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Libraries, Storrs
THIS VOLUME ''''■^
jii^OESNOT
eedRCULiafre ^^ . ^^
ENCYCLOPÉDIE
DE LA MUSIQUE
ET
DICTIONNAIRE UU CONSERVATOIRE
DEUXIKME PARTIE
TECHNIOl'E - ESTHÉTIOCK — PÉDAGOGIE
ENCYCLOPÉDIE
DE LA MUSIQUE
i:t
DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Fondaieur :
Albert LAVIGNAC
Professeur au Conservatoire
Membre du Conseil supérieur d'Enseignement.
Directeur :
Lionel de la Laurencie
Ancien Président
de la Société française de Musicologie.
DEUXIÈME PARTIE
TECHNIQUE — ESTHÉTIQUE — PÉDAGOGIE
• • ■*
TECIINKjUE INSTRUMENTALE
INSTRUMENTS A VENT — INSTRUMENTS A PERCUSSION
INSTRUMENTS A CORDES — INSTRUMENTS AUTOMATIQUES
C.SERVED
FOR
EFERENCE
EADING.
NOT TC) HE TAKtN
rnOM THt IJKHAKV
PARIS
LIBRAIRIE DELACJRAVE
1 5, RUE SOUKPl.OT, 15
100
Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation
réservés pour tous pays.
Copyright by Librairie Delagrave, 1925.
DES INSTRUMENTS A VENT
DE LEUR PRINCIPE
Par M. -A. SOYER
ANCIEN CHEF DE MUSIQUE DU 24"^ BÉGIMENT d'iNFANTERIE
La légende nous représente la première manifes-
tation musicale sous la forme d'un pasteur jouant ilu
chalumeau ou de la tlùte de Pan, comme le l'ont en-
core de nos jours les bergers pyrénéens conduisant
dans nos villes leur petit troupeau de chèvres.
La fable nous montre le dieu Apollon calmant les
monstres de la nature, et son flls Orphée se conci-
liant les dieux infernaux aux doux sons d'une lyre.
Enlin le monde chrétien et Israélite nous parle
suitout de la puissance des divines trompettes qui
résonnèrent au mont Sinai, renversèrent les murs
de Jéricho et réveilleront les morts pour les appeler
au jugement suprême.
Il résulte de ces diverses traditions que les histo-
liens et les musicologues sont assez hésitants pour
lixer l'antériorité exacte de ces instruments.
Il me parait pourtant qu'au point de vue purement
musical le doute n'est pas possible et que nous de-
vons accorder à la trompette, à la grande trompette,
la gloire d'avoir été le premier instrument de mu-
sique des simples humains que nous sommes.
En eiïet, admettons, ce qui semblerait naturel et
logique, admettons la voix humaine comme le pre-
mier instrument musical.
Sur quelle gamme, sur quel principe tonal ces pre-
miers chanteurs ou ces premières chanteuses se
seraient-ils appuyés pour émettre leurs essais mélo-
diques ? L'espèce humaine a-t-elle une gamme natu-
relle dans le larynx ? Consultez tous les professeurs
de solfège et de chant, et ils vous répondront, avec
un ensemble parfait, qu'il faut que la civilisation
nous ait bien faussé ce larynx ou bien qu'il n'y pa-
rait guère, et que nous sommes sous ce point de
vue bien inférieurs au divin chanteur qu'est le ros-
signol.
Dira-t-on que l'homme a appris la gamme et le
chant du mignon petit oiseau susdit ? Je ne sache
pas que de nosjours aucun musicien soit encore par-
venu à noter e.ractement le chant du rossignol ; com-
ment croire alors que nos très éloignés ancêtres des
premiers âges aient pu faire mieux?
Si le larynx humain n'a pas une gamme avec des
intervalles déterminés et immuables lixée dans ses
cordes vocales, ce qui nous aurait condamnés d'ail-
leurs à chanter toujours dans un seul et unique ton,
il n'est pas plus admissible de dire que notre sys-
tème auditif a cette gamme, ces intervalles, ce ton
déterminés fixés dans l'oreille; si cela était, il nous
serait impossible de faire exprimer à notre larynx
quoi que ce soit d'étranger à la compréhension de
notre système auditif et nous serions encore réduit,
de ce fait, à la musique unitonale. Si donc, notre
oreille n'a pas, plus que notre larynx, une gamme
fixe et unitonique imposée par la nature dans sa
perception, comment nos pi'emiers artistes auraient-
ils pu calculer la distance des trous du chalumeau,
chercher la longueur de chacun des tuyaux de la
Hùte de Pan ou préciser la tension de chacune des
cordes de la lyre"? N'ayant pas de modèle, d'étalon,
chaque musicien aurait construit son instrument à
sa guise, suivant son caprice, au petit bonheur, et
chaque son aurait suivi le son précédent à une dis-
tance, à un intervalle plus on moins grand suivant
le hasard du couteau ou la résistance de la corde ;
cela n'aurait pu constituer un système musical : pas
de gamme étalonnée, pas de musique. Gela me pa-
rait incontestable.
Avec la trompette, tout change : nous avons une
gamme essentiellement naturelle, une gamme pré-
cise, toujours la même, une gamme fixe sur laquelle
nous pourrons construire des chalumeaux, des tlùtes
de pan et accorder les lyres, luths ou harpes; nous
avons un étalon sur lequel nous pourrons établir un
système musical, unitonique il est vrai, mais enfin
un système musical solide et capable de traverser les
siècles.
Pour bien nous rendre compte du piincipe capital
qui nous occupe et nous guidera dans toute la suite
de cette étude, nous devons nous rappeler que toute
corde tendue mise en vibration vibre non seulement
dans toute sa longueur, mais encore dans toutes les
parties exactement divisibles de sa longueur, c'est-
à-dire, en deux, en trois, en quatre, etc., faisant en-
tendre avec des degrés divers de sonoi'ité la fonda-
mentale, l'octave de cette fondamentale, la deu-
zième, la double octave, etc.';
Que toute colonne d'air contenue dans un tuyau
ouvert, vibre d'après les mêmes lois, mais dans des
conditions qui peuvent être modifiées suivant que le
tuyau ou tube sera plus ou mouis égal de diamètre,
cylindrique ou plus ou moins conique ;
1. Voir : Encyclopédie de la Musiqur, 2' partie, article Xcaustique^
p. 40.^ et suivantes. Lavigsac ; La. Mii£ique et les Musiciens, Delagrave,
éditeur.
1402
ENCYCLOPÉDIE DE LA MVSIQUE ET DlCTIOIVNAIlîE DU COySEliVAToritE
Enfin, que dans les tuyaux ou tubes fermés, la
divisitiilité des parties vibrantes ne se fera que sur
les chilfres impairs, c'esl-à-dire que la colonne d'air
ne se diviseia pour vibrer ni en deux, ni en quatre,
ni en six, etc., et que les harmoniques d'octave, de
double octave, de dix-neuvième ne se produiront
pas, mais que seuls les harmoniques produits par
la division de la colonne d'air en trois, en cinq, en
sept, etc., pourront être observés.
Le grand principe sur lequel reposent tous les ins-
truments à vent, à souftl- humain, en général, et les
instruments dits de cuivre, ou de fanfare en particu-
lier, est celui-ci : l'homme possède la faculté, par une
pression progressive des lèvres, de faire vibrer la co-
lonne, ou les divei-ses divisions de la colonne d'air des
instruni''nts ii vent, de façon à émettre les sons, dans
une certaine latitude et suivant l'élasticité, la sou-
plesse et la force de ses lèvres, en éliminant à- sa vo-
lonté, d'abord le son fondamental, puis, les harmo-
niques graves, en remontant progressivement vers les
harmoniques supéri' urs.
Traitant cette queslion par extension, nous allons
supposer un instrument parlait d'une lonj^ueur théo-
rique de o'",2a8 '. (La lon;.îueur pratique serait d'en-
viron 4", 86, les longueurs pratiques sont toujours
srnsiblement plus courtes que les longueurs théo-
riques et varient d'un instrument à l'autre selon que
le tube est d'un diamètre plus petit ou plus grand,
qu'il est cylindrique ou plus ou moins conique.)
i\ous supposerons également un instrumentiste
partait auquel la souplesse et la sûreté de ses lèvres
permettiont d'émettre les sons depuis la l'ondamen-
lale jusqu'aux harmoniques les plus élevés.
La concordance de ces deu.x perfections nous per-
mettra d'entendre cette suite de sons produite avec
un seul et unique tube sonore :
D
N
T
7
JiCL
9. 10. 11. 12. 13,
T
N
T
T
N
"TO"
AT
V
13. 16.
17. 18.
16.
bo ^o " tK^^^'p—ffo^'E^
T
N
INT
I
V
N
T
T
N
T
T
N
T
P
21 22
-© &i
23 2i
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I^O ilo^JL
27
il*
Z8
bol
29 30 31
32 33 34 35
l,^ b-û- «dbiî
■N
■N N
V T
V
V
T
N
T
T
36 37 38 39
Q b i: tio b*
A2 « A4.
45
47
ftaj^X-i-
k± -xQ ''''r ^19 9»t ^= «,2 ■««:
48 i? 52
fr bo bo
51 52 53 54 5i 56 57 58 59 60 61 62
-^ V-
Exeniplc I.
63
64
1,0.
N. B. — Lo chiffre pincé an-dpssus do chaque note indique à la fois le numéro du son, eu égard au son fondamental, et la
division de la colonne d'air de l'instrument (Voir : Acoustique).
La lettre N placée en dessous indiqac que cette note appartient à la gamme naturelle;
la lettre T indique que la note fait partie de la gamme tempérée ;
la lettre V indique que la note est employée par les voix et instruments à sons variables tels que les instruments à archet ou le
trombone à coulisse, comme sensible ou sous-dominanle.
Enfin les petites barres horizontales ou les points placés au-dessus et au-dessous du chiffre, indiquent, à défaut d'autres
signes plus clairs ou plus précis, que la note est trop basse ou trop haute approximativement d'un, de deux, de trois commas ou
d'une partie plus petite que le comma eu égard à la note similaire de la gamme tempérée.
1. Nous cnprunlcronî toutes les longuiur-, lliùoriiiues i IcscLdleiil ouvrage : EUn'.iits d'aoustique musicale et inslrumenlale par
V.-C. M»i]U,i.oN. Bruicllfs, 1874.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT U03
NOTE GO.MPAKATIVE DES LONGUEURS DE CORDE OU DES VIBRATIONS DES HARMONIQUES NATURELS
ET DES LONGUEURS DE CORDES OU DES VIBRATIONS DES NOTES TEMPÉRÉES
1.
flu= 1.
3.
,„=i
5.
»'=!
ramené en quinle
ramené en tierce
■ ■ ,• j ; 2 16
fin quinte de lti=- : —
3 27
Si^r^^ - ramené en septièmi'
SI [7 deuxième quarte de do
11.
Ré =
Fa —
- ramené en seconde
1
— - ramené en quarte
fn quarte de rfo
13. La-
■ —ramené en sixte
la quinte du re =
2 S
3 'y
1
— ramené en septième
lo
1
— ramené en demi- Ion cliromatique
1
— ramené à la seconde augmentée
— ramené à la quarte.
fa quarte de do
23. Ffljf=: — ramené à la quarte augmentée
15.
Si =
17.
0"S =
19.
Bé# =
21.
Fa =
25. La\,-
29.
fa Jf septième de soi
:— ramené à la sixte mineure
2o
/«[? quatrième quarte de do
:— ramené à la sixle majeure
_
3'
_ 4
324
X81= .
~ 5
405
33
6i 320 ,. 4 101,25
= — ram.
en lerce^ — X 5 = dift. — ^
81
SI 405 405 1
■1
C4
X 16 = — .
7
112
3
3
9 63 „ 1
—
;— X 7 = — dift. —
~ î'
4
16 112 112
_ 8
~ 9'
8
, 32 ,. ... 1
X
4=— dirt.—
~ ÎT
44 4i
3
33
X
"=7^-
~ 4
4 4
3
216
X 27 = — -.
~"Ï3
351
_ 16
208 S 1
X 13=— dift-.— =-
~ 27
351 351 43,875
_ 8
"~'l5
_ 16
~ 17
_ 16
" 19
16
4 — 64
X
"" 2?
84'
3
63 1 1
X
2l=— diff. -- = -lon
~' 4
8i 84 9
16
720 ,.^ 15 1
X
45 = . dift. .
^ 2?
1035 1035 61,0875
32
736
- 45 ^ '' = 1035
= !^ X 256 = 1^.
25 6400
162 ^ ,. 4050 36 9
— X 2d= dm. = :
256 6100 6400 1600
16
— ramené à la sixle augmentée
/flif 7« de SI ou 3" du fa^
16 ,„, 3600 ,._^. 112 1
= _ X 225 = dift. =
29 4525 4525 40,1017
128 3712
= !::£ X 29 = ——.
225 li>2a
16 ^ ,. 240 8 1
31 465 465 58,125
8 248
SI quinte de m/, ou 7" de (/o ou 3° de .•.■()/ X — X 31^—-.
15 46o
32 ,.„ 8192
= _ X 256 = .
33 8448
243 „„ 8019 ,.„ 173 4^,8323
= tir X 33 = diff. = ^^
256 84 iS 8438 1
= !i x2.87 = 5^'diff.J^=-^
35 76545 76545 45,1338
2048^^ „. 71680
= X 3o^ .
2187 ihoij
_ 2! X 64 = 5^^
~ 37 2368
= MX 37 = l^diff.-^=^=-J-
64 2368 2368 1181 47,36
32 „. 2100 _,.^ 96 32 1
— _ X 75 = diff^. = =
39 2925 2925 9i5 30,4687
ri if tierce de si ou septième de mi =: — ; X 39 =
31. Si fi = .— ramené à la septième majeure
33. fléb^— ramené à la seconde mineure
riJb cinquième quarte de do
35. DoU^—z ramené k l'unisson cliromatiqu'
3o ^
rfo# septième quinte de do.
37. Ifit?^, — ramené à la tierce mineure
»ii[, troisième quarte de do.
39. iléjf = — ramené à la seconde augmentée
Sli^ — ramené à la tierce majeure
41
rai quatrième quinte de do
43. Fa= — ramené à la quarte
43
fa quarte de do
2925
32 _ „, 2592 32 1
— — X 81 = dm. ^
~" 41 3321 3321 103,7812
= .ii X 4. = ?:^.
81 3321
32 , V?.S ,.^ 1
= — X 4=— -diff.-^.
43 172 172
3 ,., 129
= _ X 43 = .
4 172
: —ton plus bas.
= — ton li'op bas.
12 '
= -ton trop haut.
5
= - ton trop bas.
5
: tempéré,
tempéré.
= -ton trop bas.
9 ^
= - ton trop haut.
= — ton trop bas.
18 '-
= — — ton trop haut.
4 1/2 '
1 .
; ton trop haut.
= - ton trop lias.
6
^=- ton trop haut.
6 '
:=- ton trop bas.
6
2
^= - ton troi) haut.
= — ton plus haut.
1 ton négligeable.
24 plus bas.
1404 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
45. So/ b-:=:7p ramené à la quinte diminuée
45
sol[} sixième quarte de ihi
il. Faif=: — ramené à la quarte augmentée
47
M
32'«^ditï.- ''
1
/■a if tierce du rï ou septième du so/ =-— -X '^'^glTE"
— - X 1024 _ ^gQgg uu.. ^ggg^ 1245,4054
729 32805
■j^X •'3 = 4^080'
32 Lii^dff ^^ — ^
■47 ^ ''"2115 211» 33,0468
32 1504
négligeable.
= -ton plus haut.
49. Lap = — ramené à la sixte mineure
49
<o b quatrième quarte de do
51. Liib = — ramené h la sixte mineure
51
/«b quatrième quarte de do
53. Solit=: — ramené à la quinte augmentée
53 le
.w/S septième de la
55. ,S/b = -r ramené à la septième mineure
55
si\t deuxième quarte de iln
57. tajf-.tf'b^^ ramené en 4- 6 ou 7 mineure
57
32 8192
X 256 = .-., ,,.
— 49 12544
162 7938 254 _ 1 ^j
= 256^ ^-"12544 12544 49,3858 6
2! X 256-^^diff-^ = ^5_ = _! =1 ton négligeable.
= 51 ^ 13056 13056 6528 186,5142 24
162 . 8262
= 256 ^ '''~ 13056"
32 12960 „ 608 1 _ I
= Tk^ ''°'' = ïml^'^-ï^.=1^^2 -4
256 135(iS
s<' 53 ^=
— 405 21465'
32 512
= 55 X ^'=iFo-
59. L(7S= —ramené en sixte augmentée
.-X 55:
J2
"57
32
495 17 1
= dm. =
880 880 51,7647
1
_ 7200 352
— X 225_jj^difl.^^2^._g..jgg
128 ., 7552
la a septième du si ou tierce du faii= ^— X o9= „.. -•
61. Siii^ — ramené k la septième majeure
61
S
S!= —
15
63. Si S =— ramené à la septième
32
_ _: X 15:
61
X 61 =
480
diff. •
915 "915114,375
488
9Î5"
Si=z-
15
32 480 ^.^. 24 _ 1
= 63'''^ 945 • 945 ~ 39,387
504
X 63 - — .
945
ton plus bas.
ton plus haut.
= -ton plus bas.
6
tempéré.
= - ton plus haut.
4
= — Ion plus haut.
12 '
=^ - ton pins haut.
9
Do Sot Ré La Mi Si Fa$ Dop Sol jjf BiSJf Lff# i)/(# Siff
2 8 16 64 128 512 2048 4096 16384 327G8 131072 262144 sifl
3 9 27 81 243 729 2187 6561 19683 59049 177147 531441 dot
1
- ton.
Do Fil s;b J/«b i«b Rib
3 9 3
&ol[, ,Do[, Fab Sibb J/'bb ^«bb -"''bp
243 729 2187 13122 — 6561 19683 118098 177147 531441 rf„ ^
16 64 256 1024" ^~ 256 ÏÔ24 4096 16384 "" 8192 32768 131072 262144 1048576 rr'bb 9 "
59849
65536
Le premier chiffre indique le numéro de l'harmonique, puis vient le nom de la note donnée.
Après le signe de l'cgalilè, la fraction indique la division de la corde pour obtenir la note ou l'harmonique, le chiffre inférieur est
toujours égal au numéro de l'harmonique; en renversant les chiffres on aurait le nombre de vibrations de la cord« pour obtenir
la note conire le nombre de vibrations de la corde pour obtenir le son initial ou premier harmonique [do).
La fraction qui suit le deuxic me signe d'égaillé indique le nombre de fractions de la corde nécessaires pour ramener la note h
un intervalle compris dans l'octave du son 1.
Ainsi le n" 5 doit se liie ainsi : ;«i cinquième harmonique, est obtenu par le cinquième de la longueur de la corde totale donnant
ito (son 1) et sonne à l'intervalle de 17»; en prenant deux cinquièmes de la corde on obtiendrait le mi k la dixième et en prenant
les quaire cinquièmes de la corde, la tierce qui donnerait ainsi cinq vibrations contre quatre du da initial.
64
En prenant le mi tempéré (quatrième quinte du do et ramené à la tierce majeure du'(/o initial on aurait la fraction— ou 81 vibra-.
SI
324 320
lions du 7>n contre 64 du do; amenant les deux fractions au même dénominateur on obtient 7^ pour le premier mi et j^ pour le
second, soit une différence dequatre vibrations sur 405 ou, simplifiant la fraction
101,25
405
soit sensiblement un douzième de Ion.
Evidemment, il n'est pas dans la pratique d'obte-
nir toutes ces notes dun seul instrument et d'un
seul instrumentiste, mais au point de vue théorique
cela est irréfutable, et au point de vue pratique ii
est parfaitement possible d'obtenir la- totalité de ces
. sons en employant plusieurs intruments de longueur
théorique, mais construits en des proportions de
diamètres calculées pour favoriser rémission des
sons si'aves, moyens, aigus ou suraigus.
Et maintenant, examinons les conséquences que
nous devons tiier de cette propriété des instruments
de cuivre, de laisser émettre chacun de ces sons
isolés les uns des autres d'une façon très nette et
parfaitement perceptible parl'oreirietamoins exercée.
TECl/XIQUE. ESTflÈTInUE ET PEDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1405
Une grande trompette Je II mètres 238 milli-
mètres de longueur tliéorique, droite' ou enroulée
peu importe, peut aisément faire sortir les sons de
3 à 16 et nous fournir l'étendue suivante :
m
7
iZ
14
16
1>0 fc]'
~CT~
Exemple 2.
Et en voilà assez du son 8 au son 16 pour expli-
quer tout le système primitif grec ainsi qu'il nous a
été transmis par le plain-chant grégorien.
En effet, supprimons le son 14 et nous avons le
mode ionien ou 13'= mode d'église qui est devenu
notre mode majeur type.
Exem|ile '•
Je sais bien que beaucoup de traités de plain-chani
affirment 'sérieusement que ce 13" mode n'a pas
été admis par saint Grégoire lors de sa réforme du
chant dit Ambrosien; mais je sais bien aussi qu'en
ou\Tanl un livre d'oflices on trouve à chaque instant
des chants'dits : du o" mode avec un si h (notre 14«
son) à la clef;
01
1
I
o
e
:^z=ï
m
Exemple i.
Comparez les intervalles ou appliquez les tétra-
cordes et vous serez convaincus de la parfaite simi-
litude de ce prétendu 3" mode, avec le 13» tout sim-
plement transposé une quinte plus bas.
Il en est de même du prétendu 1'='' mode avec le
si b à la clef et du 9= mode (Eolieni.
Mais reprenons l'exemple n° 2 et voyez comme
tout se lient, s'enchaîne, s'explique et s'éclaire.
Voici un instrument qui nous donne d'une façon
tangible la gamme essentiellement naturelle, c'est-à-
dire, qui sera retrouvée plus tard par les physiciens à
l'état pour ainsi dire latent, partout dans la nature :
dans la cloche, dans la corde tendue, dans la cym-
bale, dans la voix humaine, dans la flamme même-,
dans tout ce qui vibre et peut émettre un son appré-
ciable et timbré.
Il nous donne aussi la raison des modes à finales
et dominantes diti'érentes bien qu'à constitution réel-
lement unitonale.
En effet : reprenons l'exemple (3) et examinons
l'accord des deux lyres, des deux tétracordes qui, se
succédant alternativement suivant que le dessin mé-
lodique descend ou monte, doivent accompagner,
guider, le ou les chanteurs :
É
Iton iton :^ton | Iton 1 Iton lion "/ztenj
Exemple 5.
Nous voyons que chacun de ces tétracordes est
accordé de même façon; que les tons et demi-tons
se succèdent dans im ordre parfaitement symétrique
et correspondant bien aux idées artistiques des Grecs;
idées de symétrie et de belles proportions que nous
retrouvons aussi bien en poésie et littérature qu'en
sculpture et architecture. Il semble donc logique
qu'ayant à établir un mode sur chacun des degrés
de la gamme du mode Ionien, les artistes musiciens
aient procédé par le relèvement symétrique de l'ac-
cord des lyres dans les proportions voulues, suivant
cet ordre:
non Iton >jlon Iton. Iton. Iton îiton
=#cc:
#
Iton Iton )5ton | Iton Iton Iton J^ton
]l" It^ "
^^
Iton Iton >jt0n | Iton | Iton Iton ^4 ton I
~rr-
3a:
^
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Iton Iton ;^ton 1 Iton
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Iton Iton^iton I
Eiceitiple 6.
Or, il n'en est rien, et ces architectes, si respec-
tueux du parallélisme, construisenl des modes d'une
constitution toujours différente l'une de l'autre; bien
mieux, dont les deux tétracordes perdent leur simi-
litude dans le même mode.
Si nous admettons que la trompette sert d'étalon
à l'accord des lyres, des flûtes simples ou doubles,
des syrinx, de tous les instruments dont les Grecs
disposaient, nous comprenons aisément ces consti-
tutions de modes différents dans une gamme uni-
tonale.
Nous nous expliquons également à cause du peu
de fixité du si ^ et du si h pourquoi ils ne voulaientpoint
1. C'est la longueur que devrait avoir la trompette basse préco-
nisée par R. Wagner (dans la pratique on se sert d'une autre tpom-
|>ette que j'indiquerai plus loin). C'est égiileraeot la longueur du
cor en ttt grave qw jiossède la naônie étendue et peut servir aux dé-
monstrations et à la vérification de tout ce qui suit.
2. Voyez les Harmonies au son par J. Kamuos^on, page 173 (Firrain*
Didot et G-, J878).
1406
Ci
EXCyÇLOPÉDJE DE LA MUSIQUE ET DfCTW.X.XAjnE DU COXSEnVATOmE
Jtori Vjlon Iton
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'^ Iton i^tdh. Iton ' iton të l^ton lion Iton J
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S p E
Exemple 7.
reconnaître à celle note si les qualités de finale ou
de dominante et conséquemment pourquoi il n'y a
pas de mode sur cette note et pourquoi chaque t'ois
que sa place dans la gamme d'un mode semble l'ap-
peler aux fonctions de dominante, elle y est rempla-
cée par la note du degré supérieur: do.
Je n'ai point parlé des modes plagaux ou hypo,
dont la gamme est renfermée entre deux dominantes
et qui ont la même finale que les modes authenti-
ques correspondants, les observations y seraient les
mêmes.
Encore semblables seraient ces observations ap-
pliquées au second syslème grec par modes descen-
dants qui parail avoir conduit les Grecs à l'emploi des
dièses, des transposilions, des genres chromatiques
et harmoniques et aux fameux tiers et quarts de ton
que certains musicographes paraissent tant regretter
et que nous nous proposons de leur rendre dans quel-
ques instants.
Knfin nous trouvons encore dans le son J4 l'ex-
nlication de cette règle, de prendre le sH, au lieu du
iî chaque fois que cette note se trouvait en rapport
évident avec le fa.
Les ans et l'industrie se perfectionnant, il est na-
turel de penser que les Grecs parvinrent à construire
et à jouer des trompettes, dont les tubes plus étroits,
les embouchures ou bouquins plus fins leui permi-
rent d'obtenir les sons harmoniques de plus en plus
élevés et que, dépassant le son 16, ils connurent la
gamme chromatique du son 13 au son 20; puis les
tiers et les quarts de ton du son 20 au son 40, les
cinquièmes et sixièmes de ton du son 40 au son 60, et
enfin les commas du son 00 au son 64. Nous voyons
ainsi que les tiers et quarts de ton des Grecs, voire
même des intervalles plus petits, ne sont pas perdus
autant que d'aucuns semblent le croire.
Certes, ^je me'garde bien d'affirmer que l'on soit
jamais parvenu! pratiquement à obtenir des sons
harmoniques aussi élevés, et je doute qu'il soit pos-
sible de rencontrer des artistes dont l'oreille et les
lèvres soient^assez sûres pour faire quoi que ce soit
de musical avec des intervalles aussi petits ; il ne se-
rait d'ailleurs pas impossible d'obtenir dans de bien
meilleures conditions de telles fractions de ton sur
le violoncelle et même sur le violon, et, à part les
notes attractives, le (jlissando et le port de son ou de
voix qui en sont des emplois assez fréquents, les plus
grands virtuoses n'ont jamais, à ma connaissance,
cherché à établir ce qu'on pourrait appeler une vraie
gamine ou un fragment véritablement mélodique sur
une telle division du chromatisnie.
Un de mes amis, M. de Schepper, compositeur de
musique à Chàteau-tjontier, m'a dit avoir construit
ou fait' construire un instrument donnant les quarts
de ton et s'être ainsi convaincu que tout sentiment
tonal disparaissait et qu'il en résultait une véritable
impossibilité de réaliserquoi que ce soit de véritable-
ment musical.
Voilà, il nous semble, des raisons largement suf-
fisantes pour établir en faveur de la grande trom-
pette l'antériorité comme véritable instrument de
musique sur tous autres moyens de production du
son ; sans doute l'homme a dû d'abord émettre des
éclats de voix chantante, ne serait-ce qu'en imita-
tion des oiseaux qu'il entendait; sans doute, 'il a dû
soufUer par hasard dans une corne ou dans un
roseau et être étonné du son qu'il produisait, mais
aucun système musical, aucune théorie, aucune
école ne pouvait sortir de cela, et c'est pourquoi nous
estimons qu'étudier le principe des instruments à
vent en général et des instruments de cuivre dits de
fanfare en particulier, c'est étudier le principe fonda-
mental de la musique même.
J'ai dit (page 1405) que l'instrument sur lequel
on peut faire entendre les harmoniques du son 8 au
son 16 ex|)rime la gamme naturelle.
Pourtant pour beaucoup de musiciens actuels cette
gamme n'est pas juste et ils reprochent aux sons 7
et M d'êlre trop bas ou trop haut et de ne pouvoir
être employés.
Examinons ce qu'il peut y avoir de fondé dans ce
grief.
Le manque de justesse incriminé ne résulte évi-
demment que de la comparaison de la gamme qui
sort naturellement (c'est-à-dire, sans le secours des
pistons dont nous étudierons plus loin le mécanisme)
d'une trompette ou d'un cor, seuls instruments mo-
dernes sur lesquels on puisse faire sortir des har-
moniques aussi élevés, avec la gamme des instru-
ments à sont fixes modernes à laquelle nos oreilles
sont accoutumées.
Pourle son 7 {sil:) la diflérence avec la (sib) deuxième
quarte juste de do\{do-fa; fa-sHi] est de environ
l
■— de ton; je dis : un douzième de ton, c'est-à-dire,
12
moins de un comma, y compris même les deux dou-
zièmes de comma à céder pour le tempérament des
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1407
deux quartes et si celle noie est évidemment basse
pour exprimer un lait 'elle esl de 1res prèscoiifornie
au sib exprimé comme sous-dominante par Ions les
instruments à son variable, y compris la voix liu-
maine; le reproche est donc exagéré pour le sou 7. 1,a
difTérence est d'ailleurs exactement la même pour le
son 3 (mi), qui pourtant vient souvent comme sensible
de fa et contre lequel presque personne ne proteste.
Pour le son 11 {fa) la diirérence est plus accusée et
cette note sortd'enviroii un comnia et demi plus liaul
que la note correspondante tempérée, mais elle n'est
pas seule dans ce cas et le son 13 {la) sort environ un
comma et demi plus bas que la note correspondante
tempérée el, chose curieuse, ce dernier écart de jus-
tesse n'est pour ainsi dii'e jamais signalé.
La vérité est que ces différences de diapasons
n'existent que depuis deux siècles à peine. La gamme
naturelle, la gamme que nous trouvons partout dans
la nature a été seule employée jusqu'au milieu du
xvii* siècle, c'est-à-dire, jusqu'à l'époque où l'emploi
des altérations a conduit peu à peu a. la transposi-
tion des 9" et 13= modes d'église, modes Eolien et
Ionien des Grecs, devenus nos modes mineur el ma-
jeur t\'pes, à leur transposition, disons-nous, sur tous
les degrés de la gamine; traiis[iosilions (lui ne don-
naient que de médiocres résultais avec la gamme
naturelle à cause des tons et des demi-tons qui n'é-
taient pas égaux entre eux, à cause aussi des fa un
peu haut surtout dans l'accord de septième de domi-
nante devenu d'un emploi général et constant, et des
la un peu bas. Toutes ces causes incitèrent les musi-
ciens à rechercher l'égalité des intervalles de secon-
des majeures et mineures el à remplacer la gamme
naturelle par la gamme lempérée, liavail qui ne s'est
pas fait en un jour, comme bien on pense, et n'est par-
venu à maturité et à l'adoption par tous les artistes
que vers la fin du x\ ii'^ siècle ou le commencement
du xviii", et de 1722 à 1744. J.-S. B\i:h put écrire
Le Clavecin bien, tempéré, qui vint, vèrilable monu-
ment historique, fixer l'époque de la consécration
du système.
.Nous nous sommes assuré personnellement, griàce
à la parfaite obligeance de l'aimable conservateur
du Musée instrumental du Conservatoire national de
musique de Paris, M. Uené linAMioun, que les instru-
ments à sons fixes, à vent ou à cordes, contenus dans
la précieuse collection et construils avant l'adoption
de la gamme tempérée, sont bien accordés avec la
quarte haute et la sixte basse conformémenl aux
données de la gamme naturelle telle que nous l'avons
exposée en nos exemples.
il a été dit (p. 1402), qu'un instrument et un instru-
mentiste parfaits seraient indispensables pour jfaire
entendre toutes les notes de l'exemple \.
11 a été également dit (p. 1404) qu'il serait possible
d'obtenir toutes ces mêmes notes en employant plu-
sieurs instruments de même longueur, mais de propor-
tions de diamètre dilTérenles. En voici les raisons :
Plus un instrument est de perce ' large eu égard
à la longueur de cet instrument, plus il est facile de
faire soitir les premiers sons graves (fondamentale
et premiers harmoniques), mais en perdant la pos-
sibilé de faire sortir les sons du registre aigu ou
même moyen.
Plus un instrument est de perce étroite eu égard
a la longueur de cet iuslrumeiit, plus il est facile de
i. On nomme perce, dans la fabricrilion des in3t^u^lenl$ de musi-
que, le diaraèire plus ou moins grand des insli'unienls ; on dit ; perce
iarge. p^rce étroile pour plus grand diantélre, petit diamètre.
faire sortir les sons aigus (harmoniques élevés), mais
en perdant la possibilité de faire sortir les sons gra-
ves et mêmes moyens.
D'autre pari, l'embouchure d'un instrument con-
tribue aussi et dans le même sens à faciliter l'émis-
sion lies sons graves ou aigus, avec la seule différence
que ce qui est dénommé perce (diamètre intérieur)
dans l'instrument est dénommé ijrain dans l'embou-
chure. .Nous énonçons donc :
Plus le grain d'une embouchure est gros, plus
l'émission des sons graves est facilitée; plus le grain
d'une embouchure est petit, plus est facilitée l'émis-
sion (les sons aigus.
C'est ainsi que les artistes chargés des parties de
2" et 4= cors, qui ont plus souvent besoin d'émettre les
sons graves de l'instrument que les artistes chargés
des parties de t" el 3'= cors, se servent d'instruments
de même perce que ceux de leurs camarades, mais
emploient des embouchures dont le grain est plus
gros que celui des embouchures employées pour exé-
cuter les parties de l" et :j« cors.
Ainsi, représentons-nous quatre instruments A, B,
C, D,de même longueur, mais de perces et de grains
d'embouchure dilTérenls :
^
N
Fia. 22T.
L'instrument A sera convenable pour obtenir les
sons de 1 à 8.
L'inslrunient B pourra servir pour obtenir les sons
de 3 à 16.
J.'instrument C permettra l'émission des sons de
8 à 32.
L'instrument D pourrait servir pour obtenir l'émis-
sion des harmoniques suraigus de la dernière octave,
sons de 32 à O't.
Je pense avoir ainsi exposé à peu près complète-
ment le principe des instruments à vent tel que nous
l'adonné la nature; il nous reste à examiner le parti
que riiomme a su en tirer.
Tant que l'homme n'a su que soufller dans une
corne, si bien évidée qu'elle soit, il n'a guère eu à sa
disposition que les sons de 1 à 8, et encoi-e les cornes
assez longues et d'une perce assez étroite pour per-
mettre d'atteindre et surtout de dépasser le son 6 de-
vaient-elles être rares; il pouvait (ionc concevoir un
arpège, quelque chose comme les sonneries de notre
clairon d infanterie (je suppose les ressources les
plus avantageuses). Mais il ne pouvait élaldir une
gamme. 11 a donc fallu attendre que son génie indus-
trieux le conduise à construire un tube assez long et
surtout assez étroit pour lui permettre d'alteindre le
son 10, pour qu'il puisse posséder une gamme et éta-
blir un système musical, et c'est ainsi que l'histoire
nous montre toutes les anliquités, de même que les
explorateurs nous montrent les peuples réputés les
plus sauvages, en possession de la trompe ou de la
trompette dès qu'ils ont uu système musical si élé-
1408
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIO.WAIRE OU CONSERVATOIRE
meiitaire qu'il puisse être; le nom Je l'insli'iimeiit
peut changer, la maliéT'e dont il est construit peut
ne pas être la même, la forme et le diapason peu-
T
<=!>
vent être dillërents, mais le principe de rinstrunienl
est identique et c'est toujours une ti'ompe ou une
trompette.
Fiii. 23-i. — ïrurnpetle du Thibet.
L'homme en possession de sa trompetle que je suis
tenté de qualilier non d'instrument guerrier, mais
d'instrument divin, l'homme s'empresse de soumet-
tre h la loi de la gamme type tous les éléments so-
nores dont il dispose et, pour nous en tenir aux seuls
instruments à vent, il taille les roseaux de la syrinx,
de longueurs telles que la gamme ou un fragment de
la gamme sorte de la série de tuyaux embryonnaires
de l'orgue sublime; il perce des trous dans le tube de
bois creusé dont il avait fait un sifllet et qui devient
une lliite à bec ou llûte droite, et qui par la modili-
7ation du sifllet deviendra la Uùte traversière; il rem-
place le sifllet par ujie anche simple ou double et, si
e tube est conique, il obtient un chalumeau, ancêtre
du hautbois, du saxophone ou du basson; si, au con-
traire, le tube est cylindrique, il obtient un chalumeau
d'une espèce particulière dout la gamme se trouve
interrompue par l'absence de trois noies, et ce n'est
qu'à la lin du xvn"' siècle, vers 1690, que DeniNer
trouvera le moyen de faire sortir ces notes et que la
clarinette sera créée.
Examinons niainlenantle principe de cesnouveaux
instruments. Le tuyau court relativement à la largeur
de la perce laisse sortir les sons 1. 2 et 3, c'est-à-
dire, la fondamentale, son octave et sa douzième, et
encore ces deux hainioniques sortent-ils assez dif-
ficilement sur les instruments à anche; sur les tlûtes,
au contraire, l'octave sort plus aisément que la fon-
damentale.
La ressource musicale naturelle serait plutiH légère
si l'homme ne s'était aperçu qu'en perçant un trou
dans le luyau, celui-ci sonne comme s'il était rac-
courci de la longueur dépassant le trou; dés lors, il
suffit de percer des trousle long du corps de l'instru-
ment à des distances convenables pour obtenir les-
note"! successives de la gamme de trompetle; Cas-
tro',: s recouverts par les doigts laisseront sonner l'ins-
tiument dans toute sa longueur; en relevant lés-
doigts l'un après l'autre, on découvrira les trous et
le tuyau sonnera comme si l'on entendait successi-
vement les sept tuyaux d'une syrinx, ou comme sept
instruments de longueurs différentes.
Pour déterminer l'emplacement de chacun des
trous, il suffira de nous rappeler la théorie des vibra-
tions de la corde tendue ou des divisions de la colonne
d'air'.
La colonne d'air constituant l'unité sera comptée,
non de la longueur totale de l'instrument comme
pour les instrumente de cuivre, mais de l'endroit où
se produit le son initial jusqu'à la première sortie de
l'air lorsque tous les doigts sont posés sur les trous.
Pour fixer les idées : la longueur totale sera comp-
tée sur une Uùte droite, non du bec, mais du biseau
sur lequel le souflle vient se briser et produire le soa
jusqu'à la sortie de l'instrument;
1. Voir : Acoustique,
TEC/LVl{>ft:, ESTIIÉTKJUU: ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1409
Longueur totale
Fiii. 235. — Fli'itf ilniile.
sur la fliUe traversière elle sera comptée, non de la
tête, mais du trou destiné aux lèvres et formant em-
bouchure ;
Longueur totale --.
FiG. 236.
■ Kliite traversière.
enfin, pourles instruments à anche, ellesera comptée,
non de l'extrémité de l'anche, mais de l'endroit où
les lèvres maiiitiennenl cette anche.
. Longueur totale
t=-s:
FiG. 237
■ Haulbois.
sauf pour le cas de certains instruments primitifs où
l'anche est renfermée dans une sorte de manchon en
bois, ou bien encore pour les cornemuses, binious,
musettes etc., où l'anche n'est maintenue que par le
fil de la ligature et où la longueur devra être comp-
tée de la base de l'anche.
Pour que le principe reste général, nous suppose-
rons un instiument à sept trous de notes : trois pour
l'inde.v, le médius et l'annulaire de la main gauche,
quatre pour l'index, le médius, l'annulaire et le petit
doigt do la main droite. Ces sept trous bouchés, l'ms-
Irument, quel que soit son rapport avec le diapason
normal, est réputé donner un do.
Numérotons les trous en partant de la production
du son; le petit doigt droit doit boucher (e septième
trou.
---. .-.- Longueur totale
- nuitneuvieme&dela longueuc totale
-Oualre-cinquièmes i- _ j. ==---
. Troiî. quarts de la __ d* ' d" ~ '
- Deux-tiers ■• -..*-.; 1 i
I Seiie-vingt-sêptièmês "d*
"■■" -lJ[n^lfmes _^
Huit-
Moi
1-.-. nui
iticdtla lonûDftjrlôtiïf '
t-diK-septiemes _ j* "! !
a
D.Q. tf
o o -
Fia. 23S.
— Schéma di," la perce des trous
sur une flûte droite.
En levant le petit doigt l'instrument devra donner
un ré.
Les 7 trous bouchés, la longueur totale donnant
do (son 1), si nous nous reporlonsà notre exemple!,
nous voyons que le ré sort dans la quatrième octave
comme son 9, ce qui exprime que pour le produire
la colonne d'air totale devra être sectionnée en neuf
parties égales, ou, ce qui revient au même, qu'une
neuvième partie de celte colonne d'air serait suffi-
sante pour produire ce i-é de la quatrième octave.
En prenant le double de ce neuvième, soit 2/9, on
aurail le ré de la troisième octave, les 4/9 nous don-
neraientle ré de la deuxième octave; donc, en perçant
.notre septième Irou aux huit neuvièmes (8/9) de la
longueur totale de notre instrument, nous pourrons
faire sortir un ré de la première octave (seconde
note de la gamme que nous cherchons) en levant
notre petit doigl.
Par la même suite de raisonnement, nous serons
conduits à conclure que le sixième trou donnant par
son ouverture un mi (son 5) doit être percé aux
quatre cinquièmes (4/5) de la longueur totale.
Le cinquième trou, fa (son 11 de la gamme natu-
relle), devrait être percé aux 8/11 de la longueur
totale, mais, comme nous vivons sous le régime de la
gamme tempérée, nous déterminerons sa place aux
trois quarts (9/12) de cette longueur.
Le quatrième trou ouvert devra nous donner un
sol, quinte du son fondamental ; nous le placerons
au deux tiers (2/3) de la lon^'ueur tolale.
L'ouverture du troisième trou devra produire
un la (son 13 de la gamme naturelle), à cause de la
gamme tempérée, ce trou sera percé aux seize
vingt-septièmes (16/27) de la longueur totale.
Le deuxième trou devra être placé aux huit quin-
zièmes (8/to) de la longueur totale pour que son
ouverture nous fasse entendre un si.
Logiquement, le premier trou devrait être percé
sur tous les instruments à la moitié (1/2) de la lon-
gueur tolale afin de donner l'octave du premier son
{do::); il en est ainsi pour la clarinette et le basson.
(Cependant, sur la fliite, le hautbois, le saxophone et
le sarrusophone, ce premier trou est percé aux huit
dix-septièmes (8/17) de la longueur totale, ce qui
produit le doit. La raison primitive de cette pratique
est, qu'avant que les flûtes ne reçoivent la patte d'i(<,
il aurait été impossible d'obtenir le d'iff du 3« inter-
ligne autrement, tandis qu'on pouvait obtenir le doif
avec un doigté factice.
Il demeure entendu que je n'ai donné là, de
même que pour les longueurs d'instruments de
cuivre, que des proportions théoriques qui peuvent
être modifiées dans la pratique parla forme, plus ou
moins coudée, de l'instrument, par les cônes plus
ou moins prononcés ou réguliers, par la grandeur
des trous et par d'autres petits détails dont nous ne
pouvons pas nous occuper ici.
J'ai dit (page 1408) que l'on peut généralement
obtenir dans ces sortes d'instruments les harmonique?
2 et 3 (octave et douzième); cela doit s'entendre non
seulement du son fondamental de la longueur totale
mais encore de chacun des sons produits par les
raccourcissements progressifs du tube que nous avons
obtenus par le percement des sept trous, qui forment,
de ce tube unique, comme sept tubes dilférents se
succédant alternativement par le baissement ou le
relèvement des doigts suivant la volonté ouïe caprice
de l'exécutant.
Chacune des longueurs du tube ou, pour parler le
langage des exécutants, chacun des dovjtés, déviait
pouvoir donner une fondamentale, plus l'octave et
la douzième de cette fondamentale.
Exemple 8.
Copyright by Librairie Delagruve, l9iS.
89
1410
ENCYCLOPÉDIE DE LA MVSIQUE ET DICTIONSAIHE OU COVSEnVATOIRE
Dans la pratique, celle règle ne se coiinnne pas
toujours, el cela pour plusieurs raisons dont nous
pouvons examiner quekfues-unes sans sortir des
principes f;énéraux qui nous f;utdeni en ce moment.
D'abord, le rapport de la perce avec la loiit^ueur. C'est
ainsi que certains doigtés de noies graves do basson
ou de la clarinelte, instruments relativement longs,
peuvenl, avec de très légères moditicalions, faire
entendre jusqu'au son 7 et morne 9, alors qo'un cer-
tain nombre de doigtés du saxophone, du hautbois
et du tlageolet ne pourront fournir plus qu'un son i.
Ensuite, l'action do souffle a beaucoup moins
d'inlliience sur les anches que sur les embouclmres,
pour faire sortir les harmoniques, c'est-à-dire pour
provoquer les divisions et subdivisions de la colonne
d'air; el, pour les imposer, on est presque toujours
forcé d'aider la force du souffle et la pression des
lèvres par l'ouverture d'un petit trou appelé, pour
cette raison, trou d'octave, el le plus souvetil ouvert
ou fermé par le pouce de la main gauclie.
Ce troll devrait tou|ours être placé au nœud de
vihratkm de l'harmonique que t'on veut obtenir; il
en faudrait donc deux pour chacune des notes for-
fiïânt lies sons t (foiulamentales) de la gamme de
première octave, alin d'obtenir aisément l'octave
el la: douzième, ces trous d'octave étant percés à la
moitié et au tiers de la production du son et de la
sortie d'air de la noie (premier trou de note qui suit
le dernier doigt posé). Or, il n'est pas possible de
percer lant de trous, et l'on se contente d'en percer
deux au plus, qui se trouvent alors placés ou trop
h»ut ou trop bas pour la plupart des notes, et
c'est à l'aide decertainsirousdeiiotes, généralemeni
le premier, quelquefois le second ou le quatrième,
que l'on tient ouverts, ce qui facilite la formation
des nffiiids des divisions de la colomie d'air, que l'on
peut parvenir à faire sortir les harmoniques supé-
rieurs aux sons 2,
Uns autre raison qui s'oppose à la production de
certains harmoniques, notammentdes sons :> ( harmo-
niques d'octavel, dans les inslrumenls à aiiche ctà
luhe cylindrique, réside dans ce lai't que, dans tous
les tuyaux de cette nature, ce n'iest pas un .mwml
d'ondulation sonore qui se forme à la naissance du
son (anche), mais un ventre, ce qui a pour effet ;
l'de rendra des sons d'une oclave plus igraveque ne
semblerait le coïnporter la longueur théorique des
instruments employés (théorie des tuyaux bouchés
de l'orgife); 2" le premier veutro d'oiednJation se
trouvant au poiiitïle production du son et cotisait uant
le centre de la première onduhilion, il ne peut
jamais y avoir un nombre pair d'ondulations, et,
conséquemment, il n'est pas possible d'émettre,
piatiquemenl ou théoriquemeni, un son paii' quel-
conque (son 2, 4, 6, etc.) sur les instruments de cette
nature.
EiiTm, plus on découvre de Irons, plus l'inslrument
devient couil et plus il serait nécessaire, même sur
les instruments à embouchure que nous examinerons
plus loin, d'avoir des lèvres plus minces et plus ner-
veuses pour pouvoir faire sortir les harmoniques
aigus; or, comme on ne peut opérer d'échange de
lèvres suivant les notes que l'on voudrait obtenir,
force est bien h l'instrunieniisle de borner son ambi-
tion dans le regisire aigu, là où son travail, sa persé-
vérance et surtout la puissance nerveuse de ses lèvres
ne lui permettent pas d'aller plus loin.
El maintenant faisons un pas en arrière, un grand
pas, qui nous ramènera quasi à la naissance des
insliuments en bois ou d'harmonie.
Cependant, nous ne remonterons pas aux premiers
essais de tlûtes, essais incomplets, puisque avec deux,
trois ou quatre trous, on ne peut faire que trois,
quatre ou cinq notes pouvant être répétées à l'octave,
mais dont les fragments de gammes ne se joignent
pas.
Au surplus, l'étude de ces instruments incomplets
ne nous donnerait rien d'utile musicalement parlant,
pas plus que l'étude des instruments exotiques ana-
logues que nous trouvons dans nos musées, apportés
par les grands voyageurs el qui, sous les noms les
plus étranges el les plus divers, comme Serdam,
Souronne-Mixoso-Balù, Tohona, etc., elc, n'en sont
pas moins des (lûtes à bec à trois ou à quatre trous,
conséquemment incomplètes.
La tlùte, qu'elle soit double ou simple, droite et à
bec, dénommée llûte douce ou tliHe d'Angleterre (?),
ou qu'elle soit Iraversière, procède toujours du même
principe : le souffle se brise sur un biseau et elle
reçoit six ou sept trous de notes; six lui suffisent
pour joindre sa gamme de sons 1 à sa gamme de
sons 2; elle n'a presque jamais besoin de trou d'oc-
tave et l'intensité du souille ou le resserrement des
lèvres suffit presque toujours pour passer d'une
octave à l'autre, quitte à lever le premier doigt pour
obtenir l'octave du l"' son.
Comme dans le vulgaire ocarina d'origine chinoise
ou la tlùte en fer-blanc de nos bazars, on peut tou-
jours «blenir de la tinte en général au moins deux
octaves, le plus souvent deux octaves el une quinte;
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û © 5
Tdblatureli {
ou |: :
Jo'igté VÎ S
Exemi)le 0.
N'ayantpas de seplième trou, le do grave manque,
et l'on pourrait encore voir dans ce fait la raison
qui fit placer, par les Grecs, le mode dorien comme
premier mode et reléguer au dernier rang le mode
ionien reposant sur le do (base de la gamme natu-
relle), qu'il nous paraîtrait logique, à nous, de placer
au premier.
Quoi qu'il en soit, les historiens grecsetlatinsnous
disent qu'on employait poursouleniret accompagner
les chants, des tlùlesdoriennes, des flûtes phrygiennes,
destlùleslydiennes, etc. Cela parait établir pour nous,
que l'on construisait des tlûles spéciales pour jouer
dans chacun des modes, c'est-à-dire, des tlûles dont
les trous étaient percés à des distances telles que les
TECIINIQIE, ESTHÉTIQUE ET t'EDM.OGlE
DES INSTRUMENTS A VENT 1411
deux demi-tons mi-fa el s^i-do viiissetit occuper leui-s
places du si xi èni eau cinquième et du deuxième au pre-
mier trou, pour la tlûle dorienne, dont les six trous
bouchés donnaient un ré'; de la loujjueur totale au
sixième trou el du troisième au second, pour la Ih'ite
phiygieniie, dont les six trous boucliès donnaient un
»!(, et ainsi de suite pour chacun des modes. Cepen-
dant, nous avons vu que la lliUe dispose toujours d'une
étendue d'au moins deux octaves, ce qui lui permet
évidemment de donner les notes nécessaires à l'exé-
cution delà totalité des modes, et nous douions que
ces expressions, fliMe dorienne, Uùte phrygienne, etc.,
s'appliquent aux llûtesàbec; tandis que ces construc-
tions d'instruments spéciaux à chaque mode se com-
prennent et s'expliquent très bien, si l'on doit sous-
enlendre que ces expressions s'appliquent à des
syrinx ou flûtes de Pan, qui n'avaient ordinairement
pas plus de huit à neuf tuyaux (huit à neuf notes)
ou à des clialumeaux, instruments à anche, qui,
n'ayant pas encore de trou d'octave, ne pouvaient
oclavicr el ne disposaient par conséquent que d'une
étendue trop restreinte pour pouvoir servir à l'exé-
cution de plusieurs modes sur le même instrument.
Et maintenant, grâce à la domination des premiers
barbares, j'entends dire, des liomains, qui vint
arrêter net le magnilique essor scientilique et artis-
tique de la Grèce, puis à l'invasion des seconds bar-
bares. Gaulois et Germains, nous allons nous alléger
de tonle l'épofi.ie romaine et de tout le moyen âge
pour arriver au sv« siècle.
La flùle de Pan a donné naissance
a l'orgue et a cessé, sous sa forme
primitive, de compter comme ins-
trument musical ifig. 239, 240, 241,
242 et 243); elle restera désormais
l'instrument du pâtre des champs
ou de la montagne, à moins qu'elle
ne constitue une curiosité de cai'-
refour sous les lèvres d'un homme-
orchestre.
La Uùte traveisière est restée
telle que nous l'avons laissée chez
les (irecs.
La Uùte à bec s'est allongée d'un
neuvième de longueur totale afin
de pouvoir descendre à \'tU en bouchant avec le petit
doigt un trou, le septième, placé à son ancienne
longueur; el, comme on a lemarqué (|ue le son a
FiG. 230.
Hébreux, (^ugab.
Flùtc de Pan.
Fia. 240. — Orgue à outre ou rauselte tout ;i fait primitif.
gagné de la plénitude el du timbre à ce rallonge-
ment, on a rallongé de même les tliites plus graves
(H nécessairement plus longues, ulors même que te
jietit doigt, trop court, ne peut l'atteindre. Nous ne
sommes pas à « l'âge » de la mécanique, et il faudra
encore un siècle pour que l'on imagine de combler
la distance du petit doigt au trou par l'adjonction
d'une clé.
Le chalumeau à tube cylindrique est resté au
même état rudimentaire, et l'absence des sons 2 le
laissera presque inemployé encore pendant près de
trois,cents ans.
Le chalumeau à tube conique a doimé naissance
à toute une famille d'instruments à anclies doubles
qui, sous les noms de bombardes, de cromornes,
1. Il est indispensable de reiiiîLTqaer que Je trou de note est tou-
jours d'un degrÉ plus bas pour le constructeur que pour l'instrumen-
tiste, celui-ci comptant pour la note le dernier trou bouché au lieu t'a
dernier trou ouvert.
FiG. 2il. — Orgue gallo-romain. — Musée d'.\rlcs.
de touruebouls, de chaleraey ou chalemelles, de
pommer, etc., viendront, après des raffinements et
des perfectionnements successifs, se synthétiser dans
le tendre hautbois, le mélancolique cor anglais elle
souple basson.
La trompe ou trompette, qui a porté les noms de
chatsolserali, de schophar, de keren, de jobel,de
tuba, de lilus, de buccina, de corme ou corma et
bien d'autres, selon qu'elle était droite, courbée,
enroulée, longue ou courte, à perce large ou étroite,
el employée chez les Juifs, les Grecs ou les Romains,
n'a reçu d'autres changements que des noms dilfé-
renls : en corne ou en métal, mais en forme de corne,
c'est une corne ou une trompe d'appel; creusée dans
une défense d'éléphant, c'est un olifant, qu'on n'ou-
blie jamais de citer dans les romans de chevalerie et
qui a été immortalisé dans les mains du plus noble
guerrier du moyen âge par la Chanson de Roland; en
métal, longue et enroulée, c'est la trompette ou
trompe de chasse, et enfin longue, droite ou deux
fois recourbée presque dans la forme moderne, c'est
la trompelte guerrière, le claron ou le claronceau.
Cependant, un mariage vient de se faire; on [on
représente ici un illustre inconnu dont personne ne
sait ni le nom, ni la dale, ni le lieu de naissance,
mais dont chacun voit les produits se répandre au
xV siècle où nous sommes, presque partout où il est
fait de ta musique), on, donc, vient d'imaginer d'unir
l'embouchure d'ivoire de l'olilant au corps de la
Uùte à bec, et de cette union le cornet à bouquin et
le serpent sont nés.
Le cornet à bouquin et sa basse, le serpent, sont
des instruments en bois recouverts de cuir pour en
assurer la solidité; ils sont évidés intérieurement
en une perce légèrement conique de trompette ut à
fm-invr l'ii'i r)p l'anli-c; le serpent est donc deux fnis
1412
EiSCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICJIOSNAIRE DU COXSEliVATOlRE
FiG. 242. — Orgue antique, musée ifArles. Fie. 2i3. — Orgue portalif ou régale.
Fio. 244,. — Orgue à main.
"long comme le cornet; muni d'une embouchure
nommée bouquin, comme la liompelte, il est percé
de six ou sept trous de notes comme les tliltes, et
comme ces trous seraient trop éloignés sur la basse
FiG. 245. — Cornets à bouquin.
pour que les doigts puissent les recouvrir, on a
courbé et recourbé le corps de l'instrument en forme
de serpent, d'où lui est resté le nom ; de plus, comme
les trous de notes eussent été trop écartés les uns des
autres eu égard à l'écartement possible des doigts,
on a percé les premier et troisième trous de chaque
main obliquemenl dans l'épaisseur du
bois et dans le sens de la longueur de
l'instrument (les premiers vers l'em-
bouchure, les troisièmes vers le pavil-
lon, disposition que nous retrouverons
dans les bassons). Malgré toutes ces
précaution, le serpent n'a jamais
laissé que d'être un instrument très
faux, mais nous en éli;dions le principe
et peu nous importe que la pratique
en ait été défectueuse.
Le cornet et le serpent laissent
émettre dans leur longueur totale
les sons de 2 à 8, ce qui devrait
donner avec l'ouveilure siicces.sive des trous de
notes les résultats suivants :
*
d^
3Ï
ija
c
.1>©Û
,.??!
.«^e'
Q^
J^""-
îsx:
Je=
o-
o~'
^
Kxemple 10.
Mais pour la raison exposée page 1407, on doit
considérer le son 8 de la longueur totale comme la
limite exlrème des sons aigus, de sorte que la gamme
obtenue dans les plus parfaits de ces instruments ne
peut être que :
«
-TT^
»tto "tt^
.^S^'
.ût(Q !»Jfe
^Q«Q^
^
3r©^
Hxemplu 1 1.
De même que de nos jours on considère les flûtes,
les saxophones et les sarrusophones construits en
métal comme appartenant à la famille des bois parce
que leur principe d'émission du son est le même que
leurs ancêtres flûtes, chalumeau ou basson (tourne-
bouli, de même, nous devons considérer les cornets
et serpents comme appartenant à la famille ^des
cuivres, h cause du bouquin ou embouchure qui
constitue leur mode de production du son.
De clés, il n'est toujours pas question, et les cor-
nets seront les derniers à en recevoir; d'ailleurs, au
xV siècle, la musique est encore unitonale,et en ad-
mettant que par-ci, par-là, un compositeur essaie tinii-
demenl d'introduire un /'«# ou un siN dans sa com-
position, l'exécutant s'en tirera parce que l'on nomme
un doigté factice, consistant à laisser un trou ouvert
entre deux trous fermés (fourche), ou bien en posant
le doigt de telle sorte que la moitié du trou reste ou-
verte ; bienlôt, d'ailleurs, le hautbois, élevant cette pra-
tique à la hauteur d'une institution, portera sous les
troisième et quatrième doigts, non un seul Irou, mais
deux petits trous placés à la même hauteur, et per-
mettant au doigt de boucher aisément les deux petits
TECHNIQUE, nsrt.iiri(,>CE et fédacogie
DES INSTRUMENTS A VENT 1413
ti'oiis ii((iiivalant au gros trou entier, ou l'un seule-
ment de ces Irous équivalant au demi-trou permet-
tant de faire entendre le so/S-'abou le /'aif-so/b. et
ces doigtés bizarres sulisisteront jusqu'à la moitié
du XIX» siècle.
Mais pendant que les instruments en hois se per-
fectiouiieiil lentcmenl, bien leutomeiit, peiidaiit qu'on
applique leur principe aux iiislrumenls de cuivre ou
de bois recouvert de cuir et à embouchure ou bou-
quin en les perçant de trous qui seront bouchés ou
fermés par les doigts d'abord, puis plus lard par des
clés, toujours à l'imilalion des instruments de bois,
nous vo^yons tout d'un coup apparaître un instrument
de cuivre qui, lelle Minerve sortant (oui armée du
cerveau de Jupiter, nous vient au seuil de la Re-
naissance dans un état de perfection tel, qu'il suffit
encore, dans nos orchestres, à tous les besoins de
la musique moderne.
Le trombone (de tromhâ, grande trompette), car
c'est de cet instrument qu'il s'agit, n'a point de pa-
trie ni d'inventeur connus. On signale sou premier
emploi ofliciel en France à l'orchestre en 177:!, dans
l'opéra Les Sabincs de Gossfc, mais il y était connu
bien avarrt, ainsi que le prouve urre quittance du
31 décembre l.'ilS, conservée à la Bibliothèque natio-
nale, dans laquelle il est fait mention du sacqueboute
(ancien nom du Iromboneiet du haulxbois, employés
FiG. 2i7.
Fr'agmont de trombone, d'après le manuscrit de Boulogne.
dans une fête donnée le 22 décembre 1518 par Fran-
çois I" dans la cour de la Bastille. A la même épo-
que,dix arlistes,dont la réputation était européenne,
le jouaient à la cour de Henri VIH d'Angleterre, et
on cite même un mannscril drr r.x" siècle conservé à
Boulogne et qui contient uir dessin ressemblant à un
trombone sans pavillon.
y II II' 'il
"" "
FiG. 2'tS. — Tpombone ou sacqueboule.
Examinons maintenant le principe nouveau de[cel
instrument.
Muni d'une embouchure profonde comme celle du
cor', "son tube est cylindrique jusque lout près du pa-
villon comme la trompette; cela permet d'en obtenir
les sous de I (fondamentale) à 10(10' harmonique).
FiG. 250. — Trombone moderne.
Deux fois replié sur" lui-même, il offre l'aspect
d'une grande trompette,
ce qui fut en effet son
oi-igine.
L'idée géniale qu'eut
l'inventeur inconnu du
Irombone, fut de couper
le borrtde l'instrument et d'emboîter les deux bran-
T
Fis. 251.
Pavillon de trombone.
ches libres dans une sorte de demi-corps nommé
coulisse, qui ferme ainsi et complète l'instrument.
>
Fro. 253. — Coulisse de trombone.
Le trombone fermé, c'est-à-dire, avec la coulisse
enfoncée entièrement, est dit : à la 1" position. Il
donne alors les notes suivantes :
m
-w
n ^e ^t ^
^
b5
Exemple 12.
La coulisse étant mobile, il suffit de l'enfoncer
moins, de la laisser glisser à de certaines distairces
pour donner différentes longueurs à l'instrument, ce
qui, à l'inverse des instruments eir bois qui donnent,
par l'ouverture des lious, des fondamentales de plus
en plus élevées, donnera ici des fondamentales de
plus en plus graves. Chaque allongement successif
est dénommé position; il y en a six (autant que de
Irous sur les instruments primitifs en bois), ce qui
avec la l" (coulisse entièrement enfoncée! forme sept
positions correspondant aux sept fondamentales sui-
vantes :
>
FiG. 251. — Distances aoxqui'lle» la coulisse doit élre portée
pour former des positions.
1*f« 2« 3Î 4^ 5î 6! 7!
FiG. 210.
S
m
Exemple 13.
que l'on nomme : notes pédales. Il est à noter que
les trois dernières sont très difficiles à faire » sortir »
et qu'on ne doit pas les employer.
Idl'l
EXCrCLOPÉDIE DE LA MVSIQI E ET niCTlOWAlRE DU CO.\SEII\ATOinE
l,es notes à la disposition de l'instrHnieiiliste sont donc les suivantes :
1*!' Position
kok-ê??
^^
h>J
^Tni p on
^
y
W
^i;e'' —
J^
eqo.'i^
Aine T>o
t-ë 7'î'P
CL
ef^^^
Pxemple 14.
qui se résument ainsi pour le compositeur:
^^o^^^^
JÛ.
■o^ileo^g^^^^^'
il^l:)«ll£if£^
m
^o|toojo^>°^°-lh^
OSO
^ko
Exemple 15.
Comme la musique du xv" et même du ,\vi>- siècle
était unitonale, les méthodes de trombone ou sacque-
boute de ce temps n'enseignaient que les positions
des fondamentales naturelles.
m
m
— ** — '^'~
Exemple 16
Ce qui a fait dire que les trombones de cette époque
n'avaient que quatre positions, ce qui est une erreur,
carie trombone a et a toujours eu autant de posi-
tions qu'il peut plaire à l'instriimentisle libre de
conduire sa coulisse en un endroit quelconque com-
pris entre la coulisse complètement enfoncée et cette
même coulisse portée à l'extrémité des branches. Ce
qu'on peut dire, c'est que les artistes de cette époque
n'utilisaient que quatre positions.
Nous voici donc en possession d'un instrument
parfait, sauf ce qu'on appelle un trou dans la gamme
au grave. En elfet cinq notes manquent
Exemple 17.
pour joindre le si\i pédale au mi grave de la 7* po-
sition. Mais pour obtenir ces notes complémentaires,
il faudrait disposer de cinq nouvelles positions, ce
qui est impossible avec la coulisse simple, limitée
qu'elle est par la longueur et des branches de l'ins-
trumenl el du bras de l'instrumentiste. On a bien
essayé de doublei' la coulisse, mais sans obtenir jus-
qu'ici de résultat pratique.
Et maintenant retournons à nos instruments à
trous.
J'ai dit (page 1411) que les tlûtes graves avaient
un trou, le septième, que le petit doigt ne pouvait
atleindie, et qu'il faudrait encore un siècle avant de
^y .. 0 ^> ° - '^^
trouver le moyen de fermer ce trou à l'aide d'une
clé (dénommée clé à patte). C'est en effet au cours
du XVI» siècle que nous voyons apparaître des instru-
ments munis de celte clé de do grave.
A cette époque tous les efforts tendaient à créer
des familles complètes de chaque sorte d'instrument :
famille de flûtes soprano et basse (la grande facilité
d'octavier les sons par une simple pression des lèvres
donnait à ces instruments une étendue qui permet-
tait de se dispenser des instruments intermédiaires);
famille de pommers; famille de hautbois, tourne-
bouts el bombardes avec le hautbois d'amour inter-
médiaire; famille de bassons, etc. Mais la plupart
des instruments à anche oclaviaient plus on moins
difficilement, el pour obtenir- les noies aiguës avec
plus de facilit ' on fut conduit a. percer un trou entre
la production du son elle premier trou de note, petit
trou réservé au pouce de la main gauche; mais, de
même que le petit doigt avait été trop court, le pouce
était souvent embarrassé pour atteindre le trou d'oc-
tave, et c'est ainsi que la deuxième clé fui créée.
La plus grande partie du xvu= siècle s'écoule sans
que nous puissions constater de changement notable
malgré l'emploi de=; tonalités voisines d'id qui néces-
sitent l'usage au moins du sip, du fag, du doif, du
so/jfel même du î't'Jf; j'ai expliqué (page 1412) com-
ment on pouvait obtenir certaines notes altérées à
l'aide de doigtés ou de procédés factices, mais le ré Vf
et le do 3 graves ne peuvent s'obtenir avec ces doig-
tés, et pour que nos instruments soient parfaits,
bien des lacunes sont encore à combler.
Vers 1690, Jean-Christophe Den.ner, habile luthier
de Nuremberg, cherchait à perfectionner le chalu-
meau, lequel, au point où était parvenue la facture
instrumentale, ne pouvait toujours pas joindre la
gamme de sous 1 à la gamme de sons 3 ice genre
d'instrument ne possédant pas de sons harmoniques
d'ordre pair).
L'étendue de cet instrument se présentait donc
ainsi :
o o
o o
Exemple 18.
TECHMQVE, ESTUÈTIQVE ET PËOAGOO/E
DES INSTRUMENTS A VENT lilô
correspoiidaiil, aux doif^lés de l'exemple 9 répétés
avec une pression de lèvres plus lorle SLir l'anche
pour obtenir les sous 3 qui ioiineiit la deuxième
gamme à la douzième de la pn^nière.
Denner imagina d'abord d'ajouler un trou de note
en dessous de l'instrument et en deçà du premier
trou ordinaii-e. Ce tiou lui donna le rc ; il était re-
couvert par le pouce de la niaiu gaucbe.
Etendant son principe, il ajouta encore deux nou-
veaux trous de notes en remontant toujours vers
l'anche, et comme il n'avait plus de doigts libres pour
les recouvrir, il y suppléa en ajoutant deux nouvelles
clés venant se placer, la première près de l'index de
la main gauche pour pouvoir être manœuvrée par
un léger déplacement de ce doigt, la seconde assez
près du pouce (déjà employé par le nouveau trou de
ré] pour pouvoir être actionnée par ce pouce même
sans déplacement de ce^doigt.
Ces deux trous donnaut le mi et le fa achevaient
de joindre les deux gammes :
m
-<3-
îîotes de jonction.
I — I
~rr-
-TÏ-<>-
<> o
z^zxc
Exemple 19.
De plus, avantage considérable, ce dernier trou
de fa tint lieu de trou d'octave (de douzième en l'es-
pèce) et permit d'obtenir avec aisance et sûreté toute
la gamme supérieure.
La clarinette était trouvée, et en même temps le
principe de percer de nouveaux trous recouverts par
des clés pour obtenir les notes altéi'ées qui man-
quaient encore.
On acquit ainsi d'abord le réit et le doit qui fai-
saient le plus défaut; ce fut l'œuvre du xviii» siècle.
Mais nous voici au siècle de la mécanique, et dès
1800, nous trouvons des bassons et des flûtes à 7 clés,
voire une tlûte basse à 15 clés. En 1811, Muller
nous donne la clarinette a 13 clés; Adler le basson
à 13 clés en 1827; en cette même année, Gordon
apporte des perfectionnements à la Uùte, et enfin, en
1831, Théobald Bokhm apporte par son système d'an-
neaux mobiles, qui permet, sans gêne pour les doigts,
de percer les trous à leur véritable emplacement et
avec la grandeur nécessaire pour le développement
normal du son, apporte, dis-je, la perfection même,
non seulement pour la gamme diatonique, mais en-
core pour la gamme chromatique tempérée.
En 1843, les principes de Boehm sont appliqués par
Klosé et Buffet sur la clarinette, et dès lors, les
artistes peuvent interpréter sur cet instrument la mu-
sique la plus compliquée.
Si les principes de Boehm ne s'appliquent que
malaisément sur le
hautbois et sur le bas-
son, l'élan n'en est pas
moins donné, et Trié-
BERT crée en 1863 le
système à 17 clés dé-
nommé maintenant
système du Conserva-
toire, avec lequel il n'y
a plus de traits difli-
ciles; Bipket, Trié-
BERT, GOUUAS et EvETTK
et Sca.iEFFERT ont fait
du basson un instru-
ment parfait.
Pendant ce temps,
les instruments à trous
qu'étaient les cornets
à bouquins et les ser-
pents étaient restés
stationnaires, et ce n'est que tout à la fin du
xviii» siècle qu'on avait essayé d'ajouter deux ou
trois clés au serpent afin de permettre de percer les
trous plus à leur place, ce que rendait impossible
,|usque-là l'écartement limité des doigts. Mais nous
voici au début du xix' siècle, et aussitôt les premières
clés du serpent, admises, on commence à modilierla
firme du serpent qui n'avait de raison d'être que le
rapprochement possible des li'ous pour les amener
sous les doigts ; on redresse le corps, on le plie en
deux, on orne même le pavillon en lui donnant la
forme d'une tète d'ours ou d'un monstre quelconque,
on met une clé à tous les trous que ne peuvent
atteindre les doigts, et l'on dénomme cela : basson
russe.
Dès l'instant que l'on se servait de clés pour bou-
cher les trous, plus n'était
besoin de percer les trous
obliquement dans l'épais-
seur du bois, donc plus
besoin de bois pour avoir
de l'épaisseur, et ce genre
d'instrument à embouchure
reprit le métal de sa na-
ture; on le fabriqua en
cuivre, et, vers 1813, ap-
FiG. 255. — Bassons ru.sses.
Fio. 2bQ. — Opliicléide. Fm.ÏD". — Ophicléide moderne.
parurent les premiers ophicléides (serpents à clés).
Quelques années plus tard, vers 1820, Weidingkr
opère les luèines tranformations pour le cornet à
bouquin, qu'il fait revivre pour quelques années
encore sous les noms de clairon chromatique, cor
à clés, trompette h clés, etc.
Ces instruminls à trous en cuivre allaient être
dérinitivemeiit abandonnés quand Adolphe Sax eut
l'idée, en 18 'il, de remplacer l'embouchure des ins-
iruments de cuivre par un bec à anche battante
I'il6
L.\ I . . t.t^ijli LjÉ L,
h LA MVSJQCE ET DIC.TIOS \AIRE DU CONSERVA, OlUE
(genre bec de clarinelte), île modifier la forme el de
leur donner son nom (voix de Sax), et loute la fa-
FiG. 258.
Clairon dit aussi Iroinpelti? cliromalifun'
mille des saxophones prit une place des plus impoi
tantes dans les musiques militaires.
FiG. 259. Fis. 260. Ifiu- 21J1.
Saxophones Foprano, alto el ténor.
En 180,3, Sarrus remplaça le bec à anche battante
par une anche double (genre hautbois [ou basson);
Gal'tbot modifia la perce du s^ rpent-nphicléide-
FiG. 262.
Saxoptione baryton.
Kiii. 203.
Sarrusoplîone grave.
saxophone pour la rapprocher de la perce du haut-
bois-cor-anglais-basson, et la l'amille des sarruso-
phones fut prêle à prendre une place tout aussi
impiui.'inle cl iirut-êlre plus cai acléris('e onroro que
les saxophones; malheureusement, n'ayant jamais
pu jusqu'ici parvenir à obtenir leur admission parmi
les instruments réglementaires des musiques de l'ar-
mée, cette famille d'instruments est restée à peu
près inconnue de la masse des musiciens.
Kt maintenant, revenons au trombone pour exa-
miner les conséquences du principe de la coulisse ou
allongement progressif du tube de l'instrument.
Les sept positions de la coulisse sont évidemment
l'équivalent de sept instruments juxtaposés comme
une sorte de tlùte de Pan ou syrinx considérée à
l'inverse de ce que nous avons fait page I4H, c'est-
à-dire que, alors que nous envisagions les tuyaux
de la syrinx du plus long au plus court pour nous
rendre compte du raccourcissement progressif du
tube au fur et à mesure que les trous étaient débou-
chés, il nous faut ici considérer les tuyaux de la
syrinx du plus couit au plus long, chaque tuyau
correspondant à une position plus allongée de la
coulisse.
Bien que la trompette soit aussi un instrument de
perce cylindrique, plusieurs essais d'adaptation de
la coulisse tentés à des époques ditférenics ne sont
jamais parvenus à rendre celle adaptation pratique
ou tout au moins d'un usage courant.
Mais comme, d'autre part, la musique unitonale
était abandonnée, les trompettes comme les cors,
réduits à leur seule gamme naturelle, ne pouNaient
être employés normalement qu'à la condition ipie la
musique à exécuter comprît dans la tonalité la seule
gamme possible à ces instruments.
Ne voulant plus s'astreindre à écrire la musique
pour la tonalité des trompettes et des cors, on as-
treignit les cors et les trompettes à conformer leur
tonalité à la musique à exécuter, et voici comment
on opéia :
Ne pouvant parvenir à appliquer la coulisse mobile
qui en eût fait des instruments accomplis, on leur
appliqua des fragnienis fixes de cetle coulisse, c'est-
à-dire qu'on ajouta à la branche il'embouchure un
fragment de coulisse ou rdllomje correspondant à
la deuxième position pour obtenir une gamme d'un
demi-ton plus bas; on prit un fragment ou rallonge
correspondant à la lioisicme posilion pour obtenir
une gamme plus grave d'un ton entier, et, comme
on peut écriie une gamme majeure sur chacun des
douze demi-tons chromaliques, on consiruisil douze
Iriigmerits de coulisse pouvant s'adapter h volonté à
la branche d'embouchure et permetlant ainsi de
conformer toujours la gamme de l'instrunrent à la
gamme du morceau écrit.
Mais ici, une antre dificullé se présentait :
Pour le liomborie, toutes les noies sont lues dans
leirr intonation naturelle, et l'éloignenient de la main
fixant la position est suffisant pour permettre de
dillérencier aisément le nom d'un harmonique d'une
position, avec le nom de ce même bar monique d'une
autre posilion.
Poui' le cor ou pour la trompette, une fois le frag-
ment de coulisse fixé, l'instrumentiste n'a plus à se
préoccuper des autres fragments, et la comparaison
des divers fragments (des diverses positions; lui
échappe.
Dans ces conditions, ou convient :
1° Que l'iiislriimcntisle lonsidireroit toujours la
gamme naturelle de son insinimeitt canime partant
de la l'ondamcnlale ut, quelle que soit la position de
l'instrument, c'cst-â-dire que l'imbouchure soit jost'e
dir' clément sur la bianclie d'embouchure dr l'inslru-
TECHNIQUE, EStHÉTIQUE ET PÉDAGU-.iE
DES INSTRUMENTS A VENl I'»17
mfnt |l" j.Ofilion) ou bien qu'elle ail comme intermé-
diaire à celle branche d'embouchure, l'un quelconque
des douze fnujmenls de coulisse [douze nul res podlions
y compris l'octave grave de la i'" position).
2" Que l'inslruincnl serait dit : en ut, en ré H enré,
etc., suivant que sa fondamentale naturelle cojrespon-
drait pour l'oreille à la tonalité réelle rf'ut, de réK de
ré, et'-.
3° Que les compositeurs écriraient la musique des-
tinée à ces instrumt^iitistes dans les rapports de
tonalité mêmes où ces artistes devraient la lire, et
indiqueraii-nt en tète ou dans le cours de leur par-
tition la tonalité dans laquelle l'instrumentiste
devrait mettre son instrument par la mention cor
(ou trompette) en !((: cor en ré U; cor en ré, etc.
Ce principe du rapport de la gamme naturelle de
l'instrument à la tonalité réelle lut étendu à tous les
instruments en fjénéial, sauf les exceptions que je
ferai connaître plus loin.
Ainsi, il est entendu que tous les instruments à trous
donnent ut lorsque l'S sept trous de la figure 238 sont
bouchés et que tous les instruments de cuivre sans trous
donnent également ut comme fondamentale dans leur
position naturelle, la y/us courte, autrement dit :
la I" position, et ces instruments sont dits en ut, en
fa, en si |', en mi K etc., suivant que leur note fonda-
mentale naturelle rend un ut, "" fa, un si b, un mi h.
etc., eu égard à la gamme réelle déterminée pjar le dia-
pason normal.
Ce système a pour avantages de permettre aux
artistes qui ont appris à jouer d'un instrument d'une
certaine tonalité :
1° De jouer presque indifféremment des divers ins-
truments d'une même famille et de tonalités diffé-
rentes;
2° De pouvoir apprendre à jouer d'un instrument
d'une autre famille que celle de leur instrument pri-
mitif, avec relativement peu d'études supplémentaires,
le doigté étant le méyne ou n'ayant que des différence-
minimes.
Mais ce système a pour inconvénients:
1° De compliquer au delà du raisonnable le travail
du compositeur;
2° De génei' le chef d'orchestre qui entend des notes
ctutres epie celles qu'il voit écrites;
3" De faire, de la lecture ou de l'analyse de certaines
partitions, un véritable casse-tête chinois.
Les e.xceptions à ce système sont:
i° Le trombone ténor pour lequel on lit .si • à In
l" position (note réellej ; ce qui t'ait que cet instru-
ment est réputé en ut alors que le lacteur doit le
considérer comme étant en .si'ir
2° Le liasson qui est appris en ut, c'est-à-dire en
nommant fa la t'ondanienlale naturelle qui devrait
être dénommée ut d'après le principe général; ce
qui facilite le travail du compositeur, met à l'aise
le cliel' d'oichestre et leiid simple la lecture et l'ana-
lyse de la partition quant à cet instrument; mais
ce qui rend rares les bassonistes ; tandis (jue si cet
instrument était considéré comme étant en fa, un
flûtiste, un saxophoniste, un hautboïste surtout
ferait, aussitôt ses doigts placés, la plupart des notes
naturelles, et apprendrait à jouer convenablernimt de
cet instrument en un mois, deux tout au plus.
3° Le Uageolet qui est appris en ut en nommant sol
la fondamentale naturelle.
4° Le violon et la conlrehasse à cordes; mais ces
instruments ne sont pas de ceux dont nous avons à
parler ici.
'A" I.a clarinette. Mais ici la question est plus com-
plexe, car lu claiinette n'est apprise ni en ut ni d'après
le principe général, l'n ellet, d'après ce principe, la
londamentale naturelle qui devrait être dénommée
((( est évidemment le son 1 obtenu avec les sept doigts
baissés ;les sept trous fermés). Or, ce son 1 est dé-
nommé fa sur la clarinette comme sur le basson,
mais avec moins de raison, puisque la clarinette est
ce qu'on appelle un instrument transpositeur, c'est-
à dire, sur lequel on ne lit presque jamais les notes
dans la tonalité réelle, et ce n'est qu'avec la série des
sons 3 que l'on nomme ut la note obtenue avec les
sept doigts baissés.
L'ne complication va rarement seule, et pendant
qu'on procédait ainsi que je viens de l'expliquer en
France et dans la plupart des pays européens, les
Autrichiens et les Hongrois appliquaient, eux, le
principe gérréral aux diverses clarinettes, car la cla-
rinelle se fabrique en plusieurs tonalités dill'éren-
tes, ce qui est loin de simplifier' la question '.
La clarinette se construit en longueurs diflférentes:
1" Petite clariwtte en usage dans l'armée.
Est dite en mi b d'après le son 3 et en la h d'après le
son I.
2" Grande clarinette en ut en usage à l'orchestre
autrefois et presque abandonnée aujourd'hui.
Est dite en ut d'après le son 3 et en fa d'après le
son I.
3° Grande clarinette en si [^ en usage dans l'armée
1 1 a l'ùrchestre, et eiui tend à devenir la grande clari-
nette unique aussi bien à l'orchestre ejue ilans les mu-
siques d'harmonie.
Est dite en si ;i d'apré- le son 3 et en mi h d'après
le son I.
i" Grande clarinette ■ n la en usage à l'orchestre.
Est dite en la d'après le son 3 et en ré d'après le
son 1.
.3" La clarinette alto ou cor de basset en fa, j eu
emplnyt'e.
Est dite en fa d'après le son 3 et en si h d'apn-ès le
son \.
6" Clarinette alto en mi i-, employée dans les gran-
des musiques d'harmonie.
Est dite en mi b d'après le son 3 et en la b d'après le
stm I.
7" Clarinette basse en ut employée dans les fjrands
orchestres.
Est dite en ut d'après le son 3 et en fa d'après le
son I.
,S'o Clarinette basse en si " employée dans les gran-
des harmonies.
Est dite en si h d'après le son 3 et en mi b d'après
le son I.
9° Clarinette basse en la.
Est dite I n la d'après le son 3 et en ré d'après le
son I.
Un construit encore des clarinettes contraltos ("?) à
l'octave grave de la clarinette alto et des clarinettes
contrebasses à l'octave grave des clarinettes basses;
mais j'abrège, car les principes de rapport de tonalité
restent les mêmes.
Je me suis étendu plus que je ne me l'étais pro-
posé sur celte qualité du rapport de la tonalité des
clarinettes avec le diapason, parce que je me suis
aperçu qir'il y a là pour cerrx qui étudient cer laines
pai titions étrangères ou anciennes, ou encore qui
I. De nos j'turs les Autrichiens et les Uungrois se sont ralliés au
système de la gamme des sods 3 gcMiéruk'œciit adu[)té.
1418
EycrCLOPÈUlE de la MVSIQVE ET DICTIOV.XAIRE DU COySERVATOIRE
coiisiilteiil riiisloire de la musique ou de l'inslru-
menlation, une source de confusions on d'erreurs
qu'il est bon d'éviter.
Frci. Zùi. Fi(i. 265.
Clariiielle ordinaire. Clariiiellealto.
FiG. 266.
Clarinette basse.
Il nous reste encore une e.xtension du principe de
la coulisse à examiner pour terminer celte étude
générale du principe, des principes, devrais-je dire,
des instruments à veut.
En 1814, BLOHUELet Stœlzel, cherelianl un procédé
qui permît aux cornistes de changer instantanément
les tons àt leur instrument (c'est ainsi qu'on nomme
les rallonges ou fragments de coulisse dont j'ai
parlé), inventèrent le syslènu' des pistons grâce au-
quel on pouvait passer immédiatement d'un ton dans
un autre, mais qui reçut pres(|ue aussitôt un dévelop-
pement Considérable qui lit abandonner pour tou-
jours le système des inslruiui;iits à embouchure et à
trous, et qui est parvenu de nos jours à permettre une
virtuosité surles instruments de cuivre presque égale
à celle qu'on obtient sur les instruments de bois.
Le système des pistons ou C3'lindres consiste à
souder sur le parcours du tube principal de l'ins-
trument un certain nombre de fragments de coulisse,
ordinairement trois, quelquefois quatre, rarement
cinq, plus rarement encore six.
Ces fragments de coulisse sont disposés de telle
sorte que, snit par une tige à bascule (cylindre).
Pompe fermée Pompe ouverte
FiG. 267. FiG. 268.
Schéma du système à cylindres. Schéma du système à pistons,
soit par une lige directe (piston), mais toujours
actionnée par le doigt, un fragment de cotilisse est
mis en coiniiiunicaliori avec le Itibe principal lorsque
la tige est enfoncée ; le lube principal se trouve donc
allongé de toute la longueur du fragment de cou-
lisse; l'effet est le même que si l'on avait ajouté un
ton à l'instrument (ï'" conception de Rlvhmel et
Stœlzel), mais il est aus^iet préférablement le même
que si l'on avait allongé la coulisse entière de la
l(uigueur du fragment en communication, ce frag-
ment représentant une position (2'^ conception des
artistes, qui est devenue la seule conception mo-
derne).
L'instrument est donc considéré comme d'une
tonalité fixe à l'instar du trombone, et à la {" posi-
tion lorsque, les pistons au repos, l'instrument est
dans sa situation normale du tube icolonne d'air)
dans sa plus courte longueur, mais, a. la dillérence
du trombone qui nomme si \< (note réelle) sa pre-
mière fondamentale, l'instrumentiste nomme ici u
ou dû (note lictive) cette première fondamentale
quelle que soil la tonalité relative de l'instrument :
S
jl.
k
-©-
Exemple 20.
Le second piston (piston du milieu pour la main
droite), correspond à la 2= position de la coulisse
(allongement d'un demi-ton plus grave) fondamen-
tale : si.
m
:^
Exemple 21.
Le premier piston correspond à la .'i" position de
la coulisse (allongement d'un ton plus grave) fonda-
mentale : sî[i.
^
i
bo
k
lixemple 22.
Le troisième piston correspond à la 4* position de
la coulisse (allongement de un ton et demi plus grave;
fondamentale : la.
m
Exemple 23.
L'accouplement des premiers (1 ton) et second (1/2
ton) pistons réunis donne le même résultat comme
notes.
Les deuxième et troisième pistons réunis corres-
pondent à la 0= position (allongement de deux tons);
fondamentale : /a p.
E^
£
3X
il
"^
l'exemple 24.
Les premier et tioisième pistons réunis correspon-
dent à la 6' position (allongement de deux tons et un
demi-ton); fondamentale : so\.
TECHMOIE, ESTHETinVE ET FÉDACdC.IE
DES INSTRUMENTS A VENT U19
m
*
Kxemiili; 2.1.
Les premiers, deuxième et troisième pistons réunis
correspondent à la 7= position (allongement de deux
tons et deux demi-tons); fondamentale : fai.
Exemple 20.
Ces trois pislonssont grMéralenientregai'déscomme
sultisantà tons les besoins de virtuosité des cornets,
buples, saxhiorns altos, barytons et contrebasses,
trompettes et cors, et même, pour ces derniers, on
remplace souvent le troisième piston descendant par
un troisième piston ascendant d'un ton afin d'obtenir
plus de justesse ou une plus grande facilité d'émis-
sion pour certaines noies.
Comme les sons I ne sortent que très difficilement
sur ces instruments, on ne les utilise pas et l'étendue
(le ces instruments se présente ainsi :
I
(^-H^^^olpoU^oto-
^^oijo^ojio^^^^
Exemple 27.
Pour les saxhorns basses et les trombones, on
ajoute le plus souvent un quatrième piston mû par
un doigt de la main gauche.
Ce quatrième piston seul correspond avec plus de
justesse à la opposition (exemple 23) que nous avons
vu obtenue par l'accouplement des premier et troi-
sième pistons.
Les deuxième et quatrième pistons réunis corres-
pondent à la 7' position (exemple 26).
Les premier et quatrième pistons réunis donnent
un allongement théorique de trois tons el un demi-
ton; fondamentale ; fa.
^£
é
"xr
nsz
~cr
!>«•> o-
Exemple 28.
Les premier, deuxième et quatrième pistons réunis
donnent un allongement théorique de trois tons et
deux demi-tons; fondamentale : mi.
E.';emple 20.
Sur les saxhorns basses, autrement nommés auss'
tubas, le troisième piston est construit le plus souvent
pour donner seul la 'A' position; fondamentale ta[^
(exemple 24).
Il s'ensuit que les troisième et quatrième pistons
réunis donnent un allongement théorique de trois
tons et trois demi-tons; fondamentale ■.mi'^.
i^
>^-
o gÇ
1^
Exemple 30.
Les deuxième, troisième et quatrième pistons réunis
donnent un allongement théorique de quatre Ions et
deux demi-tons; fondamentale : ri'.
^
^^
:xe:
Exemple 31.
Les premier, troisième el quatrième pistons réunis
donnent un allongement théorique de quatre tons et
Irois demi-tons; fondamentale : ré'p.
^ — ^
l'^
Exemple 32.
tJ3X:
Les premier, deu.xième, troisième et quatrième pis-
tons réunis donnent un allongement théorique de
cinq Ions et deux demi-tons; fondamentale : ut.
^
S
^
31:
Exemple 33.
Le système des pistons serait parfait s'il n'y avait
malheureusement un défaut de justesse à combattre
dès que deux pistons sont abaissés ensemble.
Ln effet, le trombone, avec sa coulisse libre, est
entièrement à la disposition de l'oreille de l'artiste
qui le joue, et c'est là son immense avantage; il peut,
suivant la volonté de l'instrumentiste, donner une
gamme diatonique ou chromatique tempérée ou na-
turelle; il peut donner des notes sensililes ou des sous-
dominantes; il pourrait, comme le violoncelle, donner
les fameux tiers et quarts de ton grecs tant regrettés
de certains musicologues, il peut, en un mot. donner
toute la musicalité que l'artiste le pi us exigeant comme
le plus délicat peut vouloir lui demander, et il est le
seul instrumenta vent qui puisse cela, mais en échange
de cette possibilité de toutes les justesses, si je puis
m'exprimer ainsi, le trombone en est réduit, au point
de vue de la volubilité des traits, à ce que serait un
violoncelle sur lequel on ne pourrait jouer qu'avec
un seul doigt. En effet, sauf dans l'extrême aigu, il
est absolu nient impossible de faire sur cet instrument,
si partait d'autre part, le moindre trait conjoint, ne
seiait-il que de deux notes, sans changement déposi-
tion, c'est-à-dire sans déplacement de la main.
Avec les instruments à pistons, on peut, tout au
contraire, passer d'une position à toutes les autres
sans le moindre déplacement de la main ; les doigts
seuls agissent et les gammes diatoniques oi chroma-
tiques peuvent être exécutées avec la plus grande ra-
pidité. Mais, en échange de cette facilité de méca-
1420
EMACLOPÉUIE DE LA MUSIQUE ET DICHOSNAIRE DU CONSERVATOIRE
nisme, de cette voluliilité, la juslesse n'est phis que
très faiblement kla disposiliou de l'artiste exécutant,
quand elle ne lui échappe pas malgré tousses elTorts.
C'est qu'ici rallongement du lube sonore, ou, plus
scienliliquemenl, de la colonne d'air, n'a plus aucune
élasticité; chacun des pistons a une longueur précise
et immuable calculée sur la longueur exacte et uni-
que de la !'■= position, de telle sorle que la fondamen-
tale de chaque posilion doit sortir jusle suivant la
gamme chromatique tempérée.
Cela nous représente donc une perfection, tempérée
il est vrai, mais enfin une perfection tant qu'un seul
piston est abaissé; mais qu'il y ait combinaison de
deux pislons et il faut dire adieu à la justesse, les
notes ser0[)t trop hautes; s'il s'agit d'une sensible,
tant mieux ; s'il s'agit d'une sous-dominante ou d'uni-
tonique, tant pis.
Ceci demande une explication.
Pour rendre celle explication plus tangible, je vais
supposer le cas de la combinaison des premier et
quatrième pistons.
Nous savons que le deuxième degré d'une fonda-
S
mentale représente les - de la longueur totale
(pages 1403 et U09).
Or, une basse en si(i donne la fondamentale do à
la \" position (ce qu'on e.xprime : à vide) avec une
longueur pratique de 2", 710 mm.
Si nous taisons descendre la fondamentale de do à
si'b par l'abaissement du 1«' piston, le du représen-
tera évidemment le deuxième degré de la nouvelle
fondamentale, soil les- de la longueur que devra
avoir le sî'h.
Nous aurons donc :
o
rfo = 2m.710= -de si\<
., _ 2m. 710x9
8
= .3 m. 0487
longueur du 1" pistons
3 m. 0487 — 2 m. 7100=0 m. 3387.
D'autre part, si nous faisons descendre la fonda-
mentale de do à sol (4' piston seul), remarquons
(exemple t, page 1402) que la douzième est le son 3,
et qu'elle représente conséquemment le 1/3 de la lon-
gueur totale.
Pour avoirla quinte de la fondamentale, il faudrait
2
prendre le double de ce lieis, soit -, et enfin, pour
avoir l'octave grave de cette quii.le, il faut porter la
longueur de l'instrument au double des -, soit , ce
o 3
qui se condense en ceci :
3
rfo = - =2 m. 710.
, 4 2 m. 710X4 „
sot = -— ^ ^ —3m. 613 1/3
longueur du i' piston =:
3 m. 613 1/3 — 2 m. 710 = 0 m. 903 1/3.
Et si, maintenant, nous voulons faire descendre la
fondamentale
m
par 1 a-
baissement du 1" piston (accouplement des pre-
mier et quatrième pistons), le sot représentera évi-
demment le deuxième degré de la nouvelle fonda-
mentale, soit les - de la longueur que devra avoir
le fa.
Nous aurons donc :
so/=3 m. 613 1/3 = -de fa.
„ 3 m. 613 1/3X9 ,
fa = — : = 4 m . 06 tO
8
longueur du 1" piston doit égaler
4 m. 0649 — 3 m. 6133 = 0 m. 4516.
Or, nous avons vu que le 1" piston qui est construit
pour faire la 3"' position (si h) ft non pour répondre
à la 8' (fa) n'a (|u'iine longueur de 0 m. 3387; il sera
donc trop court pour la 8* position de :
n m. 4nl6 — 0 m. 3387 = 0 m. U20.
C'est pourquoi, page 1419, j'ai qualifié d'allonge-
ment théorique toutes les positions comprenant des
accouplements avec le 4« piston.
Pour compenser ce manque de longueur, onajoute,
dans la pratique, un demi-ton au doigté théorique,
mais alors, l'appoint du 2'' piston (!<"■, 2", et i' pistons,
doigté du mi pris pour obtenir le fa) est trop fort,
car ce deuxième piston a pour longueur :
IS
(/o= 2,710 =
■u '6
In
2,710x 16
13
= 2 m. 890.
longueur du 2° piston ; 2 m. 890 — 2 m. 710 = 0 m. 180.
Or, comme il ne manque au 1'^'' piston dans son
accouplement avec le 4'' que 0 m. H3 inm. environ
et que par l'adjonction du 2'' piston on ajoute 0 m.
180 mm., c'est 67 mm. de coulisse qu'on ajoute en
trop et la noie fa sort trop basse.
Il est clair que ce que je viens d'expliquei' se repro-
duit dans tous les accouplements de pistons, même
le moindre de ces accouplements (li^'et 2") va toujours
en s'accentuant jusqu'à l'accouplement général des ^'r
2", 3= et 4= pistons (13' position), qui devrait donner
(allongement théorique) le */ -— et ne peut
donner à peu prés jusle que le — ^-f^
Soit un manque de justesse théorique de un ton
entier qui prive pratiquement les instruments à
4 pislons, non seulement du do naturel grave, ce qui
n'aurait pas d'inconvénient, puisqu'on peut l'obleiiir
à vide (1" position) paile son / (toutes les notes que
j'ai écrites dans ces explications sont des sons i),
mais qui prive encore ces instruments du rt'p grave
que les compositeurs écrivent quelquefois et qu'il
est imjiossible d'obtenir h moins d'avoir le temps de
tirer considérablement la grande pompe ou coulisse
d'accord du 4= piston, ce qui sort des conditions pra-
tiques de l'exécution.
Les instruments à pistons ont donc les qualités et
les défauts absolument opposés aux défauts et aux
qualités du trombone à coulisse.
On a cherché à maintes reprises à corriger le man-
que de ustesse des instruments à pistons, et parmi
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1421
les moyens trouvés, le syslènie compen^aleiir Aruan-
BorvKT, construit clie/A\l.\l. SiDRKelC''", mériterait une
meilleure fortune que celle qu'il a eue jusqu'ici.
Ce système consiste en une coulisse supplémentaire
qui s'ouvre automatiquement lorsque les i" el 3'
pistons sont abaissés simultanément.
y y
FiG. 26SI. — Soiie des instrunienls système Arban-Bouvel
avec la coulisse supplémentaire reliant le I't au S'' piston.
De la sorte, les l", 2"=, 3', 4« et 6" positions corres-
pondant aux fondamentales do, si, si h, la (avec le 3'
piston seul) et sol et leurs harmoniques, sont aussi
Justes que possible ; seuls, les accouplements 1-2, 2-.S,
1-2-3 restent un peu courts, mais la fondamentale
sol et ses harmoniques devenus d'une Justesse à peu
FiG. 270. — Basse
à cinq pistons.
FiG. 271. — Trompette en s/ ^
à six pistons indiépendants.
près absolue constituent un progrès réel 1res appré-
ciable. Malbeureusement l'accouplement du 4« piston
n'a point été envisagé par les auteurs de ce système.
Certains facteurs ont créé, pour compenser les
accouplements du 4" piston, un 5= piston, doublant
le 1"''; c'est un allongement trop fixe, trop uniforme,
souvent trop long, quelquefois trop court, compli-
quant le doigté et alourdissant l'iiisti ument, ayant
pour seul et réel avantage de permettre de faire le
(■('h dans des conditions acceptables.
Toujours pour gagner de la Justesse, Sax a créé ses
instruments à six pistons indépendants.
Fia. 272. — Trombone à si.\ pistons iiid 'pendants.
Dans ce système chaque piston correspond exac-
tement à une position du trombone à coulisse, el
l'on obtient ainsi une succession de fondamentales
chromatiques tempérées absolument Justes, mais
l'instrument est lourd et le doigté tout à lait en
dehors des habitudes des instrumentistes (cuivre).
Arban, dans sa raétboile, recommande de passer
le pouce dans la coulisse d'accord et de faire ma-
nœuvrer cette coulisse pour coritpenser le manque
de loni;uertr des accouplements de pistons, mais seule
la coulisse d'accord dit cornet a une disposition qui
se prête a ce mécanisme, et cette manœuvre demande
beaucoup d'adresse pour que le pouce n'allonge pas
trop ou trop peu la coulisse d'accord.
Développant cette idée et pour donner plus de'pré-
cisiorr aux longueurs supplémentaires nécessaires
aux divers accouplements, .\I. Alexandre Petit, pro-
fesseur (décédé en 1921-1 à la classe de cornel^du
Conservatiiire national de initsique de Paris, a ima-
giné irit système de bascules mues avec les doigts de
la maiir gauche, que la maison A. Couesnon etC'« a
réalisé avec une grande intelligence.
Cornet Monopole.
Malheureusemeitt.ces deux derniers précédés sont
des procédés d'artistes et, suivant la formule expri-
mée par mon regretté ami Gu'iLBArjT, à qui Je deman-
dais la dilFérence qu'il faisait entre le cornel el le pin-
ton : u Les artistes, me dit-il, Jouent du cornet, les
autres... jouent du piston, i. je dirai à mon tour :
1422
ENCYCLOPÉDIE DE LA MCSIQCE ET DlCTIOS.\'AlRE ni' CO.VSËIIVATOIHE
ces procédés sont excellents pour les rornelUsIes, ils
ne sont d'aucune ulilité pour les pUto^ts.
Mais il r;iut encore faire une réserve; ces procédés
ne peuvent et ne doivent servir que dans le solo; car
si un comcttiste se servait de l'un de ces procédés à
côlé d'un pislon ou d'un bujile, les instrumentistes
cesseraient d'être supportables à l'oreille à chaque
accouplement de pistons, puisque l'un seulement des
instrumentistes pourrait rectifier la justesse.
Le procédé ARi).\N-nouvET serait d'une application
plus pratique : 1° parce qu'il agit automatiquement;
2° parce qu'il est applicalile à tous les instruments
de cuivre et qu'il offre déjà un accroissement de jus-
tesse fort apprécialde, bien qu'il n'agisse point sur
le 4" piston. Mais il l'audiait, pour en attendre un bon
effet, qu'il fût appliqué d'un coup à tous les inslru-
mcnts de cuivre d'un corps de musique; sans quoi, le
mélange des inslrumenls de ce système avec les instru-
menls du syslèrae ordinaire ne pourrai! que délriiire
toute justesse sui' hjules les notes produiles .-ivec l'ac-
couplement des premier et troisième pislons.
Pour nitroduirf, pour imposer une telle réforme,
de même que pour populariser les sarrusopliones,
les clarinettes altos et basses, etc., il faudiait procé-
der comme on lit, il y a un demi-siecle, pour le
diapason normal : on le rendit exclusircment régle-
mentaire dans les théâlres subventionnés, au Conser-
valoiie de musique et dans toutes les musirjues de
l'armée: de là il se répandit partout, et bien rares sont
aujourd'hui les fanfares qui ont encore îles instru-
ments à l'ancirn diapason.
Si les saxluiins, si les saxophones sont aujourd'hui
répandus et employés pactout, c'est que Adolphe Sax
disposait de la 1res iiaute iniluence du général de Ku-
migny à la cour de Loui^-lMiilippe, comme plus tard,
à la cour de Napoléon 111; il put ainsi faire imposer
et rendre réglementaires dans toutes les musiques
de l'armée ces instruments, qui apportaient de nou-
velles ressources très appréciables sans doute, mais
qui auraient pu végéter comme les sarrusopliones,
comme les clarinettes altos et basses. Ces derniers
ont des qualités tout à fait comparables à celles des
saxhorns et des saxophones, mais ils n'ont pu jus-
qu'à présent se faire imposer réglementairement dans
les musiques de l'armée.
Adolphe Sax sentait si bien celte nécessité que
pour faire la place d.'s inslrutnents qu'il apportait,
il n'hésita pas à faire proscrire, à chasser des musi-
ques de l'armée les cors et les bassons qui y tenaient
une place si artistique qu'aucun autre instrument
n'a jamais pu combler le vide laissé par l'exclusion
de ces instruments de tout premier ordre.
C'est encore pour une raison de changement du
doigté habituel, et parce qu'ils n'ont pu être régle-
mentés et imposés dans les musiques de l'armée,
que toute la série des instruments de cuivre du sys-
tème CuAL'ssiEK, dits instruments en ul, bien qu'ils
soient réellement en fa, mais appris en sons réels,
n'ont pu parvenir à entier dans l'usage courant.
Ces instruments, excellemment construits par la
niaison Milleheau. avaient bien conservé le timbre des
séries d'instruments qu'ils étaient destinés à reinpla-
rer : cornets, trompettes, trombones, cors ou sax-
hoins; ils avaient une étendue plus grande que celle
des instruments actuels et offraient surtout l'immense
avantage de s'écrire et de se lire en ul. L'adoption de
ces insti'uments aurait certainement entraîné le
changement île dénomination des notes de la cla-
rinette et du saxophone qui sont aujourd'hui assez
perfectionnés poui' jouer dans tous les tons, et qui
gagneraient comme le basson et le trombone à être
appris en sons réels.
Ce serait une véritable joie pour les compositeurs,
les chefs d'orchestre, les pianistes accompagnateurs
et tous les artistes qui s'intéressent à lire la partition;
ce serait encore la justesse de l'oreille retiouvée pour
to us les i us t ru mentis tes eu égard au diapason normal,
et ce ne serait pas là un mince avantage.
Malheureusement, n'ayant pu obtriiir leur iidro-
duction régulière dans les musiques de l'armée,
source d'expansion universelle, ces instruments qui
ont été expérimentés, dont l'excellence a été reconnue
et constatée, qui ont donné tout ce que leur inventeur
s'était proposé et tout ce qu'il avait promis, ces ins-
liumentsnesoiit plus qu'un souvenii' pour ceux qui les
ont entendus, et bientôt, perdus dans l'oubli, ils pour
root être considérés comme n'ayant jamais existé.
Et main tenant, pour clore ce chapitre sur les prin-
cipes Liénéraux des instruments à vent, je vais essayer
de donner (|uelques aperçussur les conditions géné-
rales de changement de timbre des instruments de
cuivre.
l'n instrument de cuivre, au moins chacun de ceux
que nous pouvons étudier en France, n'est jamais ni
pai'failement cylindrique ni parfaitement conique.
S'il était parfaitement cylindrique, le son ^ol•tirail
sans éclat, sans force, probablement sans timbre, et,
dans tous les cas, serait inutilisable à l'orchestre
faute de puissance; au contraiic, comme il est cylin-
diique dans sa plus grande paiiie et conique d'abord
par l'embouchure, puis par la partie se rapprochant
de l'extrémité de l'instrument nommée pavillon, le
son s'élargit, s'amplilîe, se timbre dans la douceur,
prend puissance et éclat dans la force; cet instru-
ment, muni d'une embouchure à bassin curviligne
surbaissé, c'est-à-dire à fond presque plat et dont
le grain est très rapproché des lèvres, sera une
trompette :
2"; 0 5
Fai. 274.
Trompette.
Cylindrique
FiG. 275.
.Muni d'une embouchure conique, du genre de l'ein- 1 porté relativement loin des lèvres, cet instrument
boucbure du cor, mais plus large, dont le grain sera | deviendra un trombone.
Z"',7\
-Cy lindr'icjue
Fi(i. 87r>. — Tromlione.
Fi.i. 277.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PEDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT Vm
Si, .111 coniraire, l'instrumeiit est peu mais régulii''-
rement conique dans la plus grande partie de sa loii-
eueoi-, cylindrique seu-
lement dans sa partie
- médiane et plus évasé
' vers le pavillon avec
une embouchure coni-
Fiii. 27S. — Cor. que très aIlong/:e, les
sons auront une dou-
ceur et une pénélralion infinies dans le piano; dans
le forte, ces sons prendront un éclat vibrant plus ba-
tailleur que puissant : ce sera un cor.
3795-
Vn tube pi'opor tionnellement plus court,, dont la
partie cylindrique sera presque au début comme la
trompette, mais dont la partie conique commencera
plus lui el sera beaucoup |dus développée, donnera
des sons comme veloutés, doux el puissants avec
une emboucbure curviligne, c'est-à-dire dont le
bassin sera creusé en demi-sphère. Cet instrument
devrait être nommé bitgle, ou mieux encore tuba
soprano, contralto, alto, baryton ou basse suivant la
longueur; en France, pour des raisons qu'il ne me
pniait pas nécessaire de développer ici, mais que
j'expliquerai plus loin, on persiste à désigner cet ins-
>
"--C^liiidrique-J
KiG. 279.
trument sous le nom de saxhorn, c'est-à-dire, cor
de Sax, soprano, contralto, alto, baryton, basse ou
contrebasse; on dit aussi petit bugle et grand bugle
pour les deux instruments les plus aigus, et l'usage
se répand de dire tuba ou basse-tuba pour la basse.
FiG. 2S0.
Bugle.
FiG. 2S1. — Petil bugle.
Knfin avec des proportions qui tiennent le milieu
entre la trompette el le saxhorn contralto, on obtient
l'instrument si populaire qu'on nomme cornet.
Bugle ^32
I Saxhorn alto 2"" 04-
I Saxhorn baryton ouliasse. 2T71
de spécial, dans son caractère, dans sa construction
ou dans son mécanisme.
Nous suivrons dans celte étude la classification
suivante :
Les flûtes, comprenant lous les instruments sur
lesquels le son est produit par le souftle se brisant sur
un biseau : syrinx, tlùte droite, tlùte traversière.
Les chalumeaux, comprenant lous les instruments
dans lesquels le son est produit par le souftle déter-
minant la vibration d'une anche simple ou double :
hautbois, basson, clarinelte, saxophone, sarruso-
phone.
Les trompettes, comprenant tous les instruments
dans lesquels le son est produit par le souffle se
brisant dans une embouchure ou bouquin : trom-
pette proprement dite, trom-
J ^°"^' *^°''- cornet, bugle dit
"1 saxhorn, saxo-tromba.
Cylindrique
Flûïes.
Fio. 2S2.
P
IT. 35
Trompette en si b
n
h
Cylindrique
Cornet en si t»
cylindrique
Bugle en si b
' Cylindrlque-
Fis. 2S3.
J'ai cru devoir donner ces détails de construcHon
sur toute cette série d'instruments de cuivre, qui
dépendent tous des mêmes principes et qui, pouitant,
sont si différents les uns des autres et de caractère
et de timbre; il m'a paru utile défaire connaître les
raisons ou plus exactement les causes de ces diffé-
rences.
El maintenant que nous connaissons les principes
généraux des instruments à vent, nous allons pou-
voir étudier chaque famille d'instruments une aune,
en nous arrêtant seulement sur ce qu'elle peut avoir
Fliite de Pan. — La llûte
de Pan ou syrinx est évidem-
ment l'un des premiers instru-
ments que l'homme ait cons-
truits;quoi de plus simple, en
effet, que de couper un bout
(le roseau, égaliser les deux
extrémités, boucher l'une avec
le doigt et présenter l'autre
aux lèvres à la manière des
habitués du parterre qui pren-
nent leur clé pour exprimer
que la pièce qu'on leur pré-
sente ne leur convient pas.
N Nos très éloignés ancêtres
n'avaient point d'idées criti-
ques aussi combatives en souf-
flant ilans leur bout de roseau. Le son produit les
amusant, ils prennent un second roseau, l'accouplent
au premier, et soufllent dans chacun d'eux alterna-
tivement : la syrinx en somme est créée.
La curiosité, le goût, l'ingéniosité de chaque
artiste improvisé accoupleront ainsi trois, quatre ou
un plus grand nombre de roseaux avec des liens plus
ou moins solides; on bouchera les extrémités infé-
rieures avec de la cire ou tout autre produit qu'on aura
sous la main, on en réglera les longueurs suivant le
hasard ou suivant l'esthétique qu'on professera, à
Ii24
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIO.V.XAIRE DU CQNSERVATdIIŒ
moins que l'arlisle ne veuille, par exemple, imiter le
chant du coucou ou de tout autre oiseau à cliaiit simple
et à deux ou trois notes faciles à retenir.
Chaque artiste a donc sa tlùle particulière, puis,
plus tard, beaucoup plus lard, lorsqu'un système
musical aura pu être conçu, on régularisera tous
ces tuyaux jusqu'à ce qu'ils donnent la même gamme
sur une seule syrinx de huit ou neuf tuyaux ou sur
deux syrinx de quatre tuyaux se succédant l'une à
l'autre à la manière de deux lyres à quatre cordes
ou télracordes.
Bien que la légendei,'recqueait attribuél'invenlion
de cet instrument au dieu Pan, il nesemble pas avoir
eu jamais une haute situation dans la hiérarchie
musicale des peuples, lin ellet, tous les poètes, tous
les récits, nous montrent la syrinx entre les mains
du paire, et c'est encore là que nous la retrouvons de
nos jours. Cependant, nous devons signaler deux
exceptions modernes: 1» L'artiste ambulant spécia-
lement dénommé <i homme-orchestre » a le plus
souvent une syrinx, de forme concentrique pour
faciliter le jeu de l'exécutant, disposée sous les lèvres,
afin de pouvoir accompagner sa grosse caisse, ses
cymbales, son triangle, etc., d'un chant plus ou moins
mélodieux; 2° Les artistes roumains se servent,
parait-il, de la syrinx, qu'ils nomment naion, en
remplacement de la flûte traversière, et nous avons
entendu à l'Kxposilion universelle de Paris en 1889
plusieurs de ces artistes véritablement habiles sur-
cet instrrrrnerrl primitif, sur lequel ils trouvaient le
moyen d'introduire des dièses (c'est
le mot propre) avec de petites
billes qu'ils glissaient dans les
tuyaux, ou même produisaient les
altérations nécessaires par le mou-
vement des lèvres, recouvrant en
partie les tuyaux dont ils voulaient
abaisser l'intonation.
Cet instr-ument est alors formé
d'un assez grand nombre de tuyaux
bouchés dans la partie inférieure,
accolés à la suite les uns des autres
dans l'ordre diatonique et présen-
tant à l'œil l'aspect d'un triangle allongé dont la
partie aigué serait tronquée.
FiG. 281. — Syrinx.
(Dicl. A. Rich.
Fia. 285, 236.
Syrinx.
Flûte droite. — Cette flûte est caractérisée par un
bec conduisant le souffle sur un biseau; fermée
ensuite, c'est un sifflet; ouverte, c'est-à-dire dont le
biseau est suivi d'un tuyau non bouché et percé de
deux ou trois trous pour être jouée d'une seule main,
c'est un galoubet provenûal, fig. 287 ;
ou un rtûlet basque, fig. 288;
avec un plus grand nombre de trous pour être jouée
des deux mains, c'est une flûte douce, une flûte d'An-
gleterre lig, 289;
ou un flageole!, fig. 290;
pour m'en tenir' à la nomenclature française.
Si nous sortons de l'Europe, nous retrouvons ces
instruments sous les noms les plus divers, et nous
ft^-.
0 a
9
lÀ
Fi.i. 2S7. — Galoubet. [Fia. 288. _ Fi .. 2SJ. Fiu. 290.
pouvons passer en revue dans la seule salle du musée
instrumental du Conservatoire de musique de Paris,
la série des flûtes inscrites sous les vocables sui-
vants :
N"* 871. Chirimia.
l'iacapitztli.
873. Huayllaca.
874. Chabbàbeh (flageolet persan).
876. Soulïarah (flùle droite arabe).
878. Sarala Bansi {flageolet indien).
879. Algoza (flageolet indien).
Siyou-Teki (flûte tiroilel.
Ivoma-Fouyi (flûte japonaise).
892. Siao (flûte chinoise).
893. Benu (flûte du pays d'Orissa, Inde).
896. Guesba ou gosba (fliUe arabe).
898. Djaouak (petite flûte arabe).
La flûte droite ou flûte à bec est très ancienne, et
cela se comprend, étant donnée la simplicité de sa
construction. Voyez notre paysan prendre son cou-
teau, couper une branche de bouleau, tailler un bout
en sifflet pour en former le bec, faire une entaille un
peu plus bas, fr-apper l'écorce avec le manche de son
couteau pour la détacher du bois, retirer ce bois, en
enlever' un copeau du sifflet à l'entaille, couper le
superflu, remettie son sifflet en place et percer dans
le tube d'écorce, au delà de l'entaille, quelques trous
ilestinés à être bouchés ou débouchés à volonté par
les doigts; la flûte est faite. Sans doute, la justesse
de la gamme faite sur cet instrument laissera fort à
désirer, mais ce que notre paysan fait aujourd'hui
ressemble fort au travail et à l'ingéniosité de l'homme
pr'imitif. Plus tarxl, des artistes se spécialisent dans
la construction de cet instrument, remplacent le
bouleau par du buis, de l'ébène, de l'ivoire, de l'ar-
gent même, régularisent les trous, les ajustent sur
un instrument type, et nous trouvons la flûte musi-
cale chez les Egyptiens, les Grecs, les Uomains.
De la flûte égyptienne, nous ne connaissons que
les reproductions sculpturales ou picturales des mo-
numents, et comme ces monuments sont très anciens,
la représentation des instruments n'a pas toute la
netteté désirable pour qu'on puisse bien se rendre
compte de ce qu'étaient au juste ces instruments. Au
surplus, les peintres elles sculpteurs modernes nous
représentent souvent des instruments sculptés ou
peints" de chic », qui n'ont aucun détail exact et
d'après lesquels il serait impossible de i-econstituer
TECHNIQUE, ESrilÈTIQVE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1425
les vérilaliles inslnimenls; coniinenl prétemlie alors
pouvoir reconstituer exactement les anciens instru-
menls d'après les moiuiments di' l'antiquité ? Nous
(f\^ pouvons, nous de-
^ " vous demander à
ces monuments des
idées générales des-
quelles nous tirons
telles déductions
qu'il nous plait,
mais vouloir préci-
ser davanlase c'est
dépasser les limites
de la saine raison.
Pour les flûtes
grecques, nous
FiG. 291. — Orchestre militaire
de l'ancienne Egypte.
avons les reproductions des sculpteurs, et quels
sculpteurs! Et nous avons en plus les te.\tes des
poètes, des historiens et des philosophes; c'est là un
appoint important, moins cependant que ne le
seraient les mémoires d'un luthier de ce temps,
mais nous n'avons pas ces mémoires et nous devons
nous'contenter des seuls textes qui nous ont été con-
servés.
D'après ces te.xtes, nous savons que les Grecs
employaient diverses sortes de lliites simples et
y- nt..'"^^;®-
>•■
~-^,'i
\-^ j^ ^■-.. /)
FiG. 292. — Phorbéïa servant à asaujellir les doux fliUes.
doubles suivant les circonstances; ils avaient les
flûtes doriennes, phrygiennes, etc., suivant le mode
du chant qu'il s'agissait A' accompagner , car il sem-
ble bien que, officiellement, à la ville, on ne faisait
pointde musique d'orchestre; nulle part, il n'en est
fait mention, et pourtant, on cite des marches d'ar-
FiG. 293. — Flijle
double sans phorbéïa.
Fm. 294. — Fli'ite double
avec phorbéïa.
mées, des combats dans lesquels la cadence et l'enthou-
siasme étaient communiqués par les tintes; il y avait
des flûtes spécialement réservées à la danse, aux
cortèges, aux funérailles, ce qui semble bien indiquer
ou impliquer que la llûte était également employée
comme instrument,solo ou de soli indépendamment
du chant humain.
Il y .ivait :
Des lliMes dro tes simples;
Des tintes doubles indépendantes;
Des flûtes doubles accouplées se jouanlavec ou sans
phorbéïa (lig. 293 et 294). ^
La phorbéïa était une
sorte de double lanière en i_. ^
cuir servant à mieux fixer " !| [
les deux becs de la flûte
double (flg. 294).
Quant aux détails spé-
ciaux de ces diverses flûtes,
nous en sommes réduits
aux suppositions, et là,
encore, je me permets d'é-
mettre un doute sur l'affir-
mation générale que les Grecs, qui .savaient tant de
choses en physique, en mathématiques et en accous-
tique, Ignoraient l'harmonie et ne se servaient que
de l'unisson. Quel pouvait être l'usage des flûtes
p a
doubles^ si ce n'était de faire entendre deux parties
Mais je m'aperçois que je sors de mon domaine
.. 1 instrument à vent ,., et que je touche à l'his^re
même de la musique. "'sioire
F.es flûtes romaines ne me demar^deront pas de
longs développements, car les textes latins ne sont
pas prolixes sur l'objet qui nous occupe, et quandj'aû-
90
1'426
ESr.YCLOPÈniE DE LA MUSIQUE ET DlCTIOSNAtRE DU COXSEIIVATOIRE
rai dit que les flûtes y sont connues sous le nom de
tibiœ, parce que, dil-on, les premières tlùtes étaient
percées dans des os de jambes de grues, j'aurai lait
connaitre tout ce que nous pouvons apprendre dans
cette nouvelle étape historique.
îl
FiG. 303.
FiG. 304. — Klùti> dioiti'
munie d'une clé.
De l'époque romaine, jusqu'à la Henaissance, nous
n'avons plus aucun document. Nous tiouvons alors
les flûtes à bec constituées en famille, el encore faut-
il attendre le xviooule xyh» siècle pour en reiiconirei-
la représentation iconographique.
Une seule remarque est à faire : dans la tlûle grave,
nous vo.yons apparaître la première clé protégée par
une sorte de grillage en bois souvent sculpté, poui'
petmeltre au petit doigt, trop couri, de fermer le
septième trou iflg. 304).
Et nous voici parvenu à la suprême perfection de
la flûte droite; on en a foit depuis de plus luxueuses,
et le musée instrumental du Conservatoire de Paris
en contient de fort jolies, mais, au point de vue musi-
cal, il n'\ a plus de progrès jusqu'à la fin du symi" siè-
cle, époque à laquelle elle a été définitivement sup-
plantée à l'orchestre par la llûte traversière.
Cependant, une variété qu'on pourrait appeler le
pardessus de llûte droite : le flageolet, a encore main-
tenu son existence dans certains orchestres de bal el
a reçu les perfectionnements modernes.
Le flageolet. — Le flageolet diffère de la flûte à bec
par le bei; méinc qui, au lieu d'être taillé en sil'llel,
en bec, comme sur toutes les autres flûtes droites, a
la disposition d'Un petit tuyau cylindrique pour le
passage du sou file el est légèrement aplati extérieu-
rement pour la commodité des lèvres.
Une autre ditférence consiste en ce que les six trous
de notes, au lieu d'être tous placés en dessus pour l'in-
dex, le majeur et l'annulaire de chaque main, comme
sur les flûtes, sont ici placés quatre en dessus pour
les index et les majeurs et deux en dessous pour les
pouces.
Cette particularité est cause que les flûtistes ne
sauraient jouer du flageolet qu'après une nouvelle
élude compléle de cet instiunienl, étude «ncore exi-
gée par ce fait que cet inslrument n'apprend en zit
bien qu'il soit en sol, c'est-à-dire que, an lieu de sui-
vre le doigté général des instruments à trous et de
nommer do les sept trous fermés, l'inslrumeiitiste
m
1
b
nomme cette note : sol, intonalion réelle de cette note
eu égard au diapason normal (Voir (ig. 311).
Les perfeclionnements des diverses clés et l'appli-
cation du système Boiîh.m sur le flageolet ayant suivi
de 1res près les perleclionnements successifs de la
flûte traversière, je renvoie à l'article suivant (Flt'de
traversière) l'énumération de ces progrès de facture.
L'étendue du flageolet moderne, système Boehm,
est celle-ci :
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 142"
► «^
■•'^'■1 ^^
avHi'. limJHJt Ifsnulyw. rlii-iniialmirPTr-
F.rfrl
Kxem|)le :!i.
et rend les notes comme un jeu d'orgue de qua(re
pieds, c'est-à-dire une octave plus haut qu'elles ne
sont écrites.
On n'écrit pas de partie de flageolet sur la partition
d'orchestre, et l'instrumentiste se sert de la partie de
petite flûte dont le flageolet n'est qu'un faihle rem-
plaçant qui disparait de plus en plus.
F. -A. Gevaert' parle du flageolet en sol, c'est-à-dire
Iranspositeur à la quinte de celui que j'indique. Or,
il s'agit du même instrument, mais appris avec le
doigté normal des instium>^nts en bois. Sans doute
au leuips de Gn ck et d(î Moza-ht, dont (Irvaert rap-
porte deux exemples, le flageolet s'apprenait ainsi, ce
qui me parait tout naturel, mais l'absence des par-
ties spéciales de flageolet dans toutes les orchestra-
tions pour lesquelles ces instruments étaient em-
ployés à défaut de flûte a contraint les instrumentistes
à changer leur mode de doigté afin de pouvoir lire
directement sur les parties de petite flûte écrites
sans liaii«poi;iiion. Toujours est-il (jne les tablatures
modernes, t'ramaises tout au moins, enseignent les
doigtés eu sons réels, comme je l'ai indiqué page 1428
(flg. 310).
Les meilleures méthodes citées pour cet instru-
ment sont celles de Bousqlet, Colh.nauo et Collinet,
qui, sauf erreur, renmntent à la première moitié du
xix° siècle. p.
Ici, la construction est le plus souvent faite d'un
bambou ou d'un fort roseau bouclié d'un bout et le
p , —
Flûte traversiére. — La. flûle trarersière ou oblique
se retrouve sur les monuments éf^ypticns, gi-ec-i et
romains, mais beaucoup plus laremenl que la flûte
droite, simple ou double, ce qui indique que son
usage était beaucoup moins général.
Nous la retrouvons également ilans les pays hors
d'Europe sous les noms les plus divers et à un de-
gré de construction toujours très primitif.
Le catalogue du Conservatoire les désigne ainsi :
N"* S80. Murali.
881. Grand Ty (Chine).
885. Fouyi.
Kouwan-Teki (Japon).
Kagoura-Fouyi (Japon).
891. Lava Ban3i (Inde).
l, K. tji:\AEfir. Traité d'instrumentation, p 136
long duquel on perce latéralement, d'abord, un trou
assez grand et dont le boid forme biseau; c'est la
bouche sur laquelle viendra se briser le souffle direct
de l'instrumentiste,
puis, du milieu de
l'instrument à l'autre
e.vlrémité, six tious
plus petits, ce senties
trous de notes.
Kemarquonstoutde
suite à ce propos que
la flûte traversiére n'a
reçu le septième trou
de note qu'au xix»
siècle et que , en
dehors de la flûte
BoEHM, le fait est tel-
lement exceptionnel,
qu'on désigne les ins-
truments qui en sont
pourvus sous le nom
spécial de flûte à patte
d'ut. Cette remarque
a une assez grande
importance au point
de vue de la tonalité Fig. 315.
des instruments, car
elle donne la raison de la confusion qui s'établit
souvent sur ces tonalités. La flûte n'ayant que'siï
trous ne peut donner comme première fondamen-
tale que le ré -fav
et beaucoup d'iusliumeu-
1428
ESCVCLOPËDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
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FiG. 316.
TECHNIQUE, ESTIIÉT/nCE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 14^9
listes la dénomment pour cette raison : lliMe en ré,
bien qu'elle soit réellement pn ut. De même, pour la
flûle constriiite une tierce mineure au-dessus, qui
est souvent dile en fa, alors qu'elle est réellement
en mis
Au contraire, lesfhUes qualifiées en )-él^ sont tou-
jours réellement dans celle tonalité.
I.a Ih'lle traversière, qui devait devenir au xix'' siè-
cle la UiHe tout court, après s'être substituée à toules
les autres llùtes, eut une existence tort modeste jus-
qu'au xviii" siècle. Kn elTet, aucun perfectionnement
n'est à noter, nulle clé n'est venue faciliter le doigté
des notes accidentées; nous ne voyons que bien rare-
ment cette flûte dans l'orcliestre ou dans un milieu
musical quelconque; ilaus sa réduction d'oclave ou
petite tlûte, nous l.i vnvons accompagner les tambours
dans les régiments sous le nom de Mire ou de listule
militaire à partir du xv siècle, emploi qu'elle con-
serve encore de nos jours en Allem igne. Ce nom de
fifre lui a été conservé lorsque la pelite tlûte n'a pas
de clés ou qu'elle n'en a qu'une seule ; aussitôt qu'elle
a plus d'une cb', on dit ; petite fliHe ou encore piccolo.
Peu h peu cependant, la grande tlùte fait son che-
min el nous la voyons, au xvin' siècle, introduite au
salon et appelée à faiie sa partie dans la musique de
chambre.
Fia. 317. — Flùlo U■ayer:^ii;re, il'après une peinture
du xviiie siècle.
A partir de ce moment, ses progrés et l'extension
de sou emploi ne s'arrèleronl plus que lorsqu'elle
sera devenue un instrument parfait (jue nulle dil'li-
culté n'embarrasse et lorsque, seule tlûte désormais
reconnue dans tous les orchestres, elle aura repoussé
toutes ses rivales dans les bazars au seul rayon des
jouets il'enfauls.
La Uûte traversière n'avail encore aucune clé à la
fin du xvn" siècle; dès le début du xyu!', on Irouve
une clé, mais, contrairement à ce qui s'est fait pour
la flûte dioite, ce n'est pas ce que nous avons appelé
jusqu'ici le septième trou de note donnant la fonda-
mentale do; non, la tlûte traversière ne descend tou-
jours qu'au ré, et cette clé, la première que nous
voyons créer pour cet usage, est destinée à faire
sortir' le rétf ou mi [i, que l'on ne pouvait obtenir aisé-
ment par aucun des moyens factices qui servaient
pour les autres notes.
Ces moyens factices consislaient à aliaisser le ma-
jeur au lieu de l'index (main droite) pour obtenir le
fa'i-sol[<, nu bien encore à ne boucher par un replie-
ment du doigt que la moitié du quatrième trou pour
les instruments donnant \nfai, au quatrième trou
fermé ; à ajouter l'annulaire à l'index (les deux doigts
formant fourche) pour les instruments donnant le
/'a; au quatrième trou fermé; à ne boucher que la
moitié du troisième trou pour obtenir le sois ou la ;>;
à ajouter l'annulaire à l'index (fourche de la main
gauche) pour obtenir le tejf ou si b; àabaissei'le ma-
jeur (main gauche) seul ou ac.:ompagné des tr'ois
doigts de la main droite pour oblenii- le rfob.
Après celte première clé de »ij[., clé unique qu'on
retrouve encore dans le fifre moderne, on en ajouta
rrue seconde pour faii'e le fui, la llûte étant généra-
lement consliriite alors pour donner le /'a; avec le
quatrième truu fermé; celte clé se prenait avec l'an-
nulaire (main droite) et découvrait un trou intermé-
diaire entre les cinquième el sixième ti-ous de note.
Il y a lieu de bien remarquer ici la dilTérence capi-
tale entr'e ces clés destinées aux notes accidentées qui
bouchent des ti'ous ordinair'ement fermés et ouverts
seulemeni par la pression du doigt sur la clé, d'avec
les clés destinées aux trous de notes qui laissent le
trou ordinair'etnenl ouvert et n'agissent que sous la
pression du doigt pour les fermer.
Cette clé de /'ai] supprimait la fourche et rendait
le doigté plus facile.
On essaya alors de doubler celte cléde/W; par une
autre clé de fa:^ également, mais qui se prenait avec
le petit doigt de la main gauche; cet essai fut aban-
donné, puis repris plus tard, sans jamais être géné-
ralisé et sans Jamais donner de résultats bien appré-
ciables.
Vers 1"30, les facteurs d'instruments de bois cher-
chaient à compléter la famille des flûtes traversiéres
en lui donnant irne basse pour tenter de supplanter
les flùles droites graves, et l'on trouve à partir de
cette époque des essais di; flûtes traversiéres basses
avec phrsieirrs clés ouvertes destinées airx Ir'ous de
notes trop écartés pour être bouchés directement par
les doigts.
Le musée du Conservatoir'e possède aiirsi une basse
de flûle traversière, construite vers 1800, qui n'a pas
moins de quin/.e clés, mais qui ne fut pas plus adop-
tée par les artistes que les précédentes; ces essais
furent encore renouvelés depuis, et chaque grande
exposition en a toujours montré quelques échantil-
lons restés, hélas! toujours ce que Ton appelle des
pièces (l'expositiou.
Vers 1800, la flûte a acquis quatre clés; aux clés
de mi'-' el de fa: que nous connaissons, les facteurs
ont ajouté une clé pour faire le si I' et supprimer la
foirrche de gauche et une clé de so/?-/(ih pour sup-
pr'imer la gymnastique digilale, si je puis m'expri-
merai usi, qui consistait à boucher seulement la moi-
tié du Iroisième trou.
encore un elt'ort, et l'on ajoute une cinquième clé
pour faire le doii du troisième interligne, el la tlûte à
cinq clés quasi classique est créée. (Voir flg. '.US, la
première à gauche et la petite flûte tout à di'oite.)
luette flûte n'était pas parfaite, mais, telle quelle,
elle a suffi à de grands artistes pour exécuter des
œuvres de haute virtuosité.
La llûle traversière a dès lors conquis sa place
parlout el il n'est plus nécessaire de désigner de
iprelle flûte on veut parler ; il ne reste plus que la dé _
terminalion de la taille ou delà tonalité; à l'orches-
tre, il n'y a que la grande ou la petite flûte; toutes
deux sont en ut; dans les musiques militaires ou
d'harmonie, ce qui est tout un, on se sert de la grande
llûte en ut, quelquefois en re'li, de la flûle tirce en
?7ii[i et de la petite flûte toujours en )'^[i. Je donne,
bien entendu, les appellations de tonalité vraies.
Cependant, étant donné le rôle de cet instrument
qui était devenu tout à fait prépondérant à l'or-
cheslre, on cheichail encore des perfecliorinements
1430
ËNCYCLOPÉniE l>E LA Ml S/QUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
nouveaux et, dès 1806, on voyuil des llûtes à sepl
clés, diles à patte d'ut ; celte palle d'M( n'était aulre
qu'un allongement de l'instrument permettant de
faire entendre les fondamentales ré'o-doS-dos, an
moyen de deux clés oiufi-tcii sous la dépendance du
petit doigt de la main droite; c'était, en somme, le
septième trou de note de la tlùte droite retrouvé, plus
un trou intermédiaire pour la note accidentée. Ce
système de la patte d\U, si avantageux, ne devint
pourtant pas général, et la llùte à cinq clés resta la
plus répandue.
En 1820, Laurent, qui paraîtêtre l'inventeur delà
llùte à patte d'ut parue précédemment, ajonla une
hntième clé ; c'était un nouvel essai de la double clé
de fa que j'ai déjà sif,'nalé.
Kn 1831, le flûtiste bavarois Théobald Roeiim, pm-
fitanl des travaux et expériences du célèbre arliste
anglais Gh. Nicholso.n et des reclierches i/l aniélui-
rations apportées à la llrtle par un amateur distingue.
Gordon, ancien capitaine de la garde suisse de
Cliailes X, entreprit de construire la llùle sur des
bases rationnelles en modifiant la pei'ce, en élargis- '
sant les trous et en les recouvrant d'anneaux mobiles
qui permettent, par un système de correspondance,
de faire ouvrir ou fermer plusieurs trous avec un se I
doigt. Sur cette tlùte, connue sons le nom de llùle
RoKHM, le système de la patte d'ut devint normal ;
j'entends, sur la grande tlùte, car la petite est restée
avec la fondamentale ré comme note la plus grave.
Le flûtiste français N'ictor Coche fut le propagan-
diste de la llùte Iîoeum e[i France ; tàclie aride, car
beaucoup de nos artistes français, en tête desquels
était le célèbre virtuose
TuLou, professeur au Con-
servatoire de musique de
Paris, ne voulaient d'au-
cune façon entendre par-
ler de la nouvelle flûte.
Bi'FFET, fondateur de
la maison Evette et
SoiiAEFFER actuelle, per-
a 4 c d e f ij
Fis. 318. — Petites Qi'Ues et nageolels.
a, gr.iiidc IllUe il ciot) cléi'; b, grande flûte i tiuit ctés ; c, grande llùle
Boelini en bois; <2. (rrande (liUe Boftim en métat; e. petite tlùleBoclim
en melat; f, petite fiiUe Boelini en bois; 7, petite ilùle i cinqcti^s.
fectionna encore la Ilûte Boehm et acheva d'en faire
l'instrument apte à vaincre totites les diflicultés de
tonalité ou de virtuosité que l'on peut rencontrer
dans la musique moderne.
Avec l'ancien système de flûte à a clés, on avait
essayé déjii do substituer l'ivoire, le cristal et diverses
autres substances au bois potir le corps même de
l'instrument ; depuis l'adoption de la tlùte système
lioEiiM, tous les arlistes ontabandonné la Ilûte en bois
pour la llùte en métal argenté, melchior on argent.
La llùte lîoEHsi a l'étendue suivante : ^
i
aupi-, liiiislri^ i]Hiiii-liiiii.i f.1ii-iiiiiHlii[ii«s
XT~
Exemple 35.
J'ai ilit que la flûte Boehm, perfectionnée par BiF-
FET, était nii instrument parTait permettant de sur-
monter toutes les difficultés de la musique. Les mer-
veilleux mécaniciens que sont nos facteurs modernes
ont fait mieux encore, ils construisent des instru-
ments dont le mécanisme permet de se jouer de ces
diflicultés ; mais, comme cette remarque s'applique
à tous les instruments modernes ù trous, je vais en
donner une explication générale que je n'aurai qu'à
rappeler pour la conclusion des articles concernant
les bautbois, les bassons, les clarinettes, les saxo-
pbones et les sarrusophones, qui tous ont reçu et
reçoivent encore chaque jour de semblables perfec-
tionnements.
J'ai indiqué plus haut l'essai en 1820 d'une double
clé de fa sur la ilûte par le l'acteur Laurem pour
permettre d'obtenir la même note, soit par la main
droite, soit par la main gauche ; un peu plus tard,
un facteur, Frédéric Tkièheiit, je crois, appliqua le
même principe sur le hautbois, mais d'une autre
façon ; sous le nom de clé de mil' à ilonblé ePl'et, il
itnagina un mécanisme qui permettait d'agir à vo-
lonté sur cette clé unique, soit par le petit doigt de
la main droite, soit par le petit doigt île la main
gauche, ce qui rend aisés quantité de passages qui
étaient fort difficiles autrefois. Ce terme de lU à
double effet n'est pas juste, car l'effet (l'ouverture de
la clé) est simple; ce qui est double, c'est la façon de le
pioduire; mais si le terme n'est pasexact, le résultat
est excellent et c'est là l'essentiel; aussi, fut-il trans-
porté du hautbois sur la clarinette à anneaux mo-
liiles, dite système IHoehm, par KL05Êet Iîlffet, pour
les clés ouvertes de fa>doS, de fai-doi, et de iniz-s'ii,
puis, plus récemment, pour la clé l'ermée /ap-/)U|i. En
1863, Frédéric Triébert construisit pour son frère
Charles, alors professeur au Conservatoire de Paris,
un hautbois aujourd'hui au musée de cet établisse-
ment sous le n° 484, qui réunissait lous les perfec-
tionnements désirables en utilisant dans la limite du
possible le principe de lioEii.vi : faire ouvrir ou fermer
plusieurs trous av«c un seul doigt et le sien propre :
faire ouvrir ou fermer un seul trou (clé) à vo'onté
par l'un ou l'autre doigt.
Ce hautbois était si bien conçu qu'il est devenu ce
qu'on appelle aujourd'hui le hautbois systi'ine du
Conservatoire, et le seul système que jouent aujour-
d'imi tous les artistes.
Uu hautbois de Thiébert, les clés à double effet ont
été transpoitées sur les saxophones, les clarinettes,
les tlûles, les liassons, et le seront sur les sarruso-
phones le jour où ces instruments plus connus,
mieux appréciés, deviendront d'un usage plus gé-
néral.
Je me suis peut-être un peu attardé sur l'exten-
sion du système des clés diles à double elfel, mais
cotiime il serait impossible de suivre les perfection-
TECHMQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT vai
nemeiits, les inventions que chaqw facteur s'attrihiie
sur son catalof-'ue pour chacun des instruments sor-
tant de son atelier on de sa mannfactnre, il n'était
sans doute pas inutile d'en examiner une fois pour
toute la liiiation.
Les uiélliodes les plus réputées pour les Uùtes
sont celles de :
Dkvienne, revue par Ph. G.vubert.
Walkiehs.
TULOU.
DORUS.
H. Altès.
On cite parmi les facteurs qui ont le plus contri-
bué aux améliorations diverses de la lUUe depuis la
secoude moitié du xvui» siècle :
Thomas Lot.
Guillaume Lot, fils du précédent.
Deh'sse.
Leclek.
IIaktin'.
Lairent.
Clair (joDFROY aine.
TOURNIIÎR.
Jacques Monon, longtemps associé à
TuLou, l'habile virtuose.
Adler pèbe.
Louis Lot.
BuFKbT.
Barbier.
Barat.
Je m'abstiens de citer aucun nom de facteur
vivant; ces facteurs, les artistes les connaissent et les
apprécient pour leur grande habileté et leur con-
science absolue, mais je craindrais de faire des omis-
sions involontaires et injuslifiées ou bien d'être accusé
de vouloir faire de la réclame pour quelques-uns au
détriment de beaucoup d'autres, ce dont je veux me
garder. D'ailleurs, un excellent facteur me disait il
y a déjà une dizaine d'années : " La lli"ite est un ins-
trument que tous les facteurs font bien. >>
Hautbois.
Le hautbois, qui ne commence t-'uere à' porter le
nom sous lequel nous le connaissons qu'au xv» siècle.
iM i
sinon plus tard encore, est un instrument 1res an-
cien si nous le considérons comme caractérisé par
un tuyau coni((ue dans lequel le son est produit par
une anche double.
Cette anche double peut n'être, tout d'abord, qu'un
simple fragment de tige de blé ou de graminée quel-
conque, aplatie et fixée
sur une tige de roseau ou
de bambou, ou bien en-
core sur une bande d'écorce de bouleau ou autre qui
aura été enroulée en spirale pour former le corps de
l'inslrument.
Ces instruments primitifs, ancêtres de nos haut-
bois, bassons et sarrusopliones, sont généralement
désignés sous ^le nom générique de chalumeaux.
Toutefois, il faut bien se garder, en lisant les histo-
E
FjG. 319. -» Anche primitive.
V,3i ENOCLOPEUIE DE LA MISKJUE ET DICTIO.WAJRE PC COSSERVATOIRE
riens et surtout les poètes, d'accorder une confiance
trop absolue au ternie employé, pour conclure de la
nature de l'instrument, car flûte, pipeau (qui n'est à
proprement parler qu'un siftlet omcrt trempé dans
un verre d'eau pour imiter le chant de certains
FiG. 327
Waddu
Fui. 32S. — Kné.
(Hautbois.)
oiseaux) et chalumeau se confondent souvent sous
leur plume, et tel monument qui nous représente
des Grecs peut figurer des instruments à anche; ou
des Egyptiens soufflant dans des instruments, telle
cohorte qui nous est décrite comme accomplissant
des prouesses sous l'exaltation de l'enthousiasme pio-
duit par les musiciens et célébrant la puissance émo-
tive des fiùtes, peut très bien n'agir que sous l'in-
fluence d'instruments à anche, de chalumeaux ; de
même que beaucoup de bergers chantés pour avoir
fait danser leurs bergères aux doux sons du chalu-
meau peuvent très bien n'avoir employé que des
flûtes pour leurs doux badinages.
Fiu. 330.
Ancien hautbois
chinois.
Fio. 331. — Haulbois
kabvle.
Quoi qu'il en soit, le chalumeau est un instrument
très primitif, donc très ancien, que nous retrouvons
dans les musées et collections venant des pays
extra-européens sous les noms les plus divers.
Au Conservatoire de muMque de Paris, nous pos-
sédons b'S instruments suivants :
NOS 901. ZummarahKIiamsaouia (chalumeau double égyptien).
Arghoul (chalumeau double arabi).
903. Heàng-Teih (huutbois cochinchinois.
90j. Zamr (chalumeau arabe).
Zourna ou Zouruay (Perse).
90(5. Kalama (Inde).
907. Slianaye ou Sanaï.
908. Shanaye ou Sanaï double (Perse et Inde).
Sharana.
Dans la se.'tion europi^enne, nous trouvons égale-
ment quelques noms étranges :
458. Piffero pastorale (Italie) .
462. Ragisk (Russie).
463. Dulzaina (Espagne).
Mais tout cela n'est que noms et n'a de valeur
que pour la curiosité. Au point de vue purement
musical, rien n'existe avant le moyen :\ge, où nous
retrouvons le chalumeau évolué en plusieurs types
et surtout sons différent^ noms qui constituent di-
verses familles, car, nous l'avons déjà vu pour les
flûtes, les musiciens ou les fabricants d'instruments
d'alors s'elforçaient toujours, dès qu'un type d'instru-
ment élait trouvé ou créé, d'en construire de diffé-
rents modèles pour en constituer une famille; con-
ception qui s'accordait bien mal avec les moyens
d'exécution de ce temps où, n'ayant aucune clé pour
suppléer au manque de longueur des
doigts pour les instruments graves, on
n'arrivait jamais, malgré l'obliquité du
percement des trous, à produire des ins-
truments d'une justesse convenable; c'est
d'ailleurs ce manque de justesse qui con-
duisit à l'invention des clés ouvertes, les-
quelles conduisirent elles-mêmes aux clés
fermées etauxmerveillesde mécanisme de
nos instruments modernes, mais on leste
néanmoins ét.jnné qu'il ait fallu atlendre
le xvi" siècle pour voir apparaître la pre-
mière clé, et le xix« pour que ce système
de clés prit enfin tout l'essor qu'il com-
portait.
Au moyen âge, nous trou-
vons :
La famille des chalmeys
ou chalemelles (altération
sans doute du nom chalu-
meau plus ancien).
La famille des poramers.
La familledescromornes.
La famille des tourne-
bouts.
La famille des bassons.
La famille des doucines.
La famille des bombar-
des.
Le cervelas.
Le raekett.
l'iiur ma part, je suis
tenté de croire que les fa-
milles réelles étaient moins
nombreuses et que les clia-
lemelles et les pommers fig. 332.
n'étaient qu'une seule fa-
mille sous deux noms difTéreuts; que les cronior-
ncs et les tournebouts n'étaient encore qu'une seule
famille, si elle ne se rattachait pas même, avec une
légère altération de forme, îi la famille des pommers.
Fio. 333.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1433
Le cervelas et le raeketl me paraissent n'être
également qu'un instrument unique.
Quant aux doucines ou aux bombardes, j'ai eu
•l'occasion d'entendre à Perpignan, dans un concours
de sociétés musicales populaires, toute une famille
9
^
\J^
\J'
FiG. 334.
Cromornos. (Gatalosue musée Bru-Kelle?
Mahillon. p. 17.)
de hautbois primilifs, aux sons âpres et vipoureux,
qui, sous le nom de jonglars, nie paraissent rappeler
ce que pouvaient être les instruments dont nous
nous occupons.
Quoi qu'il en soit, dés le seizième siècle, la synthèse
de tous ces instruments issus du chalumeau à anche
double s'opère en deux familles : celle des hautbois,
dont nous allons nous occuper maintenant, et celle
des bassons que nous verrons aussitôt après.
La famille des hautbois, comme celle des pom-
mers ou des bombardes d'alors, ou comme celle des
jonglars qu'on peut eacor^' entendre Je nos jours
dans les Pyrénées, parait avoir été composée, dès sa
constitution, de quatre ou cinq individus s'étageant
en quarte ou en quinte dans l'échelle générale des
ïons :
•• •• . •■ •'
^•<'
<> C
Y*<?
e
FiG. 338.
FiG. 339.
FiG. 3iO.
1° Le dessus de hautbois qui remplace le petit
chalmey et qu'on surnomme musette en fa.
(Il faut bien se garder de confondre cetto petite
musette avec la vraie musette, qui est une cornemuse
à outre et à souftlet remplaçant le souffle humain.)
2° Le hautbois proprement dit, qui remplace le
discant chalmey, en ut.
3" Le haute-contre de hautbois, remplaçant le
pommer alto et que nous retrouverons bientôt sous
le nom de cor anglais; en fa.
1434
Eycrr.LOPÉDlE DE LA MUSIQUE ET DICTfO.VXAIRE DU CO.\SERVATi)IRE
4" La basse de hautbois, leniplaçanL le pommer
ténor ou basset et le lournebout: en ut à l'octave
grave du hautbois; reconstitué de nos jours sous le
nom de hautbois baryton.
o» La contrebasse de hautbois, rem-
plaçant le grand pommer ou double
quinte ; en fa.
6° II y avait enfin le hautbois d'a-
mour en la, intermédiaire entre le
hautbois et le haute-contre de haut-
bois, mais qui ne parait avoir été
employé que pour des solos dans des
cas exceptionnels.
L'application des clés sur le haut-
bois a suivi une progression très lente
et à peu près semblable à celle des
flûtes droites, mais avec un sort final
infiniment plus heureux, puisqu'il est
devenu, avec la tlûte et la clarinette.
l'une des voix les plus importantes de
l'orchestre.
On trouve des hautbois de la fin du
xvi= siècle porteurs d'une clé.
On en trouve avec 2 clés, à partir de
17.30; avec 3 clés, à partir de 1730;
avec 4 clés, à partir de 1751.
Pour obtenir plus sûrement le fai(sol^ et le
Fio.341. — Rac-
kett, sorte île
basson, xvi" et
XVII" siècles.
'^
•Q ^
Fui. 312. — Baissons .Tiijiis et graves des xvi' et xviii'^ siècles.
solïf-la[: avec le demi-trou, on avait imaginé de
remplacer le troisième elle quatrième trous de note
d'une grandeur nortnale par deux petits trous par.il-
lèles dont il était pnssilile de ne boucher tju'un seul
en retirant léj.'èi'pnietil le doigt en arrière ; ce sys-
FiG. 313. — Haultiois et liomliariles aigus et graves
des XVI" et wiii" siècle», d'après Lavoix.
tème, pourtant bien primitif, .s'est maintenu jusqu'au
milieu du xix= siècle, et il est encore lacileden trou-
ver des échantillons à la devanture des revendeurs
d'instruments d'occasion.
Parmi les habiles fadeurs des xviii" et .mx« siècles
que j'ai cités page 14:11, etqui, presque tous, ont Ira-
1
vaille à perfectionner le hautbois, il faut distinguer
surtout Dell'sse, NoiNon et Buffet. Ce dernier a, le
premier, en 1843, appliqué le système d'anneaux
mobiles connu sous le nom de système
BoEHM, sur le hautbois, essai qui n'a jamais
donné des résultats tout à fait satisfaisants.
Il appartenait à Frédéric Triébert de por-
ter le mécanisme du hautbois à la perfec-
tion, en consacrant le labeur de toute sa vie
à la poursuite de ce but'.
De la famille des hautbois que j'ai dénom-
brée liages 1433 et 1434, il ne reste vraiment
que le hautbois proprement dit et le haute-
contre de hautbois, connu sous le nom de
cor anglais''.
La musette, qui a reçu quelques clés,
n'est employée nulle part dans l'orchestre
et est de même délaissée dans les musiques
de l'armée où, après avoir été employée à
une certaine époque, dans quelques mor-
ceaux originaux et toujours à titre excep-
tionnel, elle a fini par être complètement
abandonnée.
11 y a bien eu des tentatives de construc-
tion de hautbois d'amour (hautbois en la,
intermédiaire entre le hautbois et le cor anglais) et
Km. m. — Hautbois et cors anglaii.
1. Revoir article Flùt'' ilo la page 1430.
i.ï.e nom de car vient i^ans doute de la forme courbe qu'on donnaîb
autrefois ii cet instrument. Quant au quatilicatir antflais, qu'il porte
en f-'rance, il n'a sans doute pus plus de raison que le qu.ililieatlf:
français {frencli) qu'il pnitc, dit-on, en Angleterre.
TECnSIQi'E, ESTHÉTIQUE ET l'EliACQi.lE
DES INSTRUMENTS A VENT 1435
de hautbois liaryton bu ul à l'octave grave du.liaut-
hois, mais ni lut) ni l'autre n'ont, jusqu'à ce .|Oiir,
pr'uélré à l'orclieslre et tous deux sont restés instru-
nieiUs d'amateur ou pièces d'exposition.
Le liaiilbois avait gagné depuis longtemps, par l'al-
longement du pavillon, un liuitiéme trou de note lu'
donnant la fondamentale si ''i, grave, le hautbois mo-
derne s'est encore allongé d'un nouveau demi-ton
et sa gamme chromatique commence au si b.
Son étendue est donc :
ti^RlpKTHll.HSi'IlIVIIlial.iniTTTO-
Esemple 3G.
Les méthodes les plus réputées sont celles de:
Brod, revue par E. Gillet ;
Sellneb.
Barret.
Basson.
L'invention du basson, très connu aussi sous le
nom italien de faijotto, sans doute à cause de sa| forme
primitive surtout, qui le faisait ressembler à un fagot,
l'invention dubasson, dis-je, fut longtemps attribuée
au moine Afranio de Pavie avec la date de 1339.
Mais il est à peu près établi de nos jours, que le
basson était connu et répandu en Italie antérieure-
ment à Afranio et dès le xv= siècle.
Je ne reviendrai pas sur ses antécédents; comme
le liaulbois, le basson nous vient du chalumeau et il
fut constitué en famille de toutes tailles et de toutes
tonalités.
A l'inverse du hautbois {|ui s'affinait vers l'aign,
le basson a peu à peu perdu ses éléments aigus et
perfectionné ses éléments graves. Les progrès du
basson ont sensiblement suivi ceux du hautbois, et
ces deux instruments ont reconstitué en somme une
famille unique composée du hautbois, en ut, du cor
anglais en fa, du basson en ut et du contrebasson
en fa ou en ul.
A la vérité, le cor anglais n'est guère employé qu'en
solo, et l'emploi du contrebasson ut ou fa est fort
rare, mais le hautbois et le basson ont une étendue
telle qu'ils se joignent et se complètent l'ort bien l'un
l'autre.
L'ne particularité de la construction du basson
est que l'adionction des clés n'a pu faire dispa-
raître l'obliipiité des premiers et troisièmes trous de
notes de chaque main. Cette particularité a été le
principal obstacle à l'adoption du système d'anneaux
mobiles tentée par Buff.t. Il parait que cette obli-
quité primitive des trous est cause efficiente du tim-
bre particulier du basson, timbre qui s'atteiuie très
sensiblement lorsque les trous percés a^leur place
Fis. 316. — Basseuisle
au svui^'siécle.
normale soiit perpendiculaires au corps de l'instru-
ment.
Pour cette raison sans doute encore, les divers
essais de construc-
tion métallique de
cet instrument
n'ont pas donné les
résultats attendus.
.Néanmoins, la mai-
son A. Leconte et
G'* avait réussi, vers
1880, un modèle de
basson en cuivre
qui semblait devoir
répondre h toutes
les exigences des
artistes; la dispari-
tion de cette mai-
son a, encore une
fois, maintenu le
bois comme seule
matière entrant
dans la constitu-
tion du basson.
Pour le contre-
basson en ut (octave grave du bassoni, le mêlai a pu
rtre employé. Peut-être, est-on'moins exigeant sur la
qualité du timbre pour cet
instrument extra-grave.
Les divers perfectionne-
ments du basson moderne
sont dus à :
Savary.
Frédéric Triébert.
Buffet et ses successeurs :
Buffet-Crampon;
CouMAs et G'" avec le con-
cours de :
Jancourt, professeur au Gon-
servaloire de Paris.
Evette et Scuaeffert avec
la collaboration de MM.
L. Lktellier, artiste de la
plus grande valeur;
Ë. Bourdeau, professeur au
Conservatoire de Paris.
La suite ininterrompue des
elforts et des recherches de
cette succession de facteurs
habiles et d'artistes toujours
désireux d'un instrument plus
(larfait est parvenue à faire
du basson et du contrebasson
ini bois deux instruments (\u\
ne le cèdent en rien, soit pour
la qualité des sons, soit pour la perfection du méca-
nisme, à leur soprano, le hautbois,
L'étendue co-isidérable^du basson est de Irois octa-
ves et Ufie qninie :
Kio. an. — Bassons.
m
ï¥uïïM<illl<ii:«I.K«llll>U;aMIIKI1ll»:l>IJIl[jK
~im-
^^
*
I':.\ein|ile 37.
1436
Esr.yr.LOPEniE de la musiqie et dictjo.wajre du coxsEHVATninE
Les métliodos les plus connues sont celles de :
Ozi.
E. Jancocrt.
E. BOLBOEAU.
Fis. 3SS. — Bassons
t'Isirinelte.
Nous .ivons vu les chalumeaux à anche douhie el
à tuhe conique, et il nous resle à voir les chalumeaux
à anche battante et à tube cylindrique.
Ces derniers sont donc caractérisés par un tube
ou tuyau assez semblable à celui d'une flùle droite,
mais dont le biseau et son ouverture
n'existent pas et dont surtout le bec a été
raodiliépour recevoir une anche battante,
c'esl-àdire, légèrement plus large que
Touveiture sur laquelle elle est posée, et
qui vient baltre les bords du bec, provo-
quant la viliralion de la colonne d'air de
riiistriimenl et déterminant le son.
Commeiii ce disposiiif relativement
compliqué di; Tanche ballante est- il né'.'
Nul ne le sait.
Cependant, il n'est pas impossible d'en
imaginer une tilialion probable, et cela
nous donnera l'occasion de compléter
notre étude des tubes cylindriques (tibia,
tibicines romaines).
^Anch' ' " llelournous à notre paysan ingénieux
baUiinle de la page 1424 '.lia coupé sa brandie de
primilivL'. buuleau et préparé sa tlrtle, mais au mo-
ment de terminer son œuvre, il s'aperçoit
qu'il a taillé un trou de tiop. Bast! il couvre ce trou
malencontreux d'une pelure d'oigno-i et il invente à
nouveau ou reconstitue la lliilc eunuque dont quel-
ques historiens nous parlent avec complaisance sans
nous dire à quoi elle a jamais servi.
IS
^
1. Ji- n'iii*(.*ii[i' (las re piysan, je l'ai cuiitiu et vu àl'uîuvre.
Dans un autre essai, notre paysan est airêté par
un accident survenu au bois qu'il doit remettre dans
lécorce ; il jette son bois, coupe transversalement
abc d
FiG. 350. — Becs de claiiiietles.
a, 6, bi'cs nus : c, b>?c a>ec aiicho; d, bec gpi^ciai potir l'afcord,
son écorce un peu au-dessus de l'entaille du biseau,
rend l'autre bout semblable et reco ivre les deux
bouts d'une pelure d'oignon, et il a un mirliton dont
unjoyeu.K industriel du nom de Bigot fera le bigot-
phonc pour la plus grande joie djs cortèges de car-
naval.
Mais il se peut aussi qu'ayant délaissé le bouleau
pour le roseau dans la construction de sa fliMe, et
ayant pincé un bouchon de bois pour l'oriner le bec.
9,
=1
r-m
u
Fio. 351. Fiii. 352. FiG. 353. Km. 354.
Instruments primUifs à anche b.illaïUe.
Un coup de couteau maladroit soit venu fendre en
long le bout de son roseau formant bec^et que, souf-
llant par curiosité dans son instrument avarié, il soit
surpris d'entendre un son d'une nature particulière
et surtout d'une gravité qui le charme, et voici le
chalumeau à anche battante trouvé; Il ne restera
plus qu'à perfectionner l'anche, à la rendre indépen-
dante du tube lui-même et à chercher un moyen
d'allache, de lîxation de l'anche sur le bec; ceci est
peu de chose pour l'homnie industrieux.
TEClIMntJH, ESTIIÉTIQLE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT U37
J'ai dit: une gravité (iiii |i; cliaime, c'est qu'en effet
ce chalumeau donne îles sons d'une octave plus
grave que ceux donnés p.ir uni' tlAte nu un clialumeau
conique de in^nie longueur, et celte qualité devait
être très appréciée, alors iiue, n'ayant pas de clés, il
était si (iiflicile de jouer, avec le moindre semblant
de justesse, les basses de llùte, de hautbois, de poin-
mers, etc., h cause de l'écarlement des trous.
^àit^'fmM'
FiG. 355.
Malheureusement, ce genre de chalumeau ne
peut octavier, j'en ai donné la raison pages 1402 et
1410, il quintoye (c'est l'expression employée pour
exprimer que le redoublement des sons se fait à la
douzième ou quinte redoublée); sa gamme est donc
limitée ainsi eu employant les sept trous de notes
classiques
^
-rs-
isn
Exemple 3S.
et, si l'on dispose du petit trou d'oc?ai'e qui, dans
l'espèce, est un trou de douzième, les deux gammes
sortent dans celte disposition :
m
TE^
SX!
é
Txr^
Exemple 39.
Ces deux gammes ne se joignent pas, il leur man-
que pour cela les notes suivantes :
*
inz
Exemple iO.
et de plus elles ne sont pas dans la même tonalité,
puisque la première donne le fai avec le doigté
normal, tandis que ce même doigté normal donne le
fait dans la gamme à la douzième; mais ce trou de
douzième n'a même pas dû être percé avant la fin
du xvu« siècle, car personne n'en parle et on ne voit
figurer ce chalumeau dans aucun orchestre, à moins
qu'il ne se confonde avec le tourneboul qui semble
avoir été employé seulement comme basse et dont
la forme parait être cylindrique.
