ses  facultés.  Il  fit  repré- 
senter avec  un  éclatant  succès  Le  Freischiitz  (à  Ber- 
lin, 1821),  Preciosa,  Euryanthe  (1823).  Déjà  miné  par 
la  phtisie,  il  Iravaillait  à  la  partition  d'Obéron  sur 
un  livret  qu'on  lui  avait  envoyé  de  Londres,  et  dut 
interrompre  ce  ti'availà  diverses  reprises.  Il  s'en  alla 
diriger  la  mise  en  scène  à  Londres,  passant  par  Paris, 
où  il  fut  accueilli  avec  enthousiasme,  en  1826.  Il 
mourut  dans  cette  dernière  ville,  après  avoir  fait  re- 
présenter Le  Freischutz  et  Obéron,  qui  n'obtinrent  un 
réel  succès  que  beaucoup  plus  tard.  Voici  la  liste  de 
ses  œuvres  :  deux  petits  opéras,  La  Fille  des  Bois 
(1800)  et  Pierre  Schmoll  el  ses  voisins  (1801),  puis  Ru- 
bezahl,  Si/uana,  jolie  œuvre  qui  est  l'amplification  de 
La  Fille  des  Dois,  Lr  Premier  Son  et  Abu-Hassan  (1801), 
Le  Freischiitz  (1821),  Pirciosa,  Euryanthe  (1823),  enfin 
Les  Trois  Pintos,  opéra  qui  ne  fut  représenté  à  Leipzig 
qu'en  1888,  soixante  ans  après  sa  mort. 

Il  composa,  en  outre,  de  nombreuses  œuvres  pour 
le  piano  :  trois  concertos,  le  troisième  porte  le  titre  de 
Concertstiick  ou  le  Retour  du  croisé,  quatre  belles 
sonates,  des  airs  variés,  deux  polonaises,  un  rondo  en 
mi  bémol,  l'Invitation  à  la  valse,  des  alleinandes,  des 
l'cossaises. 

Deux  concertos  pour  clarinette;  un  grand  duo  et 
des  variations  pour  piano  et  clarinette;  un  trio. 


Pour  l'orchestre,  il  éciivil  deux  symphonies,  ouver- 
ture et  marche  pour  Turandot,  La  Jubclouvcriure. 

Pour  le  chant  :  Combat  et  victoire,  cantate;  Lyre  el 
glaive,  cha.nli  de^guerre  sur  des  poésies  de  Théodore 
Kierner;  Nature  el  Amour,  cantate;  Hymne  à  quatre 
voix;  scènes  et  air  pour  Athalie  et  Inès  de  Castro,  des 
messes,  des  chœurs,  des  chansons,  etc. 

Les  pièces  pour  piano,  ainsi  que  toutes  ses  œuvres, 
sont  pleines  de  verve,  de  fougue  et  de  poésie.  L'axé- 
cution  en  est  souvent  malaisée,  sauf  pour  la  clari- 
nette qu'il  semble  préférei'  comme  timbre,  et  qu'il 
sait  merveilleusement  employer.  L'n  de  ses  amis  — 
je  crois  —  était  clarinettiste  de  talent,  et  a  peut-être 
eu  quelque  influence  sur  son  goiit  et  sa  bonne  écri- 
ture pour  cet  instrument. 

Hérold  (Louis-Joseph-Terdinand),  né  et  mort  à 
Paris  (1791-1833).  Elève  de  Fêtis,  pour  le  solfège,  de 
Catel,  pour  l'harmonie,  de  Kreutzer,  pour  le  violon, 
d'Ad.  AuAM,  pour  le  piano,  de  MÉauL,  pour  la  compo- 
sition. Prix  de  Itonie  en  1812,  dit  prix  de  l'Institut. 
Il  mourut  jeune,  à  quarante-cinq  ans,  en  plein  épa- 
nouissement de  son  beau  et  channanl  génie,  et  son 
œuvre,  malgré  sa  vie  relativement  courte,  est  impor- 
tante par  le  nombre  et  la  valeur.  Ses  plus  célèbres 
ouvrages  sont  trois  opéras-comiques  :  Marie  (1826), 
ïam,pa  (1831),  et  le  Pré-aux-Clercs  (1833),  œuvres  de 
grâce,  de  tendresse  et  en  même  temps  vigoureuses  et 
pathétiques. 

H  composa,  en  outre,  avec  Boïeldiel'  :  Charles  de 
/•>anc(;pourrOpéra-Gomique(1816).  Hérold  fut  accom- 
pagnateur au  théâtre  Italien  de  1820  à  1823  environ, 
puis  il  donna  à  l'Opéra-ComiqueiL'' il/»/f<(e(',  dont  le 
succès  fut  complet  (1823).  La  même  aimée,  un  ouvrage 
de  circonstance  :  Vendôme  en  Espagne,  écrit  avec 
Auber,  reçut  du  public  un  bon  accueil.  Devenu  chef 
de  chant  à  l'Opéra,  il  composa  pour  ce  théâtre  une 
série  de  ballets  :  Astolphe  et  Joconde  (1827);  La  Som- 
nambide  (1827);  La  Fille  mal  gardée  (1828);  La  Belle 
au  Bois  dormant  (1829). 

Ajoutons  à  cela  sept  opéras  et  cinq  opéras-comi- 
ques, des  chœurs  pour  un  drame  de  l'Odéon  :  Le 
siège  de  Missolonghi,  La  Marquise  de  Brinvillicrs,  œuvre 
collective  de  dix  compositeurs,  et  un  opéra  inachevé  : 
Ludovic,  terminé  par  Halévv. 

Czerny  (Charles),  né  à  Vienne  en  1791  et  mort  dans 
cette  même  ville  en  1836,  reçut  des  leçons  de  Beet- 
hoven et  en  donna  à  son  neveu  Cari;  il  eut,  comme 
élève  en  piano,  l'extraordinaire  Franz  Liszi,  dont  les 
formidables  dispositions  se  développèrent  sous  sa 
direction,  ce  n'est  pas  là  un  mince  titre  de  gloire  ! 

Citons  aussi  comme  un  de  ses  meilleurs  élèves  le 
Polonais  Sowinski  (1803-1880)  (voir  ce  nom). 

Cliarles  Czer.ny  fut  un  des  plus  grands  maîtres  du 
clavier;  dés  l'âge  de  quatorze  ans,  il  commença  à 
donner  des  leçons;  son  succès  fut  si  rapide  comme 
professeur  que,  malgré  son  rare  talent  de  virtuose, 
il  se  produisit  relativement  peu.  Il  composa  avec  une 
telle  fécondité  qu'on  ne  compte  pas  moins  de  huit 
cent  cinquante  productions  écrites  par  lui  pour  le 
piano.  Il  faut  encore  y  ajouter  sa  Grande  Méthode  de 
piano,  un  Traité  de  composition,  vingt-quatre  Messes 
avec  orchestre,  quatre  Requiem,  trois  cents  graduels, 
motets,  etc.  Son  catalogue  complet  contiendrait  au 
moins  douze  cent  cinquante  numéros  d'œuvres.  Tous 
les  pianistes  connaissent  ces  renommés  exercices 
journaliers,  la  vélocité,  l'art  de  délier  les  doigts,  son 
Ecole  de  la  main  gauche.  Les  compositions  sont  fort 
belles,  bien  inspirées,  offrent  un  réel  intérêt  et  sont 
propres  à  faire  biiller  le  talent  de  l'exécutant. 


TECIISIQllE.  ESTIIÉTIQVE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    2093 


Les  œuvres  d'ensfignenieiit  destinées  à  former  le 
mécanisme  sont  excellentes,  d'une  utilité  incontes- 
table, toutes  recommandables;  il  sera  pourtant  bon 
de  bien  comprendre  ses  conseils,  lorsqu'il  écrit  : 
répéter  vingt  lois,  trente  fois,  ce  qui  est  productif  à 
la  condition  de  varier  chaque  fois  la  manière  de 
jouer  afin  de  mainienir  l'attention,  facteur  essentiel 
au  progrès.  (Voir  plus  haut  Technique  et  pédagogie.) 
Meyeiibeer  (Giacomo),  né  à  Berlin  en  1791,  mort  à 
Paris  en  1864,  de  son  véritable  nom  Liebmann  Reer; 
les  deux  premières  syllabes  furent  ajoutées  en  sou- 
venir et  selon  le  désir  de  son  grand-pére  materne' 
Meyer,  qui  lui  légua,  dans  sa  jeunesse,  et  sous  cette 
condition,  une  fortune  considérable.  Ce  fut  un  grand 
bien  pour  le  talent  de  MEViRiiEEn,  car  il  avait  le  tra- 
vail lent,  surtout  dans  sa  dernière  manière,  et  il  est 
peu  probable  qu'il  fût  parvenu  au  complet  épanouis- 
sement de  son  génie  s'il  avait  été  obligé  de  sacrifier 
du  temps  pour  gagner  de  quoi.subvenir  à  ses  besoins 
d'existence. 

Elève  de  I,al>ka,  puis  deCLEMFNTi,  pour  le  piano,  il 
était  à  l'âge  de  dix-neuf  ans  un  très  habile  pianiste, 
improvisateur  extrêmement  doué,  très  remarqué 
déjà.  Ce  n'est  que  vers  1810  qu'il  fit  ?es  premières 
études  de  composition  à  l'école  de  l'abbé  Vogler,  à 
Darmsiadt;  il  avait  écrit  déjà  bon  nombre  de  mor- 
ceaux de  piano  et  chant,  et  reçu  quelques  leçons  de 
Bernard-Anselme  Weber,  chef  il'orchestre  à  l'Opéra 
de  Berlin.  A  peine  sorti  de  l'école  Vogler,  il  fait 
représenter  son  premier  opéra  à  Munich  :  La  Fille  de 
Jephté  (1813).  La  musique  italienne  jouissant  des 
faveurs  des  Viennois,  Meverbeer  part  pour  l'Italie  où 
RossiNi  recueille  les  plus  grands  succès.  Il  modifie  sa 
manière  un  peu  sévère,  et  fait  représenter  à  Padoue 
son  premier  opéra  italien  :  Boinilda  e  Costanza  (1818). 
Il  remporte  de  brillants  succès  avec  plusieurs  autres 
ouvrages  à  Milan,  Venise,  puis  vient  à  Paris,  écrit,  sur 
un  livret  de  Scribe,  Robert  le  Diable,  qui  obtient  un 
réel  triomphe  à  l'Opéra,  le  22  novembre  1831.  Les 
Huguenots  lui  succèdent  (1836).  Meyeriieer  quitte  la 
France  poui'  l'AUeniagne,  où  il  est  occupé  à  Berliii 
comme  premier  maître  de  la  Chapelle  du  roi.  11 
écrivit  une  grande  cantate  :  La  Festa  nclla  Corle  di 
Ferrara  (1843),  et  un  opéra.  Le  Camp  de  Silesie  (1840); 
ses  belles  marches  aux  llambeaux,  Slruensée,  parti- 
tion pour  le  drame  de  son  frère  Michel  Béer.  Il  revint 
à  Paris  pour  donner  Le  Prophète  (1849),  L'Etoile  du 
Nonl,  jouée  à  l'Opéra-Comique  en  18o4,  Le  Pardon 
de  Ploirmel,  donné  au  mùme  Ihéàtre  en  1839,  et  il 
mourut  avant  d'avoir  vu  représenter  YAfricuine,  qui 
ne  fut  gravée  et  jouée  qu'en  1865. 

En  outre,  Meyerbeer  écrivit  un  oratorio  :  Dieu  dans 
lu  \nulure,  un  monodranie  avec  chœur,  Les  Amours 
de  Ttii'celinde,  un  opéra-comique  en  deux  actes, 
Abimelcck  ou  les  deux  Califes,  sept  autres  opéras, 
sept  cantates  religieuses,  des  hi/mnes,  un  admirable 
recueil  de  quarante  mélodies  françaises,  et  pour  la 
musique  instrumentale,  entre  autres  choses  de 
valeur  :  quatre  marches  aux  flambeaux;  Schiller 
marche,  Marche  du  couronnement,  pour  deux  or- 
chestres, etc. 

Meverreeii  est  le  premier  qui  ait  su  avec  autant 
d'habileté  employer  toutes  les  ressources  de  l'or- 
chestre pour  souligner  les  mouvements  de  la  passion. 
Ses  opéras  furent  une  révélation,  une  porte  ouverte; 
il  fallait  des  artistes  comme  .Meyerbeer  pour  préparer 
l'heure  wagnérienne.  11  fut  un  de  nos  plus  grands 
compositeurs  dramatiques.  L'Institut  l'élut  membre 
associé  en  1834. 


BossiNi  ((iioaccllino),  né  à  Pesaio  (Italie),  en  1792, 
mort  à  Paris  en  1808.  Fils  d'un  pauvre  chanteur  el 
corniste  forain  et  d'une  chanteuse  obscure.  "  Dans  sa 
vieillesse,  il  a  composé  une  quantité  de  pièces  pour 
piano,  que  ses  pianistes  de  prédilection,  Diémer  prin- 
ci|ialement,  faisaient  entendre  chez  lui  à  ses  invités 
du  samedi  '.  » 

C'est  presque  seul  qu'il  apprit  la  musique.  11  jouait 
du  piano  et  se  fit  admettre  au  Lyceo  de  Bologne  en 
1807,  où  il  devint  élève  de  P.  Mattëi.    Leçons  bien 
insuffisantes,  qui  eurent  moins   de  valeur   que  son 
intuition  et  ses  observations.  «  Je  tiens  de  lui-même, 
écrit  Lavignac-,  —  et  il  ne  se  faisait  par  faute  de  le 
répéter,  —  que  c'est  en  mettant  en  partition  les  qua- 
tuors de  Haydn  qu'il  a  appris  l'harmonie.  »  11  avait  à 
peine  dix-huit  ans  lorsqu'il  fit  ses  débuts  à  la  scène, 
en  donnant,  à  Venise,  une  opérette  :  La  CauMalc  di 
matrimonio  (1810).  La  liste  complète  de  ses  opéras 
sérieux  ou  boull'es  est  de  quarante,  dont  nous  ne 
citerons  que  les  principaux  :  L'Inganno  felice  (1812); 
Tanert'de  (1813);  L'Italienne  à  Alger,  qui  le  fit  consi- 
dérer comme  le  premier  compositeur  de  l'Italie; 
LeTurcen  Italie,  bouffe  (.Milan,  1814);  Le  Barbier  de 
S(;t'j//f,  écrit  en  dix-sept  jours  (Borne,  1816);  Othello; 
La  Ceuerentola,  ljouffe(Rome,  1817);  La  Ga:.za  Ladra, 
boutfe  (Milan,  1817);  Mose,  sérieux  (Naples,  1818); 
La  Donna  del  Lago,  sérieux  (.Naples,  1819);  Bianca  e 
FaViero,  sérieux  (Milan,  1&20)  ;  Maometto  II,  sérieux 
(Naples,    1820);    Malilda    di   Sabran,    demi- sérieux 
(Bome,   1821);  Si'miramide^   sérieux  (Venise,   1823). 
Blessé  de  l'accueil  froid  du  public  italien  pour  cette 
œuvre  très  belle,  il   accepte  un  engagement   pour 
Londres,  où  il  donne  avec  grand  succès  et  pendant 
oinq  mois  une  série  de  concerts.  Après  quoi,  il  quitte 
Londres  pour  Paris,  où  il  donne,  entre  autres  œuvres 
remarquables  :  Le  Siège  de  Corinlhe  (arrangement 
pour  la  scène  de  l'Opéra  de  son  Maometto  II)  (1826)  ; 
il  lit  de  même  pour  son  Mose  qui  devint  Moïse  (1827), 
précédé  (1820)  du  Siège  de  Corinlhe;  le  succès  écla- 
tant de  ses  ouvrages  et  aussi  celui  du  Comte  Ortj 
(1828),  qui  était  une  adaplation  de  son   Viaggio  d 
fiet'oîs, l'encouragèrent  à  écrire  enfin  une  de  ses  plus 
belles  œuvres  :  Guillaume  Tell  (1829).  On  y  trouve  la 
plus  splendide  manifestation  de  son  génie,  une  pro- 
digieuse transformation  de  son  style.  Il  ne  voulut 
plus  écrire  ensuite,  redoutant  de  faire  moins  bien. 
Douze   ans   plus  tard,  pourtani,  il  écrivit  un  beau 
Stabat  Mater,  une  Petite  Messe  solennelle,  diverses  com- 
positions, dont  de  nomlireux  morceaux  de  piano, 
mais  plus  rien  pour  le  tlié;itre. 

Définitivement  installé  en  l'rance  depuis  18o3  il 
était  officier  de  la  Légion  d'honneur  depuis  1864, 
et  membre  de  l'Institut,  il  laissa  par  testament  la  plus 
grande  pairie  de  sa  fortune  à  la  Ville  de  Paris,  pour 
la  fondation  d'une  maison  hospitalière  (villa  Bossini), 
en  faveur  des  vieux  musiciens. 

RossiNi  offre  un  des  plus  beaux  exemples  d'éner- 
gie, de  persévérance  et  de  courage  inlassables;  sa 
jeunesse  indigente  eut  à  subir  des  luttes  toujours 
renouvelées,  aboutissant  à  l'opulence  gagnée  enfin 
par  son  travail  et  son  génie. 

Jal'ch  dit  Iauch  (Jean-.Népomucène),  pianiste  et 
compositeur,  né  à  Strasbourg,  le  23  janvier  1793. 
SriNDLER  lui  enseigna  la  composition.  En  1814,  I.\lch 
futnomnié  professeur  à  l'école  normale  primaire  de 
Strasbourg.  Les  élèves   de  cette   école   étaient  au 


1.  L.\\iGNAc,  Musique  et  Mustcien'-,  y.  .ïlJ7. 
i.  Lrco  cit.,  p.  .^06, 


2094 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSJQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


nombre  de  cent  àceiilcinquante  :  le  professeur  établit 
pour  eux  une  tnéthoile  d'enseignement  simultané 
pour  le  piano,  l'harmonie  et  l'accompagnenient  du 
chant  des  cultes  catholique  et  protestant  sur  l'orgue. 
En  1830,  il  ouvrit  dans  la  même  ville  un  cours  de 
piano  simultané,  divisé  en  huit  degrés  de  force,  dont 
chacun  exigeait  un  Iravail  de  six  mois.  11  avait  un 
cours  d'ensemble  de  dix  à  douze  pianos.  Cette  entre- 
prise eut  du  succès,  et  le  cours  eut  une  existence  de 
plusieurs  années.  Iacch  a  formé  de  bons  élèves.  Lui- 
même  était  pianiste  habile  et  s'est  fait  entendre  avec 
succès  dans  les  concerts  à  diverses  époques. 

Il  est  auteur  de  plusieurs  concertos  pour  piano,  de 
so7uites  à  trvis  mains,  de  fantaisies  et  de  variations 
pour  piano  seul  ou  avec  accompagnement  de  clari- 
nette et  de  flûte,  dont  la  plupart  ont  été  gravés  à 
Paris  chez  lUchault  et  chez  Pacini.  Iauch  a  écrit  aussi 
un  Concerto  de  ■piano  et  une  Fantaisie  avec  orchestre 
qu'il  a  exécutés  dans  ses  concerts  à  Strasbourg,  en 
1820  et  1822. 

On  a  entendu  de  ses  compositions  à  la  cathédrale 
de  Strasbourg,  en  1S16  et  1818,  des  pièces  d'offertoires 
composées  pour  des  instruments  à  venl.  Enlin,  on 
connail  un  Recueil  de  pièces  d'oniac  composées  par 
J.-N.  Iauch,  op.  40,  en  six  cahiers. 

Son  IJls,  Marie-Louis-Ferdinand  Jauch  dit  Iauch, 
également  pianiste  et  composileur,  n('  à  Strasbourg 
en  1820,  mort  à  Besançon  en  1881,  l'ut  professeur  de 
piano  à  la  cour  de  Napoléon  III  et  clief  d'orchestre 
du  Théâtre  Uoyal  de  Bruxelles'. 

Voici  la  liste  de  ses  principales  œuvres  : 

Op.  9.    Vuriiitiuns  et  trio  (piano,  violon  et  alto;  piano,  fliiti;  et 

clarinette;  piano,  fli'ite  et  alto). 
Op.  le.  ltou:e  pièces  ivcriatires  pour  tiurmonium  (éditeurs  llustel 

et  Gostallat. 
O^.  \^.  4  polonaises  pour  piano. 
Op.  20.  i4  versets  pour  ori/iie  expressif. 
Op.  22.  (2  préludes  et  cadences;  6  interiniles  et  11  petites  pièces  pour 

liarimmium. 
Op.  2li.  l^""  livre  :  4  pièces  pour  tiarnumimn. 
Op.  27. 2'^  livre  :  S  pièces  pour  harmonium. 
Op.  28.  3P  livre  :  S  pièces  pour  tiarmonium. 
Op.  3.5.  4'  livre  :  6  pièces  pour  harmonium. 
Op.  30.  '^^-  livi'O  :  ;'  pirces  pour  Itarmoniiim. 
Op.  3S.  Préludes  tirittants  pour  or;/ue. 
Op.  40.  Fantaisie  et  7  pièces  pour  harmonium. 
Op.  a.  4  pièces  pour  harmonium. 
Op.  43.  Yariiitions  sur  des  airs  irlandais:  rioton  et  piano,  fliile  cl 

piano. 
Op.  44.  lOiS  versets  pour  orque. 
Op.  46.  Promenade  sur  If  tac,  pour  piano. 
Op.  50.  Impromptu,  pour  piano. 
Op.  62.  Alternative,  pour  piano. 
Op.  03.  L'Echo,  pour  piano. 
Op.  65.  Scherzo,  pour  piano. 
Op.  70.  Les  lUnrels,  pour  piiino. 
Op.  72.  Duettino,  pour  piano. 
Op.  73.  Solo  pour  enfants,  pour  piano. 
Op.  76.  Adagio  pour  orque  expressif. 
Domine  salvum  pour  soprano  (ténor),  contralto, •barj'ton,  avec 

orgue  et  harmonium. 

Toutes  ces  œuvres  éditées  par  Gostallat. 

MoscHELÈs  (Ignace),  né  à  Prague  en  1794,  mort  à 
Leipzig  en  1870.  11  fut  un  des  fondateurs  de  l'école 
classique  du  piano  qui  vit  brillerles  Clementi,  Cramer, 
DussEK,  Hu.MMEL.  Les  œuvres  de  Moschelés,  de  belle 
l'orme,  correctes  et  élégantes,  quoique  bien  délaissées 
de  nos  jours,  méritent  d'être  travaillées  par  tous 
les  pianistes. 

Il  parcourut  les  grandes  villes  d'Europe,  où  il 
obtint  de  grands  succès  comme  pianiste,  improvi- 


saleui'  et  compositeur.  11  fut  professeur  de  piano  au 
Conservatoire  de  Leipzig.  Il  traduisit  en  anglais,  el 
publia  à  Londres  la  Vie  de  BeeiJioven  de  Sciiindler 
11841).  L'histoire  de  sa  vie  fut  publiée  par  sa  veuve  ; 
La  Vie  de  Moschelés  racontée  -par  sa  veuve  (18721. 

Ses  œuvres  sont  principalement  écrites  pour  pian» 
ou  instruments  à  cordes.  Il  faut  citer  ses  sonates,  ses 
concertos  et  un  recueil  d'FAudes  encore  célèbres.  La 
franchise  el  la  netteté  de  rythme  ainsi  que  l'intérêt 
de  l'harmonie  donnent  une  valeur  à  ses  composi- 
tions. 

Il  fut  ami  de  Bekthovex,  qui  lui  écrivit  :  "  Voire 
noble  conduite  restera  pour  moi  inoubliable...  Voire 
ami  qui  vous  apprécie  forl-.  » 

ScHiisERT  (Franz-Peter),  néàLiclilenthal  (Autriche)' 
en  1797,  mort  à  Vienne  en  1828.  Fils  d'un  maître 
d'école,  il  écrivit  ses  premiers  lieder  à  quatorze  ans. 
fîien  que  la  mort  l'ait  frappé  à  trente  et  un  ans,  le 
nombre  de  ses  compositions  s'élève  à  près  de  1.200, 
dont  603  lieder  à  une  ou  deux  voix,  dont  la  plupart 
sont  de  réels  chefs-d'œuvre. 

Il  fut  un  pianiste  distingué  ;  ses  œuvres  pour  piano, 
les  sonates,  les  moments  niiisicawr,  les  impromptus, 
valses,  etc.,  méritent  l'admiration  de  tous.  Toutes 
ses  compositions  sont  pleines  de  charme,  de  poésie, 
d'une  inspii'ation  spontanée,  abondante. 

Parmi  ses  lieder  les  plus  célèbres,  où  sont  tra- 
duites la  grâce  la  plus  touchante,  la  rêverie  mélan- 
colique, pathétique,  et  la  tristesse  profonde  qui  fut 
la  marque  personnelle  de  son  génie  musical,  nous  ne 
citerons  que  quelques  titres  :  Le  Roi  des  Aulnes,  Lu 
Truite,  La  Plainte  de  la  jeune  fille,  Manjuerite  au  rouet, 
le  cycle  de  La  Belle  Meunière,  etc.  Citons  aussi  un 
peu  au  hasard  7  symphonies,  6  messes,  le  xxiii"  psaume, 
20  quatuors  pour  instruments  à  cordes,  18  opéras 
dont  deux  ou  trois  seulement  furent  représentés 
après  sa  mort,  et  dont  .3  restèrent  inachevés,  34  so-  . 
nates,  une  multitude  de  morceaux  divers,  24  so«(f/e>, 
pour  le  piano,  extrêmement  remarquables,  des 
marches,  des  polonaises,  des  valses  nobles  pleines 
de  charme. 

Ecoutons  ce  que  dit  de  lui  Uubinstein^  : 
«  Je  considère  Beethoven  comme  au  faîte  de  la 
seconde  époque  de  l'art  musical  et  Schubert  comme 
le  générateur  de  la  troisième...  A  tous  les  autres, 
même  aux  plus  grands,  on  peut  découvrir  des  pré- 
décesseurs; lui  seul  surgit  spontanément...  il  crée 
le  romantisme  lyrique  dans  la  musique.  Avant  lui. 
on  ne  connaissait  que  la  chanson  naïve,  en  couplets, 
ou  la  ballade,  œuvre  sèche  et  tendue,  avec  récitatif 
et  cantilène,  de  forme  scolastique  et  d'accompagne- 
ment insigniliant.  Schl'bert  a  créé  le  chant  de  l'âme, 
la  poésie  musicale  sur  une  poésie  littéraire,  la  mé- 
lodie qui  commente  les  paroles...  Il  est  encore  un 
novateur  dans  ses  petites  pièces  pour  piano,  où  il  se 
montre,  selon  moi,  tout  à  fait  inimitable.  Schubert, 
qui  a  vécu  au  même  temps  que  Biîethovem  et  dans  la 
même  ville,  est   resté   dégagé    de    toute   influence, 
aussi  bien  dans  la  symphonie  que  dans  la  musique 
de  chambre  et  même  dans  ses  œuvres  pour  piano! 
Il  n'y  a  qu'à  comparer  ses  Moments  musicaux  ou  ses 
Impromptus  avec  les  Bayatellcs  de  Beethoven.  II  n'a 
pas  son  égal  dans  le  lied,  non  plus  que  dans  la  Rup- 
sodic  honi/roisc,   dans  les   maiclics  à  quatre   mains. 


1.  Ces  deuv  artistes  sont  lo  grand-père  et  rarrière-gr.ind-pl're    de 
notre  collaborateur  L.-E.  Ghatia.  [.N.  D.  L.  D.] 


-.  Lettre  écrite  par  Beethoven  a  Vienne,  le  18  mars  1S27.  Corres~ 
pondaoce  de  JJeelhoven  par  Chantavoike,  p.  i'i-l. 

3.  La  .Musique  et  ses  rcprêseulauls.  Entretien  sur  la  musique  jar 
Antoine  Rubinsteix,  traduit  du  manuscrit  russe  par  Micllnl  Delines, 
p.  12.  Eilit.  Heugel,  189;. 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PEDAdOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    2095 


dans  les  valses  ou  fanlaisirs,  enfin  dans  toute  son 
Q'uvre.  —  Kn  un  seul  ftenre,  il  n'a  pas  atteint  les 
sommets,  c'est  dans  ïa,  sonate...  Cette  forme  épique 
était  coiitiaire  au  caractère  lyrico-romantique  du 
génie  de  ScnuKEiix. 

K  Même  dans  ses  créations  les  plus  belles  et  les 
plus  élevées,  il  reste  le  joyeux  habitant  du  faubourg 
de  Lerclienfeld;  c'est  ainsi  qu'il  se  révèle  dans  les 
dernières  parties  du  quiniettc  en  ut  majeur  pour 
instruments  à  cordes,  de  la  sonate  en  n-  majeur  et 
de  la  Fantaisie  en  sol  majeur  pour  piano.  —  Quelle 
variété  dans  son  talent!  A  côté  des  Iviler  :  le  Corbeau, 
Tu  es  te  repos.  Allanlis,  VArrèt,  le  Roi  des  Aulnes  et 
autres,  nous  trouvons  ses  valses;  à  côté  des  quatuors 
en  ré  mineur  et  en  la  mineur  pour  instruments  à 
cordes,  sa  Rapsodie  hongroise;  à  côté  du  Mcanent 
musical  et  des  Impromptus,  sa  Symphonie  en  ut  ma- 
jeur, etc. 

«  Encore  une  fois,  répétons  que  Bach,  Beethoven 
et  .ScHLiîERT  sont  les  plus  hautes  cimes  de  l'art  mu- 
sical! » 

IjEiiTiNnJérôme-Henri),  pianiste  français,  lils  d'un 
musicien  établi  à  Londres,  naquit  en  cette  ville  en 
1798,  et  mourut  à  Meyian,  près  de  Gienoble,  en  1876. 
De  bonne  heure,  il  eut  un  remarquable  talent  de 
virtuose;  son  père  et  son  frère  furent  ses  profes- 
seurs. 

Son  jeu  solire,  élégant  et  son  style  solide  lui  valu- 
rent de  fîrands  succès.  Il  fut  aussi  apprécié  comme 
compositeur,  le  nombre  de  ses  œuvres  dépasse  deux 
cents. 

Actuellement,  de  nombreux  et  bons  professeurs 
font  particulièrement  travailler  ses  œuvres  d'ensei- 
gni^ment,  dont  voici  les  principales  citées  dans  Tordre 
de  leur  difficulté  : 

EBseignement  élémentaire.  Œuvres  pour  le  piano 
à  deux  mains.  Op.  84.  Rudiment,  réunion  des  exercices 
néci'ssaires p'iur obtenir unmécanisme parfait,  l""' livre. 
La  gijmnastique  des  doigts.  Op.  160,  lettre  A.  23  Elu- 
des élémentaires  pour  les  petites  mains.  Op.  17.ï,  lettre 
C.  i.ï  Etudes  préparatoires.  Op.  176,  lettre  D.23  Etu- 
des intermédiaires.  Op.  29,  23  Etudes. 

Enseignement  secondaire  :  Op.  32.  25  Etudes. 
Op.  177,  lettre  li.  23  Etudes  spéciales,  trille,  vélocité, 
main  gauche.  Op.  8V.  Rudiment,  réunion  des  e.rcrrices 
nécessaires  pour  obtenir  un  mécanisme  parfait,  2°  li  vre. 
Op.  134.  23  Etudes,  introduction  aux  Etudes  caracté- 
I  isliqucs.  Op.  178,  lettre  F.  23  Elud,es  classiques  et 
normales.  2i  Etudes,  5'=  cahier  de  la  collection  de  Ber- 
Tixi.  Op.  141  et  142-  30  Etudes  mélodiques  précédées 
(hacune  d'tin  /irélude,  deux  cahiers. 

Enseignement  supérieur  :  Op.  66.  Etudes  caracté- 
ristiques, dédiées  au  Conservatoire.  Op.  94.  23  Ca- 
prices Etudes,  Complément  des  études  caractéristiques. 
Op.  122,  lettre  G.  Premier  livre.  Eludas  artistiques. 
Op.  122,  lettre  G.  second  livre,  Etudes.  Le  tout  édité 
par  Lenioine. 

Enseignement  élémentaire  :  Pour  le  piano  à  A 
mains.  Op.  lOll,  lettre  H.  L'Art  de  la  mesure,  25  leçons 
à  4  mains,  à  l'usage  des  commerçants  —  Op.  149, 
lettre  J.  23  Etudes  très  faciles  «  i  nuiins.  Op.  130, 
lettre  K.  23  Etudes  faciles  à.  i  mains. 
■  Enseignement  secondaire  :  Op.  97.  Etudes  musi- 
cales a  i  matas.  Op.  179,  lettre  E.  1«  suite,  23  Etudes 
à  i  mains.  Op.  179,  lettre  E.  2'^  suite,  23  Etudes  à 
4  mains. 

Enseignement  supérieur  :  Op.  133.  23  Etudes  mu- 
sicales à  '1  mains  (rythme  et  phrase).  Le  tout  édité 
par  Lenioine. 


Adam  (.\dolphe-Charles),  né  et  mort  à  Paris  (1803- 
18.-)7).  Elève  de  sonpère  Jean-Louis  Adam  (voir  plus 
haut  )  BoÏELDiEU  fut  son  mailre  pour  l'harmonie  et 
la  composition.  En  1823,  il  obtint  le  second  prix  de 
l'Institut. 

Il  a  laissé  de  nombreuses  compositions  pour  le 
piano,  pour  musique  militaire,  un  .A'oc/  très  connu, 
devenu  en  quelque  sorte  le  chant  traditionnel  de 
cette  fête  mondiale,  des  messes,  cantates,  des  ballets 
représentés  à  l'Opéra  :  Giselle  (1841),  La  .lulie  Fille  de 
Gaud  (1842),  Le  Diable  à  quatre  (1843),  La  Filleule  des 
Fées  (1849),  Orfa  (1832),  Le  Corsaire  (1836). 

Il  commença,  dès  l'obtention  de  son  prix,  par  se 
faire  connaître  en  écrivant  de  la  musique  pour  de 
nombreux  vaudevilles  représentés  à  ce  théâtre,  au 
Gymnase  et  aux  Nouveautés  {Le  Baiser  au  porteur.  Le 
Mal  du  pays,  LaDame  jaune,  M.  Batte,  etc.).  Il  donna 
vingt-six  ouvrages  à  l'Opéra-Comique,  et  obtint  de 
retentissants  et  prolongés  succès  avec  :  Pierre  et  Ca- 
therine ([S29),  Le  Chalet  (1834),  La  Marquise  (1833), 
Le  Postillon  de  Longjumeau  (1836),  Le  Brasseur  do  Pres- 
lon  (1838),  Régine  (1839),  La  Reine  d'un  jour  (1839), 
La  Rose  de  Péronne  (1840),  Le  Roi  d'Yvetol  (1842), 
Cagliostro  (1844),  Le  Toréador  (1849),  Giralda  (1830), 
Le  Sourd  (1853). 

Kn  1847,  il  eut  la  malencontreuse  idée  de  prendre 
la  direction  de  l'Opéra  -National  (devenu  plus  tard 
le  Théâtre  Lyrique),  et  y  perdit  tout  son  argent.  Il 
donna  à  ce  théâtre  plusieurs  ouvrages  :  La  'Poupée 
de  Nuremberg,  Si  j'étais  roi  (livret  de  Brésil).  Le  Bi- 
jou perdu.  Le  Muletier  de  Tolède,  etc. 

Il  fut  nommé  membre  de  l'Académie  des  Beaux- 
Arts  en  1844,  et  professeur  de  composition  en  1848. 

11  acquit  aussi  de  la  réputation  comme  écrivain 
musical,  fut  critique  au  Constitutionnel  et  à  l'Assem- 
blée  nationale.  Ses  écrits  et  critiques  sont  en  partie 
réunis  en  deux  volumes  ayant  pour  titre  :  Souvenirs 
et  youveaux  .Souvenirs  d'un  musicien. 

A.  PouGi.N  écrivit  un  intéressant  ouvrage  sur  Adau  : 
Adolphe  .\dam,  sa  vie,  sa  carrière,  ses  mémoires  artis- 
tiques. Paris,  1877. 

Glinka  (Michel- Ivanovitch),  né  à  Novospasskoé 
(gouvernement  de  Smolensk)  en  1803,  mort  à  Berlin 
en  1837. 

Dans  les  deux  sens  du  mot,  il  est  le  premier  des 
musiciens  russes.  Il  reçut  une  forte  instruction  scien- 
tifique et  littéraire  au  pensionnat  de  la  noblesse,  puis 
travailla  le  piano  avec  Field  et  Ch.  Mayer,  l'harmo- 
nie et  le  contrepoint  en  Allemagne,  avec  Uehn,  qui 
fut  également  le  maître  des  deux  HuniNSTErN.  11  étudia 
aussi  le  chant  et  le  violon  avec  des  maîtres  italiens. 

Il  travailla  à  la  rénovation  intellectuelle  de  son 
pays  avec  Gogol,  Pouschkine,  Pletnef,  Koukolnik. 

11  puisa  largement  ses  inspiralions  dans  les  chants 
populaires  russes,  en  employa  même  quelques-uns, 
et  traça  lui-même  les  grandes  lignes  du  poème  La 
Vie  pour  le  tsar,  son  chef-d'œuvre  le  plus  connu,  joué, 
pour  la  première  fois,  le  9  octobre  1836.  Ce  fut  un 
réel  triomphe.  Prenantensuite  comme  sujet  l'un  des 
premiers  poèmes  de  Pouschkine  :  Rousslan  et  Liud- 
mila,  il  obtint  un  nouveau  succès  retentissant  avec 
Cette  œuvre  toute  différente,  qui  prouve  le  complet 
épanouissement  de  son  talent. 