Quoi qu'il en soil, le clialuineaii cylindrique en
élail encore réduit à ces simples ressources quand
Jean-Christophe DEiN.NKR (né à Leipzig en 1655, mort
à .Niirembeig en 1707) entreprit de perfectionner le
chalumeau.
Comme je l'ai déjà expliqué pages 1414 et l'tl.ï,
il perça un trou de note sous le pouce gauche, ce trou
lui donna le ré. puis, cherchant encore et n'ayant
plus de doigl libre pour boucher de nouveaux Irons,
il pena néanmoins les deux trous qui lui étaient
indispensables pour obtenir le mi el le l'a qui devaient
joindre ses deux gamines, et il imagina de faire bou-
cher le premier, celui du >rii, par une clé fei mée dont
la spatule venait à portée de la deuxième phalange
de l'inilex gauche, toujours libre pour cette note; puis,
remarquant que son trou de fa se trouvait sensible-
ment à la même hauteur que le trou de douzième qui
lui était nécessaire, il les confondit en un seul et les
deux gammes furent reliées ainsi :
_ûJ
^
XEl
3E±f
Exemple 41.
Denner présenta son chalumeau perfectionné vers
1690 et on lui donna le nom de clarinette, de claiino
(petite trompette), aux sons de laquelle on trouvait
que ressemblaient les sons du nouveau registre ou
gamme supérieure. On dit encore de nos jours,
« sons du chalumeau » pour sons de registre grave de
la première gamme, et « sons du clairon » pour les
sons de la gamme de douzième.
Les exemples 38, 30, 40 et 41 que j'ai donnés doi-
vent paraître étranges aux clarinettistes. C'est qu'ils
ont l'habitude de placer les noms de notes sur leurs
doigtés comme si leur clarinette était pour la pre-
mière gamme en fa et apprise en ut comme le bas-
son (revoir page 1417).
Je redonne ici pour eux, les exemples transposés
suivant le système moderne :
^ k
Exemple 42.
» O "
e-tjQ'
^ôô^--
Exemple 43.
*
~o~
9^-
Exemple i4.
3Q^
^o«-
I70
^©^cr
:ëPŒ
^Ô-tE
^32=
Exemple 45.
J'ignore la raison qui a fait adopter cette dénomi-
nation de fondamentales, fautive et contraire au
principe général des doigtés; j'ignore également la
date de cette adoption, mais la présence d'un sili en
1438
ESCyi.LnrÈftlIÎ DE LA hliSlol'E ET DICTIOWAIIIE Oi: COS'SEUVAIOIliE
bas et surtout au milieu de la gamme à une é|ioiiue
où la tonalité d'((/ était presque la seule employée,
suflirait à prouver que cette conception du nom des
notes sur la clarinelle était inadmissible, d'autant
plus que le sili de la troisième ligne de la portée
n'existait pas et qu'il n'a été donné à la clarinette
que 70 ans plus lard.
Néanmoins, comme nous éludions spécialement la
clarinelte, et que l'usage de nommer fa la note grave
sortant avec les sept trous classiques bouchés est
généralementadopté.je me conformerai ù cet usage,
dans la suite de cet article, et pour les appellations
de notes et pour la notation des exemples ;.ie prie les
lecteurs non clarineltistes de m'exciiser et de me
pardonner le travail de reconstitution que cela pourra
leur donner dans le grave; quant à lu gamme de
douzième ou de sons 3, ils n'en relireroiit que plus
de facilités, puisque celle-ci se retrouvera conlorme
à ce que nous avons vu jusqu'ici pour les tlùtes et les
hautbois.
La clarinette resta ainsi jusqu'en HlM», date vers
laquelle on trouva enfin le moyen de lui donner le sî;
de la troisième ligne (faS de l'époque), dont l'absence
paralysait les moindres tentatives de modulation.
Pour obtenir ce sis), on allongea le pavillon et on
perça un huitième trou de note qu'on fit boucher par
une clé ouverte, actionnée par le petit doigt de la
main gauche.
Quel est ce on, nous l'ignorons, et c'est dommage,
car cette invention apportait un perièclionnement
considérable à la clarinette; si d'autres notes pou-
vaient êtie muées en notes diésées ou bémolisées,
lant bien que mal, par des doigtés factices, cette note
ne pouvait être obtenue à cette époque de nulle autre
manière, et puis elle donnait une nouvelle note au
grave, le iin^, en même temps que cet allongement
du pavillon déterminai! une meilleure sonorité plus
douce, plus moelleuse pour l'ensemble de toutes les
notes.
Cet allongement du pavillon de la clarinette a-t-il
suivi celui du hautbois, ou bien rallongement du pa-
villon du hautbois donnant le .fis grave est-il une
conséquence de celui de la clarinette"? C'est encore
là un point obscur.
Un peu plus lard, ou ajouta une nouvelle clé ou-
verte pour obtenir le rfoif du 4" interligne et le /"a;
grave. Sur la clarinette, toutes les modifications ohte-
nues dans le clairon se reproduisent nécessairement
dans le chalumeau à la douzième inférieure.
Jos. Beeii (1744-181 1) fit placer une clé fermée pour
le mi'p médium et /ab grave; cela portait à Irois le
nombre des clés actionnées par le seul petit doigt
droit (nup, doj et do'n — la[>, /(i# et /a la).
X. Lefèvre, en 1791, mit la clé fermée de aol;,
la\j — doUf, ré\p, pour le petit doigt gauche, ce qui
faisait deux clés à ce doigt avec celle de sis — mit;.
La clarinette avait donc sept clés et commençait à
prendre une place convenable dans l'orciieslre, mais
à la condition expresse de ne pas avoir beaucoup
d'accidents à l'ariuature, et dans le cours du mor-
ceau|; la gamme chromatique, notamment, lui restait
interdite, par l'impossibilité de faire le sol)t-lai^ de
la deuxième ligne; pour ne pas se priver trop souvent
de cet instrument, dont on appréciait fort le timbre
vibrant des notes graves et le timbre velouté du clai-
ron, on était obligé d'employer alternativement trois
clarinettes, chacune dans un ton différent (iit, sih et
la) afin que la partie qui lui était destinée fût tou-
jours écrite dans une tonalité simple.
En 181 1, Iwan .M'jlleu (I7.SI-1.SÏ4! parvint à établir
son système de clarinette à treize clés, et ce fut nn
grand progrès.
A paitir de ce moment, 1* gamme chromatique, la
plupart des tonalités devenaient accessibles à ce bel
instrument, les gammes et les arpèges rapides pou-
vaient se faire sans de trop gramles diilicullés et l'on
put se passer peu à peu de la clarinette en ut dont
les sons restaient un peu aigres.
Enfin, en 1843, Klosé, professeur de clarinette au
Conservatoire de Paris, et Buffkï, lacteur habile que
nous avons déjà vu à l'œuvre pour les perfectionne-
ments de la ftiUe, du haulbois et du basson, réussi-
rent à appliquer d'une façon parfaite le système des
anneaux mobiles sui' la clarinette, qu'on désigne
communément depuis sous le nom de clarinetie
Bœhm, bien que Théoliald Bœhm ne se soit jamais
occupé de cet instrument, qui n'a [iresque rien de
commun dans son mécanisme et dans son doigté avec
le doigté et le mécanisme de la IhUe.
Le système des clés dit à double effet vint à point
sur la clarinette à anneaux mobiles pour donner la
liberté et l'indépendance du doigté dans les notes du
bout de l'instrument; les anneaux et leurs correspon-
dances permirent d'assurer la justesse des sons et
la régularité du doigté; des clés supplémentaires,
dites clés de trilles, achevèrent de permettre l'exécu-
tion des traits les plus difficiles, et cela dans toutes
les tonalités.
Pour la clarinetie, comme pour tous les autres ins-
truments, les facteurs modernes, on tête desquels
les successeurs de Iîl'ffet se sont toujours tenus,
n'ont pas jiigé suffisant que l'on pût tout exécuter
sur la clarinette à anneaux mobiles; ils ont voulu
que l'artiste pût tout exécuter avec facilité, et, à
côté de la clarinette classique, c'est-à-dire telle que
Blffet et Klosé l'avaient créée, on trouve mainte-
nant des clarinettes eu si,-- dont le pavillon a encore
été allongé d'un demi-ton, ce qui donne un sif? troi-
sième ligne plus plein, mais aussi et surtout un mi b
grave unisson du mit de la clarinette en la.
Cela permet, en transposant, ce qui n'est qu'un jeu
pour les artistes clignes de ce titre, d'exécuter sur la
seule et unique clarinette en sib la musique écrite
pour l'ancienne clarinette en ut, comme la musique
écrite pour la clarinetie en la; de telle sorte que, si
les artistes se décidaient à apprendre désormais la
clarinette moderne en stb> en sons réels, c'est-à-dire
à nommer les notes non d'après la règle générale,
mais telles qu'elles sont entendues par l'oreille, en
lisant mi b pour les sept trous de notes bouchés dans
le chalumeau et stb pour ces mêmes sept trous de
notes bouchés dans le clairon (à la douzième), toute la
oiusique de clarinett* pourrait s'écrire en ut comme
la musique de tlùte, de hautbois et de basson, [ce qui
Serait un immense avantage pour tous les artistes qui
écrivent ou lisent la partition, ainsi que pour l'oreille
des clarinettistes, eu égard à la tonalité générale.
.\ux trois clés doublées $i:-mit, do^-fai, doit-fa^,
on a encore ajouté une double clé de mi b-/"b, ce qui
complète l'indépendance du doigté pour les petits
lioigts droit et gauche quelle que soit la tonalité;
comme ponr le hautbois, on a doublé pour l'index
droit la clé de so/jf: soli-do: pour la clarinette, mais
on ne peut suivre toutei les facilités qu'où ajoute
chaque jour, soit pour renchérir sur les autres fac-
teurs dans nue exposition, soit tout simplement pour
repondre au désird'un ai-tiste qui pnjfére ceci à cela,
à moins qu'il ne demande à la fois ceci et cela.
TECHNIQUE, ESTHETIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1439
3C
FiG. 356. — ClariMltes.
FiG. 357. — Clarinelles.
1440
ESCVCLOPEDIE DE LA MUSIOUE ET DICTIO.V.VAinE DV r.oySEliVATOIRE
L'étendue de la clarinette est la suivante
avpi- liiim !ms fli-nij-lims l'1llTTTTraTTTpTE5=
( k) tio
Exemple 46.
On a également construit des clarinettes en l'amillej
sans oublier la clarinette d'amour.
Actuellement, la famille des clarinettes est consti-
tuée dans des conditions parfaites, mais elle est bien
rarement réunie ailleurs que dans les vitrines d'expo-
sition, el cela est bien regrettable, car elle pourrait
rendre de fort beaux elTels d'orchestre ou de musique
d'harmonie.
Les éléments en sont :
La petite clarinette en mi[< ;
La grande clarinette en si^; ou en la;
La clarinette alto en mî|i; ou enfa;
La clarinette basse en si\^; ou en ut;
La clarinette contralto en mH>; ou en fa (octave
grave de la clarinette alto, et bien mal nommée, car
c'est en réalité une clarinette
contrebasse).
La clarinette contrebasse
que certains dénomment clarinette
pédale, en ut ou en sih;
Toutes ces clarinetles se font en
système à anneaux mobiles ou en
système à 13 clés.
Les méthodes les plus réputées
sont de Beeb, revue et complétée par
M. M.MART, Klose, revue par Grisez,
Magnani.
Saxophone.
Le saxophone a pour antécédent
les cornets à bouquin, les serpents
et les opbicléïdes, tout en procédant
d'autre part des principes des chahi-
FiG. 358. maux coniques. Pour ne pas merépé-
Clarinelte à perce ter, je ne puis mieux faire que de ren-
conique. >. •> • j. • ,-. j
voj er a ce que j ai déjà dit de ces ins-
truments, notamment aux pages 1415 et suivantes.
Déjà, en 1807, un horloger de Lisieux, DEaFo.ME-
NELLES, avait eu l'idée d'une sorte de clarinette basse
à perce conique, ou bien, plus exactement, d'un ophi-
cléïde ou serpent à clés muni d'un bec de clarinette
remplaçant l'enibouchure ou bouquin.
Cette invention était d'autant plus géniale qu'à
cette date les instruments en bois n'avaient encore
que cinq clés, six tout au plus, el que les ophicléïdes
qui ne devaient apparaître que vers 1813 n'avaient
pas encore remplacé les serpents.
Or, l'instrument de Desfontenelles, qu'on peut
voir au musée du Conservatoire de musique de Paiis,
porte sept trous pour les doigts et douze trous fermés
par des clés à tampons de cuir.
On peut se rendre compte par la figuré ci-dessus
que, à part le métal (cet instrument est en bois), le
principe du saxophone, la forme même, étaient trou-
vés trente-quatre ans avant la production du premier
instrument de Ad. Sax (1841) et trente-neuf cns avant
que ne soit accordé le brevet du saxophone (1846).
Je ne veux pas dire ici que Ad. Sax avait eu connais-
sance de l'instrument de Desfontknelles, ni lui reti-
rer le mérite de son invention, mais enfin il n'est pas
mauvais qu'on sache qu'un Français de France, un
Normand, avait eu cette conception et l'avait exécu-
tée près d'un demi-siècle avant l'homme qui donna
son nom à cet instrument, ainsi qu'à toute une série
d'autre instruments, les saxhorns, qui ne lui devaient
absolument rien, ni pour le principe, ni pour le mé-
canisme, et dont il n'avait que légèrement modifié
la forme et les proportions du tube sonore, ou plus
exactement auxquels il avait donné les proportions
du clairon chromatique et des ophicléïdes qui exis-
taient déjà.
Le saxophone a le doigté général des instruments
à trous, il en a reçu tous les perfectionnements et
peut exécuter tous les traits.
Son étendue est la suivante :
,(1) 12)
1,^ (?)
m
:fiafiimjBij«iraiiiB»mtaii«imiliiKiniiniK
1^
(1) SOPRANO .BARYTOJSJ ET BASSE .
(2)ALT0 ET TENOR
Exemple 47.
Cette étendue est très sensiblement la même, au
moins pour l'alto et le ténor, que l'étendue du haut-
bois, et l'on peut étudier avec fruit toute la mu-
sique de hautbois sur le saxophone, comme on peut
retirer avantage en travaillant certaines études de
saxophone, celles de Demersmann par exemple, sur
le hautbois.
La famille des saxophones comprend:
Le saxophone sopranino en j«i[i; très peu employé;
Le saxophone soprano en siU;
Le saxophone alto en mi h, rarement en fa;
Le saxophone ténor en sil-,, rarement en ut ;
Le saxophone baryton en mib (c'est une véritable
basse).
Le saxophone basse ensi> (c'est une con'rebasse).
Les méthodes les plus réputées sont celles de ;
Klosé revue par Emile Dérignv.
L. Majeur. — A. Majeur.
M. DuPAQUiER, artiste de la musique de la Garde
républicaine, est parvenu à faire construire par
la maison Coues.non et G'" un saxophone ténor
en ut descendant jusqu'au sol grave O-
et montant au sol aigi
"É
étendue réelle
de trois octaves, et cela, sans changer en rien le
TECH.\1QUE, ESTHETIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1441
doigté usuel des notes de l'étendue ordinaire. C'est
là un progrès considérable, qui peut fortement aider
à un emploi constant de ce bel instrument ;i l'or-
clieslre et qui, s'il pouvait être appliqué aux instru-
ments d'autres tonalités, pourrait rendre les plus
grands services dans les harmonies et les fanfares
(Voir (ig. 259 à 2621.
Sarrnsophonés.
Pour le sarrusoplione, je n'ai que bien peu de
chose à ajouter à ce que j'en ai dit page 1410 où j'ai
indiqué son origine et ses inventeurs.
L'étendue est de trois octaves complètes. \^
•LÀ,
Sciprauo Basse
FiG. 359 et 360.
SaiTusophones.
Exemple 48.
Le doigté est semblable au doigté du saxophone
dans ses deux premières oc-
taves et n'en ditfère que dans
son octave aiguë, de telle
sorte qu'un saxophoniste peut
en quelques jours se rendre
maître du sarrusoplione, sur-
tout de l'un des sarnisopho-
nes graves, car les anches des
inslruments aigus, assez sem-
blables aux anches des haut-
bois, ollrent toutes les déli-
catesses et aussi les difficullés
de ceux-ci.
11 existé une méthode et
une tablature de sarruso-
phone de Coyon.
On peut aussi le travailler
sur les mélhodes et études de
saxophones ou de hautbois.
La famille est composée
comme il suit :
Sarrusophone sopranino en
mi,-:.
Sarrusophone soprano en si.u.
Sarrusophone alto en mi'p.
Sarrusophone ténor en sip.
Sarrusophone baryton en mir'.
Sarrusophone basse en sii; (octave grave du tenon.
Sarrusophone contrebasse en mip (octave grave du
baryton).
Sarrusophone contrebasse en ut ou en si'p (double
octave grave du ténor).
Cornemuse.
Bien que la cornemuse ne soit pas un instrument
d'orchestre, elle a tenu et elle tient encore trop de
place dans certains pays pour qu'il soit permis de la
passer sous silence; d'ailleurs, son emploi régulier
dans les troupes écossaises du Royaume-L'ni, sous
le nom de Baj-pipc, nous fait un devoir de l'exami-
ner ici.
Nous avons vu jusqu'ici l'anche de tous les chalu-
meaux placée directement sous la pression des lèvres,
mais on a construit et on construit probablement
encore une espèce de chalumeau dont le corps est
un véritable hautbois primitif, mais dont l'anche fixée
Copyright hy Librairie Delagrave, 192 i.
au bout supérieur de l'instrument est protégée et
recouverte par une sorte de manchon percé d'un trou
dans la partie supérieure comme un petit bec de
tlageolet. (Voir fig. ci-contre. I
Je me souviens d'avoir vu dans ma jeu-
nesse de ces chalumeaux chez un marchand
d'instruments de musique de Chartres et
destinés aux bergers beaucerons.
Elargissez, étendez la capacité intérieure
du manchon, et vous aurez le principe de
la cornemuse (lig. 362).
Dans l'espèce, cet instrument se compose
de trois à cinq tuyaux fixés sur une outre
ou sac de cuir, destinée à emmagasiner le
souille de l'exécutant envoyé par le tuyau
porte-vent (le plus court).
L'outre est tenue sous le bras et en
reçoit la pression, ce qui précipite l'air
contenu dans l'outre, avec plus ou moins
de force, suivant que cette pression se fait
plus ou moins sentir, dans les tuyaux-ins-
truments dont elle est garnie.
Dans la cornemuse, deux tuyaux pour-
raient suffire : un tuyau porte-vent et un
chalumeau percé des six ou sept trous de
notes classiques. Cependant, si ancienne
que nous la voyions représentée, elle porte
au moins trois tuyaux : un luyau porle-
vent, un chalumeau et un bourdon; beau-
coup de descriptions disent piUc et bour-
don, ce qui prouve ce que j'ai dit page li32
de la confusion de ces deux termes chez
les anciens, car il s'agit bien ici d'une flûte
il anche, battante suivant certains, double
suivant d'autres, mais toujours et essen- J.
tielleraeiit anche, ce qui constitue bien le Fia. 361.
chalumeau.
lin dehors du porte-vent et ilu chalumeau, les
luyaux supplémentaires sont toujours des bourdons,
et cela se comprend, les mains ne pouvant varier les
sons que sur le seul chalumeau ; les bourdons ne
i
Fig. 362.
peuvent donner qu'un seul son lixe, ce que les har-
monistes nomment une pédale; en conséquence,
lorsqu'il n'y a qu'un seul bourdon, celui-ci est réglé
pour donner la fondamentale à l'unisson,. ou mieux
à l'octave grave de la première fondamentale (tous
les trous bouchés) du chalumeau; s'il y a deux bour-
dons, le plus grave donnera la fondamentale et le
suivant donnera la dominanti: de celle fondamen-
tale; enfin, s'il y a trofs bourdons,' le plus grave
91
1442
ENCYCLOPEDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSEIIVATOIRE
FiG. 363. — Utricularium romain on corneniuse. Bas-relief
antique, cour du Palais de Santa-Croce (Rome). — Cornerau-
seur. xinc siècle, sculpture de la maison des Musiciens à
Reims.
donnera la fondamentale, le second
donnera la dominante et le troisième
donnera la fondamentale redoublée
du premier, et à ce sujet, devant la
cornemuse romaine du palais de Santa-
FiG.364. — Zampogna italienne. Fig. 365. — Cornemuse.
Croce de Rome et voyant qu'elle
est à plus de deux tuyaux, je ne
puis m'empêcher de remarquer
que les Romains admettaient au
moins le bourdon ou pédale, ce
— Cornemuse française
(xvu» siècle).
qui constituait évidemment une harmouie peu variée,
mais enlin une harmonie, contrairement à l'avis des
historiens qui nous affirment que les anciens n'ad-
mettaient et ne connaissaient que l'unisson ou l'oc-
tave.
Musette.
Nous voyons ci-dessous des cornemuses dont le
tuyau porte-vent est remplacépar un souftlet.
Fig. 368. — Pibroch écossais.
Ce soufflet, qui évitait la fatifîue du souftle hu-
main et qui fut imaginé, parait-il, par Colin Muset,
oflicier de Thibault de
Champagne (d'où le nom
de musette), constitue la
seule différence qu'il y
a entre la cornemuse et
la musette; l'instrument
ne varie pas, le mode de
fourniture du vent, seul,
est différent.
La cornemuse que nos
anciens poètes ont chan-
tée sous les noms de pipe,
pibole, chalemelle, chale-
mic, muse, musette, saco-
mitse, chevrette, vize, loure,
que nous retiouvons en-
core en Italie sous le nom
de znmpogna, en Angle-
terre sous celui de bag-
pipe, et en Bretagne sous
l'appellation de biniou, est
très ancienne et pourrait
bien être d'origine celti-
que. Le fait est qu'elle est restée très populaire en
Basse-Bretagne, et que la Grande-Bretagne l'a pla-
cée en tête de chacun des bataillons de ses troupes
écossaises, comme je l'ai déjà fait remarquer.
Aux xvii« et xviii= siècles, elle eut beaucoup de
vogue, on en fit de modèles très riches et on ne
dédaigna pas d'en jouer ou d'en faire jouer chez les
plus grands seigneurs, même à la cour; ce fut le
beau temps de la musette, c'est-à-dire de la cor-
nemuse à soufflet, ce qui permettait même aux
grandes dames l'usage de cet instrument à la mode.
L'anche n'étant pas sous l'action des lèvres, le
chalumeau ne peut octavier, et se trouve limité à une
étendue d'octave simple; d'autre part, la langue ne
pouvant agir sur l'anche, aucun son ne peut être
Fig. 369. — Musette.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1443
attaqué et on ne peut que loui'er les notes par des
pressions lytlimiques du bras sur l'outre, d'où le nom
de loure donné tjuelquefois à cet instrument.
FiG. 370. — Musette.
Il existe un Traité de musette pa.TCh. Borjon, édité
à Lvou en 1672.
Fia. 371. — ■ Musettes. Collections de MM. de BriqueviUe,
Samarv, Gilbert et Savove.
Trompette.
La trompette est l'instrument de musique par ex-
cellence, car elle contient en elle, suivant les propor-
tions qui lui sont données, tout le système musical de
tous les peuples, depuis les quarts et les tiers de ton
grecs jusqu'aux intervalles de plus en plus grands
de secondes mineures et majeures, de tierces, de
quarte, de quinte et enfin d'octave, nous donnant
ainsi, suivant la série d'harmoniques qu'il nous plaît
d'en faire sortir, le type de la gamme chromatique,
celui de la gamme diatonique et, par l'ensemble de
plusieurs trompettes, la constitution de tous les ac-
■
4t
Q
FiG. 372. — Trompettes chinoises.
Fie. 373. — Trompette assyrienne, Fig. 374. — Trompettes
d'après un monument de Ninive. romaines, d'après Lavoix.
cords de l'harmonie naturelle qu'elle donne, en
somme à elle seule, dans la
forme arpégée (revoir les
pages 1402 à" 140:1 1.
II est si vrai que la trom-
pette contient en elle le sys-
tème musical universel, que
l'on ne voit nulle part un
peuple, ayant un système
musical si rudimentaire
qu'on le puisse imaginer,
qui ne connaisse et n'em-
ploie cet instrument.
On a dit et écrit que les
Chinois, que les Indiens,
que divers peuples ont des
gammes toutes différentes
de la nôtre et qu'ils em-
ploient des intervalles que
nous ne connaissons pas;
c'est là une erreur; tous
connaissent et emploient la
1444
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
O
FiG. 3S0. — Cornu ou ror romain.
^
tous les degrés. Il eu était de même de nos pères qui
évitaient de se servir de l'intervalle mélodique de
quinte diminuée ou de son renversement la quarte
augmentée qu'ils appelaient le diable eu musique ;
les gammes de ces peuples sont donc semblables à
la nôtre, mais avec un ou deux degrés en moins, gé-
néralement l'un de ceux qui forment demi-ton; soit
en ul : le mi ou le fa, quelquefois le si, suivant les
peuples; ces notes ne leur manquent pas, ils ne les
emploient pas, voilà tout.
trompette, et comme son tube sonore n'a pas deux
lois de résonance sui-
vant qu'il esl eniploj'é
ici ou là, il s'ensuit
que tous ces peuples
connaissent notre
gamme. La vérilé est
que leur gamme est
fondée comme la notre
sur la gamme type, sur
la gamme naturelle de
la trompette, mais
que, par babitude, par
goût ou pour une rai-
son quelconque, ils
n'en emploient pas
FiG. 3S1.
ti, conque. Don du prince Henri d'Orléans; h, conque des fusi-
liers catalans ou service de la France sous Louis XIV; c,
Irumpetle des Iles de l'océanie.
Qu'est la trompelte ? L'n tube conique, semi-
coni(|ue ou presque cylindrique, dont la colonne d'air
contenue en ses parois est mise en vibration par le
choc du souffle bumaiii sur sa plus petite ouverture
nommée autrefois bouquin et maintenant
embouchure.
Les premières trompettes furent, sui-
vant les lieux ou les circonstances, une
conque ou une corne, qui deviendront
par la suite un cornet ou un cor en fran-
çais, horn en allemand, mot que nous
retrouverons en France dans
les saxhorns; bugle, dérivé
en anglais de bujfaio, pour
corne de buflle. Trompette
ne doit pas être pris ici
dans son sens absolu de
l'instrument spécial que nous
connaissons aujourd'hui,
mais dans son sens géné-
ral d'instrument à embou-
chure.
FiG. 386.
Conque servant Trompelte
il donner [^ romaine,
les signaux.
Fui. 387. — Trompettes juives, nommées jfAii/"(i'', nommées
aussi hcrea (corne) et yoliet (jubilation, retentissement).
Cette forme se mai'itiMil dans les cornes d'appel, j
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1445
«, cor ou cornet des Indiens; *, chaizotzeroth; c, hagocera,
trompelto; il, hagocera, Irompetle droite en métal; e, grande
trompette russe (rambosson); f, oheipour.
dans les cornets et cors militaires, ainsi que dans
l'olifant (cor creusé dans une défense d'éléphant) du
moyen âge.
Fia. 389.
Cor SL'igneurial
en argent (Russie).
FiG. 390. — Cor
seigneurial en ivoire
dit olifant.
Fio. 391,
Trompette
antique.
Fio. 392. — Olif mt (xti» siècle).
Puis, la forme se modifie et s'allonge : d'une part,
elle tend à s'arrondir vers la
forme du cor moderne en
maintenant toujours la perce
conique, mais de plus en
plus étroite, et, d'autre part,
elle lend à se redresser et à fig. 393. - Trompette en
rendre sa perce cylindrique, usage sur la cote de Gui-
quitte à se replier plus lard "^'^•
pour devenir notre' trom-
pette ou notre trombone moderne.
Au sujet de ces cors
russes, dont les histo-
riens ne manquent
jamais de parler, il
est une remarque im-
portante à faire. Il est
écrit partout que ces
fameux cors ne don-
nent qu'une seule noie
et que les seigneurs
russes qui possèdent
des orchestres de cors
sont oliligés d'avoir
autani d'instrumenlis-
tes qu'ils veulent faire
entendre de notes; or,
ces cors sont des ins-
truments à embou-
chure, et, comme tels,
capables de donner
chacun au moins plu-
sieurs harmoniques;
s'il peut être vrai que
les instrumentistes
spéciau.ic de ces orches-
tres soient exercés à
ne jamais faire enten-
dre qu'une seule et
unique noie sur leur
instrumeni, il né peut
être vrai que ces ins-
truments ne puissent
donner que la seule et
unic|ue note qui leur est attribuée.
Fig. 39». — Cors russes.
n, contrebasse; li, lénor; c, alto;
(/, soprano aigu; e, soprano.
e-^
Fig. 395«
Trompe
finlandaise.
Fi«. 396.
Trompe de berger
(tiii" siècle).
Fia. 397.
Trompe
finlandaise.
1446
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Cor des Alpes. — Instrumenl de lierger qu'on trouve
en Suisse, en Suède, en Norvège, en Houmanie, en
FiG. 39S. — Cors des Alpes.
Transylvanie et jusque dans les montagnes derilima-
laya. Cet instrument, dont le principe est le même
que les trompettes en cuivre, est construit en écorce
de boisfroulé.
FiG. 399. — ïrompelte militaire sous Louis XIV.
Il y a enfin les trompettes droites ou pliées à la
façon moderne.
lliiiimiiiiiiiiii»«,iiiiiliisirtiijiiaiiii)iiiiiiiiiii]ioiiiiM.l
FiG.,-iOO. — Tronipetle espugnole avec bannière brodée.
\7
liv
s
FiG. iOi. — TrompeUe iitudcine de cavalerie.
Trompette d'harmonie. — Cette dernière trom-
pette dillere de la précédente par la pompe d'accord
et par les tons de rechange qui lui permettent de
jouer dans les diflerentes lonalilés irevoir les pages
de 1416 à 1423).
(T^
FiG. 405. — Trompelles d'harmuiiic.
FiG. 106. — Trompelles à coulisse.
Cette trompette à été construite pendant la
(leusième moitié du xix« siècle, en sol avec les tons
de rechange de fn, witl^, mici, ré, ré p et ut; elle ne se
construit plus maintenant qu'en fa et mi\, ipour le
princi(ie îles pistons, revoir les pages 1418 et sui-
vanles);|d'une perce étroite eu égard à la longueur, et
munie d'une embouchure à petit grain, elle est pri-
vée des sons 1, et l'on ne peut olitenir les sons 2
qu'avec dil'liculté. Ce n'est donc qu'à partir des sons
.< que l'on peut se servir de cet instrument avec quel-
que aisance; en revanche, on peut monter jus(|u'au
son 12, et d'habiles instrumentistes peuvent même
dépasser cette limite.
L'étendue écrite de la grande trompette (de sol
à ut grave), suivant le mode adopté pour tous les
instruments ^ pistons lisant en clé de sol, sauf le cor
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 144"
FiG. iÛ7. FiG. -iOS. FiG. 409.
Trompelte Trompette moderne Trompette en fu et mi'^.
à coulisse et à à trois pistons.
un piston.
pour lequel celte observation est également appli
cable, devrait être :
•e
*
^tU'JMiiDmiMiaiiuiiiQitniKaMiiuniitiiiiiiicM:
Exemple 49.
et c'est ainsi qu'il faut lire certaines partitions,
notamment celles de Sellenicr; mais, pour ramener
les notes le plus souvent employées dans la portée
et éviter les lignes supplémentaires supérieures, on
a pris l'habitude de baisser l'écriture d'une octave,
et l'étendue écrite se trouve ordinairement ramenée
É
ravciBriiiKai-jïBiruiiiBKiiiKWHilUiiliMPijUlu:
Exemple 50.
Il en est tout autrement pour la petite trompelte
en ré, ut ou si [i, dont les artistes ont pris l'habitude
de se servir depuis peu d'années avant tOOO, quelles
que soient les tonalités des trompettes indiquées sur
les partitions.
FiG. 410. — Trompette en iil aigu.
Ces instruments, n'ayant pas une perce aussi étroite,
ni un grain d'embouchure aussi fin eu égard à la
iongueur du tube, peuvent disposer des sons 2, mais
ne peuvent f.;uère dépasser les sons S ; en conséquence'
l'étendue en est écrite conformément au mode habi-
tuel des instruments à pistons, notamment des
cornets dont la longueur pour les tons similaires,
l'étendue et le mécanisme sont les mêmes.
UVI.slf.S fJTiiii-lniK flii-miialiipiiiiL-
Exemple ôl.
Les meilleures méthodes pour la trompette ont
été celles de David BuLH, Kresser et Dauverné, mais
elles ne sauraient être employées pour étudier avec
la nouvelle trompette dont l'étendue n'est plus la
même, et le mieux est de se servir des méthodes
écrites pour le cornet.
Cor.
Nous avons vu plus haut, la trompette (corne) s'al-
longer, s'arrondir et être
citée sous la dénomina-
tion de cor de chasse par
le P. Mersenne.
Cet instrument conti-
nua de s'allonger et, pour
rester portatif, de s'en-
rouler, de s'enrouler
encore, et nous retrou-
vons noire cor de chasse
actuel en ré avec un tube
long de 4 mètres b4 et
faisant deux tours et
demi entre son embou-
chure et son pavillon.
Ce cor, cette trompe
ou grande trompelte, est
de tous les instruments
modernes celui sur le-
quel il est possible d'obtenir les harmoniques les
plus élevés, et j'ai entendu le p.iofesseur de trompe
H. Cléret faire sortir, jusqu'au ii" harmonique,
sans aucune prépa-
ration et avec une
embouchure à gros
grain lui permettant
d'olilenir le son 2
avec toute facilité.
Nul doute qu'avec
une embouchure à
grain fin et quelques
jouis d'études dans
ce but on ne puisse
parvenir au moins
au son .32.
En introduisant le
cor à l'orchestre, et
surtout en adoptant
le système des tons
de rechange (revoir Fig. us. — Tenue du cor de chasse.
les pages H16 et sui-
vantes), il fallut ramener la longueur du tube à la
tonalité la plus aiguë de sir- baut {i'".'iij, mettre une
coulisse d'accoid et compléter toutes les autres lon-
gueurs de tonalités par la longueur des tons de
rechange; c'est ainsi que le ton de sib b«s doSl avoir
FiG. i 1 1. — Cor de chasse-
1448 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
FiG. 413. — Cor d'harmonie.
à lui seul une loni;iieur de 2", 71 épale à la longueur
de l'instrument même; or, les tons de rechange, de
même que la coulisse d'accord, sont C3lindriques,
de telle sorte que le cor en si\< haut est un instru-
ment à perce conique presque dans toute sa longueur
(la coulisse d'accord seule est cylindrique), tandis
que le cor en si h bas est cylindrique pour plus de la
moitié de sa longueur totale; c'est là la principale
raison du changement de timbre des diverses tona-
lités du cor.
La forme modifiée de ce
cor ne permettait plus de le
tenir comme le cor de chasse,
et on prit l'habitude d'assu-
jettir l'embouchure aux lèvres
en tenant le haut de l'instru-
ment de la main gauche et
d'en soutenir le poids par la
main droite placée dans le
pavillon.
Le cor d'harmonie, qui est
d'invention française remon-
tant au XVI» siècle, ne pouvait
disposer de la gamme diato-
nique que dans l'aigu, et n'avait que des intervalles
disjoints dans le médium et le grave.
1ȣ1^5
Où
,u
e be ^
~rs-
E.^emplo 52
Pour ramener les notes le plus souvent employées,
dans la portée, on baisse l'écriture d'une octave,
comme je l'ai expliqué pour la trompette page 1447,
et l'exemple précédent devrait être ramené à ceci :
P
o ^
\a\
Q.-»
rc
Excmiilc 53.
Mais, par une habitude inexplicable, ce n'est pas
ainsi qu'on l'écrit. Baissant les sons 2 et .3 de deux
octaves, alors que tous les autres h:irmonii]ues n'ont
qu'une octave de dilférence, on fait apparaître à l'œil
un intervalle de onzième entre les sons '.i et 4, alors
qu'ils ne sont distants que d'une quarte :
^W
o ^
y
Q^
Ê^Z
FiG. il 4,
Tenue du cor d'harmonie.
Exemple 54.
Au xviiie siècle, un corniste allemand, Hampel,
s'aperçut que la main droite qui soutenait le pavillon
pouvait, en s'enlonçanl davantage ou en se pliant et
en le bouchant ainsi plus ou moins, obtenir l'abais-
sement de chacune des notes d'un demi-Ion, d'un ton
ou même d'une seconde augmentée ou tierce mineure.
On parvint ainsi à compléter tant bien que mal la
gamme ci-dessous :
m
w
é
r^ip^
w^^^^^
JljUl^J^^l^i
ïfe
. m la Q g
Exemple I
On conçoit aisément que plus le pavillon est obs-
trué, bouché, plus la note est sourde, et qu'il était
presque impossible de faire entendre une gamme h
peu près homogène avec ce système. En elfet, comme
on ne pouvait éclaircir les sons bouchés, il fallait
diminuer l'éclat des sons ouverts (c'est ainsi qu'on
qualifie ces deux sortes de sons), et l'on ne pouvait
obtenir des sons à peu près égaux que dans la nuance
piano et même pianissimo, s'il s'agissait d'une
gamme chromatique; que la nuance fût seulement
mezzo-forte, toute égalité de sons devenaitimpossible.
J'ai indiqué par des points les sons les plus sourds
dont on ne pouvait presque pas se seivir, sauf dans
des ell'ets de sonorité ou plutôt de timbre tout à fait
spéciaux, par des noires les sonsencore sourds, mais
qu'on pouvait employer assez aisément, et enfin par
des blanches ceux qui restaient assez sonores pour
ne pas faire une trop grande disparate avec les sons
; ouverts.
C'est en 1814 que le Silésien Blihmel, en cherchant
à faire l'échange des tons du cor d'harmonie, inventa
le système des pistons qui donna à cet instrument
l'égalité des sons sur tous les degrés, en même temps
qu'il apporta tous les éléments de vélocité désirable'
sinon de justesse absolue, à. tous les autres instru-
ments de cuivre à embouchure (revoiries pages 1U8
et suivantes).
BuHMEL céda l'exploitation de son invention à
Stiklzel, ce qui fait souvent associer le nom de ce
dernier au nom du véritable inventeur.
La construction des pistons, d'abord bien défec-
tueuse, fut perfectionnée plus tard par les fadeurs
belges, puis mise définitivement au point par les fac-
teurs français Baoux, Halary, Périnet, Gautrot-Bré-
GUET, Gautrot-Marquet, Sax, Besson, Millereali,
Courtois, qui, tous, apportèrent leurs soins, leur
talent, leur ingéniosité pour faire que l'étranglement
des sons provenant des coudes nombreux nécessités
par les coulisses des pistons, les dillérences de perce
de l'intéiieur des pistons avec le tube général et quan-
tité de détails résultant de la délicatesse même du
mécanisme, s'atténuât, et enfin disparût complète-
ment. Aujourd'hui, on ne peut constater aucune diffé-
rence entre la qualité d'un son ouvert, ou autrement
dit à vide (sans le secours des pistons), et la qualité
du son le plus fermé, c'est-à-dire avec tous les pistons
TECHMQVE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1449
baissés. Au contraire, rallongement factice de l'ins-
trument par l'emploi de toutes les coulisses des
pistons, malpré les détours de direction de la colonne
d'air', ne fait qu'ajouter encore à la perfection du
timbre de l'instrument.
Les Allemands, et surtout les Suisses et les Italiens,
ont appliqué le même système de coulisses d'allon-
gement inventé par Rlihmel, mais en remplaçant les
pistons qui s'enfoncent verticalement, par une sorte
de noix renfermée dans un cylindre, d'où le terme :
instruments à cylindres, et qu'on fait tourner au
moyen d'une petite bascule sur laquelle on agit par
une tige enfoncée verticalement comme la tige de
notre piston; cette double transmission du mouve-
ment rend le mécanisme du cylindre plus délicat et
plus fragile que celui du piston employé dans tous
les autres pays.
L'étendue du cor à pistons est celle-ci :
,oi}o"Jt'^
o,o.oto->M-;i^oK'-^^-"^°'''''°'^
m
Exemple 56.
FiG. il5. — Cor d'harmonie à 3 pistons.
Toutefois, il est très difficile d'obtenir par le même
instrumentiste et les sons graves et les sons aigus.
Dans la pratique,
voici commeul ou
opère : les cornis-
tes se spécialisant
soit pour l'exécu-
tion des parties
élevées (1" et 3'),
soit poirr l'esécu-
tiori des parties
plus graves (2'" et
4'), et pour facili-
ter l'émission des
sons graves, les
second et quatrième cors emploient des embou-
clruies dont le grain est relativement gros, tandis
que les premier et troisième se servent d'eml)0u-
cliur-es dont le grain est fin. Ces derniers cornistes ont
encore un autre moyen à leur disposition : ils se ser-
vent de cors dont le troisième
piston peut, à leur volonté, au
moyen d'un mécanisme spé-
cial, être descendant ou ascen-
dant d'un ton, de sorte ((u'avec
le piston descendant, ils ne
perdent au grave que le /as
et le rfoS, dont ils ont bien
rarement besoin, et avec le
piston ascen lant ils facilitent
d'autant l'émission des soris
aigus.
La pratique des cors à pis-
„. ,,,, „ „ ... „„ tons a fait perdre peu à peu
Fir,. -ilo. — Cul' a har- ^ *^ ^
monie à 2 pisions, k 10 1 usage des tons de rechange,
tons de riADTRoT. et, maintenant, les cors sont
construits en fa, avec le ton
de îni b facultatif; mais ce dernier même n'est plus
usité par les artistes, qui préfèrent transposer pour
ce ton-là, comme pour tous les autres tons indiqués
sur les partitions.
Les rriétiiodes les plus réputées sont celles de :
Gallay.
Garrigue.
Troiubone>
-Noirs avons vu le trombone parfait, sous le nom
de sacqueboute ou saquebute, tout au début du
xvi' siècle (pages 1413, ltl4, 1419, 1421, 1422).
c
xn
I
3=3
FiG. 418.
Sacqvieboute.
Beaucoup d'auteurs donnent la date de 1773 pour
l'introdirction en France, par Gossec, de cet instru-
ment; d'autres disent que le trombone fut admis
pour la première fois, en France, dans les musiques
militaires, on 1641, et qu'il nous venait d'Allemagne;
or, nous savons (page 1413) qu'il était en usage à
Paris et à la cour d'Angleterre dès le commencement
du xvi"> siècle, et peut-être en Flandre, comme semble
le proirver le manuscrit de la bibliothèque de liou-
logne, dés le ix« siècle.
Par un caprice de mode (pris dans le sens mon-
dain), qu'on ne s'attendrait pas à trouver en pareille
matière, le pavillon du trombone fut transformé_en
FiG. 419.
Buccin.
Fia. il7. — Cor à cylindres, avec lous ses Ions (Kaslnci).
Fra. 420. — 2Buccin'(trombone) à coulisse.
1450
ENCrCLOFÈDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOSNMRE DU CONSERVATOIRE
tête de serpeul, à gueule ouverte naturellement,
pendant toute la première moitié du six" siècle, et on
dénomma ce monstre buccin!
Trombone moderne. — Après l'invention du sys-
tème des pistons, on adapta ce système au tube du
trombone en supprimant la coulisse.
_A_
3
FiG. 421. — Trombone ténor à 4 pistons, uti.'isi\}.
Le trombone prit les avantages et les défauts des
instruments à pistons (vélocité et manque de jus-
tesse), et il perdit les belles qualités de timbre et
surtout de justesse musicale qui font la grande beauté
de cet instrument.
c
-to=°=
■-.^L.
Fi
«. m. — Trombone ténor à 3 pistons, ul et si\i.
Ad. Sax voulut faire mieux, et il créa son système
à six pistons indépendants dont chacun correspon-
dait à l'une des positions du trombone à coulisse,
mais ces positions étaient immuables et ne pouvaient
correspondre qu'à la gamme chromatique tempérée,
il fallait donc renoncer aux seiisihles ainsi qu'aux
sons-dominantes; déplus, le doigté n'avait plus rien
de commun avec celui du système général des pis-
tons: enfin, l'instrunient, surchargé de toutes ces
coulisses ILxes, était trop lourd.
G. Besson, poursuivant le même but, fit un trom-
bone à trois pistons et un registre (lisez, un quatrième
piston descendant de deux tons) indépendants, puis
un autre système pour éviter la surcharge, dont les
pistons et le registre étaient dépendants; enfin, vers
J864, il adapta les trois pistons du système général
à un trombone dont il maintint la coulisse afin de
conserver tous les avantages de l'un et de l'autre
principe.
\=J
IndépcDdaiits. Dépendants.
FiG. -123. — Trombones à registre et 3 pistons.
En 1889, M. Mille, successeur de Courtois, pré-
senta à riixposition universelle de Paris un trom-
bone à coulisse dont il avait évidé la partie épaisse
du tuhe allant de l'arrêt de la première position à
l'embouchure et évidé de même la branche parallèle;
on pouvait ainsi trouver une nouvelle position don-
nant la fondamentale si'ii doublant le si douzième de
la fondamentale mi de la septième position.
Arière position
Fl8. 424.
Tromlione
Dupli'x Besson
à pistons
et à coulisse.
FiG. 425. ■
Trombone à coulisse Mille,
à S positions.
Poursuivant ses recherches de perfectionnements
et de développement de la famille des tromhones, la
même maison Courtois-Mille, devenue maison Cour-
tois-Delfaux, présentait aux compositeurs et aux
artistes, le 9 mars 1909, salle Pleyel, un sextuor com-
posé des instruments suivants (fig. 426 à 431) :
A
y
FiG. 426. Fiff. 427.
Trombone piccolo. Trombone soprano.
FiG. 428.
Trombone alto.
De même que pour le trombone ordinaire (trom-
bone ténor), les artistes donnent le nom de Son réel
à chacune des notes de ces instruments qui, consé-
quemment, ne sont pas considérés comme instru-
ments trauspositeurs. Tous ces trombones doivent
donc être dits en ni, alors que, suivant le principe
général des instruments de cuivre, ils sont réel-
lement dans les tonalités respectives suivantes :
Le trombone piccolo en st'b;
TEcri.VlnlE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT Uôl
fr^
=^?
:>
Fl.i. 429. FiG. 430. Fia. 131.
Tromlioiio ténor. Trombone basse. Trombone contrebasse.
Le trombone soprano en fa;
Le trombone alto en ré\f;
Le trombone ténor en si[>;
Le trombone basse en sH> ou en fa, suivant qu'on
laisse fermée ou qu'on ouvre la mécanique ;le cylin-
dre);
Le trombone"contrebasse en ,sih;
Le Iroinbnnc picrvlo, dont les notes sortent à l'octave
supérieure de celles du trombone ténor, n'est pas
aulre cliose qu'une trompelte à coulisse en si h aigu
(unisson de la petite trompette moderne).
Le trombone sopi-uno n'est également qu'une trom-
pette à coulisse, unisson de l'ancienne trompelte en fa.
Pour ces deux instruments, le grand perfectionne-
ment est d'avoir adopté francbement la forme du
trombone qui permet les sept positions, tandis que
la forme trompette des essais antérieurs ne pouvait
permettre que trois ou quatre positions tout au plus.
Le trombone allô n'est autre que l'ancien trombone
alto dénommé faussement en mi p.
Le trombone ténor est le trombone ordinaire dit
en ut.
Le trombone bassf est un trombone ténor auquel
on a ajoulé, à l'instar îles instruments a pistons, un
tube supplémentaire fixe que l'on met en communi-
cation avec le tube général au moyen d'un cylindre
ouvert ou fermé par le pouce de la main gauche, et
qui abaisse la tonalité générale de l'instrument,
lorsqu'il est ouvert, d'une quarte jiisle.
Ce système, d'une conception très ingénieuse, a
malheureusement les inconvénients pratiques sui-
vants : lorsque la mécanique est ouverte (c'est le nom
donné à ce système par son inventeur), la colonne
d'air est allongée d'un tiers à la première position;
il s'ensuit que toutes les autres positions doivent
être également allongées d'un tiers, ce qui enlève
toute sûreté à la main qui a des habitudes tout
autres dans la direction de la coulisse; puis, comme
cette coulisse n'a toujours que la longueur voulue
pour le trombone lénor, il n'est plus possible d'at-
teindre que la cinquième position; or, comme la pre-
mière et la seconde posilion : ^^^r-
ne font que doubler les sixième et septième positions
ordinaires, il en résulte que ce système ne donne
vraiment que trois notes ou positions nouvelles :
je pojl 4.? P®"-
BSB'Ï!^
m
: et qu'il manque
-1^
encore les deux notes
m
pour joindre les notes pédales du trombone lénor et
compléter la gamme.
Hnlin, le trombone contrebasse est un trombone ténor
auquel on a ajouté un tube supplémentaire et une
double coulisse qui, lorsqu'ils sont mis en communi-
cation avec le tube général au moyen d'un piston,
doublent la longueur de l'instrument et font sortir
toutes les notes à l'octave inférieure.
Ce dernier système serait de beaucoup préférable
au système précédent, parce que la gamme est
absolument complète au grave, et encore parce que
la coulisse simple ou double à volonté conserve ses
positions sensiblement les mêmes pour les notes de
l'octave normale ainsi que pour les notes de l'octave
grave; le seul inconvénient qu'il ollrc, et cet incon-
vénient est malheureusement trop appréciable, c'est
que le poids de la double coulisse l'onipt l'équilibre
de l'instrument dans la main et le rend fort dilhcile
à tenir et conséquenvment à jouer.
De toutes ces recherches de perfectionnements, il
n'est resté dans la pratique que le trombone à trois
ou à quatre pistons du système général des instru-
ments à pistons, et le Irombone à coulisse de nos
ancêtres.
On construit le trombone à pistons dans les tons
de mi[i (alto) ; ut (ténor) ' et si b (ténor également ; ce
dernier, de meilleur timbre, est très usité en lielgique
et peu en France, pour la seule raison qu'il ne peut se
servir des parties écrites pour le trombone à coulisse
et qu'il faudrait transporter à la seconde supérieure
toute la musique qui lui serait destinée), et enlin en
fa (basse).
Le trombone à coulisse se construit en mi\) (alto),
en ut (ténor) et en /Vz^ grave (basse).
m
D)
FiG. 432. — TroinliKiie ii coulisse liMior, pavillon droit
avec pompe d'accord.
1. La maison Evette et Schaef(er construit Hcs troi
tons lie perces un peu plus grosses et dénommés bn
Les sons graves gagnent de l'ampleur et quelques nok
il l'aigti, ce qui n'offre aucun incoDvéoient pour faire
troisième ou quatrième trombone.
2, Ces dénominations de tonalités sont celles employées
mais ne sont vraies que pour le trombone basse qui est
d'ailleurs, être en 5o/, mais, comme tous les artistes
parties écrites en sons réels, cela n'a pas d'importaarc.
mboiies à. pis-
•i/fon et liasse.
s sont perdues
les parties de
parlesartistes,
dit, également
lisent sur des
1452
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSEliVATOIHE
Le trombone alto, qui a été très employé autrefois,
est presque abandonné de nos jours, et le trombone
basse n'est employé que dans les très grands orches-
tres.
Comme le bras serait trop court pour atteindre aux
positionséloignées du Irombone basse, on manœuvre
la coulisse à l'aide d'un manche, ce qui est loin de
faciliter le jeu de cet instrument.
FiG. 133. — Trombone hasse à manche.
Pour ramener la manœuvre de la coulisse direc-
tement à la main, on a construit des trombones à
coulisse double, ce qui diminuait la longueur delà
coulisse de moitié, mais, soit que l'instrument s'en
trouve trop alourdi, soit que la multiplicité des cou-
des le rende trop dur à jouer, l'usage de ces trom-
bones n'a pas été adopté par les artistes.
FiG. IS'i. — Trombone basse en sol à coulisse double.
I,es méthodes les plus réputées sont celles de :
Herr (F.) et DiiîPi'O,
B LÉGER,
Delisse pour le trombone à coulisse,
G. Klandrin,
M. Bléger,
Salabert pour le Irombone à pistons.
Cornet à pistons.
Après avoir étudié le principe général des instru-
ments de cuivre, celui des pistons et la trompette, il
ne reste plus lien d'essentiel à examiner, non seu-
lement pour le cornet, mais encore pour les saxhorns,
les saxotrombas, bugles, tubas, bombardons, cor.
nous, coniophones, cor vocal, baroxyton ou tout
autre nom qu'il plaira à un facteur d'inventer; il
n'y a plus de différences entre tous ces instruments
que dans les proportions du cône du tube principal,
dans la forme, l'aspect de l'instrument ou dans le
mécanisme de répartition de la colonne d'air dans les
coulisses (pistons d'une forme ou d'une antre, ou cy-
lindres); mais de nouveau principe, il n'y en a plus.
Le cornet, d'une perce légèrement plus conique que
la trompette, vient de l'ancien cornet de poste auquel
on a adapté les pistons; sa vogue a commencé au
bal, où, chargé de la partie de chant, il constituait le
dessus des cuivres; du bal, il est allé au régiment
remplacer la trompette à clés ou clairon chromati-
que, puis, enfin, du régiment, il s'est introduit dans
l'orchestre pour tenir lieu de trompette qui manquait
trop souvent. On peut affirmer, sans trop de témé-
rité, que si la petite trompette en xit ou en si\< que
l'on emploie de nos jours avait été créée dès le début,
le cornet ne serait jamais sorti du bal et peut-être
même n'y fût-il jamais entré.
La raison en est celle-ci : la trompette, instrument
cylindrique, est le véritable dessus du trombone et
forme avec lui un ensemble absolument homogène
d'une très grande pureté de sons. C'est un clavier
qui monte de l'extrême grave à l'aigu sans heurt et
sans que le passage des sons d'un instrument à
l'antre apporte le moindre choc à l'oreille la plus
délicate.
Nous verrons plus loin que les saxhorns consti-
tuent entre eux un clavier complet formant oppo-
Img. 435.
Trompette.
FiG. 436.
Cornet en si
sition d'un timbre doux et comme velouté, franc et
parfaitement caractérisé, au timbre vibrant et clair
des trombones et trompettes.
Le cornet n'a pas de basse; il forme comme une
sorte de demi-jeu d'orgue, et son timbre, insuffisam-
ment marqué entre la trompette et le bugle (sax-
horn contralto), ne le distingue pas assez de l'une et
de l'autre.
Les tubes redressés se comparent ainsi :
Longueur commune 1'? 330
Trompette % 200 7"<
4-00
Pistons
90 5
500
;î lA-o
^=
Cornet
720
Pistons
<M .JOO CM
A^OO
;iio.
o
FiG. 438.
TECIIMQL'E, ESTIIÈTUJUE El' l'EDAC.oClE
DES INSTRUMENTS A VENT 1453
Bugle
160
Pistons
S 78^
500
500
S92_V
^
FiG. 13*.
Ces réserves faites, qui, à vrai dire, sont plutôt du
domaine de l'orchestiation que de l'étude particu-
lière de l'instrumenl, mais qui n'en avaient pas moins
leur place ici, à cause de la comparaison des perces
diirérentes de trois instiunieiits de même longueur,
de mécanisme semblable et pourtant de caractères
si séparés, il est juste de reconnaître que le cornet a
l'ail le succès d'artistes de la plus haute valeur, qu'il
a été l'objet des soins les plus attentifs de la part
de tous les facteurs qui ont cherché pour lui tous les
perfectionnements ima).'iuables, et pour lequel on a
écrit les méthodes les plus complètes de toutes celles
qui existent pour les instruments à pistons.
Nous avons vu pages 1419 et 1420 les causes du
manque de justesse dans les instruments à pistons,
nous avons examiné pages 1421 et suivantes les pro-
cédés, les perfectionnements qu'on a cherchés pour
atteindre la justesse fuyante; je n'y reviendrai pas,
puisque je ne pourrais que ledire ce que j'ai déjà
ilil et que la conclusion 7'este toujours celle-ci : s'il
est possible d'employer ces perfectionnements ou
moyens pour le solo, ils restent jusqu'à présent à
peu pi'ès inipralicables dès qu'on accouple plusieurs
instiuraents ensemble.
Les méthodes les plus célèbres sont celles de :
Arban;
Fokestiek;
Alexandre Petit.
Ici, la question des noms devient si embrouillée
qu'il me faut ouvrir une parenthèse de quelque
longueur, et bien que je veuille me garder de faire
aucune polémique, il me faut liiern refaire un peu
d'histoire moderne, sinon contemporaine, et rendre
aux facteurs français et étrangers la juste part qui
leur revient dans la coustitutiou de ce que nous
appelons en France la famille des saxhorns.
Nous avons vu dans la première partie de celte
étude, pages 14H et suivantes, le cornet à bouquin
et sa basse le serpent. Au xvui" siècle, l'invention
de la clarinette, ainsi que l'adaptation des tons de
rechange sur la trompette, amenèrent l'abandon du
cornet à bouquin, tandis que le défaut de basse
cuivre laissait subsister le serpent à côté du basson,
trop faible pour équilibrer les huit ou dix clarinettes
qu'on employait déjà dans les musiques militaires
de cette époque.
Vers 1800, Frichot, en cherchant à perfeclionner le
serpent, appliqua des clés pour fermer les tr'ous de
notes et, après avoir été d'abord, on ne sait trop pour-
quoi, le basson russe, l'instrument de Fr;cuot parait
nous être revenu d'Allemagne sous le nom d'ophi-
cléide.
A l'imitation des trombones, la famille des ophi-
cléides se composait de trois individus : l'alto en fa,
le baryton ou basse en ut ou en si h, et la contre-
basse en fa qui, comme le trombone basse, parait
avoir été peu employée.
Presque aussitôt, Frichot en France, Weidinger à
Vienne, Joseph Holiday à Londres appliquèrent des
clés au clairon allemand ou bugle anglais, et en lir'ent
le dessus des ophicléides; c'était, en somme, l'évolu-
tion du serpent reportée au cornet à bouquin dont
ces nouveaux instruments de cuivre (l'ophicléide et le
clairon chromatique) avaient sensiblement la perce,
sairf l'évasement du pavillon.
Comme le clairon i l'ancien claron ou claronceau)
n'était pas encore ou n'était plus en usage en France,
on dénomma ces nouveaux insli'uments : trompettes
à clés.
Kn 182.3, au retour de la guerre d'Espagne, le mi-
nistre de la guerre demanda à Courtois de lui sou-
mettre un instrument pour transmettre les signaux
de l'infanterie, et permettant de distinguer ces der-
niers des signaux de la cavalei-ie donnés par la trom-
pette.
CocRTOis présenta au ministre le clairon actuel, qui
fut aussitôt adopté pour toutes les troupes d'infan-
terie française.
Or, ce clairon, qui exislait déjà antérieurement, au
moins dans les troupes piémontaises, comme le prou-
vent les sonneries publiées planche 34 du Manuel
ijviiéral de musique militaire de Georges Kastner et
extraites de l'ouvrage Reyolumenlo d'esercizio }oer
l'infanteria (Torino, 1816), ce clairon, dis-je, avait
très sensiblement la même forme et la même perce
que les trompettes chromatiques d'alors, dont le nom
fut changé en celui de clairon chromatique; il devint,
par le remplacement des clés par' le système des pis-
tous, et toujours sans changer ni forme ni perce, le
buj,'le actuel ou saxhorn cûntrallo si'^; de même, les
ophicléides alto et basse, tout en modiliant la forme,
en prenant les pistons, ont conservé leur perce à peu
prés exacte en devenant des saxhorns alto ou basse.
Voici donc deux points bien établis :
1° La perce provenant en ligne directe des cornets
à bouquin et des serpents;
2° Les pistons inventés en 1814 par BlChmel.
Un troisième point reste à établir : la forme; et ce
point est déjà fixé pour le saxhorn contralto si j' (bu-
gle contralto), qui a conservé la forme, perce et pavil-
lon compris, du clairon chromatique ou non; forme
qui existait déjà, mais avec une perce dilférente, qui
reportait la place des pistons sur le tube plus loin de
l'embouchure, dans le cornet à pistons.
L'ancien serpent, en recevant des clés, en échan-
geant son corps de bois recouvert de cuir contre un
corps de cuivre, avait perdu sa forme de serpent
pour se rapprocher de celle du basson, d'où son nom
primitif de basson russe, bientôt abandonné pour
celui d'ophicléide ou serpent à clés.
Cette appellation n'était justifiée que par l'origine,
puisque la forme du serpent n'existait plus. En
abandonnant ses clés pour recevoir le système des
pistons, l'opliicléide devint ; l'ophicléide à pistons alto,
baryton, basse ou contrebasse, dénominalion bizarre,
puisque cet ophicléide n'avait plus ni forme de ser-
pent ni clés.
1454 IcycrCLOPÉniE de I.A HirsinfE et DICTIONVAtRE DU CONSERVATOIRE
è-
Fia. 439.
Serpi'nls à 6 clés.
FiG. 440.
Ophicléide à 9 clés
Cette bizarrerie ne pouvait durer, et le nom d'o-
phicléide l'ut bientôt aljaiidoiiné; les uns adoptèrent
le mot anijlais binjle (corne de butle), soprano ou
contralto, alto ou ténor, baryton, basse et contre-
basse, les autres coraposèrent le nom clavi-cor ou
clavicor (cor à clavier), nom qui sert encore à dési-
gner tous les instruments de cette famille sous la
forme allemande fiugelhoim (/lMge/= clavier, ou plus
exactement piano à queue, et horn = coT) en Alle-
magne et en Angleterre; puis, on imagina les neo-
cor, les neoallos; certains même allèrent jusqu'au
corhorn, c'est-à-dire, corcor, ce qui indique bien
l'incohérence qui présidait à la formation de tous
ces termes, quand il eût été si simple de reprendre la
vieille appellation latine tuba, à laquelle il suffisait
d'ajouter la désignation du s.ystème à pistons et le
registre de l'instrument dans l'échelle des sons.
Au lieu de cela, beaucoup se contentèrent en France
de prendre le qualificatif du registre pour le nom
même de l'instrumentet dirent : un alto, un baryton,
une basse, une contrebasse, ce qui n'indique nulle-
ment, en somme, la nature de l'instrument, et c'est
dans ce même ordre d'idées fausses qu'on dit et qu'on
écrit encore en France de nos jours : un piston pour
un cornet à pistons.
Cependant, tous nos facteurs travaillaient à perfec-
tionner le mécanisme des pistons, leur perce, l'ar-
rondissement des angles, l'élargissement de la forme
des instruments, afin de favoriser de plus en plus la
bonne et franche émission des sons, ainsi que leur
ampleur et leur beauté.
Pour nous rendre compte de ces recherches vers
le bien et vers le mieux, je ne puis faire autre chose
que de reproduire ici les modifications de forme et
de perce générale] de Vophicléide-alto à pistons, de
d83o à nos jours.
ff%
Isa
1845
1839
ISW
1867
FiG. 441.
1870 Le monopole.
Les transformations d'un alto.
Voici encore, à titre de document, la reproduction
de deux planches extraites des pièces du procès en
nullité de brevet de Kivet contre Sax et montrant
bien l'état où était parvenue la facture française des
instruments de cuivre avant la prise des fameux
brevets de Sax.
C'est alors qu'Antoine-Joseph dit Adolphe Sax, —
car ce nom même ne lui appartenait pas, comme en
témoigne son brevet du I.î octobre 1843 pris au mi-
nistère de l'Agriculture, du Commerce et des Tra-
vaux publics, — c'est alors que Sax, venu de Belgique
en France sous les auspices du général de Rumigny,
voulut inventer quelque chose pour justifier la con-
fiance qu'avait mise en lui ce haut personnage.
La perce existait dans les clavicors, néocors, etc.,
surtout dans les néo-altos que nous avons vus.
Les pistons avaient été trouvés par Bu hmel trente
ans auparavant.
La forme même était fixée de telle sorte qu'elle
n'a presque pas été modifiée depuis.
.N'ayant plus rien h inventer comme perce, comme
mécanisme ou comme forme, et réduit comme tous
ses confrères à chercher de simples perfectionne-
ment, il imagina un nom générique pour tous ces
instruments, et alors que les BlChmel, les Stœlzel,
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1455
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EXCYCLOPÈDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOyXA lltK DU <:0\'SERVATOIRE
Fia. ii3. — Pholo,-r;iiiIiics de aocumenls ilu'pi'ocOs Rivr.i coiiLi-e Sax.
TEaflNlQUE, ESTIliiTlQUË ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1457
les Kretzscbuan, les Halary, les Guichaud, les Péri-
NET, les Uaoux, les Besson et bien d'autres que
j'oublie s'étaient contentés de marquer leur passage
dans la facture instrumentale i cuivre) par leurs
seuls travaux, Sax accola son nom au mot allemand
(1 horn », synonyme du mot français « cor »; tous
les néo-altos ou mieux tous les bui;les devinrent des
saxhorns: quant aux clavicors, dont la perce était
plus étroite et correspondait sensiblement aux trom-
bones, et qu'il ei'it peul-étre été utile de conserver
pour constituer une famille avec les cornets, Sax
les baptisa : saxo-trombas.
11 est à remarquer que les Belges ont continué
d'appeler tous les bugles simplement des bugles,
réservant le mot tuba, qui aurait dCi logiquement
devenir le nom de toute la famille, à la seule basse,
et le mot bombardon aux contrebasses.
Quant aux saxotrombas, qui n'étaient guère autre
chose que des trombones et des trompettes auxquels
on avait donné la forme des saxhorns, puisque sax-
horns il y a, pour faciliter leur tenue et leur jeu aux
cavaliers au temps des belles et excellentes fanfares
de cavalerie d'autrefois, leur succès ne fut pas de
longue durée, et ils furent vite abandonnés par les
cavaliers mêmes pour lesquels ils avaient été créés.
Aujourd'hui, personne ne sait vraiment plus ce qu'é-
tait au juste un saxo-tromba.
Pourtant, un de ces individus, le saxo-tromba
alto mil, existe encore et continuera peut-être
d'exister jusqu'à la consommation des siècles. Oh !
n'allez pas le chercher chez un marchand ou chez
un fabiicant d'instruments de musique, vous ne le
trouveriez pas; ne le cherchez pas non plus dans les
mains d'un musicien militaire, vous ne l'y trouveriez
pas davantage, et ce n'est cependant que dans les
musiques militaires qu'il a pu conserver son exis-
tence envers et contre tous ; il n'y fait d'ailleurs
de mal à personne, sauf un rappel à l'ordre de
temps eu temps soit au chef de musique, soit au
fournisseur qui se sont oubliés à indiquer sur une
facture ou une demande de réparation ou de fourni-
ture d'instruments un saxhorn alto au lieu et place
d'un saxolromba alto. L'Intendance ne plaisante pas
et, bien que les derniers saxotrombas, si vraiment
il en existait encore, aient disparu en 1867 au licen-
ciement des musiques de cavalerie, l'Intendance con-
tinue à exiger leur présence vivace, à l'exclusion de
tout saxhorn alto, sur les nomenclatures, registres,
inventaires, factures, etc., des musiques de l'armée.
Heureusement pour la bonne sonorité des musi-
ques françaises, cette exigence ne va pas au delà du
papier, mais il faut reconnaître que l'administialion
comprise ainsi est une belle chose!
Il reste donc bien entendu qu'en l'état actuel de
la facture, il n'y a en dehors des cornets, trompettes,
trombones et cors, qu'une seule famille d'instruments
à perce conique et à pistons qui porte différents
noms suivant les pays, mais qui reste famille unique
et qui se décompose en sept registres différents
allant île l'aigu au grave comme suit :
Saxhoin soprano ou sopranino en Hfji communé-
ment appelé petit bugle dont l'étendue est :
Ivli-nili'ii' IliPTii'iijiiH
É
F.IPTUI
f Miliir praliijin^
d»MH'pffaf-
I-Hh! t^Wl ! yp [y
^
Exemple 57.
Saxhorn conirallo en sTi, communément appelé grand bug'e ou simplement bugle, dont l'étendue est
EtEiidnErtiiÉnràpiEiEtyEHtiipiE:
(InFit l'pfPfft
i'ppI yyt-
Exemple 58.
Saxhorn alto en mi'-', communément appelé alto mi ■•, dont l'étendue est :
Exemple 59.
Saxhorn baryton en sto, communément appelé baryton $(■:>, dont l'étendue est
filwjjJMf^ nit^orii|iit' hI [w^tjrpTF
92
1458
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Saxhorn Jjasse en ut ou en ù'p, à qu.ilre pistons, 1 t;né aussi dans les orchesire» sons )e nom de tuba,
ommunément appelé basse en )/( ou en si\>, dési- | donl l'étendue est:
F.lpnriiip.
— F^pnf^^^e
Jtfaistoiginirs
|]iHiii-if|n« *1' _pralji]ue. * !• sans ré
TîTTÎTTTTTrPT' — ^ iiiiin'lp^ nrfiwti'H ' nravp
Kl^iiilnH llifiii'ii
^^~^
cboRexistepas
iiiii-lfsai'ri^lfH^
b-e-
bo
lIlHll IVFfli l-HI^I v<,\
^
* V II ilniil l'pfffl rftHl HSL ^
-ftirpt
us:
■±s±
:Si=fe
riiiiiiiniin'.irnJiiL-
pmmiHiiassEiEiiiSfctE:
l^ssi- t-TT
bo
T.lpililnf |ii-^lii|i|pf.^-fc->^
lll-<1illMi|-H ' :^^-
lIoiiI lypr^-l. l•^^^'^ 1»
INMii-lalia.^gf P7
■ ?;•. I. y, — l
w-
Exemple 01.
Saxhorn conirehasse en miy dont l'élendue est :
T,l|Jiw1iip Jhi^nT-iqiip *¥
T^lHLitliitf iii-uliiprF-*-^i IrrtTTiil IVrrfl i-hh1 hkI * ):
^
-W
^
qn
<^^
-p-
Exemple 152.
Saxhorn contrebasse en si h dont l'étendue est :
Fft^iniiît^ iiiHtiiM<^iiH ^. ^HtMniin^ pi-^iifpiH*y. fiiiiiLïi'rrf.t ri'*'! Hst *^'. "
-If^
Exemple 63.
Depuis l'admission à peu près générale des œuvres
de Ricliard Wagner dans les orchestres français, nos
principaux facteurs conslrnisenl des basses en >'< à
cinq et à six pistons, afin de donner la possibilité
d'obtenir le ?-^rt grave et d'assurer plus de justesse
par des doigtés multiples plus ou moins compli-
qués, aux notes défectueuses des basses à quatre
pistons.
Dans ces instruments, le cinquième piston est
généralement d'un ton, soit descendant, soit ascen-
dant, selon les systèmes, ou plus exactement selon
le désir de l'artiste auquel est destiné l'instrument;
quelquefois ce piston n'est que d'un demi-Ion el ne
sert qu'à la transposition de certains passages trop
chargés d'accidents.
Le sixième piston allonge l'instrument d'une
quinte et permet ainsi d'avoir les fa graves justes;
de plus, il permet de nouveaux accouplements de
pistons pour la recherche de plus de justesse dans
les notes graves.
L'étendue théorique de cbs instr(mients est :
m
Exemjile 64.
soit quatre octaves et demie, mais il s'en faut de
beaucoup que les mcillonrs artistes puissent réaliser
toute cette exliaordinaire élendue,et si l'instrument
est construit h 1res grosse perce el muni d'une eni-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENTS liss
hoiichiire il grain aussi lari.'e que possible, afin de
favoriser l'émission des noies graves, ce seront alors
les notes aiguës qui manqueront; il est viai que, si
ces instruments conservaient tous les avantages, il
n'y aurait plus lieu de se servir des contrebasses
graves, qui n'ont pour elles que l'ampleur de leurs
sons, puisque les simples basses à quatre pistons ont
déjà une étendue théorique, au grave, supérieure à
la leur.
Cependant, des essais onl été tentés, des efforts
ont été faits, des progrès ont été réalisés pour rap-
procher le timbre des saxhorns de celui des cors,
dont on regrette toujours la voix si pénétrante et si
caractéristique, sinon dans les orchestres symphoni-
ques où le recrutement des artistes jouant ce ma-
gnifique instrument a toujours pu se l'aire, du moins
dans les musiques militaires et dans les musiques
civiles d'harmonie ou de fanfare, où l'opposition du
règlement, le service à court terme et la difficulté
même de l'inslrument ainsi que son prix élevé, ne
permettent que bien rarement de le voir figurer.
Dans ce but, on a rétréci la perce de la branche
d'embouchure, on a allongé et rapelissé le grain de
l'embouchure elle-même pour la rendre plus sembla-
ble à celle du cor, on a arrondi la forme de l'instru-
ment, on a enfin, ce qui a constitué le pi'ogrés le
plus appréciable, rendu la perce plus régulièrement
conique et l'on a baplisé chacun de ces essais ou de
ces modèles, suivant les facteurs ou les pays, des
noms les plus suggestifs, sans jamais atteindre com-
plètement le but qu'on s'était proposé.
Voici quelques-uns de ces noms:
Cor-alto,
Alto-cor,
Althorn,
Teno?'/iO)')i, quatre termes qui n'ont qu'une seule et
même signification;
Biigic-horn, en un ou deu.x mots, cela ne peut
toujours vouloir dire que bugle-cor où saxhorn-cor.
Flicorno,
Eufonia,
Hélicon, saxhorn basse ou contrebasse, de forme
ronde, permettant à l'instrumentiste de tenir son ins-
trument enroulé autour du corps pour le jouer et le
porter;
PeUiton,
Pelitoni,
Herkulesofon,
Bnroxyton,
Cornons,
Cornophones.
De cette liste bien incomplète, je le répète, et
qu'on ne saurait compléter utilement, parce que
toutes ces dénominations varient à l'infini suivant le
caprice des facteurs ou les désinences de langage de
chacun des pays, je ne retiendrai que les trois types
les plus marqués pour établir les trois principaux
aspects du problème, qui consiste à perfectionner
les saxhorns jusqu'au point de n'avoir plus à le-
gretlcr le cor.
L'hélicon n'a du cor que la forme ronde; la perce
et l'embouchure sont celles des saxhorns ; if est plus
commode à porter pour jouer en marchant, mais,
par contre. Il ne peut se porter que d'une seule ma-
nière, même quand on ne joue pas, et devient ainsi
bien plus incommode et plus fatigant pendant une
marche un peu longue.
11 a enfin contre lui d'avoir toutes les tierces (les
sons o) beaucoup trop basses.
A ce sujet, il nie faut revenir une dernière fois au
principe de la gamme naturelle.
FiG. ii.'i. — Clairon
chasseur.
FiG. 4-41. — Hi'licon. — Branche articulée ninbile permettant
d'amener l'embouchure aux. lèvres de l'exécutanl sans fausse
position de la tête.
J'ai dit pages 1402, 1403, exemple f, que le son, 5
de la gamme naturelle est légèrement plus bas que
ce même son 5 de la gamme tempérée.
Or cette dilférence, très légère sur les tubes longs
et de perce étroite comme le cor ou la grande trom-
pette sur lesquels ont peut atteindre des hariiao-
niques très élevés, s'accuse de plus en plus dans tes
tulses plus courts et de perce relativement pljas
large, comme la petite trompette et le cornet qui
sont presque cylindriques,
puis dans les saxhorns qui,
comme les précédents, n'at-
teignent plus qu'aux sons 8,
mais sont de perce conique
et de la forme ellipsoïdale
ordinaire; enfin, pour une
cause qui échappe à la
théorie, celte différence
devient insuppoilable dans
ces mêmes saxhorns dès
qu'on leur donne la forme
ronde. Ce fut la principale cause de l'abandon du
clairon changeur cvéé
vers 1890; ce clai-
ron, à forme ronde,
avait des sons :), 4 et DǤ
6 parfaitement d'ac-
cord avec les sons
correspondants du
clairon ellipsoïdal
ordinaire, mais, dès
qu'on attaquait les sons S
nablement faux, et
malgré l'avantage,
très apprécié des
chefs de corps, de
mieux faire enten-
dre les sonneries de
marche aux troupes
qui suivaient, il fal-
lut abandonner
cette forme nouvelle
pour en revenir au
vieux clairon avec
pavillon en avant.
L' alto- cor , qui
n'est qu'un saxhorn
Fitt. 440. — Clairon s/ 7.
cela devenait alxjoai-
FiG. 4 17.
AUo-C'.ir m't ■
I'if,0
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
FiG. 4iS. — Cor alto en mi'n.
alto à forme ronde, subit, quoi qu'en disent les
facteurs, la même lo'
des sons o beaucoup
trop bas.
Le cor-allo est encore
lin saxhorn alto dans le
genre du précédent,
mais dont ou a rétréci
la branche d'embou-
chure, sur laquelle on
a fixé une embouchure
se rapprochant de l'em-
bouchure du cor; c'est
toujours un saxhorn h.
forme ronde avec des
sons moins amples.
EnTin, les cornophones sont des saxhorns dont on
a l'endu la perce phis régulièrement conique, et dont
l'embouchure se rapproche de celle du cor, mais
auxquels on a conservé la forme ellipsoïdale. Mal-
pré sou nom, l'alto n'a pas et ne peut avoir la voix
du cor, et cela pour la raison capitale que la longueur
du tube est, comme celle de tous les saxhorns alto
mih, de moitié plus courte que la longueur d'un cor
également en miU et que, alors que dans ce dernier
les sons les plus employés se meuvent entre les har-
moniques l et 12, les sons correspondants du corno-
phone alto vont de l'harmonique 2 à l'harmonique 6;
le ti7nbre ne saurait donc être le même, pas plus que
la petite trompette en ut ne saurait prétendre à avoir
le même timbre que tessons similaires de l'ancienne
grande trompette en ut, dont la longueur et consé-
quemment les harmoniques étaient doubles ; la pe-
tite trompette est infiniment plus facile à jouer,
c'est entendu, mais quant
à avoir le timbre, la péné-
tration et la portée de la
grande trompette, c'est
tout autre chose.
Le coruophone baryton
en stp a la longueur de
l'ancien cor en si:-: haut, et
cela est suffisant pour ex-
pliquer que ses sons aigus
se rapprochent du timbre
des sons du cor; malheu-
reusement, sa perce plus
large ne se prête peut-
être pas aussi aisément à
l'émission de ces sons
aigus.
En résumé, ce qui donne le caractère particulier
des sons du cor, c'est surtout la série élevée des
harmoniques de cet instrument, série obtenue par
les proportions d'un tube très long eu égard à une
perce très étroite et d'un cône e.xtrèmement allongé;
c'est aussi ce qui constitue la difficulté de cet ins-
trument, parce qu'il est indispensable d'avoir l'o-
reille et les lèvres 1res sîlres et très exercées pour
se mouvoir avec quelque assurance au milieu de tous
ces harmoniques de degrés conjoints.
Pour conserver le caractère du cor à un instru-
ment dont le tube serait de moitié plus court, il
taudrait que la perce de ce tube fût réduite égale-
ment de moitié dans toute sa longueur, mais il est
à craindre qu'un tel instrument ait également sa
sonorité réduite de moitié, ce que l'on veut éviter à
fout prix. Au lieu de cela, les facteurs cherchent la
solution du problème en construisant des tubes de
Itaa^
FiG. ■i'S9. — Cornophone alto
mi ^ .
moitié plus courts pour obtenir des harmoniques du
double moins élevés dont la pratique est infiniment
plus aisée, mais dont la perce, partie de Tembou-
cliure du ;^'rand cor, souvent même plus grande, va
en s'élarjïissant dans un cône très accusé; le résultat
ne peut être le timbre du cor; il ne peut logique-
ment aboutir qu'au timbre de saxhorn plus ou
moins perfectionné, mais timbre de saxhorn tou-
jours.
Pour conclure, je ne puis mieux faire que de réé-
diter cette réflexion d'un La Palisse quelconque : « Il
n'y a qu'un instrument qui puisse vraiment rempla-
cer un cor, — c'est un autre cor. »
Les meilleures méthodes pour les saxhorns so-
prano, contralto, alto et baryton sont celles que j'ai
citées pour le cornet à pistons.
Pour les saxhorns basses et les trombones à pis-
Ions, ce sont celles de ;
Michel Blêgeiï ;
S.alabert;
Gausinus.
Sndrophone*
Le sudrophone, ou voix de sudre, n'est pas un nou-
vel instrument, mais une modification imaginée par
Sudre et appliquée par lui à tous les instruments
de cuivre pour leur ajouter un timbre nouveau.
Celte modilication consiste en une ouverture pra-
tiquée à la naissance du pavillon, ouverture recou-
verte par une membrane de soie qui vibre aux sons
de l'instrument, à la manière de la pelure d'oignon
du mirliton ou du bigotphone, ou plus exactement,
de la llùte eunuque ; ces vibrations modifient le
MANIE^rE^■T de la membrane des SCDnû^HU^ES.
i.a membrane des sudrophones se rompose
essentiellement d'un doublé cylindre, se pla-
çant daus un petit tube Gxù à demeure sur le
cote du pavillon, et dont l'un porte la soie
dont la vibration modifie le timlire de l'inslru-
mont.
/) Pour jouer avec le timbre du cuti-re ordinaire,
tourne}- le cylindre à droite en le prenant par
l'anneau A, et Termer ainsi la fenêtre de la
membrane.
-2) Pour faire parler la membrane et modifier Ip
timbre, tourner l'anneau A à gauche et ouvrir
ainsi la ienètre de la membrane.
3) Pour obtenir le timbre désiré, régler la ten-
sion de 1.1 membrane par la vis V. Pour ten-
dre la soie, tourner la vis peu â peu à droite,
en émettant par exemple une note de façon à
choisir le timbre voulu ; plus on tend, plus le
son ^e rapproche de celui du cuivre. Pour la
détendre, tourner peu a peu à gauche: on obtient le timbre d'ins-
truments à anche ; plus on détend, plus le son se rapproche de celui
des instruments à cordes.
NOTA. — Il ne faut pas que l'instrumentiste se préoccupe de la vibra-
tion un peu forte qu'il entend en jouant; cette vibration disparaît
eiilièrement à une courte distance, et le son est d'une grande pureté
pour lauiiileur.
Avant de jouer avec la membrane, il est bon de la mettre à la tem-
pérature de l'airsonore qui va venir la faire vibrer : pour cela, res-
piier une ou dcu\ fois sur la soie, sans sortir la membrane.
4) Pour retirer la membrane, la saisir par l'anneau A et tirer en lias,
quand le taquet /. li\e sur le cylindre, se trouve devant la rainure du
tube ti\e.
5) Une fois le cylindre retiré, il suftit. poursorlir la membrane de soie,
(le saisir le cylindre de la main gauche par l'anneau A et de la
droite par le bouton R, puis détourner à droite ce boulon de façon
à faire glisser le taquet 5 dans la rainure oblii]ue; en tirant en bas,
les deu\ cylindres se séparent et la membrane de soie apparaît.
OBSERVATIONS, — Il faut retirer la membrane le moins souvent
possible et bien faire attention, en la sortant, de ne pas la frotter
contre le tube, ce qui pourrait la couper.
Quand l'instrument est au repos, avoir soin de fermer la membrane
comme pour jouer en cuivre.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1.61
lirabre de rinstruinenl et le rapproclient de celui des
instruments à cordes; je ne dis pas qu'elles le rem-
placent, mais seulement qu'elles le rapprochent, et
c'est déjà beaucoup. Par une sorte de verrou, l'ins-
trumentiste peut à volonté boucher cette ouverture
et rendre ainsi le timbre primitif à l'instrument, qui
possède de la sorle deux timbres bien distincts.
Quant à la forme nouvelle, ou plus exactement très
ancienne, car elle nous ramène à la forme primitive
des fameux ophicléides ù pistoru de vers ISiiO, quant
à la forme donnée à ces instruments, elle n'influe
en rien sur les timbres et n'a, je suppose, qu'un but :
celui de distinguer ces instruments spéciaux, des
instruments ordinaires, et d'attirer l'œil du client ou
de l'auditeur. Quoi qu'il en soit, le sudroplione est
une véritable invention qui peut et doit rendre de
réels services, au moins dans les fanfares si pauvres
en timbres caractéristiques.
FiG. i5l. — Grand buple.
FiG. 152. — Allô.
FiG. 453. — Bfirylon ut
el sit,.
FiG. 454. — Basse 11/
et si\).
Duplex.
Les duplex ne nous apportent aucun principe
nouveau; les instruments qu'on appelle ainsi ne sont
tout simplement que l'accouplement d'un cornet
avec un bugle, ou d'un bugleavec un alto, ou d'un
FiG. 455. — Contrebasse
mi y.
FiG. 456. — Contrebasse
si \^ el Hl.
457. — Cornet.
FiG 45S. — Trombone.
clairon avec une trompette, ou toute autre fantaisie
du même genre ; les deux instruments jumeaux sont
reliés à une branche d'embouchure commune et
reçoivent alternativement l'action du souffle de l'ins-
trunii'nliste au moyen d'une noix ou barillet, sorte
de robinet de distribution employé également sur
certains instruments comme le cornet, le cor ou la
basse pour mettre l'instrument en si_^ ou la, en mit»
ou fa ou eu ul et st!>, afin d'éviter l'embarras d'un
ton de rechange.
FiG. 459. — BoriUet simple. Fig. 460. — Barillet double.
l'.ivillon e.> av.11. t. Pdvillun en l'air.
Fia. 461. — Ck>nlrillo et cornet en «tt>.
1462.
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Je n'ai pas besoin d'insisler pour établir que ces
instruments ne sont et ne peuvent être que des pièces
d'exposition ou de vitrine. En etîet, même en pre-
nant le cas qui parait le plus logique du clairon-
trompette, pour permettre de transmettre des ordres
à l'infanterie ou à la cavalerie, l'instrument est
lourd, il exige deux embouchures diirérentes, un
musicten exercé, intelligent et aux lèvres très souples.
N'est-il pas infiniment plus simple de mettre à la
disposition du chef commandant les troupes, un
clairon et un trompette qui, bien au courant chacun
de leur instrument et de leurs sonneries, ne risque-
ront ni l'un ni l'autre de se tromper d'intonation
ou de sonnerie ?
Quant aux autres instruments, n'en parlons pas;
en dehors d'un artiste de music-hall, ils ne sauraient
avoir aucune utilité.
Au cours de cette étude, je n'ai parlé ni des em-
bouchures rayées de Guilh.\ut, ni des embouchures
concentriques de Sudre, ni de l'amplificateur sys-
tème Bal.\y, ni de quantité d'autres innovations
pour tel ou tel instrument émanant de tel ou tel
facteur; c'est que la tâche serait longue d'énumérer
toutes les merveilles d'ingéniosité que l'on voit
figurer dans les catalogues, et qui témoignent des
efforts de chacun pour trouver de nouveaux perfec-
tionnements, si minimes qu'ils puissent être. D'ailleurs,
aucune de ces innovations ne nous apporterait un
nouveau principe à étudier, une nouvelle loi à con-
naître, et aucune ne peut encore se prévaloir d'être
devenue d'un usage général ou d'être seulement em-
ployée par tous les artistes professionnels. Dans ces
conditions. J'estime qu'il n'y a pas lieu de préjuger
de leur succès dans l'avenir.
DES INSTRUMENTS A PERCUSSION
Après avoir examiné les principes des instruments
à vent, il nous reste à jeter un rapide coup d'œil sur
les instruments à percussion formant le complément
du matériel sonore de nos orchestres de symphonie
d'harmonie ou de fanfare, vulgairement appelés ins-
truments de la batterie ou accessoires.
Nés les premiers dans l'humanité, comme éléments
musicaux, ils sont aujourd'hui relégués au dernier
rang, malgré leur utilité indéniable.
Je dis qu'ils sont nés les premiers comme éléments
de musique. En effet, l'homme ne chantait pas en-
core, que son pas de marche ou de course exprimait
déjà une cadence, un rythme, simple il est vrai, mais
suffisamment marqué et régulier pour être envisagé
musicalement; pour peu que cethomrae ait des armes
pendues à sa ceinture, des outils rudimentaires
s'entre-choquant sur son épaule aux mouvements de
osu corps, en voilà assez pour distraire son oreille
amusée; n'enjolivons-nous pas encore, de nos jours,
le coursier qui emmène notre charrette, d'un collier de
grelots qui n'ont d'autre son appréciable qu'un bruit
rythmique'?
Si le pas de l'homme marquait un rythme, et le fai-
sait marquer aux objets qu'il portait, il était bien
naturel que l'idée lui vint de renverser les rôles et
que, prenant deux morceanx de bois et les frappant
l'un contre l'autre, il s'en servît pour marquer le
rythme de la marche, de la comse et bientôt de la
danse. Désormais, il est inoonlestable que cet homme
fait de la musique; ses deux morceaux de bois devien-
dront des claquebois et des castagnettes; nous en
ferons même un instrument mélodique dans le xylo-
phone; ou bien, abandonnant le bois pour le bronze,
il en fera des cymbales, des grelots, des clochettes
et des cloches qui formeront les joyeux carillons des
Flandres; enfin, creusant son bois et le recouvrant
d'une peau, il en fera un tambour, une nacaire ou
une timbale, à moins que, mettant deux peaux, il en
fasse une caisse petite ou grosse.
Le principe de production du son sera ici toujours
le même : on frappe l'instrument, soit avec un objet
de même nature, soit avec une baguelte de métal ou
de bois recouverte d'étoiipe, de feutre, d'épongé, de
cuir, ou bien tout simplement à nu, mais, dans tous
les cas, le son résulte d'un coup frappé.
Quant au son lui-même, il dilTérerasuivantla nature
de l'instrument, sa construction, les matériaux em-
ployés et leur disposition.
Le claquebois fut constitué d'abord par deux mor-
ceaux quelconques de bois que l'on frappa l'un contre
l'autre; puis, on en a fait un instrument spécial com-
posé d'une lame de bois au milieu de laquelle une
charnière rudimentaire fixait une deuxième lame plus
courte destinée à venir frapper la première pour pro-
duire le bruit rythmique.
Fio. 462.
Cet instrument primitif est connu également sous
les noms de crotale ou de plataijé.
Nous le retrouvons en Italie sous cette forme très
améliorée :
FiG. 403.
et en France, '^de nos jours, pour l'imitation du fouet,
sous cette forme :
Fio. 464.
TECHNIQI'E, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INTRUMENTS A VENT 1463
A défaut de claquehois, ou plus souvent pour le
renforcer, on employait le clai|uement des mains,
comme le prouve la ligure ci-dessous provenant
(Tun bas-relief trouvé dams les ruines de ISinrve et
aujourd'hui au Muséum Britannique.
Nous retrouvons le même instrument, perfectioûné
el pemieltant des rytiimes
rapides, dans les casta-
gnettes si populaires en
Espagne et déjà connues
de l'antiquité :
FiG. 16G.
Fis. -iST.
Pour l'orchestre, et afin d'en rendre le manie-
ment plus facile, on construit des castagnettes à
manche :
Fiu. 468.
FiG. 4Ô9.
Dans certains pays, les enfants remplacent les
castagnettes par deux petites lamelles de bois
tenues enlie les doigts et nommées claquettes ou
cliquettes.
FiG. ni.
FiG. 472.
l'.nliii, Carmen, dansant devant don José, prend
tout simplement deux
tessons ou fragments
d'assiette pour rempla-
cer ses castagnettes ou-
bliées.
En bois encore est
la crécelle, jouet d'en-
fant ou de carnaval,
employée dans un for-
mat plus grand au théâ-
tre pour tigurer la fu-
sillade, et à l'orchestre
pour imiter le craque-
ment des arbres dans
certains morceaux imi-
lalifs d'orage.
PiG. 473.
1464 Excn-ioFÉnih: de la musique et dictionnaire du conservatoire
FiG. 474. — Crécelle,
FiG. 475.
FiG. 170. — Crécelle.
En i-emplaçant le ressort de la grande crécelle par
une bande de grosse soie enveloppant en partie la
roue cannelée, on obtient l'imitation du vent. Ce n'est
plus alors un instrumenta percussion, mais un sim-
ple accessoire de théâtre employé exceptionnellement
dans une grande fantaisie de musique imitative, qui
eut autrefois une certaine vogue, ayant pour titre :
Le Fremesbcrg, de Miloslaw Kœnnem.inn.
FiG. 477. — Ma-liine pour l'imitalion du vent.
L'auteur a également employé dans cette compo-
sition une machine pour imiter la pluie et la grêle,
sorte d'escalier creux en zinc, dans lequel des pois ou
des haricols secs descendant ou précipités de mar-
che à marche, font un crépitement imitatif ; il y avait
encore une machine pour faire les éclairs, grosse
pipe contenant une lampe à esprit-de-vin, sur laquelle
on souftle de la poudre de Ijcopode, puis enlin, une
tôle mince suspendue par un de ses angles, et que
l'on secoue fortement pour rendre le bruit du tonnerre
(procédés employés dans les théâtres).
FiG. 478. — Machine à iniiler
la pluie et la grêle.
Tous ces engins ne sont et ne peuvent être des
instruments de rythme ou des instruments de mélo-
die; pas plus que le coup de pistolet employé par
MÉHLiL dans l'ouverture de La Chasse du. Jeune Henri,
pas plus que les coups de canon employés dans cer-
taines cérémonies solennelles par des compositeurs
ou des chefs d'orchestre voulant impressionner la
foule', ces accessoires ne doivent être considérés
comme partie intégrante du matériel musical.
L'imitation de la caille et celle du coucou qui peu-
vent s'obtenir musicalement,
se font aussi, la première
avec une petite caisse de ^^^
résonance de dimensions cal- I f^ i
culées pour donner la note
voulue à l'aide d'un petit ^'"=- '''''■'■
maillet,
la seconde au moyen d'un tube carré en bois, sorte
de minuscule luyau d'orgue percé d'un trou aux
quatre cinquièmes de la longueur totale, et donnant
conséquemment la tierce de la fondamentale ; ce trou
se bouche avec un doigl; les deux notes sont obte-
nues en soufllant dans le
tuyau. C'est, en somme,
un véritable instrument
à vent.
£H-
FiG. 4S0.
■ Coucou.
FiG. iSl. — Coucou.
Le xylophone ou halaf'o du Sénégal, au contraire,
est essentiellement un instrumenl à percussion, com-
posé d'un certain nombre de lames d'un Lois très
sonore et rendant des sous parfaitement distincts.
Ces lames reposent sur deux cordons de paille, de
caoutchouc ou de chanvre; on les fait vibrer avec
1. Le canon fut employé en 1615 dans VOloferno d'Hilaire Grlsd-
.MA>s à Dresde ; en 1ij43, dans le Te Dcum de Rauch; enlfi-iS, dans le
Currus Triiniipltalis du mtMne Rauch, à Vienne (ceUe dernière œuvre
avec addition de mousquets) ; en 1785 ou 1788 par Sarti, dans son Te
Deum pour la victoire d'Oc/^akov en Russie et par Cari Stamitz d&ni
un concert à Nuremberg.
Il fut encore employé en 1836 au camp de Krasnoïé-Selo, près de
Saint-Pélersbourg ; en 1867 par Rossini, dans son Hymne au Peuple
Français, et enfin en 1869 et 1872, dans deux fiîtes musicales données
ù Boston par M. Gillimore.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 14ii5
deux petits marteaux de bois dur; le
maître Saint-Sakns en a fait un emploi
excellent dans la Danse macabre.
Le même instrument, avec des lames
de verre, se retrouve sous le nom d'har-
monica dans les bazars au rayon des
jouets d'enfants.
FiG. iSS. — Carillon sans claviT.
Avec des lames d'acier, nous retrouvons encore le
nif^me instrument sous les noms de jeu de timbres
ou de carillon.
FiG. 481.
FiG. 4S5.
FiG. 4S6. — Carillon ii lames
d'acier, une oclave chroinalique.
Les lames d'acier remplacées par des cordes métal-
liques tendues sur une caisse sonore, nous donnent
le cembalo ou Ujmpanon^ joué avec tant de maîtrise
par les artistes tziganes.
1. Voir cluipitre^Hongrie de Bektha.
Ces cordes, placées dans une caisse[sonore et percu-
tées par des marteaux actionnés par un système à
échappement mû parles touches d'un.clavier, devien-
nent les éléments de l'instrument de^concert public
ou familial par excellence : le piano.
Gardant la caisse sonore et le clavier, et renonçant
aux cordes pour reprendre les lames d'acier montées
sur caisses de résonance, nous avons le Glockenspiel
employé par Moz.art dans la Fliitc enchantée, mais
inliniment perfectionné par A. Mustel, et connu sous
le non de célesta Mustel.
Flij. 4SS.
Cunllun à clavier ou Gl.ickenspiel.
En acier encore et vigoureusement pneulée, l'en-
clume qui sert de pédale supérieure dans le chœur
des lîohémiens du Trouvère (2« acte) de Vkhoi, ainsi
que celle de l'acte de la forg.; de Sicijfrkd de R. Wa-
GNÏR.
FiG. 489. — Enclumes.
Plus trans|ioi table et infini-
ment plus léger est le modeste
triangle, simple tringle d'acier
doublement coudée qu'on fait
vibrer au moyen d'une petite
batte, également d'aciei', et
qui donne une note légère
dans les morceaux d'allure
champêtre.
Uieii que celte note soit ap-
préciable à l'oreille, on n'en
lient pas compte habituel-
lement pour prescrire l'emploi
du triangle dans des compo-
sitions d'une tonalité quel- Fn;. lao.
conque, et cet instrument
est considéré comme donnant un son indéterminé.
1466
EVCrCLOPÉD/E DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERV \Tnin!':
FiG. 491. — Diapason.
De même ordre, et ce-
pendant considéré
comme instrument <à son
essenliellement détermi-
né, fixe et éminemment
régulateur, est le diapa-
son : fourchette d'acier
construite pour fournir
î exactement le la^ de 8T0
vibrations à la seconde
sous le choc d'un léger
marteau ou d'un objet
dur quelconque.
Ici, je ne ciois pas sans
intérêt de faire la remarque suivante :
Il est ^îénéralement admis que le premier son
musical perceptible est fourni par un luyau ouveit
de 'il pieds ou un tuyau fermé de 16 pieds; c'est Vut
grave du grand orgue, donnant32 vibrations simples
à la seconde, indiqué en acoustique nt,.
Le kl, son harmonique -27 de cet ut,, est précisé-
ment le /Oj du diap;isoii pris comme base d'accord
des instrumenls, et il devrait donner 8G4 vibrations à
la seconde.
En fixant à 870 vibrations le lu normal du diapason,
dans son arrêté du 16 lévrier 18o9, le niinislre a donc
relevé très légèrement la gamme normale, et ViUi
du grand orgue doil donner un peu plus de 32 vibra-
tions à la seconde (exaclement 32,223), ce qui ne le
rend que plus appréciable à l'oreille, mais ce qui
complique fâcheusement les calculs.
Avant celte réglemenlation, chaque Ihéàtre, chaque
orchestre avait son diapason particulier et, comme
le nombre de vibratiOEis différait d'un diapason à
l'autre, il s'ensuivait que lajustesse des instruments
s'en ressentait, puis que la tessiture des chanteurs
se trouvait plus ou moins tendue selon qu'ils chan-
taient dans un théâtre ou dans un autre, ou selon
qu'une œuvre était chantée dans un même théâtre,
mais à des époques différentes.
C'est ainsi que les relevés scientifiques qui ont été
faits du /fl;i servant pour l'accord donnent :
Pour l'Opéra en 1700, 800 vibrations.
la Chapelle Saint-Louis
le Théâtre Italien
l'Opéra
le Conservatoire
1780, 818
1823, 848
1828,863
1834, 868
1836, 882
183:;, 898
Fia. 192. — Marche ascensionnelle du diapason en France
de 1700 à 1S55. (CoUeclion de M. Guslave Lyok.)
de telle sorte, que lorsque l'on exécute de nos jours
les œuvresde Lllli [Amadisde Gaule, 1684, ou Armidc,
1686), de Rameau [Hippolyte et Aricie, 1733, Castor et
Pollux, 1737) ou de Campra (Achille et Déidamie, 1733),
ces œuvres sont chantées et entendues près d'un ton
(environ 7 commas) plus haut qu'à leur création;
pour les œuvies de Monsigny (Le Dési-rtcur, 1769),
Grétry (Les Deux Avares, 1770, Hichnrd Cœur de lion,
1784), Gluck {Orphée, ill\,Alceste, 1776), la différence
s'atténue jusqu'à un demi-ton (4 commas) ; pour
celles de Méhul (Ariodant, 1798, Joseph, 1807), Boïel-
D\m [Lf Calife lie Bagdad, 1800, La bame Blanchp,iS2o),
CiM.\B0SA {Le Mariage secret. 1801), Lesuhur (Les Bar-
des, 1804), Spontini [La Vestale. 1807), RossiNi (Le Bar-
bier, 1819), le diapason remonle peu à peujusqu'à une
différence d'un peu moins de deux commas; enfin
les premières œuvres d'AuBER {La Miette de Portici,
1828, Fra Diavolo), de Meyebiieer i Robert le Diable,
1831), Celles d'HÉROLD (Zampa, 1831, !'■ Préaux Clercs,
1832), les dernières de Rossim [Le Comte Ory, 1828,
Guillaume Tell, 1820) sont entendue*; presque sans
changement, puis le diapason, continuant sa marche
ascensionnelle, dépassa le la normal, et les œuvres
d'IlALÉVY (La Juive, 183.ï, Charles VI, 1843), de Meyer-
HEER (Les Huguenots, 1836, Le Prophète, 1849, L'Etoile
du Nord, 18.54), de Do.nizetti (La Favorite, La h'ille du
Régim'nt, 1840), de Félicien David [Le Désert, 1844),
de Berlioz {La Damnation de Faust, 184'i), de Victor
Massé (Galalhée, )S.'i2, Les Noces de Jiaitnette, 18.ï3j,
de Verdi (Le Trouvère, lS'6i, LaTruviata. 1836, Rigo-
letto. 1857) sont entendues maintenant, au contraire,
avec près de deux commas (1836) el près d'un demi-
ton (1833 à 1839) plus bas qu'à leur création.
Or, pendant toute la période du xvin' el du premier
quart du xix« siècle, les grandes orgues, au moins
celles possédant le jeu de 32 pieds, ne pouvant laisser
descendre leur ut grave à moins de 32 vibrations,
puisque cet ut aurait cessé d'être perceptible à
l'oreille, on élait bien obligé de maintenir leur taj à
864 vibrations, au moins, ce qui constituait un écart
parfois considérable entre l'orgue el l'orchestre, ainsi
qu'entre le chant à l'église et au théâtre.
On attribue l'invention du diapason a l'Anglais John
Shore, et l'on eu fixe la date à 1711, mais d'autres
auteurs affirment que le diapason d'acier élait en
usage en France dès 1700 et même 1699.
On construit aussi des diapasons composés d'une
anche libre renfermée dans un petit tube de bois ou
de métal, dits diapasons de bouche à l'usage des
violonistes; ils rentrent alors dans la série des ins-
truments à vent.
Enfin, on établit des diapasons en acier, montés
sur une boite de résonance, donnant le si'p, à l'usage
des harmonies et des fanfares dont les instruments
en .sî> et en miçi, ainsi que les trombones a coulisse,
quand elles en possèdent, peuvent ainsi s'accorder
sur une note à vide (do. sol ou si ft obtenus sans abais-
sement de pistons ou sans allongement de coulisse).
11 va de soi que l'on peut construire des diapasons
donnant tous les sons de l'éohelle musicale; ce n'est
qu'une queslion de dimensions. C'est ainsi que le
diapason allemand donne un la de 880 vibrations, et
le diapason italien donne le do au lieu du la.
Pour terminer les instruments d'acier, je suis
obligé de remonter aux antiquités grecque, égyp-
tienne et juive' afin de signaler le sis<re, qu'il faut
bien se garder de confondre avec le cistre, qui était
au temps de la Renaissance un très bel instrument à
cordes pincées.
Le sis(re était une bande d'acier courbée en ellipse
ou en hexagone allongé et traversée par plusieurs
1. Voir les articles Grèce, Egypte, etc.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOflŒ
DES INSTRUMENTS A VENT l'iC7
barrettes d'acier éfjalement, se mouvanl librement
(_'l, proJuisant, par leur choc de droite on de mauclie,
im bruit rytbiiiique; quelquefois, on ajoulaitde petits
anneaux aux bari'ettes pour en augmenter l'effet.
Fis. 493. — Sistre.
FiG. 49-4
• Ts'anàt'sel, sislre.
FiG. 495.
On construisait aussi des sistres en bronze, et cela
nous conduit sans heurts
aux insti'uments rythmi-
ques modeines qui les
ont remplacés.
Ce sont d'abord les
grelots, ordinairement
cousus ou fixés sur une
lanière de cuir, qu'on
agite en mesure pour
imiter le trot ou le galop
d'un cheval, accessoire très employé au théâtre.
Ou de petites ioiinetlfs qui donnent un bruit plus
i-lair et un son mieux déterminé, donc plus tonal.
Autrefois, on réunissait gre-
lots et sonnettes pendus en
grand nombre sous ce qu'on
appelait le chapeau chinoU ou
jxivillon chinois, et un musi-
cien agitait toute cette son-
naillerie à côté de la grosse
caisse en tête de chaque régi-
ment
Plus grosse et à son bien
déterminé est la clochette ou
petite cloche qu'on emploie
seule (Prière de Fra IHavolo),
ou groupées à trois sur un
léger bâti (Ouverture des Soccs
de Jeannette).
FiG. 496.
Chapeau chinois.
FiG. 497.
^r\
^rUTT
FiG. 499.
FiG. 500. — Tchoung ou Uchun^.
Autrefois, on employait aussi des timbres fixés les
uns au-dessus des autres sur une tige,
mais les notes en étaient trop aiguës
et leur son trop faible (lig. 502).
Ces timbres, qui étaient très fragiles,
ont été abandonnés et remplacés pai
les timbres d'acier indiqués page i46o.
Clochettes et timbres ne sont guère
employés que par les harmonies et les
fanfares qui, jouant dehijrs, ne peu-
vent se servir que d'instruments ou
d'accessoires d'un transport aisé; à
l'orchestre, à l'orchestre d'opéra sur-
tout, on emploie de véritables cloches
dont la gravité relative se prête mieux
aux situations dramatiques.
Mais ces grosses cloches offrent plu-
sieurs inconvénients : elles sont d'un
prix fort élevé, elles tiennent beaucoup
de place, employées ou non, et leurs
FiG. 498. — Cloches des Nnces île Jeaiiiifite.
FiG. 502. — Clochi'
FiG. .503. — Cloche.
l'.6S
EVCrCLOPÉOlE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
FlG. 504-50n
vibrations dépassent quelquefois la puissance de
l'orchestre.
Pour remédier à tous ces inconvénients, Jules
Martin, fondateur de
la maison Tournier,
a imaginé vers 1867
de remplacer les
f^rosses cloches lour-
des, encombrantes et
dispendieuses, par
des tubes en bronze
qui sont d'un prix
minime, tiennent très
peu de place, peu-
vent aisément se
transporter et sont
d'une musicalité plus
grande (fip. K04-!jOo).
Je dis que ces tu-
lies-cloches sont d'une
musicalité plus gran-
de que les vraies clo-
ches; cela demande
une explication.
On a écrit (je ne
me rappelle plusquel
auteur) que la cloche
peut donner plu-
sieurs notes différentes suivant l'endroit choisi pour
la frapper. Le fait n'est pas exact; un inslantjaprès
qu'elle a été frappée, la cloche revient toujours à sa
tonalité générale unique; ce qui est vrai, c'est qu'au
moment du choc, certains harmoniques sortent avec
une prédominance plus ou moins marquée selon
l'endroit de la cloche où le coup a été donné, mais
cet efîet de prédominance de tel ou tel autre harmo-
nique ne dure que l'instant qui suit immédiatement
le choc, et cesse dès que toutes les parties de la
cloche sont entrées dans leurs vibrations normales.
D'ailleurs, il est généralement admis que la cloche
doit être frappée un peu au-dessus de l'évasement
du bord formant pavillon afin de donner immédia-
tement le maximum de sonorité par le maximum de
vibrations.
Mais les vibrations de la cloche sont tellement
multiples et diverses que, non seulement elles déter-
minent quantité d'harmoniques supérieuis, mais
encore que, dans la rencontre des centres communs
d'ondulations sonores des diveis harmoniques, elles
sont encore assez puissantes pour créer et faire en-
tendre un certain nombre d'Iiarmoniques inférieurs
différentiels (voir Acoustique).
Ces harmoniques multiples sont l'une des causes
qui rendent la vérification de l'accord des cloches si
difficile, car ils arrivent, lorsque l'on est près de la
cloche, à être si puissants, qu'ils masquent la note
fondamentale réelle; ils ont encore l'inconvénient
d'entrer en conflit avec l'harmonie de l'orchestre,
lorsque cette harmonie renferme le son piincipal
de la cloche, non comme foiidamnitale de l'accord
général, injki» eomme note complémentaire de cet
accord.
Le tube-cloche émet bien la plupart des harmoni-
ques de la cloche, et il le faut bien puisque, sans cette
condition, il n'aurait plus le même timbre et ne pour-
rait plus y être substitué, mais ces harmoniques
sont de beaucoup moins puissants et, par cela même,
moins gênants; la portée du son de la cloche peut
s'étendre à un nombre respectable de kilomètres, ce-
lui du tube-cloche à quelques centaines de mètres à
peine: or, il n'est nul besoin d'enfermer dans une
Salle de spectacle ou de concert de dimension forcé-
ment restreintes une sonorité volumineuse, à ce point
qu'elle peut paralyser et étouffer même tous les sons
l'environnant, mais n'entrant pas dans ses divisions
harmoniques propres. Le son du tube-cloche, moins
puissant, mais, par cela même et puis aussi sans doute
par la forme plus régulière de l'instrument qui le
produit, plus pur, plus tonal, moins encombré d'har-
moniques trop prédominants, se lie mieux à l'orches-
tre, qu'il ne domine et ne couvre pas.
Le grelot est une sorte de petit globe en bronze
dans lequel une petite lialle métallique produit le son.
Ouvrant le grelot par le côté opposé
au point d'attache, et fixant intérieu-
rement à ce point d'altache la pe-
tite balle métallique au moyen d'une
petite lige mobile, le grelot devient
sonnette. Enlevant la
Fio. 50B. FlG. 507.
Crotales d'Egyple.
balle métallique et sa
tige, aplatissant toute la
robe de la sonnette, nous
obtenons le crotale, ou
petite cymbale à paroi
épaisse, qu'on emploie
par paire en frappant
l'un contre l'autre.
Je dois reconnaître pour la vérité historique que
ces instruments ont étés créés à l'inverse de ce que
je viens de dire, et cela se comprend aisément
si l'on tient compte des diffi-
cultés de fabrication. Le crotale,
pièce de bronze presque plate,
forgée et battue au marteau, a
été connu dès la plus haute anti-
quité' et a, comme le claquebois,
remplacé le rythme des mains
frappées; en rabattant les bords
toujours à la forge et au marteau,
on en a fait des sonnetles et des
cloches très ouvertes, puis plus
tard, se rapprochant de la forme
actuelle en en rivant les côtés
rapprochés, enfin le procédé du
bronze fondu permit de faire la
sonnette, la cloche, puis le grelot
modernes.
D'autre part, le crotale subit une autre évolution
par la diminution d'épaisseur de sa paroi et l'agran-
dissement de son diamètre; ce furent d'abord les
cymbales assyriennes :
Fi.i. 5ÛS. — Sanfang
de Sainlc-Cécile (Co-
logne). Clocheduvio
siècle.
Fia. 509. — Cvmbales assyriennes.
1. Voir Egypie.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1.69
et ponipéiennes :
FiG. 510. — Scène de théâtre, mosaïque trouvée en 1702
prés Pompéï.
puis les cymbales persanes :
Fi<;. 512.
Cymbales tuiques.
FiG. 511. — Cymbali-s persanes.
enfin les cymbales turques, encore en usage de nos
jours (fi;:, ri 12).
Kn étendant encore le dia-
mètre de la cymbale, re-
pliant nu peu le bord et fai-
sant disparaître la bosselure
du centre, les Cbinois ont
créé le tam-tam ou gong qui,
suspendu et frappé par une
batte formée d'un tampon
fixé au bout d'un manche, produit un son très vilirant,
se rapprochant beaucoup du
son de la cloche, et pouvant y
être substitué en bien des cas
(fig. ol31.
Les cymbales et les tam-tams
ou gongs, comme le triangle,
sont généralement employés
comme simple bruit rythmique,
sans tonalité définie, bien que
leur tonalité réelle soit tout
autant appréciable que la tona-
lité de la cloche, ainsi que le
démontre cette série d'instru-
ments de même nature em-
ployés tantôt seuls et tantôt en série musicale.
Revenons maintenant, pour notre dernière série
d'instruments à percussion, aux claqueboisde la page
1462; l'homme a pris deux morceaux de bois pour
les frapper l'un contre l'autre, mais ces morceaux
ne sont pas toujours pareils, et l'un d'eux peut
n'être qu'une branche ou une baguette pour frap-
per sur l'autre, qui peut être un tronc d'arbre et qui
peut même être creux; un jour, le hasard peut faire
qu'une peau de bête soit à sécher sur ce tronc, et
l'homme remarque que la sonorité n'est plus la
même ; le bruit est devenu un son plus ou moins sourd,
Fig. 513.
Tam-tam chinois.
Fif.. 51 4.
315.
mais un son suffisamment caractérisé qu: nd même,
et la nacairc ou timbale est
trouvée (fig. oi6).
Dès lors, le tronc creusé
par la vétusté sera remplacé
par un tronc creusé par la
main de l'homme, la peau
sera fixée, tendue par des
lanières, puis le tronc d'ar-
bre sera remplacé par un
tronc en bronze, c'est-à-dire
par une demi-sphère de
bronze ou de cuivre ou de
laiton, et ce sera le fiU de
timbale actuel, après avoir
été le fût de la nacaire du
moyen âge et de la tympana
antique
Il va de soi qu'il y a une différence considérable
entre la tympana antique
et la timbale moderne
comme instrument musi-
cal; la peau fixée par des
lanières, ou même par des
clous, attachée par tous les
moyens de fortune dont
disposaient les peuples pri-
mitifs, ne pouvait otfrir
qu'un son indéterminé sans
accord possible; certaines
nations garnissaient même
les tympana d'anneaux de
fer ou de bronze à l'imita-
tion des sistres,et ce n'était
pas fait pour ajouter de la musicalité à ces instru-
ments, dont les formes, les dimensions, la façon de
les porter ou de les installer pour les jouer étaient
très différentes. Les seuls points communs sont la
Fi«. 517.
Tympana antique.
1470
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
foime incurrée du fût, la peau lecoiivranl ce lïi el
les baguettes qui servent à frapper la peau.
Fia. 518. — Tambours persans.
FiG. 519. — Timbale très ancienne.
FiG. 520. — Petite timbale
des Arabes.
Fm. 521. — Tambour
des troupes chinoises.
Fui. r>22. — Timbale Fia. 523. — Timbale
des anciens Polonais. guerrière des anciens.
Fia. 5;5.
Timbale anlique.
FiG. 526. — Timbale iadienne
en fer.
Fis. 527
Ce n'est qu'à partir de
la Renaissance que nous
voyons les timbales mu-
nies d'un appareil de ten-
FlG
de serrage; dès lors, noi
FiG. 528.
sion de la peau, avec'vis
seulement l'accord de la
timbale avec la tonalité
générale des autres ins-
Iruments est possible et
même facile, niais encore
il devient aisé de faire
varier cet accord dans
l'étendue et la limite de
sonoiité ulilisable d'une
quinte, ce qui permet,
les timbales élant ordi-
nairement employées
par paire (une timbale
dont l'accord peu mon-
ter du fa au do et l'autre
pouvant monter du si h au fa), ce qui permet, dis-je,
de faire entendre la tonique et la doninante d'unn
loiialilé quelle qu'elle soit.
FiG. 530.
FiQ. 531. — Timbales guerrières des Allemands
(xvic et xyiiiî siècles).
Fia. 532.
Timbale d'orchostre.
Fia. 533. — Timbale
de cavalerie (xvii= siècle).
Telle qu'elles sont construites, les timbales man-
quent encore de souplesse dans leur mécanisme poui
opérer leur changement de tonalités. Kn effet, si pro-
FiG. 534. — Bagui'llês .rè]ii.iiL;.'.
08-
l''ia. 535. — Baguettes détoupe recouverte iy l'Cau.
TECHMijVE, ESTHirrJiHJE ET l'ÈDAGOGlE
DES INSTRUMENTS A VENT U71
elle que suit CK i^hiiii^ement, il faut visseï' ou dévis-
ser six clés (vis de serrage à lèles assez semblables
FiG. 536.
à la (iHc-poignée du tire-bouchon), et n"aurait-on
qu'un quart de tour à faire suliir à chacune de ces
Kni. 537. — CorLi'ge funèbre des Egyptiens.
(l'L'iiiture d'un tombeau de Thèbes.)
clés, cela demande encore un moment tel que le
compositeur est contraint, s'il veut modifier sa tona-
=.J^
FiG. 538.
— Tambour do basque
à manche.
lité, de ménager [jlusieurs mesures à compter à la
partie de timliales pour permettre le changement
d'accord. On a essayé plusieurs systèmes pour obte-
nir ce clian;;ement rapide ou instantané, notamment
l'introduction dans la timbale, sous la peau, d'un
certain nombre de cercles concentriques qui, éle-
vés à volonté par un jeu de pédales mues par le
pied du timbalier, viennent rétrécir la partie vibrante
de la peau et en élever ainsi la tonalité un peu à
la manière des péda-
les de la harpe. Mal-
heureusement pour
ce système, comme
pour ceux qui ten-
dent à obtenir le ser-
rage automatique des
si.\ clés simultanément, les diverses parties de la
peau n'ont jamais une élasticité et une égalité de so-
norité assez parfaites pour se prêter à ces tensions
ou à ces rétrécissements automatique», tout en con-
servant la justesse désirable, et, si égale que soit la
première tension, si parfait que soit l'accord initial,
la mise en action du mécanisme ne tarde jamais à
ne laisser que des désillusions à l'artiste qui compte
sur une progressivité absolue et de l'égalité des
tensions successives, et surtout de la pureté des
accords qui devraient en découler.
Bref, jusqu'à ce jour, aucun artiste ne s'est lallié h
aucun de ces systèmes, et les tnnbaliers attendent
encore la timbale moderne qui leur domiera toutes
satisfactions.
Mais retournons au.\ ancêtres. !Sous avons vu com-
ment la peau était venue se tendre sur un fiU de bois
FiG. 539. — Musique et jeu.x. (Peinture égyptienne antérieure au siège de Troie.)
d'abord, de bronze ensuite; mais ce fût de bois
creusé était lourd et
embarrassant, et en
attendant, ou pendant
son évolution vers le
bronze, les peuples
anciens trouvèrent le
moyen de tendie ia
peau sur la couronne
seulement du tronc
primitif; la sonorité
était moindre, mais
l'instrument devenait
FiG. :.40
TyrnpanuH] cribi.
essentiellement portatif. Les Egyptiens en firent de
FiG. 54t. — Tynipanum Fis. 542. — Tambour de basque
des anciens. à grelots (Cliine).
carrés et de ronds, d'autres y adjoignirent des an-
neaux, des sonnettes, des grelots ou de petites cymba-
les logées par paires le long du cercle, les baguettes
furent aliandonnées et remplacées par la main, voire
la tète, les genoux ou les coudes; mais le meilleur
eli'et en est tiré parle frottement du pouce enduit de
colophane, et c'est ainsi qu'il a traversé les siècles
ei qu'il nous est parvenu sous le nom de tambour de
basque, après avoir été le tijmpanum-cribi (tambour-
crible! ou tympanon des anciens, le toph des Hébreux,
le tambourin des Chinois, le tabor des Rretons et
des Analais.
Fia. 513. — Toph
( tièbreux).
FiG. 54 i.
Appliquant le principe des tambours de basque ou
1472
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
lamboiir à une seule peau,
aux timliales, Ad. Sax a eu
'ingénieuse idée de créer les
timbales sans frit.
Ces timbales n'ont certai-
uemeul pas la belle sonorité
pleine des timbales ordinai-
res, mais elles s'accordent
très bien et sont d'un traus-
"^ port beaucoup plus aisé;
"~ lorsque j'avais l'bonneur de
diriger la musique du 4° ré-
piment d'infanterie, j'ai eu
l'occasion d'employer des
timbales reposant sui' ce
même principe, qu'avait construites la maison A.
Leconte, aujourd'hui disparue, et ces timbales m'ont
rendu des services très appréciables. On peut certai-
FlG. 545.
Fio. 546. — La tablelle accusatrice et le tambour à conseils
de l'empereur Yao.
nement regrelter que les musiques de plein air n'en
généralisent pas l'emploi.
Enlln, l'évolution du tympanon se compléta de la
manière suivante :
Après avoir supprimé le fond de la timbale pour
en faire ce que nous appelons aujourd'hui le tam-
bour de basque, on allongea les parois de la cou-
ronne et l'on remplaça l'ancien fond de bois ou de
métal par un fond factice constitué par une seconde
peau : le tambour, ou plutôt les tambours, étaient
créés. Kn effet, caisse claire, caisse roulante, tambou-
rin, grosse caisse, larole, etc., ne sont toujours que
des tambours caractérisés par un fût recouvert, d'un
côté, par une peau de batterie (plus épaisse) destinée
à recevoir la mise en vibration du choc d'une, de
deux baguettes ou d'une mailloche (tampon d'étoupe
recouvert d'une peau et fixé au
bout d'un manche de bois ou de .i^^**^ ''■>
jonc), quelquefois de la main,
et de l'autre côté, par une peatt
de timbre (plus mince) destinée
à recevoir sa mise en vibration,
des vibrations de la peau de
batterie ;)ar sympathie, ou plu- p,g -jg
tôt par la pression de l'air con- Tambourdos Égyptien?,
tenu dans la caisse; les deux
peaux sont tendues par une corde allant alternati-
vement de l'une h l'autre autour du fût.
FiG. 517,
Instruments placés à la porte du palais
pour connaître la vérité.
Ti'i. ''iO. — Concert devant ui e princesse dans l'Inde.
FiG. 550. — Musiciens réglant la danse.
FiG. 551. — Gros tambour persan.
FiG. 552. — Tambourin Fig. 553. — Tambour à caisse
de l'Afrique centrale. Je bois (,Perse).
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
Comme on peut le voir par les lig. 365, 566 et 5(37,
on remplace souvent main-
tenant la corde des caisses
petites et jïrosses, par des
tringles métalliques termi-
nées, à l'un de leurs bouts,
par des vis de serrage.
J'ai dit qu'on dénomme
DES INSTRUMENTS A VENT W-i
FiG. 554.
FiG. 555. — Tambour royal
de Guinée.
les deu.x peaux : peav de batterie eljieau de timbre. Ce
dernier qualificatif n'est vraiment j ustifié que pourles
FiG. 556.
Tambour birman.
FiG. 557. — Nakarah
ou timbale des Indien!^.
tambours proprement dits {tambours militaires) et
pour les caisses claires et roulantes
(tambours de musique). En effet, ces
instruments sont les seuls qui soient
munis du timbre constitué par une
double cordelette en boyau fixée en
bas du fût, passant dans de petites
ouvertures ménagées à cet effet dans
le cercle inférieur, et effleurant la
FiG. a5S — Dule ,., .. , ^.
ou srand tambour peau, dite pour cette raison de tim-
des Indiens. bre. Ce timbre, qui aboutit de l'autre
côté de son attache à un petit appa-
reil de tension qui le fait adhérer plus ou moins
à la peau, produit l'action sui-
vante : quand un coup de ba-
guette frappe sur la peau de
batterie, la peau de timbre en
reçoit une commotion sympa-
[^,t tbique qui la fuit se heurter au
timbre, lequel, entrant en vibra-
tion à son tour, vient à cha-
cune de ses vibrations frapper
la peau de timbre comme une
sorte de baguette réflexe, et
donne ainsi un grand renforce-
ment au son initial du coup de
baguette sur la peau de batterie. 11 va de soi que plus
le timbre est tendu, plus son action réfiexe est éner-
gique; plus il est détendu, plus cette action est
molle, et s'il est assez détendu pour ne plus tou-
cher à la peau, ou si on l'isole par l'interposition
d'un mouchoir, par exemple, placé entre le timbre
et la peau de timbre, son action sera tout à fait nulle ;
et même, la peau de timbre, se trouvant paralysée
par la pression du mouchoir, ne vibrera plus par
sympathie, et la sonorité, se trouvant réduite à la
Copyright by Librairie Delagrave, I92S.
FiG. 550. — Tambour
des .allemands.
FiG. 560. FiG. 561.
Tambours à cordes.
seule peau de batterie, sera aussi faible que possible.
La sonorité des tambours peut
encore être modifiée (assombrie)
par l'apposition sur la peau de
FiG. 562,
Tambour muni du timbre.
FiG. 563.
Baguettes de tambour.
batterie d'une étoffe légère (drap mince ou voile
Fi.^. 56 i.
Tarole Grégoire.
FiG. 565. — Caisse plate
en cuivre Ji trinRles.
épais) qui amortit le choc des baguettes et rend le son
plus sourd; c'est ce qu'on
appelle le tambour voilé,
FiG. 566.
Caisse claire k tringles.
FiG. 567.
Caisse roulante à tringles.
d'un emploi lugubre dans les cérémonies funèbre
Les fûts se font en bois très mince,
en tôle de fer, en cuivre ou en alu-
minium.
Les tambours modernes se dési-
gnent sous les vocables suivants :
Caisse plate ou tarole (fig. .ï6o et 064),
tambour dont le fût est très court.
Caisse claire iflg. 560 et 566 1, tam-
bour dont le fût est un peu plus
long que celui de la caisse plate.
Caisse roulante, tambour dont le
fût est plus long que celui de la
caisse claire.
Fio. 568.
Caisse roulante
cm tamliMurin.
93
1474 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOinE
Cette expression de caisse roulante est assez mal
choisie, attendu qu'on roule, qu'on fait le roulement
(succession très rapide des coups de baguettes)
tout aussi bien sur la caisse plate
et sur la caisse claire que sur la
caisse roulante, et le terme caisse
sombre qu'on emploie quelque-
fois indiquerait bien mieux l'op-
position de sonorité avec la
caisse claire, mais l'usage veut
que ce soit une caisse roulante.
A défaut de caisse roulante, on
obtient un efiet approché sur la
caisse claire en desserrant légè-
rement le timbre; en relâchant
tout à fait ce timbre, on supplée,
mais plutôt mal que bien, aux
effets de timbales (mais sans
tonalité déterminée) ou Je tam-
bourin.
Tambourin (fig. 569), tambour
FiG. 569.
dont le fiit est très long et sou-
vent sans timbre.
Grosse caisse (fig. 570), tambour très large, sans
timbre, qui se porte en travers, et pour le jeu duquel
les baguettes sont remplacées par une mailloche.
Fig. 570. — Grosse caisse
en tôle à cordes.
Fia. 571. — Gro.5se caisse
en lôle à tringles.
Il ne me reste plus à parler, pour terminer les ins-
truments à percussion, que de la simplex.
FiG. 572. — Grosse caisse à une seule peau,
dite simplex.
M. ScHMiDT, alors chef de musique du 70' régi-
ment d'infanterie, dans le but de rendre la grosse
caisse moins encombrante et moins lourde, a eu l'idée
d'appliquer à cet instrument le principe du tambour
de basque et de la timbale sans fût ; il a donc fait
fabriquer la grosse caisse à une seule peau tendue
sur un fût réduit aux proportions les plus courtes
(en fait ce n'est plus une caisse). La légèreté et le
moindre encombrement ont donc été obtenus. Seu-
lement, il arrive ceci : alors que, dans tous les tam-
bours, les deux peaux qui n'ont pas la même épais-
seur vibrent ensemble, mais sans donner de tonalité
définie et précise, la grosse caisse à une seule peau
devient une grande timbale sans fût, avec tonalité
parfaitement appréciable demandant un accord con-
venable avec la tonalité, non seulement du morceau à
exécuter, mais encore des diverses modulations de
ce morceau; or, la simplex a bien des vis de tension,
mais qui sont loin d'avoir la puissance des clés de
timbales; il en résulte donc que, en dehors des cas
où le hasard met les tonalités de l'exécution en assez
bonne relation avec le ton de la simplex, il ne reste
que le dilemme : ou distendre la peau pour lui
faire perdre toute tonalité, et alors l'instrument ne
saurait plus produire aucun elfet, ou conserver une
tension raisonnable et fermer l'oreille aux chocs des
tonalités dissemblables.
Sil'onvent tirer un réel avantage de la grosse caisse
à une seule peau, dont l'idée est excellente, il faut :
l^la construire assez solidement pour que le cadre
puisse supporter les clés Je serrage et une pression
assez puissante pour obtenir une variation tonale
d'au moins une quinte, afin que l'instrument puisse
toujours faire entendre la tonique, ou, à défaut, la
dominante des tonalités exécutées ;
2° Prendre pour jouer cet instrument un artiste
capable d'accorder sa grosse caisse comme le ferait
un véritable timbalier.
DE LA CONSTRUCTION
DES INSTRUMENTS DE IVIUSIQUE
liiKlraineiits en bois*
Les premiers instruments de musique de la caté-
gorie dite bois, bien que certains d'entre eux soient,
de nos jours, entièrement en métal, furent, tout d'a-
bord et tout naturellement, coupés dans des plantes
creuses ou à moelle, comme le sureau, le roseau, la
canne à sucre, le bambou ou même le chaume d'une
forte graminée, suivant le pays et les circonstances,
suivant aussi la nature de l'instrument. 11 va de soi
que la syrinx s'est accommodée du roseau plus long-
temps que la tlûte, et celle-ci plus longtemps que le
chalumeau.
Quoi qu'il en soit, lorsque Vartiste ne fit plus lui-
même son instrument, et qu'il s'adressa au menuisier
ou mieux à l'ébéniste de ces temps anciens, il voulut
avoir un instrument plus solide, plus résistant et plus
joli,e\. le chaume, le sureau et le roseau furent aban-
donnés et remplacés, au moins pour l'Europe, par le
buis ou l'os, comme en témoignent les noms romains
de libi:i' et tibicinx Jonnés aux flûtes taillées, dit-
on, dans les jambes de grues.
Plus tard, l'ivoire, les bois précieux, surtout l'é-
bène, l'argent même furent employés pour la cons-
truction des instruments de choix.
Quant aux procédés de fabrication, ils étaient des
plus simples et n'avaient rien de scientifique. On s'en
rendra compte par l'état des sciences et de la méca-
nique aux dates que donne Constant Pierre dans
son livre si documenté, L's Facteurs d'instruments de
musique; les Luthiers et la facture instrumentale',
pour les premiers fabricants spéciaux d'instruments
de musique.
I. Paris, Ed. Sagot, 1893.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1475
Om ne trouve pas Irace de fdseeiirs de trompes
avant 1297 : de faiseurs d'orgues avant 1320, et la pre-
mière communauté des faiseurs d'instruments de
musique ne fut enregistrée qu'en lo90. Encore n'est-
il pas établi que ces /ëseeucsde trompes n'étaient pas
des ciiaudronniers qui faisaient des trompes en même
temps que les autres pièces de leur état, de même
que les faiseurs de flûtes, hautbois, etc., n'étaient
que des ouvriers menuisiers ou ébénistes construi-
sant également des flûtes, des hautbois, etc.; tou-
jours est-il que les premiers faisaient partie de la
communauté des forceliers, d'abord, puis, plas tard,
de celle des chaudronniers, et que, en 1741, les table-
tiers construisaient encore des instruments de bois,
et prétendaient avoir seuls le droit de les tourner
et de les garnir d'ivoire ou de corne, ne reconnais-
sant aux facteurs d'instruments de musique que le
droit de fiyùr et de perfectionner lesdits instruments.
D'ailleurs, la facture suivante, extraite des comptes
des bàtimenis du roi sous le règne de Louis XIV',
n'esl-elle pas édifiante :
« 1668, 6 aoust, à Jean Joyeux, facteur d'orgues, pour
plusieurs tuyaux qu'il afaits pour conduire l'eau daiis
le rocher de la salle du festin 77 livres. ->
Quoi qu'il en soit, tabletiers ou spécialisles n'a-
vaient pas de procédés de fabrication différents, et
une tlûte ou un hautbois n'était pas tourné autre-
ment qu'un barreau de chaise ou un pied de table ;
c'est sur ce que l'on appelait encore au milieu du
.\ix« siècle un tour en l'air ou à perche que l'opéra-
tion se faisait-.
Ce tour ditférait des tours modernes par un outil-
lage plus simple, surtout en ce que la pièce à tour-
ner était mue par une corde parlant d'une sorte d'arc
■en bois formant ressort et fixé au plafond (en l'air),
ladite corde s'enroulant autour de la pièce à tourner,
•ou mieux autour du mandrin supportant cette pièce,
et allant aboutir à une pédale actionnée par un des
pieds de l'ouvrier.
La pièce tournait ainsi dans les deux sens : sens
du travail, lorsque l'ouvrier pesait de son pied sur la
pédale, sens du repos ou du non-travail, lorsque
l'ouvrier laissait remonter la pédale rappelée en l'air
par le ressort de l'arc fixé au plafond.
L'on comprend aisément qu'avec un tel outillage,
non seulement la moitié du temps de l'ouvrier était
perdue, mais encore l'outil, ciseau, bédane ou gouge^,
continuellement déplacé par le mouvement alterna-
tif de la pièce 5. tourner, ne pouvait fournir aucun
travail de précision.
L'instrument, ou plus exactement le fragment d'ins-
trument, car même une petite flûte est toujours di-
visée en deux pièces, une grande en trois ou quatre,
un hautbois en trois, etc., donc, le fragment d'ins-
trument tourné extérieurement était fixé sur le tour
en face d'une mèche ou tarière en acier nommée
perce, qui transperçait la pièce dans sa longueur et
assurait ainsi la régularité toule relative de la perce,
mais toujours sans précision absolue.
Chaque fragment était et est encore relié et fixé au
fragment suivant par une sorte de tenon ménagé
1. J. GuiFFnEY, Collection de documents inédits sur t'Uistùire de
France.
2. Voir, dans YlUustration du 24 avril 1920, la gravure â gauche
de la page 10 des annonces représentant un ouvrier tourneur du
xvn° siècle.
3. C'est ainsi que se nomment les outils destinés à obtotiir sur le
liûur des surfaces régulières ou évidées.
dans le bout inférieur du corps supérieur, et qui,
garni de fil ou de filasse autrefois, presque toujours
maintenant de liège, entre avec une pression suffi-
santé pour en assurer la solidité dans une sorte de
douille creusée dans l'épaisseur du bois au bout supé-
rieur du fragment inférieur.
]:i
S
Fie. J73.
Les divers fragments d'un instrument étant ainsi
préparés, l'ouvrier /'é.seeîn-, faiseur, ou /'ac?ewc, suivant
l'orthographe ou le terme de l'époque, régularisait la
perce de l'instrument, donnait la conicité voulue au
moyen de diverses perces à main, et, c'est dans cette
opération et dans les suivantes, que se révélait l'ha-
bileté du mailre ouvrier.
La perce générale de l'instrument une fois bien éta-
blie et régularisée dans toute sa longueur, il s'agissait
de percer les trous de notes.
Nous avons vu, pages 1408 et suivantes, les em-
placements théoriques de ces trous, mais il s'en faut
et de beaucoup, que la théorie soit, eu cette matière
comme en bien d'autres, d'accord avec la pratique.
En voici plusieurs raisons :
1° La théorie de la vibration des sons, de la divi-
sion des cordes et des corps sonores était à peu près
inconnue des facteurs jusqu'à ces derniers siècles.
L'on peut d'ailleurs affirmer que, de nos jours,
beaucoup d'ouvriers facteurs n'en ont pas encore la
moindre connaissance.
2^ Pour que les trous de notes pussent être percés
à leur emplacement théorique, il faudrait qu'ils eus-
sent une dimension telle que toute la colonne d'air
pût s'en échapper, et alors les doigts ne seraient plus
assez gros pour les boucher. C'est, du reste, pour
cette raison que l'on est obligé de mettre un tampon
sous chaque doigt sur la flûte Bokhu, instrument qui
se rapproche le plus de la perce théorique.
3". Les trous devraient être d'une dimension pro-
portionnelle au diamètre de la ;)erce de l'instrument,
de telle sorte que la flûte, qui était conique, à l'inverse
des autres inslruments, devrait avoir ses plus grands
trous le plus près de son embouchure, ce qui, les
tampons n'étant pas inventés, amènerait des pertes
d'air, les doigts n'étant pas assez gros pour les cou-
vrir entièrement; le cas échéant même, la justesse
et la sonorité seraient compromises par la partie
charnue du doigt qui, forcément, pénétrerait en partie
dans le trou et déformerait ainsi la colonne d'air.
4° En admettant un instrument sur lequel on
aurait pu percer les trous d'assez grand diamètre à
leur emplacement normal, il faudrait encore que la
naissance du son (anche ou biseau) fmt êlre mo-
difiée proportionnellement à chaque longueur de
colonne d'air, afin que le nombre de vibrations*
de la production du son fût en rapport constant avec
chaque longueur du tuvau, ce qui est impossible. La
pression croissante des lèvres et du souffle tend bien
îi ce résultat, mais dans une mesure insuffisante.
b" Les trous qui n'ont pas tout le développement
qui conviendrait ont pour effet de ralentir les vibra-
lions, de sorte que les sons sortent plus bas qu'ils
ne devraient èlre eu égard k l'emplacement du trou.
Il résulte de cette dernière raison que les trous
doivent être d'autant plus remontés vers la tête de
l'instrument (production du son) qu'ils sont d'un dia-
mètre plus petit, afin d'obtenir des sons à peu prés
justes.
1476
EyCYCLOPÉDlE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Comme il n y avait aucune règle absolue pour la
grandeur des trous, pas plus d'ailleurs que pour le
ou les diamètres de la perce, chaque facteur établis-
sait l'emplacement de ces trous d'après un gabarit
spécial à chaque atelier ; les divers trous étant tracés
sur l'instrument, ils étaient percés légèrement plus
petits qu'ils ne devaient être, et le maître habile,
souvent artiste exécutant lui-même, se réservait de
les mettre au point voulu pour obtenir la justesse;
ce travail délicat se faisait par tâtonnements, en es-
sayant chaque note (chaque trou) l'une après l'autre,
et en agrandissant le trou graduellement jusqu'à ce
que la note sortît avec toute la justesse désirée; si,
par un agrandissement accidentel trop fort, la note
sortait trop haute, alors on rétrécissait le trou tant
bien que mal par un enduit intérieur de cire, de
gomme laque ou de tout autre produit similaire, ou
bien on rebouchait le trou au moyen d'une cheville
de même bois fortement collée et qu'on reperçait
avec le plus grand soin, à nouveau; toutefois, cette
réparation, plus solide, mais plus coûteuse, ne se
faisait que bien rarement.
Il est à remarquer que, de nos jours, le finissage
des instruments de choix ne se fait pas autrement.
L'instrument, dont la perce et les trous ont été ame-
nés par un outillage de grande précision à la justesse
presque absolue, n'en est pas moins essayé, mais
alors seulement qu'il est complètement monté, d'a-
bord par un essayeur employé dans la maison, les
maîtres facteurs travaillant eux-mêmes devenant de
plus en plus rares, puis par un artiste habile alta-
ché à la maison, qui fait faire par un ouvrier les
modifications qu'il juge nécessaires pour obtenir un
instrument parfait.
Pour donner plus de solidité aux divers corps de
l'instrument, en même temps que pour l'ornementa-
tion, on mit à chacun des bouts extérieurs des corps
de petites bagues ou viroles en corne, en ivoire, en
laiton, en argent, voire même en or.
Puis vinrent les clés.
Ce fut d'abord ce que j'appellerai la clé de prolon-
gement du petit doigt de la main droite. Il s'agissait
de boucher le septième trou de note pour donner la
fondamentale Ut de la longueur totale; il fallait don»
une clé ouverte, c'est-à-dire une clé qui, au repos, fût
ouverte et ne se fermât que sous la pression du doigt.
Pour obtenir ce résultat, on lixait un peu au-
dessus du trou de note, soit en les vissant directe-
ment sur le corps de l'instrument, soit en les rivant
sur une petite plaque métallique fixée par une ou
deux vis sur le corps de l'instrument, deux petits
tourillons ou supports (boules ou bornes en termes-
techniques).
(?)
1
FiG. 57i.
Sur ces deux tourillons, on fixait au moyen d'un
petit axe vissé dans le deuxième tourillon, une lige
portant à l'une de ses extrémités une petite cuvette
garnie d'un tampon d'ouate, d'étoupe ou de feutre
renfermé dans une enveloppe de baudruche ou de
peau très fine.
Q (Ci _^3 Tampon dan-
Tampon lalvèoledela clé
FiG. 575.
y-. Sous celte clé, on fixait un
^.^^^"^^^^^^ ressort qui, s'appuyant sur le
I corps de l'instrument ou mieux
Pig ._g sur la petite plaque des touril-
lons, maintenait la clé ouverte.
Pour faire agir cette clé, on disposait sur deux
tourillons semblables, une autre tige basculant en
sens inverse (fig. 577).
Cette sorte de clé à bascule, inventée pour suppléer
au manque de longueur du petit doigt de la maia
Fig. 577.
droite, a été employée ensuite pour le petit doigt de
la main gauche (clé de si grave et double clé de wu'ii).
On en trouv^encore des applications sur des clari-
nettes d'ancrens systèmes et de prix inférieur.
En changeant le ressort de côté et en élargissant
l'extrémité de la tige en spatule pour le doigt, on en
fituneclé fermée qui fut employée pour le miji, le sip,
l'uf t;, la clé d'octave, etc.
Fui. 57S.
En la courbant, on en lit une clé transversale, d'à.
bord pour le faff ou le /a;, suivant les instruments^
puis pour le so/jt-/a.-'.
Cependant, la grande clé ouverte avec transmis-
sion était encombrante et peu gracieuse ; pour la
rendre à action directe, on en modifia la forme-
ainsi :
^
§
3y
Fia. 580.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1477
Et pour la faire relever, on inaugura le ressort à
aiguille :
T
FiG. 5S1.
De la sorte, le ressort à aiguille maintenant la clé
ouverte, le doiiit appuyant sur la spatule fait fermer
directement la clé sans aucune transmission.
Avec ces modifications, la facture a fait de tels
progrès, que non seulement les tabletiers et autres
ont dû abandonner toute collaboration à la fabrica-
tion des instruments de musique, mais même que
les facteurs spéciaux d'instruments de musique se
scindent en facteurs d'instruments de cuivre et fac-
teurs d'instruments de bois; puis ceux-ci se divisent
encore en ouvriers flùtiers ou finisseurs, c'est-à-dire
qui font, qui travaillent le bois des flûtes, des haut-
bois, des clarinettes, des bassons, qui posent les
tourillons, les clés, les tampons, et en ouvriers clef-
tiers qui construisent, préparent, ajustent toutes les
parties métalliques, clés, ressorts, tourillons, etc.
Cependant, les hoisseliers conservent encore la fabri-
cation des tambours, caisses claires, caisses rou-
lantes et grosses caisses avec fûts en bois, les fûts
en cuivre et en tùle de fer ou d'aluminium ressortis-
sant du chaudronnier.
On invente le système des anneaux mobiles qui se
posent au-dessus des trous de notes et qui permet-
tent, par des tiges de correspondance, de faire ouvrir
ou fermer une ou plusieurs clés en même temps que
le doigt s'abaisse; on invente les clés dites à double
efïet, qui permettent de faire ouvrir une clé à vo-
lonté par un doigt de la main droite ou un doigt de
la main gauche; on invente notamment pour le haut-
bois, la clé d'octave réellement à double effet qui,
par un jeu de plusieurs ressorts, les uns plus forts,
les autres plus faibles et se neutralisant l'un l'autre,
font que, selon les trous de notes couverts, c'est
l'une ou l'autre clé d'octave qui s'ouvre automati-
quement sous la spatule unique pressée par l'instru-
mentiste; on invente pour l'un ou l'autre instrument
des mécanismes si compliqués, si fins, si délicats
qu'il ne suffit plus d'un cleftier pour forger, limer
et ajuster la clé; il faut maintenant un forgeron
spécialiste, un mécanicien, et même un mécanicien
fcbabile, pour ajuster ces clés, ces anneaux, ces corres-
pondances, équilibrer ces ressorts, etc., car le méca-
nisme de certains instruments est une véritable mer-
veille de précision.
Bref, plus les instruments reçoivent de perfection-
nements, plus la division du travail s'impose, et il
■est indispensable aujourd'hui, même au petit fac-
teur qui s'est spécialisé dans la confection d'un seul
instrument, d'avoir dans son atelier, et un outillage
de précision, et plusieurs collaborateurs, spécialistes
■chacun dans sa partie.
Quant à l'industrialisation de la facture des instru-
ments de musique en bois, chaque maison, j'allais
■dire chaque usine, garde jalousement ses secrets {?| de
fabrication, mais il n'est pas malaisé, étant donné
l'état de la mécanique et de l'outillage modernes, de
■se figurer quels peuvent être ces procédés.
C'est, tout d'abord, le fragile tour à perche, inter-
mittent et sans fixité, remplacé par un solide tour
de précision, mû par le gaz, la vapeur ou l'électricité,
sur lequel le ciseau, le bédane ou la gouge tenus à
la main sont remplacés par un chariot porteur d'un
outil de forme ayant exactement le profil du fragment
d'instrument il tourner, et qui achève un travail par-
fait en trois tours de vis qu'opère un ouvrier qui
pourrait n'être qu'un simple manoeuvre; ou bien en-
core l'emploi du tour à reproduire, sur lequel il suffit
déplacer sous une molette une pièce finie, pour que
l'outil reproduise automatiquement un nombre infini
de pièces semblables.
Pour la perce intérieure, le fragment d'instrument,
toujours fixé sur le tour et soutenu par une lunette,
reçoit une première perce d'un foret ou d'une tarière
fixée sur un support placé en bout, pour assurer le
dégagement des copeaux qui pourrait provoquer
l'éclatement de la pièce, si le percement complet
s'opérait en une seule fois, puis sur la perce définitive
qui achève ainsi rapidement et avec précision cette
seconde partie du travail.
Ensuite, il n'est pas impossible d'imaginer — bien
que plus compliquée — • une machine qui perce en
une seule, ou tout au plus en deux fois, tous les trous
de notes et de clés de ce fragment d'instrument, et
voici celui-ci prêt à recevoir sa garniture métallique.
Il va de soi que chaque fragment d'instrument exige
un outillage particulier, mais, comme ce genre de
fabrication procède par milliers d'exemplaires, les
frais de premier établissement sont vite récupérés.
Pour la partie métaUique, les tourillons sont
naturellement faits au tour.
Quant aux clés, anneaux mobiles, liges de corres-
pondances, etc., deux procédés sont employés pour
compléter ou remplacer le travail du forgeron :
1° La soudure de pièces préparées à la forge avec
d'autres pièces préparées au tour;
2° La fonte.
Ce dernier procédé n'est peut-être pas le plus
solide, mais, comme il est plus radical et surtout plus
expéditif, c'est le plus employé.
Je m'empresse d'ajouter que — même dans les
maisons de grande production — les procédés ultra-
rapides doivent être abandonnés dès que ces maisons
ont à fournir de véritables instruments d'artistes,,
car, pour très précis que soit l'outillage, le résul-
tat artistique n'est toujours qu'approché, et s'il peut
suffire pour la clientèle d'exportation, si les exécu-
tants de nos sociétés populaires peuvent s'en con-
tenter, à cause du bon marché de ces instruments
faits en séries, le véritable artiste est plus exigeant,
et ne saurait accepter pour son usage persoimel
qu'un instrument qui lui donne toutes les satisfac-
tions de justesse, de solidité, de qualité de son et de
perfection dans un mécanisme parfaitement égalisé;
c'est pourquoi ces instruments coûtent cher aujour-
d'hui comme autrefois, et c'est pourquoi, malgré
leur prix élevé, ces instruments d'artistes laissent,
somme toute, moins de bénéfices h leurs producteurs
que les instruments de facture courante.
Le buis fut longtemps employé presque exclusive-
ment pour les fiûtes, les hautbois et les clarinettes,
l'érable pour les bassons; les garnitures seules étaient
en bois ditférents, en corne, en ivoire ou en métal;
plus tard, le buis et l'érable furent brunis à l'acide ou
au vernis. Vers 1806, Laurent fit des flûtes en cris-
tal; on en fit aussi en ivoire; enfin, on fit des cla-
rinettes en ébène, et peu à peu les flûtes se fabri-
quèrent aussi en ébène, en grenadille et quelquefois
en palissandre, jusqu'au jour où la flûte Boëhm se fît
presque exclusivement en métal, maillechort ou
argent.
Pour les clarinettes, l'ébène a prévalu; on eu
1478
ENCrCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
construit cependant en ébonite ou vnlcanile, sorte
de caoutchouc durci; les becs se font en éb6ne, en
cristal, en ébonite et quelquefois, mais rarement, en
grenadille.
Les hautbois et cors anglais se construisent mainte-
nant en ébène ou en palissandre, rarement en grena-
dille.
Enfin, les bassons se font en palissandre et érable.
Quant aux clés et garnitures de tous les instru-
ments de bois, il y a longtemps que le cuivre (sauf
pour des instruments de prix tout à fait inférieur),
l'ivoire, la corne et les bois différents ont disparu ;
le maillechort et l'argent sont seuls employés.
Iu»>tranients en cuivre»
Les instruments dits de cuivre ont pris naissance
dans les cornes des animaux, que l'homme primitif
évidait, perçait au bout pointu et dans lesquelles il
soufflait, soit pour s'amuser, soit pour donner un
signal de ralliement. De là les noms de corne, cornu
romaine, cor d'appel, cor de chasse et cor, nom géné-
rique de tous les instruments de cuivre à perce coni-
que, cor en français, horn en allemand et en anglais.
Une autre origine se retrouve, pour les pays mari-
times, dans les conques, les trompes et les buccins
(coquillages en spirale avec lesquels on obtenait les
mêmes résultats qu'avec les cornes), d'où les noms
de bwccina romaine, trompe, trompette et trombone.
Enfin, les bergers de montagnes des pays les plus
divers, comme la Suisse, la Suède et la Norvège, la
Roumanie, la Transylvanie et jusqu'au Thibet, em-
ploient l'écorce d'arbre enroulée en spirale pour en
faire les (rompes et trompettes connues commu-
nément sous le nom de cor des Alpes.
Néanmoins, dès que l'homme vil en société à peu
près organisée, nous voyons apparaître l'imitation
de la corne en métal, puis l'instrument s'allonge, la
perce se rétrécit et le cor ou la trompette en airain,
en bronze ou en argent est cité par les plus anciens
historiens qui nous le présentent aussi quelquefois
sous le nom de tuba (tube).
C'est, en effet, un tube plus ou moins long, plus ou
moins conique, quelquefois cylindrique dans la plus
grande partie de sa longueur, mais se terminant tou-
jours par une partie conique appelée pavillon.
Dès lors, il est tout naturel que la fabrication de
ces instruments soit devenue le monopole des chau-
dronniers, sauf pour les instruments en argent,
d'ailleurs assez rares, qui étaient construits par les
orfèvres, et cela, jusqu'à l'époque des premières
recherches d'un mécanisme quelconque permettant
d'obtenir ou les notes intermédiaires entre un harmo-
nique et l'harmonique suivant (clés), ou un change-
ment très rapide de tonalité (pistons ou cylindres).
Quoi qu'il en soit, il est établi, d'après les recherches
de Constant Pierre', qu'en 178o, c'étaient encore
les chaudronniers qui fabriquaient les instruments
de cuivre.
Comme pour les instruments de bois, il faut dis-
tinguer deux genres de fabrication : la facture artis-
tique, pour laquelle on emploie encore aujourd'hui
la plupart des procédés manuels de la chaudronnerie
d'autrefois, et la facture industrielle.
Examinons d'abord la facture artistique.
1" L'embouchure.
Fif.. 582. — Embouchure, aspect extérieur.
Fia. 583. — Embouchure, coupe intérieure.
Tout d'altord forgée et travaillée à la main, puis au
tour, l'embouchure est aujourd'hui fondue, puis
percée, travaillée et finie au tour. Ce tour, autrefois
actionné par la main de l'homme, est aujourd'hui mû
par une machine à vapeur, par un moteur à gaz ou
par une dynamo, mais le travail du tourneur est en-
core manuel, c'est-à-dire fait avec la plaine, le grain
d'orge, etc., tenus à la main et maintenus sur le
support.
L'avantage de ce travail manuel est de permettre
à l'ouvrier d'apporter à l'embouchure, tout en lui
conservant les proportions et la forme particu-
lières exigées pour l'instrument auquel elle est des-
tinée, d'apporter, dis-je, les petites modifications de
détail que peut désirer l'artiste; ces modifications
portent le plus souvent sur le diamètre et l'épaisseur
des bords du bassin, afin que la nouvelle embou-
chure soit bien conforme, pour la partie adhérente
aux lèvres, à celle que l'artiste a l'habitude de jouer;
puis, aussi quelquefois, pour que l'artiste puisse
jouer alternativement le cornet et le bugle, ou le
cornet et la trompette, sans porter atteinte à la puis-
sance, à la souplesse et à la délicatesse de ses lèvres;
la profondeur des bassins, leurs formes, la finesse
des grains sont différentes et ce qu'elles doivent être*
pour chacun des instruments auxquels elles sont des-
nées, mais les bords, les parties adhérentes aux lèvres
sont identiques de l'une à l'autre, et l'artiste a l'im-
pression d'avoir toujours la même embouchure. Les
modifications peuvent aussi porter sur la grosseur
relative du grain, sur la profondeur et la forme
même du bassin, soit pour faciliter à l'artiste l'acces-
sion aux notes aiguës ou graves et remédier ainsi à
un manque de puissance ou de souplesse des lèvres,
soit poui donner plus de douceur ou plus d'éclat aux
sons que l'artiste tire de son instrument.
2° Le tube.
3795-
-C^l
uidrique -J
FiG. 584.
1. Les /"acteurs d'imlruments de Musique, Ed. Sagot éditeur.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1479
Le tube est toujours divisé en plusieurs tronçons,
et cela pour plusieurs raisons, dont les suivantes :
i» la dit'iiculté d'avoir des feuilles de laiton de lon-
gueur suffisante pour la plupart des instruments;
2° la difficulté et même l'impossibilité de travailler
à la main des tubes de si petit diamètre près de
l'emboucliure et de si grande longueur (le cor en mi !>
a tout près de quatre mètres de longueur de tube,
Je l'embouchure au pavillon; 3° le tube, n'étant
jamais, quel que soit l'instrument, ni parfaitement
cylindrique ni régulièrement conique, ne pourrait
se rouler convenablement dans sa longueur totale;
t° la nécessité de placer une coulisse d'accord sur le
parcours du tube, ce qui sectionne forcément ce
tube; 5° enfin, le deuxième sectionnement du tube
nécessité pour le placement du mécanisme: coulisse,
cylindre ou pistou.
Donc, pour former le tube, l'ouvrier commence par
découper dans une planche de laiton une bande sui-
vant un patron approprié au tronçon de tube qu'il
veut rouler :
FiG. 585
Fin. 586.
Planche de lailon dans laquelle sont découpées les diverses
parties de l'instrument.
puis il l'applique sur un mandrin en acier, sur lequel
il commence à former (rouler; le tube en pressant de
ses mains la bande à droite et à gauche, ce qui en
forme une sorte de gouttière :
f^S^
n
Fis. 5S7.
ensuite, tournant celte gouttière autour du mandrin,
de sorte que les deux bords ouverts se présentent en
dessus, il les rabat au marteau l'un près de l'autre
de façon à compléter et fermer son tube.
Quelquefois, ce travail de fermeture du tube est
complété par le passage du tube dans une filière d'a-
cier ou de plomb.
FiG. 5S8.
Le tube fermé est ensuite soudé, ou plus exactement
brasé au laiton mélangé d'argent, ce qui le rend plus
fusible.
FiG. 580.
Pour les gros tubes, ainsi que pour les fonds de
timbales, on consolide encore cette soudure en agra-
fant les deux bords par des dents levées de droite et
de gauche à l'aide de pinces spéciales.
Le tube soudé, il s'agit de le cintrer pour lui donner
la forme voulue par la place que ce tube devra occu-
per dans l'instrument complet (les trompettes de
mail-coach et celles employées dans Aida sont les
seuls instruments droits de l'embouchure au pavillon|.
Pour faire cette opération sans risque'de plissage
ou de rupture du tube, on
remplit ce tube, après
l'avoir graissé, pour éviter
l'adhérence, de plomb s'il
est de petit ou de moyen
diamètre, ou de résine s'il
est plus gros; plomb ou
résine refroidi, on procède
au cintrage à la main sur cheville de bois; la courbe
obtenue, on plane au marteau; il va de soi que les
FiG. 591.
grosses culasses, les pavillons, ainsi que les ,fûts 'de
timbales, reçoivent leurs courbes spéciales parole
martelage exécuté par des ouvriers spéciaux.
FiG. 592.
FiG. 593.
Ici se place une nouvelle opération : le bordage
du pavillon.
Ce bordage est fait par l'insertion d'un cercle de
fil de fer dans le bord du pavillon rabattu au mar-
teau.
Lorsque les divers tronçons de l'instrument sont
ainsi préparés, on les assemble bout à bout, en
entourant la jonction, d'une bague ou virole 'qui
doit en assurer la fixité, l'étanchéité et la solidité,
mais là se place un détail dont on ne lient nul
1480
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIÇX E ET DICTIO.V.VAIRE' DU CONSERVATOIRE
FiG. 594.
compte dans la fabrication courante, et qui a, au
contraire, une grande importance
dans la fabrication ailistique. Con-
trairement à la théorie qui semblerait
indiquer évidemment que des tubes
fabriqués sur les mêmes mandrins,
avec les mêmes procédés, par le même
ouvrier, doivent donner des résultats
identiques et doivent être éminem-
ment interchangeables sans la moin-
dre différence pour la sonorité, la
justesse des .harmoniques et la faci-
lité d'émission des sons, dans la pra-
tique il en va tout autrement; si l'on
considère quatre tronçons A, B, C, D, se succédant
de l'embouchure au pavillon, ces tronçons doivent
être essayés, apparentés, un à un; et si l'on construit
en même temps quatre instruments semblables, ce
qui doniiera les quatre séries A, B, C, D; A', B', C,
D'; A", B", C", D"; A'", B'", C", D'", il se pourra très
bien qu'après l'apparentement, les quatre séries
soient complètement mélangées et que les quatre
instruments soient constitués ainsi : 1° A, B", C", D';
2oA', B'", C, D"; 3° A", B', C, D'"; i" A", B, C", D;
car, et c'est là le fait curieux, il ne s'ensuit pas
qu'un tronçon qui ne s'apparente pas bien avec le
ou les tronçons précédents, soit défectueux par lui-
même; il [l'ofl're qu'un résultat relativement médio-
cre avec celui-ci et il donne un résultat excellent avec
celui-là. Je ne me permets pas d'expliquer les raisons
de ces << convenances », mais ces faits, qui m'avaient
été déjà afiîrmés autrefois par de véritables artistes
ouvriers, m'ont encore été confirmés au moment
d'écrire ces lignes.
Donc, les divers tronçons d'un instrument appa-
rentés, assemblés et munis de bagues, on les soude
et, pour assurer leur solidité, on relie les divers
circuits du tube les uns aux autres par des entre-
toises également soudées au corps de l'instrument.
ISous voici en possession d'un tube : c'est un cor
de chasse, c'est une trompette, c'est un claron, un
claronceau ou un clairon, et c'est aussi la limite de ce
que pouvaient faire les chaudronniers. Tout ce qui
nous reste à savoir est exclusivement du ressort de
la facture instrumentale.
C'est d'abord la coulisse d'accord.
Pour établir celle-ci, on sectionne le tube à quel-
que distance de l'embouchure, ou, plus exactement,
on interrompt le tube sur un parcours plus ou moins
long selon l'instrument; on soude sur chacun de ces
bouts sectionnés un tube-manclion dont le diamètre
intérieur est égal au diamètre extérieur du tube sec-
tionné; on consolide ces deux branches à l'aide d'en-
Iretoises ou de soudures sur le corps de l'instrument,
puis ou fait la coulisse ou pompe d'accord à l'aide d'un
tube cintré en son milieu, et dont le diamètre exté-
rieur est sensiblement égal à celui du tube sectionné,
de telle sorte que les deux branches de la coulisse
puissent entrer à frottement doux, mais un peu ferme
to.utefois, dans les deux manchons des tubes sec-
tionnés.