Parmi  ses  autres  ouvrages,  il  faut  connaître  sa 
musique  pour  :  Le  Prince  Kholmsky,  drame  de  Kou- 
kolnik, une  Jota  Aragonesa  et  Suit  d'été  à  Madrid, 
construite  sur  des  motifs  espagnols  recueillis  lors 
d'un  voyage  en  Espagne,  La  Kamarinskaia,  morceau 
symphonique,  sur  des  airs]  populaires  russes,  deux 


2096 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIHE 


polonaises,  une  tareulclle  pour  orcliesire,  etc.,  de  nom- 
breuses mélodies  vocales. 

.Son  orchestration  est  riche,  colorée,  ainsi  que  ses 
harmonies.  En  plus  de  ses  connaissances  musicales, 
il  fut  très  érudit  en  histoire  naturelle  el  en  géo- 
graphie. 

SowiNSKi  (Albert^,  né  à  Ladyzyu  (Ukraine)  en  180:i, 
mort  à  Paris  en  1880.  Un  des  plus  remarquables 
élèves  planistes  de  Czerny  qui  fut  aussi  compositeur. 
Parmi  ses  œuvres  les  plus  saillantes,  on  peut  citer  : 
Saint  Adalbert,  oratorio;  une  symphonie,  deux  mcase-. 
les  ouvertures  de  La  Reine  Heduige  et  de  Mazeppa.  11 
publia  un  recueil  de  chants  populaires  et  nationaux 
de  son  pays  (1830),  et  un  ouvrage  sous  ce  titre  :  L's 
miisiiirns  polonais  et  slaves  anciens  et  modernes  {iS'à'). 

Herz  (Henri),  né  à  Vienne  en  1806,  mort  à  Paris  en 
1888.  Il  vint  très  jeune  en  France  et  fut  élève  du  Cnn- 
servatoire,  où  il  remporta  un  premier  prix  de  piano. 
11  se  fit  entendre  dans  l'Kurope  entière,  obtintbeau- 
coup  de  succès,  et  écrivit  bon  nombre  de  composi- 
tions ayant  également  la  faveur  du  public.  11  domia 
de  nombreux  concerts  en  Amérique,  où  il  refit  ^a 
fortune  détruite  par  de  mauvaises  affaires  de  com- 
merce. 11  s'était  —  nous  l'avons  dit  —  associé  av,  c 
le  facteur  de  pianos  Klepteb.  Nommé  professeur  an 
Conservatoire  à  cette  même  époque  (18+2),  ses  oc- 
cupations artistiques  lui  prirent  tout  son  temps  f  t 
causèrent  grand  préjudice  à  son  entreprise  com- 
merciale. De  retour  en  France,  il  reprit  néanmoins 
la  direction  de  sa  fabrique  de  pianos,  sa  classe  au 
Conservatoire,  et  lit  éditer  de  nouvelles  compositions 
.Ses  œuvres  pour  piano  sont  très  nombreuses;  on 
lui  doit  une  Méthode  complète  de  piano  et  un  volume 
intitulé  :  Mes  Voyages  en  Amérique. 

Il  est  l'inventeur  d'un  appareil  muni  de  ressoiis 
auxquels  sont  suspendus  des  anneaux  dans  lesqueU 
se  place  le  bout  des  doigts  ;  ceux-ci  opérant  ainsi  d' s 
tractions,  peuvent,  grâce  à  cette  gymnastique,  gagm.  r 
de  la  force. 

«  Sa  Grande  Méthode,  ouvrage  de  vif  intérêt  jusd-- 
ment  recherché,  doit  être  consultée  par  tous  ceux  q  r  i 
apprécient  les  qualités  si  variées  de  ce  virtuose  com- 
positeur'. »  Nous  ne  citerons  ici  que  quelques-unes 
de  ses  compositions  pour  piano,  dans  leur  ordie  de 
difficulté  :  Op.  1j1.  Vingt-Quatre  Etudes  très  facih-<. 
Op.  152.  Vingt-Quatre  Etudes  très  faciles.  Op.  is. 
Variations  sur  la  Gavotte  de  Vestris.  Op.  ISi.  Fan- 
taisie sur  la  Favorite,  Le  Bijou,  Polacca,  Sur  mes  r/i,,  s 
Amours.  Op.  168.  L'Ecume  de  mer,  marche  et  vais  \ 
Op.  198.  fhiirlande  de  Fleurs,  valse  de  concert.  Op.  H'è'-. 
Noitvellc  Tarentelle.  Op.  2H.  Perles  animées.  Op.  i:i. 
Air  Tyrolien.  Op.  60.  Variations  sur  la  Cenerentohi. 
Op.  118.  Les  trois  sœurs  :  la  gracieuse,  la  sentimcu- 
tale,  l'enjouée.  Op.  m.  La  Tapada.  Op.  ill.Réved'm- 
fant.  Op.  191.  Thème  original  varié.  Op.  119.  Quinze 
Eludes  de  moijenne  force.  Op.  76.  Variations  britlanW-i 
sur  le  Trio  favori  du  Pré  au.v  Clercs.  Op.  2:î.  Varia- 
tions sur  le  Crocialo.  Op.  98.  Varialions  sur  la  Douli.c 
échelle.  Op.  98.  Fantaisies  et  Variations  sur  l'Aml'i^- 
sadrice,  la  Dernière  pensée  de  Weher,  la  Part  du  Di-:- 
ble,  lès  Diamants  de  la  couronne,  le  Domino  noir,  !a 
Romanesca,  la  Figurante.  Op.  8.  Introduction,  vari  i- 
tions  el  polonaises.  Op.  21.  Préludes  dédiés  à  Hum.mi:i., 
sept  conceWos  (les  cinq  premiers  sont  particulier  c- 
ment  à  recommander).  Op.  163.  Fantaisie  sur  la  Fille 
du  Régiment,  Fantaisies  et  Variations  sur  le  siège  de 


1.  Madioktki, 


Yade-mtcuin  du  professeur  (te  piano,  p.  1 1 .  Hcmi^i-I 


Corinthe.  Op.  30.  Grande  Polonaise.  Variation  sur 
divers  opéras.  Op.  153.  Dix-huit  grandes  Etudes.  Les 
Contrastes,  trois  Etudes.  A  quatre  mains  :  Op.  48.  La 
Violette.  Op.  70.  Variation  sur  le  Philtre.  Op.  oO.  Va- 
riations brillantes  sur  Guillaume  Tell,  etc. 

Mkndelssohn-Bartholdy  (Félix)  naquit  àHambourr, 
le  28  février  1809,  et  mourut  à  l'âge  de  trente-neuf 
ans,  succombant  en  plein  épanouissement  de  son 
génie  à  une  apoplexie  nerveuse  en  1847,  à  Leipzig. 
Pianiste  el  organiste  de  grande  valeur. 

Petit-fils  du  philosophe  Moses  Mendeissohn,  et  fils 
d'un  banquier.  A  seize  ans,  il  fit  représenter  à  Berlin 
un  opéra,  les  Noces  de  Gamache.  A  dix-sept  ans,  il 
publiait  une  traduction  en  vers  allemands  de  VAn- 
drienne  de  ïérence.  A  vingt  ans,  il  entreprend  une 
tournée  en  Angleterre,  en  Italie  et  en  France.  C'est  à 
Londres  qu'il  fit  exécuter  sa  première  symphonie 
et  l'ouverture  du  Songe  d'une  nuit  d'élé.  Il  fonde  un 
conservatoire  à  Lepzig,  en  1843. 

Il  est  le  créateur  des:  Romances  sans  Paroles,  liedcr 
pour  piano,  qui  forment  un  recueil  de  qtiarante-lmit 
délicieux  tableaux  de  genre,  de  poèmes  tendres,  d'un 
sentiment  toujours  délicat.  Toutes  ces  romances  sont 
belles.  Trois  recueils  pour  piano  contiennent  :  Ca- 
price, op.  ^.Caractéristique,  op.  7.  Rondo  capriccioso, 
op.  li.  Fantaisies  ou  Caprices,  op.  16.  Caprices,  op. 
33.  Pièces  d'enfants,  op.  72.  Andante  eantabile  e  Presto 
agitato. —  Fantaisie,  op.  28.  Prélude  et  Fugue,  op.  3j. 
Variations  sérieuses, op.  'ai.  Andante  avec  Variations, 
op.  82.  Variations,  op.  83.  —  Etude,  op.  104.  Etude  en 
fa  mineur.  Scherzo  en  si  mineur.  Scherzo  et  caprice. 
Sonate,  op.  6,  en  mi  majeur.  Fantaisie  sur  une  chan- 
son irlandaise,  op.  iiy.  Trois  Préludes, op.  lOi.  Sonate, 
op.  105,  en  sol  mineur.  Sonate,  op.  106,  en  si  majeur. 
Pages  d'Album,  op.  H7.  —  Caprice,  op.  118.  Perpe- 
tuum  mobile,  op.  119.  Prélude  et  Fugue.  Gondellied. 
Deu-r  pièces  pour  piano  en  si  majeur  et  sol  nrineur. 

A  citer  aussi  ;  quatre  s(/mp/io»(ies,  les  qu&lre  ouver- 
tures des  Hébrides,  de  la  Mer  calme,  de  la  Belle  Mé- 
lusineel  de  Ruy  Blas;  la  musique  pour  le  Songe  d'une 
nuit  d'été,  pour  Athalie,  CEdipe  à  Colone  et  pour  Anti- 
gone.  Les  oratorios  :  Paidiis  et  Eiie.  Un  concerto  de 
violon,  deux  concertos  de  piano  avec  orchestre;  dix 
quatuors,  deux  trios,  avec  ou  sans  piano  ;  des  cluvurs, 
des  hymnes,  cantates  d'église;  neuf  recueils  de  lieder. 
Les  Noces  de  Gamache,  LeRetour  de  voyage,  opéras,  etc. 
11  eut  un  fils,  Charles,  historien,  né  à  Leipzig  en 
183S,  mort  à  Brugg  (Suisse),  en  1897. 

Cuoi'iN  (Frédéric-François),  né  à  Zelazowa-Wola, 
prés  Varsovie,  le  i."  mars  1809,  mort  à  Paris  à  l'âge 
de  quarante  ans,  le  19  octobre  1849.11  était  d'origine 
française  par  son  père.  Ce  dernier  avait  été  précep- 
teur dans  une  famille  attachée  à  la  cour,  du  temps 
du  roi  Stanislas.  Lanière  était  Polonaise.  Il  fut  un 
des  plus  grands  pianistes  virtuoses  el  compositeurs. 
Toutes  ses  œuvres  sont  écrites  pour  le  piano,  sauf  un 
trio  et  \.\ne  polonaise  pour  piano  et  violoncelle,  dont 
eetle  dernière  partie  fut  arrangée  par  I''h.\:<(:uomme,  et 
sauf  aussi  des  mélodies  pour  chant  avec  accompa- 
gnement de  piano. 

11  eut  pour  maîtres  AlbertZïWNY  elJosoph  Els.ner. 
Tiès  patriote,  la  révolution  de  1830  lui  rendit  insup- 
portable le  séjourà  Vienne;  c'est  alorsqu  il  vint  à  Pa- 
ris et  se  lia  avec  Balzac,  Berlioz,  Meverhkkr,  Heine... 
11  se  produisit  pour  la  première  fois  en  public  à  l'âge 
de  neuf  ans.  H  remportait  plu-i  de  succès  dans  les 
concerts  intimes  que  dans  ceux  donnés  dans  de 
grandes  salles.  11  se  consacra  également  à  l'enseigne- 
ment et  à  la  composition;  on  peut  citer,  parmi  ses 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    2097 


élèves  :  «jeorges  Mathias  (voir  ce.noinj.  AUeiiil  d  une 
maladie  de  poitrine  qui  l'emporta,  il  alla  se  soigner, 
en  1838,  à  l'île  Majorque,  en  compagnie  de  George 
Sand.  Hnl849,  il  donne  une  série  de  concerts  à  Lon- 
dres, visite  l'Ecosse  et  revient  mourir  à  Paris. 

«  Une  grande  date  dans  l'histoire  de  la  virtuosité 
propre  au  piano  est  marquée  par  l'apparition  de 
Frédéric  Chopin,  qui,  comme  exécutant  et  comme 
compositeur,  a  été  l'un  des  plus  étonnants  artistes 
de  noire  siècle  et  de  tous  les  temps.  A  vrai  dire,  à 
l'égard  de  la  virtuosité,  il  y  avait  en  lui  quelque 
chose  de  si  capricieux,  de  si  imprévu,  qu'il  décon- 
certa plusieurs  des  représentants  de  la  tradition, 
par  exemple  FiELD,  qui  le  jugeait  irrégulier,  incohé- 
rent, maladif,  et  Kalkbrenner,  qui  croyait  surprendre 
en  son  jeu  une  foule  d'incorrections  et  de  lacunes'.  » 

C'est  à  tort  que  certains  pianistes  se  permettent 
des  libertés  excessives,  en  jouant  sa  musique.  De 
nombreux  exécutants  s'imaginent  produire  plus  d'ef- 
fel,  et  dénaturent  les  œuvres  de  Chopin  avec  des  exa- 
gérations de  sonorités,  de  rubato;  ce  sont,  quoi  qu'ils 
puissent  paraître,  des  artistes  de  second  plan,  igno- 
rant que  la  beauté  ne  réside  pas  dans  de  grossières 
affectations,  dans  des  contorsions  de  sentiments.  On 
peut  se  convaincre  que  ce  n'est  pas  là  une  «  opinion  » 
personnelle,  mais  une  vérité  indiscutable,  en  lisant 
l'œuvre  de  Liszt  :F.  C/iopw!  (1852),  ainsi  que:  Chopin 
(La  Rochelle,  1861),  par  H.  Bardedette;  Friedrich  Cho. 
pin  (Dresde,  1877),  par  Moritz  Karasowski;  Frédéric 
Chopin,  sa  vie  et  ses  œuvres  (Paris,  1880),  par  Mm=  A- 
Audlet;  Frédéric  Chopin  (Londres,  1884),  par  Joseph 
Bennett;  Les  Trois  Romans  de  Frédéric  Chopin  (Paris, 
1886),  par  le  comte  Wolzinski;  Frédéric  Chopin  (Lon- 
dres, 1890),  par  Frederick  Niecks;  Histoire  de  ma  vie 
(Paris,  1834-1833),  par  George  Sand;  Conseils  aux 
jeunes  pianistes,  où  Fischbacher  cite  M"»"  Charles 
Picquet,  nièce  de  Franchomme,  et  enfin  LEtude  du 
Piano''. 

Il  écrivit  deux  grands  Concertos,  op.  li  et  op.  21, 
quatre  Sonates  en  ut,  op.  4(1828);  en  sib,  op.  -33 
(1840),  et  en  si,  op.  38.  (1845)  pour  piano  seul  et  une 
en  sol,  op.  63  (1847)  pour  violoncelle;  un  recueil  de 
vingt-sept  Etudes  qui,  tout  en  étant  d'un  excellent 
travail,  sont  chacune  de  réels  et  splendides  chefs- 
d'œuvre;  cinquante  et  une  Mazurkas,  dix-neuf  Noc- 
turnes; quatre  Ballades,  op.  23,  38,  47,  32,  dix  Polo- 
naises, quatre  Scherzos,  une  superbe  Fantaisie,  op.  49, 
vingt-cinq  P/é/«'ies,  quatorze  V(dses  renommées,  des 
Rondeaux,  plus  de  quatre-vingts  numéros,  une  Ber- 
ceuse, op.  37;  Barcarollc,  op.  90;  Boléro,  op^  19;  Ta- 
rentelle, op.  43  ;  Alleyro  de  Concert,  op.  46  ;  Variations 
brillantes,  op.  12;  Variations  sur  un  air  allemand, 
op.  posthume;  Marche  funèbre,  celle  de  la  sonate  et 
une  autre  op.  posthume  (72,  n"  2);  trois  Ecossaises, 
op.  posthume  (72,  n"  3^,  trois  Im]>romptus,  op.  29, 
36,  31;  Fantaisie  impromptu,  op.  66,  posthume,  ^'ou- 
blions  pas  non  plus  seize  mélodies  vocales. 

Scni  MANN  (Robert),  né  à  Zwickau  iSaxe),  le  8  juin 
1810,  mort  à  Endenich  (Prusse  Rhénane),  le  29  juillet 
1856. 

Destiné  au  droit,  ses  études  musicales  furent  retar- 
dées de  ce  fait.  Elève  de  Henri  Dorn  et  de  Frédéric 
WiECK,  voulant  regagner  le  temps  perdu,  accroître 
rapidement  l'indépendance  des  annulaires,  il  ima- 
gina un  système  d'attache,  immobilisant  le  médius; 
il  employa  ce  moyen  avec  tant  d'exagération  qu'il 


1.  Alberl  Soudies,  loco  cit.,  p.  212. 
:.  L.-E.  Gbatia,  p.  53,  14Ô,  167,  168,  173,  1S7,  18 
grave. 


contracta  une  paralysie  des  doigis  (impotence  fonc- 
tionnelle)'. Cet  accident  fut  cause  qu'il  se  livra  pres- 
que uniquement  à  la  composition,  en  même  temps 
qu'à  la  critique. 

Il  fonda  à  Leipzig,  en  1834,  un  journal  intitulé 
Seue  leitschrifl  fiir  Musik  et  le  dirigea  durant  dix 
années.  11  contribua  largement  par  cet  organe  à  faire 
connaître  Chopin  et  Brahms.  Il  épousa,  en  1840, 
M"«  Clara  Wieck,  excellente  pianiste,  séjourna  à 
Dresde  en  1844,  puis  à  Dusseldorf  (1830),  où  ii  fut 
directeur  de  la  musique.  C'est  en  cette  ville  qu'il  fui 
frappé  d'une  grave  affection  cérébrale,  dont  les  pre- 
mières atteintes  s'étaient  manifestées  en  1823,  et  en 
1843.  L'impotence  fonctionnelle  de  ses  mains  était 
peut-être  occasionnée  par  un  état  morbide  général. 
Il  semblait  en  meilleure  santé  lorsque,  revenant  de 
Dusseldorf,  il  se  jeta  dans  le  Hhin;  transporté  chez 
lui,  puis  interné,  il  mourut  au  bout  de  deux  années. 

Après  sa  mort,  sa  femme,  afin  de  pourvoir  à  l'en- 
tretien de  ses  huit  enfants,  continua  à  se  produire 
comme  virtuose  et  se  livra  à  l'enseignement.  Elle 
composa  des  morceaux  pour  piano  et  se  chargea  de 
1,1  revision  des  œuvres  de  son  mari. 

C'est  principalement  dans  ses  lieder  pour  chant  et 
piano  et  dans  ses  compositions  légères  pour  piano 
(lue  ScHUUANN  donne  toute  la  mesure  de  son  génie. 

Les  Amours  du  poète.  Les  Amows  d'une  femme, 
cycles  de  mélodies,  et  d'autres  lieder  sont  d'une  va- 
leur artistique  incomparable.  Parmi  les  œuvres  pour 
piano,  il  faut  connaître  :  les  Etudes  symphoniques. 
Etudes  sous  forme  de  variations.  Scènes  de  bal.  Le  Car- 
naval, op.  9  ;  Le  Carnaval  de  Vienne,  op.  26,  Krcisle- 
rinna,  huit  morceaux.  Les  IVov'e//e<te,  trois  llomancef!, 
les  Albumbldller,  Arabesque,  Rhimenstùck,  Danf  la  /'o- 
)■('<  (neuf  tableaux)  ;  Fantaisies  (huit  pièces);  Bunte 
Bliitler  (Leavi'S  of  différent  colours);  Toccata;  Nacht- 
stucke  (op.  23,  quatre  numéros);  Trois  Fantaisies  ;  le 
délicieux  recueil  pour  débutants  :  Album  pour  la  jeu- 
nesse, op.  68,  qui  renferme  43  pièces  progressives  de 
l'art  le  plus  délicat;  Scènes  d'enfants  (op.  15),  treize 
délicieux  petits  morceaux  d'inspiration  pure. 

Parmi  les  œuvres  d'orchestre  et  chœur  :  Le  Para- 
dis et  la  Péri,  La  Vie  d'une  Rose,  Manfred,  Scènes  de 
Faust,  et  son  opéra  Geneviène,  quatre  symphonies, 
quatre  oui'er^Mces  :  La  Fiancée  deMessiw!,  Jules  César, 
Hermann  et  Dorothée,  Ouverture  de  Fête,  l' Adventlied ^ 
Le  Fils  du  roi,  le  Requiem  pour  Mignon,  La  Malédic- 
tion du  chanteur,  le  Bonheur  de  l'Edm,  des  ballets  ei 
de  nombreuses  compositions  de  musique  de  chambre. 

Ses  critiques  sont  réunies  et  publiées  sous  ce  titre  : 
Ecrits  sur  la  musique  et  les  musiciens  (1834). 

Stamaty  (Camille),  né  à  Romeen  18H,  mort  à  Pa- 
ris en  1870.  Elève  de  Frédéric  Kalkbrenner. 

Stamaty  forma  d'excellents  pianistes,  parmi  lesquels 
il  faut  citer:  Gottschalk,  auteur  d'œuvies  élégantes, 
et  Camille  Saint-Sakns,  un  des  plus  grands  musi- 
ciens pianistes  et  compositeurs  français. 

Entre  autres  ipuvres,  il  composa  des  études  pour 
les  petites  mains,  chant  et  mécanisme  (23  Etudes, 
1"  livre)  ;  des  pièces  faciles  :  La  Petite  Fileusr,  Marche 
Hongroise,  20  Etudes,  2'  livre.  Abrégé  du  rythme  des 
ilDiijts.  Morceaux  do  salon  plus  difficiles  :  L'Ecossaise, 
ijinui',  Les  Farfadets,  Trois  mélodies,  op.  3,  Romance 
dramatique,  op.  l't,  Rondo,  Caprice,  op.  13;  Sicilienne 
dans  le  genre  ancien;  Valse  des  oiseaux;  Tarentelle, 
op.  23;  le  fameux  Rythme  des  doigts,  résumant 
toute  l'école  du  mécanisme  du  piano,  op.  36;  Souve- 


210.  EJit.  Delà- 


1 


:i.  L.-E.  Gb*tia,  loco  cit.,  p.  136. 


132 


2(WB 


ENCYCLOPÉniE  HE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


nirs  ilu  Cnnsn-ratoire.  Douze  iranscriptioiis  habile- 
ment laites;  Plaisir  d'Amour,  ClvP"r  df  Castor  et  Pol- 
Imr,,  Transcrifitions,  Bnuze  fsqiiisxe^,  op.  17  ;  Dcntze 
études  pittoresques,  op.  21  ;  Eludes  caractéristiques 
sur  rObéron  de  Weber.  Enfin,  Ifs  Etud<s  concertantes 
apéci'iles  et  progressives,  à  qn.tlre  mains,  op.  46  et 
47'.  (1  i,e  remarquable  ouvrage  est  le  complément 
obliî,'é  des  excellentes  études  de  cliaiit  et  de  méca- 
nisme des  deux  mains,  pabliés  en  trois  l'ivres,  op.  37, 
38  et  39'.  » 

Liszt  (Franz)  est  né  le  22  oclohre  1811,  à  Raiding, 
petit  village  de  Hongrie.  11  succomba,  atteint  d'un 
catarrhe  pulmonaire,  dans  la  pciite  maison  qu'il 
occupail  à  Bayreulh,  le  31,|uillet  ISHi.Il  avaitassisté 
à  la  dernière  représentation  de  Tristan  et  Yseult,  le 
25  juillet.  Ses  dernières  paroles  lurent  :  «  Adieu 
Tristan  !  » 

Les  prodigieuses  dispositions  musicales  de  ce 
Paganim  du  piano  se  développèiv  iit  sons  la  direction 
de  Charles  C/.krny.  Durant  ses  premières  années,  de 
six  à  neuf  ans,  son  premier  m;iiire  tut  son  père, 
Adam  Liszt, qui  jouait  du  piano  ei  de  plusieurs  ins- 
truments à  archet. 

«  Liszt  resta  deux  ans  à  Vipnnc;  il  y  parut  pour 
la  première  fois  en  public  le  !«'•  décembre  1822  (âgé 
de  11  ans),  jouant  un  concerlo  de  Humuel,  et  pour 
la  dernière  fois,  le  13  avril  de  l'iinnée  suivante.  Il  a 
raconte  lui-même  qu'a  l'issue  de  re  concert  d'adieu, 
Beethoven  déjà  nien  vieux  et  souil'rant  toujours  de 
son  incurable  surdité,  vint  à  lui  el  l'embrassa  avec 
enthousiasme.  Il  avait  pressenti  le  premier  le  génie 
de  ce  (letit  prodige-.  » 

L'Italien  Cherubini  fut  moins  perspicace,  car  il 
refusa  d'admettre  au  Conservaluiie  de  Paris  le  petit 
Liszt,  pi'ésunlépar  son  père,  sons  prétexte  qu'il  était 
étranger! 

Dès  l'âge  de  quatorze  ans,  il  écrivit  un  ouvrage 
en  un  acte  pour  POpéra,  Don  Sannho  ou  Le  Château 
d  Amour.  W  se  fit  applaudir  par  l'I'Jiirope  entière  dans 
les  œuvres  de  Bach,  Haëndel,  Hkbtboven,  ainsi  que 
dans  les  siennes,  écrites  mayislralemeiit  pour  l'ins- 
trument et  propres  à  faire  valnii  son  exlraordinaire 
mécanisme.  De  retour  en  Kiaii.e,  il  collabore  à  la 
Hevue  et  Gnzelle  miisirale,  et  se  lie  intimement  avec 
Richard  Wagner  (qui  dnvint  snn  i^^endre  en  épousant 
Cosinia  LisiT,  divorcée  d'avec  ll.iii>  de  BuLOw),  lequel 
bien  souvent,  lui  enipinnlera  de  >es  mollis  pour  les 
développer  et  les  incorporer  da  is  ses  opéras,  ce  qui 
était  accepté  par  Liszt  quand  il  lui  écrivait:  «  Grâce 
à  toi,  ce  thème  connaitra  riinuMirlalilé.  » 

11  se  lixa  à  Weimar,  où  il  accepta,  du  grand-doc, 
remploi  de  maître  de  chapelle,  el  se  lit  recevoir  franc- 
maçon  à  la  loge  Charles  Guillaume,  de  Weimar,  dont 
Goethe  faisait  partie.  C'est  alors  qu'il  composa  de  très 
nomlneuses  œuvres  et  qu'il  employa  toute  son 
autorité  pour  faire  connaître  les  opéras  .de  Richard 
Wagnkr,  dont  il  fit  représenter  Lohengrin  (1850).  Les 
idées  ravstiques  de  sa  jeunesse  le  hanlent  à  nouveau, 
il  se  rend  à  Rome,  se  fait  lonsurer  au  Vatican,  est  reçu 
dans  les  ordres  mineurs  et  ne  se  fait  plus  appeler 
que  i<  l'abbé  Liszt  »,  renonçani  à  son  union,  désirée 
depuis  quinze  années,  avec  la  princesse  Sayn- 
Wit^genstein. 

Le  nombre  desescompositions  est  immense  ;  parmi 
ses  œuvres  pour  piano  il  faut  citer  :  14  Rhapsodies 
hongroises,  la  Vô",  Rakoczy  marche;  Les  Légendes  de 


1.  Marmontei.,  Vade-7necum,  p.  123. 

J.  Porlrails  d'IiiT,  Franz  L'szt,  pur  J.-G.  PnOD"HOH>iK.  p.  3, 


saint  François  d'Assise  prêchant  aux  oiseaux;  Saint 
Frariiçois  de  Paule  marcha-nt  sur  les  flots. 

Les  Années  de  pèlerinage,  1"  année,  9  a°*,  Swisse, 
2«  année,  10  n°«,  Italie,  3"=  année,  7  n"".  L'Arbre  de 
Noël,  12  pièces  faciles.  La  Transcription  pour  piano 
deus  mains  des  Symphonies  de  Beethoven.  «  ie  crois 
avoir  écrit  i.OOOà  o.OOO  pages  de  musique  de  piano,  » 
écrit-il  d'Italie  à  Clara  Wkck  à  la  fl^n  de  1839^. 

l)e  i847  à  18d9,  il  compose  ses  grandes  œuvres 
pour  orchestre  :  les  Poèmes  sfimphoniqucs,  Faust, 
Dante,  Le  Christ,  Saxnli'.  Elisabeth,  La  Messe  de  Gran 
et  d'innombrables  pièces  pour  piano*. 

Liszt  fut  un  des  premiers  à  pressentir  le  génie  de 
Franck;  son  caractère  d'une  bonté  rare,  inépuisable, 
presque  surhumaine,  s'ingénie  à  ne  faire  montre 
d'aucune  supériorité  devant  tous  ceux  qui  s'appro- 
chent de  lui.  11  dédaigne  les  critiques  haineuses, 
injustes,  ironiques  :  n  Je  continuerai  fermement 
mon  chemin  jusqu'au  bout,  sans  prendre  d'antre 
souci  que  de  faire  ce  que  j'ai  à  faire,  et  ce  qui  sera 
fait,  je  vous  le  promets '\  « 

Liszt  ayant  été  émerveillé  par  le  talent  de  Paoanip<i 
écrit  à  M.  Pierre  Wolff  le  2  mai  1832  :  «  Voici  quinze 
jours  que  mon  esprit  et  mes  doigts  travaillent  comme 
des  damnés.  Homère  la  Bible,  Platon,  Locke,  lîyron, 
Hugo,  Lamartine,  Chateaubriand,  Beethoven,  Bach, 
Hummel,  Mozart,  Weber,  sont  tous  à  l'entour  de  moi. 
Je  les  étudie,  les  médite,  les  dévore  avec  fureur; 
de  plus,  je  travaille  quatre  à  cinq  heures  d'exercices 
(tierces,  sixtes,  octaves,  trémolos,  notes  répétées, 
cadences,  etc.).  Ah  !  pourvu  que  je  ne  devienne  pas 
fou,  tu  retrouveras  un  artiste  en  moi!...  »  Plus  loin  : 
«  Kt  moi  aussi,  je  suis  peintre,  »  s'écria  Le  Corrège 
la  première  fois  qu'il  vit  un  chef-d'œuvre...  Quoique 
petit  et  pauvre,  ton  ami  ne  cesse  de  répéter  ces 
paroles  du  grand  homme;  quel  violon,  quel  artiste! 
Dieu,  que  de  souffrances,  de  misère,  de  tortures  dans 
ces  quatre  cordes^!  » 

Parmi  ses  poèmes  symphoniques,  nous  citerons  : 
Le  Tasse,  Orphée,  Mazeppa,  Hamlet,  L'Idéal;  des  sym- 
phonies avec  chœur  et  plusieurs  pièces  orchestrales  : 
Valse  de  Méphisto,  Marche  de  Fête.  Plusieurs  messes, 
un  Requiem,  plusieurs  cantates,  dont  celle  de  .Jeanne 
d'Arc  au  bûcher;  environ  SOlieder,  des  mélodvs  fran- 
çaises, plusieurs  recueils  de  chœurs  pour  4  voix 
d'hommes. 

Enfin,  Liszt  a  publié  plusieurs  écrits  :  Lohengrin  et 
Tanïihausfr de  Richard  Wagner  (1851);  Chopin  (1852); 
Des Dohêmiins  et  de  leur  musique  en  Hongrie  (1861); 
HobertFranz  (1872)  ;  sa  correspondance  a  élé  publiée 
par  M""'  La  Mara  (Marie  Lipsius)  à  Leipzig. 

Thomas  (Ambroise-Charles-Louis),  né  à  Metz  en  1811, 
mort  à  Paris,  le  12  février  1896,  commence  l'étude 
du  solfège  à  quatre  ans  sous  la  direction  de  sou  père, 
et  vers  sept  ans  celles  du  piano  et  du  violon. 

Quelques  jours  avant  sa  mort,  il  fit  encore  enten- 
dre à  ses  amis,  dont  était  Charles  Deliolx  (voir  plus 
loin),  le  4'  Nocturne  en  fa  majeur,  op.  15,  n"  I,  de 
Chopin.  C'est,  je  crois,  la  dernière  fois  qu'il  posa  les 
mains  sur  un  clavier. 

En  1828,  il  fut  admis  au  Conservatoire  où  il  travailla 
le  piano  sous  la  direction  de  Zimmermann,  l'harmonie 
avec  DoL'RLEN,  et  la  composition  avec  Lesueur.  Il 
considérait  pourtant  comme  ses  vrais  maîtres  :  Kalb- 
iiRENNER  pour  le  piano  et  Barbereau  pour  le  contre- 

3.  Lis:fs  Diufe.  I,  p.  32,  !..  23  de  IVslh,  2(i  ilccL'mbre  183a. 

4.  Franz  Liszt,  Portfaits  d'hier,  n"  43,  p.  13.  J.-G.  pRuoHosijit. 

5.  Loco  cit.,  I,  p.  268.  L.  <lo  Wciiimr.  24  mars  1837. 

fi.  Liszt's  liricfe,  I,  !..  Ji,  M.  Pierre  WoUTâ  (jienève,  de  Paris, 


I 


TECII.VinUE,  F.STIIETIQllF.  ET  PEDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    ■M'i'.i 


poLnl  et  la  fufjue.  Il  obtint  le  grand  prix  Je  l'Institut 
en  I8.i2,  avec  la  cantate  Hermunu.  l't  Kcttij. 

Il  l'ut  professeur  d'harmonie  et  de  composition  au 
Conservatoire,  de  I806  à  1870,  et  directeur  après 
Spontini,  de  1871  jusqu'à  sa  mort.  Membre  de  l'Aca- 
démie des  lîeaux-Arts  en  18S1.  Il  est  le  premier  mu- 
sicien auquel  on  donna  la  grand'croix  de  la  Légion 
d'honneur,  le  16  mai  1894,  à  l'occasion  de  la  millième 
représentation  de  Miijnori  à  l'Opéra-Coniique. 

Théodore  Dunois  nous  appreml,  dans  le  numéro  du 
ii.  octobre  1911  de  la  revue  Les  Annales,  qu'Ambroise 
Thomas  rompit  avec  les  traditions  en  orientant  ses 
élèves  vers  la  musique  pure,  alors  ((u'il  était  d'usage 
de  dirigerions  les  efforts,  non  pas  sur  la  symphonie 
et  la  musique  de  chambre,  mais  sur  le  théâtre. 

>i  II  nous  Jouait  souvent  (et  t'oit  bien,  car  il  était  ex- 
cellent pianiste)  des  fragments  de  Mozart,  Beethoven, 
Haydn,  etc.,  qu'il  savait  par  cœur,  et  il  y  ajoutait  des 
morceaux  de  Chopin,  qu'il  avait  beaucoup  connu, 
et  dont  il  aimait  particulièrement  les  œuvres,  y 

;l  forma  de  bons  élèves  tels  que:  Massenet,  Bour- 

G>ULT-DUC0UDRAY,    LBNEfVEU,   Cil.    LkFKBVRE,   SaLVAYRE 

et  Théodore  Durois,  qui  fut  le  premier  de  ses  élèves 
obtenant  le  grand  prix  et  liome. 

Il  composa  vingt-trois  œuvres  pour  le  théâtre,  bal- 
lets, opéras-comiques,  grands  opéras,  dont  nous  ne 
citerons  que  les  plus  connus  :  La  Dctably  Echelle, 
opéra-comique  en  1  acte  (1837);  Le  Caïd,  opéra-comi- 
que en  2  actes  (1849)  ;_  Le  Sowje  d'une  nuit  d'été, 
opéra-comique  en  3  actes  (1830);  Psyché,  opéra-co- 
mique en  3  actes  (1857);  Mignon,  opéra-comique  en 
3  actes  (1866);  Hamlet,  grand  opéra  en  o  actes  (1868): 
Fi'ançoise  de  Riniini,  grand  opéra  en  '6  actes  (1882); 
La  Tempête,  ballet  en  2  actes  (1889)  '. 

Ajoutons  des  messes,  des  cantates,  marche  religieuse 
pour  grand  orchestre  (1863),  des  motets,  une  très 
grande  quantité  de  mélodies,  de  romances,  de  grands 
chœurs  orphéoniques,  des  morceaux  de  piano.  Mar- 
MONTEL  aimait  à  faire  travailler  :  Valse  île  s<jlon  (pas 
difficile)  et  dix  transcriptions  du  ballet  La  Tempête  .- 
Danse  des  bijoux,  Mousses  et  matelots,  les  Abeilles,  la 
Captive,  etc.  (assez  difficiles). 

Je  terminerai  cette  trop  courte  biographie  en  disant 
que  c'est  sur  la  proposition  d'Ambroise  Thomas  que 
le  ministre  nomma  César  France  professeur  d'orgue 
au  Conservatoire;  ceci  vient  quelque  peu  détruire 
une  légende  qui  veut  que  Ambroise  Thomas  lui  ait  été 
hostile. 

TiiALiîRRG  (Sigismond),  pianiste  et  compositeur  alle- 
mand, né  à  Genève  le  7  janvier  1SI2,  mort  à  iN'aples 
en  1871. 

11  était  le  lils  du  prince  Maurice  Dietrichstein  et 
de  la  baronne  W'etzlar. 

Il  eut  presque  autant  de  succès  que  Liszt.  Ses  fan- 
taisies sur  Don  Juan,  La  Straniera,  Lu  Muette  de  Por- 
tici.  Les  Huguenots,  Moïse  obtinrent  une  longue  vogue 
grâce  à  des  combinaisons  nouvelles  de  mécanisme, 
grâce  à  l'usage  adroit  des  pédales,  à  des  formes  nou- 
velles d'arpèges  qui  donnaient  l'illusion  d'une  grande 
difficulté  d'exécution  et  d'une  grande  ampleur 
de  son.  En  réalité,  ces  procédés  étaient  des  moyens 
faciles  d'efîet;  les  trop  nombreux  imitateuisde  cette 
manière  entraînèrent  vile  la  lassitude  et  le  mépris, 
la  »(odt' passa  vite!  «  Nous  recommandons  cependant 
-aux  amateurs  (dit  Rougnon  dans  Piann  et  l'ianistes, 
p.  22)  et  aux  élèves  sérieux  la  lecture  consciencieuse 


I.  Voir  pour  le  cnlalnguc  intégral  ;  Lu  Miisi'/U':  cl  Us  Musiciens  par 
Albert  Lavigxac. 


des  Soirées  du  Pausilippe ,  recueil  où  TiiAUiERGa  réun 
24  pièces  charmantes,  quoique  de  dimensions  exi- 
guës. Elles  sont  d'une  rare  distinction  de  forme  et  de 
pensée.  »  Nous  pensons,  comme  M.  Uougnon,  qu'il 
ne  faut  pas  un  mince  mérite  pour  savoir  mettre  ces 
qualités  dans  des  morceaux  de  courte  haleine. 

A  l'âge  de  13  ans,  I'halberg  donnait  ses  premiens 
concerts  à  Vienne;  à  16  ans,  il  publiait  ses  premières 
compositions  (1828). 

Ses  œuvres  sont  de  genres  différents  :  fantaisies, 
variations  sur  des  tJièmes  d'opéras.  Il  composa  aussi 
Florinda  (183 1)  et  Cristina  di  Sue^ia  (1863),  deux  opé- 
ras qui  n'eurent  pas  grand  succès. 

On  a  considéré  sa /■'cître  de  Moise,  brillant  morceau 
de  concert,  commeson  chef-d'œuvre  de  compositeur. 

RuRiNSTEiiN,  dans  son  livre  sur  La  Musique  et  ses 
représentants,  écrit  :  >'  Mais  tout  a  coup,  voici  trois 
nouveaux  personnages  qui  surgissent,  et,  cette  fois 
encore,  tous  en  même  temps;  ce  sont  I'halberg,  Liszt 
et  Henselt.  Ils  donnenl  au  piano  un  caractère  toat 
nouveau,  en  substituant  au  roulement  de  la  gamme 
et  aux  fusées  des  traits  le  chant  proprement  dit  avec 
accompagnement  d'arpèges  (Thalherg),  le  caractère 
orchestral  (Liszt),  la  polyphonie  et  l'harmonie  lar- 
gement étendue  (Henselt). 

«  Thalbehg  et  Liszt  bannissent  la  variation  sur  un 
seul  thème  et  introduisent  la  i<  fantaisie  n  sur  plu- 
sieurs thèmes  d'opéras,  non  plus  avec  la  simplicité 
de  MoscHELÈs,  mais  avec  une  richesse  de  virtuosité 
inconnue  jusqu'alors;  ils  vontjusqu'à  faire  résonner 
deux  thèmes  à  la  fois. 

X  Nos  trois  compositeurs  inaugurent  pour  le  piano 
l'époque  de  la  virtuosité  transcendante 2.  » 

Dakgomiisri  (Alexandre-Serguiévitch),  considéré  en 
Russie  comme  un  chef  d'école,  né  dans  un  village 
du  gouvernement  de  Toula  en  1813,  mort  à  Saint- 
Pétersbourg  en  1869. 

Sa  famille  était  riche  et  lui  lit  donner  une  instruc- 
tion et  une  éducation  soignées.  Il  est  inconnu  en 
France;  en  Russie,  de  nombreux  amateurs  jouent  ses 
morceaux  pour  piano,  danses,  mélodies,  etc. 

Il  mit  en  musique  le  livret  français  La  Esmeralda, 
que  Victor  Hugo  avait  écrit  pour  M"=  Louise  Berlin. 

Il  écrivit  aussi  :  Le  Triomphe  île  Bac'hus  (opéra- 
ballet);  une  centaine  de  romances;  la  lioussalka  (l'On- 
diyie)  de  Pouschkine,  représentée  en  1836  à  Saint- 
Pétersbourg;  cette  légende  lavait  heureusement 
inspiré  et  rendit  son  nom  populaire. 

Le  Convive  de  Pierre,  opéra  que  la  mort  interrom- 
pit, fut  achevé  par  César  Cui  et  Riusky-Korsakow. 

Alran  (Charles-Valentin  Morhange),  connu  sous 
le  nom  d'ALKAN  aine,  né  à  Paris  en  1813,  mort  en  cette 
ville  en  1888. 

«  Virtuose  admirable  dans  le  style  classique  sur  le 
piano  et  le  piano-pédalier. 

«  Sesnombreuses compositions,  pourlepiano,  sont 
d'un  style  aussi  élevé  qu'originaP.  » 

L'un  des  maîtres  du  piano  au  xix°  siècle  et  compo- 
siteur de  premier  ordre  pour  cet  instrument. 

H  obtint  le  premier  prix  de  piano  au  Conservatoire, 
à  l'âge  de  dix  ans,  élève  de  Zimmerman.\',  et  à  treize  ans 
le  premier  prix  d'harmonie. 

Ses  pièces  pour  piano  les  plus  réputées  sont  :  Les 
Omnibus  (variations);  Variations  sur  l'Orai/e  de 
Steibelt;  vingt-cinq  Préludes;  douze  Etudes;  Mm'lir 


2.  .\ntoine  licBiNSTEis.  La  Musique  et  ses  reprêsenlants.\\nU(ii\cu 
sur  la  musique  traitait  du  m.iiiuscrit  russe  par  Michel  Dulixes.  l'aris, 
t89i.  Itengel  édil.,  pige  Si. 

3.  LwKi.NAC,  Ifico  cit.,  p.  ^Al. 


E.\cyCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONXAIHE  DU  CONSERVATOIRE 


2100 

funî-bre;  Marche  Triomphale;  un  recueil  d'Impromp- 
tus; Etudes-Caprices;  le  Chemin  de  fer.  Bourrée  d'Au- 
vcr(inc,  le  Preux,  études  de  concert;  les  Mois,  douze 
morceaux;  un  concerto,  une  sonate,  etc. 

Napoléon- Alexandre,  son  frère,  né  à  Paris  en  1826, 
obtint  un  second  prix  de  Rome  (1850).  Professeur 
au  Conservatoire  depuis  1847,  il  composa  quelques 
bonnes  pièces  pour  piano. 

Le  Cout'PEY  (Félix),  né  à  Paris  en  1811  et  mort  en 
cette  ville  en  1887.  11  obtint  au  Conservatoire  un 
premier  prix  de  piano  en  I82.T,  et  un  premier  prix 
d'harmonie  en  1828. 

Nommé  professeur  de  solfège  au  Conservatoire  en 
1837,  puis  professeur  d'harmonie  en  1843,  et  ensuite 
professeur  de  piano  d'une  classe  de  femmes,  où  il 
forma  de  nombreuses  et  excellentes  pianistes. 

On  lui  doitdes  ouvrages  d'enseignement  de  tout  pre- 
mier ordre.  Des  Etudes  primaires,  op.  10;  L'Alphabet, 
op.  il;L'Agilit('-,\'mgl-c\nqctudes,  op. 20;  De  l'Ensei- 
gnement du  piano  {iHG'îi)  ;  Erolc  du  mécanisme  du  piano 
et  diverses  compositions  pour  piano,  Répertoire  de 
l'enfance  (facile). 

Il  a  publié  une  édition  ayant  pour  titre  :  Les  Clas- 
siques du  Piano,  œuvres  choisies  des  grands  maîtres, 
revues,  doigtées  avec  beaucoup  de  soin  et  classées 
par  ordre  de  difficulté,  comprenant  cent  vingt 
morceaux  (édité  par  Hamelle).  Ce  beau  travail  rend 
aux  élèves  et  aux  professeurs  de  très  appréciables 
services. 

Henselt  (Adolf  von),  né  à  Schwabach  (Bavière),  le 
a  mai  1814,  mort  à  Warmbrunn  (Silésie),  le  10  oc- 
tobre 1889. 

Henselt,  avec  Li</t  et  Thalbebg,  donne  au  piano  un 
caractère  tout  nouveau.  Liszt  et  Henselt  affectent  à 
r  .1  Etude  II  un  caractère  esthétique,  la  faisant  sorlir 
de  sa  sphère  artistique;  ils  en  font  quelque  chose 
comme  ce  qu'on  appelle  une  «  étude  »  en  peinture; 
ils  donnent  à  chacune  d'elles  un  titre,  par  exemple  : 
Si  oiseau  j'étais,  A  toi,  je  volerais,  etc. 

Henselt  se  créa  un  jeu  personnel,  analogue  à  celui 
de  Liszt,  mais  basé  davantage  sur  un  legato  rigou- 
reux. 

Il  attribuait  une  très  grande  importance  à  l'ex- 
tension de  la  main,  et  inventa  pour  son  usage  de 
nombreux  exercices  d'extension. 

Stephen-Heller,  pianiste  et  compositeur,  né  à  Peslh, 
en  Hongrie,  le  13  mai  1814,  mort  à  Paris  en  1888. 

i(  L'un  des  rares  compositeurs  de  haute  valeur  qui 
n'aient  jamais  écrit  que  pour  le  piano.  Ses  œuvres 
sont  remplies  d'un  charme  poétique  tout  particulier, 
et  parfois  étrange;  il  faut  les  connaître.  Autant  que 
Chopin  tout  au  moins,  il  mérite  le  surnom  de  poète 
du  piano'.  » 

U  étudia  l'harmonie  avec  Chelard  et  se  fixa  à 
J'aris. 

Il  composa  plus  de  cent  cinquante  morceaux  :  so- 
nates, sonatines,  de  remarquables  études,  préludes. 
Kclierzos,  ballades,  romances  sans  paroles,  valses  tyro- 
liennes, mazurkas,  variations,  les  Promenades  d'un 
siilitaire,  tarentelles,  capi'ices,  arabesques,  etc.  Ueu\ 
livres,  op.  1j4,  à'Eludcs  techniques  pour  préparer  <i 
l'c.vcciition  des  a'urrcs  de  Chopin.  —  Op.  126,  n"  1,  Ou- 
verture pour  un  drame,  arrangée  à  quatre  mains  par 
Herbert.  —  Op.  126,  n"  3,  Ouverture  pour  un  opéra- 
romique  également  arrangée  à  quatre  mains  par 
Heiihert. 
M armo.ntel  (Autoine-I'rançois), 'pianiste,  professeur 


1.    I.WIGNAC,  lûCO  cit.,  p.    40j. 


et  musicographe,   né  à  Clermont-l'errand  en  1816, 
mort  à  Paris  en  1898. 

Uemportant  comme  élève  de  brillants  succès  au 
Conservatoire,  il  succéda,  en  1848,  à  Zimmerm\nn 
comme  professeur  de  piano. 

Compositeur,  il  se  fit  remarquer  par  des  œuvres 
nombreuses,  dépassant  la  centaine.  Ses  ouvrages 
d'enseignement  sont  particulièrement  appréciés  : 
L'Art  de  déchiffrer,  cent  études,  sept  rccueilsd'ct^ides; 
Ecole  du  mécanisme,  une  sonate,  des  nocturnes,  séré- 
nades, menuets,  rêveries.  ])olonaises,  morceau.r  de 
sfihm,  pièces  caractérislique^,  elc. 

Il  publia  :  Vade-mecum  du  professeur  de  piano;  Les 
pianistes  célèbres  (1878);  Conseils  d'un  pi'ofesseur 
(189U);  Symphonistes  et  eirtuoses  (1881);  Virtuoses 
contemporains  (1882);  Elémenls'd'Esthétique  musicale 
et  considérations  sur  le  beau  dans  les  arts  (1884);  His- 
toire du  piano  et  de  ses  orir/ines  (1885). 

Son  fils  Emile  -  Antoine-Louis  Marmontel,  né  à 
Paris  en  18';0,  mort  en  celte  ville  en  1907,  fut  son 
élève  au  Conservatoire.  Il  remporta  le  premier  prix  de 
piano  en  1867,  fut  professeur  de  solfège  au  Conser- 
vatoire en  1875,  chef  des  chœurs  à  l'Opéra  en  1878, 
et  professeur  de  piano  au  Conservatoire  en  1901.  Il 
composa  une  sonate  pour  piano,  un  concerto  pour 
violon  et  un  grand  nombre  du  morceaux  de  genre 
pour  piano. 

Il  publia  :  La  Première  Année  de  musique  et  La 
Deu.rième  Année  de  nnisiqiie. 

Prudent  (Emile-Racine-Gauthier),  né  à  Angoulême 
en  1817,  mortà  Paris  en  1863,premierprix  de  piano 
du  Conservatoire,  élève  de  Zimmermann. 

Il  a  été,  en  quelque  sorte,  le  continuateur  de  la  ma- 
nière de  Thalberg,  employant  fréquemment  de  grands 
traits  d'arpèges  et  accentuant  la  mélodie  au  milieu 
de  ces  tourbillons  de  notes,  procédé  plus  brillant  que 
réellement  difficile. 

11  composa  un  concerto  pour  piano  et  orchestre, 
un  trio  avec  piano,  un  grand  nombre  de  morceaux 
d'un  style  élégant  et  brillant  dont  le  succès  fut  long- 
temps considérable  :  des  fantaisies  sur  Lucie,  Rigo- 
letto;  des  variations;  La  Danse  des  Fées,  Le  Rêve  d'A- 
riel,  op.  64;  Souvenir  de  Beethoven  et  Souvenir  de 
Schubert,  de  nombreux  morceaux  de  genre  :  Canzo- 
netla,  Scherzo  imjiromplu,  Air  de  grâce  (Robert), 
op.  38;  Deu.v  Impromptus,  op.  44;  Allegro  pastoral, 
op.  36;  Chant  du  Ruisseau  ;  Solitude  ;  Barcarolle,  op.  44; 
Les  y'aïades,  op.  43;  LcsLutins  (scherzo),  op. 471,  etc. 
Lefébure-Wely  (Louis-James-Alfred  Lefehvre,  dit), 
né  et  mort  à  Paris  (1817-1870),  organiste  pianiste 
et  compositeur.  Il  obtint  au  Conservatoire  les  deux 
premiers  prix  d'orgue  et  de  piano  en  1833.  Il  fut 
orpaniste  à  Saint-Roch,  à  la  Madeleine  (1847)  et  ;i 
Saint-Sulpice.  Elève  de  Zimmermann  pour  le  piano, 
de  Rerton,  d'AD.\M  et  d'HALÉvv  pour  la  composition, 
de  Benoisï  et  Séian  pour  l'orgue. 

11  fut  un  remarquable  improvisateur.  Ses  u'uvres 
appartiennent  au  genre  gracieux  et  mélodique,  tout 
comme  celles  de  Prudent,  de  Gorl\,  de  Ravina.  Il 
écrivit  beaucoup  pour  orgue,  pour  harmonium,  pour 
piano. 

On  lui  doit  aussi  trois  messes,  trois  symiihonics,  des 
études,  des  morceau.v  de  genre.  Un  opéra-comique 
en  trois  actes  :  Les  llccruteurs  (1861),  ime  cantat''  : 
Ajn'ès  la  victoire. 

Pour  le  piano,  de  nombreuses  pièces  :  Les  liinioux 
de  Naples,  Le  Rêve  de  (iraziclla,  La  Fête  des  Abeilles; 
plus  difficiles  :  Le  Rêve  île  Chérubin,  op.  176,  Esme- 
ralda,  caprice  brillant,  op.  177;  Titania,  caprice;  Les 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    2101 


Laijuiics,  Cautabile,  op.  108;  Lea  Ikibillardes,  op.  117; 
La  Deiyère  (scène  champêtre),  op.  138;  Larmes  du 
Cœur,  op.  84;  L'Heure  de  l'Ainjetus  (pastorale),  op.  136- 

Gadk  (Niels-Wilhelni),  compositeur  et  violoniste 
Danois,  né  et  mort  à  Copenliague  (1817-1890). 

Il  est  considéré,  dans  son  pays,  comme  le  véritable 
représentant  de  l'art  romantique  Scandinave. 

Quoique  son  style  possède  un  caractère  personnel, 
on  y  retrouve  l'intluence  deMENDFxssoHN;  il  remplaça 
ce  dernieraprèssa  mort  comme  chef  des  concerts  du 
Gewandhaus  de  Leipzig. 

Il  retourna  à  Copenhague  après  la  guerre  du 
Sleswig-llolstein,  en  1848. 

Maître  de  chapelle  Je  la  cour,  il  fut  nommé  direc- 
teur de  l'orchestre  royal  de  Copenhague. 

Ses  œuvres  sont  nombreuses.  «  Je  n'en  connais 
bien  que  deux  sonates  pour  piano  et  violon,  VAra- 
besqiie  pourpiano,  et  un  recueil  de  charmantes  petites 
pièces  de  piano,  Nocl,  d'un  caractère  analogue  aux 
Souvenirs  d'Enfance  de  ^leriOELssows,  aux  Scènes  d'En- 
fants de  ScnviiAN}^,  on  aux  Jeux  d'Enfants  deHizET'.» 

Il  composa  aussi  des  ouvertures,  parmi  lesquelles  : 
celles  d'Ossian,  d'Hainlet  et  de  Michel-Ange;  des  Xove- 
lettes,  des  symphonies;  des  cantates,  dont  Comala, 
Canalus,  Sion,  Psyché;  des  cho'urs;  des  lieder;  quel- 
ques compositions  religieuses,  etc. 

L.icoMBE  (Louis),  de  son  vrai  nom  Louis  Brouillon, 
né  à  Bourges  eu  1818,  mort  à  Saint- Vaast-la-Hougue 
en  1884. 

Elève  de  ZisiMEnMANN,  de  Czerny  et  de  Barbereal'. 
Ses  œuvres  ont  une  valeur  incontestable. 

Tout  pianiste  devrait  connaitie  son  recueil  pour 
piano  :  Les  Harmonies  de  la  nature,  sa  Grande  étude 
d'octaves,  Etudes  de  salon,  op.  38;  Marche  Turque, 
op.  So,  de  nombreux  morceaux  :  nocturnes,  sonates, 
pièces  de  genre.  On  lui  doit  aussi  des  œuvres  plus 
considérables  ;  Maiifred,  Arva  ou  les  Hongrois,  Epo- 
pée lyrique,  une  ouverture  ;  Minuit.  De  jolies  mélo- 
dies telle  que  :  L'Ondine  et  le  Pêcheur,  ont  été  très 
répandues,  un  grand  nombre  de  romances  et  de 
chœurs. 

Sapho,  scène  lyrique  ;  ■L'Amour,  drame  lyrique, 
représenté  vers  185a;  et  en  1860  un  opéra  en  un  acte, 
La  Madone. 

Après  sa  mort,  on  a  donné  à  Genève  un  grand 
opéra  en  quatre  actes  :  Winkelried  (1892);  et,  en 
Allemagne,  un  opéia-coniique  :  Le  Tonnelier  de  Nu- 
remberg. 

Il  écrivit  un  recueil  de  vers  :  Dernier  Amour,  et  un 
volume  :  Philosojjhie  et  Musique,  publiés  après  sa 
mort  (1896). 

LiTOLFF  (Henri),  né  à  Londres  en  1S18,  niortà  Bois- 
Colombes  en  1891. 

Grand  virtuose,  pianiste,  compositeur.  Son  père 
était  l'rançais,  et  sa  mère  Anglaise.  Son  tempérament 
fougueux  n'est  pas  sans  analogie  avec  celui  de  Liszt, 
et  ses  qualités  d'élan  et  d'inspiration  nuisirent  quel- 
quefois à  sa  correction,  mais  eu  tirent  néanmoins 
un  pianiste  remarquable. 

Ses  compositions  appartiennent  nettement  au 
genre  romantique.  11  séjourna  en  France,  en  Belgi- 
que, à  Varsovie,  où  il  fut  durant  trois  années  chef 
d'orchestre  au  Théâtre  National. 

11  fit  représenter  en  Allemagne  (à  Brunswick)  un 
opéra  :  La  Fiancée  de  Kynast,  y  composa  les  deux 
ouvertures  de  Robespierre  et  des  Girondins  pour  deux 
drames  de  Griepenkerl.  C'est  à  cette   époque    qu'il 


1.  Lavi.;nac,  loco  cit.,  p.  405 


épousa  la  veuve  de  l'éditeur  de  musique  .Meyer  et 
commença  la  publication  de  classiques  à  bon  mar- 
ché qui  porte  encore  son  nom.  Quittant  sa  femme, 
il  retourna  en  Hollande,  en  Belgique, à  Gotha  et  enftn 
à  Paris,  en  18.'>8,  où  il  obtint  de  grands  succès;  c'est 
alors  qu'il  épousa  M"'  Louise  de  La  Rochefoucault. 

Il  écrivit  pour  l'orchestre  des  symphoiMes,  plusieurs 
concertos  où  l'orchestre  et  le  piano  sont  magistrale- 
ment traités,  Héloise  et  Abélard,  opérette,  son  seul 
ouvrage  qui  réussit  complètement  (1872).  A  citer 
aussi  :  Le  Chevalier  Nahel,  opéra  françaisjoué  à  Bùle 
(1863);  deux  opérettes  données  aux  Folies-Drama- 
tiques :  La  Boite  de  Pandore  (1871);  La  Fiancée  <lu 
Roi  de  Garbe  (1874),  peu  après  un  opéra-ballet,  ta 
Belle  au  bois  dormant,  représenté  au  Chàtelet;  La 
Mandragore,  opérette  jouée  à  Bruxelles  (1876);  dans 
cette  même  ville,  à  la  Monnaie  :  Les  Templiers  {1><S6), 
drame  lyrique. 

MoNiuszKO  (Stanilas),  né  à  Ubiel  dans  le  gouver- 
nement de  Minsk  en  1819  (Pologne),  mort  à  Varsovie 
en  1872.  Il  commença  ses  études  avec  Freyer,  orga- 
niste de  Varsovie.  De  1837  à  1839,  il  fut  élève  de 
RuNGENHAGEN  à  Berlin. 

Son  œuvre  est  considérable  et  comprend  a  peu  près 
tous  les  genres  :  vingt  morceaux  divers  pour  piano, 
huit  sonates  sur  des  motifs  de  la  Crimée. 

Une  multitude  de  chansons;  trente-sept  ouvrages 
de  musique  religieuse,  presque  tous  avec  orgue;  il 
était  lui-même  un  organiste  remarquable.  Il  donna 
en  outre  vingt  et  un  opéras  et  opéras-comiques, 
trois  ballets,  la  musique  de  six  drames  et  de  trois 
mélodrames,  plusieurs  grandes  cantates  :  Kroumine, 
La  Madine,  Madame  Tamrdouska,  Milda,  Niola;  Halka 
est  généralement  considéré  comme  son  meilleur 
opéra,  et  obtint  plusieurs  centaines  de  représenta- 
tions. 

Dans  sesnombreiises  productions, Moniuszko  «s'est 
montré  harmoniste  instruit,  ingénieux;  mais  il  est 
avant  tout  un  original  et  fécond  mélodiste.  Ses  nom- 
breuses petites  pièces  vocales  détachées  sont  en 
particulier,  pour  la  plupart,  de  précieux  bijoux  sertis 
avec  un  art  très  délicat.  Il  y  a  là,  avec  infiniment  de 
fraîcheur  et  de  variété,  quelque  chose  d'un  peu 
étrange  et  de  fort  attrayant,  une  curieuse  et  physio- 
nomique  note  personnelle^  ». 

Pasdeloul'  (Jules-Ktienne),  chef  d'orchestre,  créa- 
teur des  concerts  populaires  portant  son  nom,  né  à 
Paris  en  1819,  mort  à  Fontainebleau  en  1887. 

Il  remporta  un  premier  prix  de  piano  au  Conser- 
vatoire. 

11  fonda,  en  premier,  un  orchestre  symphonique, 
sous  le  titre  de  «  Société  des  jeunes  artistes  du  Con- 
servatoire »,  avec  lequel  il  donna,  pendant  plusieurs 
années,  des  concerts  à  la  salle  IIerz.  Ce  fut  cet  essai 
qui  l'entraîna  à  la  fondation  de  ses  "  Concerts  popu- 
laires de  musique  classique  »,  grâce  auxquels  la 
po[iulalion  parisienne  put  entendre  les  chefs-d'œuvre 
des  maîtres  anciens  et  contemporains. 

Pasdeloup  voulut  aussi  fonder,  dans  une  salle 
aujourd'hui  disparue,  rue  Scribe,  des  concerts  per- 
manents, avec  chœurs  et  orchestre,  mais  ce  fut  un 
échec. 

Il  dut  y  renoncer,  ainsi  qu'à  la  direction  du  Théâ- 
tre-Lyrique (1868),  qui  ne  fut  pas  pour  lui  une  entre- 
prise heureuse. 

Raff  (Joseph-Joachim),  né  à  Lachen  (Suisse)  de 
parents  wurtembergeois,  en  1822,  mort  à  Francfort- 


l.  Albert  Soumis,  tnco  cit.,  p,  20S. 


9t02 


ENCYCLOPÉDIE  UE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


snr-le-Mein  en  1882.  Jusqu'à  dix-huit  ans,  ses  éludes 
furent  purement  scientifiques.  Il  joua  de  l'orgue,  du 
violon  et  du  piano.  11  fut  encouragé  par  Mendelssohn; 
Liszt,  dont  il  était  l'accompagnateur  à  Cologne,  fut 
aussi  son  maître  ou  conseiller. 

Il  donna  son  premier  opéra  en  quatre  actes  à 
Weimar  :  Le  Roi  Alfred  (1850).  En  185;>,  il  épouse 
une  jeune  actrice.  M""  Genast,  et  part  avec  elle  pour 
Wiesbaden  (1855),  où  il  s'installe.  C'est  en  1877  sea- 
lement  qu'il  prend  la  direction  du  Conservatoire 
HocH  à  Francfort. 

II  écrivit  huit  symphonies,  portant  presque  toutes 
des  noms  distinctifs  :  flans  la  ford .  A  la  Pairie,  Dans 
les  Alpes,  etc.,  deux  suites  d'orchestre,  une  petite 
symphonie  {Sinfonielta)  pour  instruments  à  vent, 
diverses  œuvres  symphoniques,  de  la  musique  d'é- 
f^lise  en  grande  quantité.  Deux  couvres  drama- 
tiques :  Dame  Kobold,  un  acte  (1870);  Samson  et  la 
musique  de  scène  pour  le  drame  Bernard  de  Weimar. 
Pour  le  piano,  entre  autres  :  trois  sonatines,  op.  99; 
deux  sonates,  op.  14 et  op. 68,  de  nombreux  morceaux 
it  des  pièces  légères  comme  sa  Polka  de  la  Reine. 
Cinq  sonates  pour  violon,  op.  73,  op.  78,  op.  128, 
op.  129  et  op.  145,  enfin  une  sonate  pour  violoncelle 
op.  183.  A  citer  aussi,  op.  185,  Concerto  endomineur 
(difficile);  Suite  de  pièces  suivies  d'une  fugue,  op.  91; 
Trois  pièces,  op.  125,  et  enfin,  très  difficiles  :  Suite  en 
sol  majeur,  op.  163;  Suite  de  pièces  sérieuses,  op.  ^1  ; 
Caprice  (pièce  de  style),  op.  92.  Ces  suites  sont  du 
plus  haut  intérêt  musical,  dit  Maruontel,  dans  son 
Vade-mecmn  (p.  120). 

Franck  (César-Auguste),  né  à  Liège,  le  10  décembre 
1822,  mort  à  Paris,  le  il  novembre  1800.  Il  vint  en 
France  en  1835,  et  se  fit  naturaliser  Français. 

Elève  de  Zimmermann  pour  le  piano,  de  Leborne 
pour  le  contrepoint,  au  Conservatoire  de  Paris  où  il 
fut  professeur  d'une  classe  d'orgue  de  1872  à  1891. 
Ch.-M.  WiDOR  lui  succéda. 

Organiste  de  Sainte-ClotiUle  vers  1858,  il  fut  un 
merveilleux  improvisateur.  11  forma  de  nombreux  et 
fervents  disciples,  et  il  doit  être  considéré  comme  un 
grand  chef  d'école. 

Comme  compositeur,  il  excella danstousles  genres; 
ses  œuvres  pour  piano,  d'une  exécution  difficile, 
pT'ocèdent  de  Bach,  de  (itucK  et  des  romantiques 
allemands  ;  elles  sont  toujours  intéressantes;  si  on 
osait  critiquer,  on  dirait  que  les  développements  en 
sont  parfois  un  peu  longs,  et  que  le  succès  obtenu 
n'est  pas  toujours  en  rapport  avec  les  difficultés  à 
vaincre  pour  arriver  à  jouer  ces  belles  pages. 

Voici  la  liste  de  ses  œuvres,  recueillie  par  M.  Vin- 
cent d'Indy  : 

Pour  piano.- —  1842,  Egloifue.  1843,  Grand  Caprice 
(édit.  Lemoine).  Souvenir  d'Aix-la-Chapelle. 

1844,  Quatre  mélodies  de  Schiiberl,  transcrites  : 
1"  La  Jeune  Religieuse, 

2"  La  Truite, 

3°  Les  Plaintes  de  la  jeune  fille. 

4°  La  Cloche  des  agonisants. 

Ballade,  Première  fantaisie  sur  Gulislan,  de  Dalay- 
RAC.  Deuxième  fantaisie  >■«)■  fair  et  le  Virelai/,  «  le 
point  du  jour  »  (les  deux  éditées  pai'  Costallat).  Fan- 
taisie pour  piano  (inti'ouvable). 

1845,  Fantaisie  pour  piano  sur  deux  airs  polonais 
(Costallat).  Trois  Petits  Rien"  : 

i"  Duettino, 

i»  Valse, 

3"  Le  Songe. 

1865,  Les  Plaintes  d'une  poupée  (.Mangeot).  1869- 


1879,  Les  Béaliiudes  (réduction  de  l'orcliestre).  1872» 
Rédemption,  réduction  pour  piano.  1881,  Rébecca., 
transcription  (Joubert).  1884,  Prélude-Choral  et  fugue 
(Enoch).  1885,  Danse  lente  (Schola  Cantorum).  1886- 
1887,  Prélude,  aria  et  final  (Hamelle). 

A  quatre  mains.  —  1842,  Duo  sur  le  «  God  save 
the  King  ».  1846,  Duo  à  quatre  rnaiiix  sur  Lucile  de 
Grétry.  1876,  Les  Eo/ir/cs,  arrangement  (Enoch).  1882, 
Le  Chasseur  maudit,  arrangement  original  (L.  Gruss). 
Pour  deux  pianos.  —  Les  Djinns,  poème  sympho- 
nique  pour  piano  et  orchestre,  arrangement  par 
l'auleur  (Enoch).  1885,  Variations  symphoniquet. 

Trios.  —  1841,  trois  trios  concertants,  et  eu  1842, 
Quatrième  trio  concertant,  pour  piano,  violon  et  vio- 
loncelle (Schuberth,  à  Leipzig). 

Pour  grand  orgue.  —  1859,  trois  Antiennes  (Heu- 
gel).  1860,  six  l'ièces.  1878,  trois  Pièces  (Durand). 
Andantino  (Costallat).  1889,  Préludes  et  Prières  de 
l'h.-V.  Alkan  (en  3  livraisons)  (Costallat).  1890,  trois 
Chorals  :  1°  en  mi,  2"  en  si,  3°  la  mineur. 

Pour  harmonium.  —  1862,  Quasi  marcia  (Leduc). 
1863,  cinq  Pièces.  1863,  quarante-quatre  petites  pièces 
(F.noch).  1871,  Offertoire  sur  un  air  breton. 

Ajoutons  :  1843,  Andantc  quiestoso  pour  piano  et 
violon  (Lemoine).  1844,  Solo  de  piano,  avec  accom- 
pagnement de  quatuor  à  cordes.  1846,  Ruth,  trans- 
cription pour  piano  (Heugel).  1879,  IJuintelte  en  fa 
mineur,  pour  piano,  deux  violons,  alto  et  violoncelle 
(Hamelle).  18S0,  Sonate  pour  piano  et  violon.  1889, 
Quatuor  en  ré  majeur  pour  deux  violons,  alto  et  vio- 
loncelle (Hamelle). 

Œuvres  vocales.  —  1843,  Souvenance,  Ninon,  L'E- 
mir de  Bengador,  Le  Sylphe,  Rfibin  Gray,  avec  accom- 
pagnement de  violoncelle  (Costallat).  1846,  L'Ange  et 
l'Knfant  (Hamelle).  l8.o2,  Lt'sTrot'sEjîi'/^s,  chant  natio- 
nal pour  baryton  et  basse.  1858,  0  Saiutaris  (duo  pour 
suprano  et  ténor),  i\oél,  trois  motels  (Heugel).  1859, 
La  Garde  d'honneur,  cantique,  neuf  couplets  (Noël). 
1863,  Ave  Maria,  pour  soprano,  ténor  et  basse  (Bor- 
nemann).  1870,  Paris,  chant  patriotique  pour  ténor 
avec  orchestre  (texte  en  prose).  1871,  Le  Mariage  des 
roses  (Enoch).  1872,  Veni  Creator,  duo  pour  ténor  et 
basse;  Passez,  passez  /oiyoi(/s  (Costallat).  1872,  Roses 
et  papillons  (Enoch).  1873,  Lied  (Enoch)  1879,  Le 
Vase  brisé  (Enoch).  1884,  Nocturne  (Enoch).  1888, 
Hymue pour  quatre  voix  d'hommes (HumeWe) , Cantique 
avec  cor  (A.  Leduc),  La  Procession  (Leduc).  Les 
Cloches  du  soir  (Leduc),  six  duos,  pour  chœur  à  voix 
égales  (Enoch),  Le  Premier  Sourire  de  mai,  chœur 
pour  trois  voix  de  femmes  (Hamelle). 

Vers  1846,  Le  Sermon  sur  la  montagne,  symphonie; 
Ruth,  églogue  l)ibliqiie  en  trois  parties,  pour  soli, 
chœ.ur  et  orchestre  (Heugel).  1852,  Le  Valet  de  ferme, 
opéra-comique  en  {rois  actes.  1858,  Messe  solennelle 
pour  basse  solo  et  orgue.  1S60,  Afe.ssc  ii  trois  voir, 
pour  soprano,  ténor  et  basse,  avec  accompagnement 
d'orgue,  harpe,  violoncelle  et  contrebasse.  1865,  La 
Tour  de  Babel,  petit  oralorio  pour  soli,  chœur  et 
orchestre.  1871,  trois  offertoires.  1871,  Domine  non 
secundum.  1872.  Panis  Angeiicus,  pour  ténor,  orgue, 
harpe, violoncelle  et  contrebasse(Bornemann).  Offi-r- 
toire  pour  le  Carême,  soprano,  ténor  et  basse  (liorne- 
mann).  Quasi  fremuerunt  gentes,  oITertoire  pour  la 
fêle  de  sainte  Clolilde,  choîur  à  trois  voix,  orgue  et 
contrebasse  (Bornemann). 

1872,  Rédemption,  poème  symphonique  en  trois  par- 
ties pour  soprano  solo,  chœur  et  orchestre  (Heugel). 
1881,  Rébecca,  scène  biblique  pour  soli,  chœur  et 
orchestre  (Heugel).  1882,  Le  Chasseur  maudit,  poème 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE 


2103 


syraphoni([HR  pour  orchestre  (L.  Gruss).  1884,  Lea 
Djinn»,  poème  symphonique  pour  piano  et  orchestre 
(Enoch).  188;),  HnliUi,  opéra  en  quatre  actes  et  un 
épilogue,  légende  Scandinave  (Choudens).  188d,  Varia- 
tions symphoniqufs  pour  piano  et  orchestre  ^Enoch). 
1888,  Pxyché,  poème  symphonique  pour  orchestre  et 
chœur  (Bornemann),  réduction  pour  piano  par  l'au- 
teur. 1888,  Symphonie  en  ré  mineur  pour  orchestre 
(Mamelle)  (avec  orgue);  cette  œuvre  compte  parmi 
les  plus  géniales.  1888,  Le  Premier  Sourire  de  mai, 
chœur  pour  trois  voix  de  femmes  (Mamelle).  1890, 
Ghiscle,  drame  lyrique  en  quatre  actes  (inachevé) 
(Chouclens'). 

ScHULOFF  (Jules),  virtuose  et  compositeur  tchèqu*, 
né  à  Prague  en  182o,  mort  à  Berlin  en  1898.  Elève 
de  Tedesco  et  de  Tomoscheck.  Ses  premiers  succès 
furent  à  Dresde  et  à  Leipzig;  venu  de  bonne  heure  à 
Paris,  il  y  resta  quarante  ans;  il  reçut  des  conseils  de 
Chopin,  et  fit  de  brillantes  tournées  en  Angleterre,  en 
Allemagne,  en  Espagne  et  en  Russie. 

Il  termina  sa  carrière  à  Dresde,  puis  à  Berlin. 

Il  composa  beaucoup  pour  le  piano,  plusieurs  de 
ses  morceaux  eurent  une  véritable  vogue  :  Galop, 
Valses  en  la  bémol  et  en  ré  bémol,  Polonaine,  Fantai- 
sie sur  les  chants  populaires  de  la  Bohème,  Chant  des 
Bergers,  etc. 

Delioux  (Jean-Charles),  né  à  Lorient  (Morbihan) 
le  17  avril  182.-;,  et  décédé  à  Paris,  âgé  de  plus  de 
quatre-vingt-dix  ans,  le  12  novembre  191a. 

Pianiste  compositeur,  professeur  des  plus  distin- 
gués. Son  père,  commissaire  de  la  marine,  lui  fît 
faire  ses  premières  études  musicales.  On  devina  vite 
la  vocation  artistique  du  jeune  prodige  qui,  dès  l'âge 
de  neuf  ans,  se  fit  entendre  à  Paris,  aux  Tuileries 
et,  lors  de  son  voyage  à  Londres,  se  fit  applaudir  à 
la  Coui-  d'Angleterre. 