Cette coulisse, qui a pour but de permettre un cer-
tain allongement du tube général de l'instrument
pour le mettre exactementau diapason de l'orchestre,
est tenue, de par son fonctionnement même, au dia-
mètre cylindrique parfait du sectionnement A au
sectionnement A', quelle que soit la conicité théorique
de l'instrument sur lequel elle est posée.
Sur les saxhorns soprano et contralto (petit et
grand bugle), cette coialisse est remplacée par un sim-
ple tube sur lequel on met directement l'embouchure,
et qui glisse dans un manchon fixé au bout extrême
delà branche d'embouchure , manchon terminé par un
collier de serrage servant à maintenir le f«6« d'accord
à la dislance voulue.
C'est ensuite le mécanisme.
Pour le trombone à coulisse, ce mécanisme est des
plus simples; il consiste à étendre le principe de la
coulisse d'accord en renversant la place des man-
chons; les deux branches sectionnées sont très lon-
gues (65 cm.), et les manchons très longs aussi,
puisqu'ils doivent recouvrir entièrement les branches
sectionnées, constituant par eux-mêmes la coulisse
proprement dite.
€omme cette coulisse doit être mue à la main avec
souplesse et agilité, le frottement y est tenu beaucoup
plus doux, et seulement sur une longueur de quatre
à cinq centimètres aux bouts des branches section-
nées par deux bagues très minces de maillechort
appelées embouts^ :
FiG. 595. — Embouts.
FiG. 596. — Coulisse.
>
Pour les instruments h pistons, le mécanisme est
plus compliqué, car il s'agit, non d'allonger plus ou
moins une coulisse unique, mais d'ouvrir ou de fer-
mer instantanément à la colonne d'air du tube géné-
ral, l'accès d'une, de deux ou de trois coulisses sup-
plémentaires, j
Pour obtenir ce résultat, on place sur le parcours '
du tube général, qu'on est encore obligé de section-
ner à cet efTet, le système des pistons, sortes de val-
ves de distribution destinées à laisser passer droit
la colonne d'air, lorsqu'elles sont levées, ou à la
faire dévier dans les coulisses supplémentaires fixées
aux pistons, lorsqu'elles sont abaissées.
Voici à titre de curiosité la coupe intérieure des
pistons pour chaque note de la gamme de do ma-
jeur ;
1. Ce système des embouts qui supprime le frottement de toute la
longueur delà coulisse est dû à Clicrtuis.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A VENT 1481
FiG. 597 et 59S.
Pour construire le piston, on prenJ un tiihe cy-
lindrique d'un diamèlre un peu supérieur à celui du
tube général pris au seclioiinement dont je viens de
parler, on le perce suivant un patron itrès précis,
et l'on insère dans ces ouvertures des coquilles
destinées à servir de parois à la colonne d'air, à
continuer, en somme, le tube général soit pour sa
traversée immédiate, soit pour son détour dans la
coulisse supplémentaire alTérente au piston.
Le travail de ces coquilles est tout ce qu'il y a de
plus délicat, et pour l'accomplir à la main il faut des
ouvriers spécialistes de la plus grande habileté; c'est
pourquoi, dés qu'une »stne prend quelque importancei
on s'empresse de suppléer à ce travail par l'estam-
page mécanique, dont les frais de premier outillage
sont bien vile couverts par l'accélération et la préci-
sion du travail.
Les coquilles posées avec soin dans les alvéoles
du piston qu'elles dépassent légèrement, on les soude,
puis, soudées, on les passe dans une fraise creuse
qui les allleure au ras du piston,
_=. n on ferme le haut et le bas du pis-
M e k ''°" P'^'^ ''®"'' petites cuvettes sou-
dées, la cuvette supérieure suppor-
tant une tige qui, surmontée d'un
bouton, viendra sous le doigt;
Fia. 599. grattage et polissage terminent le
travail et le piston est prêt (fig. 5991.
Pour contenir les trois pistons d'un mécanisme,
on prend trois cylindres percés chacun différemment,
©
afin de laisser passer la colonne d'air dans les pis-
tons et dans les cou-
lisses supplémentaires,
et on les insère dans
une sorte de matrice en
bronze appelée « fausse ^"-- '^''°-
coulisse » (fi g. 6001, qui
les maintient dans un écartement et un parallé-
lisme absolus.
Alors, on réunit ces trois cylindres par deux petits
fragments de tube continuant par les ouvertures de
côté des cylindres la perce du tube général fig. 601),
FiG. 601.
puis, on consolide l'ensemble par de petites entretoi-
ses soudées en haut et en bas des cylindres ; on soude
les têtes des coulisses supplémentaires (fig. 602).
Fis. 602.
/^^?33
1482
EXCYCLOPÈDIE DE LA MUSIQUE ET DlCTIONNAinE DU CONSEUVATOIRE
on ajuste en haut et en bas les bouts filetés (fig. 603)
destinés à recevoir les chapeaux percés, ceux d'en hau'
pour laisser passer les tiges des pistons, ceux d'en bas
pour laisser échapper l'air intérieur des cylindres,
qui nuirait au bon fonctionnement des pistons s'il
n'avait pas son libre écoulement au dehors (fig. 604).
Fis. 603.
Fig. 604.
On soude aux tètes de coulisses les tubes-man-
chons dans lesquels viennent glisser des coulisses
supplémentaires (mécanisme
semblable ù celui de la coulisse
d'accord), on introduit un ressort
à boudin dans chacun des cylin-
dres, on loge par-dessus le ressort
à boudin le piston afférent à cha-
que cylindre, c'est-à-dire dont
les alvéoles correspondent exac-
tement avec les seuls tubes-en-
treloises lorsque les pistons sont
élevés par les ressorts à boudin,
et avec les coulisses supplémen-
taires et ces mêmes tubes-enlre-
toises lorsqu'ils sont abaissés par
la pression des doigts, on visse
les chapeaux sur les cylindres et
les boutons sur les tiges des pistons ffig. 60S).
Le mécanisme des pistons est prêt; il ne reste
plus qu'à le souder aux deux sections du tube géné-
ral et l'instrument est complet.
Voici encore, à litre de curiosité, les diverses phases
de construction d'un tube de saxophone alto.
Fig. 606. — Formation du pavillon.
F:g. 607. — Pavillon.
Fig. 60S. — Culasse.
Dans la facture industrielle, la fabrication des ins-
truments s'opère naturellement par séries nombreu-
ses, avec plus de rapidité et aussi avec beaucoup
moins de soin.
Comme pour les instruments de bois, les grands
fabricants gardent leurs secrets d'usine, et je ne puis
en donner que quelques idées générales.
C'est aussi le tour avec outils de forme ou le tour
à reproduire qui sert à fabriquer toutes les pièces
Corps.
Fig. 609.
Corps complet: il ne
manque plus que les clefs.
qui peuvent être fondues ou mieux prises directement
sur le cuivre en barres.
L'embouchure est ainsi tournée automatiquement ;
de même pour les chapeaux de cylindres, les entre-
toises, les boutons de pistons, les tourillons de saxo-
phone et des instruments de bois, une fabrication
aidant l'autre, etc.
C'est encore sur le tour que peuvent être percés,
alésés les cylindres, fraisés les pistons, fileté tout ce
qui se visse.
Le tour peut encore servir à pavillonner (emboutir
les pavillons], à cercler les pavillons, à établir cer-
taines coquilles de piston concurremment avec la
presse à étamper.
D'autre part, l'emploi des tubes livrés sans soudure
par l'industrie cuprifère ne doit pas être ignoré
pour les branches d'embouchures et toutes les par-
ties cylindriques.
11 n'est pas jusqu'au cintrage qui ne puisse s'obte-
nir et ne s'obtienne automatiquement sur des ma-
chines spéciales.
L'on voit par ce court aperçu tout ce que peut avoir
d'accéléré ce genre de fabrication qui, pour certaines
parties, offre de réels avantages, il faut bien le recon-
naître, et pourrait même produire de bons résultats
si l'apparentement était fait avec soin.
M. -A. SOVER.
ERRATA. — Fig. 231 (p. 1 lOS), lire : tijrrhcnienne, au lieu de:
thibétaine. — Fig. 234 (p. 1431), lire : E'rai/i/eh, au lieu de :
E, raqyeh. — Fig. 336 ip. 1433), lire : Ancien haulbuis. Pommer
(allemand), au lieu de Mixenharpe. — Fig. 337 (p. 1433), lire :
lionçainc, au lieu de : douzaine.
Les illustrations qui accompagnent l'étude de notre^coliabora-
teur sont empruntées, pour une part, aux ouvrages particuliè-
rement autorisés de MM. KssrMiB, Lavoix, Constant Pikhre,
Rambosson; pour l'autre part, aux Albums des principaux fac-
teurs. (N. des Ed.)
LA FLUTE
Par Paul TAFFANEL
l'ROFliSSEnR AU CONSERVATOIRE NATIONAL
Et Louis FLEURY
AVANT-PROPOS
La mort est venue surprendre Paul Taffanel quel-
ques mois après qu'il m'eut oITert de collaborer avec
lui pour la rédaction de cet article. M™' Taffanel et
feu Albert Lavignac m'ont chargé alors de l'hon-
neur redoutable de mettre au point le travail de
mon maître.
La rédaction de l'article n'était pas commencée,
mais j'ai eu entre les mains tous les documents,
notes, références, que Paul Taffanel avaient accu-
mulés durant toute une vie de recherches et de mé-
ditations sur un sujet qu'il rêvait de traiter à fond.
Il est certain que si mon maître avait vécu, nous
posséderions un ouvrage définitif, qui serait, pour
notre époque, ce qu'a été au xviu" siècle l'admirable
traité de Joachim Quantz.
L'article qui va suivre a donc été entièrement
rédigé par le signataire de ces lignes. Je tenais à le
déclarer pour qu'on n'attribuât pas à Paul Taffanel
ce qu'on pourra y trouver d'erreurs ou de faiblesses.
Mais je n'en aurais jamais pu écrire une ligne si je
n'avais bénéficié de la documentation de mon niaitre
et, plus encore, de son enseignement incomparable.
Si ce travail présente quelque intérêt, on voudra bien
en reporter l'honneur sur le musicien éminent qui a
été le plus grand flûtiste de son temps et un admi-
rable éducateur.
La llûte est peut-être le plus ancien des instru-
ments connus, et son origine remonte à la plus haute
antiquité. Notre intention, toutefois, est de limiter
notre article à l'étude de la fliUe moderne et de ses
ancêtres directs et de laisser de côté tous les instru-
ments désignés à tort ou à raison sous le nom de
flûtes (il ne nous appartient pas de modifier ici des
usages de plusieurs siècles) et qui, cependant, n'ont
aucun rapport avec cet instrument, tel que nous le
connaissons aujourd'hui.
Le mot flûte a été, en effet, employé de façon si
large, qu'on désignait ainsi, dans l'antiquité, à peu
près tous les instruments à vent. C'est ce que cons-
tate, en termes excellents, l'auteur d'un article paru
dans le Magasin pittoresfiue (janvier 1868) : « Chez les
anciens, dit-il, l'emploi des différentes embouchures
est continuel, et ils appellent indistinctement « flûtes »
des instruments que nous serions portés, d'après ce
que nous croyons savoir de leur structure et de leur
timbre, à classer, les uns parmi les flûtes propre-
ment dites, les autres parmi les clarinettes, les autres
parmi les hautbois et cors anglais, les autres parmi
les bassons, d'autres même parmi les trompettes,
sans attribuer toutefois à ce classement quelque
chose d'absolu. »
On conçoit qu'une étude approfondie de tous ces
instruments dépasserait de beaucoup les bornes que
nous nous sommes fixées, et, avouons-le, celles de
notre compétence. Cette étude appartient au.x sa-
vants spécialistes de ces époques disparues et, qu'il
s'agisse de la /li'ite de Pan ou si/riniji', de la fliUe
phrtjgienne, de la flûte simple ou monaulos, de la
flûte double ou de tous les instruments à vent em-
ployés sous le nom de llûtes dans l'antiquité, nous
devons nous borner à renvoyer le lecteur aux arti-
cles ayant trait à la musique dans l'antiquité grec-
que, égyptienne, etc.
C'est pour cette même raison que nous aurions
désiré ne nous occuper ici que de la véritable « flûte »
et mentionner seulement un autre instrument qui
eut, sous ce nom, son heure de célébrité : nous vou-
lons parler de la flûte à bec, connue également sous
le nom de flûte douce ou flûte d'Awj le terre. Mais
certaines considérations importantes nous obligent
à nous y arrêter plus longtemps que nous ne le sou-
haitions.
D'abord, nous sommes infiniment mieux rensei-
gnés sur cet instrument que sur les flûtes antiques.
Ensuite, son usage était général à une époque relati-
vement rapprochée de la nôtre (tout ce qui a été'
écrit par les compositeurs français ou italiens jus-
qu'au milieu du xvn° siècle l'a été pour la flûte à bec).
Puis, le son de cet instrument se rapproche beau-
coup de ce qu'il est convenu d'appeler « son de
flûte ». Enfin, même après que l'emploi de la llûte
Iraversière se fut généralisé en France, on continua
à. jouer de la flûte à bec, et c'est seulement après une
longue lutte que la llûte Iraversière a définitivement
vaincu sa rivale.
A vrai dire, la llûte à bec n'a pas complètement
cessé d'exister. Un modèle réduit de cet instrument
figure encore dans nos orchestres de bals : nous
voulons parler du flageolet, qui est à la flûte à bec ce
que le fifre est à la flûte traversière : un type extrê-
mement simple et en quelque sorte synthétique de
l'instrument. C'est même par la description de ces
deux instruments primitifs que nous parviendrions
le mieux à donner une définition exacte et claire
des deux types de flûte que nous nous proposons
d'étudier.
1484
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
LA FLUTE A BEC'
Nous traiterons sommairement ici de la pltc à
bec, en raison de l'importance du rôle qu'elle a joué
dans la musique.
Ainsi que la définit Mahillon, la llùte à bec con-
siste en un instrument à souffle humain, composé
d'un corps cylindrique ou conique, percé d'orifices
qui permettent de modifier avec les doigts la lon-
gueur de la colonne d'air; elle comporte une bouche
biseautée pour l'émission, de l'air'^.
Nous reproduisons ici deux anciennes flûtes à bec
du Musée du Conservatoire de Paris.
Trou â'^mêoutfiur^
Trou O fiméoucëure
FiG. 610. — Flûte douce
en ivoire.
Elle est finement sculptée. Le
corps du sifflet est orné d'une
tôte de poisson, au-dessous de
aquelle s'enroulent des feuilles
d'acanthe. Le second corps est
lisse, percé de 6 Irous d'un côté
et d'un trou à la partie supé-
rieure du côté opposé. Le 3«
corps, qui se termine en enton-
noir, est supérieurement gravé
et percé d'un trou.
On remarque sur le 2" corps
un écusson et quelques lettres
gravées à la pointe à l'état frus-
te. Voici les dimensions exac-
tes de ce bel instrument ; long.
totale : 0 m. 30. Corps du sif-
flet: 0 m. 20; 2- corps; Om. 19;
3* corps : 0 m. 12; diamctre in-
térieur du l-"" corps ; 0 m. 019;
idem à la hase : 0 m. 014 (coll.
Glapissant).
Elle est en bois jaune nuancé, et
longue de 50 centimètres, bec com-
pris. Le bi'C, et la garniture en ivoire,
sont ornés de colliers de perles en
ébène. Sur le l"'' corps supérieur et b'
2*^ de cet instrument du temp ;de
Louis XIV, on lit gravé au feu, entre
4 llcurs de lis, le nom de Dupois. fac-
teur, qui était établi, en 1691, carre-
four de l'Etoile à Paris.
Extrait du Cataloque du Musëf
du Conservatoire de Paris (G. Chou-
quet).
On sait que, quelle que soit la forme du tube, un
ventre de vibration se produit toujours à ses deux
extrémités, et que le tube suit la loi des tuyaux ou-
verts donnant la série des harmoniques.
Nous n'envisagerons ici que la flûte à bec « à
9 trous », avec laquelle on n'emploie que les har-
moniques 1 et 2. Le flageolet, le galoubet, les flûtes
doubles à la tierce ne possédant qu'une littérature
musicale insignifiante, nous ne nous en occupe-
rons pas.
Aux xvii= et xvme siècles, la flûte à bec {fisiula en
latin) recevait les dénominations suivantes :
Plockfiôte ou Plockpfeiffe en Allemagne.
Recorder en Angleterre.
Flûte à neuf trous, flûte d'Angleterre ou flûte ù
bec en France.
Flaulo en Italie.
Comme tous les instruments au xvi" siècle, les flûtes
à bec formaient une famille dont YOrganographia
(1618) de Praetorius nous donne le détail; elle fixe
aussi l'étendue de ces diverses flûtes conformément
à l'échelle suivante' :
o<^
V
/Tftr'
o'O
dd
A
<>A
^
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\>
O
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Grosse
Basse
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Tenof
Altus
Basset
Ténor
Altus
Cantus
Basse
Ténor
Altus
Cantus
Ténor
Altus
Cantus
Cantus
CantaiE
FiG. 612.
Ces flûtes sont de tailles fort différentes; alors que
la petite flûte « exilent » ne compte guère que 20 cen-
timètres de longueur, la grande basse mesure plus
de 2 mètres.
En outre, si les rôles joués par la petite flûte et la
grande basse demeurent constants, les modèles inter-
médiaires servent tantôt de basse, tantôt de ténor, sui
vant le groupement des voix.
Toutes ces flûtes sont construites en bois dur; leur
corps comprend d, 2 ou 3 pièces. Quand les dimen-
sions de la flûte ne permetlent pas d'atteindre facile-
ment un ou plusieurs orifices, on obvie à cet incon-
vénient au moyen des clefs.
La plus grande basse connue est celle du musée
d'Anvers ; elle mesure 2"", 62 de longueur, possède
4 clefs, et donne le ré de 8 pieds.
Nous remarquerons que les flûtes basses sont très
difficiles à u faire parler »; il en est surtout ainsi
pour celles qui sont munies de clefs; car, alors, elles
donnent inévitablement lieu à des fuites d'air. Le
son en est toujours très faible.
1. Nous devons les éléments de ce chapitre à l'obligeance de M. Le
Cerf, qtii s'est spécialisé dans l'étude des instruments anciens.
(N. D.L.D.)
2. Mahili.on : Catalogue du Musée iitfitrumentat du Conservatoire
royal de Musique de Bruxelles.
3. PiiAEToiiiDs .• Ori/aiioffmp/iio (1G18), p. 21.
i
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
La huitième proposition tiaitaiit des inslrunienls
dans l'Harmonie universelle de Mersenne (1036) qui,
nous olfre un intérêt véritable, est une élude des
fiûtes douces ou d' Angleterre (à i) trous).
« Ces tlùtes, dit Mersenne, sont appellées douces, à
raison de la douceur de leurs sons, qui représentent
le charme et la douceur des voix ; on les appelle à
neuf trous, parce que le huitième, qui est proche de
la patte, est double, afin que cet instrument puisse
servir aus gauchers et aux droitiers. "
Suit une tablature, précédée d'une explication dé-
taillée sur la manière de poser les doigts, et concer-
nant le modèle le plus simple d'une flûte douce. Une
planche nous donne ce modèle, avec le prolil de
l'embouchure en biseau.
Mersenne nous dit encore qu'il e.xiste d'autres
flûtes douces que celles-là, notamment de plus gran-
des. « Or, dit-il, les plus grandes ont des boettes
(boites) alîn d'enfermer les clefs, sans lesquelles on
ne peut fermer les trous, à raison que les doigts delà
main ne peuvent avoir une aussi grande étendue. »
Ainsi donc, voici une première constatation d'un
système de touche nouveau : des clefs destinées à
suppléer à l'insufrisance des doigts on de longueur
des doigts. Ce fait a une certaine importance pour
nous. En effet, nous verrons plus loin que le modèle
de flûte traversière décrit par Mersenne ne comporte
pas de clefs. Pour trouver un tel système de touche
sur une flûte traversière, nous devrons attendre l'ap-
parition de l'ouvrage d'HoTTEiERRp: en 170";; et rien
n'aura pu nous révéler la date et le lieu de l'inven-
tion qui sera la base de tous les perfectionnements
apportés depuis à tous les instruments à vent. iSous
supposons que l'invention des clefs est d'origine an-
glaise et qu'elles ont d'abord été appliquées aux llùtes
douces. Mersenne dit de ces grandes flûtes douces
« qu'elles ont été envoyées d'Angleterre à l'un de nos
rois ». Il est permis de supposer, toutefois, que l'ap-
plication de ce système de clefs aux llùtes traver-
sières est due à un obscur fabricant français. Celait
l'opinion de Qlantz, le célèbre flûtiste allemand,
opinion qu'il a formulée dans son Traité (1752). 11
dit que ce sont les Français qui se sont les premiers
servis de cette clef, notamment Philbert ou Phili-
bert, et que ce perfectionnement remonte à un siècle
environ. D'après lui, nous pourrions donc placer cet
événement vers 1660 environ, sans cependant donner
à cela rien d'absolu. Mentionnons, en passant, ce
passage bien extraordinaire du chapitre consacré
aux flûtes douces : « Mais il faut remarquer que l'on
peut sonner un air, ou une chanson sur la tlûte
douce, et en même temps chanter le son de la basse,
sans toutefois articuler la voix, car le vent qui sort
de la bouche en chantant est capable de faire son-
ner la tlûte, de sorte qu'un seul homme peut faire
un duo. »
Nous envions le bon Mersenne d'avoir pu assister à
une audition semblable!
A partir de la fin du xvn« siècle, les flûtes sopra-
nos en fa ^comprennent presque toutes trois parties,
disposition plus commode pour la fabrication et pour
l'entretien. De la sorte, le deuxième trou du fa devien t
inutile, et l'instrument n'a que 8 trous, car la rota-
tion delà pièce inférieure permet de disposer le trou
du /a pour la main droite ou pour la main gauche.
La flûte en fa^, la plus usuelle et presque la plus
usitée au xvui' siècle, se construisait aussi en ivoire,
ce qui lui donnait une qualité supérieure. Ces flûtes
en ivoire sont souvent d'exquises pièces, qui, par
LA FLUTE 1485
leur perce très régulièrement conique et par leur
remarquable ajustage, témoignent du talent des fac-
teurs des xvii° et xviu« siècles. Toutefois, nous obser-
verons que la perce des cornets d'ivoire, suivant un
axe courbe, représente un travail encore plus minu-
tieux et encore plus surprenant.
Un bouchon en bois s'ajuste dans le bec, de façon
à laisser passer l'air par une lumière sur le biseau
qui est laissé dans le corps de l'instrument. L'ajus-
tage de ce bouchon constitue la partie la plus déli-
cate de la construction; il reste ensuite à elîectuer
la perce des trous, et c'est là qu'interviennent l'empi-
risme et les données de la pratique, car les flûtes à
bec octavient rarement juste pour toutes les notes;
l'octave supérieure a des tendances à être trop haute.
Mais certains facteurs parvenaient à corriger ca dé-
faut grâce à une disposition ingénieuse du bec et de
la perce des trous.
D'une manière générale, on peut appliquer aus
flûtes à bec l'appréciation que Quantz donnait en 1750
dans son Essai sur la flûte traversière, et aux termes
de laquelle, sur une centaine de llùtes, il en est bien
peu de bonnes.
Parmi les noms de fabricants de Uùtes à bec figu-
rant dans les trois remarquables collections de ces
instruments quepossèdent Paris, Bruxelles et Vienne',
nous relèverons les suivants : Hotteterre, Haka, Zick,
Steenbergen, Oberlander, Bœrhout, B. Reich, Basse-
LIER, ROTTENBURG, StANESBY, HeYTZ, RifFERT, C. KyrEL,
Bauduin, Lamrert, l.-C. Denneb, H. Rauch.
A la fin du x\ iii= siècle et au début du xix", on a
construit des flûtes à bec à plusieurs clefs pour les
dièses elles bémols; mais ces flûtes ont de vilains
sons de flageolets et ne présentent aucun intérêt.
Pédagogie. — La flûte à bec est construite de ma-
nière à donner une gamme diatonique généralement
dans le ton de sa note la plus grave. Mais des demi-
tons peuvent se faire au moyen de doigtés fourchus,
certains d'entre eux sortant plus facilement que d'au-
tres.
Les tons usuels de l'écriture musicale sont ceux de
fa, si[i, ut, sol. Les autres sont difficiles à réaliser de
façon juste.
Que si nous examinons les méthodes de flûtes à
bec, nous constatons qu'elles apparaissent en assez
grand nombre à partir du xvi= siècle. Pour le xvi'^ seu-
lement, nous connaissons celles de S. Virdung (ISll),
de M. Agricola (l.'iiO), de Ganas'i del Fontego (1o3S),
de Philibert Jambe de fer (looô), auxquelles on peut
joindre les intéressantes considérations pédagogiques
contenues dans le besiderio de Bottrigaki d.'iOO).
Le xvii« siècle voit paraître les traités pédagogiques
de Mersenne (Kl^O) et d'HorrETURRE (1680). Kn 1618,
Praetorics traite de manière instructive de la flûte à
bec. Puis, au xvin', V Encyclopédie de Diderot fournit
une tablature de l'instrument. Enfin, nous signale-
rons les nombreuses méthodes anglaises que \Velsch
indique dans son travail intitulé : Lectures on the
Recorder. Dès l.'iOO, Bottrigari souligne, dans la
phrase suivante de son Desiderio, la grosse difficulté
que présente l'instrument : « Le ton des flûtes s'é-
lève ou s'abaisse en ouvrant plus ou moins les trous
ou en mesurant le souffle. »
Il faut donc, pour jouer ces instruments, posséder
une oreille parfaitement juste, et veiller constam-
1. Paris : Musée du Conservatoire national de musique. Bruxelles :
Musée du Conservatoire royal. Vienne ; Kunsthistoriclies Muséum.
1486
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
ment aux doigtés. Lorsque la flilte s'échaulîe, lors-
que le bouchon devient humide et gonfle légèrement'
le ton varie, et c'est à l'exécutant à corriger son into-
nation par le moyen qu'indique BoTTRir.An;.
Littérature. — Du xvi» au xviii= siècle, —nous n'en-
visageons pas, faute de documents précis, les pério-
des antérieures au xvi" siècle, — la tlùte à hecest un
instrument très employé, dont le timbre produit de
charmants effets, lorsqu'on le met judicieusement à
contribution et surtout lorsqu'on n'en abuse pas. La
musique religieuse et la musique profane témoignent
toutes deux du fréquent usage de la flûte à bec. C'est
ainsi qu'en ce qui concerne la musique religieuse,
Praetorius, au III" volume de son Syntaijma de 1618,
signale l'emploi d'ensembles de flûtes à bec dans l'exé-
cution des motets à plusieurs chœurs". Praktorius
prend soin de signaler l'inconvénient qui résulte de
la faible sonorité des grandes flûtes à bec.
Plus tard, des symphonies sacrées de Schltz (1650)
font, àplusieurs reprises, état des flûtes ténorsen ut^.
A la fin du xvii" siècle, M. A. Ch.vrpentmîr se sert
fréquemment de toute la famille des flûtes à bec, et,
fort judicieusement, il triple les parties de basse (en
sol^). Parfois, on le voit joindre les flûtes traversiéres
(dessus et basse en la-) aux flûtes à bec-.
Les cantates religieuses de J.-S. Bach révèlent sou-
vent aussi la présence de la flûte à bec; la plupart
du temps, ces instruments interviennent par groupes
de deux, et exécutent des dessins à la tierce qui font
valoir la charmante sonorité qui leur est propre.
Ailleurs, dans la cantate Meine Seele, par exemple,
la flûle à bec apparaît seule de son espèce, et son
timbre vient s'opposer à celui du hautbois.
L'exécution des parties de flûtes à bec oITre parfois,
chez Bach, de grandes difficultés, car le musicien se
sert, comme il l'a l'ait pour le clarino, du registre
suraigu de l'instrument. Néanmoins, tout ce qu'il
écrit à l'usage de la flûte se trouve parfaitement
« dans les doigts » du flûtiste, et souligne la connais-
sance approfondie qu'il avait de la flûle à bec.
Vers 1750, la flûte à bec semble cesser de se faire
entendre à l'église et au concert. C'est ainsi que Quantz
la passe sous silence dans son magistral Essai sur la
fliite transversiè7-e, au cours duquel il examine tous
les instruments employés alors à l'orchestre.
Si nous étudions maintenant l'usage que la musi-
que profane fait de la flûte à bec, nous remarquerons
qu'au XVI" siècle, cet usage revêt deux modalités :
tantôt on emploie toute la famille des flûtes à bec,
tantôt celles-ci sont associées au luth et à l'épinette;
elles se joignent rarement aux autres instruments
à vent, combinaisons que Bach devait réaliser plus
tard.
En 15S8, Thoinot Arbeau indique la flûte à bec
comme susceptible d'accompagner les danses. De fait,
aux xvn'et xvni'^ siècles, cet instrument prend place
dans la musique des ballets, des opéras, des Masks
anglais; il participe à l'exécution des sonates, des
concertos et des cantates profanes. Son rôle n'est pas
affecté d'un caractère pastoral, comme celui de la
musette et du hautbois. On attribue plutôt à la flûle
à bec un caractère triste et mélancolique, et elle ne
servira qu'exceptionnellement pour accompagner
la danse, les violons semblant désormais chargés de
ce soin.
1. Si/niniimn, lome III, p. 150.
2. Par exemple, dans le Kyrie da toma I, fol. 68 de l'exemplaire
de la Bibl. nalioiiale.
Mersenne, en 1636, cite un exemple de quatuor de
flûtes à bec. Si M. A. Charpentier continue à join-
dre la flûte à bec basse à la flûte en fa, Lully qui»
à plusieurs reprises, introduit cet instrument, se sert
dans sa Payckf; de 1674 d'un groupe de 6 flûtes à
bec, dont 3 basses. D'autres part, Montéclair utilise
la flûte à bec en fa, dans ses cantates profanes.
Au xviu" siècle, on voit de nombreuses pièces de
Senallié, de Naudot, d'HoTTETERRE, de CoRRETTE, por-
ter la mention : «flûte à bec, ou musette, ou dessus
de viole. »
Kn Italie, nous rencontrons dans VEurldice de
Péri un délicieux exemple de l'emploi de la flûte à
bec sous les espèces d'un trio de 2 flûtes et d'une voix
sans basse. Biancheri, lui, se sert de 2 flûtes à bec
avec l'orgue. Quant à Monteverdi, son Orfco laisse
figurer notre instrument, dont la présence se mani-
feste pour la dernière fois dans l'Alarico de Steffani
(vers f700|. La combinaison adoptée alors est celle
d'un dessus de flûte à bec et d'une basse. Chez les
ScARLATTi, on wi trouve plus trace de la flûte à bec.
En Angleterre, Piir(;ell se sert de la flûte en fa'^
et de la flûte basset placée une octave plus bas que
le dessus. Les œuvres dramatiques d'HAENDEL utilisent
la flûte à bec, et trois de ses sonates pour flûte sont
destinées à celle-là. Un de ses concertos contient un
Anâanlc pour 2 flûtes à bec avec quatuor d'archets
et bassons, Andantc qui est noté sur la partie des
hautbois, de sorte que les exécutants doivent alors
changer leurs instruments pour des flûtes à bec.
C'est là, du reste, une habiUide assez répandue et
qui s'explique par l'analogie du jeu du hautbois et
de cette espèce de flûte.
La musique allemande profane fait également ap-
pel à la flûte à bec avec des œuvres de Telemann, de
Stossiger, de Forster, de Schultze, de Finger et de
J.-S. Bach. Si ce dernier n'a pas écrit de sonates des-
tinées à cet instrument, du moins emploie-t-il celui-ci
dans deux de ses concertos brandebourgeois, où la
flûte à bec joue un rôle important. De même, quel-
ques cantates profanes du cantor de Leipzig admet-
tent des parties de cet instrument. Nous noierons
que Bach ne s'est servi que de la flûte en fa^.
De nos jours, on a tenté quelques essais à l'effet de
ressusciter la flûte à bec, dont la présence du timbre
est indispensable pour se faire une idée exacte de
la conception et de l'exécution originale des œuvres
des maîtres ^
LA FLUTE TRAVERSIERE
Gciiéralilés.
La flûle, telle que nous la connaissons aujourd'hui,
nous apparaît au premier examen comme un tube
fermé à l'une de ses extrémités, ouvert à l'autre, et
percé d'ouvertures latérales de nombre variable.
A la réflexion, si nous considérons que l'une de
3. M. Amolli Doi.METSCH est parvenu ;\ construire des flûtes en fa
en bois, flûtes qui valenl les instruments anciens et dont M. Rodolphe
DoLMETSCH se sert fort habilement. En France, quelques artistes et
quelques amateurs (M"* MoHi.AnuE, iM. Stiek) ont entrepris Iclude
delà flûte à bec; d'antres efforts s'appliquent au clarino. aux cornrts
et au chîtarronc (car le clavecin et le luth possèdent aujourd'hui leurs
virtuoses, et M. Doi.metsch a reconstitué la famille des violes).
Il y a donc lieu d'espérer que, dans uu délai rapproché, la
musique du xvi» au xvni" siècle, du moins en ce qui concerne les
œuvres où la reconstitution des anciens timbres n'est pas trop difli-
cile, pourra être jouée sur les instruments pour lesquels elle fut écrite.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
ces ouvertures est placée très près de l'extrémité
fermée, qu'elle est destinée à être mise en usage par
la bouche de l'exécutant (d'où sou nom d'embou-
chure), que sa perce latérale est utile mais non
indispensable à la production du son, et qu'elle
pourrait être, à la rigueur, placée à l'extrémité du
tube, on peut dire plus justement que la flûte est un
tube ouvert à ses deux extrémités.
Une expérience le prouve de façon concluante : en
débouchant l'extrémité fermée d'une flûte et en se
servant de cette ouverture comme d'une embouchure
latérale (voir ci-dessous), on arrive à produire un son.
Il s'agit là d'une expérience purement théorique ; le
son ainsi produit serait d'une extrême imperfection
et il ne serait d'aucun intérOl, croyons-nous (quoiqu'il
y ait eu des tentatives faites en ce sens), de faire
entrer ce système d'embouchure dans la pratique.
C'est cependant cette constatation qui a pu faire
classer la flûte dans la catégorie des instruments dits
« à tubes ouverts ». Cette catégorie ne comprend
guère que la famille des flûtes, certains tuyaux
d'orgue et quelques instrumenis exotiques.
Si donc la production d'un son unique nous pa-
raît être suffisante à faire entrer un tel instrument
dans la grande famille des instruments de musique,
nous dirons qu'un tube ouvert à ses deux extrémi-
tés pourrait, à la rigueur, constituer une flûte.
Pour produire un son, il suffira que les lèvres de
l'exécutant projettent à l'intérieur du tube un souffle
suffisant pour ébranler la colonne d'air et mettre en
mouvement les vibrations sonores. Si l'ébranlement
de la colonne d'air est déteiminé par le passage du
souffle sur un biseau (forme du sifflet), nous avons le
principe de la fli'ite à bec.
Si, au contraire, les lèvres mêmes de l'exécutant
forment seules ce sifflet, nous aurons le principe de
la flûte tmversiùre (appelée ainsi parce qu'elle s'em-
bouche par une ouverture latérale et qu'elle se tient
de gauche à droite, par le travers du corps).
En ce cas, l'instrument vient se poser parallèle-
ment aux lèvres, le bord le plus près du corps posé
sous la lèvre inférieure et le trou d'embouchure dé-
couvert des 2/:i aux 3/4. L'exécutant dirige son souflle
vers la paroi intérieure opposée. Pour donner de
cette action des lèvres une image vulgaire, disons
que cette façon de produire un son est la même que
■celle de siffler dans une clef.
Imaginons un instrument aussi sommaire que pos-
sible, et contentons-nous pour le moment d'un simple
tube fermé à l'une de ses extrémités et muni d'une
ouverture latérale que nous nommerons embou-
chure : nous tirons donc, par le moyen cité précé.
demment, un son. Ici, et relativement aux causes de
la production du son, nous renvoyons pour plus de
détails le lecteur à l'article de VEncydopédic trai-
tant de l'Acoustique en général, et plus spécialement
au chapitre consacré aux vibrations sonores pro-
duites dans les tubes ouverts. On y verra que, dans
le tube que nous imaginons, le souffle, après avoir
■été projeté sur la paroi opposée du tube, se divise
immédiatement en deux segments par la formation
d'un nœud au milieu du tuyau. Si ce tube a les di-
mensions de notre flûte actuelle, c'est-à-dire 60.'i mil-
limètres de longueur ' sur 10 millimètres de diamè-
tre, la note fondamentale produite aura 271,2 vibra-
tions et nous donnera la note ut.
LA FLUTE 1487
Continuons notre expérience. En vertu de ce prin-
cipe que, si nous divisons par la force du souffle la
colonne d'air en un plus grand nombre de segments,
nous aurons de plus en plus de vibrations, nous
allons obtenir successivement tous les harmoniques
de ce son fondamental. Sur notre tube, nous obtien-
drons successivement les notes suivantes :.
Harmoniques
rondamental
^ ^^ e^
1. La longuevii du tube sonore est tûujourà prise du milieu de
\l'etubouchure ù l'extrémité inférieure.
271, a 54Z,4 &13,6 lOa^^ IS55 1CZ7,Z I6ge,4 2169,6
Ainsi donc, notre simple tube est capable, en tant
qu'instrument de musique, de nous donner 8 notes
distinctes. Remarquons toutefois que, sauf pour la
fondamentale, les sons seront imparfaits, durs, d'un
timbre désagréable, mais que, sauf le 7», tous ces
harmoniques seront justes.
Pour obtenir les autres notes de la gamme nous
pourrions fabriquer autant de tubes de différentes
longueurs qu'il existe de notes. Nous tomberions alors
dans le système de la flûte de Pan. .Mais si nous per-
çons noire tube d'une ouverture latérale à n'importe
quel point, l'elfet sera à peu près le même que si
nous réduisions sa longueur, et nous obtiendrions
alors un plus grand nombre de vibrations, ce qui nous
donnera une autre note. Nous pouvons donc nous
donner la possibililé, en perçant différents trous fer-
més par les doigts, de transformer à volonté ce tube
unique en autant de tubes de différentes longueurs,
selon que les doigts donneront passage à l'air à l'un
ou à l'autre point du tube.
Or, si nous remarquons que le premier harmoni-
que de la note fondamentale est l'octave et que cet
harmonique est (pour presque toutes les notes) juste,
nous constaterons que le percement de 6 trous suffit
à l'émission de deux octaves complètes. Il suffira,
pour produire une gamme ascendante, de boucher les
six trous avec trois doigts de chaque main et de lever
successivement ces doigts en commençant par le
plus éloigné de l'embouchure.
C'est à quoi paraît s'être bornée l'ambition des cons-
tructeurs de la llùte primitive, et nous serions tentés
d'arrêter là ce petit exposé du principe de la flûte,
pour entreprendre l'historique des perfectionnements
qui ont abouti à la flûte actuelle. .Mais peut-être sera-
t-il plus clair d'exposer encore quelques principes
supplémentaires relativement à la production des
notes.
Nous mettant à la place des flûtistes de la période
primitive, désireux de tirer le plus grand parti pos-
sible de leur instrument, nous trouvons une flûte ca-
pable tout au plus d'être jouée dans une tonalité uni-
que (presque toutes les flûtes à 6 trous étaient accor-
dées en ré majeur'', ne possédant qu'une étendue de
deux octaves, et, par conséquent, d'une trop grande
pauvreté de moyens pour ne pas appeler le perfec-
tionnement). Les documents nous manquent pour
établir quel a été le premier but des chercheurs :
soit la production de la gamme chromatique, soit
une plus grande étendue de la tessiture. Il paraîtrait
plausible que le premier perfectionnement ait eu
plus d'importance que le second, et cependant un des
i. C'est-à-dire que l'inslrument donn.iit, comme note fondamentule,
un re majeur quand tous ses trous étaient boucliés.
1488
ENCYCLOPEDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
écrits les plus anciens sur la question (l'Harmonie
universelle du P. Mersenne) nous révèle qu'une tlùte
de ce genre montait jusqu'au la (3= octave), mais ne
connaissait d'autre tonalité que celle de ré majeur.
Il y a eu vraisemblablement utilisation des qua-
trièmes harmoniques, comme en font foi les tabla-
tures que nous avons pu retrouver; mais ces harmo-
niques étaient durs, d'une justesse relative et d'une
émission difficile. Soit par tâtonnements, soit par
calcul, les th'i listes trouvèrent un moyen d'améliorer
les sons défectueux des noies harmoniques en ou-
vrant un ou plusieurs trous, selon le cas, entre l'em-
bouchure et les autres trous déjà fermés.
11 se produit, en effet, en ce cas un phénomène que
nous signalons succinctement. On a vu déjà que le fait
d'ouvrir un trou entre l'embouchure et l'extrémité
inférieure de la flûte équivaut à peu près au section-
nement du tube. Mais ceci n'a son effet absolu que
jusqu'à la production d'un certain nombre de vibra-
tions, et dépend également de la position et du dia-
mètre du trou incidemment ouvert.
Il arrive qu'un trou ainsi ouvert au milieu de trous
fermés n'exerce pas son influence totale. 11 peut éle.
ver le son d'un ou plusieurs degrés (voir tablature
de la flûte à une clef), soit clarifier le son, soit faci-
liter la production d'un harmonique.
Dans notre instrument, nous n'avons pas de trous
spécialement atTectés à cet usage. Ce sont les trous
servant à la production de la première octave qui
peuvent ainsi, à l'occasion, modifier les notes. Nous
les appellerons « trous de notes » dans le premier cas,
« trous auxiliaires » dans le second.
Un dernier mol sur cet instrument sommaire : de
quelle matière peut-on faire une flûte'.' Nous ver-
rons par la suite qu'il en a été fait de toutes sortes
de matériaux : bois de différentes essences, ivoire,
métaux, porcelaine, cristal, marbre, à base de caout-
chouc, etc.
Les théoriciens de l'acoustique prélendent que
seules les dimensions du tube sonore peuvent avoir
une influence sur les vibrations, et que la qualité de
la matière employée pour le tube n'a aucune impor-
tance.
Mais, comme nous le verrons plus tard, les théo-
ries et la pratique ont été si souvent en désaccord à
propos de la fabrication des flûtes, que nous ne pou-
vons nous en tenir aux affirmations des théoriciens.
L'expérience prouve que la matière employée, le
plus ou moins d'épaisseur du tube, peuvent modifier
la qualité du son dans des proportions considérables.
Les flûtes ont été faites de bois, à de très rares ex-
ceptions près, jusqu'au milieu du xix= siècle. A cette
époque, les llûtes de métal sont venues leur dispu-
ter la suprématie.
LES TRANSFORMATIONS DE LA FLUTE
En essayant de découvrir les origines de la flûte
actuelle, nous aurions ainsi remonté aussi loin que
possible et nous avons tenté de le faire, mais ce n'est
pas une tâche aisée. Le premier spécialiste qui nous
donne des détails aussi précis sur la structure de la
flûte et la façon d'en jouer, et qui peut appuyer ses
dires sur une expérience personnelle, est Hottbteiire,
dit LE Romain. Un ouvrage de lui, paru en 1707, et
intitulé Principes de la ftùte traversiere ou flvle d'Al-
lemagne, de la flûte à bec ou flûte douce et du hautbois,
nous donne des détails assez précis sur l'art déjouer
des deux premiers instruments. Mais il reste mal-
heureusement muet sur leur structure, et ne nous
instruit en aucune façon des transformations qu'a
subies la flûte avant d'arriver dans ses mains. Appar-
tenant à une famille célèbre de fabricants et d'artistes,
fabricant lui-même, appelé par ses talents à voya-
ger (il alla même jusqu'à Rome, ce qui lui valut son
surnom), cet artiste remarquable devait donc, selon
toutes probabilités, être en possession de précieuses
connaissances sur les origines et les modifications de
la flûte. Malheureusement, il ne nous en dit rien.
Cette absence de documents est d'autant plus re-
grettable qu'au moment où IIotteterre jouissait de
la célébrité, la flûte venait de subir une transforma-
tion capitale (changement de proportions de la perce
intérieure), et la. flûteà bec allait céder le pas à la flûte
traversiere (dans le traité d'HoTTEiERRE la flûte tra-
versiere occupe déjà la première place). 11 eût été bien
intéressant de savoir par un homme du métier com-
ment ces modifications furent amenées.
Nous devons donc nous contenter des renseigne-
ments vagues que nous doimeni, par hasard, des
écrits de pure fantaisie ou des explications que nous
fournissent d'éminents auteurs, théoriciens de grand
mérite, sans doute, mais dont certaines défaillances
dans des détails techniques nous obligent à ac-
cepter les dires avec une grande réserve.
Nous avons dit qu'à l'époque d'HoTTETERRB, la
flûte û bec allait céder le pas à la flûte traversiere. 11
ne s'ensuit pas pour cela que cette dernière fût tout
à fait une nouvelle venue en France. Deux vers de
Guillaume de Machaut (né vers la fin du xiu" siècle) :
Cors sarrazinois et doussaines
Tabours, flaustes traversaines,
tendent à prouver que, dès cette époque, les flûtes à
bec (doussaines) et traversières étaient connues en
France. Même remarque dans ces deux vers d'Eusta-
che Deschamps (xiv« siècle) :
Harpe, psaltérion,douçaine...
Vielle, fleuthe IravereaiiiL"...
Rauelais fait mention d'une <c flûte d'Alemant », ce
qui, du reste, ne prouve pas absolument qu'il s'agit
d'une flûte traversiere.
Un ouvrage plus sérieux de Sébastien Virdung,
Musica (jelutscht und auszgezoïjen durcli Sebastianum
Virdung, PreistervonAmherg, e;c.,paru à Bâleen 1,'ill,
contient deux dessins qui pourraient constituer de
précieux documents, si celui qui nous intéresse le
plus ne nous était pas entièrement suspect par son
manque évident d'exactitude. Le premier de ces deux
dessins a trait à ce que nous appelons aujourd'hui
galoubet. Il n'est d'aucun intérêt pour nous. Le second
pourrait représenter une tlùte traversiere, mais la
façon tout à fait incorrecte dont sont indiquées
les places des trous et de l'embouchure rendrait
injouable un instrument construit sur de telles don.
nées. Cette flûte porte le nom de ÏAverchpfeiff (pipeau
transversal).
^cl)it>câel.
tîikÉûi
uummutuliimiiuiniiiiiintlimiiniiinnniimiiiiimuminmimiiiwiwiinnii
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA FLUTE 1489
tll[ullUl[i[liiiilt(liiiiiii»»itUi»uuil(uauiuiiUiii<uu»iinihii»hiUMiiiiiu»~hiii"»»i"»iuûuKlmiHli~i»iliiMllllulllllUlllilUuJ
MmW//IWIIIIIIIfl/lliiililuiliiiiiiil)liiiiiilliiiii
iiiiii»iiiimi»iimiiiiM»,
FlG. 613.
Agricola, dans son Musica Instrumentalis Deutsch
(1328), et Praeiorius, dans son Tkeatrum instrumcnto-
)'um( 1628), reproduisent une famille de quatre flûtesde
diflérenls diapasons {discantu^, altus, ténor, bossus),
dénommées Sclnveylzer pfeiffen, lesquelles sont des-
sinées de façon aussi rudimentaire que celle de
ViBDUNG, sans aucun détail de construction et d'é-
chelle.
^iscûntxvô.
(liiiuuiuiiliuliuM
Ll.tHlll(»ti»U»»»niLnU[.aLULLU
""^"'"'1"'"'
^Ltuâ.
i.iuXLtuMiH.iiii.iLiiiiiiiiiiiriii.i iimiiriifliir,i,fuiiiri(L[iii,!>ià[iAu[ilinlllluM
Cenox%
:m
.niii>iiiiiiu.»>nuu.Lniiiimm|i
ukiLiVki.aiLmunn'Ln'.tumw
gossuô.
'""'■"I'"""""""'"""""
Miûi
ilnn.»m.iUill]iiilliiuil]liUiH.iliiMliiii.,iilllu]iNiiuii.^LlHjULlmlmlHJUmiii^liiLiA
FiG. 61i.
Dans ce même ouvrage, Aoricola nous donne un
dessin destiné à servir de tablature et dont les pro-
portions diffèrent totalement de celles des tliîtes re-
produites plus haut. Où est la vérité? Probablement
nulle part. Nous donnons le dessin, comme les autres,
k titre de curiosité :
rietl)lc l)ûT)^-
bTf-
Llintke\)fln6'
- ^ie 6. pf eiff.
Fio. 615.
Nous pourrions citer bien
d'autres auteurs, reproduire
bien d'autres llûtes, et nous
n'en serions guère plus avancé, toutes ces des-
criptions, ainsi que nous l'avons dit plus haut,
nous paraissant extrêmement fantaisistes.
■V Beaucoup plus explicite et précis est le Père
) Mersenne, dont le célèbre traité de l'Harmonie
universelle, paru en 163ti, nous fournit d'abon-
dants documents.
La caractéristique de son travail est qu'il y
donne une importance assez secondaire à la llùle
traversière, au rebours des précédents qui n'en men-
tionnaient guère d'autre. 11 faut voir là ce fait que
la flûte à bec avait conquis peu à peu en France une
prépondérance qu'elle ne devait garder environ que
jusqu'à la fin du xvn" ou au commencement du
xviii' siècle.
La partie de son ouvrage qui nous intéresse est
divisée en 9 propositions (ou chapitres). La première
proposition contient quelques considérations sur les
instruments en général.
Dès la seconde proposition, il est question des llùtes,
parce que Mersenne, ayant été tenté de considérer la
tlùte comme le plus simple des instruments à vent,
remarque que le rocher qui reçoit le choc du vent,
le coquillage, etc., sont des instruments plus sim-
ples encore.
La troisième proposition a trait à la flûte
— ^ de Pan. La quatrième aux chalumeaux ou
llûtes à un, deux ou trois trous. La des-
cription d'un de ces instruments ferait
croire qu'il s'agit peut-être là de la flûte à
l'oiijnon ou mirliton (?). La 5" proposition
est une description de la flûte à 3 trous
(à bec), la 6" de la flûte à 6
trous (ou flageolet).
Il a été question plus haut de la 8° pro-
position relative aux flûtes à bec.
Mais c'est la neuvième proposition qui
est pour nous d'une importance capi-
tale. Elle explique en elîet « la figure,
l'étendue et la tablature de la flûte
d'Allemand et du fifre ». Or, la flûte
d'Allemand et le fifre sont des types
extrêmement primitifs, mais analo-
gues, dans leur principe, à notre flûte
actuelle. Bien mieux : la flûte d'Alle-
mand que décrit Mersenxe est cylin-
drique, c'est-à-dire semblable en ce
point à l'instrument d'aujourd'hui
connu sous le nom de flûte Boehm, alors
que l'abandon par Boedm de la perce
conique, usitée du temps d'HoTTETERRE,
paraissait être une innovation. Mais
écoutons Mersenne :
« Encore que j'eusse, ce semble, dû
joindre cette espèce de flûte avec le
flageolet, parce qu'elle a six trous à
boucher comme lui, j'ai néanmoins
voulu la mettre à part, à raison qu'elle
ne s'embouche pas par le haut comme
les autres, mais par le trou I, de sorte
que la partie ABC ne sert que d'or-
nement. C représente le lieu où se ter-
mine le tampon dont on bouche le haut
de cet instrument, de peur que le vent
sorte par A et B et afin qu'il soit con- fig. ai»,
I traint de descendre par ED, par où il
i
94
1490
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
sort, lorsque les six trous sont bouchés, d'où il s'en-
suit que la longueur de cette llùte se prend seulement
de C jusqu'à F. Or, j'ai laissé la courbure dans cette
figure parce qu'elle a été prise sur une des meilleu-
res flûtes du monde qui était courbée; c'est pourquoi
j'en marque ici la grandeur qui est d'un pied et 5/6.
KUe a 3 pouces depuis B jusqu'à son embouchure-
Or, on l'embouche en mettant la lèvre inférieure sur
le bord du l"' trou et en poussant le vent fort dou-
cement. Du tampon C jusqu'à la lumière I, il n'y a
que 8 lignes. Elle est percée d'une égale grosseur
tout au long, ce qui n'arrive pas à toutes sortes de
chalumeaux, comme je le dirai ailleurs, et cette
grosseur est de 8 lignes.
« La longueur du i' trou au 3' est de 13 lignes,
celle du 3= au 4" et du 6° au 7« de 12 lignes ou envi-
ron, mais il y en a 17 du 4 au 5. Quant à leur ouver-
ture, celle du premier est la plus grande, celles du
2 au 7 quasi égales, à savoir de 3 lignes, mais celles du
3 et du 4 sont un peu plus larges, et finalement celle
du 5 a 4 lignes en diamètre. Cette flûte sert de dessus
dans les parties, et, conséquemment, les autres doi-
vent être d'autant plus longues et plus grosses qu'elles
descendent plus bas. Par exemple, celles qui descen-
dent d'une octave ou d'une quinzième doivent être
doubles ou quadruples de celle-ci. »
Terminons cette longue citation par ce paragraphe
concernant la matière employée : « Leur matière peut
être de prunier, de cerisier et des autres bois qui se
percent aisément, mais on choisit ordinairement du
bois d'une belle couleur, et qui reçoit un beau poli,
afin que la beauté accompagne la bonté de l'instru-
ment, et que les yeux soient en quelque sorle par-
ticipants du plaisir de l'oreille : on les fait ordinai-
rement de buis; elles sont aussi fort bonnes de
cristal, ou de verre, ou d'ébène. »
Nous donnons ici une tablature que nous avons
simplement adaptée à notre notation actuelle :
On remarquera que la gamme chromatique n'y est
pas prévue.
Il y a beaucoup à apprendre dans cette longue
description du P. Mersenne que nous avons donnée
presque intégralement, à dessein, tellement nous y
attachons d'importance.
1° La minutie de ce travail et sa précision nous
permettraient de reconstituer une flûte exactement
semblable à celle qu'il nous décrit; et le soin qu'il
prend de nous avertir que la figure a été prise » sur
une des meilleures flûtes du monde » nous permet
de supposer qu'il s'agit là d'une sorte d'instrument
type de cette époque. Il est fâcheux, toutefois, que
l'auteur ne nous dise pas de qui il tient cette flûte
et quel était l'artiste qui en jouait.
2° Il établit que jusqu'à lui, les flûtes traversières
étaient de perce cylinelrique. En elfet, malgré l'im-
perfection du dessin, il est facile de constater dans
les ouvrages précédemment cités que toutes les flû-
tes étaient percées ainsi (sauf peut-être celle de Prae-
TORIUS).
3" Il nous signale l'existence de toute une famille
de flûtes (au moins quatre), et nous confirme ainsi
l'existence de ces " concerts de flûte » sur lesquels
nous aurons à revenir plus tard.
Nous ne nous expliquons pas, par contre, la
« courbure » de l'instrument qu'il a bien soin de
mentionner dans le texte, comme s'il prévoyait l'é-
tonnement que nous éprouverions à la vue du des-
sin. Nous ne voyons pas l'utilité de cette disposition
qui ne se retrouve nulle part ailleurs; et nous sup-
posons qu'il s'agit là d'un essai du fabricant, à moins
qu'il n'y ait eu simple déformation accidentelle sans
préjudice pour la sonorité! Tout ceci n'est qu'hypo-
thèses.
Cette flûte nous parait être, enfin, la dernière
trace d'un type d'instrument complètement disparu.
Ainsi que nous l'avons dit précédemment, 70 ans plus
tard, nous serons en présence d'un type de flûte très
différent, sans que rien ne puisse nous éclairer sur ce
qui s'est passé pendant la période de transition.
L'ne dernière citation de Mersenne. Comparant la
llûte traversière à la flûte douce, il dit qu' » il est
beaucoup plus difficile de faire parler cette flûte que
celles qui s'embouchent d'en haut, car tous peuvent
user de celle-ci, et peu savent sonner de celle-là, à
cause de la difflculté que l'on trouve à disposer les
lèvres comme il faut sur le premier trou qui sert de
lumière, ce qui arrive semblablement au fifre, qui
ne dilfère d'avec la llûle d'Allemand qu'en ce qu'il
parle plus fort et qu'il est plus court et plus étroit ».
Une dernière conclusion à tirer du travail de Mer-
senne est que la flûle à bec paraît être arrivée à son
point culminant (tant au point de vue de la fabrica-
tion que de l'usage qu'on en fail), tandis que la flûte
traversière est susceptible de perfectioimement.
En constatant la facilité de l'émission du son dans
la flûte à bec et en remarquant assez dédaigneuse-
ment (|ue « tous peuvent jouer de celle-ci »,il la ba-
nalise, eu quelque sorte, et parait assigner un rang
supérieur à la traversière. « Peu savent sonner de
celle-là, )) el ceux-là doivent être nécessairement les
aristocrates de leur art.
Mais aussi quelle difl'érence dans le résultat, et
que la llûte à bec paraît monotone et sourde à côté
de sa rivale ! De la première, on ne peut tirer qu'un
I
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA FLUTE 1491
son, toujours le même, assurément agréable, mais
bien uniforme. De la seconde, au contraire, un artiste
habile peut lirer les effets les plus variés, et il ne
faut pas nous étonner de voir, dans le Traité d'Hor-
TETERRE, la tlùte traversière passer au premier plan.
Certes, Hotteterre continue à enseigner la thUe à
bec, et même à en jouer, mais comme on voit tout
de suite que c'est l'autre qu'il préfère! Il lui donne
la première place dans son livre, et, alors qu'une
modeste figurine représente une flûte à bec tenue
par deux mains anonymes, une superbe gravure de
Picard nous montre un brillant gentilhomme (Hot-
teterre lui-même, croyons-nous) jouant d'une flûte
traversière à une clef qui sera l'instrument de tous
les virtuoses du xviii" siècle et dont certains useront
encore au début du xix'.
Nous avons dit précédemment lout'notre regret
du mutisme qu'obseive Hotteterre en ce qui con-
cerne la structure de la flûte. S'il avait apporté à ce
travail toute la patience et la précision de Mersenne,
nous serions en possession d'un document incompa-
pable. Fort heureusement, l'examen sommaire de
l'instrument qu'il tient entre ses mains sur le fron-
tispice de son Traité, l'étude de sa tablature, nous
prouvent que cet instrument n'a rien qui le distin-
gue sensiblement d'une foule de flûtes existant en-
core et connues sous le nom de tlûtes à une clef. La
flûte à une clef est l'instrument du xviii" siècle.
Quelque modiflcalion de détail qu'elle ait subie,
elle n'en resle pas moins un instrument dont on
possède le type à d'assez nombreux exemplaires. Les
musées, et, particulièrement le Musée du Conserva,
toire de Paris, en possèdent de fort beaux modèles.
Dès lors, notre regret est moins vif de ne pas avoir
de renseignements écrits, puisque nous pouvons
nous-mêmes procéder à cette description d'après des
modèles authentiques. Ceux que nous avons choisis
et que nous reproduisons plus loin appartiennent au
Musée du Conservatoire de Paris.
Au premier examen, une particularité nous frappe
dans le premier inslrument. Alors que la llùte de
Mersenne était de perce cylindrique, celle-ci nous
apparaît comme de perce conique (cône tronqué
dont le diamètre le plus grand se trouve du côté de
l'embouchure). Nous avons dit plus haut noire incer-
titude au sujet de la date de cette innovation. Quelles
sont les raisons qui ont déterminé l'invenlion de cette
perce? On a voulu y voir une question de solidité
les tlûtes cylindriques étant trop fragiles si le bois
était mince, trop lourdes s'il élait épais. Cette opi-
nion n'a pour nous aucune valeur. 11 faut plutôt y
voir le résultat d'expériences faites, par tâtonne-
ments, par les facteurs, pour obviera deux inconvé-
nients de la flûte, décrits par Mersenne: l'écartement
des trous et leur grand diamètre devaient être une
gène pour l'exécutant. Comment le fabricant de flû-
tes, dont nous ignorons toujours le nom, qui mo-
difia ainsi la perce arriva-t-il à trouver que la perce
conique permettait de rapprocher les trous les uns
des autres pour la plus grande commodité des
doigts'.' Nous l'ignorons, mais le fait est qu'en l'ab-
sence de clefs parant à cet inconvénient, le rappro-
chement des trous pouvait être considéré comme
une amélioration. De même, la diminution de dia-
mètre des trous, malgré qu'il en résultât une dimi-
nution de puissance du son.
M. Lavoix attribue cette tran.sformation à un
fabricant londonien du nom de Kunder; mais R. S.
RocKSTRO, auteur anglais dont le traité The Flûte est
ce qu'on a écrit de plus complet. sur la question, et
qui, Londonien lui-même, était plus près des sour-
ces, ne parait pas avoir pu contrôler cette asserlion.
Ici, nous nous trouvons en présence d'un fait mys-
térieux que,[malgré toute notre bonne volonté, nous
nous sentons impuissants — comme d'ailleurs tous
nos devanciers — à élucider. Nous avons parlé de la
llùte décrite avec un soin minutieux par Mersenne.
Nous avons aussi fait allusion au traité d'HoiTETERRE,
et à la planche qui lui sert de frontispice. Le flûtiste
tient là, entre ses mains, un instrument parfaite-
ment reproduit par le graveur, et dont nous retrou-
verons aisément de semblables dans les Musées spé-
ciaux. Soixante-dix ans se sont passés entre la
publication des deux ouvrages. Telles sont les diffé-
rences de structure entre la flûte de Mersenne et celle
d'HoTTETERRE, qu'un profane aurait peine à les croire
de la même famille. Mais par quelle suite de trans-
formations a passé la construction de la flûte traver-
sière? H nous est impossible d'en retrouver trace. Il
y a là une solution de continuité que nous pouvons
constater et que nous ne nous expliquons pas. Il nous
faut donc franchir délibérément ce cap, et nous con-
tenter d'examiner, en détail, la llûte en usage du-
rant la plus grande partie du xviu" siècle, celle qui a
servi aux plus grands flûtistes de cette époque, aussi
bien en Allemagne qu'en France : la flûte de Blavet,
de Naudot et de Quantz.
Pour cela, nous nous sommes servi de la méthode
qu'avait adoptée Mersenne, et nous avons choisi, dans
la riche collection du Musée du Conservatoire de
Paris, une flûte traversière aussi parfaite que possi-
ble. 11 nous a paru que celle due au facteur Delusse
présentait toutes les qualités permettant de la dé-
crire comme un instrument type. Elle est le meilleur
des instruments, comme le traité d'HoTTETEiiRE est le
meilleur des traités.
A priori, une particularité nous frappe : la flûte de
Mersenne est cylindrique; celle-ci est conique. Pour
quelles raisons les facteurs de la fin du xvii» et du
début du xviii= siècle ont-ils adopté cette perce? Il est
possible que ces fabricanis aient été partagés entre
le désir d'alléger le poids de l'instrument (car un
cylindre épais eût été fort lourd) tout en lui conser-
vant une certaine solidité i un cylindre très mince eût
été sujet à se fendre très facilement, spécialement
sous l'influence des changements brusques de tem-
pérature). Il est plus vraisemblable encore que les
facteurs, tous plus ou moins instrumentistes eux-
mêmes, ont cherché par tâtonnements à améliorer
la sonorité, et ont remarqué que la forme conique
apportait une certaine amélioration à la sonorité.
Ceci n'est qu'une hypothèse.
Autre particularilé encore : alors que la (lûte de
Mersenne parait être d'une seule pièce, celle-ci se
compose de plusieurs morceaux démontables. La
raison principale est que, par l'emploi de jointures
de différentes longueurs et interchangeables, il était
possible à l'exécutant de modifier à volonté et assez
sensiblement le diapason de son instrument. Ceci
nous prouve que les facteurs n'accordaient pas une
importance bien grande aux proportions, car ils
n'auraient pas commis cette hérésie de modifier
1492
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
ainsi la longueur du tube sans que fussent modifiés
en même temps les intervalles des trous !
Description de la flûte de Delussb. — Elle se com-
pose de 4 morceaux. Elle est faite de bois. Sa lon-
gueur totale (en parlant de l'embouchure) est de 0,624.
L'embouchure est de forme plutôt ovale, de 9 mm.
de longueur sur 6,5 de largeur. Les trous ont respec-
tivement 6, 6, 5 1/2, 6, 6, b mm. de diamètre et l'in-
tervalle entre eux est de 30, 29, 46, 28, 25 à 28 mm.
La clef est en cuivre. Elle bouche un trou de
20 mm. de diamètre.
Le diamètre du tube est de 0,019 à la tête,
0,012 à l'intersection entre le 3« et V- trou, 0,019
à l'extrémité inférieure. La tête est munie d'un
bouchon.
Nous avons essayé cette tlùte, et l'essai nous a con-
firmé dans notre première impression : elle nous a
paru le meilleur de tous les instruments de ce type
appartenant au Musée du Conservatoire.
* *
FiG. 617. — Flûte Delcsse.
Nous donnons ici la tablature de la flûte à une
clef telle que nous l'avons trouvée dans le Traité
d'HoTTETERRE (nous avous dit plus haut pourquoi nous
avions dû décrire une llûte autre que celle de ce
maître). 11 faut dire que cet ouvrage excellent a
fait autorité durant tout le xvin» siècle et, qu'à part
le Traité de Quantz, toutes les méthodes parues au
cours de ce siècle sont de simples copies, traduc-
tions, ou d'assez imprudents plagiats de l'œuvre
d'HOTTETERRE.
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«
On remarquera, dans cette tablature, l'absence de
fa naturel dans la 3« octave. Cette note était vraisem-
blablement impossible à produire.
A partir de ce moment, la suprématie de la flûte
traversière n'est plus contestée. La flûte à bec ne fut
cependant pas brusquement délaissée. Nous devons
supposer qu'il se produisit pour elle ce qu'il se pro-
duisit pour la viole de gambe. On joua d'abord la
viole et la flûte douce concurremment avec le vio-
loncelle et la flûte traversière. Puis, les nécessités de
l'orchestration nouvelle firent éliminer peu à peu de
l'orchestre et de la musique de chambre ces instru-
ments imparfaits, dont le plus grave défaut était la
faiblesse de sonorité. Ils ne furent plus alors prati-
qués que par certains amateurs pour tomber, vers la
fln du sviii<: siècle, complètement dans l'oubli. Il est
possible qu'on ait fabriqué encore des llûtes à bec
vers 1777. L'Alinanach Dauphin de cette date nous
dit que les luthiers sont ceux qui ont l'art de faire
et le droit de vendre... clavecins, tlûtes traversières,
/lûtes à bec, etc.
Nous avons de fortes raisons de croire qu'ils
n'usaient pas fréquemment de ce privilège.
Revenons donc à la flûte traversière. U suffit de
voir la tablature d'HoiTETERRE pour comprendre à
quel point la flûte était imparfaite. L'emploi conti-
1
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA FLUTE 1493
nuel des « fourches » rendait les gammes les plus
simples excessivement compliquées. Quant à la jus-
tesse, elle élait plus qu'approximative. Un pouvait, il
est vrai, corrifj;er la justesse des notes par le moyen
des lèvres, mais telle devait être la difficulté à vaincre,
que de rares artistes devaient en être capables.
C'est cependant sur cet instrument défectueux
qu'une série de grands virtuoses va jouer durant
tout un siècle et en fera « l'instrument à la mode »
de l'époque. Et son usage dure jusqu'au commence-
ment du xix'= siècle! Il ne faut pas croire, toutefois,
que les chercheurs et les inventeurs restaient inac-
tifs. Nous sommes amené à penser que les lU'itistes
d'un talent moyen ou médiocre, souffrant de l'imper-
fection de leur instrument, plus portés à rejeter la
responsabilité de leur insuccès sur les défauts de
leur lliUe que sur leur propre insuffisance, cherchè-
rent à améliorer leur instrument. Mais les grands
artistes, de Bla\et (1700-1768) à Devienne (1759-1803)
se servent uniquement de la tliUe à une clef. Ecou-
tez Devienne parlant des inventions nouvelles dans
la préface de sa méthode ; « Ce n'est pas cependant
que je veuille blâmer les petites clefs, que des recher-
ches justes ont fait ajouter à la lliUe ordinaire, pour
remédier aux sons bouchés, qui se trouvent dans le
bas: tels que le so/jt ou la ii et le si\y ou lai\ elles
sont d'une grande nécessité dans les morceaux lents,
et surtout quand les notes ci-dessus désignées sont
soutenues; quoique je ne m'en serve pas, je les ap-
prouve, mais dans ces cas-là seulement, car pour les
traits elles deviennent inutiles et ne servent qu'à
ajouter à la difficulté. La manière la plus simple
étant souvent la meilleure, je ne puis trop recom-
mander aux élèves de la mettre le plus souvent en
pratique. »
Il est fort heureux que tous les flûtistes de cette
époque n'aient pas possédé cette grande virtuosité ou
cet esprit accommodant. On verra, au contraire, que
les chercheurs d'améliorations furent innombiables.
Une des premières inventions dignes de remarque
est celle de deux clefs ouvertes fermant deux trous
supplémentaires percés dans une extension du tube à
l'extrémité inférieure. Ces clefs ont pour objet de
donner à la llùle Vut naturel et l'ut it graves. Cette
transformation, dit Quantz, a été essayée vers 1722,
mais a été désapprouvée par tous les tliàtistes, car
l'extension du tube nuisail, prétendaient-ils, à la
qualité du son. Il faudra attendre un siècle pour
qu'on y revienne, et l'on entendra à nouveau les
mêmes protestations.
Le même Quantz eut, vers 1726, lors d'un voyage à
Paris, la curieuse idée de donner plus de justesse
à son instrument par l'adjonction d'une seconde clef
fermée à la patte. Dans son esprit, l'une des deux clefs
devait produire le ré ::, l'autre le mi n (on voit par là
quel soin scrupuleux mettait Quantz à l'obtention
d'une justesse parfaite). De plus, l'emploi de l'une ou
l'autre clef devait apporter une amélioration à la
production de certaines autres notes. Ce perfection-
nement ne parait guère avoir été goiUé
en Allemagne, et nous n'en trouvons nulle
trace ailleurs.
L'ne autre invention que Quantz s'est
attribuée (on la lui a contestée) est celle
du bouchon à vis permettant de modifier
légèrement le diapason. Cette disposition
a été conservée sur toutes les tlùtes de-
puis Quantz et existe encore sur nos ins-
truments actuels.
FiG. 618.
11 nous faut attendre jusqu'en 177't pour nous trou-
ver en face d'un perfectionnement vraiment sérieux.
Il s'agit de la perce de trois trous nouveaux, munis de
clefs fermées pour la production du fanaturel, du sol^
et du si|7. Là encore, l'incertitude règne sur le nom
de l'inventeur. Les uns attribuent l'invention à l'An-
glais Josef Tackt, mais W.-S. Rockstro ne parait pas
vouloir souscrire à cette opinion en faveur de son
compatriote. Fétis penche pour le llùtiste Petersen
de Brème et pour le facteur Wolff, mais il y a lieu
de douter encore du bien fondé de cette assertion.
Quoi qu'il en soit, cette amélioration, qui aurait dû
révolutionner le monde des flûtistes par son impor-
tance, paraît, au contraire, les avoir laissés assez
froids. Les grands virtuoses du temps, s'ils la con-
naissaient, la dédaignaient. Cependant, ces trois clefs
pouvaient être d'un usage facultatif (ainsi que le fait
remarquer Devienne dans le passage de sa Préface
cité plus haut), et ne devaient heurter en rien les
habitudes prises.
La clef de /'ai] était peut-être la plus nécessaire
des trois, car elle donnait à la Uûte une note de plus :
le fa naturel de la 3" octave, tout en améliorant les
deux autres fa. On se rappelle que ce fa s n'était
même pas mentionné dans la tablature d'HoiTETERRE.
Ce trou pour le fa, placé entre les 4° et b« trous,
mais latéralement, du côté de l'exécutant, était
actionné par une clef placée en travers du corps de
l'instrument. Elle devait être actionnée par le 3'^ doigt
(annulaire) de la main droite. Pour produire le fa
1 1" et 2" octave), on ouvrait cette clef en gardant le
doigté du mi naturel, et la note ainsi produite était
excellente.
Le trou pour le solii était percé à peu près sur la
même ligne que celui du fa naturel, mais entre le
3" et le 4= trou. Il était actionné par le petit doigt de
la main gauche.
Le trou pour le si b était placé entre les 2° et 3= trous,
longiludinalenient aussi, et s'actionnait par le pouce
de la main gauche.
Nous avons dit que ces perfectionnements avaient
été généralement dédaignés par les virtuoses ; cer-
tains artistes, cependant, en faisaient usage à une
époque que nous pouvons déterminer. Un Uûtiste
allemand nommé Riboch déclare les avoir adoptés
vers 1782, et le fabricant Bichard Potter en faisait
dès 1774.
Un peu plus tard, un Italien du nom de Florio, flû-
tiste au Boyal Italian Opéra de Londres, fit ajouter
à sa flûte les deux clefs ouvertes supplémentaires à'ut
naturel et !(<# grave, inventées depuis longtemps,
puis abandonnées. La flûte ainsi modifiée fut long-
temps désignée sous le nom de llùte à 0 clefs.
Cependant, un perfectionnement réel surgit : le per-
cement d'un trou supplémentaire pour Vut naturel
(médium et aigu) placé entre le premier et second
trou. Primitivement, ce trou était muni d'une cl«f
ouverte, et on le tenait fermé constamment par le
pouce de la main gauche. Mais bientôt, on lui appli-
que une clef fermée placée à côté de la clef fermée .
de si il (RiBOCH s'attribue cette invention), et maniée
également par le pouce de la main gauche.
Ce perlèctionnement marque une étape importante
dans l'histoire de la flûte. L'instrument, tel que nous
l'avons décrit (mais non muni des clefs à'ut et d'îii jf
graves), est encore connu et fabriqué de nos jours
sous le nom de fiûte à cinq clefs. Nombre d'artistes et
d'amateurs ont fait leurs premiers essais sur cet ins-
trument, encore en usage, d'ailleurs, en certains pays.
1494
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
ff)
Malpré ses défauts, cette lliHe présente une cer-
taine homogénéité de son qui manquait à ses devan-
cières. En effet, jusque-là, certaines notes ne s'obte-
naient qu'à l'aide de doigtés spéciaux appelés fourches.
Outre qu'elles étaient une gène pour le mécanisme,
elles n'avaient pas la même plénitude que les autres.
11 se produisait là le même phénomène qu'on cons-
^ — ^ . tate dans le cor simple, avec l'alternance
des sons ouverts et des sons bouchés.
Munie de ces cinq clefs indispensables, la
llûte devenait un instrument réellemenl
ffl chromatique, très défectueux certes, nous
^ dirons, plus tard, pour quelles raisons,
mais bien supérieur à ses devanciers.
Cet acheminement vers la perfection
redouble l'ardeur des chercheurs, et si
nous voulions mentionner, même très suc-
cinctement, tous les changements appor-
tés à la tli'ite pendant une période de cin-
quante ans environ après l'invention de
ces clefs, un volume entier y suffirait à
peine. Nous éliminons donc résolument
tout ce qui n'offre pas d'intérêt de pre-
mier ordre, et nous mentionnons seule-
ment :
1° Les inventions qui constituent une
amélioration réelle de l'instrument.
2° Celles qui, sans effet immédiat, ont
provoqué par répercussion des recherches
plus fructueuses.
Celle du fabricant Tbemlitz, en 1780,
mérite d'être signalée. — Il invente une
clef dite : « longue clef de fa n. Cette clef,
de forme longue, qui court le long de la
llûte, couvrait un trou placé à la même
hauteur que celui déjà existant entre les
5« et 6= trous, et, s'actionnant avec le petit
doigt de la main gauche, permettait ainsi
d'éviter certains glissements de doigts
difficiles (notamment entre mi h et fa na-
turel).
Plus tard, on remarque sur une th\te de
Laurent, facteur français, un trou pour l'ut
naturel placé sur le coté intérieur du tube
et fermé également par une longue clef
qui s'actionnait par la phalange inférieure
de l'index de la main droite.
Cette clef remplace même sur la plupart
des instruments de celte catégorie la clef
d'(/( actionnée par le pouce de la main
gauche.
Le Musée du Conservatoire de Paris pos-
sède plusieurs types de ces instruments. —
Une de ces flfites que nous avons essayée,
qui a appartenu à Tulou et sort de sa
propre fabrication, nous a paru être un
""j."'°„ excellent modèle de la fabrication de cette
Tdloc. époque. Elle est en bois de grenadiUe et
divisée en cinq parties. Elle possède seu-
lement cinq clefs d'argent. TiLou en avait fait cadeau
à son ami M. Deneux de VarëiNne et la considérait
comme une excellente Oûte, sur laquelle il avait,
d'ailleurs, joué longtemps.
La longueur totale de l'embouchure, de forme
#o
ovale, est de 12 millimètres environ sur 9 mm. de
largeur. Le diamètre du tube est de 22 mm. à la tête,
de 9 mm. à la jointure du milieu, et de 17 mm. à
l'extrémité inférieure.
Cette tliHe n'étaitcependant pas l'instrument connu
sous le nom de « llûte Tulou ». On désignait ainsi
plus volontiers une llûte munie de 8 clefs dont on
trouvera la reproduction sur la tablature que nous
donnons plus loin. Mais, à vrai dire, il n'y avait pas de
flûte type à cette époque. Chaque llûtiste, selon ses
préférences personnelles, faisait ajouter à sa flûte à a
clefs une ou plusieurs des clefs nouvelles décrites pré-
cédemment ou prises dans les inventions suivantes.
Mentionnons encore:
L'invention d'une clef fermée couvrant un trou
percé entre le trou de l'embouchure et le premier
tiou de note, et maniée par le premier doigt de la
main droite, permettant de faire plusieurs trille^^
impossibles avec les doigtés ordinaires : stq à ulit
(f« et 2" octave) et ufS à rtJi; (2« et 3" octave).
Celle d'une autre clef fermée couvrant un autre
trou un peu au-dessous du précédent et permettant
de faire le trille de ut a à ré'Cf {{" octave et i-°). Ces
deux inventions, attribuées à Cappeller en 181 1 , sont
d'autant plus dignes d'être notées que nous nous en
servons encore sur nos llûtes actuelles.
Celle de Nolan (1808): une clef de soli ouverte,
invention qui a comme originalité de permettre à un
seul doigt de fermer cette clef en ouvrant d'autre part
un trou, contient un embryon du sytème de Iîœhm.
Nous le constaterons plus tard.
Miller, en ayant, en 1810, l'idée de construire des
llûtesen métal; Nicholson, célèbre llûtiste anglais, en
faisant considérablement élargir les trous, simple re-
tour aux principes de la flûte de .Merse.nne ; Pottgiks-
SER, trouvant, en 182t, un système de touche conte-
nant en embryon le système des anneaux, préparent
la voie à leurs successeurs. On retrouvera dans les
inventions de Bœhm la trace de leurs efforts. Mais tout
ceci n'obtient aucun succès immédiat et n'entrera
jamais dans la pratique sous cette forme. Nous
citons les noms qui précèdent à titre de noms de
précurseurs.
Mentionnons, à titre de curiosité, cette fois, l'ex-
traordinaire invention du colonel IIebsomen, qui,
ayant subi l'amputation du bras gauche, invente un
mécanisme lui permettant de remplacer les doigts
absents par la seconde phalange des trois premiers
doigts de la main droite. Enfin, certains fabricants
allemands allongent le tube et le munissent de clefs
supplémentaires permettant de descendre au si, sil.^,
voire jusqu'au sol!
Un dernier mot encore: il s'agit de la matière em-
ployée. On fait les llûtes de toutes sortes de bois :
buis, coco, ébène, grenadille, etc. On en fabrique
d'ivoire, de porcelaine et même de cristal ! 11 ne paraît
pas que ces deux dernières matières aient donné
d'heureux résultats. Nous avons essayé une fort belle
llûte de cristal, munie de clefs d'améthyste, de la
main de Laurent (commencement du xix= siècle), et
en avons trouvé le son exécrable. Nous donnons,
pour le plaisir de l'œil, la reproduction d'une llûte de
porcelaine (xvni° siècle), qui ne nous parait pas pos-
séder une valeur musicale très supérieure :
FiG. 620.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA FLUTE 1495
.La véritable flûte en iisa^e, à l'époque que nous
abordons (1831), esl la fliUe à 8 clefs. C'est elle (avec
variantes insisnifiantes) qui est l'instrument de tous
les lliUistes. Elle le reste longtemps encore bien
après l'apparition de la lli'ite Bœhm. C'est alors le mo-
dèle du Conservatoire. Au moment où un système
entièrement nouveau va révolutionner le monde des
flûtistes, nous croyons utile de donner ici la tabla-
ture complète, telle que nous la trouvons dans une
réédition de la méthode de Devienne, faite sous la
direction de Dorus :
É 3
ë I
Il
maxn gauchr
moMO LJUfuterda-
Tnaùi droite
Tjtano êerecha
FlG. 621.
^
InJex
InOice
Annulaire.
AnnnUr
fndtx
Indicé.
Mcdjum-
Annulaire .
P*u \JSltC
Poro vsuet
LA SI DO BE Ml
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a
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D
a
O
D
O
D
B-
A>
FiG. 622.
Il paraîtrait facile, au premier abord, de donner sur
les recherches faites par les créateurs de la tlùte ac-
tuelle, des renseignements précis. Rien au contraire
n'est plus malaisé. Deux hommes ont eu, presque
siniuUanément, l'idée de modifier, du tout au tout,
la fabrication des llùtes. Tous deux ont pensé trouver,
dans les principes de la science acoustique le moyen
d'atteindre à la perfection. L'un a échoué, l'autre a
triomphé. Mais il est arrivé ce qui arrive toujours en
pareil cas : le triomphateur s 'est fait des ennemis qui
ont voulu reporter sur l'inventeur malheureux tous
les mérites de l'invenlion. On sait ce qu'il advient
toujours de ces sortes de querelles : un débor-
dement d'injures et d'accusations épouvantables, et
nulle lumière sur les faits. Le premier de ces deux
hommes s'appellait Gordo.n, et le second Théobald
Bœbm.
Nous avons cherché le plus consciencieusement pos-
sible à nous faire une opinion claire et sans parti
pris, et nous avons, dans ce but, consulté le plus grand
nombre possible de documents. Ceus concernant Gor-
don sont extrêmement rares: on ne trouve nulle part
trace d'une de ses llùtes. Les dessins qui les repré-
sentent sont confus, et les explications données par
son plus fougueux partisan (Rockstro) sont plus con-
fuses encore.
Bœhm, au contraire, a pris soin d'expliquer lui-même
dans un opuscule très complet les principes de son
instrumeni, et ne l'aurait-il pas fait que nous avons
tous sous la main la flûte qui porte son nom, et dont
l'usage est devenu à peu près universel. Malheureu-
sement, il reste muet sur le résultat de ses premiers
essais, et il nous faut aller chercher ailleurs que dans
ses propres écrits quelques éclaircissements sur les
instruments sortis de ses mains lors de ses premières
recherches.
Il nous parait équitable de rendre hommage à la
mémoire de Gohdo.v. Ses efforls n'eussent-ils servi
qu'à stimuler l'ardeur de Bœhm, qu'il faudrait lui en
être reconnaissant. Mais nous ne pouvons nous em-
pêcher de penser que ses premières études (il était
capitaine aux gardes suisses' sous la Restauration)
l'avaient moins préparé que Bœhm, flûtiste renommé
et fils d'orfèvre, à la fabrication des (lûtes. 11 esl
mort fou avant d'avoir pu mettre pratiquement en
usage un seul instrument de sa seule fabrication.
Véritablement, nous avons peine à nous le représen-
ter comme le véritable père de la flûte actuelle, et,
jusqu'à preuve du contraire, nous persisterons à
attribuer à Théobald Bœhm le mérite de l'invention
qui a complètement bouleversé l'art de la Uùte.
Avant de parler des travaux qui devaient aboutir
14%
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
à cette transformation, examinons pourquoi l'on en
désirait avec tant d'ardeur la réalisation. Quels étaient
les défauts de la tliUe alors en usage, et pourquoi les
nombreux changements que nous avons décrits pré-
cédemment n'étaient-ils pas suffisants à la rendre
parfaite'? Nous trouverons ceci exposé avec la plus
grande compétence et la plus grande clarté dans le
Mémoire présenté aux membres de l'Institut par le
professeur V. Coche, et publié par l'auleur en 1838
sous le litre de Examen critique de la flûte ordinaire
comparé à la flûte de Bœhm, car il commence son tra-
vail par un jugement sévère sur la llAte employée à
celte époque sous le nom de llùte à 12 clefs (flûte
qui réunissait toutes les clefs que nous avons men-
tionnées jusqu'ici).
« De tous les instruments de musique, « disait-il,
la flûte est le plus ancien, c'est celui dont l'usage n'a
jamais été interrompu et qui, néanmoins, est tou-
jours resté aussi imparfait. Aussi, les perfectionne-
ments auxquels les facteurs ont atteint sont loin de
satisfaire les artistes; ils comprennent que l'iiistru-
menl s'oppose par sa construction irrégulière et sa
sonorité douteuse à tous les développements que l'art
et le talent pourraient obtenir. Entre la flûte qu'ils
désirent et celle dont on se sert aujourd'hui, la dis-
tance est grande. Et s'il l'on prenait pour point de
comparaison la flûte vulgaire à 6 trous et à une clef,
on pourrait dire que la différence entre elle et noire
flûte à 12 clefs est moins grande que celle qui existe
entre celte dernière et la flûte de Bœhm.
« Ainsi, de tous les essais tentés par des facteurs
ou des artistes, aucun n'a remédié aux vices primi-
tifs de la construction de la flûte ; ils existent encore
intégralement dans l'instrument actuel, surchargé
d'une foule de clefs qui nuisent à sa sonorité et com-
pliquent les embarras du doigté.
« On peut attribuer la défectuosité de la flûte au
placement inexact des trous qui, depuis l'origine de
cet instrument, ont été percés d'après l'écartement
naturel des doigts. Par ce système, la plupart des
trous ne correspondent pas aux fractions de la co-
lonne d'air que donnent les proportions acoustiques.
De là, naissent les différences dans la grandeur et
la distance des trous, et, par suite, des intonations
vicieuses et inégales, telles que ttt et z(<# de la 2« oc-
tave, dont l'un sera trop haut ou trop bas par rap-
port à l'autre, telles que mi, fa jf, sol, lah, la naturel
de la 3" oclave qui tendent à baisser et souvent ne
résonnent pas clairement, le peu de sonorité et l'iné-
galilé de beaucoup de sons lorsqu'ils sont produits
au moyen d'un doigté plus ou moins couvert, ou que
les flûtes ditfèrent de construction, l'embarras que
produit, dans plusieurs tons, l'action de glisser les
doigts par les deux clefs de fa, le grand nombre de
trilles défectueux, telles sont les difficultés devant
lesquelles les meilleurs artisles échouent toujours,
parce que ces difficultés proviennent de défauts
inhérents à la llùte. »
Suit une série d'exemples prouvant que, dans la
gamme de ré majeur, considérée comme la plus so-
nore, les notes :
ut-, fa^ première position, si-, mi', fa^, sol^, la^
sont trop basses ;
Vut # trop haut ainsi que le fa- avec la deuxième
position ;
le »!(■' et mi- faibles.
La gamme de mi :. est d'une sonorité beaucoup
plus faible. H relève des défectuosités pour 12 notes.
Et ainsi de suite...
Ces imperfections, que signale Coche, avaient frappé
tous les artistes et facteurs, mais, jusqu'en 1828 en-
viron, tous les efforts des inventeurs s'étaient portés
sur des modifications de détail. Seul, peut-être, Pott-
GiEssER avait eu l'idée de modifier radicalement le
système en usage en ne tenant aucun compte de
l'instrument existant. Mais il n'avait, en somme,
abouti à rien. Un capitaine aux gardes suisse, Gor-
don, amateur de flûte, eut l'idée de créer une llûte
entièrement nouvelle. Son point de départ était bon :
il désirait construire un instrument dont les propor-
tions seraient basées sur les lois de l'acoustique et,
pour cela, percer autant de trous, les placer là où
ils devaient théoriquement l'être, sans se préoccuper
de la commodité des doigts. Puis, ils se proposait de
trouver un système de mécanisme qui suppléât à
l'insuffisance des doigts.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA FLUTE 1497
• Médiocre technicien, il s'étail adjoint des ouvriers
français, avait laitia connaissance de Bœhm, travaillé
chez ce dernier, et ses recherches avaient abouti à la
construction d'une tlûle dont aucun spécimen n'est,
à notre connaissance, en circulation, mais dont il
reste quelques reproductions dans des ouvrages spé-
ciaux. C'est vers la fin de 1830 que s'était produit
cet événement.
Mais que pouvons-nous tirer de l'examen de ce
dessin? Rocrstro, dont la malveillance a. l'égard de
Bœhsi éclate à chaque ligne de son livre, exalte Gor-
don en termes lyriques, mais quand il s'agit d'expli-
,_^ quer clairement le système du
malheureux capitaine, il perd
beaucoup de son assurance. Il
nous dit, il est vrai, avant de
procéder à cette tâche, que le
(( diagramme de la planche est
évidemment incomplet autant
qu'inexact, une partie de l'expli-
cation accompagnante est donc
conjecturale », et ailleurs : " les
proportions du tube sont donc
montrées inexactement ».
Nous croyons, nous, que le
meilleur moyen de servir la cause
de Gordon est de donner ici la
traduction des explications de
son défenseur. Nous donnons, en
même temps, une reproduction
de la planche. On y verra que le
système de clefs apparaît extrê-
mement compliqué, et, dans les
doigtés de la tablalure générale
supposée par Mockstro, il en est
beaucoup de problématiques ou
douteux. Le meilleur eût été d'es-
sayer de constiiiire une tinte d'a-
près les dessins. On aurait réel-
lement vu ce qui peut résulter de
cet amas de clefs, de mouvements
contraires, de ressorts, etc., et
s'il est possible d'obtenir faci-
lement l'occlusion des trous, et
sans bruit.
A. Clef fermée du trou de ré" ,
ouvert par le 2'= doigt (main gau-
che) à a.
B. Clef ouverte du trou A'nti",
fermé par le l""' doigt (main gau-
che) à b. L'axe est à b.
C. Trou A'nt" divisé, fermé par le pouce de la main
gauche. Le renflement en pointe est un guide pour
le pouce.
D. Clef ouverte du trou de si, fermée par l'action
du second doigt (main gauche) sur le croissant rf quand
il ferme le trou adjacent de si >. L'axe devait être à d,
ou près de d, probablement sous le croissant, et la
tige devait passer sur 6. La note si •' était doigtée par
la pression du premier doigt de la main droite sur
le croissant fd, qui, par le moyen des deux leviers
dd et dd et leur lîl correspondant, fermait D, laissant
le trou de .s; > ouvert. I) pouvait aussi être fermé par
le l'' doigt (main j.'auche) agissant sur /; et D en
même temps, ou par le 2" doigt (main gauche) sans
fermer le trou de si >.
E. Clef ouverte du wi ;. L'axe était à d, et devait
être la seule pièce d'attache à la tlùte. En fermant
le trou adjacent a, le 3e doigt de la main gauche
FiG. 624.
pressait une des branches e, fermant ainsi E. Là
étaient, naturellement, deux pièces, l'une pour sou-
lever la pièce entière de mécanisme, l'autre pour
fermer la clef de sol f.. Le croissant joint à e devait
être employé pour fermer E en laissant le trou a ou-
vert. L'axe e devait être au-dessous, et la lige de la
clef devait être indépendante. A ee existait un joint.
Quand les branches étaient appuyées, E était ouvert
par l'action du 4^ doigt (main gauche) sur le levier Ee.
Ainsi, sol et sol jf étaient doigtés comme sur la tUUe
ordinaire et, en même temps, le son n'était pas voilé.
re. Levier pour faire le trille sol-la p et fa i-sol # avec
le premier doigt de la main droite.
F. Clef ouverte du trou de sol, reliée aux crois-
sants fd, f et /'. La clef F était fermée par la pres-
sion de n'importe lequel de ces croissants, et les trous
de mi, fa et fai pouvaient être fermés en usant les
croissants les plus près ou laissés ouverts si nécessaire.
La note fa était doigtée par l'action du premier doigt
de la main droite sur le croissant fd, fermant en
même temps le trou adjacent de /'a S- Le/'ctJt pouvait
avoir été doigté par la pression de fd, pendant que
le trou restait ouvert, ou par l'action du 2° doigt ou
du 3'= doigt (main droite) sur f ou f.
G. Clef ouverte de ré» fermé par le petit doigt
(main droite).
H. l. Clef ouverte du trou de réeint». Les louches
de ces clefs sont à h, i; les iit^ et m^ naturel étaient
donc doigtés par le petit doigt (main droite).
Après cette laborieuse explication, Rockstro dé-
clare : « La clef ouverte du ton de si, et les diverses
méthodes de la fermer constituent un départ extrê-
mement nouveau et un très i important perfectionne-
ment », dont on peut estimer la valeur par ^^
le fait qu'aujourd'hui aucune llùte à clefs
ouvertes n'est faite sans elle, ou avec cette
clef légèrement modifiée.
Puis, il donne une tablature — reconsti-
tuée par lui — que nous ne croyons pas devoir
reproduire ici, comme étant d'un médiocre
intérêt. Finissons-en avec le pauvre capi-
taine Gordon, qui, après d'autres essais,
notamment la construction d'une autre
flûte assez différente de la première, perdit
tout à fait la raison et fut enfermé dans une
maison de fous. 11 nous faut maintenant
parler des essais de Bœhm.
Th. Bœhm, né à Munich, en i795, croit-
on, était fils d'un orfèvre. Très jeune, il
avait pris des leçons de llûte avec Cappel-
LER, était devenu un excellent exécutant et
occupait une belle situation de soliste, quand
lui vint l'idée de perfectionner son instru-
ment. Une édition anglaise de sa brochure
donne comme date de ses premiers essais
1818, mais les autres éditions indiquent
1828, ce qui nous paraît plus vraisemblable.
Ses premiers travaux n'ont guère d'autre
but, sembk'-t-il, que d'apporter quelques
améliorations de détail à l'instrument en
usage, u Je réussis, dit-il, à faire quelques
perfectionnements essentiels aux languet-
tes', aux ressorts et aux tampons, ou petits
coussins de mes flûtes, mais tous mes ef-
forts pour établir l'uniformité et la pureté de
l'accord furent sans succès tant que la lar-
1. I.e mot languette employé par Bceiim désigne les
clefs, ou plateaux.
Fia. 623.
1498
ENCyCLOl'ÉniE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
geur de tension des doigts donnait la proportion pour
le percement des trous. »
11 cherchait donc, sans trouver, et se voyait dans
l'obligation, pour vivre, de ne pas abandonner sa car-
rière de tlCitiste. Vers 1831 (ou 1832), il se décida à
livrer à la circulation un instrument modifié qu'il
présenta à divers fabricants de Paris et de Londres.
Nous donnons ici un dessin de cet instrument, tel
qu'il a paru dans un prospectus édité parla maison
Geroch et WoLF.
Cette flûte, qui a été assez minutieusement décrite
dans ce prospectus, ne contient que des promesses.
On verra cependant que Bœhu avait déjà le souci de
placer les trous plus en rapport avec les lois de l'a-
coustique; et ce système d'anneaux reliés par une
tige contenait une indication pour les perfeclionne-
ments futurs. >'ous ne croyons pas devoir nous ar-
rêter plus longtemps sur cette première manifesta-
tion de l'esprit inventif de Hœhu.
Si nous avons, sur l'apparition de ce premier essai,
une date précise, nous n'en avons pas sur celle de
la seconde tentative. Dans un opuscule, Hœhm nous
dit: « Dès 1832, ma nouvelle flûte était achevée. »
Ne s'était-il écoulé qu'un an entre l'invention des
deux instruments? La chose est peu probable, mais,
après tout, possible. Le fait est que la diflërence
entre les deux instruments est sensible. La première )]
était, nous l'avons dit, une promesse. La seconde est |i
presque une réalisation. Tout le bruit fait autourde ■■
l'invention de Hœhm date, d'ailleurs, de l'apparition [
de cette flûte, et si Bœhu lui-même, dans son opus-
cule, parait ne vouloir tenir compte que de son inven-
tion de 1847, le public et les artistes avaient surtout
été impressionnés par l'invention précédente.
FiG. (i26.
C'est celte flûte que Coche présente aux mem-
bres de l'Institut dans son Examen critique, et pour
laquelle il écrit une méthode. Nous en trouvons la re-
production dans la planche de sa brochure. Malheu-
reusement, il nous donne peu d'explications sur cet
instrument. Comme il y a apporté lui-même, avec la
collaboration du facteur Buffet, quelques modifica-
tions, il lie s'étend guère que sur ces modiricatious-là.
Rocrstho, avec sa partialité habituelle, passe dédai-
gneusement sur cette flûte, qu'il ne nous décrit pas en
détail, contrairement à ce qu'il fait pour toutes les
autres invenlioiis, même les plus incohérentes.
11 ne peut cependant s'empêcher de payer un juste
tribut de reconnaissance à Biequ pour l'établissement
du principe de la clef ouverte de sotid (c'est précisé-
ment cette invention excellente, selon nous, qui n'a
pas été adoptée par les artistes français). Il remarque
aussi que le mécanisme, quoique se rapprochant
beaucoup de celui de Gordon, est moins compliqué.
Il n'y a en eflèt aucun rapport entre ce système de
clefs et d'anneaux, reliés par des tringles, et qui dif-
fère peu du système actuel, et l'extraordinaire sys-
tème de touches de Gordon, de sorte que nous pou-
vons hardiment affirmer que Bœbm a fait là un pas
en avant.
C'est à Coche que nous devons peut-être l'adoption
de la flûte Bœhm en France. Avant de passer à l'in-
vention défniitive de Bikhm, voyons ce qu'élait deve-
nue la 2" flûte de ce dernier, avec les modifications
qu'il avait introduites en collaboration avec le cons-
tructeur Buffet. La planche que nous reproduisons
ici nous renseigne parfaitement sur les mérites de
cet instrument.
Coche, malgré son enthousiasme pour le nouveau
système, ne cachait pas sa répugnance à adopter la
clef de soZif ouverte. Il en donne ainsi la raison : «Je
me souviens qu'en jouant du violoncelle, j'avais déjà
remarqué que le petit doigt de la main gauche et
l'annulaire étaient, d'après leur éloignement de la
position de la main, d'une faiblesse extrême. Ma re-
marque s'applique si bien à la flûte que je me déci-
dai à rétablir la clef de solU fermée, telle qu'elle
existe sur la flûte ordinaire, et à mettre une corres-
pondance à la clef de soiH pour utiliser la main
droite qui se trouve levée dans les trilles et les grup-
petti faits par l'annulaire et le petit doigt. En effet,
on peut les employer avec plus de succès, puisqu'il
est constant que les deux derniers doigts de la main
gauche sont plus faibles que les premiers doigts de
la main droite. ■>
C'est cette invention que Bœhm a déplorée toute sa
vie, car le rétablissement de la clef de sol'f, fermée
nécessitait le percement d'un trou « duplicata » de
celui déjà existant et compromettait la justesse et
la pureté de certaines notes que Bœhm avait eu tant
de peine à établir. Ceci nous amènera à parler plus
loin d'une invention, due au tlùlisle Dorus, qui éta-
blissait un compromis entre les deux systèmes.
L'objection de Bœhm, qu'il avait voulu établir un
système absolu de clefs ouvertes, est assez logique-
ment réfutée par Coche : « Si, comme travail ration-
nel, Bœhm a voulu qu'en levant les doigts on fasse .
une progression ascendante, il aurait dû, par consé-B
quent, placer la clef de mi \j ouverte. » V
Enfin, Coche ajoutait à la flûte Bœhm:
1° une nouvelle clef pour obtenir sans obstacle le
trille à.'uli, sur réï, qui est faux et difficile;
2° un anneau sous le troisième doigt de la main
gauche, tenant à la clef de s/ ,. et permettant, dans le
passage rapide sol-êi\^, d'éviter le difficile doigté or-
dinaire. Mais Coche remarquait lui-même qu'il fallait
l'employer « seulement dans une exécution rapide
qui ne permet pas de remarquer cette intonation
douteuse ». C'est peut-être cette invention qui a incité
Briccialdi à inventer un système de clef pour la
production automatique du si;i dont nous parlerons
en temps utile.
Nous entendrons plus lard les doléances de Bœhm
concernant le rétablissement de la clef de so/# fer-
mée. Mais il est juste de remarquer que, si l'étude
du nouveau système n'exigeait pas, en général, un
très grand effort des flûtistes habitués à l'ancien, le
changement d'emploi du petit doigt de la main gau-
che était un obstacle énorme. Coche, par cette con-
cession, amenait au nouveau système des adhésions
qui lui eussent manqué sans cela.
Louis DoRus, qui désirait vivement adopter le
nouveau système, chercha à son tour une améliora-
tion, et crut la trouver dans l'invention de la clef qui
porte son nom. Nous la décrivons minutieusement,
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOdlE
ï parce qu'elle a vraiment un intérêt intrinsèque, et
■ parce qu'elle n'a jamais élé abandonnée complète-
■ ment. Si la majorité des flûtistes français se sert de
la clef de so/S fermée, certains ont conservé la clef
DoRus, alors que personne ne se sert de la clef de
iso/jt ouverte, telle que l'a imaginée Bœhm.
DoRus avait saisi l'inconvénient grave du perce-
ment d'un second trou pour la clef de soie fermée,
ill désirait conserver à la flûle de Iîœhu ses qualités
j d'homogénéité et de justesse, que le percement de
: ce trou compromettait.
D'autre part, l'extrême difficulté résultant de l'u-
sage absolument nouveau du petit doigt de la main
gauche l'etfrayait.
1 II adopta donc un compromis entre les deux sys-
'f tèmes. RocKsTRO en a donné une description extrè-
! marnent claire que nous reproduisons ici :
fi A. la clef de soi # avec
sa tige et son tube, ce
dernier fonctionnant
sur une tringle d'acier
supportée par des vis à
pointe qui passent à
travers les deux piliers.
0. Ressort faible agis-
sant sur l'arrêt a et ten-
dant ainsi à fermer la
clef.
B. Anneau entourant
le trou de la relié par
le tube avec le manchon
5. Ce tube agit également sur la tringle.
b. Ressort fort, agissant sur le manchon h et maî-
trisant le ressort plus faible a.
La clef et l'anneau sont tenus en l'air par la pré-
pondérance de la force de h sur celle de a. Lorsque
l'anneau B est abaissé par l'annulaire gauche, a, n'é-
tant plus maîtrisé par 6, cause la fermeture de A.
ka. Touche de la clef de sol^ au moyen de laquelle
la clef est ouverte par le petit doigt de la main
gauche, lorsque Best abaissé.
C. Saillie de la flCite qui sert d'arrêt pour les man-
chons.
Cette invention extrêmement ingénieuse pêche ce-
pendant par deux points :
1° Le mécanisme est extrêmement délicat et se
dérange souvent;
2° Quand le ressort h est livré à lui-même, il est
extrêmement dur, et le trille de solU la devient très
difficile.
Quelques artistes français emploient encore la clef
DoRUs. Ce système donne incontestablement plus de
clarté aux notes de la main gauche.
Cependant, Rœhm cherchait toujours. Il n'était pas
satisfait de ses deux premières inventions. Si elles
apportaient une amélioration réelle, spécialement
sous le rapport de l'homogénéité du son, ses tliites
n'étaient guère plus justes que les flûtes de l'ancien
système. Même pourvues de certains perfectionne-
ments, elles ne répondaient pas à ses désirs. En le
constatant, il nous dit, non sans quelque emphase :
" C'est pourquoi je me suis décidé d'avoir recours
à la science et, après des études pendant deux an-
nées des principes d'acoustique, sous la direction
bienveillante de M. le professeur docteur Cari Shaf-
haOtl; et après beaucoup d'expériences faites aussi
exactement que possible, je réussis enfin, en 1847, à
construire des flûtes d'après un système basé sur la
science, pour lesquelles, aux expositions universelles
LA FLUTE 1499
de Londres en 18al et de Paris en ISoa, les plus
hautes récompenses me furent décernées. »
Ici, nous demandons la permission d'ouvrir une
parenthèse.
Il semblerait, à entendre Bœhm, que sa flûte ait
été construite sur des données rigoureusement scien-
tifiques et qu'il en soit arrivé là avec une précision
quasi mathématique. C'est du moins ce qui ressort de
la préface de son opuscule. La suite de celte brochure
démontre le contraire, et ceci n'est pas pour diminuer,
loin de là, le mérite de l'inventeur. Kn effet, s'il lui
avait suffi, pour arriver à son but, de posséder tout ce
qui nous est connu des lois de l'acoustique, il n'aurait
pas passé vingt ou vingt-cinq ans de sa vie à trouver
les proportions exactes de l'instrument actuel. Un
rigoureux calcul l'aurait conduit au succès sans
coup férir. Mais il y a loin de la théorie à la prati-
que, et quoique Bœhm parle avec dédain des moyens
empiriques, qu'il employait lors de ses premières
recherches, nous constatons, en lisant son opuscule,
que ce sont précisément des expériences empiriques
qui lui ont permis de corriger jusqu'à la quasi-per-
feciion ce que les données purement scientifiques
sur lesquelles il était parti avaient donné d'impar-
fait. Là où un physicien aurait échoué , Bœhm a
réussi, précisément parce qu'il ne s'est pas limité à
faire des calculs sur le papier, mais que, durant des
années enlières, il a, par de patients tâtonnements,
su trouver le « tempérament » nécessaire, lit si le
mot de Bulfon : « le génie n'est qu'une longue pa-
tience », peut être appliqué à un homme, c'est bien
à l'opiniâtre constructeur munichois.
Les recherches pouvaient se diviser en deux parts :
{" les proportions du tube, de l'embouchure et des
trous; 2° le système de touche s'y adaptant.
Dès la première page de l'opuscule, Hœhm nous
initie à sa méthode de travail. C'était au début de
ses recherches, alors qu'il jouait encore la llûle
conique, universellement en usage. 11 remarque que,
seule de tous les instruments à perce conique, la flûte
s'embouche du côté du plus grand diamètre. Il fa-
brique donc une flûte conique où l'embouchure est
située à l'extrémité la plus étroite. Le résultat ne
répond pas à son attente. Alors, il fabrique d'autres
tubes coniques, diminue de plus en plus l'élargis-
sement du cône pour arriver au cylindre (simple
retour à la flûte traversière do Mkusenne).
Il n'y a pas là que des calculs précis; l'empirisme
lui fait trouver ce qu'il cherchait et, dans bien des
cas, il ne triomphera que par ce moyen.
Mais le grand mérite et la force de Bœhm sont d'avoir
voulu fortement construire son instrument sur des
données scientifiques. C'a été une base solide pour
ses travaux, et les connaissances scientifiques qu'il
avait acquises, la discipline d'esprit qu'il lui avait
fallu également acquérir pour mènera bien ses étu-
des, l'ont aussi fortement servi. Nous allons essayer
de résumer ses travaux, seulement dans leur appli-
cation pratique.
Nous avons très succinctement exposé au début de
cet article la théorie des tubes ouverts. Là se trouve
naturellement le point de départ des recherches de
lÎŒBM, ainsi que la théorie des vibrations et de la
division du monocorde. Nous ne le suivrons pas dans
cet exposé,' qu'on retrouvera dans l'article de VEncy-
clopédie traitant de l'Acoustique générale.
Dans son opuscule, Rœuh parle, en premier lieu, de
ses essais de 18i6 sur la forme et les dimensions du
tube. Il nous dit qu'ayant fait fabriquer des tubes
1500
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
coniques et cylindriques en grand nombre, et tous
de dimensions et diamètres différents, le résultat
pratique de ces essais fut ceci : le tube devait être
cjlindrique, d'une largeur de diamètre égale au
1/30 de la longueur totale, et se rétrécissant selon
une certaine proportion géométrique se rapprochant
de la parabole. Ce rétrécissement commençait au
quart supérieur du tube pour se terminer à la fer-
meture de liège dans une proportion de 1/iOdu dia-
mètre.
Il remarque qu'une flûte n'exigeant que deux oc-
taves, construite selon ces proportions, avec une
longueur de 606 millimètres de colonne d'air et
un diamètre de 20 millimètres, donnerait des sons qui
en feraient un instrument idéal sous le rapport de la
pureté, de la plénitude et de la justesse.
Mais tous ces calculs se trouvent défruits par les
exigences de la musique actuelle, laquelle demande
à la tlùle une étendue de 3 octaves, et, pour permettre
l'émission de la 3» sans gâter les deux autres, il doit,
après de nombreux tâtonnements, réduire le diamè-
tre à 19 millimètres.
Autres observations concernant la tlûte idéale: le
bouchon de fermeture à l'extrémité supérieure de-
vrait être assez mobile pour pouvoir changer de posi-
tion selon l'octave dans laquelle on joue. Comme il
n'existe pas de moyens de rendre ce bouchon mobile
en cours d'exécution, Bœbm, après tâtonnements,
trouve un « tempérament » convenable, en fixant ce
bouchon à 17 millimètres du milieu de l'embou-
chure.
En ce qui concerne la forme de l'embouchure,
Bœbm donne sur la production du son des explica-
tions qu'on trouvera au début de cet article, et ses
conclusions sont qu'une embouchure de forme quasi
lectangulaire aux coins arrondis, de 12 millimètres
de long sur 10 millimètres de largp, avec une hau-
teur de parois de 4 mm. 2, serait une embouchure
excellente convenant à la moyenne des exécutants.
Notons en passant que, lors de ses premiers essais»
il avait muni l'embouchure de deux parois latérales'
destinées à canaliser le souflle au sortir des leviers
pour l'amener directement dans la direction conve-
nable. Cette disposition a été presque immédiate-
ment abandonnée.
Nous arrivons à la perce des trous. Biehm emploie
là le système des tubes de différentes longueurs, don-
nant à chacun une note de la gamme chromatique.
Pour cela, il coupe, en commençant par le bas, son
tube jusqu'à ce qu'il trouve le premier degré absolu-
mentjuste.Kl ainsi de suite. Puis, il fabrique un tube
divisé en autant de sections qu'il était nécessaire,
mais s'ajoutantet se détachant à volonté.
Alors, remarquant que le percement d'une ouverture
équivaut à rétablissement d'une section, il fabrique
un tube muni de trous placés exactement à l'endroit
des sectionnements de son tube divisé.
Théoriquement, si l'ouverture est égale au dia-
mètre du tube, le résultat doit être le même que si le
tube était sectionné. Dans la pratique, ceci se trouve
encore démenti. « Même quand on pourrait faire
les ouvertures assez grandes, dit-il, pour que leur
coupe transversale fût égale à celle du tube, les on-
dulations de l'air ne soitiraient jamais rectangulai-
rement de l'ouverture avec autant de facilité que de
l'axe du tube. Elles rencontrent donc la résistance
que leur oppose la colonne d'air contenue dans la
partie inférieure du tube; cette résistance est si con-
sidérable, que tous les tons s'accordent beaucoup
trop bas quand les ouvertu-
res sont pratiquées à la
place des divisions. Donc, les
ouvertures de sons, surtout
parce que la hauteur de
leurs rebords exerce aussi
une intluence d'abaissement,
doivent être d'autant plus
rappi-ochées de l'embou-
chure, plus leur coupe est
petite et plus leurs sons sont
élevés. »
Un des désirs de Bœhm
avait été de percer tous les
trous de même diamètre,
comme devant donner à
toute la gamme une parfaite
homogénéité de timbre et de
puissance; mais nous avons
vu que ses calculs se trou-
vaient dérangés par la difli-
culté d'établir une 3" octave
aussi bonne que les deux
premières.
Nous ne le suivrons pas
plus avant dans ses tâtonne-
ments ou ses calculs, et nous
remarquerons seulement
que, dans son tube délinitif,
les trois 'premiers trous du
c(>té de l'embouchure sont
de perce beaucoup moins
grande que les autres et sen-
siblement plus rapprochés
de l'embouchure.
Un tube de cuivre, percé
sur ces données et dépourvu
de tout mécanisme, est en-
core entre les mains de M.
Chambille, propriétaire ac-
tuel de la maison Louis Lot.
Ces trous sont fermés à l'aide
de simples bouchons. Seu-
lement destiné aux expérien-
ces de l'inventeur, cet ins-
trument primitif nous prouve
que Bœbm avait conscien-
cieusement cherché à résou-
dre le problème de la perce,
sans se préoccuper des dif-
licultés du mécanisme.
Bœhm s'est préocupé éga-
lement avec beaucoup de
soin de la possibilité de chan-
ger (dans une faible mesure)
le diapason de l'instrument
selon les nécessités du mo-
ment. Mais, des expériences
lui prouvent « qu'une IhUe
ne peut être accordée que
dans un seul diapason le plus
purement possible, et que
tout raccourcissement ou
prolongation au-dessus des
ouvertures de sons doit exer-
cer une iulluence préjudi-
ciable sur l'intonation, parce
que, dans le premier cas,
les notes élevées se trouvent
o
o
a
o
o
o
^
o
o
0
o
o
o
o
FiG. 628.
Tube
Bœhm.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA FLUTE 1501
(rop hautes en proportion des notes plus basses, et
dans le second cas, au contraire, les notes basses de-
(Viennent trop hautes en proportion des notes élevées ».
' Cependant, il remarque que de petites différences
de diapason peuvent être obtenues par une bonne
[insuftlation, et il fait les pièces de tète plus courtes
!de 2 millimètres qu'il n'est théoriquement indiqué,
ipour permeltre à l'exécutant de jouer un peu plus
jliaut si cela lui est nécessaire.
L'opuscule de Bœhm, que nous continuons à exami-
[ner, contient un chapitre consacré aux matériaux.
'Nous avons effleuré la question dans la première
partie de notre article. Bœhm émet cette théorie que
« dans l'excitation des vibrations, il faut un déploie-
ment de forces proportionné au poids de la masse;
les sons d'une flûte seront émis d'autant plus facile-
ment, et le développement plein de leur force exigera
d'autant moins d'effort pour l'insufllalion que le poids
d'un tube de ffûte est mince ».
Nous laissons à R(ehm la responsabilité de cette
théorie. Ses expériences lui permettent d'affirmer
qu' « on pourra donc produire sur une fliite d'ar-
gent, dont le tube est tiré mince et dur et ne pèse
que 129 grammes, les sons les plus clairs et les plus
forts, et on pourra jouer beaucoup plus longtemps
et sans fatigue que d'une flûte de bois, laquelle,
quand même elle serait tournée le plus mince pos-
sible, pèse toujours encore presque le double, à sa-
voir 227 grammes ».
Les préférences de Bœhm vont, à n'en pas douter,
à la flûte d'argent (ou de maillechort). Mais la for-
midable opposition qu'il rencontrera à ce sujet l'o-
blige à fabriquer également des (lûtes de bois. Dans
ce dernier cas, il préconise l'emploi du bois de coco
ou du bois de grenadille.
Nous arrivons au chapitre concernant le système
de touche. C'est sur l'établissement de ce système
que partisans et adversaires de Bœhm ont été le plus
divisés.
Pour nous, il n'est pas douteux que Bœhm ait eu
connaissance des travaux de ses devanciers. Mais il
n'est pas douteux non plus que, si certains d'entre
eus ont eu une sorte de divination de ce qu'il était
possible de faire, aucun n'a pu faire entrer quoi que
ce soit dans le domaine pratique. Seul, Bœhm a
« mis quelque chose debout », et c'est vraiment par
là qu'il s'est montré le génial inventeur qu'il était.
Deux essais antérieurs ont pu vraisemblablement
lui être utiles, s'il en a eu connaissance : la clef ou-
verte de soif et son anneau le mettant en correspon-
dance avec le trou de so/ naturel (invention de Nolan),
et le système de clef à anneau de Pottgiesser. Nous
résumons ici le récit des expériences de Bcehm sur le
système de touche.
Le tube percé selon les données que lui avaient
fournies ses expériences, Bœhm remarque que ses
ouvertures sont trop éloignées ou trop grandes pour
être fermées directement par les doigts. Il songe
donc à les munir toutes de clefs ou d'anneaux. Mais
les ouvertures sont au nombre de 15, et il ne dispose
que de 9 doigts, le pouce de la main droite étant
immobilisé comme point d'appui. S'il veut éviter le
système défeclueux des glissements de doigts (le
plus grave défaut du mécanisme de l'ancienne flûte),
il lui faut donc de toute évidence trouver un sys-
tème permettant d'actionner plusieurs clefs en même
temps.
Les souvenirs personnels de M. Chambille lui per-
mettent d'affirmer que Bœhm trouva en M. Villette,
ouvrier cleftier de la maison Godefroy (plus tard L.
Lot), un collaborateur précieux pour l'invention du
système de touche.
La traduction littérale de l'explication de Bœhm sur
son système est comme suit : «J'ai atteint ce but par
l'emploi d'axes mobiles auxquels les languettes sont
fixées en partie, et, en partie, peuvent être ouvertes
en glissant, puis être reliées entre elles aussi bien
qu'avec les axes au moyen de couplages. Comme ces
axes pouvaient être prolongés à volonté et que,
par conséquent, les languettes qui y étaient fixées
pouvaient être mises de toutes distances à portée
des doigts, j'avais obtenu tous les moyens pour la
construction du mécanisme de languettes. »
Cette explication ne nous parait pas extrêmement
claire, mais la difficulté est grande de donner une
définilion exacte et intelligible de ce système terri-
blement compliqué. Nous allons tenter de le faire
par l'exemple, en prenant pour base de notre dé-
monstration l'ensemble des clefs actionnées par les
trois doigts du milieu de la main droite.
Fis. 629.
Une lige d'acier, mobile, d'une seule pièce, est
montée sur deux piliers rivés à 45 degrés environ
sur la paroi latérale intérieure' de l'instrument.
Sur cette tige, viennent s'adapter, en épousant la
forme, plusieurs tubes, dont la réunion a l'appa-
rence, quand ils sont montés, d'un tube unique. A
chacun de ces tubes, est rattachée une clef en anneau
destinée à couvrir un trou de note. Elle est fixée à
la tige intérieure par une petite vis qui les traverse
tous deux de part en part et qu'on nomme « gou-
pille ».
Chacune de ces clefs est munie d'un ressort d'a-
cier qui, au repos, la maintient ouverte.
Le plateau D n'est pas destiné à être actionné
directement par un doigt. Indépendant, comme les
autres, il n'est jamais fait usage de cette indépen-
dance. Il est « couplé » avec chacun des trois autres
anneaux. C'est-à-dire que, par le moyen de petites
spatules appelées « correspondances », quand un
doigt appuie sur le plateau A, le tube correspondant
de A auquel est fixée cette spatule produit par le
moyen de cette dernière une pesée sur une petite
plate-forme relice par une goupille à la tringle mo-
bile. Celle-ci, s'abaissani, entraine avec elle le pla-
teau D.
La même petite plate-forme est sous la dépendance
directe du plateau B et agit de même sur la tige,
partant sur le plateau D.
Enfin, le plateau C, par un autre moyen de corres-
pondance, agit également de la même façon sur D.
En outre, la tige mobile, pouvant être prolongée
indéfiniment, se prolonge, en etfet, jusqu'à l'autre
extrémité de la tlùle et, toujours par le système des
correspondances, agit sur le plateau plein couvrant
le 3* trou (en partant de l'embouchure) main gauche.
1. L'expression paroi intérieure doit ùtre prise dans le sons de la
position de la flûte entre les mains du flûtiste.
1502
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICl lOSNAlRE DU CONSERVATOIRE
De sorle, qu'automatiquement, les ti' et 8« trous
qui se trouvent en dehors de la position naturelle
des doigts, se trouvent fermés selon les nécessités
par un doigt inoccupé à ce moment-là, qui ne
couvre pour cela qu'un trou placé assez loin, et dont
l'occlusion laisse un nomljre de trous ouverts assez
grand dans l'intervalle pour n'avoir aucune influence
sur le diapason ou la sonorité.
Ce système de couplage et de correspondance se
reproduit sur tout le mécanisme de la flûte. Nous
avons tenté de le décrire aussi simplement et aussi
clairement que possible, tout en ne nous dissimulant
pas la difficulté de la tAche. Une démonstration
CI sur pièces » serait évidemment plus aisée. Il nous
suffit d'avoir pu démontrer qu'il était possible, tout
en gardant à chaque clef son indépendance, d'ac-
tionner simultanément deux clefs, pour faire com-
prendre la révolution qu'apportait ainsi Bœhm dans
la fabrication des instruments. On sait que ce sys-
tème de touche a été appliqué avec plus ou moins de
variantes à la fabrication de tous les instruments
de bois (hautbois, clarinettes, bassons, etc.).
En possession de celte invention, Bœhm imagine
3 systèmes de mécanisme complet, absolument dif-
férents, qu'il expérimente et desquels il tire son
invention définitive.
Nous avons dit que, pour les lii ouvertures, il ne
disposait que de 9 doigts. Mais il se débarrasse
promptement d'une partie de ces difficultés en lais-
sant à sa flûte les trois clefs de l'ancien système
pour l'util, i(«tt graves et pour le reg. Quant aux
clefs fermées pour les trilles rc et réi,, qui s'action-
nent toujours par la main droite alors que celle-ci
est complètement libre, elles ne sont pas un obstacle
à l'organisation du mécanisme. Il resie, en défini-
tive, à pourvoir à la fermeture de 10 ouvertures en
disposant de 8 doigts.
Bœhm en arrive alors au choix entre les deux sys-
tèmes de clefs ouvertes ou clefs fermées. 11 adopte
résolument le système des clefs ouvertes.
Il en donne ainsi la raison : " Je ne choisis que
des clefs ouvertes parce que celles-ci se meuvent
toujours uniformément avec les doigts, et que des
ressorts faibles suffisent pour les soulever prompte-
ment, tandis que des clefs fermées, pour la fermeture
imperméable à l'air de grandes ouvertures de son,
exigent des ressorts forts et font des mouvements
opposés aux doigts. »
Nous avons dit que 8 doigts restaient disponibles
pour la fermeture de 10 trous. Placés selon la posi-
tion naturelle des mains, ils laissent à pourvoir les
trous de sol et si.
« Pour cela, dit Bœhm, il fallait deux communi-
cations de clefs, à savoir ; le couplage de la clef )»t, fa
et fa S avec l'axe mobile prolongé de la clef de ml, et
les couplages de la clef de si [> et de la clef de fa J avec
la clef de l'axe si. »
Il suffit, en effet, d'appuyer avec le doigt du sol sur
la clef du dernier trou pour fermer par le moyen d'un
couplage la clef du trou de sol, et produire ainsi un
fa 8, et de fermer la clef du trou de fa avec le doigt
de si t] pour fermer par le moyen d'un couplage la
clef du trou de siq et produire ainsi un st'i. Cepen-
dant, par le moyen de leurs ressorts, ces clefs se
relèvent automatiquement d'elles-mêmes quand on
n'en a plus besoin.
Bœhm tenait beaucoup à son système de clefs ou-
vertes, mais il eut énormément à lultei' pour le faire
adopter, et la plus grande opposition se lit à propos
de la clef de sol ;. De tous temps, les flûtistes avaient
l'habitude de laisser le petit doigt de la main gauche
inemployée, sauf pour la fermeture de la clef fermée
de sol if. En leur demandant de se servir de la clef
désola ;i rebours de ce qu'ils avaient l'habitude de
faire, il trouva une résistance tellement forte que
l'inventeur faillit ne rencontrer aucune adhésion
chez les artistes. Pour la faire accepter, Bœhm dut
donc se résigner à tolérer une modification à son
système de touche, mais il ne l'accepta qu'avec les
plus grandes protestations.
On remarquera que les différences de doigté entre
la flûte à 8 clefs et la flûte de Bœhm sont beaucoup
moins considérables qu'on ne pourrait le croire. Les
ut, lit S, ré, ré », mi, sol, la,si{i" octave) ut if, ré, ré a,
mi, sol, la, si (2= octave), soil, dans le système inté-
gral de Bœhm, quinze notes sur les trente-sept de la
flûte, s'obtiennent par le doigté de l'ancienne flûte,
avec la simple ditférencederinlerpositiondes anneaux
en plateaux entre les trous et les doigts. L'adaptation
à la flûte Bœhm du système de sot^ fermé porte ce
nombre à 16. Or, les changements sur les autres
notes sont des facilités. Ceci explique l'étonnante
rapidité avec laquelle un flûtiste, ayant fait ses pre-
mières études avec une flûte de l'ancien système,
s'adapte au doigté de la nouvelle. Dans la gamme
d'ut majeur, les doigts se lèvent tour à tour ration-
nellement, de l'ut à Si, et, du ré" à si", les glisse-
ments de doigts d'une clef à une autre n'existent
plus. La plupart des doigtés de la 3' octave n'offrent
qu'une très légère différence avec ceux des octaves
inférieures. Bref, malgré l'apparente complication de
ce système de tiges, d'anneaux et de clefs, on peut
hardiment affirmer que le doigté est plus simple et,
en tout cas, plus rationnel, que celui de l'ancienne
flûte.
Nous donnons ici un dessin de la
flûte de Bœhm tel que nous le trou-
vons dans l'ouvrage de Hockstro,
d'après un modèle de 1847.
Nous ne croyons pas pouvoir le
présenter comme le type définitif
de l'instrument. Plusieurs modifi-
cations y ont été apportées,^ et les
flûtes de ce modèle ne sont plus
d'usage courant aujourd'hui. Avant
d'arriver à la description du mo-
dèle courant, mentionnons une in-
vention extrêmement importante
due au flûtiste Briccialdi : la clef,
appelée depuis clef de si h, permet-
tant, par un système de correspon-
dance ingénieux, de bémoliser tous
les si par un simple déplacement
du pouce de la main gauche sans
changer en quoi que ce soit le reste
du doigté. Nous trouverons plus
tard ce mécanisme dans notre des-
cription de la flûte actuelle, car il a
été universellement adopté. Ainsi,
par ce système, une des rares » four-
ches » du doigté de la flûte Bœhm a
été supprimée.
Les inventions nouvelles desti-
nées à améliorer le système Bœhm,
et qui ne l'améliorent pas toujours,
sont nombreuses. .Nous en citerons Fiu. 030.
peu.
Remarquons simplement les changements appor-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA FLUTE 1503
tés ou supportés par Bujhm lui-môme à son système.
Les anneaux piiraitifs entourant la cheminée avaient
fait place à des plateaux pleins. Louis Lot, sur les
^conseils de Doms, perça certains de ces plateaux
malgré la désapprobation de Bu:hm.
Bœh.m, qui avait eu l'idée de percer ses trous de
doigts selon une progression mathématique, avait dû
revenir au premier système de trous de diamètres
égaux. On verra plus loin que les trous de l'instru-
ment actuel sont divisés en 4 séries de dilTérents
diamètres, s'élargissant sur l'extrémité inférieure.
Nous arrivons, du reste, à la description de cet
instrument.
LA FLUTE ACTUELLE
Nous désignons ainsi la Iliite de système Bœhm en-
seignée au Conservatoire de Paris au moment où nous
écrivons cet article (1925), el en usage dans tous les
orchestres framais, notamment dans les théâtres
subventionnés el dans les grands orchestres symplio-
niques. Si certains artistes usent d'un instrument
légèrement moditié, leur nombre est si infime que
nous ne pouvons en tenir compte. Nous ferons men-
tion de quelques-unes de ces variantes à la fin de
ce chapitre. On trouvera ici un dessin représentant
une llùte. C'est la reproduction réduite d'un dessin
qu'a exécuté pour nous M. Lievrin, ouvrier de la mai-
son L.Lot, etlatlûleque nous décrivons aujourd'hui
est un inslrumenl fabriqué dans cette maison.
Le tube mesure 76i) mm. de longueur, de l'extré-
mité inférieure à l'extrémité extérieure du bouchon
à vis. La longueur du tube sonore, qu'on mesure du
centre de l'embouchure à l'extrémité inférieure, est
de 603 mm.
Le tube se divise en trois parties démontables et qui
s'ajustent au moyen de « tenons ". Il est en argent,
au titre 900.
La « tête », ou partie supérieure de l'instrument,
est de forme parabolique. A l'embouchure, son dia-
mètre est de 17 mm.
Près de la jointure, il est de 19 mm. Le trou d'em-
bouchure, qu'on peut modifier dans la forme et dans
les proportions sur le désir des artistes, est générale-
ment de forme quasi rectangulaire. Nous avons vu
d'autre part que Bœhu considérait comme les meil-
leures les proportions de 12 mm. de long sur 10 mm.
de large avec une hauteur de paroi de 4 mm. 2.
Sur les llûtes de bois coniques, dont la tête est
d'un large diamètre, l'embouchure est percée à même
le tube. Sur les fkUes de métal, le tube ne donnant
pas, à cause de son faible diamètre, une assise suf-
fisante au menton, une plaque, exhaussée sur le tube,
reçoit la perce du trou d'embouchure qui commu-
nique avec le tube par un conduit appelé cheminco.
La seconde partie s'appelle le « corps ». Elle est
cylindrique, d'un diamètre de 19 millimètres. Elle est
percée de 13 trous.
Les deux premiers sont ouverts sur la paroi laté-
rale intérieure (du côté de l'exécutant) ; leur diamètre
est de 7 mm. Ils sont couverts par des clefs fermées.
Le 3' trou est percé sur la partie supérieure. Son
diamètre est de 6 mm. 11 est destiné à recevoir une
clef ouverte, mais, comme il est très écarté des trous
suivants, le doigt actionne cette clef par un plateau
correspondant.
Le 4« trou, de 7 mm. de diamètre, est placé comme
les deux premiers sur la paroi latérale intérieure. Les
0', 6», 7", 8=, 9«, 10« H=, et 12' trous sont percés à
la surface supérieure. Les .ï«, 6% et 7° trous ont 8 mm.
de diamètre ; les 9% 10°, 11» et 12», 9 millimètres.
Le 8" trou est en « duplicata ». L'un est percé à la
surface supéi'ieure, l'autre (pour la clef de solj} fermée)
sur la paroi latérale intérieure. C'est ce dernier dont
la perce a été tant critiquée par Bœhm.
L'écartement entre ces trous dimiime progressi-
vement à mesure qu'on s'éloigne de l'embouchure, et
l'on voit que, presque mathématiquement, les trous
s'élargissent en s'éloignant.
La 3» partie se nomme « patte ». Elle a également
19mm. de diamètre. Elle est percée de 3 trous de cha-
cun 10 mm. de diamètre. Le l""- estpercé surla paroi
latérale extérieure, el muni d'une clef fermée. Les
deux autres, munis de clefs ouvertes, sont percés sur
la paroi intérieure.
Tout ces trous sont bordés par une paroi affectant
la forme d'une cheminée, et dénommés ainsi, d'ail-
leurs. Ils otfrent donc une surface plane au système
de plateaux obturateurs que nous avons décrit d'au-
tre part.
Pour la facile compréhension du mécanisme de la
llùte, nous avons fait exécuter un double dessin repré-
sentant l'instrument sur deux faces et montrant ainsi
tout le système de clefs. Nous avons donné à chaque
trou, ou clef fermant directement un trou, une lettre
majuscule. A chaque spatule non directement ac-
colée à un trou, nous avons attaché une lettre mi-
nuscule. Nous espérons ainsi rendre l'explication
aussi claire que possible. Il est toutefois plus aisé
de jouer une gamme que de l'enseigner par ce
moyen !...
N. B. —Nous désignons par trous ouverts les trous
munis d'une clef ou d'un plateau qui n'obturent pas
le trou au repos, et par trous fermés ceux qui sont
obturés au repos par une clef.
A. Trou ouvert, muni d'un plateau plein. Ce plateau
est actionné par correspondance par la spatule a, que
manie l'index de la main gauche.
B. Trou ouvert muni d'un plateau plein actionné
par la spatule b, destinée au pouce de la main gauche.
Le pouce peut abandonner b, en glissant jusqu'à
bb. Alors, tout en fermant le trou B, bb, par le moyeu
d'une, correspondance, ferme aussi le trou ouvert C.
Le trou B peut encore être obturé par le moyen de
la spatule bbb, qui est actionnée par la seconde pha-
lange de l'index de la main droite.
Ce trou ouvert G est muni d'un plateau plein. Il
ne reçoit pas le contact direct d'uji doigt, et est
toujours obturé par le moyen d'une correspondance.
D. Trou ouvert munid'un plateau à jour, actionné
par le majeur de la main gauche. Si C n'est pas déjà
fermé par bb, ou par d'autres correspondances que
nous rencontrerons plus tard, D le ferme automati-
quement.
E. Trou ouvert muni d'un plateau à jour et ac-
tionné par l'annulaire de la main gauche. Il ferme
automatiquement le trou ouvert F muni d'un pla-
teau plein.
FE. Trou fermé, s'ouvre parla spatule ff que manie
l'annulaire de la main gauche.
(i. Trou ouvert muni d'un plateau plein, n'a pas de
contact direct avec le doigt. Il est fermé automatique-
ment par le plateau à jour couvrant le trou ouvert
H (index de la main droite).
Ce plateau (de H) n'a d'action que surH et G quand
les trois doigts de la main gauche ferment leurs trous
respectifs. Mais si A et B sont seuls fermés, la ferme-
1504
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
D
H
)K
M(
Fia.
631.
ture de H produit en
même temps, par le
moyen d'une corres-
pondance, la fermeture
deC.
Même action produite
par la spalule ce dans
les mêmes conditions.
I. Trou ouvert muni
d'un plateau à jour. Ce
plateau est indépendant
si H est fermé. Si 11 est
ouvert, I ferme auto-
matiquement G. I est
manié par le majeur de
la raaip droite.
J. Trou ouvert muni
d'un plateau à jour. Ce
plateau de J est indé-
pendant, si H est fermé.
Si H est ouvert, J ferme
automatiquement G. J
est manié par l'annu-
laire, main droite.
K. Trou fermé par
une clef actionnée par
la spalule k.
L. Trou ouvert muni
d'un plateau plein ac-
tionné par la spatule 1.
M. Trou ouvert muni
d'un plateau plein ac-
tionné par le petit rou-
leau m.
K, L, M, sont tous
trois actionnés pas
l'annulaire de la main
droite. Les spatules
k, 1 et m sont construi-
tes de telle façon que
le doigt peut glisser
de l'une à l'autre sans
s'accrocher au passage.
0. Trou fermé par un
plateau plein corres-
pondant par une longue
tige avec la spatule o,
qu'actionne l'annulaire
de la main droite.
N. Trou fermé par un
plateau plein, corespon-
dant par la même tige
avec la spatule n, qu'ac-
tionne le majeur de la
main droite.
Toutes ces clefs, spa-
tules, correspondances
ont, dans la pratique,
un nom qui correspond
généralement à une
note de la gamme. C'est
toujours une dénomi-
nation fausse, dont
nous n'avons pas voulu
nous servir ici, car, par
leur double emploi de
trous de note ou de
trous auxiliaires, les
ouvertures de la flûte
ne sont jamais limitées à la production d'une noie
unique. Pour la correspondance musicale du ma-
niement de ce mécanisme, nous renvoyons le lecteur
à la tablature de la flûte Bœhm.
DIFFÉRENTS TYPES USITÉS AUJOURD'HUI
Ainsi que nous l'avons dit plus haut, la llûte
lÎŒHM, d'argent ou de raaillechort, que nous venons
de décrire, est en usage aujourd'hui dans tous les
orchestres français et belges, et enseignée dans tous
les Conservatoires et Ecoles de musique des deux
pays. On l'a adoptée également dans toutes les mu-'
siques régimentaires françaises. De plus, la grande
réputation dont jouissent nos flûtistes à l'étranger
a beaucoup servi à la l'aire adopter dans d'autres con-
trées. Un peu partout sur la surface du globe, on
trouve des musiciens jouant de la flûte Bœhm en
métal.
Chose curieuse : le pays le plus rebelle à l'adop-
tion de ce type a été l'Allemagne, patrie de Th.
Hœhm. Si la flûte Iîœhm est jouée mainlenant dans un
grand nombre d'orchestres allemands, c'est depuis
relativement fort peu de temps. Longtemps, les mu-
siciens allemands — encouragés d'ailleurs dans cette
voie par des chefs d'orchestre et compositeurs et
non des moindres, puisque Wagner était du nombre —
sont restés fidèles à l'ancien système. La flûte de
métal n'y a pas encore pénétré , sauf rares exceptions.
Le type généralement adopté est la flûte Bœhm
clef de so/3 ouverte, en bois, et de perce conique. L
plupart de ces flûtes sont munies de la patte de si^
grave, et quelquefois (plus rarement) de la patte
de si\i.
On trouve encore, dans les orchestres secondaires et
dans les petites villes, des flûtistes jouant sur des
instruments d'anciens systèmes. Beaucoup se servent
d'une tête d'ivoire, et ce système est généralement
celui de la flûte à 8 clefs, avec adjonction de clefs de
dill'érentes sortes.
Les Russes, les Austro-Hongrois, les Suisses, tous
tributaires de l'Allemagne en ce qui concerne la mu-
sique, jouent généralement les flûles en usage dans
les orchestres allemands. Nous croyons savoir que
la flûte Bœhm a été jusqu'ici, cependant, peu adoptée
en Russie.
En Angleterre, le système Bœhm domine. Quelques
artistes d'origine française ou belge ont essayé d'y
implanter la flûte de métal, mais il n'y ont pas réussi.
Certains chefs d'orchestre, tel le U"' Richter ', exigent
formellement l'usage de la flûte en bois, seule en
honneur dans tous les grands orchestres symphoni-
qnes et celui de Covent Garden.
Un autre système, dénommé « système Rud.\ll », est
également usité en Angleterre. 11 a été inventé par
la maison Rudall Carte et C'«, la première qui ait
fabritpié des flûtes du système Bœhm. C'est un com-
promis entre l'ancien el le nouveau système, que cer-
tains amateurs, ayant fait leurs premières études sur
la flûte à 8 clefs, adoptent volontiers, parce qu'ils
croient trouver moins de difflculté au changement de
doigté.
S. RocKSTRO est également l'auteur d'un système
de flûte qui porte son nom et dont il existe quel-
ques exemplaires en Angleterre. INous le mention-
nons surtout par égard pour la personnalité de l'in-
venteur.
1- Chef d'orchestre jusqu'en VH 'k dos Halle Conecrls de Manchester.
TECHNIQUE] ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
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Copyright by Librairie Velagrave, t9SS.
95
1506
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Dans les grands orchestres américains, il n'existei
pas de règle absolue pour l'emploi de tel ou tel sys-
•tème. Les flûtistes, presque tous d'origine étrangère,
jouent l'instrument de leurpays d'origine. Or, leschefs
d'orchestre faisant de plus appel aux artistes français
pour les pupitres de petite harmonie, la llùte Bœhm
en métal s'implante de plus en plus là-bas.
La llûte en bois est très usitée en Italie.
De l'ancienne famille des flûtes graves, grâce aux-
quelles on pouvait exécuter ces fameux << concerts »
dont nous parlons d'autre part, il ne reste pas grand'-
chose, au moins dans la pratique courante. Mais un
instrument a pris dans l'orchestration moderne un
rôle important : nous voulons parler de la petite
flûte, autrement appelée piccolo ou, en italien, otta-
vino.
La petite flûte, comme son nom l'indique, est une
.réduction de la grande, mais construite sur les mêmes
données, avec les mêmes proportions. Elle pourrait
possédera octaves si on n'avait pas supprimé, comme
parfaitement inutile, la patte à'ut et d'»<3 grave.
On la fait généralement en bois, de préférence
en gienadille, et de perce conique. La longueur du
tube de l'extrémité du bouchon à l'extrémité infé-
rieure est de 2-2 centimètres (13 cent, pour la tète et
19 cent, pour le corps). Le diamètre du tube varie
entre 18 millimètres au bouchon, 20 au renflement
delà tète, 18 à lajointure de la tète, 15 à l'extrémité
inférieure, ceci pour le diamètre extérieur. A l'inté-
rieur, le diamètre de lajointure est de 8 millimètres
et de 5 1/2 environ à l'extrémité inférieure.
Le diamètre du trou de l'embouchure est de 10 mil-
limètres. Celui des trous de doigts est de 6 milli-
mètres.
Le système de mécanisme le plus courant est une
combinaison de clefs et d'anneaux, maison fabrique
aussi des petites flûtes à plateaux pleins qui donnent
d'excellents résultats.
On en construit également de maillechort ou d'ar-
gent (rarement), soit à anneaux, soit à plateaux. Un
essai a été tenté d'une combinaison mixte : tèle de
métal et corps de bois. Certains artistes s'en décla-
rent satisfaits, mais il ne paraît pas que ce système
ait donné des résultats particuliers et se soit beaucoup
généralisé.
La petite flûte donne (comme le dit son nom et
celui d'ottavino) l'octave supérieure de la grande
flûte. Les doigtés sont les mêmes, sauf pour une seule
note, le si", dont le doigté est ainsi modifié : la clef
de trille d'îi((i, ré t], étant actionnée, au lieu de la clef
de trille «(; rej.
La première octave est assez faible et sourde, et
rares sont les petites tlûtes'assez réussies qui donnent
du ré' au do' une sonorité ronde et pénétrante. La se-
conde octave donne de meilleurs résultats. Dans cer-
tains passages rapides, la petite llûte peut remplacer
la grande assez avantageusement, quand les difficul-
tés de mécanisme rendent insurmontables à cette
dernière certains passages redoutables avec le doigté
delà 3= octave. L'intervention du piccolo, jouant à la
2° octave avec des doigtés plus faciles, devient alors
d'un grand secours.
l^es autres variétés de flûtes plus ou moins en usage
à l'heure actuelle sont en premier lieu :
Le piccolo en réK en usage dans les musiques mili-
taires. S'il est accordé un demi-ton plus haut que la
petite flûte d'orchestre, c'est parce qu'il rend plus
facile l'exécution de la partie de petite flûte, l'orches-
tration militaire élant basée sur le ton de si'j) et les.
insti'uments en u< jouant toujours dans des tons moins
courants.
Viennent ensuite :
La flûte en wi|i, dile flûte tierce, puisqu'elle est ac-
cordée une tierce mineure plus haut que la flûte type.
Son usage est des plus restreints. On peut même dire
qu'elle est à peu prés abandonnée.
La flûte alto en siiJ (également d'un usage très
rare).
Enfin la flûte basse en sol, dont on a vu la réap-
parition dans les orchestres depuis quelques années,
et qui parait vouloir redevenir d'un usage fréquent
dans certains orchestres symphoniques (voir le cha-
pitre de cet article consacré à l'emploi de la flûte
dans l'orchestre). La construction de ces flûtes a sou-
levé quelques problèmes quant au système de corres-
pondances, car l'écartement des trous est beaucoup
plus grand que sur la flûte ordinaire. Ces difficultés
ont été résolues. Le problème de la sonorité était plus
difficile à résoudre. Jusqu'ici, seule l'octave grave
donne un résultat satisfaisant. Nous ne nous attarde-
rons pas davantage à la description d'un instrument
qui est encore d'un usage exceptionnel, bien qu'il
faille s'attendre, comme nous le disons plus haut, à le
voir réapparaître de plus en plus dans l'orchestration
moderne.
LES DÉFAUTS DE LA FLUTE ACTUELLE
La flûte, telle que nous venons de la décrire, est un
instrument perfectionné. Ce n'est pas un instrument
parfait; mais nous croyons qu'elle approche aussi
près que possible de la perfection, et, ainsi que le
faisait remarquer fort justement Constant Pierre
dans ses Notes d'an musicien sitr les instruments à
souffle humain (Rapport publié après l'Exposition uni-
verselle de 1889) : >< Depuis la découverte de Bœhm, il
n'y a plus à toucher au principe de construction de
la flûte. »
On y a malheureusement touché, et le plus grave
inconvénient de la flûte actuelle, l'incertitude du
mib"' (manque de clarté de certaines notes de la 3°
octave etc.) vient certainement de la modification ap-
portée au système Bœhu par le retour à la clef de sol::
fermée. Il ne faut pas espérer un retour à la clef de
solii ouverte, car les raisons qui y avaient fait renon-
cer en 1838 subsistent aujourd'hui.
Mais, même pourvue de ce système Bœhm intégral,
la flûte sera cependant un instrument faux. Nous
avons dit pourquoi précédemment : l'étendue de trois
octaves ne permet pas de percer les trous et même
le tube d'une façon rigoureusement mathématique,
et la flûte devient un instrument <i à tempérament >-,
comme le piano. Nous verrous plus tard que, plus
heureux que le pianiste, le flûtiste peut modifier par
une bonne insufflation l'intonation de chaque note,
et qu'il peut ainsi, selon la gamme qu'il exécute,
corriger à l'aide des lèvres ce que l'instrument pré-
sente de défectueux. Et si l'on a pu dire avec raison
qu'il n'y avait pas de flûte juste, on peut dire éga-
lement qu'un bon flûtiste n'a pas le droit de jouer
faux.
En ce qui concerne la 3' octave, diverses tentatives,
dont celle de Dorus, ont été faites. Nous ne saurions
passer non plus sous silence les nombreuses et lon-
gues recherches du facteur français Dj.\lma Julliot
pour l'amélioration générale de l'instrument. Si nous
ne pouvons le suivre dans toutes ses innovations, qui,
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA FLUTE iôOI
si on les appliquait toutes à la fois, alourdiraient et
«ompliqueraient singulièrement la flûte, on doit lui
rendre justice pour la faoon ingénieuse avec laquelle
il a résolu le problème de la clef de sot*:, fermée ne
compromettant pas l'émission de la 3= octave. Grâce
au dispositif qu'il a inventé, le plateau de l'annulaire
■de la main droite peut fermer le plateau de sois, tout
en laissant ouvert celui de la. 11 en revient ainsi au
système préconisé par Bœhm et améliore, en même
temps que le »(!^, les mi' et mi-, bas et cotonneux sur
la flûte actuelle.
Les autres défauts de la flûte sont de ceux qu'on ne
peut éviter. Malgré tout le soin apporté au choix de
' la. matière première et k la mise au point du méca-
nisme, l'ensemble de clefs, tampons, ressorts, corres-
pondances, reste assez fragile pour que le seul choc
des doigts provoque de temps en temps des dérange-
ments inévitables. Le système des correspondances
est particulièrement délicat, et un plateau qui, ac-
tionné directement, ferme le trou hermétiquement,
peut très bien ne pas le fermer aussi bien sous l'action
•d'une clef correspondante éloignée.
De même, les tampons, fabriqués d'une matière fra-
gile et molle, subissent tous rapidement l'usure, sont
sensibles aux variations de température, et laissent
trop souvent un interstice se produire, au grand dom-
mage de la pureté du son. On n'a jusqu'ici trouvé au-
cun remède à cela; mais on peut, jusqu'à un certain
point, prévenir les accidents de ce genre en traitant
son instrument avec soin et précaution. Il est bon
qu'un flûtiste ne soit pas absolument ignorant de la
structure de son instrument, et qu'il puisse, à la ri-
gueur, s'il se trouve en voyage, y efTectuer quelques
menues réparations.
Enfin, nous ne saurions passer sous silence le grand
tort causé à la musique par la hausse persistante du
diapason. Les grands orchestres parisiens soulfrent
maintenant d'un mal qu'ils ont créé ou laissé
inconsidérément se répandre, et l'on ne sait où s'ar-
rêtera cette absurde pratique. Pour les inslrumenls
à vent en général et la tlùte en particulier, la hausse
inconsidérée du diapason a des résultats désastreux.
A l'heure actuelle (1925), il est à peu près impossible
à un tlûliste de s'accorder avec les autres instruments
de l'orchestre, s'il persiste à se servir de son instru-
ment tel qu'il lui a été livré par le fabricant. Peu à
peu, les flûtistes parisiens ont été amenés à dimi-
nuer la longueur du tenon qui relie la tète au corps
de la flûte.
Si le la initial est juste, les proportions de la llûte
ayant été bouleversées par ce changement, les autres
notes, principalement celles de la 3' octave, sont
moins justes et moins pures. Un flûtiste exercé et ha-
bile arrive, actuellement, par le secours des lèvres, à
ramener quelque justesse dans son exécution, mais |
il ne peut rendre à certaines notes leur pureté pre-
mière. Le fait^ et le sis ' soufl'rent particulièrement
de cet état de choses.
EMPLOI DE LA FLUTE
Le rôle de la flûte est double. A l'orchestre, son
importance est capitale, parce que son timbre ne se
confond avec aucun autre. C'est aussi un instrument
soliste. A ceu.x qui voudraient le confiner uniquement
dans son rôle d'instrument d'orchestre, nous répon-
dons par la longue liste de chefs-d'œuvre écrits
pour la flûte solo ou pour la flûte instrument de mu-
sique de chambre. Nous examinerons tour à tour
l'emploi de notre instrument dans l'une et l'autre
catégorie.
Mais, avant cela, nous devons noter quelques ren-
seignements sur l'emploi de la flûte à une époque où
il est bien difficile de distinguer ce qui sépare la
musique de chambre de la musique d'orchestre.
Le plus ancien témoignage que nous avons pu
trouver de l'emploi des flûtes est celui de Carloix,
secrétaire du maréchal de Vieilleville, qui, rendant
compte de l'arrivée à Metz, en 1554, de madame de
Vieilleville et de sa fille, madame d'Espinay, raconte
en ces termes ce qu'il a entendu à un concert donné
en leur honneur :
« Avec cinq dessus et une basse-contre il y avoit
une espinette, ung joueur de luth, dessus de viole, et
une lleute-traverse, que l'on appelle à grand tort
fleuste d'Allemand, car les François s'en aydent
mieux et plus musicalement que toute autre nation,
et jamais en Allemagne n'en fust jouée à quatre par-
ties, comme il se fait ordinairement en France. »
Sans nous arrêter à d'autres considérations, nous
pouvons conclure de ce qui précède que, déjà, il
existait à cette époque et, vraisemblablement, de-
puis un certain temps, cette forme musicale des
concerts de flûtes, dont l'usage se conservera très
longtemps encore. Si, comme il est permis de le
supposer, le rôle des instruments au xvi" siècle était
principalement de soutenir et de doubler les voix, il
était tout naturel qu'on pensât à fabriquer des famil-
les d'instruments correspondant à la division des
voix.
De là à employer celte même famille d'instru-
ments pour des intermèdes instrumentaux, il n'y
avait qu'un pas. On signale un intermède de ce
genre dans \e Ballet comique de ta Reijne en i:i82; le
P. Meusenne, dans l'Harinonie universelle (1636), cite
deux exemples de cette combinaison : un concert à
4 parties pour les llûtes à bec, et un air de cour à
4 parties, probablement pour llûte Iraversière :
É^^
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J.
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Nous arrivons maintenant à une époque qui nous
est mieux connue, et nous allons pouvoir fixer ici la
division de ce chapitre de notre article en deux par-
ties, dont la première sera consacrée à la Flûte ins-
trument d'orchestre.
Si vagues que soient les indications des composi-
1508
ENCrCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
teurs pour la distribution des instruments dans la
partition, nous avons pu démêler à peu [près le rôle
que jouaient les tlùtes dans l'orchestre du xvii' siè-
cle. En général, la llùte, ou plutôt les tlùtes ne sont
employées à l'orchestre que pour renforcer les cordes
(comme les autres instruments à vent, du reste).
Si le compositeur désire cependant produire quel-
ques contrastes par l'emploi de divers instruments à
vent, il les classe en deux catégories, et les fait alterner
par paquets. Les flûtes, alliées aux instruments de
timbre doux, répondent aux instruments plus écla-
tants. Elles gardent dans tout ceci un certain ano-
nymat. Les parties du Persée de Lully (1682) nous
donnent un excellent exemple de la manière de pro-
céder du compositeur. Les parties de tlûte et de haut-
bois sont sur la même ligne. Quand il n'y a pas d'in-
dication, tous jouent (sauf dans les endroits où on se
partage en grand el en petit chœur). Lorsqu'une seule
catégorie d'instruments doit jouer, c'est indiqué
Flûtes ou Hautbois, et après vient l'indication Tous.
Peu importe, en ces conditions, le nombre d'exé-
cutants pour chaque instrument. Puisqu'il ne s'agit
pas de donner à l'orchestration une grande variété
de couleur par l'emploi calculé d'instrument à tim-
bre particulier, personnel, on utilise les musiciens
TAILLE OU FLUTE
D ALLEMAGNE S
QUINTE DE FLUTE
qu'on a sous la main, et c'est ainsi que, lors de la mise
en scène, au Théâtre de la Cour, en 1060, du Serse
de Cavalli, nous trouvons à l'orchestre neuf flûtes,
contre 6 téorbes et 30 violons.
Mais la flûte prend bientôt une plus grande im-
portance par le relour aux concerts de flûte, dont
nous parlions au début de ce chapitre. Ce retour à
une forme musicale tout à fait oubliée, prend toute
l'importance d'une nouveauté, et la première audi-
tion de concerts de ce genre soulève une surprise et
un enthousiasme unanimes.
Saint-Kvremond en signale un qu'il dit avoir en-
tendu à la représentation de la Pastorale d'Issy de
Cambert, en 16S9, et il déclare que c'est le premier
qui ait été exécuté depuis les Grecs et les Romains..
Nous avons démontré plus haut qu'il fait erreur.
Quoi qu'il en soit, ce concert de flûtes paraît produire
grande impression, car Li'lly en fait entendre un
dans son Ballet du Triomphe de l'Amour, représenté
en 1681. Le prélude de V Amour, dont nous donnons
ici un fragment, est écrit à 4 parties pour taille,
quinte, petite basse et grande basse de llûte. Cette
dernière partie, chiffrée, sert de basse continue et
parait devoir être doublée :
PETITE BASSEDEïIluTE
CRATVDE. B.s.SSE
DE FLUTE
BASSE CONTINUE
^
^
T"
m
é^
^
:^
U]l 4 J. j)
#4i#
#
Htf. Hhy
^
H.t-i:. Htf-
A partir de ce moment, les flûtes prennent une
réelle importance dans l'orchestre, et, dans nombre de
partitions, on trouve des passages où elles sont tout
à fait en dehors. Au 3« acte de l'Opéra Atijs, le Pré-
lude pour le Sommeil contient un dialogue entre les
violons el deux flûtes à découvert. Au 4= acte de ce
même opéra, 3 flùles, à découvert également, accom-
pagnent un choeur de fleuves.
C'est l'époque de la lutte entre la flûte à bec et la
flûte traversière. Ces deux instruments sont employés
simultanément. On essaye de démêler leurs qualités
respectives et on les utilise du mieux qu'on peut. La
flûte à bec est, par excellence, l'instrument doux et
pastoral. On reconnaît à la flûte traversière plus de
puissance, plus d'expression et de variété, el on lui
confie les passages de pathétique tendre qui feront
plus tard sa fortune, car elle y excelle.
La coexistence des deux instruments nous est
donnée par l'examen de la partition à'Akxione, de
Marais (1703), et nous jugeons nettement les dilïé-
rences dans la façon de traiter les deux instruments.
Les passages confiés à la llùte allemande sont assez
en dehors, expressifs et doux. Ceux laissés à la flûte
{il faut lire, évidemment, ilûte à bec] sont également
dans la douceur, mais dans la douceur seulement.
C'est que la flûte traversière dispose d'une échelle
de nuances et d'une variété de timbres inconnus à sa
devancière, et qu'elle seule peut agrandir le domaiae-
de l'instrument.
Aussi, voyons-nous, de plus en plus, la flûte traver-
sière faire figure de soliste à l'orchestre. Dans l'opéra
de Lully Isis, la Plainte de Pan, au 3<^ acte, est sou-
tenue par la flûte, dont les accents prennent alors
un caractère réellement pathétique. Campra, dans le-
trio italien de son Carnaval de Venise (1699), emploie-
deux flûtes et la basse :
Flûtes
'■> • > "
^
t^ti
Î7~g
Oi^ Oi
id
XE
J.j IJ
-tr
^
-Htl-
Nous pourrions multiplier les exemples de cet
emploi des flûtes « à découvert », mais nous n'en»
trouverions pas de plus remarquables.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA FLUTE 1509
' Il est extrêmement rare que la flûte joue plus liant
que la ou si; le plus souvent, on l'emploie dans l'oc-
tave grave et la première moitié de la seconde oc-
tave. Citons encore Ll'lly dans la marche religieuse
•à'Alceste, où le timbre de la tlilte doublant les violons
dans la première octave produit un effet saisissant.
Mais c'est au xviii" siècle que la tlùle brillera de
«on plus vif éclat; nous trouverons, même dans la
musique d'orchestre, des papes restées justement cé-
lèbres où la flûte joue un rôle prépondérant. D'émi-
■nents virtuoses tels que Buffardin, Blavet, Taillard,
«n France, (Jl antz en Allemagne, ne dédaignent pas
de jouer à l'orchestre, et les compositeurs ne man-
quent pas d'utiliser leur présence. Jusque-là, nous
n'avions que de courts passages où les flûtes se met-
taient timidement m dehors, et les compositeurs leur
confiaient toujours les mêmes effets de douceur
plaintive ou de grâce pastorale. Au xviu" siècle, on
commence à utiliser à l'orchestre les qualités bril-
lantes de la Uùte. On s'aperçoit que les bons flû-
tistes, plus que n'importe lesquels des membres de
l'orchestre, triomphent aisément des difficultés tech-
niques. Les gammes, les arpèges, les trilles, qu'ils
exécutent avec une grande rapidité et sans effort
apparent, appellent la comparaison avec le ramage
•des oiseaux. La flûte devient le Rossignol de l'or-
chestre et si, comme le déclare Ancelet dans ce pas-
sage de ses Observations sur la musique, elle « n'em-
brasse pas tous les genres et les caractères de
musique, tels que sont les airs de Démons, de Furies,
■de Guerriers, de Tempêtes de J/(i<e/o(s »..., elle ne peut
trouver un meilleur emploi que celui de Rossignol,
principalement quand son ramage doit répondre aux
■roulades de la chanteuse.
Haendel écrit ainsi une page qu'on peut considérer
comme le modèle du genre. Tout le monde connaît
l'air célèbre de VAlleijroe Pensieroso, que tous les so-
prani légers ont popularisé dans toutes les langues.
Il convient de dire, tout de suite, que cette page, et
surtout dans la partie qui nous intéresse, ne compte
pas au nombre des inspirations les plus élevées du
maître. 11 est permis, sans irrespect, de trouver un
peu fastidieuse cette suite de traits qui pourraient
■être plutôt un exercice de chant qu'un air de con-
cert. Mais la partie de flûte y est traitée de main
■de maître.
Dans Hippolyte et Aricie (V^ acte), Rameau intro-
duit un air de Rossignol (supprimé on ne sait pour-
quoi à la dernière reprise à l'Opéra) qui est bien une
■de ses plus cliarmantes inspirations. Là aussi, la voix
«t la flûte dialoguent, mais, heureusement, sans l'en-
combrant étalage de virtuosité de l'œuvre de Haendel. |
Ces deux airs ont suscité de nombreuses imitations,
■sur lesquelles nous aurons à revenir plus tard. On
doit savoir gré à Rameau d'avoir su résister à la ten-
tation de faire un air brillant, et d'avoir, tout en
produisant le maximum d'effet, gardé le sens de la
déclamation juste.
Mais c'est dans Gluck que nous trouverons les plus
frappants exemples de l'emploi judicieux de la flûte.
Gluck demande à la flûte tout ce qu'elle peut don-
ner de force expressive et de pathétique. Il sait
cependant que cette force a des limites, et s'il lui
demande d'exprimer une plainte, il se souvient fort
à propos que la flûte est seulement l'instrument des
tendres plaintes. A cet égard, nulle page de musique
de flûte ne convient mieux au caractère de l'instru-
ment que l'admirable scène des Champs-Elysées, au
'i" acte d'Orphée. Berlioz, qui cite cette page en entier
dans son Traité d'Orchestration, s'exprime en ces ter-
mes : « En entendant l'air pantomime en ré mineur
qu'il a placé dans la scène des Champs-Elysées
d'Orphie, on voit tout de suite qu'une flûte devait
seule en faire entendre le chant. Un hautbois eût été
trop enfantin et sa voix n'eût pas semblé assez pure,
le cor anglais est trop grave; une clarinette aurait
mieux convenu sans doute, mais certains sons
eussent été trop forts, et aucune des notes les plus
douces n'eût pu se réduire à la sonorité faible,
effacée, voilée, du fa naturel du médium et du premier
si il au-dessus des lignes, qui donnent tant de tris-
tesse à la flûte dans ce ton de ré mineur où ils se
présentent fréquemment. Enfin, ni le violon, ni l'alto,
ni le violoncelle, traités en solo ou en masses, ne
convenaient à ce gémissement mille fois sublime
d'une ombre souffrante et désespérée; il fallait préci-
sément l'instrument choisi par l'auteur. Et la mélo-
die de Gluck est conçue de telle sorte que la flûte se
prête à tous les mouvements inquiets de cette douleur
éternelle, encore empreinte de l'accent des passions
de la terrestre vie. C'est d'abord une voix à peine
perceptible qui semble craindre d'être entendue,
puis elle gémit doucement, s'élève à l'accent du
reproche, à celui de la douleur profonde, au cri d'un
cœur déchiré d'incurables blessures, et retombe peu
à peu à la plainte, au gémissement, au murmure
chagrin d'une âme résignée... Quel poète!... »
C'est encore Gluck qui nous donne un des meilleurs
exemples d'une combinaison de flûte dialoguant
avec la voix, exemple d'autant plus frappant que
c'est à une voix de ténor que s'allie l'instrument
qu'on a coutume d'entendre rivaliser d'agilité avec
le soprano. iNous voulons parler de ce délicieux air
du sommeil de Renaud, au 2« acte d'Armidc :
etc.
« Dans la scène au borddu lleuve enchanté, la déli-
cieuse ritournelle de flûte colorée par le timbre frais
du registre moyen, exprime la langueur voluptueuse
dont l'àrae du héros est envahie, au milieu des
séductions que l'art de la magicienne a semées sous
ses pas : la beauté du paysage, le parfum des fleurs,
le ramage des oiseaux, l'ombrage épais, l'herbe
molle. » (Gevaert, Traité d'Instrumentation.)
Enfin, Gluck nous montre qu'il sait aussi utiliser
les qualités gracieuses et enjouées de la flûte, et
dans le même ouvrage, Armide, nous trouvons au
ballet du o' acte cette délicieuse sicilienne accom-
pagnée par de légers accords au quatuor, et qu'une
note de l'auteur recommande déjouer avec beaucoup
d'expression :
y%^^^^^
1510
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
On remarquera que les compositeurs profitent au
fur et à mesure, dès qu'ils se présentent, des perfec-
tionnements apportés à l'instrument, notamment en
ce qui concerne la tessiture. Les parties de flûte de
LuLLY et de ses contemporains n'allaient jamais au
delà de la deuxième octave. Dans la scène des
Champs-El3sées, en plein solo, nous trouvons un fa^.
Mais le cas n'est pas fréquent.
Nous n'avons eu à nous occuper ici que de l'orches-
tre d'opéra. Une autre forme de musique surgit, qui
nous retiendra fortement, la symphonie, où la flOite
trouve encore à s'employer au premier rang. Nous
choisirons nos exemples seulement chez les grands
maîtres, pour ne pas alourdir notre travail, et nous
commencerons par Haydix, Mozart et Beethoven.
Dès celte époque, l'orchestration prend une place
importante, presque prépondérante, dans la science
A Adagio
du compositeur. Celui-ci dispose d'un plus grand
nombre d'instruments. Il cherche des efTels nouveaux
imprévus et variés. Il ne laisse plus rien au hasard
et multiplie les combinaisons. On ne trouve donc
plus que très rarement des soH de longue haleine
dans la musique d'orchestre, mais, en revanche, les
instruments à vent ne sont plus que très rarement
employés comme doublures des cordes, et si leur
rôle change, il n'en est pas moins intéressant, au
contraire.
Mozart, dans ses symphonies, emploie le plus sou-
vent une seule llûte. Dans ses opéras, au contraire,
il écrit généralement pour deux. Il maintient presque
toujours la flùle dans le registre moyen. Il n'y a rien
de bien saillant ;i citer de lui dans ses symphonies,
mais il fait de la flûte un emploi extrêmement sai-
sissant dans le finale du 2° acte de La Flûte enchantée :
wT^Vi:^
T^tirrh
Nous le retrouverons dans la seconde partie de ce
chapitre, pourl'importante contribution qu'il a fournie
à la littérature de llûte soliste.
Haydn emploie, lui aussi, le plus souvent une seule
flûte dans ses symphonies et, comme Mozart, il là
cantonne généralement dans le registre moyen.
Nombreux sont les passages où il la laisse « en
dehors ». Il lui conlie des traits rapides, doublant
le quatuor, comme dans la Symplionie en sol :
de délicates broderies, comme dans la Symphonie à la Reine
ou encore un véritale solo, comme cet adagio de la symphonie très peu connue (en ré) qui porte le n» 24 :
Là, la flûte a tout à fait le rôle d'un instrument con-
certiste. Elle garde la mélodie (fort belle) du coni-
mencemenl à la fin, et, même, un point d'orgue,
placé quelques mesures avant la fin, exige absolu-
ment une cadence.
Nous retrouverons également Haydn, comme
Beethoven, d'ailleurs, dans la seconde partie de ce
chapitre.
Beethoven, dans ses symphonies, écrit générale-
ment deux parties de fiûtes. Il ajoute même un
piccolo au finale de la V» et à celui de la Symphonie
avec chœurs. \l profite, lui aussi, des perfectionnements
apportés à la flûte et de l'habileté technique des
artistes de son temps pour élargir le domaine de
l'instrument. Il écrit ses parties jusqu'au la'^, et ne
craint pas de confier à la flûte des passage rapides
d'une réelle difficulté. Il l'emploie avec un égal
bonheur dans les différents caractères qu'elle peut
emprunter. Pastorale et gracieuse dans le ballet de
Prométhce, la flûte redevient <■ rossignol » dans
l'Andante de la Vl" Symphonie :
Elle entonne presque un air de bravoure dans l'Ouverture n" 3 de Léonore :
'^TTHuïr?
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA FLUTE 1511
Elle exécute un trait spirituel et périlleux dans le finale île la Sytnphonie héroïque
etdevientpaihétiquedans l'adagio de la IX" Sympho-
nie (doublant le basson).
^- P ^' 1
Nous arrivons maintenant à la période la plus
brillante de la tlûle, ce qui, dans notre pensée, ne
veut pas dire la^meilleure. L'instrument, imparfait
encore, a été cependant très perfectionné. De grands
virtuoses se sont fait connaître : Tclou, Drolet, en
France, Nicholson en Angleterre, Furstenai en Alle-
magne, exécutent dans les concerts leurs propres
compositions où ils accumulent les difficultés et les
casse-cou. Les compositeurs sont enclins, tout natu-
rellement, à obéir à cette tendance, et, pendant une
très longue période, ils ne confient plus guère à la
fliUe que des cascades. Il est juste d'ajouter que
cette époque est également celle de la grande virtuo-
sité vocale, qu'il n'y a pas d'opéra possible sans
grand air pour la chanteuse, et que la llùle est toute
désignée pour lutter d'agilité avec la cantatrice.
L'exemple de Haendel porte ses fruits, et c'est par
douzaines que nous pourrions citer les airs avec fl Cite-
obligée où la mélodie disparait sous les broderies,
lesquelles broderies disparaissent elles-mêmes sous-
ce que la fantaisie des interprètes y ajoute. La pre-
mii're manifestation de ceite sorte d'art est le Uossignol '
de Lebrun, totalement oublié aujourd'hui, donné-
pour la première fois à l'Opéra en 1816, avec M"= Albert
Hymm comme principale interprète et Tui.ou comme
llùtiste. En Angleterre, une mélodie avec accompa--
gnement d'orchestre, Lo hère tke (jentle larke de sir
Henry Hisiiop (1782-1 S."):-!), obtient un succès qui ne
s'est pas démenti encore. Et Donizrtti écrira, un peu ■
plus tard, l'aircélèbre de la Folie de Lucia de Lamer-
moor, que toutes les cantatrices de théâtre, égarées ■
au concert, ont répandu et répandent encore à tra--
vers le monde.
Ne méprisons pas, toutefois, la virtuosité. Il est
bon que le compositeur n'ait pas son inspiration •
limitée par la crainte d'écrire « trop difficile »;.
d'autre part, il serait fâcheux de se piiver des
ressources immenses de la tlùle comme instrument""
d'agilité. RossiM le comprend admirablement en
confiant à la tlùte les délicates broderies qui courent
sur le motif du Hanz des Vaches dans l'ouverture ds
Guillaume Tell :
Et nous trouverions chez les symphonistes des
exemples plus frappants encore d'une bonne utilisa-
lion de la flûte » brillante ».
Mendelssohn fait grand cas de la flûte, et il l'emploie
avec toutes ses ressources.
Nulle partition ne nous le démontre mieux que celle
du Songe d'une nuit d'été.
Dès les premières mesures de l'ouverture, il em-
ploie les flûtes sous une forme absolument nouvelle
en leur confiant ces accords :
clar.
dont Wagner, plus tard, fera si grand usage, et quf.
donnent cette sensation d' « élhéré » qu'on ne pour--
rait attendre d'aucun autre instrument. Dans le
nocturne, la flûte dialogue poétiquement avec le cor,
et, dans le scherzo, elle émerge peu à peu de
l'orchestre pour terminer seule cetétincelantmorceau'>
de virtuosité orchestrale :
-^é^^^^i=Y^^^
Nous ne pouvons citer tout ce que nous trouvons
de remarquable dans l'œuvre de Mendelssohn. Nul
compositeur, à notre avis, n'a tiré un meilleur parti
des ressources multiples de la flûte. Regrettons qu'il'
n'ait rien laissé pour flûte solo.
Rien de bien saillant à signaler chez les UoraauT-
1512
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTK3NNAIRE DU CONSERVATOIRE
tiques. Nous ne trouvons dans la musique de Schu-
bert, de Liszt, de Weber aucun solo marquant.
Un court passage de la P" Symphonie de Schumann
mérite de retenir notre attention. Schlmann, qu'on ne
peut cependant accuser de tiatter le goût frivole de
son temps, introduit dans le finale de cette sym-
phonie une cadence de flûte :
Hâtons-nous de dire que cette cadence est plutôt
un enchaînement d'un motif à un autre, qu'elle est
charmante et absolument dans l'esprit de l'œuvre,
et qu'elle n'a ainsi aucun rapport avec le genre
d'acrobatie qui sévissait dans la musique d'alors.
Ce serait mal connaître Meyerbèer, par contre, que
de le croire capable de résister aux suggestions de la
mode. Les Huguenots contiennent (au début du 2" acte)
l'inévitable cadence de llùte que les exécutants ont
accoutumé d'enrichir de ce que leur suggère leur
propre inspiration.
Une utilisation beaucoup plus originale de la flûte
a été faite par Meyerbèer au 2" acte du Prophète. U se
sert là, avec beaucoup de bonheur, du registre grave.
« Au-dessous des violons, dont les dessins en sour-
dine montent au ciel et ondulent comme des nuées
d'encens, le timbre mystique des flûtes sonne comme
.'les notes d'une trompette entendue au loin, tandis
que le bruit assourdi des cymbales et de la grosse
caisse évoque l'idée d'une cérémonie publique en-
tourée de pompe et d'éclat. » (Gevaert, Traité d'Ins-
trumentation.)
Berlioz, si enthousiaste du solo de llûte d'Orphée,
n'a cependant jamais rien confié de réellement pa-
thétique à la flûte, tout au moins rien de grande en-
vergure. Mais il a su utiliser à merveille son caractère
pastoral, dans le délicieux trio des jeunes Ismaélites
de la seconde partie de L'Enfance du Christ :
^z^j^j^^
pour deux flûtes et harpe. Cette pièce d'un charmant
archaïsme, extrêmement poétique dans l'andante,
d'un naïf enjouement dans le petit trio à 2/4, est une
des rares pièces instrumentales composées par Ber-
lioz, et c'est, à proprement parler, un petit chef-
d'œuvre.
Avec Wagner, le rôle de la flûte à l'orchestre change.
Il n'y a plus place (comme pour aucun instrument,
d'ailleurs) pour des effets de virtuosité personnelle.
Quand Wag.ner emploie les flûtes autrement que pour
faire masse dans la sonorité générale, il leur confie
spécialement ce qui peut donner, comme nous le
disions plus haut à propos de Mendelssohn, une sen-
sation d'<( éthéré ». Il est un des premiers qui aient
écrit pour quatre Uûtes (trois grandes et un pic-
colo). Il en est ainsi pour un grand nombre de ses
ouvrages.
Le wagnérisme ayant produit une réaction contre
les effets de la virtuosité à l'orchestre, le rôle de la
flûte, instrument soliste, s'est trouvé un peu diminué.
Il lui reste cependant, au Ihéàtre, une ressource : le
• ballet. C'est sous forme de musique de ballet que les
compositeurs peuvent encore , sans trop se faire
honnir, donner libre cours à leur inspiration, quand
celle-ci est un peu légère. Nous trouvons dans la mu-
s_ique de ballet de ces dernières années de véritables
soli de flûtes. Nous nous bornerons à en citer deux :
la variation de l'Amour du ballet d'Ascanio de Saint--
Saëns et une variation du ballet de Namouna d'Ed.
Lalo.
Celle d'Ascanio utilise le double coup de langue :
Celle de Xamouna, qui prend place dans la suite
d'orchestre tirée de ce ballet, est une page remar-
quable et souvent exécutée dans les concerts sym-
Vite
phoniques. Le fragment de ce solo que nous repro-
duisons ici est extrêmement difficile :
D'autres compositeurs modernes ont confié à la llùte
un rôle important dans l'orchestre; nous ne pouvons
songer à les citer tous, et nous nous bornerons à
quelques exemples caractéristiques. Dans le domaine
espiessif, il nous semble que Bizet et Debussy ont
atteint au maximum de l'elïet ou de l'émotion; le
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA FLUTE 1513
premier, avec ce délicieux menuet de La Jolie Fille de Peith, intercalé depuis dans la seconde suite d'or-
chestre de L'Arh^siennc :
et plus encore peut-être avec rémouvant morceau
«n forme de sicilienne qui souligne la rencontre de
Balthazar et de la Renaude dans L'Arlésienni',et où
^ \;a3 1 u g^
l'emploi des deux flûtes est parliculièrement lieu-
reux :
jy^^^fUç^^UMU^^
le second, dans cette page admiralile, qui suffirait à 1 peut-être comme l'œuvre la plus caractéristique de
elle seule à lui assurer l'immorlalité et qui restera | son génie : le PrHude à l'Après-midi d'un Faune :
En ce qui concerne la tlùte agile, la flûte brillante
à l'ancienne mode, c'est chez les Russes, grands vir-
tuoses eux-mêmes de l'orchestre, que nous trouve-
rons les plus frappants exemples de ce retour à la
virtuosité. Dans l'ouverture De laGrande Pdqiie Russe,
dans le Caprircio espagnol, Rimsky-Korsakokf ne
craint pas de revenir aux grandes cadences de l'o-
péra italien, — telles que les pratiquaient Donizetti
et ses prédécesseurs ou contemporains :
.ISotons, pour terminer, un retour de faveur de l'al-
liance de la llùte et de la voix. Le morceau de so-
_prano avec tlûte obligée a régné durant une longue
période, de Haendel à Donizetti (voir plus haut), mais
paraissait à peu près abandonné. 11 a subi un retour
de faveur depuis quelque vingt-cinq ans. Toutefois,
les compositeurs qui en ont fait usage ont plutôt re-
■cherché le caractère expressif que la virtuosité. On
peut citer, dans cet ordre d'idées, la remarquable mé-
lodie de M. George Hue : Soir Pairn, qui pourrait
bien être le modèle du genre, et qui paraît avoir
incité d'autres compositeurs à entrer dans la même
voie. Bien mieux, voici qu'apparaissent en nombre
respectable des mélodies pour voix et flûtes seules. Le
premier compositeur qui ait fait usage de cette com-
binaison est, à notre connaissance, M. Cyril Scott,
avec une Idyllic Fantasy pour soprano et flûte.
MM. Albert Roussel, Caplet, Roland-Manuel, J.Ibert
viennent de faire paraître une séiie de mélodies pour
la même combinaison, évidemment de ressources
limitées, mais très agréables.
La petite flrtie dans Inrchestratioii.
Dès le xviii» siècle, les compositeurs ont employé
le piccolo dans l'orchestre. Ils l'ont généralement
fait avec bon sens, ne demandant à la petite tlùte
que ce qu'elle pouvait donner, c'est-à-dire les sons
stridents de son octave aiguë. Un exemple excellent
de cet emploi est celui de l'ouverture d'iphigénie en
Tauride de Gluck. On en trouve un autre plus carac-
téristique encore dans l'ouverture de Timoléon de
Méhul. « Son intervention dans l'orchestre drama-
tique, dit Gevaert, a pour but principal de reproduire
des sensations externes et particulièrement des bruits
stridents : soit les sifflements de la tempête, soit les
vociférations d'une horde barbare, soit les éclats
d'une joie infernale. » Aussi, la voit-on dans plusieurs
scènes d'orage {Si/mphonie pastorale, ouverture de
Guillaume Tell, etc.), dans des scènes de joie sau-
vage (Danse des Scythes, de Gluck). Reethoven encore
en fait un usage excellent dans l'ouverture à'Eg-
munt. Les derniers accords du final sont renforcés
par le sifflement strident de la petite flûte, et leur
énergie en serait singulièrement iliminuée s'il n'y
avait pas l'apport de ce coup de fouet extrêmement
violent. De même, Berlioz ne^ craint pas de confier
à la petite llùle une tenue sur le la^ à l'accord final
de la Marche Hongroise de la Damnation de Faust.
Mais il ne se borne pas à ces effets de force, et utilise
à merveille la sonorité de deux ou trois petites flûtes
dans la Danse des Sylphes :
1514 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE El DICTlONNAltŒ DU CONSERVATOIRE
L'impression diabolique qui se dégage do celle
curieuse combinaison de timbres atteint son maxi-
mum d'effet au (^ suivant (déformation de la Chan-
son de Mépliislo) :
^^^^^^^,.
Wagner fait un large usage de la petite flflte {In-
cantation du Fcit, et surtout la Chevauchée des Val-
kyries), mais toujours pour ces effets spéciaux.
Le piccolo peut rendre les plus grands services
dans l'orcheslre, lorsqu'il s'emploie à la seconde oc-
tave pour des effets que la 3= octave delà tlfite ren-
drait avec difficulté. Le meilleur exemple de cet em-
ploi judicieux de la petite tlûte est peut-être le lînal
de la V'' SumphonU' de Bkbthovr.n, lorsque le trille
persistant sur le sol est exécuté avec la plus grande
aisance par la petite llilte, alors que la grande tlûte,
avec son mauvais trille sol-la, 3' octave, ne pourrait
donner qu'une sonorité exlrèmemenl défectueuse.
De nos jours, les compositeurs, à la reclierche de
sonorités rares, ont tendance à se servir du timbre
mat et blanc de la première octave du piccolo
pour des effets spéciaux. De même, emploient-ils vo-
lontiers les sons harmoniques de la contrebasse. On
ne peut qu'applaudir à ces subtilités, à condition
qu'elles ne deviennent pas une régie.
La petite tlùte a fait même son apparition dans
« l'orchestre de chambre ». Dans ce curieux Pierrot
lunaire qui a fait couler tant d'encre, Schœncerg
use largement du piccolo, qu'il fait alterner avec la
grande tlûte, la partie devant être jouée par le même
instrumentiste. Là encore, dernier reflet d'un roman-
tisme qu'il prétend ridiculiser, la petite lli'ite est sur"
tout employée pour des effets diaboliques.
Après une disparition de près de deux siècles, on
voit réapparaître à l'orchestre quelques membres de
la famille des flûtes qu'on croyait à jamais disparus-
Nous avons fait mention ailleurs des basses de tlûtes
à bec et basses de tlûtes traversières décrites par
Mersennë et autres. Nous n'avions jamais rencontré de
traces de l'emploi de tlûtes basses depuis les concerts
de fliite de la fin du xvu"^ siècle. Les Uusses paraissent
vouloir utiliser à nouveau cet instrument. Rimsry-
KoRSAKOFF se Sert d'une tlùte en sali dans son ballet
Mlada. Ravel, dans Daphnis et Chloc, s'en sert aussi.
Stravinsry l'emploie également et lui confie une par-
tie extrêmement imporlanle dans sa Symphonie pour
Insirumcnis à vent (dédiée à la mémoire de Deuissy).
Il est possible qu'on ait à se louer de cette rénova-
lion, mais il conviendra, croyons-nous, de s'en servir
avec tact. Seule, l'octave grave de la tlùte basse pos-
sède une belle sonorité. Quand elle se confond avec
l'octave grave de la flûte en ut, elle lui est très infé-
rieure, et son octave aiguë est insupportable.
La flrttc dans la musique dp clianibrp.
C'est une opinion très répandue que la tlûte ne
peut guère sortir de son rôle d'instrument d'orches-
tre, parce qu'e/Zemani/Mt; de répertoire.
11 y a là une profonde erreur que nous pourrons
détruire par ce seul exemple : le distingué flûtiste de
la Chapelle royale et de l'Opéra de Berlin, M. Emil
PitiLL, a publié, il y a quelques années, une sorte de
catalogue général de la musique de flûte. On y
trouve environ " 7 500 » (sept mille cinq cents) titres
de morceaux de flûte, avec ou sans accompagnement
de piano ou d'orchestre, ou en combinaison avec
d'autres instruments. Hâtons-nous de dire qu'on n'y
trouve pas 7 500 chefs-d'œuvre! Par contre, le cata-
logue est loin d'être complet.
La vérité est qu'on a beaucoup écrit pour la flûte
et que, de tous les instruments à vent, c'est de beau-
coup celui qui l'emporte par l'étendue et l'intérêt du
répertoire.
Naturellement, ce sont les flûtistes eux-mêmes qui
ont fourni la plus grande part de cette littérature.
On trouvera quelques renseignements et apprécia-
tions sur leurs œuvres dans le chapitre de cet article
consacré à la biographie des flûtistes célèbres. H
n'en faut pas faire li. A défaut d'autres mérites, ces
œuvres de virtuoses auiaient au moins celui d'être
bien écrites pour l'instrument, et l'on trouve dans
la production du xvni' siècle, plus spécialement,
nombre d'œuvres de valeur écrites par de simples
flûtistes. La Barre, Lavaux, Boismortier, Naudot,
Lœillet, Bla VET, ScuiCKARD,QL!AN'TZ,FnÉDiîni(;uK Grand,
ont laissé d'innombrables cahiers de sonates, con-
certos, morceaux d'ensemble, qui ne le cèdent en
rien aux productions des violonistes ou violistes de
la même époque. La plupart de ces œuvres dorment
sous la poussière des bibliothèques. Un grand nom-
bre sont restées manuscrites, et celles qui sont gra-
vées, écrites pour la plupart avec accompagnement
de basse continue, ne sont pas réalisées.
11 suffit toutefois de jeter les yeux sur un cahier
de sonates de Blavet ou de La Barre, par exemple,
pour constater que ces éminents flûtistes étaient des
compositeurs de valeur, dignes d'être mis au rang
des Le Clair l'Aîné, des Marais, des Iîebel, des Fran-
CŒUR et autres pe/î'ts maîtres du xvni" siècle.
Nous l'avons déjà dit d'autre part, le xviii' siècle
reste l'époque glorieuse de la fiûte; nous en avons
donné la raison principale : l'engouement de la haute
aristocratie pour cet instrument, et la nécessité où
se trouvaient les compositeurs et les flûtistes, de
fournir de la musique à la curiosité de leurs élèves.
En outre, le timbre de la flûte convenait admira-
blement à l'art délicat, sensible, et souvent pastoral,
de cette époque. Sa douceur en faisait l'instrument
idéal de la musique de chambre. Aussi, les morceaux
d'ensemble où la tlûte joue un rnle prépondant, les
sonates, suites, recueils de petits airs et brunettes,
pour une ou deux tlûtes traversières, avec ou sans
basse, sont innombrables.
Ces sonates sont fréquemment mêlées de pièces
d'un caractère plus fantaisiste (voir plus loin :
Grands virtuoses). Les suites comportent générale-
ment des airs de danse : sarabandes, couiantes,
gigues, menuets, rondos, etc. 11 y aurait évidemment
à faire un choix dans cette énorme production, mais
on aurait grand tort de ne pas remettre au jour nom-
bre d'ii'uvres intéressantes de cette période. En
outre, les recherches qu'on entreprendrait, feraient
TECHNIQUE, ESTIIÉT/QUIC ET PËDAGOGJE
LA FLUTE 1515
découvrir sans doute des (puvres inconnues de véri-
tables grands maîtres. Celles qui ont été déjà pu-
bliées sutTisenl à nous prouver qu'il n'est pas un
maître du xviii" siùcle (|iii ri'nit écrit pour la tlûte
quelque ojuvre importante, l'our ne pas nous répé-
ter inutilement, nous renvoyons le lecteur au cha-
pitre biographique pour tout ce qui concerne les œu-
vres de virtuoses, et nous ne mentionnons ici que ce
qui nous paraîtra digne d'intérêt dans la musique des
maîtres.
Il faut placer au premier rang Jean-Sébastien Bach
qui, très probablement sous l'influence de Fuédéric
LE Grand, a beaucoup écrit pour la fliite. INon seule-
ment, son œuvre prend une place considérable dans
la littérature spéciale de l'instrument, mais elle oc-
cupe un rang élevé dans l'ensemble de ses composi-
tions. Bach s'est servi de la ilùtepour toutes les for-
mes de composition : sonates, concertos, musique de
chambre, accompagnement des voix, etc. Nous con-
naissons principalement de lui :
Trois sonates pour flûte et clavecin.
Trois sonates pour llùte et liasse.
Une sonate pour deux flûtes et basse (transformée jilus tard en
sonate de viole de gamlie.
Une Sonate à trois (soi majeur) pour fluto, violon et basse.
Une aulre, en ut mineur. (|ui fait partie de {'Offrande musicale,
bâtie tout entière sur le thème impose par Frkderic, véritable
chef-d'œuvre, d'une prodigieuse habileté d'écriture, et dont l'an-
dante est certainement parmi les pages les plus émouvantes de
Bach.
Une sonate pour tlùte et basse, qu'on n'a pas osé
attribuer sûrement à Bac;h et qui pourrait être d'un
de ses fils, mériterait de prendre place à côté des
autres.
Mentionnons encore les Concertus BranJebourgcois,
où la flûte tient un rôle important : celui en fa pour
violon, fliUe, hautbois et trompette, celui en rc pour
flûte, violon et cymbalo, le concerto pour violon et
2 flûtes principales, le concerto en la mineurpourflùte,
violon et clavecin, la suite en û mineur, etc. Rien de
tout ceci qui ne soit digne de la plume de Bach.
Haendel a également écrit pour la llùte. On a pu-
blié de lui, jusqu'ici, sept sur dix de ses sonates pour
flûte et basse et ses trios pour llùte, violon et basse.
De ses sonates, qui font partie d'une série contenant
également des sonates pour hautbois et pour violon,
il existe des versions dilférentes, des arrangements,
des transpositions, des emprunts de morceaux
d'une à l'autre, qui prouvent que l'auteur n'attachait
pas à tout cela une importance exagérée. Certaines
sont fort belles, notamment celle en mi mineur et en
sol majeur.
De Benedetlo Marcello, Martucci a remis au jour et
réalisé quatre sonates pour tlûte et basse extrêmemen'
intéressantes.
Leclair r.\îné a laissé plusieurs sonates pour flûte
et basse, et nous pourrions citer une foule de pièces
de musique de chambre où la flûte tenait une partie
importante, si nous n'avions le souci d'éviter les Ion-
gueurs. Encore ne mentionnons-nous que pour mé-
moire les nombreuses cantates, religieuses ou pro-
fanes (plus de quarante), où la flûte joue un rôle
important. Dans certaines d'entre elles, le rôle dévolu
à la flûte est celui d'un soliste, telle la première
partie de la cantate italienne ]Vo« sa che sa clolore,
en réalité un mouvement de concerto.
Mentionnons encore les pièces en concert de
Rameau, écrites primitivement pour 3 instruments :
flûte ou violon, viole de gambe et clavecin. Elles sont
d'ailleurs extrêmement populaires.
Mozart déteslait la llùte, dit-on; cependant, il a écrit
pour elle deux conceitos {sol rruij. et ré maj.) avec
orchestre et un andante également avec orchestre.
Nous avons de lui aussi un concerto pour llùte,
harpe et orchestre, écrit à l'intention d'une de ses
élèves et de son père le duc de Cuines. Ces quatre
œuvres sont remarquables, et les deux premières
fréquemment exécutées. Il n'en est pas de même des
deux quatuors en ré et en /(( pour llûte, violon, alto
et violoncelle, si rarement entendus dans les con-
certs, on ne sait pourquoi. L'andanle du premier, joué
par la flûte accompagnée en pizzicato par les cordes,
est une pure merveille, et le menuet du second, d'une
si délicieuse bonhomie, mérite bien cette humoristi-
que appréciation que nous avons entendu formuler
par un maître : » Cette musique-là guérirait tous les
neurasthéniques. »
Haydn a laissé quelques trios pour piano, flûte et
violoncelle, et une sonate en sol majeur pour flûte et
piano, que les éditeurs, pour les besoins de la vente,
ont souvent présentée comme une sonate de violon.
Hayd.n lui-même en a laissé une version pour quatuor
à cordes. En outre, il existe ou il a existé le manus-
crit de 2 concertos pour flûte et orchestre. Malheu-
reusemeid, ils ont été égarés, brûlés peut-être dans
l'incendie de la Bibliothèque du prince Esterhazy, et,
malgré d'opiniâtres recherches, on n'a pu jusqu'ici
les retrouver.
On nous a signalé dernièrement des quatuors (avec
llùte) de GossEï:, et nous ne mentionnons pas nombre
d'œnvres du même genre, pour ne nous en tenir
qu'aux œuvres des plus grands maîtres.
Nous arrivons ainsi à Beethoven. La Sérénade en
ré, pour tlûte, violon et alto est de beaucoup ce qu'il
a laissé de plus intéressant à notre point de vue. On
reste stupéfié du parti que l'auteur a su tirer d'une
semblable combinaison d'instruments. Malgré la
quasi-absence de basse (l'alto y est en effet l'instru-
ment le plus grave), l'œuvre comporte tous les carac-
tères de la musique, avec son entr'acte si spirituel,
son menuet à variations, si élégant, et son adagio
réellement pathétique. L'œuvre est fréquemment
exécutée. Au contraire, on ne joue jamais les varia-
tions sur les airs nationaux pour llûte et piano; on
pourrait croire qu'il s'agit là d'une œuvre de jeu-
nesse, alors que ces suites de morceaux datent au
contraire de la maturité de Beethoven. Vraisembla-
blement écrites sur commande, et dans le seul but
d'en tirer un peu d'argent, ces variations seraient
assez insignifiantes si, de temps en temps, un accord
imprévu, une variation plus originale ne portaient la
griffe du lion.
Mentionnons par curiosité un petit duelto en deux
mouvements pour deux flûtes sans accompagnement,
écrit par Beethoven en 1792, et dont le manuscritest
entre les mains du docteur Prieger, de Bonn, et
une sonate (dont l'authenticité est contestée) et qui
nous parait, au contraire, contenir en germe, malgré
de caractéristiques maladresses, un certain nombre
de thèmes sur lesquels Beethoven déploiera plus
tard son génie.
.\vecle XIX" siècle commence une ère de décadence
pour la flûte, décadence qui lui vient de son prodi-
gieux succès. C'est l'époque de la grande virtuosité.
fuLOU, Drouet, Bërbigl'Ier, Furstenau, Nicholson et
tant d'autres font carrière de virtuose, et leur répu-
tation est si grande qu'elle n'est éclipsée par celle
d'aucun violoniste ou pianiste.
Un solo de tlùte est une attraction courante dans
1,V16
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
un concerl; des sociétés de concerts synipiioniques
se sont fondées un peu partout, et les virtuoses de la
flûte trouvent fréquemment l'occasion de jouer avec
accompagnement d'orchestre. Or, le répertoire de
« concertos » dus à la plume des maîtres étant assez
pauvre, les fliHistes jouent volontiers leur propres
oeuvres. Malheureusement, ils ne savent pas conser-
ver à la tlùte le caractère qui lui est propre, et ils ne
craignent pas d'écrire, pour cet instrument délicat,
des pages d'allure pompeuse et emphatique qui lu'
conviennent aussi peu que possible. Alors que Mozart
avait limité au quatuor, renforcé de quelques bois,
l'orchestration de ses concertos, les virtuoses compo-
siteurs du xix= siècle ne craignent pas de faire entrer
la flfite en lutte avec la grosse harmonie.
On cherche le brin, la puissance du son. Nicholson
ne se conlenle même pas de l'instrument qu'il pos-
sède. Il en fait agrandir l'embouchure et les trous
pour obtenir un son plus puissant. C'est, à propre-
ment parler, la grenouille qui veut se faire aussi
grosse que le bœuf. Seul de son époque, peut-ètre>
KuLH.\u écrit pour la flûte dans l'esprit qui lui con-
vient. Sa récompense est que, seules aussi, ses com-
positions ont résisté à l'injure du temps. On ne sau-
rait cependant refuser à Tulou de réelles qualités de
compositeur, et ses solos écrits pour les concours du
Conservatoire restent d'excellents morceaux d'étude;
mais qui oserait maintenant les mettre au pro-
gramme d'un concert, et que reste-t-il de ce fatras
de morceaux brillants, fantaisies sur des airs d'o-
péra, airs variés, pots-pourris, que nous devons à sa
plume trop féconde et à celle de ses émules ou ri-
vaux? Pas grand'chose. En revanche, les innombra-
bles séries d'études qu'ont laissées ces maîtres don-
nent à la flûte une des plus riches littératures d'en-
seignement musical qui soient. Nous les avons
menlioimées dans la partie biographique de notre
article.
Cette prétention des virtuoses du xix" siècle de faire
de la flûte un instrument de grande allure et de grand
fracas a eu un résultat extrêmement fâcheux : les
véritables maîtres ont délaissé l'instrument. Rien de
ce qu'ils auraient pu écrire n'aurait satisfait sans
doute leurs interprèles; les flûtistes cherchaient
avant tout à placer leurs propres élucubrations, et
nous ne possédons rien, comme musique de flûte, des
maîtres qui en faisaient le plus judicieux emploi
dans l'orchestre, Mkndelssohn entre autres, fsous
devons toutefois à Schubicht de charmantes et diffi-
ciles variations sur un thème original. Hummel nous
a laissé quelques sonates, et il nous faut ensuite aller
jusqu'à Reinegkk, mort récemment, pour trouver
une oeuvré de flûte' de réelle importance. La sonate
•intitulée Undine est, en effet, une (Puvre de grand
mérite, et qui convient admirablement à l'instru-
ment.
On nous a signalé de Webeu des variations que
nous n'avons jamais retrouvées, et ni Schumann,
ni Brahms, ni tant d'autres, dont nous aurions été
heureux de posséder quelque chose, n'ont laissé une
ligne de musique pour llùte.
Il n'est pas jusqu'à la musique de chambre, où la
flûte jouait un rôle si important au xvni" siècle, qui
n'ait subi le contre-coup de ce dédain. Depuis la
Sérénade de Beethoven, nous n'avons plus rien à
signaler de digne d'intérêt pour les combinaisons
de flûte et cordes, à la seule exc^tion d'un trio bien
connu de Webeiî pour flûte, violoncelle et piano.
Encore cette œuvre ne compte-t-elle pas, dans
l'esprit des amateurs d'aujourd'hui, parmi les meil-
leures-de W'Ei'.En. Elle contient cependant de rares
beautés.
Fort heureusement, une réaction s'est produite de
nos jours; la flûte, qui paraissait un peu délaissée
comme instrument soliste, a repris une partie de son
ancien prestige, grâce au talent et à l'activité de quel-
ques virtuoses, principalement en France. Le retour
en faveur de la musique des xvii'' et xviii= siècles a
nécessité la réapparition de la flûte sur tous les pro-
grammes de musique ancienne. Les compositeurs,
auxquels on ne demandait plus de concessions à la
virtuosité pure, ont tous, plus ou moins, contribué à
enrichir notre répertoire. Nous ne croyons pas devoir
donner un grand nombre de noms, parce que nous ne
voulons pas faire de notre travail un article d'actua-
lité; nous pourrions en citer beaucoup. Une excel-
lente initiative de Th. Duisois, alors qu'il présidait
aux destinées de notre Conservatoire, n'a pas peu
contribué à celte renaissance. Chaque aimée, le
morceau de concours de fin d'exercice est commandé
à un compositeur nouveau. 11 arrive que le morceau
n'est pas un « morceau de concours » idéal, mais le
répertoire s'est enrichi ainsi de quelques œuvres
intéressantes, dont certaines ne disparaîtront pas de
sitôt.
On écrit mieux pour la tlûte. On utilise certaine-
ment ses ressources de virtuosité, mais on ne la
cantonne plus dans les traits etles variations, et l'on
tire grand parti de son beau registre grave, en accord
en cela avec la bonne tradition du xviii^ siècle.
Une autre forme de musique a beaucoup aidé la
flûte à reconquérir son ancienne vogue : la musique
de chambre pour instruments à vent. Des sociétés
se sont fondées (la première en 1879, sur l'initiative
de P. Taffanel) pour l'exécution de ce répertoire
spécial. Les classiques avaient laissé quelques œu-
vres pour instruments à vent, qui, chose curieuse,
ne comportaient généralement pas de partie de
flûte. Pour former un véritable répertoire, les
artistes ont fait appel aux compositeur?, et nous
avons maintenant une littérature de musique pour
instruments à vent, avec ou sans piano, assez nom-
breuse, très variée et d'un intérêt indéniable. La flûte
y joue un rôle important, et c'est un répertoire qui
s'enrichit chaque jour.
On nous permettra de mentionner, à ce sujet, que
la Société Moderne d'Instruments à vent (fondée en
1893 par Georges Barbére) a donné, depuis cette
date, plus de cent trente œuvres en première audi-
tion. La plupart comportent une partie de flûte.
LES GRANDS VIRTUOSES DE LA FLUTE
La liste est longue des virtuoses qui se sont illus-
trés sur cet instrument, et bien que nous ayons le
dessein de ne nous arrêter qu'auN noms vraiment célè-
bres, nous aurons à en mentionner un grand nombre.
D'ailleurs, alors même que nous paraîtrions accorder
une trop grande importance à cette partie de notre
travail, nous nous justilierons en disant qu'il y a là
comme une sorte de réparation à accorder à d'émi-
nents artistes, dont le nom est tombé injustement
dans l'oulili.'par ce seul fait qu'ils jouaient d'un ins-
trument moins populaire aujourd'hui que le piano
ou le violon.
Il n'en était pas ainsi au temps où la flûte était en
faveur. Le xviii' siècle et la première moitié du siï^
TECHNIQUE, ESTIIÉTJnUE ET PÉDAGOGIE
LA FLUTE 151-!
auront connu la grande vogue de la lli'ite. On en verra
d'autre part les raisons, dont la principale a été la
passion de quelques princes ou grands seigneurs
pour lallùte. La flûte était l'instrument aristocratique
par excellence, et l'impulsion donnée par les ama-
teurs princiers du xvin" siècle eut sa répercussion
très longtemps après.
Il semble établi maintenant que les deux grandes
écoles qui se sont partagé le succès au xviii= siècle ont
été la française et l'allemande. Peu après, alors que
la llùle traversière pénétrait en tirande-Brelagne,
l'école anglaise vint également à biiller. 11 faut
remarquer toutefois que les Anglais, si accueillants
aux étrangers, auront souvent encore été nos tribu-
taires en ce cas, et plusieurs de leurs virtuoses
furent d'origine étrangère.
Un amateur berlinois, M. Adolf Goldbehg, qui s'in-
téresse passionnément à tout ce qui concerne la flûte,
a publié récemment, en un luxueux volume, une longue
liste biographique — avec portraits — de flûtistes plus
ou moins célèbres. Par ordre d'ancienneté nous trou-
vons en tète de liste Conkad von Hoosr, mentionné
comme flûtiste et fou de la cour de l'empereur Maxi-
milien 1" en 1482. Peut-être, en cherchant bien,
aurions-nous pu découvrir un nom de flûtiste français
vers la même époque, mais rien ne nous indique que
nous ayons des chances de réussir, et cette exhuma-
tion serait, cro}'ons-nous, d'un intérêt restreint.
Période ancienne.
Ecole française. — Nous commencerons par
l'Ecole française, et remonterons seulement à la fin
du xvn' siècle. A celle époque, deux artistes parais-
sent s'être partagé la faveur du public, et leurs noms
sont familiers à quiconque s'est occupé de cette
période de notre histoire. L'un deux, Philibert Re-
BiLLK, plus connu généralement sous son prénom,
tuansformé en Philbert, était flûtiste à la musique
royale entre 1670 et 1715. L'autre, François Pignon,
dit Descosteaux, très renommé, exerçai! son art à
la musique royale entre 1664 et 1670. Il ne reste
rien de lui que sa réputation de virtuose et surtout
de jardinier, car il a servi de modèle à La Bruyère
pour son amateur de tulipes.
Vient ensuite Pierre Gaultier, de Marseille, flûtiste
et imprésario d'une troupe ambulante, qui mourut
vers 1697, après avoir laissé quelques pièces en duo
ou en trio pour les flûtes.
Nous avons parlé, d'autre part, de la famille des
HoTTETEHRE, dont le membre le plus distingué, Jac-
ques, ditle Romain, fut, en même temps qu'un remar-
quable virtuose, un fabricant et un professeur non
moins remarquable. Son Traité a eu, à son époque,
une influence considérable, à tel point que tous les
ouvrages similaires, publiés sur le même sujet pen-
dant une période de plus d'un demi-siècle , ne sont
que des copies plus ou moins adroites de cet ouvrage
excellent. L'article flûte de VEncycloyjcdie en a été
directement inspiré en ce qui concerne l'exécution,
et d'autres méthodes, telles que le Neirest method for
learrwrs on Ihc Germait jlule, parue à Londres en 17.30,
ne sont, dans leur partie didactique, qu'une simple
traduction du traité d'HoTiETERRE. Hotteterre, qui
devait son surnom de Romain à un séjour qu'il lit en
Italie dans sa jeunesse, et dont le Traitii eut, de son
vivant, quatre éditions (1699, 1707, 1720, 1741), plu-
sieurs contrefaçons à Amsterdam, ainsi que des tra-
ductions anglaises et allemandes, Hotteterre, disons-
nous, a laissé d'assez nombreuses œuvres, la plupart
pour 2 flûtes avec ou sans basse. 11 est mort vers le
milieu du xviii" siècle, à une date encore indéterminée.
Moins populaire que celui d'HoTïETERnE, le nom de
Michel La Rarhe mérite de retenir l'atteulion. Né en
1675, élève de Philbert et de Descostkaux, La Rahhe
était vers 1700 membre de l'orchestre de l'Opéra, et,
vers 170i), nous le trouvons aussi parmi les membres
de la Musique de la chambre. Il possédait, disent ses
contemporains, un remarquable talent de virtuose,
mais les compositions qu'il a laissées nous intéres-
sent davantage. Sa contribution à la littérature
de la flûte est, en elïet, aussi remarquable que consi-
dérable. Il publia notamment des suites pour deux
llûtes traversières sans accompagnement, et de char-
mantes suites de pièces pour la flûte traversière avec
basse continue. Son premier livre de suites contient
un avertissement qui nous renseigne sur la conception
qu'il avait de son art: « Les pièces, nous dit-il, sont
pour la plus grande partie d'un caractère si singulier
et si durèrent de l'idée qu'on a eue jusqu'ici de la
flûte traversière, que j'avais résolu de ne leur faire
voirie jour qu'en les exécutant moi-même. »
Les qualités d'un véritable artiste peuvent, en elfet,
s'y faire jour. Si les pièces vives sont de simples pe-
tits airs de danse d'un tour gracieux et spirituel,
certains airs lents (la Sarabande de la Sî(t(t' en sol
majeur en est un exemple) sont empreints d'un réel
pathétique et d'une tenue musicale remarquable.
N'oublions pasJ.-Ch. Naudot. Rien de sa vie ne nous
est connu, sinon que la publication de ses nombreuses
œuvres s'esl faite entre 1720 et 1750. .ses morceaux
pour la flûte et surtout pour des combinaisons de
flûte avec d'autres instruments, sont en nombre con-
sidérable, et l'on a même de lui des sortes de sympho-
nies à flûte, 3 violons, alto et basse qui en font un
des précurseurs de la symphonie concertante fleuris-
sant en France dans la seconde moitié d u xviii<^ siècle.
On ne saurait assigner à ce maître remarquable
un rang trop élevé. Ses sonates à une ou deux flûtes
avec ou sans basse le placent au rang des meilleurs
parmi les petits maîtres de son temps.
Nous sommes tenté de rattacher à l'école fran-
çaise J.-B. Lœillet, né à Gand en 1653, et qui fit la
première partie de sa carrière de virtuose à Paris
(certaines de ses compositions y furent publiées en
1702). Mais les Anglais peuvent le revendiquer aussi
pour un des leurs, car toute la seconde partie de la
vie de ce remarquable artiste se passa à Londres,
où il mourut en 1728, après y avoir fait fortune. U
laissa, en effet, 16 000 livres sterling, somme consi-
dérable pour l'époque.
Bui'FARDiN, né à Marseille vers 1690, est le premier
de nos flûtistes qui ait fait une longue carrière à
l'étranger. A la suite de l'ambassadeur de France, il
séjourna à Constanlinople, où il rencontra un des
frères aînés de J.-S. Bach, auquel il enseigna la flûte.
Entré, dès 1715, au service de l'Electeur de Saxe à
Dresde, il devint là le professeur du célèbre Quantz;
après deux voyages à Paris, où il se fit entendre
avec un énorme succès au Concert spirituel, il se
retira dans cette ville et y mourut en 1768. On ne
connaît aucune œuvre de lui.
On en connaît, par contre, beaucoup (on pourrait
dire trop) de Boivin de Boismortier, plus remarquable
par son extraordinaire fécondité que par la valeur
réelle de ses innombrables compositions (il a écrit,
par douzaines, des sonates, suites, duos, trios, etc.,
1518
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
pour tous les instruments). Arrivons au véritable
maître français de la Uûle au xviii» siècle, Michel
Blavet.
Blavet était né à Besançon, en 1700, de parents de
modeste condition. Jusqu'en 172.3, il reste dans sa
ville natale, mais se montre de bonne heure très
doué pour la musique et apprend cà jouer de divers
instruments, notamment de la fliUe et du basson.
C'est sur le conseil du gouverneur de sa province
qu'il quille sa ville en 1723, et va se fixer à Paris, où
le prince de Carigiiaii l'altache à sa personne dès son
arrivée. Sa grande répiilation paraît dater de sa par-
ticipation au Concert spirituel en 1726, où il obtient
un succès considérable, fréquemment renouvelé. Il
quitte ensuite le prince de Carignan pour devenir
surintendanl de la musique du comte de Clermont.
De 1740 à 1758, il appartient à l'orchestre de l'O-
péra, après avoir fait partie delà Musiquede la cham-
bre, où sa présence est signalée en 1738, et si grande
est sa réputation de virtuose à ce moment que le fait
d'accepter un poste de musicien à l'Opéra est regardé
par ses contemporains comme un acte de condes-
cendance.
Blavet fit plusieurs voyages à l'étranger pendant
qu'il appartenait au comte de Clermont. Sa présence
en Prusse est signalée sous le règne de Frédéric l".
Frédéric II, alors prince royal, s'efforça de le retenir
auprès de lui, mais vainement.
11 se relira en 1760 et mourut à Paris en 1708.
L'œuvre de Blavet, pour être moins considérable
que celles de Boismortier et de J.-B. Lœillet, l'em-
porte de beaucoup par la qualité. On connaît de lui
un cahier de six sonates pour deux llûtes traver-
sières sans basse, des recueils d'airs et brunettes, de
duos, etc., mais surtout Irois livres de 6 sonates pour
Uûte et basse, publiés par Ballard en 1728, 1732 et
1740. Ces sonates sont toutes à jouer et à retenir, et
certaines sont de véritables petits chefs-d'œuvre. On
y remarque les meilleures qualités de la musique
française d'alors : des idées mélodiques claires et
expressives, beaucoup d'esprit et d'enjouement dans
les mouvements vifs, une grâce charmante dans les
ariettes ou pièces de genre introduites avec beaucoup
d'à-propos au milieu des morceaux traditionnels de
la sonate, el, dans certains mouvements lents, ce pa-
thétique tendre qui caractérise la musique du temps
et où Blavet, comme exécutant, devail exceller.
Après Blavet, nous devons aller jusqu'à Devienne
pour trouver un Uùtiste français digne de son devan-
cier. Né à Joinville en 1759, élevé dans la musique
d'un régiment, il jouait el composait dès le plus
jeune âge et entrait bientôt dans la musique des
Gardes suisses. 11 est assez curieux de constater que,
comme plusieurs de ses prédécesseurs, Devienne
jouait également du basson el de la flûle. C'est en
qualité de bassoniste qu'il entra en 1788 au Théâtre
de Monsieur, puis à l'orchestre de l'Opéra en 1706.
Entre temps, lors de l'organisation du Conserva-
toire national de musique en 179o, Devienne était
chargé de la première classe de flûte, et c'est à cette
circonstaiice, sans doute, que nous lui devons sa
Méthode tant de fois rééditée, remaniée et augmen-
tée, encore aujourd'hui en usage. Cet ouvrage con-
tient d'excellentes choses, à cûlé de certaines fai-
blesses dues à l'esprit routinier de l'auteur'. 11 donne
d'utiles conseils sur la tenue, la respiration, le phrasé,
qui dénotent évidemment un artiste de valeur. Ses
1. Voir le chapitre premier de cet article
compositions pour la llûte sont extrêmement nom-
breuses, mais tout à fait délaissées aujourd'hui.
Si nous pouvons nous permettre une légère incur-
sion dans un domaine qui n'est pas le nôtre, rappe-
lonsque Devienne a laissé un opéra, Les Visitandines,
qui n'est pas encore tombé dans l'oubli.
Il est mort fou, à Charentoii, en 1803.
Complétons la liste des virtuoses français au
xvni'^ siècle avec quelques noms moins illustres :
Mahault (?-1760), les frères Piësche, Lucas, les Phili-
DOK, Lavalx, De Gaix, Chalais, Courette, Boi'rgoin,
MouriET, Handouville, Pu'Ereal:, les Sallantin, Bault,
Maniiean, Beiiout, Delusse, etc., et nous en aurons
terminé avec les maîtres de la tlùte au xviii" siècle
en France.
Ecole allemande. ^ Nous reviendrons de beaucoup
en arriére pour parler de l'école allemande, fort bril- J
lante elle aussi. Là, nous pourrons remonter plus |
haut. Nous avons incidemment parlé de Conrad van
BoosE, sur lequel nous n'avons guère d'autres ren-
seignements que la constatation de son existence.
Vers la même époque, un nom bien impiévu dans
une élude sur la llûte vient nous surprendre. Il
apparaît, en effet, que le réformateur Martin Luther
(1483-lo46) fut un amateur de llûte assez distingué
pour que cette particularité ait frappé ses contem-
porains. Nous ne sommes malheureusement pas ren-
seigné sur l'existence de flûtistes professionnels alle-
mands, du xvi= au xviL« siècle. C'est assez fâcheux,
car le nom de fliUc d'Allcnumd donné à la flûle tra-
versière nous prouve que cet instrument était en
vogue en Allemagne bien avant qu'il ait pénétré en
France.
L'artiste dont nous trouvons en premier le nom
est Johann-Chrislophe Denner, né à Leipzig le 13 août
1655. Fils d'un fabricant d'instrumenls à venl, très
doué pour la musique, Denner mena concurremment
l'étude de son art et la fabrication des instruments.
Il construisit ainsi des llûtes à bec, des flûtes traver-
sières, et inventa la clarinette vers 1690. Mort à Nu-
remberg, le 20 avril 1707, il laissa deux fils qui con-
tinuèrent à fabriquer et jouer les inslruments selon
la tradition paternelle.
Dans l'ordre chronologique, nous nous trouvons
en présence du plus fameux peut-être des flûlisles
du xvui' siècle, en la personne de Johanu-Joachini
Quantz.
Son talent d'instrumentiste, son ingéniosité d'in-
venteur, ses compositions, sou célèbre Essai, les cir-
constances de sa vie, la place qu'il tenait à la cour
de Frédéric le Grand et dans le monde musical de
son temps, mériteraient qu'on accordât à sa forte
personnalité plus qu'un simple fragment d'article. II
était né à Oberscheden, en Hanovre, le 30 janvier
1697. Fils d'un forgeron, il paraissait convenu qu'il
suivrait, selon l'usage du temps, le métier de son
père, et ce projet reçut un commencement d'exécu-
tion alors que Ouantz avait à peine neuf ans. Mais,
orphelin en 1 707, confié à l'un de ses oncles, il apprit
de ce dernier, tailleur et musicien à la fois, les élé-
ments de la musique. Puis, à la mort de son oncle,
Fleischkack devint son piofesseur. Ses premiers ins-
truments furent le violon, le hautbois, la trompette,
voire la viole de gambe et le violoncelle. Il étu-
dia aussi le clavecin et les rudiments de l'harmonie.
Il est assez curieux de constater que la flûte n'ait
pas attiié plus lot son attention. Ce n'est qu'après
de nombreux voyages à travers l'Allemagne, coupés
TECIIXJQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
de séjours plus ou moins longs, notamment à Dresde,
où il jouait du hautbois, que Quantz adopta, en 1718,
l'instrument qui devait le rendre célèbre dans l'Eu-
rope entière. Son premier maître fut Bihfardin.
Dresde était le centre des occupations du jeune
musicien, mais il voyageait fréquemment, allant en
Pologne, en Silésie, en Bohème. 11 était suTtout for-
tement attiré par l'Kalie. Il put réaliser son désir en
1724, et alla travaillei' le contrepoint à Rome avec
Gasparini On le retrouve, en lli.'i, à Naples, où, sur
les instances de IIasse, Alessandro Scahlatti consent
à entendre Quantz, malgré son aversion marquée
pourles joueurs d'instruments à vent, qu'il accusait,
vraisemblablement avec raison, déjouer faux. Quantz
parvint à faire revenir le vieux maître de ses préven-
tions.
Il visite nombre de villes italiennes et vient à Pa-
ris en 1726. l'ne représentation à l'Opéra paraît lui
avoir laissé le plus fâcheux souvenir : il accuse no-
tamment les musiciens de jouer faux et de mémoire.
Mais il admire cependant ses confrères tlùtistes, et
par-dessus tous, Blavet.
Ce long voyage se teimina par un séjour à Lon-
dres, où il m, entre autres connaissances, celle de
Haendel, qui tenta vainement de l'y retenir. 11 revint
à Dresde en 1727, entra au service du roi de Pologne,
et, enfin, à de magnifiques conditions, à celui de son
élève, le Grand Frédéric, peu après que ce dernier
fut monté sur le trône, en 1741.
Non seulement Quantz ne relevaitque du roi seul,
mais il avait un engagement à vie de 2 000 thalers,
plus ce que devaient lui rapporter ses compositions et
la fabrication des flûtes. ISous mentionnons, d'autre
part, ses elîorts pour l'amélioration de l'instrument.
Il mourut à Potsdam en 1773.
Son ouvrage le plus important est l'Essai qu'il pu-
blia en 1732, et qu'il dédia à son royal élève, l'ouvrage
le plus complet à tous points de vue qui existe sur la
llùte au xviii= siècle. Comme compositeur, Quantz se
distingua par une fécondité extraordinaire. 11 a écrit
plusieurs centaines de concertos, des sonates avec
basse continue et nombre d'autres pièces non réa-
lisées, qu'il serait bien intéressant de remettre au
jour.
Johann-Georges Tromlitz, né en Saxe vers 1730,
plus remarquable comme fabricant de llùtes que
comme e-iécutant, Georges Likbksrind, llûliste du
margrave de Bayreuth, méritent une mention. Mais
nous arrivons, dans l'ordre chronologique, à un flû-
tiste dont la célébrité est indéniable. Nous voulons
parler de Frédéric le Gr.\nd, roi de Prusse.
Il nous est impossible de le passer sous silence,
non seulement parce qu'au dire de ses contempo-
rains, Frédéric élail un flûtiste de valeur digne d'être
comparé aux meilleurs professionnels, mais encore
parce que sa passion pour son instrument a donné
au développement de la flûte un essor énorme. Ins-
trument à la mode parce qu'un prince en jouait, la
flûte est restée sous cette impulsion très longtemps
encore.
Alors qu'il n'était que petit piince, Frédéric aimait
déjà passionnément la flùfe, d'autant plus passionné-
ment que son père, le terrible Frédéric-Guillaume,
lui en avait formellement interdit l'étude. Mais la
reine, se faisant sa complice, lui fit donner des
leçons en secret, et Quantz lui-même, nous l'avons
déjà dit, fit plusieurs fois le voyage de Dresde pour
enseigner son art au jeune prince. Celui-ci n'eut rien
de plus pressé, en montant sur le trône, que de faire
LA FLUTE I5li)
venir son maître auprès de lui et de lui donner à la
cour une situation magnifique.
11 y avait tous les soirs concert au Palais. Le roi
y tenait sa partie. Si certains de ses contemporains,
comme Diderot, lui contestent la véritable supério-
rité, « quel dommage qu'un grain de sable du Bran-
debourg en gâte l'embouchure, » dit malicieusement
le philosophe polémiste, en revanche Voltaire, non
suspect de bienveillance à l'égard de Frédéric, dit
" qu'il jouait dans ses concerts aussi bien que le
meilleur artiste >i.
Il a laissé un grand nombre de compositions,
parmi lesquelles environ 123 sonates pour flûte et
basse. 23 d'entre elles, choisies et réalisées, ont été
publiées par la maison Breitkopf et Hartel. La vérité
nous oblige à dire que, dans les meilleures, cer-
tains passages ressemblent singulièrement aux com-
positions de Quantz, mais il n'y a peut-être là qu'une
coïncidence...
Le meilleur titre de Frédéric, à nos yeux, est
d'avoir incité les compositeurs de son temps à
écrire pour son instrument. Nous lui devons ainsi,
indirectement, des chefs-d'œuvre. C'est sur un thème
choisi par lui que J.-S. Bach, en visite à Potsdam et
honoré à l'égal d'un souverain, composa l'admirable
Offrande musicale, dont la plus belle partie est peut-
être la sonate en trio [ut mineur) pour flûte, violon
et continue. Nous n'avons pu déterminer si c'est sous
la même influence que Bach a écrit ses autres com-
positions pour la flûte. Cela nous parait probable.
Le margrave de Bayreuth, Frédéric (1711-1763),
éfait, lui aussi, un llûtiste distingué et un protecteur
éclaiié des musiciens, mais il est loin d'avoir atteint,
même musicalement, à la célébrité de son parent.
MentiotiMOiis en passant Dulon (1769-1826), remar-
quable artiste, aveugle, cependant, dès son plus jeune
âge, et J. -Cil. ScHiCKARD, auquel nous devons d'inté-
ressantes sonates. Ce sont les derniers représentants
de l'école allemande au xviii"-' siècle.
Autres écoles. — Nous n'avons pas, à la même
époque, de flûtistes italiens bien remarquables, sauf
peut-être Florio, dont toute la carrière s'est passée
entre Dresde et Londres. Quant aux Anglais, ils ont
surtout brillé dans la première parlie du xix" siècle.
.Nous les retrouverons plus tard. Notons, toulefois,
deux noms célèbres à plus d'autres titres et à des
époques différeiiles : le roi Henry VIII jouait de la
flûte, mais là se borne ce que nous savons de son
talent. El, beaucoup plus tard, Oliver Goldsmith, le
délicieux auteur du Vicaire de \Val;e/ield, fut, parait-
il, un amateur distingué. Un autre amateur a mérité
de passer à la postérité : le général écossais Keid
qui, après avoir combattu en Amérique durant la
guerre de l'Indépendance, se retira à Edimbourg
et laissa foute sa fortune à l'Université pour la créa-
tion d'une chaire de musique. Il a laissé six sonates
pour flûte et basse. On exécute annuellement l'une
d'entre elles au cours d'un concert donné en l'hon-
neur de sa mémoire.
Dix-iienviènie siècle.
École française. — Le premier flûtiste français
qui, dans l'ordre chronologique, se i)iésenfe à notre
attention parmi les virtuoses de la flûte à 8 clefs est
Berbiguier. Né en 1782, à Caderousse (Gard), d'une
excellente famille, se desfinant au barreau, il apprit
en amateur la llûte, le violon et le violoncelle. 11
152D
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
quitta sa ville natale à vingt-trois ans, se fit admettre au
Conservaloire de Paris, prit des leçons de Wunderlich
pour la ilûle et de Berton pour l'harmonie. La grande
levée enmasse de 1813 luifit quitter lamusiquepour
le service militaire. Lieutenant en 18Ui, il démis-
sionna pour reprendre sa carrière de musicien qu il
quitta avec Paris en 1830, après la Révolution de
Juillet. Il mourut en 1838.
Ce qui caractérise ISerbiguier est sa culture intel-
lectuelle supérieure, sans doute, à celle de ses con-
frères d'alors, et qui dut lui servir beaucoup dans le
professorat. On ne trouve aucune trace de son pas-
sage dans un orchestre. Il jouait, par contre, beaucoup
en virtuose, ei avait une grande réputation de pro-
fesseur. En outre, sa production est considérable. De
ses nombreux concertos, sonates, fantaisies, arran-
gements, bien écrits pour l'instrument, mais d'une
faible valeur musicale, il n'est rien resté. Toutefois,
ses Eludes, incorporées dans son excellente Méthode,
sont encore en usage aujourd'hui.
La caractéristique de son jeu était, paraît-il, la
force; tous ses efforts tendant à en acquérir davan-
tage, cela ne laissait pas que de donner à son exécu-
tion quelque rudesse.
TuLOU (né en 1786, à Paris), qui vivait à la même
époque, mais dont la carrière s'est prolongée plus
avant, est, certainement, de tous les llûtistes, celui
dont le nom est resté le plus populaire, tant comme
virtuose que comme compositeur.
Fils d'un musicien (son père était bassoniste a
l'Opéra et professeur au Conservatoire), Tulou entra
au Conservatoire à l'âge de dix ans. A onze ans, il
étudiait la llùte sous la direction de Wunderlich. Son
jeune âge fui la seule cause pour laquelle on ne lui
décerna le premier prix qu'en 1801, mais, dès lors, il
se plaça au premier rang des tlûlistes français.
Après avoir fait partie de plusieurs orchestres (entre
autres celui de l'Opéra Italien), il prit le pupitre de
solisle de l'Opéra en 1813, succédant ainsi à son
maître Wunderlich.
La première représentation de l'opéra de Lebrun,
le Rossignol, en 1816, porta au plus haut degré
l'enthousiasme du public pour Tulou. Cet opéra con-
tient en effet, une très importante partie de flûte qui
convenait spécialement aux qualités du jeune artiste
(sans doute y avait-il mis lui-même un peu la main).
Ce grand succès n'a pas été étranger, certainement,
à la'production de ces nombreux airs où la flûte et le
chant rivalisent de virtuosité, et qui furent si long-
temps à la mode.
Les opinions républicaines de Tulou, le peu de
soin qu'il prenait de les cacher, firent qu'on lui refusa
les postes officiels auxquels son talent lui donnait
droit : celui de membre de la Chapelle royale, au
retour des Bourbons, puis celui de professeur au
Conservatoire à la retraite de Wunderlich, en 1819.
Ces injustices révoltèrent Tulou, qui démissionna de
l'Opéra en 1822, pour se consacrer à la virtuosité
pure. On lui rendit justice plus tard. Il reprit son
poste à l'Opéra en 1826, et fut nommé professeur au
Conservatoire en 1829. Entre temps, Tulou avait
voyagé (notamment à Londres, à diverses reprises).
11 "arda longtemps son poste au Conservatoire,
s'associa entre temps avec Nonon pour la fabrication
des llûtes, n'apportant guère à l'association que
l'immense prestige de son nom. Cette exploitation
lui laissa de fort beaux bénéfices. Il se retira en 1856,
à Nantes, où il mourut en 1863.
On admirait principalement chez Tulou une belle
sonorité, beaucoup de charme et une grande facilité
de mécanisme. Au dire de ceux qui l'ont entendu, il
était sans rival dans l'exécution de la musique un
peu superficielle à la mode de celte époque.
Très démodées à l'heure actuelle, les compositions
de Tulou ne servent plus guère que de morceaux d'é-
tude. On doit, cependant, mettre à part la presque
totalité de ses quinze solos, écrits pour les concours
du Conservatoire, et qui sont véritablement des mo-
dèles du genre. Ils se ressemblent tous, assez fâcheu-
sement. Cinq concertos ont une valeur musicale
supérieure. On ne saurait trop en conseiller l'étude
aux jeunes artistes.
Urouet, né en 1792, à Amsterdam, d'un père réfu-
gié français et d'une mère hollandaise, a longtemps
disputé la suprématie à Tulou. Comme son rival, il
débuta dans la carrière en enfant prodige. S'il fallait
en croire la légende, il aurait exécuté en public, à
l'âge de quatre ans, le S^ concerto de Devienne. Cette
histoire nous parait bien invraisemblable, mais il n'est
pas douteux que Drouet, dont les premières études
avaient été négligées, fut néanmoins de bonne heure
un remarquable virtuose. On note son passage au
Conservatoire de Paris, mais seulement comme élève
de composition, sous Méhul et Reicha.
Nommé, en 1807 ou 1808, flûtiste du roi de Hollande
(Louis, frère de Napoléon), invité par l'Empereur à
jouer à la cour, gratifié de nombreuses faveurs, dont
celle d'être exempté de la conscription, il continua
à jouir des mêmes privilèges sous la Restauration,
fut le professeur du duc de Berry, et fut nommé, en
1815, flûtiste de la Chapelle royale, alors que ce poste
paraissait devoir revenir à Tulou.
11 commença peu de temps après à voyager en
Europe, obtint, en 1817, d'extraordinaires succès à
Londres, y établit, vers 1818, une fabrique de flûtes,
puis, abandonnant cette entreprise, se remit à courir
le monde, coupant ses voyages de séjours plus ou
moins longs dans les pays les plus divers. Mention-
nons simplement les trois années qu'il passa à Naples,
comme directeur de l'Opéra royal, sa réapparition à
Londres en 1829, à Paris en 1832, son engagement
comme maître de chapelle du duc de Saxe-Cobourg-
Gotha en 1840, poste qu'il garda plus de treize ans,
son voyage à New-York en 1854. Il mourut en 1873, à
Berne, où il s'était retiré.
11 apparaît, d'après l'opinion qu'avaient de lui ses
contemporains, que Drouet a dû ses grands succès
plutôt à ses qualités de virtuose proprement dit qu'à
ses mérites purement artistiques. Fétis prétend qu'il
jouait faux et que son style était dénué d'expression
et de majesté, mais il rend hommage à la facilité
avec laquelle il exécutait les passages rapides et dif-
ficiles.
D'autres critiques mettent Drouet au premier rang
des flûtistes de son époque.
Ses compositions pour flûte et piano ou orchestre
sont complètement oubliées, mais il reste de lui une
suite de cent études qu'il est utile de connaître.
Elles abordent à peu prés toutes les difficultés de
la Uùte, et, par la persistance de la difficulté et la
monotonie voulue qui en résulte, sont d'un excellent
travail.
Comme Tulou, Drouet était un irréductible parti-
san de l'ancienne flûte, et joua jusqu'à sa mort la
flûte à 8 clefs.
Un autre partisan distingué de cette école fut
Eugène Walckiers, né en 1793, à Avesnes. Plus pro-
fesseur que virluose, il a laissé quelques composi-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA FLUTE 1521
— WuNDEnucH (1795-1892; 1804-1816).— (iuiLLOu
(1816-1828). — TuLOL'(1829-I8;-;9). — Coche (1831-1841;.
UoRUS (1860-1868). — H. Altés (1868-1893). — Taf-
TANEL (1893-1908). — Hennebains (1908-1914) et,
depuis 1919 (la f;uerre ayant retardé la nomination
d'un professeur titulaire), M. Pliilippe Gaubert.
École allemande. — Il nous faut maintenant revenir
on arrière, et nous reprendrons l'Ecole allemande au
début du xix« siècle. La plupart des tlùtistes qui se
sont distingués en Allemagne sur la flûte à 3 ou
8 clefs, ont vécu à dieval sur deux siècles. Citons
entre autres : Cari Saust (1773-?). — Muller (1767-
1817). — Georg Michel (l77o-182'?). — Georg Bayr
(1773-1833). — Dressler il784-183o), sur la carrière
desquels il serait supertlu de s'étendre davantage.
Un nom célèbre à juste titre nous arrêtera plus
longtemps.
Nous voulons parler de Frédéric Kulhau.
Né le 13 mars 1786, à Uelzen, en Hanovre, de pa-
rents extrêmement pauvres, il apprit la musique de
très bonne heure, d'abord à Brunswick, puis à Ham-
bourg. En dehors de la ilûle, du violon et du piano,
il travailla dans cette dernière ville la composition
sous ScHWENKE. Il s'établit, en 1810, à Copenhague, y
fut engagé comme flûtiste avec le titre de musicien
de la Chambre du roi de Danemark, fit représenter
avec succès plusieurs opéras [Rœvcrborgen, Elisa), et
ne quitta plus le Danemark, où il mourut le 12 mars
1832, peu après l'incendie de sa maison, où il perdit
tous ses manuscrits.
Fort heureusement, il nous reste une large collec-
tion de ses œuvres pour la llùte, et nous pouvons
hardiment placer Kulhau au premier rang des com-
positeurs qui se sont spécialisés dans cet instrument,
il n'y a pas une page de ce mailre qui ne mérite de
prendre place dans la bibliothèque d'un flûtiste, et
l'étude de ses compositions apparaît comme indis-
pensable à tout élève sérieux.
Les plus populaires de ses œuvres sont les duos
pour deux flûtes sans accompagnement, en six séries
(op. 10, 39, 80, 81, 87 et 102).
Il est impossible de tirer un parti plus heureux
d'une semblable combinaison. Les idées y sont le
plus souvent distinguées et très mélodiques, le style
reste d'une parfaite tenue, et rien n'y est sacrifié k
l'etfet. Les trios pour trois flûtes, le quatuor pour
4 flûtes (de même registre) sont un tour de force
d'écriture musicale et resteront les modèles du
genre. Notons aussi les trois solos, les six divertisse-
ments (flûte et piano), et nombre d'autres osuvres
également excellentes.
A.-B. FuRsTENAU, dont le père, Gaspard Fïrstenau,
était lui-même un flûtiste distingué, est aussi un
brillant représentant de l'école allemande. Né en
1792, il se produisit très jeune en public, parcourut
l'Europe durant toute la première partie de sa vie, et
fut considéré par ses compatriotes comme le premier
flûtiste de son temps. De 1820 jusqu'à sa mort, il
résida à Dresde, où il avait été engagé comme premier
flûtiste de la Chapelle royale, sous la direction de
Weber dont il devint rapidement l'ami. Il est regret-
table que cette intimité n'ait point incité le célèbre
compositeur à écrire pour la flûte (à l'exception du
Trio pour flûte, cello et piano). Firstenau lui-même est
l'auteur d'un nombre considérable de compositions,
peu connues aujourd'hui, sauf peut-être ses Etudes
pour flûte seule. 11 mourut à Dresde en 1852, sans
avoir jamais abandonné la flûte de l'ancien système.
96
tions estimées, parmi lesquelles d'excellents duos
pour 2 flûtes. Citons enfin Jules Demersseman, né en
Hollande en 1833 et mort à Paris en 1866. Cet artiste
■distingué, élève de Tulou, était resté, lui aussi, fidèle
à l'ancienne flûte, dont il jouait admirablement. Il
faisait partie des fameux concerts de la rue Cadet;
les succès qu'il y obtenait et son évidente facilité de
«omposition l'engagèrent, sans doute, àcomposer pour
son propre usage des morceaux d'où la musicalité
n'est pas exclue, mais qui ont cependant comme prin-
•cipal but de faire valoir les qualités de l'instrumen-
"tiste. Ses six grands solos de concert (le 6' est proposé
quelquefois encore comme morceau de concours au
•Conservatoire) donnent le mieux la mesure de son
mérite.
D'autres flûtistes, lels que Farrenc (1794-1865),
GuiLLOU (1787-1830), n'abandonnèrent jamais la flûte
à 8 clefs. Plus hardis, Keuusat, Brunot, Camus, Coche
adoptèrent l'invention de Bœhm dès qu'elle fut entrée
dans le domaine pratique. Camus écrivit pour elle une
bonne mélhode et d'excellentes études, et l'on a vu,
d'autre part, avec quelle ardeur Coche se jeta dans la
■mêlée pour introduire la flûte Bœhm en France. Mais
le plus glorieux partisan de l'invention nouvelle fut
certainement Louis Dorus (né à Valenciennes en 1812
et mort à Paris en 1896), dont nous avons déjà eu
l'occasion de parler au sujetde l'invention de la clef
qui porte son nom.
Elève de Guillot au Conservatoire de Paris, où il
obtint le premier prix en 1828, il entra en 1834 à
l'orchestre de l'Opéra, et à celui du Conservatoire en
qualité de flûte solo. Un des premiers, il résolut
■d'abandonner l'ancien système, dès que Bœhm eut
fait connaître son invention à Paris; mais comme il
ne pouvait pas, sans études préalables, se produire
en public sans être sûr de lui-même sur le nouvel
instrument, il travailla en secret la flûte BdCHXi pen-
dant plus de deux ans, ne paraissant sur aucune es-
trade de concert pendant cette période, et gardant
seulement ses emplois d'orchestre où il continuait à
jouer l'ancienne flûte. Quand il se sentit tout à l'ail
maître du nouvel instrument, il parut en public, et ce
fut une telle révélation, que la cause de la nouvelle
flûte fût gagnée. Son invention de la clef de so/;
aplanit l'obstacle qui, peut-être, eût fait échouer la
flûte Bœhm, tant le nouveau doigté pour cette note
révolutionnait les habitudes de tous les artistes.
DoRus prit la succession de Tulou, comme profes-
seur au Conservatoire, en 1860, et il garda ce poste
jusqu'en 186S. Ce fut lui, naturellement, qui intro-
duisit au Conservatoire l'enseignement de la flûte
Bœhu. Peu après sa démission de professeur, il donna
celle de flûtiste à l'Opéra et à la Société des concerts,
et vécut dans la retraite jusqu'en 1896. Frère de la
célèbre cantatrice madame Dobus-Gras, leurs deux
noms furent souvent associés sur les programmes de
concerts. Il a laissé la réputation d'un virtuose admi-
rable; la perfection de son exécution et la pureté de
son style sont encore présents à la mémoire des
vieux abonnés de la Société des concerts.
Il a laissé quelques compositions oubliées aujour-
d'hui et une excellente méthode. Son successeur au
Conservatoire fut Henry Altés (1826-1893), auteur
d'une impoitante méthode. Nous donnons d'ailleurs
ici la liste des professeurs au Conservatoire, depuis
sa fondation, liste que nous empruntons à l'ouvrage
de Constant Pierre :
Devienne (1793-1803). — Schneitzhœfer (1793-
1800). — HuGOT (1793-1803). — Duverger fI79o-1802).
1522
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Mentionnons encore Gaspard Kummer (179d-18.0„
auteur de compositions estimées.
Théobald Bœhm, même s'il n'avait pas révolutionne
l'art de la flCte par l'invention qui porte son nom,
aurait vraisemblablement pris place dans cette par-
tie de notre travail. On sait, en elfet, qu .1 était nn
virtuose distingué, fort apprécie a Munich, et égale-
ment connu comme virtuose dans plusieurs capitales.
Evidemment, dans la seconde partie de sa vie, il
abandonna quelque peu la carrière de virtuose pour
sps recherches d'invenleur.
Les nécessités de sa propagande lui firent écrire des
morceaux combinés de telle sorte qu on ne put réel-
lement les exécuter que sur sa tinte. Ce sont, en gé-
néral d'aimables morceaux fort brillants, dont cer-
tains'(surtout les Variations sur ui, '/'«»^'''^, Sf""
liERT) témoignent d'une réelle musicalité. Il tant
Dlacer au premier rang de ses compositions ses Etu-
des, notamment les 2i Caprices dédiés aux amateurs,
indispensables à tout flûtiste.
La llûte Bœhm avait peu à peu pénétre partout en
Europe. Un seul pays lui restait fermé, ou peu s en
faut • la propre patrie de l'inventeur. Faut-il voir la
les raisons de l'infériorité dans laquelle se sont trou-
vés depuis lors, les Allemands, vis-à-vis de leurs
rivaux français, mais le fait est qu'il n'y a guère de
noms à opposer aux nôtres dans la seconde moitié
du xix' siècle. Nous ne voyons guère que Soussmann,
né à Berlin en 1796, el mort à Sainl-Pétersbourg, ou
il fit toute sa carrière, en 1848, qui mérite une men-
tion particulière, et surtout les frères Dopi-lkr, Franz
et Charles excellents musiciens et virtuoses, origi-
naires de Lamberg (Galicie), et qui se «"^«n»; Ç°""f ''[^
tout d'abord en jouant des duos. Franz (1821-1883)
a laissé de charmantes compositions pour flûte et
piano, restées jusqu'à nos jours au répertoire des
flûtistes.
Le plus remarquable des firitistes compositeurs
d'outre-Rhin de notre époque est un Danois, Joa-
chim Andersen, né à Copenhague en 1847, et mort en
1009. La première partie de sa vie est remplie par sa
carrière de flûtiste. Il fut attaché à plusieurs orches-
tres importants, el visita successivement la Suède, la
Finlande et la Russie, puis l'Allemagne Une sorte de
paralysie, ou tout au moins de « courbature » de la
langue, l'obligea à abandonner la flûte vers 1893, et il
retourna à Copenhague, où il dirigeadivers orchestres.
C'est un des seuls flûtistes de nos jours qui ait gardé
la tradition de la génération précédente de composer
pour la flùle. Sa production est considérable : deux
concertos, un grand nombre de morceaux de con-
cert et un plus grand nombre encore de morceaux
de salon, d'une facture un peu lourde, mais admi-
rablement écrits pour l'instrument, et témoignant de
réelles qualités musicales, mériteraienl déjà de lui
donner une place distinguée parmi les virtuoses
compositeurs. Mais il faut surtout mettre hors de
pair ses Eludes, qui sont de beaucoup ce qu'on peut
trouver de plus remarquable en ce genre depuis de
longues années. Il en existe au moins 7 ou 8 séries
de 24, dans tous les tons, et bàlies sur un plan entiè-
rement nouveau. Elles sont particulièrement utiles
comme préparation aux difliciiltés de la musique
moderne, et toutes ont un intérêt musical indéniable.
École italienne. — Monzam (1762-1839), Sola
(1786-?) furent des virtuoses italiens distingués. Le
plus connu des flûtistes de ce pays fut surtout
Giulio Briccialdi (1818-1881). La plus grande partie
de sa carrière se passa à Londres; il a laissé un
grand nombre de compositions dans le goût super-
ficiel et brillant qui convenait, à cette époque, en
ce pays. L'Angleterre, au xix« siècle, fut pour les
flûtistes un champ d'action unique. Nulle part la
flûle ne fut plus que là 1' « instrument à la mode ».
On nous a conté cette anecdote typique. Vers le milieu
du xixi^ siècle, on voulut former à Oxford un orches-
tre d'amateurs recruté exclusivement parmi les
étudiants des nombreux et aristocratiques collèges
de cette ville. Dès la première réunion, on eut la
stupéfaction de compter plus de cinquante flûtistes,
contre 4 ou 5 violonistes seulement.
École anglaise. — Comme toujours en Angleterre,
les virtuoses d'origine étrangère prenaient le pas
sur les artistes indigènes; nous avons cité leurs noms
au fur et à mesure de notre énumération. Cependant,
on compte de fort distingués flûtistes anglais : le plus
ancien parait être Miller (1731-1807). Viennent en-
suite AsHE (1759-1841) et Gunn (1763-1824). Rudall,
né en 1781, était un très habile flûtiste, mais il mé-
rite surtout d'être cité comme fondateur de l'impor-
tante marque qui porte son nom.
Beaucoup plus populaire est le nom de Nicholson,
né à Liverpool, en 1793.
Très doué pour la virtuosité, cet artiste fit une
carrière extrêmement brillante et fructueuse. Il re-
cherchait.avanttout l'ampleur du son, et voulait ap-
pliquer à la flûte le vibrato du violon, ce qui n'était
pas sans nuire à la qualité du son, et du style. Il a
laissé de nombreuses compositions dans le goût de
son temps.
Richard Carte, propagandiste et fabricant de la
flûte Bœhm, Richardson (1814-1862), Pratten (1824-
1868) termineraient notre liste, si nous ne nous fai-
sions un devoir d'y ajouter le nom de Richard. -S.
RocKSTRO. Ce dernier n'a pas laissé la réputation
d'un grand virtuose, mais celle d'un bon professeur
et d'un érudit. Son ouvrage intitulé The Flute (Rudall
Carte, 1831) est bien certainement le plus impor-
tant qui ait été publié sur ce sujet, et témoigne d'un
efl'ort considérable. Nous y avons trouvé nombre de
renseignements intéressants et précieux.
Époque acincllc.
A l'heure où nous corrigeons les épreuves de cette
étude, il nous parait intéressant de dresser une liste,
forcément incomplète, des flûtistes occcupant dans
leurs pays respectifs des postes officiels. Les histo-
riographes futurs de la llûte nous sauront gré de
cette attention. Pour ne pas surcharger notre travail,
nous nous bornons à cette simple énumération des
virtuoses les plus connus :
Paris. Professeur au Conservatoire : M. Ph. Gadbert.
société des Concerts du Conservatoire : M. Moyse.
Concerts Colonne : O. lÎLANycAKT.
Concerts Lamoureux : J. Bodi.zk.
Concerts I^asdeloup : Crunei.i.k.
Société moderne d'Instruments à Vent : Louis Fledry.
Société des Instruments à Vent : Pli. Gadbi;bt, R. Le Rot
Opéra : J. Iïoulze.
Opéra -Comique : E. PoRTBÉ-Movsrî.
Lomlrfs. Ptiiliirmonic Society : A. Fhansella.
New Queen's Hall orchestra : R. Molchie.
Londnn symphony orchestra : D.-S. Wood.
Hrtt:relli's. l'rof. au Conservatoire : Dr Mont.
Vieiinf. Van Lekr : Opéra et Philharmonique.
Wiener syin]ihonic : Schienfui.d.
Rome. Prof, ii l'Académie Sainle-Cécile : Vesgietti.
Berlin. Soliste à l'Oiiéra : Emil Prill.
TECHNIQUE, EST/1 ÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
.Y<«'-l'»rA. Danirush mcla-slra ; (1. B,>r»i;rb'.
Uostuit. Busloii sj'inphiiiiy orthi'stra : Cl. Laorent'.
Chiciii/o. Thomas urchi'slra : Qcensel.
Cincinnati. Symphony orchestra ; Ary Van Leedwen.
Monle-Cnrlo. Concorts symphoninues : D. Maqoarbe.
L'ART DU FLUTISTE
Ce chapitre n'est pas une méthode, et nous évite-
rons, dans les lignes qui vont suivre, tout ce qui pour-
rait faire doub'e emploi avec les nombreux traités à
l'usage des exécutants. Nous ne pourrions, d'autre
part, passer sous silence quelques principes d'exécu-
tion qui sont le complément indispensable d'un tra-
vail qui ne s'adresse pas uniquement aux flûtistes.
Nous éviterons, toutefois, d'énoncer des principes
générau.'i que tout musicien ou amateur doit con-
naître.
Le son.
Nous plaçons au premier plan des préoccupations
d'un flOitiste la recherche d'une bonne sonorité. On
a vu, au chapitre premier de cette étude, que, de tous
les instruments dits de hois, la flûte est de beaucoup
celui dont le principe de construction est le plus
simple. Entre le tube sonore elle llùtiste, nulle inter-
position. La flûte à bec comporte un sifflet, la cla-
rinette une anche simple, le hautbois et le basson
une anche double. Le flûtiste doit produire les vibra-
tions de la colonne d'air par le moyen de ses seules
lèvres.
La conformation physique du flûtiste joue donc
un rôle important dans son exécution, et il est géné-
ralement admis que certaines formes de lèvres sont
défavorables. La mâchoire inférieure proéminente,
par exemple, est un sérieux obstacle à la production
du son, la direction du souffle ayant tendance à se
produire de bas en haut, ou bien de haut en bas. 11
ne faut toutefois pas s'exagérer ces difficultés. Un
flûtiste dont les lèvres sont ou trop grosses ou trop
minces, rencontrera plus d'obtacles à vaincre qu'un
collègue plus favorisé, mais il devra en triompher
par un travail attentif et régulier.
Ce qui peut se constater facilement, lorsqu'on entend
tour à tour plusieurs flûtistes, c'est que chaque exécu-
tant possède une sonorité qui lui est personnelle. Chose
curieuse, cette personnalité s'affirme généralement
dès le début; un professeur exercé peut, presque à
coup sûr, après quelques semaines d'étude, classer
son élève dans la catégorie des sonorités puissantes
ou délicates. Loin de chercher à uniformiser les
sonorités de ses élèves, il devra plutôt tirer parti de
leurs qualités et même de leurs défauts, transformer
en force ce qui était brutalité, en délicatesse ce qui
était faiblesse, etc.
Il est naturellement impossible d'indiquer avec
exactitude au débutant la position des lèvres par
rapport à l'embouchure. C'est une question de con-
formation physique. Deux défauts sont à craindre :
ou le flûtiste couvre exagérément l'embouchure, et
il lire de son instrument une sonorité faible, voilée,
qui, dès le premier essai de force, éclate en harmo-
niques qui, dans le langage vulgaire, prennentle nom
de couacs; ou il la découvre exagérément, et le son
devient gros, cotonneux, sans vie, avec une perte de
souffle qui se traduit par le mot également vulgaire
LA FLUTE 1523
1. Artistes français.
de bavures; dans les deux cas, la justesse est impos-
sible à atteindre; nous dirons pourquoi au paragra-
phe suivant.
L'émission idéale consisterait à utiliser entièrement
le souflle projeté dans l'embouchure, mais il est à
peu près impossible d'arriver à cette absolue perfec-
tion. Une certaine quantité d'air se perd toujours
durant le passage du souffle. On en fera la remarque
en se plaçant devant un miroir ou une bougie allu-
mée, placés très près de l'embouchure, face à l'exé-
cutant. Le flûtiste qui parviendrait à jouer sans ter-
nir la glace, ou sans faire vaciller la flamme de la
bougie, aurail atteint le ina.rimuin de rendement. Un
tel e.xercice peut servir à l'amélioration de l'émis-
sion.
La recherche du timbre, l'utilisation, dans ce but,
d'un léger, presque imperceptible vibrato, relèvent
bien plus d'un intelligent empirisme que de règles
précises. Il est, d'ailleurs, bien difficile de définir avec
certitude ce qu'il est convenu d'appeler un beau
son. 11 est plus aisé de décrire les défauts à éviter.
La recherche excessive d'une grande puissance de*
son, surtout dans l'octave grave, présente deux dan-
gers : le son devient cuivré et n'a plus de rapports
avec ce qu'il est convenu d'appeler un son de flûte
(ce cuivrement, si je puis me servir de ce terme, est
parfaitement perceptible sur une flûte en bois, et c'est
à tort qu'on a chargé de ce défaut l'utilisation du
métal dans la construction des flûtes). L'autre dan-
ger est que, sous la pression violente des lèvres, ou
le son perd de sa force au lieu d'en gagner, ou il
octavie. Il ne faut pas oublier que le seul moyen
d'obtenir la seconde octave est de serrer les lèvres,
et que la recherche de la force aboutit toujours à utî
resserrement des muscles. On doit donc procéder à
cette étude avec les plus grandes précautions.
Il est toutefois nécessaire d'obtenir un minimum
d'intensité. Un flûtiste dont le son est trop faible
perd toutes chances de se faire entendre dans la
masse de l'orchestre. Mais on n'oubliera pas que le
volume est peu de chose et que le limbre est tout.
La justesse.
Après avoir lu cet article, surtout le premier cha-
pitre, le lecteur n'aura pas la tentation de classer la
flûte dans la catégorie des instruments à son fixe.
Si incroyable que cela puisse paraître, celte opinion
est assez répandue dans le public, et l'on confond
volontiers les clefs d'une flûte avec les touches d'un
piano. On étonnerait beaucoup d'amateurs de musi-
que en leur faisant entendre, sur la même note, par
le moyen du plus ou moins de pression des lèvres et
de l'ouverture plus ou moins grande de l'embou-
chure, une inflexion qui va au moins jusqu'à un 1/4
de ton en chaque sens.
Pour les mauvais exécutants, ceci peut passer pour
un inconvénient; pour les bons, c'est un grand avan-
tage, car ils peuvent, par le seul moyen des lèvres,
arriver à la justesse absolue. Telle que nous l'avons
étudiée, la flûte de Bœhm est à peu près juste, c'est-à-
dire que rien dans sa structure ne s'oppose à l'ob-
tention d'une justesse parfaite. Certaines notes, ce-
pendant, présentent sous ce rapport de légères
défectuosités. Le do»^ (tous les trous étant ouverts)
est généralement trop haut. C'est un avantage dans
le ton de ré, lorsqu'il esl note sensible. C'est un grand
défaut lorsqu'il devient rén. Le ré naturel^ est légè-
rement trop bas. Ceci est connu de tous les flûtistes
1524 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU C.OXSERVATOIRE
exercés, qui, instinctivement, augmentent légèrement
la pression des lèvres loisqu'ils rencontrent cette
note. On comprendra qu'ici, la qualité de bon mu-
sicien est inséparable de celle de bon llûtisle, et que
les lèvres doivent obéir à l'oreille.
La double particularité suivante est à la base de
toute sérieuse étude de la flûte.
A) Les vibrations augmentent sous la plus forte
pression des lèvres et, inversement, diminuent par
leur relâchement.
B) Elles augmentent également lorsque le \\\\-
tiste découvre l'embouchure et, inversement, dimi-
nuent lorsque l'embouchure est rentrée.
Donc, toute augmentation de puissance doit avoir
comme correctif une légère avancée des lèvres sur
l'embouchure, et la diminution d'intensité doit avoir
comme correctif le mouvement contraire.
11 est faux de parier de positions de lèvres spécia-
les à chaque octave. Les lèvres doivent être constam-
ment en mouvement, selon que la ligne musicale
monte ou descend, selon que varie la nuance exigée.
Il existe des doigtés spéciaux, employés dans des
cas déterminés, pour hausser ou baisser certaines
notes, et tout Uùtiste exercé doit les connaître et s'en
servir pour plus de facilité. Mais on peut affirmer
qu'avec le seul secours des lèvres, un bon tlûtiste
doit obtenir une justesse rigoureuse.
La respiration.
Ceci est un point capital dans l'art du flûtiste.
Le flûtiste jouit de cet immense avantage que son
instrument exige rarement une dépense de souffle
dépassant la normale. Le jeu des poumons se fait
avec autant de facilité que dans la pratique de la
conversation. Certains médecins estiment même que
la pratique de la tlùte est bienfaisante aux poumons,
et un praticien américain la préconisait naguère
comme un préventif de la tuberculose!
Sauf en des cas très rares, l'exécution d'un mor-
ceau n'exige du flûtiste aucun effort conduisant à la
fatigue. Mais il est évident qu'à la base de l'art de
respirer, se trouve la bonne utilisation du souffle.
Nous avons traité cette question dans un précédent
paragraphe.
Le Uùtiste doit se convaincre, en premier lieu, que
la respiration n"a pas seulement pour but le renou-
vellement de l'air dans les poumons, mais qu'elle est
aussi un moyen d'expression : le meilleur pour la
mise en valeur des phrases musicales. Quelles que
soient ses nécessités physiques, il ne doit se permet-
tre aucune respiration qui soit en conlradiction avec
le développement de la phrase. Bien mieux, n'aurait-
il nul besoin de respirer, qu'il doit le faire si la ter-
minaison d'une période exige un arrêt quelconque
du son.
On conçoit qu'une bonne tenue est nécessaire au
jeu naturel des poumons. Ceci ressort tout autant de
l'hygiène que de l'art. Toute position du corps com-
primant les poumons est mauvaise. Nous ne nous
étendrons pas davantage là-dessus. On trouve de
plus amples détails sur cette question dans les mé-
thodes de flûte. On peut classer en 3 catégories les
différentes façons de respirer. Ce paragraphe est ins-
piré de la Méthode de Flûte Taffanel-Gaubert, ré-
cemment publiée (Leduc, éd.).
1° Les respirations longues; elles sont employées
dans les pbrases de longue durée ou de grande inten-
gité, et s'obtiennent par la dilatation la plus ample
des poumons. Il est utile de respirerainsi lorsqu'une
pause un peu longue s'offre au cours d'un morceau.
2° L'aspiration moyenne — la plus usuelle — qui
n'exige qu'une admission d'air à peine supérieure à
la normale.
.3° L'aspiration brève, aspiration de renfort, desti-
née soit à combler un léger vide des poumons qntre
deux membres de phrase, soit à souligner la sépara-
tion de deux phrases musicales au cours d'un Irait.
11 est essentiel de proportionner le volume d'air
absorbé à la longueur ou à l'intensifé de la phrase,
sans oublier qu'à intensité égale les sons graves exi-
gent plus de souffle que les sons aigus. En principe,
il est bon d'avoir une bonne quantité d'air en réserve;
l'exagération mènerait à la suffocation, et aurait pour
danger de précipiter l'expiration au détriment de
l'égalité du souffle.
Bref, il convient de retenir de ce qui précède que
la respiration est non seulement à la base de la pro-
duction du son, mais qu'elle est également un élé-
ment indispensable du style.
Mécanisme-
Un bon mécanisme est indispensable au flûtiste. Il
n'est pas d'instrument auquel on demande plus de
virtuosité. Traits rapides, cadences, fusées, etc., la
flûte est considérée parles compositeurs comme apte
à tout faire, et la musique de tous les temps et de
foutes les écoles regorge de difflculfés techniques
qu'un bon flûtiste doit pouvoir surmonter.
La pratique quotidienne des gammes, arpèges,
intervalles, généralement réunis sous le vocable
d'exercices journaliers, est indispensable. On pla-
cera le souci de l'égalité avant celui de la vitesse, et
on n'oubliera pas que toute pratique du mécanisme
qui néglige la qualité du son est funeste.
A ces exercices doivent s'ajouter les études — dont
la littérature de flûte foisonne — qui apportent un
peu de variété à l'étude aride du mécanisme et parcou-
rent un nouveau champ de difflcultés. Certaines de
ces études (dontcelles de Bœum etde Drouet sont les
prototypes) traitent des difflcultés courantes de la
flûte. D'autres (celles d'ANDERSEN, par exemple) sont
plus tourmentées, modulent sans cesse et présentent
au flûtiste des difflcultés plus rarement rencontrées.
Il sera bon de les travailler conjointement, ou de les
faire alterner; on évitera de s'obstiner durant de
longues périodes sur l'un des deux genres d'études.
Slyle.
Nous ne nous étendrons pas sur ce sujet, qui nous
entraînerait trop loin et nous ferait dépasser les
bornes assignées à cet article. Il prêterait, d'ailleurs,
à des considérations qui ne sont pas spéciales à la
flûte. Nous ferons observer toutefois que la flûte est un ♦
instrument à ressources limitées, que l'écbelle de sa
sonorité est restreinte, et que certains effets ou l'ex-
pression de certains sentiments devraient lui être
interdits. La décadence artistique de la flûte a com-
mencé au début du ïix' siècle, lorsque les virtuoses
de cette époque ont voulu aborder le style pompeux,
les grandes envolées et les grands éclats. Cette école,
qui débuta avec Tulou et aboutit à I^emersseman, nous
a valu un nombre incalculable de grands concertos
et de solos brillants. Comme, là-dessus, s'est greffe
le goût des fantaisies à variations et des pots-pourris
sur les opéras, la musique de flûte n'a plus été qu'un
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA FLUTE 1525
prétexte à vains tuilulutus et à elTels de mauvais
goût. Une heureuse réaction s'est produite en ce
dernier tiers de siècle, sous l'influence d'artistes
parmi lesquels Paul Taffanel a occupé la première
place. Il est à reniaïquer, d'ailleurs, que ce change-
ment s'est produit dès (|ue les instrumentistes — du
moins en France — ont renoncé à écrire pour leur
instrument.
Cette renonciation a coïncidé avec un retour de
curiosité pour la musique du xvni' siècle, où la flûte
était employée avec plus de tact et de discrétion. Il
en est résulté un retour à un style plus sohre. C'est,
en eli'et, l'extrome sobriété du style que nous nous
permettrons de préconiser. Il nous parait, qu'avec
une technique solide et une sonorité riche et variée,
l'exacte observance des désirs de l'auteur conduit à
l'interprétation idéale, celle qui met l'instrument au
service do la musique, et non pas la musique ;'i celui
du virtuose. Mais il est évident que ces principes
exigent plus d'art et de science, de la part de l'instru-
mentiste, qu'une fantaisie désordonnée.
LA BIBLIOTHÈQUE DU FLUTISTE
Un catalogue dressé par le professeur Phill, de
Berlin, il y a quelque trente ans, sorte de compilation
des catalogues et prospectus d'éditeurs, prétendait
offrir à l'amateur tlùtisle le relevé complet de ce qui
existait comme musique de llùte, et ceci aboutissait
à une liste d'environ ~ LiOû morceaux. Cet intéressant
travail péchait par quelques omissions regrettables, et
surtout par un excès de richesses, car la plupart des
œuvres mentionnées ne méritent aucune attention. Il
est plus malaisé de dresser une liste des œuvres in-
dispensables que tout flûtiste doit posséder.
Nous essaierons de le faire, en nous en tenant au
strict nécessaire.
Méthodes : Taffanel-Gadbert (méthode avanl toul ctcslinéi'
aux études supérieures).
Devienne (pour les débutants). Mentionnons les méthodes
Altés, Ivoelher, Prill, Bro"K.
£tudes : IS Exercices de Berbiguier.
54 Eludes de Drocet.
100 Etudes de Drocet-Taffanel.
Si Caprices (dédiés aux amateurs) de Bœhm.
U Eludes de HœHM.
6 Grandes Eludes de Camds.
55 Etudes (Extraites de la Méthode) de Sodssman.
Toutes les Etudes (Op. 15, 21, 30, 33, 37,41, 60, 63) d'AN-
BSSSEN.
li Etudes (avec ace. de piano) de Pierre Cames.
Etudes et Ejcrciees tcchinfjnes. de Moyse.
Morceaux d'Etude pour flûte et piano : Qu<lle3 que
soient nos préférences musicales, nous ne pouvons iiéi^li^er les
œuvres de fliitisles dont l'étude peut être très profitable à l'élève,
sans qu'il songe plus tard à les exécuter en public. Cette observa-
tion ne s'applique pas à Fr. Ivulhau, dont toutes les œuvres
méritent d'être jouées. I^es trois solos (op. 57) sont à la base do
l'enseignement de la tlùte.
Tdlod. Sotos (principalement le 5«, le 7° et le 13^). Concertos.
LiNDPAiNTNER. Coticerto pathétique,
Demersseman. Solos (principalement le 2« et le 6").
Th. Bœhm. Trois airs variés (principalement les Yariatioiis sur
une Valse de Schubert).
Andersen. Concerstuck (op. 3).
— Fantaisie caractéristique (op. 16).
— Ballade et danse des sylphes (op. 5).
Langer. Concerto en snl mineur.
Classiques pour flûte et piano : J.-S. Bach, e sonates.
G.-F. Haendel. 7 sonates.
Hatdn. Sonate en sol tiiaj. '
Blavet (Michel). 6 sonates (principalement les n"' 1 et 4).
B. Marcello. 4 sonates.
Hdmmel. Sonate en la majeur.
Mozart. Concerto en rc majeur (piano réduction d'orcheslre).
— Concerto en sol majeur (piano réduction d'orchestre).
— .\ndante en ut majeur (piano réduction d'orchestre).
Schdbert. Introduction et variations .
Qdantz (J.). Sonates.
— Concerto en sol majeur.
Mattheson. Sonates.
J. Stanley. Sonate.
J.-B. LiEiLLET. Sonates.
Classiques pour flûte et instruments divers :
J.-S. ItAcn. Suilc en si mineur (lli'ite et cordes).
— Sonate en sol majeur (flûte, violon, piano).
— Sonate en ul mineur (fliite, violon, piano).
— Sonate en sol maj. (2 flûtes et piano).
— Concertos brandehottrgeois (2, 5).
— Concerto à 2 /lûtes et violon.
— Concerto en la minear (flùLe, violon, cembalo).
Ct.-F. Haendel. Sonate en ut mineur (flûte, violon, piano).
HAvnN. Trios (flûte, violoncello et piano).
J.-Ph. Rameau. Pièces en concert (flûte, viole de gambe, piano).
Gluck. Scène des Champs-Elysées {Orphée) (flûte et cordes).
Mozart. Quatuors en ré et en la (flûte et cordes).
Beigthoven. Sérénade {i\ntG, violon et alto).
Weber. Trioinùla. violoncelle et piano.
Œuvres modernes pour lesquelles nous avons adopté
le classement alphabétique : Albert iL.). introduction el
Alletiro. Madrii/al (flûte et piano).
Benoît (Peter), l'ocmc sijnijihonique (flûte et piano, ou orchestre^
Berlioz. DirertisscmenI des Jeunes Ismaélites ^^ flûtes et harpe).
Bordes (Ch.). Suite Basque (flûte et quatuor k cordes).
Bréville (P. de). Une l'iùle dans les Verriers (flùle et piano).
BiJssER (H.). Prélude el S'her:.o (flûte et piano).
Camds (Pierre). Chanson et badinerie (flûte et piano).
Cait-et (a). Rêverie, Petite valse (dùto H piano).
Casella (a.). Barcarolle et scherzo (flûte et piano).
— Siciliuno e burlesca (flûte et piano).
Ghamlnade. Concertino ^flûte el i)iaLo).
CiEDi-.s MoNi;iN. S«i'/c (flûte et piano).
DuvERNOY. Concertino (flûte et piano).
DoppLER (Fr.). Fantaisie Pastorale Hongroise. Airs Valaqnes.
Debussy. Sonale (flûte, alto et harpe).
Dresden CSem). Sonale (flûte et harpe).
Enesco. Cantabile el Presto (flûte et piano).
Fadhb (g.). Fantaisie (flûte et piano).
P. O. Ferrood. Trait Pièces (flûte seule).
Gaubert (Ph.). yocturne et Allegro scherzando (flûte et piano).
— I'« sonate (flûte et piano).
— 50 sonate (flûte et piano).
— Fantaisie (flùle et piano).
— Romance, Madrigal, etc. (flûte et piano).
German (Kd.l. .S«i/p (flûle et piano).
Godard (Benjamin). 5u!(e (flûte el piano'i.
Gallon (Noôl). Suite (flûte et piano).
Hahn (Raynaldo). Variations sur un thème de Mozart (fl. et piano).
Halphen (F.). Sicilienne (flûte et piano).
— A'»iV (flûte et piano).
Henschel (O.). Thème et Variations (flûte et piano).
HcE (Georges). Nocturne (flùle et orchestre ou piano).
— Gigue (flûte et piano).
— Fantaisie (flûte et piano).
Inbhelbrecht (D.). Esquisses Antiques (fl. el piano ou harpe).
Ibert (Jacques). Jeu.r. (flûte et piano).
JoNuEN (.Joseph). Sonate (flûte et piano).
iiEMPLER. Capriccio (flûte et piano),
Kelly (F. -S.). Sérénade (flûte el orchestre ou piano).
Kœculin (Ch.). Sonate (deux flûtes).
— Sonate (flûte et piano).
Lerocx (X.). Deu.t Romances (flûte et piano).
Lhfebvre (Ch.). Ueuj- Pièces (flûte el piano).
Mel-Bonis. Sonate (flûte et piano).
Mohead (Léon). Dans la Foret Enchantée (flûte et piano).
MiLHAOD (Darius). Sonatine (flûte et piano).
MocauET (Jules). La Flùle de Pan (sonale) (flûte et piano).
— Ei/ioguc (flûte el piano).
Pebilhou. Ballade (flûte et piano).
PiLLois (J.). Bucoliques (flûte et piano).
Reinecke (Cari). Sonate [Undiiie) (flûte el pianol.
Rabaud. Andante et scherzo (flûte, violon, piano).
RonssEL (Albert). Joueurs de flùle (flûte el piano).
Saint-Saens. Romance en ré bémol (flûte et piano).
— Airs de ballet d'Ascanio (flûte el piano).
ScHMiTT (Florent). Scherzo Pastoral (flûte et piano).
Scott (Cyril.) Scotch Pastoral (flûte el piano).
Taffanbl (P.). Andante Pastoral el scherzo (tinte et piano).
TovF.Y (D. F.). Variations sur un Thème de Gluck (flûte et quatno»
à cordes). 1
WiDOR (Ch.-M.). Suite.
Woollett (H.). Sonate (flûte el piano).
1526
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONSAIRE DU CONSERVATOIRE
PAUL TAFFANEL
Paul Faffanel, que l'on peut considérer comme le
plus grand tlùtiste de son lemps, et dont l'influence
sur l'école de (lùte durant toute la fin du xix' siècle
a été considérable et se fait encore sentir aujourd'hui,
est né à Bordeaux en 1844. Son père était un assez
bon musicien et jouait lui-même la llùle et le basson.
Kn 1860, le jeune ïaffanel entrait dans la classe de
UoRus, qui venait de prendre celte année-là la suc-
cession de TuLOL'. Oès la première année, Taffanel
obtenait un brillant premier prix et entrait presque
immédiatement à l'orchestre de l'Opéra-Comique,
qu'il devait quitter bientôt pour celui de l'Opéra.
En 1864, il devenait soliste de ce théâtre, et ne devait
quitter son poste, vingt-neuf ans plus lard, que pour
assumer les fonctions de premier chef d'orchestre.
-Malgré cette lourde charge, le jeune musicien n'avait
pas abandonné ses études, et il obtenait, en 1862 et
1863, les premiers prix d'harmonie, de contrepoint
et de fugue.
Entre temps, il avait fait partie de l'orchestre des
Concerts Pasdeloup, qu'il devait quitter bientôt pour
la Société des Concerts du Conservatoire, dont il de-
"vint bientôt soliste.
En 1872, Taffanel avait fondé avec Armkngai'd et
Jacquard une Société de musique de chambre pour
double quintetle à cordes et à vent. Mais, voulant
donner une impulsion plus forte à la musique pour
instruments à vent seuls, il fonda, en 1879, cette
célèbre Société de Musique de chambre pour Instru-
ments à vent qui a joui, durant vingt-quatre ans,
d'une célébrité européenne. Cette société a été dis-
soute en 189.'!, lorsque Taffa,nel, abandonnant son
activité de virtuose, prit la direclion simultanée de
l'orchestre de la Société des Concerts et de celui de
l'Opéra. Par la suite, quelques artistes reprirent le
même titre et se réclamèrent de son patronage pour
fonderune Société similaire, mais il convient de noter
ici que la longue interruption entre la dissolution de
la première et la fondation de la seconde, à quoi s'a-
joute le renouvellement presque total du personnel
exécutant, nous permet de considérer la véritable
Société Taffanel comme ayant terminé son existence
en 1893.
Cette même année 1893, le professeur de lliUe Altés
ayant été atteint par la limite d'âge, Taffanel prenait
>la direction de la classe de tliHe au Conservatoire. Le
■hasard lui avait fait attendre trop longtemps la prise
de possession d'un poste qu'il devait occuper brillam-
ment jusqu'à sa mort. Il donna d'emblée à sa classe
une impulsion remarquable, et l'on peut dire que son
-arrivée dans cette maison a conféré à renseignement de
'la llûle un éclat inouï. Il a tenu avec éclat le pupitre
•de premier chef d'orchestre à l'Opéra, de 1893 à 1906,
■et celui de premier chef de la Société des Concerts,
de 1893 à 1901.
Malgré les nombreuses obligations qui le retenaient
à Paris, Taffanel a beaucoup voyagé, tant comme
•directeur de sa Société d'Instruments à vent que
comme soliste virtuose. A cet égard, il a joui d'un
I prestige ignoré avant lui. Les virtuoses flûtistes de
la première moitié du xn" siècle avaient, il est vrai,
connu de grands succès. Il serait puéril de nier, par
-exemple, l'éclat de la renommée d'un Drouet, pour
ne citer que celui-là; mais c'est à Taffanel que re-
vient l'honneur d'avoir assaini le répertoire des vir-
tuoses llùtistes, et d'avoir, non pas remis, mais mis en
hoimeurd'admirables chefs-d'œuvre, que l'incroyable
manque de goût de ses prédécesseurs avait laissés
dans la nuit. Les sonates de Bach, les concertos de
Mozart, el, en général, tout ce qui constitue la
richesse du répertoire de la flûte, étaient à peu prés
inconnus avant que Taffanel les mit en lumière.
L'immense prestige qui s'attachait à son nom lui
permit de rompre enfin la sorte d'interdit qui pesait
sur la llùte en tant qu'instrument soliste. Taffanel
s'est fait entendre comme soliste dans toutes les
capitales de l'Europe, et à l'heure où nous écrivons
ces lignes, c'est-à-dire à trente-deux ans de distance,
son souvenir n'est pas effacé.
Les multiples occupations que lui donnait sa car-
rière d'exécutant n'ont pas permis à Taffanel d'é-
crire autant qu'il eût sans doute désiré le faire. Il a
laissé d'innombrables transcriptions qui ont rendu à
la cause de la vraie musique des services insoupçon-
nés, car le répertoire des amateurs était jusque-là
d'une indigence regrettable. On connaît de lui quel-
ques/'an^iisies brillantes sur des airs d'opéras datant
de sa jeunesse, auxquelles il n'attachait pas d'impor-
tance. On lui doit, en outre, un excellent Quintette
pour instruments à vent; une Sirilicnne- Etude, et
un morceau écrit pour les concours publics du Con-
servatoire : Andante pastoral et Allegretto scher-
zando. Ce bagage est mince en regard de ce qu'on
pouvait espérerd'un tel musicien. Peut-être un scru-
pule exagéré a-t-il retenu Taffanel, que la fréquen-
tation quotidienne des chefs-d'œuvre rendait trop
difficile pour ses propres productions.
Ce qu'on lui doit, c'est d'avoir provoqué l'éclosion
d'un nombre considérable d'œuvres pour la flûte et
pour les instruments à vent. On peut dire sans exa-
gération qu'à de rares exceptions près, toute la musi-
que de quelque valeur, écrite entre 1870 et 189b pour
l'une ou l'autre de ces combinaisons, a été composée
à son intention. Les dédicaces en font foi. Ces com-
positions portent, pour la plupart, comme un reflet
de son style, et c'est fort heureux, car ses prédéces-
seurs immédiats, si l'on en excepte son maître Dorus,
avaient donné à la flùle un caractère bien fait pour
éloigner de cet instrument les véritables musiciens.
L'art de Taffanel était essentiellement élégant, souple
et sensible, et sa prodigieuse virtuosité se faisait aussi
peu apparente que possible. Il détestait l'emphase,
piofessait le respect absolu des textes, et la souplesse
lluide de son jeu cachait une extrême rigueur dans
l'observance de la mesure et des valeurs. 11 avait con-
sacré un temps considérable à l'étude des problèmes
de l'acoustique et de l'émission du son. Sa sonorité
pleine de charme était cependant très ample. Les
quelques conseils de technique qui forment la der-
nière partie de cet article ne sont pas seulement le
résumé de son enseignement, lis visent à diriger l'é-
tudiant flûtiste dans la voie exacte qu'avait suivie
Paul Taffanel pour son propre compte.
Il est mort à la suite d'une longue et cruelle mala-
die, en décembre 1908. Il était officier de la Légion
d'honneur, titulaire de plusieurs ordres étrangers et
membre de l'Académie de Musique de Suéde. Cette
notice ne serait pas complète si nous ne disions qu'il
élait le plus droit et le plus bienveillant des hommes,
et qu'il a laissé chez ses collègues et surtout chez ses
élèves le souvenir le plus profond.
Louis FLEURY.
HAUTBOIS
Par M. BLEUZET
DE LA SOCIKTt; DES CONXERTS DO CONSERVATOIRE
Le hautbois est un instiumenl ù vent et à anche.
11 se compose d'un tuyau en bois et d'une anche
double.
Le tuyau est en quelque sorte le moule de la co-
lonne d'air; c'est sur lui que se percent les trous et
se posent les clés. Sa perce est conique, et le bas du
tube s'évase et prend à peu prés la forme d'un enton-
noir : c'est ce que l'on nomme le pavillon.
L'anche se compose de deux languettes de roseau
très minces, placées horizontalement et montées sur
un petit tube de métal de forme conique. La partie
étroite de ce petit tube reçoit les deux languettes de
roseau et la partie large s'emboîte dans l'instrument.
ORIGINE ET HISTOIRE DU HAUTBOIS
Le hautbois, c'est-à-dire l'instrument dont la co-
lonne d'air est mise en vibration par l'anche à double
languette, est un des plus anciens instruments à vent.
Les (irecs le classaient dans la catégorie des auloi.
Auloi était le terme dont ils se servaient pour dé-
signer les instruments ù vent (sauf les cors et trom-
pettes) qu'ils employaient dans leurs exécutions mu-
sicales.
Les Homains se servaient, pour désigner la même
classe d'instruments, du mot tibiœ.
Ordinairement, les écrivains occidentaux traduisent aiilas, et
son équivalent tilii^ par le mot /liUe, on entendant par là notre
flûte à bec. Mais c'est là une désignation vicieuse, k la faveur de
laquelle se sont perpétuées les idées les plus erronées sur le carac-
lére et le timbre des instruments à vent employés dans l'anli-
quité...
écrit Gevaeut'.
Les anciens ont bien su, en effet, indiquer dans
leurs écrits deux familles, deux sortes d'instruments :
des auloi, selon l'acception étroite du mol, et des
syringes, ou syrinx [fistulœ).
Homère- mentionne les deux sortes d'instruments :
Lorsque Agamemnon se représente le camp ennemi, il est
frappé du grand nombre de feux qui brûlent devant Troie, du
bruit des syriiigcs et des auloi, et des cris tumultueux des guer-
riers.
Hérodote également :
Quand Alyatte, roi de Lydie, fit la guerre aux Mélisiens, il
conduisit sur le territoire son armée, laquelle cnira dans le pays
an son des sijriiiges, des pectis, de Vniilos féminin et de l'aido.s
masculin'.
i. Histoire et Théorie de la Musique antique.
2. Iliade, chant X.
3. Hérodote : 1. I, § 17.
L'auecdole suivante, relative à Midas D'AGRiGErjTË :
Pendant qu'il était occupé à exécuter le morceau de concours,
son anche vint à se casser dans sa bouche et alla s'attacher au
lialais ; le viituose se mit alors en devoir d'emboucher l'instru-
ment au moyen de ses seuls tuyaux comme une sijriuge. Les au-
diteurs étonnés prirent plaisir à ce genre de sonorité, et Midas
obtint le premier prix ',
que cite Gevaert, marque bien aussi la distinction
entre la (lùte (syringe) et l'aulos.
Plutarque, dans son Dialogue de la Musique, ne
laisse aucun doute non plus :
TÉLÉPHASE DE Megare avatt tant d'aversion pour l'usage des
anches, qu'il ne permit jamais aux facteurs de tlùtes d'eu appli-
quer sur ses instruments ; et ce fut la principale raison qui 1 em-
pêcha de disputer le prix en ce genre aux jeux Pythiques '.
Pollux est plus précis encore :
Les instruments à vent sont, quant à l'espèce, des iiuloi ou des
syriitgex... Les parties des nttlni sont : l'anche, les trous, les
tuyaux, l'holmos et l'hypolmion*.
La légende attribue l'invenlion des auloi à Hyagnis,
roi de Lydie vers l'an 1506 avant l'ère chrétienne;
son fils Marsyas aurait été son disciple, et c'est lui
qui aurait transmis cet art à Olympe l'Ancien. Pau-
saniasdit que c'est Ardale de Trézène (ville du Pélo-
ponèse), fils de Vulcain.
Piudare, dans sa dernière Ode Pythique, estime
que c'est Pallas, et qu'elle fabriqua la tibia pour imi-
ter les gémissements des sœurs de Méduse après que
Persée eut coupé la tête à cette dernière.
4. Sohot : Pinil. in Pylh., XII.
.'j. En commentnnt ce passage dans ses Jiemargues, Burf-tte écrit
« Xylander et Amyot ont bien conçu qu'il s'agissait ici de deui instru;
inents et d'en iippliquer l'un sur l'autre, et ils ont traduit conformé,
ment .1 cette idée, avec celle ditVércoce qu'Amyot rend ici par le mot
hautbois ajXô;, traduis.int celui-ci dans tout le reste du Dialogue
par le mot (lûtes...
" -^'-'P-'.'i est un clialumeau, instrument à venl, analogue .'i ce que
nous appelons t'anche d'un hautbois d'un tuyau d'orgue, et a'jX6ç
est ici une (hite à bec. .Si l'on retranche le bec à une lliitç, et qu'en la
place on y adapte une ancho, on fera un hautbois, dont le son, moins-
doux que celui de la liûte. ressemble à celui du chalumeau, s
Plutarque veut donc dire que T^lh-hane avait tellement pris en
aversion les chalumeaui qu'il ne permit jamais que les facteurs d«
ilûtes (c'est-à-dire de toutes sortes d'instruments à vent) appliquassent
des anches aui tlùtes «{u'ils fabriquaient pour son usage, et fissent de
celles. ci des hautbois ; c'est-à-dire quit ne voulut jamais jouer que d«
la flûte douce et qu'il s'abstint de paraître aux jeux Pythiques, oii
sans doute les flûtes transformées en hautbois avaient prévalu.
Les flûtes employées dans ces jeux s'appelaient (selon Pollux) /lûtes
parfaites, parce qu'apparemment elles étaient plus travaillées, plus
I)arfailes que les autres.
6. Pollux ; I. IV, section CT.
1528
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
, Ovide prétend que c'est Minerve.
Mais, selon Plularque, l'invention de la tibia doit
être attribuée à Apollon :
c'est lui en effet qui a inventé, non seulement la cilharc, mais
encore la liliia, dont quelques-uns mal à propos font honneur a
l'un des trois musiciens, Marsyas, Olympe, Hyagnis. Une preuve
de ce que j'avance, c'est que toutes les danses et tous les sacri-
tices qui composent le culte de celte divinité, se font au son des
tibîn'f comme divers auteurs le témoignent, Alcée entre autres, ■
dans quelques-unes de ses Hymnes. De plus, la statue d'ApoLLOx
à Delos empoigne un arc de la main droite, de la gauche porte trois
Grâces, chacune desquelles tient un instrument de musique :
celle-ci une lyre, celle-là un anlos, et celle du milieu une syruige
qu'elle embouche... D'autres assurent qu'ApoLLON lui-même jouail
de l'auloi, et c'est l'opinion d'Alcman, excellent poète lyrique'.
Nous pensons que l'origine de Vaulos ou tibia est
plus simple et qu'elle doit être plutôt attribuée au
hasard.
On sait à quel point nos ancêtres alTectionnaient la
vie champêtre. Aussi, n'est-il pas naturel de penser
qu'en soufflant dans un roseau, soit pour le débou-
cher, ou même simplement par désœuvrement, un
pasteur, un pâtre, en ait fait sortir un son?
Si Hyagnis n'est pas l'inventeur de la tibia. Apulée
dit que, du moins, il doit être considéré comme l'in-
venteur d'une nouvelle espèce de tibia, libia à plu-
sieurs trous, ainsi que de l'art de jouer de cette tibia
en la doigtant : « choses qui, avant lui, étaient res-
tées ignorées. » ^^
Les anciens employèrent toutes sortes de matières
pour la fabrication de leurs aiiloi ou libia'.
Les uns les lirent en roseau, d'autres en sureau
dont on retirait la moelle; chez les Egyptiens les
aiiloi à plusieurs trous étaient faits avec des tiges
d'orge; les Alexandrins les firent avec le lotus; les
Thébains avec des os de mulets ou de chevreaux;
Callimaque dit que Minerve fut la première qui en
fit avec l'os libia de la jambe d'un jeune cerf en le
perça^U de plusieurs trous; les Scythes employèrent
des ossements d'aigles ou de vautours. Les tibix re-
trouvées dans les fouilles de Pompéï sont en ivoire.
Les Phrygiens, les premiers, les creusèreni dans du
buis et les appelèrent herecynl.he.
S'd faut en croire Pausanias et Athénée, 600 ans
environ avant notre ère chrétienne, la fabrication des
mdoi était encore des plus élémentaires. Pendant
longtemps les auloi n'eurent que quatre trous; puis,
on en fit percés de trous ovales. Ensuite, on confec-^
tionna des boutons ou chevilles qu'on introduisait
dans les trous dont l'exécutant n'avait pas besoin
momentanément. Ces chevilles furentd'abord pleines,
puis trouées, probablement pour permettre l'usage
des derni-lons ou même des quarts de ton, puisque
l'on prétend que les anciens Grecs connaissaient le
quart de ton.
Promonos de Thèses imagina un autre procédé :
dans une tibia percée de beaucoup de trous (tibia
muUifora) et au moyen de douilles ou viroles en métal
munies chacune d'un trou s'adaptant à celui qui était
percé dans le tuyau, on pouvait, sans changer d'ins-
trument, exécuter dans une seule octave tous les
demi-tons que comportaient les mélodies en usage
à cette époque chez les aulètes hellènes. Selon la
position de la douille, le trou était ouvert ou fermé,
et l'exécutant, comme avec les chevilles pleines ou
1. Plularque : Dialogue sur la Afusiguc.
trouées, pouvait supprimer les trous dont il n'avait
pas besoin.
Le roseau que l'on employait pour la fabrication
des tuyaux des auloi n'était pas le même que celui'
qui servait pour faire les anches.
Théophraste dit que, environ 400 ans avant noire-
ère chrétienne, le roseau que l'on employait pour
les anches se coupait vers le milieu de septembre,
alors que Von jouait sans ornements. Le roseau coupé-
à cette époque ne devait être utilisé que plusieurs
années plus tard. « Il fallait le jouer longtemps avant
de pouvoir s'en servir, » — les languettes se con-
tractant beaucoup, — « ce qui était utile pour le jeU'
ordinaire. »
Plus tard (environ 300 ans avant J.-C). la date de
la coupe eut lieu au mois de juin ou en plein été.
On laissait encore reposer le roseau trois années^
avant de s'en servir, mais alors il n'était plus besoin
de travailler longtemps les anches, car le roseau se
prêtait aux entre-biiillenienls nécessaires, pour jouer des^
morceaux de virtuositc. Les anches pouvaient s'enle-
ver à volonté. Elles étaient alors placées dans une
boite ad hoc pour être préservées de toute détério-
ration :
11 faut aussi que les anches des auloi soient compactes, lisses
et uniformes, afin que, grâce à. elles, le souffle qui les pénètre soit
de même doux, uniforme et sans intermittence,
écrit Aristote-, et il ajoute que les anches (zeiigés)
humectées et imbibées de salive ont un son plus
moelleux, tandis que, sèches, elles donnent un mau-
vais son.
C'est également Aristote qui prétend que l'on pince
les anches avec les lèvres :
Quand les anches sont étroitement unies, le son devient dur
et plus éclatant lorsqu'on les pince davantage des lèvres.
Nous pensons que, très souvent, les anciens aulètes-
devaient, au contraire, enfoncer complètement l'an-
che dans la bouche, comme le font encore de nos
jours les Arabes et les Orientaux.
Cette façon de jouer donne un son extrêmement
brutal, ce qui expliquerait les termes retentissant,
lugubre, horrible qu'employaient fréquemment les
écrivains anciens en parlant du timbre des auloi.
L'invention du phorbéia^, invention que l'on attri-
bue a JVLvRSYAS, vient encore à l'appui de notre façon
de penser. En enfonçant complètement l'anche dans
la bouche, les lèvres n'ont aucun point d'appui, les
joues se gonflent (de là, sans doute, les expressions :
avoir les joues jileines, grosses, enflées, saillantes, pro-
tubérantes, remplies de vent; avoir les yeux écarquillds,
farouches, injectés de sang), et le visage est vraiment
disgracieux à voir. Or on louait un aulèle en par-
lant de l'absence de grimaces. C'est probablement
pour éviter ces grimaces et le gonflement des joues
que l'on invenlule phorbéia.
Pourtant, on trouve aussi les expressions suivan-
tes : soufflant bien; ayant un son mâle, nerveux, fort,
juste, retentissant, saisissant, suave; ayant une émis-
sion douce, plaintive, gracieuse, séductrice, le son
plein et continu, etc., appliquées aux aulètes*. Nous
pensons que les termes : émission douce, plaintive,
gracieuse devaient surtout s'appliquer aux auloi d&
2. Gevaert : Histoire et théorie de la musique antique.
3. Le/^/(0r6eiaétait une sorte de peau que les aulètes se mettaient sur
la figure. Cette peau serrait les joues et passait sur les lèvres en lais-
sant un espaee suffisant pour pouvoii- introduire l'embouchure.
i. On vantait l'aijilitr, la drxti-rité, la facilité de la main, de la
tangue et de la bouclie des aulètes.
TECIINIQVE. ESTHÉTIQUE ET PEDAGOdlE
HAUTBOIS 15-29
l'espèce des syritiges, et si les aulètes onl bien joué
de Vaulos proprement dit en serrant les anches avec
les lèvres, c'est à partir de l'époque où, le roseau
étant coupé en juin, les anches se prêtaient ttii.r
entre-bdillfments nécessaires pour jouer des morceaux
de virtuosilt'.
Nous avons vu qu'Hérodote mentionne deux espè-
ces d'aiilot : les auloi féminins et les auloi masculins-
Aristoxènk divise les auloi féminins en auloi par-
théniens, enfantins et citharislériens, et les auloi
masculins en auloi parfaits et plus que parfaits.
Certains auteurs disent que les auloi à anche dou-
ble de la famille des hautbois devaient être compris
dans la catégorie des auloi féminins et se nommaient :
gingras, aulos funèbre des Phrygiens, tibia clwrica des
Romains, aulos embalerios et aulos dacliiikos.
Nous appuyant sur l'extrait du Dialogue de Plu-
tarque et les Remarques de Rurette, d'un autre côté,
sur l'anecdote de Midas d'AcRioENTE, nous pensons
que les auloi à anche double devaient également
faire partie des auloi masculins.
N'avons-nous pas vu que Téléphank de Mégare
s'abstint de paraître aux jeux Pythiques parce qu'il
ne permit jamais aux l'abricanls de transformer sa
syringe en autos?
L'anecdote de Midas peut très bien s'appliquer à
Vaulos à anche double, car l'anche devait être bien
petite pour pouvoir ainsi se cacher dans la bouche,
tout en permettant à l'exécutant de continuer à
soufller; et il nous paiait certain que cette anche
devait avoir la même dimension que celles des haut-
bois chinois et hindous, c'est-à-dire environ deux
centimètres.
Ces anches, étant doubles, se posent simplement
sur l'extrémité supérieure du tuyau, et la partie non
aplatie du roseau doit s'adapter exactement à l'ins-
trument. Lorsqu'il n'en est pas ainsi, on peut se
rendre compte aisément qu'un certain jeu se pro-
duisant, l'anche elle-même ne fait plus corps avec
l'instrument et qu'elle peut se détacher, être aspirée
et se cacher dans la bouche au moment où l'exécu-
tant aspire l'air nécessaire pour soufller.
Or Vaulos ]}ythique fait partie des auloi masculins!
Peut-être qu'en limitant ainsi les auloi de la
famille des hautbois aux auloi féminins, les auteurs
avaient pensé que l'anche double exigeait le tuyau
à perce conique et que, dans ces conditions, la lon-
gueur du tube eût été trop grande!
Cependant, en Europe, et particulièrement en
France, aux xv° et xvi« siècles, on a fait un très
grand usage d'instruments de perce cylindrique
dont la colonne d'air était mise en vibration par les
anches doubles.
M. Mahillon, dont on connaît l'autorité en celle
matière, affirme que c'est l'anche double qui mettait
en vibration la colonne d'air des tibirc romaines et
des auloi grecs^ :
Notre conviction est basée sur ce fait que, lors d'un rt'Cfnt
voyage à Rome (octobre 1892;, nous avons trouvé au Musée du
Capitule une mosaïque de l'époque impérinle connue sous le nom
àeLe Muselière Capitoline; elle représente des masques tragiques,
et des tibix exactement semblaldes à celles de Pompéï. Les lilna-
sont mnnies d'anches à double languette... Cette mosaïque, trou-
vée en 1S28 sur le Mont Aventin, a subi des restaurations, mais
la partie qui intéresse notre sujel, les anches, est restée iutat-le
et donne ;ï ce document un caractère d'authenticité indiscutable.
1. Catalogue du Conservatoire du Musée de Eniselles.
Et il ajoute :
Ce changement d'anche n'influe pas, du reste, sur la détermi-
nation de l'échelle.
Dans ces conditions, puisque l'anche n'influait pas
sur la détermination de l'échelle des instruments,
on n'avait pas à se préoccuper de donner ;i ces
tuyaux cylindriques les mêmes dimensions que celles
nécessaires pour les tuyaux à perce conique, et, par
cela même, les emplacements des trous à boucher
avec les doigts n'avaient pas besoin d'èlre écartés
démesurément. Nous verrons que les grands instru-
ments (le basson moderne a conservé cette particu-
larité) ont eu des trous percés en biais. Ces trous
étaient ainsi percés afin que, du côté extérieur du
tuyau, ils pussent se trouver plus facilement sous
les doigts, ceux-ci étant écartés normalement.
Il ]iarait que ie loiiriielioul n'est qu'un reste de l'ancienne /liile
phnjiiieniie-, etc.,
lit-on dans la Grande Encyclopédie.
Le tournebout ne descendrait-il pas, en clfet, des
tibix bachiques ou aidos bombykos qui étaient des
instruments ayant un tuyau recourbé comme le
tournebout?
Les auloi furent fréquemment employés. On les
trouve dans toute espèce de cérémonies : que ce soit
pour conduire les guerriers à l'ennemi, pour accom-
pagner les danses, les chants, ou dans les proces-
sions aux temples des dieux, dans les cérémonies
funèbres -^
Nous avons vu plus haut que le gingra iloit être
classé parmi les auloi à anche double. Les Athé-
niens du iv= siècle avant J.-C. s'en servaient parfois
dans leurs banquets.
L'ardeur avec laquelle étaient cultivés ces instru-
ments devint telle que bientôt toutes les classes de
la société s'y adonnèrent.
Certains rois ne se contentèrent pas de pioléger
et d'encourager le développement de cet art; un des
leurs, le dernier des Plolémées, ambitionna de s'y
distinguer lui-même et en tira vanité à tel poini, dit
Strabon, « qu'il n'eut pas de honte d'en instituer des
combats à sa cour et d'y disputer le prix aux combat-
tants ». Cela lui valut, d'ailleurs, de la part des Grecs,
le nom d\mléte, et celui de Photingios que les Egyp-
tiens lui donnèrent par mépris.
Les biographes prétendent que Pindare, le prince
des poètes lyriques grecs, ne dédaigna pas, lui-même,
d'acquérir quelque habileté sur l'instrument national.
Son père était, du reste, aulète de mérite.
A l'époque romaine, les tibix étaient également
utilisées dans les sacrifices, et les joueurs de tibia
avaient rang parmi les ministres de sacrificateurs.
Les Romains s'en servirent également dans les céré-
i. Diderot et d'Alembert : Grawfr Encyclopédif.
'A. E. David écrit : « 11 est indubitable qui' les Hébreux eurent eru-ore
une u lliïte » spéciale pour les enterrements et cérémonies funèbres :
tout fait croire que c'était la gingras. Praetobius l'apiielle u gin-
gris » : " La tibia des Phéniciens était longue d'une palme (environ
25 eentimètri-s) et appelée ginf/ris. Elle produisait un son strident et
sinistre aux sons desquels eux et les Cariens pleuraient leurs morts.
Le mot (jiui/ris parvint aux Athéniens par l'intermédiaire des fêtes
d'Adonis, qui le transformèrent de singris on .< aulos gingrina ». Le
nom gtïîK/rin a disparut, mais les Egyptiens, dont la langue est parente
de celle des Phéniciens, conservèrent le nom de //ïwprapour une
petite tibia à son grêle employée daps les soles, n
Gkvakrt dit que les Phéniciens l'apiielaienl adonis, du nom de
certains chants mélodiques sur la mort du jeune dieu tué par un
sanglier.
1530
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOXNAinE DU CONSEIWATOinE
nionies funèbres; mais ils en firent un tel abus, que
l'on dut élaborer un règlement qui en fixait lenonibi'e
à dix.
Avec l'ère chrétienne, et surtout après l'abolition
du paganisme, cet art cessa presque complètement
d'être cultivé.
Nous avons dit que les anciens, pourjouer de leurs
auloi ou tibiœ, devaient enfoncer leurs anches en
entier dans la bouche!
Les Chinois, les Kgyptiens et les Arabes procèdent
. encore de la même manière.
j-|)-j Les premiers ont des instru-
Q^ ments très courts dont le corps
ou tube est fait d'une seule
pièce.
A quelques centimètres de
l'extrémité supérieure de ce
tube, est fixée une rondelle qui
sert de point d'appui pour les
lèvres de l'exécutant, lorsque
celui-ci a l'anche entrée dans
la bouche et souffle. Cette an-
che, qui est très couite (sa di-
mension varie, selon la lon-
gueur de l'instrument, entre
un centimètre et demi et deux
centimètres), est faite d'un seul
morceau de roseau dont une
simple ligature étrangle forte-
nient le milieu. La partie du
roseau qui se trouve au-
dessous de cette ligature
doit garder sa forme pri-
mitive afin de pouvoir
s'emboîter exactement sur
le haut du tube, et celle
au-dessus de la ligature
est aplatie juste ce qu'il
faut pour pouvoir donner les vibrations nécessaires
à l'émission du son.
Le roseau que les Chinois emploient pour la fabri-
cation de leurs anches est tel-
lement mou, filamenteux, qu'il
ne pourrait supporter la pres-
sion directe des lèvres. C'est
probablement la raison pour
laquelle les instrumentistes chi-
nois enfoncent l'anche dans la
bouche jusqu'à la rondelle fixée
au tube.
Cette façon de jouer donne
à ces instruments un son for-
midable et parfaitement désa-
gréable pour nos oreilles. On
pourrait décrire ce son comme
(ila.nl pcrrant, horrible, ainsi que
le faisaient les écrivains anciens
en parlant des auloi et en par-
ticulier du giiigras.
Ces hautbois sont générale-
ment faits tout en cuivre, mais
il en existe aussi avec un pa-
villon en bronze, d'autres avec
dillérents ornements. Leur
peice est conique et s'évase très
rapidement, presque dès le mi-
lieu du tube.
FIG. 6.1'..
Ancien hautbois
chinois.
FiG. 635. — Haulbois
kabvle.
Les seconds, les Kgyptiens, ont des instruments
qui, dans leurs parties principales, ont de très grands
rapports avec nos hautbois européens.
Les écrivains orientaux ne sont pas d'accord sur le
nom de ce hautbois. Villoteau dit qu'il n'y a peut-
être qu'en Egypte qu'on lui donne un nom signifi-
catif : ce nom est zamr, ce qui veut dire, en arabe, un
instrument destiné au chant. » Mais il s'empresse d'a-
jouter qu'il ne l'a jamais vu employé ronjuintement
avec le chant, et il ne le croit pas propre h cet usage
à cause du son formidable et penant i/u'il rend.
Ici encore, beaucoup d'écrivains orientaux ont em-
ployé le terme flûte pour traduire zamr ou zourna.
La description des différentes parties de cet instru-
ment ne laisse cependant aucun doute possible à ce
sujet :
Lo :iimr comprend cini) parties principales : 1° le corps de
l'insli-unienl. Nous ajipolons aip.?i la porlion la plus élendue et
la plus vnlumineuse du zamr; 2° la lêto. qu'on nomme fnsl:
3" un iielit bocal ou tube qui ]ii>rli' le nom de liiiilijch ; l" une
rondelle appelée en arabe sailitf iiimioiinr ; 5° l'anche, que l'on
|)rononce el jinchiili ' .
Le corps de ce zamr est un tube en bois de cerisier
dont la perce est conique. Vers le bas, ce tube s'é-
largit beaucoup et représente presque la forme d'un
entonnoir renversé : c'est ce que nous appelons le
pavillon.
Sur la portion du corps comprise entre le haut du
tube et ce pavillon, et sur le devant, sont percés sept
trous qui sont placés sur une même ligne et à égale
distance les uns des autres. Entre les deux premiers
de ces trous, en commençant par le haut du tube, et
sur le derrière, se trouve également percé un autre
trou de même grandeur.
La partie appelée pavillon comporte sept trous
ainsi disposés : dans la même direction que ceux du
tube sont percés trois trous ; de chaque côté, à droite
et à gauche de ceux-ci, et parallèlement à eux, deux
autres trous semblables sont placés, l'un en face du
premier, l'autre en l'ace du troisième. Ces sept trous
sont plus petits que ceux du tube.
La tête du zamr est un morceau de buis dont la
partie inférieure entre dans le corps de l'instrument.
Le petit tube en cuivre est de forme conique; sa
partie large s'emboîte dans la tête ci-dessus.
La rondelle est une plaque ronde en ébéne, en
ivoire ou en bois dur quelconque. Elle est percée
vers son milieu d'un trou qui sert à laisser passer le
haut du petit tube de cuivre jusqu'à sa partie sail-
lante. Là, elle se trouve arrêtée et retenue. Cette
rondelle rappelle celles que les Chinois fixent sur
leurs hautbois.
L'anche est en paille de dourrah. Elle a à peu près
la même dimension que celles des Chinois (environ
16 millimètres; mais la partie aplatie mesure à elle
seule 13 millimètresi. Naturellement, étant en paille,
elle a les mêmes inconvénients que celles des Chinois;
d'où vient, pour les Egyptiens, l'obligation d'enfoncer
dans la bouche l'anche el le petit tube de cuivre jus-
qu'à la londelle qui remplit le même office que
celles fixées aux hautbois chinois.
11 y a trois sortes de zamr ; le grand, qui se nomme
ijabù zourna ou zamr-cl-kébir; sa longueur totale est
de S8.3 millimètres; son petit tube en mesure 11.3.
Le moyen s'appelle zamr ou zourna; il mesure
448 millimètres, et son petit tube 87.
1. Villoteau : Dissertation sur les dù^erses espécfis d'uistrumenls
de musique orientaux.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
HAUTBOIS I53t
Le petit ijourit ou zourna-(/our<i, ou encore zamr-cl-
sogahayr, mesure HI2 millimètres, et son petit tubeo2.
Le grand zamr, zaïnr-el-kébir, est à l'octave infé-
rieure du zmar-ct-soijaliaijr, et le moyen en est à la
quinte inférieure.
En Egypte, on le nomme aussi zanir au singulier
et zoummorali au pluriel.
Les Persans le nomment zininui.
Le hautbois, tel que nous le jouons aujourd iiui, se
compose : 1° d'un tube ou tuyau en bois se sépa-
rant en trois parties : deux que nous nommons corps,
et le ti'oisième pat'illon; 2" de l'anche.
Nous avons dit que le tube en bois est, en quelque
sorte, le moule de la colonne d'air; c'est sur lui que se
percent les trous et se posent les clés.
Les hautbois ont eu, pendant des siècles, 6 trous
percés sur le devant du lube, sur la même ligne et à
égale distance les uns des autres. Comme l'instrument
n'avait pas de clés, l'exécutant, pour jouer, tenait
indilféremment la niaiu gauche au-des sus ou au-des-
sous de la main droite (en ce dernier cas il s'appe-
lait (jaucher). Afin de donner plus de facilité pour ce
changement de position des mains, les fabricants
perçaient encore deux autres trous, l'un à droite,
l'autre à gauche, tous deux au-dessous du dernier
trou. L'exécutant n'avait plus alors qu'à supprimer
celui qui ne lui servait pas. Cette façon de faire était
tellement entrée dans les habitudes, que, lorsqu'on
mit la clé d'ut grave sur les hautbois, on lui lit une
double branche, ce qui permettait de la faire manœu-
vrer indifféremment avec le petit doigt de la main
droite ou celui de la main gauche. On laissa même
cette double branche après l'addition de la clé de mi h,
bien qu'alors on ftU obligé de mettre la main
gauche au-dessus de la main droite, puisque la clé de
mi h ne pouvait se faire mouvoir qu'à l'aide du petit
doigt de la main droite.
Le pavillon sert à rendre la sonorité des notes
graves plus large, plus ample. Primitivement, il était
orné de petits trous qui servaient à augmenter de
volume la sonorité des notes graves. On diminua le
nombre de ces petits trous jusqu'à deux (en 1630 les
hautbois avaient encore ces deux trous au pavillon),
puis ou n'en laissa qu'un seul qui, jusque vers 1834,
servit à ajuster \'tit grave.
L'unche se compose de deux languettes de roseau
très minces, placées horizontalement et moulées sur
un petit tube de métal di; foime conique
Ces deux languettes, qui sont fixées sur la partie
étroite du petit tube à l'aide d'un fil très fort, ordi-
nairement du cordonnet de soie, sont réunies de
façon à laisser entre elles une ouverture qui sert à
introduire l'air.
Leurs bords doivent être suffisamment rapprochés
pour pouvoir se fermer sensiblement à chaque vibra-
tion de l'air.
La paitie large du petit tube s'emboîte dans l'ins-
trument. Celte anche est appelée anche double à cause
de ses deux languettes.
En comparant la description de ces deux derniers
instruments (le zamr et le hautbois européen), on re-
marquera que le corps et la tt'tc du zamr se trouvent
contenus dans noire hautbois. Si le lube ou corps de
celui-ci se divise en trois parties (les deux corps et
le pavillon), c'est uniquement pour la commodité.
Notre anche renferme à la fois le petit tube et
l'aiichr du zamr, puisque le roseau se trouve fixé sur
le petit tube.
linfin, le roseau que nous employons pour la fabri-
cation de nos anches, ayant suffisamment d'élasticité
et de résistance, permet d'avoir la pression des lèvres
directement sur le roseau et supprime la rondelle.
Faut-il en conclure que le hautbois européen des-
cend directement du zamr?
Ce qui est certain, c'est que la Phrygie fut le ber-
ceau de la musique instrumentale et que ce sont des
aulètes phrygiens qui implantèrent en (Jrece cel art
que les (Irecs eux-mêmes cultivèrent avec ardeur.
Lorsque ces derniers s'emparèrent des ports " les
mieux situés » de la mer Méditerranée, ils furent
suivis de leurs instrumentistes et, certainement, l'E-
gypte tient de cette émigration une grande partie de
ses instruments.
Nous pensons donc que l'origine de notre hautbois
est aussi l'aulos, et plus particulièrement celui que
les Phrygiens, les premiers, creusèrent dans du buis
et qu'ils nommaient berccynthe.
Nous avons dit qu'avec l'abolition du paganisme,
l'art aulétique cessa presque complètement d'être
cultivé.
Aussi, les rares écrivains qui font mention des ins-
truments de musique se contentaient-ils, comme Isi-
DonE DP, SÉviLLK {\\i° sièclei, de les classer en deux
catégories; celle qui englobait les instruments à vent
se nommait organùa.
Chez C.4ssioDoni:, écrivain latin de la fin du v siècle,
le terme tibi^r se retrouve encore parmi les instru-
ments qu'il range dans la catégorie des inflatibia'.
Pendant le .Moyen âge, les instruments à vent s'ap-
pelaient simplement instruments joués par sufjlacion.
Et très longtemps, dans les mots troubadours, trou-
vera, jonglcu)s, ménélriers, etc., se trouvèrent réunis
les joueurs de toutes sortes d'instruments :
On n'cHait pas un parfait m/'m'' trier si l'on ne savait conter en
rnmiineten latin..., si l'on ne savait jouer de tous les instruments
usités*.
L'n très beau manuscrit du xi' siècle, qui provient
de l'Abbaye de Limoges et que possède la Bibliothè-
que Nationale, Liber Troporum, contient deux dessins
représentant tous deux un joueur de hautbois accom-
pagnant un jongleur dans ses exercices.
Kn .\llemagne, le ménétrier ou ménestrel qui, dans
les danses allemandes, avait le nom de pffiffcr, iousih
aussi bien du hautbois, de la cornemuse, du lifre, du
chalumeau que de la fliUe proprement dite.
En Kelgique, les instrumentistes employés par les
magistrats des grandes villes s'appelaient Schal-
meijcrs'^.
Les poètes anciens employaient aussi les termes :
doussaine, douçaine, doucim, etc.
Cors sarrazinuis et doussaines
Tabours, flaustes traversaines
iJemi- doussaines et flautes...
i. On trouve enrore au xii* siècle le terme tibi^ d;iiis Fadvt jogtar
de (jiraud de Cntein,'on.
:; KxsTKtR : La Danse des Morts.
3. M. Mahii.i.on raiiporle que : « En Belgique, pendant l.i période
lie la domination eipagnote. la Schalmcï runslitue t't'-lément princi-
[lal de l;i musique qui inlervicnt dans toutes nos fOtes populaires ; c'est
:i l'importance de ce rôle qu'il faut attribuer la dénomination de
Srliatme'jers que l'on impliquait d'une façon générale aux jnstrumea-
listes employés par le magistrat des villes importantes pour se faire
entendre aui fêtes et aux cérémonies publiques. » {Catalogue du .Mu-
sée du Conservatoire de Bruxelles.)
1532
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Plus loin :
Cornemuses, flajos et chevrettes,
Douceines, simballes, clochettes'...
Adenis, surnommé le Roi, ménestrel de Henri III,
duc de Brabant, cile la doucinc, dans son poème
Cléomadès, parmi les instruments joués pendant un
souper.
Le terme hautbois lui-même a servi pendant assez
longtemps à désigner plusieurs sortes d'instruments
en bois qui étaient employés pour jouer les parties
de dessus. On l'écrivait alors haut-bois, et le pluriel
faisait haulx-bois ou hautx-bois :
Jouant des hautx-bois et musettes-.
Dans un volume de la Collection Philidou^, on voit
un Concert donné à Louis XIII en t627 par les vingt-
quatre violions et par les douze auhois de plusieurs airs
choisis de différents ballets.
Ce n'est qu'à partir clu régne de François I", que
les hautbois se trouvent mentionnés sur les registres
de la cour. Ils faisaient partie à cette époque de la
bande instrumentale de la cour. Cette bande était
composée alors de douze membres qui s'appelaient
officiellement : les hautbois, sarquebutes, violes et cor-
nets.
Cependant, à la lin du xiv siècle, Philippe le Hardi,
duc de Bourgogne, avait déjà, outre les pages de sa
musique, des harpeurs, des hautbois, des trompettes,
etc. Dès la première moitié du xv» siècle, les méné-
triers, harpeurs, hautbois et trompettes du duc Phi-
lippe le Ron, étaient réputés pour les meilleurs qu'il
y ei'it.
Le duc Charles le Téméraire avait à sa chapelle,
outre les chantres, chapelains, clercs, etc., \ts joueurs
de (util, de viole et de hautbois de sa musique de
chambre.
Le hautbois en Europe eut, lui aussi, toute une
famille.
Praetoril's donne, en les expliquant, les dessins
des Klein-Schalmey , Discant-Schabney, Pommer-alto,
Pommer-tenor (nicolo et basset), Pommer-Basse et
Gross Quint-Pommer.
Voici quelques extraits de son texte allemand con-
cernant les Schalmeys et Pommer :
Les Pommers (en italien Boittliardoni ou Hombardone) sont
exactement les instruments que les Français appellent hautbois...
tous, aussi bien les gros que les petits, sont nommés Bombnrd ou
Pommer. En Italie, le Gross Quint Pommer (Grand Pommer de
basse) est appelé Bomhardone (espèce de contrebasse de hautbois)
et la véritable basse : Bombardo ; ils ont tous deux quatre clés. Le
Pommer lenor, qui a aussi quatre clés, peut, à la rigueur, être
soufflé comme une basse, parce que dans la portée le snl est mar-
qué à la basse : il porte à cause de cela le nom de Basset. Suit
le Nirolo, qui a la même giandeur et la même liimicur que le
Basset (c'est-à-dire que sa note la plus aiguë est la même que
celle du Basset), mais il lui est différent en ceci, qu'il n'a qu'une
clé et que, par suite, il ne peut suivre le Ténor Basset que jusqu'à
Vut, mais ne peut descendre plus bas.
Le vieux Pommer alto a presque exactement la taille du Sclial-
iney, à cette différence près qu'il n'a qu'une clé et qu'il est une
quinte plus bas : il est appelé Bombardo piccolo.
Mais le DiscanI suiierienr, qui n'a pas de clé, est appelé Sclial-
viey (en italien Piffaro, en latin Giiiyrinu, mot tiré du cri de l'oie,
cet instrument émettant des sons semblables à ce cri).
Pour ce qui est du ton, la plupart dea Sclialmeij sont un ton
au-dessus des trompettes et des trombones. De plus, il faut re-
marquer ceci : autrefois et aujourd'hui encore, la plupart du
temps, les instruments à vent tels que flrttes, pommer, schal-
meys, cors tordus, etc., sont toujours accordés à une quinte les uns
des autres, afin qu'ils aillent trois par trois, l'un faisant la basse,
l'autre le ténor, le troisième l'alto *.
1. Poème sur \a Prise d'Alexandrie de Gdillaume de MACHAUi.r.
2. Rabelais : Panlafiriœt.
3. Bibliotliùque du Conservatoire natiooal de musique.
Nous voyons reparaître ici la confusion entre le-
hautbois et le chalumeau, confusion qui était déjà
poussée très loin par Burette dans ses Remarques su-
le Dialogue de la Musique de Plutarque à propos de-
Téléphan'e de Mégare.
D'après le texte ci-dessus, devons-nous dire que,
seuls les » Pommer >> faisaient partie de la famill6-|
des hautbois?
M. Mahillon écrits que le Kleine Schahney était le
hautbois suraigu; le Discant Schalmey, le dessus dfr
hautbois ou hautbois soprano, le type de l'instrument
moderne ; le Pommer-alto, était, d'après lui, la haute-
contre que J.-S. Bach appelait oboë di caccia, que
nous nommons aujourd'hui cor atighiis.
Pour Kastner aussi, le Schalmey est notre dessus de
hautbois :
Au xvii^ siècle, les hautbois furent divisés en France en plu-
sieurs parties, c'est-à-dire qu'ils formèrent un système sid aeneris
composé des dessus, des hautes-contre, etc. Le dessus, en alle-
mand DiscuHl Pommer, avait gardé l'ancien nom de chalumeau
[Sehalmeii)^ .
D'après Praetorius, le Pommer-alto avait
et le Discant supérieur {Sclial-
mey) n'en avait pas 1 Or le dessin
que donne le Père Mersenne du
dessus des grands hautbois n'a
pas de clé ; c'est la haute-contre
et la taille qui en ont une.
Praetorius dit encore que le
Schalmey se nommait en italien
piffaro. Nous lisons dans le
Voyage musical en Allemagne et
en Italie de Berlioz :
J'ai remarqué, à Rome, une musique
populaire que je penche fort à regarder
comme un reste de l'antiquité, je veux
parler des pifferi. on appelle ainsi des
musiciens ambulants qui, aux appro-
ches de la Noèl, descendent par grou-
pes de -4 à 5, armés de musettes et de
pifferi (espèces de hautbois), donner de
pieux concerts devant les images de la
Madone.
une clé,.
M. Mahillon dit : « Italie : Pif-
fcra, sorte de hautbois grossiè-
rement façonné. »
Le Kleine Schalmey (qui res-
semble bien à notre petite mu-
sette genre hautbois) devait pou-
FiG. 636. — Hautbois et
bombardes aigus et
graves des xvi' et
xviii" siècles, d'après
Lavoix.
voir évoluer entre
l'oreille
M
L
, ce qui donnait pour
Il mesurait environ 0.44 (éga-
lement la dimension de notre musette).
Le Discant-Schalmey entre
et mesu-
4. Nous devons la traduction de ces extraits du te&te allemaDd à.
l'obligeance de M. Aiuiré FAecoN.\ET,
■j. Catulogue d" Musée du Conseruatoire de Bruxelles.
6. Kastneb : Parémioiogie,
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
HAUTBOIS 1533
Tait 0.60 de long (la dimension de notre hautbois!!.
Le Pommer-alto entre
pour roreille
(ce qui fait que pour ces trois instruments l'étendue
4
était la même :
; seule, la dimension du
tube modifiait la hauteur du son). Cet instrument
mesurait 0.77 et avait une clé. De plus, l'anche se
posait sur un petit bocal comme on le fait encore
pour le hautbois d'amour, le cor anglais, le hautbois
baryton. En 16:i6, le Père Mersknne dit que l'on cou-
vrait ce bocal, qiiilnomme petit cuivrft, par un mor-
ceau de bois que les facteurs nommaient pirouette.
Ici encore, nous retrouvons la caractéristique de
notre cor anglais : diapason, petit bocal, dimensions!
Le Pommer-ténor, celui qui n'avait qu'une clé et
qui se nommait Nkolo, donnait comme étendue
le Basset, qui possédait, d'après
Praetorius, quatre clés, avait en plus du précédent
;~jM^ — ^— ; leur longueur était pour tous deux
1 m. 3.3. Eux aussi avaient le petit cuivret et la pi-
rouette.
Le Pommer-basse atteignait le
et était
long de 1 m. 82; il avait aussi quatre clés. Mersenne
fait remarquer que cette basse est « si longue que la
bouche ne peut atteindre jusqu'en haut, c'est pour-
quoi Ion use d'un canal de cuivre au bout duquel on
ajoute une anche pour l'emboucher. Or ce cuivret
descend aussi bas qu'il est nécessaire pour la com-
modité de celui qui sonne de cette partie ».
Enfin le Grand Pommer de Basse, qui mesurait
2 m. 94. Ses quatre clés donnaient ^J'-
yïïû
On voit que tous ces instruments devaient faire une
seule et même famille : celle des hautbois.
Avant de suivre le hautbois dans ses transforma-
tions et dans son emploi, nous allons jeter un coup
d'oeil sur les instruments à anche double qui avaient
la perce cylindrique.
1. Le Musée du Conservatoire possède une contrebasse de hautbois
qui mesure 2 m. 15 et possède neuf clés, dont cinq furent ajoutées
après que l'instrument fut fait. C'est probabloraeut le môme que celui
que nientionue l'Almanachde 1781 : -tM. Lri'.K a fait aussi une contre-
basse de hautbois qui fait beaucoup d'elVet dans un grand orchestre;
M. Lemarcuand. basson de l'Opéra, s'en est servi six mois à cespeclacle. •>
Malgré son grand bocal recourbé qui descend sur l'instrument, il
fallait se tenir debout pour jouer cette contnrbasse ! L'instrument du
Musée du Conservatoire porte la marque " Delosse ».
(le Père
Fis. 637. — Krom-horn ou
tourneboul (Hist. de la
mus. F. Clément).
D'abord les Cromornes, ou Tourneboul
Mebsenne dit : le Tornebout).
Ces instruments se compo-
saient : 1" d'un grand corps
ou tube recourbé en forme de
croce ayant la perce cylindri-
que, sur lequel on perçait les
trous et on posait les clés
quand il y en avait; 2'^ d'un
bocal de forme conique dont
la partie large s'emboîtait
dans le grand corps et la par-
tie étroite recevait l'anche;
3° de l'anclie qui était à dou-
ble languette et se posait sur
le bocal.
Généralement, on dit que
pour sonner de cet instru-
ment, on se servait d'une cap-
sule qui était destinée à recou-
vrir l'anche et le bocal. A cette
capsule était faite une ouver-
ture taillée en forme de bec, et c'est cette ouverture
qui se mettait dans la bouche.
Avec ce système d'embouchure « couvert, la pres-
sion sur les anches par les lèvres était impossible.
Aussi, étant donné la perce cylindrique de ces ins-
truments, il était impossible d'oclavier, même en
forçant le son et, par conséquent, d'obtenir un nom-
bre de sons plus grand que le nombre de trous dont
ils étaient percés.
Cette façon de jouer ne leur donne qu'une éten-
due d'une neuvième (sauf pour les instruments gra-
ves qui avaient plusieurs clés), ce qui correspond
au son du pavillon trous et clés bouchés et son des
trous.
Pierre Trichet, « Bourdelois », n'est pas de cet avis,
et il prétend :
Je dis que leur garniture (aux Tournebouts) n'est suère diffé-
rente de celle des hautbois ; car tant aux uns qu'aux autres, il
faut des anches à chacun d'eux, laquelle on met dans la bouche
lorsqu'on veut sonner et après que l'on a fait, on couvre l'anche
d'une bortte, qui s'unit avec le tournehout pour empêcher que
l'anche ne se gâte pas, etc.'.
Une suite de De Grinis, faite pour M. le comte
Darcours en l'an 1660, vient corroborer l'affirmation
de Pierre Trichet.
Dans cette suite, qui est écrite pour 5 cromor-
nes, De Grinis les fait évoluer : le premier entre
le second
I
£
le troisième
quatrième
m^
le
quième
On pourrait être surpris de voir une suite écrite
pour 0 instruments de cette même famille; niais le
Père Meusemne dit aussi qu'on en « fait des concerts
entiers à 5 et 6 parties >. La famille complète com-
prenait : le soprauino, le soprano, l'alto, le ténor, la
2. Traité des in-sii'uments de musique.
1534
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
basse el la conire-basse. Ces deux derniers avaient
une ou deux clés, et mesuraient respectivement
1 m. 63 el environ 2 mètres.
La dilîérence de longueur de tube entre la contre-
basse de hautbois el celle des croraornes, vient de ce
que ces derniers avaient la perce cylindriqne et très
étroite. C'est cette différence de dimension qui fait
que les cromornes furent si fréquemment employés
en Europe et particulièrement en France, où ils exis-
taient dès le XV siècle, et où ils servaient jjénérale-
ment de basse aux liaulbois.
Mais leur sonorité étant creuse, sourde, ce qui
faisait dire qu'ils sonnaient en bourdon, ces instru-
ments furent bien vite délaissés à l'apparition des
bassons pour être remplacés par eux.
Nous avons à voir maintenant les cornemuses
genre cromornes que Praetorlus déQnit ainsi :
Les « Corna-musen >> n'ont pas deux tuyaux, mais un seul
comme les Basanelli et les Krumhorner (cors tordus ou cro-
mornes)... Comme sonorité, ces instruments ressemblent aux
cors tordus, à cette dilïérence près cependant qu'ils jouent plus
en sourdine et plus gracieusement.
Cette différence de sonorité venait de ce que l'ex-
trémité inférieure du pavillon des cornemuses était
bouchée au lieu d'être ouverte, comme cela a lieu
pour tous les instruments de la famille des hautbois.
Le son sortait par de petits trous qui étaient percés
dans le pavillon.
Il y avait également loule une famille : le soprano,
l'alto, le ténor et la basse. Aucun de ces instruments
n'avait de clé.
Les Basanelli se maniaient comme les cornemuses
el étaient encore p/tis ?»!((■/.?. Ils avaient sept trous, et
le trou du bas avait une clé.
On trouve encore actuellement en Arabie et en
Egypte un instrument de perce cylindrique dont la
colonne d'air est mise en vibration par l'anche dou-
ble; c'est VErwiyeh. Cet instrument est tout en buis
et se compose de trois parties : la tête,
le corps, le pied.
Son anche est faite d'un seul bout de
tige de jonc marin aplati sur une partie
de sa longueur, de faron à former les
deux languettes nécessaires à l'émission
du son. Cette partie aplatie est fort
amincie pour faciliter cette émission.
Le jonc marin que les Arabes emploient
pour faire leurs anches est tellement
épais, résistant, que les exécutants sont
obligés, lorsqu'ils ont terminé de jouer,
de placer le bout des deux languettes
dans une sorte de ligature, afin de pou-
voir faire conservera l'anche l'ouverture
nécessaire pour l'émission du son (nous
avons dit que cette ouverture doit être
relativement étroite).
Cette ligature elle-même est faite de
deux petites bandes plates de roseau
aminci, qui sont liées l'une à l'autre par
les deux bouts, de façon que, plus on diminue l'ou-
verture, plus on comprime l'anche. Une seconde
ligature, semblable à la première, est mise à l'en-
droit où le jonc cesse d'être aplati pour maintenir
cette partie inférieure dans sa forme ronde, afin
qu'elle s'adapte bien exactement sur le haut du tube
de buis.
Vers la fin du xv' siècle, l'on fit venir à la cour de
FiG. 638.