Elève  de  Rarrereau  pour  l'harmonie,  il  entra  au 
Conservatoire  dans  la  classe  de  composition  d'HALÉVY. 
Il  obtint  le  premier  accessit  de  contrepoini  et  fugue 
le!)  novembre  184o.  Admis  à  concourir  pour  le  prix  de 
Rome,  il  compose  la  cantate  de  L'Ange  et  Tobic.  En 
18N2,  il  fait  jouer  au  Gymnase  Yvonne  et  Loie,  opéra- 
comique  en  un  acte,  poème  de  Michel  Carré.  Le 
succès  de  celte  paysannerie  bretonne  faisait  bien 
augurer  de  l'avenir  Ihéàtral  du  musicien,  mais  les 
élèves  déjà  nombreux,  une  mère  devenue  aveugle  et 
deux  sœurs  déiùdèrent  le  bon  et  charitable  Ch.  De- 
Liorx  à  se  vouer  entièrement  au  professorat.  Il  y 
occupa  une  des  premières  places;  ses  œuvres  sont 
toutes  élégantes,  séduisantes,  bellement  écrites.  Son 
enseignement  fut  des  plus  remarquables. 

Il  l'ulun  des  premiers  maîtres  de  Castillon  (Alexis), 
ainsi  que  de  M.  Victor  Gille  et  L.-E.  Gratia  qui  con- 
tinuent son  bel  enseignement;  à  citer  aussi  son  élève 
Marcou  et  d'autres  que  nous  nous  excusons  d'oublier. 

Le  7  juillet  187.';,  il  était  nommé  commandeur  de 
l'ordre  royal  d'Isabelle  la  Catholique,  et  le  14  juillet 
1884,  officier  d'Académie.  Dès  juillet  1884,  Ambroise 
Thomas  le  réclamait  comme  membre  du  jury  au 
Conservatoire. 

Resté  célibataire,  pour   mieux  secourir  sa  vieille 
mère   et  sa  famille,  il  fut  l'artiste  au  bon  et  beau 
caract'ire. 
Voici  la  liste  de  ses  œuvres  pour  piano  : 

Op.      5  Rêverie,  M.  F.-. 

6  Tarentelle,  M.  F.  (édités  chez  Richault). 

7  Deii.r  ii  deux,  nocturne,  M.  F. 


l.  Voir  les  Maîtres  dt'   la   musiqu 
d'Ixdi  (Alcan,  é  lit.,  1906). 


:  César  Franck,   par  Vincent 


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Calvii  (li  BraiHira,  M.  F.  (éiiit.  Oregh). 

Guarnclie,  air  de  danse  espaS"»',  **.  S. 

Capriee,  nocturne,  D.  (édit.  Benoit). 

Danse  napolitaine,  D.  (Gregh). 

Valse  hrilianle,  en  réi,.  D.  (Heugel). 

Deux    Nm-lurites,  M.  F.  :  1.   f  Adieu,  2.  Melaneolie 

(Cregh). 
Marche  hongroise,  M.  F.  (Durand). 
Un  Dimanche  en  Bretagne  (deux  esquisses  Tillageoises): 

1.  A  f  Eglise,  M.  F.  2.  Dans  les  champs,  F. 
r.oit/idenza,  romance  sans  paroles,  M.  F.  (Oregh). 
Élude-Caritlon.  i"  étude  de  salon,  M.  F. 
Chansm  créole,  M.  F. 
Souvenir,  M.  F.  (Em.  Benoit). 
Grenade,  souvenirs  espagnols,  M.  F. 
Valse  Élégante,  M.  F. 

De«.i-  Mazurkas,  1"  livre,  M.  F.  (E.  Benoit). 
Vne  Fêle  ti  Sêvilte,  boléro,  M.  F.  (Heugel). 
Rêverie  sur  l'eau,  barcaroUe,  M.  F.  (Crus). 
Le  Ruisseau,  2"  Etude  de  salon,  D.  (E.  Benoit). 
Le  Forgeron,  3°  Elude  de  salon,  M.  F.  (Grogh). 
La  Brise,  i'  Elude  de  salon,  M.  F.  (Clioudens). 
Mandoline,  sérénade,  M.  F.  (Durand). 
Cantilene.  mélodie  nocturne,  M.  F.  (Grus). 
Cri  de  guerre,  marche  caractéristique,  D.  (Gregh). 
Feuillet  d'AlImm,  M.  F.  (Durand). 
Deu.v  ilaz-urkns.  2'  livre, 'd.  (Legouix). 
Le  Tournoi,  marche-élude,  D.  (Legouix). 
Le  son  du  Cor,  chasse,  D.  (Mathieu). 
Chant  du  matin,  aubade,  M.  F, 
Loin  du  pays,  styrienne,  M.  F.  (Gallel). 
Chant  du  Nord,  mazurka,  M.  F.  (Grugli). 
Carnaval  espagnol,  caprice  de  concert,  D.  38  «m,  le 
mèmi>  à  quatre  mains.  38  ter.  i\  deux  pianos  (Crallel). 
Les  Bohémiens,  morceaux  de  genre,  M.  F.  (Gregh). 
Les  Matelots,  scène  maritime,  M.  F.  (Gregh). 
Sous  le  Balcon,  sérénade  italienne,  M.  F. 
Orientale,  M.  F.  (Gallet). 
Le  Hamac,  berceuse,  M.  F.  (inédit). 
Trois  Homances  sans  paroles,  M.  F.  ;  1.  Regrets,  2.  Me- 

dilutioii.  3.  Chant  d'Amour  (Gregh). 
Deparl  et  Retour,  2  duettinus,  M.  F. 
Invacatiou,  M.  F.  (Gallet). 
Sara  la  Imigneuse,  M.  F. 
Fandango,  D.  (Durand). 
La  Coupe,  chanson  à  boire,  M.  F.  (Gregh). 
Venise,  barcaroUe,  M.  F. 
Souvenirs  du  Tyrol,  M.  F. 

Les  Travestissements,  caprice  napolitain,  M.  F.  (Gallet). 
Chanson  du  malin,  M.  F.  (Fromonl). 
Fantaisie  sur  Faust,  de  Goonod,  F.  (choudeus). 
Fantaisie   sur  Ilerculanum,    opéra   do    F.    David,    D. 

(Gallet). 
Murmures  du  soir,  rêverie,  éludi',  M.  F.  (Giraud). 
Les  Aimées,  air  de  ballet,  M.  F.  (oirod). 
Parlons,  souvenir  de  voyage,  W.  F. 
Rémiiiiseences  d'Orphée,  de  Gldck,  M.  F. 
Deux  Impromptus,  M.  F.  :  1.  Berceuse,  2.  Scherzo. 
Arahesques,  M.  F.  (Gallet). 
Sous  la  (euillée,  valse  de  salon,  M.  F.  (firegli). 
La  Fête  du  Sacre,  duo  i  quatre  mains,  D.  (Gallel). 
Garde  à  vous,  ronde  de  nuit,  M.  F.  (Durand). 
Den.r  Sérénades,  II.  F.  (Heugel). 
Soureilir  de  la  Vendéenne,  opéra  de  Maillot,  M.  F. 
LAugelus.  F.  67  bis,  Farandole,  F.  (Klein). 
Deux   Transcriptions  sur   la   Mule   de    Pedro,    Victor 

Massé,  M.  F.   :  1.  Chanson  de  la  mule,  2.  Couplets 

du  Lutin  (t.egouix). 
Kalamaika,  danse  hongroise,  D. 
Bonheur  passé,  rêverie  variée,  M.  F.  (Gallet).  Recueil 

(un  volume  in-8°).  La  plupart  de  ces  morceaux 

sont  édités  séparément  (Durand). 
Souvenirs  d'Italie,  D. 
Tableau  Pastoral,  M.  F. 
Presto,  D. 
Trois  Romances  sans  paroles  :  1.  Fleurs,  },l.  V.2.  Chanson 

napolitaine.  M.  F.  3.  Cheval  et  Cavalier,  D. 
Allegro  de  Concert. 
Sérénade, 
Thème  varié,  D. 

Deux  Valses,  M.  F.  :  1.  Valse  Expressive.  2.  Valse  en  fa. 
Andante,  D. 

Le  Retour  du  Chevalier,  2"  poème  symphonique,  D. 
Impressions  de  voyage  ;  1 .  Chanson  aragonaise,'F .  2.  Chan- 
son toscane,  F.  (Gregh). 


2.  Les  lettres  M.  F.  signifient  :  moyenne  force. 
La  lettre  t).  signifie  :  difficile. 
La  lettre  F.  signifie  :  facile. 


2104 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


82  Deux  Rumancessa'is paroles  :  1.  Chunl  desoiseani,  M.I'. 

2.  Sérénade,  M.  F. 

83  Les  Sirènes,  D.  (Choudens). 
S4  Soir  d'élé,  Idylle,  M.  F. 

85  Niiples,  scène  italienne  (Lesigne). 

86  Le   très    remarquable    :    Cours   complet    d'exercices, 

l*^' livre,  M.  F.  (adopté  par  le  Conservatoire). 

87  Patrie,  polonaise,  D. 

88  Le  Lac,  rêverie,  M.  F. 

89  Pensées   musicales,    M.  F.    :   1.   Menuet  dans    le  style 

ancien,  2.  Scherzelli.  3.  Capricio,  i.  Yillanelle,  5. 
Chanson  russe,  6.  Valse  en  la  mineur.  7.  Gavotte, 
8.  r.avolle,  'J.  Notre-Dame  d'Auraij,  10.  Pavane,  11. 
Rêre,  12.  Souvenance,  13.  Rafale. 

90  Eleganza,  M.  F. 

91  Idylle,  M.  F. 

92  Caprice  hongrois,  M.  F. 

93  Chanson  Iwhcmienne,  M.  F. 

94  Allegro  agilalo.  D. 

95  Etudes  de  mécanisme,  l^r livre,  M.  F.  (travail  spécial'des 

quatrième  et  cinquième  doigts),  2''livre,M.  F.  (tra- 
vail spécial  du  passage  de  pouce)  (Durand). 

96  Havanaise  (LonU). 

97  Cho'ur  des  Pèlerins  de  Tannhauser,  D.  (Durand). 

98  Trois  Feuillets  dAllium,  M.  F.  :  1.  Barcarolle,  2.  Pré- 

lude, 3.  Slijrienne  {HdimeMe). 

99  Cours  complet  d'exercices,  2"  livre,  D.  (exercices  di? 

perfeclionncmenl)  (Durand). 

100  Fantaisie  sur  l.ukmè,  D.  100  Ins,  Audunle  c.ilru!l  de  lu 

Fantaisie. 

101  Lumento,  D. 

102  Cheval  et  Cavalier.  D. 

103  Aragonaise  (Ileugel). 

104  Ballade,  D. 

105  Marche  guerrière  D.  (Quinzard\ 

106  7'uurn(i'«</D.(DuWast). 

107  Chanton  hongroise.  M.  F.  (Heugel). 

108  Mazurkas,  M.  F.  (Grus). 

109  Le  Pelil  Berger,  M.  F.  (Heugel). 

110  Marche  funèbre,  D. 

111  Caprice,  D.  (Du  Wast). 

112  Marine..  M.  F. 

113  Danse  russe,  M.  F.  (GalletV 

114  Tristes  l'enurs,  nocturne,  M.  F. 

115  Mut  if  varié,  M.  F. 

116  Fantaisie  danse,   D.  (Ileugcl). 

117  .illcijro  en  ré  mineur,  D.  fQuiu/.arJ). 

Ajoutons  quatie  recueils  de  traiisciiplions  diver- 
ses, liuit  transcriptions  sans  numéros  d'œuvre  et 
dix-neuf  mélodies  pour  cbanl  avec  accompagnement 
depiano  ;  parmi  les  plus  connues  :  la  fameuse  Chan- 
son de  Ronsard  (devenue  populaire  et  souvent  prise 
à  tort  pour  un  air  ancien).  Le  Rclour,  Le  Rhin  Alle- 
mand, chanté  par  Faure  en  1870.  Les  Filles  de  Cadix, 
Rappelle-toi,  Le  Géant,  etc. 

Mathias  (Geort;es-Amédée  S-iint-Clair,  dit),  vir- 
tuose et  compositeur  français,  né  à  Paris  en  1826  et 
mort  en  celte  ville  en  lillO,  compte  parmi  les  artis- 
tes ayant  eu  le  bonheur  de  recevoir  des  leçons  de 
CnoriN, 

Second  prix  de  Rome  en  1848,  il  fut,  depuis  1862, 
professeur  de  piano  au  Conservatoire,  où  il  professa 
durant  vingt-cinq  ans  et  forma  des  pianistes  de 
talent  :  MM.  AuzeiNh^,  Paul  Chabeau.\,  Falkenberg, 
I.  Philipp,  Haoul  Pugno,  etc. 

Parmi  ses  compositions,  nous  citerons  :  deux  poè- 
mes dramatiques,  l'romcthée  enchaîné  et  Olaf;  une 
fantaisie  dramatique,  Le  Camp  dex  Rohémiens;  des 
ouvertures  :  Ilainlct,  Mazeppa. 

Ajoutons  un  praiid  nombre  de  compositions  pour 
piano,  entre  autres  :  trois  caprices,  op.  38,  39,  40;  Le 
Retour  des  Champs,  pastorale,  op.  48;  Andanle  de 
Concerlo,  op.  34;  Marche  Croate,  op.  2;  Polonais!', 
op.l;  Ballade,  op.  31  (moyenne  force)  \  Etudes  spéciales 
destyleetdemécanisme  (plus  difficiles),  trois  morceaux 
de  concert  :  Le  Rouet,  op.  43  ;  Les  Songes,  op.  46  ;  Syl- 
phes et  Lutins,  op.  47;  Douze  Pièces  sipnphoniqucs, 
op.  S8  ;  trois  sonates  et  notamment  la  première  ;  Alle- 
gro appassionato,  op.  20;  .Mlegro  sijmjihonique,  op.  o; 


Deuxième  Scherzo,  op.  63.   Et  enfin,  très  difficiles  : 
Cl randes  Etudes,  op.  10;  Etudes  symphoniques,  op.  S8. 

GoTTscHALK  (Louis-Moreau),  pianiste  virtuose  et 
compositeur  américain,  né  à  la  Nouvelle-Orléans  en 
1828,  mort  à  liio-de-Janeiro  en  1869. 

Elève  de  Camille  Stamaty,  qui  fut  également  le 
maître  de  Saint-Sakns. 

Ses  œuvres  essentiellement  originales,  étranges 
parfois,  poétiques  et  mélancoliques,  méritent  encore 
d'être  étudiées.  Quelques-unes  d'entre ellesdevinrent 
célèbres  :  La  Bamboula,  Le  Rananier,  La  Savane,  La 
Danse  Ossiunique,  Minuit  à  Séville,  Les  Yeux  créoles. 
Le  Ranjo,  La  Valse  poétique,  La  Marche  de  nuit,  La  • 
Jota  uragonesa.  etc. 

Mabmo.ntel,  dans  son  Vade-mecum  du  professeur, 
recommande  :  Bergère  et  Cavalier,  Printemps  d'amour, 
Piisquiiiade  (assez  difficiles),  Polonia  et  paraphrase 
du  Trovator,  Chasse  du  jeune  Henri,  op.  10  (difficile). 

RuBiNSTEm  (Antoine),  né  àWechwotyne-;  (Moldavie) 
en  1829,  mort  à  Saint-Pélersbourg  en  1894. 

Ses  professeurs  furent  Villoing,  à  Moscou,  pour 
le  piano,  et  Dehn,  à  Berlin,  pour  la  composition.  Les 
conseils  de  Liszt  aidèrent  à  son  développement  ar- 
tistique et  musical.  Villoing  l'avait  amené  en  18  tO  à 
Paris,  où  il  excita  au  plus  haut  degré  l'admiration  de 
tous  par  son  étonnante  précocité. 

Il  fonda  le  Conservatoire  de  Saint-Pétersbourg,  qu'il 
dirigea  depuis  1802,  et  dirigea  également  pendant 
quelque  temps  celui  de  Vienne. 

11  fut  un  extraordinaire  pianiste.  «  Le  plus  inspiré, 
comme  le  plus  merveilleux  et  le  plus  profond  des 
pianistes  modernes,  Hubinstrix,  se  rattache,  au  moins 
par  la  nature  de  sa  virtuosité,  à  la  grande  école  alle- 
mande, et  évoque  le  souvenir  de  Beethoven,  avec 
lequel  il  n'était  pas  sans  une  certaine  ressemblance 
physique.  C'est  un  artiste  colossal,  un  gé[iie  de  la 
plus  haute  envergure,  mais  peut-être  plus  russe  de 
naissance  que  par  ses  tendances  artistiques'.  » 

Le  nombre  de  ses  œuvres  est  immense.  Les  prin- 
cipales œuvres  dramatiques,  écrites  sur  textes  russe, 
allemand  ou  français,  sont  nombreuses;  nous  n'en 
citerons  que  les  principales  :  Dimilri  Donskoi  (1852); 
Tom  l'Idiot  (1853);  Lés  Enfants  des  Landes  (1861); 
Feramors  (1863);  Le  Démon  (187:i);  Les  Macchabées 
(1875);  Néron.  Cet  opéra  en  quatre  actes  et  sept 
tableaux  était,  dès  l'origine,  destiné  à  l'Opéra  de 
Paris,  mais  ce  fut  le  Stadttheater  de  Hambourg  qui 
en  eut  la  primeur,  le  1^''  novembre  1S79.  Depuis, 
.\éron  a  été  joué  à  Anvers  (en  français)  (1884)  ,  puis 
en  Italie  et  enfin  à  Rouen,  en  1894  (livret  de  Jules 
Barbier);  ce  fut  uu  grand  succès.  Rubinstei.v  était 
venu  pour  diriger  les  dernières  représentations,  et 
fut  longuement  acclamé;  Le  Marchand  Kalachnikoff 
(1880);  La  Sulamite  (i882);  Moise  (1894). 

En  1875,  Rl'binstein  fit  entendre  au  Théâtre  Italien 
deux  compositions  importantes  :  un  concerlu  et  La 
Tour  de  Babel,  symphonie. 

Il  composa  plusieurs  oratorios,  des  quintettes,  des 
quatuors  et  trios  pour  piano  et  instruments  à  cordes, 
deux  concertos  de  violon  et  un  concerto  de  violoncelle 
avec  orchestre. 

Pour  le  piano  :  cinq  concertos  avec  orchestre,  des 
sonates,  des  valses,  des  barcarolles,  tarentelle.^,  ro- 
mances sans  paroles,  air  de  ballet.  Choudens  édita  un 
volume  :  Classe  supérieure  de  piano  {l"  volume),  con- 
tenant vingt  et  un  morceaux,  un  merveilleux  recueil 
de  six  Etudes  (édité  en  France  par  iNoël). 


1.  Lavirnac,  loco  cit.,  p.  569. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    2105 


Il  faut  encore  ajoiilei- plusdp  deux  cents  morceaux 
de  chant  :  mélodies  persanes,  liedev  à  une  ou  deux 
voix,  duos,  etc. 

Sixsy  iiiphûiiiespour  l'orchestre, enlreàulres  L'Océan, 
plusieurs  ouvertures. 

Correspondant  étranger  de  l'Académie  des  Beaux- 
Arts  depuis  187o. 

Il  est  le  fondateur  d'un  double  prix  international 
pour  les  compositeurs  et  les  pianistes. 

Sa  grande  bonté  était  légendaire;  lorsqu'il  faisait 
des  tournées  de  concert,  partant  avec  plus  de  deux 
cents  morceaux  dans  la  mémoire,  il  donnait  géné- 
ralement un  ou  plusieurs  concerts  gratuits  pour  les 
artistes  et  amateurs  de  musique  peu  fortunés.  De 
retour  en  Russie,  il  versait  une  forte  somme  pour 
doter  une  jeune  fille  pauvre. 

Son  tempérament  d'artiste  sensible  et  fougueux 
était  cause  que,  parfois,  il  lui  arrivait  des  accidents 
pianisliques;  il  pataugeait,  mais  son  grand  senti- 
ment artistique  faisait  vite  oublier  les  quelques 
fausses  notes  entendues.  Il  écrivit  un  volume  intéres- 
sant :  La  Musique  et  ses  représentants.  Entretien  sur 
la  musique,  traduit  du  russe  par  Michel  Delines, 
édité  à  Paris  en  18;)2  par  lleugel. 

Il  eut  un  frère,  Nicolas  Hi  binstein,  né  h,  Moscou  en 
I83u,  mort  à  Paris  en  1881,  qui  fut  aussi  un  artiste 
remarqualjle,  mais  qui  ne  publia  que  peu  de  compo- 
sitions. 

Dans  sa  jeunesse,  il  paraissait  avoir  plus  de  faci- 
lités qu'Antoine  Rubinstein,  au  dire  d'Antoine  lui- 
même. 

Il  se  livra  de  bonne  heure  à  renseignement,  qui 
l'absorba  bientôt  totalemeni,  et  obtint  de  grands  suc- 
cès de  virtuose  en  Russie,  mais,  contrairement  à  son 
frère,  il  voyagea  peu  en  dehors  de  son  pays. 

Il  ll'ut  pourtant  connu  à  Paris  comme  chef  d'or- 
chestre, pianiste  et  compositeur,  en  1878,  où  il 
dirigea  les  concerts  russes  au  Trocadéro  pendant 
l'Exposition. 

11  fonda  les  concerts  sympboniques  de  Moscou  en 
I8;)9,  et  le  Conservatoire  de  celle  ville  en  1864. 

«  On  a  écrit  sur  A.  Rubinstein  toute  une  littérature 
biographique  et  critique,  en  russe,  en  allemand,  en 
anglais,  en  français,  etc.  Mentionnons  en  ce  sens  les 
livres  ou  articles  de  MM.  I.issowsky,  Laroche,  Solo- 
viEW,  UouBETS,  Baskine,  Levenson,  Zvebew,  Ivanow, 
Saint-Saëns,  a.  Pougin,  Mendel,  Kieman.v,  Rernhard 
VoGEL,  La  Maha,  Ehrlich,  Zadel,  Chrysander,  Mac 
Arthur,  M™"  Castein,  etc.'.  » 

A  citer  aussi  une  bonne  monographie  de  M.  Hal- 
périne-Kaminsky,  dans  la  Revue  Encyclopédique  du 
15  juillet  1895. 

lU'iiiNSTEiN  a  publié  ses  Mémoires  en  langues  russe 
et  allemande. 

Lalo  (Edouard)  (1830-1892),  né  à  Lille.  A  écrit  d'a- 
bord de  la  musique  de  chambre  et  deux  symphonies 
qui  eurent  peu  de  succi'^s,  ensuite  un  opéra  :  Fies- 
que,  en  3  actes;  on  en  parla  beaucoup,  on  ne  le  joua 
jamais;  une  Symphonie  espaqnole  pour  violon  et  or- 
chestre, que  Sarasate  joua  souvent  et  toujours  avec 
le  plus  grand  succès;  une  Ilapsodie  norvégienne,  un 
Concerto  pour  piano;  Namouna  (ballet);  de  nom- 
breuses mélodies,  un  Divertissement,  très  remarqua- 
ble, pour  orchestre. 

Ce  n'est  qu'à  la  lin  de  sa  vie  que  Lalo  eut  la  satis- 
faction de  voir  jouer  son  célèbre  opéra-comique  Le 


1.  Hiatoire  de  la  nnisique  t;n  Itussie.  par  Albert  Souuies.   rilil, 
L.  Henry  May.  S.  Franr^ise  d'éditions  d';ii-t,  p.  i94. 


liai  d'ïs,  3  actes  et  5  tableaux,  qui  était  écrit  depuis 
longtemps  et  qui  ne  fut  donné  par  l'Opéra-Comique 
de  Paris  qu'en  1888,—  quatre  ans  avant  la  mort  de 
son  auteur.  Il  eut  au  moins  la  joie  de  voir  apprécier 
ses  elforts  et  admirer  sa  belle  œuvre  par  ses  contem- 
porains. 

BiLow  (Hans-Guido  de),  né  à  Dresde  en  1830,  mort 
au  Caire  en  1894. 

Ses  maîtres  pour  le  piano  et  la  technique  musicale 
furent  Frédéric  Wieck,  Litolff  et  Liszt;  Eberwkin 
et  Maurice  Hauptmann  pour  la  composition. 

Il  joua  un  rôle  important  dans  l'évolution  de  la 
musique  allemande,  tant  par  ses  écrits  que  par  son 
talent  de  virtuose  et  de  capellmeister. 

Il  épousa  une  des  filles  de  son  maître  Liszt,  laquelle, 
par  la  suite,  divorça  pour  devenir  la  femme  de  Ri- 
chard Wagner.  Ceci  du  reste  n'apporta  aucun  refroi- 
dissement dans  les  relations  amicales  de  ces  deux 
maîtres. 

Pianiste  incomparable,  au  jeu  coloré  et  plein  de 
grandeur,  chef  d'orchestre  de  premier  ordre,  il  rem- 
porta de  grands  succès  en  Allemagne,  en  Belgique, 
en  Hollande,  en  France  et  en  Russie. 

Chef  d'orchestre  du  Théâtre  Royal  de  Munich  et, 
en  môme  temps,  direcleur  du  Conservatoire  de  cette 
ville,  il  contribua  amplement  à  faire  connaître  les 
œuvres  de  Richard  Wagner,  qu'il  aimait  profondé- 
ment, sans  que  cette  admiration  vint  pourtant  altérer 
son  éclectisme. 

Il  composa,  entre  autres  ouvrages  :  Nirwana,  ta- 
bleau symphonique,  musique  de  Jules  César  de  Sha- 
kespeare, deux  concertos  et  divers  morceaux  pour  le 
piano. 

Son  père, —  Charles-Edouard  de  Biilow,  —  écrivain 
allemand  (1803-18o3)  de  valeur,  lui  avait  fait  mener 
de  front  les  études  littéraires  et  musicales,  si  bien 
qu'âgé  d'à  peine  vingt  ans,  tandis  qu'il  se  faisait 
entendre  en  public,  il  écrivait  déj.à  des  articles  vifs 
et  spirituels  pour  défendre  la  nouvelle  école  repré- 
sentée par  Liszt  et  Schuiiann. 

Bbahus  (.lohannes),  né  à  Hambourg  en  1833,  mort  à 
Vienne  en  1897. 

Elève  d'Edouard. Marsex,  un  excellent  maitre,  qui 
commenra  de  bonne  heure  son  éducation  musicale, 
et  en  lit  un  pianiste  remarquable. 

11  entreprit  une  série  de  concerts  à  travers  l'Alle- 
magne avec  le  pianiste  hongrois  Réményi,  obtint  de 
grands  succès  et  eut  l'avantage  do  se  rencontrer  avec 
JoACHisi,  avec  Schumann,  qui  avait  pour  lui  la  plus 
grande  admiration,  et  avec  le  célèbre  Liszt. 

11  jouait  les  œ.uvres  des  maîtres,  mais  aussi  les 
siennes,  qui  devaient  devenir  nombreuses. 

11  aborda  tous  les  genres,  sauf  celui  du  théâtre. 
11  composa  beaucoup  de  musique  d'église,  dont  un 
superbe  liequiem.  Plusieurs  cantates  pour  voix  seule 
et  pour  chœur  et  orchestre  :  Ilinatdu,  N^enie,  Lied 
de  la  Destinée,  Chant  des  Parques;  plusieurs  sympho- 
nies, des  ronecrtos  et  sonates  pour  piano,  deux  se.r- 
luors  pour  instruments  à  cordes,  des  quintettes, 
iptatuors  et  trios  pour  divers  instruments,  un  recueil 
de  chansons  populaires  d'enfants  et  plus  de  deux  cents 
/ii'rfer  pour  ditférentes  voix. 

Enfin  son  Triumphlied,  chant  de  triomphe  à  la 
gloire  desarmées  allemandes,  et  ses  fameuses  Danses 
hûnqro'ises  pour  orchestre. 

Il  est  justement  considéré  comme  un  des  chefs  de 
l'école  allemande  actuelle. 

ItoRODiNE  (Alexandre-Porphyriewilch),né  et  mort  à 
Saint-Pétersbourg  (1834-1887). 


Î106 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


Savant  el  musicien  russe.  Professeur  de  chimie  à 
l'Académie  de  médecine  et  de  chirurgie  de  Saint-Pé- 
tersbour;^,  conseiller  d'EtatJ  auteur  de  nombreux 
mémoires  scientifiques  publiés  dans  des  recueils 
russes  el  allemands. 

Il  aima  toujours  la  musique,  et  se  passionna  pour 
son  étude. 

11  écrivit  deux  symphonies,  deux  quatuors  pour  ins- 
truments à  cordes,  un  poème  symphoniqtie  :  Dans  les 
steppes  de  l'Asie  centrale,  un  certain  nombre  de  ro- 
mances, des  morceaux  de  piano,  dont  Petite  Suite  et 
Scherzo. 

Pour  le  théâtre,  un  seul  opéra  :  le  Prince  Igor, 
scénaiio  dû  à  M.  Stassow,  représenté  à  Saint-Péters- 
bourg, en  1890,  trois  ans  après  la  mort  de  Borodine. 
Getopéra,  demeuré  inachevé,  fut  terminé  parRiMSKY- 
lioRSAKOw  et  Glazounow.  L'ouverture  et  le  troisii''me 
acte  sont  de  Glazounow,  d'après  les  notes  et  les  es- 
quisses originales  de  l'auteur. 

Il  fonda  il  Saint-Pétersbourg,  avec  le  professeur 
Rudniew  et  M""  Tarnowskaïa,  l'école  de  médecine 
pour  femmes,  }'  enseigna  lui-même  la  chimie  à  dater 
de  1872,  et  s'occupa  de  cette  œuvre  jusqu'à  la  lin  de 
ses  jours. 

Les  mélodies  vocales  de  Borodixe  sont  en  petit 
nombre,  mais  toutes  intéressantes.  L'emploi  fréquent 
de  l'accord  de  seconde  et  du  chromatisme  y  est  gé- 
néralement des  plus  heuieux. 

La  Belle  auhois  dormant  est  un  remarquable  spéci- 
men de  cet  usage.  Citons  encore  la  Sérénade  de  quatre 
(jalants  a  une  Dame,  quatuor  comique  pour  voix 
d'hommes,  et  deux  quatuors,  en  la  et  en  ré,  poui'  ins- 
truments à  archet. 

Gui  (Gésar)  est  né  à  Vilna,  en  183o,  et  fut  militaire 
et  compositeur  russe.  11  est  pourtant  d'origine  fran- 
çaise. Car  son  père  était  notre  compatriote,  et  com- 
battit avec  la  grande  armée  ;  blessé  et  laissé  en  arrière 
lors  de  la  retraite,  il  se  tixa  en  Russie,  où  il  devint 
précepteur,  puis  professeur  de  français  au  gymnase 
de  Vilna.  11  épousa  une  Lithuanienrie  :  .Iulie  Gout- 
séwicz. 

César  Gui  eut  pour  maîtres  Hermann,  Dio  et  Mo- 
NiuszKO.  Comme  un  grand  nombre  de  compositeurs 
et  de  musiciens  russes,  il  appartint  à  l'armée,  et  fut 
un  rem.Trquable  oflicier  général  et  professeur  de 
fortilication  dans  les  trois  académies  militaires  de 
Saint-Pétersbourg.  11  écrivit  un  Précis  de  l'histoire 
de  la  fortification  permanente  et  un  Manuel  de  fortifi- 
cation volante. 

11  avait  à  peine  vingt-deux  ans  lorsqu'il  écrivit  son 
premier  opéra  :  Le  Prisonnier  du  Caucase,  qui  fut  re- 
présenté vingt  ans  plus  tard,  en  1883.  Deux  autres 
furent  joués  auparavant  :  William  liatcli/f  (iHi]9),  el 
Angelo  (1876).  11  écrivit  aussi  un  opéra  français,  sur 
le  texte  d'une  comédie  de  Jean  Richepin  :  Le  Flibîis- 
tier,  opéra  joué  à  l'Opéra-Gomique  le  22  janvier  1894, 
mais  sans  succès.  Gésai'  Gui  n'eut  jamais  de  chance 
au  théàtr'e. 

11  composa  de  nombreux  morceaux  de  piano  et  des 
transcriptions  d'opéras  pour  piano,  des  valses,  des 
polonaises,  des  suiti's,  miniatures,  etc.;  de  nombreux 
morceaux  de  chant,  qui  sont  de  véritables  modèles  de 
prosodie,  divers  recueils,  douze  mélodies,  Vignettes 
musicales,  vingt  Poèmes  de  Jean  Richepin. 

Il  faut  indiquer  aussi  (nous  dit  Albert  Soubiks,  dans 
son  Histoire  de  la  Musique  en  Russie)  la  part  qu'il  a 
eue  dans  la  composition  d'un  recueil  de  paraphrases 
pour  le  piano  à  trois  mains,  suite  de  variations  et 
de  petites  pièces  de  tous  genres  écrites  sur  un  thème 


obligé,  el  qui  trahit  une  remarquable  souplesse  con"      , 
Iràpnnctique. 

A  citer  aussi  :  une  Marche  Solennelle,  des  Danses 
Circassiennes  pour  orchestre,  deux  Scherzos,  une  Ta- 
rentelle transcrite  pour  piano  par  Liszt,  un  quatuor 
pour  instruments  à  archet,  beaucoup  de  morceaux 
pour  le  violon.  Suite  Concertante  dédiée  à  Marsik,  le 
Kaléidoscope  fconlenant  vingt-quatre  numéros),  dix- 
huit  chœurs  àcapella,donl  six  religieux. 

Doué  d'un  tempérament  d'ardent  polémiste,  il  n'a 
pas  donné  seulement  l'exemple  de  la  forme  moderne, 
mais  il  a  défendu  ses  théories  avec  une  grande  àprelé 
en  différents  journaux,  sous  forme  d'articles. 

Il  est,  avec  RubinsteincI  Tchaïrowsky,  l'un  des  mu- 
siciens russes  les  mieux  connus  en  France. 

Saint-Saëns  (Charles-Camille),  se  prononce  Saint- 

Sanss,  né  à  Paris  en  1835,  décédé  le  16  décembre  1921. 

Il  eul  pour  maître  Sta.matv  pour  le  piano,  Maleoen 

et  Halévy  pour  l'harmonie  et  la  composition,  Benoist 

pour  l'orgue. 

Musicien  virtuose  très  précoce,  il  donna  son  premier 
concert  de  piano  à  la  salle  Plevel  étant  à  peine  âgé 
de  dix  ans,  et  il  avait  seize  ans  lorsqu'il  lit  exécuter 
sa  première  symphonie  à  la  société  Sainle-Gécile. 

Il  fut  extraordinaire  comme  enfant,  extraordinaire 
aussi  comme  vieillard;  à  quatre-vingt-sept  ans,  il 
possédait  encore  un  esprit  vif  et  jeune. 

Doué  d'une  musicalité  des  plus  rares,  d'une  oreille 
prodigieusement  sensible,  il  fut  l'objet  de  milleanec- 
dotes;  on  vantait  sa  facilité  pour  transcrire  spontané- 
ment au  piano  une  partition  d'orchestre  qu'il  rédui- 
sait en  déchiffrant. 

Saint-Sai'ns  est  un  des  plus  grands  compositeursel 
virtuoses  pianistes  français.  De  style  classique, formé 
parla  lecture  des  maîtres,  il  n'aborda  le  théâtre  que 
relativement  tard,  à  l'âge  de  trente-sept  ans,  avec 
un  opéra-coniiqne  :  La  Princesse  jaune  (1872);  Sam- 
sonet  Dalila  (1876)  ;  Le  Timbre  d'argent  (1877)  ;  Ëli'nnc 
Marcel  (1879);  Henri  VIII  (1883);  Proserpine  (1887); 
Asc((?iio  (1890);  Phryné  {i8Q3);  Frédégonde  (ouvrage 
resté  inachevé  d'Ernest  Guiraud  et  dont  SAiNT-SAiiNS 
écrivit  les  trois  derniers  actes)  (189;i)  ;  Javotte,  ballet 
(1896-1897).  Ajoutons  à  ces  œuvres  :  de  la  musique 
pour  Antigone  de  Sophocle  (1894):  celle  de  Dejanire 
et  de  Parysatis,  représentés  à  l'Amphithéâtre  de 
Béziers;  musique  de  scène  pour  A/irfrowfli/ite  (1902); 
puis,  M.  Gavault,  directeur  de  l'Odéon,  voulant  faire 
représenter  intégralement  :  On  ne  budiw  pas  inec  l'A- 
mour de  Musset,  œuvre  qui  exige  de  nombreux  chan- 
gements de  décors,  considéra  que  la  musiipie  deve- 
nait indispensable  pour  faire  patienter  le  public,  et 
eut  l'idée  heureuse  de  prier  Saint-Saicns  de  composer 
de  la  musique,  dite  de  scène,  avec  chœurs,  orchestre 
et  orgue.  SAiNT-SAiiNS,  malgré  ses  quatre-vingt-deux 
ans,  s'acquitta  merveilleusement  de  cette  tâche  et, 
le  7  février  1917,  l'Odéon  donnait  la  dernière  parti- 
tion du  maître.  Cette  œuvre  obtint  un  gi'and  succès; 
on  ne  peut  que  déplorer  que  le  nouveau  directeur, 
M.  Gémier,  ait  supprimé  la  partition  de  Saint-Sai;ns. 
Saint- Saiï.ns  écrivit  aussi  un  grand  nombre  de 
poèmes  et  scènes  lyriques  :  Ode  a  suinte  Cécile,  Le 
Déluge,  Les  Noces  de  Prométhée,  La  Lyre  el  la  Harpe. 
Nu'a  jiersane,  La  Fiancée  du  Timbalier  (adaptation 
musicale  sur  un  poème  de  Victor  Hugo),  Scènes 
d'Horace,  Hymne  à  Victor  Hugo. 