Eriqyeh.
{Hist. de la
mitmiue,
F. Clément)
France un groupe de bergers jouant du hautbois, de
la cornemuse el de la muselle de Poitou'.
Ces hautbois de Poitou étaient semblables, dans
leurs parties essentielles, aux autres hautbois.
Comme pour les cromornes, ou tournebouls, on
prétend que ces hautbois de Poitou se jouaient à cou-
vert, c'est-à-dire l'anche cachée dans une capsule.
Mais le Père Mersenne écrit : d Or, l'étendue de ces
hautbois (de Poitou) est semblable à celle de nos
grands hautbois. »
Nous avons remarqué, en décrivant les cromornes,
que, n'ayant pas la pression directe des lèvres sur
les anches, on ne pouvait avoir d'étendue supérieure
au nombre des trous ou clés que possédaient les
instruments. Le même phénomène se produit ici,
avec cette légère différence cependant que, l'anche
double étant associée à la perce conique, en forçant
le son et en ouvrant légèrement le trou qui se trouve
sous l'index de la main gauche lorsque l'instrument
est tenu normalement, c'est-à-dire la main gauche
sur le corps du haut, il est possible d'octavier les
deux ou trois sons les plus graves.
La famille des hautbois de Poitou était composée
du Dessus ou Soprano, de la Taille et de la Basse.
Cette basse était repliée en deux (comme le basson)
afin d'être plus portative et d'avoir tous les trous
tellement disposés que l'on pût les boucher avec les
doigts.
Ces hautbois furent très fréquemment employés;
mais c'est surtout dans les fêles champêtres, dans les
réjouissances publiques que leur succès fut le plus
grand. Ils furent adjoints à la bande instrumentale
de la Cour au début du xvn' siècle.
Mais vers le milieu du xvn" siècle, celle bande, qui
avait pris le nom de Grands hautbois de l'Ecurie, ne
comprenait plus que des Dessus, Hautes- contre et
Tailles de hautbois el des Bassons. Ces derniers avaient
remplacé les basses et contrebasses de hautbois;
quant aux cromornes, cornemuses et hautbois de
Poitou, ils avaient été abandonnés par leurs titu-
laires.
A cette époque, les hautbois avaient un son puis-
sant, violent même. Le Père Mersenne dit qu'on les
employait pour les fêtes « à raison du grand bruit
qu'ils font et de la grande harmonie qu'ils rendent,
car ils ont le son le plus forl et le plus violent de
tous les instruments, si l'on excepte la trompette ».
C'est à cause de ce son violent que nous les voyons,
jusqu'à la fin de la monarchie, comme principal élé-
ment musical dans l'armée 2. Lulli a écrit pour les
hautbois des marches à 4 parties^.
I^énéralement, les hautboïstes jouaient en même
temps du violon. Ces deux sonorités en vinrent à
1. Philippe de Commînes fait le récit Slli^■ant chms son Histoire
durant Ir régne de Louis XI : a... L'on 6t venir du Poitou des bergers
qui savaient jouer de hautbois, cornemuse et niusetle et ch.inter, pour
rt^jouir le roi Louis ,\1 pendant sa grande maladie nirlancolique ; des-
quels tout le Limousin et la Basse Marche ne manquent piis, car il
n'y a point de paroisses qu'il n'y ait nombre de telles gens qui en
savent très bien sonner, même les gavottes et branles du Poitou tant
simples que doubles.
u C'est une chose admirable de voir de pauvres rustiques qui ne
savent [toint de musique, jouer néanmoins toutes sortes de branles t(
quatre parties, soit : supérieure, taille, haute-contre et basse-contre
sur leurs cornemuses, musettes, hautbois, etc. »
tî. Les HoTTETKiiHE, Philidor, Pi.u.MET, BuuTET, ctc., sont hautbois
des 1'" el 2« compagnies des Mousquetaires du Roi vers la fin du
XVII" siècle.
;j. 11 y a quelques années, à Versailles, M. de Bricqueville fit exé-
cuter quelques marches écrites à 4 parties de hautbois par Lolli. — ,
liAENDEi. fait encore accompagner par le hautbois l'air martial de
Roderigo dans Gia ijrida la tromba.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
HAUTBOIS 1535
dominer les autres, et une sorte de' rivalité s'établit
entre elles.
C'est alors que, sous l'impulsion de Iailli, les vio-
lons prenant beaucoup plus d'importance, les haut-
boïstes (les PuiLiDOR, les Dkscosteai'.n, les Hottk-
TERRE, etc.) cheiclièrent à réaliser de leur mieux les
exigences de la musique de l'époque, surtout de la
musique de chambre.
Mais, bien que l'abbé de Pures écrive vers la fin
du xviii' siècle :
... Les hauUiois ont un chant élevé et de la manière dont on en
joue maintenant chez le roi^et à l'aris, il y aurait peu do choses à
en désirei-, — Ils font des cadences aussi justes, les tremblements
aussi doux, les diminutions aussi régulières que les voix les
mieux insii-uites et les instrum'.'nts les plus parfaits...
malgré cet éloge, le hautbois dut céder le pas au
violon, et alors il fut rapidement éclipsé aussi bien
dans les ballets que dans la suite instrumentale.
Etpourméritercelélogieux compliment, qu'étaient
les instruments que possédaient ces hautboïstes?
Mon hautbois de Hotteterre est en buis très fin, teinté à l'eau-
forte... Il est muni de deux clés d'argent... La clé de mi '^ est à
patte arrondie et celle d'ut naturel à double touche formant un
grand V, etc.,
écrit le comte d'Adhémar.
Nous venons de voir que les Hotteterre étaient
parmi les hautboïstes les plus en renom à l'époque
qui nous intéresse. Ils furent en effet très réputés, et
non seulement comme instrumentistes, mais encore
comme fabricants ; un d'eux, que l'on surnomme
le Romain, passe même pour être l'inventeur d'un
double chalumeau ajouté à la musette, chalumeau
possédant 6 clés'. Un Hotteterre a laissé beaucoup
de musique écrite pour le hautbois, soit à plusieurs
parties de hautbois ou musettes, ou hautbois avec
d'autres instruments, et une méthode : Principes de
la lliUe traversièrc... et du hautbois dans laquelle
ïutiK grave n'est pas mentionné. Freillon Poncein
le mentionne bien dans sa Méthode, mais il dit :
« Les quinze sons dièses commencent sur l'ut d'en
bas, la clef « à demi bouchée ». On peut faire le si
d'en bas sous la clef toute bouchée. »
On comprendra, dans ces conditions, que Hotte-
terre ait préféré ne pas en faire mention. Le haut-
bois avait ■ déjà suffisamment de défectuosités de
toutes sortes (les nombreuses fourches, les trous à
déboucher à demi, etc.), sans ajouter encore cette
clé à fermer à moitié!
C'est avec toutes ces défectuosités ajoutées au
manque total d'homogénéité dans la succession et...
au manque de justesse, que les hauboïstes du xviii»
siècle essayèrent de lutter! On voit qu'ils ne man-
quaient pas de courage!
L'al)bé de Pures ne semble pas préoccupé par ces
difficultés. Selon lui, c'est la fatigue provoquée par
le souffle qui empêcha le hautbois de devenir l'égal
du violon.
Ce qui surprend le plus, c'est que tous ces défauts,
manque de justesse, d'homogénéité et imperfection
du mécanisme existent encore au début du xis= siècle
en France^.
1. M. h. Thuinan pri'-lond >\ue l'inventeur est Martin Hotteterre.
2. FriiNcciun (L.-J.), chef d'orchestre de l'Opéra, écrit en 1772 :
« Le hautbois. — Cet instrument n'est pas parfait dans tous ses tons;
il y en a que l'art de l'exécutant ne peut pas rendre parfaitement
justes... Lui grave est toujours faui, c'est-i-dire trop haut pour être
Pourtant, les clés pour les sons soljt et /a; avaient
été ajoutées au hautbois par (Gerhard Hofuann, dès
1727. Il est incontestable que ces deux clés étaient
extrêmement importantes : non seulement, la pre-
mière supprimait la difficulté de déboucher à demi-
le troisième trou (celui qui se trouve sous l'an-
nulaire de la main gauche), ou de boucher un seul
des deux petits trous mis à sa place, mais surtout,
elle donnait la certitude d'avoir le ,so/S juste. Quant
à la seconde, elle supprimait la fourche (l=r et
3' doigts de la main gauche) et rendait ce son moins
sourd, plus franc, plus homogène.
Praetorius ne nous dil-il pas que les Grands Pom-
mer avaient quatre clés? lin 1<J36, le Père Mersennk
mentionne que la Musette d'Italie, que l'on nommait
sourdetine, avait un chalumeau comportant !,"> clés!
Même en France, un des Hotteterre a inventé un
second chalumeau qui est ajouté à celui qui existait
déjà à la musette, « ce second chalumeau a 6 clefs
qui servent à faire les it et les '0 » !
On peut se demander comment il se fait que
Hotteterre n'ait pas songé à adapter ce perfection-
nement sur le hautbois.
A en juger par les fragments suivants, il semble
bien que tous les artistes n'ont pas cherché à pousser
les fabricants dans cette voie du perfectionnement.
VoGT, qui fut un hautboïste très distingué et ap-
précié, professeur au Conservatoire (adjoint dès 1802
et titulaire en 1816), après avoir mentionné'' deux
clés que Sallantin, professeur au Conservatoire avant
lui, avait fait ajouter au hautbois (l'une : notre clé
de si naturel grave actuelle qui servait alors à ajus-
ter Vut grave toujours trop haut, l'autre appelée clé
de faii, qui elle aussi servait à « ajuster « le fajf],
VoGT, disons-nous, écrit :
c'est ici la place de dire un mot des hautbois dont on se sert
maintenant en Allemagne et qui ont un plus grand nombre de
clefs que les nôtres. Il en existe qui en ont jusqu'à 9. Les clefs
ont été imaginées pour pouvoir parcourir avec plus de facilité
les gammes où les accidents se multiplient, tels que »ii[), /n'i,,
fa min., ut min., »«[j, etc.
Cet .avantage est trop fortement contre-balancé par l'inconvé-
nient qui résulte des clefs en ne bouchant pas quelquefois bien
berméliquemcnt les trous au-dessus desquels elles sont adaptées,
inconvénient qui se présente assez fréquemment sur nos hautbois
qui n'ont que quatre clefs{\) et à plus forte raison doit être plus
redoutable sur ceux où il s'en trouve S à 9.
D'ailleurs, Vogt ne semble se préoccuper que de la
justesse, et, prévoyant qu'on pourrait lui objecter
que, puisqu'on a ajouté deux clés depuis celles
ajoutées par Sallanti.n, on pouvait en augmenter le
nombre, il s'empresse de dire que les deux clés
ajoutées en France étaient indispensables poiM-j'owej'
juste et ne pouvaient pas nuire à l'exécutant (« abstrac-
tion faite, dit-il, de l'inconvénient dont je parle ci-
dessus... ») par la manière dont elles sont placées,
tandis que " les autres ne contribuent pas au per-
fectionnement de la justesse et peuvent entraver
l'exécution, parce qu'elles sont placées à côté des
trous de l'instrument qui sont percés à des distances
rapprochées, qu'il est à craindre à chaque instant
qu'en voulant boucher un trou, le doigt touche à
une de ces clefs, etc. ».
Certes, toutes les clés ajoutées aux hautbois alle-
mands ou autrichiens n'étaient pas pratiques, et, en
considéré comme naturel et trop bas pour être dièse même en forçant
le vent; pour l'avoir juste il faut lâcher les lèvres. Le /"aif est trop
bas même en forçant le son. Le si\) trop haut ; le si trop bas, mais on
peut le faire juste eu forçant le vent. Le /"«if qui est trop bas au
grave est juste au médium, etc. »
3. Mt'tiiode manuscrite povr le hautbois.
1536
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
tous cas, plusieurs d'entre elles étaient bien compli-
quées! 11 est bien certain que, dans le modèle de
hautbois à 10 clés que donne Sellner dans sa mé-
thode parue à Vienne en
182o, les clés ne sont pas
toujours heureusement dis-
posées. Il n'en est pas moins
vrai que quelques-unes d'en-
tre elles sont absolument
indispensables.
Ces dix clés sont celles de
si naturel grave, ut, utH, mi h
qui a un double effet; fa qui,
lui, a un triple effet; /a S,
sol^, sib à double effet, ut
du médium et enfin la clé
d'oclave que Sellner appelle
« clé pour couler ».
Kn faisant remonter jus-
qu'au pouce de la main gau-
che la clé de si grave et une
branche de double effet de
fa, le fabricant, K. Koch, de
Vienne, alourdissait et com-
pliquait bien inutilement le
mécanisme (ainsi pour la clé
de si grave qui remontail
jusqu'au milieu du corps du
haut, afin de pouvoir démon-
ter l'instrument, il faisait
replier cette clé sur elle-
même à la hauteur de sépa-
ration des deux corps à l'aide
d'une charnière sur laquelle
on serrait une vis. Cette vis
retenait la clé droite lorsque
l'instrument était monté).
Mais, à côté de ces défauts,
il est incontestable que les
clés de sol$ et laU que nous
avons déjà mentionnées,
celles d'utjt grave, de fa, à'itt du médium et surtout
la clé d'oclave étaient vraiment nécessaires. Pour-
quoi ne pas avoir pris les meilleures?
Cet instrument avait aussi une « pompe pour ac-
corder ».
Fréquemment, à cette époque, les fabricants munis-
saient les hautbois qu'ils faisaient de plusieurs corps.
Ces corps de rechange servaient à modiller le diapa-
son. Certains hautbois avaient jusqu'à trois corps
du haut (c( corps de rechange »), ce qui donne une
différence de diapason de prés d'un demi-ton entre
le plus grand et le plus petit.
Mais les hautboïstes français, contemporains de
VoGT, ne partageaient pas tous son opinion, et nous
voyons au contraire Brod, qui fut également un
hautboïste de grand talent, se plaindre que les haut-
bois de Deh'ssk n'ont que deux clés.
Dans la notice de la seconde partie de sa Méthode
de hautbois, parue vers 183.Ï (il venait d'acheter à
Delusse son fonds de fabrication), il écrit qu'ayant re-
marqué « que beaucoup de ses élèves » éprouvaient
de la difficulté à prendre la moitié du premier trou
(index de la main gauche) « soit pour le mi[y du
médium ou le re et le mih d'en haut », il a imaginé
d'adopter sur ce premier trou un plateau percé lui-
même d'un autre trou plus petit que celui qui est
dans le bois et qui, » étant juste de la grandeur con-
venable aux sons qu'il doit favoriser », donne une
Fis. 639.
Hautbois Sellner.
sûreté, une sécurité inconnues jusqu'alors. — Puis ;
Je cherchais depuis longtemps quel serait le moyen le plus
simple d'utiliser le si naturel grave... J'ai enfin reconnu que le
meilleur était d'ajouter une clé au petit doigt de la main droite
qui doubla l'effet de la grande dont on se sert pour rendre l'ut
d'en bas juste *.
A l'Exposition de 1839, Brod exposa un hautbois
qui fut jugé « remarquable non seulement par la
qualité du son, mais encore par la disposition de
toutes les parties qui le constituaient ». Malheureuse-
ment, Brod ne put mettre bien longtemps son expé-
rience et son beau talent de hautboïste au service des
améliorations du hautbois, car il mourut celte même
année (1839) sans avoir seulement connu l'opinion du
jury de l'Exposition sur son instrument-.
Celui à qui nous devons incontestablement ce pas
énorme, ce pas que l'on peut qualifier de décisif,
qui a été fait dans la fabrication des hautbois, est
Frédéric Triebert.
Son père, Georges-Louis-Guillaurae Triebert (né à
Laubacb, Allemagne, le 27 février 1770), vint à Paris à
pied, nous dit son petil-fdsM. Raoul Triebert, ancien
hautbois-solo de l'Opéra. Son livret de la préfecture
de police, délivré à Paris, est du 11 thermidor an XII.
11 débuta à Paris chez un ébéniste, qu'il quitta
bientôt pour faire des instruments de musique.
Frédéric lui succéda en 1848, et c'est lui qui a
mené perce et mécanisme à un tel degré de perfec-
tion que FÉTis écrivait en 1853 en parlant des haut-
bois de Triebert :
La qualité de son très pure est celle qui a été toujours pré-
férée dans les hautbois français; tous les détails du mécanisme
sont terminés avec une grande perfection. I.a clé du demi-trou,
ajoutée au hautboispar ce facteur, est une heureuse innovation,
en ce qu'elle fait disparaître une des plus grandes difficultés du
1. M. C. PiEBRE dit à ce sujet que Ccvu-lier fils aîné, de Saint-Omer,
exposa en 1834 un hautbois avec une clé de si grave donnant effec-
tivement ce son ; cette clé. disait-il. <■ ne servant sur les autres haut-
bois qu'à corriger Vut toujours trop haut ».
2. En observateur et chercheur qu'il était, Brod ne se contenta pas
de perfectionner le mécanisme du hautbois. Il savait l'importance qu'a
[lour le hautboïste la fabrication des anches! aussi, le voyons-nous,
toujours à l'Exposition de 1839, présenter une u machine à gouger le
roseau pour les anches du hautbois ». fuis (dans la Notice de ta se-
conde partie de sa Méthode) il signale, « un outil » qu'il a confec-
tionné (imité du taille-plume). « Cet outil, dit-il, sert i donner au roseau,
lorsqu'il est gougé, la forme convenable, et a l'avantage de tailler
toutes les anches à la même largeur et à la même forme. » Nous
nommons maintenant cet outil ; h taille-anches ». Ces deux inventions,
qui ont été naturellement perfectionnées depuis, ont énormément faci-
lilé la tâche îles hautboïstes.
Il remarque aussi que les petits tubes sur lesquels sont fixées les
deux languettes de roseau ont une grosse importance ; « La confec-
tion de ce petit tube peut iniluencer beaucoup sur la justesse de l'ins-
trument, u
Quand ce petit tube est trop large de perce, il manque de justesse :
cei'tains sons trop hauts dans le fnrte deviennent trop bas dans le
pianissimo. Et si l'aigu est facile d'émission, le grave devient bien plus
difficile d'émission et même de tenue. D'après nos observations, le
modèle devrait avoir :
^^
<^aQOZ 15/
/lOO
à la partie ijui reroit les laug^ueUes, et
à la partie qui s'emboîte dans l'instrument.
TUCHMQVE. ESTHETIQUE ET PEDAGOGIE
HAUTBOIS 1537
dciigli' de rinslrument cl donne plus de sûreté dans l'exécu-
liun. etc. '.
C'est à Krédéric THiKBEur, nous assure M. Haoïil
TiiiKBEBT, que Barriît, hautbois-solo de
Covent (jatden, venait demander conseil
pour les clés qu'il désirait ajouter au haut-
bois qui porte son nom-.
Frédéric Triebert mourut le 10 mars
1878.
Le hautbois a progressé sans à-coups,
sans transformation brusque de son méca-
nisme.
Une seule tentative auiait pu le lancer
dans une voie nouvelle : l'application du
mécanisme appelé système Bikhm.
Dans ce nouveau sijstcme, les dimensions
du tube n'étaient plus les mêmes; la lon-
f:ueur totale était de : 0,343. Le pavillon à
lui seul mesurait : 0,103. Le son était loin
d'avoir les qualités que Pétis se plaisait à
recounaitre aux hautbois français; il était
très gros, vilain {on pourrait même dire
qu'il y était dénaturé). La justesse laissait
beaucoup à désirer. Enfin, non seulement,
le doigté différait de celui du hautbois
auibuis ordinaire, surtout pour la main droite,
ARRET, mais encore, pour le jouer, il fallait des
anolies plus larges de roseau!
On conçoit facilement que, dans ces conditions,
les artistes n'aient pas adopté cet instru-
ment.
F. Triebert, le premier, essa\a d'en
simplifier le micainmiie, ou plutôt, de le
rapprocher davantage de celui du hautbois
ordinaire; il en modifia la perce. Dans la
suite, on chercha encore à lui adapter
une perce plus étroite, mais cela ne donna
guère le résultat attendu!
Pendant un certain temps, il fut em-
ployé, mais seulement dans les musiques
militaires. Il avait, il est vrai, pour ce
genre de sonorité, l'avantage du volume
de son.
On fait bien encore actuellemejit des
hautbois « système Biehm », mais cela
devient de plus en plus rare, et les chefs
de musique eux-mêmes y ont renoncé
depuis bien des années.
r, ^., Tout en continuant les modifications
FiG. oit. 1 1 ■ I- •!■■
Mécanisme de ce hautbois, r. Iriebert ne cessait pas
système de chercher le mécanisme désiré.
Bœhm. Ygpj, 1840, il avait trouvé un S3stème
que nous nommons maintenant n» .3. On
peut dire que c'est ce système n° 3 qui a servi de
base pour toutes les amélioralions qui ont suivi.
Nous aurons toujours en eiîet, en principe, la
même disposition des clés d'ut, ut c et mi h graves
par l'auriculaire de la main droite; la clé du double
1. Nous venons de dire ce qu'écrivait Brud en I8-i5 au sujet de ce
dL'rai-trou I
i. On peut lire, en effet, à la fin de la préface de sa Méthode de
hautbois ; o ...Je me plais à reconnaître que M. F. Triebert, par ses
éludes relatives à la perce des tiautbois et à ses connaissances en mé-
canique, a contribué puissamment au pragrès de cet instrument. >•
Copyright b)j Librairie Delograve, 1920.
elîet de mifi (auriculaire gauche); les si h et ut mé-
dium et aigu (index droit); le demi-trou et
les deux clés d'octave.
Le n» 4 fait disparaître l'impossibilité de
triller ut» et ré:: qui existait sur le n" 2,
et a de plus une clé pour la cadence tl'(;(
et ré (médium el aigu).
Sur le n" 3, la disposition des clés de
la main gauche est modifiée : toutes ces
clés se trouvent réunies sur une seule trin-
gle, et sont commandées par une seule
patte descendant sous l'index droit; les
trous d'î^ et de sî;i, au lieu d'être percés
sur le côté du hautbois, se trouvent sur le
dessus de l'instrument. Cette disposition
donnait un peu plus de sécurité aux instru-
menlisles contre l'envahissement de l'eau
dans ces trous.
Un plateau, placé sous la première clé
d'octave, et commandé par le pouce de la
main gauche, permet de faire les sî l. et ut Fu;. 642.
imédiura et aigu) en levant simplement ce Système
pouce, évitant ainsi les mouvements gau- i'''"*''^"'^
ches que la main droite devait faire avec
les no" :i et 4 pour passer des doigtés réguliers de s(i.
et même d'ut aux trous du corps du bas, dans cer-
taines successions de notes.
Mais ce plateau est défectueux comme mécanisme
et difficile à bien régler'.
Enfin, un autre plateau percé d'un petit trou et mis
à la place de l'anneau du majeur de la main droite,
permet d'avoir le ré aigu plus juste.
Plus tard, on ajouta à ce n°o la clé décadence pour
S! et lits médium et aigu, et en allongeant le pavil-
lon, le .Si [i grave. On appelle ce <( système » le n°
On fait encore actuellement des hautbois de ce sys-
tème.
Nous arrivons enfin au hautbois n" 6, dont les prin-
cipales amélioralions se retrouvent exactement sem-
blables dans le n" 6', que .M. Georges Gillet fit
3. Ce plateau n'a aucun rapport avec la clé de si
nous avons parlé à propos des hautbois autrichiens
mécanisme en est absolument différent et, alors que
pour sin et ut, la clé de K"i:n ne servait qu'> pour le s
au pouce duat
de E. KucH. Le
le plateau sert
97
Iô38
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIO.VNAIRE DU CO.VSERXATOIRE
adopter pour sa classe de hautbois du Conservatoire
en 1881.
Dans ce système, dit sysiéine dû Conservatoire, un
anneau ajouté pour l'index de la main droite lait
mouvoir, à l'aide d'une correspondance, les clés de
sib-et ut du corps du haut, supprimant à la fois les
mouvements incommodes des n"^ 3 et 4, elle plateau
de si il et ul du ii" a.
Lacle de soI»sl ici 2 pattes : la première garde sa
place primitive (auriculaire de la main gauche), la
seconde est sur- le côté du corps du haut et descend
sou.s-riudex droit à la place de la patte des clés de
sil-. et ul du no 5. Cette clé de sol'i est, en quelque
sorte, commandée par l'anneau, ou plutôt par une
pelile tige reliée à cet anneau qui, lorsque l'anneau
estabaissé, vient s'appuj'er sur le plateau supportant
le tampon qui ferme le trou de sol::. Grâce à un ingé-
nieux et pourtant bien simple mécanisme, tout en
ayant l'index droit appuyé sur l'anneau, il est possi-
ble de conserver l'auriculaire gauche appuyé sur la
première patte de la clé de sol if, et on a ainsi le trille
de fai sûl%. Ce mécanisme simplifie les successions
des notes conjointes dans lesquelles se trouvent fnif
et s ol-c, et permet, gràceà la seconde patte, les liai-
sons
i^^S
f^5f
Enfin, il donne les deuxiè-
mes doigtés de mi et fa aigus, doigtés si utiles dans
le chromatique, surtout au point de vue justesse.
Ce n" 6", système du Conservatoire, possède, de
même que le 5", un sif. grave.
Avec ce nouveau système, l'avantage ne résidé
pas seulement dans le perfectionnement du méca-
nisme. Grâce à ce perfectionnement et à l'allonge-
aient du tube provoqué par l'addilion du si'!. grave',
non seulement la sonorité générale de l'instrument
se trouve améliorée; elle est plus moelleuse et plus
ample, mais encore certains sons, le fui et le mil^
du médium par exemple, sortent et surtout tiennent
beaucoup mieux; les si[i et ut (médium et aigu) oui
le sou plus homogène, moins cru (cela tient à ce que
le trou de sol, sous l'index droit, se trouve bouché
quand on joue ces deux notes).
La tablature que dnniie cet instrument est repré-
sentée fig. 647.
Des améliorations ont été successivement appor-
tées à ce système, soit pour permettre des trilles
nouveaux, soil pour en ajuster d'autres. Ainsi, id et
ut% graves étaient impossibles à Iriller-, réit mi'',
i((Jf Si'- pas justes. Maintenant, on peut dire que tous
les trilles sont faisables sur le hautbois, à moins de
vouloir faire triller sur les notes de l'extrême aigu ,
et encore!
Il y a quelques années, M. Lorée a imaginé de
sul)slituer des plateaux à Ions les-anneaux existant
sur le hautbois.
Bien qu'on puisse trouver un.p]eu de complication
dans le mécanisme de ce nouveau, modèle, s^/stciiie à
platiaux, il faut reconnaître que 'certains enchaîne-
ments de doigtés y sont simpliliés. Par exemple, dans
la succession de notes conjointes contenant la-' et
si\i, il suffit de lever ou baisser le majeur de la main
gauche. Le .siU ainsi obtenu se faisant par une fouT-
1. On-abien essaye île faire descendre le hauthois .lu la, mais on a
dii y reooneer, car la justesse généralL' de l'iiislrunient en soullVait
beaucoup.
2...M. iontE.y a rtniéilie en' 1 889.
3. MM. KouEnr clSElsiEnen-i9»i.'
4. M.: KoBEBT eiiiil91'2.
che (index et annulaire de la main gauche:, le son en
est bien un peu sourd, mais, comme ce doigté nie
doit servir que dans la vitesse, cet afi'aiblissement du
son n'a qu'une importance relative et ce doigté peut
rendre de grands services.
M'ais si cette fourche de .si h n'a pas beaucoup d'im-
portance, il n'en est pas de même pour celle du fa
(index et annulaire de la main droite).
Ici, la difl'érence du son avec le fa de clé est géné-
ralement assez sensible, et il est assez difficile de ne
pas prendre cette fourche lorsque l'on vient du rt' ou
du mi 1, même dans un mouvement lent, sans ris-
quer d'avoir un accident. Aussi, comme plus on joue
fort, plus la différence entre la sonorité de ce fa de
fourche et les noies voisines est sensible, nn arrive
parfois, pour remédier à cet inconvénient, à ajouter
la clé de mi\j au doigté de fa de fourche.
Nous avouons ne pas aimer cette façon de faire,
et cela, pour deux raisons : là première, parce que le
fa de fourche pris ainsi estforcément un peu liant,
éclatant, criard même, enfin pas homogène. La
seconde, parce que, s'habituant à ce doigté et ayant
le petit doigt pris constamment par cette clé de mi h,
l'instrumentiste finit par éprouver une telle gêne
pour se servir du fa de fourche dans la vitesse, qu'il
en arrive a redouter les passages dans lesquels ce fa
de fourche revient souvent.
On avait pensé à ajouter au hautbois la. clé de
l'ésonance qui existe surle cor anglais, le hautbois
d'amour, etc., pour le fà de fourche, mais cela faus-
sait certaines noies comme lé srfr et surtout le fa^,
cette clé de résonance restant ouverte pour toutes
les notes ne compoitant pas lé médius de la main
droite appuyé.
Eli 1907, iM. UoREUT trouva le moyen d'employer
cette clé de résonance pour le fa de fourche exclu-
sivement. Cette note a maintenant, grâce à ce per-
lèctionnement, la même sonorité que le fa de clév et
il n'y a plus à redouter son influence sur les autres
notes de l'instrument.
C'est ce système Cons'ri'alnire, qu'il soit avec ou
sans plateaux, qui est à l'heure actuelle générale-
ment employé en France. Les Conservatoires et Eco-
les de Musique succursales du Conservatoire de
Paris l'ont également adopté.
A l'étranger, en Allemagne, en Amérique, en Italie,
en .Norvège, en Suède, pr-esque partout, on le rencon-
tre joué par des professionnels, et si beaucoup de
hautboïstes étrangers ne le jouent pas encore, on
commence à le voir figurer (soit exactement, soit
avec quelques petites modifications) sur les catalo-
gues des grandes maisons étrangères.
Les Conservatoires étrangers tels que ceux de
Bruxelles, Liège et Gand, Home, Milan, Uologue,
rurin, etc., ont gardé leur indépendance, el chacun
d^eu\a.'son syslàne (système qui dilfére généralement
très peu d'un Conservatoire à l'autre).
S'il n'est pas possible de dire que le hautbois est
arrivé, en France, àson apogée de perfectionnement,
car on ne sait pas ce que- l'avenir réserve, on peuti
dire que le système n" 6-' actuel est à la fois le plrts
simple et celui qui renferme les détails de mécanisme
les plus indispensables sans en contenir d'inutiles.
EWIPLOI DU HAUTBOIS"
■
Nous avons dit que le hautbois avait été rapidement
éclipsé dans la Suite instrumentale et dans les Ballets.
TECI/XIQUE, ESTflETInUE ET PEDAGOGIE
HAUTBOIS J539
4fâ//7 gauche
Mèi'n dfoite.
1540
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSEliVATOIHE
Après avoir compté au ballet de la Raillerie, en
1639, 8 liaiilbois ou flûtes pour 10 violons, on trouve à
celui des Amours (Ugiiisés, en 1664, o bois pour 10 vio-
lons; au Carnaval, en 1608, 8 bois pour :)8 violons.
Pourlaut, à la tin du xvii'= siècle, pour 24 violons, on
voyait de nouveau 6 hautbois.
A partir de ce momeni, sauf dans les œuvres de
J.-S. lÎACH qui écrit encore trois parties distinctes de
hautbois, ou deux parties de hautbois et deux de cor
anglais, deux de hautbois d'amour et deux de cor
anglais, ou encore une de hautbois, une de hautbois
d'amour el une de cor anglais, le haulhois n'a plus
que son dessus employé dans l'orchestre.
LuLLY el Rameau font encore doubler (et même tri-
pler) les parties de hautbois dans les f\ mais ces
instruments sont bien vite traités plus discrètement,
et bientôt on ne trouve plus que deux hautbois dans
les orchestres (un par partie).
Les grands classiques ont eu fréqueniraenl recours
au hautbois.
C'est à sa sonorité si franche, si captivante, que le
hautbois doit d'être employé avec tant de succès, que
ce soit comme élément pastoral, agreste, pittoresque,
ou pour exprimer la douce joie, la naïveté, la can-
deur.
D'autres voient surtout en lui le côté douloureux,
l'interprète immédiat du sentiment ou le côté fémi-
nin'^.
Avec son timbre incisif, le hautbois ne passe jamais
inaperçu dans l'orchestre, et quand une fois l'oreille
l'a entendu, sa sonorité mordante se détache toujours
de la masse-'.
Nous avons dit avec quels iiisliuments les haul-
boistes de 1630 jouaient lorsqu'ils avaient reçu les
éloges de l'abbé de Pures, et il faut avouer qu'ils
avaient un très grand mérite, d'autant plus que les
compositeurs faisaient volontiers doubler les parties
de premiers violons par les premiers hautbois et
celles des seconds violons par les seconds hautbois.
11 est vrai que Rameau note dans sa partition des
Ta.'ents Lyriques où il fait évoluer les premiers vio-
lons et hautbois jusqu'au mi^ :
I '
(( On peut n'exécuter que les a et les ti si l'on
veut, » mais généralement les parties ne comportent
aucune simplification.
Et les sonates et concertos de H.endelI (Nous
nous sommes demandé bien souvent comment les
hautl)0ïsles du temps de H.e.n'del, dont le hautbois
était l'instrument favori, ont pu exécuter ces mor-
ceaux.)
Les successeurs des Philidor, Hotteterre, Descos-
TKAUX surent imiter l'exemple de leurs aines, et, au
xviii' siècle, le son avait déjà pris ce timbre péné-
trant et un peu douloureux qui séduisit J.-S. Bach,
H.E.N'DEL, Gluck et tous les grands classiques. Les
etforts des hautboïstes tendaient surtout alors vers
la musique de chambre.
1. Dans fsis et Annid'' les hautbois et trompettes éLaipnL tantôt au
nombre de (j, tantôt de 8 et quelquefois do 12.
■1. Kien que dans l'œuvre de Belthuvkx el Gi.r-.K, tous ces diiVéreiits
états d'ûinc sont exprimés par le hautbois. Agreste, pittoresque,
oyeux dans la Si/mphonie Pastorale {selici'zol. dans celui de la 9"
{Si/mphouie aorc clurursf et dans l'allégro de la 7" Ayinplioitie, il est
tondre, touctiaiit dans l'andante île la Sf/mpltotiii' eti ut mineur lors-
qu'il préfiarc Ut rentrée du thème, et devient désolé, pathétique dans
la Symphonie Héroïque ou dans l'air de Floi-estan de Fidelio (début
du 3" ,aele!. Chez Ch.uck, il est plaintif, triste, douloureux dans Iphi-
i]''nic en Aididi' ou en 7'auyide, Alceste, Armide, etc.
3. Aussi, l'exccutanl doit-il s'attacher à atténuer le son le |)lus pos-
sible, lorsqu'il n'a pas àjoner une partie prédominante on seulement
imporiinte.
Avec ce genre de musique, et aussi avec la façon
d'orchestrer à la fin du xviii= siècle, particulièrement
avec les symphonies d'HAVD.>( et Mozart, le son s'af-
tine de plus en plus. (Peut-être certains artistes tom-
bent-ils dans l'exagération' !) Au début du xix= siècle,
nous sommes bien loin de l'instrument ayant le son
« le plus fort et le plus violent, si l'on en excepte la
trompette ».
Haydn, .Mozart, Beethoven emploient presque exclu-
sivement 2 hautbois, mais l'orchestration ne tarde
pas à évoluer de nouveau, et les compositeurs revien-
nent graduellement aux familles d'instruments.
Depuis environ cinquante ans, l'orchestre comprend
presque toujours 2 hautbois et 1 cor anglais. R. Wa-
gner a adopté pour Lohengrin, la Tétraloyie et Parsifal
3 hautljois et 1 cor anglais. H. .Strauss écrit même
dans .S'a/omi' 2 hautbois, 1 cor anglais et i hecUelphone
(hautbois baryton descendant au do, si\j ou la).
m
9-*
A l'orchestre, les grands classiques font, en général,
monter le hautboisjusqu'au ré, mais, cependant, Bee-
thoven n'hésite pas à lui faire atteindre le fa :
^^^-fim
{Fidelio : air de Florestan.)
Plus tard, R. Wagner arrive nusot (mais seulement
dans le ff'').
Maintenant, il n'est pas rare de renconti'er le /a S
aigu dans les parties de hautbois d'orchestre.
Dans les œuvres écrites spécialement pour le haut-
bois, Mozart n'a pas hésité, lui non plus, à le faire
monter au/'a; le sol se rencontre dans le Concerto de
Kaliwoda, Concertino de GuiLUAt_'D, Pastorale et Danser
de M. G. RopARTz, où l'auteur le fail arriver par une
gamme rapide :
et dans une pièce de M. G. .Alahv. M. Golouer monte
au /■(!.# aigu, dans sa fantaisie avec ovc/ieslrc |iar :
Le répertoire classique du hautbois n'est, hélas!
pas très varié. En voici les principales œuvres : Coii-
cevlos et Sonates de H.endel; Concerto de Mozart''';
3 Romances de R, Sciiumann; Trio pour 2 hautbois et
i. Lorsque l'on apprit la mort de Bnun à Chkrluini, celui-ci répon-
dit simplement ; « Brup, petit son 1 » El pourtant, Brod é!ait un artiste
de tout premier ordre!
5. Or du H/iin el Si> ijfrii'd.
6. Le premier mouvement a été retrouvé, paraît-il, il y a quelques
années. Ce concerto ne se Itouve pas meD'ionnê sur le catalogue
général des œuvres île Mozart.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET l'EDAGOGIE
HAUTBOIS ir.41
COI' annlais de Beethoven; Sonates ii trois de H.endel' ;
Quatuor de Mozart pour liaulbois, violon, alto et vio-
loncelle; Quintettes pour piano, hautbois, clarinette,
COI- et basson de Mozart et Meethoven.
Mais nous conseillons beaucoup aux hautboïstes
l'élude approfondie des sonates de J -S. Bach et
Ht-ndkl pour violon et piano ou flfite et piano, qui
sont presque toutes dans le registre du hautbois. Kt
nièmi' certaines sonates pour piano et violon de
Haydn, Mozart ou Beethoven, et les concertos de
Mozart pour violon ou QiUe (notamment celui pour
tlilte en ré). Pour les concertos de violon, on transpo-
sera d'oclave les notes trop hautes ou trop basses.
PRINCIPAUX VIRTUOSES DU HAUTBOIS
Parmi b;s hautboïstes qui ont été les plus remar-
quables, nous connaissons déjà les Philidor-, Descos-
tealx, Hotteterre. En Allemagne, triomphait Barth
(Christian-Samuel), né à Glauchau en 173a. Il fut un
virtuose remarquable et compositeur (élevé de J.-S.
Bach). Il fit partie des chapelles de Hudolstadt, Wei-
mar, Hanovre, Cassel et Copenhague, où il mourut
en 1809.
LEiiRUN(Ludwig-August),néà Mannheimenl746, fut
lui aussi un virtuose célèbre en son lemps. Bien que
faisant partie de l'orchestre de la cour à Munich, il
lit de nombreuses tournées eu .Allemagne et à l'élran-
ger. Il esl mort à Berlin en 1790. 11 laisse des con-
certos pour hautbois, des trios pour hautbois, violon,
violoncelle, etc.
Fischer, né à Fribourg-en-Bris^au en 1733, mourut
à Londres le 29 avril 1800, pendant l'exécution d'un
solo de hautbois, des suites d'une attaque d'apo-
plexie.
Il devait être élève de son père, près de qui se ren-
dit à Londres Sallantin, de 1790 à 1792, pour se perfec-
lioiiner.
Sallantix naquit à Paris eu 17o4; attaché à l'or-
chestre de n ipéra, de 1773 à 1813, il fut nomméjpro-
fesseur au Conservatoire en 1793.
Vient ensuite toute la lignée des professeurs, suc-
cesseurs de Sallantin :
VoGT=' (Auguste-Gustave), né à Slrasliouig le 18 mars
1781. — i" prix an VII. — I" hautbois de la musique
particulière et de la chapelle impériale, du 19 thermi-
dor à 1814-, et pendant les Cent-jours. Musicien de
1'= classe (germinal au Xljaux grenadiers à pied de la
garde impériale; à Milan, pour le couronnement,
mis eu congé le 1" septembre 1808; l"' hautbois
de la chapelle du roi, 28 décembre 1814; réformé
pour opinions bonapartistes et pour avoir, comme
garde national, combattu contre l'armée étrangère
lors des deux invasions; réintégré le 1" janvier 1819
jusqu'en 1830. Musicien de 1'= classe à la musique
de l'état-major des gardes du corps, du l"^'' août au
l'^' septembre 1822; l'"' hautbois de la musique par-
ticulière de Louis-Philippe, du l" mai 1839 à 1848.
A fait partie des orchestres de rOpéia-Comi(|ue dès
1803; de l'Opéra, de juillet 1812 au 31 mars 1834;
1. Bien que ces « sonates » soient (écrites pour a 2 hautbois » et
M basse chitl'ree u, on les joue souvent à deui hautbois et basson.
Nous pensons que celle façon de faire ne trahit [las la pensée de l'au-
teur, les harmonies étant dans ce cas complètes .'i trois parties. H.t.NOEi.
a écrit un trio de deux hautbois et cor anglais pour accompagner le
contralto dans Afhalie 12» acte).
2. Anne-Danican Philidor , hautboïste réU'bre , fut directeur du
Concert Spirituel de l'-lb à 1740.
3. RiEMANN signale également Pfeiffer, <• hautbois de génie, un des
premiers professeurs de Beethoven ». .Sans autre indication!
hautbois solo de la Société des Concerts en 1828.
Professseur au Conservatoire adjoint dès 1802; titu-
laire de 1816 à 1833. Vogt est mort le 30 mai 1870.
Verroust (Stanislas!, né à Hazebrouck (Nord), le
10 mai 1814. 1" prix 1834. Fait partie de l'orchestre
de l'Opéra en 1839 (13 mai). Chef de musique de la
2^ légion de la garde nationale en 181-8, l"' hautbois
à la chapelle impériale en 1853. Professeur au Gym-
nase musical militaire. St. VERROusTestnomméprofes-
seur au Conservatoire en 1853, position qu'il garda jus-
qu'en 1863. Il est mort à Hazebrouck, le 11 avril 1863.
Trierert (Charles-Louis) est né à Paris le 3 octobre
1810; 1" prix en 1829, il fait partie des orchestres de
l'Opéra-Comique en 1830, de l'Opéra, du 1" avril
1834 au 31 août 1839 et du 1" janvier 1849 au 31 mai
18:iO,puis passeau Théâtre-Italien en 1850. Fait partie
de la Société des Concerts le 23 novembre 1853. Pro-
fesseur au Conservatoire, de 1863 à 1867, Charles Trie-
rert est mort à Gravelle (Seine) le 18 juillet 1867.
Berthélemy, né à Saint-Omer (Pas-de-Calais) le
4 novembre 1829; l" prix en 1849, fait partie de l'or-
chestre de l'Opéra (de 183.5 à 1868) et de la Société
des Concerts. Professeur au Conservatoire en 1867,
Berthélemy est mort à Paris le 13 février 1868.
Colin (Charles), né à Cherbourg le 2 juin 1832;
1" prix de hautbois en 1852, d'orgue en 185't, d'har-
monie et accompagnement en 1S;)3, 2'= grand prix
de Home en 1837, Colin fut nommé professeur au
Conservatoire eu 1868 et y resta jusqu'en 1881 . Il esl
mort le 26 juillet 1881.
Avant de parler du professeur actuel, M. Georges
(iiLLET, nous allons encore donnerla biographie d'une
famille d'artistes dont plusieurs membres obtinrent
sur le hautbois une telle haljilelé «qu'ils passèrent
pour l'avoir inventé' ».
Les Bësozzi se sont fait connaître comme virtuoses
sur le «hautbois», le basson, la tliUe.à Turin, Parme,
Dresde et Paris. Burney' écrit en 1770 qu'il a entendu
un concerto de hautbois exécuté par Besozzi, neveu
du célèbre basson et hautbois de Turin. L'un des des-
cendants des Besozzi, Louis-Désiré, est né à Versailles
le 3 avril 1814. Grand prix de Rome, il est moi t à
Paris, après une longue carrière vouée à. l'enseigne-
ment, le H novembre 1879.
Mentionnons également Sellner, dont nous avons
parlé déjà à propos des hautbois à 10 clés; Sellner,
né à Landau le 13 mars 1887, mourut à Vienne le
17 mai 1843, après avoir été professeur de hautbois
et directeur des Concerts d'élèves au Conservatoire.
N'oublions pas Brod (Henry), né à Paris le 13 mars
1799, qui obtint son 1" prix au Conservatoire en 1818
et lit partie de l'orchestre de l'Opéra de 1819 à 1839;
un des fondateurs de la Société des Concerts, où il
se nt 1res fréquemment applaudir comme virtuose'''.
Facteur de hautbois, Brod mouiul le 6 avril 1839. au
moment oi'i ses etlorts allaient être couronnés de
succès
N'oublions pas davantage GriDÉ (Guillaume), pro-
fesseur de (hautbois, depuis 1885, au Conservatoire
de Bruxelles. Giidf. fut un hautboïste remarquable
doublé d'un excellent musicien. 11 est mort pendant
la guerre, après avoir été un des directeurs du théâtre
de la Monnaie de Bruxelles.
Citons enfin M. Gillet (Georges), le professeur
actuel du Conservatoire de Paris.
4. H. Lavoix.
.i. Célèbre auteur anglais d'une Histoire de la mtivf'çue. {Eewart.)
fi. Il atreclionnait 1.' genre musette tr,''S pittoresijue et avait une
netteté d'exécution irréprochable. (Er.uART )
15/42
E'A'Cycl.OI'ÈlllE DE f,A MUSt{)UE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
•.M. Geor.ges (;,illet est né ,à Louviers (Eure), le
17 mai I8.')4. 11 obtint son i" prix au Conservatoire
en 18&9 (il avait par conséquent quinze ans!), et fil
successivementparlie, en qualité de hautbois solo, du
ThéàtreJtalien (salie Ventadour) de 1872 à 1874; de
|.'0pérar.C<3niiquf ,de 1878 à 1895; de l'Opéra de 1895
à 1904.
Fondateur des Conceits Colonne, il y reslade 1872
à 1876, pour entrer à la Société des Concerts, toujours
comme hautbois solo, de 1876 à 1899.
M. G.GiLLET est aussi un des fondateurs de;la-Société
des <i Instruments à vent ». Il a été nommé professeur
au Conservatoire en 1881.
On peut dire, sans crainfce, que M. G. Gillet est le
plus e.^traordinaire virtuose hautboïste qui ait existé.
Sa qualité de son.était délicieuse, d'une finesse, d'une
limpidité qui n'excluaient cependant pas la fon-e.
Avec cela, un mécanisme parfait et une facilité d'ar-
ticulation prodigieuse (nous prenons à témoin ceux
qui l'ont adiiiiré soil à la Société des Concerts, aux
concerls Colonne, d'Harcourt, ou aux belles séances
de la Société des o Instruments à vent »).
M. G. GiLLET a non seulement rendu au haullKiis
cette sonorilé jolie et puissante qui est actuellement
la caractéristique du son du hautbois français, mais
il a donné un essor formidable à cet instrument en
ressuscitant, pour ainsi dire, les. gmnds maîtres clas-
siques.
Il n'hésitait pas, en effet, adonner l'exemple en
exécutant de façon supérieure les sonates et concer-
tos de WMmth et même des fragments de Sonates pour
flûte ou violon et piano de J.-S. I^ach, le Quatuor de
MozABT, le Trio de Beethoven, etc.
Il est arrivé ainsi à donner .à la France celte
pléiade de hautboïstes qui font l'admiration des chets
d'orchestre étrangers invités à venir, à Paris, diriger
les grands orchestres.
MUSETTE
I,a musette aenre Jinutbois,ia.ppeiée aussi musrt/c hre-
toune, est, en quelque sorte, an petit hautbois. Klle en
a la forme et se compose d'un corps et d'une anche
à double languette.
idle est généralement en so/, eta 6 trous latéraux
sur le devant et un 7'^«ur la face antérieure. Son
doigté est le même que celui du hautbois de modèle
l'orrespondant'.
Son usage a été, pensons-nous, très restreint, et elle
a été employée surtout pour les danses rustiques et
partieidièrennent dans certaines contrées.
Le Mitiisée idii Conservatoire possède une musetie
rusliij&e<en msage dans .le ^Gers. Elle n'a pas de cli: et
ses trous sont percés nu ter rouge, u On la fabi-ique
dans la forêt de Jupille-. «
M. Raoul 'rniEBERT dit que son père a inventé nn
hantbois /x(s<i!)nii/ pojii' remplacer la musette ordi-
naire. Cet linstrumenl a toujours le son plus ample.
Est-ce l'instrument dont parie St. Virroust?
En cré:int le li.iulbûis pastoral, nous nous sommes proposé
J'uliliser les h.inll)Oïste.s ûr n\2inients(]iii,pn'si|uetoujours,n'exé-
cutent dans les niarchps qu'une pnrtio iusi'ïnifiante.
l.e.otorme produit pai' leèauthois eBoit, employé avaeidisser-
I. Nous avons joué une musette ,1e Cuvu.libr qui présente t^eUo
particularité, d'être ubsolumont juste lorsqu'elle esl jouée aver une
anc-liede hautboisondM>aiirc'.ElJ(N(w)ssèilcj(fuatre clés. qui ont. ét6 ajou-
tées ..iprps roup. J'.llr; tvil. '.'Il ■(»/ et m«6UT('iÛ.3.S.
"1. CnouQr'KT, Cafa/uifue fhi .Uutc'' ,du Conaervaloire de mv.'iiqiie-
nomeut dans les morceaux di' repus, disparait presq.ue entière-
ment aumilieudelairuyante harmonie d'un pas redoublé; c'est
alors que peut très brillamment intervenir le timbre puissant de
nrtlre hautbois en la\,^.
Le catalogue de F. Tuikbert mentionne : hautbois
pastoral en sol et la |> à 4 et 10 clés.
Le Musée du Conservatoire possède aussi une basse
de musette. Cet instrument est à perce très large etâ
un son considérable. L'anche double se pose ici sur
un bocal en cuivre de forme conique; il est replié sur
lui-même en forme de cercle.
HAUTBOIS D'AMOUR
Le hautbois d'amour est un instrument qui se place
entre le hautbois ordinaire et le cor an- ,i
glais; il est en la. A
■11 se ■compose : t" d'un tuyau en bois de W:
peree conique qui se divise en trois par- |lj|
ties : les deux corps et le pavillon, lequel, il i
au lieu d'aller en s'évasant comme celui du
hautbois, prend la forme d'une ijomme ;
2° d'un bocal; 3» d'une anche double.
Le hautbois daniour doit avoir le son
plus voilé, moins mordant que celui du
hautbois ordinaire. 11 faut s'attacher à ne
pas lui laisser prendre non plus le son
du cor anglais, celui du hautbois d'amour
devant être plus elieminé.
Cet instrument ne semble pas avoir été
usité en France, car on n'en trouve aucune
tîrace dans les compositions musicales.
Le Mercure Musical de 1749 annonce :
« BizEY, inventeur de plusieurs instruments
à vent, avertit qifil travaille toujours avec
succès et perfectionne plus que jamais.
et M. Constant Pierre di't que ce fabricant a Ha'iùbifs'
laissé lin hautbois d'amour qui a figuré à d'amour.
l'esposition de Londres en 1890'.
'Faut-il attribuer à Rizey l'invention du hautbois
d'amour en France?
•Si le hautbois d'amour n'était pas connu en
France, par contre, en .Allemagne, on l'utilisait très
fréquemment. Celui qui s'en est le plus servi et lui
a consacré les plus belles pages est sans contredit
J.^S. Bach. Il lui a confié « les plus pathétiques canti-
lènes », écrit .M. Widor.
Kn effet, quoi de plus délicieux que l'air de la .1/esse
en Si mineur, et nous conseillons de beaucoup tra-
vailler sur cet instrument ces pages admirables, que
ce soit dans la Messe, le Défi de Phirbus et de l'an, le
Magnificat, etc. J.-S. 11\ch l'emploie également à àet
.S'parlies distinctes ; il emploie encore 2 hautbois d'a-
mour et '2 cors anglais dans VOralorie de Noël, etc.
Les compositeurs modernes semblent vouloir de
nouveau faire appel à son timbre : M. Gédalge l'em-
ploie dans sa dernière symphonie; M. Le Boucher
dans une suite d'orchestre au Bois sacré; M. R.
Stbauss dans sa Symphonie domestii/itc.
COR ANGLAIS
Le cor anglais est un grand hautbois d'amour. Par
conséquent, il se compose également d'un tube en
bois, de perce conique, d'un bocal et d'une anche
3. S. VBitftousT, Méthode de hautbois.
4. Constant Pjebuf. Les Facteurs d'Instruments de musique
TECHiXIOUE, ESTHETIQCE ET PEDAGOGIE
HAUTBOIS 1543
double. Son pavillon a la même l'orme que celui du
hautbois d'amour.
Il es( à la quinte du hautbois, c'est-à-dire en f'n.
Etant au hautbois ce que l'alto esl au violon, il
serait plus lopiqiie de le nommer hnnlboiti-alto'.
'Il devrait ce nom de cor an^ihiis à la forme en
demi-cercle que lui donna, pour en f'arilHer le munie-
ment {'.}, un Itautboiste de Bei'f^ame, Jean Peiilendès,
établi à Strasboiiri,' vers 1760. Avec cette forme en
demi-cercle, l'instrument ressemblait à ceriaiu cor
de chasse usité en Angleterie vers la même époque.
Si cette l'orme semblait à certains faciliter le
maniement de l'instrument (ce qui n'est pas notre
avis, car nous trouvons au contraire celte disposi-
tion très incommode pour en Jouer), par contre, elle
lui donnaitde bien grands inconvénients: parexemple,
l'impossibililé devant laquelle on se trouvait de pas-
ser une perce à l'intérieur. Or, comme le cor anfilais
de forme aiquée était fait d'une succession de petits
arceaux ou anneaux en bois ajoutés les uns aux
autres, cela donnait dans la perce des aspérités, des
inégalités qui en rendaient le son beaucoup moins
intense. Pour cacher tous ces anneaux, et aussi pour
donner à l'instrument un peu de solidité, on recou-
vrait ces instruments de cuir.
TniEBERT avait imaginé de découper dans une
planche de buis, d'une épaisseur sulfisante, un mor-
ceau de bois de la forme du cor anglais arqué qu'il
mettait dans de l'eau bouillante. Ensuite, il le faisait
paï.ser sous une presse jusqu'à ce que le morceau de
bois fût devenu droit; puis on le « tournait», c'esl-
à-dire qu'on lui donnait sa forme extérieure, et on le
perçait vivement intérieurement ; enfin, on le laissait
reprendre sa forme naturelle.
Cela avait au moins l'avantage d'avoir une perce
bien lisse, bien égale, mais cela ji 'enlevait nullement
l'inconvénient du passage de l'eau sur les trous de
la partie tenue par la main droite-.
On fit encore des cors anglais arqués jusque vers
1870.
En 183:-), dans sa métliode, Bhod écrit qu'il a trouvé
un modèle « plus avantageux », et qui n'a que
« 4 pouces I 2 » de plus que le hautbois, au lieu de
« 10 » comme les anciens :
J'ai obvié à ceUe différcnco [r.n- l,i lorme du hocal : et il ajoute ;
ce tiaulljois-allù remplace parfaileuienl le cor anglais et doit,
comme on le concevra sans peine, avoir une grande préférence
sur lui. tant par sa justesse et la perfection que l'on peut apporter
dans sa perce, que par sa forme plus présentable.
Le cor anglais descend de la haute-contre onhanl-
bois de chasse, oboé di caccia, selon J.-S. Bach.
Sous ce dernier nom (olwr di c(iccià\, il fut beau-
coup emplo\é par J.-S. Bach dans ses cantates, snit
en instrument soliste accompagnant la voix, soit
mélangé aux hautbois, hautbois d'amour.
Dans la musique de théâtre, c'est (jLL'cr qui l'em-
ploya le premier dans Alcexte (l'édition italienne
publiée en 1760 mentionne : corno englese\.
Bien qu'il fCit joué pour la première lois à l'Opéra
par VoGT, eu 1808, dans Ale.ijcindre chez Apelle de
C.\TEL, il devait être connu eu France, tout au moins
de nom, dès 1779.
Iji l'f'proiUiisanl. écrit Constant Pierre, d'^ipros la Giiielle îles
Deii.r-l'oiils, linéiques notes sur un instrument nouveau, appelé
liulle d'amour, joué à Vienne par des iJoliémiens, \'.Avaiil-e(iurtur
de 1779 nous apirend qu'il partici|)ait duhaulljois de chasse ordi-
naire, du vnr iiufjlais et du hautbois '.
Le cor anglais, dit Berlioz, est une voix mélancolique-, rêveuse,
assez noble, dunt la sonorité a quelque chose .l'effacé, de Imiilain,
qui la rend supérieure à loule autre, quand il s'agit d'émouvoir
en faisant renaître les images et les sentiments du passé, quartd
le compositeur veut faire vibrer la
cordeisecrètedes: tendres souvenirs. B «
Son registre grave est au-
jourd'hui bien plein, bien puis-
sant, celui du médium corres-
pond très exactement aux
belles notes d'une vraie voix de
contralto, mais son aigu esl un
peu grêle, un peu soulfreteiix.
Nous ne rappellerons pas
tous les ouvrages dans lesquels
les compositeurs ont fait appel
au cor anglais. Disons seule-
ment que, dans ses cantates,
J.-S. Bach l'écrivait en clé A'iU
3" ligne; les compositeurs ita-
liens qui précèdent Vkrdi le no-
taient en clé de fa 4= ligne ; les
Français anti'rieurs à Halkvy
en clé d"î(/ seconde. A présent,
on se sert de la clé de sot.
Paimi les plus belles pages
confiées au cor anglais, nous
mentionnerons le solo de .l/'//i-
fred de 15. Schumann, ceux que
Berlioz lui a confiés, soit dans
l'ouverture du Carnaval no-
main, celle de Rob-Roy, dans
la llnmnation de Faust, la Si/m- __.,
phonie h'an/astiijue, C. Franck rapproché.
dans l'd^i/aiphonie rnré mineur,
li. W'vcnkh dans Tannhnaser, et surtout dais Tristan
et hotde.
Depuis que le cor aniilais a |iiis sa forme \
définitive, il a suivi tous les perfectionne- ]a
ments du hautbois jusqu'en 1890 ou 1900. A M
cette époque, M. Lorée a trouvé le moyeu lu
de disposer les clés de telle façon que les
doigts n'ont plus besoin d'un écartement plus
grand que pour le hautbois ordinaire. Il le
nomme système à doi(jt(' rapproché. Depuis, il
y a adapté le mécanisme du hautbois à pla-
teaux.
Le mécanisme reste le même pour ces deux
instruments que pour le liautbois « s\stéiue
Conservatoire ».
HAUTBOIS-BARYTON
Le hautl'Ois-harijton se compose, lui aussi,
d'un tube se divisant en deux giands corps
et d'un pavillon » en forme de pomme ■>;
d'un bocal et d'une anche double. Bizev en a
laissé un qui avait deux clés en cuivre.
Kio. Ui9. FiG. 650.
Système Mécanisme
:i doigté du hautnois
à plateaux.
1. Nous devons faire remarquer que R. Wag.vrh. dans Parsi/n/, a
noté la partie de cor anglais obor-alto. — Une notice des éditeurs dos
pirtitions tUr Sirf/frifd et Tristan et Isofde dit bien que R. WA<;i\En.
trouvant le limltri- du cor anglais trop faible pour l'orchestre, a fati
construire un instrument spécial qu'il nomme oboi'-altu, et qu'il d<^si-
rait que les parties de cor anglais de ses ouvrages fussent jouées a\ef
cet instrumeut. Nous avouons n'avoir jamais eu confîrraatioe de celti-
allégation.
2. Le musée du Couservatoire de P,rii\elles pos'i'ilc un
cor anglais (marque Cuvti.i.iEn à Saint-IJmer) dont tes deux
corps s'emboîtent dans un barillet coudé, de sorte qu'ils
forment entre eux ■■ pour faciliter te uianiemerd de l'inslru-
ment » tni angle d'environ l iU°. — (^ctte disposition n''-n-
Irvait pas l'inconvénient de l'aire rouler l'eau dans les trous
du corps inférieur Fio.6d1.
3. Constant PiKiuiE.
15'i4
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Brod en donne un modèle dans sa méthode de
hautbois.
F. Triebert mentionne sur son catalogue • " Bary-
ton... genre hautbois n" 4, plus le si ^ et 1'»; corres-
pondance au pouce. »
M. LoRÉE lui a adapté le mécanisme du hautbois
moderne, le rendant ainsi propre à figurer dans les
orchestres modernes.
Le hautbois-baryton descend de l'ancienne taille
de hautbois; il est à l'octave grave du hautbois. Il a
une très belle qualité de son que Brod comparait à
la voix de ténor, ou à celle dont il poi te le nom.
c< Ce sera une admirable basse le jour où l'on vou-
dra grouper tous les instruments de même famille,
et constituer un foyer de sonorité intense, presque
agressive, au centre de l'orchestre, tout à côté des
cors'. »
Jusqu'à présent, son emploi a élé fort lestreint.
M. R. Strauss a fait appel à cette famille dans Sa-
Inmr : 2 hautbois, 1 cor anglais et 1 hautbois-baryton
qu'il rempLice par Vhcckciplione.
Ce nouvel instrument est un hautbois-baryton avec
une perce plus large, ce qui lui donne un son plus
l'oit, mais qui tranche un peu trop dans l'orchestre.
Il est en ut, et M. Heckel en fait qui descendent au
do, si h et même la grave. Ils donnent :
"£1
-pfi^
1. WiDun, Traité d'instrumentation.
M. BLELZET.
LA CLARINETTE
Par M. MIMART
ANCIRX PROFBSSEUR AU CONSERVATOIRE
ORIGINE ET ÉVOLUTION DE L'INSTRUMENT
La chirinelle est oiiginaire de l'Allemagne; c'est
à Jean-Christophe Dennicr (Leipzig, 16o5; iNûremliei';:,
1707) qn'en est due l'iiivenlion.
Les écrivains qui se sont occupés de l'histoire de
cet instr'ument s'accoideiit pour en faire remonter
l'apparition aux environs de 1700. Lavoix, dans son
ouvra^çe L'Instrumentât ion, donne la dale de 1080
pour les premieis essais de Dknner dans la consti'iic-
tion de son nouvel inlrument, et 1701 pour l'appari-
tion de la première clarinelle.
Hugo RiEMAN.N dit :
« Denn'er (J.-C), llls d'un faltricant de cors, qui, de
Leipzig, vint s'établir à Nuremberg, devint très habile
dans l'art de la fabrication des instruments à vent
en bois; ses essais d'amélioration de l'ancien chalu-
meau français l'amenèrent a inventer, vers 1700, la
clarinelle, qui devint rapidement un des principaux
instrumenis de l'orchestre. » (H. Hieman.n, Diction-
naire de Mi(Siique.)
L'ancien chalumeau d'orchestre dérivait de son
congénère champêtre que se fabriquent encore ac-
tuellement les paysans habitant les légions où pousse
le roseau.
Les Italiens prétendent que les anciens chalumeau.x
français élaient un perfectionnement de la Ciara-
metla, rustique instrument de musique, encore en
usage dans quelques contrées de l'Ilalie.
La Ciaramella esl faite d'un tube de roseau, fermé
à l'un de ses orilices, percé de sept trous et fendu
obliquement sur un de ses côtés, près de l'extré-
mité bouchée. La languette de roseau ainsi oljtenue,
et sulOsamment aniuicie, constitue l'anche. Kn
embouchant ce tuyau de manière que leurs lèvies
recouvrent entièrement l'encoche, les joueurs de
cet instrument, dont le souftle en passant par cette
ouverture met l'anche eu vibration, obtiennent des
sons grossiers, il est vrai, mais qui ne sont pas sans
analogie avec ceux de la clarinette.
11 est possible que le chalumeau ait été le résultat
de perfectionnements apportés à la ciaramella; mais,
que cela soit ou non, il est évident que ce rudime;i-
taire instrument contient les éléments constitutifs
de l'ancien chalumeau el, par conséquent, de la cla-
rinette, l'anche battanle associée à un tuyau cylin-
drique. Cette association remonte très loin, ainsi
qu'on peut en juger par VAryhuul, très ancien cha-
lumeau égyptien dont le Musée du Conservatoire de
Paris possède un spécimen.
De ce que les essais de transformation du chalu-
meau ont eu lieu en Allemagne, il ne faut pas con-
fondre le Schalmeij allemand avec le chalumeau. Le
schalniey était une sorte de hautbois qui, malgré son
anche doulde, était souvent, au cours du xvii" siècle,
en iM-ance, désigné parle mnlrhalumeau.
Le véritable chalumeau français se composait : du
corps de l'instrument, — un tube cylindrique géné-
ralement en bois de buis, — d'une anche battanle
(anche simple naturellement) faite d'une languette de
roseau montée sur une sorte de bec placé à l'inté-
rieur d'une boîte terminant l'instrument. Cette boite
s'accompagnait elle-même d'un tube servant à l'em-
boucher; le souffle arrivait donc sur l'anche comme
dans certains jeu.x d'orgue; cet instrument n'avait
pas de pavillon; il se terminait comme le flageolet.
Son échelle des sons, très réduite, se composait uni-
quement delà série des sons fondamentau.x obtenus
parl'ouverture successivedes huit trous latéraux dont
il était percé :
♦
^V^^^
:*=^
Les chalumeau. 'c élaieil encore instruments d'or-
chestre pendant la seconde moitié du xvin" siècle. Us
formaient une famille complète. Le soprano ou dis-
cant, l'alto ou quarte ou haute-contre, le ténor ou
taille et la basse ou basse taille. C'est dans ces diffé-
rents instruments qu'il faut voir l'origine des clari-
nettes soprano, des clarinettes d'amour, des clari-
nettes alto, des cors de basset et des clarinettes basses.
La façon tlont l'anche de ces chalumeaux était mise
en vibration ne permettait qu'accidentellement la
production des harmoniques; ce sont les recherches
faites dans le but de les obtenir régulièrement qui
ont conduit Dkn.nek à faire du chalumeau, son nouvel
instrument, la clarinette. Ue bonne heure, en Alle-
magne, on s'ingénia <i perfectionner le chalumeau
français. Ceux que fabriquait Ue.nner étaient percés
de huit trous. Le premier (petit doigt de la main
droite) était double, c'est-à-dire formé de deux trous
assez petits et réunis.
Ils étaient déjà munis de deux clés, l'une actionnée
par le pouce gauche, la seconde par l'index gauche;
les trous que recouvraient ces clés étaient percés en
1546
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIliE
face l'un de l'autre el de même diamètre. L'instru-
ment, tout l)ouclié, donnait le fa grave : *_/' ^ — |
el, tout ouvert, le srti :
^^''-'-^^
était obtenu en tenant fermée la clé du pouce et
ouverte la clé de l'index, le reste de l'instrument
ouvert. La clé du ponce servait à faire monter à la
douzième les sons fondamentaux.
L'étendue de cet instrument était de deux octaves
et une quinte à partir du /'a grave. La longueur était
de 0",50; il n'avait pas de pavillon.
Sur ces chalumeaux, Denner avait déjà supprimé
la boîte enfeimant le bec, et créé le modo actuel
d'embouchure et de fixation de l'anche sur le bec,
ce qui, du reste, était de toute nécessité pour aider
à la production des sons harmoniques élevés.
En définitive, l'invention proprement dile de la
clarinette se réduit à |5eu de cJhose.
Denneu reporta plus liaiil, vers l'emlioucliure, le
trou de la olé du pouce paucbe, et dut, par consé-
quent, en diminuer le diamètre; et, pour éviter que
la salive n'envahit un espace aussi réduit, il le garnit
intérieurement d'un petit tube en cuivre dépassant à
l'intérieur de la perce. Le nouvel emplacemenl de ce
trou eut pour effet de faciliter énormément l'émission
des douzièmes.
11 évasa l'exlrémilé de l'instrument et lui donna la
forme d'un pavillon de trompette. La clarinette était
faite; le premier instrument de ce genre parut en 1701.
Dès l'origine, la série des notes fondamentales de
la claiinetle porta le nom de regisire du chalumeau,
en souvenir de l'instrument qui lui avait doimé
naissance; il garde encore cette dénomination. Les
notes composant ce registre avaient un son mat.
La série des douzièmes prit le nom de registre de
clarine, parce que ces sons étaient éclatants, criards
même, el ressemblaient assez à ceux des trompettes.
On l'appelle aujourd'hui registre de clairon. La na-
ture particulière de cessons, ainsi que la forme du
pavillon, firent donner au nouvel instrument le nom
de clarinette ou petite Irompette.
On sait que les trompettes sonnant dans le registre
aigu portaient, à celte époque, le nom de clarine.
Cette inégalité dans la sonorité des deux registres
de la clarinette a subsisté Jusqu'à l'apparition de la
clarinette à Ireize clés.
Frédéric Béer, qui fut professeur au Conservatoire
en 18.32, l'apprécie en ces termes : « Avant l'usage des
clés adoptées auiourd'luii, les différents registres de
la clarinette ne pouvaient se marier entre eux d'une
façon agréable. Les sons du chalumeau étaient très
sourds; par contre, ceux du clairon sortaient toujours
éclatants; ils n'étaient surpassés en intensité que par
les sons suraigus. » (F. \^RV.^, MHhode de clarinette.)
Nous donnons ici l'étendue de la clarinette à deux
clés; les notes surmontées d'un zéro ne s'obtenaient
que par des doigtés dits fourchus :
0 o
.^by^jr*»* •««
-i^WL
P^
^
^^♦^g-tf'
,°^d.l^^-r-
Sur cet instrument, on comprendra facilement
l'absence du si'f (troisième ligne); cette note n'existe
que comme harmonique Iroisième du vni grave; oi'
les premières clarinettes ne descendant qu'au fa
grave, la production du >■(:: était donc impossible.
Intonations vicieuses résultant du percement des
trous d'après l'éeartement naturel des doigts, notes
sourdes ou trop éclatantes, manque absolu d'homo-
généité dans la succession des sons de ses dilférents
registres, tous ces inconvénients expliquent if peu
de sympathie que la clarinette oblinl tout d'^ibord.
Elle resta assez longtemps dans cet étal précaire; ce
n'est que vers le milieu du xviii' siècle que l'on com-
mença à l'améliorer. Le fils de Denner allongea la
clarinette et la munit de la iroisième clé permettant
de donner le mi grave; celte clé se prenail avec le
pouce droit. D'aucuns prétendent que ce perlection-
nement doit être attribué à Fritz B.\rtiiold, facteur
d'instruments à Brunswick (mort en I76()). Il est
probable que Bartiiold a tout simplement changé la
place de la clé de -mi grave en la mettant sous l'action
du petit doigt gauche. Cette amélioration fut capitale.
Si la clarinette demeure encore très défectueuse
sous le rapport de la justesse et de la sonorité, du
moins la succession de ses sons s'opère-t-élle sans
solution de continuité. Le nouvel instrument va
prendre son essor, il attirera de plus en plus certains
artistes qui chercheront à le perfectionner, et c'est
ainsi que, de progrès eu progrés, il deviendra ce
qu'il est actuellement, un des plus riches et un des
meilleurs organes de l'orchestre.
Peu après Barthold, Joseph Bker i 1744-18111, fon-
dateur de la prrmière école allemande île clarinette,
augmente de deux le nombre des clés el obtient le
/■(( tf el le so/ it grave:; -*/• ft *•*— 'i ainsi que
leur douzième
Si, par l'usage de
ces deux nouvelles clés, s'enrichit l'échelle chroma-
tique de la clarinette, nombreuses sont encore les
notes ne s'obleiiaiil que par des doigtés particuliers à
chaque instrunientisle. Les fabricants d'instruments,
à celte époipie, ne possédaient pas celte réj^ularité
dans la production que l'on constate actnellemenl
chez les bons facteurs; les instruments ne sortaient
pas rigoureusement semblables des mains de l'ou-
vrier, et telle note qui sur une clarinette se faisait
à l'aide d'un certain doigté, sur un autre instrument
en exigeait un dilférent.
Née en Allemagne, la clarinette, en' tant qu'inslru-
ment d'orchestre, parait avoir été utilisée pour la
première fois en Belgi(|ue.
liEVAERT {Traité d'orchcxlraliim) cile la partition
TECIINKJVE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOdlE
LA CLARINETTE 1547
d'une messe composée en 1720, dans laquelle l'auteur,
Jean-AJain-Joseph Faher, maître de chapelle de la
cathédrale d'Anveis, utilise le nouvel instrument.
C'est le prenw«r
exemple de l'emploi
d'' la clarinette. KUe
lie fît son apparition
en France que lou;,'-
temps après; Rameau
s'en sert dains -son
opéra Acanthe «< Ce-
phise (l'bll. Dans un
de ses ouvrages, Cé-
line |17o6), le cheva-
lier d'HBHBAiN em-
ploie une clarinette
en ré; Francœur, dans
Aurore et Ccphale
(1766^, fait usage des
clarinettes en sib- F"
1770, Gaspard et Sab-
ler introduisirent la
clarinette dans l'or-
chestre de l'Opéra (G.
Gholql'kt, Histoire de
in musique dramatique
en Frarice).
Ce n'est qu'en Fran-
ce que Gluck connu!
la clarinette, puisqu'il
ne l'utilisa que dans
les ouvrages qu'il écri-
vit et fit exécuter à
Paris. On peut en cher-
cher un témoignage
dans ce fait que, dans
la partition de VAI-
ceste donnée à' Vienne
en n.ï7 , on ti-ouve
encore les antiques
chalumeaux.
Mozart, également,
employa pour la pre-
mière fois la clari-
nette dans la sym-
exécuter à Paris en
FiG. 652.
Clarinette
à trois clefs.
FiG. 6.53.
Clarinette
à 5 étés. Beek.
fit
phonie qu'il composa et
1778.
A. ses débuts en France, la clarinette ne fut qu'ex-
ceptionnellement utilisée à l'Opéra; elle n'y eut sa
place obligée qu'au commencement du .\ix" siècle,
époque à laquelle, aussi bien en France (]u'en Alle-
magne, elle devint un des éléments indisfiensables
de l'orchestre symphonique.
Dans les musiques mililaires, au contraire, les
clarinettes furent introduites à la lin ilu rèsne de
Louis XV, et y occupèrent le premier rang sous celui
de son successeur, menaçant de se substituer aux
hautbois. Cette substitution n'était point due uni-
quement à la beauté de leur timbre, à leur étendue
et à la facilité relative potrr l'époque des effets que
l'on pouvait en obtenir; il faut en chercher la cause
dans l'insuffisance des hautbois qui, seuls avec les
tambours, exécutaient les marches guerrières et les
signaux militaires. Quant aux hautbois de l'époque,
la perce en étail large et la construction très rudi-
meutaire; aussi, leurs sons étaient rudes, mais ils
parvenaient à dominer les tambours; plus tard, ils
furent perfectionnés, et si leur timbre acquit de
la finesse, en revanche, ils parurent insuffisants
pour le rôle auquel ils avaient été destinés; or les
clai'inettes arrivaient à point pour les remplacer.
Xavier Lkfebvre, en t7'.»l, ajouta la sixième clé,
petit doigt de la main gauche, pour obtenir avec jus-
tesse le don du chalumeau et le .so/Jf du clairon.
C'est ik Ivan Mullkr (1780-1834) qu'est due (1812)
l'invention de la clarinette à treize clés. Cet habile
artiste en confia la construction à Gentelet, fabricant
d'instruments à vent à Paris. Si cet instrument laisse
encore tant soit peu à désirer sous le rapport de la
justesse, son apparition marqua néanmoins un pro-
grès considérable dans l'évolution de la clarinette;
il répondait dans une très large mesure aux besoins
de l'époque, il réalisait sur ses devanciers des pro-
grès tellement évidents que son succès fut immense,
et, aujourd'hui encore, malgré lesavantages quepro-
cuie l'emploi du système Iî.ehm', la clarinette à treize
clés est usitée dans la plupart des pays d'Kurope et
d'Amérique.
L'apparition du système Muldbr opéra une révolu-
tion total-e dans l'étude de cet instrumenl, qui fut
recherché et cultivé par un grand nombre d'artistes.
Le jeu des clarinettistes s'améliora considérable-
ment, plusieurs même furent de brillants virtuoses,
au premier rang desquels il faul citer' Karl Iîaermann
qui, en 1818, vint se faire entendre a Paris, et Fré-
déric liEEii, professeui' au Conservatoire de Paris; ce
dernier, par son brillant talent, par l'élendue de ses
connaissances théoriques et par la valeur de ses com-
positions, a vraiment droit au litre de fondateur de
l'école française de clarinette. .Nombreux ont été les
essais d'amélioration de la clarinette à treize clés,
et les citer tous serait impossible; mentionnOTis les
principaux.
SiMioT, facteur d'instruments à Lyon, s'occupa
beaucoup de la clarinette. Parmi les inconvénients
inhérents à la construction de cet instrument, l'é-
coulement par le trou du pouce du produit de la
condensation de la vapeur d'eau contenue dans le
souftle de l'exécutant, est un des plus désagréables.
L'ingénieux facteur tenta d'y remédier en imaginant
pour ce trou un tuyau en métal faisant saillie à
l'intérieur de l'instiument. En 1823, il exposa une
clarinette sans âme, dite à mécanique; en 1828, il
conslrnisil un modèle de clarinette muni de diTi-neuf
clés.
On sait que la différence de doigté entre la
clarinette à treize clés et le système ISœum a été le
principal obstacle à l'adoption de ce dernier.
Beaucoup de facteurs se sont ingéniés a construire
des instruments qui, tout en conservant le doigté
de la clarinette à treize clés, devaient posséder les
avantages procurés par le système des anneaux
mobiles.
En 184.1, F. Lefervre réalisa la construction d'une
claiinette dans laquelle il avait supprimé les noies
factices de la clarinette à treize clés au moyen d'an-
neaux mobiles, tout en ne changeant rien à la posi-
tion de la main gauche. Plus (ard, ce facteur, en
collaboration avec A. Romeho, professeur à Madrid,
constiuisit la clarinette Romeho, d'un mécanisme
merveilleux... mais très compliqué.
En 18'to, le clarinettiste Blaniol lit construire un
insirunient qui, sans changer les doigtés de la clari-
nette à treize clés, devait procurer les mêmes avan-
tages que le système Bœhm.
En 18.Ï2, Gysse.ns fit une clarinette dont les trous,
1. Voir art. Flûte.
1548
EMCYCLOPÈDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONSAIRE DU COySEP.VATOIRE
les clés et les anneaux élaienl disposés de manière
à allier la justesse et les lacililés du système Bœhm
au doigté de la clarinette à treize clés.
Actuellement, à part la véritable clarinette Muller,
que les facteurs construisent en lirande quantité, il
existe difTéreiits types d'instruments, très en usage,
sur lesquels sont combinés les deux systèmes Hœhm
et Muller :
1° La clarinette à quatorze clés : cette quatorzième
clé {index droit) est placée sur le côté de l'instrument;
elle sert à triller la et si h;
2° l,a clarinetle à treize clés et deux anneaux sur
le corps de la main droite, pour supprimer le fa par
la fourche;
3" La clarinette à quinze clés et deux anneaux (cet
insirument est ordinairement catalogué sous le nom
de demi-BiKHM).
Les clarinettes à treize, quatorze et quinze clés,
avec ou sans anneaux sur le corps inféiieur, sont
en usage en Angleterre, en Belgique, en Italie, en Ls-
pagne, aux Etats-Unis et dans les différents pays de
l'Amérique du Sud.
Les clarinettes demi-BŒHM sont plus parliculière-
ment employées en Allemagne, en Autriche, en
Suéde et en Russie. Il n'est pas inutile dédire qu^,
dans tous ces pays, l'usage de la clarinette système
BcEHM commence à se répandre. L'Italie et l'Espagne
emploient à peu près également les deux systèmes
BœUM et MCLLER.
Ln France, le système Bi>:hm est d'un usage presque
exclusif.
De son origine à l'invention du système à treize
clés, l'étendue de la clarinette était, avons-nous dit,
d'un chromatisme très relatif, à cause de la quantité
do notes rendues bouchées par les doigiés factices
qu'on était obligé d'employer pour les obtenir.
L'impossibilité presque absolue pour l'exécutant
de jouer dans d'autres tons que ceux pour lesquels
les clarinettes étaient établies a fait, qu'au milieu
du xviii' siècle, on construisait des clarinettes dans
tous les tons, l'iustard, les clarinettistes, pour éviter
d'avoir à transporter un si grand nombre d'ins-
truments, munirent leurs clarinettes de pièces de
rechange plus ou moins longues. (C'est la raison de
la division actuelle de l'instrument en plusieurs
parties ajustées avec des tenons.) Fn fait, les clari-
nettistes du xvni" siècle étaient dans la même situa-
tion que les cornistes jouant le cor simple; ils de-
vaient donc, comme ces derniers, posséder des tons
de rechange.
Tous ces insiruments sont tombés en désuétude;
ils ne pouvaient, avec leurs vices de construction,
résister au système à treize clés qui venait précisé-
ment faire disparaître la plus grande pailie de ces
défauts.
Il en a élé de même pour les clarinettes d'amour
en fa et en .so/, jouées en Allemagne dans la seconde
moitié du xvui'' siècle, dont le pavillon était spliéri-
que; pour le cor de basset en fa, utilisé de bonne
heure en Allemagne, on commença à en construire
à Passau (Bavière) vers 1750. Il descendait jusqu'à
\'ul ; *y ^^ -| à l'aide d'un allongement de l'ins-
trument; son pavillon était souvent recourbé comme
celui de la clarinette alto en mi [-, actuelle.
Les instruments les plus généralement employés
aujourd'hui, en Kr.Tnce, sont : dans les orchestres
syniplioniques, les clarinettes en si'b et en la. la
clarinette alto en fa et les clarinettes basses en si h et
en la. Les musiques militaires emploient les petites
clarinettes en util? et les clarinettes en si |i. Jusque
dans ces dernières années, on avait toujours attribué
les premiers essais de clarinette basse à Grenseb, de
Uresde (179:i).
Les lecherches faites à ce sujet par M. Constant
Pierre nous permettent de revendiquer la clarinette
basse pour une invention française, dont le mérite
revient à G. Lot, facteur d'instruments à vent à Paris,
dans la seconde moitié du xvni= siècle. Les journaux
de l'époque (mai 1772) parlent d'un nouvel instru-
ment que le sieur G. Lot vient de construire, et qu'il
appelle Basso Tuba ou basse de clarinette. Cet ins-
trument descend aussi bas que le basson et monte
aussi haut que la flûte; il est d'une forme particu-
Hère et contient plusieurs clés pour l'usage des semi-
tons. Les sons graves imitent de fort près ceux d'un
oi'gue dans l'action des pédales (C. Pierre, La Fac-
ture instr liment aie).
Egalement français sont les premiers essais de
clarinetle contrebasse. On les doit à Dumas qui, en
181l)-M, ayant dé|à fait une clarinette basse nom-
mée basse guerrière, inventa une clarinette contre-
basse qu'il appela contrebasse guerrière.
En I8.'t9, WiEPBOCHT imagina une clarinette contre-
basse en ut, (ju'il appela bali/phon; elle descendait
au un
m
o
8?Bassa
Sa forme générale rappelait
celle du basson; ses trous étnient tous bouchés par
des clés. Dans ces dernières années, parurent, en
Erance, la clarinette pédale de Fontaine-Bessou et
la clarinette contrebasse Evette et Schaeffer.
La clarinetle pédale est en bois avec les raccorde-
ments en métal; celle d'EvETTE et Schaeeter est toute
en métal, à l'exception du bec, bien entendu; son
mécanisme est le système à treize clés.
JEU DE LA CLARINETTE. — PRINCIPAUX VIRTUOSES
A ses débuts en France, la clarinette ne fut pas
jouée comme elle l'était en Allemagne où, dès son
origine, les clarinettistes placèrent le bec dans la
bouche, l'anche en dessous.
Cette façon de jouer explique la supériorité de la
première école allemande de clarinette, qui se main-
tint jusqu'à la rél'orine de l'embouchure en France,
où les clarinettistes, à rencontre de leurs collègues
allemands, jouaient l'anche en dessus. 11 est singu-
lier que les nombreux avantages que procurait
aux exécutants la façon allemande n'aient point été
immédiatement compris en France. C'est Frédéric
Béer qui imposa chez nous la manière de jouer de la
clarinette l'anche en dessous.
Les principaux virtuoses français ont été :
Xavier Lefekvre (176.3-1820); professeur au Con-
servatoire de Paris, en 1795, il porta à six le nombre
des clés de la clarinette.
Frédéric Buer (1794-18.38), successeur de Lefebvre
au Conservatoire en 1832, très habile clarinettiste, qui
composa pour son instrument de nombreux solos et
airs variés.
Franco Dacosta (1778-1866), premier prix en l'an VI,
fit partiejde la musique de la Garde du Directoire,
TECt/yroUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAdUGIE
LA CLARINETTE lôiti
devint plus lard clieT de la musique des Gardes du
cor|)s de Cliarles X, lit partie de l'orchestre de l'Opéra
et fut un des fondateurs de la Société des Concerts
du Conservatoire. Il a laissé plusieurs fantaisies et
concertos pour son instrument.
Hyacinthe Klosé (1808-1880), soliste de la Société
des Conceris, qui songea à appliquera la clarinette le
système des anneaux mobiles inventés par Théobald
Bœhm; il lit adopter, au Conservatoire, le système de
clarinette que, sur ses données, venait de construire
L.-A. Blffet. Il fut, après BEEn, professeur au Con-
servatoire; il a écrit, lui aussi, pour l'instrument, de
nombreux solos et airs variés, véritables morceaux
de classe que l'on pourra toujours très utilement
travailler.
Adolphe Leroy, élève de Klosé, lui succéda d'abord,
eu 18o3, connue soliste à la Société des Concerts, puis,
en 1869, comme professeur au Conservatoire, fonction
qu'il n'exerça que sept ans. En 1876, il dut aller de-
mander à un climat plus clément (|ue celui de Paris
le rétabKssement d'une santé chancelante; ce fut en
vain, irélas! Il mourut en 1880. Son successeur au
Conservatoire fut encore un élève de Klosé, Cyrille
liosE (1830-1903), virtuose dont la carrière fut aussi
longue que lu-illanle.
Les clarinettistes étr'angers qui se sont le plus dis-
tingués, soit comme virtuoses, soit comme profes-
seurs ou compositeurs, sont pour l'Allemagne :
Joseph Beei\ (1744-1814), le fondateur de la pi'e-
miere école allemande de clarinette.
.loseph BAErisiAN.N (1781-1834;.
Ileiniann Bender, auleur d'une excellente méthode
pour la clarinette à treize clefs.
F. Vanderhagen (1753-1822), surtout célèbre par ses
deux méthodes, l'une pour la clarinette à cinq clés,
l'autre pour la clarinette à treize clés.
Les clarinettistes italiens sont nombreux. .\ous
citerons les principaux, qui furent :
, C.-B. (lAiiUARO (178o-1828). virtuose parfait, auteur
d'un grand nombre d'études et de duos; B. Garclli
(1797-18771; .1. Bimisom (1813-1893); l.uigi Bassi (1833-
1871), clarinettiste très distingué, a écrit pour l'ins-
trument principalement des fantaisies sur des airs
d'opéras.
LivERAN'i (1805-1874), virtuose et compositeur' de
grand mérite, fut le premier, en Italie, à l'econ-
naitre la supérior-ité du système Bœhm, et à le faire
adopter dans son école, d'où sortirent les meilleurs
clarinettistes de l'Italie.
Eruesto Cavallin'i (1807-1873) fut aussi remarquable
comme virtuose que comme compositeur. Il se place,
sans contredit, au premier rang des clarinettistes
italiens du xix" srècle.
li. SiMNA (1823-1893).
LE SON DE LA CLARINETTE
Avant de passer à la descriplion de la clarinette
système Bij;hm, rappelons le plus brièvement pos-
sible quelques éléments d'acousti(|ue'. Une vibration
simple est le mouvement d'aller' ou de retour d'une
molécule vibrante.
Une vibi-atioii double ou complète est le mouve-
ment d'aller et de retour de cette même molécule.
1. Voir art. Acoustique.
Viol
viol
Les vibrations vont progressivement en décroissant
d'amplitude, mais chacune d'elles conserve la même
durée.
L'onde simple est la distance parcourue par le son
pendant une vibration simple; l'onde complète est
celle parcourue pendant une vibration complète.
Les points où les ondes animées de vitesses con-
traires se rencontr'ent sont appelés nœuds de vibra-
tion. La vitesse de l'air y est nulle, mais la derrsité y
subit de continuelles variations; au milieu de l'onde,
le mouvement vibratoire est plus grand, mais il n'y
a pas de variations de densité; cet endroit se nomme
ventre de vibration. La dislance qui sépar'e deux
nii'uds de vibration est la même que celle qui sépare
deux ventres.
Il y a deux espèces de tuyaux : ouverts et fermés
ou bouchés.
Lor-squ'ils sont ouverts ci leurs deux exti-émités, ils
se nomment tuyaux ouverts; ils
ont alors un nœud de vibration au
centre et un ventr-e à chaque extré-
mité.
Quand une de leurs extrémités
est ouverte et l'autre fermée, ils
sont appelés tuyaux fermés ou bou-
chés; ils ont alors un nœud lic
vibration contre la paroi de l'ori-
Oce fermée et un ventre à l'extré-
mité ouverle.
La longireur d'irn tuyau ouvert
est égale à celle de l'onde simple.
La longueur d'un tuyau fermé
est celle d'une demi-onde simple.
Un tuyau fermé, donnant le réi
de 290,2 vibrations [mi grave de la
clarinette en sir>), aurait une lon-
gueur de 340 (vitesse du son) divisée par 290,2 vibra-
tions, soit 1,17 représentant l'oirde simple. La demi-
oirde simple en loirgueurdu tuyau fermé est de (1,585.
0,."i85 est donc la longueirr' d'irn tiryarr fermé renfor-
çarrt un son produit par 290,2 vibrations; en tuyau
ouvert, cette longueur serait de 1,17. Ce qui peut se
vérifier à l'aide de l'expérience suivarrte :
On prend un tuyau ouvert ,'i ses deux extrémités,
est, pr-ès de son or'ilice supérieur, on fait vibrer un
diapasorr normal; si ce tuyau n'est pas accordé pour
cette note ou si, du moin':, il n'a pas la longueur'
voulue pour- renforcer ce son, le diapason ne réson-
nera qu'avec sa faible intensité or-dinaire; mais, si
l'on donne au tuyau une longueur de 39 centi-
mètres, qui est celle de l'onde produite par un son
de 870 vibrations, et si l'on approche à nouveau
de l'orifice supérieur de ce tuyau le diapason en
vibratiorr, il résoirnera avec une intensité remar-
quable.
Si l'on boirche l'orilice inférieur de ce tuyau, en
approchant le diapason de l'ouverture srrpérieure, on
ne constatera aucun renforcement du son, mais que,
dans ce tuyau, on verse progressivement de l'eau, on
corrstatera le maximum d'intenjité de résonance
lorsque l'eau aura atteint la moitié de la hauteur du
tuyau. (Mahillon.)
Cette expérience, qui donrre exactement l'idée d'irir
tuyau ouvert et d'un tuyau fermé, prouve bien que,
pour rerrforcer un certain son, un tuyair ouvert
doit avoir une longueur doirble de celle d'un tuyau
fermé.
Les tuyaux fermés, avons-nous dit, ont toujours
un nœud de vibration contre la paroi de l'extrémité
FiG. 654.
Tuyaux ouverts.
■i:>.-)0
ESCYChOPÈDIE DE LA MUSJQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSEliVATOlRE
bouchée et un venlre à rexlrémilé ouverte; avec un
seul nœud et un seul ventre, on a le sob
fondamental ou son 1.
En forçant la pression de l'air dans ce
tuyau, au lieu de l'oclave du son fonda-
raeiilal (comme cela se produit dans les
tuiyau.x ouverts), on n'obtiendra que la quinte
s<upérieuie du son fondameiilal, parce que
la nécessité pour les tuyaux fermés d'avoir
toujours un rtœud au fond et un ventre à
l'extrémité opposée ne permet pas d'autie
subdivision de la colonne d'air que celle
représentée par la figure 656-
Les ondes sont devenues trois fois plus
petites, les vibrations ont triplé, et on saute
aui son' trois, représenté par la douzième du
son fondamental (fig. 637)-
1, a clarinette est un tuyau cylindnique dont
la colonne d'air est mise en vibration par
une anche simple en roseau.
Elle se comporte acoustiquemeut comme
les tuyaux fermés, parce que la place de
l'anche est celle du maximum des vacialLons de
pression et du minimum de vilesse des molécules
d'air dont les conséquences sont la formation d'un
nœud de vibration à cette extrémité du tuyau.
Tout ce que nous avons dit à |»roposi des-Huyaux
fermés s'applique donc à la clarinel'te'; et explique
pourquoi cet instrument est quintoyant et ne peut
donner que les harmoniques impairs. 11 suffit de
praiiquer une petite ouverture au tiers supérieur
lov
Fis. 655
.Son
fonda-
mental
de la longueur dui tuyau de la clarinetle pour que le
son fondamental saute à la douzième. L'ouverture
pratiquée, mettani cette partie
du tuyau en communication
avec l'air extérieur, occasionne,
à cet endroit, la formation d'un
ventre, et on a, dès^ lors, le par-
tage de la colonne d'aii' en (rois
parties et la]production du sou .i
ou douiiènie de la fondamen-
tale.
Nous avons vu que la lon-
gueur théorique d'une clari-
nette en S! b devrait être- de
O'",o8o en sous-entendant la
perce de 0°',015> qui est géné-
ralement admise avec quelques
ditl'éi'ences légères variant d'un lolv loiv
fadeur à l'autre. (On appelle Fig. 6ôg. Fi«. 657.
perce les proportions intérieu-
res du tuyau des instruments à vent.) La clarinetle
est plus longue que cela : elle mesure, bec compris,
environ 0™,71 ; l'écart entre om,?! et Om,b8o pro-
vient de ce que la perce, au lieu de continuer à être
cylindrique, se termine par un évasement (le pavil-
lon) ; letuyau,en s'élargissant ainsi, nécessite, pourla
production de la note la plus-grave, une plus grande
longueur que ne l'indique la théorie.
Le tuyau de laclarinelte donne, à l'aide de certains
doigtés, 18 sons fondamentaux sans les enharmo-
niques :
WWW^^^'^^"^^
Avec- les- mêmes? doigtés, mais en maintenant ouveil le trou de résonance, on obtient la série des
douzièmies! :
.^,.u^l^'^i^'~K
Les- quatre dernières s'obtiennent plus réi;ulipve-
ment et avec plus de justesse par des doigtés dilfé-
rents de ceux des sons fondamentaux:
Le trou qiiintov-aiit, nécessan-e au partage de la
colonne d'an-, doit-Atre très petit. Une ouverture trop
grande donnerait lieu à la production d\in nouveau
son fondamenlal. Au;fia- i»t à'mesure que l'on gravit
l'échelle desi sons foivdamontaux pa^r^l'ouverl-uire suc-
cessive-des trouis^latéraux, les tiers de' tuyau devien-
nent de plus en plus petits. Chaque son Ibndamenlal
devrait donc avoir sou ouverture quintoyaiite paiti-
culièrfi,.ou, si l'on préfère, l'emplacement de cette
ouverture devrait tlnVoriquemenl varier pour cliaque
son fondamental. On comprendra facilement: qu'il
seraiti matéiiellenient impossible de- conslruire un
mécanlsmede olarinelte d'un ell'et si complexe. On
a donc été obligé de placei- cette ouverluie en un
point moyen. Son diamètre a été calculé de façon
à pouvoiri serivin à donner le /n S qui manque pour
clialumeau
V médium
relier le dernier son fondamental la avec la pre-
mière douzième n ;.
Les conséquences de l'emplacement moyen qu'oc-
cupe ce trou se font sentir dans l'acoord des clari-
nettes: fiénéi-ale-nient, les- sons graves sont toujoui's
légalement éloignés de leiirsdouzièmes.Les facteurs
remédient, dans- lai mes-nre du possible, à cet iné-
vilalde inconvénient, en admettant dans l'accordide
la-olaT-i nette un terme moyonentre ces rapports.
Cette particularité qu'ollre la clarinette de ne pou-
voir donner que les harmoniques impairs rend son
doigté très différent de ceux de la tlùte ou du haut-
bois, qui sont, eux, des instrumeiits octaviants; il
pourrait sembler que cela diit lui constituer une
infériorité; loin de là. elle se prêle, avec lapins
grande facilité, à l'espression de tous les sentiments
que veut bien lui confier le compositeur.
Son étendue est la plus grande de tous les instru-
ments à vent :
clairon
A
aigu
w^
,4> 4*^1
ia.Ht»?S*
,.é»4«'
««••-^
^^4wi>(^
^,.,,.^-IM-"-l-
sur- aiijt
TECHNIQUE. ESTUÉTKJIE ET PÉDAGOGIE
LA CLARINETTE ibM
Elle pmiL même, selon l'habileté du virtuose, aller
au delà à l'aigu. Cette étendue, jointe à son articu-
lation rapide, est pour Ijeaucoup dans cette richesse
d'expression. Mais la diversité des limlires de ses
dillérenls ré;.'istres constitue la véritable supériorité
de la clarinette.
Le chalumeau de la clarinette possède une sono-
rité creuse, mordante, qui devient caverneuse au bas
de l'échelle. Webeh a utilisé, avec un rare bonheur,
l'expression menaçante, terrifiante même, dont ces
notes sont susceptibles.
Le clairon possède une force, un éclat et une cha^
leur incomparables. Selon Briilioz (Traité d'orches-
tration), la clarinette est un instrument épiq.ue,
comme les cors, les trompettes ; sa voix est celle de
riiéroique amour.
Si les masses d'instruments de cuivre dans les
musi(iues militaires éveillent l'idée d'une troupe
guerrière, couverte d'armures étincelantes, la voi.v
des clarinettes, entendue en même temps, sem-
Ide représenter les amantes que le bruit des armes
exalte.
Ce caractère fièrement passionné appartient prin-
cipalement à la clarinette en sifi, quiest, par excel-
lence, l'instrument des virtuoses. Son timbre réalise,
au plus haut degré, les qualités maîtresses de cette
voix instrumentale; la plupart des solos lui sont
destinés.
La famille des clarinettes est nombreuse. On cons-
truit de ces instruments en beaucoup de tonalités
dilVérentes. Les principaux, à pari la clarinette en
^i b, sont :
1" La petite clarinette en mi >, dont la sonorité est
aigre et crue; cet: instrument est principaleraeiil
usité dans les musiques militaires, où il collabore
très utilement au jeu des clarinettes en si^}. Berlioz,
W.4fi,Mîn el.S.\iMi-SA,i-;NSiont exceptionnellement intro-
duit la petite clarinette en mif dans l'orchestre sym-
phoniqu.e ;
~" La clarinette en ut, qui possède un timbre tenant
le milieu entre celui de la petite clarinette et celui
de la i-lariaette en si p. La sonorité de la clarinieUe
en «/, trop accentuée, devient très facilement vnl-
iiaire;
•'t" La' claiinette en la- a le son légèrement voilé,
ce qui lui donne ua caractère un p&tt sombre, mais
tendre et élé^iaque;.
4" Les clarinettes altos en fa et en mi ,i ont une
sonorité grave, digne, qui n'exclut pas une certaine
bonhomie.
Bien que la clarinette d'amour et le cor de basset
ne soient. plus usités de nos jours, nous savons que
le timi)re du.. cor de hassal.o lirait les mêmes carac-
tères que celui de la clarinette alto en /■a....\i£.^DELs-
soHN, dans un Concerlstucl; pour clarinette, cor de
basset et piano, a tiré un parti merveilleux du. carac-
tère de cet. instrument. t)n joue cette piecc: avec la
clarinette alto en /■((, las. ((■( yravesrfjueJ.'on rencontre
se. font à. l'octave. supérieure.)
La clarinette d'amour possédait un timbre dajis le
genre de celui de la clarinette alto; mais le pavillon
sphéjique dont.elle était munie rendai.t.oette sonorité
encore. plus voilée,. plus luwitéri'eiise-..
"Les clarinettes basses en si f-. et en la, dans lear
meilleur registre, le chalumeau, ont une sonorité
grave, douce, maisr- trésr puissaiilCi La, tonalité des
clarinettes slexprime. par l'eJïet.ré^l que produit, l'uj
écrit. piOiir. ces instruments :
Petite cisrinette en mit produit l'effet réel
Clarinette en lit
Clarinette en si b d°
Clarinette en Ta'
L'ut
écrit pijur ;
Clarinette alto en fa à°
' Clarinette alto enTniil» d°
Clarinette. basse^n.SliP d°
Clarinette ba&se en la. d"
^
^
^
, Clarinetis££asseen&i.bi dî
^
1552
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
CLARINETTE EN SIb SYSTÈME BŒHM
En 1839, L.-A. nuiFEr, facteur d'inslruments àvenl
établi à Paris, exposa des flûles et petites flûtes
Bœhm et une clarinette construite d'après le même
système d'anneaux mobiles, mais que Bœhm n'avait
pas cherché à appliquer à la ciariuette. C'est avec
le concours du célèbre clarinettiste Klosé qu'Au-
f^uste Blfkkt trouva le moyen de doter la clarinette
des perfectionnements qui ont été adoptés par tous
les fadeurs français et que l'on commence à suivre à
l'étranger. (C. Pierre, Lei Facteurs d'inslniments île
musique.]
La clarinette se divise ordinairement en cinq par-
ties : le bec, le baril, le corps supérieur ou corps de la
main gauche, le corps inférieur ou main droite et
le pavillon.
Nous disons se divise ordinaiiemeni, parce qu'on
construit des clarinettes sans baril, principalement
pour l'armée, et aussi des clarinettes dont les deux
corps sont réunis. Ce sont celles du système Evette et
Sdhakffer descendant au mi b grave. Elles possèdent
un double ell'el de la clé de mi [i grave et un méca-
nisme spécial qui permet de triller très facilement
et avec justesse fa^ et so/f. C'est, du reste, ce méca-
nisme qui ne permet pas la division de l'instrument
en deux corps.
Autrefois, on employait principalement le buis pour
la fabrication des clarinettes; cette matière est pres-
que complètement abandonnée.
'"'""'"^ On se seit actuellement de la
grenadille, de l'ébonite, mais
surtout de l'ébène.
Le mécanisme et les garni-
tures se font en maillecliort poli
ou argenté; on en fait aussi en
cuivre et en argent.
Les becs les plus générale-
ment employés sont en ébonite;
on en fabrique, néanmoins, en
ébène, en grenadille et en cris-
tal. Ce qui a déterminé les fac-
teurs à employer de préférence
l'ébonite pour la construction
des becs, c'est l'insensibilité de
cette matière aux variations
atmosphériques.
La perce de la claiinelte est
cylindrique, du moins dans la
plus grande partie de sa lon-
gueur; à ses deux extrémités,
elle est conique. Deux cônes
renversés reliés par un cylindre
représentent la perce d'une
clarinette (lig. 658).
En A, à l'extrémité supé-
rieure du coips, près du bec,
le diamètre de la perce est
de 0™,(Ho3; c'est la base du
cône dont le sommet B n'a que
0™,0I 't9 de largeur.
De B à C, le diamètre O-^.OliO
reste constant; c'est la paitie
cylindrique de la perce.
De C à D, elle redevient coni-
-B
que, mais, cette fois, le cône est beaucoup plus
prononcé. En D, le diamètre de la perce est de
0'°,0238. Cet évasement est continué par le pavillon,
dont l'orifice mesure 0",06 de largeur.
Ces mesures, bien entendu, ne sont pas absolues;
elles représentent des moyennes dont les facteurs
ne s'écartent guère.
Le baril est une pièce qui sert à allonger le tuyau
de la clarinette. Le but de cet allongement est de
remettre l'instrument au diapason, lorsque celui-ci
s'est élevé sous l'inllueiice de la température am-
biante, et aussi sous celle du souffle de l'exécutant.
C'est sur les deux corps de l'instrument que sont
percés les trous latéraux que recouvrent les doigts
et les clés.
Le pavillon ne sert que pourla note la plus grave,
dont il renforce la sonorité. Le bec muni de son an-
che est l'appareil producteur du son.
Dans le bec on distingue :
La lable générale ABC, qui se divise en deux pai-
lles : AB, surface plane ou table proprement dite,
BC, déclivité formant l'ouverture du bec. D, chambre;
c'est dans cette partie du bec, sous l'anche, que se
forme le nœud de vibration. E, E, points où se placent
les lèvres de l'exécutant. La lèvre supérieure sur !•:, la
lèvre inférieure surE. F, tenon ou partie s'embo'.tant
dans le baril.
n
AB rdi/e.
E
BC Mec/jv/té /ôrmjnl /ouveréure.
D Chamirr.
E E" Biseau et points où /es
lèvres se placent
F_ Tenon parue oui s emboîte
dans le ha ni
FiG. liôy.
FlG. GjS.
AB Table
BC Ouverture
D t^ambre
E Biseau
F Début de la père f
G Corffe
ÎJ. Tenon
L'anche est une languette flexible en roseau, dont
la fonction est de briser, en mouvements réguliers,
uncourant d'nirqui, sans cet intermédiaire, s'échap-
perait en un souftie continu.
Sur l'anche, on distingue le talon .\B et le biseau
BC (partie diminuant graduellement d'épaisseur; le
côté de l'anche opposé au biseau doit être rigoureu-
sement plan. C'est une des conditions essentielles à
son bon fonctionnement; les autres sont : la qualité
du loseau, son degré de maturité et la finesse de l'ex-
trémité proportionnelle à la longueur du biseau.
L'amincissement ne s'opère pas également sur
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA CLARINETTE 1553
toute la surface du biseau; il est plus prononcé
sur les côtés; le milieu doit
former en quelque sortejun dos
d'âne. Ce n'est qu'à \in ou deux
AR a/o» millimètres de l'ex-
trémité que l'épais-
BC Aseâu
seul' du milieu ile-
vient égale à celle des côtés.
Une ligature en métal sert
à fixer l'anche sur le bec.
Dans la clarinette, le son est
produit par les vibrations de la
colonne d'air engendrées par
les battements de l'anche. .Mais ce n'est pas l'anche
qui commande à la colonne d'air;
au contraire, celle-ci contraint l'an-
che à vibrer syjichroniquement avec
elle, quelle que soit sa longueur.
Les nombreux raccourcissements
de la colonne d'air par l'ouverture
des trous latéraux sont facilités par
les propriétés que possèdent les
languettes de roseau, qui sont une
grande flexibilité et une extrême sensibilité à la
pression du souftle.
Dans la production des notes élevées du clairon,
les lèvres jouent un assez grand rôle. Par leur pres-
sion, elles diminuent légèrement la longueur de la
lame vibrante, et favorisent ainsi une plus grande
rapidité des battements de l'anche nécessaires à
l'émission des harmoniques élevés; dans ce cas, les
lèvres se comportent comme les rasettes mobiles des
tuyaux à anches, dans la laclure d'orgues'.
g ^, D'après ce que nous savons de l'ancienne
façon de jouer de la clarinette, on peut
conclure que le son actuel des clarinet-
tistes ne ressemble plus du tout à celui
qu'obtenaient les instrumentistes du com-
mencement du xix« siècle.
Les causes de l'amélioration du son ré-
sident, d'abord, dans la qualité des anches
qui sont, maintenant, beaucoup mieux
faites, et ensuite, dans la façon toute dilTé-
rente dont les becs sont tablés.
Dans ce dessin de l'ancienne table des
becs, la ligne AB représente l'anche, la
ligne CDE la table. Au point D. conimeiice
A - BIC
Fis. ()63.
l'ouverture qui va en augmentant progressivement
jusqu'.i l'extrémité du bec E. Ce genre ilc table né-
cessitait des anches fortes, afin de pouvoir l'ésister
à la pression des lèvres qui agissaient avec d'autant
plus de vigueur vers le point B de l'anclie, que celle-
ci formait levier. Il est facile de concevoir que les
nuances douces étaient, dans ces conditions, inter-
dites à un exécutant qui ne pouvait, qu'.i l'aide d'un
souftle puissant, entretenirles vibrations d'une anche
dont chaque batlemenls venait frapper fortement la
table du bec. De là, ces sons éclatants, criards même,
caractéristiques de l'anche battante.
Tout autre est le bec actuel dont la figure donne
le profil de la table (les courbes ont été
très exagérées dans la figure!, AB l'an-
che, CDE la table. Au point D, se trouve
le point d'appui de l'anche. Cette table, à
rencontre de l'aMcienne, exige des anches
très fines, très flexibles; une antre con-
séquence résulte de ce dispositif; le point
d'appui réduit considérablement la surface
de la table sur laquelle viennent fr.ipper
les battements de l'anche en vibrations,
et le son gagne en rondeur et en finesse,
parce que ce sont principalement les vi-
brations de la partie libre de l'anche qui
déterminent la production du son. On
peut donc dire maintenant que l'anche
associée au tuyau de la clarinette, de
qu'elle était autrefois, estdevenue mixte, c'est-à-dire
libre et liattante. Cette belle qualité de son des cla-
rinettistes français a été, à rétrar)ger, l'objet de
nombreuses critiques. Or. a souvent reproché à nos
virtuoses d'avoir dénaturé le son de la clarinette.
Ces critiques ne sont pas plus fondées que celles qui
consistei'aient à prétendre que les machines des
grands express européens nesonlplusdes locomotives
parce qu'elles ne ressemblent plus au type imaginé
pai' .Stephenson. Evidemment, le son de la clarinette
n'est plus le même, mais les instrumenls ont été
également modifiés. IVous croyons aujourd'hui que
la clarinette a atteint son apogée; il est pourtant fort
possible que des améliorations, que nous ne stiupçon-
nons pas, lui soient encore apportées, améliorations
qui modifieront encore sa sonorité, .\lors comme
aujourd'hui, ce sera toujours vraiment de la clarinette
que l'onjouera.
bal tante
ÉTENDUE DES CL.\RIN'ETTES A 2, A 3, ;a 5, A tî, A 13 CLÉS, ET BŒIIM
Les croix placées au-dessns de certaines notes indiquent des doigtés fourchus; ces notes sont sourdes, ou Irop
hautes ou trop basses. T.B.:= trop bas, T.H.^ trop hauL
IjBS notes placées sur la seconde portée manquent dans l'écheilo des sons de l'instrument indiqué.
Clarinette
à 2 clés
-^ .
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1. Voii' Ortfur.
15,-.4 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIUE
I
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Clarinette )~^ ^ z^i
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Clarinette
à 5 clés.
I^©: T3- |-a-
bxy îto^ ^ê^^ i^e-'
T.H. 'T.B.
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T.H.
^ tfo o jJLo-
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iA_J^_ii^ ^ ^ g ^g =
T.H.
T.H.
TH.
IJOlg-l0l>-fe&t4^»5
Clarinette
à 6 clés
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TËCH.\J{)CK, ESTItÉTKjl E ET PÉDAGOGIE
LA CLARINETTE 1-.5
Clarinette
à 13 clés
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CONSEILS D EXECUTION
Noire intention n'est pas de faire ici une méthode;
néanmoins, il nous a paru intéressant de donner
quelques indications sur les moyens à eniployei-
pour obtenir un bon son de cjarinelle.
Tout tl'abord, il faut posséder une denture régulière,
des lèvres assez Ioniques pour pouvoir se replier inté-
rieurement sur les dents, de façon à éviter ce qui
s'appelle ■■ mordre le bec n; soit qu'ils aient été mal
commencés, soit qu'ils n'aient absolument pas pu
s'habituera replier la lèvre supéiieure, il y a encore
des clarinettistes qui jouent en mordant. Quelles
que soient leurs qualités de virtuoses, ils ne peuveni
avoir qu'un son dur, sans souplesse.
I>endant lunptemps, on ne devrait que filer des
sons (on entend par son filé une noie qu'on altaqui'
doucement, qu'on au^'menle, puis qu'un diminue), et
pendant cette ingi-ate période, les éludes de méca-
nisme devraient être sévèrement proscrites; le heu. t
inhabile des doigts sur l'instrument déplace à chaque
fois l'embouchuie, qui ne |ieut, ainsi, .«e former
convenablement. L'étude des sons filés devrai!, à
l'e.Nclusion de tout autre travail, se poursuivre pen-
dant au moins trois ou quatre mois. D'abord, iluns
le chalumeau; ensuite, dans le clairon, les change-
ments de doigtés se laisant pendant la respiration.
Une des grosses difficullés que rencontient ceux qui
commencent l'étude de la clarineltc est le passage
du chalumeau au clairon. Contrairement à l'usage
qui consiste à faire travailler le passage du chalu-
meau au clairon, il est préférable de s'e.xercer à
aller du clairon au chalumeau; le contraire s'obtient
ensuite bien plus facilement. Toutes ces études préli-
minaires doivent avoir lieu en présence du professeur,
le commençant ne devant même pas avoir d'instru-
ment chez lui.
Lorsque ces premières études sont terminées, on
peut, sur les cnnseilsd'un professeur, ti'availler clieï
soi et consulter avec fruil les niTubodes qui ont été
faites pour la clarinette |jai- Heeu et Klusiî, mailre*
inconleslables et incontestés.
P. MIMAHT.
LE BASSON
Par MM. LETELLIER
rKOKËSSliCR AO CONSKUVATOIRE NATIONAL DE MCSIQCE
et Ed. FLAMENT
LAUKKXT DD CONCOCKS DH ROME
HISTORIQUE DU BASSON
Les origines de i'iiistrnmeiil.
Au xvi<^ siècle, avant l'invention lUi basson, les
basses des instruments à anche étaient tenues par
plusieurs sortes d'instruments graves appartenant a
la famille des hautbois appelés bombards ou bombai -
,fes'. Ces iustiuments.Miui étaient formes d un lou^;
tuyau de dix pieds, élaienl plus faciles à manier et
surtout très fatigants pour l'exécutant, llssejouainut
avec un bocal comme le basson. Ils ont entièrement
disparu depuis trois siècles.
Ils posséilaient quatre clefs et l'étendue suivante :
S
En 1539, un ecclésiastique de Ferrare, l'abbé Afra-
Nio DF.G1.1 ALBONESi, né à Pavie en 1*80, réunit deu.x
des instruments dont nous venons de parler, les fit
communiquer au moyen d'un système de tuyaux
auxquels il adapta nu soufflet, et créa amsi le pre-
mier basson-, qui fut construit par un certain Jean-
lîapliste liAViLius, de Ferrare.
Il lui donna le nom de phiigutus, parce que ces
tuyaux ainsi réunis semblaient torraer un fagot, par
opposition aux bomliardes qui ne se composaieul
que d'uu seul morceau; l'anche n'entrait pas en coii-
lact avec les lèvres de l'instrumentiste et était
introduite dans une sorte d'embouchure en forme
de bassina Ce n'est que quelques années plus tard
(au début du xvn"^ siècle) qu'un facteur, .Sigismoud
ScuELTZEn, tlébarrassa \e fagot des tuyaux du soulllet
1. En Allcniii;'ne ce* inslrumcnts (■t:iient appelés Bomhnrl, llmii-
mert ou Pomwnv.
2. Celle m:iihiiic .<. élC' ilécrile par le neveu d'Ai nASio, Ainbroise
Tiif.sÉE, dans Introduction in Chaldaicum litignm (in-4". Pavie, 1.^39).
Le dessin Je cel instrument esl reprcsMilé dans la Grande Ennj.
cloiiétlîe.
3. Il est trîîs difficile de pouvoir donner des indications piécises
sur le l>a-soii de Valibi- AniiMO, les détails que Ion a sur cet inslru-
inentilant 1res roslreinls. En tout cas, d:ins le basson primitir, lo son
n'étant pas produit directement par le soufllc humain, cet instrument
tenait ilavantage de l'oi f;ue que du basson actuel, dans leiluel linstru-
mentiste prend l'anclie directement entre les lèvres et se trouve ainsi
absolument mailre de l'expression du son.
et en fit véritablement le basson connu sous le nom
de doitlcine'', ainsi désigné à cause de son intona-
lion très douce. Cet instrument avait sa famille
complète, de la contrebasse au sopiano. Pr.tjtohius
(1570-1621), qui nous décrit le basson de cette épo-
que (xvi'-xvii" siècle), nous donne le détail de cette
famille :
1" le Qtiint-fagott ou Doppel fagolt, à la quinte
grave du ',i';
•2° le Quart fiigotl, à la quarte grave du 3'';
3° le Chorisl-fagutl, étendue de '^ /t^
4" le Fagolt piccoh', à la quirte supérieure du
précédent;
5° le Discanl fagott, étendue de
I,'
Les bassons étaient alors formés de plusieurs
pièces de bois, à peu prés comme les bassons moder-
nes ; on en comptait trois espères.
t.a première avait douze Irons et trois ciels.
La seconde avait le même nombre de trous, mais
pas de clefs; plusieurs de ces trous se bouchaient
avec des chevilles que l'on enlevait ou niellait à
volonté pour Jouer dans certains tons.
Ceux de la troisième espèce s'appelaient co((;i(n/ds,
parce qu'ils étaient plus petits que les autres; ils
avaient onze Irons et trois ciels, on s'en servait pour
les basses de musettes L'étendue la plus grande de
ces bassons ne dépassait pas deux octaves.
U y avait aussi le cervelas français et le racketlen
allemand, qui avait la forme d'uu cylindre de quel-
ques pouces de haut.
On complaît encore plusieurs fagots primitifs, tels
que les bassanclli, les ncfn/ari et les sodci/jifcs; ces
insirumenls avaient h [leu près le même timbre et ne
lardèrent pas à être remplacés par le basson.
Eu France et surtout en Allemagne, le basson était
fort en usage dans les musiques militaires.
Kn 1741, les uhians du maréchal de Saxe et les
gardes françaises avaient des bassons dans leurs nii:-
siques.
i. Ou encore (foutciiw-lai^ >ftf>.
TECnXIQl'E, ESTHÉTIQUE ET PEDACOCIE
LE BASSON 1557
Le basson fui intioduil dans les musiques militai-
res russes sous le rc^ne de Pierre le Grand. 0[i s y
servait aussi de certains instruments ayant à peu
près la même forme que le basson, le serpent el le
basson russe, mais ces instrunienls dilleraient du
basson par leur embouchure en métal.
Vers la Cin du \\ii\' siècle, il était d'usai;e en Alle-
magne, dans toutes les villes de garnison, que la
musique exécutât pendant la jiarade uu certain
nombre de moiceaux d'harmonie pour deux haut-
bois, deux clarinettes, deux cors et deux bassons.
Vers la môme époque, certains facteurs fabri-
quèrent des bassons de différentes grandeurs et de
diverses tonalités, donnant la tierce, la quarte, lu
quinte et même l'octave du basson actuel.
Ces instruments étaient d'un usage courant en
Allemagne; ils ser.-aienl pour l'accompagnement
des chœurs dans les églises, où chaque voix était
doublée par l'un d'eux. Ils furent rarement employés
en France.
Le timbre du basson tierce aurait quelque rapport
avec celui du saxophone alto, le son en est doux et
agréable. Cet instrument' fut joué en 1833, à Bor-
deaux, par un nommé Keigrmans et ensuite par Kscai-
gnet pour remplacer le cor anglais manquant dans
certains orchestres de piovince.
Perfeclîoiiiieiiieiil du l>:i><soii en Fi-aiice.
Les premiers et principaux facteurs qui fii'ent des
bassons au xvu" siècle lurent Colin HoxETTEnRE et
Son lils Jean (1092), Puilidob Ual'sselet et I^oset',
tous de la même époque. Ce ne fut guère qu'au
xviii» siècle que les facteurs français construisirent
des bassons de différentes grandeurs. Le perfection-
nement du basson fut peu marqué jusqu'en 1731.
A cette époque, deux nouvelles ciels s'ajoutèrent
aux anciennes: celle de min et celle di' la\^.
Le si :, naturel, le do et le fu ; graves n'existaient pas.
Pour suppléera ce manque de clefs, on était obligé
de ne boucher certains trous qu'à moitié, ce qui
était fort incommode dans les mouvements vifs.
Depuis celte époque, plusieurs facteurs apportèrent
quelques progrès dans la fabrication du- basson.
INÔiis ne citerons que les noms des plus célèbres.
En 1732 : Thomas Lot.
En 1769 : Jacques Delusse et Chrislophe Delusse
(17»3i, dont l'un lit un basson soprano à 7 ciels que
possède le Conservatoire de Paris.
Kn J77r) : Prudent Tiiiénot, qui avait à celle époque
une grande renommée pour sa fabrication.
En 17H2 ; Dominique Porthaux, inventeur d'un
nouveau bocal en bois'- et facteur de bassons à .5 et
7 clefs.
En 1788: Savary père, et plus tard son fils Jean-M-
colas (1823).
Ce dernier s'adonna spécialement à la fabrication
du basson, et acquit en son temps une grande répu-
tation.
Il fut premier prix du Conservatoire en 1808 et
inventeui' d'une petite branche à coulisse mécanique
et crémaillère permettant d'accorder l'instrument.
Savary jeune fit en 1827 un basson « oltavina »,
instrument très rare en France.
Le fonds do Savary jeune fut acheté par un nommé
(JALKNUKR, qui, en t8;i3, inventa un basson militaire
en si ■ portant son nom.
Cet instrument fut dénommé (ialnndronoiiie. J.-F.
SiMii.T, faclHur à Lyon avant 1808, fut un de ceux
qui s'attachèrent au perfectionnement du basson. 11
ajouta à la petite branche une pompe d'accord. En
1817, il supprima le bouchon de liège fermant la
culasse, par une plaque en métal glissant à volonté
pour permettre l'écoulement de la salive '.
ïniEiîEiiT (Cuillaume), fabricant de bassons, né à
Lambach, grand-duché de Hesse-Darmsladl |27 fé-
vrier 1770-b juin 1848), naturalisé Français el établi
à Paris, 26, rue Dauphine.
Pe/é (de 1800 à 1830) lit un basson à 7 clefs, cons-
truisit également des contrebassons vers 1823.
AdlerI Frédéric-Guillaume), établi à Paris vers
1808, apporta lui aussi de grandes améliorations à la
f.ibiicalion du basson». En 1827, il en exposa un à
(o clefs. Cet instrument était supérieur aux anciens
par son timbre el sa justesse.
lin 1818, Halarï, fadeur à Paris, conslruisit des
bassons en cuivre.
En 1832, WiN.NEN el son lils inventèrent une variété
de basson, ie bassonore'' .
Kn 1834, Georges Schl-hert achela le fonds de la
maison Adler ainsi que celui de Savary-Galakder.
Ses lils, qui furent tons premiers prix de basson au
Conservatoire, ne s'adonnèrent pas à la fabrication.
Hacilman- fut l'invi-nteur d'un nouveau mécanisme
pour le basson d'après les conseils du fameux vir-
tuose WiLLENT-BoRDOGM. Ce Système fut perfec-
tionné par le célèbre facteur A. Sax, qui remplaça
les tious par des clefs.
En 1843, Eugène Ja.vxourt, qui fut plus lard pro-
fesseur au Conservatoire de Paris, fit de grandes
niodirications au mécanisme du basson, avec le con-
cours de Buffet et Crampon, facteurs de talent.
Ces modifications furent les suivantes :
1" Transformation des anciennes clefs dites à bas-
cules par des clefs ,à tringles.
2" Addition d'une clef de bocal se prenant avec le
petit doigt de la main gauche et permettanl de
boucher le petit trou de ce bocal», ce qui donne aux
notes graves plus de sûreté et permet de les attaquer
beaucoup plus piano.
En 1830, Eugène Jant.ourt et le facteur Frédéric
Thierert jugèrent utile de déplacer l'ancien trou du
la, placé sur la culasse et dont la perce était mathé-
matiquement défectueuse. Ils le remplacèrent par
un plateau se manœuvrant avec l'annulaire de la
main droite; ce qui donne à la note plus de sûreté
et ilejustesse el, eu même temps, évite un trop grand
èciut des doigts.
En 1831, Adolphe Sax construisit des bassons en
métal.
Thierert (Frédéric , né à Paris le 1«'' mars 1813,
1. Le cercefas fran;ais cl;iit une variété du tagoU ou basson; il fut
princiitatement employé dans les églises jusciue vers la lin du xvu« sk;-
cte. 11 fut hors d'usage après celle épocjue.
2. I^e musée du Cons-Tvatoire de Paris en possède un en fa,
3. RusET (1662) est l'auteur du cervelas, ee furieux et rarissime
instrument que possède le Conservatoire de Paris.
4. Nous ne voyons pas beaucoup pour le boeal l'usage du bois rein-
ptaeant le métal.
5. Oueliiues-unes do ces notes sont lirees du livre les Facteurs
irinstrnmeiit de mtisif/ufi, par Constant Pikrre.
II. tîien que l'on eiit augmenté le nombre de ses clefs en 1751. Ce ne
fut que vers 1800 qu'AoLKS, facteur à Paris, el Sibiiot, à Lyon, amé-
liori'rent le basson d'une manière eflicace en y rajoutant différentes
clefs. Ai.ME.NR'FDEB. en Allemagne, modifia aussi l'instrument.
7. Le lils WiNNEN présenta le bassonore, invente [lar feu son père
et lui, à l'Eipositionde 1S34. Cet instrument fut perfectionné en 1844
8. Sur les anciens bassons la clef de bocal n'existant pas, le trou de
ce dernier était toujours ouvert, ce qui nuisait beaucoup à la sùrclé
des notes graves.
1558
ENCYCLOPÉûIh: DE LA MIJSlnVE ET DICTION.XAIHE DU C0.\SERVAT01IiE
fils (le Guillaume Tkikbert, l'ut l'innovateur des
principaux perfectionnements du basson moderne.
Il apporta de giands changements dans la labrica-
liondii basson. î\ lui donna une forme plus éléf-'ante
et modifia la perce en la rendant plus évasée, ce
qui permet aux notes ;;raves d'avoir plus d'am-
pleur. Il appliqua aussi au basson le système
B(EHM (ISo.ïl. Ce système, qui était complètement de
son invention, bien qu'il l'ait désigné sous le nom de
celui du célèbre tlùliste allemand, avait un but,
celui de rendre plus facile le doigté du basson et
de supprimer certaines difficultés que l'on avait
avec l'ancien; malheureusement, deux points essen-
tiels ont nui à son succès : le son, qui était métalli-
que, et la complication du mécanisme, qui avait
l'inconvéïiient de se déranger facilement. Li' prix de
cet instiiiment, qui était fort élevé (mille francs),
avail à lui seul compromis son succès'.
Il l'ut aussi inventeur d'un système à tringles avec
adjonction d'un mécanisme pliant, supprimant les
tenons et emboîlures, et d'une nouvelle boile à char-
nière établissant une correspondance correcte entre
les deux ouvertures de la culasse, ce qui en favorisait
le nettoyage.
Le démontage de l'instrument était instantané, et,
la divison des corps étant mieux répartie, son volume
se trouvait réduit et plus portatif.
Il remplaça aussi le bouchon de la culasse par une
cuvetle en mêlai, et en modifiant la perce du bocal,
il obtint une homogénéité paifaile des notes graves
et de l'aigu.
L'essai tenté par Frédéric Triehkrt en appliquant
le système Bœhm au basson n'ayant pas réussi, en
1875, avec le concours de P. Gol'mas, successeur
de Buffet et Crampon, le célèbre professeur Eugène
Jancourt apporta de grandes modifications à la
perce et au mécanisme du hasson.
Ce perfectionnement fut le suivant :
Basson à anneau.x mobiles, plateau et vingt-deux
clefs (fig. 661).
lioralion sensible réalisée dans la perce, dont le
cône est plus mathématiquement régulier dans toute
son étendue. Le son n'en a subi aucune altération.
Les deux anneaux de la main gauche et de la droite
ouvrent ou ferment deux Irons auxiliaires qui don-
nent bien plus de sonorité aux notes mi |, et mi na-
turel du médium et si-, de la fourche- aux deux
octaves.
Une clef posée sur la culasse ilo» clef de la tabla-
ture Jancol'ht) est d'une grande utilité pour certains
tr-illes.
Une nuire clef (21"), placée sur la petite branche,
se manœuvrant avec le pouce de la main gauche, sert
à triller le fa de la 3= octave avec le s,ol naturel, et
également une autre (22=); placée sur la culasse, per-
met de triiler le /'a* et le so/it 2= octave.
MM. EvETTE et .SciiAEFFER, successcurs de Coumas,
iiprès de longues et sérieuses éludes, sont arrivés à
fabriquer des bassons parfaits de sonorité et de jus-
tesse. Ils ont apporté différentes modilications dans
le mécanisme de l'instrumenta
1° Une clef permettant de faire le trille de fa-:, et
so/; à l'octave grave et médium'*; des rouleaux ont
été ajoutés aux clefs de /a; et si n de la culasse
comme aux clefs de /'ajf et sol Jf.
2° D'après mes conseils (L. Letellier), ils firent
un nouveau bocal (marque L| permettant de monter
et descendre facilement, et surtout d'une grande jus-
tesse^ tandis que l'ancien était très défectueux sous
ce rapport.
3" Pour éviter l'usure de la petite branche, un tube
en ébonile'"' a été introduit dans la perce''. Ce corps,
étant dur et très lisse, permet à la salive de s'écouler
facilement et donne plus de sonorité dans toute l'é-
tendue de l'instrument, et surtout dans les notes
aiguës.
FiG. G65. — Basson .1ancoi-b'i-. Modèle (lu Conservatoire.
l'ne des modifications de ce système est une amé-
1. Il n'y eut (lu'uti artiste qui en fit l'essai à t'orchestre ; A. Marzoli,
fadeur et bissoiiiiiste auTllcJti'(^ Italien de Paris.
Ils donnèi'ent à l'instrument une forme plus élé-
gante et plus de symétrie dans le mécanisme.
Il faut encore citer MM. Lecomte et C", inventeurs
d'un basson (18891 tout en métal, ayant la même
[lerce, et le même mécanisme que le basson en bois;
l'instrument est plus léger. Le sou métallique se
rapproche un peu de celui du saxophone. Cet ins-
trument était en maillechort.
.MM. Henri Selmer, Alexandre Hobert, Couksnon et
autres- facteurs fabriquèrent également des bassons
h peu près du même mécanisme que ceux que nous
venons de citer.
-. Le luot fmirc}iii sigjiilie t'enipjoi desfdoigleâ avec les tenus à la
|il:ice des olels.
3. A l"l'\positiori (le 1S89, MM. Ii\ETrE et Sch.i^.ffkr présentèrent
trois bassons aigus (en Hii ^, fa et soï\, c'est-à-dire à la tierce mi-
neeri-, à la quarte et à la quinte supérieure du basson ordinaire, mais
ces insh-unients ne sont plus employés de uos Jours.
'(. l)ansle syslèiue perfeclionué de E. .lANCorar, on ne peut le f.iire
qu'à la t^ octave.
5. Avec ce bocal, on évite (jne le sic ^"octave donne un ul ; et ijue
cet ut même octave donne un ut ^, inconvénient de l'ancien bocal.
6 Caoutchouc durci.
7. Comme dans le basson allemand.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE BASSON 1559
La fabrication du basson à rélranger.
La Belgique (maisons Maiullon et Albert frères,
(Je Bruxelles) et l'Italie (maisons Maino et Oasi, de
Milan, Giorgi et Schaffner, de Florence) fabriquèrent
des bassons à peu près du même système que le bas-
son français'.
L'Angleterre-, l'Amériqne et l'Espagne-* se servent
généralenienl de la fabrication française.
Le basson allemand- dilVère beaucoup du basson
français; la perce n'est pas la même, ainsi qne le
mécanisme; quelqnes doigtés sont dilférents, et la
sonorité est beanroup moins vibrante. La culasse
comporte beaucoup plus de clefs, et certains instru-
ments n'ont pas de clefs de bocal.
Le principal facteur moderne allemand est Wilhelm
Heckel, de Biebrich-sur-Rhin.
Résnnié rétrospectif.
Basson antique : ancien basson à 7 trous sur le
côté et une clef en bas. Cet instrument appartient à
la catégorie des courtauds, dont on se servait au
XVI'- siècle (1.5801.
Basson à fusée ou Backetten-fagott : genre de
basson, dont le tube a neuf tours de développement.
11 fut inventé vers 1680 par Deuner, de Leipzig.
Bassanello (nelli) : variété du basson. On les
construisait de trois grandeurs différentes, basse,
taille et dessus. Ces instruments avaient été inventés
par un compositeur italien, Giovanni Bassano, de
Venise.
Schryari : variété de bassons appelés ainsi du
nom de leur inventeur.
Chorist et Discant fagott : variétés de bassons
aigus employés principalement en Allemagne. Ces
instruments servaient à l'accompagnement des
chœurs dans Les églises, où chaque voix : discantus,
altus, ténor et bassus, se trouvait fidèlement doublée
par un basson.
Basson quarte, basson quinte : diminutifs du
basson à une quarte, quinte au dessus.
Basson soprano : en fa, en bois, à quatre et en-
suite sept clefs, datant du xvin'' siècle.
Bassonore : variété de basson ayant une étendue
de trois octaves et une tierce; l'anche est plus forte
que celle du basson et a un son des plus volumi-
neux. Cet instrument fut inventé par Nicolas Win-
NEi'î et son fils vers I8.!2.
Basson russe on basson serpent : instrument de
bois à pavillon de cuivre ayant remplacé le serpent.
Il est muni di> six trous ouverts et de quatre Irons
1. tu Italie, en plus tics bassons fr.tneai^ .i Jotize et <lix-sept clefs
(anciens systèmesi et ceux ;i viiij^l-iloux clefs, tringles et anneaux, on
compte deijuls ISS.'i le basson de G. Crfimonksi adopta p.ar M. A*. Mai--
DDRA au Conserv.-itoire et à la Scala di; Milan.
2. Kn Ainsïieterrc. .MM. SirvAw,, -SiurH, Wahd et iiJs fabriq,uent
également des bassons, mais, de nit'lme qu'en Améi-inue, l'on se sert
plutùi de la facture française.
S. M'. Francisco yriXTANA, premier basson de la musique de l'i garde
reyaie d'Espagne i Alabarderosl, est inventeur d'un syslènie s'adaptant
SUE le basson français, permettant d'exécuter certains traits infaisables
avec le mécanisme ordinaire.
4, Kn .\llemac;ne, Autriche et Russie, l'on joue beaucoup le basson
ALHErtRUEDER à dïx-neuf OU) winjft-trois clefs à bascule.
bouchés à l'aide de clefs de cuivre garnies di; tanï-
pons. 11 fut inventé en 1780 par J.-J. RiGino, de Lille;
l'on s'en servait à l'église et dans les musiques mili-
taires, en Russie principalement.
Tritonikon : sorte de contrebasson en cuivre,
fabriqué en i8,'ili. Cet instrument a une étendue de
deux octaves; par sa tonalité en mi [7, il convient
surtout aux musiques militaires, où il est encore eu
usage en Autriche-Hongrie el en Russie.
ÉTENDUE DE L'INSTRUMENT, DE SON INVENTION
A NOS JOURS
lltcndiic lies tloulcines (bassons primitifs).
Ces instruments formaient une famille coraplèle
allani de la contrebasse au soprano, et s'étendaient
du contre-fé grave au si (clef de sol) au-dessus des
lianes :
m
f
Depuis son origine jusque vers 1810, l'étendue du
basson n'allait que du si n grave au la aign. Bien que
son échelle fût chromatique, certaines notes man-
quaient (le sii et le do S grave n'existaient pas).
De cette époque à 1845, l'étendue de l'instrument
allait du si,, grave au conlre-réi clef A'ut (4" ligne).
De lS4.:i à nos.jouKs, l'échelle actuelle de l'instrument
va chromatiquemenl du si' grave au contre-fa aigu
clef (i'iU :
m
(jnelques compositeurs, notamment R. Wagner,
font descendre le basson jusqu'au lai, grave, mais ce
cas est rare. Pour obvier à cet inconvénient, les mai-
sons KvETTE et Schaeffer, en France, et Hkckel, en
Allemagne, ont fabriqué un bonnet plus long que le
bonnel actuel, permettant, sans rien changer à la
sonorilé et au mécanisme, de donner cette note
grave par l'adjonction d une nouvelle clef.
m
L INSTRUMENT ACTUEL
Le basson en ut, en usage dans les orchestres, a
la dimension d'un tuyau d'orgue de huit pieds, divisé
en deux morceaux parallèles, de manière à pouvoir
être manié plus facilement.
Il est généralement fabriqué en bois d'érable, mais
on emploie aussi le palissandre. Ce bois, étant plus
dur et moins spongieux que l'érable, peut se con-
server plus longtemps et donne à l'instrument une
sonorité plus Ixomogène et plus puissante.
15G0
ENCyCLOPÉDIH: DE LA MUSIQUE ET DWT/Ot\yAIHE DU CONSERVArOIliE
La perce du basson est conique.
L'instrument se divise en cinq parties, quatre en
bois et une en métal :
\ ° Le petit corps ou petite brandie (lig. 666). — Sur
cette partie de l'instrument, les trous sont percés en
biais pour éviter l'écartement des doisls.
2" La culasse, et son bouchon mobile ou cuvette en
métal que l'on retire de temps en temps pour enlever
la salive contenue dans l'instrument.
De même qu'à la petite branche, les trous sont
également en biais (fig. 667).
3° Le rjrand corps ou grande branche (fig. 6G8).
4" Le pavillon on bonnet (fig. 660).
n
i
FiG. 606.
Fig. 607
o
Fig. 668.
Fig. 669.
Fto. i;
Le bocal (fig. 670), seule partie de l'instrument
qui soit complètement en métal.
Le son est produit par une
anche, entièrement en roseau et
à double palette, qui s'adapte
au bout du bocal (fig. G?!)-
On monte l'instrument de la
manière suivante :
Prendre la culasse de la main
droite;
avec la main gauche
A
1" Placer la petite biatiche;
i^^Mettre le grand corps et le verrou qui maintient
ensemble les deux tronçons.
3" Mettre le pavillon ou bonnet et ensuite le bocal,
de manière que le petit trou vienne bien en l'ace de
la clef de bocal qui se trouve sur la petite branche.
Fui. 67 d
Fig. 675.
4" Adapter ensuite au bout du bocal l'anche en
roseau.
Le poids de l'instrument est supporté par un cor-
don passé autour du col; au bout de ce cordon, se
trouve un porte-mousqueton que l'on accroche à
l'anneau de la culasse.
Le basson demande beaucoup de soin; il faut le
démonter après avoir joué et passer un écouvillon
dans le petit corps et dans la culasse; il faut aussi ne
pas laisser encrasser les trous, avoir soin surtout
de ne pas le laisser à l'humidité; il faut nettoyer le
bocal tous les dix jours et veillera ce que le petit
trou ne se bouche pas.
L'ANCHE
FI6.672.
Fig. 673.
L'anche est la pièce la plus essentielle et la plus
délicate de l'instrument, car c'est d'elle que dépend
la qualité du son.
Nous ne saurions trop recommander aux profes-
seurs d'enseigner à leurs élèves ce travail si délicat
et duquel dépendra la qualité maîtresse de l'instru-
mentiste, la sonorité.
Si le basson est parfois gratifié de l'appellation
instrument burlesque, c'est que beaucoup de person-
nes en ont entendu jouer avec un mauvais son.
Une anche de mauvaise qualité sera le plus sou-
vent fausse; si une anche — de bonne ou mauvaise
qualité — a été mal grattée, elle donnera le plus
souvent im son grêle ou souffreteux très désagréa-
ble à entendre (Voir page 1.Ï61).
11 est donc essentiellement important à tout bas-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE BASSON 1561
soniste de savoir arranger une anche el même Je la
construirn lui-même.
Pour corislruire une anche, ou prend un canon de
roseau d'un jaune éclatant, ûil jaunc-sortn, ayant le
grain Un el bien serré.
Ou le coupe sur une lonf;ueur de 12 centimètres
el on le fi'nd eu morceaux de 18 millinièti-es de !ai'i;e.
Chacun dr ces morceaux sert à élablir mie aiiche.
Pour les évider. on les applique sur un moule en
bniii, creusé dans la forme du roseau et ayant la
mètne longueur.
On doit amincir le roseau au moyen d'une i-'ouge.
Le roseau étant diminué jusqu'à l'épaisseur d'uu
millimètre et demi, ou emploie, pour achever de l'a-
mincir et de le rendre éyal, uu grattoir rond dont on
se sert aussi à l'ellet d'allaiblir le milieu du morceau
de roseau, destiné à être ployé pour rapprocher les
deux parties de l'anche.
On doit laisser plus de force au.K deux extrémités
du roseau, nlin qu'elles puissent supporter la liga-
lurc.
Cette opération finie, il faut entailler l'écorce dans
la partie du milieu, ensuite l'aire tremper pendant
une demi-heure le roseau pour le rendre plus llcxi-
ble et l'empêcher de se fendre; ce pli doit êti'e fait
bien exactement au milieu du morceau, afin que l'ex-
trémité destinée à recevoir la ligature n'ait pas
besoin d'être recoupée. Cette opération se fait très
facilement si l'on emploie un moule eu acier ayant
la forme de l'anche.
Après avoir taillé le roseau des deux côtés pour lui
donner la forme du moule, on passera deux anneaux
en fil de fer.
Le premier anneau se place à peu près au milieu
de l'anche, à .3 centimètres.
Le second, uu peu moins grand que le pre-
mier, se place à ' millimètres au-dessous du pre-
mier.
Il faudra faire plusieurs encoches au roseau sur la
partie destinée à recevoir la ligature, puis on le
fendra en cinq ou six endroits dans la partie infé-
rieure de l'anche pour l'aider à prendre la forme
ronde du bocal. Pour cela, on se sert d'un mandrin
de fer dont l'extrémité doit arriver en diminuant an
premier anneau au point de donner à la partie infé-
rieure de l'auclie la forme circulaii'e et le diamètre
du bocal.
Le troisième ainieau se place à 8 millimètres du
second, eu serrant fortement sui' le mandrin, afin
que l'anche s'adapte bien sur le bocal sans avoir la
nioindredéperdition d'air; ensuite, on lait laligalure
avec de la petile ticelle que l'on enduil d'une couche
de vernis.
On posera à plat la partie de l'anche destinée à
faire l'embouchure sur un morceau de bois dur et
uni afin de couper très net l'extrémité du roseau
pour séparer les deux parties de l'anche.
Une fois l'anche montée, la partie la plus délicate
est le grattage par lequel on obtient la justesse et la
belle sonorité.
On doit éviter le roseau spongieux qui donne à
l'anche une sonorité sourde et ne produit les notes
graves qu'avec peine.
Le meilleur roseau pour la fabrication des anches
est celui qui croît en France dans les départements
du Var et des Alpes-Maritimes.
Celui des parties méridionales de l'Italie est aussi
excellent.
Il faut nettoyer de temps à autre le bout de l'an-
che, car la salive forme un liraou qui assourdit la
vibration du roseau. Pour cela, on se sert d'une
épingle.
LE CONTREBASSON
Le conlrebasson est un instrument à vent, en
bois ou en métal, accordé une octave plus bas que le
basson. Son étendue comprend toute l'échelle chro-
matique A'ut à .so; :
^
La partie du conlrebasson est notée à l'octave au-
dessus du son réel :
Ecriture
don'
Effet réel
CB ^
Le conlrebasson est muni de six ou de quinze clefs,
et a remplacé dans l'orcheslT-e ancien la contrebasse
de bombarde appelée bomijardone en Ilalie.
Cet instrument est très ancien, mais son origine
demeure assez vague; d'après Michel PRAETonius
(1071-1621), compositeur, organiste et célèbre musi-
cographe allemand, auteur fameux du Si/ntagiiia niu-
sicum, source presque unique en ce qui concerne les
instruments en usage au x\i<^ et au début du xvii« siè-
cle, le conlrebasson daterait du xvi<-- siècle, comme
il l'indique dans son ouvrage. Praetorius nous dit
également qu'à son époque un facteur allemand tra-
vaillait à la construction d'un Conlra-j'agoll (conlre-
basson; à l'octave inférieure du Chorist-fagott-.
1. Certains facteurs riioilernes font descendre le conlrebasson ju5-
qu':tu SI k S'Mve.
2. Voir plus haut : Les origines de l'Instrame ut.
Ceci iudicjuerait donc que cet inslrtiment daterait
bien de la liu du xvi» et du début du xvu" siècle, et
qti'il aurait été inventé et mis en usage par les
Allemands.
L'ancien conlrebasson avait la forme d'un immense
basson, d'après Ikm.Niiv (célèbre musicographe an-
glais n20-|Stt;. Cet instrument avait 16 pieds de
long (c'est-à-din; un peu plus de 2 mètres de hau-
teur), mais bien que le conlrebasson ft'lt usité en
Allemagne depuis plusieurs années, il n'existait
pas encore en Angleterre, el, en celte occasion,
Haendel dut eu faire construire un par le fadeur
Stambv pour l'exécution de son Ht/mne du Couron-
nement.
Au commencement du xix'' siècle, un fadeur
autrichien, C. Sciii^sTER.de Vienne, construisit uu con-
lrebasson muni de six clefs en cuivre et descendant
15G2
ENCrCLOPÉDlË DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
jusqu'au la grave. Cet instrument ligui'e au musée
du Conservatoire de Paris.
On suppose que le contrebasson fut introduit en
France vers 1800, époque où \a. Création (de Haydn)
fui jouée chez nous; en tout cas, cet instrument exis-
tait certainement en France en 1822, puisque à celte
époque fut donnée la première représentation iTAhi-
diii (de NiGOLo), la partition de cet ouvrage contenant
une partie importante de contrebasson.
livuMANN (1800-1830) fabriqua des contrebasssons.
Adleu en fabriqua également.
TiuEHEfiT et A. iMabzoli en lirent un dont on se sert
depuis 1863 a la Société des concerts du
Conservatoire de Paris.
MM. EvETTE et ScHAEFFER Construisirent
un contrebasson en bois descendant à ïiil
grave, et pourvu de quinze clefs moulées
sui- tiingles. Ces trous sont remplacés par
es plateau.^ pour éviter un trop grand
écarlemenl des doigts, inconvénient
des anciens instruments. La longueur
de ce contrebasson, de même que
lui de Marzoli, est la même que celle
[les anciens contrebassons (soit un peu
lus de 2 métrés). Cet instrument appar-
ent également à l'orchestre de la .Société
des concerts du Conservatoire.
Depuis plusieurs années, en Allemagne
en .Autriche, pour remédier à l'emploi
instruments trop longs et peu pratiques
(peu portatifs), ou fabiiqiie des contre-
ssons ayant les mêmes dimensions que
bassons.
M. H. Selmer, facteur à Paris, fabrique
aussi des contrebassons en bois du même
doigté que le basson et moins longs que
le basson ordinaire.
MM. EvETTE et ScHAEïïi'ER en consti'uiserit tout en
métal de la longueur d'un
basson ordinaire et ayant
le même doigté (figure
676).
Fio. 670.
FiG. 677.
Fia. 07S.
.M. Mauti.n Thibouville en a construit un tout en
métal (fig. 677).
Il y a aussi le contrebasson du facteur Cerveny,
de Biiniggratz (Autriche), en métal ; son doigté est
tout différent du basson (fig. 678).
A. MoRTON, facteur à Londres, construisit un
contrebasson en bois, il prit comme mo-
dèle un contrebasson allemand fabriqué
par HASE^'luset dont il modifia la forme en
le rendallt moins long et plus portatif
(1 m. 21) de haut). Cet instrument a été (|,
employé dans les principau.v théâtres et J
concerts de Londres et dans différentes f
musiques militaires (principalement dans ,'?
la garde). J
En France, Fontaine Besson, en collabo- ,|:
ration avec Morton (18901, modifia l'ins-
trument de ce dernier en lui faisant donner
le si- grave (exactement l'octave du bas-
son), celui A. MoRToN ne s'arrètant qu'à
Vut (ligure 679).
En Italie, on joue le contrebasson en
bois au théâtre et au concert de Milan.
Le facteur moderne allemand W. Hecrel,
de Biebrich-sur-Khin, fabrique des contre-
bassons en bois et d'autres en bois éga-
Fi&. 679.
lement avec lé pavillon grave en métal.
Ces instruments descendent les uns au do et les
autres au si h grave.
EMPLOI DU BASSON
.Nous croyons qu'il est indispensable d'étudier ici
d'une façon très documentée la manière d'employés
le basson, soit en concertiste, soit à l'orchestre.
Indiquons d'abord l'étendue de l'instrument dans
ces deu.x cas :
1° Etendue à l'orchestre;
- îf^
m
2" Etendue du basson en concertiste.
m
bo
Emploi (In basson s'i l'orchestre.
!I y a deux parties distinctes de basson à l'orches-
tre : le premier basson nu soliste, et le deuxième
basson.
Le premier emploie toujoure des anches plus fortes
que le deuxième, à cause de la pai'tie presque tou-
jours chantée qu'il doit remplir, et pour laquelle il
recherchera une sonorité assez forte et jolie, de façon
à se mettre en dehors.
Tout différent est le rôle du second basson, qui se
sert d'anches plus faibles, et dont la sonorité doit
presque toujours être effacée, sa partie étant consi-
dérée comme remplissant l'harmonie wn comme
TEClINlnVE, ESriIÊTInlE ET FÉDAGOGIE
LE BASSON 1S63
iloublaiit les violoncelles et les contrebasses. C'est
aussi lui qui, le plus souvent, donnera la basse de
riiarmonie; ses notes graves seront employées aussi
iVéquetuMicnl i|iie le pédalier de grand orgue pai-
un organiste.
Employons donc toujours le premier basson au
point de vue expressif et le second basson comme
basse du quintette à vent qui, dans l'orcbestre, s'ap-
pelle <■ l'Iiarmonie » (fliites, bautbois, clarinettes, cors
et bassoMSI.
Les plus gi'ands auteurs ont généralement em-
ployé à l'orcbeslre deux bassons: néanmoins, on en
rencontre quelquefois davantage dans plusieurs œu-
vres célèbres. Citons les œuvres de WAr..NER, où il y a
presque toujours trois bassons, et le Sifiunl de
lii;vKR, ainsi que Salammbii écrils pour quatre bassons
et un contrebasson.
Dans Wagmbr, l'écriture est toujours la même : le
premier basson jouant tous les solos, le deuxième
remplissant l'harmonie ou renforçant le premier;
et le troisième, comme nous le disons plus baut,
toujours employé comme basse soutenant l'harmu-
nie, ou doublant les autres basses de l'orchestre.
Aucun doute n'est donc possible : le deuxième
basson s'emploie à l'orchestre comme un spécialiste
des notes graves.
Ecrivons-le donc en employant l'étendue suivante :
m
!;.
Ensuite, indiquons-lui les nuances piano avec la
gradation suivante :
I" Dans le pianissimo (pp) :
m
pp
2" Dans le piano [p]
Dans le mezzo-forte [mf]
^
W 1x3
et dans \e forte, écrivons-le indilTéi'emment du grave
à l'aigu.
l'our écrire notre premier basson, employons le
procédi'' contraire, et n'oublions pas que les anches
fortes ne joueront jamais piano dans le grave, tan-
dis que l'aigu soilira, au contraire, avec une grande
facilité.
Ou écrira donc pour le premier basson comme
suit :
1" Dans le forte {f) :
ifû
m
2" Dans le mezzo-forte {mf] :
m
l^^-
:i° Dans le piano (p) :
^
\" Dans le pianissimo (pp) :
Nous voilà suffisamment documeiilés sur l'étendue
de l'instrument à l'orchestre; nous étudierons plus
loin l'emploi du basson en conceitiste.
Le ooiitrebassoii à roi-fheï*tre
et son histoire.
Ce furent le grands maîtres allemands qui, les pre-
miers, employèrent le contrebasson à l'orchestre.
Ce fut probablement Haexdel qui, pour la pre-
mière fois fit entrer le contrebasson dans son
orchestration. On le trouve dans VHi/mne du Cou-
ronnement (17271.
H.WDN l'emploie dans ses œuvres, entre autres, dans
/'( Cn'alion, et en 1785, Mozart se sert du contre-
basson.
Le contrebasson étant voué aux elfets puissants et
terribles, le maître Beethove.n l'emploie dans ses
compositions les plus grandioses, dans la sympho-
nie en ul (3") et dans celle avec chœurs (9=). Ici,
le contrebasson fait entendre sa vois lugubre et
caverneuse. BEETHOVE^' l'emploie également dans sa
fantaisie orchestrale La Bataille il* Viloria (1813),
œuvre écrite en l'honneur du célèbre général anglais
lord Wellington.
11 le fait aussi entrer dans la composition d'une
marche militaire que le maître écrivit en ISIO.
Wehir l'ail également entrer le contrebasson dans
son orchestration.
Me.ndelssohn a écrit une partie de contrebasson
très importante et obligée dans sa symphonie La
liéfnnnation.
Pendant la Kévolution française, il fut question,
dans un projet sur le Conservatoire (1794), de créer
une classe de contrebasson comprenant un profes-
seur et quatre élèves, mais dans la suite, cette classe
ne fut point créée.
En Allemagne, vers la lin du wiii" siècle, les musi-
ques militaires comprenaient aussi des contrebas-
sous.
En France, en IS2j, le contrebasson fut également
très employé; toutes les grandes musiques d'infan-
terie et celles delà garde royale en avaient deux ou
trois. A la même époque, les musiques allemandes
employaient également les bassons, conlrebassons
el aussi des cors-basse ou serpents (quelquefois ces
trois sortes d'instruments ensemble). La musique de
la garde prusienne avait deux conirefagotli, et il en
était de même en Autriche, pour les musiques d'in-
fanterie. Ces instruments, de même que les bassons,
furent en usage dans les musiques militaires jus(]u'à
1564
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTION IV AIRE DU CONSERVATOIRE
l'époque (1846) où Sax inventa la famille des saxo-
phones et saxhorns.
Le conlrehassoii à l'octave inférieure éUmt à l'u-
nisson de la contrebasse à cordes, le coiilcebasson
fut généralement plus apprécié en Allemagne que
chezi'nous, où il n'est
guère employé qu'à la
Société desconcei'ls du
Conservatoire à l'O-
péra, et dans les grands
concerts, malgré le bel
elfet qu'il produis dans
les œuvres des grand
maîtres tel que Beetho-
ven, VViîi!Rn, iMenuels-
soHN, etc. Mais aujour-
d'hui, nous paraissons
revenir au système ins-
trumental qui fui en
honneurs aux xvi= et
xvn« siècles, et l'on re-
conslitue les familles
sonores qui avaient été
abandonnées depuis
quoique temps; cer-
tains instruments peu
em])loyés depuis chez
nous, tels que le cor
anglaise! le contiebas-,
son, viennenl anjour-
d'inii eni'iciiir et com-
pléter les ditféreiits
FiG. 6S0.
quatuors d'instruments à vent, et, depuis quelques
années, les compositeurs modernes français et
étrangers emploient le contrebasson dans leurs
œuvres.
Les représenlalions de Salomc du compositeur al-
lemand Uichard Strauss données à l'Académie natio-
nale de niusi(|ue de Paris nous ont valu d'entendre
pour la première fois le nouveau contrebasson de
MM. EvETTE et SciiAKFKER, instrument parlait, d'une
sonorité merveilleuse et très douce dans toute l'é-
tendue de l'instrument. Le doigté est le même que
pour le basson français; son échelle est presque de
trois octaves (du .si;, grave au sol aigu).
Dans sa paititiou de SalointK Richard Strai'ss a
mis cet instrument tout à fait en dehors, en lui con-
Manl un passage en solo, qui a été exécuté à l'Opéra
d'une faeon remarquable pai' M. Marcel Couppas.
Citons les piincipaux compositeurs ayant fait em-
ploi du contrebasson : MM. Ambroise Thomas, dans
Françoise de Rimini (1882); Verdi, dans Don Ciirlos
1(857); Reyer, dans Sigurd (1884), Salammbô (1890),
etc.; Saiint-Saëns, dans Henri VIII (1883), Ascanio
(1890); les Barbares, les Nuces de Prométkée (1867),
Etienne Marcel^ (1879), Samson et Dalila (1877) et
autres œuvres; Massenet, te Cid (188j), Tliais (1894),
Esrlarmomle (1889), etc.; Vidal, Erlanger, etauti'es
ont également écrit pour le contrebasson.
Le contrebasson est très fréquemment employé
dans la symphonie moderne, et plusieurs composi-
teurs ont écrit pour lui des parties très importantes.
Paul Dukas, dans son Apprenti Sorcier, lui donna une
partie obligée où il joue en solo :
Richard Strauss l'emploie également en solo dans sa Salomé et dans la totalité de ses œuvres, de même
que tous les symphonistes modernes. En Allemagne, le contr'ebasson est également très en usage.
Voici le passage de Salomé auquel nous faisons allusion plus haut :
Plus retenu 1 =80
Solo
CONTREBASSON
(Effetune octave
au dessous . )
CORS, BASSON,,
Emploi dii liasson en concertiste.
Après nous être bien pénétrés de l'étendue indi-
quée p. 1562, nous allons examiner la façon d'eni-
1. Lorsque cet ouvrage; fut représenté ù Lyon en 1879, le contre-
basson manquant en province, sa partie fut jouée par un sarruso-
phone cotilrel):is?e.
ployer le basson en soliste, soil avec piano ou avec
orchestre, soit encore avec accompagnement d'ins-
truments divers.
Ici, aucune règle ne viendra nous gêner pour l'é-
lendue de l'instrument comparativement aux nuan-
ces, le virtuose bassoniste employant toujours des
anches très fortes qui produisent un joli son, bien en
dehors.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE BASSON 1565
Doni-, d.iiis le solo, liberté absolue, à pari une
Iéf;èi'e exception (|ue nous allons citer el qui intéresse
retendue de l'inslrument.
D.-ins l'aigu, u partir du i/o j :
*f^
ne pas écrire les noies suivantes attaquées, c'esl-à-
dire avec un coup de langue sur chaque note :
Mauvais
écrire au contraire ces notes en les liant :
Ensuite, ne point les employer dans des I rails en
notes vives :
Allegro
JiauTa-.5
Andanlc
Bon
Il csl entendu que ces notes ne s'emploieront que'
rarement dans des elTels spéciaux, et toujours en
intervalles chromatiques ascendants ou descen-
dants, en commençant à partir du doi et avec les
deux nuances forte ou mczzo-forle :
^oij mf BoTi
è
ppp
Uauvats
Un seul point concorde avec l'emploi à l'orches-
tre : c'est que l'on n'écrira jamais y;ù(ii('ss/mo dans le
grave; on se conformera donc pour le grave à ce que
nous avons dit pour le basson à l'orchestre.
Il y a, dans l'ouverture du Tnnnhàuii'r , un passage
bien curieux dans la partie de premier basson, et dont
l'exécution est presque impossible : Wa^'-ner emploie
dans ce passage un mi aigu directement atlaqué, et
suivi du mi à l'octave inférieure :
T^^
C'est là une exception extraordinaire, et nous
nous demandons quelle pouvait bien être la pensée
de l'auteur au moment où il écrivait ces quelques
mesures! Ce trait, dans tous les cas, est presque
inexécutable, surtout lorsqu'on le joue avec des
anches d'orcheslre.
1? BASSON (solo)
Dans les grands concerts, où la partie de premier
est doublée par un ripieno, il est possible d'en donner
une exécution à peu près parfaite. Voici de quelle
manière :
-BASSOJV(npien"
De la respii-ntioii.
Il faut avoir une poitrine assez fortement consti-
tuée pour jouer du basson, les notes graves étant
surtout très fatigantes à tenir. Aussi, à l'orclieslre,
bien souvent, on se voit obligé de se diviser les trop
longues tenues qu'un auteur insouciant a cru d' voir
indiquer dans son œuvre.
Les compositeurs, [lourtant, devraient y veiller; ce
n'est pas en prescrivant des tenues inlerminaldis
qu'ils obtiendront de bons elfets.
11 devrait leur suffire, au contraire, d'arranger un
Noti; Ki'ave : deux lionnes
0^12 mesures sans ri;spirer.
iliaque assurée parlopréparîbon
. peu leurs parties de basson, de lac ou à ne pas les
I rendre épuisantes : l'exécution en di'viendi'ait bien
meilleure.
Donnons la juste mesure de la respiration pour le
basson :
Prenons un mouvement lent quelconque don-
nant, par exemple, du 72 à la noire au métronome
J = 72).
Partons de ce point, et commençons par dresser le
tabb'au exact de la respiration, «mi (lartant de la note
la plus grave pour aboutir à la [dus aigué (style d'or-
chesirej :
Note aigue : iroismesurcs '/^ sans respirer
')<- I I X- - Il IN-- I I t^^^E^
\>'0 [)0
br
I56(i
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIO.VNAJHE DU CONSERVATOIRE
Comme on le voit par l'exemple ci-dessus, il esl
plus pénible au bassoniste Je tenir une note grave
qu'une note aiguë. On pourra se servir de notre
tableau pour en tirer une gradation exacte du souftle,
en commençant par le siii grave, et en augmentaui
successivement la tenuo des notes jusqu'au point
extrême [do i aigu).
1^ BASSON
2'^'BASSON
^^
f ^-
W^
11 existe à l'orchestre un moyen de donner l'illu-
sion d'une tenue de basson interminable : il suffit
simplement de faire participer le premier basson
et le second à la même tenue, au moyen d'un relai
intelligemment ordonné (il en est de même pour
tous les instruments à vent) :
J'<f
^
t
-<==
^^
f^
etc.
/"=/
Pour tout ce qui est en dehors des tenues, détaché,
arpèges, gammes, etc.. on se conformera, en ce qui
concerne la durée d'une respiration, au même prin-
cipe et au même nombre de mesures, comme nous
l'avons indiqué plus haut.
En consultant la fin de la Symphonie pastorale, on
verra que Bkethove.n, lui-même, n'avait pas toujours
réglé la dose de respiration pour ses inslriiments à
vent (voyez plus loin).
I.cs iiilorvnlles.
Nous ne parleions ici que des intervalles commen-
çant à partir de la tierce, et nous réserverons les
autres plus petits pour notre élude sur les trilles.
Eu général, du moment que l'on emploie le basson
en staccato', les intervalles les plus écartés lui sont
permis, à part les quelques petites exceptions que
imos mentionnons sur le tableau ci-arpès :
■Ne pas employer avec des valeurs trop pelites ou des mouvement* trop vil':
feS
> , '^ Simili T
La difficulté s'accroit dans les combinaisons en notes liées, et plus les intervalles sont écartés, plus dif-
ficile est l'émission du son. On évitera ici d'employer des nuances par Irop p/aiio, de façon à favoriser
l'exécutant.
Nous donnons ci-dessous un laljleau des intervalles qu'il ne faudra employer qu'avec réserve :
jSe ps5 employer autrement ij^ue dans des mouvements lents .
^.r^i mC^L>^ , , Il ^.^^
jO itJv \i.
Il n'y a vraiment que dans les solos, ou que dans
les concertos de basson, que l'on exécute exactenienl
les liaisons marquées par l'auteur. Lorsque, à l'or-
chestie, on rencontre des liaisons difficiles à rendre,
cette difficulté est surmontée en les supprimant tout
simplement, et en remplaçant ces liaisons par un
coup de langue dans le son; s'il est adroitement
donné, il offrira l'illusion de la plus parfaite liaison.
Le «Ictaelic.
Après la sonorité, le détaché est une des ]ilus
grandes qualités que puisse avoir un bassoniste.
Aussi, tenons-nous à en parler ici, en déterminant ses
ell'els et la manière de l'employer sans abus.
Le viituose qui détache liien exercera toujours sur
1. Voj'//. ci-di.-'^^oiis détache
le public un grand attrait, même (comme il est forcé
de le faire parfois) s'il interprète un morceau de mau-
vaise musique !
La syllabe ^u, prononcée autant de fois qu'il y a
de notes, donne une idée de ce qu'il faut faire, dans
l'embouchure de l'instrument, pour exécuter un
Irait en détaché :
4 #«»# «tf«9 ^ 0 a> t»
fWv-
lu.lu ,lu,l»j, etc.
Il existe une foule de mauvais morceaux pour
basson : transcriptions de la Nonna, pot-pourri sur
Hvjolcllo ; il y a même en vente chez un éditeur de
Liège un morceau intitulé Mélange de ileyvrbeer el
dont la lecture produit toujours une iirande sensa-
tion d'hilarité 1 Lt pourtani, ces morceaux ont été
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE BASSON 15G7
liieii lies fois Joués avec un certain succès, grâce aux
délachés dont ils sont remplis. Vers 1830 siirtoul, les
vocalises et airs variés se trouvèrent fort en honneur.
Il ne faut pas abuser de ce précieux auxiliaire ;
nous allons du reste donner quelques conseils rela-
tifs à son emploi à l'oichestre ou dans les solos.
1" Dans un mouvement vif, il ne faut pas écrire
pendant louf^lemps des traits en détaché, car, au
bout de quelques noies, la lanj^ue ^e fatigue et l'exé-
cution devienl impossible. Dans ce cas, on atténue
la difficulté en mettant une liaison sur deux ou plu-
sieurs notes; la langue se repose pendant la liaison,
et peut reprendre ensuite la fin du trait sans en rien
gâter. Exemple ;
-|-Bepos
M,.- ^iim3-u:^i^vii^
2" Dans les notes graves au-dessous du mi :
il ne faudra pas écrire du détaché dans un mouve-
ment trop vif.
H" Dans les tons follement diésés ou bémolisés,
on tienilra compte de la même observation que dans
le ,^ 2", tout en l'appliquant il toute l'étendue de
l'instrument.
Beethoven a merveilleusement employé les notes-
piquées dans son ouverture àeLiionore, n" 3.
C'est un peu après la deuxième sonnerie de la
trompette dans la coulisse que revient à l'orchestre
le thème principal de l'ouverture, présenté en sol
majeur à la première (lùte, avec de petites vaiia-
tions, et souligné par quelques touc/ies ' de basson,
finissant par une gamme eu détaché :
FLUTE
BASSON
fete^^^i^
9TJATU0IL<Î
^^
^m^
^,
ê
"^
i£:
^^
-»'^
W
~^r
\^
Les arpèges.
A rencontre de ce qui se produit pour la clarinette,
le basson ne se prête pas aisément à l'exécution
d'arpèges compliqués; néanmoins, on peut lui en
confier quelques-uus, en ayant soin d'ohseiver les
conseils donnés ci-dessous :
Dans les tons ne renfermant pas trop d'altérations,
on pourra écrire des arpèges sous difTérentes formes,
à condition que le mouvement ne soit point trop vif.
Plus il y aura d'altérations, moins on emploiera
de tiaits rapides, que cela soit en lié ou en détaché.
BASSON
ORCHESTRE
î.e tJ'ille.
Sur notre insirument, le trille peut bien s'employer
ave'' facilité, et son ell'et peut donner à une œuvre
orchestrale nn cachet aussi joli qu'imprévu.
Au point de vue du basson pris en concerliste, le
trille se trouve fort souvent employé ; on eu remar-
que même un abus dans nombre de morceaux plus
ou moins intéressants.
Deblssy en a doimé un curieux exemple dans son
l'riHude à l'après-midi d'un faune; et beaucoup d'au-
teuis modernes l'onl égalementemployé avec succès ;
ir
^^sS
m^
i
1. Dans le langage d'orchestre, on appelle louche uu petil fragment <.!■-■ trait venant se poser sous un .lUlre et le soulignant spirituellcn-ent.
1568
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOSNAIRE DU CONSERVATOIRE
Qu'il nous siillise de donner ci-dessous deux tableaux renfermant les trilles défendus et ceux que l'on ne
devra employer qu'avec précaution :
TaWeau des trilles impraticatles .
m
riez.
-trir
:±ez
\xs |?TT B 1
i:
ztn
Àz
^tzii
a'
m
i
v&
tr
.al
S lÙ fl
Trilles peu usités
[ mais possibles dans les mouvements lents ,
-tr-
1^~^
ztn.
ksEÉ
tr
tr
o
tr\i
t
Les notes à «lonble doi{!;lé.
Qui pourrait se figurer que le basson, comme le cor,
a ses notes bouchées et ses notes claires? Cela pour-
tant existe, et nous pensons qu'il est bon de parler
ici de ces deux soi}orités qui, malheureusement,
nexislent que pour quelques notes de l'instrumenl.
Au point de vue de la poésie orchestrale, il serait
curieux pour un compositeur d'employer ces deux
couleurs dans un passage qunlconque de solo; nous
allons donc parler un peu de la manière de se servir
des notes à double doigté.
Le bassoniste emploie toujours pour cerlaines
notes deux manières de combinaison de clefs. La
première, appelée manuT'' e.ciirp^sive, consiste à
prendre un doigté donnant le plus joli son à l'iristru-
raent; la deuxième, au cnnlraii'e, s'emploie loujours
dans la virtuosité, et con>isle à prendre le doigté le
plus simple et le plus facile : c'est la manière pra-
tique.
Plusieurs notes de l'instrument ont donc deux
sonorités, résultat des deux comidnaisons que nous
venons d'expliquer. Kous exposons ci-dessous, en un
petit tableau, le caractère et la sonorité de ces notes :
1° Les deux sif
^=
peuvent donner deux sonorilés : la première, très
belle et sonore; la deuxième, 1res sourde, en prenant
le doigté de la fourche.
Le fa if :
^
pris avec le doigté
normal, aura un son assez Joli et un peu brutal; en
prenant le doigté d'éclm, on obtiendra une sonorité
lointaine et faible.
3° Le réfci, assez sourd
^
se fera
toujours avec un seul doigté; néanmoins, si l'on veut
lui donner une grande force, on indiquera au bas-
soniste de preildre la clef de la'p eu plus du doigté
ordinaire.
4° La même combinaison pour le mi[j :
pour lequel on prendra la clef de ini^i grave, afin de
donner un son plus fort.
0° Le mi t) :
y.
est la note dont on se
sert le plus en employant deux doigtés : le premier,
appelé fourche, aura un son très joli et expressif, tel
celui du violoncelle; le second, qui s'obtient avec
deux doigts seulement, donnera un son grêle et non
exempt de mélancolie.
3' Le sol» aigu h-
est employé sur
basson au moyen d'une foule de doigtés. Qu'il nous
sul'lîse de dire que le son naturel est très foi't, un peu
violent même, et que le son piano pourra s'obtenir
en chanseant le doigté de difl'érentes manières.
Terminons ces quelques considérations en disant
que les doubles doigtés pourraient doimer des ell'els
intéressants de sonorité, à condition de ne les em-
ployer que dans des notes tenues.
Le coup de Iaii$;ne.
Très usité par les instruments en cuivre, le coup
de langue peut cependant s'appliquer au basson et
produire de curieux effets, h condition de n'être
employé que rarement, et seulement sur quelques
notes de l'instrument, du si n au sii^ aigu :
m
9«=
On arrive ainsi à faire du détaché avec des notes
très brèves et des mouvements très vifs.
Comme exemple, voici un passage de la transcr-ip-
tion pour le basson de la Sonate de Grieo en la
mineur (pour violoncelle et piano) :
TECIIXlnUE. ESTIlÈTIQUIi ET l'ÉllAGOCIE
LE BASSON 156!)
Cl» IVafîiiifnt serait d'un rendu impossible, étniit
ddiiiié le moiiveinent Irop rapide (nllcfiro ngiîatn). On
résout la diriicullé à l'aiile du coup de langue, et au
moyen de l'accentuai ion suivante, qui, nous l'avons
dit déjà, ressemble à celle employée à tout moment
par les instruments en cuivre, les pistons et les trom-
pettes principalement :
L^
lieux notes
detacKees
Une Tiotfe de
gorge.
Ce passage s'exécutera donc ainsi
Ce (juifait exacleincnt , au
point de vue de 1 exécirbon:
tu iuL
c L
deuxdéiac^ié^ï
aimples
___r
un détache
artificiel
avec la gorg^e
i^^m ^^^U
tu lu ^u tu tu ku lu lu. \n
liésumons-nous en disant que le basson possède
à présent une manière spéciale pour faire les notes
piquées dans un mouvement très vif, à condition que
ces notes soient écrites on l'ytlime ternaire, de façon
à favoriser la combinaison d'exécution et de coup de
langue que nous venons de décrire.
SAiNT-SAhiNs, dans PAaé/0)i, a écrit pour le premier
basson une partie en détaché qu'il est impossible
d'exécuter sans l'emploi du détaché artificiel; en
Allemagne, Kichard Strauss a écrit, dans son Don
Quichotte, des parties de hautbois et de clarinette qui,
toujours au moyen du même procédé, arrivent à
imiter le bêlement des brebis !
Les iiiiancos iiievéenlables.
« Trop fort, les bassons, trop foi't ! •<
Quiconque assisterait à une répétition des grands
concerts entendrait fréquemment le chef d'orchestre
employer celte expression à l'égard des pauvres mu-
siciens qui, parfois, n'en peuvent mais!
Il est difficile de jouer pianissino sur un basson,
et les auteurs modernes ne paraissent nullement se
préoccuper de la sonorité ou de la puissance d'un
instrument. L^s jeunes compositeurs ont du talent,
ils travaillent leur technique, mais ne se soucient
guère de connaitre à fond les instruments à vent;
quelques études sur leur étendue et sur les doigtés
défeiiiiPux leur suflisenl pour se lancerde suite dans
le domaine de la symphonie et de l'opéra !
Faut-il les blâmer? Non, puisque les plus granils
maîtres de notre époque leur donnent l'exemple de
compositions qui, pour être admirables, ne laissent
pas que d'être insuflisamment réglées au point de
vue de la connaissance de la sonorité des instru-
ments.
Ouvrez donc la partition de ]a. Si/mphonie pathétique
de TcHAiKOvsKY, et observez la nuance indiquée au
premier basson, à la dernière mesure de la page 36.
Savez-vous comment s'y prend le pauvre soliste
pour exécuter ce passage? Non, n'est-ce pas?... Eh
bien, apprene/. que l'obligation de rendre la nuance
écrite le met dans la nécessité d'intioduire dans son
pavillon' un lanipon de ouate qui, en donnant au
basson un son dénaturé, lui enlève presque toute sa
sonorité et favorise la nuance indiquée : ppppppp!
1. Cette sourdinu n'a 6té employée que |iar quelques bassonistes
éjirouvant de la difficulté à jouer pianissimo dans le grave.
Copyright by Liltrairie Delagrave. lO'^G. _„
CLARINETTE
BASSON
^^^^
m^à
PPPPF
Du reste, à parler franchement, tout en reconnais-
sant comme chef-d'œuvre la Si/mphonie paliiéli^iw,
nous sommes forcé de convenir que ce passage est
tout simplement mal orchestré : il y a dans l'orches-
tre un instrument grave qui aurait très bien pu con-
tinuer ce dessin de la clarinette, tout en produisant
une sonorité parfaite et un très fjrand piaiiissino,
c'est la clarinette-basse.
Dans Liszt aussi, on rencontre des nuances impos-
sibles, et la première partie de Faust-Symphonie
oblige encore le pauvre basson à employer sa sour-
dine!
La sonorité»
La plus grande partie des mélomanes ne se doute
pas de ce que donne exactement la vérilablo sonorité
de notre instrument.
l'ne fausse tradition lui a toujours prêté un timbre
très guilleret, grotesque même, jusqu'à l'excès! Ll
cela tient à ce que le basson ne peut èlre véritable-
ment joué que par de vrais artistes, et non pai' des
amateurs; l'élude du son demandant, par elle-même
un temps considérable.
Un instrumentiste inexpérimenté jouera presque-
toujours un quart de ton trop bas; de plus, il ne
pourra souftler que dans des anches très faibles, qui
donneront une sonorité comparable à celle d'un
mirliton; aussi, de suite, le public portera-t-il sur
notre instrument un mauvais jugement.
Un a dit aussi que les notes aii/uvs du basson
étaient « maigres » et <i souffreteuses .., alors que le
'jravc avait une sonorité « pleine », toute pontifi-
cale! Vérilablement, il ne doit pas y avoir de ditfé-
rence entre le grave et l'aigu; celui qui sait jouer
de son instrument aura les mêmes sons en haut et
en bas.
Le public des grands centres artistiques est véri-
tablement le seul qui entende jouer réellement du
99
1570
ENCYC.LOFÈDIE DE LA MUSIQI'E ET nrCTrOX.VAfRE OU COySERVATOIRE
basson. Celui-là commence à comprendre quel admi-
rable rôle lui est donné dans les plras grandes œu-
vres classiques et modernes, et combien ce rôle n'a
absolument rien qui tienne du " grotesque ».
Nous croyons avoir suflisamment docunienté les
jeunes compositeurs pour pouvoir terminer ici notre
étude sur « la manière d'employer le basson ». Une
seule cbose est belle dans l'instrument, c'est avant
tout lasonor/,<é .■ sonoiité si diflicile à obtenir pour les
jeunes bassonistes, et si délicate à employer pour les
jeunes auteurs.
Les jolis sons de basson sont rares; ils font prime
autant que les stradivarius des violonisles, avec cette
différence que c'est l'Instrumentiste' qui fait le son,
et non le luthier!
Une vieille coutume nous a appris pendant notre
jeunesse à juger le basson comme un instrument
bouffon, et beaucoup de compositeurs sont persua-
dés qu'il est impossible de l'employer autrement!
Comme ils se trompent! Noire instrument est bien
digne de figurer à l'orchestre comme le >< violoncelle
de l'harmonie ". 11 peut être pathéticpie ou aimable,
brillant on triste; il peut donner à la l'ois la pédale de
l'orgue on le détaché de la Uùle! Que dire de plus?
Eh bien! nous dirons qu'aux futurs compositeurs,
ia lecture de ce qui précède donnera une assurance
considérable; et l'analyse des traits célèbres, que
nous allons donner ci-après, sera certainement pour
eux le guide le plus précieux qu'ils puissent trouver.
M. Castil-Rla/.e a écrit sur le basson un très inté-
ressant article dans le IhcHonnaire de comei-salion .
Les qualités expressives de l'instrument y sont dé-
eiiles de charmante façon.
N'oublions pas que Haydn jouait du basso.n, et que
le grand-père de Himsky-Korsakoi f était bassoniste
à l'orchestre du Conservatoire de Saint-Pétershouig!
LE BASSON A L ORCHESTRE
Quel est le compositeur qui, pour la première fois,
employa le basson à l'orchestre?
Question bien difficile à résoudre exactement!
D'après plusieurs auteurs, il paraîtrait que ce fut
Caubert qui, en 167 1 , l'introduisit dans l'orchestration
de son opéra Pomnne.
Nous nous permettrons de quitter un instant le
sujet principal de cet article, pour remettre au point
quelques malentendus que cet opéra a trop souvent
suscités.
1° Contrairement à l'opinion de plusieurs auteurs,
Pomnne est bien le premier opéra de Cambert, et il
ne reste qu'un seul exemplaire imprimé de cette
œuvre à la Bibliothèque Nationale; c'est un petit
livre ne contenant que le chant, les paroles et quel-
quefois une basse chiflTrée.
Au Conservatoire, nous trouvons seulement la
copie d'un acte de cet opéra; mais le manuscrit est
plus complet et renferme quelques pages d'orches-
tration'-.
2° Dans la préface de sa méthode de basson, Jan-
couttT nous dit : « Il était le seul, avec la fli"ite, des
instruments en bois en usage dans les orchestres. »
Or, nous trouvons à la page 23 de Pomone l'indi-
1. Voyez chapiire sur les anclies.
2. Rappelons toutefois que Pomone fut précédée de deux ouvrages
lyriques de Gambebt, la Pastorale d'isxy (163!!), et la eomédie en
musique A'Âruine rt Eacchus (même aunco). (N. U. L. D.)
cation suivante : « Bergers et hautbois entrent sur le
théâtre, » el, à la page 26, une indication d'orches-
tration : « Violons et hautbois. »
Il y avait donc des hautbois dans Pomone.
Dans les quelques pages d'orchestralion que nous
avons trouvées, il n'est pas fait mention de la partie
de basson; on ne peut donc donner une affirmation
exacte.
Poursnivons nos recherches et voyons quel est
l'auteur qui, immédiatement, succéda à Camrert :
Nous trouvons le grand Lully.
Il est indiscutable que ses œuvres renferment pour
la plupart une partie de basson. D'après Lavoix-,
Lully faisait toujours orchestrer ses œuvres par ses
musiciens, et il est probable que ce fut l'un d'eux
qui, pour la première fois, eut l'idée d'employer
notre instrument dans l'orchestration.
Le basson, en ce temps-là, avait seulement trois
clefs : celles de si'r, ré et fa graves; malgré sa grande
imperfection, plusieurs virtuoses s'étaient déjà dis-
lingués; citons parmi ceux-là: Jadin, Schubart et
RiTTER (dont les biographies n'ont pu être retrouvées
pour le chapitre consacré aux virtuoses du basson).
Le nombre des bassons employés à l'orchestre fut
presque toujours de deux et plus tard de quatre.
Gluck, Haydn, Mozart et Beethoven en employèrent
toujours deux; ces deux derniers auteurs ajoutèrent
parfois un contrebassou dans leurs œuvres capi-
tales.
Mendelssohn, Schumann, Schubert, écrivirent pour
deux bassons.
Verdi, dans ses opéras, en employa également
deux, et Meyerbeer presque toujours quatre.
Quant à Wagner, il fut le véritable novateur de
l'orchestration à /ro/s bassons; sa manière d'instru-
menter se trouva suivie par presque Ions les auteurs
modernes.
Pourtant, il est très curieux de parler de deux
exceptions extraordinaires retrouvées dans l'orches-
tration de deux œuvres, l'une de Catel et l'autre de
Lesl'elir.
1° Nous trouvons une Ouverture composée par le
" citoyen Catel h en 1794, et comportant dans son
orchestration :
'i- premiers bassons;
4 deuxièmes bassons;
4 serpents.
2" Dans la copie d'un Humnc patriotique, musique
du « citoyen Lesueur », pour le concert donné par
l'Institut National de musique, le 17 brumaire, an III
de la République, nous trouvons dans forchestre :
6 bassons d'accompagnement ;
10 bassons de chœurs;
:i serpents.
En 1795', l'Institut, considéré sous le rapport
d'exécution dans les fêtes publiques, forme un or-
chestre composé au minimum de 100 musiciens,
instruments à vent, parmi lesquels nous trouvons
18 bassons et 4 contrebassons!
Ce sont là, du reste, de très rares exceptions qui
ne furent pas suivies, car, actuellement, bon nombre
de théâtres n'emploient même plus les deux bassons
obligés; un seul leur sul'fil, pour raison d'économie.
Quant aux music hall's et aux petits théâtres, la
présence de trois trombones leur paraît autrement
2. Lavoïx, Histoire de la ynusigue. Voir aussi les ouvrages plus
récents de M. Pruniéres (Lully) et de M. de la Laurencie (Lully).
3. l>«c»nienls puisés dans le livre de H. Constant Pif.rbb sur le
ConserL'atotre.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE BASSON 1571
nécessaire que celle de deux bassons; seuls, nos
f'pands cenlies artistiques en emploient toujours le
nombre imposé par les auteurs.
Nous donnons ici quelques exemples de l'emploi du
basson à l'orchestre depuis IIaydm jusqu'à nos jours.
Le basson daus les œuvres de Haydn.
1,'orcheslratioii des célèbres symphonies de Haydn
renferme une foule de solos pour le basson.
Le côté aimable et sautillant de notre inslrument
se trouve toujours mis en valeur, et il n'est pas rare
de voir le basson doubler à l'octave grave la partie
des premiers violons.
C'était là, en effet, une habitude chez le mailre qae
de se servir du basson pour mettre en relief un mo-
tif quelconque; aussi, beaucoup d'auteuis, notam-
ment Beethoven, suivirent-ils son exemple. Noas
donnons ci-dessous quelques fragments des sympho-
nies où ce mode d'orchestration est le plus employé :
BASSON
QUATUOR
Symphonie « Londres » [caractère mélodique]'.
fe^f
^
V
^
n
^^m
^m^
f
Symphonie " La Reine » [caractère aimable].
MEME
ORCHESTRATION •
^
n-"i.}( ---'
^
^
^s
wàà
m
TT
?
^m^
i^
?
Symphonie n° 13 [caractère sautillant]
S
^
^t3=fgg
^iiâ
-y-n I Mlf^
au 1^!^ ! m
11 en est ainsi dans toutes les œuvres autres que
ces symphonies, notamment dans la Création et les
Saisons. Donnons maintenant un exemple très inté-
ressant où le basson est seul employé : voici un thème
exposé par la llûte et donné en réponse par notre
instrument :
FLUTE
BASSON
QUATUOR
^l^|1T»1l ."JEf^
etc.
1. Un certain nombre d'indices lonaui des exemples de musique qui suivent sont gjnTÔs de iacoQ incorrecte, (\. I). L. b.
1572
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Le basson ilaiis les s^tiiiphoiiics de Beethoven.
iNous allons entrer dans la partie la plus longue de
notre analyse des tiaits de basson; nous estimons
que ce sera la plus intéressante, car jamais un ins-
trument ne ifut mieux employé que dans ces neuf
symphonies dont l'incroyable clarté orchestrale bril-
lera toujours d'un incomparable éclat.
1" Symphonie (en ut majeur). — Comme on l'a
déjà dit bien souvent, Bkethoven, à l'époque où il
composait ses deux premières symphonies, était
encore [sous l'impression du génie de Mozart et de
Haydn. Aussi, son orchestration en subit-elle une
grande intluence; à ce point que l'écriture de ses
instruments à vent fut, pour ainsi dire, semlilable à
celle de ses deux prédécesseurs.
Dans l'AIlcyro con hrio, nous citerons seulement
un délicat petit trait, exposé par le premier basson,
auquel le hautbois et la flûte répondent aussitôt :
BASSON
^
^
^' 'Q h
=F==
VIOLONS
j^%%J
FLUTE
HAUTBOIS I '^ >-
^^
*
mk
feM
m=^
1^
2' Symphonie (en ré). — Nous relevons dans le I d'abord exposée fortissimo, puis continuée par le
Final une formule amusante roimaut arpège ; elle est | basson jouant piano et staccato :
a 2
BASSON
■M ^ '■
^
#f^|j.;l|fTiii,,l1i^lTiMi1|3
jp
ff
^^
^^
f
-?^
^^»^
il^te
VIOLONS
^^
Wl
w^
j»
flS
Vecresc pp
f
Nous retrouvons plus tard le même passage en fa j tée par le basson, qui rappelle ici un véritable chan-
majeur; il est précédé d'une phrase expressive chan- | leur qu'accompagne le quatuor :
BASSON
ÇUATUOR(
3« Symphonie. — C'est avec la 3'' Symphonie [hé-
i oïque) que nous entrons dans la deuxième manière
de BeethoveiN ; l'orchestration devient plus intense,
le basson est employé de façon plus intéressante.
La première partie renferme une foule de combi-
naisons pour les inslrunicnts à vent qui chantent
toui' à tour, comme en se répondant l'un à l'autre.
Mais le basson n'occupe réellement le premier
rang que dans l'admirable Marche funèbre.
Pendant des pages entières, nous remarquons le
quatuor accompagnant » l'harmonie » ; citons entre
autres ce dessin d'une profonde mélancolie, souli-
gné par les notes brèves du quatuor :
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE BASSON 1573
BASSON
On sait quel exlraoïdiiiairf tour de l'orce en contrepoint renferme le Final, où les tlirTérents thèmes sont
exposés par tous les instruments à vent, dans des caractères de toutes nuances; le liusson ne se trouve pas
négligé, et sa partie devient ici de première importance.
Comme exemple, nous donnerons un passage délicat comportant un groupe de trois croches en détaché,
el aboutissant à une formule expressive en appogiature :
MSSON
■VIOLONS
6^
te
^
1 1. >
^
Y
4' Symphonie (en si bémol). — Lorsqu'un pro-
gramme de concert comporte la Symphonie n" i en
Sî6é?)!0<, le pupitre des bassons s'agite et s'inquiète;
qui se douterait qu'un simple trait de quatre me-
sures est la cause de tant d'émoi"?
BASSON
Le Final comprend, en effet, un solo écrit entieie-
ment en staccato par Bkethoven, et dont l'e.xéculion
est impossible, surtout avec le mouvement, pai- trop
« réel », adoplé parfois par certains chefs d'orchestre.
Donnons d'abord la version écrite par Beethoven :
Impossible d'exécution, cette première version 1 traditions) en une nouvelle accentuation que nous
s'est trouvée transformée (de par les plus anciennes ( indiquons ci-dessous :
L'exécution en devient alors possible, tout en res-
tant assez vétdieuse, et la légère modification passe
inapeiçue aux oreilles du puMic.
On a dit que Beethoven écrivait parfois sans indi-
quer d'accentuation dans les Irails, laissant ainsi à
l'exécutant le soin de marquer les liaisons ou les
points, selon son goùtpersonnel...
Supiiosez donc une pièce de Molière écrite sans
points ni virgules, en somme sans aucune ponctua-
tion, ce soin étant laissé au lecteur a^rissant d'après
ses propres impressions! La pensée de l'auteur, dans
ce cas, ne disparaitrait-elle pas?
Il est aussi nécessaire à la musique qu'à la proso-
die ou à la versilîcation d'avoir ses phrases ponc-
tuées selon le goùl, l'inspiration, les exigences de
l'auteur.
C'est donc pour ces raisons que nous sommes per-
suailé que l'auteur de la 4^ Symphonie a voulu, dans
son final, le trait de basson complètement en détaché.
Néanmoins, comme le rendu de ce trait nous
paraît impossible dans le mouvement indiqué, nous
pensons que l'auteur l'a dû comprendre dans une
allure un peu ralentie. Donc, à notre avis, le chef
d'orchestre ferait bien de ralentir légèrement le
mouvement 7 [mesures avant, pour le reprendre t'i
mesures après.
Du reste, la musicalité nous semble devoir se prê-
ter aisément au mode d'interprétation que nous
préconisons, comme il ]est facile de s'en rendre
compte en consultant la partition d'orchestre, aux
pages "2 et 7.3 lédition Brfitkopf).
5° Symphonie (en ut mineur). — La .'i" Symphonie
est certainement la plus connue des œuvres de
Beethoven, et il n'existe aucun bassoniste qui n'ait
joué cette page admirable.
1574
ENCVCLOPÉniE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Dans V Allegro con brio, se trouve un dessin très 1 trompette; il est, dans la première reprise, exposé
énergique, ressemblant assez à une sonnerie de | par les cors :
î/ i/
CORS
les bassons l'exposent à leur tour avec force, dans la deuxième partie du morceau :
BASSONS;
fc/ 11 J
-73 V-
J^
{f ^J
^f
VAndcwte nous offre deux solos remarquables, et nous ne saurions trop engager les jeunes musiciens
à méditer sur ces deux passages, qui leur démontreront combien le basson est un instiument éminemment
expressif :
/" wlo. — Le basson répond à un dessin donné par la claiinetle :
CLARINETTE
-1
Dolce
BASSON
ÇUATUOTi
t ^ M 1^
i' solo. — Passage très connu, que les bassonistes exécutent souvent en « écho » ', à partir de la lin de
la 3"^ mesure. Cette nuance, qui n'est pas indiquée par l'auteur, n'en est pas moins du plus heureux ell'et :
BASSON
ÇUATUCK
m
-^-^
^#^
FF
fia moto
P
M=4
^^=^
Tf
^
^
^
\ \^ VA
m
t=^^
^
^
il
13^
i
^
^
Le morceau suivant nous donne un exemple de 1 pianissimo, que le quatuor seul accompagne en
basson employé dans un passage très mystérieux et | pizzicati :
BASSON
QUATUOR
FùcX'icaU
^^^ 1'^[7'l^^VtU^^L_^s^Éâ
pp
Ife
±z
i
^
^
^
=4-±:
±=!t
É
^
m
^^
TT^
-V-Sr
m.
^
1. Eiprcssio» pas très bien déOnie, mais que l'on emploie très fréquemment à l'orchestre.
TEC/IMnl E. ESTHÉTIQUE ET PEDAGOGIE
LE BASSON I57i
Z Bassons
gafesfeaétJE^' ^ |^ ' tT-|r^irrM^-^=1=ff^E^
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Sempre £p
I.e premier basson conlinue alors seul, avec pizzicati de violoncelles, le dessin SLiivanl, de plus eji plus'
piano :
BASSON ET '")•• I Ll J M I 1 '^ ^ iT^' 1=F^
VIOLONCELLES =
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^|:±=;±^
S
J I J i^ |J I J J J I _[
j^
l'uis, comme un dernier appel, il répond aux premiers violons en un dessin de trois noires, assez vélil
leiix, étant donné la nuance pianissimo :
BASSOK
ÇUATUOR
L'Allégro en (J; qui suit, de même que celui de la
0' Symphonie, est un des plus beaux finales de Beetho-
ven; tout 3' est débordant de sonorité et d'enlliou-
siasme. Aussi, les bassons ont-ils à jouer une partie
fort importante et surtout très sonore.
Citons un solo' brillant, dont Tetlet est toujours
très grand, surtout lorsqu'il est rendu par quatre
bassons, comme cela a lieu dans les grands orchestres
(soit deux de plus que ne l'indique la partition! :
1. Kn leriiies d'orchestre, le raot solo veut dire passage en dehors
csecutp par deui ou plusi'-urs instrumentistes appartenant au même
pupitre.
Il est à leinarquer (jup presque tous les grands
chefs d'ochestre lonl jouer les symphonies de
Heethoviîn pour quatre bassons-, savoir :
1° Le premier, ^olo, jouant toute la partie de pre-
mier basson ;
i" Le premier, ripkno, aidant le premier solo et
jouant dans les passages que l'auteui- indique for-
tissiuio;
3° Le deuxième, solo, jouant toute la partie de
second basson;
4° Le deuxième, ripieno, aidant le second basson
et jouant avec lui dans les foi tissimo.
Celte manière d'inlerpréter la symphonie est excel-
lente, quoique peu praticable en delior.s des grands
-. Cette manière d'exécuter des œuvres orchestrale?, en 'doublant
les instruments, demande un quatuor très nombreux.
1576
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQVf ET DICTIONNAIIŒ DU CONSERVATOIRE
Centres arlistiques, daiis les emiroits où l'on ne dis-
pose pas toujours d'un nombre suffisant de basso-
nistes.
6 Symphonie (Pastorale). — C'est l'œuvre la plus
desciiptive de Beethoven, comme aussi la plus inté-
ressante pour les instruments à vent. Les solos de
basson y ahondent, et l'on relève, dans le Scherzo, un
solo pour le 2° basson, évoquant avec le hautbois et
le cor une danse champêtre :
AUeji
2ÎBASS0N
La fin dujpremier morceau nous donne un exemple du même f.'enie entre la clarinelte et le premier
basson : '
CLARINETTE
BASSON
Solce , 3
%yxThrr]
^^m
j «I * * *=?
^
Comme nous l'avons dit déjà, le basson, utilisé à
la manière de Haydm et de Mozart, est ici toujours
placé en solo; sa partie n'a i ien à envier à celle des
pr'emiers violons, qu'il vieni souvent souligner de sa
note expressive.
Du temps de P.ketiioven, le basson n'était pas aussi
perfectionné qu'aujourd'hui, et nous nous deman-
dons'parfois comment nos prédécesseurs pouvaient
■e tirer d'alfaire à l'orchestre, et comment ils arri-
vaient à rendre, sur des instruments primitil's, des
traits [qui, de nos jours, nous paraissent encore
d'exécution bien dil'licile.
Ouvrez la partition de la Pastorale, à la page 38
(138) de l'édition lÎHErrKOPF ; considérez, à la troisième
mesure les^arpèges du basson et de la clarinette, en
a'-oompagnement du thème exposé par la llùte, sur
b- bruissement des violons. L'arpège de la clarinette
fri' lermine normalement sur la note aiguë :
tandis que celui du basson est coupé à la fin, et se
termine sur une note plus grave :
Cette particularilé provient de ce que le basson ne
possédait pas, en J808, de clef de si\j aigu. Aussi,
de nos jours, les composileurs sont-ils plus heureux
par suite des nombreuses lessources que vient leur
oITriicet instrument perfectionné. Et les chefs d'or-
chestre de tout temps ne se gênèrent nullement
pour changer parfois une note ou deux dans une
partie quelconi]ue des œuvres classiques; en un mot,
leur grande compétence artistique leur permit de
réaliser le « désir » que les anciens n'avaient pu
satisfaire, en faisant jouer par les instruments à vent
les noies que les progrès de la facture moderne ren-
dent aujourd'hui accessibles.
La partie de basson se trouve ainsi modifiée :
m^-^^i^M
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE BASSON 1577
C'ost dans le F/na/ que se trouve un trait, bien difli- I les ^^rands orchestres en partageant la dilTiculté
cile à rendre sans respiration, et qui s'exécute dans | entre deux instruments :
CPsssage devant ître joué par les deux lassons.)
S^ffl
p^
Deux difficultés se rencontrent : i° la longueur de
non-iespiratiou; 2° la liaison, mesure par mesure,
riiii, étant donné la vitesse, devient aussi gênante.
Nous donnons ci-dessous la manière de jouer ce
passage sans accroc' :
Zî Basson seul
Enlree du IV 1>asson.
Telle est l'interprétation en usage dans les grands
concerts : l'efîet, en aucune façon, ne laisse à dé-
sirer.
7' Symphonie (en ia). — Le célèbre Allcyrelto de
cette symphonie est une des pages de Beethoven que
l'on connail le plus; sa grande simplicité a bien
souvent tenté des tianscripteurs plus ou moins habi-
les qui l'ont arrangé pour tous les instrumeiUs, avec
ou sans piano.
Jancourt, dans sa MHhode de basson, en donne
une version assez intéressante au point de vue de
l'instrument; nous regrettons que cette ti'anscriplion
soil à peu près la seule, prise dans les symphonies de
Beethoven, que nous rencontrions dans sou ouvrage.
Nous relevons, dans ce morceau, une phrase très
mélodique, traitée en imitation entre le hautbois, la
ilùte et le basson, ce dernier jouant un peu fort, de
manière à compenser la sonorité des deux instru-
ments auxquels il répond :
j>, nuance indiquée
BASSON
FLUTEeti
HAUTBOIS I
ÇllATUOR
^^^-,^0^
S' Symphonie (en fa). — A part ï AUeijratto schetzanJo, la S' Symiikonie renferme pour le basson une foule
de solos des plus intéressants qui permettent au chef de pupitre de faire valoir ses qualités de viituose.
Notons, d'ahord, dans la première partie, deux passages vraiment remarquables, écrits tous deux
en noies piquées :
SflSSON
QUATUOR
H^i ' ^ I i ' ^Jjyj^jJzjj^i^^izdit^
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Si
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^3E
^3E
fe^
Sem^re p
1. IJrriCum : Ki 2-^ uult île l.i 1'
niL-5U:c usl un si et (lUD un la.
1578
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOMNAIRE DU CONSERVATOIRE
et, plus tard, un autre solo des plus amusants :
BASSON
ÇUATUOR
~SV' 'à r- «1 —
5 '''
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rt' * — K — >■
ZJfM^-
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l— i
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' 1
Duus le Menuetlo, Iîeethoven n'hésite pas à employer le basson absolument en solo avec accompa-
gnement de quatuor :
(Joue yorte)
tï
BASSON
ÇUATUOR
Bien que la nuance originale soit pp, le premier
basson devra pourtant jouer de façon à ne pas être
couvert parle quatuor.
Le Final AUeijro vivace renferme une combinaison
BASSON ET
TIMBALES
unique en son genre dans les annales de l'orchestra-
tion; c'est un effet de timbales doublé par le basson,
et produisant une sonorité des plus curieuses :
9" Symphonie (avec chœurs). — 11 nous semble
que rarement le basson fut mieux employé que dans
cette œuvre gigantesque où tous les éléments de la
musique sont tiaités avec une maîtrise absoUiment
incomparable.
Dans le premier morceau. Allegro ma non troppo.
notons d'abord un effet des plus curieux de pizzicato
que les deux bassons font entendre à l'octave et pia-
nissimo, pendant que le hautbois et la clarinette
exhalent un thème plaintif et douloureux (deuxième
thème du morceau).
BASSONS
7 ^ >.
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k HAUTBOIS El CLAniNETTE
f.^
QUATUOR
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M\
n
TECHNIQUE. ESTHETIQUE ET PEDAGOGIE
Plus loin, nous voici leveiius au premier lliùnie de
la sym|ihonie; ce thème se trouve au basson solo et
doit être exécuté forte, quoique Beethoven l'ait indi-
qué piano; ce qui prouve que les plus f;''aiids mai-
LE BASSON 1579
très n'ont pas toujours eu dans l'oreille le timbre
exact et la force de sonorité que les instruments à
vent sont à même de rendre dans certains cas :
Passage marqué piano et joué forte :
BASSON
SOLO
Passage marqué piano et joue forte-
f
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m
f
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Thème douUé à deux octaves par les premiers violons pia/io
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ÇUATUOR
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Le Scherzo molto vivace nous oiïre également un 1 bassons; c'est la reprise du thème en mi mineur
passage très intéressant joué piano par les deux | formant un elîet mystérieux tout à fait joli :
BASSONS
gUATUOR
Plus loin encore, nous trouvons au 0 un contr^oint joué par les bassons, en accompagnement du
chant exposé par les hautbois et les clarinettes :
HAUTBOIS ET t.
CLARINETTES
BASSONS
Le début de V Adagio suivant est célèbre; l'exé-
cution en est assez vétilleuse, Je premier basson de-
vant jouer dans la sonorité du deuxième, et l'attaque
devant se faire plutôt pianissimo :
Z BASSONS
SOLO
Dans la suite de ce morceau, Iîeethoven, selon sa
manière, emploie|toujours le''premier basson comme
doublant les (premiers violons à une ou plusieurs
octaves de différence; l'elfet en est toujours joli et
d'une sonorité parfaite.
Dans le Fin»/ avec chouirs, on pourra remarquer
que le souci de l'écriture vocale n'a pas empêché le
célèbre auteur^de soigner à tout instant la partie de
l'orchestre. Le basson a toujours à exécuter une partie
de première importance, contenant des effets de so-
norité à peu près semblables à ceux que nous venons
d'étudier dans ces neuf symphonies, neuf chefs-d'œu-
vre, devant lesquels tout musicien sincère devra tou-
jours s'incliner.
Aux jeunes auteurs commençant l'orchestration,
la lecture de ce qui précède donnera une assurance
énorme ; elle leur fera connaître le basson mieux que
ne pourrait le faire n'importe quel traité d'instru-
mentation.
Mcndeissoliii.
Mexdelssohn n'a pas écrit pour le basson des solos
aussi importants que ceux que nous trouvons dans
Beethoven; il le fait plutôt converser avec les autres
instruments à vent, et le traite souvent de façon ai-
mable :
U,80
ESCVCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOlfiE
CLARINETTE
2 BASSONS
ORCHESTRE
^^a
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Symphonie écossaise. — Avant l'altaque du Final, nous trouvons un passage très poétique, dialogué avec
la clarinette et soutenu par les tenues du qualuor :
CLARlNETTEl
SOLO
BASSON
SOLO
QUATUOR
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^^piP^^^^^
-^)>,f^^^^,^^^^^^f(=^rf^0l^^èi^0^
Berlioz.
+
La Damnation de Faust. — Aii- de Méphisto :
ABASSONS 3#^y^^^[H/it»^ ^ 1 1
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SP^i^
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La Course à l'abime.
I "A >
(imiLatîoii clerugisseTaents)
BASSONS
HAUTBOIS
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1 ^ Il "Hf^^. Jijîi 1
Crese molto
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TECiixinuE, j-:sTni:riQUE et pÈnAcnaiK
LE BASSON l.-.sl
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itë:
Anibroise Thomas»
Hamlet. — Pantomime :
BASSONS
Un peu m arqué
fT\l-''solo
Bizet.
Dans VArlt'aienne et Carmen, nous trouvons deux solos très connus; le premier, écrit pour deux bassorjs,
paraît assez gauche d'exécution, et beaucoup d'artistes préfèrent le jouer seul, quoique la respiration soit
assez pénible :
Andantuio
!"■ basson
2.! basson.
SunÀJjL
■BASSON
VIOLONCEUE
tT COR
2°
^
feSde
^^^m^^^^^^^
i^^^^
Ce solo fait toujours un amusant contraste avec la
note sombre qui le précède dans le prélude de V Ar-
lésienne.
L'exécution par deux bassons ne sera jamais
excellente, à cause de la différence de sonorité qui
existe toujours entre deux instrumentistes.
1582 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Bien joué par un seul, basson, il fera beaucoup d'effet, à condition que de petites respirations y soient
ajoutées avec goût.
Liszt*
Faust-Symphonie (l'inslrunient est ici employé de façon très pathétique) :
lento assai
y w [) i 1 fr
TIMBAIES
BASSON
BASSON
Rinisky-Horsakow.
Schèhérazade. — Le plus joli et le mieux écrit des solos de basson à l'orchestre :
r
Andantino 0 =112
Capricioso, quasi rccitando "
BASSON rx^î! I ^^— ^ "-^ — y ^^^a^^^ ■ ' 'M
ORCHESTRE
TECHVrnr'E, ESTIIÈTlQfni ET PÉDAGOGIE
LE BASSON 1583
Tchaikowskj'.
Symphonie pathétique. — Ici, notre instrument se trouve employé de merveilleuse façon; le célèbre
auteur russe se sert constamment de ses notes graves, comme dans le début ci-dessous :
Adagio Basson
Le dernier morceau aussi renferme un très dramatique « solo .. pour les deux bassons :
Adetyio gBaSSonS ■ ■ Viminiiendo
Saint-Saëns.
Samson et Dalila. — Le basson imitant le cor :
^
^
/./><>
Phryné (amusant accompagnement de basson-solo)
Z*5y
1584 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE OU CONSERVATOIHE
Richard Slrao<>s.
La Vie d'un Héros
Sehr rnhgi
BASSON
ORCHESTRE <
«/¥•
( Zart ai'sSTuc'ksvoll)
^^1}^ hHh^
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V f'i h
~La luiance pp est changée en ?7i/'"|
par le solisle. J
Vincent d'Iiiil.y.
Le Camp de Wallenstein (une liés amusante exposition de fuguejpour trois bassons) :
AU "" mod "^ e g^ocoso
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BASSONS ;
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TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGfE
LE BASSON 1585
Charpentier.
Impressions d'Italie (A mules) :
BASSON
Dakas.
3BA3SONS
L'Apprenti Sorcier.
QUATUOR
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LE BASSON ET LA MUSIQUE DE CHAMBRE
Comme nous l'avons dit dans la partie liistorique
■d-e cet ouvfaf^e, les chefs de musiques militaires alle-
mandes eurent l'idée, à la (in du Jtviii" siècle, de faire
exécuter, pendant la parade, des morceaux pour
deux hautbois, deux clarinettes, deux cors et deux
bassons.
En France, les quatuors pour instruments à cor-
des étaient connus depuis bien longtemps déjà,
lorsque, pour la première fois, on eut l'idée de grou-
per entre eux les instrument â vent.
C'est au Conservatoire que revient l'honneur d'a-
voir innové dans ce genre de musique excessivement
intéressant, et voici le premier programme mention-
nant la présence d'un ou de plusieurs bassons parmi
leurs confrères de l'harmonie :
« Programme du concert du 7 brumaire an III
(7 novembre 1794). — Théâtre de la rue Keydeau.
— Exercice annuel de l'Institut national de musique.
— i'" partie : 1. Ouverture pour instruments à vejit,
composée par le citoyen Méhul; — 2° partie : 1.
Ouverture pour instruments à vent, composée par le
citoyen Catel. »
Ainsi, pour la première fois, les instruments à vent
sont groupés en petit nombre et exécutent des œu-
vres nouvelles composées dans le style des quatuors
à archet.
100
1586
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Cet essai fut couronné de succès et se renouvela
souvent, en variant le nombre dés instrumentistes.
Le 14 octobre 1797, à la suite de la distribution
des prix de l'Institut de musique, nous trouvons au
programme : « N» 8. Symphonie concertante pour
/li'ite, Corel basson de Catel, exécutée par MM. Mon-
DRU, Dauphat et Dossio.v. »
Une autre symphonie, en 1799, pour flûte, haut-
bois, cor et basson, composée par Devienne, et exé-
cutée par MM. Grandiean, Gilles, Blangy et Judas.
« Eu 1801, l'exercice des élèves fut très remarqua-
ble; le citoyen Judas y exécuta un morceau avec un
tel succès, que le ministre de l'Intérieur lui envoya
le lendemain un très beau basson, pour remplacer
celui qu'il avait perdu à la bataille de Marengo. »
[Le Monde musical, 1891.)
Ce même auteur composa ensuite un morceau
concertant pour cor et basson, qui fut joué par
MM. CoLi.N et Henry le .'i septemlire 1803.
Quelques années s'écoulent sans que nous ayons
à enreaistrer de nouveaux essais; en 1811 et 1819,
nous retrouvons aux programmes deux œuvres déjà
exécutées précédemment; et enfin, en 1822, a lieu la
premiêie exécution d'un quintette de Heicita.
Le basson a l'occasion, alors, de se faire apprécier
comme le ferait un violoncelle, et les œuvres de
Reicha sont le véritable « type » du genre de com-
position pour instruments à vent.
D'autres œuvres furent composées, à la même
époque, par Alexandre Melciuob, un bassoniste de
grand talent, doublé d'un compositeur habile; puis-
vint le grand Beethoven qui écrivit une partie de
basson admirable dans son grand quintette pour
piano, liautbois, clarinette, cor et basson, que l'on
entendit pour la première fois à Paris en 1842.
La deuxième partie de ce quintette reii terme la
phrase dont nous donnons ci-dessous la reproduc-
tion :
BASSON |-^M^
PIANO
L'essor était donné, puisque Mozart aussi avait
composé une œuvre identique; il ne restait plus qu'à
achever la création définitive du véritable groupe-
ment des instruments à vent, qui prit le nom, en
187'.», de « Société de musique de chambre pour ins-
truments à vent », l'ondée par Paul l'AFrANEL.
Le basson solo était M. Espaignet; puis, vinrent
M.M. Villaupret, Ad. Bourdeau, Jacquot et enfin
M. Letellier, qui s'adjoignit comme secop.d .M. Ch.
liOURDEAU.
C'est à la salle Pleyel qu'eurent lien les séances
très suivies de cette société, séances au cours des-
quelles M. Letellier donna l'audition complète des
œuvres célèbres pour le basson.
L'émulation aitisliqiie ne tarda pas à se produire,
puisque, en 189."), M. George Barrf.re fonda aussi |
une société d'instruments à vent, dont le pupitre de
basson fut composé de MM. Ed. Flament et G. Her-
MANS.
Les travaux incessants de ces deux sociétés inlj-
ressèrent vivement les compositeurs modernes, qui
se mirent à produire une grande quantité d'œuvres
pour instruments à vent où les parties de basson se
trouvèrent souvent traitées de façon remarquable.
ISotre instrument doit à ces deux phalanges de
viituoses une grande reconnaissance pour j'avoii'.
en quelque sorte, fait connaître plus intiineineiil au
public; aussi, jouit-il maintenant dune considé-
ration semblable à celle que connaissait depuis très
longtemps le violoncelle.
Que l'on prenne la partie de violoncelle d'un quin-
tette de Mozart ou celle de basson de son quintette à
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE BASSON 15S7
venl, ou verra que leur rôle est absolumenL identi-
que au point de vue des senliiiients à exprimer;
dans Bkethoven également, l'écriture est pareille.
.^ous donnons ci-dessous, par ordre alphabétique,
une liste coniplrie des œuvres de musique de cham-
bre dans lesquelles la partie de notre instrument
présente le plus d'intéièt; malheureusement, les
éditeuis n'ont imprimé que fort peu des œuvres
modernes, que nous ne mentionnons ici qu'à titre
purement documentaire :
Alary (g.;. — Sexliior, pour tli'itc, tiautbois, darinelle, cor,
basson et piano. V. Dunlilly. édiipur.
Beethovkn. — Ollello (op. 1U3), pour 2 haulbois, 2 clarinetles,
2 corset 2 Lassons, Breitkopf cl Hiirlel, éiiileurs à Leipzig.
■ — Octiiiir. pour 2 hautbois. 2 clarinettes, 2 cors et 2 bassons,
mêmes éditeurs.
— Sf-rtiior, pour 2 clarinettes. 2 corset 2 bassons, mêmes édit.
— QuiulftUj en mi 7, pour piano, haulbois, clarinette, cor et
basson, mêmes éditeurs.
— Trio, pour piano, flûte et basson'.
Bkrnard (Emile). — Divertissement (op. 36), pour double quin-
tette à vent.
Caplut (André). — Quintette, pour flûte, hautbois, clarinette,
basson et piano.
— Unité Persane, pour 2 flùles, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 cors
et 2 bassons.
Colo:mer (B.-M.). — Caprice Moldave, pour flûte, hautbois, clari-
nette, cor, basson et piano.
I)Esi.ANi>RRs. — Trois Piëees en (/ninfetle, pour flûte, hautbois,
clarinette, cor et basson. Editées chez l'auteur, (39. rue
Truff'aut, Paris.
DcBois (Th.). — /"■ suite, pour 2 flûtes, hautiois, 2 clarinettes,
Corel 2 bassons. Editée au Ménestrel, rue Vivienne, Paris.
— Au Jardin, petite suite pour 2 flûtes, hautbois, 2 clarinettes,
cor et basson, même éditeur.
Dyck (V.). Si/mphonie, pour 2 flûtes, haulbois, 2 clarinettes,
2 cors, sasnphone alto et 2 bassons [inédit\
— Quintette, pour flùle , haulbois, clarinette et 2 bassons
[inédit].
Ehrhart (J.). — Sérénade, pour double quintette à vent.
Enesco (g.). — Di.rtuor, pour double quintette à vent.
Flament (É). — Fantasia con fnga, septuor pour flûte, hautbois.
cor anglais, clarinette, cor et 2 bassons.
— Poème nocturne, pour fliite, hautbois, clarinette, cor, basson
et piano. Evette, éditeur, Paris.
Gaobekt (Ph.). — Pièce Romtniliiiiie , pour flùle, basson et
piano.
GoovY (Tli.). — Suite Gauloise (op. 20), pour flûte, 2 haulbois,
2 clarinettes, 2 cors et 2 bassons.
Hah.n (Reynaldo). — Le Bat de Béatrice d'Esté, pour 2 harpes,
2 flûtes, haulbois, 2 clarinetles, trompette, 2 cors, 2 bas-
sons, timbales et piano. Edité au Ménestrel, rue Vîvienne,
Paris.
HcRÉ(Jeau). — Pastorale, pour 3 flûtes, haulbois, cor anglais.
2 clarinettes, cor, 2 bassons et piano.
liMiY (Vincent d'V — Chanson et danses (op. SO), pour flûte, haul-
bois, 2 clarinetles, un cor et 2 bassons. Durand, éditeur,
place de la Madeleine, Paris.
KR0.MMER (1760). — Quatuor, pour basson principal, 2 altos et
violoncelle (ancienne édition devenue maintenant introu-
vable).
Lacroix (E.). — Sextuor, pour flûte, haulbois, clarinette, cor,
basson et piano (inédit).
Lampe (\V.). — Sérénade, pour 2 flûtes, 2 hautbois, cor anglais,
2 clarinettes, clarinetle-basse, 4 cors, 2 bassons et contre-
basson.
Lazzaki (.Silvio). — Octuor, pour flûte, hautbois, cor anglais,
clarinette, 2 cors et 2 bassons.
Lefeevre (Ch.). — Suite (op. 57), pour flûte, liautbois, clari-
nette, cor et basson.
Maonard (A.;. — Quintette, pour flûte, haulbois, clarinette, bas-
son et piano.
Malherbe (Ed.). — Sextuor, pour flûte, hautbois, cor anglais,
clarinette, cor et basson.
MoREAC (Léon). — Sueturne, pour double quintelle.
MooQDET (J.). — iympltoniette en ul majeur (op. 12), pour dou-
ble quintette.
MozAET. — Quintette, pour hautbois, clarinette, cor, basson et
piano.
— Sérénade en ut, 2 hautbois, 8 clarinetles, 2 cors et 2 bassons.
— si-) (1780), pour 2 hautbois, 2 clarinettes, cor de basset,
■i cors, 2 bassons et conlrebassou.
i. C'' Trio fut exécuté peur la première fois li Paris, Salle Picyel,
pir MM. DiEMER, P. Taffaski, et L. Letellikr.
— mi r,, pour 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 cors et 2 bassons.
— Ces œuvres sont éditées chez Breitkopf et Harlel à Leipzig.
PiEKNÉ (G.). — Pastorale variée, pour flûte, haulbois. clarinette,
Irompelle, cor et 2 bassons. Durand, éditeur, 4, place de
la Aladeleine. Paris.
— Preludio et Fughetta. pour 2 flûtes, hautbois, clarinette cor et
2 basions.
Reinecke (C). — Ucletle (op. 216) pour flûte, hautbois, 2 clari-
nettes, 2 cors et 2 bassons.
— Sextuor (op. 271), pour flûte, hautbois, 2 clarinetles, cor et
basson.
HoDssEL. — nivertissemcnt (op. 6), pour flûte, hautbois, clari-
nette, basson, cor et piano, édité chez Ponscarme.
27, boulevard Haussmann, Paris.
Seitz (a.). — Suite rustique, pour flûte, haulbois, clarinette, cor
et basson.
Sporck(G.). — Pat/sages normands, pour double quintette à venl.
Strauss (Richard). — Suite en si 'r, majeur, pour 2 flûtes, 2 haul-
bois, 2 clarinettes, 4 cors, 2 bassons et conlrebasson.
Wagner (E.). — Suite, pour 2 flûtes, haulbois, clarinette, bas-
son et piano [inédit].
Waii.lv (de). — Ottetto (op. 22), pour flûte, hautbois, 2 clari-
nettes, cor, trompette et 2 bassons, édité chez Kaudoux,
37, boulevard Haussmann, Paris.
WooLLETT (H.) — Quintette, pour flûte, hautbois, clarinette, cor
et basson.
LES VIRTUOSES DU BASSON
Ozi (Etienne), né à Nîmes le fi décembre 1754,
mort à Paris le '6 octobre 1813.
Débuta en 1779 dans les concerts spirituels, où le
public entendait chaque année l'élite des virtuoses.
Il eut un succès brillant, et acquit une réputation
qu'il soutint dans les concerts du théâtre Feydeau et
dans plusieurs autres donnés depuis.
Une exécution nette et précise, une expression
simple et naturelle, une grande pureté de son, carac-
térisaient paiticulièrement son jeu.
Le basson conservait entre ses mains cet accent
mélancolique et touchant qui appartient à son
timbre.
0.'!i fut reçu à la chapelle du roi et y l'ut traité
avec distinction. Sa droiture et sa bonté le rendirent
toujours étranger à l'envie, et son caractère lui fit
autant d'amis que son talent lui fit d'admirateurs.
Devenu père d'une nombreuse famille, il n'hésita
point à se livrer à un travail pénible, pour la sou-
tenir avec honneur, car il joignait aux qualités de
l'artiste celles qui distinguent l'honnête homme.
Ayant cessé de jouer en public, il fut placé à l'or-
chestre de l'un des plus grands théâtres de Paris, et
il ne chercha plus qu'à s'y acquitter de ses devoirs
avec une exactitude et un soin qui donnaient encore
plus de relief à son talent, en y ajoutant le charme
de la luodeslie.
En 1802, il fut nommé premier basson de la cha-
pelle et de la musique particulière de S. M. l'empe-
reur. 11 avait été membre du Conservatoire, depuis
la création de cet établissement, et il y a formé des
élèves qui furent connus du public.
On lui est redevable de plusieurs ouvrages- qu'il a
composés pour le basson, et qui sont d'autant jilus
utiles qu'il existe fort peu de musique pour cet ins-
trument. Il est l'auteur d'une méthode qui a été
adoptée par le Conservatoire.
Ozi mourut à Paris le 5 octobre ISIU.
KoG.vT, né à Paris en 173».
Musicien très précoce, gagnait déjà sa vie à l'âge de
treize ans. Il occupait à .Notre-Dame les fonctions
d'enfant de chœur et de joueur de serpent, travailla
2. Ces ouvrages soot maiiiteDtmt introuvai 1
15S8
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSlnilE ET DICTIOSNMHE OU CO.VSEHVATOIHE
ensuite le hasson et réussit à entrer à la musique de
la garde nationale.
Son talent fut remarqué du gouvernement, qni, le
21 novembre 179.1, le nommait professeur au Con-
servatoire dans trois classes différentes: solfège,
basson et préparation au chanl.
Ses élèves turent nombreux, et sa renommée ne
cessa de s'accroître, lorsqu'il mourut à Paris, le 2it
octobre IS17.
LAYER^A^toine),né vers 17:i7, musicien des plus
curieux, travailla la clarinette et le basson et sul,
malgré la dilférence considérable d'embouchure, se
rendre célèbre sur chacun de ces deux instruments!
Appelé, en 1793, à la musique de la garde nationale
et ensuite au Conservatoire, comme professeur de
clarinette (17951.
La même année, il entre comme basson a I orcliestre
de l'Opéra, et continue ces deux iinpcirtantes fonc-
tions jusqu'à l'an VIII, où il meurt le It l)riimaire.
Devienne (Français), né à JoinviUe (llaute-Mai'ne)
le 31 janvier 17.ï9.
Comme son collègue Laykr, Devienne se fit remar-
quer par un talent très original, menant également
de front deux instruments : la fli'ite et le basson.
Entre à l'Opéra en 1778, et ensuite, comme sergent,
à la musique de la garde nationale en 1793.
Devienne occupait déjà au Con'^ervatoire la place
de professeur de tlùte depuis l'an 111 (178:i).
Il mourut à Cliarenton, le o septembre 1803.
Ciii'irnx, né vers 1778, remporta au Conservatoire
un second prix de basson en l'an V, el n'enl pas, par
la suite, la chance d'obtenir un premier prix.
Malgrécela, il se lit remarquer par son grand talent
et aussi par ses grandes qualités de musicien.
Contrairement à ses collègues instruiuentisles,
CouRTiN n'hésita pas à continuer ses études, et entre-
prit des. travaux d'harmonie, de fugue et de compo-
sition; il s'y révéla comme un travailleur remar-
quable et passionné pour le professoral, el occupa
au Conservatoire la place de professeur d'harniouie.
Décédé vers ISÛO.
DossiON, né à Paris le 10 aoiU 1770. Tiavaille le
basson au Conservatoire, ou il rempuite le premier
pri.'i en l'an V.
Se fait remarquer ensuite dans dillérents orcliP>-
tres : aux théâtres de l'Ambigu et de l.uuvois, el à
l'Opéra, où il reste jusqu'en 1829.
Travailleur remarquable, il obtient ensuite la
place de chef de musique de la H« légion de la garde
nationale.
Entre temps, Dossion avait occupé la place ili; bas-
son h la Société des concerts (18281 et aux Concerts
Valenliuo (1837). Décédé vers 1841.
FouGAs (lluillaume), né à Paris le 22 anùt 17Si).
Travaille le salfège, l'harmouie et le basson. Oli-
tient le premier prix en l'an Vil, et passe ensuite ;i
l'orchesire du théâtre de la Porte Saint-Marlin.
Admis dans la musique de la garde nationale l'i
peu après, à l'orchestre du 'l'béûlre Italien, il r'onli-
nue, malgré ces deu.\ occupations, à travaillei lluu -
niouie et la composition.
Four.AS se lit remarquer par plusieurs leuvri-s
impoitantes écrites pour le basson, entre autres des
duos, etc.
Ces œuvres sont, malheureusement, devenues
introuvables de nos jours.
Décédé à Paris le H janvier 1854.
Savary (Jean-Nicolas), né à Guise (Aisne) au mois
de septembre 1786.
Se rendit célèbre par ses travaux de facture ins-
trumentale, et apporta à la construction du basson
de très importantes améliorations qui rendirent de
grands services aux musiciens de son temps.
Ses instruments furent recherchés des virtuoses
pendant 1res longtemps, et sou exemple seivit de
modèle à tous les autres facteurs qui, après lui, cou-
tinuèrent à perfectionner le basson. ■
Virtuose remarquable, Savary avait oblenu, au "
Conservatoire, le premier prix en 1808, el s'élait fait
remarquer comme instrumentiste à l'orchestre du
Théâtre Italien.
Décédé vers 1850.
Rarizel (Charles-Dominifpie-Joseph), né à Merville
(Nord) le 3 janvier 1788.
Travaille le basson et vient à Paris, où il oblient le
premier prix eu 1807.
Passe ensuite le concours pour le grade de chef de
musique militaire, et fait la campagne d'Espagne
en 1808. " \
Aussitôt de retour, Barizel reprend son hasson,
el se fait recevoir comme musicien à l'oichesti'e de
l'Opéra en 1814.
L'année suivante, il repart en campagne pour la
liussie, et se fait remarquer de l'empereur; Iîaiuzel
obtient la croix de la Légion d'Iioniieiir.
Nommé professeur de basson au Conservatoire
eu 1S:J9.
Décédé en 1858.
Melchior (Alexandre), né à Toulouse le 21 juin
1792.
Un des fondateurs des sociétés de musique de
chambre pour instruments à vent, pour lesquelles il
composa beaucoup d'oeuvres, trios, quatuors, etc.
Il remporta au Conservatoire le premier prix de
basson en 1810, el travailla ensuite la composition.
Ses Q'uvres sont, mallieureiiseiuent, introuvables
de nos jours.
.Melchioii avait appartenu, comme instrumentiste,
h la troupe du théâtre de l'.Xmbigu.
Décédé vers I8fi2.
Heickmans (Adolphe), né dans la Moselle, le
22 juillet 179.H.
Travaille le solfège et le basson; vient ensuite à
l'.-irisau Conservatoire, où il oblient le premier prix
en 1810.
.Mène ensuite une vie très mouvementée; d'abord
musicien, en Kspagne au réginnuildu comte d'Orsay,
il revient en Fi'ance eu l!S2l,à Orléans, au 2° régi-
ment de la g.irde suisse.
(Juitte laruiée pour l'Opéra, où il reste du 6 aoùf
1X22 au l*-'- mars 1833.
liempoite alors de nombreux succès d'inslrumen-
tisle, notamment à la Société des concerts ;1S2H).
I.a passion des voyages le reprend bienlOt, et
Heickmans quitte sa situation pour entrer comme
chef do musique dans un régiment hollandais à.
Hatavia, où il Huit ses jours vers 18f9.
liRriiALER iAuguste), né en décembre 1800.
TECIINIQI E, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE BASSON 1589
Ktiidie d'abord le solfège et apprend ensuite le bas -
: son. Arrivé au Conservatoire, il obtient bientôt le
î second prix en 1823, et le premier l'année suivante.
Ses grandes qualités de virtuose impeccable le
firent remarquer dans tous les grands orchestres où
il fut engagé.
Bauman, né vers 1801, remporte, à Paris, le pre-
mier prix de basson au concours de 1822.
Qiiillant la France pour toujours, il s'engage
comme soliste à l'orchestre de llayraarket (Lon-
dres).
Virtuose de premier ordre, Haiîman ne larde pas à
se trouver très en vue parmi les grands artistes; la
place de premier basson lui est olt'ei'le au théâtre de
Covent-darden, et ce nouveau posie lui valut de suite
de très beaux succès. Mort à Londres vers 1869.
GoKKK.N (Jean-Fraiiçois-Barthélemy), né à Paris le
2.! janvier 1801 (3 pluviôse an 111).
Il rendit de trrs grands services à l'enseignement
du basson, autant comme professeur que comme
compositeur, et écrivit une méthode 1res célèbre et
une foule de solos, duos, etc., que l'on joue encore
de nos jours.
Travaille de bonne heure la iiuisique, et entre
comme engagé volontaire au 15' régiment d'infan-
terie légère, le 1" juin 1813; musicien gagiste au
3° régiment de la garde royale, le 31 novembre 181.ï,
CoKKE.N passe ensuite aux gardes du corps de la
compagnie de Noailles {{"' novembre 1819), et entre
comme élève au Conservatoire, où il obtient le
premier prix en 1820.
Passe ensuite à l'orchestre du Théàtie Italien et
bientiit à celui de l'Opéra, où il reste jusqu'en 1862.
Le chef d'orchestre Pasdelouc, en fondant ses
concerts, s'adressa à Cokken et lui confia le poste
de basson solo.
Celui-ci s'y rendit lellement remarquable, qu'en
18o2, le gouvernement lui oITril la place de profes-
seur au Conservatoire, où il forma de nombreux
élèves jusqu'à sa mort (187»).
CoiïSEN avait aussi appartenu, comme basson solo,
à la Société des concerts et à la musique de la cha-
pelle impériale.
DivoiR (Adolphe-Josephi, né à Lille le il juin 1803.
Arrive à Paris et se fait recevoir comme élève dans
la classe de basson; après deux concours remarqua-
bles, le premier prix lui est décerné en 1827.
AussitiH sorti du Conservatoire, Divoiii se fait re-
cevoir au Théâtre Italien comme premier soliste,
ainsi qu'à la musique de la garde nationale.
Ces nombreuses occupations ne l'empêchent pas
de travailler l'harmonie et l'orgue; il se fait recevoir
maitre de chapelle de l'église Saint-Louis d'Antiu, et
professeur à l'institution des Frères de Passy.
Après un brillant concours, Divnin passe a l'Opéra
le I" mars 1833, où il occupe la place de basson solo
juscpi'au 28 février 1868.
Mort à Paris le 16 mai 1881.
WiLLENT-BoRDOGN'i (Jeau - Baptiste - Joseph) , né à
Douai (Nord) le 8 décembre 1809.
Tiavaille le basson et vient se perfectionner au
Conservatoire de Paris, où il remporte le premier
prix; WiLLENT n'avaient pas dix-sept ans et. malgré son
jeune âge, il commence à donner des concerts à l'é-
tranger, où son grand talent de virtuose est vivement
apprécié.
Après quelques années passées à Londres, il se
trouve rappelé à Paris à l'orchestre de l'Opéra Italien,
où la place de soliste lui est olferte. Willent y reste
jusqu'en 1834, et part pour New-York redonner avec
succès des concerts.
Peu de temps après, c'est au tour de la Belgique à
solliciter son grand talent; la place de professeur de
basson au Conservatoire de Bruxelles lui est pro-
posée; mais Paris le réclame bientôt, et Wille.nt
revient dans son pays natal avec le double titre de
basson solo à l'Opéra et de professeur au Conserva-
toire (1849).
Une méthode de basson et di^ nombreuses fantai-
sies furent composées par Willbnt-Bordogni.
Décédé vers 1872.
MoLKT (André-Joseph), né à Cambrai le 9 novembre
1815. Travaille le solfège et le basson et remporte à
Pans un beau premier prix en 1839.
Appelé en Uussie par un superbe engagemenl,
MoLET y reste très longtemps et forme de très nom-
breux élèves.
Décédé à une date inconnue.
.Iancol'i\t (Louis- Marie- Eugène), né à Chàteau-
l'hierry le 15 décembre 1813, décidé à Boulogue-
sûr-Seine le 29 janvier 1901. Officier de l'Instruction
publique.
Avant été présenté à Dossio.n, qui l'engagea à
travailler le basson, le jeune Jancourt, séduit par le
timbre et le caractère de cet instrument, n'hésita
pas à s'y adonner, quoiqu'il fût déjà assez avancé
sur la llùte. 11 y avait alors pénurie de bassonisl,es,
à cause des obstacles qu'on éprouvait à jouer d'un
instrument imparfait et du peu de ressources qu'il
olfrait; au Conservatoire même, on recrutait dilHci-
lement des élèves; les concours de 1831 à 1833 n eu-
rent aucun concurrent.
Jancourt entra au Conservatoire le 4 décembre 1834;
il se mit résolument au travail et, par son applica-
tion, devint bientôt l'élève favori de F. Gebauer. Deux
faits montreront l'ardeur qu'il déployait à l'étude.
.Non content de travailler beaucoup en dehors de
ses classes, il emportait son basson au théâtre et
profitait d'un acte où sa présence n'était pas nécessaire
.1 l'orchestre pour descendre dans le troisième des-
sous, où il s'exerçait à dompter l'instrument rebelle.
Une autre fois, ayant entendu Willent exécuter sa
Giauilc Fantaisie, i\. rentra chez lui, et, pendant une
partie de la nuit, sans souci des voisins, il essaya de
s'assimiler les etl'ets du maitre, dans la crainte de les
oublier s'il attendait au lendemain.
Des eil'orts aussi persévérants ne pouvaient man-
quer d'être couronnés de succès; le second prix lui
lut décerné au concours de 1835 après six mois d'é-
tudes seulement, et l'année suivante, il obtint son pre-
mier prix. Avant d'aller plus loin, nous rapporterons
un trait tout à l'honneur de F. Gebauer. Notre élève,
léger d'argent, avait acquis un mauvais basson, sou-
vent réfractaire; son maître, pour ne pas le voir s at-
tarder sur un pareil instrument, lui en prêta un des
siens, avec lequel il concourut en 183;') et, enchanté
de ce premier résultat, lui en fit présent'.
.lusqu'alors, le basson avait un rôle obscur, voué
le plus souvent à doubler la basse; la plupart des
artistes qui avaient essayé de l'élever au rang d'ins-
trument solo avaient échoué devant des obstacles
1. C'est ce liassonqiie Jancucrt a oITcrt au Musée du Conservatoire
1590
EiXCyr.LOFÉOIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIHE DU CONSERVATOIRE
insurmontables; en outru.ilétaitdevenu ridicule entre
les mains de médiocrités. Kuf^ène jANCounT comprit
qu'il y avait un autre parti à lirer du basson qui, ;i
côté de certains défauts, possédait de réelles qualités;
d'ailleurs, il ne faut pas oublier que les autres ins-
truments n'étaient pas sans reproclie, et que ce n'est
qu'à force d'iiabileté que les virtuoses les plus remar-
quables parvenaient à en atténuer les imperfections.
Donc, dans le but de faire valoir ces ressources, au-
tant que pour se créer une situation, il recherchait
toutes les occasions de se faire entendre en public ;
ce fut d'abord au.Y concerts du Prytanée, dans des
solos et duos qu'il exécutait avec les hautlioistes
Dflab.^hre, SoLER, Trieiîert OU ViîKRODST, puis aux
concerts Valentino, où il réussit bientôt à se mettre
en évidence.
En 1840, une place de premier basson étant deve-
nue vacante à l'orchestre de l'Opéra-Comique par le
décès de A. IIknrv, Janxourï, qui l'avait déjà rem-
placé lors de la première représentation de la Doubla
Echelle, concourut avec succès et lui succéda. Peu
après, un concert au bénéfice des inondés de Lyon
futorganisé àce théâtre; il exécuta saFan/a/sie, op 3,
qui lui valut de chaleureux applaudissements, non
seulement de la part du public, mais encore de ses
nouveaux collègues.
Ayant obtenu un congé de trois mois, il se rendit à
Londres, en ISil, puui' les concerts de bninj Laiie.
L'année suivante, avec le concours de Decourcelle,
VoGT, Triebert, a. Dupont, Lecerf, il organisa un
concert à son bénéfice dans les salons du facteur
SouFLETo, où il se voyait encore acclamé. Les témoi-
gnages ne manquent pas dans la presse, mais nous
ne reproiluirons que celui de Berlioz, hahituellement
peu prodigue de louanges, et qui ne passe pas préci-
sément pour un critique complaisant :
«... Il a fallu du courage et une véritable vocation
musicale à Jancourt pour abandonner, ainsi qu'il l'a
fait, à ce qu'on nous a ^dit, les mystères de la phar-
macopée, les charmes de la chimie, afin de mieux
cultiver le basson, cet instrument ingrat et diflicile,
dont les sons graves, attaqués trop brusquement,
donnent dès-intonations qui ne sont pas sans ana-
logie avec le mot contraire de l'énigme que donne à
deviner le précieux abbé de Beaugénie, dans le Mer-
cure galant. Jancourt chante bien sur cet instrument,
et ce n'est pas la moins rare et la moins belle qualité
chez la plupart de nos instrumentistes; il a dit un
Air varié et une Fantaisie sur des motifs de la Lucie
de Lainermoor, morceaux composés ou arrangés par
lui, avec aplomb et d'un bon style'. »
Un mois après, Ja.ncourt était admis à se faire
entendre à la Société des Concerts du Conservatoire;
bien qu'il eût à lutter avec le souvenir de Barizel,
WiLLENT et CoKKEN, il Se tira à merveille de cette
reiloutable épreuve, qui, croyons-nous, ne fut pas
sans iiitKience sur son admission définitive dans la
célèbre sociélé.
Engagé à l'Opéra, il n'y resta que onze mois; des
conditions plus avantageuses le firent retourner à
l'Opéra-Comique, qu'il ne quitta plus qu'en 18(52- A
partir de cette époque, il continua à visiter la pro-
vince, et, jusqu'en 1866, on le retrouve avec Charles
Triebert, Alard, FRANcnouiiE, Leroy, Banel'x dans
les villes composant l'Association de l'Ouest, et à
Eperiiay, Limoges, Caen, Angers, Tours, Bar-le-Duc,
^'ancv.
\.Ilnmp.et Gazettr musicalf da 13 mars 1812.
Lntié comme premier basson aux Italiens, au mois
d'octobre 1866, il démissionna le 1" octobre 1869,
époque à laquelle il termina ses trente aimées de
service à la .Société des Concerts, dont il fut membre
du Comité pendant près de dix ans.
Là se termine la carrière du virtuose; artiste cons-
ciencieux, ayant par-dessus tout le respect de son art,
il estimait qu'après trente-cinq ans d'activité il devait
se retirer avant que ses moyens ne vinssent à le
trahir; cependant, il tint encore la partie de basson
dans des quintettes de Beethoven à Niort (187It),
Orléans (1876) et Angers (1877).
Professeur de basson au Conservatoire royal de
Bruxelles, il remplaça le célèbre Cokken, comme pro-
fesseurau Conservatoire national de musique deParis,
de 187a à 1891.
Il nous reste à parler des œuvres de E. Jancourt qui
s'arrêtent à l'op. il5, y comprisles morceaux de mu-
sique militaire. Il existe peu do compositions pour
le basson, et, sans contredit, c'est lui qui a le plus
écrit pour l'instrument. Cette disette de morceaux
l'avait forcé à se créer lui-même un répertoire pour
ses concerts, qu'il fut amené à compléter plus tard
pour les besoins de sa classe. Les solos sont au nombre
de cinquante; vingt-six sont faits sur des motifs d'o-
péras-, les vingt-quatre autres, parmi lesquels on
remarque quelques airs variés, une cantilène, une
rêverie, sept solos dans ki coupe moderne, lui sont
propres. Ces morceaux sont presque tous publiés, six
seulement sont inédits. Scrupuleusement traités, ils
se distinguent par la mélodie pleine de couleur et
d'expression; les traits présentent parfois des pas-
sages difficultueux, mais ils sont bien doigtés et des-
tinés à faire valoir, sous divers aspects, la virtuosité
de l'exécutant. L'harmonie en est toujours pure et soi-
gnée; on y trouve de jolis dessins et contre-chants
qui ressortent plus au quatuor qu'avec le piano.
Citons encore quinze duos, presque tous publiés, pour
basson et hautbois, sur des motifs d'opéras, et douze
sur des ouvrages classiques, puis seize transcriptions
ou arrangements pour deux, trois ou quatre bassons,
d'œuvres de.MozART, Beethoven, Kuhlau, Tulou, Bla-
sius, G. YvoN, Vern, etc., restés inédits et destinés à
ses élèves, tant pour leur former le goût que pour
leur faire acquérir des qualités de mécanisme.
Enfin, l'ouvrage leplus importantd'Eugène Jancourt
est la méthode de basson (op. 13) qu'il composa en
184;;, sur la demande d'AuRER à qui elle est dédiée.
La méthode d'Ozi, longtemps employée, n'était plu'^
en rapport avec les progrès accomplis, et celle de
WiLLENT était insuffisante. Une nouvelle méthode
était indispensable, et celle de Jancourt est la plus
complète qui ait été écrite. Elle forme un volume
de 'MO pages, conduit progressivement l'élève des
exercices élémentaires aux sonates les plus diffi-
ciles, et se termine par 26 études mélodiques qui
demandent une grande habileté d'exécution.
Le nom de Jancourt restera attaché à l'histoire du
basson, non seulement comme virtuose et comme
compositeur, mais encore |)ar les perfectionnements
qu'il a apportés à l'instrument en vue de supprimer
les défectuosités qu'un artiste de talent parvient bien
à atténuer, mais qui l'embarrassent souvent et le
forcent à perdre un temps précieux pour s'en rendre
maître. Après l'essai mallieureux que lit K. Triebert
en appliquant le système Kœhm au basson, Jancourt
reconnut qu'il ne fallait pas dénaturer le caractère de
î. H n'en a été publié que onze cliez Uichaull, O'Kclly on Gounias.
TECHSIQl'E, ESTHÈTKJVE ET PEDAGOGIE
LE BASSON 1591
l'instrument,, et, désiieiix de lui conserver son doigté
et son timbre particulier, avec l'aide des facteurs
ÎRiEiiERTet GouMAs, il chercha régalité de son parle
déplacement de plusieurs trous et l'addition de ciels
auxiliaires, mues par des anneaux, puis il ajouta une
clef permettant de faire plusieurs trilles jusqu'alors
impossibles. Pour mettre en lumière les avantages
obtenus et familiariser avec les modilicalions dues
ti -aux facteurs précédents et celles qui lui sont person-
'( nelles, il publia, en 187G, une Kliid'- de basson perfec-
tionné qui l'orme le complément de sa méthode.
l EsPAiG.NET (Jean), né à Bordeaux le :!l octobre 18^3,
■mort en 1909 à Monte-Carlo.
Travaille le basson et obtient à vingt ans le premier
prix au Conservatoire de Paris.
Devenu de suite un virtuose réputé, Espatgnet joua
; dans presque tous les grands concerts et les théâtres
i en renom de la capitale, où son exlraordinaire sono-
rité lui valut toujours de grands succès.
Kemplace .Iancourt comme soliste à la Société des
concerts et, entre temps, travaille aussi le « petit bas-
son en fa », qu'il fit entendre pour la première fois
à Paris.
11 a composé des études et transcrit beaucoup
d'exercices pour les élèves du Conservatoire; ses
éludes de Kreutzer' sont devenues indispensables à
l'enseignement et favorisent énormément le travail
du staccato.
Il se fit remarquer par la manière originale dont il
grattait ses anches à l'enrers, c'est-à-dire en retour-
nant le roseau, qu'il remettait ensuite dans la posi-
tion normale.
LiNOF (Jules -.\mable- Constant), né à Arras le
29 juillet 1824. Vient à Paris se présenter au Conser-
vatoire, où il est reçu élève de la classe de basson.
Premier accessit en 1844, second prix en 1843, et
enfin premier pris l'année suivante, Linof se fit aus-
sitôt remarquer par ses grandes qualités d'instru-
mentiste.
Il occupa à Paris le poste de soliste dans les con-
certs et les théâtres les plus réputés.
Mort le 4 novembre 1877.
Verroust (André-Charles-Joseph), né à Hazebrouck
le 27 février 1826. Travaille la musique avec son
frère et vient avec lui se préseuler à Paris dans les
classes de hautbois et de basson.
Premier prix en 1842, Veruoi'st passe à l'orchestre
du Vaudeville, et ensuite à l'Opéra (1" juillet 184a).
Sous-chef à la musique de la garde nationale en
1848, il se fait ensuite recevoir comme soliste à la
Société des concerts (18.il).
Mort à Paris le lo janvier 1887.
Gautier de Savignac (Hyacinihe), dit « Jullien », né
à Meuvaines (Calvados) le 10 novembre 1827. Etudie
le solfège et le basson et vient à Paris se perfec-
tionner. 11 remporte le premier prix en 18o3. Après
s'être fait remarquer dans les orchestres, comme
soliste de premier ordre, « Julliex » se trouve appelé à
Marseille comme professeur de basson à l'école de
musique. Ses élèves furent nombreux et deviiuent
presque tous instrumentistes de grand talent.
Décédé à Marseille en 1921.
1. Elirait de la biographie publiée par Con^^taut Pierre dans La
Musique des familles le 2{i juillet 1SS6.
2. Transcrites d'après les études de violon.
Villaufret iFrançois-Mai-ie), né à Rennes le
21 mars 1833. Re.çu à Paris comme élève de la classe
de basson, où son tempérament exceptionnel le fit
reniarquer, il entre àl'orchestre de l'Opéra le 1='' juin
ix:i2, c'esl-à-dire un mois avant son premier con-
cours 1
Ce brillant succès fut suivi d'un beau premier prix,
et ViLi.AinRETse Irouva de suite consacré comme vir-
tuose de lout premier ordre.
Le 15 octobre 1867, la Société des concert* lui
olfril la place de basson solo, et ce nouveau poste lui
procura encore de plus grands succès.
Fatigué par une carrière bien remplie, Villaufret
prit sa retraite à l'Opéra le l°r avril 1888, et n'en
profila que trois mois!... — Il mourut le 28 juillet
suivant.
Lalaisde (Désiré-Alexis-Joseph), né à Aire (Pas-
de-Calais) le IGjanvier 1847. Celui que l'on appela le
loi des bassons.
Doué des plus grandes qualités de virtuose que
l'on puisse imaginer, il obtient au Conservatoire le
premier prix en 1864, et acquiert une colossale re-
nommée comme virtuose bassoniste jusqu'en 1880,
où il part pour Londres pour y dofnier des concerts.
Ses succès deviennent retentissants, et l'on cite des
concerts où il toucha mille francs pour jouer deux
soles!
A appartenu à beaucoup d'orchestres, à l'Eldo-
rado, au Théâtre Lyrique et aux concerts Pasde-
Loop et Lamourecx, ensuite à l'Opéra-Comique, ainsi
qu'aux gi'andes auditions de Mancheslrr.
Un solo de basson, intercalé dans une pièce que
l'on jouait alors aux Folies-Dramatiques, valut à
Lalande un succès extraordinaire; se figure-t-on le
public enthousiaste applaudissant un artiste de l'or-
chestre d'un aussi petit théâtre?
On raconte aussi qu'un imprésario l'engagea pour
jouer i( en olown » sur la scène d'un Music-hall de
Londres, et que celui-ci avait imaginé de placer sur
le basson, de petits pétards ('/) destinés à partir
pendant les variations d'un air varié!
.Mais tous ces amusements acrobatiques n'ôtèrent
rien de la grande réputation de Lalande, qui ne
cessa de s'accroître jusqu'en 1903, où il mourut.
BoiRDEAU (Eugène), né à Paris le 14 juin 18bO.
Musicien précoce, travaille le solfège, le piano et
le basson.
Seconde médaille en 186li, premier prix de basson
en 1868, alors qu'il était déjà à l'Opéra-Comique
depuis un an, continue ses études et étudie le grand
orgue; ce qui lui vaut bientol le poste de maître de
chapelle des Pères Passionnistes de l'avenue Hoche
à Paris.
Devient ensuite premier basson solo de l'Opéra-
Comique loù il reste jusqu'en 1902), et organiste du
grand orgue de l'église Saint-Philippo du Houle.
M. BouRDEAU aélé professeur au Conservatoire na-
tional de musique de 1891 à 1922. Ses qualités de
musicien en l'ont un professeur de grand mérite,
et le nombre de ses élèves est grand, de même que
celui de ses premiers prix.
Particularité curieuse : M. Bourdeau fait partie
d'une véritable famille de bassons, dont les premiers
prix sont légion : A. -F. Bourdeau, premier prix en
1836; C.-E.-.\l. Bourdeau, en 1861; E. Bourdeau, en
1868; C.-M. Bourdeau, en 1877.
Parmi ses œuvres principales, nous trouvons î
15'.)2
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU COyiSERVATOinE
pli!sieurs messes el motets, deux solos de concours
pour basson, une méthode et des exercices.
Chevalier de la Légion d'honneur.
I.i-.TELLiBR (Léon), né à Marseille le 16 mars IS'if),
entra au Conservatoire de celte ville en 1873, y sui-
vit les cours de liasson, ayant comme excellent pro-
fesseur H. JuLLiEN, obtint un second prix en 1876 et
un premiei' prix en 1877; venu à Paris pour com-
pléler ses études, et admis dans la classe du célébrt'
maître 1-. Jancocht, il y remporta un premier prix en
1879. Nous le voyons soliste des concerts Colonnk
de 1883 à l«8î); après un brillant concours, fut reçu
basson solo à l'orchestre de l'Opéra en 1887, et oc-
cupa ce poste jusqu'en 1924 ; il est également basson
solo au célrhre orchestre de la .Société des concerts
du Conservaloire de 1890 à 1921.
M. Letellier fait aussi partie de la Société des Ins-
truments à vent fondée par le regretté maître Paul
Tai'fanel.
Il s'est fait fréquemment entendre, comme soliste
concertiste, dans différents cercles artistiques, à
Pai'is, en province et à l'étranger. Nommé profes-
seur au Conservatoire national de musique en 1922.
Officier de l'Instruction publique.
.Sou nis a également obtenu un brillant premier
prix à sa première année au Conservaloire en 1904.
Actuellement basson solo à la Symphonie de New-
York.
Flament (Edouard), né à Douai (.Nord) le 27 aofll
1880.
Après avoir commencé ses études musicales dans
sa ville natale, il arrive à Paris et se tait de suite
recevoir comme élève dans la classe de basson de
IM. BocRDEAU. Après huit mois d'études, il remporte
le premier prix, à l'âge de dix-sept ans.
Passe ensuite à l'orchestre Lamoueieu.x où il reste
jusqu'en 1906. Abandonne l'orchestre pour se consa-
crer uniquement à la virtuosité, et se fait entendre
dans les grands centres artistique?, notamment à
Berlin.
Basson solo de la Société moderne d'instruments
à vent et de la Société des instruments anciens, il a
composé un Concerstnck pour basson et orchestre
dédié à son maître M. Bourdeau, qu'il a fréquemment
joué.
Gomme co.mposileur, a obtenu au Conservatoire
un accessit d'hai'monie, un second prix de fugue et
une mention au concours de Rome, 1908.
Premier prix de piano (accompagnement), a fait le
concours RuBiNSTEiN 1905.
Les principaux bassonistes actuellement solistes
dans nos grands orchestres, sont :
M. E. VizENTiNi, soliste au Grand Opéra et aux
Concerts Lamoureux.
M. OuBBADOi's, Société des Concerts du Conserva-
toire.
M. G. Dhebin, Opéra-Comique el Concerts CoLON^ e
M. Hénon, Concerts Pasdeloup.
Parmi les virtuoses célèbres à l'étranger, nous
citerons :
AlMENHADER, BëSOZZI, BiSCflOFF, BOHMER, Brandt, Gzer-
WE.NKA, CzEYKA, DiETTEB, DURING, ElCHNER, EiSLER,
Eri»:st, Hollmayer, Humann, Huntsch, Ki'mmer, Rei-
necke, ScHONiGER, Wagner, Wfisse, Jacobi, W'esten-
HOLz, Zahn, Joboli.
Et actuellement :
MM. KoHLER, 'soliste à l'Opéra de Berlin, Garl
SciiiiMBERG, premier basson de la Philharmonique de
Berlin; Fbeitag, professeur au Conservatoire de
Leipzig.
Amérique :
MM. Berniiardi, soliste à l'Opéra de New-York;
Louis Letellier, soliste à .New-York Symphoiiy; Lans,
Irisson solo a l'orchestre du Boston-Symphoiiy.
Angleterre :
M. WoLFF, soliste à l'orchestre du Covent-liarden
à Londres.
Autriche- Hongrie :
MM. BôHM, soliste au Théâtre de Vienne; Dolezs,
professeur au Conservatoire de Prague. Wieschen-
DORFF, professeur au Conservatoire de Budapest.
Belgique :
M. BÉRAUDÉs, basson solo du théàtie de la Monnaie
à Biuxelles.
Hollande :
M. Kruse, professeur
terdam.
au Conservatoire d'Ams-
Allemagne :
Dp I7:i0 à nos jours :
MM. I'u(imlii;h, Arnold,
Bart, Bender, Bendloch,
Italie :
MM. ToRUNi et Orefici (Turin).
Russie :
MM. Christel, professeur au Conservatoire de
Moscou; HoRNiK, professeur au Conservatoire d'O-
dessa.
ENSEIGNEMENT DU BASSON
Le basson aa Conservaloire de Paris'.
D'après les meilleurs documents, nous apprenons
que c'est en 179o que fut fondée à Vlnstitut national
de musique la première classe de basson.
Cela ne veut pas dire qu'à ce moment-là, on man-
quait de liassonistes; bien au contraire, ceux-ci
devaient être 1res nombreux, car nous avons trouvé
dans un programme de concert donné le 17 brumaire
an III (7. novembre 1794) une ouverture composée
par le citoyen Catel et dont rorchestralion compor-
tait 4 premiers bassons et 4 seconds.
Où apprenait-on le basson avant 179:1 ? Voilà,
certes, une énigme que nous n'avons pu résoudre
encore, et, cependant, nous devons constater qu'à
cette époque, la France comptait des virtuoses de
premier ordre, tels que Tulol', F. Gebauer, Ozi et
Th. Delcambre.
(Juatre classes de basson furent créées d'un seul
coup'-! Elles se trouvèrent sous la direction des
quatre virtuoses dont nous venons déparier.
Est-ce eu raison du nombre considérable d'élèves
que le gouvernement nomma tant de professeurs,
1. Tous les documents reliUifs à ce ctïapitre ont été puisés dans
l'admirable volume <le Const.intPiERRK sur le Consfruatoire,
■i. En ce temps, le Conservaloire avait surtout en vue ta musique
en plein air, et le ba<:son était à peu près la seule basse d'harmonie
existante.
TECHS'inrE, ESTHÈTIQVE ET PÉDAGOGIE
LE BASSON 1593
011 bien par un sentiment d'égalité en faveur de ses
quatre meilleurs bassonistes'.'
Toujours est-il que l"on rêvait d'une quantilé
énorme de bassons, d'une véritable armée! Un projet
(|iiii nous trouvons donne encore une bien autre idée
(b' ces anibilions. Jugeons-en :
1795. — Projet d'organisme de l'Institut national de Musique
— HnssoH : IS professeurs et 72 (Mèves.
Cfintrebansiin * : un professeur.
Oeprojet'nousparaitètre un peu antérieur à la créa-
lion véiitable de nos classes, et nous supposons que
legnuvernement aura limité ces ambitions à quatre
professeur,?, ce qui était déjà bien joli!
Voici donc le basson parfaitement installé. Nos
quatre professeurs collaborent jusqu'en 1799, où nous
constatons la disparition de Tulou.
l'eu de temps après, F. Gebaueh quitte aussi l'Ins-
titut national, et l'on nomme de suite leurs succes-
seurs : lîonAT et Veillard.
Nous avons donc, en 1800, toujours quatre profes-
seurs : Ozi, Th. Delcambre, Uor.Ai et Veillard.
Mais ces deux derniers ne semblent guère se plaire
en la compagnie de leurs anciens ; ils partent en-
semble en 1802.
Le gouvernement, jugeant inutile de nommer à
nouveau des professeurs, garde jusqu'en 181.3 Ozi et
Th. Delcaubre.
Et nous remarquons qu'en 1808 il y avait, en plus
des deux professeurs, deux répétiteurs et douze
élèves pour les deux classes.
Ozi meurt le 15 octobre 1813-, et, cette fois encore,
on ne donne plus de successeur au disparu.
Th. Delcasirbe reste seul jusqu'en 1824, et, à par-
tir de cette date, nous ne trouverons jamais plus
qu'un seul professeur de basson au Conservatoire.
Voici quels furent ces professeurs jusqu'à nos
jours.
De 1824 à 1<S:!8 : F. Gebauer; proljablement le fils ,
ou, tout au moins, un paient de V. Gebauer nommé
plus haut;
1849 à 18'i.8: Barizel ;
1849 à 1872 : Willent;
1872 à 1873 : Cokken;
187;; là 1891 : J.\ncourt;
1891 à 1922 : E. Bourdeau;
1922: Léon Letellier.
lÎARizEL fut le premier professeur ayant préalable-
men obtenu une récompense au Conservatoire : pre-
mier prix en 1807, jjremier concours.
Cokken et Willent eurent également des premiers
prix au premier concours, tandis que Jancoi'rt mit un
peu plus de temps à obtenir le même titre: il eut le
second prix en 1835, et le premier prix l'année
suivante.
M. Eugène Bourdeau a également remporté le
second prix en 1867, et le premier prix l'année sui-
vante.
Et maintenant que nous avons parlé des profes-
seurs, voyons un peu les élèves, et cherchons les
noms des premiers lauréats du Conservatoire. Nous
trouvons :
En l'an V, premier prix : Dossion; second prix,
COURTIN.
Si, en 179.Ï, les élèves bassons étaient très nom-
breux, nous ne pouvons savoir si le nombre des récom-
penses se trouva en rapport avec leur effectif, car
1. Voir plus liaut Contrebasson.
2. Voir plus liaut.
aucun document ne fournit de renseignements sur
ces concours avant l'an V.
En 1808, trois bassonistes seulement se présentent
au concours 'et, en 1809, le concours n'a pas lieu,
faute de concurrents!
Uuftile était la raison d'un pareil abandon'? Sans
doute les nombreuses campagnes napoléoniennes'?
L'année 1810 amène un seul concurrent; en 1811,
pas d'élèves, et jusqu'à l'année 1818, nous ne trou-
vons plus d'indications.
Nous relevons ensuite deux concurrents en 1818,
quatre en 182.T, et cinq en 1826.
La classe semble alors remonter un peu jusqu'en
1831, où, brusquement, nous ne trouvons plus rien
jusqu'en 1834.
De 1834 à 1846, deux à trois élèves; et jusqu'à
18.54, le nombre s'accroît sensiblement, pour arriver
à sept.
Les classes deviennent assez nombreuses, elles prix
se disputent entre trois, quatre et cinq concurrents.
L'année 1883 nous semble être le point de départ
jusqu'à nos jours d'une plus grande aftluence d'é-
lèves, qui deviennent de plus en plus nombreux
jusqu'au concours de 1893, où neuf bassonistes se
disputèrent les prix ; depuis l'année 1893 à l'année
présente 1926, le nombre des élèves n'a fait qu'aug-
menter.
Nous donnons ci-après un tableau de tous les mor-
ceaux de basson composés pour les concours du
Conservatoire de Paris, de 1824 jusqu'à nos jours
(les morceaux des concours antérieurs à cette épo-
que n'ont pu être retrouvés) :
1S21. Coiuertn de Krthaler.
De 1S2S il 1S35, morceaux inconnus.
1835. Concerto en «/(fragments) Gebadeh.
1836. Air suisse en sol, —
De !S3(i u 18 40, morceaux inconnus.
ISiO. Cditcerlo de Berbigcikr.
1841. Concerto de Babizel.
1842. Concerto de BARriEL et Bebb.
1S13. Concerto de Babizel.
1814. — —
18 45. Concerto e/i .<»( mi"eur de Barizel et Bkrh.
1846. Concerliuo de Barizel et Bi;br.
1847. Conccriinn inconnu.
18 15. Concerto de Berbiol'ikb.
1849. Fiintiiisie de Willent.
1850. Fantaisie de Oerh.
1851. La Ueliiiicolii-, fantaisie de Willent.
1852. Introduction et Polonaise de Cokken.
1853. Concerlino de Berr.
1854. Anilanle et Romlo de Cokken.
1855. Oi/icer/o (fragments) de Berr et Cokken.
1856. Fantaisie de Willent.
1857. Solo de Cokken.
1858. Solo de ToLon et Cokken.
1859. — — —
1860. Su(i/ de Cokken.
1861. — —
1862. /" So/o de Cokken.
1863. S" Concerlino (fragments), Berr.
1864. Concerlino de Cokken.
1865. Concerto (fragments), Weber.
Pour la première fois, nous voyons apparaître
1 -admirable concerto de basson composé par C. M.
de Weber.
1366. I" Morceau tlu Concerto de Weber.
1567. Concerto en ut mineur de Berr.
1568. Concerto (fragments), auteur inconnu.
1869. Fraf/riicnts du Concertode Weber.
1870. Fragments du Concerto de Berr.
1871. Pas de concoure, guerre franco-allemande.
1872. Concerlino de Bervii.liers.
1873. Concerto en re raiycuri fragments), Cokken.
1874. !" Concerto de Cokken.
1875. Andanleet final du Concertode Weber.
1594
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONS AIRE DU CONSERVATOIRE
1576. o'c Holo de Jancourt.
1577. /'"■ Morceau du Concerto de Mozart.
Le concerto do Mozart est, pour le basson, le plus
beau joyau de sou réperloire, et il est curieux de
constater que c'est seulement en 1877 qu'on le Joue,
pour la preminre fois, aux concours du Conser-
vatoire.
1878. Coucerto de Weber.
1879. 4*' Solo (fragments), .Jancoobt.
ISSO. S" Sn/o de. Jancockt.
1581. Frugmenls du Coiiccrliuo, Ferv. Dwm.
1582. S' A'o/o de jAxcopttT.
1SS3. 1"^ Solo —
1584. /<!' Morceau du Coitcerlo de Mozart.
1585. j'' Sff/n de Jancoort.
ISSO. 7C — _
1887. ,ç<! — _ ^
ISSS. Audanle et finiil du ijuiccrlo i\p Weber.
1889. Concertiiio de Jancouut.
1890. I'! Solo —
1801. !)o _ _
1892. Coucerto de "WiiiiEU.
1893. _ Mozart.
1894. l<^r Solo de concours, E. Boordeac.
1895. Concerto {Adiiijio et Final). Weber.
1891). Foiitoinie liouiirnise i\c WiîBiaî.
1897. Anduiitc et Houdo du Coucerto, Mozart.
1898. Solo de Concert de (i. 1-Thrnk.
C'est à ]iartii' de 1898 que Tadministration du
Conservatoire décida de confier à des compositeurs
connus la composition de ses morceaux de concours
pour le basson, comme pour les autres instruments
à vent.
J-es iieuieii.v etîels de cette décision ne se firent
pas attendift, si l'on en juge par le Solo de Concert
de I\l. (ialiiiel PiERNÉ, — morceau remarquable et
d'une cliaiinante musicalité.
1899. Solo de P. Pdset.
1900. Fantaisie de BooRGADT-DoconDRAY.
1901. Solo de Concert ic C\\w\e^ René.
1902. Fonlnisic V«n« par .\ndré Bi.och.
1903. Mlei/ro de lu sonate en si [, de H. Dallier.
• 1901. Morceau de Concours de X.TwDoa,
1905. lutrodttctioH etRondo\>Ar k. Bertelix.
1906. Solo de Concert de Tt. I-^ierné.
1907. 1" Solo de concours, E. Bourdead.
I90S. /or Morceau du concerto de Weber.
1909. liécit et thème raric de Henri Busser.
1910. Cottcerstûck pour liassou.E. Cooi.s.
1911. l'riHude et Scherzo pour liasson, E. Jeanjean.
1912. tf«//«rfe de Jules Mcoquet.
De 19i:) à 1926, les oeuvres qui ont été jouées au
Concours sont :
Solo de (1. r'ri:BNK.
1'^''. Solo de BouiuiEAU.
Pièces deCouconrs de II. BnssER.
Concerto de Weber.
Aller/rode H. Dallier.
/'■'■ nioreeiru du (Concerto de Mozart.
Sonate de G. Saint-Saens.
Cantilène et Rondeau de H. Bdsser. ,,
Adai/io et Rondo du Concerto de Weber.
Les premiers morceaux de cette liste sont, pour la
plupart, iiiédit.s; beaucoup parmi eux sont introu-
vables, depuis longtemps déjà; on pourra trouver
les autres dans le répertoire du « Virtuose basso-
niste ».
REPERTOIRE DU VIRTUOSE BASSONISTE
Les niéthoiles du liasson.
Béer (F.). — Méthode de basson (édition ancienne),
BocBDEAij (E.). — Méthode, en un volume. Evette, éditeur, Paris.
CoKKEN. ^ Nourelle édition de la Méthode de Béer en deux parties.
E. Gérard, éditeur, Paris.
Jancotîrt.— Méthode, en -2 volumes, (^^stallal, éditeur à Paris.
Ozi. — Méthode de basson (édition ancienne).
Willent-Bordooni. — Méthode complète pour le basson. Trou-
penas, éditeur ii Paris (édition ancienne'.
Les exercices [loiir ba<«so».
BoDBDEAn (E.). — Gammes et Arpèges, en 2 volumes. Evette, édi-
teur à Paris.
EsPAiGNET (J.). — Transcription pour le liassoa des études de :
L. Spohr, .1. Mavsedeb, Krectzkr, Kiorillo, Rode,
Mazas. Evette, éditeur, Paris.
FoENTE (.J.-D. H. DE la). — û Craudcs Eludes. Van Eck, éditeur i
La Haye.
Gasibabo (J.-B.). — IS'Etudes. Lemoine, éditeur h Paris.
Jancodrt. — S6 Etudes.
— 32 E.rereices progressifs.
— 30 Mélodies graduées, en 2 suites.
— 'Jfl Mélodies plus éteudues.
— Elude du l'usson perfectionuc.
— Grande Etude pour le basson. Evette, éditeur à Paris.
Orefici (Alberto). — tO Etudes. Gustave Gori, éditeur il Turin.
Orselli. — 13 E.vercices, ctiez Ricordi, éditeur, Paris.
Les concertos poiii* basson.
AiMOND (L.). — 2' Concerto de basson avec orchestre. Frey, édi-
teur.
David. — Concerlino eu si 'r,. Costallat, éditeur à Paris.
Flament. — Concerlsttick en la mineur pour basson et orclie.«tre.
Evette, éditeur à Paris.
Haacke (Cil.). — Concerto pour basson et orchestre. Tlummel,
éditeur à Berlin.
Mozart. — Concerto en si (7, pour basson et orchestre. Breilkopf
et Hiirtel, éditeurs à Leipzig.
Weber. — Concerto en [a, pour basson et orchestre. Richaul, édi-
teur à Paris.
Les solos pour basson.
.'Vlmenr.eder. — Romance de Joseph (variée). Costallat, éditeur.
Beethoven. — Op. 5, Sonate e» fa, transcrite par E. Jancoort.
Costallat, éditeur.
BerthI':ltn. — Inirodnction et rondo.
Bloch. — Fantaisie variée.
BoDRDEAU. — Z'^'" solo cu Ut uiincur .
BotjRCiAtiLT-DucoDDiiAY. — Fantaisie.
BcssER. — Récit et thème varié. Evette, éditeur.
CoKKEN. — Dott;e Mélodies eu i suites d'après Bordogni. Costal-
lat, éditeur.
— Variations de Hode. Costallat, éditeur.
D.ALLiER. — Allegro de la sonate pour basson et piano. Evette,
éditeur.
Demersseman. — Introduction et Polonaise. Costallat, éditeur.
Flament. — Elégie pour basson et orgue. Evette, éditeur.
Gebacer. — Variations sur Marchc'ik Polichinelle. Costallat, édi-
teur.
— Variations sur la Hongroise et la Tyrolienne. Costallat, éditeur.
R. Glieue. — 2 pièces pour basson et piano.
— llumoresiiue Interlude. Max Eschig, rue Laffitte, Paris.
Janoocut. — Fantaisie cl Thème varié en sol. Costallat, éditeur.
— -f" air varié. Costallat, éditeur.
— • Cavaline d'.Kuna Bolena. Costallat, éditeur.
— Variation sur la yorma. Costallat, éditeur.
— Allegretto de la 7' Sumphonie de Beethovkn. CustiiUat, éditeur.
— Variation sur un Thème de Cabaea. Costallat, éditeur.
— Fantaisie sur la Somnumhula. Costallat, éditeur.
— fr solo en sol. Costallat, éditeur.
— 6'" Fantaisie en ré. Costallat, éditeur.
— Si.t Mélodies faciles. Costallat, éditeur.
— !''•: et i<- Suites sur des mélodies de Schubert, Proch, Bellini.
Costallat, éditeur.
— .-liV varié facile en fa. Costallat, éditeur.
— Souvenir d'Italie sur des motil's de Domzetti. Costallat, éditeur.
— Fantaisie sur Don Juan de Mozart. Costallat, éditeur.
— t'« olo en ré. Costallat, éditeur.
— /"^ Adagio Religioso. Costallat, éditeur.
— 2' Largo. Costallat, éditeur.
— >?" Cantalnle. Costallat, éditeur.
— ■ Etude mélodiiiue en si 7 mineur. Costallat, éditeur.
— Romance sans paroles. Costallat, éditeur.
— Etude mclodif/ue en mi mineur. Costallat, éditeur.
— Fantaisie variée. Costallat, éditeur.
— Air varié faeile en fa. Costallat, éditeur.
— Air raric en ut. Costallat, éditeur.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE BASSON 1595
jANCOnBT. — ô'c Sotu.
— V Siito. Evolte, éditeur,
— 5° Si)to.
— G" Soin.
— 8^ Solo. Mâchai-, éditeur.
— 90 Solo.
— S^ solo en l'i' timjt'tn'. Evette, éditeur.
KmciiLiN. — Trois pièces pour liasson el pi;ino.
Kn.MMEH. — Voriittion sur une inuziirka. Gostallat, éditeur.
Lacroix. — l'reiiiiirc Tendresse. Costallat, éditeur.
— Suite pour Ipasson et piano. Costallat, éditeur.
Lai.liiît. — Faiilaisie lirillunle. Costallat, éditeur.
— Fantaisie sur des motifs de Chopin. Costallat, éditeur.
Liste. — Grande Sonate en fa. Gostallat, éditeur.
MENDiîL.'isoHN. — Alki/retto de la 2' sijmplwitie, par J\ncoubt.
Costallat, éditeur.
MozAiiT. — Larno du Quintette en /n, /)«!• Jancocrt. Costallat, édi-
teur.
PiERNK. — Solo de concert eu re mineur. Evette, éditeur.
Pixis. — Duo sur un motif alleniiind. Costallat, éditeur.
Pdget. — Solo en ut mineur.
René (Charles). — Solo de cooeerl.
Saint-Saens. — Souille pour basson et piano. Durand, éditeur.
SOHOMANN. — Rêverie, par Jancocrt. Costallat, éditeur.
Taddou. — Morceau de concours.
Valter. — Trois Thèmes variés eu sol, en ut, eu ut. Costallat, édi-
teur.
Verrodst. — Variations sur un thème de Bellini. Costallat, édi-
teur.
— Variations sur un thème de Hommel. Gostallat, éditeur.
— Premier Air varié sur un thème espagnol. Costallat, éditeur.
Vidai, (Paul). — Mélodie. Girod, éditeur.
Weber. — Andanle et Roudo hougrois. Costallat, éditeur.
Wili,i;nt-IÎ()Rdoum. — Solo en ré. Costallat, éditeur,
— Op, 17, Soiiale en fa. Costallat, éditeur,
— Op, 30, Sonate en ut mineur (pour piano et violoncelle), Costal-
lat, éditeur.
CONCLUSION
Il faut véritablement se trouver en possession d'une
forte dose de courage et d'aplomb pour oser exécu-
ter en public, chez nous, un solo de basson 1
C'est qu'on ne pardonne pas, en France, aux clio-
ses disgracieuses; t?t, quiconque aborde les plancln-s,
doit toujours avant tout paraître sympathique et gra-
cieux.
Eh oui, pauvre virtuose 1 lu n'es guère rassuré
lorsque tu arrives en scène avec ton grand instru-
ment!,,. Déjà, les jeunes filles sourient et cachent
leurs tftes moqueuses derrière les éventails; c'est
alors que tous les soucis d'une exécution jamais
assurée viennent mettre en désarroi le peu d'aplomb
dont tu étais pourvu!,,. L'anche ira-t-elle? n'3' a-t-il
pas de l'eau dans un trou? les clefs bouchent-elles
bien?,,. Mais l'accompagnateur a commencé le pré-
lude, et il faut attaquer la première note du mor-
ceau : instant solennel.,, moment terrible!
Et pourtant, le progrès aidant, un jour viendra où
le basson aura enfin conquis la place qu'il mérite,
et que nos voisins lui ont, du reste, déjà réservée
depuis longtemps dans leurs concerts.
Les Allemands, en parliculier, aiment le basson et
surtout le « virtuose bassoniste »; pourtant, chez
eux, il est assez rare de rencontrer des musiciens
jouant aussi bien de leur instrument que les Fran-
çais : d'abord, parce qu'ils ne saventpas arrangerleurs
anches avec perfection (voyez Anche), ensuite, parce
que la perce de leur basson donne une sonorité très
inférieure à la nôtre.
Il appartient ici de rendre un hommage mérité à
ScHiLLEB, qui donna souvent, au Beetboven-Saal de
Berlin, des séances de musique inslrumentale du
plus grand intérêt; le basson y lut fort en honneur,
et les journaux berlinois s'enthousiasmèrent devant
l'exécution du Concerto de Moz.\ut.
Nous devons aussi à la Société de musique de
chambre' d'avoir fait apprécier notre instrument en
.Mlemagne, au cours des intéressantes séances qu'elle
donna à lîonn, — au Kammerinusikfest, — à Mu-
lhouse, à Zurich et à Berlin, — salle de l'Académie
de chant, ainsi que dans les principales villes de la
.Suisse, en Italie, à Milan, en Espagne, à Madrid, et en
Portugal, à Porto, etc.
Chaque l'ois que les concerts Colonne ou Lauou-
RELx vont faire un« tournée en Allemagne, les bas-
sons se trouvent toujours très appréciés du public et
de la presse, dont les élogieux comptes rendus ne
font jamais défaut.
Les liassonisles allemands se spécialisent tous dans
un seul travail, soit au concert, soit au théâtre; et il
est bien rare de les voir, comme chez nous, occuper
deux postes différents. Cela tient à ce que les ap-
pointements sont plus élevés qu'en France, et aussi
à ce que les sociétés de concerts ne chôment jamais
en été.
La Philharmonique de Berlin, par exemple, joue
d'un bout de l'année à l'autre dans toute l'Allema-
gne, tandis que nos grands concerts parisiens ne
font qu'une saison de six mois, sans presque jamais
jouer le soir.
La célèbre maison Breitf.opf, de Leipzig, est
presque la seule qui ait édité des œuvres pour
basson et orchestre. Le Concerto de Mozart s'y
trouve imprimé remarquablement, et l'on peut, pour
une somnie insignifiante, s'en procurer la partition
complète.
II serait à souhaiter que l'on entende à Pans
cette œuvre admirable, exécutée avec orchestre, et
dont les extraordinaires elTets de sonorité mettent le
basson sous un jour tout à fait nouveau.
Le public est trop habitué à entendre toujours,
dans les concerts, soit du chant, soit du violon, vio-
loncelle ou piano, pour qu'un jour, d'autres artistes
ne viennent pas lui prouver qu'en musique tous les
instruments sont intéressants.
En ce qui concerne le nôtre, il est certain que son
grand perfectionnement, ajouté aux qualités remar-
quables des virtuoses modernes, l'alTranchira bien-
tôt des faux et grotesques préjugés dont on l'atfubla
toujours.
Le nord de la France nous a donné de grands
encouragements, car presque tous les jeunes gens de
ces contrées possèdent un instrument à vent; plu-
sieurs jouent du basson, et figurent en bonne place
aux pupitres des musiques d'harmonie justement
célèbres qui font la gloire des principales cités sep-
tentrionales.
La première condition à observer pour le basso-
niste de concert, c'est d'être bien accompagné au
piano.
.Nous ajouterons même : accompagne d'une ma-
nière spéciale; voici pourquoi : les notes de limbrr
si différent ne donnent pas toutes la même force
dans la sonorité de noire instrument; le pianiste
doit apporter une extrême attention, pour qu'un
accompagnement trop fort ne vienne pas couvrit- les
sons donnés par le virtuose.
Quand, aux concours du Conservatoire, arrivait le
jour mémorable du basson, le directeur. Th. Dunois,
I. Fondation Taffasel. Les membres de cette Société étaient coin-
posés de MM. P. Gacbekt (nùtej, L. Bas et L. Ki.eozet (h.intboisi,
P. MiMAnx et H. Lefebvre (cl.iriuettcs), L. Lf.tfi.mer et Ch. BornijFAi;
(bassons) Wdjllermoz et J. Pénable (cors) et M. Gabriel Gbovi.f/ (pia.
niste.
1596
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIHE
préparai! dans son sous-main un petit Itillet ainsi
conçu :
« Monsieur l'acconipaiînateur,
« Jouez moins fort, S. V. P. »
Et, tous les ans, cette même note servait invaria-
blement à calmer l'.utlenr du pianiste!
Pour bien aceompa^iier le basson, il faut, autant
que possible, supprimer la pédale « forte » et n'em-
ployer que la sonorité simple, agrémentée parfois de
la pédale « sourde ». On ne doit jouer avec force
que dans les <i tutti », en ayant soin de voiler com-
plètement les notes graves du piano, lorsque le bas-
soniste jouera dans ce registre.
Si les auteurs modernes ont composé pour l'ins-
trument de très intéressants morceaux au point de
vue musical, il est regrettable de constater que
l'exécution de ces œuvres ne donne pas toujours
satisfaction à l'auditoire.
En ell'et, le piano se trouve toujours trop impor-
tant, et surtout trop concertant avec le basson; ces
lieux instruments ne font pas entre eux bon ménage;
l'un d'eux doit laisser briller l'autre.
.Nims voyons donc que l'accompagnement d'un
morceau de ce genre devra toujours être simplement
écrit, et, par conséquent, d'une manière dillérenle du
mode de composition actuel ; les immortels Conceitos
de Mozart et de Weber donneront aux compositeurs
la ligne de conduite à suivre sur la façon d'écrire
leur partie de piano.
LÉON LETKLLIliR, Edouard FIAMENT.
LA TROMPETTE ET EE CORNET
Par M. Merri FRANQUIN
PEOl-'ESSKCB HONORAIRE Ali CONSERVATOIRK NATIONAL DE MCSIQDE DE TARIS
ORIGINE DE LA TROMPETTE. SON USAGE
DANS L ANTIQUITÉ
On ne peut préciser exaclement l'époque orijiinelle
de la trompette, du moins si l'on enlend par ce mot
un instrument ayant des sons analogues à ceux que
nous lui connaissons aujourd'hui, car tout porte à
croire qu'à son début, la trompeitea dû se confondre
avec la thUe, ou plutôt, qu'elle a été une des variétés
de la tlûte. H n'est pas douteux que les premiers
hommes, qui ont eu l'idée de tirer des sons des ro-
seaux, des cornes et des coquilles, lesquels, selon
toute vraisemldance, ont été les iustr'umeiils primi-
tifs, n'ont fait, au commencement, que souiller dans
ces divers otijet'^, qui rendaient des sons dllférents
selon leur l'orme intérieure; ils n'ont pas cherché,
tout d'aboid, à perlectionner ces sons au mo\en de
l'émission savante que l'on a appliquée, depuis, à
tous les instruments à veril en général. Nous citerons
ici le passaf;e suivant, extrait du Précis hisioiique 'le
la Tviimiiette, pai- Dauveuné, professeur au Conser-
vatoire de 1833 à 1869 : Méthode de tnmi.ette, p. x :
.. Ne semlile-t-il pas que l'idée de la tromp. tte
drtt se présenter nalnrellement à quiconque s'avisa
de souftler dans une corne de bœuf ou de liélier préa-
lablement perforée; dans un roseau pei'ce ou dans
une conque ouverte aux deux extn'milps de son
hélice? (.Nii n'eût compris aussitôt infaillihlemi'nt
l'ulililé d'une pareille découverte, soit pour rassem-
blei des troupeaux, soit pour appeler aux armes un
peuple menacé de quelque hostilité; pour dimner des
signaux, ou bien encore pour se réunir en certains
jours de fête, à certaijies heures du jour? Les pre-
mières trompetles ont donc été, ou de gros roseaux,
ou des morceaux de bois creusés, ou des cornes
d'animaux', ou de grosses coquilles'^ Toutes ces
espèces de trompettes sont encore en usa^xe dans
plusieirrs pays, comme elles l'ont été chez les plus
anciens peuples de la terre. "
11 par-aît évident que, dans la pensée de Daiveiiné,
la llùte et la trompette étaient ('omondues et que,
seuls, la grosseur de l'objet, sa longueur, le d'gré.le
puissance des sons qu'il rendait, ainsi que l'usage
qui en était fait, décidaient de l'une et de l'autie
appellation. Le fait que les premières trompettes
onl été de gros roseaux ou de grosses coquilli-s
prouve bien que ces mêmes objets, petits au Vu-n
d'être gros, ayant formé les tlilles, les Ironipiiies de
cette époque, étaient de grosses flûtes, ou les ilûtes
1. Mi'-tlt. DAOVF.nst% p. \xiii, f. 3, 4, tromperie |iriniiri\e.
2. Ibid.. p, XXVI, t. 15, IroinpeUe priinilMC.
de petites trompettes. Du reste, il est à remarquer
que, même dMios jours, plus les sons de la trompette
sont aigus, plus ils ont de ressemblance avec ceux de
la tlûle^ Si, pour appuyer cette opinion, nous obser-
vons les bas-reliefs des anciens monuments, nous y
voyons des personnages jouant des instruments qui
peuvent aussi bien être considérés comme des flûtes
que comme des trompettes.
La trompette tyrrhénienne, assez semblable à la
flûte phrygienne pai' le diamètre, et dont le pavillon
était renversé comme celui de la plupart de nos
trompetles modernes, rendait un son fort aigu; ce
qui prouve qu'elle n'était pas longue. La r-essem-
t.lance de cette Ir-ompette avec la llûte phrygienne,
qiraut à la forme et au peu de longueur <lu tube,
ainsi que ses sons fort aigrrs, sont une r-aison de plus
à l'appui de la théorie de i'orijiirre commune.
La description que fait l'historien Josèphe du
Chatzotzeroth ou Chatzotzi'va des Hébreux, donne
presque autant d'idées de la tlûte ancienne ou mo-
derne que de la trorn|)etle : u C'était un tube d'ar-
gent, droit, long d'une coudée, à peu près de la gros-
seirr de l'arrcienne lli'Ue en hois; légèrement conique,
avec ui'B étroite embouchure, et peu d'évasement au
pavillon*. »
Le cornet à bouquin était une espèce de tlûte cour-
bée, faite ordinairement de corne, employée pour
appeler les vaches.
D'après toules ces remar^rpies, on s'explique par-
faitenrerit que les anciens auteurs aient pu confondre,
selon les circonstances et l'emploi qui en était fait,
les flûies avec les trompettes et les cor'uets.
La Irorrrpelte, pas plus que la flûte, n'a eu d'inven-
teur; c'est la nature qui l'a créée, et c'est l'homme
qui l'a découverte et perfectiorrnée. Tous les noms
cités par les écrivains ilésigneni, sans doute, des
personnes (lui ont appor-'té une modification à cet ins-
trument, (|uairt à sa forme, à la matière enrployée
à sa construction, à la manière de s'en servir ou à
l'usage auquel on le di^slinait.
Les relatives inventions dont il est parlé dans toute
l'histoire de la tiorrrpette n'ont été que des perfec-
lionnements, des systenres nouveaux, et marquent
seulement des étapes dans sa carrière; mais c'est
toujours la flûle, la tronipelte" et le corrief^^ qui sont
le point de départ de tous les instiiiinerrts à vent.
3. La tromp'^tre en &i\} surat<7ii (roct.'ivt; du cornet a pistons mo-
ilcrne pourrait s'nppel T (rimtpetlP-fliUe,
4. Josè-plle. Ant. jwlaiqui's, liv. IlL *li. 14,
;i. Tmmia'tte. iliuiiriulif de /roni;>", e«pi;<e de cn([uille de meren spi-
rale. — Ktun. grecipie : strombox, nom d'une corpiille dont on faisait
une trompette; — étym. provenc. : tnnnba, trompa; — ilalieu,
Irtimbu; latin, tuba; — espagil. , fromôn, trompa; du latin turbo,
toupie.
0. Coriiel. diminutif de C TJie.
1538
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Tous les auteurs qui ont écrit sur la Ironipette, en
parlent couinie d'un instrument au son noble et ma-
jestueux, et dont les eiïets sont grands et sublimes.
Nous pouvons ajouter que son utilité est devenue de
premier ordre dans la musique d'orchestre symplio-
nique et de théâtre, car, en même temps que la
puissance et la douceur, elle expiime merveilleuse-
ment tous les sentiments.
.. La trompette se trouve partout où il existe des
hommes vivant en société ; elle est comme l'indice de
la civilisation: elle se mélo à toutes les institutions
politiques et religieuses; elle préside à toutes les cé-
rémonies et à toutes les fêtes; elle déclare la guerre,
donne le signal des combats, sonne la retraite des
vaincus, proclame le ti'iomphe des vainqueurs. Dans
les jeux, elle applaudit, par ses fanfares, à la vic-
toire de ceux qui reçoivent des couronnes; elle pré-
cède les conquérants, annonce l'ariivée ou les entre-
vues des souverains, assiste à leurs traités, sanc-
tionne, pour ainsi dire, leurs serments; elle annonce
aussi la naissance des grands et des puissants de la
terre elles accompagne encore au tombeau'. »
Les peuples les plus éclairés de l'antiquité eurent,
pour cet instrument, la plus hanle estime, comme le
prouvent les emblèmes dans lesquels on voit toujours
la trompette dans la main des Dieux, dans celle des
prêtres, des héros etautres personnages distingués'-.
Nul instrument n'a été plus utile à l'homme, aussi
bien dans la vie civile, religieuse et agricole ([u'à la
"uerre. C'est le seul dont le nom ait été prononcé
par la bouche de rKternel, que Dieu ait désigné à
Moïse. Suivant l'Histoire sacrée. Dieu lui ordonna
l'usage des trompettes et lui commanda d'en faire
deux d'argent battu au marteau pour convoquer les
chefs des douze tribus d'Israèl, alin d'assembler le
peuple hébreu et de donner le signal du départ du
Sinai; il lui prescrivit la manière de s'en servir en ces
ilifférentes circonstances, désignant les prêtres, en-
fants d'Aaron, pour sonner les trompi'ttes sacrées.
Dieu ht la recommandation expresse de s'en servir
pour la guerre, les sacrifices religieux, les fêtes solen-
nelles et les festins.
L'origine des trompettes du temple qui se con.ser-
vaient dans l'Arche, estainsiracontéedans l'Ecriture :
H Les Juifs étaient encore dans le désert lorsque le
Seigneur dit à Moïse : Fais-toi deux trompettes d'ar-
gent, tu les feras massives, et, avec elles, tu pourras
convoquer la multitude quand il faudra partir. Un
seul son avertira les chefs des milieux; un son plus
long avertira ceux qui sont à l'est du camp; un
second son, ceux qui seront au midi; poin- assem-
bler le peuple, un simple son, mais prolongé. Les
fils d'Aaron {cohérinnes) sonneront ces trompettes;
l'Eternel se souviendra de vous, et vous serez déli-
vrés de vos ennemis; et au jour de votre joie, vous
sonnerez des trompettes sur vos holocaustes et vos
sacrifices pacifiques. »
Enfin, c'est le son de la trompette qui doit réveil-
ler le genre humain du sommeil de la mort, au juge-
ment dernier.
La fêle des Trompettes était la troisième des cinq
grandes fêtes juives. Elle se célébrait le jour de Tsiri,
septième mois de l'année civile répondant à la lune
de septembre. Cette fête était établie soit en mé-
moire du tonnerre qui éclata sur le mont Sinaï le
jour de la promulgation de la loi, soit en l'honneur
i. Dsiivi-iiNt, Méthode de trompette,
ï. /Oui.
de la création du monde. Aussi, c'était l'époque où
les Juifs se souhaitaient une heureuse année.
Cette fête était la même que celle des Expiations;
elle était annoncée au son du clialzolzcioth, mais
pendant les huit jours que durait la fête, on n'en-
tendait d'autres instruments que le sfoi>har, avec
lequel on proclamait encore l'année du Jubilé.
Végèce donne les renseignements suivants sur les
usages de la trompette chez les Romains :
« La légion romaine a toutes sortes d'instruments,
qui sont : la trompette, le cornet et le cor {cornu et
buccina). C'est la trompette (tuba) qui, dans les com-
bats, sonne la charge et la retraite. Les cors et les
cornets n'interviennent que pour augmenter le bruit
de guerre, exciter tout d'abord l'ardeur des combat-
tants, et, en dernier lieu, célébrer l'action pas leurs
lanlares. Hors de là, quand ces derniers instruments
retentissent, ils n'indiquent rien aux soldats, et ne
sonnent que pour les enseignes qui en connaissent
les différents signaux. Par cette raison, quand les
troupes doivent marcher sans enseignes, ce sont les
trompettes {tuba) qui sonnent, et, toutes les fois
que les enseignes doivent faire un mouvement, ce
sont les cornets qui les en avertissent; enfin, lors-
qu'il s'agit d'aller combattre, ce sont les trompettes
elles cors réunis qui donnent le signal. C'est encore
au son de la trompette qu'on monte et qu'on des-
cend les gardes ordinaires et des graiid'gardes hors
du camp; qu'on va il l'ouvrage, que se font les re-
vues, et les soldats se règlent sur ce que l'on sonne.
Ces différents usages sont observés dans les exer-
cices et dans les manœuvres, afin qu'en temps de
guerre, les soldats accoutumés aux appels de ces
instruments ne puissent se méprendre et obéissent
aussi proniplement aux ordres du général, soit qu'il
l'aille charger ou s'arrêter, soit qu'il faille poursuivre
l'ennemi ou batti'e en retraite. »
« On appelait ordinairement .Eneatores ou Ahena-
lores (qui sonnent de l'airain) les musiciens qui
jouaient des trompettes, et, en général, tous ceux
qui étaient atlachés en cette qualité au service des
armées, quelle que fût d'ailleurs la nature de l'ins-
trument dont ils faisaient usage. Cela n'empêchait
point, toutefois, de donner aux joueurs de tuba, de
lituus, de buicina et de cornu, un nom particulier en
rapport avec l'espèce de trompette que chacun d'eux
avait spécialement adoptée. 11 y avait donc les tubi-
c/wes jouant de la tuba, les /i(icijies jouant du lituus,
les buccinatores jouant de la buccina, et les cornicines
jouant du cornu, qui formaient aulanl de classes dis-
tinctes, et qui, en raison des services importants
qu'ils rendaient, jouissaient de grands privilèges
parmi leurs concitoyens, et occupaient un rang élevé
dans la milice. Végèce les met au rang des princi-
paux soldats de la légion. >> Leur fête se célébrait tous
les ans à Rome, le 23 mai, jour appelé Tubilustrium;
c'était ce jour-là qu'avaient lieu la purification et la
consécration de leurs instruments.
Pendant les repas des chefs, ces musiciens inter-
venaient souvent pour égayer les convives par le son
belliqueux des trompettes guerrières. Cet usage
d'employer la musique dans les festins militaires
s'est conservé jusqu'à nos jours.
En Italie, l'usage de la trompette s'est continué
au moyen âge comme au temps des Romains.
L'extrait suivant du Ccrcmonial roïnnin le prouve
sui'lisammont :
«Dès qu'un pape est élu, les douze trompettes du
Saint-Père, celles de la ville et des différents corps
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDACOdlE
LA TROMPETTE ET LE CORNET lô!i9
luilitaii'es, aceompa;,'iiées de timbres et de tam-
bours, exécutent des faiifai-es, ainsi que pendant la
marche du conclave à l'église de Saint- Pierre, lois
(lu couronnement du pape.
((C'était surtout au magnifique fesliii qui sedonnait
autrefois, que les trompettes se faisaient entendre.
C'était la seule musique instrumentale qui figurait
à ce repas, qui n'a plus lieu aujourd'hui. C'est sur-
tout aux cérémonies du grand jubilé, lorsqu'il csl
annoncé au peuple iomain,que les dou/,e trompettes
du pape exécutent des fanfares. Douze veneurs, avec
des cors d'argent, se joignent à eux: ce qui forme un
ensemble assez agréable qui ouvre le jubilé. Lorsque
le pape va à l'église de Saint-Pierre, en grande céré-
monie, pour faire ouvrir les portes du jubilé, il est
accompagné de tout le clergé de Uome et précédé
de ses douze trompettes, qui sonnent tout le' temps
que dure la procession. Le jubilé finit par la clôture
des portes saintes, au son des trompettes qui accom-
pagnent le cortège sacré. » (Extrait du Cérémonial
romain.}
Le Cérémonial de France, recueilli par Théodore
Codefroy, avocat au paileinent de Paris, et publié
en 1619, dit qu'à toutes les fêtes, tournois, entrées,
baptêmes, sacres, funérailles des rois et des reines
de France, depuis 1464jusqu'en 1594, les trompettes
figuraient comme de rigueur; et les instrumentistes
étaient assimilés au rang des officiers attachés aux
maisons royales et à celles des princes. Aussi, distin-
guait-on l'artiste trompette de celui qui ne servait
que pour attirer la foule du peuple à son de trompe
et proclamer les ordonnances.
Dans les Travaux de Mars ou de l'arl d'i la f-uerre
(Paris, 1691), il est dit que le trompette doit être un
homme de fatigue et vigilant, pour être prêt, à toute
heure, à exécuter les commandements de sonner. Il
est dit aussi que le trompette doit être " un homme
discret, principalement quand il est employé dans
es pourparlers, où il ne doit jamais se servir d'autres
^ermes que ceux dont il est chargé, et ne s'ingérer
jamais de donner aucun conseil, afin que, dans les
conférences et dans les traités, on ne trouve point
d'ambiguïté, ni de sentiment contraire à ceux qu'il
a proposés ». {Cérémonial de France.)
EMPLOI DE LA TROIVIPETTE DANS LES ORCHESTRES
(( Le timbre de la trompette est noble et éclatant ;
il convient aux idées guerrières, aux cris de fureur
et de vengeance, comme aux chants de triomphe. Il
se prête à l'expression de tous les sentiments éner-
giques, fiers et grandioses, à la plupart des accents
tragiques. Il peut même figurer dans un morceau
joyeux, pourvu que la joie y prenne un caractère
d'emporteraentou de grandeur pompeuse. » (Berlioz^
Traité d'orchestration, p. 191.)
Baril et Haciitlc! («Hx-Iiuitième siècle).
Le premier emploi des trompettes dans la musique
de théâtre en Fiance remonte à 1074, dans l'opéra
d'Alceste de Ouinal'lt et Lully. Ces instruments
avaient figuré déjà sur la scène, où des musiciens,
vêtus de costumes de théâtre, les mettaient en jeu'.
Mais, en 17ijl, ils prirent définitivement place dans
l'orchestre de l'Académie royale de musique.
Dans la musique d'église, Haendkl et Bach nous
ont légué des compositions immortelles dans les-
quelles les parties de trompette ont fait, jusqu'à nos
jours, l'étonnement de tous, à cause de l'élévation
de leur registre, et ont donné lieu à bien des dis-
cussions.
Bien des choses, vraies ou non, ont été dites à ce
sujet. Beaucoup de personnes, et même des écrivains
célèbres, ont tiré des conclusions erronées du fait
que, depuis cette époque, les trompettistes étaient
impuissants à exécuter ces parties.
La plupart en ont conclu qu'il avait existé des
trompettistes extraordinaires d'habileté, et (|ue In
race en était perdue ou l'enseignement oublié. Nous
allons tâcher de réparer cette erreur, et de prouver
que ni l'une ni l'autre de ces suppositions n'est
fondée.
Admettons tout d'abord, si vous le voulez, que ces
parties ont été jouées sur de vraies trompettes et
dans le registre qu'on leur attribue.
1° Le diapason était moins élevé que de nos
jours;
2° Le rôle de la trompette dans les orchestres
n'avait pas encore pris beaucoup d'extension; ce
qui pouvait permettre à quelques artistes, ayant
le don particulier du suraigu, de se livrer à l'étude
exclusive de ce registre exceptionnel. C'étaient des
spécialistes, et non des trompettistes ordinaires d'or-
chestre tels que les professionnels modernes;
3" 11 est à croire que ces parties de trompette
n'étaient guère praticables et que leur exécution
était loin d'être parfaite, comme on en vena la
preuve plus loin.
Dal'verné dit à ce propos :
(( Dans ces compositions, les trompettes ne figu-
raient jamais qu'en ré ou en ut. alors que l'artiste,
par une étudia spéciale, formait ses lèvres à ce irenre
d'exécution, et, joint à cela, se servait d'une embou-
chure disposée pour faciliter l'émission drs sons
aigus, mais qui, en échange, en altérait la qualité.
Cependant, la difficulté de pouvoir saisir ces notes
aiguës avec précision fit que, plus lard, on aban-
donna ce genre d'exécution, n
Ce plus tard veut dire le jour où l'emploi de la
trompette s'est considérablement dévclopiic p.ir l'in-
vention des corps de rechange.
(( .Même du temps de Mozart, la trompette avait
déjà pris une autre direction ; la preuve en est que ce
grand maître sentit la nécessité de modifier certains
elfets de cet instrument dans les oratorios du Messie
et des Féti's d'Alexandre de Haendel, qu'on exécuta
alors en Allemagne, et auxquels il jugea nécessaire
de refaire une instrumentation nouvelle, eu rapport
avec le goût et les ressources instrumentales de l'é-
poque-. " (Méthode de Trompette de Dauverné.)
Cependant, les notes de ces parties existent théori-
quement dans \a.trompette simple à corps de rechange,
et on peut les faire entendre si on n'est pas rigou-
reux au point do vue de la justesse de ces notes entre
elles et de leur précision. Pourtant le :
n'existe pas et l'on ne peut le rendre qu'à la ma-
nière des cors, en son bouché; de même que les :
1. C.vstil-Blaze, Appendice de l'Académie royale de Musique de
1661 à IS55.
2. Ksl-il possible que les ressources inslnimeaUlcsfussent moindres
i'jd'.T une ^'poide antérieure ?
1600
Eyr.yr.i.opÈniE de la musique et dictionxaiue du co.vservatoire
É
qui ne sont, sur la trotnpeltc simple.
qu'une seule et même note, ainsi que :
Il aurait fallu obtenir le si i; en baissant Viit au moyen
de la main dans le pavillon, le fa en baissant le fa,
le fajt en baissant le sol, ie so/jf en baissant le la, et
le la en baissant le sih-
Ce n'étaient pas seulement les compositions de Bach
et de HAENDEL'qui étaient écrites dans ce lefiislre
élevé; il en était de même de toutes celles de leurs
contemporains; il existe, <le la même époque, des
morceaux pour plusieurs trompettes : Triciniiim et
quatricinium, concPVlt à VII claiini con lynifiani du
xvni« siècle, dans l'ouvrage de J.-E. Altenrl'rg \Ei%ai
d'une instruction pour l'art hùroir/ue et musiiai des
trompettes), écnis dans le même regisire.
Kn l'absence de preuves convaincantes, et en étant
réduit aux conjeclui'es, nous préférerions la suppo-
sition suivante que nous croyons être la vraie : il
n'est pas impossible, et il est même probable à notre
avis, pour ne pas dire certain, que ces parties ont été
jouées sur des trompettes pins basses d'une octave,
de par leur consti'uction, que celles qui ont été en
usage jusqu'à nos Jours, c'es'-à-die sur des trom-
pettes de même longueur de tuyau que le coi-. Un
pourra nous demaud'T également où sont ces trom-
pettes; mais nous leions observer (\ue nous u'aTHr-
mons pas, et quenous sommes ici, bien malgré nous,
dans le domaine des suppositions. Dans celle-ci, les
notes :
^ ^
écrites pourlatrompel le
en ré, et qui font entendre à l'oreille :
auraient, avec cette trompette supposée, donné en
notes réelles : fe^-» *f* ^^ '*" pourrait alors
s'expliquei' et comprendre que le concerto poiii'
trompette en fa de Hach, écrit absolument dans lo
même registre et la même étendue que les parties
de trompette en ré (tout comme si l'élévation d'une
tierce mineure, dans un pareil resistre, ne comptait
pour rien), ce qui, d'après la manièi'e d'exécuter
l'écriture de nos jouis, donnerait, en notes réelles :
on pourrait concevoir-, disons-nous, que ce concerto
ait pu être exécuté du ti-mps de Uach, i]uoiqiie avec
d'énormes diflicultés de précision et de justesse, avec
une trompette de la tonalité et de la longueur de
tube du cor. Tout en exécutant l'écriture selon l'usage
moderne, la notation
^
i
aurait
donné en notes réelles à l'oreille, avec la trompette
en fa
. ce qui serait infiniment
plus logique et plus compréhensible, si on n'a pas
le parti pris de voir partout, dans le passé, du mer-
veilleux et du fantastique.
:Nous nous refusons absolument, pour notre part,
à croire que, du temps de Fîach, on ait pu exécuter
ces parties dans le registre pratiqué de nos jours.
C'était donc, à notre avis, une trompette en fa plus
basse d'une octave que notre trompette simple en fa,
une tromba ou iromptite dechasse', ou un instrument
quelconque, mais non une trompette au sens que
nous attachons aujourd'hui à ce mot. Autrement,
nous serions forcé de nous convaincre que, non seu-
lement il a existé un artiste, ou plutôt une géné-
ration d'artistes, pour ainsi dire surhumains, » et
nous croyons que leurs noms seraient restés à la pos-
térité 1), mais que c'est l'art de la fabrication qui a
rétrogradé subitement, dans l'espace de quelques
années, en laissant se perdre dans l'oubli un ins-
trument si étonnant. Le lait seul de l'existence de
ce concerto est un argument de la [ilus haute valeur
en faveur de notre Ihéoiie. Ce concerto, écrit exacte-
ment dans le même registre et la même étendue que
pour la trompette en ut ou en ré (registre considéré
déjà, avec raison, comme surprenant d'acuité avec
le ton de ré), jusiilierait, ou du moins autoriserait
notre supposition, car si la trompette en fa avait pu
monter jusqu'au
note réelle :
il n'y avait pas de raison pour que la liompettc en
ré ne montât pas jusqu'au
et pour
oreille :
au lieu de la limiter au :
comme on Ta fait, puisque, nous le répétons, la théo-
rie et, par conséquent, la pratique, n'ont d'autres
limites dans l'aigu que celles des facultés humaines.
S'il était prouvé que les parties de trompetle de
Bach, de Hakndfx et d'autres auteurs encore, ont été
jouées sur des trompettes de même longueur de tube
que les nôtres et dans le registre qu'on attribue, de
nos jours, à l'écriture, nous nous demanderions pour
(]uel motif Bach, Haendel, etc., n'ont pas écrit de
même, pour la trompette en sol (dans la même éten-
due) ton fondamental, c'est-à-dire le plus aigu delà
trompette simple. Le résultat eût été encore plus
merveilleux au point de vue de l'acuité, et on aurait
eu alors les notes réelles :
1. l,a trompette de rliasse est un eor construit clans des pro-
norliûns très étroites alin d'obtenir un timbre éclatant. (Mahillun.)
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA TROMPETTE ET LE CORNET 1601
¥
Il est probable que si les compositeurs ne l'ont pas
fait, c'est que le ton do sol n'existait pas et que la
trorapetle la plus baute était celle de fa; nouvelle
preuve que les trompettes de cette époque étaient
différentes des trompettes simples à corps de re-
change en usaf^e dans les orcbestres, de 1770 à 1891.
Ces différences, avant l'invention des systèmes chi'o-
maliques, ne pouvaient porler que sur la longueur
et le diami'tre du tuyau, c'est-à-dire sur la tonalité
fondamenlale. D'autre pari, il est probable que, s'il y
a eu modification sur la longueur, elle a été dans le
sens de l'élévation, c'est-à-dire du raccourcissement
du tuyau.
Si noire supposition était vraie, comme il est pro-
bable, la modification faite par Mozart s'expliquerait
d'une manièie plus Uatteuse pour ses contemporains,
car, au lieu qu'il l'eût faite dans le sens de la facilité,
Comme on l'a cru, la niodiPication aurait eu, au con-
traire, pour résultat d'élever le registre de l'exécution
tout en abaissant l'écriture, du fait delà construction
des trompeltes une octave au dessus.
Il faudrait, dans ce cas, interpréter à rebours l'ex-
plication que donne Dauverné sur la modification
inaugurée par Mozart dans la manière d'écrire pour
la trompette; explication qui viendrait ainsi à l'appui
■de notre théorie. La phrase suivante : « Mozart jugea
nécessaire de refaire une instrumentation nouvelle
■en rapport avec le goût el les ressources instrumen-
tales de l'époque, » signifierait que, ces ressources
ayant augmenté, l'orchestration devait bénéficier du
progrès accompli.
On pourrait se demander, maintenant, pour (piplles
raisons Bach, Hakndel et leurs contemporains au-
raient excepté, de leur écriture, les notes :
^
quiexistent dans cette trompette supposée.
On peut trouver la raison de celte lacune dans le
fait que, avant la construction de cette trompette, ou
avant son emploi dans les orchestres, les trompettes
généralement en usage ne devaient donner que les
notes du clairon, du cornet et de la trompette mo-
derne sans emploi des pistous :
m
11 est permis, dés lors, de supposer que, dans le
coninieiicement de l'emploi de cette trompette basse
en trompette aigui', ou n'a pas utilisé toutes les
ressources du nouvel instrument dans son emploi
nouveau'; pas plus qu'on n'a utilisé toutes celles
1. Une preuve iuilisculable de ce fait nous est fouriM par l'absence
totale du
i
!*_
dans toutes les compositions de celte épo-
■que; et cependant cette note existe theoriquenicul, non seulement
Cop'jrii/hl Ijy librairii' Velagrave, 1924.
des autres trompettes et du cornet, puisque les
instruments modernes ont vu jusqu'ici s'agrandir
leur étendue pratique d'une façon presque perma-
nente. On peut admettre que, pour la trompette en
question qui demandait une nouvelle étude plus
développée et plus complic[uée, on se soit contenté,
tout d'abord, de greffer sur l'échelle pratiiiuée de la
ou des précédentes trompettes, les notes :
^Ha^-^-5
ce qui donnait, en tout
et, comme effet, quand la trompette était en ré :
On ne manquera pas de faire remarquer que, puisque
Bacu a écrit le concerto pour trompette en fa dans
la même étendue, c'est-à-dire jusqu'au :
écrit, noie réelle :
(d'après notre suppo-
sition), on ne comprendrait pas que, pour celle en ut
ou en rd, il n'ait pas atteint celte même note réelle
qui serait écrite :
pour la trompette en
ut, el £imr^ I pour la trompette en n'; ce (|iii
aurait donné, à ces trois différentes trompettes, la
même étendue dans l'aigu, c'est-à-dir(^ jusqu'au :
note réelle, d'après noire version; au
lieu d'avoir, comme il l'a fait, limité l'éciilure au
lL I écrit, ou ^- ^ réels pour les
tiompetles en ré ou en ni.
Mais l'on peut répondre à cette objection f|ue les
trompetti'S eu iit Qi en ré avaient le tube plus long
que la trompette en fa.&l que, plus le lube est long,
plus les émissions y soûl imprécises et dangereuses,
sur notre trompeltc 5up;'0sée, mais au=si d;ins ni^trc tiompctlc sini[ile,
à corps de reciiang-'.
1«02
ENCÏCLOPÉDIB DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
principalement dans l'aigu. C'est le seul motif, à
notre avis, pour lequel Bach a écrit dans la même
étendue pour l'oreille les trompettes en ut, en rê et
en /■(/. On a probablement pensé, avec raison, qu'en
fixant la limite, dans l'aigu, au
écrit.
soil :
exéeiilé (pour nous) pour des trom-
pettes d'une telle longueur de tube, en nn quelcon-
que de ces tons qu'elles fussent, la difficulté d'émis-
sion, pour la sûreté et la précision, était assez
grande ' .
Ajoutons encore que, dans la musique de Rach,
les partie.', de corni da caccia, et celles de tromha
sont éciites exactement dans la même étendue, au
point qu'on pourrait les confondre. On ne peut ce-
pendant pas supposer que le cor jouait réellement
dans un pareil registre, car de tels sons n'auraient
plus été ceux du cor. Il exécutait donc une octave
au-dessous de l'écriture, c'est-à-dire dans le registre
pratiqué de nos jours. Dés lors, pourquoi n'en aurait-
il pas été de rnème pour la ti-oniba?
Le corno étant dans les mêmes tonalités que la
tromba et écrit exactement dans le même registre et
la même étendue, il est peimis de croire qu'il était
de même longueur de tube, et que ces deux instru-
ments Jouaient l'un et l'autre à l'octave au-dessous
de l'écriture pour l'oreille Leui- différence était dans
le genre de leur perce, dans la forme de l'embou-
chure, et, conséquemment, dans la nature de leurs
sons. Si ces raisons ne paraissent pas encore con-
vaincantes, rappelons que, non seulement, le même
registre est appliqué, au cor et à la trompette, dans
l'érrilure de B,\cn, mais que ce registi'e est également
le même pour le hautbois et la flûte traversière-.
Donc, si l'écriture, pour la trompetle, est descendue
tout à ce
"P ^^ ^
comme limite dans
i. A l'appui de celte opinion, on peu! rem.irquer qne l'on a agi de
même avec ta trompette simple :i corps de recbange sur laquelle on
no dépassait pas en prin,i|ii
écrit quel que lût le ton
du I orjts de rechange, comme il est dit ailleurs; et encore celte note
n elail usitée qu'autant qu'elle ne dépassait pas le /n' en note
réelle, c'est-:'i-dire que le corps de rechange le plus aigu pour lequel
celle noie s'écrivait était celui de ré; rarement celui de mi\i qui don.
réel. Les corps de rechange plus aigus ne dépa-^'
lil le :
saient j)as le
» On peut voir, du reste, que I' cor a conlijiué jusqu'à nos jours à
s'écrire dans ec même registre. Il en a été de même au sujet du cor-
net à pistons, jusqu'au jour où il a abandonné ses tonalilés graves
(les mêmes que celles de la Ironipelte anciennel pour les tons de si^
et la aigus Logiquement, c'est le contraire qui aurait eu lieu si on
avait commencé par écrire dues le registre de son e^éeution.
l'aigu, au moment précis de l'invention des corps de
rechange, c'est que l'instrument a haussé d'une oc-
lave par la conslructioii de la nouvelle trompette
(nous prenons toujours le ton à'ut comme point de
comparaison), de sorte qu'au lieu d'avoir perdu une
quinte, on aurait gagné une quarte. Ex. : trompette
de Bach
■ ^ <='^e' ■■ ^
ïr. à corps de
recbange
écrit et réel.
Les compnsilions de Lully et de Philidor pour les
ensembles de trompettes datent d'une époque anté-
rieure à celle de lUcii. Klles sont écrites dans le
même registre, sauf qu'elles ne dépassent pas le
^.
m
dans l'aigu, tandis que le grave se limite
On a donc gagné en étendue dans le
cours du xvni" siècle jusqu'à Bach. Mais il est évident
que les instruments étaient du même type, et que le
progrès s'était réalisé dans l'exécution. Peut-être
aussi que, de même que de nos jours, le diapason
était plus élevé. Dansée cas, on l'aurait abaissé du
temps de Bach, et la conséf|uence de rab.iissement
aurait été l'élévation d'une tierce dans l'écriture pour
l.i trompette. Enfin, nous voyons que le :
f^
est exclu, ou à peu prés, des compositions de Lullv
et de PuiLiDon. La partie de basse est attribuée aux
timbales. Or, si ces parties de trompettes avaient été
exécutées dans le registre adopté de nos jours, c'est
que les instruments auraient été au moins aussi
aigus que notre ancienne trompette simple à corps
de rechange, et, dans ce cas, on n'aurait pas eu
recours aux timbales pour remplacer la basse, la
trompette y aurait suffi aisément. Onn'ima:;ine pas,
en elfet, un quatuor de trois trompettes et des tim-
bales, dans lequel la troisième partie de trompette
ne dépasse pas Vui
¥
dans le grave. Im-
possible de supposer, non plus, que l'on ne possédait
.luciine trompette pouvant descendre facilement au
note réelle.
.Si nous rapprochons de ce fait, celui que Bach et
Haendkl eux-mêmes n'ont que rarement employé
cette note, cela nous autorise à supposer qu'elle était
trop grave, c'est-à-dire trop difficile. Or, elle ne peu
être difficile que si elle fait entendre à l'oreille le :
TECIINIOL'E, ESTHÉTIQUE ET PtOAGOGIE
LA TROMPETTE ET LE CORNET 160S
Zf;-
le
(ou le /(( avec la trompelte en ré) et non
Si l'on objecte que ce : - V- ^
étant faisable, quoique difficile, sur la trompette en
ré, Bach n'avait pas de raison de la supprimer tota-
lement du concerto pour trompette en fa (sur
laquelle il était moins difficile, puisque moins Ijas
d'une tierce mineure), nous répondrons que les com-
positeurs, ne pouvant connaître à fond toutes les
difficultés de tous les instruments, sont obligés de se
baser sur des principes. Or, étant admis que le sol
était difficile, il n'est pas étonnant que Bach n'ait pas
fait de différence, au sujet du grave, entre la trom-
pette en ré et celle en fa, ainsi qu'il l'a prouvé
au sujet de l'aigu, et que, dans un morceau com-
posé spécialement pour mettre en relief cet instru-
ment, il ait évité d'écrire une note aussi basse, la
crovant difficile.
guoi qu'il en soit, lo fait acquis demeure toujours,
à savoir que le sol : ^^=} est une note facile
avec la trompette en rejouant dans le registre adopté
aujourd'hui, et que, cependant, Bach et'HvEM.n l'ont
généralemi^nt évitée, et que Lullv et I'hilidor
exclue totalement, d'où nous concluons que ,
ont
tail
le
W
qu'ils entendaient indiquer et, pour
loreille, ta avec la trompette en rc, et non le :
Vp- ■ C'est-à-dire que la trompette était h loc-
lave au-dessous de l'ancienne Irompetle à corps de
rechange, et deux octaves au-dessous de la Irompetle
moderne en ré en usage pour les œuvres de Bach.
Théorie
Trompette de Bach supposée. — (S'écrivait une oclave plus haut.)
. A.\.'h '^^
Trompette ancienne à corps de rechange sans emploi des pistons.
Trompette moderne (en ut) sans emploi des pistons.
! i -i ^ ■■' « • ■*-ti -•- ^
m
^
Fraliquc.
Tr de BACH
en ut
' Tràcopps^crechange id. (OiromatK^e
Tr. rr.oderae
en ut
^«ic-*
fondamentales
1604
ENCYCLOPÉDIE DE LA MVSIQVE ET DICTIONS AIRE DU CONSERVATOIRE
Comme on le voit, à chaque translormalion, la
troriippllc gagnait, dans la pratique, une quarle juste
dans l'ai^n. En revanclie, la trompelle simple à corps
de reclianj^e, sans pistons, perdait cinq notes du mé-
dium sur la tromha de Iîacb, mais elle avait l'avan-
tage de pouvoir jouer dans Ions les Ions.
Si nous prenons, comme terme de comparaison,
la trompette moderne et que nous admettions qu'elle
joue dans le ref-dstre logique de sa construction,
nous trouvons que l'ancienne trompette à corps de
recliangi> joue une octave au dessus, d'après cette
comparaison, et la trompette de Bach deux octaves
au dessus, si elle a été celle que nous croyons.
An sujet de la trompelt- de Rach, on voit qu'un tel
écart entre le registre de construction et celui de
l'écriture, tel que nous l'entendons au.nurd'hui, eiit
été impossible; et nous croyons avoir prouvé, d'an-
tre part, que, seule, une telle trompette comportait
théoriquement celte écriture. Dès lors, une conclu-
sion s'impose : la trompette de Bach était celle que
nous supposons, c'est-à-dire une tromitc de cha>ise
(iromia).
Le lait, d'une pari, que Bach et Hakndel ont traite
le corno et la ti-omha d'une manière identique, leur
donnant le même registre et 1. même étendue, et
celui, d'autre part, que ces deux instruments ne
figurent jamais ensemble sur la même partition, si
ce n'est à l'unisson on en accolade pour doubler les
parties, ou bien pour laisser la faculté de les jouer,
au choix, avec les corni ou avec les trombe ; ces deux
con-lalations nous donnent la certitude que les com-
positeurs les considéraient simplement comme deux
variétés d'un même instrument, à peu près comme
il en est aujourd'hui au sujet de la trompette et du
cornet: qne'le mot conw désignait une tronilia aux
sons plus doux ou moins éclatants; nu que le mot
tromha était appliqué à un corno d'une sonorité plus
claire et plus forte.
11 est probable qu'à celle époque, ces deux instru-
ments n'avaient pas de caractère au>si distinct que
.e cor et la tronipeite modernes au point de vue du
timbre, et qu'il existait encore un reste de la confu-
sion qui avait régné, à leur sujet, dan< l'antiquité.
Du reste, on peut croire qu'entre les deux termes :
tvomha (trompette de chasse) et corna da cac-ia (cor
de chasse), la dilîérence de signilication n'était pas
très grande. \ ...
Le cornet à pistons, à son origine, s écrivait éga-
lement dans le même registre que le corno et la
Iromba de Bach et de Hak.ndel, et même au delà dans
l'aigu. Quand il était en ré, par exem|)le, récriture
allait jusqu'au
c'est-à-dire une octave
?■(! jouant
son réel
rendaient tous deux le même
au-dessus de l'écriture usitée pour la trompette à
corps de rechange, et pourtant il n'a jamais exécuté
à cette hauteur.
Le cornet à pistons en ré était dans la même tona-
lité'loiidamentaleet de même lo.gueur de tube elfec-
til' que la trompette çn ré à corps de rechange. Le
cornet en ré jouant
et la trompette en
Contrairement à la trompette qui, en élevant sa
tonalité d'une octave, abaissait, en conséquence, son
écriture pour obtenir les mè g es sons, le cornet à
pistons, quoique ayant accompli la même ascension
de tonalité, comparée au rorno de Bsch, avait con-
servé le principe d'écriture de ce dernier, et donnait
les mêmes sons, avec un peu plus d'extension dans
l'aigu, comme la trompette à corps de rechange vis-
à-vis de la trnmba de Bach.
Or donc, les deux nouveaux instruments jouant
dans le même registre, quoique différant par l'écri-
ture, il eu est résulté que lorsqu'on est revenu aux
exécutions des œuvres de ces anciens maîtres, on ne
s'est plus rappelé que, depuis l'époque de l'invention
des trompettes à corps de rechange, on avait abaissé
réciiliirc sans abaisser l'exécution, et on a voulu
exécuter, ou l'on a voulu que l'on exécutât l'ancienne
écriture d'après le même principe que la nouvelle. Le
cornet à pistons n'a pas succédé directement au cor,
comme la trompette aiguë a succédé à la tromba. Il
n'a pas passé, comme elle, par le système des corps
de rechiuig'' sur le cornet simple (le clairon). Le cor
a conservé la longueur de son tuyau. Ce n'est que
lors de rinvention du système des pistons que le cor
itigu a été créé sous le nom de cornet à pistons. C'est
ce f|ui fait que l'ancienne écriture lui a, de nouveau,
été ap[)liquée, quoique cet instrument fOit construit
une oclave au-dessus. Voilà pourquoi la trompette
et le cornet interprétaient diliéremment l'écriture.
Lequel de ces deux instruments était dans la tradi-
tion? Lequel l'avait perdue? Pour nous, il n'y a au-
cun doute, c'est le cornet, instrument relativement
nouveau, qui l'a reprise. La trompette l'a perdue pen-
dant le règne des corps de rechange. Une preuve de
plus que l'écriture, pour les instruments de cuivre,
éiait basée, non sur le registre réel de l'échelle des
sons, mais sur la tonalité fondamentale de construc-
tion de l'instrument, c'est que, de nos jours encore,
on voit l'écriture du cor plus élevée que celle du cor-
net; et, cependant, le cor est, de par sa construction,
environ deux octaves plus bas que le cornet moderne '.
C'est que le cor joue une octave plus bas relative-
ment à l'échelle générale des sons, et une octave
plus haut relativement au registre de sa construc-
tion, comparé au cornet; c'est-à-dire qu'il ne joue
qu'une octave plus bas, quoiqu'il soit construit deux
octaves au dessous.
Le fait que le système des corps de rechange a été
inventé uune vingtaine d'années après la mort de
Bach, et environ onze ans après celle de IIaendel,
c'est-à-dire à l'époque de Mozart, ce fait, coïncidant
avec laliai^seraeat du registre de l'écriture, peut
peser d'un grand poids en faveur de notre hypothèse,
car, indiscutablement, la fabrication réalisait, à ce
moment, un progrès, auquel on ne peut raisonnable-
ment l'aire correspondre une rétrogradation de l'art.