Pour  l'orchestre  :  quatre  symphonies,  dont  la  der- 
nière, en  ut  mineur,  est  un  chef-d'œuvre;  une  Suite 
d'orchestre;  une  Suite  Algérienne;  Ouverture  de  Spar- 
[aeus;La  Jota  Aragonese;  une  Rhapsodie  d'Auvergut 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    21C7 


iqu'il  a  lui-même  magislraleinenl  transcrite  pour  le 
piano);  une  liliapaodie  lirctonin';  u'ie  Harcltc  licroi- 
que  (très  helle  traiiscriplioii  pour  deux  pianos  hiiil 
mains);  quatre  poèmes  syniphoniques  :  PhaHon, 
le  Rouet  d'Omplialc,  la  Danse  Macabre  (dont  il  existe 
une  brillante  transcription  pour  piano  par  Liszt),  et 
la.  -leuiiesse  d'Hercule. 

A  citer  également  parmi  les  compositions  les  plus 
importantes  :  une  Messe  solennelle  à  quatre  voix: 
une  messe  de  Requiem;  le  XVHI°  Psaume;  anOratorio 
de  Noël,  etc. 

Enfin,  ses  œuvres  pour  piano  sont  nombreuses  et 
difficiles  :  très  remarquables  études,  au  nombre  de 
six,  éditées  par  Durand,  qui  olTrent  des  difficultés 
dont  l'étude  perfectionne  le  talent  des  virtuoses; 
elles  sont  à  travailler  au  même  titre  que  celles  de 

ChOI'IN,   KUBINSTEIN,   LlSZT. 

Quatre  concertos  pour  piano  et  un  pour  violon;  le 
nombre  des  morceaux  pour  le  piano  deux  mains, 
quatre  mains,  deux  pianos  est  considérable,  ainsi 
que  celui  de  ses  mélodies. 

Sa  facilité  d'écriture  était  prodigieuse. 

Il  fut  membre  de  l'Institut  en  1x81.  S.uNT-SAiiNs 
s'est  aussi  beaucoup  occupé  de  littérature,  (it  de 
nombreux  articles  et  critiques  dans  plusieurs  jour- 
naux, revues,  recueils.  La  plus  grande  partie  de  ses 
articles  est  réunie  en  volumes.  Il  écrivit  aussi  des 
vers,  des  comédies,  et  aborda  même  les  questions 
philosophiques  et  l'astronomie. 

Voici  la  liste  de  ses  ouvrages  littéraires  :  Harmo- 
nie et  Mi'lodie  (1885);  Noie  sur  les  décors  de  théâtre 
dans  l'antiquité  romaine  (1886);  La  Crampe  des  écri- 
vains, comédie  (1892);  Problèmes  et  Mystères  {I89't); 
Portraits  etSouvenirs  (1900)  ;  Rimes  famiiières  (1891). 

UiTTER  (Théodore),  né  à  Paris  en  18.'î6,  mort  en  1880. 
Il  fut,  en  quelque  sorte,  le  pianiste  attitré  de  Pasde- 
Loup,  le  créateur  des  Concerts  populaires;  son  inter- 
prétation des  concertos  de  Beethoven  était  particu- 
lièrement remarquable.  (Voir  Pasdeloup.) 

11  obtenait  grand  succès  non  seulement  en  jouant 
les  œuvres  des  autres,  mais  aussi  les  siennes,  quoi- 
qu'il ait  peu  produit. 

Il  fui  surtout  très  applaudi  comme  virtuose  (!t 
comme  compositeur,  avec  sa  Sonate  pour  deux  pianos, 
ses  Courriers,  son  Chant  du  Braconnier  (extrait  de 
son  opéra-comique  iT/ariaJi»e),  sa  Zaïnacueca,  Impres- 
sions poétiques,  etc. 

IJelibes  (Léo),  né  à  Saint-Germain-du-Val  (Sarthe), 
en  tS.'ÎG,  mort  à  Paris  en  1891. 

Il  fut  élève  au  Conservatoire,  pour  le  piano,  de 
[  Le  GouppEY,  pour  l'harmonie  et  la  composition,  de 
Bazin  et  d'Adolphe  Adam. 

Professeur  de  composition  au  Conservatoire  jus- 
qu'en 1891,  élu  membre  de  l'Académie  des  Beaux- 
Arts  en  1884. 

Son  début  comme  compositeur  fut  uneopérelleeii 
un  acte  :  Deux  Snus  de  charbon  (18.t3). 

Il  fit  représenter  avec  succès  :  Deux  Vieilles  Gardes 
(18oo);  .Sir  Demoiselles  à  marier  (1856);  Maître  Grif- 
fard  (1857);  L'Omelette  à  la  Follcmbuche  (1859); 
Monsieur  de  Bonne-Etoile  (1860);  Les  Musiciens  de 
l'orchestre,  en  collaboration  (1861);  Le  Jardinier  et 
son  Seigneur  (1863)  ;  La  Tradition  (1864)  ;  Le  Ser- 
pent à  Plumes  (1864)  ;  Le  lUuf  Apis  (1865)  ;  deux 
opérettes  pour  le  Kursaal  :  Mon  ami  P'ierrol  (1802) 
et  Les  Eaux  d'Eins.  Nommé  chef  des  chœurs  a  l'O- 
péra, il  écrit  pour  ce  théâtre  une  cantate  officielle  : 
Alger  (1865);  un  ballet:  La  Sourd'  (1866),  en  collabo- 
ration avec  un  jeune  compositeur,  Minkous.  Son  cé- 


lèbre ballet  Coppr'/m  (1870),  un  dessuccès  de  l'Opéra, 
qui,  pour  Léo  Delibes,  fut  le  point  de  départ  d'une 
série  d'œuvres  enthousiasmant  le  public  :  Le  roi  l'a 
(/('M  1873);  S///)im  ou  la  Nymphe  de  Diane,  ballet  (1876); 
Jean  de  Nivelle  (188'»)  ;  Lukmé  (1883)  ;  et  enfin  Kassya. 
qui  ne  fut  représenté  qu'après  sa  mort,  en  1893. 

Ajoutons  à  ces  œuvres  des  opérettes  :  Malbrough 
s'en  va-t-en  guerre,  en  collaboration  (1867)  ;  L'Eros- 
saisde  Chatou  (1869);  La  Cour  du  roi  Pél.aud  {,iS69). 

Quantité  d'autres  compositions...  Musique  de 
scène  pour  la  reprise  de  Le  rui  s'amuse,  à  la  Comédie 
française,  deux  recueils  de  mélodies  vocales,  une 
scène  lyrique  :  La  Mort  d'Orphée;  une  messe  pour 
voix  d'enfants,  divers  morceaux  de  musique  reli- 
sieuse,  une  série  de  chœurs  pour  voix  de  femmes 
avec  accompagnement  d'orchestre,  un  grand  nom- 
bre de  chœurs  orphéoniques  d'un  caractère  remar- 
quable :  Au  Printeuips,  l'Echeicau  de  fil,  les  Lansque- 
nets, Avril.  Marche  des  soldats,  C'es^  Dieu  Iles  Piffari, 
Trianon,  Pastorale,  etc. 

Dubois  (Tbéodore-Clément-François),  né  à  Rosnay 
(Marne)  en  1837,  décédé  à  Paris  le  M  juin  1924,  à  la 
suite  d'une  maladie  dont  il  souffrait  depuis  long- 
temps. Fit  toutes  ses  études  au  Conservatoire  sous 
la  direction  de  Marmontel,  Bazin,  Benoist,  Ambroise 
Thomas;  obtint  le  premier  prix  d'harmonie  (1856),  de 
fugue  (1857),  d'orgue  (1859),  et  enfin  le  premier  grand 
prix  de  Home  en  1861. 

Maître  de  chapelle  à  l'église  Sainle-Clotilde,  puis 
à  la  Madeleine,  il  fut  nommé  professeur  d'harmonie 
au  Conservatoire  en  1871,  professeur  de  fugue  et  de 
compositionen  1891,  enremplacemenlde  Léo  Delibes, 
et  enfin  directeur  de  cet  établissement,  où  il  succéda 
à  Ambroise  Thomas  en  1890.  Il  fut  relevé  de  ces  fonc- 
tions en  1905.  Membre  de  l'Institut  en  1864. 

Ses  œuvres  les  plus  importantes  sont  :  Les  Sept 
Paroles  du  Christ  (1867);  Messe  des  Morts  (1874)  :  La 
Guzla  de  l'Emir  (1873);  Le  Pain  bis  (1879)  ;  La  Fa- 
randole (1883);  Abcn  llarnet  (1884);  Suite  Villageoise 
pour  orchestre  (1877);  Ouverture  symphonique  (1878)  : 
Ouverture  de  Frithiof(lSi:))  ;  Le  Paradis  perdu  (1878)  ; 
L'Enlèvement  de  Proserpinc  (1879);  trois  Petiles  Pièces 
d'orchestre  (1883);  Fantaisie  triomphale,  pour  orgue 
et  orchestre  11889):  H(//as,  scène  lyrique  (1890);  deux 
recueils  de  P'iéces  (/'orî/we  (1886-1890)  ;  deux  recueils 
de  vingt  mélodies  chacun  (1884-1886),  dont  la  grande 
cantatrice  Fédia  LrrwixNEest  la  plus  helle  interprète. 
Notes  et  Etudes  d'harmonie  (1889)  ;  quatre-vingt-sept 
Leçons  d'harmonie  (1891);  un  traité  de  contrepoint  et 
fugue;  deux  opéras  :  Circé  et  Xavière  (1895)  ;  etc. 

Pour  le  piano,  il  composa  entre  autres  choses  : 
deux  concertos.  Poèmes  Sylvestres  (1893),  Poèmes  Virgi- 
liens,  deux  recueils  de  petites  pièces  une  sonate  pour 
piano  et  violon,  etc. 

11  quitta  la  direction  du  Conservatoire  en  1903 
(laissant  la  place  à  Cabriel  Falré),  dans  le  but  de 
consacrer  tout  son  temps  à  la  composition  musicale. 

liALAKmEFF(Mily-Alexelivitcb),né  à  Mdjni  Novogo- 
rod  en  1836,  mori  en  1910.  «  Plus  encore  que  Gli.nka, 
il  est  l'apôtre  de  la  musique  patriotique  russe,  mais  il 
est  venu  après  lui,  n'a  été  que  son  disciple,  etGLiNKA 
reste  le  chef  de  file  incontesté  de  l'Ecole  russe'.  » 

l'e  fut  Alexandre  OuuincHEFF,  musicien  amateur 
très  distingué,  qui  lui  donna  les  premières  connais- 
sances musicales,  qu'ensuite  il  développa  presque  seul, 
en  prenant  seulement  quelques  conseils  de  (Ilinka. 

Pianiste  habile,  il  composa  de  nombreux  morceaux 


I.   f,\vir.>\c.  loco  cit.,  \i.  570. 


2108 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


pour  le  piano  :  Istamey,  Fantaisie  orientale,  quelques 
mazurkas,  une  vingtaine  de  romances. 

'<  Dans  sa  musique  de  piano,  nous  signalerons  de 
jolies  mazurkas,  el  surtout  la  fantaisie  orientale 
intitulée  Islamci/,  d'un  travail  délicat  et  ingénieux. 
En  parlant  de  cet  ouvrage,  dont  l'exécution  exige  un 
mécanisme  très  exercé,  M.  Cci  n'a  pas  hésité  à  l'ap- 
peler «  une  œuvre  capitale  dans  la  littérature  du 
piano'.  » 

Il  composa  :  Ouverture,  marche  et  quatre  entr'ac- 
tes  pour  le  Roi  Lear,  Ouverture  sur  un  thème  martial 
espagnol;  TItamar,  poème  symphonique  inspiré  d'une 
poésie  de  Lermontov  ;  La  Russie,  autre  poème  sympho- 
nique; très  enthousiasmé  parles  mélodies  populaires 
de  son  pays,  il  en  publia  un  recueil  intéressant. 

Il  fut  directeur  des  chantres  de  la  Chapelle  impé- 
riale. Esprit  indépendant,  rêvant  une  révolution  dans 
la  musique  dramatique,  il  déconsidérait  tout  ce  qui 
ne  rentrait  pas  dans  la  l'orme  dont  il  s'estimait  étie 
un  lies  créateurs.  Comme  il  arrive  à  quelques  nova- 
teurs, les  tendances  nouvelles  l'empêchaient  de  voir 
les  beautés  des  autres  écoles,  et  il  ne  cessa  de  pour- 
suivre de  ses  sarcasmes  des  artistes  tels  que  le  bon 
et  grand  Hubin'steen,  TcHAUiowsKV.  Il  oubliait  qu'il  est 
possible  de  construire  de  nouvelles  statues  sans  poui' 
cela  détruire  ni  tenter  de  salir  celles  dont,  volontai- 
rement ou  non,  on  est  bien  obligé  de  procéder. 

WiENiAvvsKi  (Joseph),  néen  Pologne  en  1837.  Virtuose 
pianiste  et  compositeur,  frère  de  Henri  Wieniawsiîi, 
un  des  plus  grands  violonistes  de  l'école  moderne. 

Il  fit  ses  études  au  Conservatoire  de  Paris.  Ses  maî- 
tres furent  :  Alran  pour  le  solfège,  Zimuermann  et 
Marmontel  pour  le  piano.  Le  Couppey  pour  l'harmonie. 

Virtuose  de  haute  valeur,  il  a  beaucoup  composé 
pour  le  piano,  et  son  style  rappelle  ceux  de  Chopin 

et  .SCHULHOFF. 

-Marmontel,  dans  son  Vade-mecum,  recommande 
parmi  les  morceaux  de  moyenne  force  :  op.  12,  Sou- 
venir de  Dublin,  et  parmi  les  pièces  modernes  dil'li- 
ciles  :  op.  15,  Six  Morceaux  caractéristiques.  Pensée 
fugitive,  op.  21,  Polonaise  triomphale. 

Chauvet  (C.-A.)(1837-1871),néà  Marines (Seine-et- 
Oise).  Llève  d'Ambroise  Thomas  et  répétiteur  bénévole 
de  sa  classe  pour  le  contrepoint  et  la  fugue. 

Lavionac  nous  dit  :  a  Chauvet  était  à  la  fois  le 
plus  savant  et  le  plus  cliarmant  des  improvisateurs. 
iUort  à  trente-deux  ans  d'une  alVeclion  de  poitrine, 
il  a  pourtant  laissé  un  petit  nombre  di_'  pièces  d'orgue 
et  de  piano  qui  sont  un  régal  de  gourmets. 

»  Il  fut  de  1869  à  1871  organiste  de  la  Ti'inité-,  « 

GuiRAUD  (Ernest),  compositeur  et  pianiste  français, 
né  à  la  Nouvelle-Orléans  le  23  juin  1837,mortàParis 
le  6  mai  1892. 

Il  obtint  le  prix  de  Home  en  1859,  fut  nommé  pro- 
fesseur d'harmonie  au  Conservatoire  en  1876,  et  pro- 
fesseur de  composition  en  lt880. 

Elu  membre  de  l'Académie  des  lîeaux-Arts  en  1801. 

Il  Ht  jouer,  à  son  retour  d'Italie,  trois  petits  ouvja- 
ges  en  un  acte  :  Sylvie  M864);  En  Prison  (1869);  Lo 
Kobold  (1870).  L'Athénée  donna  de  lui  :  Madame 
Turlupin,  opéra-comique  en  deux  actes  (1872);  l'O- 
péra :  Ijretna-Green,  ballet  (1873);  puis  un- ouvrage 
plus  important  :  Piccolino  (1876). 

Les  concerts  populaires  tirent  entendre  une  ouver- 
ture, une  suite  d'orchestre  dont  l'un  des  morceaux  : 
Carnaval,  devint  célèbre. 


1.  Histoire  dt'  la  musi/jue  en   îiussir,  iiar  Albe-L  SouniFs.    lûiil. 
L. -Henry  May.  Sociélc  Française  d'Editions  d'Art,  p.  l'.'i. 

2.  Lavignac,  îoco  cit.,  p.  545. 


Enfin  rOpéra-Comique  doimait:  Galante  Aventure      ' 
(1883). 

GuiRAUD  publia,  en  1890,  un  Traité  pratique  d'ins- 
trumentation. Son  opéra  fïViWg'oïK/e,  interrompu  par 
sa  mort,  fut  terminé  par  Saint-Saexs  etjoué  le  18  dé- 
cembre 1895. 

Il  composade nombreux  morceaux  pour  piano. 

BizET  (Georges-Alexandre -Gésar-Léopold),  né  à 
Paris  le  25  octobre  1838,  mort  à  Bougival  Ic2juinl875. 

Son  père  donnait  des  leçons  de  chanl,  sa  mère 
étaitsœur  de  M"""  Delsarte,  pianiste  de  grand  talent, 
premier  prix  du  Conservatoire;  elle  lui  apprit  les 
notes  à  l'àge  de  quatre  ans. 

Marmontel  l'admit  à  fréquenter  sa  classe  de  piano 
alors  que  Bizet,  n'ayant  que  neuf  ans,  ne  pouvait 
encore  être  admis.  Il  eut  à  celle  époque  un  premier 
prix  de  solfège. 

Cefutpar  ZiMMERMANN,  ce  grand  éducateur  de  toute 
une  génération,  que  le  jeune  Bizet  fut  initié  aux 
mystères  du  contrepoint.  Gounod  remplaça  souvent 

ZlMMERUANN. 

Bizet  ne  négligeait  pas  ses  études  de  piano  avec 
Marmontel.  En  IS.'il,  il  obtint  le  second  prix,  et  en 
1852  le  premier  prix  avec  son  camarade  Savary  ;  il 
avait  quatorze  ans. 

Marmontel  écrit  dans  son  livre  Symphonistes  el 
Virtuoses:  «  Bizet,  virtuose  habile,  intrépide  lecteur, 
accompagnateur  modèle.  Son  exécution,  toujours 
ferme  et  brillante,  avait  acquis  une  sonorité  ample, 
une  variété  de  timbres  et  de  nuances  qui  donnait  à 
son  jeu  un  charme  inimitable.  On  subissait  sans 
résistance  la  séduction  de  ce  toucher  suave  el  per- 
suasif. » 

Berlioz,  dans  les  Dchals  du  8  octobre  1803,  écrit  : 
"  Son  talent  de  pianiste  est  assez  grand  d'ailleurs 
pour  que,  dans  ses  réductions  d'orchestre  qu'il  fait 
ainsi  à  premièrevue,  aucune  diflicullé  de  mécanisme 
ne  puisse  l'arrêter.  Depuis  Liszt  et  Mendelssoun,  on  a 
vu  peu  de  lecteurs  de  sa  force.  » 

En  1854,  il  obtient  le  second  prix  d'orgue  (élevé  de 
Benoit)  et  de  fugue;  l'année  suivante,  Agé  de  dix- 
sept  ans,  on  lui  décerne  les  deux  premiers  prix. 

ZiMMERMANN  élaiil  niort  en  1852,  Bizet  entra  dans 
la  classe  de  composition  d'HALÉvv.  Il  se  voit  décerner 
par  l'.^cadémie  des  Beaux-Arts  le  premiorgrand  prix 
de  Borne  en  1857. 

Son  œuvre  est  considérable.  Deux  opéras  :  Les  Pé- 
cheurs de  perles,  en  3  actes  (Ihéi'itre-Lyiiqiie,  lS63j; 
La  Jolie  Fille  de  Perth,  en  4  actes  (Théâtre-Lyrique, 
1867);  deux  opéras-comiques  :  Djamileh,  un  acte,  et 
Carmen,  3  actes  (1875);  L'Artésienne,  musique  de 
scène  pour  le  di'ame  d'Alphonse  Daudet  (Théâtre  du 
Vaudeville,  1"  octobre  1872). 

Pour  orchestre  :  Patrie  (ouverture),  Petite  Suite  d'or- 
chestre. Pour  chant  el  piano  :  un  recueil  de  vingt 
mélodies  (Choudens,  édit.)  et  Feuilles  d'Album  (6  mé- 
lodies) (Heugel,  édit.). 

Pour  piano  (œuvres  originales)  :  Les  Chutils  du  Hhin, 
G  morceaux  (lleugel,  édit.);  Venise  (Choudens);  La 
Chasse  fantastique,  caprice  (Heugel),  Marine,  Varia- 
tions chromatiques,  .Yoc^wriit' (Hartmann,  Heugel). 

De  nombreuses  transcriptions  éditées  par  Heugel 
et  Choudens.  Piano  à  quatre  mains  (œuvres  originales), 
.leux  d'enfants,  12  pièces  (Durand,  édit.)  Six  Etudes 
en  forme  de  canon  (de  Schumann).  Ol^uvres  posthu- 
mes, JVotî,  opéra  en  3  actes,  en  collaboration  musi- 
cale avec  Halévy. 

Mélodies  (2"  recueil)  ;  Vasco  dcGuma,  ode  symphoni- 
que pour  orchestre;  Iloma,  symphonie;  Marche  fuiiè- 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    ilOii 


/))•(■  (orchestre),  prélude  de  ta  Coupe  du  roi  de  Tfuili': 
tt  enfin,  Don  Procapio,  opéra-boufTe  en  2  actes,  ré- 
cilatifs  de  Ch.  Malherbe. 

BizET  est  raorl  quatre  mois  après  la  première  re- 
présentation de  Carmen;  l'accueil  en  fut  glacial.  La 
millième  représentation  fut  donnée  le  21  avril  1883. 

On  a  peu  écrit  sur  Bizet  ;  à  citer  pourtant  :  Georges 
litzet,  souvenirs  et  correspondance,  de  Edmond  Gala- 
iiKi.T,  étude  intéressante,  quoique  bien  incomplète  ; 
une  autre  étude  de  Marmontei,  dans  son  ouvrage  : 
Si/mphonistes  et  Virtuoses.  Enfin,  un  très  intéressant 
volume  dans  lequel  on  trouvera  la  liste  complète  des 
œuvres  de  Bizet  par  Charles  Pigot  :  Georges  Biict  et 
son  œur/'(;(DeIagrave,  édit.).  Cet  ouvrage  très  sincère, 
très  soigneusement  composé,  fait  coimaître  le  com- 
positeur, le  pianiste,  l'homme  et  ses  œuvres. 

Voir  aussi  [e  Ménestrel  (juin  1873),  Elude  sur  Bizet, 
par  Victor  Wilder. 

Planté  (Francis),  né  à  Orthez  le  2  mars  1839.  Dès 
sa  huitième  année,  il  se  faisait  entendre  avec  succès 
en  public.  A  onze  ans,  —  après  moins  d'un  an  de 
séjour  dans  la  classe  de  Mauuo.ntkl  au  Conservatoire, 
—  il  obtenait  le  premier  prix  de  piano  (2  mars  ISîiO). 

11  suivit  les  cours  d'harmonie  de  Bazin. 

Malgré  son  grand  âge,  il  donna,  pendant  la  guerre 
(1914-18),  quarante-deux  concerts  de  charité.  On 
l'entendit  encore  en  1927,  à  Mont-de-Marsan,  don- 
nant un  concert  pour  sauver  d'une  détresse  financière 
l'orchestre  symphonique  montois. 

«  Je  représente,  dit-il  à  André  Gresse  qui  l'interwie- 
vait,  soixante-quinze  ans  de  piano  à  huit  heures  par 
jour.  »  Pour  lui,  toute  la  technique  du  piano  se 
résume  dans  la  souplesse.  Il  ne  comprend  pas  pour- 
quoi tant  de  pianistes  s'entêtent  à  jouer  si  vite  et  si 
fort.  C'est  à  lui  que  Pierre  Eraud,  dans  une  soirée 
chez  le  comte  de  Nieuwerkerke,  ministre  des  Beaux- 
Arts  sous  Napoléon  III,  en  18o0,  disait  :  «  Mon  cher 
enfant,  vous  venez  de  réaliser  mon  plus  grand  rêve 
d'inventeur,  le  piano  sans  marteau.  » 

Planté  composa  quelques  œuvres  pour  piano  et 
diverses  transcriptions. 

MoussoRGSKY  (  Modcste - Petrovitcli  ) ,  compositeur 
russe  né  à  Toropetz  (gouvernement  de  Pskov)  en 
1839,  mort  à  Saint-Pétersbourg  en  1881. 

«  Un  charmant  et  fécond  mélodiste,  chez  lequel 
l'habileté  d'harmonisation  est  remplacée  par  une 
hardiesse  d'un  goût  parfois  douteux'.  »  Il  prit  quel- 
ques leçons  du  pianiste  Gl'erre.  Son  opéra  de  Boris 
Godounow  (1874)  n'a  pu  très  probablement  être  exé- 
cuté que  grâce  aux    retouches  et  mise  au  point  de 

BiMSKY-KORSAKOW. 

Il  en  fut  de  même  ilu  poème  symphonique  :  Une 
yuit  sur  le  Mont-Chauve,  joué  après  sa  mort  (1886). 

Il  laissa  un  opéra  inachevé  :  Khorantschina,  qui  fut 
également  terminé  et  orchestré  par  Himsky-Korsakok. 

A  citerencore  unchœuravec  orchestre  :  La  Défaile 
de  Sennactieril)  ;  des  oeuvres  posthumes;  des  Sou- 
venirs d'enfance  :  1°  IS'inia  et  moi  ;  2"  Première  puni- 
lion;  Impromptu  passionné. 

Parmi  ses  pièces  vocales,  le  Dit  de  l'innocent,  sur 
des  paroles  en  prose  écrites  par  lui,  lecélèbre  Trépak, 
chant  et  danse  de  la  mort,  scène  lyrique  à  une  voix 
avec  accompagnement  de  piano  sur  un  poème  du 
comte  Golenistchef-Kutusow,  le  Cuntiriue  des  canti- 
ques, la  Berceuse  d'une  poupée,  la  Clinmbre  des  enfants, 
A  cheval  sur  un  bâton,  la  Prière. 

Parmi  les  pièces  pour  piano  :  le  Chariot,  la  Baba, 


1.  LA^■l'.^A(,,  loco  cit.,  p. 


Yaga,  la  Danse  persane.  «  Compositeur  éminemment 
vocal,  supérieur  dans  la  déclamation,  Moussorgsky 
présente,  de  ce  cAté,  des  analogies  avec  Dargouijsky. 
Son  humour  plein  de  sève  passe  aisément  du  plaisant 
au  tragique.  Insuffisant  par  sa  technique,  immodéré 
dans  ses  aspirations,  il  a  pour  caractéristique  d'avoir, 
en  dépassant  les  limites  du  goiM  pur  et  sévère, 
I)0U3sé  parfois  la  vérité  dramatique  jusqu'au  plus 
âpre  naturalisme'.  » 

Tchaïkowsky  (Pierre-Ilitch),  musicien  russe,  né  à 
Voltkinsk,  province  de  Viatka,  en  1840,  mort  à  Saint- 
Pétersbourg  en  1893.  Sa  mère  descendait  d'une 
famille  de  réfugiés  français  lors  de  la  révocation  de 
l'Kdit  de  Nantes.  Comme  plusieurs  musiciens  russes, 
il  ne  s'est  complètement  livré  à  l'étude  musicale 
qu'après  avoir  travaillé  les  lettres.  Il  débuta  par  des 
études  de  droit,  puis  entra  au  Conservatoire  de 
Saint-Pétersbourg  et  fut  élève  de  Ruhinstein. 

Par  suite,  il  devint  professeur  au  Conservatoire  de 
Moscou. 

Il  fut  reçu  docteur  en  musique,  à  Cambridge,  en 
même  temps  que  SAiNT-SAtiNS  et  Boïto. 

Il  eut  FuNDiNGER  comme  maître  de  piano. 

«  Gomme  compositeur,  c'est  peu  t-ètreailleurs  qu'au 
théâtre  qu'il  a  démontré  de  la  façon  la  plus  décisive 
ses  réels  mérites  d'imagination,  de  savoir,  d'expé- 
rience dans  le  maniement  de  la  plume-.  »  Il  a  dé- 
ployé beaucoup  de  puissance,  des  dons  véritablement 
exceptionnels  d'invention  mélodique  dans  ses  six 
grandes  symphonies^,  ses  quatre  suites  d'orches- 
tre, ses  concertos,  marches,  ouvertures...  poèmes 
symphoniques  dont  La  Tempête,  le  Concerto  pour 
piano  en  si  bémol;  on  lui  doit  :  un  sextuor.  Sérénade 
mélancolique  pour  violon,  de  la  musique  religieuse, 
des  chœurs,  et  des  pièces  pour  piano  particulière 
ment  favorables  pour  faire  valoir  la  virtuosité,  de  la 
musique  de  chambre,  des  mélodies  vocales. 

Il  donna  au  théâtre  La  Dame  de  Pique  (tirée  de  la 
nouvelle  de  Pouchkine),  Eugène  Onéguinc,  Fille  de 
neige,  Snegourotchka(ce  dernier  n'est  pas  un  opéra, 
mais  de  la  musique  de  scène  pour  la  pièce  d'As- 
trowsky).  Sur  un  livret  de  Gogol  :  Yakoula  le  Forgeron. 
Upritschnik,  L'Enchantement,  Mazeppa,  .Jeanne  d'Arc, 
Inlanthe  {un  acte).  De  la  musique  de  plusieurs  ballets. 
In  Belle  au  Ijois  dormant,  Le  Casse-Noisettes,  le  Lac 
(lu.x  Cygnes. 

Tausig  (Charles),  né  à  Varsovie  en  1841,  mort  .i 
Leipzig  en  juillet  1871.  D'abord  élève  de  son  père,  il 
eut  ensuite  la  chance  d'avoir  comme  professeur  le 
fameux  Liszt;  il  sut  en  profiter,  car  il  compta  parmi 
les  virtuoses  du  piano  les  plus  étonnants  de  l'Alle- 
magne; son  mécanisme  était  extraordinaire. 

Il  fit  didérents  séjours  à  Dresde,  à  Vienne,  et  sur- 
tout à  Berlin,  où  il  fonda  une  école  pour  l'enseigne- 
mentdu  piano. 

Il  composa  quelques  morceaux  pour  le  piano,  mais 
s'est  surtout  fait  connaître  par  un  excellent  recueil 
de  trois  Cahiers  d'exercices  joinmaliers  pour  le  piano, 
dédiés  à  Franz  Liszt.  Cet  ouvrage  comprend  toute  la 
technique  du  piano,  depuis  les  moyennes  difficultés 
jusqu'à  la  haute  virtuosité. 

Chabrif.r  (Alexis-Emmanuel),  né  à  Anibert  en  1841, 
et  mort  à  Paris  en  1894.  Son  père  lui  fit  perdre  du 
temps  en  l'obligeant  à  étudier  le  droit;  il  fut  docteur 
en  droit  à  vingt  ans,  puis  attaché  quelques  années 
au  ministère    de  l'intérieur.   Ses  études  musicales 

l.  Biiitoire  de  la  musù/ue  rttsse,  p.  160. 
i.  Id.,  p.  180. 
3.  1(1.,  p.  183. 


2110 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


(îulravées  l'ureal  celles  d'un  amateur  II  eut  pour 
processeur  Aristide  Hignard  (second  prix  de  Rome 
en  18bO). 

Son  premier  ouvrage,  L'Etoile,  une  opérette  jouée 
en  1877  au  tliéàtre  des  Bouffes -Parisiens,  remporta 
un  eerlain  succès.  L'Education  mainittte,  un  acte  (non 
orcbestré).  Nommé  clief  des  chœurs  aux  Concerts 
Lamoureux,  il  y  fit  un  éclatant  début  comme  sym- 
phoniste avec  Espana  (1883),  Le  Credo  d'amour  pour 
chant.  Bruxelles  donna,  le  10  avril  18S6,  GwendoUnc. 
opéra  en  Irois  actes.  L'Opéra  de  Paris  le  joua  quel- 
ques mois  avant  la  mort  de  Chabrier. 

L'Opéra-Gomique  représenlait  Le  Roi  malgré  lui 
«n  1887,  puis  ce  fut  La  SulamUe  (18831,  scène  dra- 
matique pour  mezzo-soprano  et  chœur  de  femmes, 
diverses  compositions  symphoniques  :  Habaiwra, 
Joyeuse  marche,  Suite  pastorale,  Marche  des  Cipayes, 
prélude  et  marche  française,  Chanson  pour  Jeanne, 
mélodie,  1886. 

Plusieurs  ouvrages  dramatiques  :  Briséis  ou  La 
Fiancée  de  Corinlhe,  Les  Muscadins,  Le  Sidibat,  etc.. 
Credo  d'amour  pour  chant. 

Pour  le  piano  :  10  pièces  pittoresques  (1881);  3  Val- 
ses romantiques  pour  deux  pianos  (1883),  Habanera 
(1885);  Bourrée  fantasque. 

Pour  chant  et  piano  :  L'Ile  heureuse.  Toutes  les  fleurs, 
les  Cigales,  la  Villanelle  des  petits  canards,  la  Ballade 
des  gros  dindons,  la  Pastorale  des  Cochons  roses  (18'.>0). 
Enfin  :  A  la  musique,  chœur  pour  voix  de  femmes 
(18911,  termine  très  probablement  la  liste  complète 
de  ses  œuvres. 

Grieg  (Hagerup-Edward),  né  à  Bergen  (Norvège),  le 
la  juin  1843,  mort  en  1909. 

Compositeur,  chef  d'orchestre,  pianiste,  le  maître 
le  plus  original,  le  plus  poétique  de  l'Ecole  du  Nord. 

Il  fit  ses  éludes  musicales  au  Conservatoire  de 
Leipzig,  où  ses  maîtres  fuient  Mosghelès,  Hauptmann, 
Richter;  il  travailla  aussi  à  Copenhague  avec  Niels- 
Gade. 

Il  fonda  une  société  de  musique  à  Christiania  en 
1867,  et  la  dirigea  jusqu'en  1880. 

La  diète  norvégienne  lui  servait  une  pension  dans 
le  but  de  lui  permettre  de  se  consacrer  uniquemeni 
ù  l'exercice  de  son  art  de  compositeur  et  de  pia- 
niste. 

Il  voyagea  en  Italie,  où  il  connut  Liszt,  en  Alle- 
magne, et  vint  plusieurs  fois  en  Eraiice;  d'abord,  en 
décembre  188'.l,  ildonnadeux  séances cbez  Colonne, 
conduisant  lui-même  la  partition  de  Be/'y/io/,  lasiiile 
de  Peer  Gi/nt  et  le  Concerto  pour  piano,  joué  par 
Arthur  DE  Grebf.  Il  revint  en  avril  1894,  et  lit  enten- 
dre :  la  Suite  du  temps  de  Holberg,  des  inélod'ies  nou- 
velles et  le  Concerto  pour  piano  joué  cette  fois  par 
Raoul  PuGNO.  Lors  de  sa  troisième  visite,  en  plus 
des  œuvres  pour  orchestre,  il  fit  entendre  de  nora- 
breus  morceaux  pour  le  piano,  qu'il  joua  lui-même  : 
Sonate  en  ut  mineur  pour  violon  et  piano  ;  ses  Pièces 
lyriques,  L'Oisillon,  Dans  mon  pays,  le  Poème  des  roses, 
la  Marche  de  paysans  norvégiens,  puis  la  Berceuse. 

Ses  œuvres  pour  piano  sont  nombreuses  :  on  en 
compte  plus  de  soixante,  parmi  lesquelles  celles  que 
nous  venons  de  citer  et  auxquelles  nous  ajoutons 
les  plus  connues  :  La  Marche  des  nains.  Au  pr'udemps, 
Marche  nuptiale,  Ballade,  Scènes  populaires,  etc. 

Des  morceaux  à  quatre  mains,  pour  deux  pianos  à 
quatre  mains,  pour  violon  et  piano,  une  sonate  pour 
violoncelle  et  piano,  op.  36,  trio,  quatuor,  thUe  et 
piano,  un  très  grand  nombre  de  lieder  pour  chant  et 
piano. 


Grieg  fut  toujours  très  fêté  par  le  public  parisien, 
qui  aime  sa  musique  originale,  limpide,  dans  laquelle 
ou  trouve  un  séduisant  écho  des  chants  populaires 
Scandinaves. 

DiÉMER  (Louis),  né  à  Paris  en  1843,  mort  dans  cette 
même  ville  le  23  décembre  1919, [lils  de  Philip  Uenry, 
né  à  Bedford  (d'origine  allemande),  qui  fui  organiste 
de  la  Trinité  à  Paris,  auteur  de  cantates,  anthems, 
ekœurs,  li<jder,  pièces  pour  le  piano. 

DiÉMEH  (Louisi  fut  un  grand  pianiste  très  renommé 
pour  son  mécanisme. 

Premier  prix  de  piano  à  l'âge  de  treize  ans,  d'har- 
monie et  de^fugue  et  second  prix  d'orgue  au  Conser- 
vatoire. 

Il  succéda  à  Marmo.ntel  (1888)  comme  professeur 
d'une  classe  de  piano  au  Conservatoire. 

La  série  de  concerts  qu'il  organisa  lors  de  l'Expo- 
sition de  1889,  dans  le  but  de  faire  connaître  les 
u'uvres  écrites  pour  le  clavecin,  eut  un  tel  succès  qu'il 
entreprit  la  reconstitution  delà  musique  des  xvii«  et 
xvui«  siècles  et  qu'il  fonda  la  Société  des  instruments 
anciens. 

Il  composa  deux  trios  pour  piano  et  instruments 
à  cordes,  deux  concertos  (op.  31)  et  un  Concerto  en 
ut  mineur  (op.  32)  pour  piano  et  orchestre,  un  Con- 
cerstuck  (op.  33)  pour  violon  et  orchestre,  deux  sonates 
pour  piano  et  violon,  de  nombreux  morceaux  de  genre 
pour  piano,  ainsi  qu'un  recueil  de  mélodies,  etc. 

A  publié  aussi  un  Recueil  des  clavecinistes  français,       ' 
2  volumes. 

RiMSKv-KoRSAiîOFF,  né  à  'l'ichwine  eu  1844.  Ecrivit 
peu  de  morceaux  de  piano,  mais  son  grand  renom 
comme  compositeur  russe  suflit  pour  qu'il  soit  men- 
tionné ici. 