Ainsi tout s'expliquerait : l'invention du système
1. Pour expti.iuer l'apparente conlr.idiclion atei: ce qui csl clil
plus h:iul, il sulTira Je rappeler que le conicl, à ses déb.ib-, civil
eou'^lriiit tiatis les nièmC5 lonalile? graves quf l'.incicnne Irompctle ;
corps de reclian
TEC.IiyiQUE, ESriIÈTlQVE ET PÉDAGOGIE
LA TROMPETTE ET LE CORNET 160
drs l'orpsde rt-change aurait enlraiiié la coiistruclioii
(le la ti'ompetle uiio oclave plus liant sans changei-
le princ'ipe d'exécution de l'écriture; c'esl-à-dii'e que
la niiuvelle tiompelle à corps de reckunçje jouant, du
lait (le l'élévation de sa tonalité l'ouilamenlale par la
construction, une octave au dessus, mais se limitant
écrit, quel que fût le tonde recliaii
constituait un j.'rand proyi-ès dans le sens de l'éléva-
tion du regislre d'exérulion.
.Notre supposilioii aurait le l.iiple avantage d'éti'e
logit|ue, compréhensible et non humiliante pour une
généi'alion de trompeltistes et de l'acteurs d'instru-
ments. L'hisloire de la Ironipetle n'aurait pas à enre-
gistrer une période de décadence excessive, inexpli
quéo et inexplicable, qu'aucun de ces événi'metits qui
font reculer l'humanité ne pourrait justilier ni excu-
ser. La trompette aurait continué régulièrement,
conune les antres instruments, à marchei' dans la
voie du perl'eclionnt'inent. La modilicalion faite par
Mozart aux parties de trompette du Messie de IIaicn-
d;;l, ainsi que le changement suhil, opéré par tous
li's compositeurs, dans la manière d'écrire pour la
Irompelle, aurait été la conséquence du progrès.
C'est en 17.t1, un an après la mort de Bach et huit
ans après celle de Hae.ndel, que la trompette l'ut ad-
mise définitivement dans l'oichestre de l'Académie
royale de musique, ce qui est une preuve que son
emploi y devenait de plus en plus salisfaisanl. Don^,
il y avait progrés. Or, comment expliquci' que, quel-
iliii's années après, les composileni's eussent modilic
l'éiritnre pour la Irompelle dans le but de diminuer
la difliculté en réduisant son étendue dans l'aigu?
que MozAHï ait même Jugé nécessaire de l'aire une
inslrnmentatiûu nouvelle des Fêtes d'Alexandre et
du Messie de Haendel'?
Comment supposer que les trompetlistes eussent
dégénéré de la sorte aussi précipitamment'.' Ils au-
raient perdu, tout d'un coup, uneqtiinle, et même une
septième mineure ! Cela est inadmissible. A partir de
ce moment, les tiotnpettes ne dépassaient plus le :
réel, quel que fût le corps île rei'liange.
el on en évitait la fréquence, surtout en notes lon-
gues. ^'était-ce pas la preuve que la trompette avait
subi une transformation dans sa construclion el,
partant, une modification dans l'écriture qu'on lui
di'Sti:;ait'?
.Nous ne voyons pas, quant à nous, d'autre moyen
de résoudre la question, si controvei'sée, de la trom-
pette de l'iACH. Si ce n'est pas encore la vérité,
nous souhaitons que noire erreur contribue à la
trouver.
Dans tous les cas', on a eu tort de croire que les
trompettistes d'alors étaient d'irne habileté disparue.
.Nous allons maintenant donner la preuve du con-
traire, même en nous plaçant au point de vue le plus
tlalteur pour les anciens.
Oulilions donc, pour l'instant, le raisonnement
qui précède, et inettons-nous au point de vue des
contradicteurs, c'est-à-dire admettons (\ue les par-
ties de tromba ont été jouées sur des trompeltes et
dans le registre usité de nos jours. Si, du temps de
Mozart, on a jugé utile d'abandonner ce genre
d'exécution, c'est, apparemmeni, que les résultats
laissaient h désirer, el que la difficulté en était recon-
nue à peu près irrsurmontable; car, s'il était vrai
(|ae ces parties eussent été jouées dans h' registre
réel de l'écritui'e, cela ne prouver.! it pas i|u'elles l'ont
été à la perfection. Or, aujourd'hui, avec les trom-
pettes en )■(■ et nt aigu, avec lesquelles on obtient, à
la luis, la justesse, la précision et la silreté, on joue
1res correctement ces parties des œuvres de Hm.h et
de Hakmikl. m. Teste en a donné le premier l'exem-
ple, l'ii l'rance, en 1874, comme on le verra à l'arti-
cle srrr la trompette aiguë; puis en jouant, en tota-
lité, la Messe en si'l; mineur de Bach, dans l'hiver de
1S90 h 1891, à la Société des Concerts du Conserva-
toire de Paris, ainsi que d'auli'es œuvres du même
anteui- el de Hae.ndel. Mehri FnANQUiNet Lachan.^id,
tous deux successivement premiers trompettes solos
audit orchestre, ont imité cet exemple avec le même
succès que leur pi'édécesseur, dans l'exécution de
celte \le--sc qiri fait partie, depuis lors, du répertoire
des concerts de cette Société. On joue partout, au-
jourd'hui, les reuvres de Bach et de Haënuel avec les
trompettes à pistons, o.r à cylindres, en ré aigu.
Dans le but d'atténuer la grande dilliculté de ce
genre d'exécution, on a essayé et on essaye encore de
nos Jours l'emploi de trompettes plus aiguës : /<(.
sol, si[, oclave aiguë du cornet à pislons moderne.
Mais les sons que rerrdent ces instruments perdent
de plus en plus le caractère de la Irompelle.
Le mérite des trompettistes modernes n'est pas
dimiruié par l'invention des norivelles ti'ompetles
aiguës en ut et en ré. Nous prouverons que si la dif-
liculté, quant à la justesse et à la précision, est pres-
i|uesuppriruce, elle demeure égale, sinon supérieure,
au point de vue de l'émission des sons et de la foi'ce
physique.
Plus le tuyau est court (c'est le cas de la trompette
en ré aigu), plus le son exige de force pour se pro-
duire, altendii que la résistance de l'air extérieur
s'augmente en raison directe du raccourcissement
du tuyau, l'ous les professionnels se rendent certai-
nemenl compte de ce fait d'apparence illogique, à
savoir que l'aigu exige moins d'eli'orts surun instru-
ment grave (pie sur un aigu, et, inverseinerrt, ipie
le grave s'obti.-nt plus facilement sur un instrument
d'un registre de construction élevé que sur un instru-
merrt à long tuyau'. (Nous donnons ici aux termes
aitju, fjrave, leur signification réelle à l'oreille, rela-
tivement à l'échelle générale des sons, et non relati-
vement au registre particulierde l'instrument.) Ainsi,
lue: jp^l
sur une tron:-
on croit généralement que :
pette en ré aigu, demande moins de force muscu-
laire que :
sur une trompette en ut ou que
1. On peut s.^ rendie comple de ce principe on ctoiinaiit U on.l.i-
iiienUlc avec la Irompelle en ul : )' i, pnis !■ s noies descen-
rlinles an moyen des pistons; m verra que la difliiullé déniss^un
n'ans;mente que faiblement relalivcment au degré d'allai-^emc.l^ -.li-S
sous.
1606
K.Xr.YCI.OPÈDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
sur une Lrompelte en fa, ou que :
i
_Q_
sur l'ancienne trompette en rr, par sa construction,
plus basse d'une octave que la Irompette moderne,
mais ce n'est qu'une erreur de rima;.'ination. On
peut s'en convaincre et constater la loi naturelle à
cet égard en donnant alternativement une note aif^uë
à vide et avec l'emploi des pistons. La même com-
paraison peut être faite au sujet du grave. Les notes :
^
^*^*^»*.
sont plus faciles ù rendre avec
'S*
la trompette en nt. aigu que
-m
'S* »
'li»
avec la trompette en fa, surtout dans la nuance
piano, mais les sons sont moins volumineux. Dans
ce registre, le choc de l'air expulsé contre l'air exté-
rieur étant lieaucoup plus doux, la proximité de ce
dernier favorise les émissions.
Il est évident que ce raisonnement n'est applicaljle
qu'aux instruments jouant dans l'aigu, et non aux
instruments de basse, dont la perce est trop grosse
pour les sons élevés.
Alors, dira-t-on, pourquoi abandonner le système
de l'instrument grave pour jouer dans l'aigu? —
C'est que si l'aigu s'obtient avec un peu moins d'ef-
forts sur un instrument plus long de tuyau, ce regis-
tre est beaucoup plus diflicile au point de vue de la
sûreté et de la précision quand il est fourni par le
registre supérieur d'un instrument grave que s'il
représente le registre médium d'un instrument aigu.
Si le trombone, malgré la longueur de son tuyau,
n'offre pas au même degré ces dangers, c'est que le
diamètre de sa perce est proportionné à la longueur
du tuyau et à son registre d'exécution, où les har-
moniques sont moins rapprochés.
L'usage des trompettes aiguës ne constitue donc
pas une économie de dépense de force physique.
Leur seul et suffisant avantage, au point de vue de
la difficulté, est de pouvoir obtenir l'aigu avec plus
de sûreté, de précision et de justesse.
Ajoutons, pour terminer ce chapitre, que l'abus
des sons aigus tenus meurtrit les lèvres et épuise la
poitrine ; cet abus est encore nuisible en ce sens que
le public, ignorant en la matière, base trop sou estime
sur l'exécution de ces sons aigus, ce qui pousse quel-
ques artistes à ne viser que ce but en négligeant l'étude
des belles qualités de style, de sonorité" et de senti-
ment musical.
Comme on ne manquera pas de nous demander
la conclusion de notre théorie, ajoutons que pour
exécuter les parties de trompette de Bach telles
qu'elles ont été créées, nous ne voyons qu'un seul
moyen, c'est de les faire jouer par des trombonistes
sur la trompette basse en usage dans les œuvres de
Wagner, qui a écrit la partie de trompette basse exac-
tement dans le même registre que les parties de
trompette de Bach.
Quoique la trompette dont se servent les trombo-
nistes' soit une octave au-dessus de la trompette de
Bach, comme construction, elle joue dans le même
registre, tout en exécutant une octave plus bas par
rapport à son registre fondamental, c'est-à-dire à
son registre de construction.
LES REPRÉSENTANTS DU GENRE TROMPETTE
ET LEUR EMPLOl-
Trompetlp simple on naturelle
à corps de rechange.
On appelle trompette simple la trompette naturelle,]
par opposition à la trompette chromatique, c'est-à-
dire celle à pistons ou à cylindres.
Fk;. ûSl. — TroinpcUe de cavalerie
et trompettes d'harmonie.
Cette trompette a complètement disparu, en France,
des orchestres et des musiques militaires. Elle n'est
plus en usage que dans la musique de scène, dans les
fanfares spéciales, et comme instrument de guerre"
dans l'armée. Il en est de même en Allemagne, en^
Italie, en Belgique et dans toutes les autres nations
civilisées. Toutefois, on l'utilise encore dans quelques
écoles de musique, pour habituer les élèves à avoir
une bonne attaque précise et sûre.
L'introduction en France de la trompette à corps
de rechange, que l'on pouvait, en ce temps-là, appeler
perfectionnée, date de 1770 ; elle fut importée d'Alle-
magne.
Le perfectionnement consistait simplement en ce
que l'instrument, au lieu d'être d'une seule pièce,
comme précédemment, était formé de deux parties
dont l'une s'emboîtait dans l'autre. C'était la pre-
mière, celle à laquelle s'adaptait l'embouchure, que
l'on a nommée corps de rechanye, et qui donnait, se-
lon son développement, les différentes tonalités que
l'on a appliquées, depuis, à la trompette. On en a
l'ail usage jusqu'au moment où la trompette mo-
derne, dite trompette en ut, l'a délinilivement rem-
placée dans tous les orchestres^.
La trompette simple a continué d'être en usage,
même pendant la période de l'ancienne trompette à
pistons, à laquelle le système des corps de rechange
était également appliqué, et dont nous parlerons plus
loin. A l'Opéra de Paris, cette période va de 1S26 à
1. C'est rolre trompette ancienne à pistons, appelperommunèmenl
trom|iette on fa, et qui est en réalité en sol, de son ton le pins aigu.
2. Voir aussi sur cette iiuestion VOrganographir i]tiiérale dps ins-
truments a embouchure de il. Henri Séha, professeur au Conserva-
toire de Rruvclles.
3. Dans la [dupart des autres nations, la trompette moderne est ea
sih et en la, tonaliti!-s do cornet à pistons moderne.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA TROMPETTE ET LE CORNET i'^"7
■ 1891. l.ps trompettistes avaient une boite qu'ils pla-
çaient (levant eux aux pieds du pupitre, et qui conte-
nait une trompette simple et une trompette à pistons
avec tous les tons de reclian^ie qui s'adaptaient indif-
féremment à chacune des doux trompettes, selon
que c'était l'une on l'autre qu'ils avaient en main;
c'est-à-dire selon que le passade à jouer était chro-
matique ou composé seulement d'iiarmoniques na-
turels simples. Un jeu unique de tons de rechange
suffisait pour les deux trompettes.
En attendant l'invention du système des pistons,
«elui des tons <le ierliiin;/f constituait .lonc un réel
progrès en donnant à la trompette la faculté de jouer
dans piesque tous les tons, à la condition que It'
compositeur laissât les mesures de silence néces-
saires au changement des corps de rechange.
Ton de ré, Ton de /"((.
Fie. 6S-3. — Corps itn rechanse.
Etendue théorique de la trompette simple en ut grave, à l'octave de la trompette moderne en ut.
Le fa est entre fat, etfai} ; lelaentre sol» etla ^
Toutes ces notes peuvent se faire entendre sur la
trompette simple en ut f,'iave, mais seulement pour
conlirmer la théorie. Dans la pratique, on ne doit
pas dépasser cette étendue.
Exceptionnel
Le fa ne peut s'obtenir juste qu'au moyen de la
main gauche obstruant une partie du pavillon, à la
manière du cor. Le contre «< était très rarement em-
ployé et n'était guère praticable qu'avec les tons de
si [}, siq et ut; il était très difficile et très dangereux.
Trompette ù conlisse.
L'invention des corps de rechange a donné l'idée
d'appliquer le système de la coulisse à la trompette
comme cela se pratique sur le trombone. La coulisse
servait à baisser d'un demi-ton et d'un ton'. Dau-
VERNÉ introduisit une modification à ce système en
donnant à la coulisse un demi-ton de plus-. L'em-
ploi de la coulisse pour la trompette n'a pas eu de
durée; elle a été remplacée par les clefs, presque
aussitôt aijandonnées, à leur tour, pour le système
des pistons ou cylindies.
m
T
FiG. 683. — Trompettes à coulisse.
1. Trontpette à coulisse, système anglais, ilepuis le Hon de fa jus-
qu'au Ion ti'ut ^ravp.
i!. Trompette à coulisse, système français, depuis le ton de sol jus-
qm'au ton de ta\? grave.
La coulisse, bonne pour le trombone, exige, pour
être praticable, un registre d'exécution permettant
de la manoîuvrer sans avoir à craindre qu'un écart
inappréciable en apparence altère d'une manière
sensible la justesse du son, ce qui serait le cas pour
la trompette.
Cette difficulté insurmontable d'obtenir la préci-
sion et la justesse dans des successions de notes
exigeant de rapides déplacements de la coulisse,
sans nul avantage au point de vue du timbre, seul
objectif des partisans de la coulisse, a été cause de
son abandon définitif.
L'initiative de l'application de la coulisse :t la
trompette est attribuée à John Hide, célèbre profes-
seur anglais.
Trompette à clefs'.
L'idée de percer de trous les instruments de cuivre,
comme on le faisait depuis"longtemps pour ceux en
bois, est attribuée à un .\llemand nommé WEiniMiEH.
D'autres auteurs désignent l'Anglais Hallid.^y, qui,
ayant appliqué ce système à la trompette, aurait,
sans le vouloir, créé le bugle ou clairon à clefs.
Cet instrument fut connu en France de 18i:> à
1816, et adopté dans toutes les musiques de régi-
ments d'infanterie et de cavalerie de la garde royale
et de l'armée.
L'application de ce système à la trompette a-t-elle
nécessité une forme particulière ou un pavillon
plus développé ? Toujours est-il que l'instrument
qui en a été l'objet, non seulement n'avait pas les
sons de la trompette, mais un timbre encore plus
voilé que celui du clairon* et rappelant celui de
l'antique cornet, c'est-à-dire de la corne. (C'est sans
doute parce que les cornes du buffle servaient à
fabi iquer les cornets primitifs, qu'on a tiré le nom
de bugle de celui de ce bœuf sauvage.)
La trompette à clefs, en usage en Allemagne avant
3, Trompette à clefs dite italienne, système allemand. Méthode llAr*
\ tRNK, \\V, f. S.
4. Le clairon de celte époque u'avail pas les sons du elairon moderne,
qui ressemblent de plus en plus à ceu\ de la trompette. Ils -■[.tient
franchement voilés, comme ceux du bugle qui n'est, comme il 'stdil
ailleurs, autre chose qu'un clairon muni du sjsl^mc des pistons et
avant conservé les sons voiles de riostiunicnt primitif.
1G0,S
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOWAIRE DU C(i.\SEnVAT()IliE
l'emploi des pistons, celle que les Ireres Gaini!ATté,
trompellisles d'origine italienne, attachés à l'Opéra
Italien de Paris en même temps qu'à l'Académie
Hoyale de musique, firent entendre dans plusieurs
concerts, avait la l'orme du bugle moderne'. Dau-
VKRNÉ dédnit ainsi le caractère de celte trompette ;
i< Cet instrument a assez d'analogie avec la trom-
pette ordinaire, sanf les clefs, mais il est beaucoup
moins satisfaisant sous le rappoi't de la qualité du
son, qui est tant soit peu nasillard. »
Bngle on clairon chromaliqnc^.
Le bugle est devenu un instrument de premier
ordre, quand ^il est bien joué, et il est de la plus
grande utilité ponr le solo chanté dans les musiques
militaires, ainsi que dans les fanfares, où le fondu
de ses sons forme un contraste heureux avec les sons
clairs^et mordants de la trompette et du trombone.
Il est même surprenant qu'il ne soit pas encore
employé dans les orchesires, où il jouerait, bien
mieux et plus logiquement que le cornet à pistons
moderne, le rôle de cor aigu pour lequel ce dernier
instrument avait été créé.
En géuéial, le bugle, en P'rance, n'a pas la sonorité
pleine et ample qu'il devrait avoir. S'il a conservé
le caractère des sons voilés, c'est grâce aux fabri-
cants qui luf ont maintenu la perce conique et un
pavillon développé, mais les sons que l'on en tire
sont souvent maigres et creux. Cela tient à ce que,
par une fausse compréhension de l'art, que nous
avons signalée plus haut, on recherche trop l'eLl'et
dans le mérite de l'aigu. Dans ce but, on adapte une
embouchure qui manque île profondeur, de creux ou
d'ampleur du grain, croyant ainsi faciliter ce regis-
tre, mais c'est au détriment de la belle qualité des
sons. De plus, la nécessité dans laquelle se trouvent
tous ceux (|ui jouent du bugle en France, de jouer
en même temps du piston, n'est pas non plus pour
les aider à remédier à ce défaut.
Puisque le pelil bwjlc existe et qu'il est créé pour
l'aigu, que n'en use-t-on davantage'.' Et, au lieu d'a-
voir, comme dans ceitaines fani'ares, un ou deux
petits bugles avec 15 ou 20 bugles, et même beaucoup
plus, pourquoi ne pas avoir 4 ou S petits bugles? On
serait dispensé de faire monter le bugle jusqu'au
contre-»^ ou au contre-rt', comme on le fait, ce qui
n'est pas du tout dans sa nature. Gel instrument,
pour donner tout ce que l'on serait en droit d'atten-
dre de ses qualités de sonorité naturelle, ne devrait
jamais dépasser le :
[>A
qui devait être une
note exceptionnelle, de même que la et la •.
Tronipelle ù pistons'.
L'adaptationdu système des pistons à la trompette
ne fut faite en France que vers la fin de l'année 1826.
Dauverné s'exprime ainsi à ce sujet : « C'est dans les
premiers jours du mois d'octobre 1826, que le cé-
1. Autre trompette à clefs. Méthode Dadvërné, p. xw.f.O.
2. Bugle. Catat. Thibocvillë-Lamy, p. 149.
3. Méthode Dauverné, p. xxv, f. 11*. Tr. .'i deu\ pistons.
Id., ibid , f. !0. Tr.à trois pistons.
Id., ibid., f. 12. Tr. à trois cylimlres.
Id., ibid., f. 13. Tr. à trois pistons.
Autre Forme de trompette en /a.Catal. Tii.-Lamy, p. (G9.
lèbre Spontini, alors directeur général de la musique
de S. M. le roi de Prusse, adressa à M. Buiii., chef de
musique des Gardes du corps du Hoi, ainsi qu'à moi
qui faisais aussi partie de celte musique, une trom-
pette de ce nouveau système, mais qui laissait à dé-
sirer sous le rapport de la sonorité et de la justesse
dans le jeu des pistons. »
Le défaut de sa sonorité a été pendant longtemps,
même alors qu'il n'existait plus, une arme aux mains
des partisans de la routine, qui en prenaient prétexte
pour proscrire l'emploi du système des pistons, grâce
auquel les instruments de cuivre peuvent maintenant
remplir, à l'orchestre, un rôle en rapport avec la ri-
chesse de leurs timbres et les nuances de leur sono-
rité.
La trompette à pistons fit son entrée dans l'or-
chestre, en 1827, dans l'opéra de
Macbeth de M. Ciujlabd, ouvrage
qui n'eut que peu de représenta-
tions, mais elle y reparut deux ans
plus lard, en 1829, dans Guillaume
Tell, pour la marche du 3' acte;
puis dans Robert le Diable, la Juive,
les Hiii/uenots, etc., oii, l)ien sou-
vent, elle jouait les parties écrites
pour la trompette simple.
L'invention en est attribuée à
Stoëlzel, mais on cite aussi le
Silésien Rluhmel qui serait arrivé
au même résultat par des moyens
différents.
Cette différence ne pouvait résul-
ter que du nombre des pistons, ou
de l'emploi d'un des deux systè-
mes ascendant ou descendant.
On a d'abord employé le système
à deux pistons descendants qui, sur r.iiicieniie
trompette, limitait la gamme, ilans le gi'ave, au
FiG. GSl.
Trompette
k deux pistons.
taudis que, sur le cornet à pistons, il
excluait les notes
#*
T-"
=^
:iEc
Aussi, l'adjonction du '.i" pistor ne se fit pas attendre
sur la Irompette et le cornet. I.iî cor, pouvant substi-
tuer au piston la main dans le pavillon, a persisté
davantage dans le système à deux pistons descen-
dants, et il n'y a pas beaucoup d'années qu'il était
encore en usage.
Aujourd'hui le système des trois pistons descen-
dants est généralement adopté; si ce n'est au sujet
de certaines basses ou contre-basses auxquelles on a
pu adapter utilement un système mixte de quatre et
même de six pistons, les uns descendants, les autres
ascendants, et à la trompette à cinq pistons depuis
1916.
La Irompelte avait été, jusqu'ici, de tous les ins-
truments de musique, le plus réfractaire au progrès,
grâce à l'entêtement des anciens professionnels et
à leur opposition à ce que les jeunes fissent usage
(Tînstrumenls plus avantageux*; grâce surtout aux
i. Le même fait se produit de nos jours au sujet do la nouvelle
trompette à 5 pistons.
TECIIMQVE, ESTHÉTIQUE ET FÉOAOUGIE
LA TROMPETTE ET LE CORNET 1609
cornetlistes, Iransfuyes de la trompette, qui voulaieiil,
à loiit prix que le cornet conservât l'avance prise
siH' elle et la situation qu'il lui avait ravie dans les
orcheslies. Le meilleur moyen d'y parvenir était évi-
demment de refuser tout progrès au perfectionne-
ment de la trompette, et, par conséquent, de lui lais-
ser le monopole des couacs. Sachant paifaitement
qu'après l'invention des pistons, le seul moyen de se
perl'ectiormer et de mettre à profit ce système était
d'élever les tonalités fondamentales de la trompette,
ils prétendaient que seules les Irompettes basses
jouant dans l'aigu étaient de vraies trompettes.
Fio. 6S5. — Trompetlo
;i trois pisLons.
FiG. 08i!. — Trompette
à 6 pistons.
Les autres musiciens se faisaient inconsciemment
leurs complices (on trouve toujoui'S des aides volon-
taires quand il s'agit de faire de l'opposilion au pro-
giès). Il est juste d'ajouter, pour les excuser lusqu'ii
un certain point, qu'à chaque raodilication de cons-
truction de l'insrument, les déhnts sont difficiles
et que les efforts les plus intelligents ne donnent pas
imniédialeraent les résultats que comporte, en réa-
lité, la modilicalion, aussi bien du fait de la fabrica-
tion que de celui des artistes, insuflisaniment fami-
liarisés avec le nouveau sj'stème.
L'immobilité de la trompette a donc permis au cor-
net de mettre h profil, pour la remplacer, le nouveau
système des pistons, en abandonnant ses anciennes
tonalités graves pour s'élever jusqn'an.\ tons de la et
si'i^, qui l'éloignent de son origine en lui faisant perdi'e
en partie le caractère des sons voilés.
Le cornet, en effet, depuis le milieu du six» siècle,
remp'ace la trompette pour jouer les parties chro-
matiques, et même certaines parties de trompette
st»(/)/(; dans lessolosqui auraient exposé celle-ci à des
accidrnts facilement évitables avec le cornet aigu.
La trompette a donc mis, grâce à la rivalité du
cornet à pistons, près de trois quaits de siècle à
bénéficier complètement de l'invention des pistons.
Ce retard considérable sur les autres instruments à
vent a été cause de sa déchéance temporaire, prin-
cipalement dans les musiques militaires, où la partie
la plus artistique de son rôle naturel a été attribuée
au cornet ù pistons. On nn'ltait la trompette aux
mains des plus inhabiles, conformément au rôle
elTacé qu'on lui attribuait, ce qui n'était pas pour la
relever.
A I Opéra, la tiompette, n'utilisant que fort peu le
système des pistons, n'avait guèi'c à jouer que des
parties de trompette simple.
On a continué à ne l'employei' que pour les appels,
les annonces et les sonneries de guerre; à l'associer
aux timbales pour les elTets di; rythme, ou an tam-
bour et à la grosse caisse poiu' augmenter le bruit.
C'est ainsi qu'on mettait cet instrument si difficile
et d'une belle sonorité naturelle aux mains des
moins habiles cornettistes, dans les musiques mili-
taires. Nouvelle cause de défaveur pour elle et de
triomphe pour le piston.
On peut dire que, en France, la trompette doit sa
résurrection aux nations étrangères, ou plutôt, à la
musique étrangère. Il a fallu l'admission de Lohen-
ijrin à l'Opéra de Paris, pour que la trompette reprit
son essor en adoptant délinitivement et obligatoire-
ment, grâce à cette circonstance, les tonalités aiguës
pratiquées par le coinet à pistons.
C'est ainsi que la trompette s'est laissé devancer
de plus d'un demi-siècle par les autres instruments
dans la voie du progrès.
Tous les instruments à vent, et même la contre-
basse à cordes, n'ont-ils pas été profondément mo-
difiés depuis un demi-siècle, ces modifications ren-
contiant toujours de l'opposition'? La contrebasse à
i[uatre cordes a subi le reproche, au début, d'avoir
moins de son que l'ancienne à trois cordes ; d'aucuns
préféraient la tlùte en bois à la nouvelle llnte en
métal; la midtiplicitë des clefs à la clarinette, au
hautbois, an basson, trouvait des détracteurs, etc.
Mais aujourd'hui que la trompette a pris l'exten-
sion qu'elle comportait, qu'il en existe dans tous les
registres et dans tous les tons et que les trompettistes
ont acquis une habileté qui les met pleinement à la
hauteur de leur responsabilité, il est regrettable
qu'on ne restitue pas à la trompette, dans les or-
chestres, piincipalement à l'Opéra et dans les mu-
siques militaires, tout au moins les parties que les
compositeurs lui avaient destinées; car, indépen-
damment des anciens opéras de Meyeuheur, de llos-
siNi, dlL\LÉvv, etc., où les parties de trompette chro-
matiqne sont encore, actuellement, tenues également
par les pistons, des opéras pins modernes, tels que
coirx de Vi'.nnr, de Gocnod, de P.^LArjiLHE, de Rkyer,
de Massenet, etc., comporti'ut aussi des parties de
trompettes jouées également par les pistons. Cette
restitution serait d'autant plus logique et équitable
que, dans ces parties, quand il se trouve un passage
dépassant l'étendue ordinaire dans l'aigu, les cornet-
tistes se récusent en se déclarant impuissants, et re-
connaissent, pour la circonstance, que le cornet n'est
pas rme trompette; d'oral la nécessité de transporter
le passage au pupitre des trompettes.
Etendue théorique en écriture usuelle de l'ancienne trompette à pistons en ut grave
à l'octave basse de la trompette en ut moderne.
I
NotdlioTi et effet
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1610
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Toute celte étendue peut se faire entendre sur la
trompette à pistons en ul grave.
Les six notes les plus basses nécessitent une em-
bouchure de trombone.
Dans la pratique, on ne donnait à cette trompette
que l'élendue de la trompette en ut moderne :
^
Le con(re-»< élait généralement excepté, tandis qui'
le sol
-^
cessait d'iHre usité pour les tons
au-dessus de mi\^.
Tous les instruments de cuivre, quelle que soit
leur tonalité, possèdent théoriquement l'étendue de
la trompette en ut grave.
Avec le ton de sol, le plus aigu de la trompette
ancienne, ou peut faire entendre toutes les notes du
grave, même avec une embouchure de trompette.
Exemple pour confirmer la théorie, mais non
pour la pratique :
'^-
-
^
lîotescéellfs
*)
V FI i M it^ * »
Par contre, l'émission des notes les plus aigut-s
(toujours pour la théorie) esl rendue plus difficile
avec des tons plus aigus que celui d'ut.
Cetle difliculté diminue progressivement en des-
cendant jusqu'au ton de sol 8' Imissc, ton qui -n'a
jamais été utilisé, parce qu'il est impraticable pour
l'usage, mais qui existe néanmoins :
I
m
L'intervalle vide
de:P
dans la gamme
chromatique de la trompette en ut grave, comme
dans toutes les autres, ne pouvant être comblé chro-
matiqiiement ni diatoniquement avec le système
actuel des trois pistons", sépare nettement, dans le
grave, le registre praticable de celui qui, jusqu'à
nouvel ordre, n'est que théorique-.
Dans l'aigu, le registre est limité, pour la pratique,
aux forces humaines qui ne permettent guère de dé-
P^ss^f" ■ f-k [ note réelle, avec les systèmes'
modernes, quel que soit l'instrument dont on fait
usage, en exceptant la trompette en î'éaigu employée
1. Ti'. : en uL-iii. .m|t fl l'i. Calai. Th.-Lamv,|i. i69.
2. Voir la nouvollo Ironipette a ;") pistons qui supprime celle iulrr-
niption.
dans les œuvres de Bach qui la fait monter jusqu'au :
ce- qui donne
comme note
réelle.
On peut se demander pourquoi la trompette an-
cienne en ut grave descendant chromaliquement,
Ihéoiiquement, et, pouvons-nous dire, pratiquement
aussi (puisque cette limite est atteinte avec le même
instrument quand il est joué en trompette bassfT,
jusqu au
1
fr
n'a été utilisée que jusqu'à
m
comme la trompette en ut moderne qui
est une octave au dessus. C'est que cette trompette
basse était jouée avec une embouchure de trorapetle
ténor, c'est-à-dire jouée dans l'aigu.
Aussi, voyons-nous aujourd'hui les parties de trom-
pette ()(7s,se jouées par les trombonistes avec des em-
bouchures de même grandeur que celles dont ils
foni usage pour le <ro)?!bojie, seulement un peu moins
profondes et à ijrain légèrement plus petit pour élre
en rapport avec la perce du tube de la trompette
dont ils se servent et qui n'est autre, nous le répé-
tons, que notre ancienne trompeite dans son ton
A'ut, qui, du rôle de trompette aiguë (qu'elle avait),
esl descendue à celui de trompette basse (qu'elle
aurait dû toujours avoiri par le simple changement
d'embouchure et d'exéculant.
On a adapté le système des pistons, naturellement,
sur ce même instrument, au lieu de proliter de cetle
invention pour construire la trompette en ut aigu
que nous avons aujourd'hui, et qui a eu tant de peine
à se faire admettre; cependant, il est logique que,
pour jouer dans l'aigu, on lasse usage d'instruments
aigus, et que, puisque notre ancienne trompette reni-
plil à merveille te rôle de trompette basse, conforme
à sa construction, nous ayons une autre trompette
aiguë pour jouer les parties aiguës.
I.a Ironipelte en ut moderne.
Il nous parait dit'licile de donner la date exacte de ;
la première apparition des trompettes aiguës dans
les orcliestres. De même qu'à l'origine, avant l'er
ploi des métaux poui- la fabrication des instrumenls
la trompette primitive a été, selon les rirconslances,
confondiie avec le cornet, de même, les premières
trompettes aiguës, à système chromatique, pouvaient
aussi bien être prises pour des clairons, des bugles
ou des cornets que pour des trompetles. On sait que
c'est en voulant faire une trompette à clefs que ion
a donné naissance au bugle. Comme nous l'avons
déjà expliqué, l'application du système des clefs aux
instruments de cuivre aigus n'a produit que des
lypessans originalité. Le remplacement des clefs par
les pistons ou eylirulies n'a pas lait disparaître ins-
tantanément les défauts contractés avec les premiè-
res, et il s'est passé un certain temps avant que le
véritable timbre de la troni|iette ait pu être retrouvé
sur les instruments chi-omatiques aigus. C'est de
l'époque où ce résultat a été à peu prés atteint que
I
TECII.XKjVE. ESTIIliTIOVE ET PÉDAGOGIE
LA TROMPETTE ET LE CORNET 1611
FiG. oS7.
Trompottr
mnili'rne en «/,
»'|7 et hi.
nous faisons daler .ipiiroximativement les déhuls,
dans l'orchestre, de la tionipetleai(L;U('
à pistons en si i et la, puis en ut et
en rv.
Los premières trompettes aiguës à
pisloiis ont été fal)riquées vers ISîia;
mais elles ne fnrent pas goûlées, à
cause de leur sonorité sans caractère,
et leur usage se lit attendre encore
longtemps. 11 est à remarquer que,
quoiqu'elles aient été perfectionnées
depuis celte époque, les trompettes
d'Allemagne ont conservé comme un
souvenir de cette sonorité ini-claire,
mi-voilée, mais le timbre, la clarté, le
mordant et l'éclat sont des qualités
qui distinguent, de nos jours, les
trompettes fraix-aises.
La plus usitée, en France, des liom-
peltes aiguës est celle d'i(( (trompelte
en lit). Dans les autres nations, on fait
plus généralement usage des tons de
S( I' et lu, parce que le cornet en ut n'y a pas été aussi
répandu qu'en France où beaucoup de
corneltistes, du temps d'AnBAN, et sur
son conseil, l'avaient adopté, non seu-
lement pour faciliter la transposition
des parties de trompette, mais souvent
J-I^^Jtaj. encore, même pour exécuter des par-
[ 'i_> n C,. lies de cornet éci'ites pour les tons de
si . et /((, et cela dans l'intérêt de la
sûreté de l'exécution, c'est-à-dire pour
la facilité; car le timbre de cet instru-
ment par lequel on espérait mieux
remplacer la trompette, éloigne encore
^ I plus le cornet de son caractère et de
/ \ son origine.
/ \ La conquête des tonalités aiguës per-
^ \^ met aujourd'hui à la trompette de
s'acqnitler de son rôle, quelque dif-
TrompeUe '"^"'^ ^I" '' Paraisse, et de reprendre
moderne en r«, sa place usurpée par le coinet à pis-
ré i> et «/. tons. M. Teste l'a fait entendre le
premier à Paris Ayant à jouer la
partie de première trompette du Messie de Haendel,
que Lamourei'x lit exécuter au Cirque d'Été en février
1874, et dont il donna une série de représentations.
Teste fit construire, à cette occasion, une trom-
pette en ré aigu, qui, par le moyen d'un changement
de coulisse d'accord, faisant l'effet d'un curps de re-
change, se mettait en ut. Ce genre de trompette n'est
pas encore entièrement abandonné'.
Vers la même époque, (jin'nen, du Théâtre Hoyal
de la Monnaie de lirnxelles, joua également la partie
de première trompette du même ouvrage, non avec
la trompette en ré aigu, qui n'avait pas encore fait
son apparition en Belgique, mais avec celle en Si h,
beaucoup moins favorable au point de vue de la sû-
reté, pour l'exécution de l'œuvre en question.
Le succès de Teste fut considérable, et, dés ce
jour, il utilisa cette trompette, principalement dans
la tonalité iVui, et aussi dans celle de ré, à l'orchestre
des Concerts populaires de Pasdelout', le vulgarisa-
teur de la musique classique en France. La sûreté
et la précision qu il obtenait sur cette nouvelle trom-
pette lui assurèrent une telle supériorité sur tous ses
confrères des autres orchestres qu'il se vit bientôt
1. Modèle dans le catalogue BessoiN.
appelé à la Société des Concerts du Con.servatoire,
comme premier trompette, où il brilla au premier
rang des solistes pendant de longues années. Peu
après son admission dans cet orchestre, que dirigeait
alors Deldevez, chef d'orchestre de l'Opéra, Teste
se vit nommer premier trompette à ce théâtre, où il
était déjà en qualité de trompette et cornet.
.Son exemple fut suivi par les trompettistes des
autres concerts sympboniques qui se créèrent par la
suite : les Concerts Colonne, puis les Concerts Lamou-
REUX. Il a, quelques années après, récollé de nou-
veaux lauriers avec ce même instrument en exécu-
tant la partie de trompette obligée de l'air de Samson
de Haendel, que Carlotta Patti vint faire entendre
aux Concerts populaires de Pasdeloup.
La mf^me exécution eut encore lieu en 1882, au
même concert, avec la même interprète; celte lois, la
partie de trompette obligée était jouée (toujours avec
la trompette en ré aigu) par l'auteur de cet article,
qui eut l'honneur d'être associé au triomphe de la
célèbre cantatrice.
Dans cet air, le point d'orgue avait été considé-
rablement développé par Ritter, aussi bien pour la
trompette que pour le chant; ajoutons que ce déve-
loppement du point d'orgue exigeait impérieusement
l'emploi d'une trompette chromatique.
A cette occasion, le Figaro faisait paraître, le
15 février IS82, sous la signature de Cli. Daucourt, un
article duquel nous extrayons les lignes suivantes :
« Tous les efîels que comporte cet air de haut style,
dont chaque note présente une difficulté à franchir,
ont été obtenus par M""" Carlotta Patti, avec l'auto-
rité d'une artiste qui possède tons les secrets de l'art
du chant. Aussi son succès a-t-il été très grand. Il est
juste d'associer à ce succès M. Franouin, qui a exé-
cuté la partie de trompette avec une étonnante sûreté
et un rare bonheur. »
L'hostilité, à l'Opéra, réunissait, contre cette nou-
velle trompette, non seulement les corneltistes qui
en prenaient ombrage par instinct de conservation,
mais aussi les trompettistes eux-mêmes qui voyaient
cette nouvelle trompette taire brèche dans la place
et menacer d'en déloger les anciennes (ce qui est un
fait accompli depuis 1891), et les cornets à pistons
(que l'on remplace par des trompettes modernes par
voie d'extinction).
Cette hostilité fut telle, de part et d'aulre, que Teste,
ayant à cœur de prouver qu'il pouvait, lui aussi, con-
tinuera jouer de l'ancienne trotnpette, revint à celle-
ci , réservant la nouvelle pour les concerts classi-
ques du dimanche, à la Société des Concerts du
Conservatoire où il l'utilisait concurremment avec
la trompette simple. De sorte que, jusqu'en 1891, on
ne s'est servi, à l'Opéra de Paris, {|ue des anciennes
trompettes, simples ou chromatiques. Auparavant,
on n'avait guère fait usage de la nouvelle trompette
en ut qu'accidentellement, notamnient,dans ^igurdAc
Ueyer, à cause de l'élévation, exceptionnelle à cette
époque, des parties de trompette de cet ouvrage;
et aussi dans d'autres opéras ou ballets nouveaux,
qui, sans être aussi aigus pour la trompette, ollraienl
néanmoins des difficultés d'exécution et des dangers
tels qu'on jugeait prudent de faire certains traits
avec la nouvelle trompette. .Mais lorsqu'on a monté
Lohengrin (en 1891), il a fallu forcément renoncera
jouer les anciennes trompettes, car on ne pouvait
en faire usage dans un opéra qui exige des change-
ments de tons (corps de rechange) excessivement
fréquents, plusieurs dans une même mesure, et
1612
ES'CVCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET OrCTIONXAllŒ OU COXSEliVATOlRIi
quelquefois un pour chaque note, c'est-à-dire sans ces-
ser de jouer, ce qui eût été al)solument impossil)le.
Uès lors, l'adoption de la trompe lie moderne qui, seule,
permettait de transposer les parties avec une facilité
relative, s'imposait. Cn de nos collègues, Lalli;ment,
persistant à von loii' jouer l'auciennelrompetle 13" trom-
pette), s'est vu intimer l'onlre d'avoir à premire la
trompette en ut moderne par Chailes Lahouheux qui
dirigeait l'exécution de cette œuvie.
Ce qui paraît étrange, c'est que ces changements
de tous paraissent n'avoir aucune raison d'être, les
parties étant écrites pour trompettes chromatiques.
On ne peut que supposer que celte façon d'écrire
pour les liompeltes a été inspirée au maître par un
facteur d'instruments en possession d'un systèmi'
spécial comme le serait la trompelte ;'i six pistons
inventée par Ad. Sax. C'est ainsi qu'a disparu tota-
lement, de l'orchestre de l'Opéra de Paris, l'ancienne
trompette.
l/usage de la trompette moderne, en l'rance, date
doue, d'après notre appréciation, de IS74'.
On ne pourrait blâmer les Ironifieltisles modernes
de l'ahandon des trompettes anciennes, lois même
que, conlrairenicnt à notre avis, il y aurait lieu de
les regretter, car, au fond, ils n'en sont pas les au-
teurs. C'est tout le monde qu'il faudrait en accuser,
nolamnienl le progrès, c'est-à-dire l'orchestration
moderne. La trompette n'avait reçu, en fait de per-
fectionnement, que l'adaptation des pistons, ce qui
lui donnait plus de ressources, mais ne facilitait nul-
lement son jeu. Celte ada[italion augmentait, au con-
traire, la difficulté au point de vue ilu mécanisme et
de l'intonation, c'est-à-dire de la précision, et auto-
risait les compositeurs à donner beaucoup plus d'ex-
tension à l'écriture. Tous les antres instruments a.
vent, étant perfectionnés dans le sens de la facilité,
de lajnslesse, etc., meltaient trop en relief les défauts
et l'aridité de la trompelte. Celait, en apparence, un
•grand avantage de ne plus èlre obligé de changer
de tons à chaque instant et de posséder loule la
gamme chromatique; mais, au point de vue de la
facilité d'exécution, nul progrès; la Irompetle de-
meurait exactement ce qu'elle était auparavant,
tant pour la difficulté de son jeu, de ses dangers de
couacs, que pour sa situation anormale de trompette
grave jouée dans l'aigu, de ((rtsse jouant les ténors.
Ajoutons que le timbre clair, incisif et très en de-
hors de la trompette supporte moins que celui des
autres instruments, les imperfections; et que lel dé-
faut dejuslesse ou d'impureté [lourra passer inaperçu
sur ces derniers, ou du moins n'être pas très choquant,
tandis que la même imprécision sera intolérable sur
la Irompetle. On sera alors convaincu du mérite 1res
réel des artistes qui ont joué passablement de ce ter-
rible instrument pendant la longue période où l'on
n'avait que la trompette ancienne (basse jouant dans
1. A part les œuvres de H\.;n et de Hakwdei, dans lesquelles on a
modernise, pour ainsi dire, l'exôcutioii des parties de Irotnpette qui
no demandent, de nos juui's, qu'une giaade force musculaire des
livres de la part des trompettes, jointe à la force pulmonaire, et
n'exigent que liés peu d'art et pas de finesse, les principales œuvres
modernes où la trompi tte joue un rôle de premier ordre et qui soi'nt
dignes d'être citées ici se rt-iluisent aux suivantes : t" Sepluor de
Ssixt-Saéns pour trompette, piano et instruntmts à cordes; S" Séré-
nade d'Alphonse bt:vtR^o^, même composition instrumentale isep-
tuor); :!• Suite en ré de Vincent d'Indv (seiHiwr pour inslrumenls à
vent); 4' Pastorale varier de Gabriel PiERNft imème composition ins-
trnmcnlale). Pour ces (Cuvres, le trompettiste, comme les autres ins-
truinenlistes.joue assis, mais nous devons mentionner (quoi qu'il soit
dit plus haut) l'air de l'oratorio de Samsn7i de Haendei-, avec accom-
pagnement de ti-ompelle obligée (le trompettiste jouant debout à côté
de la thanteusel.
l'aisu). Ou conviendra, nous l'espérons, que ces rai-
sons sont suffisantes pour en légitimer l'abandon,
ainsi que l'emploi de la trompelte modei ne.
La trompelte moderne est construite d'après les
mêmes principes que l'ancienne, avec la seule dilïé-
rence que la longufur du tube n'est que de 1 m. 314
pour la trompelte en ut, tandis qu'elle est de 1 m. 909
pour la trompette en fa. l'Ile est enseignée aujour-
d'hui dans tous les Conservatoires du monde, et
presque exclusivement. Le Conservatoire de Paris
maintient enrore l'enseignement de la trompette
ancienne avec et sans pistons, cela seulement pour
initier les élèves à toutes les trompettes qui ont
été en usage dans les orchestres, et aussi pour les
habituer à attaquer avec précision.
Pour le service des grands orchestres, c'est le ton
il'«( qui est préféré en France. A l'étranger, on se sert
généralement des tons de si j? et la, parce que la trom-
pette moderne y a succédé directement au cornet
pour l'exéculion des parties de trompette chromati-
ques et naturelles, tandis qu'en France, AiuiAN.s'elfor-
çaiit de répandre l'usage du cornet en ut (dont il a eu
l'idée le premier) pour remplacer, de plus en plus,
la trompette, a obtenu le résultat contraire en provo-
quant, malgré lui, la construction de la trompette
moderne qui, à son tour, détrône le cornet à pistons.
Les œuvres de Rach et de Haendel sont jouées,
dans tous les pays, comme il est déjà dit, avec la
trompette en re aigu.
11 devient de plus en plus indispensable aux pre-
miers trompettes d'avoir une trompette en ul pou-
vant se mettre en ré et ré[j par le moyen de corps
de rechange mobiles. Aux autres, une trompette en
ut pouvant se mettre en si'n et la parle même moyen
ou à l'aide de barillets fixes; plus une trompette
basse en ut (même tonalité fondamentale que notie
ancienne trompette à corps de rechange, c'est-à-dire
une octave au-dessous de la trompelte raoderuei,
celle-ci jouée par un tromboniste.
La trompette moderne en ut, même avec ses tons
de rechange, étant encore insuffisante pour exécuter
facilement toutes les parties de trompette ancieime,
l'auteur de cet article a imaginé un nouveau système
(syslème Mehui Kbanquin, professeur au Conserva-
toire national de musique de Paris de trompelte à
5 pistons dont on voit la description plus loin, et
qui se met instantanément, et sans cesser de jouer,
dans tous lestons utiles, grâce à l'action combinée et
facultative des 4« et .';« pistons.
Ce système, en supprimant toute limite dans le
grave comme il en est, nalurellemenl, dans l'aigu,
permet, au moyen de la transposition que tout trom-
pettiste doit, de nos jours, connaître à fond, de
jouer la trompette exclusivement dans sou ton d'ut,
ce qui donne le précieux avantage, au point de vue
de la précision et de la st'ireté, d'avoir constamment
à l'oreille l'intonation réelle de chaque note, au lieu
d'appeler ré, ou mi h, ou sol, ou de tout autre nom, la
note réelle ut; de transformer les notes difficiles,
dangereuses ou fausses en notes faciles, stlres etjustes
par le choix des nombreux doigtés que le système
permet d'appliquer a chaque note et à chaque trait.
Le système de la trompette à o pistous a été imaginé
en 1915, construit en 1910, inauguré au concours
public du Conservatoire de Paris en 1917, 1918, 1919,
1920 avec un très grand succès. Puis, en 1920, lors de
la démobilisation et du retour des anciens dans la
vie civile, une vague formidable d'opposition a arrêté
le développement de son expansion et inlimidé les
TËCHNKJVE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA TROMPETTE ET LE CORNET 1613
jeunes qui faisaient usage de cette trompette à la
satisfactiDn de tous, compositeurs, chefs d'orchestre
et pulilic. Les jeunes ont eu peui' de la mise à l'index
dont ils se sont sentis menacés de la part de leurs
aînés qui n'étaient pas munis de cet instrumeut. L'op-
position a eu moins d'influence auprès des artistes
professeurs de la province, où la nouvelle trompette
continue doiicemrnt ses progrès.
Tous les élèves qui l'ont adopté an Conservatoire
deParisont obtenu leur l"'"' prix d'excellence en deux
et trois ans d'étude. Pendant celte périodo et comme
couronnement, le dernier qui en a t'ait usage (jus-
qu'ici) au Conservai oire, M.
BiscARA, a eu l'honneur d'être,
désigné pour exécuter le mor-
ceau de concours au concours
public de la distribution des
pri.fjen t92(i (ce qui ne s'était
jamais vu pour la trompeite
depuis que le Conservatoire
existe), accompagné par l'au-
teur du morceau, Théodore
Dubois, ancien directeur du
Conservatoire, membre de
rinstilul.
IN'onvelIe li*uui|ielte
eu nt à cinq pisioiis.
Système Merri Franquin,
professeur au Conservatoire
national de musique de Paris.
Les trois pistons primitifs
sont conservés sans modilica-
lion. La nouvelle trompetle
peut donc se jouer sans faire
usage des 4' et 5= pistons.
Le i" piston, actionné par
le pouce de la main droite,
hausse d'un ton. Le 5°, ac-
tionné par le pouce de la main
FiG. 6S0. — Nouvelle
trompeite à 5 pistons.
gauche, baisse d'un ton et demi ou de deux tons
à volonté.
Klle se met dans les tons suivants :
1" en ut, ton initial, tous pistons levés;
2° en ré, le i" piston abaissé;
3" en sti), les 4* et o" pistons abaissés;
4" ensiji, les 4° et 5' pistons, la coulisse duo" tirée;
à 2 Ions par le moyen d'une crémaillère.
5" en ta, le o", sa coulisse non tirée;
6° en /ah, le 5«, sa coulisse tirée à 2 tons.
La nouvelle trompette permet de descendre chro-
niatiquement jusqu'au contre-u/ au lieu de se limiter
au /a;. Les notes dangereuses .so/;et la aigus devien-
nent les notes faciles /'a; et sol par l'abaissement du
4" pislon. Les notes ré, la, mi, d'une justesse défec-
tueuse, de même que le re h grave et le /ajf grave,
acquièrent une justesse parfaite. Tous les doigtés et
les Irilles difficiles son! simplifiés.
Tablature générale des doigtés pouvant être utili-
sés sur la trompette à 5 pistons indépendamment
du doigte de la trompette à 3 pistons qui de-
meure toujours fondamental et facultatif à par-
tir du /a # grave.
Les 4= et 5" pistons peuvent n'être employés que
pour corriger les délauts, diminuer les dangers d'ac-
cidents, simplifier les doigtés difficiles et suppléer
à l'insuffisance d'étendue dans le grave de la trom-
peite à 3 pislons. Ce dernier défaut est capital en ce
qu'il fait obstacle à l'exécution intégrale et fidèle des
parties écrites pour l'ancienne trompette qui descen-
dent jusqu'à réii dans les œuvres des anciens auteurs
classiques, et au ?ni h dans celles des modernes clas-
siques. Avec la nouvelle trompette en u( à 5 pistons,
on descend facilement jusqu'au réif et, un peu moins
facilemeiif, jusqu'aux ?■(■ h et iit.
Dans la pratique, il est préférable de se limiter au
ré Ci. En résumé, avec le nouveau système, le grave
comme l'aigu n'ont d'autres limites que celles des
facultés humaines.
Poigléa
théoriques
et pratiques
loiqtés
prauques
Dans le ton d'ut, les coulisses sont allongées ainsi :
la';i'-" de 13 à 15 mm.; la 2= de 1 à 2 mm., la 3" de
18 mm.
u
il
-9
Principaux emplois des 4° et 5" pistons.
Cette nouvelle trompette, complète à tous les
points de vue, a été précédée de la trompette à 4 pis-
tous, encore incomplète, quoique conslituant un
grandprogrès. M. FRANyt'iN en aconfié la construction
à la maison Millereau vers 1888. Après en avoir fait
usage aux coticerts Colonne et à l'Opéra, il l'a dé-
laissée parce qu'elle ne lui donnait pas une entière
satisfaction au point de vue de la sonoiité, défaut
commun à tous les nouveaux systèmes au début de
leur fabrication. Vers 1912, l'idée lui vint de faire
une nouvelle tentative et d'en proposer la construc-
tion à Lunaison JérûnieTHiBouviLLE-LAMY, qui réussit
à donner toute satisfaction.
1614
EiSCYCLOPÈDIE DE LA MVSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Néanmoins, ce nouvel iiislrumenl, tjui supprimait,
à peu pii'S, les dangers de couacs sur les notes diflî-
cilesso/if, la, ai^us, demeurait toujours impuissant â
combler le vide causé, dans le prave, par l'élévation
des tonalités des trompettes modernes. Vide préju-
diciable, comme il est dit ailleurs, à l'exécution
fidèle des parties de trompette ancienne et mo-
derne. Il fallait donc compléter ce progrès. Enfin,
les loisirs regrettables causés par la guerre ont
permis à M. Franolun de reprendre le cours de celte
étude, qui l'amena, en 1913, à la création de la Irom-
pette à 5 pistons décrite plus liant, et dont la cons-
truction a été réalisée en 191(3 par la maison citée ci-
dessus.
C'est peut-être le lieu ici, pour prouver, une fois
de plus, la nécessité d'un perléctiounenient à la
trompette moderne, de signaler le ;««h au-dessous
de la portée de la Sérénade {septuor) de M. Alphonse
DuviîRNOY, qui, contrairement à celui du Seidiior de
Saint-Saens, est une note solo, dont la transposi-
tion ferait un effet désastreux. Cependant, le hasard
veut que ce qui précède et ce qui suit cette note
permet d'allonger momentanément la coulisse du
3« piston (avecJa trompette en sii^ à 3 pistons) et de
donner ainsi le faïf (î)*(|i réel), mais c'est très diffi-
cile au 1 oint de vue de la sonorité et de la justesse,
et dangereux pour ce qui précède. C'est probable-
ment le motif qui a fait délaisser cette œuvre, qui,
cependant, pour l'intérêt de la trompette, est d'une
importance supérieure.
Notes et documents concernant les tonalités des trompettes d'harmonie pour la défense
de l'enseignement de la trompette moderne. Toniques à deux octaves de la fondamentale.
De la trompi.lte ancienne, de la trompette moderne, de la trompette basse,
du trombone et du cornet a pistons.
lïiusité
TROMPETTE ANCIENNE
^^Tons supplémentaires
N ou mixtes
t{,o qoz
ftf — |:jo l'o^-^ ~^J^=g»^
TROMPETTE B'ÂSSE
,>r TROMBONE
É
É
ÎTiusite
TROMPETTE MODERNE
;,„-^,„/'t>o tjo ^' ^^^=^
v& I
->-r
M
CORNET A PISTONS ANCIEN
bo
^ ' \>f> Iqo l^o i^o '-'^^
CORNET A PISTONS MODERJJE
^
*
La trompette ancienne (dite en fa) est dans la
mfime tonalité (même longueur de tube) que le
trombone. C'est une trompette basse jouée, de nos
jours, par des Iromlionisles.
Elle a été proscrite par Golon.ne et Lamoureux de
leurs concerts symphoniques vers 1880. Lamoureux
en a interdit l'usage à l'Opéra en 1891.
Elle était déjà abandonnée depuis longtemps dans
les orchestres symphoniques des pays étrangers et
dans tous les théâtres du monde entier. L'Italie a
adopté un peu plus tard la trompette moderne. La
trompette ancienne a, pour ainsi dire, totalement
disparu des musiques militaires françaises depuis
nombre d'années. Pour les mêmes raisons qiie tous
ses confrères, l'auteui' de la dernière mélhode de
trompette ancienne, parue jusqu'à ce jour, déclare
lui-même qu'il ne joue que la trompette moderne
en lit.
En France, dans la plupart des Conservatoires et
Ecoles de musique des départements, les professeurs,
comme les élèves, ignorent complètement la trom-
pette ancienne, dont ils ne possèdent aucun spécimen.
11 y a eu, et il }■ a encore, à la musique de la Carde
républicaine, un certain nombre de premiers pri.v
de trompettes en fa- l's jouent du bugle, du petit
bugle, de la trompette en ut ou du cornet à pistons,
jamais de la trompette en fa.
Sur 43 premiers prix sortis de la classe de trom-
pette, de 1896 à 1914, 13 l'ont obtenu en jouant de
la trompette en fa, et tous les autres ont appris à en
jouer, ainsi que de la trompette à corps de rechange
(trompette simple). Aucun d'eux n'a jamais joué île
la trompette ancienne dans les orchestres.
Réponses au questionnaire Gabriel Pierné eu 1900
sur les tons à employer de préférence.
M.M. Gabriel Pierné : La trompette en ut.
Paul Vidal : Trompettes modernes en ut, sauf le
cas de sonneries pittoresques.
TEClhMQIE, ESTHÉTI(JVE ET PEDAGOdlE
LA TROMPETTE ET LE CORNET 1615
Colonne : Les trompeties en al.
Chevii.l.miii : l,es Uompeltes s'écrivent mainlenanl
en ut.
Guy Uoi'AKTz : Employer les trompettes en u< aigu.
Xavier Leroux : Pour les trompettes et cornets, le
Ion A' Ht, en attendant le jour béni où tous les ins-
truments seront en ut.
P. HiLLEMACHER : Uepuis quelques années, les trom-
pettes préconisent le ton A'ut; le Conservatoire ne
s'est pas encore rendu à ce raisonnement et main-
lienl dans ses classes la Irompelte en fa.
Gabriel Parés : La 1" trompetle en ut.
Victorien Joncières : Pour les trompettes et les
cornets, le Ion d'ut.
Le Borne : Trompette en ut et piston en si\?.
Georges Hi e : Il faudrait lout écrire en ut: c'est le
ton le meilleur pour la trompette.
Georges .Marty : Celui qui donne le plus d'étendue,
en tenani compte de la facilité.
Pfeiffer : Pour les trompettes, maintenant, le
ton d'ut.
Alary : .^prés expérience comparative, a choisi la
trompette en ut.
Gaston .Serpette : Le ton d'ut me parait le meilleur.
Gabriel Marie : Pour les tionipettes, ut.
Camille Saint-Sakms : Les trompettes en ut.
La question n'a pas été adressée au trompettistes
et aux cornettistes.
Récapitulation.
LlîS COMPOSITEDRS.
Trompe
ttc
en si 'n .
2
—
en ut . .
15
—
en ré . .
1
—
en mi ■> .
5
—
en mi if.
1
—
en fil . .
4
Les cueps d orcbestri:.
Trompette en «/. . . i
— en mi t> . . l
— en ^( . . . 2
Extrait d'un article du « Figaro »•
Cet article, paru le lendemain du concours publié
en 1004-, est signé : Gabriel Faoré :
« ... Durant le concours des classes d'instruments
de cuivre qui clôturait hii r, au Conservatoire, la lon-
gue série des épreuves publiques, les seuls concur-
rents qui nous aient causé une complète satisfaction
sont ceux de la classe de trompette.
" ... J'ai dit combien s'était montrée supérieure
la classe de trompette. Uien ne saurait mieux le dé-
montrer que les cinq récompenses, soit une pour
chacun des cinq concurrents. »
(A ce concours, on n'avait joué que la trompette
en lit.)
Dans les réponses ci- dessus, celle de M. Cii. Silver
a été omise; la voici : « Malheureusement, la vraie
trompette n'existe presque plus dans nos orchestres.
Les instrumentistes se servent d'un instrument en
qu'ils appellent une trompette et qui n'est qu'une
ut sorte de cornet à pistons meilleur que l'ancien, un
peu moins vulgaire de son, mais qui ne remplacera
jamais la vraie trompetle, n'ayant ni son éclat, ni
sa l'oice, ni son étendue. »
Ti-ailé d'orchestratiois de Kcrlio/. ([i. !'.):!).
.< C'est ici le lieu de faire remarquer, au sujet des
dernières notes ctigués de ces exemples, qui toutes
liroduisent le mi'me sot
qu'elles sont
d'une émission moins chanceuse et d'une meilleure
sonorité sur les Ions liiiiila que sur les /«».■; bas. Ainsi,
si .. Iiaul du cornet en la :
b.
le la liant
du cornet en .si 7
É
et le sot haut du cor-
net en ut
sont incomparablement meil-
leurs et plus faciles à attaquer qur le fii haut du
4-
cornet en re
net en mi (i
et que le ini haut du cor-
Toutes ces notes, cepen-
dant, font entendre le même :
Cette
remarque est, d'ailleurs, applicable à tous les inslru-
raents de euivre. »
On ne saurait mieux exprimer l'utilité, nous dirions
même la nécessité de l'emploi des inslnnrrents aigus
pour jouer dans l'aigu. Ne pas oublier- surtout que
Berlioz, selon l'usage de son époque, traitait, t'orcé-
inent et à regret, le cornet comme une espèce de
trompette, et que c'est à ce point de vue ((u'il a écrit
les lignes ci-dessus, qui résument notre plaidoyer en
faveur de la trompette moderne.
En Allemagne, la trompetle, dans les grands or-
chestres, joue non seulement toutes les parties écrites
à son intention, mais même les parties de cornet des
ouvrages français; parties dont la plupart n'ont été
conliées aux cornets que pour cause d'impuissance
de la Irompelte à l'époque oii ces ouvrages ont été
composés, cai', il rr'y a pas de doirte possible, ces par-
ties sont généialement, au fond, de vraies parties de
tr-ompette.
Au srrjet d(? la r'éponse de M. Silveu, nous ferons
observer que si l'ancienne trompette a disparu des
orchestres en même temps que l'ancienne orches-
tration,c'est que, pour un nouveau genre de construc-
tion il faut généralement de nouveaux outils. La
trompette a suflisammenl souffert de la méconnais-
sance de cette vérité. Ou reste, on doit reconnaître
que l'orcheslr-ation moderne doit bien un peu sa rai-
son d'être aux modifications et perfectionnements
apportés à une foule d'instruments et particulière-
ment aux instruments à vent.
.Mais alfirmer que la trompette moderne n'a ni
l'éclat, ni la force, ni l'étendue de l'ancienne, c'est
inexact : les sons sont ditféients, il est vrai, mais non
moins éclatants et inoins clairs. Ils ont plus de mor-
dant, et la sûreté avec laquelle se font les émissions
permet aux instrumentistes d'attaquer' franchement
et de donner toute la force nécessaire, ce dont on
abuse même quelquefois. Quant à l'étendue, cette
161G
EXCyCLOPÉOIE DE LA Ml'SIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIHE
dernière objection n'a plus de raison d'être avec la
Irompelte à cinq pistons.
On était si bien habitué aux accidents Je la trom-
pette et du cor que, à l'orchestre, l'idée
de trompette était inséparable de celle
de couac. Donc un instrument avec
lequel on faisait peu ou pas de couacs ne
pouvait être une vraie trompette et ne
méritait que le nom de piston. Voilà,
en général, quel était le mobile incon-
scient de l'opinion des détracteurs de la
trompette moderne. Cependant, le cor-
net à pistons étant une espèce de trom-
pette, il n'est pas surprenant que, dans
certaines circonstances, la vraie trom-
pette ail quelques points de ressem-
blanee avec lui; mais alors, il faut ren-
verser la phrase et dire : u Le piston
ressemble à la trompette. » Du reste,
des confusions de ce genre se font aussi
au sujet d'autres catégories d'instru-
ments, par des gens insuffisamment
FiG. 690.
Chatzotzeroth
llébreu.
habitués à distinguer leur genre de sonorité et même
quelquefois par des personnes plus expérimentées.
Les premières trompettes et cornets que l'on a
fabriqués avec les métaux étaient fort courts. On
attribue au Chatzotzevoth\ au Scofar et au Keren
des Hébreux {p. 38), une longueur de tube d'environ
un mètre, et les tonalités de fa ou sol de notre dia-
pason
- l'octave haute de nos anciennes
(Voir tonalitéij
Fis. 691. — Trompettes juives, nommées Schofar, nommées
aussi Keren (corne) et Yobel (juljilalion, retentissement).
trompettes à corps de rechange.
Nous lisons, à l'appui, les lignes suivantes {Maga-
sin Pittorcsi/iie, Vivrel, p. 313) : !■ La ligure 8 représente
une trompette de cuivre conservée à la Bibliothèque
Nationale, dans le département des antiques. Cette
trompette, qui a 1 m. 17 de longueur, a été rappor-
tée de la Colchide et donnée à labibliothèque duroi,
en 1824, par Gamba, alors consul de France à Teflitz.
C'est la véritable trompette antique dont l'usage s'est
perpétué dans ce pays; le son en est très perçant et
porte à une très grande distance. » — Cette trom-
pette était exactement dans la même tonalité fonda-
mentale que notre trompette à pistons en ré aigu,
dont on fait usage aujourd'hui pour exécuter les
œuvres de Bach et de Haendel. Or, la trompette en
ut (moderne) a une longueur théorique de 1 m. 314.
Cependant, personne jusqu'ici n'a accusé la trom-
pette en ré aigu de ne pas être une trompette'. Ce
n'est pas à celle-là qu'on en veut; c'est à la trom-
pette ut, si (7 et la, celle qui dispense d'avoir recours
au cornet à pistons pour jouer les parties de trom-
pette.
Dans ce cas, la Irompetle n'aurait droit qu'aux
tonalités ci-après :
I
t,^h«l>#lprj?=
b*^:
Les tonalités de
^#
^
les plus faciles.
parce que du médium, seraient réservées exclusi-
vement au cornet à pistons. Le lecteur jugera ce
raisonnement.
Le tableau donné plus loin nous montre que les
tonalités des premières trompettes de métal étaient
plus élevées que celle de nolie trompette en rit. L'idée
vint ensuite de tirer parti des ressources qu'ollVait
le cuivre pour construire des Ironipelt'-s longues. Il
est probable que l'expression vraie tiomjjetti' date de
cette époque.
Les premières trompettes courtes en métal sont
devenues de vraies trompettis, lorsqu'on a fabriqué
tes premières trompettes longues, parvenues aussi
au rang de vraies trom ettes lors de l'invention des
systèmes chromatiques, à l'exclusion de celles aux-
quelles on adaptait ce système. Cependant, ces der-
nières sont devenues, à leur tour, de vraies trompettes
lorsque, pour mettre à profil le systèmechrouiatique,
on a construit les trompettes modernes. Il n'est pas
impossible que ces dernière , qui ont été les pre-
mières ujvties trompettes de métal, moins le système
des pistons (il y a si longtemps, qu'on l'a oublié!),
ne le redeviennent lorsqu'un nouveau progrès se sera
réalisé.
Âu.sujet de la qualification de vraie trompette, que
les adversaires de la trompette moderne voulaient ne
donnerqu'à l'ancienne trompette (simple ou .i pislons)
exelusivemerit, nous dirons qu'elle doit s'appliquer
à tous les instruments à embouchure dits de cuivre,
quels qu'ils soient, s'ils ont des sons clairs et écla-
tants, et s'ils sont construits selon le principe de la
perce cylindrique, c'est-à-dire à tontes les trom-
pettes anciennes ou nouvelles dont nous donnons la
nomenclature. Pour mieux dire, le domaine des tona-
lités de la trompette n'a pas plus de limites qui'
l'étendue du registre de ses sons, qui n'est borné lui-
même que par la limite des forces humaines dans
l'aigu et au fa'i dans le grave pour la trompette et
le cornet à 3 pistons. La trompette à K pistons sup-
prime la limite dans le grave.
H faudrait pouvoir établir une démarcation pré-
cise, dans les deux octaves de ses tonalités, entre ce
qui serait de la vraie trompette et ce qui cesserait de
l'être. L'ignorance ou la mauvaise foi prétend qu'il
faut excluie du domaine de la trompette les tona-
lités pratiquées par le cornet à pistons :
l. Rappelons ipic nous avons ailo]itt; pour prlucific <l<> ilùsigiier K's
tonalités tic la trompette, non par la fonlanionlale (le chaque ton,
mais par le i' tiarmoniqup ou son i, soit deux oclavesau-ilcssus.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA TROMPETTE ET LE CORNET 1617
,t>»bi« *
Eli deçà et au delà, on accorde que « c'est de la trom-
pette », car personne ne songe à interdire à celle-ci
les tonalités de :
-^*tl*l'* * *
dont
cornet à pistons ne fait pas usage.
Il faudrait donc, pour contenter les détracteurs de
la trompette moderne, que celle-ei s'interdise sim-
plement les tons les meilleurs, les plus naturels, les
plus logiques et les plus pratiques de l'échelle de ses
tons.
On ne doit pas condamner un instrumi-nt, ni même
s'en faire une mauvaise opinion parce qu'on l'aura
entendu rendre de mauvais sons; encore moins s'il
s'agit d'un système ou d'un type d'instrument. Il
faudrait s'assurer auparavant si l'instrument est bien
construit, ou si l'exécutant met en relief les qualités
ou seulement les défauts de cet instrument, ce qui
est souvent le cas lorsqu'il est Joué pa[' des personnes
(]iii n'en ont pas fait une étude approfondie ou qui
jouent plus souvent du cornet à pistons que de la
trompette. Celles-ci ne recherchent pas la sonorité,
mais seulement la facilité. Elles n'ont dans l'idée que
la sonorité du piston, et lorsqu'elles font choix d'une
trompette, elles donnent la préférence à celle qui
leur donne satisfaction sur ce point. La question du
choix de l'embouchure est elle-même viciée par la
même raison. Les beaux sons de la trompette sont
plus difliciles à obtenir et plus chanceux que les sons
bâtards.
Il n'est donc pas surprenant que l'on ne trouve pas
toujours les sons de la trompette satisfaisants. Mais
nous devons ajouter, pour la défense de la trompette
moderne, que tout ce qui est dit ci-dessus se rap-
porte également à la trompette ancienne.
Citons à l'appui le fait suivant : — Dans un con-
cours d'admission à l'orchestre de l'Opéra, les con-
currents jouant tous la trompette en fa, que quel-
ques-uns d'entre eux n'avaient (mi main que depuis
peu de temps, le directeur, piésident du jury, lit
celte réflexion juste au moment où celui qui fut élu
venait déjouer : « Mais ils ont tous dessous éraillés ! »
.Sur quoi le chef d'orchestre de répondre : « Oui, mais
cela disparaît à l'orchestre. )> — 11 aurait dû ajouter:
il y a une bonne raison pour cela, c'est (|u'à l'or-
chestre on ne joue pas la même trompette.
Observons, en outre, que si le cornet a eu tant de
succès autrefois, c'est qu'il évoquait le souvenir de la
trompette quand on s'est appliqué à lui en donner
les allures. C'est la preuve évidente que celle-ci n'a-
vait rien perdu, auprès du public, de la faveur dont
elle avait joui dans toute l'histoire de l'humanité
depuis l'origine de cet instrument.
C'était la trompette qu'on admirait dans le nou-
veau cornet.
L'opposition qu'il a rencontrée lui-même ;i ses pre-
miers débuts, alors qu'il était cependant un véritable
cornet, opposition qui s'est changée en engouement
desqu lia eu abandonné sa famille pour s'approcher
de celle de la trompette, était encore un hommage
indirect du public à celte dernière. °
C'est ainsi qu'.\Ki!AN a pu dire : « Le cornet a eu
des commencements plus modestes, et il n'y a pas
encore beaucoup d'années que les masses l'accueil-
laient avec une superbe indilférence, en même temps
que le bataillon sacré de .la routine contestait ses
qualités, et s'efforçait d'en proscrire l'application •
phénomène qui, d'ailleurs, ne manque jamais de se
produire, à l'origine de toute invention nouvelle si
excellente soit-elle, et dont l'apparition du saxhorn
et du saxophone, instruments plus jeunes que le cor-
net, a fourni une éclatante et nouvelle preuve. »
Mais si, au lieu de s'être laissé devancer, la trom-
pette avait adopté la première les tonalilés aiguës de
si;, et la, personne n'aurait protesté. Dans cette sup.
position, il est non moins certain que l'élévation des
tonalités du cornet venant après celle de la trompette,
l'hostilité qu'elle aurait provoquée contre le cornel'
eût été plus violente et plus irrésistible que celle
qu'a subie la trompette en itt, car elle eût été plus
logique.
Pour les partisans de l'enseignement exclusif de
l'ancienne trompette, reproduisons le passage sui-
vant du discours du ministre de l'intérieur, an \,
10 nivûse (31 décembre 1801) :
« .Mais c'est surtout par la perfection des instru-
ments que la musique moderne a fait des progrès...
car, jeunes élèves, les arts ne reconnaissent pas de
bornes; ils marchent de création en création, et
leur horizon s'agrandit à mesure qu'on avance. »
Mais ce qui est bizarre et incompréhensible, c'est
d'accepter, sans protester, les sons du cornet rem-
plaçant ceux de la trompette et de récriminer quand
celle-ci reprend possession de son rôle, sous le pré-
texte qu'elle ressemble au piston. Ce qui, en résumi-,
a de la ressemblance entre ces deux instrumenis,
c'est la rareté des couacs; or, dés qu'il y a pro-
grès, il n'en faut pas davantage pour voir sur^jir des
ennemis, et le bataillon sacré de la routine, selon l'ex-
pression d'ARBAN, ne manque jamais une occasion
de faire une levée de boucliers. Pourtant, quel ins-
trument de cuivre est plus qualilié que la trompette
pour prétendre aux tonalités aiguës que l'on veut lui
contester jusqu'à nos jours (au xx« siècle)?
Etendue de la trompette moderne (à pistons) en ut, si ; , si i., et la, et en ré i; et ré b ascendants
T^egistre
difficile eL
dangereux
rhporiq^ie
nonîmposajble
âfjire entendre?
avec le ton delà
:Thé
Etendue courante et relativement facile
I. 11 n'est plus dangereus
siir_l.T nouvelle Irompcltc à 4
ou H .ï pistons' système" SI ef fi
l'Viipii|uin,
102
iiJlS
Eyr.yCLOPÉUlE DE LA MUSIQUE ET DIC.TIOSSAIRE DU CO.VSKUVATome
Avec les tons de rechange tle si - el la, la tlifficullé,
dans l'aigu, diminue proportionnellement à l'ahais-
sementdiij ton (sauf Je sa/ if et le .la .qm demeurent
toujours danijereux), de sorte qu'on peut, avec ces
tons-la, user de l'ai^n avec plus d« liberté,, mais en
évitant toujours l'excès, c'est-à-dire la trop grande
fréquence de ces notes, surtout en valeurs Ioniques.
Le grave théorique peut se faire entendre ' .
l.es tonalités de toutes les trompettes connues,
avec leurs tons de rechange, forment la gamme chro-
maliqiie suivante :
Total 24 trompettes.
Tonalité de l'ancienne trompette à deux octaves
de la fondamentale :
Tous ces tons étaient employés à la trompette
simple. La trompette à pistous n'utilisait couram-
ment que les .tous de mih,mi :, fa, fa # et soi
Depuis 187'j environ, il avait été ajouté les Ions
supplémentaires de /n ■ et lai à l'aiau.
Tonalités des trompettes modernes :
t^^^"^ I
* * !>* -
LeSrtrompettes en wup, fa aigus, so-/ et si (vsiiraiirn s
ne [jortent pas -de ton de rcciiange.
Etendue de la trompette à pistons en fa, mi;, mih :
{^r^-^-y*"^^
^^^'4'4'~'
iTion impossibles;
L'u>age a toujours été de ne pas écxire plus bas
ni plus haut que : fcU M . Le
ton le plus grave pour lequel cet iit a été écrit, «st
celui de mi h- Or, une telle partie, destinée à être
transposée par une trompette en rit (moderne) a>Tint
les tons (le rechange de si h et la, ■est jouaWe jusqu'à
cette limite. En lasupposant écrite pour la trompette
en mib, eebte m9*e est rendue par le
■^^
de la trompette en ?a. Maiê, la transposition d'une
partie de trompette en wîU i»ar une trompette en la
offrant la difficulté d'un grand nombre d'altérations
à la clef (six g ou six h), 'l peut être préférable de
tirer la ooi*s6e.î,de™a'BièpeâiréaHseriine longueur
1. I.eton t\e sol grave n'ajimiais èlé utilisé ù l'orcbeslrc. Il n'est,
par conséquent. que tliéoriquc.
Au lieu de :
sntstiiuer:
de deux tons au lieu d'un ton et demi qu'elle possède
habitu-ellement, et de jouer la partie avec la Iroiu-
pette en si h qui n'occasionne qu'un f à la clef. L'a-
baissement simultané des trois pistons donne alors
le /rt q au lieu du /aj, ce qui, sur la trompette en si ■,
fait en
tendre le : fjQ ^
ou r :
de la trompette en mi />-.
Les compositeurs, qui écriraient pour cette an-
cienne trompette, agiront prudemment en n'usant
qu'avec ménagement des notes
surtout pour les tous au-dessus de mi'.-:
■^M
2. Oans ce cas, le doigté est niodilii' de la fa<^on suivante ilans le
registre inférieur seulement :
^ i»» #"lry-
^WTW^Yi
Malheui-eusemouL, cette sub>*tiUition de doigtés dans les registres [moyen el grave doime dos sons naturellement si faux qu'il est extrêmement
ililûcile d"y remédier d'une façon satisfaisante au moyen de l'action des lèvres sur les instruments à 3 pistons.
TECHNKJVE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA TROMPETTE ET LE CORNET UU>
Troiii|>o(tos cil r»' aigu et jtu-dcssus.
La trompette en ré aigu, indispensable pour exé-
cutof les œuvres de l'époque de Bach et de Haendkl,
peut porter les Ions de réU, ut et même si h] et sth.
Mais le ton de .st i; est rarement utile et Jamais indis-
pensable. Quant au ton de s; f», il est préférable ([u'il
soit Joué sur une trompette construite dans la tonalité
fondamentale A' ni ou di; si'<, à cause des proportions
de la perce et de la longueur des coulisses des pis-
Ions, principalement celle du i' piston, qui n'a pas
sul'lisamment de développement sur une trompette
en ré pour être accordée en ii:^. Cependant, si on ne
possède qu'une trompette en ré, on peut avoir une
cotilisse de rechange pour le 2* piston, que l'on
n'utilise qu'avec le ton de si\i, ou même avec le ton
d'il/. Cette trompette est utile à un premier trompette
pour les concerts symplioniques, et le sera proba-
blement encore davantaj^e dans l'avenir, même à
l'Opéra. La trompette en mi \t aigu
ne possède ordinairement aucun ton de rechange;
elle peut être utile dans les musiques militaires,
comme le petit bugle dont elle est à l'unisson.
Sou étendue est la même, théoriquement, que
celle des trompettes en itt et en ré :
P
^±
notes réelles
mais la difficulté d'at-
teindre l'extrême aigu est encore augmentée relati-
vement au degré d'élévation de sa construction. L'u-
sage est, comme pour le petit bugle, de rarement
dépasser le
note réelle
quoique l'aigu }' exige moins de force. Les trom-
pettes en fa et en iol aigus (chacune sans tons de
rechange) ont été construites dans le but de faciliter
davantage l'aigu dans les circonstances exception-
nelles; principalement pour ue pas avoir à dépasser
note réelle :
^ÙVlM.
Mais, à
notre avis, elles ne sont pas nécessaires, la troiii-
pette en ré aigu pour l'orchestre et celle en mi \^
pour les musiques militaires suffisant amplement à
exploiter les foires hum aines; et, les notesemployant
plusieurs pistous
■m
n'étant guère plus
dangereuses que les autres, dans un tuyau aussi
court.
Quant à la trompette en sjl, suraigu
^
dont on fait usage pour exécuter le concerto pour
trompette en fa, de Bach, nous avons déjà dit qu'elle
lie pouvait avoir aucune autre utilité, et cette utilité
même est discutable, les sons qu'elle rend étant sans
orignialité. .Son étendue est la même que celle de la
trompette en ut. Bach la fait monter Jusqu'au :
d'après l'exécution moderne. On parvient à Jouer ces
parties au moyen d'une embouchure spéciale à bas-
sin moins creux et à grain plus petit. Il n'est pas
prudent, de modilier la largeur de l'embouchure à
laquelle on est habitué, à moins de s'y préparer
longtemps à l'avance.
Tronipotte.s antiques.
Le chatzotezroth, le schofar et le Iceren des Hébreux
et des Egyptiens étaient en fa ou en sol de notre dia-
pason, c'est-à-dire dans les tonalités les plus élevées
de l'échelle de nos trompettes modernes, et ne
(levaient produire, dit-on, que les notes :
Cette appréciation a été tirée de l'étendue pratique
des trompettes anciennes à corps de rechange; mais
nous ferons observer que les trompettes primitives
sont reproduites de nos Jours, du moins celles en fa
et eu sol dont il est question ici, avec, en plus, le
système des pistons, et qu'on les lait monter, sans
trop de peine, jusqu'au
^ qui donne à
l'oreille
; selon que c'est [a trompctti'
en fa ou celle en .so/. Or, dans l'antiquité, il y avait
certainement aussi des trompettistes doués de force
de lèvres, et nul doute que ceux-ci possédaient,
comme nous, l'étendue des harmoniques :
É
ce qui, avec la trompette en sol suraigu, donnait à
l'oreille
•^^^m
un ton de moins, dans
l'aigu, que la trompette en ré employée dans les
œuvres de B.^ch telles qu'on les exécute de nos jours.
l. Erratum : I.a 3' note est u: cl flou si.
1620
ENCYCLOPÉDIE DE LA MCSIQUE ET DICTIOSSAIRE DU CONSERVATUIRE
Cependant, on ne peul rien afrirmer de préds au
su jel de la noie la plus aiguë.
Celle ivompelle devait avoir, pour être en fa, de
00 cm à 1 m. de longueur de tube effectif. Or, Dau-
VERNÉ dit: "La plupart des auteurs s'accordent a dire
que le /i/»(u,s était plus petit que la luba; il avait sur-
tout le canal plus élioil et donnait des sons clairs,
ai"us et slridenls. Celui qui est représenté sur un tom-
beau vu à Home par liartholin, parait cependant avoir
un mètre et demi deJoaf^,îmais la plupart de ceux
qu'on voit ailleurs ont à peine un demi-metre ■■
Une telle longueur de luyau donne la tonalité d'xt
ou même de ré, à l'octave au-dessus de nos Irom-
peUes en ut aigu qui mesurent 1 m. .■514, et de celles
en )•(■ .- 1 Ml. (71. Celle trompette ne pouvait pruduire
que les notes
■ ^^> '1 "°
3tes ri-elles :
-^^ -^ ^^
de notre dia-
pason, si elle était en ré. Mais il est probable que
l'on n'en tirait qu'un seul son, la note do ou ré dans
la portée, é'.aiit donné l'usage que l'on en faisait.
Registre de chaque trompette spécisilr en notes écrites :
Inusiti'i Difficile
TromiK'tte basse, à pistons, jouée par les trombonistes.
I I ^ iiifficili
l^F^i=^
ê^
^^?|E
iDifftcile
Tris
': difficile
.fa^S^f^
^k^-^^
rroiupelli' f-'u [il.
Difficile . L L-fl
Difficile
iBifficile
•i Très difficile
W^
♦ H*-
Tronîpelte en la aigu.
^
^
Wricilé
I" Très difficile
^^^.^^jfcàfe^lMl
iïir^'F^Tp^"
Trompelte en si h aigu.
I Très dii'ficile
Difficile I u ^^DA
Trompette en iil aigu.
Très difficile
Ijirficilji
Trom]>ette en ul aigu.
Hé moins eniDoins difficile
0
^'ï*
^'-^--^-n^-
•-*¥=^
U^*J"¥
['Difficile ""[Très difficile
Trompette en ré et rr -, aigu.
Trèsdifficila
ppfFpl^^
^^^
TECHNIQUE, ESTIIÈTIQVE ET PÉDAGOGIE LA TROMPETTE ET LE CORNET 1621
Tiompetle en mi j» aigu.
' Très difficile
Troinpetle en fa aigu.
:^^.4^^lt^''t'*^
:^77|7^
1 Très dirricile.
^P^^
Trompette en sol aigu et en s; j suraigu.
Très difficile
Ixcéssivemmt difiïcile
I
=,^M'^^*>"^^'^
^^î^^
'^*-^^-
'ii^'-'s^
En ce qui concerne la tfompelte,
Toutes ces notes réelles sont données par le :
depuis :
3 écrit des tons indiqués, mais seulement
b*
jusqu à :
Au dessous,
;'est-;i-dire avec lous les tons de la trompette an-
qui est plus haut d'une quinte juste, devait jouer
de :
les notes indiquées suf
cette échelle sont données par le :
écrit.
On remarquera que la trompette proprement dite,
c'est-i-dire celle jouant dans le registre aigu, com-
prend des tonalités plus basses que le trombone ténor
qui joue dans le registre grave.
Avec les tons graves, la fondamentale ne peut se
faire entendre sur la tiompelte.
Nous ferons observer, surle tableau de la page 1623,
que depuis le ton de sol et au-dessous, le plus aigu de
l'ancienne trompette, la trompette joue 'une octave
au-dessus de l'écriture, relativement aux trompettes
modernes.
Il était diflicile de comprendre que le cornet en
Sib
I
ayant à transposer une partie de
trompette ancienne en
fCit obligé
de jouer une quarte au-dessus de la notation. Ex
trompette en mi-', note écrite : fK " ^ le cornet
de même que les trompettes modernes.
La trompette, comme le cornet, complète ordi-
nairement sa dénoiuination par le nom de son ton
le plus aigu. La trompette en ut et le cornet en ut
portent les tons de si is, sib et Za. La trompette en ré
aigu, ceux de rdb et ut. La trompette et le cornet
en sib ne portent que le Ion de la.
Pistons.
Le système des pistons a été inventé par Jean-Henri
Stoëlzel, originaire de Scheibenberg, en Saxe, où il
naquit le 17 septembre 1777. Il l'appliqua d'abord
au cor, son instrument particulier. Il en conçut
l'idée, parait-il, en 1806, et ce ne fut que sept ans
après qu'il se fit entendre à Breslau, en Silésie, sur
cet instrument. Le résultat ayant été satisfaisant, il
publia sa découverte en 1814 et joua dans plusieurs
concerts. Le roi de Prusse reconnut l'importance de
cette découverte; il témoigna sa satisfaction à Stoël-
zel en l'admettant, comme premier cor, au nombre
des musiciens de la chapelle royale, et en lui accor-
dant un privilège de dix ans, dans tout le royaume,
pour la fabrication des instruments de cuivre munis
de son nouveau système.
On a fait beaucoup d'opposition à l'application de
ce système à la trompette.
Il est incomparablement plus difficile de faire
adopter une modification à un instrument ancien
que de faire bénéficier un instrument nouveau d'un
progrès accompli.
Une invention nouvelle nécessite un nouveau
type; un nouveau type n'a souvent des chances d'être
adopté que par des hommes nouveau.x. Une grande
partie des instruments de cuivre n'ont pris naissance
qu'avec et par l'invention du système des pistons. Au
sujet de ces derniers, on a trouvé tout naturel qu'ils
vinssent au monde munis du système, et nulle pro-
testation ne s'est élevée contre ce fait; mais quand il
1622
E.X(:yCLOPi:/)IE de la MUSIQI E et niCTlON.\A[UE du COSSEliVATDUŒ
TabIfiKi <les loiialitéH de In |ilnp:ii'l des iiistruiiietiiK de enivre
en désig;naul eha<iae (on pai* l'tietave redonblée dn ton fondamental
c'est-à-dire par le son 4 an lieu dn sou 1.
Sons voilés ,1e Cor
iîQi Tr.ens\bsur.3!gii\ Sons claiTS.laTrompetie
yecEnduâveuiEira *^
LpcûflE concerto pourTrA
enfa deBacH \ . longueur
ïtvënâol 1-1 \ des tuyaux
o"' s 0
\ 10 5
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA TROMPETTE ET LE CORNET 1623
Tableau cxplicalif de réci'itnrc pour les trompcllcs.
Tonalité des
corps il rechange
Trompettes sons 4-
en j _Vo
Si b sur-aigu
fonclainentâks
réeEes
SOTlsl
Kotes
écrit.e â
exécution
sol grawe
inusité
1624
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
s'est agi des instiumenls anciens, lo cor, la trom-
pette et le trombone, c'était une autre affaire; il ne
fallait pas toucher à leur manière il'ètre qui, n'ayant
jamais changé jusqu'à ce jour, devait èlre éternelle-
ment immuable et sacrée, comme tout ce qui est
ancien. Celait un sacrilège de vouloir les dénaturer
(nous appelons cela iierfeclionncr). Le système des
pistons était excellent pour tous les instruments de
cuivre, excepté pour ceux qui avaient eu le tort
d'exister avant cette invention. C'est hi même con-
tradiction qui a lieu aujourd'hui au sujet de l'élé-
vation des tonalilés de la trompette. Le cornet à pis-
tons, étant un instrument nouveau auquel le système
des pistons a donné naissance, pouvait user de tous
les avanlages des progrès de la fabrication, mais le
cor, la trompette et le trombone, instruments an-
ciens, devaient demeurer à Jamais dans leur forme,
dans leurs tonalités etdans leurs moyens mécaniques.
Voilà le raisonnement qui arrête ou ralentit toute
espèce de progrès. (Voir trompette à o pistons.)
M. Antoine Halahy adapta le système de Stoëlzel
au cornet;Ou cor de poste (en allemand Post-Ilorn),
espèce de petite trompette dont les postillons, en
Allemagne, se servaient pour annoncer le départ et
l'arrivée des voyageurs.
Les pistons, obéissant à la
simple pression des doigts, met-
tent les coulisses qu'ils action-
nent en communication avec le
luvan principal. Les pistons
l'ont ainsi baisser l'instrument,
le |iremior d'un ton, le deuxième
d'un ilemi-ton et le troisième
d'un Ion et d^'mi. Par leur em-
ploi et leurs diverses combinai-
sons, on obtient toute la gamme
cliromalique dans loule l'éten-
due de l'instrument. Nous ne
parlons ici que du système des
pistons descendants, à peu près
„ , iT seul usité pour les insirumenis
Calai. TiiiBODviLLK, de cuivre aigus. Quant au sys-
p. 170, f. 20, 23. tème des pistons ascendants,
appliqué quelquefois aux instrn-
nienls iiraves', c'est le contraire qui a lieu, le souille
suit la ligne directe, c'est-à-dire la plus courte quand
ceux-ci sont abaissés. Les tuyaux additionnels ne
sont parcoui'us que pendant que leurs pistons corres-
pondants sont levés.
Dans l'un comme dans l'autre système, chaque
piston abaissé et chaque combinaison de pistons re-
présententexactement une nouvelle trompette simple.
La trompette en itt moderne peut, comme l'ancienne,
faire oflice de trompette simple. 11 sul'fit, pour cela,
de maintenir abaissés un ou plusieurs pistons, dont
l'effet est absolument semblable à celui des corps de
rechange mobiles. L'invention du système des pis-
Mns, qui a eu de si heureuses conséquences, a, tout
• I abord, augmenté considérablement la difliculté du
yi\ de la trompette ancienne, et, de ce joui', il n'a
I .us été suffisant, pour les trompettistes, d'avoir de
linnnes lèvres et de l'oreille.
S'il avait été possible de ne faire usage que d'un
■'Mil ton, celui de fa, par exemple, il eût été préfé-
lable de donner aux notes leurs noms réels, comme
(in le fait pour le trombone qui est en sib par sa
construction, et que l'on joue cependant comme s'il
était en (//. La note produite avec la coulisse fermée
s'appelle stp, au lieu que, sur la trompette ancienne
à pistons, de même longueur de tube que le trom-
bone, et par conséquent dans la même tonalité, on
nomme cette même note à vide iil, quoiqu'elle soit,
en réalité, un si [i.
On aurait pu, dans ce cas, disons -nous, donner
aux notes leurs noms réels, au lieu dédire : do, ri', mi,
fa, sol, la, si, do, pendant que l'oreille entend fa. sol,
la, silt, do, ré, mi, fa. Cela eût diminué la difficulté
dans d'énormes proportions, mais l'obligation de
faire usage des corps de rechange rendait impos-
sible une étude différente de doigté pour chacun d'eux.
De cette complication inévitable résultait donc une
difliculté inouïe pour s'assimiler les intonations de
tous ces tons ou corps de rechange. Avec la trom-
pette en lit moderne, celte très grande difliculté est
fort atténuée, même avec ses tons de rechange,
parce que leurs tonalités ne sont jamais éloignées
les unes des auties, que leurs harmoniques pratica-
bles sont plus espacés, et que le tube est plus court,
ce qui favorise la sûreté.
On est généralement revenu aujourd'hui de l'erreur
qui consiste à croire que le système des pistons déna-
ture le son des instruments de cuivre. Cette erreur
a toujours été, comme beaucoup d'autres, répandue
et cultivée avec soin par ceux qui avaient intérêt à
la propager, et ceux qui trouvaient plus commode
de condamner un système que de l'étudier.
Un examen attentif et consciencieux convaincra
aisément qu'une simple adjonction de longueui' de
tuyau, si elle est bien faite, ne peut ni alfaiblir ni
dénaturer la sonorité.
Dans tous les cas, si le système des pistons pou-
vait porter atteinte au caractère de la sonorité, ce ne
pourrait être ù celle de la trompette ni à celle du
trombone. Les tubes supplémentaires que comporte
le système étant nécessairement à coulisse et, par
conséquent, de forme cylindrique, leur adaptation
aux instruments à perce identique ne peut apporter
aucun trouble à l'originalité de leurs sons. Si des
remarques contraires ont pu être faites, il fallait en
attribuer la cause à une fabrication défectueuse, à
un vice de l'embouchure ou à l'inhabileté des exé-
cutants.
Quant aux coudes et détours que l'emploi des pis-
tons impose au parcours du soulHe, ils peuventi
dans certains cas et dans une certaine mesure, si la
fabrication n'est pas perfectionnée, augmenter la dif-
ficulté d'émission des sons de la trompette, mais non
en dénaturer le timbre.
1. On commence à l'apjilic^uei- .mx insirumenis uigus cic|)uis (luel-
ijncs années (l!)22j.
LE CORNET
Le cornet, qui a tiré son nom de corne, Va. conservé
aussi longtemps qu'il en a imité la forme, c'est-à-
dire jusqu'au jour oii il a été remplacé par le clai-
ron, qui s'est appelé primitivement kii-mème cornet
de voltigeurs, et à qui on a maintenu une sonorité
de même nature (c'est l'instrument dont on a l'ait le
bugle en y appliquant le système chromatique).
L'histoire du cornet est tellement liée h celle de
la trompette qu'elle se confond, pour ainsi dire, avec
elle, pendant toute l'antiquité; nous pourrions même
dire jusqu'à nos jours ; car si le cornet à pistons mo-
derne date d'un peu moins d'un siècle environ, il n'a
été, au fond, qu'un ressuscité, du moins quant à son
♦
TECHNIQl'E, ESTHÉTIQUE ET PÈDACOGIE
nom, car, comme il est dit ci-dessus, il a continué, en
réalité, d'exisiei- sous le nom de clairon. Ce dernier,
ayant donné naissance au bugle par l'adaptation du
système chromatique, perpétuait la tradition de l'an-
tique corni't, lorsque le cornet à pisions moderne a
élé créé dans le but de faire suile aux tonalités
ascendantes du cor poui' le service des orchestres.
Le cornet pi imilif a élé, comme la tlùte et la trom-
pelle, le point de départ d'instiMnnents à vent sou-
vent coul'ondus sous une même dénomination. Gomme
eu.v, il a toujonis élé employé, tant dans la vie civile,
religieuse et agricole qu'à la guerre. Les rabbins
prétendent que la'première trompette, ou, plus exac-
tement, le premier cornet à bouquin, keren, fut une
des cornes du bélier immolé à Dieu par Abraham à
la place de son fils Isaac.
Le cornet a été défini de plusieurs manières selon
l'usaae auquel il a été employé. Ex. : Cornet : sorte
de petite trompe rustique ou de petit cor; — espèce
de grande llrtte d'une seule octave qui, dans les
chœurs, sert à soutenir la voi.x. — Cornet à bouquin :
instrument à vent très ancien, en bois recouvert de
Cdir, qui alfectait différentes formes; — trompe gros-
sier.: faite d'une corne de bœuf, au son de laquelle
les pâtres réunissent leurs troupeaux.
Post-Horn : cornet ou cor de poste.
Cornet de voltigeurs : instrument mililaire en
cuivre qui a été remplacé par le clairon.
Quelle que fût la dimension de la corne dont on a
fait les premiers cornets, elle était toujours relati-
vement très conique; de là, la nature des sons larges
et voilés ou sombres, caractère que l'on a conservé
aux instrumenis de cuivre de la famille du coi-.
Les sons de la trompette et du cornet, lorsqu'ils
sont dans la même tonalité, ne diffèrent qu'à cause
de la forme intérieure ou de la perce.
Leur forme extérieure n'a aucune inlluence sur la
nature du son. La dilférence de longueur du tuyau
effectif, elle- même, modille la sonorité, mais ne change
pas le caractère des sons de l'instiument; ceux-ci
sont clairs ou voilés selon que la perce est cylindrique
ou conique. C'est surtout lorsque, avec l'emploi des
métaux, on a développé la longueur du tuyau des
instruments, que la dillérence des timbres s'est aftîr-
mée. Ici le proverbe : « Les extrêmes se touchant, »
trouve son application ; c'est dans le registre médium
que les instruments de cuivre diffèrent le plus entre
eux. Ils sont la nettement séparés en deux classes
distinctes : les sons clairs et éclatants, la trompette
et le trombone d'une pai'l ; de l'autre, le cor et ses
variétés. Dans l'extrême g"ave comme dans l'extrême
aigu, ils se rapprochent de plus en plus, au point
que les oreilles insuflisammenl expérimentées les
confondent.
Cornet à pisions.
Avant de commencer cet article, nous nous deman-
dons pour quel motif le cornet a besoin, pour sa
désignation, d'un complément indirect. Pourquoi
appelle-l-on cet instrument cornet à pistons'.' >ious
voyons que l'on dit tout court, trompette, tromijone,
cor, bugle, et ainsi de tous les autres instruments.
On ne dit pas la trompette à pUtnmt, le trombone à
coulisse, le cor à pistons, le bugle â pistons; le complé-
ment ne s'ajoute que lorsqu'il s'agit de la comparai-
son entre deux systèmes : la trompette simple et la
trompette à pistons; le trombone à coulisse et le trom-
bone à pistons; le cor simple et le cor à pistons; la
LA TROMPETTE ET LE CORNET 1625
MiiliebaôSC à trois eonles et la r^iitrcbasse h (\ua.lve
cordes, etc. Mais pour le cornet qui, comme instru-
ment d'orcheslre, n'exi-le pas auliementqu'à pistons
ou à cylindres (ce qui est la même chose), on ne
compiend pas l'utilité de le spécifier. Le complément
lui est plus iiiulib' qu'aux autres instruments.
Cette unique exceplion dans la désignation des
intruments de musique ne serait-elle pas due au
fait que la sonorité du mot cornet tout court ne don-
nerait que très imparfailement l'idée des sons que
rend, de nos jours, cet instrument? Et à ce que le
complément est, en quelque sorte, devenu néces-
saire pour dissimuler, à l'oreille, l'espèce de con-
tradiction qui existe aujourd'hui entre le nom et la
chose qu'il désigne?
Depuis longlemps, on en est même arrivé à sup-
primer le nom pour ne laisser
subsister que le complément. Il
n'y a plus guère, en effet, que
dans les documents administra-
lifs où l'on dit encore : cornet
à pistons; partout ailleurs on dit:
le pistou. Le complément a pris
la place du nom.
L'invention du cornet à pis-
tons, avons-nous dit, est attri-
buée à Sloklzel, l'inventeur du
système des pistons; mais le
cornet chromatique existait déjà
sous la forme d'un bugle à
clefs, que l'on appelait cor aigu,
et qui était en si\' comme le
bugle à pistons moderne. L'ap-
plication du système des pistons a f.iil un bugle de
ce cor aigu, qui n'était antre qu'un claiioii à clefs,
et on a créé le cornet à pis-
tons.
DuFRÈNE lit entendre ce
nouveau cornet à deux pis-
tons, à Paris, en 1830, no-
tamment dans les concerts
des Cliamps-lilysées et dans
les bals. Son succès fut im-
mense, mais on s'aperçut
bientôt que cet inslrumenl
à deux pistons n'était pas
complet, et on y ajouta le
3" piston qui permettait
d'obtenir toute la gamme
chromalique.
Le nouveau cornet à pis-
tons était donc un petit cor
ou cor aigu. Sa forme même
ainsi que la nature de ses sons indiquaient son ori-
gine. Comme la trompette, il était destiné à être
joué dans son registre aigu, et il était construit
dans les mêmes tonalités. Ses tons de rechange
Fiii. an. — Bugle
à cl;.s(Dauverné
XXV, lig. 9).
FiG. 604. — Cornet
à trois pistons.
étaient ceux de
■ Vr> a — f auxquels on ajouta
bientôt les tons supplémentaires ascendants de la .,
/(( t; et si b-
Le cornet à pistons ne différait de la trompette
ancienne que par la nature des sons et par l'écriture.
Leur registre d'exécution était le môme. Théorique-
ment, la longueur de son tuyau était la même; mais
le cornet s'écrivait une octave plus haut que la trom-
1626 ENCyCLOPEDIE DE LA MISIQVE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
peLte. Ainsi Vui :
s'écrivait ainsi :
de la trompette en fa
pour le cornet en /(/,
et les demx imslruments donnaient :
note réelle. Il en est résulté que le cornet n"a pas eu
à cbanger sa manière d'écrire, en s'élevaiit dans les
tonalités de la, si'r ut, tandis que la trompette l'a
élevée d'une octave h partir de ces mêmes tonalités
et au-dessus.
ïr. en soZ : écrit :
^^ effet: ^
Tr. en ia ,
oix Cornet
écrit:
effet:
Les tons supplémentaires de la et s( [>, étant d'une
émission plus sûre, ont été peu après utilisés à l'ex-
clusion de tous les autres, si ce n'est pour l'étude.
La sonorité de ces tons, plus claire et voisine de
celle de la trompette, a bientôt l'ait oublier l'ori-
gine du cornet et le but dans lequel il avait été créé,
et on en a lait usage pour remplacer la tiompelte
dans tout ce qui était, trop diflicile ou trop dange-
reux pour elle tant qu'elle conservait ses anciennes
tonalilés graves. Etant, de ce fait, impuissante à s'ac-
quitter de son rôle, la trompette s'est vu dérober
par le cornet les parties les plus intéressantes dans
les orcbestres et les musiques militaires.
Néanmoins, pendant iO ou 50 ans, le cornet avait
conservé, comme un reste de son origine, un lien de
parenté avec le cor, fils du cornet primitif et père du
cornet à pistons tout à la fois. Les premiers artistes
qui se sont livrés à l'étude du cornet à pistons étaient
des cornistes dont quelques-uns ne cessaient pas
pour cela déjouer du cor et d'exceller sur ces deux
instruments en même temps; tels Schi.otmann, un
des plus brillants cornettistes de cette époque, qui
était premier cor solo au tbéàtre des Italiens, puis,
plus taid, premier cor solo à l'Opéra; Forestier,
premier prix de cor du Conservatoire, professeur
de la classe de cornet à pistons au Gymnase musical
militaire; Maury, premier pris d« cor, bugle solo
et sous-cbef de musique de la Garde Républicaine,
qui fut professeur de cornet à pistons au Conserva-
toire de 1874 à 1880. Bien d'autres encore, parmi les
plus renommés cornettistes, étaient des cornistes.
Les succès obtenus sur le cornet à pistons, à ses
débuts, par les cornistes précités, excitèrent les meil-
leurs des trompettistes à adopter ce nouvel instru-
ment, que le public accueillit avec enthousiasme, des
qu'il eut adopté le caractère d« la trompette, et cette
dernière fut abandonnée à son malbetneux sort.
Parmi ces trompettistes devenus, de ce fait, tronipet-
tistes-corneltistes, il faut citer : Arban, premier prix
de trompette du Conservatoire (élève de Dauvehné),
célèbre virtuose, vulgarisateur du coup de langue
composé (appelé communément : coup de langue),
professeur de la classe de cornet à pistons depuis
sa création, en 1869,. jusqu'en 1814 ; et de 1880 jusqu'à
sa mort en 1889. Ensuite, son brillant élève favori,
Chava.nne, élève à la classe de trompette de Dauver.né.
au Conservatoire, en même temps qu'à celle de
saxhorn ou bugle d'An.BAN (alors professeur de cette
classe nailitaire), qui remporta, dans la même jour-
née, en 1868, un premier prix de trompette et un
premier prix de saxhorn', et qui est devenu aussi
célèbre sur le cornet que sur la trompette.
P"oi);EsTiER, cormiste avant d'être coniettisle, diri-
geait ou aurait désiré diriger le cornet dans sa voie
naturelle. Il est facile de constater que, dans son
enseignement, il est entraîné,, à regret, vers une
orientation qu'il diésapprouve; on y trouve des
conseils qui nous confirment sa conviction et sa ten-
dance. C'est ainsi que, dan.s sa méthode, à l'article
sur la formation du son, il conseille l'emploi des tons
graves pour l'étude; il ajoute plus loin : » Enfin,
comme le son des tons aigus du cornet — celui de
si/ en particulier — est d'une aature raide et crue,
on pourra, en le reportant sur les tons graves qui
sont, au contraire, d'une aature douce, ramener le
premier, et le modifier par l'étude et l'observation,
de telle sorte qu'il acquière un charme incompa-
rable avec sa nalui-e primitive. »
Enfin, à l'article Embouchure, Forestier dit encore :
« Le cornet a, par sa nature,, une qualité de son un
peu nasale, et l'embouichure à bassin curviligae dont
on se sert généralement ne tend pas à diminuer ce
défaut. Après bien des essais, j'ai remarqué qu'une
embouchure conique, amailogne à celledes cors,, mais
légèrement creusée dans le haut du bassin,, donne
une qualité de son plus ronide et plus veloutée ; c est
la forme que j'ai adoptée et que je conseille. »
Arban, par ses brillantes qualités de virtuosité,,
jointes à son audace, a rendu le cornet populaire
dans son nouveau caractère de cornet-trompette.
Forestier, quoique grand artiste comme Arban,
mais moins audeieieux, a entraîné dans sa défaite le
véritable cornet.
Le cornet, en s'élevant daus les tonalités aiguës,
n'a pas,^ ou peu rencontré d'opposition ; tandis que la.
trompette, a qui appartenait cette évolution, qui ne
pouvait pas lui faii'e perdre son caractère et qui, au
contraire, l'affirmait iJ.e plus en plus, y a éprouvé les
plus grandes difficultés. Le motif de cette contradic-
tion se trouve dan* la: fait que le cornet antique, qui
s'était perpétué sous le nom de clairon et, en dernier
lieu, de bugle, n'avait jamais été introduit dans les
orchestres. Le nomL de cornet n'était plus appliqué,
depuis des siècles, qu'aux instruinents employés
pour les signaux.
Le cornet à pistons étant donc un instrument nou-
veau dans l'orchestre, on l'a accepté tel quel sans
protestation. Lorsque la. trompette a voulu faire la
même chose, on s'y est opposé : la place était occupée
par le conaet.
Toutes les parties jouées pan les cornets-, dans les
aaciens opéras, sont des parties écrites pourla trom-
pette. Il [i'y a que dans les opéras créés depuis le
dernier qiuart du xix,' siècle qu'ils ne jouent que les
parties indiquées pour le cornet, lorsqu'il y en a.
Cette époque coïncide avec celle de l'admission délL-
nilive de la trompette moderne à l'Opéra de Paris.
Mais auparavant, les trompettistes, eux-mêmes, se
1. Buiiie il'uiie forme spi'ciale imaginée par Sax et aflectée aujour-
d'hui à tous les instramenls de cuivre à pistons autres que les petits
cuivres ai',^us.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA TROMPETTE ET LE CORNET 1627
sont servis accidentelleinent du conift à pistous pour
exécuter certains solos considérés comme trop dan-
gereux pour l'iincifnrie trompette (ce qui prouvait
déjà la nécessité de modilier la construction de cette
dernière). Do là à écrire, pour le cornet à pistons,
les morceaux qui, par leur caractère, appartenaient;»
la trompette, il n'y avail qu'un pas; ce pas a été fran-
chi, et le cornet a accaparé de plus en plus le r61e
lie la trompette, jusqu'au jour cependant où les
compositeurs, se départant enlin de leui' modération
excessive, ont écrit au-dessus du re^;istre ordinaire.
Ce jour-là, il a bien fallu avouer que, si le cornet
à pistons avait cessé, depuis longtemps, d'être un
cornet, il n'était pas encore une trompette. Le fait
s'est produit, pour la première fois, à une répé-
tition de Siourd de Keveh à l'Opéra de Paris. Dans
cet opéra, les cornets à pistons exécutent encore ac-
tuellerjeiit les parties de trompettes chromatiques-
A la lecture de cet ouvrage, à l'orchestre, il y avait
au pupitre des trompettes chromatiques, conlié aux
pistons, une rentrée solo qui monte jusqu'au si^
(noté réeHe) de valmir longue. Cette note n'ayant pas
été atteinte, M. Heyer en demanda la raison eu
affirmant qu'elle avait été rendue ailleurs'. On lui
a alors avoué que le cornet était impuissant à rem-
placer la trompette en cette circonstance. A la répéti-
tion suivante, le passage était transféré au pupitre
des trompettes, au moyen d'un échange momentané
des parties.
A la création d'Othello, à l'Opéra de Paris, un
fait de c* iieim- s'est produit de nouveau, non au
sujet de l'aigu cette fois, mais à cause de l'ellet qui
n'était pas celui que désirait Verdi. Dans cet opéra, les
parties de trompettes du deuxième pupitre étaient
et ont toujours continué a être jouées, depuis, par
les cornets à pistons. Sur la réclamation de Verdi,
à la première répétition, on lit, à la répétition sui-
vante, un éciiaiige des parties de trompettes et de
cornets, ou plutôt, on opéra un déplacement momen-
tané des trompettistes et des cornettistes, en faisant
placer les trompettistes au pupitre affecté d'ordinaire
aux cornetlistes, et vice versa.
Abba.^ dil dans sa Méthode de cornet à pistons, au
chapitre Cornet a pistons en ut.
" Il est indispensable de jouer le cornet à pistons
en )/( et en .si; aussi bien que le cornet en siu, car
ils peuvent rendre cle très grands services dans les
orchestres, surtout quand on est appelé à jouer des
pai'ties de trompettes. Comme instrument solo, le
cornet en ul est des plus brillants, et possède un
timbre plus distingué que celui en si i. Dans les
théâtres consacrés aux représentations lyriques, on
ne saurait s'en passer, à cause des transpositions
qui y deviennent beaucoup plus faciles que sur le
cornet en sî'K et surtout, en raison de la sûreté avec
laquelle on peut atteindre les sons les plus aigus. »
Ce passage est lui nouvel hommage rendu invo-
lontairement à la trompelle en ut aigu; car si le
cornet en ut est préférable au cornet en si[>, et s'il
a un timbre plus distingué, c'est uniquement par
le motif qu'eu élevant sa tonalité il se rapproche de
plus en plus de la trompette. -ii^S
Cependant, le public, et aussi, nombre d'artistes
en étaient arrivés à une compréhension fausse du
caractère du cornet à pistons. C'est ainsi que l'on
faisait, et que l'on fait encore aujourd'hui, des ré-
1. Il faisait allusion au Théâtre de la MoaDaie à Bruxelles ou
Sigurd a été créé.
Ilexions comme celle-ci : Ce piston joue bî< n., il a les
sons clairs, sans remarquer que les jolis sons du
cornet devraient être veloutés et voilés. C'est comme
si l'on disait : ce cor a des sons de trombone, ou ce
hautbois a des sons de clarinette.
Pour arriver au résultat désiré, Abba.n' avait ima-
giné un système de cornet qui, tout eu corrigeant
les défauts de justesse, donnait à l'instrument une
étendue suflisante dans le grave pour dispenser
d'avoir recours aux tons de rechange, sauf dan»
quelques rares exceptions.
Ce nouveau système exigeait une nouvelle étude
du doigté; cet inconvénient et la mort prématurée
d'ARB.\N tirent que l'invention lut abandonnée.
(Quelques années avant sa mort, Arban exerçait
ses élèves à imiter le son de la trompette sur le cor-
net en leur faisant employer le plus de pistous pos-
sible dans Les notes tenues ou arpégées. Les notes
à vide se faisaient en abaissant deux pistons; pour
d'autres notes, qui s'obtiennent dans le doigté ordi-
naire avec un ou deux pistons, il en employait trois.
Mais, au lieu de trouver ainsi le son de la trompette,
il ne réussissait qu'à donner au cornet un son dur,
criard, creux, sans consistance, et qui le rendait
encore plus vulgaire par la raison que les coulisses
qu'actionnent les pistous étant forcément de forme
intérieure cylindrique, tandis que le cornet simple
est de perce conique, cet abus des pistons ne pou-
vait donner qu'un résultat vicieux. Il faisait perdre
ainsi, davantage encore, le son du cornet, sans trou-
ver celui de la trompette.
Il n'y a pas encore bien longtemps que les trom-
pettistes étaient considérés comme incapables de
tenir un emploi de trompette même, s'ils n'avaient
acquis auparavant une renommée comme coi'uet-
tistes. Cette anomalie venait du l'ait que, dans l'étude
de la trompette, on se bornait au genre soi-disant
trompette, comme si un instrument de musique de-
vait exclure de la pratique et surtout de l'élude un
genre quelconque. Certains examinateurs au Con-
servatoire voulaient même se montrer sévères à cet
égard. Mais, ce qu'il y avait de plus préjudiciable à
la trompette, c'est qu'elle était le seul instrument qui
fût victime de ce parti pris-.
Les bons cornettistes admis à occuper des places
de trompettes finissent quelquefois par jouer réelle-
ment bien de cet instrument, si leur organisation y
est favorable; Igs autres restent médiocres toute leur
vie, parce que leur tempérament, qui se prêtait assez
bien au jeu du cornet, est iusutfisant pour celui de
la trompette. Ces derniers ont, généralement, sur la
trompette, des sons quelquefois bruyants, mais grêles
et anémi(iues ou ternes, parce qu'ils sont obligés de
sacrifier la sonorité pour pouvoir se tirer d'all'aire
au moyen d'une embouchure et d'un instrument
construits ou choisis spécialement dans le seul but
de favoriser soit l'aigu, soit la sûreté, selon le besoin,
au détriment des autres qualités.
L'étude de la trompette renferme en elle celle du
cornet et du bugle, et en diminue sensiblement la
difficulté.
Le cornet à pistous est exclu au jourd'hui des grands
orchestres allemands. Les parties de cornets des ou-
vrages français y sont jouées par les tronipeltes, les-
quelles sont aussi prélérées pour les musiques mili-
taires, et même pour la musique de danse. Cependant,
^. l'uus les genres n'eLaient-ils pas permis au cornet à pistons,
mémo le genre trompette, puisque l'on admettait qu'il remplaçait cette
dernière?
162S
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
l'usage du cornet n'a pas totalenienl disparu en Alle-
magne. Il y est joui exclusivement en si\-' et en la:
le cornet en ut y est, pour ainsi dire, inconnu.
En Belgique, il est exclu des grands orchestres de
musique symphonique, mais il est encore employé
dans les théâtres de second ordre, dans les musiques
militaires, les fanl'ai'es et la musique de danse, où la
trompette a pourtant commencé à pénétrer de même
qu'en France. Dans ces derniers orchestres, son im-
portance décroît dejour en joui-, au lur et à mesure
des progrès de la trompette.
Jusqu'à l'époque des opéras à trois parties de
trompette, c'est-à-dire Jusqu'à la première repré-
sentation de Lolieiifirin en 1891, à l'Opéra de Paris,
li's cornets ont Joué les parties des trompettes chro-
matiques. Depuis ce. jour, le cornet n'a été considéré
comme une trompette, dans la création des opéras
nouveaux, que lorsque ces opéras comportaient
quatre parties de trompette. Mais, dans ceu.\ à trois
parties, le cornet n'était point employé; tout le
pupitre avait congé. Deux artistes du pupitre des trois
Irompelles jouaient les deu.x premières parties, ce
qui leur laissait leur roulement habituel des congés,
et un trompette externe jouait, à chaque représen-
tation, la troisième partie. Il a été l'ait, cependant,
une exception, pour la Malaclella, ballet de M. Vi-
dal. La partition comporte trois jiarties de trom-
pette, et la troisième partie est jouée par un cornet.
Dans les opéras à quatre parties de trompette, les
cornets jouaient les parties chromatiques, mais lors-
que l'opéia n'avait que deux parties de trompette,
quoique r/iromaïir/wfs, c'étaient les trompettes qui les
jouaient et qui les jouent encore.
Nous avons parlé plus haut, au sujet de Siijurd et
d'Othello, àe chasses-croisés, par ordre, opérés entre
les trompettes et les cornets, mais des échanges de
pupitres et de parties avaient déjà eu lieu volon-
tairement dans des opéras plus anciens. Hobert le
Diable, par exemple, comportait quatre parties de
trompette, dont deux simples et deux chromatiques;
mais les deux pupitres ne jouaient qu'alternative-
ment, jamais simultanément. Ainsi de Faust et
d'Alda. Or, puisqu'il n'y avait jamais à employer
que deux arti.^tes à la lois, on considérait comme
inutile d'en déranger quatre. Pour éviter cet incon-
vénient, on imagina la combinaison suivante : on se
partagea les opéras; les ti'ompettes furent chargés
de jouer intégialement Hubert le Diable, sans le
secours des cornets, sauf le duo dans les coulisses,
écrit pour deux trompettes et qui fut attribué aux
cornets. Ces derniers se cliargèi'ent aussi d'assurer
le service intégralement dans Faust et dans Aida.
Dans les Uugucnnts (quatre parties de trompette'),
on fait plusieurs fois, durant la représentation,
échange de cahier entre les deux pupitres de trom-
pettes et de cornets, afin de donner toujours aux
cornets les parties les plus chromatiques et les plus
artistiques.
Roiné'i et .Itdletle coinpoite deux parties de trom-
pette et deux de cornet. Les deux pupitres, comme
dans les opéras déjà cités, ne jouant jamais en
même temps, un autre arrangement eut lieu. 11 fut
convenu qu'un seul trompette et un seul cornet assu-
reraient ce service et joueraient les deux cahiers.
La trompette joue la partie de 1" tionipette el
celle du 2^ piston. Le coinet, la partie du I'''' piston
1. MfcVKHUKE» n'a jiiiiiais écrit qui^ pour la IrompeUe; le solo tiii
Projihrlr[l;i Marchfj d'tSacrs), que l'on croil g.»néraienient6cril jioiif
le cornel, était égalemc U destine ii ta lroni|ieLlc.
et celle de la 2' trompette. Le service est combiné
de façon que les troisièmes de chaque pupitre ne se
trouvent j^imais ensemble, afin qu'il y ait toujours au
moins un soliste sur les deux instrumentistes, l^orsque,
parmi eux, se trouvent un soliste et un troisième,
c'est le soliste qui joue, dans tout l'opéra, la pre-
mière partie de trompette et la première partie de
piston, quel que soit, d'ailleurs, l'instrument que
cet artiste ait en main. 11 est bien évident cependant
que, dans cet opéra, les parties de piston sont tout
simplement, au fond, des parties de trompette chro-
matique ivoirla marche, principalement).
Dans Ascanio de Sainï-Saëns, ce fut une autre
combinaison. Cet opéra comporte trois parties de
trompette et trois parties de piston. De même que
dans les opéras ci-dessus, les deux pupitres ne
jouaient jamais ensemble. Pour éviter le dérange-
ment de six artistes pendant que trois pouvaient suf-
fire, au lieu que l'entente se fasse par pupitre comme
dans les autres opéras, on avait convenu que le pre-
mier trompette et le premier cornet établiraient,
entre eux deux, un roulement de service à part, et
qu'il y aurait toujours l'un deux à chaque représen-
tation.
Les second.i-pieiniers de chaque pupiti'e agissant
de même, ainsi que les troisièmes, il y avait toujours,
de cette façon, les trois exécutants exigés par la
partition. C'était un mélange de trompettes et de
cornets. Tantôt deux trompettes et un cornet, tantôt
deux cornets et une trompette. Quel que fût le pupi-
tre indiqué sur la partition, la première partie était
toujours jouée par l'instrument désigné; quant aux
autres parties, c'était variable.
Jusqu'au 23 février 1880, époque où fut créé un
emploi de troisième trompette, il y avait eu, à
l'opéra, un pupitre de deux trompettes el un autre
de trois cornets. Le troisième cornet devait jouer la
partie de seconde trompette en cas de maladie d'un
titulaire de ce pupitre. Depuis cette époque, et pen-
dant une douzaine d'aimées, les deux pupitres ont
été composés chacun également de trois titulaires,
jusqu'au jour où le troisième cornet a pris sa retraite
et où on l'a remplacé par un quatrième trompette.
Ce qui fait qu'il y a actuellement, à l'Opéra, quatre
ti-ompettes et deux cornets titulaires -.
TECHNIQUE DE LA TROIVIPETTE ET DU CORNET
Coulisses.
L'abaissement de chacun des trois pistons détourne
la colonne d'air du tuyau principal, lui fait parcourir
une longueur de tuyau supplémentaire, traverser
une seconde fois le piston, perforé à cet elfel, pour
2. AeLuellemeut (cii 1926), une nouvelle modilicalion vient d'être
opéréeâ l'Opéra de Paris ; un titulaire du pupiu-e des trompettes ayant
pris sa retraite, on a réduit les deux pupitres. Iroinpeltes et cornets à
pistous à cinq exécutants au lieu de six ; trois trompettes ne jouant
esclusivenient que les parties de trompetle et sur la trompelLc; et
deux cornets à pistous jouant les pai'lies de cornet à pislons sur' te cor-
net el, de plus, dos parties secondaires de trompette sur la trompette,
cela conformément au roulement ét.tlili viiUc les cinq arli>les pour
les congés.
On peut donc dire que, des inaintenanl, le cornet à | i>totis :i ter-
miné ^on évolution en se jetant complèlemeiit dans la tronipelle
dans la plupart des orchestres. Des e\périeiires sont l';iites en ce mo-
ment mêiue par les derniers [. artisans du cornet à pistons pour luj
conserver sa forme extérieure, tout eu iniilant la forme interieuie de
la trompette. Ainsi la lutte entre ces d-ux insli-urnenis prend fin, car
Paris, imitant les nations étrangères qui i ont devance, on ne voit
plus guère de coi-nets dans les orclieslres, nién^c secondaires.
TEC-INIQUE. ESTlIKTlnUE ET l'ÉDAGOGlE
LA TROMPETTE ET LE CORNET IG29
que le snuflle re|iremie son cours direct. Ce luyau
inoliile, replié sui Uii-mème, dont li^s deux branches
sont soudées au piston, se nomme coulisse; on l'al-
longe à volonté, selon le Ion ou corps de rechange
que l'on adapte à l'inslrumenl. La longueur variable
des coulisses est proportionnée à l'abaissement ou à
l'élévation de la tonalité fondamentale de l'instru-
ment. Klle s'augmente en raison directe de l'abaisse-
ment de cette tonalité, toutes proportions gardées.
Kxemple : si, sur une trompette ou un cornet en
lit, jouant juste avec ses coulisses fermées, nous
mettons le ton de sii{, il nous faut, pour obtenir la
justesse de toutes les notes, tirer la coulisse du
deuxième piston (qui baisse d'un demi-ton) de 1 à
2 millimètres, celle du premier piston (qui baisse
d'un ton) de 4 ou 5 miUimoIres, et celle du troi-
sième piston (qui baisse d'un ton et demi) d'un centi-
mètre environ. Si, au lieu du ton de si':, nous mettons
celui de si'i, ce sera de plus du double qu'il faudra
tirer chaque coulisse, et ainsi de suite pour chaque
ton descendant. Plus l'abaissement produit par le
ton de rechange est important, plus grand doit être
l'allongement des coulisses, relativement au degré
d'abaissement de la tonalité. Exemple : pour la
irompette en siU aigu, le premier piston a une lon-
gueur réelle de coulisse d'environ 17 cenlimélres à
l'extérieur du tube, tandis que pour la trompette en
fa, la coulisse du même piston est d'environ 23 cen-
timètres; cependant, sur l'une comme sur l'autre
Irompette, le premier piston baisse également d'un
ton. C'est pour cette cause que les notes que l'on
obtient au moyen de l'abaissement simultané de plu-
sieurs pistons sont naturellement trop hautes, parce
que l'emploi de chaque piston donne, en réalité, une
tonalité dill'érente à l'instrument. Exemple : la cou-
lisse du deuxième piston, étant accordée sur la trom-
pette en tit, baisse à peu près exactement d'un demi-
ton; mais, si cette même coulisse entre en fonction
en même temps que celle du premier piston qui met
en si[^ la trompette en ut, la coulisse du deuxième
piston n'a plus la longueur suffisante pour baisser
d'un demi-ton un instrument qui, du ton d'ut sur
lequel était accordée cette coulisse, est descendu au
Ion de Si 1 par l'effet de l'abaissement du premier
piston. D'où il résulte, disons-nous, que toutes les
notes employant plusieurs pistons sont trop hautes.
Tant qu'il ne s'agit que de deux pistons, les lèvres
exercées remédient à ce défaut, mais lorsque les
trois pistons sont abaissés simultanément, l'écart est
tellement grand que les artistes les plus habiles ne
rectitlent la justesse qu'avec les plus grandes dif-
ficultés, et en altérani, d'une façon plus ou moins
sensible, le timbre de l'instrument. Sur les instru-
ments aigus, les deux seules notes qui emploienl
obligatoirement Irois pistons sont :
sur le fa%, l'inconvénient n'est pas sensible à cause
de sa gravité qui facilite l'abaissement par les lèvres,
et dont le timbre moins clair rend les défauts moins
apparents. Il ne reste donc que l'iitif ou ri} ■• qui soit
une note réellement défectueuse, car il n'y a pus
d'autre doigté pour l'obtenir sur les trompettes à
trois pistons. On a adopté, il y a quelques années, un
anneau à la coulisse du troisième piston. On intro-
duit, dans cet anneau, le petit doigt de la main
gauche au nioven duquel on peut allonger la dite
coulisse sans cesser déjouer, et obtenir ainsi la jus-
tesse du rù n grave. Mais ce moyen ne peut s'employer
que très rarement, lorsque la note est isolée, ou dans
les mouvements lents, ou encore quand cette note
est la première ou la dernière d'une série.
Coulisse «rnocorcl.
La coulisse appelée coulisse d'accord est celle
qui fait partie de l'instrument simple (sans partici-
pation des pistons); elle sert à accorder l'instrumenl
dans ses notes harmoniques naturelles; elle est
construite de façon à laisser cà l'artiste la faculté de
l'allonger à volonté jusqu'à concur'i'ence des varia-
tions possibles du diapason dans les orchestres.
Tonalités'.
Le nom de tonalités est appliqué ici aux difïérents
tons de rechange que peuvent porter le cornet et la
trompette.
La longueur elt'ective du tube détermine la tonalité
de l'instrument. Plus le tube est court, plus l'instru-
ment est aigu.
Le cornet, qui possédait autrefois tous les tons de
ré à s( , : ^p
=^
T>-
n'a plus aujourd'hui, dans
la pratique, que ceux de ut
^^^gf
La Irompette ancienne à corps de rechange, dont
ceux en usage ont été de aol à la
'-^^
pour la trompette simple, n'employait, dans la pra-
tique, comme trompette à pistons que ceux de :
W^*M''\\''
Mais il y a aussi des trompettes aiguës et sur-
aif;;uës jusqu'en -(L [[ ; celle en ré ait:u est
principalement utile pour l'exécution des œuvres de
lUcH et de Haendel. Son emploi tend à se répandre
peu à peu dans la musi(iue moderne. Ce qui fait la
1. Pour désigne!- les tonaliti's nous employons, non la fondamen-
tale ou son I, mais la tuniqn-i ;"t i^cux Oftaves, c'est-à-dire le son i-
V.\. troniprtle anrur
ut, fondamenlal
le : ^
tromi etle moderne en uf. fcindamcn-
t.Ie
m
dpsifînnlion
1G30
EycvcLOPÉniB de là musique et dictionnaire du conservatoire
bagatelle de 24 tonalités appartenant ou ayant ap-
partenu à la trompette. Pour quiconque n'a jamais
soufflé dans un instrument de cuivre, il existe un
mo3-en simple et infaillible de se rendre compte de la
tonalité de l'instrument que l'on a en main, quel que
soit le Ion ou corps de n-clunige qui lui est adapté. 11
suffit de frapper sur l'embouchure bien à plat, avec
la paume de la main, pour entendre distinctement la
fondamentale (son 1) exacte et précise. Ex. : la trom-
pette en nt aigu donne :
- ; l'ancienne trom-
pette en ut donne : -^^
Pcpfe.
On nomme perce la forme intérieure que le facteur
donne à l'instrument, ou aux proportions du tuyau.
La perce est grosse, petite ou moyenne, cylindrique,
conique ou mixte.
C'est par la perce que l'on obtient les dilîérentes
variétés des sons. La perce conique produit les sons
voilés et doux; la perce cylindrique donne la clarté
et l'éclat.
La grosse perce, c'est-à-dire à diamètre intérieur
large, favorise l'émissi ui des notes graves et donne
la grosseur du son. La petite perce, à diamètre inté-
rieur étroit, donnant des sons d'un volume plus
réduit, est favorable au registre aigu.
On peut avoir des sons creux ou maigres avec une
grosse perce, et des sons ronds et gros avec une
petite. Cela dépend à la fois de l'eniboucbure, de la
conformation de la bouche de l'instrumentiste et de
sa manière d'émettre les sons. Les meilleures perces
sont d'un diamètre proportionné à la longueur du
tube, attendu que l'essentiel n'est pas d'avoir de gros
ou de petits sons, mais de les avoir ronds, timbrés,
beaux et expressifs, c'est-à-dire vivants. La question
du diamètre ou grosseur de la perce est donc, comme
beaucoup d'autres, non seulement une question de
construction de l'instrument, mais aussi de tempéra-
ment et de constitution de l'artiste.
Enibonchure.
L'embouchure est, sans contredit, l'un des organes
les plus importants, après l'instrument lui-même,
de tous ceux qui composent la famille des instru-
ments de cuivre; c'est l'espèce de bocal qui s'adapte
à l'instrument et qui, posé sur les lèvres, reçoit le
soufille destiné à former le son.
Klle a ordinaii^enient la forme extérieure d'une
cloche et est, elle-même, composée de quatre parties
essentielles : \° les bords; 2" le bassin; 3° le grain;
4° la queue ou canal, qui pénètre dans l'instrument
pour y conduire les vibrations formées dans le bas-
sin. Nous ne nous occuperons, tout d'abord, dans
cet article, que de l'embouchure proprement dite,
réservant chacune des parties qui la composent pour
être traitées en détail ci-après.
.Nous croyons devoir, auparavant, signaler une
erreur trop répandue, et nuisible à ceux qui étudient
un instrument de cuivre. Cette erreur consiste à
croire que les diti'érenls degrés de l'échelle des sons
s'obtiennent par une plus ou moins grande pression
de l'embouchure sur les lèvres. S'il eu était ainsi,
comment pourrait-on concevoir qu'on ait pu jouer de
l'ancienne trompette chromatique? Celle où le même
doij,'lé peut proiluire, outre la note voulue, toutes
les notes diatoniques immédiatement voisines, s'il
avait fallu donner, pour chacune d'elles, un degré de
pression dilTérent'? C'aurait été, daiis certains cas,
un mouvement de va-et-vient de la main gauche qui
aurait ressemblé, toutes proportions gardées, au ma-
niement d'une coulisse. Ces chocs, répétés fréquem-
ment sur les lèvres, quand les notes sont rapides
et arpégées, auraient t6t fait de les meurtrir et de
leur faire perdre toute souplesse et toute action à
la formation des sons. Les lèvres joueraient, dans
oe cas, un rôle passif, et se trouveraient constam-
ment entre l'enclume et le marteau. Ce ne serait
plus leui' force et leur souplesse qui assureraient la
supériorité à jouer dans l'aigu, mais la force du poi-
gnet jornle à la force des poumons. Ou devine ce que
deviendraient alors les lèvi-es, en jouant, parexemple,
la Messe en *il) mineur de Bach (Méthodf de trom-
pette moderne et de cornet à pistons, par M. FR.4NCH'rN).
Les premiers qui ont émis celte idée ne se sont pas
suffisamment observés ou n'ont pas assez réfléchi.
Leurs successeurs les ont copiés sans réfléchir davan-
tage. Dans l'émission des sons et leurs diffeients
degr-és d'élévation, ce sont précisément les lèvres
seules qui doivent agir. La main gauche doit se J
borner à tenir f'inslru nient avec fermeté, et elle doit r
remplir seulement l'office d'arc-boutant. L'appui des
lèvres sirr les bor'ds de f'embouchur-e peut varier
légèrement selon q«€ l'on joue dans l'aigu ou dans le
grave, dans la nuance piano ou forte, selon la force
d'expulsion de l'arr, à laquelle les lèvres doivent
résister pour la diriger; mais, contrairement à une
opinion (répandue, ce senties lèvres qui appuierrt sur
l'embouchure et non l'embouchure sur les lèvres. L'é-
tude bien comprise de l'nislrnnrenf consiste princi-
palement à donner aux lèvr'es la force et la sou-
plesse, afin, justement, de leur- laisser' plus de liberté
dans leur's mouvements en atténuant de plus err plus
le degré de leur appui sur les bords de l'embou-
chure.
Les instrumentistes les plus habiles sont ceux qui
appuient le moins l'embouchure sur les lèvres, et qui,
à cause de cela, obtiennent de plus beaux sons avec
moins de fatigue, les lèvres n'étant pas paralysées,
ni écr-asées ou rneurtr-ies. Les différents degrés des
sons s'obtiennent au moyeu de la tension et du rap-
prochement r-elalif des lèvres l'une vers l'autre. De
là, la nécessité, pour la main gauche qui tient l'ins-
trunient, de lui faire suivre ce mouvement pour que
le point d'appui, le soutien, de-meure toujours suffi-
sant. Pour l'émission des sons gr'aves, les lèvres se
rebichent, pénètrent davantage dans te bassin, et, à
cet effet, la main gauche est encore chargée de faire
céder- lirrslrument afin de leur laisser toute liberté.
Celte définition pouvant paraître compliquée,
hàtons-B©us 4e dire qu'elle n'est faite qu'en vue de
prévenir contre des théories er-ronées, car tous ces
mouvements sont insignifiants et se font instincti-
vemerrt. Le seul principe à observer-, et celui-ci est
capital, c'est d'appuyer le moins possible l'embou-
chni-e sur les lèvres. La pression ne doit s'opérer-
qu'en cas d'impuissance dans une exécutiorr, quand
on ne peut fair-e mieux, et jamais pendant l'é-
tude. Dauver.\é dit, darrs sa Méthode de tronifiette :
« Pour moduler les sons, on augmente ou l'on di-
TECHSIQVE, ESTHÉTIQUE ET PÊDAGOGiE
LA TROMPETTE ET LE CORNET 163I
miiine ^,'raJuellemoiil, la pression de remboiichiire et
le resserreraeiit des lèvres, suivant qu'on veut Jonnei'
un son aif,'ii ou grave; c'est donc la pression propor-
tionnelle de l'emboncliure sur les lèvres qui règle les
intervalles des tons sur la trompette. »
Dauverné a confondu, dans son interprétation,
la cause avec l'elfet. Le resserrement des lèvres ou
leur tension, c'est exact, et leur degré d'appui sur
l'embouchure s'augmente en raison directe du degré
d'élévation des sons et de leur nuance, mais non la
pression de l'embouchure. On a pris le moyen pour
ce qui n'est que la conséquence. L'expulsion de l'air
étant plus serrée et pins vigoureuse pour l'aigu que
pour le grave, les lèvres qui la dirigent exigent un
point d'appui plus solide pour empêcher la fuite
du souftle au dehors. La seule fonction de la main
gauche doit être à peu prés de maintenir à l'instru-
ment une résistance minimum de soutien, suflisante
comme point d'appui représenté par les bords de
l'embouchure; ce qui signifie que si, exceptionnel-
lement, il y a pression inévitable, elle s'exerce par
les lèvres sur l'embouchure, et non par l'embouchure
sur les lèvres, ce qui est tout à fait différent.
Arraw donne sur ce sujet, dans sa Méthode de cornet
à pistons, la définition suivante : « Pour faire sortir les
notes hautes, il est nécessaire d'opérer une certaine
pression sur les lèvres, de manière à leur donner
une tension proportionnée au degré de la note qu'on
veut obtenir. » On ne conçoit pas bien que la pres-
sion de l'embouchure sur les lèvres leur donne de la
tension ; nous sommes même persuadé, au contraire,
qu'elle l'affaiblit ou qu'elle l'annule. Puisqu'il faut
aux lèvres une tension plus ou moins forte, il est évi-
dent, si l'on tient compte de ce qu'elles s'appuient sur
les dents, qu'une pression quelconque exercée par
un objel en métal, tel que leinbouchure, et par une
surface étroite telle que les bords, au lieu d'aug-
menter cettç tension, ne peut que l'affaiblir ou la
supprimer, en interrompant la communication des
muscles de l'extérieur à l'intérieur, c'est-à-dire
avec la fraction des lèvres prisonnière dans l'em-
bouchuie. Mais il faut plutôt interpréter ladélinition
d'ARiîAN de la manière suivante : pour faire sortir les
notes hautes, il est nécessaire d'augmenter le degré
d'appui des lèvres sur l'euiboucluire, proportionni-l-
lemeul à celui de la tension plus grande des lèvres,
pour résister à la force d'expulsion de l'air.
Nous lisons, d'autre part, dans la Méthode de cor-
net il pislo7is de Forestier : ■< Le grain de l'embou-
chure ne devra pas èlre trop élroil, ni les bords trop
minces. Dans le premier cas, le son est grêle; dans
le serond, les lèvres se fatiauent promplement. » Et
plus loin, dans la même méthode, page lo : « Il faut
aussi éviter d'exercer, sur les lèvres, une trop forte
pression qui n'aurait d'autre résultat que de les
paralyser et d'empêcher le son de se produire avec
pureté. I)
Il est compréhensible que les lèvres se fatiguent
vite si c'est le degré de pression des bords sur elles
qui détermine la hauteur des sons. S'il en était ainsi,
on pourrait, sans inconvénient, exagérer la largeur
des bords; or, précisément, cette exagération aurait
pour conséquence l'obligation de faire pression;
tandis qu'avec des bords trop minces, le simple appui
des lèvres sur eux suffirait à les fatiguer hâtivement,
comme le dit Forestier (voir plus loin. Bords). Une
bonne embouchure doit être, relativement à l'instru-
ment auquel elle est adaptée, plutôt large qu'étroite.
Pour obtenir une belle sonorité, l'embouchure et l'ins-
trument doivent êlre construits d'après les mêmes
principes. Une embouchure à bassin curviligne
iidaptée à un instrument à perce conique, donne des
sons criards, secs et creux. Inversemenl, une embou-
chure à bassin conique adaptée à un instrument à
perce cylindrique donne de mauvais sons sans carac-
tère. On ne devrait jamais jouer du bugic avec une
embouchure de cornet, surtout avec celles générale-
ment en usage aujourd'hui pour c«t instrument. Une
embouchure de cornet appliquée à la trompette, ce
que nous voyons souvent faire par des cornettistes
qui veulent jouer de la trompette sans en avoir fait
une étude sérieuse, donne naturellement de mauvais
sons; mieux vaudrait encore, dans ce cas, jouer
la partie de trompette franchement avec le cornet.
Le caractère de la trompette étant l'éclat, la clarté
du timbre et la puissance, il est préférable de favo-
riser ces ([ualilés dans le choix de son embouchure
avant de s'occuper de la facilité d'émission des sons.
Le cornet à pistons moderne, qui tient le milieu
entre les sons voilés et les sons clairs, qui est moitié
bugle, moitié trompette, doit avoir une embouchure
mixte.
Attendu que l'échelle des tonalilés de la trom-
pette est excessivement étendue, et que toutes les
trompettes qui la composent dilFérent énormément
entre elles quanta la longueur du tube, à la grosseur
de la perce, au volume d'air qu'elles absorbent, etc.,
pour tous ces motifs, qui ne sont, en réalité, que la
conséquence de la longueur effective du tube, il est
indispensable, croyons-nous, d'adopter une embou-
chure, sinon pour chacune d'elles, ce qui serait
exagéré et inutile, mais pour chaque série de trom-
pettes, que nous pouvons diviser ainsi : trompette
en fa, trompette en ut, et trompette en ré, lorsque
celle-ci est employée spécialement pour les œuvres
de Rach. Total, pour les trompettistes, trois embou-
chures ne dilîérant seulement que par la forme du
bassin et le grain, et semblables (|uant aux autres
parties.
Eu principe, plus le ,tube est court, c'est-à-dire,
plus Finstrument est aigu, moins le bassin de l'em-
bouchure doit êlre profond. .\u contraire, plus l'ins-
trument est long de tube, c'est-à-dire grave par sa
construclion, plus le grain de l'embouchure doit être
éloigné des lèvres, et le bassin profond, [larce que,
pour jouer dans legrave, les lèvres pénètrentdavan-
tage dans le bassin que pour l'aigu. L'embouchure du
trombone est pUis profonde (quoique conservant, ou
devant conserver la forme curviligne qui distingue
les embouchures de (rorapettel, que celle de la trom-
pette en fa, iiii -•, etc., parce que le tronibuneioue dans
le registre grave. I.,a trompette moderne, plus courte
de tube, exige, pour tirer de cet instrument toutes les
qualités qu'il comporte, une einboiichure moins pro-
fonde que celle de la trompette en fa. La trompette
en rc aigu, utile principalement pour les oeuvres de
Bac;u, doit porter, pour cet usage spécial, une em-
bouchure encore un peu moins profonde, quoique
cette trompette ne soit qu'à un ton de dilFérence de
la trompette en ut, et que la longu&ur de leur tube
ne varie que d'environ 14 centimètres. Mais le registre
extraordinairement aigu dans lequel elle joue dans
ces occasions en fait une trompette spéciale ; l'em-
bouchure doit donc être spéciale aussi.
F,n règle générale, il faut qu'il y ait équilibre entre
les proportions de longueur du tube, de son diamè-
tre, de la profondeur et de la largeur du bassin de
l'erabouchuTe et du diamètre de son grain, etc., le
1632
EACrCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
tout combiné de façon que les sons qui en résultent
soient ronds el gias, quels que soient leur volume et
leur degré d'élévation et de puissance. Pour main-
tenir cet équilibre favorable à une belle sonorité, il
faut que toute modification à l'ini des facteurs qui
composent l'enihoucbure (lai'geui' des bords, du bas-
sin, profondeur de l'embouchure, son évasement, dia-
mètre du grain, etc.,) eiitiaine une modilîcaliou en
sens inverse à l'un ou à plusieurs des autres facteurs.
A une emboucbure large il faut un grain plus petit
ou un bassin moins profond ou moins creux, c'est-à-
dire dont le vide soit moins grand. Les bords larges
ne peuvent être bons qu'avec une embouchure à bas-
sin étroit, etc.
On ne peut fixer des dimensions précises au sujet
des dilîérentes parties qui composent l'embouchure.
Les règles que nous donnons ne sont qu'approxi-
matives, et restent soumises, pour le plus ou le
moins, à la conformation de la bouche de l'instru-
menliste et à son tempérament. Par exemple, des
lèvres épaisses, occupant plus de place dans le bassin,
nécessitent conséquemmeiit un peu plus de profon-
deur et de largeur de celui-ci que des lèvres min-
ces. Dans le premier cas, un bassin trop plat serait
trop occupé par les lèvres qui ne laisseraient pas
l'espace vide nécessaire à la formation du son. Dans
le second, avec un bassin curviligne trop profond,
les lèvres laisseraient un vide trop grand qui leur
causerait une fatigue exagérée, et les briserait.
Un instrumentiste doué d'une grande force mus-
culaire et pulmonaire peut faire usage impunément
d'une embouchure à bassin relalivenient lariie el
profond, tout en conservant la iorme curviligne
avec un gros grain, sans perdre le timbre ni l'éclat
de la trompette, mais c'est une exception. Il n'en
serait pas de même d'un instrumenlisle moins
robuste, qui épuiserait rapidement ses forces avec
une embouchure dont les dimensions seraient exa-
f-'érées.
C'est donc unequeslion assez délicate el complexe
que celle du choix d'une bonne embouchure. Il est
important que ce choix soit judicieusement fait de
bonne heure, car il serait préférable de ne plus en
changer. Cependant, l'inconvénient est moins grave
qu'on le prétend, et nous sommes persuadé par
l'expérience que lorsque l'on constate un obstacle
invincible au progrés, et que l'on s'est assuré que
cet obstacle ne vient ni de l'insuffisance ni du mau-
vais procédé de travail, on doit porter son observa-
tion sur l'emboucliure, et vérifier si elle réunit bien
toutes les conditions qui conviennent à la conforma-
tion et à la nature de l'instrumentiste.
Nous avons connu, jadis, des élèves très studieux,
bons musiciens, qui, malgré tous leurs etl'orts, sont
demeurés faibles instrumentistes, et se sont aperçus,
malheureusement trop tard, et par hasard, qur tout
le mal venait d'une embouchure non a|;ipropriée à
leur tempérament et à la conformation île leur
bouche.
L'embouchure est la partie la plus délicate, celle
qui a la plus grande part d'influence sur la destinée
d'un instrumentiste. Son importance à cet égard est
supérieure à celle de l'instrument lui-même.
Elle est elle-même un instrument. On ne saurait
apporter trop de soins à son choix.
Nous disons donc, que, contrairement aux affir-
mations de quelques artistes qui ont eu le bonheur
de réussir, au début de leurs études, à se procurer
une embouchure favorable à leur nature, on ne doit
pas hésiter à en changer toutes les fois qu'après une
observation soignée et attentive, avec des remarques
judicieuses, ou aura acquis la conviction que l'on est
fondé à le faire.
Plusieurs grands artistes de notre connaissance,
trompettistes, cornetlisteset]cornistes, en ontchangé
nombre de fois pendant leur carrière, sans que cela
ait nui à leur talent, .^joutons cependant qu'on ne
doit pas se hâter, et qu'il faut, auparavant, se rendre
bien compte si la gène qu'on éprouve n'est pas pas-
sagère et si elle ne provient pas d'une cause étrangère
(suite de surmenage, insuffisance de travail, état de
santé, etc.). Même dans un de ces cas, l'erreur serait
sans conséquence. Il est toujours temps de revenir à
la précédente embouchure : ce n'est que l'alfaire de
quelques jours pour s'y habituer à nouveau.
C'est ici le lieu de remarquer encore que, si le
principe qui consiste à obtenir les dilFérents degrés
d'élévation des sons au moyen de la pression plus
on moins forte de l'embouchure sur les lèvres était
vrai, la conséquence logique et naturelle de ce fait
serait alors l'obligation de garder à perpétuité la
même embouchure, loi's même qu'on la reconnaîtrait
défectueuse, caries fibres étant brisées par cette pres-
sion, à l'endroit précis où appuient les bords, on ne
pourrait impunément recommencer cette opération
sur un autre point; on concevrait alors que tout
changement de diamètre du bassin pourrait être dé-
sastreux. Heureusement, il n'en est pas ainsi; nous en
donnons une preuve incontestalile en disant que l'on
peut obtenir les sons de toute l'échelle, de ceux de la
l.rninpelte on dncornel.en plaçant l'instrument sur
iinu table, nu simplement sur le dos de la main, et
sans autrement toucher à l'instrument. Dans cette
expérience, il ne peut y avoir pression. 11 est vrai
aussi que les sous ainsi obtenus ne seraient pas
convenables à une exécution, mais il faut reconnaî-
tre que non seulement il n'y a pas pression, mais
qu'il manque même, dans ce cas, le point d'appui
nécessaire qui doit permettre aux lèvres de résistera
la poussée de l'air.
Nous le répétons, il est préférable, en principe,
d'adopter, pour les trompettes aiguës, une embou-
chure relativement grande, mais peu profonde, avec
un bassin de forme curviligne plus caractérisée que
pour la trompette en fn; un peu évasée, c'est-à-dire
légèrement arrondie à l'intérieur du bassin, et avec
un grain plutôt largo (pi'élroit. Par ce moyen, le
gros grain donne l'ampleur du sou ; la forme du bas-
sin donne le timbre, l'éclat et le mordant de la
trompette en facililant l'ai;ru; l'évaseinent du bassin
donne au son la rondeur que le timbre métallique
et l'éclat pourraient lui ôter. L'embouchure profonde
et conique est propre à donner les sons voilés et
doux; elle facilite l'émission des sons, diminue les
dangers de couacs, mais augmente la fatigue pour
jouer dans l'aigu, dans la nuance fortissimo; c'est
poui' ce motif que son grain doit être plus petit,
l'ampleur du son se trouvant oljtenue par la profon-
deur du bassin.
C'est une erreur très répandue de croire qu'une
embouchure petite, à bassin étroit, facilite l'aigu.
Seuls, la forme intérieure du bassin, c'est-à-dire son
peu de profondeur et le principe curviligne, combinés
avec la grosseur du grain, exercent une iniluence
à ce sujet. Quant à la largeur du bassin, elle n'a
aucun inconvénient, si, comme nous l'avons expli-
qué, il y a compensation en sens inverse sur la
profondeur.
TECHNIQUE, ESTIIÈTIorE ET PÉDAGOGIE
LA TROMPETTE ET LE CORNET 16.33
Les Jiinansioiis intérieures de l'embouchure ont
une inlluence appréciable sur le diapason de l'ins-
trument. La prol'oiideur du bassin, sa largeur ainsi
que la grosseur du grain, sont autant de causes qui
le font baisser.
Lne embouchure dont la forme intérieure n'est
pas en conformité avec celle de la perce de l'instru-
ment, non seulement dénature le son, de celui-ci, mais
elle le fausse, soit dans l'aigu, soit dans le grave.
La longueur totale d'une embouchure de trompette,
y compris la queue, peut varier de 8 à 9 centimètres
pour les trompettes anciennes. Pour les trompettes
aiguës, elle peut être réduite sans inconvénient à
7 centimètres. Pour le plus ou le moins, c'est au
fabricant d'instruments à en décider, d'après les
combinaisons qu'il a établies dans la branche d'em-
bouchure.
L'embouchure du cornet à pistons possède une
longueur totale d'environ 67 millimètres.
Le diamètre extérieur d'un bord à l'autre, pour la
trompette comme pour le cornet, est en moyenne de
26 à 27 millimètres.
Les bords.
Les bords de l'embouchure sont la partie sur la-
quelle s'appuient les lèvres. Nous avons expliqué, en
traitant de l'embouchure, la nature et le degré de cet
appui. Les bords sont larges, étroits ou moyens. Ceux
qui préconisent les bords larges se basent sur le fait
qu'ils meuririsseut moins les lèvres, et, de ce fait,
pernieltent déjouer plus longtemps.
Ils auraient raison si les divers degrés d'élévation
des sons s'obtenaient au moyen d'une plus ou moins
grande pression de l'embouchure sur les lèvres, mais
nous avons prouvé, à l'article Emboiichuri\ qu'il eu
est autrement. De plus, les bords larges emprison-
nent trop les lèvres, leur retirent leur souplesse et
exigent un appui plus fort. Ensuite, les sons obtenus
ainsi manquent en général de finesse et de netteté.
Les partisans des bords minces font valoir, avec
juste raison, que les lèvres se trouvent plus libres
dans leurs mouvements, que leur souplesse est plus
favorisée, et que les sons qui eu résultent sont meil-
leurs. Ce serait donc parlait s'il s'agissait de jouer
toujours dans le gi-ave ou le médium ; mais, pour laigu
et la force, les lèvres, plus tendui'S, s'appuyant davan-
tage sur les bords, se paralyseraient ti'op vite, surtout
dans les notes tenues avec force, si le point d'appui
était trop étroit Kestent donc les bords moyens qui
réunissent le mieux les conditions assurant l'équilibre
nécessaire à une bonne exécution.
Indépendamment de la largeur des bords, il y a
aussi la forme de leur surface. Celle-ci peut être
ronde, plate ou mixte. De même que pour la largeur,
une forme mixte est seule pratique avec une largeur
moyenne. Les bords plats paralysent l'action des
lèvres, et les bords ronds ne présentent qu'une sur-
face réelle d'appui très minime qui les rend compa-
rables aux bords minces, quelle que soit leur largeur.
Gomme eux, ils briseraient les lèvres dans l'aigu et
la force. Ils doivent présenter une surface mi-ronde,
mi-plate, c'est-à-dire avoir l'extrémité de chaque
côté légèrement arrondie, de façon qu'il n'y ait pas
d'arête, et que les lèvres puissent se mouvoir et glisser
librement.
Tous ces détails ne sont indiqués que comme règle
générale, qui peut comporter des exceptions selon
la conformation de la bouche du trompettiste. La
Copyright by Librairie Delagrave, 1935.
moyenne de la largeur des bords est de quatre milli-
mètres pour la trompette comme pour le cornet.
Dans le but d'atténuer la dureté des bords sur les
lèvres, on a inventé, il y a quelques années, des bords
en caoutchouc que l'on a fixés sur des embouchures
de métal ou de verre. Mais, à notre avis, les lèvres,
ayant besoin de liberté pour se mouvoir à l'aise, glis-
sent mieux sur une surface lisse et dure comme le
métal que sur le caoutchouc.
BstSHÎn.
On nomme bassin la cavité de la partie supérieure
de l'embouchure de forme conique, ovale ou curvi-
ligne, qui reçoit le choc de l'air expulsé par la bou-
che, et dans laquelle se formeot les ondes so:ior.-s.
Le bassin remplit la fonction la plus importante
de toutes celles qui concourent à la qualité et à l'é-
mission des sons. C'est de sa forme et de ses dimen-
sions que dépendent, en grande partie, le volume,
le timbre, la puissance, l'éclat ou la douceur, la clarté
ou le voile des sons. Il contribue puissamment à faci-
liter soit l'aigu, soit le grave.
Non plus que pour les bor.ls, nous ne pouvons
donner, pour le bassin, des dimensions exactes, puis-
qu'elles dépendent, en partie, de la conformation et
du tempérament de l'instrumentiste. Cependant, l'ex-
périence nous a démontré que la largeur moyenne
permettant de donner à la forme du bassin toutes
les qualités nécessaires à la nature des sons que
l'rnstrumenl doit produire, est, au minimum, celle
d'une pièce de 50 centimes française (environ 18 mm.),
pénétrant dans le bassin et en remplissant exacte-
ment l'orifice. C'est la largeur convenable aux lèvres
minces. Les lèvres plus fortes se trouvent très bien
d'un bassin que fermerait hermétiquement une pièce
de 10 fr. française en y pérrétrant. Certaines confor-
mations peuvent s'accommoder d'une largeur encore
[dus grande, si elles sont associées à une constitu-
tion robuste. La largeur du bassin peut donc varier
de 17 à 19 mm.
En principe, les bassins larges donnent une plus
lii-lle qrralité de son, et les lèvres y sont plus à l'aise
pour en varier les degrés par leurs mouvemenls.
Crrain.
Le grain est l'endroit précis où la cavité de l'em-
bouchure est réduite à son plus petit diamètre. Il
est ordinairement à la base même du bassin; un peu
plus ou un peu moins éloigné; il relie le bassin à la
queue qui pénètre dans la branche d'embouchure.
C'est le grain qui réunit, en les pressant, les ondes
sonores formées dans le bassin, et donne au son la
fermeté, la tension et le mordant. La grosseur ou la
maigreur des sons dépend, en partie, du diamètre
du grain, lequel est, en moyenne, de 5 millimètres,
pour la trompette comme pour le cornet.
Comme toutes les autres parties qui composent
l'embouchure, il doit être soumis à l'ensemble des
autres proportions de forme du bassin et à la lon-
gueur du tuyau effectif de l'instrumenl. Un grain
large ne peut s'appliquer logiquement à un bassin
très profond; inversement, un bassin de faible cavité
exige, comme compensation, un grain d'un diamètre
plus développé. Le plus ou moins d'évasement du
bassin doit entraîner également une modification du
grain en sens inverse.
103
1634
ENCYCLOPÉDIE DE LA MVSIQl'E ET DlCTIOSNArRE DU CONSERVATOIRE
La coiilormation, ou plutôt la force physique de
l'instrumentiste, peutpermettre ou exiger une modi-
fication à ce princip'-. Un instrumentiste doué d'une
force au-dessus de la moyenne peut et doit appli-
quer à son embouchure un grain plus développé, par
la raison que, de rai'me qu'un bassin d'une bonne
largeur, un grain phitût large qu'étroit favorise la
belle qualité des sons; mais c'est à la condition de
posséder une force physique suflisante pour utiliser
ses développements et les nourrir, si l'on peut s'ex-
primer ainsi; sinon, les sons qui en résulteraient ne
seraient que larges et gros, mais vides, creux, secs
et sans portée.
Pl;icciiieiil de l'eiiibouchare sur les lèvres.
11 y a peu de chose à dire sur la position de l'em-
bouchure sur les lèvres. Instinctivement, on la pose de
la manière la plus avantageuse. La plupart des pro-
fesseurs qui donnent des conseils à ce sujet se pren-
nent pour modèles, et, cependant, ils n'ont pris eux-
même, en général, conseil que de la nature. On doit
donc choisir, avant tout, la position la plus naturelle
et la plus favorable à l'émission des sons. Le plus
grand nombre pose l'einliouchnre un tiers sur la
lèvre supérieure et deux tiers sur la lèvre inférieure.
HorizontalemenI, elle est généralement à peu prés
placée au milieu. .Mais il y a de célèbres exceptions
qui prouvent qu'il n'y a pas de règles absolues à ce
sujet. FoBKSTiER et Arban ont été d'avis différents.
Le premier conseille la position deux tiers sur la
lèvre supérieure et un tiers sur la lèvre inférieure; le
second recommande le contraire. Chacun d'eux donne
nalurellement la préférence à la position adoptée
par lui-même.
Pour notre part, nous nous bornerons à dire que,
sans nous être laissé influencer par aucun conseil,
autre que celui de la nature, nous avons adopté la
position indiquée par Arb.a.n. Par la raison, peut-
être, que c'est la nôtre, cette position nous semble
préférable pour une conformation de bouche ordi-
naire. Il nous paraît aussi que la lèvre inférieure est
généralement plus agile et plus forte pour exécuter
les mouvements subtils et rapides qu'exigent les
divers degrés des sons. Pour ce motif, nous donne-
rions la préférence à la position qui laisse plus de
liberté d'action à cette dernière , c'est-à-dire à la
position deux tiers sur' la lèvre inférieure. Mais, nous
le répétorrs, nous n'osons en faii'e une règle absolue.
Lèvres,
Les lèvres, pour le jeu des instruments de cuivi'e,
sont à la fois, concurremment avec le souftle,ce que
l'archel et les doigts sont aux insirumenis à cordes.
Ce ri'est pas par erreur que nous disons les doigts.
En elfel, si, dans le jeu des instruments à archet, les
doigts ont une part d'iniluerrce directe sur la qualité
et l'expression des sons, ils n'en ont aucune sur les
sons de la trompette et du cornet, et leur action se
borne au fonclioimement des pistons; hors de là,
leur action est nulle.
Les lèvres constituent l'élément le plus important,
l'organe le plus précieux, et dorrt la qualité a la plus
grande intluence dans l'art de jouer de la trompelte
et du cornet.
Les lèvres sont plus ou moins douées de force et
de souplesse, et cela ne dépend ni de leur épaisseur
ni de leur finesse. Nous n'affirmerions pas que des •
lèvres minces fussent favorables au jeu des instru-
ments de basse, mais nous pouvons assurer que des
lèvres grosses ou minces peuvent être, les unes et
les autres, excellentes pour jouer de la trompette ou
du cornet.