Il  composa  pourtant  un  très  beau  Concerto  de  piano 
en  ut  dièse  mineur,  une  Sérénade  pour  violoncelle  et 
piano;  «  tous  ses  morceaux  pour  le  piano  sont  d'une 
écriture  très  serrée,  notamment  le  Prélude  et  Fugue, 
sur  le  nom  de  Bach,  l'auteur  donnant  aux  lettres  de 
ce  nom  la  valeur  de  notes  qu'elles  ont  selon  rusai:e 
adopté  en  Allemagne'.» 

11  fut  d'abord  dans  la  marine  avant  de  se  consa- 
crer uniquement  à  l'art  musical.  Il  devint  directeur 
de  l'Ecole  gratuite  de  Saint-Pétersbourg,  et  enseigna 
au  Conservatoire  de  cette  ville  la  composition  et 
l'instrumentation:  en  1896,  il  célébra  le  vingt-cin-  J 
quième  anniversaire  de  son  professorat.  ' 

H  donna  au  théâtre  :  La  Pskovitaine,  et  était  âgé  de 
moins  de  trente  ans  quand  il   lit  représenter  celle 
œuvre  importante,  La   Nuit  de  mai,  Sncgourotchka       j 
(1882),  La  Fille  de  neige,  Mlada  (1892),  La  ÎS'uit  de  ÎSoèl       1 
(1895). 

«  RiMSKv-KoRSAKOiF  est  l'un  des  contemporains 
qui  ont  montré,  dans  le  genre  de  la  symphonie  pro- 
prement dite  ou  du  grand  «  poème  symphonique  », 
le  plus  de  facultés  inventives  et  aussi  le  plus  de  dex- 
térité technique.  Sadko  et  Antar  sont  des  pages  lumi- 
neuses. Sa  troisième  symphonie  mérite  d'èlre  spécia- 
lement désignée  à  l'attention.  Le  scherzo  à  cinq 
temps  est  un  modèle  de  grâce  et  de  spirituelle  fan- 
taisie'-. » 

-ajoutons  encore  un  petit  acte,  Mozart  cl  Salieri, 
sur  le  texte  de  Pouchkine.  La  SinfonieUa  et  l'Ouver- 
ture sur  des  Thèmes  russes,  son  Capriccio  espagnol,  sa 
Fantaisie  sur  des  motifs  serbes,  son  Conte  féerique 
pour  orchestre,  sa  suite  intitulée  Scheherazade. 


1.    lu.,  loco  cit.,  p.   178. 

•2.   Albert  SijiiBiEs,  ioco  cit.,  p.  178. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    2111 


Enliii,  il  consacra  une  partie  de  sou  talent  aux  oeu- 
vres des  autres.  11  iustrumenta  Le  Convive  de  pierre, 
la  Khovanlsckina,  Boris  Godounou-,  termina  et  or- 
chestra le  Prince  Igor. 

M»"  HiMSKv-KoRSAKow  (Nadejda-Nicolaiewna PouF- 
»old),  élève  de  Dariîomysky,  fut  aussi  une  artiste 
reniaïqiiaiilement bien  douée.  On  lui  doit  uue  sonate 
pour  piano,  dill'érentes  transciiptions  d'orchestre 
pour  piano  à  quatre  mains  et  une  fantaisie  pour 
orchestre  d'après  le  récit  de  Gogol,  la  Xiiit  de  la 
Saint-Jean. 

WiDOR  (Charles-Marie),  né  à  Lyon  le  24  février  1845, 
d'une  famille  alsacienne,  d'origine  hongroise.  Elève 
de  FÉTis  et  de  Lemmfns  à  Bruxelles,  puis  de  Renini  à 
Paris.  Organiste  de  Saint- François  à  Lyon,  il  est 
nommé  en  1869  organiste  à  Saiiit-Siilpice  à  Paris. 
Professeur  d'orgue  au  Conservatoire  en  1890,  succé- 
dant h  César  Franck,  puis  professeur  de  composition 
en  1896.  11  est  élu  à  l'Institut  le  29  octobre  1910,  au 
fauteuil  de  Ch.  LENEVEu;à  la  mort  de  Henry  Rou.ioiN, 
il  est  nommé  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des 
Beaux-Arts,  en  juillet  1914. 

Œuvres  pour  piano. 
Airx  de  Biillet.  Hamells. 

l'elitc  Siiile  italienne  :  La  Barque  Coricoln.  Durand. 
Caprice.  Hamelle. 
Impromptu.  Id. 
Miireeau  de  salon.  Id. 
Prélude,  aninate  et  final.  Id. 
Seene  de  Bat.  Id. 
Valses  (2  vul.).  Id. 
Paffcs  Intimes.  Id. 
Snite  polonaise.  Id. 
Suite  en  si  mineur.  Id. 
Carnaeal.  Id. 

Suite  écossaise.  Williams,  Londres. 
Six  duos  pour  piano  et  orgue,  harmoniam.  Scholt. 
Si.r  duos  arrangés  en  quatre  petits  trios  (piano,  violon,  violon- 
cellu).  Id. 

Trio  en  si]^.  Hamelle. 

Suite  pour  violoncelle  et  piano.  Heugel. 

Suite  flûte  et  piano.  Id. 

Introduction  et  rondo.  Clarinette  et  piano.  Id. 

Suite  florentine.  Violon  et  piano.  Hamelle. 

Sonate  piano  et  violon  en  nt.  Id. 

Sonate  piano  et  violon  en  rê  mineur.  Heugel. 

Sonate  pour  piano  et  violoncelle.  Id. 

Trio  en  si  r,  pour  piano,  violon  el  violoncelle.  Hamelle. 

Trio  :  Soirs  d'Alsace.  Id. 

Quatuor  en  ta.  Durand. 

iluinlftte  en  rê  mineur.  Hamelle. 

Quintette  en  re  majeur.  .Schott. 

Quintette-serenade  en  sit,.  Hamelle. 

Quintette-sérénade,  piano,  cordes  et  flûte.  Id. 

La  UK'me,  pour  orchestre.  Id. 

Œuvres  pour  orchestre. 

Snite  d'orchestre  :  Conte  d'.irril,  Heui;e!. 

Onrertnre  écossaise.  Id. 

Première  Sijmphonie.  Durand. 

Oeu.riémc  Sijmpfionie.  Hamelle. 

Troisième  Symphonie.  Schott. 

Sinfonia  Sacra,  orgue  et  petit  orchestre.  Hamelle. 

Sijmplioiiie  Antique  avec  chœur.  Heugel. 

Premier  Concerto  pour  piano  et  orchestre.  Hamelle. 

Choral  et  Variations  pour  harpe  et  orchestre.  Id. 

Concerto  pour  violoncelle  et  orchestre.  Id. 

Fantaisie  pour  piano  et  orchestre.  Durand. 

liea.iième  Concerto  en  ut  mineur  poar  -piano  et  orchestre.  Heugel. 

Valpnrgis-îiacht,  suite  d'orchestre.  Id. 

Théâtre. 

L«  korrigane,  ballet.  Premii're  représentation  à  l'Opéra,  l"-'"-  dé- 
cembre 1880.  Heugel. 

Conte  d'Arril,  musique  de  scène.  Premii're  représentation  à 
l'Odéon,  2-2  avril  18S5.  Id. 

ilaitre  Amliroise,  drame  lyi'iquc.  Première  représentation  à 
rOpéra-Comique,  fi  mai  1889.  Id. 

Les  Pécheurs  de  Saint-Jean,  scène  maritime  de  H.  Cain,  26  dé- 
cembre 1903.  Id. 

Serto,  opi'Ta  joué  à  l'Opéra.  Id. 

Jeanne  d'Arc,  pantomime  IjTique.  Hamelle. 


Orgue. 

Huit  Sijmphonies.  Hamelle. 

Neurième  Sijmphonie  gothique.  Schott. 

hixieme  Sitmpkiinie  romane.  Hamelle. 

Salvnm  fac  pojiutum  tuum,  orgue  et  cuivres.  Heugel. 

Cbsmt 

Deux  volumes.  Hamelle. 

Soirs  d'été  (recueil).  Durand. 

Chansons  de  la  Mer  (recueil).  Heugel. 

Chant  Sivulairc  (solo,  cho'ur  et  orcheslri').  Hamelle. 

Ave  Maria  en  sol.  Id. 

-Irc  Maria  en  mi  'rr.  Id. 

Six  Duos  pour  soprano  et  contralto.  Id. 

Au  Bois  joli,  duo,  soprano  et  baryton.  Id. 

Salutaris,  ténor.  Id. 

liégina  Cœli  (chœur).  Id. 

Tantum  ergo  (chœur).  Id. 

Trois  motets,  chœurs  avec  deux  orgues.  Id. 

Messes  pour  double  chœur  avec  deux  orgues.  Id. 

Salutaris,  ténor,  violoncelle  et  orgue.  Id. 

Œuvres  littéraires. 

Technique  de  l'orchestre  moderne.  Lemoine. 
luUiation  musicale.  Hachette. 

Grande  édition  de  t'a'urre  d'orgue  ik  J.-S,  Bach  avec  oommentaire, 
analyse  et  conseils  d'exécution.  Schirmer,  New-York. 

Ecole  d'orgue,  préface  du  l"  volume  de  l'muvre  ci-dessus.  Id. 

Fauré  (Gabriel),  né  à  Pamiers  (Ariège),  le  13  mai. 
184a,  décédé  à  Paris,  le  4  novembre  1924.  Knlre  <à 
l'école  Niedermeyer  en  1854,  oii  il  travaille  sous  la 
direction  de  Niedermeyer  el  de  Dietsch,  puis  de 
.SAi.NT-SAii.Ns,  de  1861  à  1864. 

11  fut  organiste  de  l'église  Saint-Sauveur  à  Bennes 
(1866),  de  Notre-Dame-de-Clignancourt  à  Paris 
(1870). 

Après  avoir  combattu  en  18"0-71,  comme  voltigeur 
de  la  garde,  il  devient  professeur  à  l'ixole  Nieder- 
meyer, organiste  à  Saint-Honoré  d'EyIau,  puis  maître 
de  chapelle  à  Saint-Sulpice,  suppléant  de  Saint- 
Saëns  à  la  Madeleine  depuis  1873,  maître  de  chapelle 
en  1877. 

Inspecteur  des  Beaux-Arts  en  1892,  nommé  orga- 
niste de  la  Madeleine  en  1896,  professeur  de  compo- 
sition, fugue  et  contrepoint  au  Conservatoire  en  juin 
1896,  et  enfin  directeur  du  Conservatoire  de  1905  à 
1920.  Il  fut  nommé  membre  de  l'Inslituten  1909,  suc- 
cédant à  Reyer,  et  grand  officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur en  1920. 

Sa  musique  de  piano  lui  assure  une  place  spéciale. 
Citons  :  Romances  sans  paroles,  onze  Barcarolles. 
cinq  Impromptus,  onze  Nocturnes,  quatre  Valses- 
Caprices  et  neuf  Préludes. 

Ses  mélodies  sont  des  plus  remarquables  et  jouis- 
sent d'une  vogue  méritée  :  Nella,  Les  Roses  d'hpahan. 
Le  Cimetière,  Aulomw',  Notre  Amour,  Aurore,  Le  Pays 
des  Roses,  Leplusdou.r  Chemin,  Nocturne,  Les  Présents, 
Dans  la  Foret  de  sc/itembre,  Arpèges,  Soir.  La  Chan- 
son d'Eve,  Clair  de  Lune,  En  Sourdine,  Mandoline, 
C'est  l'Extase,  un  recueil  intitulé  :  La  Bonne  Chanson, 
(1891-1892)  comptent  parmi  les  plus  connues. 

Ses  premières  Mélodies  datent  de  1863,  La  Chanson 
du  pécheur  fut  interprétée  à  la  Société  nationale  de 
musique  le  8  février  1873,  puis  viennent  :  la  Suite 
d'orchestre  en  /'a  (1874);  Première  soiiati'  en  la  pour 
piano  et  violon  (1876);  Concerto  de  violon  (1879);  Detix 
quatuors  avec  piano,  cordes,  en  ut  mineur  et  en  sol 
mineur.  Une  grande  A/esse  de  Requiem  (1887);  une 
Symphonie  en  r^é  mineur,  exécutée  aux  Concerts 
Colonne  (1.5  mars  1883);  une  Ballade,  pour  piano  et 
orchestre  (1881),  quelques  motets  et  chœurs  reli- 
gieux. 

Musique  de  scène  pour  la  tragédie  d'Alexandre 
Dumas  :  Caligula  (Odéon,  8  novembre  1888)  ;  Shylock, 


2112 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


d'Edmond  Haïaucourt  (Odéon,  17  décembre  1889); 
Pelléas  et  Mélisande,  de  Maeterlinck  (Londres,  1898)  ; 
Le  Voile  du  Bonheur,  de  Georf^es  Clemenceau  (Re- 
naissance, 4  novembre  1901);  Prométhée,  donné 
aux  Arènes  de  Béziers  (27  août  1900). 

Enfin,  treize  années  après,  le  4  mars  1013,  son 
opéra.  Pénélope  (poème  de  René  Fauchois)  est  repré- 
senté à  Monte-Carlo ,  puis  au  théâtre  des  Champs- 
Elysées,  le  10  mai  1913,  et  à  l'Opéra-Gomique. 

Godard  (Benjamin-Louis-Paul),  né  à  Paris  en  1849, 
mort  phtisique  à  Cannes,  en  1895. 

Elève  de  HAiiMEn  pour  le  violon,  et  de  Reber  pour 
l'harmonie,  au  Conservatoire. 

Magnifiquement  doué,  Godard  écrivait  presque 
des  improvisations;  en  réalité,  il  mûrissait  peu  ses 
œuvres,  se  laissant  aller  à  l'inspiration  du  moment, 
d'où  une  grande  inégalité  dans  ses  productions. 

En  1878,  il  donne  son  œuvre  maîtresse  ;  Le  Tasse. 
Il  a  vingt-huit  ans,  et  obtient  le  prix  de  la  Ville  de 
Paris;  viennent  ensuite  :  Scènes  poétiques,  pour  or- 
chestre; Diane,  scènne  mythologique  pour  chœur  et 
orchestre;  Symphonie-ballet,  Symphonie  en  mi  bémol. 
En  1884,  il  donne  à  Anvers  un  grand  opéra  :  Pedro 
de  Zalaméa,  qui  reçoit  un  accueil  bien  froid;  se  suc- 
cèdent alors  :  Symphonie  orientale.  Symphonie  go- 
thique. Symphonie  légendaire,  .locelyn,  représenté  à 
Bruxelles,  1888;  Dante,  à  l'Opéia-Comique  de  Paris, 
1890,  sans  succès. 

Deux  concertos,  l'un  pour  violon,  l'autre  pour  piano. 
De  la  musique  de  chambre  intéressante,  des  mélo- 
dies vocales.  Une  quantité  étonnante  de  morceaux 
pour  piano;  Le  Duo  symphonique  pour  deux  pianos, 
La  Sonate  fantastique,  Vingt-quatre  Etudes  artis- 
tiques, La  Kermesse,  Marcel,  Le  Huguenot,  Les  Hiron- 
delles, etc. 

La  Vivandière,  opéra-comique  en  trois  actes, repré- 
senté à  Paris  le  1"'  avril  1893,  fut  sa  dernière  parti- 
tion; Torcheslration  en  a  été  terminée  par  Gaston 
Vidal. 

En  1887,  Godard  fut  nommé  professeur  d'ensemble 
instrumental  au  Conservatoire. 

Matta  Junior  (Joào  Eduardo  da),  professeur  de 
piano  du  cours  supérieur  du  Conservatoire  de  Lis- 
bonne, technicien,  compositeur,  né  le  17  déc.  1830. 

Elève  au  Conservatoire  de  Lisbonne,  où,  à  seize  ans, 
il  remporte  les  premiers  prix  avec  félicitations  du 

jury. 

On  peut  dire  que,  depuis  cette  époque,  d\  Matta 
Junior  consacra  tout  son  temps  à  l'araélioratiou  de 
l'enseignement  du  piano.  Il  entreprit  la  revision  des 
doigtés  et  annotations  sur  les  études  de  Cramer, 
Clementi,  les  complétant  par  des  préparations  en 
forme  d'exercices  pour  les  passages  difficiles.  Il  trans- 
crit des  études  de  main  droite  pour  la  main  gauche, 
afin  d'égaliser  la  vélocité  des  deux  mains.  Dans  une 
Ecole  du  mi'canismc,  il  développe  graduellement  et 
d'une  manière  originale  tous  les  genres  de  gammes, 
d'arpèges,  doubles  notes,  etc.  Toutes  ses  œuvres 
sont  adoptées  par  le  Conservatoire  de  Lisbonne. 

En  1883,  DA  Matta  présente  un  très  intéressant 
travail  sur  la  réforme  de  la  notation  musicale,  per- 
mettant la  suppression  des  accidents  :  dièses,  bémols 
simples  et  doubles,  fixant  la  gamme  sonore  en  une 
série  de  douze  sons.  11  modifie  le  clavier  du  piano  par 
une  série  de  touches  blanches  et  noires.  Da  Matta, 
en  proposant  ces  diverses  réformes,  a  droit  de  prio- 
rité sur  les  travaux  de  Loquin  (1901),  Lenoruand, 
Menchaca,  Frug.atta,  Hyard. 

Il  transcrit  de  nombreuses  œuvres,  en  compose 


également  de  nombreuses  pour  chant,  piano.  11  es' 
Comendator  de  l'Académie  des  Sciences  du  Portugal. 

Vincent  d'Indv  (Paul-Marie-Théodore),  né  à  Paris, 
le  27  mars  1851,  élève  de  Diéuer,  Marmontel,  Lavi- 
GNAC,  puis  de  César  Franck.  Il  entra  en  1873  à  la 
classe  d'orgue  du  Conservatoire,  où  Franck  venait 
d'être  nommé  professeur.  Deux  ans  plus  tard,  il  est 
organiste  à  Saint-Leu  (près  Paris),  puis  chef  des 
chœurs  de  l'association  des  concerts  Colonne,  où  il 
était  déjà  timbalier.  Il  fut  en  relations  intimes  avec 
Liszt  dès  1873.  Il  refusa  la  place  de  professeur  de  com- 
position au  Conservatoire. 

Il  fonda  la  Schola  Cantorum  en  1896,  avec  Bordes 
et  Guiluant. 

C'est  lui  qui  dirigea  en  1887  les  études  chorales 
qui  aboutirent  à  la  représentation  de  Lohcngrin  du 
3  mai,  sous  la  direction  de  Lamoureux. 

Voici  la  liste  de  ses  œuvres  : 


Op.  1 
2 
3 


26 
27 
28 

29 

30 
31 

32 

33, 

34. 

35 

36 

37 

38 


,f  Romances  sans  paroles,  pour  piano.  1S70.  Scholt. 

La  Chanson  des  aventuriers  de  la  mer  [y .  Hugo).  1870.  .SclioU. 

Attente,  mélodie  [V.  Hugo).  1S72.  Société  nationale,  1S76. 
Hamelle. 

Madrigal  (R.  de  Bonniéres).  1872.  .Soc.  nat.,  1876.  Ha- 
melle. 

Jean  Hunijiide,  symphonie  en  3  parties  (orchestre).  1S73- 

1S75.  Budapest,  1924.  Inédit. 

Ouverture  pour  Antoine  et  Ctèopùtre  (orchestre).  1876.  Pas- 
deloup,  1877.  Inédit. 

Quatuor  pour  piano,  violon,  alto  et  violoncelle,  en  3  par- 
lies.  1878.  Soc.  nat.,  1879.  Durand. 

La  l'orét  enchantée,  poème  symphonique  pour  orchestre. 
1878.  Pasdeloup,  1878.  Heugel. 

Petite  Sonate,  pour  piano.  1880.  Hamelle. 

Ptiiintc  de  Teela  (R.  de  Bonniéres).  1880.  Hamelle. 

La  Cherauehèe  du  Cid  (R.  de  Bonniéres).  1S80.  Colonne, 
1883.  Hamelle. 

WaJIenstein,  trilogie  pour  orchestre.  1873-1881.  I. amou- 
reux, 1888.  Durand. 

Clair  de  lune  (V.  Hugo).  IS72-18S1.  Soc.  nal.,  1881.  Ha- 
melle. 

Attendez— moi  sous  l'orme,  opéra-comique  en  un  acte.  1876- 
1882.  Opéra-Comique,  1SS2.  Enoch. 

Poi'me  des  montagnes,  suite  pour  piano,  en  3  pièces.  1882. 
Soc.  nat.,  1SS6.  Hamelle. 

4  Pièces  pour  piano.  1882.  Hamelle. 

Helrelia,  3  valses  pour  piano.  1882.  Hamelle. 

Le  Chant  de  la  Cloche,  lég.  dramatique  en  7  tableaux,  pour 
soli,  chœur  et  orchestre.  1879-1883.  Lamoureux,  1886. 
Hameile. 

Lied,  pour  violoncelle  et  orchestre.  1884.  Soc.  n.\t.,  1885. 
Hamelle. 

L'Amour  cl  le  Crâne  (Baudelaire).  lS8i.  Schotl. 

Sauge  fleurie,  légende  pour  orchestre.  1881.  Lamoureux, 

1885.  Hamelle. 

Cantate  Domino,  choeur  îl  3  voix.  1885.  Durand. 
Sainte  Marie-Magdeleine,  petite  cantate.  1885.  Durand. 
Suite  en  ré,  pour  trompette,  2  flûtes  et  cordes,  en  5  parties. 

1886.  La  Trompette,  1887.  Hamelle. 

Première  Symphonie,  pour  orchestre  et  piano,  sur  un  chant 
montagnard,  en  3  parties.  1886.  Lamoureux,  1887. 
Hamelle. 

Nocturne,  en  sot\,  pour  piano.  1886.  Hamelle. 

Promenade,  pour  piano.  1887.  Id. 

Sérénade  et  Valse,   pour   petit  orchestre.   1887.  Angers, 

1889.  Id. 

Trio,  pour  piano,  clarinette  et  violoncelle,  en  4  pièces. 

1887.  Soc.  nat.,  1888.  Id. 

Sctiumanniana,  3  pièces  pour  piano.  1887.  Soc.  nat.,  lSS8.Id. 

Fantaisie,  pour  orchestre  et  hautbois  principal.  1888.  La- 
moureux, 1889.  Durand. 

Sur  la  mer,  chœur  pour  voix  de  femmes.  1888.  Les  XX 
Bruxelles,  1889.  Hamelle. 

Tahlean.r  de  voyage,  13  pièces  pour  piano.  1889.  Soc.  nat., 

1890.  Leduc. 

Karadec,  musique  de  scène  pour  un  drame  (A.  Alexan- 
dre). 1890.  Th.  moderne,  1892.  Heugel. 

Premier  quatuor,  pour  instrumenis  à  cordes,  en  4  parties. 
1890.  Les  XX  Bruxelles,  1891.  Hamelle. 

Tahleau.r  de  voyage,  suite  pour  orchestre,  6  pièces.  1891. 
Angers,  1891.  Leduc. 

Pour  l'inauquralion  d'une  statue,  cantate  orchestre,  chant. 
1893.  Valence,  1893.  Inédit. 

Prélude  et  petit  canon,  pour  orgue.  1893.  Durand. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    2ll:i 


39  L'An  el/e  peui)le(V.  Husu),  chant  à  4  voix  d'hommes.  ISIU. 

Lyon,  1S9-4.  Hamelle, 
iO  Feriaiil,  .iclion  musicale  en  3  actes  et  un  prologue.  I8S9- 

1895.  Monnaie,  1897.  Dui-and. 

41  Deus  Isriiel,  motet  en  i  parties,  k  i  et  6  voix.  1890.  Schola 

Gant. 

42  Islar,  variations  symphoniques,  orcliestre.    IS90.   Gonc. 

Ysaye,  Bruxelles,  1897.  Duraml. 
■13  Lieii  muri/iiiif,  mélodie.  1896.  Lerolle. 

44  Otte  à  Valence,  solo  et  chœur.  1897.  Inédit. 

45  Deuxième  ijuatuor,  pour  instruments  à  cordes,  en  4  parties. 

1897.  Soc.  nat.,  1898.  Durand. 

46  Les  Soces  d'or  du  sacerdoce,   canti'iue  (Delaporte).    1898. 

Schola  Gant. 

47  tli'dce,  musique  de  scène  pour  le  drame  de  Cal.  Mendès. 

1898.  Th.  S.irah  Bernhardt,  1898.  Durand. 

48  LaPremirre  Deiil.  mélodie.  1898.  IJ. 

49  Suacla  Uaria,  petit  motet  à  2  voix.  1898.  Schola  Gant. 

50  Chansons  et  danses,  divertissement  pour  inslrumenls  à  vent. 

189S.  Soc.  Mimart,  1899.  Durand. 

51  Vêpres  du  Commun  d'un  martyr,  8  antiennes  pour  orgue. 

1899.  Schola  Gant. 

î>i  90  Chansons  du  Vivarais.  1900.  Durand. 

53  L'Etraniier,  action  musicale  en  deux  actes.  1S98-1901. 
Monnaie,  1903.  Id. 

54.  Marche  du  76'  régiment  d'infanterie  pour  musique  mili- 
taire. 1903.  Id. 

55  Choral  varie,  pour  saxophone  et  orchestre.  1903.  Soc.  nat., 

1901.  Id. 

56  iliraiie.  mélodie  (Oravollet).  1903.  Hamelle. 

57  Deuâicnie  symphonie,   pour  orchestre,  en  4  parties.  1902- 

1903.  I.amoureux.  1904,  Durand 

58  Les  Yeux  de  l'aimée,  mélodie.  1904.  (îramophone. 

59  Sonate,   pour  piano   et  violon,  en  4  parties.    1903-1904. 

Durand. 

60  Pelile  Chanson  grégorienne,  k  l  mains.  190  4.  Schola  Gant. 

61  Jour  d'éléii  lainonlai/né,  pour  orchestre,  en  3  parties.  1905. 

Golonne,  1966.  Durand. 

62  Souvenirs,  poème  pour  orchestre.  1906.  Soc.  nat.,  1907. 

Durand. 

63  Sontile  en  nii,  pour  piano,  en  3  parties.  1907.  Soc.  nat.. 

1908.  Durand. 

64  Vocalise,  pour  voix  et  piano.  1908.  Coll.  Hettich. 

65  Uenuel,  sur  le  nom  de  Haydn,  pour  piano.  1909.  Durand. 

66  Pièce  en  mi  ^  mineur,  pour  rirgue.  1911     Durand. 

67  La  Légende  de  saini  Christophe,   histoire  sacrée,  en  3  actes. 

1908-1915.  Opéra,  1920.  Lerolle. 

68  /.;  Pièces  lircres,  pour  piano,  1908-1915.  Heun,  Genève. 

69  l-J  Pelités   Pièces  faciles,   pour   piano,   1908-1915,  Heun, 

Genève. 

70  Troisième  Symphonie  (de  belle  sallico',   pour  orchestre  en 

4  parties.  1915-1918.  Soc.  nat.,  1919.  Lerolle. 

71  11)11  Tlieaies  d'harmonie,  en  2  liwes.  1907-1918.  Roudanez. 

72  Saraliande  el  menuet,  pour  instiumenisàvent  et  piano.  1886- 

1919.  Hamelle.  % 

73  7  Chaiils  de  terroir,  pour  piano  à  4  mains.  1918.  Lerolle. 
7  4  Pour  les  enfants  de  tout  âge,  24  pièces  pour  piano,  en  3  livres. 

1919.  Lerolle. 

75  Pentecosten,  2  4  cantiques  grégoriens.  1919.  Art  catholique. 

76  Veronicii,  musique   de  scène  pour  un  drame  (Ch.  fies). 

1920.  Inédit. 

77  Poème  des  rirages,   suite   pour  orchestre,  en  4   tableaux. 

1919-1921.  New- York  orch.,  1921.  Lerolle. 

78  3  Scholar's  songs,  pour  deux  \oix.  1921. 

79  Are  Regina  cœlorum,  motet  à  4  voix.  1922. 

80  Le  Hère  de  Cinyras.  comédie  musicale,   en  3  actes  (X.  de 

Courville).  1922-1923.  Sénarl. 
SI  Quinlelle,  pour  piano  et  quatuor  à  cordes,  en  4  parties. 
1924.  Sénart. 

82  3  Chiuisons  franfiiises,  pour  chœur  k  4  voix.  1924.  Lerolle. 

83  1  iliilels,  à  2  et  3  voix.  1925.  Art  catholique. 

naoul  PuGNO,  né  le  23  juin  1852  à  Paris,  décédé 
en  1913,  à  Moscou,  lors  d'une  tournée  de  concerts  en 
Allemagne  et  Hussie,  fut  d'abord  élève  de  son  père. 
K.ntré  au  Conservatoire,  dans  la  classe  de  piano  de 
M.  Mathi.\s,  au  mois  de  janvier  1866,  il  obtenait  le 
i"  prix  de  piano  à  l'unanimité  el  une  i'  médaille  de 
solfège. 

Il  remporte  successivement,  dans  les  années  sui- 
vantes, tous  les  premiers  prix,  celui  de  solfège  en 
1867  (classe  de  M.  Durand,  d'harmonie,  même  année, 
(classe  de  RAziNi,  d'orgue  en  1869  (classe  de  Bknoit) 
el  enfin  premier  prix  de  fugue  el  contrepoint  en  1869 
(classe  A.  Thomas). 

Copyright  ty  Librairie  Delagrave,  1927. 


En  1871,  il  lut  nommé  maitre  de  chapelle  et  orga- 
niste à  Sainl-Kugf'ne,  où  il  resta  jusqu'en  1892.  Il 
quitta  Saint-Eng'^iie  en  1892,  pour  prendre  les  fonc- 
tions de  professeur  d'harmonie  au  Conservatoire.  Le 
24  décembre  1893,  il  exécuta  au  concert  du  Conser- 
vatoire de  Paris  le  Concerto  en  la  mineur  de  Grieg 
qui  fut  le  point  de  dépari  de  sa  magnifique  carrière 
de  virtuose. 

En  1896,  il  c]iiitte  la  classe  d'harmonie  pour  diriger 
une  des  classes  de  piano  à  la  mort  de  H.  Fissot,  et 
le  31  juillet  IS'.i",  il  est  nommé  chevalier  de  la 
Légion  d'hnriiicui'. 

Ses  nombreuses  tournées,  tant  en  France  qu'à  l'é- 
tranger, l'obligèrent  à  donner  sa  démission  de  pro- 
fesseur au  Conseivaloire,  le  1°''  février  1901,  pour  se 
consacrer  exclusivement  au  virtuosisme. 


La  Fee  Cocotte,  opérette  (.Ma rot,  Ph.  Bourgeois).  Palace  Théâtre. 

18SI. 
Hinelta,  opéra-comique.  Renaissance.  Dec.  1882.  Heugel. 
Viviane,   ballet,  en   collaboration   avec   LiHe.iCHER   (Gondinel). 

Eden.  Dec.  1886.  Heugel. 
Le  Sosie,  opéra  bouffe  (Valabrègue-Kéroul).  Bouffes-Parisiens. 

Oct.  1887.  Heugel. 
Valet  de  Cœur,  opérelte  (Ferrier,  Clairville).  Bouffes-Parisiens. 

Mai  1888.  Heugel. 
Le  Chevalier  anx  Fleurs,  ballet,  en  collaboration  avec  Messager 

(A.  Sylvestre).  Folirs-Marigny.  Mai  1897. 
La  Danseuse  de  corde,  pantomime  (A.  Scholl,  Roques^.  Nouveau 

Théâtre.  Fév.  1892.  Heugel. 
La    Pelile  Poucelle,  opérette  (Ordonneau-IIennequin).   Renais- 
sance. Mars  1891. 
Pour  le  drapeau,  panlomime  (Henri  Amie).  Ambigu.  Fév.   1895. 

Leduc. 
Le  Hetour  d'Ulysse,  opéra  bouffe  (E.  Carré).  Bouffes-Parisiens. 

1889.  Heugel. 

La  Vocation  de  Marins,  opéra  bouffe  (Debelly).  Nouveautés.  Mars 

1890,  Heugel. 

La  Ville  Morte,  en  collaboration  avec  Nadia  Bool,inger.  opéra 
;G.  d'Aniiunzio).  1913.  Heugel. 

Œuvres  religieuses. 
Are  rerani  k  2  voix. 
Henedictus,  Agnus  Dei  populi  meus. 
La  Résurrection  de  La:are.  Scène  biblique.  Heugel. 

Mélodies. 

Pages  d'Amour,  poème  d'A.  Silve.stre.   Heugel. 
Roman  de  la  Marguerite,  lleugrl. 

Cloches  du  Sourenir,  poésie  de  Maurice  Vaucaire.  Heugel. 
Amours  hrères,  poésies  de  Maurice  Vaucaire.  Heugel. 
Les  Heures  claires,  en  collaboration  avec  Nadia  Boulangeb,  poé- 
sies d'Krniie  Verhaeren. 

Œuvres  pour  piano. 

Trois  Airs  de  Ballet  :  I"  Valse  lentes  i«  Pulcinella;  3'  Farandole  AD.- 

Deux  Vahes  AD. 

Impromptu  AD. 

Crnnde  Sonate  D. 

Capriie  liadin  AD. 

Liliellule  AD. 

Premiî're  Mazurka  MD. 

Trois  pièces  :  1"  Romance  AD  ;  2"  Laiidler  .MD  ;  3°  llumoie^'/ue  .MIi. 

Valse  de  comeert  AD. 

P  Uetta  AD. 

Première  Gavotte  en  la  mineur  AD. 

Mnrivaudage.] 

Feuillets  d'alhum  :  1  "  Petite  pièce  en  forme  de  canon  MD  ;  2"  Scher- 

zetto  AD  ;  3°  Orientale  MD  ;  i"  Cri  de  guerre  AD. 
Les  Soirs.  Quatre  pièces  romantiques  AD;  1°  Soir  de  Printemps. 

Au  hord  d'un   Ruisseau:  2^*  Soir  d'ICté.  Sérénade  à  la   Lune: 

3°  Soir  d'automne.  Causerie  sous  bois;  i"  Soir  d'Hiver.  Conte 

fantastiiiue. 
Paysages  AI)  :  1°  Brumes  matinales;  2»  Tintements  de  clochettes: 

3°  Bruits  de  fêle  :  4"  Quand  tout  dort. 
Troisième  Ma:urka  de  concert  AD. 
Pelile  Valse  AD. 
Tricote ts  AD. 
Air  à  danser  AD. 
Concertsluck  TD. 
Impromptu  Valse  AD. 
Pantomime  MD. 
Valse  mineure  AD. 

133 


2114 


ENCVCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


LiADOw  (Anatole),  né  en  1856  (Hussie). 

Pianiste  virtuose,  écrit  avec  beaucoup  de  succès 
pour  le  piano.  «  La  série  des  Biroulki  a  infiniment 
de  grâce.  Ses  chœurs,  ses  mélodies  vocales,  ses  Infer- 
mezzns.  Préludes,  Etudes,  Scherzo,  Mazurka  d'or- 
cheslre,  sa  grande  scène,  avec  chœurs  et  orchestre, 
pour  le  dénouement  de  la  Fiancée  de  Messine,  de 
Schiller,  ont  une  réelle  valeur'.  » 

Sachs  (Léo),  né  à  Paris  le  3  avril  1856. 

Ses  premières  leçons  lui  furent  données  par  César 

Galeotti.  Il  composa  des  œuvres  de  tous  genres,  dont 

voici  la  liste  : 

Piano. 

Eliidf  modulante,  op.  150.  Sénarl. 

Pasiorale  norvégienne. 

Pages  faciles  [e  morceaux).  Gallet. 

Poges  d'alhum  (6  morceaux).  Enoch,  Aslruc. 

I)eui  tiovelleltes.  Hamelle. 

nieuses.  Id. 

Hcibil  d'oiseaux. 

Lied.  Mathot. 

Nocliirne.  Id. 

Clair  de  lune.  Rouhier. 

Trois  pièces  :  Jamin. 

Papillons.  Duiand. 

Prélude.  Sciiart. 

Elude  modulante.  Id. 

Den.i  Heeueils  de  13  préludes  (3  ou  4  pour  orgue).  Ricordi. 

Deux  Pièces.  Id. 

Prés  du  ruisseau.  Pegat. 

Inlermède.  Id. 

Caprice.  Id. 

Sur  l'eau.  Enoch,  Astruc. 

Doux  souvenir.  Id. 

Jeux  des  nuages.  Eschig. 

Orientale.  Id. 

Peux  Mélodies.  Id. 

Le  Silence.  Id. 

//  pleut  des  pétales  de  peurs.  Id. 

Ckanson  de  Lison. 

Larmes  et  ris. 

Chanson  triste.  Gallet. 

Le  Coucou.  Id. 

Invocation  au  soleil.  Id. 

A  une  fleur.  Leduc. 

L'Oiseau  lileu.  Id. 

Opéra. 

Les  Burgraves,  \"  auJilion  au   théâtre  des  Champs-Elysées  le 
ISjuin  1924,  i'"  audition  à  l'Opéra  le  24  février  1927. 

Orchestre. 

Les  Trois  Sorciers. 

Chant. 

Premier  Recueil  de  li  mélodies.  Sénart. 

Chanson  du  Ml.  Id. 

Chant  d'Alsace.  Id. 

Duo  l'Amant  et  le  mort,  paroles  de  Samain.  Id. 

/  recueil  1-2  mélodies.  Epuisé.  Hamelle. 

Puo.  Le  Jour  et  la  Nuit  pour  deux  voix  de  femme.  Id. 

Venise.  Leduc. 

Sérénade  à  l'enfant  mourant.  Id. 

Automne.  Id. 

L'Adieu  du  marinier,  rontrallo.  Eschig. 

Qui  veut  de  mon  cœur.  Id. 

Promenade.  Enoch,  Astruc. 

Mélodie  solitude.  Id. 

//  pleut,  bergère.  Id. 

Va-t'en,  prince.  Id. 

VesjiiTO.  Id. 

Paderewski  (L-J. -Ignace),  né  en  Podolie  (Pologne) 
en  1859.  Pianiste  et  compositeur. 

Il  fut  élève  du  Conservatoire  de  Varsovie,  où  il 
retourna  en  qualité  de  professeur  de  1879  à  1888,  et 
se  fil  applaudir  comme  remarquable  virtuose  dans  le 
monde  entier. 

Il  composa  un  opéra  en  trois  actes,  Manru,  qui  fut 
représenté  à  Dresde,  en  1901,  au  Théâtre  Royal,  et 
obtint  un  bon  succès,  mais  l'empereur  Guillaume  II 
en   arrêta   les  représentations,    mettant    à   l'index 

1.  Albert  Soubies,  toeo  cit.,  247. 


toute  l'œuvre  de  Paderewski,  parce  que  ce  dernier, 
indigné  des  brutalités  endurées  par  ses  compatriotes, 
prenait  part  à  une  manifestation  en  leur  faveur,  mani- 
festation dirigée  contre  le  gouvernement  prussien. 
Paderewski  fut,  après  la  giierrede  1914-18,  nommé 
président  de  la  République  polonaise. 

Pour  piano.  —  Op.  I,  deu.x  morceaux  :  n»  1,  Pré- 
lude et  Caprice:  n°  2,  Minuetto.  Op.  4,  Elégie:  op.  :,, 
DaiiS's polonaises  (trois).  Op.  5,  id.  pourquatre mains. 
Op.  6,  Introduction  et  Toccata.  Op.  8,  Chant  du  Vnya- 
yeur.  Op.  8,  n"  3,  Mélodie.  Op.  9,  Danses  Polonaises, 
deux  cahiers.  Op.  10,  Album  de  Mai,  Au  Soir,  Chant 
d'Amour,  Scherzino,  Barcarolle,  Caprice,  Valsf,  Scènes 
romantiques.  Op.  11,  Variations  et  fugue,  sur  un  thème 
original.  Op.  14,  Humoresques  do  Concert,  cahier  I  (à 
l'antique)  :  Wl,  Célèbre  Menuet;  n''2,  Sarabande:  n»  3, 
Caprice:  cahier  II  (moderne)  :  n»  4,  Burlesque:  n»  5, 
Intermezzo  Pollaco;  n"  6,  Cracovienne  fantastique. 
Op.  15,  Dans  le  Dés-rt,  tableau  musical  en  forme  de 
toccata.  Op.  i6,  Miscellanea  ;  série  de  morceaux: 
n»  1 ,  Légende  /  ,•  n»  2,  Mélodie  :  n»  3,  Thème  varié;  n"  4, 
Nocturne;  n'^,  Légemie  2;  n"  0,  UuMoynenl  musical'; 
no",  Menuet  en  la.  Op. 2i, Sonate.  Op.  23,  Variations, 
et  fugue  sur  un  thème  original.  Canzone  (chant  sans 
paroles). 

Quatre  mains,    deux    pianos   quatre    mains.  — 

Concerto  en  la  mineur,  Fantaisie  Polonaise.  Op.  5, 
Danses  Polonaises,  cahieis  I  et  II.  Op.  9,  n"  5,  Krakowia 
pour  violon  et  piano.  Op.  14,  Sonate. 

Piano  et  orchestre.  —  Op.  17,  Concerto  en  la  mi- 
neur. Op.  19,  Fantaisie  Polonaise  sur  des  thèmes  ori- 
ginau.x. 

Chant  et  piano.  —  Op.  7,  Quatre  Mélodies,  paroles 
polonaises,  anglaises,  allemandes  et  françaises. 
Op.  18,  Six  Mélodies.  Textes  anglais,  polonais,  alle- 
mand et  français  (Max  l-ischig,  éditeur). 

PiiiLii'P(Isidor),pianisteet  pédasogueremarquable, 
né  le  2  septembre  1863.  Elève  de  Georges  Mathias  et 
de  Taudou  au  Conservatoire,  où  il  obtint  un  premier 
prix  de  piano  en  1883.  Travailla  plus  tard  avec 
S01ELLER  jusqu'à  sa  mort,  puis  avec  G.  Saint-Saëns. 
S'est  fait  entendre  aux  Concerts  Colon.ne,  Lamoureux 
et  du  Conservatoire.  A  fondé  une  société  de  mu- 
sique de  chambre  avec  Locle,  Rémy  et  Berthelier,  à 
laquelle  s'est  jointe  —  après  la  mort  de  Taffanel 
—  la  Société  des  instruments  à  vent  (Hennebains, 
Turban,  Gillet,  Letellier  et  Reine);  douze  ans  de 
séances.  Premières  auditions  de  Saint  SAi-iNs,  Widor 
Lefebvre,  p.  Lacombe,  Emile  Rernard,  etc.  Nom- 
breux concerts  en  Allemagne,  Angleterre,  Suisse, 
Es|iagne,  etc. 

Philiih'  est  nommé,  en  1003,  professeurau  Conser- 
vatoire, où  il  forme  une  série  de  très  remarquables 
artistes.  Parmi  ses  élèves,  il  faut  citer  .M.  Motte- 
Lacroix,  processeur  au  Conservatoire  de  lîoston; 
M.  Trillat,  professeur  au  Conservatoire  de  Lyon; 
M.  Mauiice  Dumesnil,  M.  Paul  Silva  Hékard;  M  Noël 
Galla,  professeur  au  Conservatoire  de  Paris,  etc. 
M""  Radisse,  professeur  au  Conservatoire  de  Stras- 
bourg, M"«  Madeleine  Bonnet,  professeur  au  Conser- 
vatoire de  Niraes,  M"'  Fontrais,  professeur  au  Con- 
servatoire de  Toulouse,  M"">  Guiomar  Novaes,  Mar- 
celle Hehrenstmiht,  Youra  (ùiller,  Jeaime- Marie 
Uarré,  Madeleine  de  Valmalète,  Cella  Delavrancia, 
Madeleine  Grovlez,  Raymonde  Blanc,  Madeleine  Pel- 
tier,  Ania  Dqrfmann  (femme  du  virtuose  violoncel- 
liste). Renée  Goum,  Maria-Anlonia  de  Castro,  etc. 


TECUyiQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LE  PIANO  ET  SA  TECHNIQUE    ans 


M.  Philipp  est  membre  du  Conseil  supérieur  d'en- 
seignement, membre  des  académies  de  Bologne  et 
de  Florence,  chevalier  de  la  Légion  d'hoimeur.  Ses 
ouvrages  d'enseignement  sont  adoptés  dans  la  plu- 
part des  Conservatoires. 

Exercices.  —  Eiercices  progressif!!  de  J.  Pischn\.  La  gamme 
chromatiiiue,  exercices,  doigtes,  exempUs,  Exercices  de  tenues  pour 
développer  l'agilUé  di'S  doigts.  Exercices  pour  développer  l'iiKié- 
pendance  des  doigts  ^suite  du  précédent).  Ecole  des  arpt>ges  [sui- 
vie  de  deux  études  originales  de  Ferrucio  Bdsoni.  Problèmes  tech- 
niques et  leur  solution.  Exercices  de  virtuosité.  Exercices,  études  et 
mnrceiiux  dans  tous  les  tons  majeurs  et  mineurs.  Exercices  techni- 
ques quotidiens.  Exercices  d^ Anloine  Rdbinstein,  tirés  de  la  méthode 
(le  ViMoiNO.  Exercices  progressifs  de  Pischnv.  Exercices  Jouriia- 
Itersde.l  -.M.  Hdmmel.  Exercices  universels,  tirés  de  l'œuvre  tech- 
niijue  de  Gzkrny  (Heugel,  éditeur  . 

Cent  soixitnte-dix-neuf  exercices  d'extension  pour  les  doigts.  Dix 
exercices,  cHudes  en  doubles  notes.  (Alpli.  Leduc,  éditeur). 

Eludes  techniques  pour  servir  à  l'enseignement  supérieur  du 
piano,  deux  volumes  (Ricordi,  l'diteur). 

Exercices  préliminaires,  1"  cahier,  dédié  à  M'if  llurtense  Parent. 

Exercices  préparatoires,  2"  cahier,  dédié  ii  .Mathias. 

Etudes  et  exercices,  revus  par  PaiLiee  {Hamelle,  édileurj. 

EjcrricM/îra/i^/iM, introduction  aux  exercices  journaliers  (Du- 
rand, éditeur). 

Exercices  élémentaires  rythmiques  pour  les  cinq  doigts.  Ecole  du 
mécanisme  ^Janin  fri»res.  éditeurs). 

Etudes.  —  Trois  Études  de  Concert  en  doubles  notes  (Durand, 
éditeur), 

.Anthologie  Pianistique.  Gollectiond'études séparées  pour  le  travail 
techniqueet  pour  le  concert,  choisies,  revues,  doigtéesetannotées. 
\ingt  Études  devf Incité  de  moyenne  force  pour  les  deux  mains.  Le 
Petit  Pischna,  étudi.'s  préparatoires  aux  exercices  progressifs  de 
J.  PiscHN\  (Heugel,  éditeur).  ,Voa!r«u  GriK/u.v  ad  Parnassum.  Choix 
de  cent  études  des  principau.'i  maîtres,  revues,  doigtées  avec  addi- 
tions de  notes  pour  le  travail  technique  et  classées  par  ordre  de 
difficulté,  moyenne  force  à  très  difficile(Alphonse  Leduc,  éditeur). 

Etudes  classiques  tirées  des  grands  maîtres  (Alphonse  Leduc), 
Etudes  d'octaves  d'après  J.-S.  B\ch,  Cle.mknti,  Cramer,  Chopin 
(Dur.md,  éditeur). 

Œuvres  transcrites.  —  Toccata  en  fa  des  pièces  d'orgue. 
J.  ->;.  Bach  (Hamelle,  éditeur).  Œuvres  d'orgue  de  J.-S.  Bach, 
transcrites  pour  deux  pianos  quatre  mains  (Hicordi,  éditeur). 
Vingt-Cinq  Canons  de  Bach,  Bebthoven,  Glementi,  Hdmmbl, 
Klenckl,  Weber  (Janin.  éditeur).  Concerto  pour  orgue  de  Fried- 
mann  Bach.  Concerto  n"  Il  de  J.-S.  Bach  (Durand,  éditeur). 
Toccala.  adagio  et  fugue  des  pièces  d'orgue  de  J.-S.  Bach.  Trans- 
cription de  concert.  Prélude  et  fugue  en  ut  majeur  des  pièces 
d'orgue  de  J.-S.  Bach  (Hamelle,  éditeur). 

Le  Petit  Pianiste,  bibliothèque  classiiiue  à  rus,age  de  la  jeunesse 
puliliée  sous  la  direction  de  L  Philipp.  Vingl-Quatre  Pièces  choisies, 
en  deux  livres  (Janin,  éditeur).  Morceaux.  Féerie,  petite  suite  de  six 
pièces.  Pastels,  huit  pièces.  Fantasmagories,  six  pièces  (Heugel, 
éditeur).  Caprice  (Hamelle,  éditeur). 

Ajoutons  encore  de  nombreuses  pièces  revues,  doigtées,  anno- 
tées ou  publiées  sous  la  direction  de  Philipp,  inlassable  travail- 
leur et  le  plus  grand  de  nos  techniciens  ;  terminons  en  disant  que 
I.  Philipp  obtint  le  grand  prix  aux  Expositions  de  Paris  1900, 
Saint-Louis,  Milan'. 

MoREAU  (Léon),  né  à  Brest,  le  13  juillet  1870.  Après 
de  solides  études  classiques,  couronnées  par  les 
diplômes  de  baclielier  es  lettres  et  de  bachelier  es 
sciences,  il  entra  au  Conservatoire,  où  il  fut  lauréat 
d'harmonie  et  prix  de  Rome  en  189.1,  chevalier  de  la 
Légion  d'honneur  ijanvier  1913). 

Pianisle-virtuose-soliste  des  Conceris  Lamol'reux, 
—  où  il  joua  un  concerto  dont  il  est  l'auteur,  —  il 
se  fil  entendre  et  applaudir  dans  de  nombreux  con- 
certs, et  fit  plusieurs  tournées  en  Europe  et  en  Amé- 
rique. 

Son  reiivre  comme  coraposileur  est  des  plus  con- 
sidérables et  des  plus  variées  :  théâtre,  musique  de 
scène,  œuvres  d'orchesLie,  musique  de  chambre, 
piano  et  mélodies.  Litléraleur  et  poète,  il  écrit  le 
plus  souvent  lui-même  ses  livrets  de  théâtre  et  les 
paroles  de  ses  mélodies.  Parmi  les  dernières,  no.s  lec- 


1.  Li  ]>lu3  grande  partie  de  ces  notes  biograpliiquei  a  été  emprutili^-e 
au  Oictionnaire  américain  de  Bnker. 


leuis  nous  sauront  certainement  gré  de  leur  rappeler 
celle  pièce  émue  et  délicate  intitulée  Jour  d'Eté  : 

De  ma  barque  fixée  aux  ramures  penchantes, 
Que  caresse  en  passant  une  onde  nonchalante, 
J'écoute  la  chanson  des  oiseaux,  et  je  vois 
Le  soleil  embellir  chaque  feuille  des  bois. 

Effleurés  par  le  vent,  les  arbres  et  la  rive, 
En  longs  reflets  mouvants,  se  mirent  dans  l'eau  vive. 
LJi  haut,  l'azur  du  ciel  révèle  sa  splendeur 
Au-dessus  des  grands  prés  tout  émaillés  de  fleurs. 
Rien  ne  peut  consoler  de  l'absence  mon  Ame 
Qu'anime  uniquement  une  lointaine  flamme. 
Et  mes  yeux  éblouis  ont  doucement  pleuré 
D'être  seul  à  t'aimer  loin  d'elle,  ô  jour  d'été  ! 

Ce  talent  poétique  a  permis  au  musicien  de  pro- 
duire des  (l'tivres  d'une  originalité  absolue,  comme 
Myriald,',  pièce  en  cinq  actes  et  six  tableaux,  dont  il 
écrivit  lui-même  le  poème  et  la  musique,  et  qui 
fui  créée,  en  191'2,  au  théâtre  de  iXantes.  Le  dernier 
tableau  a  été  repris,  en  1916,  à  l'Opéra,  à  Paris.  Notons 
encore  parmi  ses  œuvres  théâtrales  :  Imocution  à 
Bouddha,  balletcréé  au  Casinode  Vichy,  en  1909  •  Pier- 
ro(  décoré,  pantomime,  en  collaboralion  avec  M.' Jules 
Lévy  pour  le  livret,  créée  à  la  Comédie  française 
(représentation  de  retraite  de  Prudhon)  en  1914; 
Dionysos,  musique  de  scène  pour  le  drame  de  ,1.  Gas- 
quet,  avec  l'orchestre  L\moureux,  dirigé  par  C.  Che- 
viLLARD,  créé  h  rr^uvre  en  1903;  LWnwnr  de  Késa, 
musique  de  scène  pour  le  drame  de  H.  d'Ilumières' 
créé  à  l'Œuvre  en  1910;  LWgonie  de  Bi/zance.  opéra 
cinématographique,  en  collaboralion  avec  M.  Henri 
Février,  créé  à  Gaumonl  en  (913. 

Les  morceaux  d'orchestre  les  plus  connus  de  Léon 
MoBE^u  ont  été  exécutés  aux  Concerts  La.moureux  : 
Sur  ta  Mer  Inintaine,  poème  symphonique  (1900i; 
Suite  symphonique  en  quatre  parties  (1903);  Concerto 
pour  piano  et  orchestre  (1903).  Citons  aussi  une  Pas- 
torale en  trois  parti  s  pour  saxophone  en  mi  bémol 
ou  violon,  et  orchestre  (S.  M.  I  ,  19(2);  el  de  nom- 
breuses œuvres  de  concert,  notamment  :  pour  piano, 
deux  Impromptus;  Barcarolle;  Variations  à  danser; 
Valse  vive,  etc.  ;  pour  piano  et  chant  :  Cœur  solitaire; 
Cdlineric;  Pedro;  Mon  rêve:  ha  Grotte;  Prière  païenne, 
etc.;  pour  piano  et  flûte  :  Dans  la  Forêt  enchantée, 
morceau  de  concours  du  Conservatoire  en  1912;  pour 
violon  et  piano  :  Pastorale;  Berceus-;  .Mauresque;  pour 
violoncelle  et  piano,  une  remarquable  Ballade;  enfin 
des  chœurs  importants,  tels  que  :  Sous  bois,  L'Ile 
fortunée;  Chanson  galante  ;  le  Bouquet  de  la  mariée  ■ 
Hymne  à  la  Vérité;  et  enfin,  le  Salut  aux  Morts,  que' 
la  plupart  de  nos  lecteurs  ont  dû  entendre  aux  Con- 
certs Pasdelol'p  en  1919. 

Son  œuvre  considérable  est  la  suivante  : 

Chant  et   piano.  ' 

La  Lune  blanche.  Eachig. 
Ilcrccuse.  Id. 

.4m  bord  de  la  mer,  Rouart  et  LeroUe. 
Cdlineric  (mi  ]r)-sol-la).  Id. 
Fiancée  ■,ut-mi\}).  Id. 
La  Crotte.  Id. 
La  Vache.  Id. 
L'Escargot,  M. 
L'Ecureuil.  Id. 

L' Et  émette  Histoire  (cycle  de  six  mélodies  sur  l'amour,  créé  par 
Jeanne  Montfokt  ;'i  la  S.  M.  I.). 

Pourquoi  chante  us  poète  (trois  parties).  Hachette. 

Hoses  dans  la  Suit. 

Hetour.  Leduc. 

La  Suit.  Robert,  à  Béziers. 

A  un  Vainqueur. 

Jour  d'Eté.  Cari  Selva. 

Sérénade,  Grus. 


2116 ENCrCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOWE 


l*eilrii  [Ui-sol-mi-y].  H.  Oregh. 

Sèrènilè.  Id. 

Mon  Hère.  Id. 

Ofiir  solitaire  (mi-fu-sol).  Costallat. 

Prière  paienne,  Id. 

Pleure,  0  mon  âme  {tto^~.siy).  Id. 

Soulidit.  Id. 

L'Etcrneile  Histoire  (six  mélodies).  Id. 

Aubade.  Llobert  (Barcelone). 

Complaùite.  Maquaire. 

Piano  deux  mains. 

Ballade  des  dnimndijui's  Amours.  E^chig. 

Bercement  sur  {'am.  Id. 

Impression  de  Midi  dans  le  ^ord.  Id. 

Nostalgie.  Id. 

Printemps  démon  Cœur.  Id. 

Promenade  sent <menf aie.  Id. 

Tristesse.  Id. 

Deuxième  liumoresque.  Rouart  et  Lemllp. 

Esi(uisse.  I.Iobert  (Barcelone). 

Premier  Impromptu.  Maquaire. 

yoelurue.  Id. 

Dans  la  Nuit.  Id. 

Chanson  dansée.  Pujol  (Barcelnnf*). 

homanee.  Gostallat. 

Valse  vire.  Id. 

Valse  vaprire.  H.  Greph. 

Deu.riéi/ie  hipromptu.  Id. 

Barearulle.  Id. 

Troisième  liumnresque.  Id. 

Variation  ù  danser.  Leduc. 

l.e  Petit  Sportsman  (six  pièces.)  Id. 

E.rereicesfjuolidiens.  J.  Vuillemin  (Nantes). 

Journée  de  vacances  (six  pièces).  Id. 

Piano  à  quatre  mains. 

Suite  sijmphonique .  Cost;illat. 
Uionijsos  (musique  de  scène).  Id. 
Les  Joueuses  île  Flùle.  Id. 

Violoncelle  et  piano. 

Ballade.  Costîillat. 

Violon  et  piano. 

Pièce  en  mi  majeur.  Mercier. 
Mauresque.  Gostallat, 

Adagio  de  la  douzième  sonate  de  LilClair  (transcription).  Id. 
Berceuse.  Gallet. 

Pastorale   ^  trois   pièces  ).    Évelte    et    .^chœfer    (transcrit    par 
E.  Mfndels). 

Saxophone  et  piano. 

Pastnmte  (trois  pièces).  Evette  et  Schœfer. 

Deux  pianos  quatre  mains. 

Sur  lu  Mer  lointaine  (poème  symphonique).  Hachette. 
Premier  Concerto.  Coslaliat. 


Flûte  et  piano. 

Bans  la  Forêt  enchantée.  Evelte  et  Schœfer. 

Les  Joueuses  de  Flûte  lune  flûte  et  piano,  Jeux  flûtes  et  piano). 


Flûte,   chant  et  piano. 


Gostallat. 

Sérèaode.  Griis. 

Chœurs  ou  quatuors  vocaux. 

Chanson  galante.  Rouart  et  Lerolle. 

Sous  Bois.  Harhelle. 

h'Ile  Fortunée.  Id. 

Salul  aux  Morts.  Jean  Jobert. 

Hymne  à  fa  Vérité.  Id. 

Les  Voi.r  de  la  Mer.  Id. 

Le  Bouquet  de  la  Mariée.  Cari  Selva. 


Duo. 


Hêvcrie.  Pouart  et  I,<m'û1Ii'. 


Adaptations  musicales. 

Devant  la  Mer  (A.  Samain).  Garl  .Selva. 
Paninire  aux  Talons  d'Or.  Id. 

Partition   piano  et  chant. 
Mijrialdc  f opéra  en  six  tableaux).  Gostallat. 

Ballet. 

Iniorolion  a  Houddha.  Costriilat. 

Orchestre  seul. 
Sur  la  mer  loin/aine.  Haclntb'. 
Suite  symphonique.  Gostallat. 
Invocation  à  Bouddha.  Id. 

Piano  et  orchestre. 
Premier  Concerto.  GosLallal. 

Saxophone  et  orchestre 
ou  musiqut'  milit;'ire. 

Pastorale.  Evefte  e!  .*^chnpfer. 

Violon  et  orchestre. 
Pastorale.  Évelle  et  Schœfer. 

Chant  et  orchestre. 

Câlnerie.  Rouart  et  LeroUe. 

La  Crotte.  Id. 

Rêverie  (duo).  Id. 

Pedro.  H.  Gregh, 

Ca-nr  solitaire.  Gostallat. 

Pourquoi  chante  un/oetc.  Hachette. 

Partition  d'orchestre. 
Myrialde  (oiiérette  en  six  tableaux^.  Coslallat. 


!„-H:.  (^iiATIA  et  ALPtio.NSK  DUVERNOY. 


LES  INSTRUMENTS  AUTOMATIQUES 


Par  M.  Robert  LYON 


DÉFINITION   ET   ORIGINE 

On  désigne  sous  le  nom  d'aulomatiques  les  inslni- 
ments  reprod  lisanl  U  musique  par  le  ■moyen  d'un 
dispositif  mécanique. 

Les  uns  sont  des  instruments  de  musique  déjà 
existants,  usuels,  où  la  mécanique  remplace  l'exécu- 
tant (pianos  automatiques,  orgues  automatiques,  vio- 
lons automatiques). 

D'autres,  comme  les  plionographes,  n'existent,  en 
tiiut  qu'instruments,  qu'à  l'état  automatique. 

Un  historique  même  sommaire  des  instruments 
automatiques  ne  peut  passer  sous  silence  certains 
automates  célèbres,  mais  qui  se  rattachent  peu  ou 
point  à  la  musique;  leur  construction  révèle  parfois 
une  incomparable  maîtrise  et  dont  on  pouvait  atten- 
dre toutes  les  réalisations.  C'est  dans  Homère  que 
se  trouve  peut-être  la  plus  ancienne  allusion  à  une 
machine  automatique.  Vulcain  serait  l'inventeur  de 
tripoiles  mus  par  des  roues.  Dédale  créa  des  statues 
amliulantes,  et  Archytas,  quatre  cents  ans  avant  Jésus- 
Christ,  construisit  une  colombe  merveilleuse. 

Un  aidroïde  ou  automate  à  forme  humaine,  fait 
par  Alljertle  (irand  au  xiii"  siècle,  ouvrait  la  porte  de 
la  cellule  de  son  maître  et  prononçait  quelques  pa- 
roles. 

Descartes  fabriqua  un  automate  auquel  il  donna 
fiyure  de  demoiselle  et  qu'il  appelait  sa  fille  Fran- 
cine.  Si  l'on  en  croit  l'histoire  ou  la  légende,  un 
capitaine  de  navire  jeta  par-dessus  bord  cet  objet, 
imarnation  de  Satan. 

11  existe  encore  de  nos  jours,  dans  la  collection 
Durand-Ruel,  un  minuscule  oiseau,  construit  au 
s;viii»  siècle,  et  qui,  sortant  de  sa  boite,  bat  des  ailes, 
agile  le  cou,  la  tète,  le  bec,  puis  disparait  après  avoir 
chanté  son  air.  L'animal  n'a  guère  plus  d'un  centi- 
mètre de  liaut,  et  ce  fut  pour  l'horloger  suisse  qui 
réussit  à  réparer  cette  pièce  un  travail  de  longue 
patience  et  d'extrême  précision. 

Vaucanson,  en  1738  et  1741,  exposa  à  Paris  trois 
automates  qui  sont  restés  célèbres  et  méritent  quel- 
ques ligues  :  un  joueur  de  lliUe,  un  joueur  de  tam- 
bourin et  un  canard.  Ce  tliUeur  automate  représen- 
tait un  faune  jouant  de  la  tlùte  traversière  sur  le 
modèle  de  la  belle  statue  de  jCoysevox.  Il  exécutait 
douze  airs  différents  avec  beaucoup  de  précision. 

Le  joueur  de  tambourin  tenait  ,d'une  main  un 
flageolet  et  de  l'autre  une  baguette  avec  laquelle  il 
frappait    sou   tambourin.  ,11  jouait  sur  le  premier 


instrument  une  vingtaine  de  contredanses,  et  battait 
sur  le  tambourin  des  coups  simples  ou  doublés,  des 
roulements  variés  qui  accompagnaient  en  mesure 
les  airs  que  le  flageolet  faisait  entendre. 

Le  canard  artiticiel  fut  consi'léré  comme  le  chef- 
d'œuvre  de  la  mécanique.  Cet  animal  nageait,  man- 
geait, barbotait  et  imitait  à  s'y  méprendre  tous  les 
actes  accomplis  par  un  animal  vivant. 

Citons  encoie,  parmi  les  pièces  historiques,  une 
claveciniste  créée  par  le  Suisse  Maillardet,  et  le 
joueur  d'échecs  de  Kenipelen. 

L'abbé  Mical,  Frédéric  de  Knauss,  les  frères  Droz, 
Léonard  Moelze,  Fahermann  de  Vienne,  s'illustrè- 
rent dans  la  création  des  automates.^ 

Les  carillons  et  les  horloges  à  cari  lions  s'apparentent 
plus  directement  aux  instruments  de  musique  auto- 
matique. Ils  sont  une  réalisation,  parfois  grandiose, 
de  la  boite  à  musique  populaire. 

Les  carillons  furent  à  l'ori.;ine  uniqiement  auto- 
matiques et  jouaient  des  airs  commandés  Jpar  de 
puissants  cylindres  à  pointes.  La  Belgique  possède 
les  plus  nombreux  et  sans  doute  les  plus  célèbres, 
celui  de  Bruges  en  particulier.  Les  premières  cloches 
en  ont  été  fondues  en  12'J9. 

L'horloge  astronomique  de  Saint-Jean  à  Lyon 
semble  être  la  plus  vieille  de  France  et  M.\I.  Château, 
qui  en  réussirent  la  restauration  en  1894,  ont  publié 
sur  celle  pièce  des  documents  qui  en  révèlent  toute 
la  complexité. 

Ce  n'est  qu'au  «viii"  siècle  que  fut  adjoint,  dans  cer- 
tains carillons,  le  clavierà  main  au  système  purement 
automatique. 

L'intérêt  des  instruments  automatiques  actuels 
réside  moins  dans  leur  précision  ou  l'élégance  des 
solutions  appliquées  que  dans  leur  côté  vivant.  Aux 
objets  de  vitrine  ou  de  musée,  voués  à  la  seule 
curiosité  admirative,  ont  succédé,  depuis  la  Qn  du 
xix«  siècle,  une  série  d'instruments  dont  la  valeur  a 
pu  déjà  être  mesurée  au  double  point  de  vue  docu- 
mentaire et  didactique  et  qui  ouvrent  de  plus  à  l'ac- 
tivité créatrice  des  musiciens  un  champ  prometteur. 
Les  inventeurs,  dès  le  milieu  du  xix"  siècle,  s'o- 
rientèrent nettement  vers  la  réalisation  automatique 
des  instruments  usuels  et  particulièrement  du  piano. 
Les  recherches  du  docteur  Bkdard  de  Lille  concer- 
nant en  particulier  les  appareils-automatiques  capa- 
bles déjouer  du  piano  à  l'aide  d'un  rouleau  perforé, 
établissent  nettement  que  le  premier  appareil  pneu- 
matique pour  jouer  à  l'aide  d'une  feuille  de  papier 
perforé  sur  les  pianos  carrés  de  l'époque,  date  de 
1842,  brevet  du  24  janvier.  C'est  l'aulopanphone  de 


2118 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICT10S.\A[RE  DU  CO.VS ERVA  rolHE 


Claude-Félix  Seytbe,  de  l.yoïi,  qui  agissait  par  des  pe- 
tits moteurs  pneumatiques  sur  les  notes  du  piano  et 
obtenait  par  variation  de  pression  des  vaiiations 
d'iniensité. 

En  1863,  sous  le  brevet  60702,  Nestor  Foubmeaux, 
de  Paris,  décrivait  le  pianista  pneumatique,  méca- 
nisme destiné  à  exécuter  automatiquement  toute  mu- 
sique de  piano. 

On  trouve  aux  Arts  et  Métiers,  dans  la  descrip- 
tion illustrée  de  cet  appareil,  la  pieuve  que  les  plus 
importants  perfectionnements  modernes  datent 
de  cette  époque  :  attaque,  fonction  de  l'intensité  du 
pédalage,  soufllel  régulateur  permettant  de  fixer 
la  pression  et,  par  la  simple  action  d'une  manette,  de 
donner  des  accentuations  subites,  modification  de  la 
pression  de  ce  soufflet  régulaleur  par  l'action  d'un 
levier,  disposition  connue  de  nos  jours  sous  le  nom 
de  piani  progressifs. 

Ainsi  se  trouve  déiruite  la  légende  de  l'origine 
transatlantique  des  pianos  autoniati<iues. 

C'est  en  1866  seulement  que  l'on  trouve  trace  des 
brevels  de  perfectionnements  qu'Américains,  Anglais 
et  Allemands  apportèrent,  et  qui  ont  donné  à  l'auto- 
matique sa  forme  aciuelle  :  déroulement  et  enrou- 
lement automatique  du  papier  perforé  par  mo- 
teur pneumatique,  sensibilité  d'attaque  par  double 
relai.etc. 

Kn  1889,  Jules  Carpicntier,  le  grand  savant  qui  s'il- 
lustra en  particulier  dans  la  fabrication  des  appareils 
de  mesure,  réalisait  le  mélolrope,  appareil  automa- 
tique à  Jouer  le  piano,  à  commande  mécanique  et 
utilisant  des  cartons  perforés  caractéristiques. 

Ceux-ci,  établis  grâce  au  «  Mélographe  »  dû  au 
même  ingénieur,  recevaient  l'impression  diiecte  du 
jeu  d'un  pianiste,  et  inversement  reproduisaient 
rigoureusement  ce  jeu. 


DISPOSITIONS  GÉNÉRALES  DES  APPAREILS 
AUTOMATIQUES 

Tout  instrument  aulomalique  comporte  deux  par- 
ties principales  :  un  mécanisme  qui  fournit  la  force 
et  un  Cl  organe  traducteur  »,  qui  porte  les  éléments 
de  l'exécution  musicale  (rouleau  perforé,  disque  de 
phonograplie,  etc.,  cylindre  de  boite  à  musique). 

L'établissement  de  cel  organe  Iraducteur  peut  être 
entièrement  mécanique  si  le  transport  des  éléments 
de  la  musique  gravée  sur  cet  organe  ne  supporte 
aucune  fantaisie,  si  les  notes  figuient  chacune  à  leur 
place  sur  l'éihelle  des  sons,  el  si  le  temps  d'attaque 
et  la  tenue  de  chacune  répond  rigoureusement  aux 
ordres  de  la  mesure  écrite. 

11  sera  semi-mécanique  si,  les  notes  elles-mêmes 
étant  déterminées  par  la  musique  gravée,  leur  espa- 
cement relatif  reproduit  l'interprétation  d'un  exécu- 
tant humain  (rouleaux  perforés, émission  radio...). 

Une  fois  cet  organe  traducteur  de  la  musique  éta- 
bli, l'appareil  automatique  exécutera  et  celte  exécu- 
tion elle-même  pourra  prendre  des  formes  1res  dif- 
férentes. Elle  peut  être  entièrement  mécanique  si 
aucune  volonté  extérieure  n'intervient;  telle  est,  pai' 
exemple,  l'exécution  d'un  disque  de  phonographe, 
d'un  cylindre  de  boite  à  musique.  Au  contraire,  elle 
pourra  être  influencée  lorsqu'une  personne  y  parti- 
cipera en  modifiant  les  mouvements  ou  les  nuances 
dans  un  piano  automatique,  ou  le  registre  des  jeux 
dans  un  orgue  automatique. 


On  peut  également  procéder  à  une  autre  classili- 
cation  tenant  compte  non  point  de  la  façon  dont  lor- 
gane  traducteur  a  été  établi  ou  dont  l'exécution  a  été 
faite,  mais  de  l'instrument  lui-même. 

Dans  les  instruments  de  musique  usuels  qui  sont 
transformés  en  automatiques,  nous  pouvons  distin- 
guer trois  classes  : 

1°  Les  appareils  comme  l'orgue  qui  produisent  des 
sons  sous  une  action  purement  mécanique.  Le  doigt, 
en  appuyant  sur  une  touche,  l'ail  ouvrir,  par  l'inter- 
médiaire de  cette  touche,  une  soiipipe,  et  les  sons 
émis  dépendent  uniquement  du  moment  auquel  cette 
soupape  est  ouverte  et  nullement  de  la  façon  dont 
le  doigt  agit  sur  la  louche.  Les  sons  émis  dépendent 
également  des  jeux  mis  en  action,  et  celte  mise  en 
action  est  purement  mécanique.  On  conçoit,  dans  ces 
conditions,  qu'un  instrument  comme  l'orgue  puisse 
être  joué  ou  à  la  main  ou  par  un  dispositif  méca- 
nique el  que  l'impression  produite  par  les  deux  jeux 
puisse  être  rigoureusement  la  même. 

2°  l'ne  seconde  classe  d'instruments  s'apparente  au 
piano.  Dans  celui-ci,  le  son  émis  par  une  note  garde 
le  même  caractère,  quelle  que  suit  la  façon  dont  cette 
note  a  été  attaquée,  mais  l'exéculant  dispose  d'une 
échelle  inlinie  d'intensités.  Le  piano  présente  donc, 
par  rapport  à  l'orgue,  un  degré  supérieur  d'expres- 
sion. 

3°  La  troisième  classe  des  instruments  comporte 
rait  les  instruments  à  archet  dans  lesquels  l'exécu- 
tant est  maître  non  seulement  de  l'intensité  du  son 
émis,  mais  du  caractère  de  ce  son.  La  façon  dont  le 
doigt  appuie  sur  la  corde,  l'intensité  et  la  vitesse 
du  vihrato,  la  manière  dont  l'archet  est  tenu  sont 
autant  de  facteurs  qui  caractérisent  le  jeu.  C'est  donc 
dans  cette  classe  d'instruments  que  nous  trouverons 
le  maximum  de  possibilités  expressives. 

iN'ous  avons  parlé  tout  à  l'heure  de  l'organe  traduc- 
teur qui,  ayant  reçu  l'impression  de  la  phrase  musi- 
cale, a  pour  mission  delà  faire  exécuter  pai'  l'instru- 
ment. Sans  entrer  dans  des  détails  techniques  qui 
sortiraient  de  l'objet  de  l'Bnci/c/o/jed/f,  nous  donnons 
ci-dessous  schématiquement  la  description  du  rouleau 
de  papier  perforé,  qui  ades  possibilités  extrêmement 
étendues,  et  dont  l'emploi  semble  de  ce  fait  devoir  se 
généraliser  à  tous  les  instruments  de  musique  auto- 
matiques. 

Il  est  toujours  possible  avec  des  commandes  soit 
mécaMiques,  soit  électriques,  soit  pneumatiques,  d'a- 
gir sur  la  note  d'un  instrument  ou  sur  un  organe  de 
nuance.  Le  principe  des  insiruments  automatiques 
est  quecette  action,  qui  exige  la  mise  en  œuvre  d'une 
certaine  énergie,  soit  déclenchée  par  un  sei  vo-nio- 
teur.  Le  contact  électrique,  par  exemple,  qui  pai-  lui- 
même  a  besoin,  pour  être  établi,  dune  puissance  ex- 
trêmement faible,  peut  déclencher  un  organe  dont  la 
mise  en  action  exige  une  grande  puissance.  La  trans- 
mission pneumatique  par  le  vide  permet  écalement 
;i  l'ouveituie  d'un  trou  extrêmement  petit  de  mettre 
en  action  des  soufflets  dont  la  puissance  n'est  théo- 
riquement pas  limitée. 

Ceci  étant,  tous  les  instruments  automatiques  com- 
porteront : 

1°  Une  source  d'énergie  et  des  organes  d'exécu- 
tion qui  aurontipoui'  mission  soit  d'appuyer  sur  des 
touches,  soit  de  mettre  en  mouvement  les  organes 
accessoires  (pédales,  etc.). 

2°  Un  dispositif  de  commande  faisant  fonction  de 
servo-moteur,  et  qui  est  l'organe  Iraducteur  dont  il 
a  été  parlé  ci-dessus. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE  LES  INSTRUMENTS  AUTOMATIQUES    2119 

La  simple  description  ilu  papier  perforé,  le!  qu'il 
est  employé  dans  les  pianos  ou  les  orgues  automati- 
ques, permettra  d'entrevoir  immédiatement  toutes  ses 
ressources.  Une  liaude  de  papier,  de  largeur  cons- 
tante L,  enroulée  sur  un  rouleau  supérieur  [i,  est 
tirée  par  un  rouleau  inférieur  li',  en  s'appuyanl  sur 
un  organe  dit  llflte  de  Pan  F.  Le  rouleau  supérieur 
et  la  llûle  de  Pan  sont  parallèles.  La  flûte  de  Pan  est 
percée  d'une  ligne  de  trous  et,  dans  son  déplacement, 
le  papier  obture  la  totalité  de  ces  trous.  Dès  qu'un 
trou  T,  percé  sur  le  papier  qui  se  déplace  dans  le 
sens  de  la  tléche,  se  présente  devant  le  trou  T'  de  la 
llûle  de  Pan,  la  note  ou  l'organe  correspondant  au 
trou  ï'  est  mis  en  action. 

L'examen  de  la  figure  montre  que  l'on  peut  per- 


FiG.  I0S9. 


cer  sur  un  semblable  papier  autant  de  trous  qu'on 
le  désire  et  au.t  places  qui  conviennent.  Par  consé- 
quent, il  est  possible  d'écrire  sur  un  papier  perforé 
un  texte  musical  quelconque.  Les  abscisses  a,  a',  a", 
etc.,  détermin  ant  la  hauteur  de  la  note  sur  l'échelle 
des  sons,  les  ordonnées  o,  o',  o"  fixant  le  moment  de 
l'attaque  de  chaque  note  et,  par  conséquent,  sa  posi- 
tion par  rapport  à  la  mesure. 

Si  les  recherches  des  inventeurs  se  sont  exercées 
dans  toutes  les  branches  de  la  musique,  nous  nous 
bornerons  ici  à  décrire  plus  particulièrement  les  ins- 
truments dont  la  réalisation  est  entrée  ou  peut  en- 
trer aisément  dans  le  domaine  de  la  pratique,  c'est- 
à-dire  le  piano,  l'orgue,  le  violon.  De  ces  trois  instru- 
ments, l'un,  le  piano,  mérite  une  étude  spéciale. 

Le  fait  que  le  piano  est  le  plus  répandu  des  instru- 
ments de  musique  et  qu'il  se  prête  mieux  que  tout 
autre,  hors  de  sa  propre  littérature,  à  la  réduction 
des  œuvres  musicales  les  plus  diverses,  d'orchestre, 
de  chant,  de  musique  de  chambre,  etc.,  lui  a  donné 
dans  l'échelle  des  instruments  une  place  prépondé- 
rante, et  c'est  sur  lui  que  s'est  tout  naturellement 
porté  l'efifort  des  techniciens.  Nous  diviserons  en 
trois  parties  cette  étude,  en  considérant  le  piano 
automatique  : 

l"  Comme  reproducteur  d'œuvres  pianisliqires. 
C'est  à  ce  premier  usage  qu'il  a  été  tout  d'abord  des- 
tiné. 

2"  Comme  traducteur  d'œuvres  d'orchestre  ou 
autres  transcrites  spécialement  pour  lui,  en  dehors 
de  toutes  considérations  de  jeu  manuel. 

3"  Comme  instrument  de  musique  proprement  dit, 
qui  a  déjà  'et  aura  de  plus  en  plus  sa  littérature 
musicale  propre. 


LE   PIANO  AUTOMATIQUE   REPRODUCTEUR 
D'ŒUVRES  PIANISTIQUES 

On  ne  peut  envisager  la  reproduction  d'une  œuvre 
pianislique  sans  définir  neltement  l'interprétation. 
Dans  ses  rapports  avec  la  compréhension  musicale, 
l'intelligence  ou  la  sensibilité,  l'interprétation  a  été 
le  sujet  de  nombreuses  études  où  la  littérature  tenait 
une  grande  place.  Nous  nous  bornerons  ici  à  définir 
techniquement  ses  caractères. 

L'exécution  d'unepiéce  pianistiquecomportequatre 
élémenls  distincts  : 

1»  Le  jeu  des  notes  telles  qu'elles  sont  tracées  par 
la  musique  gravée  sur  l'échelle  des  sons  et  en  durée. 

2"  Une  altération  du  mouvement  théorique  qui 
varie  soit  avec  les  indications  de  l'auteur,  soit  avec 
la  personne  qui  exécute,  et  qui  se  traduit  matériel- 
lement par  l'allongement  de  tenue  de  chaque  note, 
ou  les  ritaidandos  et  accelerandos  dans  l'attaque  de 
chaque  note,  par  rapport  à  son  exécirtion  .mélrono- 
mique  théorique'.  Ceci  constitue  l'interprétation- 
mouvement. 

3°  L'interprétation-force. 

Dans  le  piano  en  parficulier,  l'intensité  d'une  note, 
contrairement  à  une  idée  souvent  très  répandue,  dé- 
pend seulement  de  la  vilessse  avec  laquelle  le  mar- 
teau arrive  à  la  corde,  vitesse  qui  dépend  elle-même 
de  la  force  vive  imprimée  à  la  touche  par  le  doigt. 
Dés  que  la  touche  a  été  mise  en  action,  le  marteau 
se  trouve  lancé  vers  la  corde  et  tous  les  mouvements 
de  vibrato  du  doigt  ou  les  formes  que  les  pianistes 
donnent  à  leurs  mains,  ne  changent  pas  la  sonorité. 
L'interprétation-force  consiste  uniquement  dans  la 
valeur  relative  des  intensités  de  chaque  note. 

En  un  mot,  on  peut  théoriquement  donner  d'une 
exécution  pianistique  une  reproduction  absolument 
fidèle  et  aussi  humaine  que  l'exécution  elle-même, 
si  l'on  peut  conformer  mécaniquement  la  vitesse  des 
marteaux  des  dillërentes  notes  à  la  vitesse  que  le 
piarriste  lui-même  a  donnée. 

4°  L'emploi  des  accessoires  (pédales). 

L'étude  sur  le  piano  automatique,  reproducteur 
d'œuvres  pianistiques,  doit  comprendre  tout  natu- 
rellement quatre  parties  : 

1°  L'inscription  des  notes  et  les  différents  moyens 
de  l'eproduction  de  ces  notes. 

2°  L'interprétation  dans  le  mouvement,  c'est-à-dire 
l'altération  du  mouvement  théorique  soit  par  l'action 
de  l'exécutant  mécanique,  soit  au  corrtraire  par  la 
caplation  d'urre  exécution  de  l'artiste  et  sa  traduc- 
tion fidèle. 

3°  L'interprétation  dans  la  force  ou  nuance. 

4°  La  mise  en  action  des  accessoires. 

Les  notes- 
La  figure  1089  montre  que  l'orr  peut,  sur  le  papier, 
percer  autant  de  notes  que  l'on  veut  et  là  oii  l'on 
veut.  Ainsi,  in  se  déroulant,  semblable  papier  per- 
foré peut  exécuter  tout  texte  musical  qui  lui  a  été 
confié. 

l'n  phénomène  bien  connu  de  tous  les  amateurs 
était  la  déformation  de  la  feuille  de  papier  perforée 
sous  l'infiuence  de  la  traction  du  rouleau  H',  et  de 
trous  longs  et  très  voisins  l'un  de  l'autre.  Ce  qui  fai- 


1  exécution  pianistique  parfaite  an  métronome. 


2120 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CO.VSEIiVATOIRE 


sait  «  goder  »  le  papier  en  découvrant  une  série  de 

trous  voisins  sur  la  flûte  de  Pan,  et  mettait  ainsi  en 

action  des   notes  ne  figurant 

pas  sur  le  texte  musical. 

Ce  phénomène,  qui  interdi- 


DT 


D 
D 
U    D 


Fi.i.  1090. 


substitue  à  un  trou  T  (lig.  1090) 
une  série  de  trous  T',  T",  T'"... 
séparés  par  des  ponts  p,  p' 
p"...  moins  longs  que  la  per- 
foration de  la  ttùle  de  Pan, 
et  qui,  par  conséquent,  n'em- 
pêchent pas  la  note  de  rester 
en  action. 

Ce    système    fut    inauguré 
par  Pleïel  sous  le  nom  de  perforation  comète. 

Le  nionvemcnta 

Il  existe  deuxméthodes  pour  altérer  le  mouvement 
raétronomique  : 

{o  Si,  sur  le  papier  perforé,  les  mesures  ou  frac- 
tions de  mesures  égales  occupent  des  longueurs  égales 
et  que  la  vitesse  de  déroulement  soit  modifiable,  le 
mouvement  d'exécution  se  modifiera  dans  le  même 
sens. 

Dans  la  figure  1091 ,  par  exemple,  une  série  de  notes 


déroulement  uniforme,  mais  en  ralentissant  le  mou- 
vement du  papier  l'accelerando  cessera. 
On  peut  donc  altérer  le  mouvement  théorique  soit 


Fia.  1091. 

si^  suivant  sur  l'échelle  des  sons  ont  leurs  origines 
également  espacées  dans  le  sens  du  mouvement  du 
papier.  Un  déroulement  constant  donnera  l'exécu- 
tiond'une  gammechromalique  parfaite,  l'accélération 
du  mouvement  du  papier  donnera  un  accelerando  et 
inversement. 

2°  Si,  comme  sur  la  figure  1092,  les  origines  des 
notes  vont  en  s'espaçant,  le  déroulement  uniforme 
du  papier  produira  un  ralleatando,  mais,  en  accé- 
lérant convenablement  le  mouvement  du  papier,  le 
Jeu  redeviendra  régulier. 

Dans  la  figure  1093,  il  y  aura  accelerando  pour 


Fi6.  1092. 


FiG    1093. 


par  inscription  sur  le  papier  perforé,  soit  par  alté- 
ration du  mouvement  de  ce  papier. 

Quant  à  l'inscription  des  notes  sur  le  papier,  elle 
peut  être  faite  mécaniquement  en  partant  du  texte 
musical  et  en  utilisant  des  instruments  de  mesures 
linéaires. 

Elle  peut  au  contraire  reproduire  le  jeu  d'un  exé- 
cutant. Il  suffit  qu'un  papier  perforé  mère,  dit  le 
<•  type  »,  se  déroulant  d'un  mouvement  uniforme, 
reçoive  l'inscription  d'une  série  de  pointes  mises 
en  action  par  les  louches  du  piano.  Le  passage  de  ce 
V  type  »  ou  d'une  de  ses  reproductions  sur  un  appa- 
reil automatique,  avec  déroulement  uniforme,  dé- 
terminera une  exécution  identique  «  dans  le  temps  » 
à  celle  du  pianiste.  Tel  est  le  principe  de  la  musique 
enregistrée. 

Les  nnaiices. 

L'audition  purement  objective  de  l'exécution  d'un 
pianiste  appelle  la  remarque  suivante  : 

U  peut  exister  une  différence  plus  essentielle  entre 
les  exécutions  d'une  même  œuvre  par  deux  artistes 
qu'entre  chacune  de  ces  exécutions  et  celle  que  défi- 
nit la  musique  gravée,  celle  par  exemple  que  l'auteur 
en  pourrait  donner  ;  cependant,  les  exécutions  de 
ces  deux  artistes  pourront  être  aussi  "  musicales  » 
l'une  que  'autre.  Ces)  interprétations  ne  sauraient 
mieux  se  comparer  (qu'aux  [répliques  libres  que 
feraient  deux  peinlres^de  l'œuvre  d'un  maître.  Or,  il 
existe,  pour  chaque  œuvre  musicale,  une  interpréta- 
tion «  mécanique  »  qui,  si  elle  est  déterminée  par 
un  bon  musicien,  peut  être  musicale  elsatisl'aire  aux 
intentions  de  l'auteur. 

Nous  donnerons  brièvement  l'état  des  ressources 
dont  dispose  l'exécutant  mécanique  sur  les  appareils 
automatiques  tels  qu'ils  sontactuellement  «standar- 
disés »  dans  le  monde  entier.  U  s'agit  ici  de  l'exécu- 
tion avec  pédalage  et  mise  en  action  des  nuances 
par  les  pédales  ou  les  manettes. 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LES  INSTRUMENTS  AUTOMATIQUES    :il21 


a)  Intensité  générale.  — Celle-ciesl  proportionnelle 
à  riiitenMté  du  pédalaf;e  exactement  comme  l'inlen- 
silé  des  harmoniums  lorsque  l'exécutanf  organiste 
utilise  la  pédale  d'expression.  Il  est  donc  loisible  à 
l'exécutant  qui  possède  bien  l'emploi  de  son  piano 
de  l'aipF  des  crescendos  et  deorescendos,  et  même,  avec 
les  appareils  sensibles,  de  marquer  neltemenl  l'atta- 
que d'un  accord  ou  de  telle  partie  de  phrase. 

6)  Nuance  piano.  —  L'emploi  de  deux  manettes 
dites  de  piani,  agissant  l'une  sur  la  moitié  «  basses  » 
du  piano,  l'aulre  sur  la  moitié  «dessus  »,  permet  d'im- 
poser à  chaque  moitié  de  l'instrument  une  dépres- 
sion faible,  constante  et  indépendante  du  pédalage; 
ou  peul  donc,  |>ar  conséquent,  donner  à  l'un  ou  à 
l'autre  registre  une  intensité  de  jeu  piano  et  fixe. 

La  suppression  de  l'action  des  manettes  redonne 
immédiatement  l'intensité  forte  correspondant  au 
pédalage. 

CI  Mise  en  évidence  du  chant.  —  Cette  suppres- 


sion brusque  de  l'action  des  manettes  de  piani,  rame- 
nant brusquement  l'intensité  forte,  peul  être  obtenue 
par  le  passage  sur  la  tlftle  de  Pan  d'un  trou  figurant 
sur  le  papier  perforé  lui-même  ;  il  suffit  que  ce  trou, 
dit  de  i<  chanteur  »,  soit  situé  sur  la  ligne  même  de  la 
note  que  l'on  veut  mettre  en  évidence. 

La  manœuvre  est  la  suivante  : 

L'exéculant  pédalant  normalement  donne  à  l'aide 
des  manettes  de  piani  une  nuance  piano  à  toute  la 
phrase  musicale  laccompagnement);  l'action  du  trou 
chanteur  situé  sur  la  ligne  de  la  note  de  "  chant  » 
fait  jouer  cette  note  forte.  Le  trou  ayant  passé  et 
son  action  étant  suspendue,  l'accompagnement  con- 
tinue piano. 

L'exécutant  peut  fixer  l'intensité  du  chant  en 
pédalant  plus  ou  moins  fort.  Celte  action  peut  se 
reporter  sur  toute  l'étendue  du  piano,  ou  seulement 
sur  l'une  ou  l'autre  de  ses  moitiés. 

La  figure  1094  permettra  de  saisir  cette  manœuvre. 

.\vant  l'action  de  la  manette  de  piani,  le  chant  et 


htemitéi 

dei 
chant 


Intensité 
jyéJalajé  - — - 


Bctîon    delà  manëtîé 
de  />ian  i   .    (  chanTevr  ) 


FiG.   1094. 


l'accompagnement  sont  confondus  et  leur  force  varie 
comme  le  pédalage.  A  l'action  des  manettes,  l'accora- 
pagneraent  prend  une  teinte  constante,  le  chant  sui- 
vant fidèlement  les  ordres  du  pédalage. 


Les  figures  1095  et  1096  donnent  de  cette  manœu- 
vre une  variante  que  permettent  deux  dispositifs 
connus  sous  le  nom  de  pianis  progressifs  et  de  pianis 
compensés. 


Intensités 
c/isnt 


Intemité 

If" 
l>edalaae  ■ 


ouverture  de  la  manette 


dei  f>ianii  proaresiCk 


FiG.  1095. 


Dans  la  figure  1095,  la  manette  de  piani  permet  à 
l'exécutaut  défaire  varier  progressivement  la  nuance 
piano  de  l'accompagnemeat  et  ce  entre  certaines 
limites  qui  la  maintiennent  co;islainment  en  dessous 


du  jeu  mezzo  normal.  Le  chant  sort  alois  parallèle 
au  pédalage,  l'accompagnement  parallèle  à  l'ouver- 
ture de  la  manette  des  pUmis  progressifs. 

Dans  le  cas  de  la  figure  1096,  la  dépression  de  la 


2122 


ENCYCLOPÉDIE  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTlOiSNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 


nuance  piano  est  fonction  de  l'intensité  du  pédalage; 
au  crescendo  du  chant  provoqué  par  un  crescendo 
du  pédalage,  correspond  uncrescendo,  mais  beaucoup 


plus  faible  de  la  nuance  piani,  c'est-à-dire  de  l'ac- 
compagnement, ce  qui  est  logique  et  constant  dans 
une  exécution  musicale. 


Intensités 
chant 

et 

ace .' 


Intemite 
béda/aoe 


bianli    compeméi 


FiG.  1096. 


Il  semble  que  cette  solution  fort  simple  permette 
les  exécutions  mécaniques  les  mieux  équilibrées. 

Les  accessoires. 

Tout  automatique  comporte  un  jeu  de  manettes 
qui  actionne  les  pédales  fortes  et  douces  du  piano. 
La  première  permet  à  l'e.xécutant  d'obéir  aux  indica- 
tions de  la  musique  gravée,  la  deuxième  offrant  une 
ressource  nouvelle  dans  la  gamme  des  nuances. 

Pointions  électriqnes. 

II  existe  de  toutes  ces  ressources  une  exploitation 
purement  mécanique;  un  jeu  de  moteurset  de  pom- 
pes substitué  au  pédalage,  la  création  sur  le  rouleau 
perforé  de  trous  commandant  les  opérations  que 
l'exécutant  mécanique  confiait  aux  manettes  permet- 
tent d'excellentes  exécutions,  totalement  mécaniques, 
grâce  en  particulier  à  la  possibilité  de  corriger  avec 
tout  le  soin  désirable  le  rouleau  établi  théoriquement. 

Les  elfels  de  volubilité  et  d'opposition  de  nuances, 
impossibles  à  atteindre  dans  une  exécution  manuelle, 
la  fidélité  au  texte  et  à  l'interprétation,  donnent  aux 
musiciens  et  spécialement  aux  auteurs  des  satisfac- 
tions qui  suffiraient  à  classer  les  automatiques  parmi 
les  instruments  de  caractère  aitistique. 


TRANSCRIPTIONS  SPÉCIALES 

Mais,  puisque  l'appareil  automatique  est  évidem- 
ment affranchi  des  servitudes  de  l'écriture  pianisti- 
que,  donc  de  ses  dispositions  souvent  creuses,  on 
sourdes  ou  simplement  illogiques,  les  musiciens  ont 
songé  à  le  considérer  comme  un  instrument  de  musi- 
que nouveau,  à  transcrire,  puis  à  écrire  spécialement 
pour  lui. 

Les  premières  tentatives  de  ce  genre  (celles  entre- 
prises du  moins  pour  des  fins  uniquement  musicales, 
car  il  se  fltun  peu  partout  des  essais  d'amplifications 
sonores  destinés  à  des  expériences  physiques)  furent 
tentées  chez  Pleyel,  au  mois  de  mai  1019,  par  M.  Jac- 
ques Labmanjat,  au  cours  d'études  concernant  .l'éta- 
i»lissement  des  rouleaux  perforés.  Klles  furent  reprises 


peu  de  temps  après  par  le  célèbre  compositeur  Igor 
Str.^winsky. 

Celui-ci,  étant  venu  fortuitement  à  connaître  le 
piano  pneumatique,  apeiçutles  ressources  nouvelles 
que  lui  apportait  cet  instrument.  Il  comprit  que  la 
réalisation  d'une  n'iivre  par  le  moyen  de  la  musique 
perforée  lui  procurait  une  sécurité,  une  précision, 
une  ampleur  sonore,  nue  fidélité  aux  mouvements 
que  lui  refusait  le  piano.  Le  rouleau  enregistré  sous 
son  jeu  constituait  à  ses  yeux  un  document  d'une 
incontestable  autorité,  propre  non  seulement  à  vul- 
gariser sou  œuvre  ou  à  assurer  le  service  de  répéti- 
tions de  danse  ou  de  chant,  mais  encore  à  faciliter 
largement  l'étude  d'une  partition  nouvelle.  On  l'a 
bien  vu,  maintes  fois,  an.x  Ballets  russes  de  Serye  de 
DiAC.HîLEW,  aux  concerts  Koussewitzky,  ou  à  liruxel- 
les,  quand  M.  Rlilhman.n  lit  entendre  à  ses  musiciens 
les  rouleaux  du  Sacre  da  Printemps  avant  de  leur 
faire  déchilfrer  celte  partition  difficile. 

IgorSiR A  wi.NSKY  se  consacra  donc  pendant  plusieurs 
années  à  des  recherches  sévères  pour  établir  une 
réduction  spéciale  d'après  l'orchestre  de  son  leuvre 
entier,  lia  formé  ainsi  une  collection  unique  au  monde 
dans  laquelle  sa  pensée  est  intégralement  conser- 
vée, où  rien  ne  manque,  et  que  cet  homme  impi- 
toyable avoue  préférer  souvent  à  l'orchestre  le  plus 
docile  et  le  plus  précis. 

Les  débuts  de  cette  forme  nouvelle  de  la  musique 
ont  été  forcément  empiriques;  la  première  idée  qui 
se  présentait  était  d'amplifier  d'abord  les  réductions 
de  piano  par  de  simples  doublures,  puis  de  reporter 
sur  lerouleau  perforé  les  éléments  les  plus  nombreux 
qu'il  était  possible  île  la  partition  d'orchestre 

La  possibilité  très  tentanle  de  superposer  un  nom- 
bre considérable  de  voix,  la  liberté  d'accumuler  les 
notes  ont  un  peu  égaré  les  recherches  initiales.  Le 
rendement  n'est  pas  forcément  fonction  du  nombre 
des  notes  des  parties.  Les  contrepoints,  d'autre  paît, 
pour  être  aisément  discernables,  et  tout  en  se  mou- 
vant sous  le  climat  sonore  qui  leur  convient  le  mieux, 
doivent  éviter  de  croiser  leurs  chemins  et  souvent 
même  de  se  frôler. 

On  a  donc  fait  intervenir  d'autres  éléments,  on  a 
altéré  la  disposition  des  voix  (Strawinsky  a  été  par- 
fois jusqu'à  modifier  les  basses).  On  a  utilisé  large- 


TECHNIQUE,  ESTHÉTIQUE  ET  I>ÈDAGOGIE  LES  INSTRUMENTS  AUTOMATIQUES    2123 


nient  la  faculté  d'obtenir  des  tenues  elleclives,  ce  i|ui 
a  notamment,  permis  de  réaliser  des  gammes  de  so- 
norité impossibles  a  retrouver  sous  le  jeu  humain, 
et,  par  conséquent,  de  créer  des  timbres  nouveaux.  Il 
s'est,  en  somme,  institué  un  style  de  la  musique  au- 
tomatique, de  même  qu'il  existe  une  écriture  spéci- 
fique du  piano,  ou  du  violon  ou  de  l'orcliestre. 

Il  est  assez  diflicile  de  définir  avec  précision  cette 
seconde  manière,  parce  que  la  technique  en  est  en- 
core jeune,  parce  qu'en  musique  tout  échappe  au 
procédé  et  qu'il  n'existe  Ruère  que  des  cas  d'espèce. 
Il  semble  cependant  que  l'on  puisse  dès  maintenant 
distinguer  deux  méthodes  générales;  la  première  est 
objective,  elle  procède  par  extension,  par  transcrip- 


tion directe  et  simpliste  de  la  partition,  en  en  conser- 
vant les  dispositions  organiques,  sous  réserves  des 
précautions  dont  nous  avons  indiqué  quelques-unes 
tout  à  l'heure.  La  seconde,  au  contraire,  est  en  quel- 
que sorte  impressionniste  ou  prothétique,  par  con- 
séquent subjective. 

Elle  traduit,  elle  transpose,  elle  évoque,  elle  cher- 
che des  équivalents,  en  substituant,  pour  ne  citer 
qu'un  exemple  élémentaire,  la  volubilité'  aux  caren- 
ces inévitables  d'un  instrument  à  couleur  unique. 
Elle  réalise,  en  définitive,  une réorchest ration  totale; 
les  exemples  qui  suivent  le  feront  clairement  com- 
prendre : 


Symph'inie  paitorale  iHeethoven)  (réduction  pour  piarto  à  quatre  mains). 


^^^^^^^m 


^m 


— ~===^  cresc, 


^m 


i 


?    ri     y  i    yi\     y  V    ré.    ?  4  "y^z    y  si 


Symphonie  pastorale  (Beethove.n)  (transcription  spéciale  pour  le  Pleyela) 

»"    _                 _                                      _  _ 

li* # f      bl— ^ Ht  f 


J.  La  vitesse  «l'un  trait  sur  l'appaicil  pneumatique  est  pratique- 
ment ilUmilec,  et  en  tous  ras  très  supérieure  aui  nécessités  ordinaires 
de  la  niusiqu»*;  les  notes  d'une  (îamnie  ou  d'un  arpège  peuvent  se 
sufceder  \  la  distance  de  1  64'  de  serunde,  i-'est-à-dire  que,  darjs  ces 


con  litions,  une  aj,'i  ^tration  de  <inq  noies  «e  présente  sous  la  forme 
(l'un  ac<  ord  a  peine  arpège.  La  r'péliiidu  d'tine  même  note  se  fait 
pr:ili  tncmeiit  .'■  Taison  de  huit  b;ittemcnls  a  la  seconde. 


2124 


ESCVCLOPÈUIE  DE  LA  MiSiQVE  ET  DICTION  S  AIRE  DU  COySËRVATOlRE 


La  citation  qui  représente  deux  mesures  de  la  trans- 
cription spéciale  de  la  Symphonie  paUoraU  montre, 
par  comparaison  aveclacitation  (réduction  à  4  mains), 
un  exemple  assez  simple  de  ce  genre  de  réalisalion, 
notamment  les  accents  syncopés  des  bois  transportés 
pour  l'intelligence  musicale  du  texte  à  l'octave  su- 
périeure. Des  tenues  ont  été  établies,  et  l'on  remar- 
quera, en  passant,  qu'elles  l'ont  été  dans  le  registre 


le  plus  favoralile  du  piano,  c'est-à-dire  le  médium. 
Le  contrepoint  des  violoncelles  [ré,  ré,  do,  si,  sol, 
fa,  mi,  elci  a  été  doublé  en  oclaves  pour  rester  per- 
ceptible dans  l'écheveau  assez  toulfu  des  voix.  Les 
notes  piquées  des  contrebasses,  au  contraire,  ne 
comportent  plus  de  doublures  d'octave,  alln,  préci- 
sément, de  ne  pas  nuire  au  dessin  descendant  des 
violoncelles. 


Les  Noces  de  Igor  Strawinsky  (partitions  pour  piano  et  chant)  (1). 


P 


5#, 


t   i    '^-^ïi    ^^^^ 


-jia'.. 
vée. 


m 


Oh, 
Oï 
4SL 


lai! 


t-HMi',  Mij'^ 


M.S= 


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-Jia!., 
vée. 


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1 


y  -  J!o-JiK)-;iio-jiKi-jiio- Jim. . 
youyouyo uyo uyouyouyo u . 


Ofi, 
Oï 


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'Vp ''■'' ^' JUJmJi 


^ff 


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..:iK-j[K-j]K-JiK-j\K)-;iK-j\}o-jm. 
youyouyouyouyouyouyouyou 


-jia.. 
vée 


Oh, 
Oï 


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^^^ 


1^ 


m 


y  -  jiio-.JiK-jiio-.nio-Jiio-.iio-.nio-jiw-jno-.iKr. . 
Youyouyouyouyouyouyouyouyouyouyou... 


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Oï 


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A. 


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'^m 


m 


m 


-Jia.. 
vée.. 


...nK)-J!io-Jiio-Jiio-/.w-.nK)-.iKi- jiK).. 
youyouyouyouyouyouyouyou. 


oa, 

Oï 


Idil 


J  «W.C.9718 


TECHNIQUE.  ESTHÉTIQUE  ET  PÉDAGOGIE  LES  INSTRUMENTS  AUTOMATIQUES    2125 

La  citation  (1)  eiiipniritée  ans  Nocea  de  Igor  Stuawinskï  est  le  commentaire  de  la  pa-^e  104  de  la  patlition. 


Les  Noces  de  Igor  Strawinsry  (transcription  spéciale  pour  le  Pleyela). 

gva  . 


Il  y  a  lieu  de  remarquer  le  glissando  ajouté,  dont 
le  rôle  est  évidemment  de  suppléer  à  l'absence  de 
Il  port  de  voix  >>,  et  les  arpèges  des  mesures  à  4/8  et 
à  3/8  dont  le  rôle  est  de  renforcer  l'attaque  di-s  ac 


cords  en  syncopes  par  un  artilice  que  nous  ne  sau- 
rions mieux  comparer,  comme  principe  et  comme 
effets,  qu'à  un  procédé  employé  dans  les  chemins  de 
fer,  et  qu'on  nomme  «  démarrage  en  revolver'  ». 


L'Oiseau  de  Feu  de  Igor  Strawinsry  (réduclion  pour  piano)  (2) 


I.  On  sait  qui'  ce  |.roréde  coDsisle  à  coitqirimep  les  atlel.iges  d'un  ronvoi  1res  lourd,  de  façon  que  i'eirort  de  tiarlioo  ne  s'exerce  que  pro- 
gres!^ive«ieiit  sur  les  éléments  du  Irain. 


2126 ENCrCLOPÈDIË  DE  LA  MUSIQUE  ET  DICTIONNAIRE  DU  CONSERVATOIRE 

L'Oiseau  de  Feu  de  Igor  Strawinsky  (transcription  spéciale  pour  Pleyela)  (3). 


La  citation  (3),  qui  est  la  transcription  pour 
piano  automatique  des  huit  mesures  de  la  citation 
(2)  (partition  de  piano),  montrera  mieux  qu'aucun 
autre  exemple  à  quel  point  les  modilications  peuvent 
être  profondes,  laiit  au  point  de  vue  des  superposi- 
tions de  rythme  dont  le  piano  ne  laisse  rien  soupçon- 
ner qu'au  point  de  vue  des  parties  ajoutées. 

La  cornparaison  entre  deux  documents  choisis  au 
hasard  parmi  des  centaines  de  pages  de  musique 
montre  bien  l'importance  de  cette  technique  nouvelle, 
et  combien  elle  a  lieu  d'être  précieuse  aux  musiciens. 

Tous  les  compositeurs  de  l'école  moderne  :  Manuel 
de  Falla,  O.-E.  Inghklbrkcht,  Darius  Milhaud,  Uo- 
land-Manuel,  Gustave  Samazeuilh,  Florent  Schmitt, 
et  tant  d'autres,  se  sont  engagés  avec  enthousiasme 


dans  lavoie  fraîchement  ouverte  par  l'auteur  russe. 
On  peut  augurer  très  favoralilement  de  la  fécondité 
de  ce  mouvement. 

Plus  importante  encore  sera,  dans  l'avenir,  la  créa- 
tion d'œuvres  nouvelles  écrites  entièrement  pour  le 
piano  automatique,  mais  elle  suppose  chez  l'auteur 
la  connaissance  profonde  de  cette  technique  nouvelle. 

L'orgne  antomaliqne. 

Tous  les  procédés  que  nous  venons  de  décrire  peu- 
vent être  aisément  appliqués  à  l'orgue.  Le  fait  que 
cet  instrument  revêt  des  formes  e.\trêmement  diffé- 
rentes a  naturellement  interdit  toute  extension  aux 
solutions  appliquées  ;  niais,  comme  nous  l'expliquions 


TECHNIQUE,  ESTHETIQUE  ET  PÉDAGOGIE 


LES  INSTRUMENTS  AUTOMATIQUES    2127 


plus  haut,  le  caractère  même  de  l'iiislrumeiit  a  per- 
mis des  réalisations  parfaites. 

Le  violon  automatique. 

Nous  ne  citerons  que  pour  mémoire  les  solutions 
qui  cherchent  un  équivalent  au  violon  ou  aux  instru- 
ments de  celte  famille  dans  la  gamine  des  tuyaux 
sonores.  Les  recherches  minutieuses  comme  les 
réglages  les  plus  complexes  ne  semblent  pas  devoir 
réaliser  la  similitude  dedeux  sources  sonores  si  diffé- 
rentes. 

L'emploi  du  violon  lui-même  exige  le  concours 
de  l'archet;  pratiquement,  c'est  l'archet  circulaire  et 
tournant  créé  en  Allemagne  et  sur  lequel  viennent  se 
poser  les  quatre  violons  montés  chacun  d'une  des 
quatre  cordes  qui  a  donné  le  résultatle  plus  heureux. 

La  complexité  de  cet  objet,  les  difficultés  d'ac- 
cord, comme  aussi  le  caractère  essentiellement 
virtuose  du  violon,  onl  jusqu'à  ce  jour  maintenu  à  cet 
automatique  le  caractère  d  un  instrument  de  labo- 
ratoire. 

L'orchestre  aotoiuatique. 

En  supposant  réalisées  pratiquement  les  solutions 
automatiques  des  instruments  d'orchestre,  leur  en- 


semble exigerait  avant  tout  un  synchronisme  parfait. 
Une  infinité  de  solutions  de  synchrouisme  provoquées 
en  particulier  par  l'apparition  du  cinéma,  ont  été 
proposées.  11  en  existe  desimpies  et  de  robustes,  et 
l'on  entrevoit  dès  maintenant  les  ressources  immen- 
ses d'un  tel  ensemble  :  faculté  de  recueillir,  en  l'en- 
registrant, la  volonté  de  tel  auteurou  de  tel  chef  d'or- 
chestre; ressources  nouvelles  provenant  d'instruments 
àvolubililé  infinie  el  absolument  dociles;  libération 
de  toule  contrainte  de  l'écriture  de  chacun  de  ces 
instruments. 

Tel  est,  brièvement  résumé,  l'état  actuel  de  la  ques- 
tion. .Nous  pouvons  dire  que  le  piano  automatique  à 
pédales  ou  électrique  a  atteint  un  point  de  dévelop- 
pement parfaitement  suffisant  pour  en  faire  un  ins- 
trument de  musique  nouveau;  que  les  instruments 
automatiques  à  archet  sont  encore  à  l'élat  expéri- 
mental, et  que  l'orchestre  automatique  n'en  est 
encore  qu'aux  premiers  balbutiements. 

Les  études  poussées  actuellement  dans  tous  les 
pays,  et  qui,  pouvant  bouleverser  d'ici  peu  les  notions 
qui  sont  familières  aujourd'hui  dans  le  domaine  du 
gramophone  et  des  émissions  radiophoniques  en 
particulier,  donneront  peut-être  du  problème  des  au- 
tomatiques une  solution  très  nouvelle,  nous  obligent 
à  clore  ici  le  champ  de  nos  investigations. 

RoBEiiT  LYON. 


KRRATA    ET   ADDENDA 

Article  F/.ile  :  p.  1486,  fe  colonne,  ligue  27,  ajouter  :  on  peul 
citer  parmi  ces  cantates  comportant  l'emploi  de  la  flûte  à  bec  les 
cint^tes  :  2",,  S9,  46.  65,71,  81,  106,  119,  127,  142,  152,  161, 
175,  180,  181,  182,  189. 

ArtirU  Violoncelle  :  p.  1868  :  la  mesure  Adiiffio  du  bas  de  la 
paije  doit  être  placée  au  bas  de  la  pa^r;  1869,  et  inversement,  les 
deux  mesures  Adagio  du  bas  de  cette  dernière  page  doivent  se 
placer  au  bas  de  la  page  1 868. 

Arlicte  IMh  :  p.  1973,  léjende  de  la  fi,'.  1017,  lire  :  postmy- 
cénienne au  lieu  de  postmycéenne.  —  P.  1983,  note  2  t  placer 
E.  Pr.ioL  avant  A.  Sowinski. 

Article  :  Le  Piano  el  sa  Technique,  p.  2079  :  M.  Gabriel  GAVB*n 
quitte  en  1911  la  maison  précitée,  crée  une  nouvelle  marque 
son*:  la  dénomination:  Pianos  d'art  iinhriel  Gaveau,  maison  fondée 
en  1911. 

Ses  instruments  sont  des  plus  remarquables,  tant  au  point  Je 


vue  de  la  sonorité  et  du  mécanisme,  auquel  il  a  apporté  d'inté- 
ressants perfectionnements,  qu'à  celui  de  la  présentation  exté- 
rieure. Su  production  compreni  une  iinportanle  proportion  de 
pianos  de  styles  divers  répondant  aux  vœux  des  amateurs. 

Méiii''  article,  p.  2082,  remplacer  la  noie  1  par  la  suivante  : 
1.  Le  (."n«/o  (brevets  .Marcel  TooRMEReKTalirielGiVEAD;,  de  cons- 
truction récente,  poursuit  le  même  but  que  le  Pmnor,  c'esl-à-dire 
celui  d'entretenir  électriqu-ment  la  vibr.ition  des  cordes  du  piano  ; 
il  y  parvient  par  des  procédés  tout  différents 

Cet  appareil  peut  s'adapter  rapidement  sur  tous  les  pianos 
existants.  Il  se  compose  : 

1°  D'une  planche,  portant  des  électro-aimants,  qui  se  place  sur 
le  cadre  du  piano  au-dessus  des  cordes  ; 

2"  D'un  appareil  indépendant  composé  de  lames  vibrantes 
pouvant  être  accordées  synchroniquement  avec  les  notes  dont 
elles  doivent  entretenir  les  vibrations; 

3»  D'une  pédile  agissant  sur  un  rhéostat  perrnellant  à  l'exé- 
cutant de  nuancer  son  jeu  avec  une  variation  d'intensité  bien 
plus  étendue  ueq  dans  les  pianos  ordinaires. 


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