Leurs qualités ne viennent pas de leur forme, mais
de la force des muscles de toute la face. Cette force ,
est plus ou moins naturelle et peut, dans une mesure \
importante, abréger le temps des premières études. '
Les bonnes lèvres sont celles (]ui permettent, non
seulement de jouer avec une facilité relative dans
l'aigu aussi bien que dans le grave, mais qui don-
nent à ceux qui en sont possesseurs, la faculté de
jouer longtemps sans fatigue excessive.
lutoiiation.
L'inlonation, dans la signification que nous don-
nons ici à ce mot, était, sinon la plus grande, du
moins une des principales difficultés du jeu des trom-
pettes anciennes, et notamment des trompetles chro-
matiques anciennes (voir Pistons).
Difficulté qui, si elle avait élé comprise des audi-
leurs de l'époque, aurait rendu ces derniers .peut-
être plus indulgents lorsqu'il arrivait un accident
à un trompettiste. Avec les trompettes simples, on
n'avait en main qu'un seul instrument à la fois,
instrument ingrat au point de vue des lèvres et de
leur précision; mais l'oreille pouvait, par une étude
approfondie, s'habituer aux intonations de chaque
ton ou corps de rechange. D'autant plus, qu'au moyen
de la transposition, on pouvait toujours donner aux
noies leurs noms réels, n'ayant pas à s'occuper du
doiglé. Par ce moyen, la difficulté de s'assimiler les
intonations d'une douzaine de Ions était r'emplacée
par celle, incomparablement moindre, de la transpo-
sition.
Mais, avec les tr'ompeltes à pistons, ce moyen
n'était pas applicable, ou bien il aurait entraîné l'obli-
gation d'étudier un doigté différent pour chaque ton;
ce remède eiU été pire que le mal.
.Soyons donc justes envers nos prédécesseurs; si,
de leur temps, les parties de trompettes, comme
celles des autres instruments, dans les orchestres,
étaient moins compliquées que de nos jours, les
difficullésélaienldiiréi'entes, mais toutaussi grandes,
et les accidents étaient beaucoup plus inévitables.
I.,a trompette moderne, se jouant principalement
en 7//, n'olfre pas la dilliculté d'une intonation parti-
culière. Quant à ses ton s de rechange, ils ne s'éloignent
guère du ton d'iit, et, de plus, les harmoniques utili-l
ses de ces tons aigus étant moins nombr'eux et plusl
espacés jusqu'au :
i*L.
il en résulte une plusl
grande sûreté ou pi'écision, tandis que, sur les tromi
petles chromatiques anciernies, les harmoniques sel
succédant diatoniquement commencent au :
en montant. En outre, les émissions se font avec plus
de srireté dans un tube court de trompette aiguë que
dans un tube long, jouant dans le même registre.
TECHNiniE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA TROMPETTE ET LE CORNET HiîS
Éiui.ssion.
Les émissions des sons sonl di; deux sortes : l'at-
tai|ue et la pose du son. Elles comportent chacune
de telles modifications que l'on peut passer de l'at-
taque la plus violente, la plus dure, à la pose du son
la plus moelleuse par degrés presque imperceptibles.
Le mot attaque signifie une émission brusque, plus
ou moins dure et plus ou moins violente, tandis que
l'expression poser le son indique une émission chan-
tante, c'est-à-dire plus ou moins tendre ou moelleuse,
selon le sentiment que l'on veut exprimer.
Ces deux sortes d'émission sont expliquées et étu-
•diées dans la méthode de trompette et de cornet à
pistons de Merri Franquin.
Doigté*
Le système des pistous est descendant sur la trom-
pette et le cornet; il s'indique par les numéros 1, 2, 3,
l'index étant posé sur le piston 1. Le premier baisse
d'un ton, le deuxième d'un demi-Ion, le troisième
d'un ton et demi. Par leurs combinaisons, on obtient
toute la gamme chromatique. Le système ne pouvant
baisser, en totalité, que de trois tons, la progression
descendante se limite forcément à la quinte dimi-
nuée du son 2 des harmoniques de l'instrument
simple, c'est-à-dire au :
z sur les trom ■
iJ^
peltes modernes et le cornet, et au : -*^r
1^
sur les trompettes anciennes, la fondamentale ou
son 1 n'étant usitée sur aucune espèce de trompette,
ni sur le cornet. (Voir tableau des tonalités.)
La plupart des notes, sur les trompettes anciennes,
pouvant se produire au moyen de plusieurs doigtés
dilférents, on avait (l'abord choisi le plus simple et le
plus facile. Plus tard, on modifia le doigté à l'avan-
tage de la justesse.
A l'or'igine de leur invention, on évitait l'abaisse-
ment simultané de plusieurs pistons, sauf à partir
du :
et au-dessus. C'est ainsi que :
:i^-ir^HT^
sur la trompette, se faisaient, l'une avec le preminr
piston, et l'autre avec le deuxième. Ces deux notes
sont les plus scabreuses sur les trompettes anciennes,
avec le doigté^ usuel. Elles sont plus faciles avec
l'emploi d'un seul piston; mais, faites ainsi, elles
sont trop basses, en leur qualité de septième harmo-
nique, de même'que le si'b de la trompette simple.
Les trompettistes évitaient ainsi une difficulté pour
tomber dans une autre. La nécessité de hausser les
sons par le moyen des lèvres, à moins de se résigner
à jouer faux, était une cause de couacs, tout comme
l'allongement du tube actif par l'emploi des pistons,
et encore, malgré l'etfort des lèvres, la justesse obte-
nue n'était qu'approximative, la dillicullé elles dan-
gers de couacs étant plus grands pour hausser que
pour baisser. Cet usage venait du début de l'invention
du système, alors qu'il était à deux pistons. On a
continué longtemps à employer ce doigté; on ne fai-
sait usage du troisième piston que lorsqu'on ne pou-
vait faire autrement, c'est-à-dire dans le registre
i'rave seulement
2 2 11
3 3 î 2
3
Doigté de la troiupelte moderne et da cornet.
Théorique
I 0 I I z 0
liûigté exceptionnel
Doigté usuel
Doigté de la trompette ancienne.
_, ;'-l?1-l>n^33 Q1^,„Z1120 1 1 2 0 12 0 2 1 1 2 0 2°^°%^''
^y^H-H-T^ .: M 1..,.. Il I 'ii,,L^^
Doigte exceptionnel »^ "^tt , ,"311121122.323 3 ^\ T
3 2\ 233233Î51 l i*
333 2 3 L
11 existe encore d'autres doigtés inutilisables, soit
à cause de la difficulté ou de leur manque de justesse.
C'onac (accident).
L'accident que l'on nomme vulgairement couac, si
fréquent autrefois sur la trompette et le cor, devenn
rare aujourd'hui, est le résultat d'une impréci^dn
de la tension des lèvres dans l'émission du son. Celle
imprécision est souvent causée elle-mé;ne par celle
de l'oreille ou par l'accord défectueux des conliv.ses
de l'instrument. Lue fausse position .le l'embouihure
sur les lèvres, des lèvres insuflisammnnt préparées,
provoquent aussi le couac. Plusieurs conditions
1630
EKCYCI.OPÈDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOS S'AIRE IW CONSERVATOIKE
peuvent concourir à auf^raeriter ou a diminuer .e
danser • une embouchure étroite, un ^raai petit,
une petite perce relativement à la longueur du tuyau,
un son mince ou anguleux, sont des causes qui favo-
risent cet accident.
Coup de lansue ou articulations.
L'espression usuelle coup de lamjue est inexacte.
La langue ne produit pas le son; elle précise la net-
teté des émissions et, selon sa position dans Li
bouclie, contribue à l'ampleur et à la qualité des
sons. Elle exécute les diverses articulations, mais
elle ne trappe pas. . . , ,, ,
Nous nous conformons, néanmoins, a 1 usage de
ceite appellation qui a, du moins, Tavantage de la
simplicité et qui exprime l'elfet produit sur I oreille.
11 y a deux espèces de coups de langue : le coup de
- langue simple et le cmp de langue compose
Le coup de langue simple comprend le d'Haché or-
dinaire, le staccato et le coup de langue dans le son,
ainsi nunim ■ parce que les sons sont allonges les
uns vers les autres et presque liés; on 1 appelle aussi
détaché d'ins le son, ou bien détaché.
La syllabe ta, prononcée avec plus ou moins aa
sécheresse, de dureté ou de douceur, doit èlre uni-
quement employée pour la première espèce : coup
de langue simple. ,
1 a seconde espèce, le coup d>i langue compose est
formée du coup de langue binaire et du coup detan-
que ternaire, appelés aussi, tous deux,s(acç<i/o. Cette
dernière appellation est insuffisante et impropre,
attendu que, de même que le coup de langue simple,
le coup de langue composé se fait avec plus ou moins
de sécheresse ou de lié, de dureté ou de douceur; il
comporte, comme le premier, le détache ordinaire,
le staccato, et le coup de langue dans le son ou lie
A pin Plié
Le coup de langue binaire s'obtient au moyen de la
prononciation des syllabes ta et Aa alternativement •
ta ka ta ka ta. Celte articulation permet de réaliser
une grande vélocité, du l'ail que la langue ne vient
loucher les dents que pour la syllabe la, c'est-à-dire
qu'elle ne fait qu'un seul mouvement en avant pour
la production de deux notes, la syllabe ka résullanl
presque entièrement du recul de la langue dans la
prononciation ta, à tel point qu'on est obligé de la
retenir, pour ainsi dire, pour éviter l'inégalité. Dans
son second mouvement en avant, vers les dents ,
pour la répétition de la syllabe (<i, elle prononce alors
te ta d'un seul coup. De cette alternance, résulte une
économie de temps qui se traduit par une grande
vélocité, impossible à obtenir avec le coup de langue
simple.
La syllabe ka, même isolée, produit le son, mais
elle n'est applicable qu'intercalée entre deux ta.
Exemple : ta ka ta, sinon l'émission est défectueuse;
mais, en alternant les deux syllabes, on arrive, avec
l'élude, à les rendre absolument égales, au point de
confondre le coup' de langue composé avec le coup
Je langue simple, ce qui, d'ailleurs, doit être le but
de son étude.'
Le coup de'langue composé était appelé, primiti-
vement, double et triple coup de langue, selon qu'il
était binaire ou ternaire :
~^ taka ta la ta
ta ta la ta ta lia ta
puis, staccato binaire ou ternaire.
Le coup de langue ternaire, appelé autrefois coup
de langue de trompette (on prononçait alors : ta da
ga da) estcomposé des syllabes M ou da et y», avec la
dillérence qu'au lieu d'alterner régulièrement, on
prononce deux la pour un ka : ta la ka ta ta A". La
vélocité ainsi obtenue est presque égale à celle du
coup de langue binaire. En effet, les trois syllabes la
ta ka, s'obtiennent avec une grande rapidité.
Cette articulation est appelée aujourd'hui, par
abréviation, simplement coups de langue. On dit :
tel passage ne peut s'exécuter qu'en coups de langue;
ce qui signifie que, seul, le coup de langue composé
permet d'atteindre le degré de vitesse voulue.
Respiration.
1. Nous croyons iiiulilc'ti'iippelpi- l'.iUention des élèves sur les mou-
V'ïmeiits qu'exécule la lau^'ue dans ces artii-ulalion», ces mouyements
étant eiactcnient les mêmes que pour le parler.
Expliquer tous les mouvements des organes qui
concourent à ,1a respiration serait une tâche super-
flue ici. Une preuve, entre autres, qu'une telle expli-
cation serait inutile, c'est que les professeurs qui en
ont traité, chanteurs et instrumentistes, sont, en géné-
ral, en complet désaccord entre eux. Nous ne pren-
drons parti ni pour les uns ni pour les autres, mais,
nous basant comme eux sur notre propre expérience,
nous dii'ons que, dans l'action de respirer, nous en
pensons qu'au but sans nous occuper des moyens
que la nature se charge de trouver plus sûrement
que nous ne le ferions nous-même. Nous respirons à
fond sans nous soucier si l'air que nous respirons va
dans le diaphragme ou dans les poumons.
Il nous suffit d'en emmagasiner la plus grande
quantité possible; que ce volume d'air dilate la poi-
trine ou agisse sur le diaphragme, peu importe, du
moment qu'il s'échappe nalurellement avec force,
dans l'expirai ion, sans la moindre iiression volontaire
(sauf pour le forli:isiiiio), par la seule tendance qu'ont
les organes dilatés à reprendre leur position nor-
male, les lèvres étant chargées de régler la sortie de
l'air. (.IJ^^/iorfe Eranquin.)
Beaucoup de gens croient, h tort, que le jeu des
instruments de cuivre est nuisible à la santé des
constitutions faibles. C'est là une erreur que l'expé-
rience signale tous les jours par de nombreux
exemples, car, bien des jeunes gens d'apparence ché-
tive ont vu leur tempérament se fortifier par l'usage
d'un de ces instruments. Tandis que l'effet contraire
n'a jamais été constaté. S'il est arrivé, par hasard,
quebpie accident regrettable à l'un de ces profes-
sionnels, il n'a jamais été imputable à la pratique
raisonnable du jeu de l'instiument. Comme dans
toute chose, le surmenage peut, avec le concours
d'autres circonstances malheureuses, contribuer sans
doute à altérer la santé, mais cette conséquence est
commune à tous les genres d'exercices.
Nous croyons, à ce sujet, devoir reproduire ici
l'opinion de Forestier {Méthode de cornet à pistons) :
« C'est une erreur de croire que les instruments à
vent fatiguent la poitrine : c'est là un vieux préju"é
qui a fait son temps, et les médecins reconnaissent
aujourd'hui que l'exercice de la respiration, bien
dirigé et sagement pratiqué, loin de nuire à la sarité
générale, peut au contraire développer une poitrine
faible et lui donner la force et l'énergie qui lui font
défaut. En effet, le poumon est comme un soufflet
qui injecte l'air dans le sang.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA TROMPETTE ET LE CORNET 1637
/ « L'élude ilo riiisirunient, en obligeant, h prerulre
■ de longues respiiations, donne aux nionvements tho-
(raciqiies la force et l'ampleur qui manquent anx
estomacs débiles. Kn nn mot, cette sorte de gymnas-
tique interne produit sur les organes respiratoires
i les ell'ets bienCaisants que la gymnastique usuelle
• produit sur les memlires. »
Arninre.
! 11 a loujours été d'usage de ne pas mettre d'ar-
1 mure à la clef pour les anciennes trompettes. Ce
principe était préférable par la raison que, bien son-
vent, ces parties étaient transposé.-s.dans les orches-
tres, au moyen d'un ton pins favorable que le ton
indiqué, ce à quoi n'ont, sans doute, pas pensé ceux
qui comparent la trompette et le cor à la clarinette
en mi[' et au saxborn en mih-
Dans ces conditions, l'armure de la clef pouvait
Hre une cause d'erreurs et aurait augmenté lu diffi-
culté.
Citons un exemple : l.a marche d'Hamlet (trom-
pettes en iniii) débute ainsi :
vmi ij>;î^?^t^3^
EtE
aucun Irompelliste expérimenté n'aurait été assez
imprudent pour exécuter ce solo surl'ancienne trom-
pette avec le ton indiqué, car, outre que le lu, une des
deu.K plus mauvaises notes de l'inslru ment, y foisonne,
l'effet serait médiocre, même exempt d'accident.
L'alternance du ré H" harmonique (bas) du piston,
avec le /a 8» hai'nionique produit des pistons 1, 2,
par conséquent haut, ne pouvant donner qu'un
résultat défectueux et oITrir de grands dangers, fai-
sait une obligation de transposer le passage. Deux
tons seuls étaient possibles à cet effet, ceux de mil-'
et de fait. Ce dernier était préférable, puisqu'il pnr-
metlait l'emploi exclusif, pour la rentrée solo, des
noies de latrompelte simple, c'est-à-dire sans emploi
des pislons.
Ainsi donc, nous adaptons le ton de fai/f- Avec ce
ton, nous n'avons plus qu'cà nous rappeler que nous
jouons en clef d'î/? quatrième ligne avec deux bémols
à la clef, et que les altérations accidentelles doivent
être exécutées telles qu'elles sont écrites, sauf devant
les si el les mi qui sont loujours exécutés un demi-
ton pins basque ne l'indique le signe. Quelles que
soient les modulaliousqui se succèdent dans le cours
du morceau, notre principe ne varie pas, et nous
sommes dispensés du souci de nous rappeler quels
ont été les changements d'armure depuis le début.
Cette considérai ion a son importance quand il s'agit
de jouer sans ou avec peu de répétitions, impor-
tance qui augmente encore quand le morceau ilure
tout un acte, comme dans les opéras.
Sans citer d'autres cas, en voilà pins qu'il n'en
faut, pensons-nous, pour justifier l'ancien principe
d'éciire sans armure pour les trompettes anciennes-
Quant aux parties de trompettes modernes, elles
sont rarement transposées, et lors même qu'elles le
seraient, l'armure n'oiïrirait qu'une difficulté secon-
daiie, attendu que la dilficulté de l'intonation n'a
pins guère d'importance avec ces trompettes, ce qui
est une préoccupation de moins, et non des moin-
dres, permettant de porter une attention plus appli-
quée à la lectuie.
Diflicnltés.
La plus grande difficulté, dans le jeu de la trom-
pette moderne et du cornet, consiste à attaquer ou à
poser le son sur les notes :
avec précision
; et pureté de son Une attaque sur l'une ou l'autre de
ces deux notes expose beaucoup plus que les autres
aux couacs, de même que les noies
sur les trompettes anciennes. Sni- la trompette à cinq
pistons, ce danger disparait complèleinent et est rem-
placé par une sùrelé d'attaque absolue, comme aussi
sur la trompette à quatre pistons du même système,
le quatrième piston haussant d'un ton la tonalité de
la trompette.
Le registre le plus difficile est Vaiijti. Nous pou-
vons même diie que c'est la piincipale difficulté du
jeu des instruments aigus ou jouant dans l'aigu, de
posséder, à la Ibis, les trois registres : grave, médium
el aigu.
L'émission des sons pianisiiino, dans la trompette,
est plus difficile que dans le coinet à cause de la
clarté et de l'éclat de son timbre, conséquence de sa
perce (forme intérieure cylindrique au lieu d'être
conique comme celle du cornet).
Le jeu fortissimo n'est pas une difficulté quand on
possi'de la pose de son pianissimo. Les difficultés de
doigtés sont sans importance sur les instruments de
cuivre, attendu que les exercices de ce genre n'oc-
casionnent aucune fatigue physique, et que l'on peut
y consacrer tout le temps nécessaire, sans ménage-
ment, contrairement aux exercices sonoies. C'est dire
que le^doigté peut s'étudier, au besoin, sans avoir l'ins-
trument à la bouche. C'est même un bon moyen
d'employer utilement le repos des lèvres. (Voir l.i
Méthode de Merri Fbanquin pour trompette, cornet
à pislons el bugle.
Pour terminer ce travail concernant la trompette,
nous devons ajouter que quoique, depuis les exem-
ples donnés par Wagner, les compositeurs du monde
entier aient beaucoup développé l'usage de la trom-
pette dans les orchestres, en lui attribuant un rôle de
plus en plus musical, au lieu de ne l'employer que
pour le bruit ou les appels, les annonces, etc., les
œuvres auxquelles participe cet instrument comme
soliste dans la musique d'ensemble sont demeurées
rares jusqu'ici. iNous prions le lecteur de se reporter
à la note 1 de la page 1612.
Merri FRANQUIN.
ADDENDUM ET ERRATUM
P. 1590, 1" col., 1" ligne : lire : timbales au lieu de limhies.
P. 1606. note 2, ajouîer : N. D. L. R.
P. 1608, 2' colonne, 1" ligne ; lire : Gambatii au lii'ii de
Gainbatté.
P. 1612, note 1 : ajouter : Enlin. Vision lie .kiiiiae ilWu .li_'
Pacl Vidal.
LE COR
Par M. J. PENABLE
DK LA SOCIÉTÉ DES CONCERTS DU CONSERVATOIRE
Le cor, ainsi le définit Larousse, est un instrument
à vent, contourné en spirale.
Il existe cependant une espèce de cors, qu'on ap-
pelle cors russes, droits comme un porte-voix et ne
possédant chacun qu'un seul Ion.
Tel que nous le connaissons aujourd'hui, le cor
comporte trois espèces bien distinctes : Le cor de
chasse, le cor d'harmonie et le cor à pistons.
LE COR DANS L'ANTIQUITÉ
Déjà E.-L. Gerder, dans son Musik Lfxihon, paru en
1790, chante l'éloge du cor de chasse, quand il dit :
• Un insirument, qui, à tel moment dans le silence
du cabinet, par ses sons mélancoliques, émeut le
cœur tendre des belles, el, à un autre moment, ramène
dans les bois et sur les montagnes le chasseur rude
et insensible à son divertissement favori, — un ins-
trument qui, entre les mains d'un maître dans la
salle du concerl, attire tant l'admirateur ou con-
naisseur et à un autre moment encourage le guerrier
à la bataille sanglante, — pourrait-il être aulre que
le cor de chasse, que nous entendons Journelletnent
dans la plaine et dans la forêt, dans l'église et à la
salle de concert'? »
Avec moins d'exubérance, mais d'une façon non
moins précise, J. ROhlman.n écrit dans la Nouvelle
Revue pour la Musique, année 187) : « Le noble son
du cor de chasse , la particularité de son coloris
riche en nuances, sa résonance abondante le rendent
propre à être employé en tout genre de pièces de mu-
sique, car, non seulement le cor de chasse possède en
propre le caractère joyeux de la musique de chasse,
il renferme également des nuances romanesques,
même mélancoliques dans son caractère musical. »
Les Uomains, évidemment, avaient su tirer un parti
artistique du leur: leurs armées avaient des orches-
tres el ceux-ci comptaient des coricines musiciens
qui jouaient dans des cors en cuivre et en airain.
Alexandre avait un cor dont la grande voix de ras-
semblement portait à plus de o stades (18 km.), et si
l'on en croit un jésuite allemand qui s'est amusé à
reconstruire un tel motmment d'acoustique, les don-
nées et la portée en seraient exactes; l'anneau avait
2"n,40 de diamètre, et il fallait trois perches poui' sou-
tenir cet instrument géant.
Le moyen âge ne semble pas avoir fait grand usage
artistique de tous ces cors de dimensions si variées,
dont il s'est, par ailleurs, beaucoup servi à la guerre
comme an château. Chaque guerrier avait son cor;
certains d'entre les guerriers étaient même équipés de
telle sorte qu'ils pouvaient sonner du cor sans lever le
heaume de leur casque; les chefs en avaient de spé-
ciaux, telles ces défenses d'éléphant si ornementées;
les plus hautes dames en faisaient usage, el l'inven-
taire d'Anne de Bretagne mentionne un cor garni d'or.
Dans les plaines, le cor appelait au combat ou à la
chasse. Au manoir, il sonnait ■< à table »; cela s'ap-
pelait corner l'eau, pour rappeler aux convives qu'ils
devaient procéder auparavant à quelques ablutions.
Des cors de la condition la plus simple et faliriqués
seulement de cornes d'animaux sont déjà mentionnés
chez les peuples les plus anciens et furent appelés
chez les Ethiopiens kenet et keren, chez les Hébreux
aussi bien keren que schnfar (fig. fi9ri); chez les
Indiens nursingh (lig. 696), chez les Grecs kegas^
Fia. 695.
Fis. 696.
Il furent utilisés pour annoncer les sacrifices et
poui' la convocation du peuple.
Le cor (fig. 697) dont Alexandre le Grand (.336-323
av. J.-G.) s'est, dit-on, servi pour
convoquer ses guerriers à la dis-
tance importante de 100 stades
(2 milles géographiqu s) , ne
sera mentionné ici que de nom,
attendu, que, par suite de la
grandeur requise, il saurait
aussi peu être désigné comme
instrument à vent, dans le sens
que nous y attachons, que le cor
pour signaler les brumes, em-
ployé de nos jours pour des buts
analogues.
En dehors des cornes d'animaux, on a utilisé aussi»
dans la suite, pour la fabrication des cors, du boia
Fi(3. 697.
TECHSKjCE. ESTHETIQUE ET PÈnACOCIE
LE COR 1639
de l'écorce d'arbre, du métal (fig. 698, 699), du verre
(Og. 700) de l'ivoire (fig. 701).
Fig. 698.
Fis. 700.
Un cor de ce dernier genre offre un intérêl histo-
rique, en ce sens qu'il aurait été la propriété de Ro-
land,'le neveu de Charlemagne {lig. 702) :
La léf^ende rapporte que le son
de ce COI- (nommé olifant] portait
tellement loin, que Charles le
Grand (r.harleniagne) aurait en-
tendu l'appel de secours de Ro-
land, étendu privé de toute aide
dans les Pyrénées (778), à plu-
sieurs milles de distance; Roland,
dans son angoisse mortelle, au-
rait si violemment sonné du cor,
que les artères du cou se déchi-
rèrent et que le cor éclata.
Ce cor l'ut conservé dans le
couvent de Nonnemveith, prés
Rolandseck, sur le Rhin, enlevé
de là par Charles IV et incorporé
au trésor du dôme de Saint-Guy
à Prague; il s'y trouve encore
actuellement ', et non pas au Mu-
sée de Londres, comme certains
le prétendent. Toutefois, tous les matériaux prénom-
més, utilisés pour la fabrication des cors, étaient plus
ou moins fragiles et, pour cette raison, insuflisanls
pour l'usage quotidien. En conséquence, on se tourna
de plus en plus du côté des instruments l'abriquiis en
FiG. 702.
Fig. 703.
Fiu. 701.
niét.il, qui, au début, imitèrent seulement la corn
d'animal peu courbée, mais, au cours du temps, du
xir' au xvi^ siècle (lig. 703 à 708), passèrent à la forme
Fig
Fig. "OS.
Fig. 709.
i. Suivant LOrnnnmicalion aullienlique de M. Skraup, tnailre de cha
pelle du Dôme a Prague.
contournée, de laquelle peu à peu, au siècle suivant,
sortit le simple instrument que nous dénommons
(( cor naturel " ou cor d'harmonie (fig. 7o9'i, parce
qu'une grande partie des
sons sur cet instrument sont
produits par l'assourdisse-
ment que provoque la main
droite posée dans le pavil-
lon. Les premiers de ces
cors élaienten Es [mibémol] ;
toutefois, on les fabriquait
plus tard en diverses gran-
deurs (ou accords) pour pou-
voir jouer en divers tons.
Ainsi donc, le cor chroma-
tique aciuel à (lisions et à
clefs a eu des transformations artistiques et musi-
cales relativement peu nombreuses. Son ancôtie est
la corne, devenue au svii" siècle le cor en cuivre, et,
au commencement du ,xix', le cor simple ou d'har-
monie, duquel est dérivé depuis quelques années
l'instrument en usage aujourd'hui.
Ceci suffit pour dire qu'avec la Ilùte, le cor est
assurément l'ainé des instruments employés encore
de nt'S jours. L'industrie des premiers hommes
l'inventa en se servant de quelque corne d'animal, et
un tour au Musée du Conservatoire prouve la variété
des liéli'S auxquelles le cor fut emprunté, et plus
tard, le progrès aidant, celle des mèiaiix employés.
Voir donc n° o93'- le schofar si liiiement sculpté
dans une corne de bélier (ce cor liturgique hébraïque,
qui remonte à la plus extrême antiquité, est encore en
usage dans les cérémonies du Grand Pardon; ajou-
tons, pour montrer ranalo;;ie de la racine avec notre
mot cor : « Les Laliiis disaient : cornu, et les Grecs
kérus, » que certains schofars s'appellent keren : les
olifants d'ivoire (n»» 594, o^o, o96, 597, ce dernier très
ancien) et suitoiit l'admirable et peut-être unique
pièce (n° 4)21 qui mesure l^'.SOde haut, et(|ui donne
par ses dimensions un aperçu de ce que pouvait être
le cor lét;endaire dn Roland.
Citons encore un cor en fer du xvi"^ siècle. D'autres
2. Ces numéros sont ceux du calalugue du Musée du Cunseivatoite
par Gustave Chûuqoet, son ancien conservateur.
ENC.yCLOl'ÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIO.VyAIRE DU CO>ISERVATOirtE
1640
e
n verre de Venise et en cuivre (xvii° siècle), qui
nous conduiseiil au célèbre cor de Dauprat, enjcuivre
garni d'argent donné en pris au Conservatoire, en
1798, à celui qui devait plus lard illustrer son ins-
trument et son nom.
Enfin, un petit instrument en buis (n" SOI), qui
donne le son de la trompe de chasse, — il es t]d'ai Heurs
encore en usage chez noschevriers des montagnes, —
finit toute la gamme de la facture du cor. Toutes
les bêles y ont contribué : aurochs, buffles, boeufs,
béliers ou éléplianls, et tous les métaux, airain, fer ou
cuivre, sans oublier le verre et le bois.
Je dois aussi parler ici du cor des vaches ou cor
des Alpes, très commun en Allemagne et en Suisse
parmi les bergers montagnards; ceux-ci s'en servent
pour charmer leurs loisirs, et aussi quelquefois pour
correspondre entre eux, s'appeler d'une montagne à
l'autre, et rassembler leurs troupeaux.
Le cor des Alpes consiste en un tuyau long d'envi-
ron trois ou quatre pieds; le col supérieur a près
d'un pouce de diamètre, puis l'instrument s'élargit |
insensiblement en allant vers l'autre extrémité, et se
termine en pavillon comme la clarinette; ce tube es'
ordinairement l'ait d'écorce d'arbre; on lui adapt
une embouchure en métal ou en corne assez sem'
blable à celle du trombone.
Le cor des Alpes ne peut guère donner que cinq
tons pris dans deux octaves; par exemple : ut, sol, ut,
— ■ ou d'autres tons en
mi, sol :
partant d'une autre tonique; les notes plus élevées
ne pourraient s'obtenir qu'avec beaucoup de diffi-
culté; mais les bergers savent tirer un si bon parti de
ces cinq notes qu'ils en forment des mélodies d'un
rythme fort original, que relève encore le timbre
tout particulier de l'instrument; par exemple :
(^^
'V
3^
Cette mélodie, la plus répandue, est peut-ètie la mère
de toutes les autres; c'est celle qui a dû servir de
thème aux nombreuses variantes qu'on en a données.
L'accord du cor des Alpes dépend naturellement
de la grandeur de l'instrument. J'ai parlé de cet ins-
trument parce qu'il est parfois d'un bon elTet au
théâtre; on l'a même imité dans plusieurs opéras,
il est donc essentiel de connaître les dispositions de
ses cinq tons et le genre de mélodie auquel on les ap-
proprie. {Traité d'Instrumentation de Kast.neh, p. 42.)
Tous ces ancêtres guerriers, cynégétiques on gas-
tronomif|ues, n'ont laissé aucun souvenir artisli(|ue,
hormis quelques sonneries de chasse, dont l'ancien-
neté réputée est peut-être musicalement probléma-
tique.
LE COR DE CHASSE OU TROIViPE
Il consiste en un tube plusieurs fois contourné qui,
à l'embouchure, commence avec un diamètre d'envi-
ron 3/4 de centimètre, et s'élargit graduellement de
plus en plus, pour finir en un pavillon, dont le dia-
mètre est d'environ 28 à 30 centimètres. La longueur
du tube dépend chaque fois de l'accord de l'instru-
ment et s'élève pour le cor aigu B à environ 2 m.
7b cm., pour le cor mixte F à 3 m. 78 cm., pour le cor
basse C à 4 m. 72 cm.
Pour donner le ton sur le cor de chasse, on se sert
d'une pièce d'embouchure métallique en forme d'en-
tonnoir avec bord étroit; certains joueurs se servent
également de pièces d'embouchure en forme de
chaudron.
Pour chaque cor de nouvelle construction, il faut
encore ce que l'on appelle des v traits ou feuilles d'ac-
cord », qui servent à modifier suivant les besoins
l'accord propre à l'instrument.
Le cor de chasse s'écrit sur la clef de sol 2' ligne et
Si' tient de la main droite. Cet instrument ne donne
que les notes suivantes : sol giave.tZo, mi,sol,sib,do,
lé, mi, fa, sol. Les cors de chasse les plus usités sont
en Ht, ré, ou mi[y. Quelque rétréci que soit le cercle
des notes qu'on puisse parcourir sur le cor de chasse,
on ne laisse pas quelquefois d'y produire des mélo-
dies d'un très bon ePet, comme par exemple celles
que liossiNi a introduites dans son Rendrz-vous de
chasse, où l'on remarque un chant original et mer-
veilleusement nuancé {Traité de Kast.xkii, p. 47).
En Kiance, les cors de cha^se sont généralement en
rt! (par exemple dans les chasses ioyaI.es); cependant,
il y a des amateurs qui, par fantaisie, ont adopté des
cors de chasse dans d'autres tons.
Par sa sonorité, la trompe ou cor de chasse trans-
met à de grandes dislances, au moyen de fanfares
connues des chasseurs, toutes les péripéties de la
chasse. Elle guide et excite les chiens, et anime les
chevaux. Klle n'est usitée que dans ce qu'on appelle
la grande chasse ou chasse à courre, laquelle com[irend
primipalrment la chasse au cerf, daim, chevreuil,
chamois, sanglier, loup et renard.
On distigiie la trompe Damjiicrrc à deux tours, ou
grande trompe, la demi-trompe h trois tours, et la
petite trompe à huit tours. La longueur totale du tube
sonore est la même pour chacune de ces trompes^
elles sont donc au même diapason.
On ne se sert guèi'e aujourd'hui que de la derai-j
trompe comme étant la plus commode.
On garnit habituellement la trompe d'un cordoii
de laine afin de préserver les mains du contact du
cuivre.
Je crois bon de reproduire ici les sonneries ou fan4
fares de cor de chasse ou trompes les plus usitéesl
et dans l'ordre où on les sonne généralement ein
chasse réglée:
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TECHNIQUE. EsrilÈTIQVE ET PÈnAGOCIE
LE COR 1641
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LE COR SIMPLE NATUREL OU COR D'HARMONIE
Le cor est peut-être l'instrument le plus romanii-
que, son timbre, plein et vibrant comme la voix du
ténor, pouvant rendre la joie, l'amour, la douleur
et l'espérance. Ses tons naturels sont moelleux et
nourris, et ses notes bouchées ont un caractère de
mélancolie bien prononcé.
Le ton doux propre aux cors le rapproche le plus,
entre Ions les instruments à vent, de la voix humaine,
et expliiiue son emploi heureux dans toutes les com-
positions ilorclieslre d'orignie récente. C'est à cet
^mploi si étendu qu'il faut sans doute attribuer aussi
les manifestations élogieuses de quelques écrivains
musicaux.
Le cor, qui est presque toujours employé double,
savoir : corno primo, corno secundo, s'écrit avec la
clef de sol 2' ligne; cependant, les sons graves, s'ils
se prolongent pendant plusieurs mesures, s'écrivent
quelquefois, pour le second cor, avec la clef de fa
'i" ligne.
Les sons qu'il peut donner naturellement sont les
suivants :
1642
b'ycyCLOPÉOlE DE I.A MUSIQUE ET DICTfn.WXAIRE DV CO.\'SERVATn!RE
on les appelle, pour cette raison, sons naturels. Les
tons et demi-tons qu'on produit en introduisant la
main dans le pavillon ne doivent s'employer qu'avec
précaution, et s'appellent sons bouchés.
Pour chaque ton, on a besoin d'un nouvel accord,
qui s'obtient au moyen d'un corps de rechange, car
les cors jouent presque toujours en ut majeur.
11 faut que le compositeur ait soin d'indiquer l'ac-
cord, dans la partition et dans la partie sépai-ée ; le
plus bas de ces accords est si |i, que l'on indique : cor
en sH> grave. On ajoute le mot grave parce qu'il y a
encore un autre accord en si[->.
Cet accord est une octave et un ton entier plus bas
que le violon ou la clarinette en ut, et, pour cette rai-
son, juste d'une octave plus bas que la clarinette
en sî't».
LE COR A PISTONS
Le cor d'harmonie, si superbe de sonorité, si éton-
nant de ressources qu'il fût, grâce à ses tons de re-
change, offrait des difficultés, des incommodités de
pratique qui n'avaient échappé ni aux facteurs, ni
aux virtuoses, ni aux compositeurs.
Dès les premiers temps du cor, on avait essayé Je
remédier à l'insuffisance de son étendue par des
essais de cors à trous qui, du moyen âge au xix" siècle,
ont laissé peu de traces.
Privé, en effet, de l'avantage du doigté dont jouissent
les autres instruments à vent, le cor exige de celui
qui s'y di'Stine une bonne organisation musicale et
un goût artistique très développé.
Tout ce que l'on peut en dii'C, c'est que, pour l'époque
moderne, les archives du ministère de la guerre gar-
dent dans deux ordonnances des traces des services
musicaux militaires du cor à trous.
Le i4 juin 1820 et le "22 décembre 1822, le nombre
des instrumentistes jouant les cors à trous était
ainsi fixé dans les musiques militaires : quatre dans
la musique de la garde royale, deux dans les musi-
ques de la ligne.
C'est, en elfet, aux préoccupations musicales qui
avaient fait rechercher ces cors à trous, que l'on doit,
presque concurremment avec le développement artis-
tique du cor simple, la l'évolution d'abord timide, puis
rapidement li'iomphante, des cors h pistons.
Déjà, à la fin du xvin" siècle, un Allemand, Hal-
TENHOLF, avait ajouté au cor de Hamcl une pompe de
coulisse pour réglei- la justesse, quand l'intonation
s'élève par les elfels de la chaleur.
En 18io, un Allemand de Silésie, Stôlzix, inventa
un cor auquel les Allemands donnèrent tout de suili;
le nom de cor chromatique à pistons.
L'invention consisluil en deux pistons placés sur
la pompe du cor ordinaire, et mettant l'air en com-
munication avec des tubes ouverts pour chaque note.
Dès lors, beaucoup de dilficultésd'exécution allaient
être vaincues. Après avoir passé par dill'érentes phases
dans sa faliricalion, le cor fut muni de trois pistous,
et, ainsi ti'ausl'ormé, il fut définitivement adopté dans
les orchestres.
C'est vers 1855, <i l'apparilion des œuvres de Uichard
\VA(;.\Eii, que se fit celte adoption, et le corniste llx-
LARY, derO[>éra, a toujours joué du cor à pistons.
Pour compléter, qu'il soit mentionné ici que (Char-
les Cla7.c.i:t, à Londres (né en 17ol), un dilettante,
réuiiis.-iait ensemble un cor Es mi bémol et un cor
Drt'; en réalité, il ne jouait que par une seule em-
bouchure, mais, par une clef, il amenait l'afllux d'air
à celui des cors dont il lui fallait justement les sons.
Toutefois, en utilisant ce cor, lesdeux pavillons étaient
gênants.
Aussi peu de succès avait l'invention de Kolukl, à
Saint-Pétersbourg (1760), qui adapta au cor des clefs
(analogues à celles des instruments à vent en bois)
pour faciliter le chromalisme; toutefois, l'instrument
manquant toujours de pureté, de même que de tons
bas, la nécessité toujours encore existante de l'as-
sourdissement et l'inégalité des sons qui en résul-
tait, ne firent pas paraître cette invention comme
un perfectionnement du cor.
Comme je le disais plus haul.en lS14ou 181 ii, Stûl-
ZEL, à Breslau (en commu-
nauté avec le hautboïste Bli h-
mel), apportait enfin un per-
fectionnement essentiel au coi'
de chasse, en y adaptant deux
soupapes imperméables à l'air
(soupapes de douille) (fig. 7l()i,
Une des soupapes abaissait
le cor d'un demi-ton, l'autre
d'un ton entier, les deux en
semble d'un ton et demi.
En 1819, ces inventions
furent élargies par Mulleu à
Mayence et Sahler à Leipzig,
en construisant des cors de
chasse avec trois pistons sui-
vant l'idée de Stôlzel. La troi-
sième soupape abaissait le cor de un ton et demi
et, par cette amélioration, le cor de chasse fut porté
au degré de perfectionnement auquel il atteint à
l'époque actuelle.
En dehors des soupapes de douille déjà mention-
nées (fig. 711), on utilise encoi'e des soupapes à
Fig. 710,
Cor d'harmonie
:i 2 pistnns.
levier (fig, 712), à glissement (fi;,
papes rotatives (fig. 71'i-).
7131, et des sou-
Flu. 713.
Fn;, 71 i
Ces soupapes iirovoqnenl toutes l'abaissement du 1
ton du cor de chasse; une idée plus récente de-1
Oswald lîôHLicH à Vienne, consistani à élever le sou du
cor au moyen des soupapes, n'a pas pu s'acclimateiv
La plupart des difficultés qui exisleut pour le corj
sont donc surmontées par le cor ;i pistons, qui a les-J
sons du cor oïdinaire, mais auquel on a adapté deux .
ou trois pistons, au moyen desquels on peut donner !
avec plénitude et avec la plus grande précision tous-J
TECHNIQUE, ESTHÈTIQVE ET fUDAGOGIE
LE COR 164Î
les sons qui restent sourds et ilouleux sui- le cor ordi-
naire, par exemple les sons ;
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ceux-ci, sur le cor à pistons, deviennent justes et
pleins comme les autres sons naturels du cor ordi-
naire, excepté toutefois
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de
l'octave inférieure.
Mais il est à regretter que cet instrument ne soit
pas encore généralement adopté, parce que l'on
pourrait produire avec lui de (brt bons effets.
Les pistons ont la propriété de baisser l'instrument
d'une tierce mineure et de donner trois tons ou corps
de rechange fictifs, différents, qui, ajoutés à celui qui
est sur la grande coulisse, les met au nombre de qua-
tre. Si on a, par exemple, le corps de rechange fa, les
autres tons seront mi, mi\f,ré, avec lesquels il est facile
de former tous les autres (c'est ainsi qu'est cons-
truit le cor à pistons en Allemagne); mais l'expé-
rience a prouvé qu'il était difficile de produire avec
ce seul corps de rechange les tons aigus iol, la, si[^,
et les tons graves ut, t^i'p, que le timbre des pre-
miers n'était pas si brillant, que celui des seconds
manquait de volume et perdait beaucoup de son
caractère particulier; c'est pour cela qu'on a coi-
servé tout les corps de rechange du cor ordinaire
pour le cor à pistons, qu'on traite sous ce rapport
comme le cor ordinaire; et si l'on observe cela, on
peut faire toutes les modulations avec d'excellentes
notes. Il faut donc se servir du corps de rechange,
dans les morceaux qui seraient écrits en sol, la, siU
altos ; ré, ut, si [i graves ; à ces tons près, le cor à pis-
tons en fa présente toutes les ressources possibles.
Comme tous les tons en sont bons, des passages
tels que celui-ci produisent un très bon elfet :
Les deux tableaux synoptiques ci-après aideront
à faire mieux encore ressortir les avantages du cor à
pistons pour aplanir les diflicultés souvent insur-
montables que trouvent certains cornistes dans l'em-
ploi du cor simple.
Le 3" piston étant ascendant, il faut que l'instrument
soit un ton plus haut, c'est-à-dire qu'il faut mettre
sur le cor le ton de sol, pour jour en fa. Indépen-
damment des avantages spéciaux qu'il possède
comme iloiglé et facilité dans l'émission, il peut s'em-
ployer comme le cor à 3 pistons ordinaires.
L'emploi du 3° piston ascendant a l'avantage d'offrir
une grande sécurité dans l'attaque du :
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fm^
Pour la justesse, avoir soin Je tirer la coulisse du
3' piston presque d'égale longueur que celle du 1""', e
tenir la coulisse d'accord entièrement enfoncée. Si
le coriis sonore élait trop bas, enfoncer la coulisse
du 3" piston. Kn tirant la coulisse du 3' piston, l'efifet
est contraire aux autres, le corps sonore baisse, et
le piston monte.
EMPLOI DU COR
Avec le cor d'harmonie, aussi bien qu'avec tous
les autres, pour l'orchestre et la musique militaire,
on ne peut donner avec effet que certains sons de
l'accord dont on se sert, et encore quelques notes
étrangères à cet accord.
Comme le cor, ainsi que nous l'avons dit, s'emploie
dans l'orchestre et dans la musique militaire, par un
premier et un second, il faut observer que le pre-
mier ne doit jamais descendi-e aussi bas que le se-
cond, ni le second monter aussi haut que le premier
{Trait'} de Kastner, p. 43).
La relation la plus ancienne de l'utilisation du cor
de chasse dans l'orchestre nous est donnée parMich.
Praetorius (lr)7l-162l), qui l'introduisit sous le nom
de i< trompette de chasseur ».
C'est sans doute J. Fus (1600-1741) qui, le premier,
a employé les cors de chasse par couples dans l'or-
chestre.
Le cor n'est réellement né pour la musique que le
jour où un facteur inconnu, dont des historiens, plus
patriotes peut-être que véridiques, ont voulu faire un
Krançais, inventa, vers 1680, ce long tube de cuivre
enroulé sur lui-même, commençant par une embou-
chure et finissant par un pavillon. On cite ce cor en
Allemagne vers 1690; il devient alors de la grande
famille artistique, puisqu'il est admis dans les or-
cTîêstres d'outre-Rliin. Chez 'nous, on ne le voit, en
toute certitude, que plus d'un demi-siècle plus lard,
en 17S7.
Mais ce cor, pour artistique qu'il fût déjà devenu,
n'était qu'un instrument d'orchestre rudimentaire,
aux ressources réduites. C'était un vulgaii'e cor de
chasse dont l'étendue était assez restreinte.
Un heureux et artistique hasard devait tout à
coup le Iranslormer en l'un des instruments les plus
riches en ressources et en beauté.
Ln corniste allemand, Hampl, — nous sommes en
1760, — espéra qu'en introduisant dans le pavillon
un tamponi de coton, il pourrait maîtriser la sonorilé
de son insti'ument et en obtenir des sons plus doux et
pins voilés. La trouvaille donna un autre résultat : le
son sortit un demi-ton plus haut. En promenant le
tampon. Hamcl obtint toute une échelle : le cor deve-
nait chromatique. Il s'aperçut plus tard que la main
faisait même un meilleur office que le tampon. Ce fut
une révolution dans l'art, l'orchestration et la facture.
Du coup, les composileiu's reconnurent avec éclat ce
nouveau et superbe collaborateur : J.-.I. Rousseau,
dans les airs militaires qu'il a composés, a introiluil
des parties de cor en sol, Méhil fit accompagner par
des sons bouchés les dernières paroles d'un mourant,
et obtint ainsi un elTet d'émotion intense.
Bach et Haendel, Gluck, Webrr, Beetboven firent
appel au cor dans leurs pages les plus célèbres.
Dans les passages d'un mouvement lent et reposé,
le cor est un des instruments les plus convenables,
et des solos de cor comme ceux d'Assîir (Salieri) et
des Capuletti et Montecchi (Belli.ni) sont parfois d'un
etTet magique. Chacun a pu admirer la puissance des
1044
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOSNAIRE DU CONSERVATOIRE
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16'i6
ENCYCLOPÉDIE DE La MCSJQUE ET DICTIOS .\A[RE VU CONSERVATOinB
quatre cors de lorcheslre dans les cliœurs des chas-
seurs d'Euryanle et du Freischûtz (Webkb).
Les facteurs d'instruments, principalement Raoux
et son successeur Labbaye, donnèrent au cor simple
ou d'harmonie l'étendue la plus complète en adjoi-
gnant dix corps de rechange. L'exécutant jouait tou-
jours eu ut pour les yeui, mais Taisait entendre pour
l'oreille tous les sons naturels de toutes les gammes.
Et le cor simple traver'sa tout de suite un Age épi-
que qui, pour court qu'il lût, a été singulièrement
brillant.
Le caractère mystérieux et poétique du cor fut
particulièrement mis en valeur par Weber dans
l'ouverture du Frcischùlz, où il employa quatre cors,
par Mendelssohn dans le Songe d'une nuit d'été, par
Beethoven dans sa Symplionif pastorale, dans la Sym-
phonie héroïque et au 2° acte de Fiilclin; on connaît
aussi le célèbre quintette du grand maître pour instru-
ments à vent. Mais le cor n'est pas seulement l'iater-
prèle poétique du rêve et du mystère, et les maîtres
les plus illustres, reconnaissant ses qualités d'éclat,
en ont tiré des elfets de terreur demeurés classiques
autant que fameux. Il suffit de citer la chasse infer-
nale du Fri'ischiitz, et l'air de la haine d'Armide de
Gl'CK. D'ailleurs, s'il fallait faire une nomenclature
comp'ète de l'emploi qui a été lait du cor simple par
les grands compositeurs, il faudrait mentionner tout
le réperlou-e et tous les maîtres.
Bien qu'il n'emploie pas le cor simple, mais le cor
à pistons dont je parlerai tout à l'heure, on doit
cependant une place spéciale à Richard Wagner, qui
a laissé du rôle orchestral du cor des exemples typi-
ques et illustres; faut-il rappeler le cor de Siegfried,
la fameuse chevauchée de la Walkyr'ie, le prélude de
l'Or du Rhin, où figurent 8 cors, et le caractère voilé,
si empli de mystère, obtenu avec la sourdine dans
VOr du Rhin, motif du Tarnhelm et, dans ParsifaI,
le finale du l" acte?
Dans l'Africaine de Meyerbeer, on emploie deux cors
d'harmonie et deux cors à pistons, ce qui permet, par
ces derniers, l'exécution de certains passages que ne
pourraient faiie les piemiers.
.Notre grand compositeur Reyer a écrit les quatre
cors de Sigurd pour cor simple avec les tons de re-
change en dilférents tons, afin de permettre à l'un de
faiie ce que l'autre ne peut pas exécuter, et pour avoir
toujours des notes à vide, c'est-à-dire les notes du
corps sonore. Avec les changements de tons, l'émis-
sion du son devient difficile, tandis qu'avec le cor à
pistons, toute difficulté disparait. L'émission est, en
elfet, la même d'un bout à l'autre du trait; il y a,
par suite, plus d'homogénéité et d'égalité dans l'exé-
cution.
Je ne crois pas qu'il existe de difficultés plus
gra\ides que dans Roméo et Juliette, de Berlioz :
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TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
Les quatre cors, eu ell'et, sonl écrits dans des tuas
diiïéreiits aliri d'obtenir les meilleures notes de cha-
cun des instriimoiitistes; mais cela ne suffit pas pour
obtenir une excellente égalité de sons, car il faut
bien tenir compte de la présence de quatre cornistes
ayant chacun un son différent. Le cor à pistons, au
contraire, égalise les sons dans la phrase, étant donné
que le sentiment est expi inié pai' le même individu.
Si la musique était écrite pour tel ou tel ton, ce
n'était pas voulu, comme on l'a bien souvent pré-
tendu : c'était nécessaire, obligatoire, puisqu'on ne
disposait pas d'autre moyen que des tons de re-
change.
J'ai cependant entendu fréquemment des compo-
siteurs se plaindre de cet instrument incomplel, dont
les sons bouchés arrivaient à occasionner des vides
dans l'orclii'stre. Aujourd'hui que le cor à pistous
supprime les sons bouchés, et qu'il est adopté dans
tous nos orchestres, il permet aux compositeurs d'é-
crire avec plus de facilité.
Ils en arrivent alors, pour pioduire des effets
cherchés, à rétablir les sons bouchés dont ils se
plaignaient précisément auparavant.
LES CORNISTES CÉLÈBRES
Le premier virtuose corniste, qui devait laisser
comme prolesseur un renom si retentissant, que plus
d'un siècle et demi parvint à peine à le ternir, est le
fameux Rodoliue ou Hloolch. Avant d'écrire le traité
de solfège qui a popularisé son nom et sa méthode,
Rodolphe n'itait qu'un professeur, devenu rapide-
ment un virtuose du cor. Né à Strasbourg, selon Kétis
et RiEMANN, le 14 octobre 1730, dès l'âge de sept ans,
il jouait à la fois du cor et du violon.
A seize ans, il jouissait d'une grar de réputation de
corniste. Hn 1734, ilétait à Parme au service du duc,
et c'est dans cette ville que le compositeur Traktta,
séduit par les qualités de son du corniste, écrivit
pour lui le premier accompagnement de cor obligé,
dans un air chanté par la cantatrice Petraglia.
En 1765, RoDOLi'HE, alors premier corniste de l'O-
péra, lit entendre, pour la première fois, un accom-
pagnement de cor concertant : air de BoYER, "Amour
sous ce riant ombrage », chanté par Legros. En 1770,
il faisait partie de la musii|ue des appartements du
roi, et en 1774, de la Chapelle royale.
11 approchait alors les grands de la terre et les
voisins du trône, et put remeltre au ministre Amelot
le plan complet de la création d'une école royale de
musique. On sait qu'en 1 784, Gossec, plus heureux près
du marquis de Breteuil, réalisa le rêve de Rodolphe
et aida à fonder le Conservatoire, dont il fut nommé,
dès sa création, professeur d'harmonie. Le virtuose
corniste était un compositeur émérite qui avait appris
son ait de Traetta, déjà nommé, et de .Iomini, lors
d'un séjour à .Stutlgaid à la cour du duc de Wur-
; temberg ; quatre ballets et trois opéras ou opéras
comiques attestaient la valeur du choix.
Ce fut comme professeur de sa classe qu'il écrivit
le plus fameux dis solfèges et son traité d'accompa-
gnement. La littérature spéciale du cor lui doit deux
concertos, dix fanfares faciles pour deux cors, vingt-
quatre pour trois cors; Rodolphe est mort à Paris, le
18 aoilt 1812. Il avait été aussi premier violon aux
, théâtres de Stuttgard, Bordeaux, .Montpellier et à
Paris, à la Comédie française.
I Mares ou Maresch, né à Chotieborz (Bohême), vers
LE COR 16'i7
I71'J, mort à Saint-Pétersbourg, le 30 mai 1794, fut
élève (le IIampl, mais, comme tous les cornistes et tous
les instrumentistes de ce temps, il jouait également
du violon.
En 1748, il alla en Russie, devint musicien de la
Chambre impériale, et c'est là qu'il inventa, en 17.ï4,
pour les musiciens rudimentaires qui l'entouraient
la dite « musique russe de cor de chasse ...
On a vu précédemment que les cors russes sont
droits et ne possèdent qu'un seul Ion. Chaque ai liste
n'a donc sur sa partie que les pauses nécessaires et
ce ton qu'il demie lor3(|ue les notes l'exigent. Corap.
ter les pauses avec exactitude, voilà le point essen-
tiel. Les artistes de cor russe ont acquis en la matière
une telle précision qu'on serait tenté de croire qu'il
n'y a qu'un seul artiste, tandis qu'ils sont au moins
une trentaine pour former un chœur. Ils exécutent
des symphonies entières, des concertos, marches,
chorals, et en général tout ce qui peut s'exécuter au
moyen de plusieurs instruments.
On a vu, dans le courant de cet acticle, que, no-
blesse artistique à part, les plus grands maîtres de
l'art ont fait accomplir au cor d'harmonie le même
tour de force.
Jean Lebrun, né à Lyon le 16 avril I7.')'J, eut une
carrière et une fortune étonnamment brillantes et
rapides, dont le retentissement même l'ut, pour le
malheureux artiste, cause de la tin la plus mise-
ra Ide.
Corniste virtuose de haute réputation, il devait une
renommée particulière à l'éclat et à la facilité des
sons suraigus. Il était premier cor à l'Opéra de Paris
(1786-1792), quand le désir de fuir les jours dange-
reux de la Terreur et de brillante^ propositions alle-
mandes l'entrainèrent à Berlin. H y demeura jusqu'en
1808, c'est-à-dire au delà du temps où il était permis
d'espérer qu'un Fiançais pilt vivre en Prusse, et il
revint à Paris. Mais là, jalousé et surtout suspect, il
ne put trouver à utiliser ses talents et, ruiné, misé-
rable, renonçant à tout espoir de trouver une situa-
tion, il s'asphyxia.
Frédéric Ui-vernov, de la célèbre lignée musicale
des Dlvernov, est un des cornistes qui ont laissé
dans l'histoire de la littérature du cor une des traces
les plus durables. Ce fut, en elîet, le premier cor de
l'Opéra et l'un des premiers titulaii'es de la classe
de cor au Conservatoire. C'est lui qui dirigeait cette
classelors de la fermeture momentanée de la grande
école de musique en 181.5. Enlin, Duvernoy a laissé
un gros bagage musical, dont quantité de concertos
pour cors et pièces de musi(iue de cliambre avec
parties de cor. .\é à Montbéliard, le 10 octobre 1763,
il est mort à Paris, le 19 juillet 1838.
Citons aussi Pu.nto, de Vienne, pour lequel Bee-
thoven écrivit sa fameuse sonate pour cor.
ZiRiNo à Paris, Spandau à La Haye, Nelmann à Ber-
lin, le sonneur de cor Libtzeb à SaUbourg, pour lequel
Mozart avait composé ses quatre concertos pour cor
de chasse, Schon, musicien de la chambre du roi de
France, comptent parmi les plus réputés.
Johann Amo.n fut élève de Punto, et celui-ci l'avait
associé à ses triomphales tournées, où il l'emmena
comme second. Il était né à Bamberg, en 1768. 11
occupa successivement les postes de directeur de l'é-
cole de musique de la ville d'ileilbronn el de maître
de la chapelle du prince Attegen-Wallenstein. La mort
le surprit en cette qualité, le 2o mars I82.j. Compo-
siteur fécond, il avait écrit quantité d'oeuvres dont
peu se rapportaient uniquement à un instrument.il
1648
ESCYCLOPÈDIE DE LA MUSIQVE ET DICTIOS'NAIRE DU COXSERrATOIRE
devait à ses fondions officielles d'écrire des sympho-
nies el des messes.
A signaler anssi les deux Belloli. — 1° Luigi, né
à Castell'ranco (Bologne), le 2 février 1770, mort le
17 novemlire 1817, était, en 1812, professeur de cor à
Milan, où il a laissé le souvenir d'un virtuose accom-
pli et d'un compositeur de haut mérite. Il a écrit 'la
musique de plusieurs opéras et une méthode de cor
(poslhume).
2° Agoslino, successeur du précédent à l'Opéra de
Milan, compositeur également heureux, puisque, de
1816 à 1823, la scène milanaise ne représenta pas
moins de quatre opéras de lui.
Artot, corniste franco-belge fort connu, eut une
destinée bizarre autant que brillante. Il s'appelait de
son vrai nom Maurice Mo.nt.\gney, et était né à Mont-
béliard,le 3 février 1772. Il devint chef de musique
d'un régiment français, fit diverses campagnes de la
Révolution, dont celle de la Belgique. Il demeura dans
ce pays, et occupa le premier pupitie de cor installé
à l'orchestre du Théâtre de la Monnaie.
Il était en même temps maître de chapelle. Il mou-
rut le 8 janvier 1829, laissant une descendance artis-
tique singulièrement éclatante. Son fils aîné, Jean-
Désiré, qui était né à Paris en 1803, fut son successeur
au Théâtre de la Monnaie et devint premier cor solo
à la toujours célèbre musique belge des Guides; en
1843, on le trouve professeur de cor au Conserva-
toire de Bru.ïelles, et en 18 i9, cor solo de la chapelle
particulière royale. Artiste fort estimé, corniste agile,
il mourut à Saint-Josse-ten-Noode, le 25 mars 1887.
Ses deux collaborateurs (quoique ne relevant pas
d'une étude sur le cor) avaient eu même heureuse
fortune. Son frère Alexandre fut un violoniste vir-
tuose fort renommé, dont l'humeur voyageuse fit
applaudir le vigoureux talent dans les deux mondes,
el sa sœur Marguerite, cantatrice experle, un instant
pensionnaire de l'Opéra de Paris, longtemps fêtée à
celui de Berlin, a épousé le célèbre chanteur espa-
gnol Padilla.
Je puis en citer encore beaucoup d'autres tels que
Kenn, Donmsch, Dauprat, Galley, Garrigi'e, Mohr,
dont la méthode pour cor est assez répandue, Baneux,
Meifred (comme cor à pistons), car que doit-on enten-
dre p;u- virtuose? La première qualité, el qualité indis-
pensable du virtuose, est de captiver son public, de
le mettre dans l'obligation de l'écouter en lui impo-
sant le solo ou le concerto. Il doit lui faire constater
les difficultés d'exécution, ses qualités de conception
et son talent dans l'interprélation par la couleur, le
charme, les nuances qu'il met dans la traiiuction
exacte de la pensée de l'auteur. Il doit prendre le
public par son côté sensible, el cela peut arriver par
l'impression découlant d'une simple phrase, surtout
quand l'artiste a su s'imposer dès le début.
Pour terminer, je dirai qu'il existe peu d'ouvrages
théoriques sur l'étude du cor.
Je ne vois, à raa connaissance, en France, que les
méthodes de Mohr, Donnich, Dauprat, Gallay, Dl'ver-
NOv, Meifred, Me.ngal et celle que j'ai fait paraître.
Jean PENABLH:.
LE TROMBONE
Par M. G. FLANDRIN
VE^ CaNCBRTS rOLnXM':
Le trombone, parmi les iiislrumeuls de cuivre à
embouchure, est seul à posséder une tablature natu-
rellement complète; de sa structure particulière nail
l'absolue justesse, son mécanisme est simple et pro-
cède des émissions successives de sept corps sonores'
répondant tous aux lois de la résonance : le premier
corps sonore, soit l'instrument dans sa plus petite
longueur, établit la tonalité de construction; les six
autres déroulent d'i premier par demi-tons des-
cendants au moyen d'une coulisse glissant sur deux
tubes; sa forme rappelle celle d'une trompette re-
courbée^.
Consti'uit sur divers corps sonores, le trombone
a donné autant de .timbres nouveaux, celui de si''^
a produit les meilleurs résultats, et le Conservatoire
lui accorde avec raison la faveur à laquelle il a droit.
Les besoins de l'orchestration ancienne ont amené
les facteurs à construire des trombones à coulisse
de diverses hauteurs, ce qui créa une famille se com-
posant de six instruments échelonnés de la façon
suivante ; contre-basse, basse, ténor, alto, sopiano
et piccolo, groupe intéressant, de plus en plus dé-
laissé, si on en Juge par l'orchestration moder'iie qui
emploie trois trombones ténors au lieu des trom-
bones basse, ténor et alto; l'historique de la famille
aide à se rendre compte de l'utilité des divers instru-
ments se partageant une certaine étendue musicale;
aucun n'a le mérite du trombone ténor, mais ils le
complètent avantageusement, soit dans le grave, soit
dans l'aigu.
La disparition des instruments classiques (motivée
d'autre part) se faisant sentir et le progrès s'impo-
sant, on tenta de substituei' au trombone à coulisse
le trombone à pistons, dont la forme et le nombre
des pistons vaiient beaucoup sans rien ajouter à l'é-
tendue de l'instrument.
ORIGINE ET HISTORIQUE DU TROMBONE
Le trombone à coulisse apparaît à une date très
reculée; Rabelais'* le fait remonter aux anciens Hé-
breux, mais aucun dessin de ce temps ne nous en
est parvenu; la trompette turque, appelée surme en
Egypte, d'après de Laborde et Villoteal', donne assez
vaguement l'idée du ti ombone en esquissaiit la cou-
lisse et le pavillon; plus siirement, le trombone fait
partie de la famille des tubœ (Irompeites des Latins
qui le nomment tuba ductilia'^} ; les Romains connais-
saient la tuba duclilis en usage chez les Hébreux «.
L'étymologie du mot trombone parait tirée du
grec slrombos ou du latin ^trombu.i, dénommant une
sorte de coquille à l'imitation de laquelle on a fait la
trompe; ce qui semble soutenir cette version, c'est
que des trompes primitives sont nés les cors, et que
le ix= siècle vit des cors recourbés à tuyaux mobiles
qui sont de véritables trombones; on a des manus-
crits de cette époque où se trouvent décrits ces ins-
truments, désignés au moyen âge sous le nom de
sacquebuCe'' .
Voilà qui laisse à penser que le trombone serait
né de combinaisons diverses appliquées successive-
ment aux cors et aux trompettes ; son timbre si parti-
culier occupe, en elfet, en quelque sorte le milieu entre
les deux, tenant sa douceur de l'un et sa puissance de
l'autre ; certains auteurs prennent pour racine tromba,
mot italien, qui désigne les trompettes en général';
d'autres s/ro)«6o/(, par ironie peut-être, pour souli"ner
les grondements dont il est capable.
De curieuses légendes existent sur le trombone à
coulisse; dans la préface de la Méthode de .N'elua.nn
son invention est revendiquée par Tvbtée, 683 ans
avant J.-C. ; d'autres accordent le mérile de la décou-
verte à OsiRis.
En 17.38, on aurait découvert, dans les ruines de
Pompéi, deux trombones superbes, dit .Neuma.n.v, dont
les embouchures étaient en or, alors que les instru-
ments étaient en bronze ; le roi de .\aples, ajoute-t-il
aurait donné un de ces ti'ombones au roi d'.\n"leterré
George II, (|ui était présent aux fouilles.
M. \V. Chapell, dans une note écrite par lui il y a
plus de cinquante ans, confirme cette assertion et
ajoute que l'instrument ainsi trouvé existe dans la
collection de Windsor; mais le conservateur de cette
collection a nié en avoir connaissance.
Devant l'abondance d'histoires plus ou moins di-
gnes de foi, il est préférable de s'en tenir aux docu-
ments parvenus jusqu'à nous.
On a quelques raisons de croire que la plus ancienne
trace des instruments à coulisse qui soit connue
est la figure presque informe d'une sacquebute où
saqiid.ute^ du ix° siècle; cette figure existe dans un
1. Voir strui lure du trombone ténor; étyiiiologie liu mot.
2. IJera.
3. Ténor.
4. Rabelais, liwe I, cbap. 23.
5. DucHHs, ù coii-luire.
6. Se'on Virgile et Isidore
7. C.isiniir CoLusto, La MusigWf p. 133.
8. Nom français de l'instrument : saquer, sacquer, mot ancien nui
vput dire traîner avec soubresauts; bouter (vieux) : pousse-, d'où
fyarpieboule, comme b'juic-sdie.
104
1S50
EycrCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOX XAIRE nv C.OXSEnVATOmE
manuscril assez bien conservé de Boulogne-sur-Mer.
L'enluminure de l'époque, or et arpent, est relative-
ment difficile à reproduire, le reclo ayant traversé
FiG. 715.
le verso et vice versa, bien qu'imparfaite, elle repré-
sente, de façon à ne pas s'y tromper, suivant quelques
chercheurs éiudits, le trombone à l'état rudimen-
taire.
M. Mahillon, ancien conservateur du musée du
FlH. 716.
Conservatoire de Bruxelles, à qui fut attribuée celle
trouvaille, s'est défendu de celle paternité; dans une
brochure intitulée : Le Trombone, son kisloire, sa théo-
rie, sa constitution'; selon lui, lesdits chercheurs
1. Celte brocliuri', tr.ijuint tics instruments à veut en général et du
trombone eït jiarticuliiT, est très concise; elle se recomman'le sur-
tout de HsLMiiOLTZ, natif de Potsdam (I8Î1-I894).
confondraient sflf^ifrbuïe avec jamfcKÏe, et l'enluminure
dont il est question laisserait à supposer que la sam-
bute est un instrument à cordes dont la structure
imitait assez bien la forme du Ironibone.
Quoi qu'il ensoil, serronsl'histoire le plus possible.
L'absence de documents marquant les x'', xi' et
xii"" siècles esl à peu près coniplèle; cependant, on
peut admettre l'existence du trombone pour celte
période, en s'appuyant sur une peinture le repré-
sentant clairemenl; M. Widor dit (|ue le s.m° siècle
fait voir l'emploi du trombone dans la célèbre pro-
cession de Saint-Marc de Venise, où défilent aussi
des trompettes longues dont le pavillon est supporté
sur l'épaule de pelils pages; cette procession très
mouvementée esl, paraît-il, reproduite aujourd'hui
sur des panneaux d'un certain prix et assez encom-
brants.
La structure de l'instrument de celte époque décèle,
par conséquent, une existence rétrospective.
Dans une peinture murale de l'Hôtel de Ville de
Paiis, fort documentée, on voit la sacqucbute- au
milieu d'un groupe de niusiciensduxv=siécle,où ligu-
renl harpe, trompette marine, cornet à bouquin, etc.,
et saluant avec la foule l'entrée de Louis XI à Paris
le 30 août 1461'.
VII II
^
^)
Fie. 717.
Sacquebute du xvii^ siècle.
Parmi tous les admirables instruments anciens,
peints sous la tribune de l'orgue, l'église de Gonesse*
nous a conservé une forme parfaite du trombone à
coulisse; la slruclure de l'instrument est bien celle
qui subsiste aujourd'hui.
Cette figure peut avoir quelque analogie avec les
posaiini'n des légendes du Nord dont il est question
plus loin.
Jusqu'en loOO, l'emploi de la saquebute ne semble
pas bien précis; les quelques notes qui suivent indi-
quent seulement sa présence dans les fêtes officielles
et marquent sa progression à partir de cette époque:
<< Quittance 31 décembre I.tIS, de Ghiistophe Pl.\i-
sANXF, joueur de saquebute du lloi^. «
Dans un volume publié en 1520, à Bàle, par S. Vir-
DC.NG , le trombone est cité parmi les instruments
connus en France; il y avait, dit-on, un fabricant de
trombones nommé Hans Menscel, qui faisait des
instruments de marque; le nom seul du facteur
nous en est parvenu.
En 1636, le Père Mersk.ViNE, au cours de ses recher-
ches, croit avoir retrouvé la description du trombone
dans un passage d'Apulée, écrivain latin du ii'= siècle,
auteur du curieux roman Z' Ane rf'or, et cite la saque-
bute dans une liste d'instrumenls en usage de son
temps.
Le czar Pierre le Grand, amateur de concerts
bruyanis, 'se faisait jouer des morceaux de saque-
butes et cornets à bouquin pendant ses repas" (1682-
n-15).
2. La sacquebute de cette époque est représentée le pavillon non
recourbé en avant, mais situé droit au-dessus de l'-'paulc gauche du
musicien.
3. Tatlegrain, 1892.
4. Environs de Paris, Seine-et-Oiso.
5. Noti" conservée à la liibliutliétiue ndionab-, ins fr. 7S33.
6. Casimir Coi.om», La Mu-siquc, page iiO.
TECHNIQUE, lisriiiiriuvE ht FÈDMlOaiE
LE TROMBONE
1(î:i1
Sous Louis XIV, dès 10'j;i, !■ corps do musique de
la u Grande Kcurie du Koi » célèbre des fêtes musi-
cales, el celles de rKpiphaiiie sont de grandes solen-
nités; d'après un étal de 1708, cette musique com-
prenait huit joueurs de fifres et tamhouiins, douze
grands hautbois, le quatuor des cromornes, basse,
ténor, alto et soprano, douze trompettes, cornets,
saqueboutes, etc.; l'un des devoirs de la charge de
« grand écuyer de Krance » était de faire servir aux
entrées des lois et autres solennités lesdits instru-
ments, pour rendre la fête plus brillante.
L' Hisloif' (le l' A<:ad>'mie des Sciences , noi, comprend
la saipiebute dans une liste d'instruments anciens.
Dans un catalogue des instruments à vendre chez
J.-Keinhard Storck, facteur d'instruments de musi-
que « Au concert des Cigognes », près le pont Cor-
beau, à Strasbourg, 1784, on trouve la dénomination
des dilférents individus de la famille des tromboni
el leurs prix ainsi délinis : le premier dessus, vingt
livres; le second, trente livres; pour la taille, qua-
rante livi'es; et pour la basse, quarante-huit livres'.
Ceci établit bien l'existence des trombones soprano,
alto, ténor et basse; les saquebutes du xvi° siècb^
dit Casimir Colouh, sont de ditférents l'.alibres, et l'on
en joue à plusieurs parties; il est l'ait mention, dans
les auteurs, du premier dessus, du deuxième dessus,
du bourdon et de la basse.
Chronique de Puris, 1791, p. 781. Translation du
coips de Voltaire au Panthéon. — Strophes de Chénier,
musique de Gosseg exécutée avec des instruments
antiques copiés sur la coloime Trajane : /«6a curva,
buccins, etc : cette liste pourrait s'augmenter sans
gagner en intérêt.
Le plus ancien document complet et authentique
de l'emploi des trombones à l'orchestre s'établit en
1607 : MoNTEVEUDi, maître de chapelle de Saint-Marc
de Venise, fait entendre un groupe de cinq de ces
instruments da:;3 son Orfeo; M. Vincent a'l.\Dv, dont
l'érudition est si coi}nne, a leuianié eji pailie celte
partition qui comporte des instruments aujourd'hui
disparus, et l'a fait entendre à la Srludn Cantnrum, où
elle lut ti-és goûtée parles amateurs de curiosités mu-
sicales anciennes et artistiques; outre le manuscrit
original, qu'il a eu entre les mains lors de la recons-
titution de l'œuvre, il existe deux copies du temps
identiques, et donnant les mêmes dispositions instru-
mentales; à l'exception du prélude, les trombones
ne sont employés dans l'ouvrage que pour les scènes
infernales et n'entrent qu'à l'enlr'acte du troisième
acte, comme il est dit dans une note manuscrite-.
Vincent d'I.ndy ajoute : .■ Il y a cinq trombones, plus
deux cornetti, que nous remplaçons par des trom-
pettes, le cornetto étant un instrument disparu^. "
Dans l'entr'acte du troisième acte, les trombones
sont écrits : le piemier en clé d'ut 2" ligne, les
deuxième el troisième en clé d'ul 3" ligue, les qua-
trième et cinquième en clé de fa troisième ligne'" :
à l'entrée d'Orfeo, scène II, il y a une sinfonia uni-
quement jouée par quatre trombones soli, le premier
en clé d'ut y ligne, les autres en clé d'ut 4= ligne.
Les trombones paraissent également à l'entiée du
chmur d'Ksprits infernaux, doublant les voix comme
l'usage s'en répandit alors généralement; les trois
premiers doublant les parties de ténors, les deux
autres doublant les barytons et basses avec l'aide
de la régale, d'un orgue de bois, de deux violes de
gambe et d'une contre basse à cordes; à la 2" scène
du IV» acte, ils doublent également les parties vocales
avec la même disposition, puis ils observent le silence
jusqu'à la fin de l'ouvrage.
Quant au prélude, il est cUrieuM pour l'époque,
parce que Montevehdi y mentionne que cette pièce
doit sonner un ton plus haut, les trompettes jouant
en son forcé avec sourdine»; cette remarque sur la
manière d'écrire la trompette est intéressante; elle
paraît avoir été très usitée", et prouve que nos com-
positeui's modei'nes n'ont rien inventé sous ce rap
port; les trombones de ce prélude sont notés en clé d'ut
%", 3" et 4= lignes, le deuxième trombone est désigné
sous le nom de vulgano''. Ici, sans aucun doute, la
partie était destinée à un trombone'.
11 faut encore retenir l'appréciation de Vincent
d'Indv sur le rôle du trombone dans la musique du
xvi' au xvu= siècle, rôle très considérable selon les
écrits datant de celle époque; le trombone fut
employé couramment comme la famille des violes,
comiie celb-s des hautbois et des cromornes.
Le trombone est donc l'un des plus anciens instru-
ments à vent, par suite, des plus vénéi'ables, par l'an-
tiquité de sa tradition; il possède cette particularité
d'avoir conservé sa forme primitive alors que tous les
instruments ont subi de notables changements'.
La forme du trombone en général a peu varié, en
effet; le buccin nous oll're un pavillon représentant
une tête de lion, de serpent ou de dragon, sans plus
d'intérêt; le rôle du buccin se réduisait, à peu de
chose près, h doinier la Ionique el la dominante; la
coulisse est loni'de el grossière; en outre, l'instru-
meul ne parle pas, manque de vibration'"; on en
trouve sans pompe d'accord ", qui fut, du leste, appli-
quée assez tard par l'iEiventeur Uiedlorer (1821).
Ou voit le buccin eu progrès dans les lutrins au
commencement du xix» siècle, et plus tard dans les
musiques de cavalerie.
1. Constant PiErutF. ; Les Facteurs d'instruments de Mttsiijite,prL'cis
historiiiue.
2. Ici ouïrent es tronbones, cornets et réglâtes, el ici se taisent tes
violes à bras, l'orgue de bois et le cembnlo, — et la scène change.
3. Le cornetto était une sorte de clialunieau à trous se jouant avec
une embouchure.
4. Inusitées de nosjoursrelalivenientan trombone, la clé d'?(f i^ li-ne
et la c\i de fij 3 ligne dénoncent l'existcn.-e d'instruments de diverses
auteurs.
LA FAMILLE DES TROMBONES
Troiuboiie coiitrcbasse*
Le trombone contrebasse fut, dit -on, employé
comme accessoire guerrier servantà donner l'alarme
sur les remparts; monté sur une sorte d'alfùt, il
mesurait environ quinze pieds de longueur sans
compter le lortil'-; il n'en existe aucun spécimen ou
.'). La sourdine îles instrunieids de cuivre à embouchure est une sorte
di-' cnne creui eti bois, carton ou métal, qu'on fixe dans l'interi-^ur du
pavillon ; elle Lut donner par 1 instrument des sons nasillards et comme
éloignés, plus élevés que quand l'instrument est naturel; plus l'instru-
ment est petit, plus il est sensible à la faculté île hausser le son.
tj. Kap|)elée et établie dans la Mêtltode de Irompell:' de Djiuvaust
7. ."Snm qui, d'ordinaire, était afîecté ù la partie de trompette grave.
8. Voir sur VOrfeo : II. I'kusièbes, La Vie et i'œuiire Je C. .Ifon-
teverJi 19261, pp. 62 et suiv.
9. Les quatre trombonistes qui sont peints d'après des carions d'Al-
bert Dlirer au-dessus de la porte de la Salle Impériale de l'II6lcl de
Ville de Nuremberg, peinture datant de 1616, jouent dans des instru-
ments à peu de chose près semblables à nos lr..mbones aciuels, landis
que, dans la même peinture, tous les autres inslruments dilTèicnt beau-
coup de ceux que nous connaissons aujourd'hui.
10. Ancien insirunient à vent, défini par Dauvëum?, sous forme trom
petto (l/e^iorfe).
11. Voir structure trombone ténor.
1-2. Tuyaut repliés en ronddiuilci tub -, |)ré,'é la it le pivillou
Mi'Uiode de trombone par Bef.k et Dieppo.
1(152
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
dessin précis; on suppose qu'il devait produire quel-
qjjes sons ou mugissements propres à donnei' l'éveil
par leur puissance; nul doute qu'il ne soit question
de cet instrument formidable au xiv" siècle, où, sous le
nom de sacquebule, il servait aux signaux, de même
qu'au temps des guerres d'Italie sous Charles Vlll
(1483-98), dont des gravures de sacquebuliers le lais-
sent vaguement reconnaître (V. d'Indy). Il fui connu
en Allemangne sous le nom de Gross Posaiine'. Le
trombone contrebasse, si peu avantagé pour l'art,
devait disparaître, et la musique ne put, pour cette
cause, le sauver de l'oubli, quand, en 1835, un fac-
teur d'instruments, Halary, établit et exposa un
modèle de trombone contrebasse muni d'une double
coulisse; ce système ingénieux pour l'époque obtint
une récompense, mais il ne fut pas employé en rai-
son d'i sa médiocrité de sou et de la résistance de
son mécanisme; c'était de nouveau l'abandon, mais
l'idée de restituer l'instrument en l'établissant musi-
calement était éveillée et devait suivre son cours.
On est parvenu dernièrement à le rétablir à l'aide
d'un nouveau système supprimant son énormité; deux
modèles différents en existent aujourd'hui, très faciles
à jouer; le modèle I'ol'rmer, récompensé à l'Exposi-
tion de 1900, elle modèle MAQUARRB(Jean), d'inven-
tion plus récente.
Le trombone contrebasse est appelé à rendre de
grands services dans l'orchestration future et dans
l'exécution des parties graves déjà écrites^, mais
conliéesàson défaut au bombardon^ qui nuit à l'effet
des timbres clairs*.
Tout développé, l'instrument mesure cinq mètres
Système Halary. ModMe Fournier. IWodcle Maquarbe (Jean).
FiQ. 71S. — Trombones conlrebasses.
treize centimètres, la longueur de ses branches divi-
sible en sept positions par la coulisse est de soixante-
deux centimètres (0 mètre 620) ; il est construit sur
si h grave''; il exige beaucoup de souffle et doit s'em-
ployer surtout pour ajouter aux effets d'étendue.
Exposition des sept positions avec leur armure".
Étendue chromatique du trombone contrebasse'.
^^^^^^''^^^^^^^_
u
Troniboiie basset
Le trombone basse^ est parvenu jusqu'à nous,
1. En Allemagne, .les tromboues portent le nom de posaune qui
s'iipplique aussi à la trompeUe, plus particulièrement à celle di-s
• Anciens », chez le? historiens et lês archéologues, et à celle di'sangps,
dans les passages des théologiens et des poètes relatifs au jugement
dernier (Casimir Colomh, La A/iisiqup, p. 132l. La gross posamie
evécutait les parties d<* b;isses éirilea sur la clé de fa 4« li^ne et 5»
ligne, â cause de la gravilé des sons de l'instrument ; on indM|uait
aur lu musique trombone 4«, ou siuiplenu nt trombone (Bf-eh et Djei-po).
2. Wagner a écrit une partie pour le trombone contrebasse dans le
Cr'imscule des Dieux. Verli, également, dans FaUta/l'.
W^pppp^
ki
mais il est dédaigné par les instrumentistes en rai-
son de sa lourdeur et d'un manche servant à attein-
dre les positions, ce qui rend aussi l'instrument
insoumis à la justesse et a l'exécution du plus simple
trait; on possède deux modèles de tons différents; le
premier, construit surso/b, mesuie tout développé
3. Contrebasse en cuivre, octave grave de l'oijhicléïde.
4. Trompettes et trombones.
5. Yùir structure du troiiil)one ti'-nfir dont il est roctave basse,
6. + Ce sigii- marque la plaie des noies pédales ioeiitribles.
7. Les uoires indiquent les demi-tons du centre musical, auquel
sont ramenés tous les instruments de la famille, c'est-à-dire comme s'ils
étaient tous en ut,
8. Kd Allemagne : Cro''S-Quart Po'iaiinp.
TECtINIQVE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
i m. 74 cm. ; la longueur divisible de ses branches est
deOrn. 71 cm., le manche atteint la lonjiueur de
Om. 31 cm.; le second, construit un ton au-dessous,
soit sur fa ^, atteint les proportions ridicules de cinq
LE TROMBONE 1653
mèli'es qnaranle et un centimèti'ys, sa longueur divi-
sible 0 m. 84, le manche 0 m. 37.
L'étendue de ces deux instruments réunis est
résumée dans celle d'un trombone basse nouveau
système.
F,a 7 19. - Trombone basse k manche. p... 720. - Trombone basse nouve.iu sy,léme.
Exposition de la résonance des sept positions du trombone en sol; et leur armure'.
Étendue chromatique du trombone en soP
k^^Wj^
^^^^^^p
Les maîtres anciens ont beaucoup écrit pour cet
instrument, unique à l'orchestre par son timbre et
son anijileur de son; les compositeurs actuels en
sont privés , et confienl sa partie à un Iroisiéme
trombone ténor qui ne possède ni l'élendue ni la
sonorité désirables.
De nomlireus essais ont été tentés pour remédier
à ces inconvénients du trombone basse; ils ont
abouti à l'établissement d'un instrument réunissant
les qualités de puissance, et surtout de timbre noble
■des trombones basses abandonnés en France.
Construit sur solii, ainsi que son prédécesseur, le
trombone basse moderne possède, outre la tablature
complète exposée plus haut, quatre positions dou-
bles, plus deux nouveaux corps sonores, utij et si I)
graves n'existant que sur le trombone en /■« Ij grave '.
Le mécanisme du nouvel instrument est très
simple et ses dimensions sont ramenées à peu de
chose près à celles du trombone ténor, sa virtuosité
est la même; la longueur divisible des branches
est de 0 m. 62, et il bénéficie de la suppression du
manche.
Exposition des neuf positions dn nouveau trombone basse et leur armure.
Tnba.
Dès l'apparition des pistons appliqués à la trom-
pette par LAiiBAVE (18-20) et plus tard par D. Jahn au
1. Le signe + indiiiue les notes péd.iles inexigibles.
S. Le Irombone basse ne s'écrit jjlus, sans danger, après sol i, aigu.
trombones on construisit un trombone basse qui fut
décoré du nom de tuba. Cet instrument n'a du
3. Inslrumentinulilisable, mais toujours cité.
4. Le signe + marque la place des notes pédales inexigibles.
5. L»3 positions f appuyées > sont les produits d'un système abais-
sant l'instrument d'une tierce mineure.
6. Récompensé eu 1834.
165
ENCVr.l.npfiDlE DE LA MUSIQUE ET DICTIDV XAIRE />U CO.VSEliVATOlKE
trombone que les liihes cylindriques égaux dans
toutes les parties; il produit des sons ranques très
liésai^réables et épr(]iive une ^'rande difTicnllé à
nuancer, aussi ne trouva-t-il place que dans les fan-
fares de cavalerie en servant de basse aux tronipelles.
Sa forme entraîna une erreur de désignation qui
s applique au luba actuel de perce conique, leni-
plaçanl à l'orcheslre l'opbicléide disparu'. Ad. Sax
en construisit un en mib à six pistons qui n'eut pas
plus de succès.
Fia. 72J. — Tuba grave ancien.
Troinlione ténor.
Le trombone «enor 2, le plus avantagé de la famille,
régnant seul dans les orchestres français, doit être
pris comme type pour servira établir la structure
du trombone en général; il se compose de tubes
cylindriques dans toute leur longueur; ces tubes, de
perce égale', se terminent par un évasemenl brusque
nommé pavillon; ce pavillon, recourbé en avant et
muni d'une pompe d'accord, forme la première partie
de l'instrument.
La seconde partie comprend deux tubes de lon-
gueur égale portant le nom de branches, relirs par
une lige nommée barrette S et qui sont munis chacun
à leur extrémité d'un tube court en melchior', pour
établir le glissement de la coulisse.
^ La troisième partie est formée par la coulisse
s'adaptant avec précision sur les branches, glissant
H
l\
en remontant jusqu'aux arrêts formés de deux petits
tampons creu.\ garnis de liège'' établissant lepremier
corps sonore'.
La coulisse elle-même se compose de
deux tubes de perce plus grosseque les bran-
ches, reliés aussi en haut par une barrette,
et en bas parun bocal" muni d'un siphon' ;
elle joue un grand rôle aujourd'hui par son
extrême mobilité.
Finalement, une embouchure percée
droite, c'est-à-dire ne formant pas cuvette
V
FiG. 722. — Trombone ti>nor
jij et son pavillon.
Fio. 723. Branclies. — Cou-
lisse adaptée aux embouts
el indications des positions.
à l'intérieur, favorisant l'émission et la pureté du son.
Le trombone ténor est construilsur si'i raédium '",
son timbre est unique et ses moyens sont innombra-
bles ; sa longueur est, l'instrument tout développé, de
3 m. 95 cm.; la divisibilité de ses branches, des man-
chons à la naissance des embouts, est de 0 m. 59.
Exposition des sept positions du trombone ténor"
Étendue chromatique du trombone-ténor '-
1. Le tuba aclui-I (sans tenii- compte de l'erreur de genre) a donc
usurpé te nom d'un vrai tuba^essayé naguère sous une forme nouvelle ;
pour lors, rien de commun, comme son et moyens, entre ces deuj
instruments, f|ue la forme imitée et le nom.
2. En Allemagne : Ténor Posaune.
3. Diamètre intérieur des tubes.
4. Terme de fabricants.
5. Ces tubes se nomment embuuts.
0. Mandions.
7. On entend par corps sonore la succession des sons obtenus du
graTe à l'aigu sur un tube fixe muni d'une embouchure et d'un pavil-
lon, soit II note foudamentalc ou pédale, l'octave, la quinte, l'octave,
la tierce, la quinte, la Mptiémo, l'octave, la neuvième, la dixième, etc.
Or, le trombone a ceci de particulier, .|u'après son premier .corps
sonore, il peut s'allonger sii fois cbro uatiq lemeil, donnant à cl.aque
allongement successif une série nouvelle toujours plus bas»e il'un
demi-Ion. Ce sont ces sept corps sonores que l'on nomme positions';
de la comliînaison de ces positions, le trombone à coulisse tire l'.ivan-
tagc de l'absolue justesse, la correction des intervalles bas selon les
lois de la résonance n'étant qu'un jeu, grâce à l'oreille et au^talent
de l'instrumentiste.
8. Tube arrondi.
0. Clef automatique laissant échapper l'eau dès qu'on pose l'instru-
ment debout.
10. Même hauteur que la voix de ténor, le grave en plus.
il. Le signe -^ marque les pédales inexigibles.
t'2. Passé r«t aigu, le trombone ténor ne s'écrit plus sans danger.
TECHNIQUE. ESTHETIQUE ET PÉDAGOGIE
LE TROMBONE 1655
Ces corps sonores ou positions peuvetil èlre piali-
qiiés par le trombone à pis-
Ions. Cet instrument s'au-
torise d'un mécanisme ap-
plique iieureusement aux
perces coniques, tels li'
cornet à pistons, le buglr,
le tuba, etc., dont l'émission
du son est reUilivemenl fa-
cile, sans toutefois jouir
des avantages acquis à ces
instruments; sa perce cy-
lindriqup le met en état
d'infériorité comparative-
ment aux instruments ci-
dessus indiqués, par la dif-
ficulté d'émettre le son et
d'observer même la jus-
tesse consentie aux instru-
ments à tempérament.
Or, ce qu'on exige essen-
tiellement du trombone,
c'est la justesse, ce sont la
,, ,, pureté du son, le timbre,
\^-^_^/ la force, etc.; il est incon-
testable que, seul, le trom-
bone à coulisse possède ces
moyens, vu sa colonne d'air
interrompue et la facilité qu'il donne de distinguer
dans tous les tons les intervalles à modifier.
Exemple : Damnation de Faust (Brri-ioz) :
Maëstoso ^_ i- «-^
Fi6. 724. — Trombsne à
4 pistons : module de l'armi
^^^^^Ê
Le trombone à coulisse exécutera bien fa double
dièse, tandis que le trombone à pistons donneras /
naturel déjà trop bas chez, lui ; le mi dièse subira le
même sort, et s^Ta remplacé par fa naturel.
Trombone à six pistons.
Le trombone S.\x,« six pistons et à tubes indépeu-
Fm. 725. — Trombone h six pistons indépendants,
dants, pou ravoir été copié sur le trombone à coulisse'.
i. Siibslitiilion des pillons aux positions, soit première position
rempliicée par le prpmier piston, ainsi de suite, la septième position
représentée par l'instrument â vide sans se servir d'aucun piston ;
n'est guère plus heureux; il jouit d'une sonorité
relative, mais il se complique d'une préparalion de
doigté dont un tromboniste craint les disgrâces; en
outre, les difficultés d'accord dans les modulations
lui sont aussi redoutables qu'à ses congénères-.
On a aujourd'hui des cors, des cornets, des trom-
pettes et des trombones à pistons ; ce mécanisme
donne^une grande égalité de son et une grande faci-
lité au jeu ; mais il faut bien avouer, dit Casimir
Colomb, que, dans certains cas, le timbre primitif est
altéré et dénaturé, et que c'est une faute pour un
chef d'orchestre que de faire exécuter par des ins-
truments modernes des parties écrites par les
maitres pour les anciens instruments du même nom ;
l'ignorance des exécutants peut trouver cela plus
commode, l'insouciance du chef d'orchestre peut
s'en contenter, mais le caractère d'une œuvre est
absolument faussé par une pareille négligence''.
Ces instruments-, peu avantagés dans l'orchestre
symphonique, paraissent avoir surtout rendu des
services aux musiques militaires, populaires, etc.,
bien plus qu'à la musique elle-même, par leur faci-
lité d'emploi comparative; les essais dont ils furent
l'objet sont si nombreux qu'il serait fastidieux de
les énumérer eu y joignant ceux du trombone a
coulisse, aucun intérêt artistique ne s'y attachant
du reste.
Xi-oiuboiie alto.
Le complément naturel du trombone ténor à l'or-
chestre est le trombone alto'% formant avec le trom-
bone basse un trio homogène et présentant une éten
due utilisée dans la musique classique.
.Après l'abandon du trombonebasse,
le trombone alto n'avait plus guère de
raisons d'exister; les compositeurs,
non sans regrets, durent en prendre
leur parti, se résigner à écrire des
accords rapprochés, et remplacer quel-
quefois des sonorités manquantes par
des forte exagérés qui, peut-être, ne
sont pas étrangers à l'abus qu'on fait
aujourd'hui du trombone.
La disgrâce du trombone alto fut
aussi motivée par la médiocre qualité
de son qu'il donnait; objet de tenta-
tives d'améliorations, il fut construit,
tour à tour, sur fa b, mi i\^ et rêb,
sans résultats appréciables, car la
structure générale de l'instrument
était seule laulive; il fut doté derniè-
rement d'une perce spéciale demi-cylindrique, dont
l'application su résume dans l'établissement d'un
tube plus petit que l'autre, d'une coulisse plus longue
et de l'adjonclion d'un pavillon plus en rapport avec
l'instrument; il apparaît aujourd'hui comme élégant,
sonore et bien timbré, prêt à revendiquer sa place
en s'appuyant sur de nombreux prosélytes.
Inutile de reproduire les anciens types, tous les
matbeureu=emcnt, 1-s pistons ne peii»enl npporler la sensibilité de ta
C3ulis5e et restent soumis aux lois de la résonance, malgré des com-
binaisons ingénieuses de doigtés f.ictices.
2. Saint-Saéss, dans le Déhige, tire parti de sa faculté chromatique
dans certaines tonalités.
3. La Musique, p. 13iî.
4. Les trombon -s à pi-ton«, quels qu'il soient.
5. En Allemagne : Alto Posnun''.
6. ArabroUe Thomas a .crit un solo important p..ur trombone alto
en mi a, dans l'ouierturedu Comte d,; Cnnna.jnola. (1811 ).
Fia. 726.
Trombone- alto.
llîôf.
E!Vr.yCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOS'NAIRE DU COSSERVATOIRE
mêmes, proportions gardées'; le nouveau modèle
est rétabli sur ré [i qui lui donne une sonorité per-
so melle et précieuse.
Sa longueur' totale est de 3 m. 20, sa divisibilité
des mandions aux embouts est de 47 cenlimètres.
L'écriture de sa partie, depuis Gllcr, Bach, Mozart,
Beethoven, WiiBEH, Berlioz, Wagner, prouve sa valeur
et son utilité.
Exposition des sept positions du trombone-alto -
Péd. <'-'^f'\V
V
fiendue chromatique ^
^^^^^^
Sp(ï
g
Trombone soprano»
Peu de compositeurs ont écrit pour le trombone
soprano''; on trouve une partie écrite par Bach dans
sa Cantate pour tous lea temps, Gluck en avait écrit
une dans Alceste{Cor-
netto).
____j,_^ Les résultats obte-
II >^ nus naguère sur cet
iusirumeut lurent sa
soprano\ condamnation, et les
1 ecberches se porlè-
renl sur la trompette à coulisse, mais les mêmes rai-
sons les firent échouer l'un et l'autre; en eflet, sur le
CI
2
Œ
Fir,. 723. — Trombone
Iromborie soprano, le son dégénère dès la troisième
position nn'h', et la trompette à coulisse éprouve le
même sort; construite à l'envers du trombone'' et sur
Aï!) également, elle ne donne que trois demi-Ions,
/'ail, mi if, mi \i; des combinaisons établies sur les
[iroduits de ces corps sonores ont apporté une
gamme chromatique incomplète et inexploitable*.
Fort des remarques faites et appliquées au tiom-
lione ailo, on construisit sur ces données un nouveau
trombone soprano, et, après de nombreu.\ essais, on
réussit à établir un instrument qui rappelle la jolie
sonorité de la trompette en faii^, muni qu'il est de
sept positions parfaites et d'une sûreté de son impec-
cable.
Exposition des sept positions du trombone-soprano'"
Étendue chromatique*
1. Le Mus6i.'dii C'iiiS'ïrvaloire iIl* Pan- jinssède un trombone altu
ancien. N" 661. Riedlokkr.
2. Le signn -|- marque les prtdalcs inexigibles.
3. Passé ie miti.le trombone allô ne sï-crit plus sans danger.
ÈEiTHovEN n'n pas craint d'écriie un fa ^ *'''r;" ''^"^ ^-i ^) mplionie en ut
miiieur; est-ce pour 6viler un daiig^er aux li'ompetles simples il than-
genientdc Ions en u'^age alors, ou est-ce une Sonorité de son choix?
4. En Allemagne : Klein-Alt-Posnimr.
. lien existe un ancien dans la coUeition du baiondeLéry.
1^ Au\ suivants d"e"iplii|uer ces singuiarili's.
7. Trumpelte anglaise construite sur Lruis demi Lons, la coulisse
rcmjntant au-desBus de lY'panle delViécutant au lieu de s'allonger
dev.tnt lui.
8. Méthode de tronipi'tte i\<^ Dalivehné.
'J. Aba-idonnêe dejuiis ))eu par le Cuaservatoire, p^-urdes niisons
d'eiii|i!oi dirficile.
10. Le signe -f induiuo les pédales non esigibles.
11. Passé le 50/ aigu, le trombone sopran:ine s'écrit plus sans ditngf^r.
TEr.llMQUE, ESTHÈTIQVE ET PÉnAGoGIE
LE TROMBONE K.57
TromUoae pict-olo.
Alicuii document n'existe qui stifll>e à nioliver In
c
SD
— Trniiilione piccolo.
présHiicf du trniiilioiie piccolo, réiahli .1 tili e de curio-
sité et comme coiM[ilériieiil de l;i famille ; cons-
truit SIM' lie MOuveaiiK piiiicipes, déiivanl du trom-
bone ténor, dont Il est l'octave ai;.'Ui', il possède aussi
sept [lositlons liien tiuibrl'es; sa lonixiieiii' tnlale est
de I m. 06; sa divisiliililé, des mandions aux embouts,
est deO m. 29; en raison de son exi;;uité', il permet
une certaine virtuosité.
Exposition des sept positions du trombone piccolo'.
Ëtesdue chromatique^
^^P^pipipp
Selon les 'principes des anciens, ces six instru-
ments doivent être traités en ut (c'est-à-dire au ton
-de l'orcheslro), bien que pas un seul, comme on l'a
vu, ne soit dans celte tonalité*.
ENSEIGNEMENT ET EMPLOI DU TROMBONE
L'enseignement officiel du trombone en France est
récent; ce précieux instrument, relégué parmi les
objets guerriers et plus lard parmi les accessoires
d'orchestre, survivant malgré tout à sa disgrâce °,
fut tiré du néant par GiiEauBiMi, directeur du Conser-
vatoire royal de musique, qui obtint du gouverne-
ment la création d'une classe de trombone (1833-36).
Cette classe n'enseigna et n'enseigne encore que le
trombone ténor, à. l'exclusion de tous les autres, ce
qui explique l'absence du plus petit ouvrage d'ensei-
gnement relatif à la famille.
Le premier professeur fut Vobaron; son enseigne-
ment apparut un peu embrouillé et incomplet, faute
de principes, assez difficiles, cela se conçoit, à établir
au début; il a laissé une Miilhodo sur laquelle les dé-
butants s'exercent encore aujourd'hui.
Son successeur Diepco enseigna plus clairement
et produisit de nombreux élèves de valeur; il écri-
vit, en collaboration avec Beeb, une Méthode qui
ajoute peu à la tliéorie du trombone; très enthou-
1. Trom;)ette en si\;.
2. Le signe 4- marque le^ pédales inexigibles.
3. Après «i [, aigu, le trombone piccolo n^ s'écril pts sans d.in's-er.
4. Si, selon une ancienne err^-ur, nous désignons le ténor par l'ex-
prcssion en ut, c'est-à-dire un Ion au-dessus de son premier corps
sonore, tous les autres, sans plus de raisons, devront nionli-rd'uu ton
dans leur appellation; il est donc nécessaire, pour la clarté, de s'en
tenir à leurs noms respeclil's, sans s'occuper d'autre chose que de
l'étendue otrerte par ces instruments réunis ou sectionnés selon les
besoins ou la fantaisie du compositeur.
5. Dans des mains inhabiles, il est en cTet ridicule ù voir et hor-
rible à entendre ; il fut donc souvent voué au dédain ni;ilgré son inno-
•cence.
sia^te de son instrument, il atleignil à la célébrité
l'ar une virtuosité et une maîtrise extraordinaires ;
c'est sons son iniluence évidente que certains solos
sont écrits dans les belles sonorités de l'instrument
qu'il a su asservira car il n'accordait (avec affecta-
lion) qu'une valeur relative à tout ouvrage ne com-
portant pas de solo importani, o'a tout au moins de
partie ardue.
BiiRLioz écrivit sa Sym^/honie funèbre (aux victimes
delà révolution de 1848) où le trombone brille dans
un récitatif de grand caractère, précédant un solo
non moins imposant ; l'opéra d'HALÉvv Le Juif
errant (1852), comporte un grand solo; Guido et
Ginevra contient peut-être le plus haut et le plus
dramatique solo de trombone qui existe. Ambroise
TuoMAs a écrit dans Uamict le solo difficile du 1''' acte,
2' tableau.
C'i'st bien sous Dieppo, ce maître exécutant'', que
l'instrument prend un véritable essor.
Professeur par intérim au Gymnase militaire", il
dut créer, sous l'impulsion du général Mellinet, ins-
pecteur des musiques régimentaires, l'enseignement
du trombone Sax à six pistons (1866); l'emploi de
cet instrument, devenu obligatoire à l'Opéra, dans
les musiques, etc., causa à cette époque la presque
disparition du trombone à coulisse.
Delisse, élève de IJieppo, succéda à son professeur;
non moins brillant instrumentiste, il fit sa carrière à
l'Opéra-Comique et à la Société des Concerts; son
enseignement fut solide; homme du monde, violon-
celliste agréable, peintre disl.ingué, il eut plus d'am-
6. DiKpi'o était venu à Paris comme clarinettiste; celte anomalie
explique sa collaboration avec'BEER, professeur de cKarinelte.
7. Une craignait point île se rendre chej les compositeurs avec son
initruraent pour leur en faire connaitre les ressources; Bkhlioz, entre
autres, usa souvent de cette complaisance.
8. Caserne école (disparue avec l'Empirei ou les régiments envoyaient
en pension pour un, deux ou trois ans des élevés solistes, suivant aussi
des coursd'harmouic, de composition, et destinés à re'ioiiveler les ca-
dres des sous-chefs et chefs de musi<|ue de l'armée.
1658
ÏSCVCLOPÉOIE DE LA MUSKJI'E ET DICTfOVNArRh' PU COVSERVATOIRE
bition pour ses élèves que pour hii-nième ; sons son
impulsion et grâce à ses conseils tecliuiques, de nom-
breux solos de concerl, airs variés, solos de concours,
furent éci-ils par Demersuann ' ; ces morceaux brillants
et bien conçus pour l'instrument particulier qu'est le
trombone à coulisse, lui ouvrirent une voie nouvelle ;
il transcrivit, dans le bul d'ennoblir l'étude de l'ins-
trument, de la musique de Beethoven, Mozart, Haydn,
Mendelssohn, Chopin, Schumann, etc., quatuors, trios,
duos, solos, qu'il accompagnait fort bien au piano;
cela faisait sourire quelques professeurs de ses collè-
gues: i( Je supplée à ce qui manque, disail-il, et quand
mes élèves auroul sucé cette mamelle, ils ne sauront
plus faire de mauvaise musique. »
A la suppression du Gymnase militaire, il lutta
contre l'intrusion du trombone à pistons, quel qu'il
fût, dans sa classe, et, par son énergie, fonda la véri-
table école du trombone à coulisse, dès 1873
La pénurie causée, chez les trombonistes, par
l'emploi passager du trombone Sax, provoqua, dans
la réorganisation des musiques militaires, le choix,
comme instrument réglementaire, du tronilione à
quatre pislous encore en usage actuellement.
Delisse a laissé un opuscule s'adressant plutôt aux
artistes qu'aux élèves proprement dits, ce qui crée
une lacune dans l'enseignement^.
Le professeur actuel est M. Golullai'd; il a succédé
à Allabd (Louis), élève de Delisse, qui avait leniplacé
ce dernier à l'Opéra-Gomique et à la Société des
Concerts'.
Les virtuoses sur le trombone sont peu nombreux
à citer; aucune page de musique du reste ne fut écrite
pour eux'. Chose curieuse et à remarquer, cet ins-
trument si répandu dès le xvn° siècle, en Italie, en
Allemagne et en Angleterre, était presque inconnu
en France.
Dans leur primitif emploi, les trombones formaient
un chœur douhlant les voix, les remplaçant au besoin,
et ne trouvaient guère place que dans les solennités
religieuses ou princicres : « C'est ainsi, dit V. d'Indy,
qu'on le rencontre toujours à cette époque, soit à la
cour des princes qui avaient assez d'argent pour se
payer le luxe d'un chœur complet de tous les instru-
ments", soit dans les fiHes religieuses, cantates ou
sonates d'église; ils doublent toujours litléralt-ment
les voix ou se séparent d'elles pour jouer un chœur
instrumental à quatre ou cinq parties; la musique
solennelle de ce temps foui'mille d'exemples de cette
nature; les compositeurs écrivaient, pour les versets
de certains hymnes, des ensembles de trombones à
cinq parties à la place des violes, pour varier''. >>
L'usage de doubler les voix a prévalu longtemps;
on le retrouve chez Hach dans plusieurs de ses can-
tates, notamment dans celles de la Fêle de Piiqiies et
de Pour tous les temps; Beethoven lui-même, dans le
Creao ae sa Messe en rf, fait jouer les trombones tou-
jours à l'unisson des voix, au cours delà fugue finii le.
Les compositeurs qui ont traité avantageusement
les trombones alto, ténor et hasse sont légion; tous
1. Célèbre lliUiste compositeur.
2. Il n'y a pis de i)rogression outre les premiers ouvrages d'ensei-
gnement cités et cet opuscule.
3. Ou consultera utilement I excellente Urgaitotjraphir fjtjnérale des
instruments a embouchure, lie M. Henri Séh.\. professeur au Conser-
vatoire rojal de Bruielles (l''25).
4. VoB»RON dut fiiire travailler ses premiers élèves sur oe la musiqu e
écrite pour le basson.
5. Comme les princes de Gonzaguc et de M intoue, pour lesquels
MoNTEVERDL composa son Orfeo.
6. H. ScH0rz(l53.')-lt37i), précurseur de Bach : Dictionnaire de niu-
t'jue d'Hugo RiEMANN.
semblent s'être rendu compte des sonorités it de
l'étendue offertes par ces instruments, car, depuis
Clucb'', mainte partition offre ce trio d'instruments
traité au ton de l'orchestre.
La critique n'a pas épargné le trorahone, et, en
1906', on pouvait lire cet aveu qui, pour être tardif,
n'en est pas moins éloquent : «... Tel iiistrumeut comme
le trombone que j'avais souvent pris à la blague me
semble triomphal aujourd'hui ; jadis, il me semblait
aussi curieux de lire la mention : " i" prix de trom-
bone » sur un bristol, que de voir celle de : " garçon
d'accessoires du théâtre de la Chimère », souligner le
nom d'un humhle citoyen de Landerneau sur une carte
de visite. » On conçoit les luttes soutenues par les
défenseurs de cet instrument unique si peu considéré
ou vulgaire, et resté pourtant le roi indétriJnaLile des
instruments de cuivre.
Les compositeurs contemporains, sans le défendre
outre mesure, s'en servent avantageusement en tant
que ténor, tout en se trompant quelquefois ; le maître
Saint-Saëns, dans sa Sijmphonie en ut mineur avec
orgue, semble céder à l'idée que le premier trombone
est le plus habile des trois, et il lui conlie un passage
dont la tessilure est bien relative au trombone basse;
sa raison est certainement l'alisence d'un instrument
grave dans ce timbre, puisqu'il a tracé une page émou-
vante pour le Irrimiione ténor daussa.1/arr/i« Héroïque,
en lui confiant un motif plein de poésie, écrit dans la
belle portée de l'iustiument.
Vincent d'Indy comprend aussi que, à part les effets
d'orchestre, on peut faire parler le trombone, et il le
prouve en lui confiant le dernier soupir de Wallen-
stein, dont la délicatesse consacre les moyens de l'ins-
trument employé absolument en solo.
Haendel a employé le tromlione dans Israël en
Egypte, el MozAHT,qui semble avoir connu le rôle de
chaque instrument mieux que tout autre musicien,
l'appréciait hautemeni, comiTie le démontrent ample-
ment les grands accords qui se présentent dans l'ou-
verture et dans l'opéra de la Fli/te enchantée; dans
Don Juan, il a réservé les trombones pour les scènes
de la Statue"; il les em|doie encore dans son Requiem,
pour représenter les trompettes du jugement dernier.
Die Srhôpfung (Messe de la Créationi offre aussi
trois trombones classiques intéressants'".
Beethoven, ne disposant certainement pas de trom-
bonistes aussi habiles que ceux d'aujourd'hui, qui, en
plus d'une technique supérieure, possèdent des ins-
truments parfails, a cependant écrit des choses qui
nous étonnent. Sa considération pour l'instrument
sensible et nerveux qu'est le trombone lui a lait com-
poser, étant à Linz en 1812, trois Equali", dont deux
furent fondus dans le Miserere exécuté à ses funé-
railles'-; ces morceaux paraissent, d'après les clés,
avoir été écrits pour deux trombones altos, un trom-
7. la première apparition des trombones à l'Académie de musique
parait être due à VOrphée de Gi.uck, oii ils jouent seulement d.ins le
premier chœur, doublant les parties vocales ; ce premier cliicur u'ayant
pas été modifié par Gluck, devait être un reste de l'Or/i/i e écrit pré-
rédemmenl par lui en italien : ['Orjihér français est de 1774; c'est v.ts
cette date qu'on peut placer l'inlroduction du trombone à l'Opéra.
On ne trouve nulle trace de trombone dans les leuvres de Liii.i.y, pas
plus que dans les opéras de Rahsau, de Destoucuis, de Campra et
autres de la môme époque.
8. Concours du Conservatoire. —Journal l'/nlr,vixi,ieant,V) juillet
|106.
9. Première représentation .'i Prague, le Î9 ocliibre 1787. La pièce
fut reprise à Vienne le 7 mai 1788.
10. 835-838 cliez Costallat et C".
11. Petits quatuors pour voii égales : éd. Bueitkopf, Leipzig, el chez
CosTAui.AT et C", Pans.
12. Adaptation aus paroles du Miserere par Seïfbied.
TEC.lIMnlli. EsriŒTl()UE ET PÉDAGnGIE
LE TROMBONE Um
bonc téiiur et un Iroinlione basse, mais peuvent être
exécutés par quatre ténors. Bketuovkn tire un elFet
inoubliable des trois iristrunienls dans sa /A'° Sym-
phonie avec clumtrs; la Symphonie pastorale ((inale),
où il n'emploie qu'un alto et un ténor, l'ait supposer
une recherche d'effets divers, car dans le chœui' des
Derviches des /iî(i»es d'Athnies, on trouve le trombone
basse doublé de l'alto, l'oclave au-dessus.
Quelques compositeurs se sont servis seulement du
trombone basse dans plusieurs de leurs ouvrages :
Cherubkni, les Deux Journies, VVeber, Concertatùck,
Bennett, /(?.< A'uïades, etc. Celte manière présente seu-
lement l'avantage de doubler les contrebasses a cor-
des, dans certains passages, en leur apportant un
timbre plus vibrant, et d'appuyer quelques rentrées
d'orclieslre. Werer rend pleine justice à ces instru-
ments dans le FreisckiUz.
Schubert emploie trois trombones dans l'ouverture
de Teiifels-Lnstschloss; ses premières symphonies
ofTrent d'intéressants exemples de leur utilisation et,
dans sa Grande Si/inphonie en ut, il n'y a pas un mou-
vement qui ne conticine un passage capital pour
eux; ses messes sont remplies d'exemples de leur
emploi magistral, notamment celle en ini\^-
IMendels^oh.n a coulié au trombone, dans l'entrée et
la terminaison du LoUgesanij ', une des plus grandes
phrases qu'il ait écrites; l'effet des trombones dans
l'ouverture de Ruy-lila.<, contrastant avec le réseau
délicat des cordes, est apprécié de tous les musiciens.
RefonnatioH-Si/mphonie est aussi un modèle de
clarté; la forme bizarre employée dans la musique
d'Alhalie, où le trombone-allo joue dans l'aigu et les
trompettes dans le grave, fournit un champ d'obser-
vations curieuses.
ScHLUANN a produit un bel effet avec les trois par'-
ties de trombone dans le petit prélude qui précède
le finale de sa Premier'^ Symphonie, de même que
dans la troisième on /ni'ii, où l'alto exécute une par-
tie à peu près impiaticable à un premier trombone
ténor; il oblient de grands effets dans Le Paradis et
la Péri, Faust-symphonie, et un grand contraste dans
Mànfred.
Tous les maîtres ont jugé le trombone noble,
grand, grave, dramatique, après Gluck qui s'en sert
si heureusement dans Alceste (Vienne, 1776), en écri-
vant le cri formidable des trois trombones répondant,
telle la voix courroucée des Dieux des enfers, à l'in-
vocation d' Alceste; dans le deuxième acte d'iphigénie
en Tauride (1779), les mêmes instruments lancent une
gamme mineure sur laquelle se dessine le chœur des
Furies; ces modèles ont été quelque peu oubliés.
Berlioz désigne le trombone comme le chef des
instruments épiques, avec sa sonorité remarquable et
particulière, avec son énergie vibrante, solennelle,
merveilleuse dans les chœurs guerriers, religieux,
marches Iriomphales, elc; aussi, en obtienl-il des
effets inattendus dans ses œuvres ; sa Symphonie fan-
tastique comporte trois (rombones classiques, im-
pressionnants dans la marclie au supplice.
La disparition définitive des trombones classiques
oblige les compositeurs à tirer paiti de ce qui existe;
ils écrivent une basse pour un lénor et un alto pour
nu autre ténor; deux instruments sur trois jouent un
rôle qui leur est étranger, et les instrumentistes d'au-
jourd'hui sont souvent obligés d'exécuter, non sans
danger, des parties hors de leurs moyens. Wagner
écrit aussi de deux manières, pour les trombones
t. Syniplioiiie cantate, ou hymne de louange.
classiques et pour trois trombones ténors; il semble
quelquefois regretter les premiers en employant le
bonibardon pour le grave el la trompette basse pour
l'aigu ; à citer dans les Maîtres Chanteurs, un effet
paiticulier de trombone basse solo, accompagnant
les premiers mots de Hans Sachs : « Rêve, rêve; tout
n'est que rêve. »
César Kra.nck emploie avantageusement trois trom-
bones ténors dans PsycM, Rédemption, Les Béatitudes,
dans ses symphonies; mais il évite avec soin les dis-
tances offertes par les trombones basse et alto.
Notre époque, en son esprit d'art ftouveau, a intio-
duit l'abus du trombone; sauf les maîtres qui en
discernentremploi, beaucoup decompositeurs, comp-
tant en obtenir des effets grandioses, n'en tirent que
du bruit : un de nos plus éminents chefs d'orchestie *
atlressa un jour ce mot à ses artistes distraits pen-
dant une répétition : » Messieurs! ce qu'il y a de plus
beau après la musique, c'est le silence. » Si on ap-
plique ce principe à la musique elle-même, on en
déduira que, souveni, le trombone perd de ses efl'els
de grandeur el de son coloris en raison de l'insis-
tance à le faire entendre. L'auteur anglais d'un lécent
traité d'inslrumenlalion, EbeneIî-Prout, s'exprime
très justement de la façon suivante: « On rencontre
des exemples de l'emploi des trois trombones forte
en pleine harmonie dans presque toutes les partitions
modernes.» Kn elfel, la tendance généralede l'époque
actuelle est de beaucoup Irop les employer, et il
ajoute : " Ou peut établir comme règle générale et
même sûre que l'effet produit par les trombones
ser'a en proportion inverse de la fréquence de leur
introduction dans la partition; même dans les pas-
sages pleins, on doit s'en servir avec sobriété et .
grande discrétion, à cause de leur puissance, car la
prédominance constante de cette couleur sonore
donne de la rudesse et de la vulgarité à l'orchestre, et
devient bientôt fatigante pour les auditeuw. >>
L'emploi des trombones peut donc se résumer
ainsi : recherche des belles sonorités, rythmes de
grand caractère, utilisation opportune pour en tirer
des teintes particulières, des chorals, fugues, con-
trechanls, etc. •■; employer le médium et l'aigu en se
servant du grave passagèrement; on a ainsi le moyen
de faire chanter les instruments, même le trombone
basse, ce qui est parfois impossible au troisième
trombone ténor; même règle d'observations pour
tous les instruments de la famille.
L'écriture des Irois trombones ténors, fort bien
conçue dans beaucoup d'ouvrages importants, peut
sembler satisfaisante à nombre de compositeurs qui,
n'ayant du reste entendu que celle-ci, lui trouvent
une homogénéité de son parfaite. Cela ne peut tou-
cher les classiques; la grande composition actuelle
et future nerecberchera-l-elle pas toujours les diver-
sités, l'étendue des timbres connexes, enfin tout ce
qui peut apporter des effets que tant de génies n'ont
point dédaignés, mais recherchés?
La restitution de la famille des trombones aidera
peut-être un jour à combler une lacune dans l'or-
chestration future, car actuellement, les instruments
de cettu famille sont employés couramment à Paris ;
il y a là l'indice d'une évolution dans laquelle les
compositeurs joueront un grand rôle.
2. Edouard Colonne.
3. Albbechstbeugeh, Sàmintliche Schriften ûbcr Geiu-ralbass Bar-
monielehre und Tonsezlkun^t zu'm Setbst'itntemcht. Dritter Band,
Amveisung fur Composition : on indique que le trumbone employé
duns la musique de danse apporte à ce genre une ettrômc ironie.
LE SAXOPHONE
Par Victor THIELS
ANclKN sors- ;fii:i" lu", ianfahk a i, opkra '
HISTORIQUE ET DESCRIPTION DU SAXOPHONE
Jusqu'en l'année 1840, les orchestres composés
d'instruments à vent et dénommés « Harmonies » ou
« Musiques militaires », présentaient une anomalie
grave au point de vue de la « théorie des sons ».
Divisés en deux catégories absolument distinctes (les
instruments en bois et les instruments en cuivre),
ces orchestres ne pouvaient arriver à donner l'illu-
sion d'une homogénéité suffisante, en ce sens que la
trop grande diirérence des timbres et de la sonorité
empêchait les instruments, alors en usage, de s'unir
harmonieusement.
La science de l'acouslique étant restée, jusque-là,
fort peu étendue et très incomplète, on en était
réduit aux tâtonnements en ce qui concerne les lois
du timbre et les vibrations des ondes sonoi'es. Une
réforme, ardemment souhaitée, s'imposait dans la
facture in»lrumentale.
Ce fol à Adolphe Sax, né à Dinaiit (Belgique;en 1814-,
que revint l'honneur de s'illustrer et de conquérir
une place gloiiense dans l'histoire universelle de l'art
musical, en prodnisant des inventions qui révolution-
nèrent l'organisiition des harmonies et fanfares, et
servirent de point de départ à une industrie devenue
essentiellement française et occupant, à l'heure ac-
tuelle, des milliers d'ouvriers. (Adolphe Sax est le
créateur des saxhorns, saxotrombas et des saxtubas
qui furent brevetés, en même temps que les saxo-
phones, vers ISio.i
Devenu très habile dans l'art de la facture instru-
mentale, par suite de son active paiticipalinn aux
travaux de l'atelier de son père (Charles-Joseph Sax,
fabricant d'instruments de musique, élabli à Bruxelles
depuis 1815), excellent virtuose, en raison des études
musicales entreprises et menées à bien sous la direc-
tion de Bender, chef de la musique des Guides belges,
Adolphe Sax commença, d'abord vers 1841, à se
préoccuper des perfectionnements susceptibles d'être
apportés aux instruments connus à cette époque.
Puis, bientôt, il fut amené à conclure que s'imposait
la création d'un type spécial et nouveau qui, par la
nature même de son timbre et de sa sonorité, de-
viendrait le trait d'union entre les deux catégories
existant déjà.
Doué d'une nature extrêmement énergique et
essentiellement combative, Adolphe Sax, plutôt que
d'être rebuté par l'insuccès des premier essais, fut,
au contraire, encouragé par les grandes diflicullés
du problème qu'il lui fallait résoudre. Il s'efforça de
découvrir les données encore inconnues de la théorie
des sons, dont l'ignorance pai'alysait les progrès de
la facture instrumentale.
Son génie, patiemment appliqué à surprendre le
secret des manifestations sonores suscitées par ses
expériences nombreuses et diverses, l'amena rapi-
dement à la découverte de cette loi fondamentale
d'acoustique : « Le timbre du son est déterminé par
les pioportions données à la colonne d'air en raison
de celles du corps de l'instrument qui la contient. »
Partant de ce principe même, il conçut l'idée d'u-
tiliser les propriétés de la parabole (auxquelles nul
n'avait songé avant lui), et à les appliquer au nouvel
instrument qu'il se proposait de construire. (Adolphe
Sax a conçu l'idée d'appliquer les propriétés de la
parabole à'ia construction des salles de théâtre et de
concert. Des projets et des plans ont été imprimés
en 1860, mais aucune réalisation n'a encore été faite.)
Ce fut donc en confectionnant un cône de forme
parabolique qu'il parvint à atteindre le but qu'il
poursuivait, non plus en tâlonnanl comme ses prédé-
cesseurs, mais scientifiquement, avec une sûreté et
une certitude absolues qui restaient acquises pour ses
inventions futures.
A cet instrument, qu'il fit breveter en 1845, Adolphe
Sax donna le nom de saxophone, et, pour que la liai-
son fiH absolument complète entre tous les autres
instruments, de registres très dilférents, il créa la
famille en!ière des saxophones.
Famille des saxoplioiies.
La famille des saxophones se canifiose de sept indi-
vidus dont nous donnons, ci-dessous, l'étendue et
l'effet réel :
<JOhAAiviMM' jkX
1. Nous adressons tous nos ronierciemenls à M. A. LAMutur qui a bien voulu revoir et comploter l'article de M. Thiels, di'cédf.
(N. U. L. D.)
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE SAXOPHONE 1661
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i |i * j) < ' ■- "
m
\/)vJin .ituM
Saxoph'
ine contrebasse de :
A
& a
—
basse
B
b
—
barvlon
G
c
ténor
D
d
allô
E
e
—
soprano
V
r
—
sopranmo
(}
g-
N.-B. — Tous les saxophones en si b se fonl aussi
en ut; tous les saxophones en wîifi se font égale-
ment en fa. Dans ce cas, l'effet réel est un ton plus
haut que pour les saxophones en si> et en miU. Pour
les instruments possédant le si\i grave, l'effet léel
se trouve augmenté d'un demi-ton chromatique en
descendant. Nous donnons ici les images des repré-
sentants modernes de la famille des saxophones, à
l'exception de celles des saxophones basse et contre-
basse.
A l'origine, le saxophone avait une étendue de trois
octaves en parlant du si h au-dessous de la portée.
L'inventeur, ayant reconnu la sonorité défectueuse
des notes aiguës, supprima celles-ci et ne laissa, à
chacun des individus composant la famille, que l'é-
tendue qu'il possède encore aujourd'hui.
Nous devons à la vérité d'indiquer que, peu de
temps après l'apparition du saxophone, Adolphe Sax
apporta, lui-même, tous les changements qu'il croyail
Fio. 72i. FiG. 725. Fio. "26. Fio. 727. — AUo
.Snpranino Soprano Soprano tormo alto ai/l,.
wii?. droil.si'l? si\).
ou ul.
1652
E\i:yGLOPÈDIE DE LA MUSIQUE ET DtC riOVXAll{E DU CONSEliVAVOIliE
Fia. 728. — Ténor si\, ou ul.
Fi ;. 729. — Barvlon ini^
nécessaires a» perfectionnement de cet instrument.
Il fit subir au mécanisme des traiisforni Uioas appe-
lées à en l'acililer le doigté; il prit brevets sur brevets
pour l'adjonction de clés, dites de correspondance',
fl devant servir à vaincre les plus grandes difficultés
d'exécution, mais, bientôt, reconnaissant l'inutililé de
ces complic.ilions, il en revint au système primitif,
lequel sert toujours de liase à la fabricalion moderne.
En 1880, désireux de suppléer l'alto à cordes, man-
quant souvent à l'orchestre symphonique, il créa un
modèle de saxophone alto descendant jusqu'au la
(note correspondant à ru< fçrave de l'alto à cordes). Le
timbre de cet instrument (pourvu d'une membrane
placée sur le tube) produisait des effets spéciaux de
sonorité, tout en se rapprochant, très sensiblement,
du timbre de l'alto à cordes.
La roiv dn !^a voplione.
Dans son Histoire et théorie de la musique dans l'an-
tiquité, Gevaert a écrit : « Un célèbre facteur de notre
époque a trouvé un nouveau type d'instrument, «le
saxophone », en adaptant l'anche simple à un tuyau
conique de forme parabolique. La construction de
cet instrument suppose un état beaucoup plus avancé
de la facture instrumentale que celui auquel lesGrecs
étaient parvenus. Parmi tous les autres instruments
actuellement connus, c'est là une exception unique
à la règle. »
L'exception unique à la règle, dont parle Gevaert,
lient justement, à la forme particulière donnée au
tube formant le corps de l'instrument; c'est à cette
nouveauté, à cette innovation dans la facture instru-
mentale, que le saxopb.one doit ses grandes qualités
de timbre et sa sonorité si différente de celle de tous
les autres instruments à vont.
IJiins le saxophone, les vibrations de l'anche ne se
comportent pas de la même façon que dans les ins-
Iruinents à perce conique et cylindrique, où elles sui-
vent directement la ligne droite intérieure du tube.
Le bec du saxophone, très évasé au centre, se rétrécit
à la partie s'adaptant au tuyau métallique; celui-ci
(dont le dessin paraissant purement conique est ce-
pendant déformé par les lignes païaholiques), oblige
les vibrations, en les renvoyant d'une paroi à l'autre,
à s'entre-cpoiser et à former comme une sorte de
groupement d'anneaux d'ondes sonores qui se dérou-
lent, en une suite ininterrompue, jusqu'aux orilices
de sortie. (On croit, généralement, môme parmi les
saxophonistes, que le son n'est mis en communica-
tion avec l'exlérieur que par le pavillon de l'instru-
ment; c'est là une erreur que nous tenons à relever;
le son s'échappe, non seulement par le pavillon, mais
aussi par les ouvertures pratiquées sur le tube sonore.
Ces ouvertures, surmontées des plateaux et des clés
composant le mécanisme, servent aix sectionnements
de la colonne d'air et donnent ainsi, à chacune des
noies composant l'étendue générale, l'intonation qui
lui est propre.)
Bëiilioz, dans son Traité d'insirumenlation, s'ex-
prime ainsi au sujet de l'invention m Tveilleuse
d'Adolphe Sax : i< Ces nouvelles voix, données à l'or-
chestre, possèdent des qualités rares et précieuses,
douces et pénétrantes dans l'aigu, pleines et onc-
tueuses dans le grave; leur médium a quelque chose
de profondément expressif. C'est, en somme, un
timbre sui generis, offrant de vagues analogies avec
les sons du violo icelle, de la clarinette, du cor
anglais, et revêtu d'une demi-teinte cuivrée qui lui
donne un accent particulier. Propres aux traits
rapides autant qu'aux cantilènes gracieuses et aux
elt'ets d'harmonie religieux et rêveurs, les saxophones
peuvent figurer avec un grand avantage dans tous
les genres de musique, mais, surtout, dans les mor-
ceaux lents et doux. Le timbre des notes aiguës, pro-
duites sur les saxophones graves, a quelque chose de
pénible et de douloureux. Celui de leurs noies bas-
ses est, au contraire, d'un grandiose calme el, pour
ainsi dire, pontilical. Tous, le baryton et la basse
principalemeni, possèdent la faculté d'enfler et d'é-
teindre le son, d'où résultent, dans l'extrémité infé-
rieure de l'échelle, des effets qui leur sont tout à fait
particuliers et tiennent, un peu, de l'orgue expressif. »
UossiNi, à qui fut donnée l'inappréciable satisfac-
tion arlistiqu; d'entendre, un des premiers, ces voix
nouvelles mises à la disposition des compositeurs,
fit ainsi l'éloge de l'invention d'Adolphe Sax : « Je
n'ai jamais rien entendu d aussi beau ! »
Meyërbeer, écoutant pour la première fois le saxo-
phone, émit cette réflexion dont le laconisme même
indique, au plus haut point, le degré d'enthousiasme
provoqué chez son auteur par l'audition de cet ins-
trument : « Voilà, pour moi, l'idéal du son! »
Mais que pourrait-on trouver de plus joliment
écrit el de plus poétiquement descriptif que cette
appréciation, due encore à la plume de Berlioz, et
qu'il publia dans le Journal des Débats du 21 avril
1849 : " La voix du saxophone, dont la famille com-
prend sept individus de faille différente, fient le mi-
lieu entre la voix des instruments en cuivre et celle
des instruments en bois; elle participe aussi, mais
avec beaucoup plus de puissance, de la sonorité des
instruments à archet. Son principal m^Tite, selon
moi, est dans la beauté variée de son accent, tantôt
grave et calme, tantôt passionné, rêveur ou mélan-
TECHiMQi'E, ESTHÉTIQUE ET PÉnAauGlE
colique, ou vague conimi: léeho alFaibli il'uii éclio,
comme les plaintes iiidislincles de la luise dans les
bois el, mieux encore, comme les vibrations mysté-
rieuses d'une cloche longtemps après qu'elle a été
frappée. Aucun autre iustrumenl de musique exis-
tant, à moi connu, ne possède cette curieuse sono-
rité, placée sur la limite du silence. »
Cette définition du saxophone, exposée avec tant
d'élégance, nous interdit le moindre commentaire.
Nous tenons à laisser le lecteur sous l'inlluence du
charme étrange qui se dégage de l'écriture de I!krlioz,
et nous n'oserions, sans crainte de profanation, ajou-
ter le plus petit mot à l'éloge d'un instrument dont
les qualités ont su inspirer celte page inoubliable à
l'illustre el immortel génie du maître incontesté.
EMPLOI ET ENSEIGNEMENT DU SAXOPHONE
Dans les musiques militaires, dans les harmonies
Q^J- /VviJtA^
LE SAXOPHONE 1663
et les fanfares, les saxophones sont devenus des
instruments indispensables; ilssont utilisés dans tous
les genres de coniposilion. Leur emploi constant,
pour l'exécution du trail, du solo et de l'accompagne-
ment, justifie pleinement les réformes prévues par
l'inventeur lorsqu'il conçut l'idée de la réorganisa-
tion de ces orchestres spéciaux. Adolphe Sax est
l'auteur du système d'organisation des musiques de
l'armée française. Ce système comporlait, à l'origine,
le classement des musiciens tel qu'il existe encore,
à l'heure act lelle, dans la musii]ue (le la Garde répu-
blicaine et dans les musiques des équipages de la
flotte à Brest et à Toulon.
Plusieursde nos maiti-es contemporains ont, aussi,
tiré des ell'els merveilleux de l'introduction du saxo-
phone dans les orchestres syuiphoniques.
Nous citerons L'Arlésienne de Rizet, Ouverture,
saxophone alto mil, '•
Hérodiade et Werther de Massenet : Hérodiade, <■ Vision fugitive », saxophone alto mili
y-u. iZ^ •-^^•
Qcmu. 'JLtty cnny.
?MVWi-y-
Werther, •< Les larmes », saxophone alto m/(i :
^alr-
(û\.ik.)
Pairie, de Paladilbe (saxophone ténor si [7); Hamlel,
d'Ambroise Thomas (saxophones allô el baryton ?7îJh);
La Vie du poêle et les Impres^vnis d' Italie, de Çtuslave
Charie.ntier (saxophones soprano sily et alto mi|i);
Le Fils de l'étoii', de Camille Erlanger (saxophone
soprano); la Symphonie domrstique, dç Richard
Strauss (Qualuor); Vincent d'Indv, Fervaal (Trio :
soprano si b; sax. alto mi b, ténor st'b); La Légende de
saint Christophe {Sextuor : soprano, altos, ténor, bary-
ton, basse) ; Suite de danses, ballet arrangé par Mes-
sager et P. Vidal (saxophone alto ini h) ; V. d'Indv a
également écrit des parties de saxophone appelées à
soutenir les chœurs et le résultat obtenu a été con-
cluant, en ce sens qu'il a prouvé que le son de cet
instrument (qui se rapproche sensiblement de la voix
humaine) donne beaucoup plus de puissance et d'ho-
mogénéité à l'exécution des chœurs, supprime toute
solution de continuité et soutient la justesse en lais-
sant, cependant, l'illusion que les masses chorales
chantent seules.
A notre avis, cet emploi du saxophone est absolu-
ment insuflisant; sa présence à l'orchestre sympho-
nique n'est pas asse/. marquante. Dans les ouvrages
ci-dessus indiqués, les compositeurs ne l'ont fait
apparaître que très passagèrement et, pour ainsi
dire, incidemment. Nous osons prétendre que c'est
là une erreur et, puisqu'il nous est permis de dire
tout le bien que nous pensons de cet instrument,
ajoutant notre faible appréciation à celle due aux
voix autorisées de Rossi.ni, de Meyerbeicr, de Burlio?,
1664
ESCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTlONyAlRB DU CO.VSEHVATOlfiE
enfin, nous assuions fermement que le saxophone,
employé avec loute sa famille, a sa place parfaite-
ment indiquée dans la musique moderne, et qu'il
peut et doit, avec un grand avantage, figurer dans
un orchestre quel qu'il soit.
Nous devons avouer, cependant, que le recrute-
ment des véritables artistes saxophonistes est assez
difficile, et peut-être trouvons-nous là l'explication
de la réserve des compositeurs en ce qui concerne
l'emploi du saxophone à l'orchestre symplionique.
Nous avons, personnellement, cru pouvoir remédier
à cette insulluance en publiant, chez. Lemoine, une
méthode complète pour tous les saxophones. Cet
ouvrage , accessible aux élèves de hi première
heure, est suivi de quinze grandes études mélodiques,
divisées en trois séiies, au moyen desquelles le
saxophoniste ordinaire peut ariiver à se perfection-
ner dans la connaissance approfondie de son instru-
ment en se familiaiisant avec les plus grandes dif-
llcultés d'exécution. Nous espérons avoir fait œuvre
profitable, et, cependani, nous affirmons que le plus
sûr moyen de donner au saxophone la place qui lui
convient, serait le rétablissement de la classe de cet
instrument au Conservatoire i!e Paris.
Cette classe, instituée en 183S, sur la proposition
d'AiBER (alors directeur du Conservatoire), a fonc-
tionné, avec un réel succès, pendant treize années,
sous la direction d'Adolphe Sax, l'inventeur même
de l'instrument. Les résultats obtenus avaient dé-
passé toutes les espérances, puisqu'il est dit, dans le
compte rendu du concours de 1863: '< La classe
de saxophone a donné des résultats exceptionnels;
elle se composait de treize élevés; tous ont été lé-
compensés. » Pourtant, cette classe n'existait que
depuis cinq années! Cela ne prouve-l-il pas, indu-
bitablement, que l'élude du saxophone est relative-
ment facile, et que l'on pourrait, entrés peu de temps,
doter les orchestres d'excellents exécutants appelés
à prouver que cet instrument ne doit pas être con-
sidéré comme une quantité négligeable'.'
En 1871, malgré les réclamations d'Ambroise
TuoMAs (directeui' k cette époque), on prétexta d'un
manque de fonds pour suspendre cet enseigne-
ment. En 1892, les membres de la commission de
réoiganisalion du Conservatoire soumirent à l'ap-
probation du ministre de l'instruction publique un
piojet d'arrêté dans lequel il était question du réta-
blissement de celte classe, mais aucune solution
n'a encore été donnée à celte proposition.
Nous souhaitons ardemment que les compositeurs
actuels, reconnaissant les qualités incontestables de
l'invention d'Adolphe Sax, utilisent les timbres
merveilleux qui leur sont offerts en écrivant, dans
leurs oeuvres, des parties pour le saxophone employé
avec loute sa famille. Ils auront ainsi, tout en béné-
ficiant des sonorités nouvelles apportées à l'orches-
tre, donné une grande impulsion à cet instrument
d'avenir, et, peut-être alors, en haut lieu, se préoc-
cupera-l-ond'en favorisera nouveau l'étude, et d'aug-
menler dans une noiable proportion le nombre des
artistes saxophonistes, en rétablissant, au Conserva-
toire de Paris, la rlasse de saxophone qu'on n'aurait
jamais di*! y supprimer, puisqu'elle existe, comme
par une sorte de protestation, dans les Conservatoires
de certaines villes de province!
Les saxophones graves (contrebasse, basse et
baryton), employés successivementdans l'étendue de
leur première octave, possédant, au plus haut degré,
la faculté d'entier et d'éleindre le son, olfrent ainsi
une sonorité et un timbre qui se rapprochent très
sensiblement de l'orgue expressif, mais avec une
intensité et une force incomparablement supérieu-
res. Indépendamment de leur grande utilité dans les
passages religieux ou majestueux, ces instruments,
écrits en combinaison de force avec toutes les basses
de l'orchestre, peuvent donner à celui-ci des elfets
d'une puissance extraordinaire.
Les saxophones moyens (le baryton dans ses notes
aiguës, le ténor et l'alto dans toute leur étendue),
présentant une qualité de son pénétrante, pleine,
onctueuse et, par-dessus tout, profondément expres-
sive, doivent être employés successivement ou si-
multanément pour accompagner les situations de
charme, de langueur, de joie douce ou de trislesse
résignée.
Les saxophones aigus (l'alto dans le haul, le so-
prano dans loute son étendue et le sopranino dans
ses notes inférieures), employés successivement ou
simultanément avec accompagnement de harpes,
sont tout indiqués pour souligner les passages cé-
lestes, mystiques, vagues et mystérieux.
Les saxophones suraigus (le soprano dans ses
notes élevées et le sopranino dans toute son étendue),
écrits simultanément en fortissimo, peuvent être
d'une grande ressource dans les diveitissements de
guerriers anciens ; leur timbre, déjà si particulier,
deviendrait (par l'intensité même) mordant, acre,
barbare, el présenterait, ainsi, une certaine analogie
avec la musette gueriiere anlique.
En résumé, le compositeur, pénétré des qualités
principales de chaque individu, peut, en employant
la famille entière des saxophones, airiver à des effets
précieux au point de vue de l'homogénéité dans
l'étendue du timbre, et cela en empruntant à chacun
des instruments de cette famille les propriétés otl'rant
les éléments les plus protitables à l'idée générale.
L'introduction du saxophone à l'orchestre symplio-
nique nous parait donc sufUsamment justifiée en ce
sens que, déjà très utile dans ses divers registres
employés par catégories, il devient indispensable
dans les effets d'ensemble où il est appelé, sinon à
remplacer l'orgue souvent absent, du moins à
donner à l'exécution plus de cohésion, plus de sou-
tenu, plus de liaison même entre les instruments
d'orchestre divisés quelque peu brutalement en doux
sonoi-ités peut-être trop nettement opposées : l'har-
monie et le quatuor.
Là, comme à l'orchestre militaire, le saxophone a
son rôle tout indiqué. Le méconnaître, ne pas
profiter des grandes ressources qu'il peut apporter
dans n'importe quel genre de musique, est une fai-
blesse. L'artiste qui hésite à enrichir son coloris par
l'emploi de cet instrument (donl les perfections
rares sont' cependant si précises) écarte ainsi, de son
plein gré, une des couleurs les plus captivantes de
sa palette orchestrale!
Victor TIIIKLS.
LE SARRUSOPHONE
Par R. LERUSTE
DE LOKCHKSTllK DE L OPliRA-COMIQUR
ORIGINE ET DESCRIPTION DE L INSTRUMENT
Le sarriisoplione fut coiislruit par Galtrot aîné,
qui le fil breveler en 1830.
Ce facteur écrit, dans sa demande de brevet : « J'ai
donné le nom de sarrusophone à ces instruments,
voulant ainsi donner un témoitjnage puljlic de recon-
naissance à mon ami Sarrl's, chef de musi(iue au
13" de lipne, pour le concours qu'il m'a pi'èlé dans ma
nouvelle invention. » (Arts et Métiers, brevet 2803i.)
Il est probable que l'idée, pas entièrement neuve
cependant, mais reprise et mise au point, appartient
à Sarrus; cependant, l'application de celte idée re-
vient au constructeur Gautrot.
Lesari'usophoneesl un instrumenta vent, en cuivre,
de perce conique et à anche double. Il se compose de
trois pièces : le corps, le bocal et l'anche. Il a vingt
trous (dont trois d'octave, un de résonance et un de
trille); ils sont tous fermés par des clés mues par nn
mécanisme à tringles.
Son doigté est facile et ressemble à celui de la
flûte dite BoEHU et du saxophone. On lui prête, à tort,
celui du basson, dont il n'a aucun des inconvénients.
Sa sonorité se rapproche beaucoup de celle du
hautbois pour les types aigus et du basson pour les
types graves, mais elle est plus puissante.
Son étendue est de deux octaves et une sixte ma-
jeure (du si'b au sot), avec tous les degrés chromati-
ques, soit trente-trois sons :
0-
^
>Ji. =
Il convient d faire reniai'quer que, comme pour
tous les insti'uments à vent, la totalilé de l'échelle
chromalique est rarement employée. Pour le sarru-
sophone, l'échelle des sons- ne parcourt ordinaire-
ment que deux octaves et une tierce majeure de Vfit
au ?7Jt ;
(ï
Ê ^
^^
Il existe toute une famille de sarrusophones, com-
posée de neuf types. Ce sont: les contrebasses en si h,
en ut et en mi[r, la basse en si\y, le baryton en mif?,
le ténor en sî'h, l'alto en mi |>, le soprano en si
et le sopranino en mi p..
Fio. 730. — Contrebasse si ^.
(Celles en iil et [mi l, sont de
même type, mais plus petites.)
Copyright by Librairie Delagrave, 19'26.
Fia. 731.
Barylon «;/[,
FiG. 731. Fio. 735*
Soprano Sopranino
siij. mi\f.
105
1606
Excyr.LOPÈnrE de la musique et />icTioy\'AmE nu conservatoiru
TncHXfQiJE, nsrnkrinuE et pédagogie
Les contrebasses et liasses ont trois clés d'octave,
ies autres sarrusophones n'en possèdent que deux.
Seul, le sopraiiiiio n'a pas de bocal.
La famille des sarrusopliones parcourt six octaves
du tob(en dessous de la contrebasse à cordes) jus-
<iu'au ab le plus aigu de la llûte.
LE SARRUSOPHONE 1667
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Tableau des anches des divers sarrusophones en
grandeur réduite de moitié. iU',ipir:, .mm. Couts-
iNO.N el C".)
; h i
FlQ. 73S.
a, sopiMQiao cil m/[»; (i, soprano en si\^; c, alto en mUr; d, linor en
«/[?; e, baryton en mi\^; /, contrebasse en si\f; (j, contrebasse en
ut; /i, contrebasse on m(b: i, basse en sifi.
Les sarrusophones sopranino et soprano se tien-
nent coinine le hautbois; tons les autres se tiennent
sur le côté comme le basson et sont maintenus par
une courroie.
FiG. 739.
FiG. 7i0.
En 1856, Gautrot ne construisit que cinq sariifio-
pliones :
La contrebasse en si b;
1668
EACrCLOPÉDIE DE LA MVSIQUE ET DICTIONNAIRE 1)11 CDNSEnVATOlHE
La basse en si[>;
Le lénor en sib ;
Le mezzo-soprano en mi\^;
Le soprano en si\^.
La contrebasse et la basse^ parcouraient deux oc-
laves et une sixte mineure (du si'i, au S')/) ; le ténor,
le mezzo-soprano et le soprano n'avaient qu'une
étendue de deux octaves et une quinte diminuée (du
si\\ au fa). Us étaient percés de dix'-sept trous, bou-
chés par des clés à charnière.
Les trois trous ajoutés depuis sont celui de si[>,
celui de résonance et celui du trille siti à ut.
EMPLOI DU SARRUSOPHONE
Les tonalités choisies indiquent suffisamment que
ces instruments étaient surtout construits pour les
musiques militaires, en vue de remplacer les bassons
el les hautbois qui venaient d'èlre supprimés (l84o)».
Par leur manque d'homogénéilé dans la sonorité,
par les difficultés de leur doislé (aggravées encore
par les tonalités chargées de bémols) et par leur peu
de puissance dans l'orchestre militaire, les bassons
étaient loin de rendre les services qui les font indis-
pensables dans la symphonie. Les hautbois, eux-
mêmes, n'avaient pas encore les facilités de doigté et
l'égalité de son qu'ils ont acquises depuis.
La décision ministérielle ordonnant leur suppres-
sion dans les musiques militaires, toute radicale et
peu raisonnée qu'elle nous paraisse soixante ans plus
tard, semblait être justifiée pour l'époque.
Les sarrusophones olîraient donc de grands avan-
tages, puisqu'ils parcouiaienl cinq octaves et une
quinte de même timbre avec une grande ampleur de
son et un doigté facile. Mais l'opposition d'Adolphe
Sax, alors tout-puissant, empêcha leur adoption dans
les musiques militaires.
Estimant qu'il allait être lésé dans ses intérêts,
Sax entreprit de présenter le sarrusophone comme
une contrefaçon du saxophone. Or, il est indiscutable
que ces deux instruments sont aussi dissemblables
que le sont la clarinette et le hautbois. En effet, dans
le saxophone, la colonne d'air est mise en vibration
par une anche simple fixée sur un bec de clarinette;
dans le sarrusophone, au contraire, c'est une anche
double montée sur un bocal qui y remplit le même
rôle. Nous ne parlerons que pour mémoire des diffé-
rences de proportions dans les diamèties respectifs de
ces instruments.
Sax fit un procès très long à Gautrot, et le perdit.
Exclus des musiques militaires, les sarrusophones
semblaient voués à l'oubli. Mais le sarrusophone
contrebasse en ut, que Gautrot avait construit un peu
plus tard, avait éveillé l'attention des compositeurs.
GouNOD le signalait ainsi : " Le sarrusophone est aux
cuivres tempérés ce que les tubas sont aux cuivres
éclatants, c'est-à-dire leur véritable contrebasse. Il
remplit, en outre, d'une manière très utile, les fonc-
tions de contrebasson. »
Dès 1867, Saint-SAiiNS s'en servit : « Sa partition
Les Noces de PromMhie , couronnée au concours de
l'Exposition universelle de 186", comprenait une par-
tie de contrebasson qu'il se trouvait fort embarrassé
de faire exécuter par suite du défaut d'instrument.
Quelqu'un lui proposa d'y substituer le sarruso-
Dhone contrebasse, dont il fut entièrement satisfait.
iloititeiir de l Armée, 10 scplcmiri' 1S45.
Plus tard, il en fit construire un à ses frais qu'il donna
au Grand Théâtre de Lyon pour les représentations
d'Etienne Marcel (1879), et un autre qu'il offrit à un
musicien de Paris, qui s'en servit pour l'exécution
des fragments de Samson el Dalila, de la Créution,
des cinquième et neuvième Symphonies de Beethoven,
des fragments d'Etienne Marcel aux concerts du Chà-
telet et Pasdelol'p, puis enfin au Théâtre du Chàleau-
d'Kau pour l'audition intégrale de ce dernier ouvrage
(18842). „
Cependant, l'instrument restait encore peu connu,
quand Massenet écrivit pour lui une partie impor-
tante dans son opéra d'Esclarmonde, représenté à
l'Opéra-Comique en 1889. Il lui conlia même un solo
dans le quatrième acte de cet ouvrage.
Cette fois, le sarrusophone s'imposait tout à fait
à l'orchestre, et Saint-SAËws écrivait quelque temps
après : « Enfin, vous pouvez l'entendre en ce moment
dans Escla7'monde. Je le crois définitivement installé
dans l'orchestre moderne. »
Depuis, il figure dans presque toutes les partitions
nouvelles, el, comme il peut jouer tout ce qui a été
écrit pour le contrebasson, il est entré dans les or-
chestres les plus réputés : Opéra, Opéra-Comique,
Concerts Colonne et Lamoureux, etc.
On pourrait objecter que remplacer un instrument
par un autre est, en art, un véritable sacrilège; mai»
il fallait opter entre deux maux. D'un côté, le con-
trebasson, qui est construit suivant les proportions
du basson (perce étroite légèrement conique), est
incapable d'instantanéité dans l'émission des sons
graves; il est, de plus, d'une justesse douteuse, dont
nos oreilles modernes ne sauraient plus s'accom-
moder, et d'une lourdeur d'exécution inadmissiblfr
dans les traits, même peu rapides, écrits pour lui.
Aussi, les orchestres étrangers ont-ils adopté, sous le
nom de contrebasson, une basse à anche, de perce
large et fortement conique, dont la parenté avec
celui-ci est foi't éloignée D'un autre côté, le sarruso-
phone, qui, s'il n'a pas tout à fait le timbie du con-
trebasson, s'en rapproche le plus et, par surcroît,
possède toutes les qualités qui manquent à ce der-
nier.
Voici la li ste des œuvres dans lesquelles le sarru-
sophone a été employé, soit sous son nom, soit pour
remplacer le contrebasson. Quelques compositeurs
écrivent encore " contreliasson ou sarrusophone » :
Bach : Cantate pour la fcle de Pâques; Beethoven :
■j' el I)' Symplioniei, Fidelio, Messe solennelle, les Daines
d'Athènes; Berlioz : Les Fmncs Juges; Brahms : I", 3'
et i'- symphonies, Academische Fest-ouverlure; Bru-
neau : Messidor, l'Ouraijan, l'Enfant-Roi; Brunkl ;
Vision du Dante; Camondo : Le Clown, Evocation s'idé-
rale; Charpentier : La Vie du Poète; Coindreal' : Le
CIt'valicr Moine et les Diables dans l'ablaye; Cools :
Symphonie; Deuussy ; La Mer, Ibériii, Rundcs de Prin-
tenij^s; Duuois : Notre-Dame de la Mer, Xaviére (partie
ajoutée à lareprise 190!>), Symphonie française ;Dukas:
L'Apjirenti sorcier, Ariane et Barbe bleue; Erlanger :
Saint .lean l'Hospitalier : Fn.\ycR : PrHude, choral et
fugue (oi'chestrés par G. Pierné);Gerns]irim : /''^ sym-
phonie; Haydn : La Création, les Saisons ;Hvi'. : .Intnesse,
Titania;EvRÉ : Xocturne ; d'Indy : Fermai (rempla-
çant la clarinette contrebasse à la 3" représen-
tation de cet ouvrage à l'Opéra-Comique) ; Lampe :
Sérénade pour instruments à vent; Lai'arra : Haba-
nera: S. La/.zari : Armor, Ffte bretonne; 11. Leroux :
:'. C l'icHni-:. La Facture Instrumenta
TECHNIQUE, ESTHÈTIOVE ET PÉDAGOGIE
LE SARRUSOPHONE 1669
Miltiam Raldi/f. les P,:rses, IcCknuineau; Marty : Le
duc de Ferrure: Masse.net : Esclurmoiule, le Minje,
Knimairc, Thais, la Navarraise: ME^DF.LSsonN : lit'for-
malion; Micssaokii : MnUun'' Chri/santhème, te Clievalicr
d'Harmenthal, l'ortunio; MozKKr -.Silrônari,- pour ins-
truments à vent; (',. Pikrné : L'An Mil, la fille d^ Taba-
rin, la Croisude des enfants, les Enfants à Bethléem;
P. PiERNÉ : Adiitjio; PucciNi : La Tusca ; P. Puget : Beau-
coup de bruit pour rien; Uabaud : Poème symphonique
sur Job; Ravkl : hapsodie espagnole ; Sain-t-Saëns :
Les Noces de Promet liée, Etienne Marcel, Samson et
Dalila, Proserpine, 3' symphonie, Henri VIII, Hymne
à Victor Hugo, Parysatis, Marche du couronnement
d'Edouard VH, //tf/t;Me;SALVAYRE : So/an(y<?;ScRiABiNE :
Le liicin Poème; Soudry : La Mer; Ricii \nD Strauss :
Don .Iiian,Mort et Transfiguration, les Equipées de TM
Eulcnspiegel, Salitmé, la Vie d'un héros, Symphonie
domestique. Sérénade et suite pour instruments à vent,
Guntram; P. Vidal : Jeanne d'Arc; Wagner : Grande
Marche de fête, Parsifal, Rienzi (remplaçant le ser-
pent).
Quelques elTels doivent être particulièrement
signalés.
Dans Esclarmonde, en solo avec les contrebasses à
cordes :
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Ilans Titania, pédale pianissimo dans l'extrême grave à quatre octaves de deux flûtes, deux hautbois,
un cor anglais, clarinette, cors et le qualuor, finissant à la dernière mesure avec le quatuor et deux cors :
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Dans Xavière, en solo avec la clarinette basse, avec des tenues de cors seulement
Dans le Chemineau, ("exemple, basse pianissimo I Second exemple, basse pianissimo de trois iront
d une trompette de deux trombones avec sourdine : bones :
1670 B.XCyCLOPÉOIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOXyURE DU <:nv<iEnVArOinE
•ètua^i^
^^àr'cJrmM ^-tai-c^
Dans l'An Mil, uni aux tuhas dans un ensemble fortissimo de Ions les enivres
Dans la Croisade des enfants, son tenant, seul foule la masse orchestrale
Dans le même ouvrage, appui avec les bassons de toute la masse chorale et instrumentale :
TECHNIQUE, ESTIIÉT/QLE ET PÉDAGOGIE
LE SARRUSOPHONE 1671
f Dans le l'réliiilc, Cliornl cl Fugue de César Kranxk
(orchestré par G. Piebné), soiilenanl dans le fortis-
simo tout le poids de l'orcliestie. A la dernière
mesure pianissimo, il donne l'impression d'une basse
profonde semblalde an 16 pieds (fonds) d'un orgue
puissant.
Signalons également :
Dans La Fille de Tabarin, supportant (ont le poids
de l'orchestre;
Dans La Tosca, pédales répondant à l'orgue et re-
liant celui-ci à l'orchestre.
A remarquer aussi la scène de la prison dans Fit/ -
lio, où, remplaçant le contrebasson , il double la
basse des violoncelles et contrebasses.
M. Colonne qui, l'un des premiers, employa le
sarrusophone, lui fait souvent doubler les contre-
basses de son orchestre, notamment dans la Hui-
tième Symphonie de Beethoven et dans le Faitsl de
ScilUMANN.
Ce procédé donne beaucoup de rondeur, sans être
choquant cependant. Le sarrusophone, en raison du
mordant de son timbre, se marie assez complète-
ment aux contrebasses pour ne pas déceler trop
ostensiblement sa présence.
M. WiDOB lui consacre un article très remarquable
dans sa Teelininue (!■■ l'Orchestre moderne; en voici
quelques extraits :
« C'est l'instrument rival du contrebasson, rival
avantagé, hàtons-nous de le dire, sous le double rap-
port de l'émission et de l'inlensité dans le grave. »
« Adjoint aux violoncelles et aux contrebasses, le
sarrusophone fait l'effet d'une gambe d'orgue ou
d'une bombarde très douce; il leur prête une nervo-
sité caractéristique. Il a deux octaves d'une vraie
plénitude, d'une solidité remarquable. »
« Tous les degrés du sarrusophone sont maniables
comme ceux d'un hautbois ou d'un cor anglais; on
peut les attaquer forte ou piano, les enfler ou les
diminuera volonté. L'émission reste aussi nette dans
le bas comme dans le Ijaut de l'échelle. »
« Même dans un mouvement rapide, on peut écrire
des traits staccato. »
« On peut traiter l'instrument relativement au
basson comme le contrebasson relativement au vio-
loncelle. "
On peut ajouter que, malgré leur extrême gravité,
les notes de l'octave inférieure ont une émission
prompte, instantanée, contrairement aux autres
instruments graves, conirebassons, tuyaux graves
des orgues.
1GT2
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIO.V.VAIItE DU CONSERVATOIRE
Il s'écrit comme la contrebasse à cordes, c'est- à-
dire qu'il donne l'octave grave du son écrit.
Les deux premiers sons si [? et si S graves sonl u.i
peu durs, et ne doivent pas être employés dans le
pianissimo. Au delà de la seconde octave, l'émission
devient pénible ; il est vrai que les notes de cette
oclave trouvent rarement leur emploi.
Les tonalités qui lui conviennent le mieux sont
celles A'nt, de wl, de ré, de lu, de fa, de si\^, de»ni'!i
et de /a b majeurs avec leurs relatifs mineurs.
Les liaisons ascendantes sont faciles, les liaisons
descendantes le sont moins, surtout quand l'inter-
valle est grand; elles deviennent de plus en plus
dangereuses a mesure qu'on descend. Cette défec-
tuosité est d'ailleurs commune à tous les instruments
placés à ce degré de l'échelle des sons perceptibles.
Tous les trilles sont praticables, à l'exception de
ceux-ci : si[, h. ut, ai t; à do S, dans le grave ; t/o 5 à ré ï
dans les trois octaves, fa à sol b dans les trois
octaves.
Le sarrusophone contrebasse est le seul employé
jusqu'à présent à l'orchestre symphonique. La basse
et le baryton pourraient y donner des elfets intéres-
sants.
.Jusqu'au commencement du présent siècle, le sar-
rusophone contrebasse en iit ne descendait pas au
delà du (lo grave, sans doule par analogie avec le
contrebasson donl c'était la note extrême.
MM. CouF.sNON et C'"^, les successeurs de Gautrot,
qui ne cessent d'apporter des amélioralions aux
sarrusophones, ont voulu faire disparaître cette
anomalie, (iiàce à eux, nous possédons maintenant
un inslrument qui donne exactement l'octave grave
du basson.
Les sarrusophones soprano, baryton, basse et
contrebasse rai'p sont depuis longtemps employés
dans les musiques mililaires espagnoles.
Le sanusoplione contrebasse, bien qu'il ne soit
pas encore réglementaire, pénèlie peu à peu dans
les musiques militaires et dans les harmonies
françaises.
MM. Karre.n et Farigoix, des équipages de la Hotte,
Verbregghk, du 1" génie; Chomel, du .31' de ligne;
Mastio, à Armentières, l'ont installé dans leur mu-
sique.
M. Gabriel Parés, après l'avoir essayé à la musique
des équipages de la flotte de Toulon, l'introduisil,
il y a quelques années, à la musique de la Garde ré-
publicaine, où il rend de grands services en continuant
les basses des saxo^ihones à l'extrême grave; il
comble ainsi une regrettable lacune. En ell'et, pour
représenter les violoncelles et contrebasses de la
symphonie, l'orchestre militaire ne possède que
des saxophones barytons, qui ne descendent qu'au
ré'y du violoncelle'; on est donc contraint de confier
aux saxhorns contrebasses mil-i et si (7 les dessins
des contrebasses à cordes, ce qui alourdit considé-
ra bb' m eut l'orchestration.
Kniin, le sarrusophone contrebasse introduit à
l'extrême basse de l'harmonie militaire le son anché
qui lui manque depuis la disparition des bassons.
Il y peut aussi suppléer (ou doubler, s'il y a lieu)
les contrebasses à cordes, dont il a le mordanl de
l'archet.
La rondeur de son des saxophones graves, quel-
que précieuse qu'elle soit à un autre point de vue,
est impuissante à produire des effets similaires.
Les saxophones basses, peu utilisés jusqu'à présent
en raison de leur poids, seraient-ils améliorés et
rendus porlatifs par une nouvelle disposition de leur
tube, qu'ils ne sauraient toujours pas procurer à
l'harmonie le son anché, dont la rentrée dans l'en-
semble instrumental des bandes militaires produit
un effet de soulagement analogue à la rentrée de la
contrebasse à cordes dans l'ensemble orchestral.
Le sarrusophone corvtrebasse en îni'Ji possède
l'étendue elfeclive des deux saxhorns contrebasses
mi\i et si|i (il la dépasse même au grave). Il peut les
remplacer momentanément ou les souder, pour ainsi
dire, en donnant plus de légèreté, de douceur et de
couleur aux assises de l'harmonie :
Fantaisie sur Samson et Dalila de Saint-Saëns (G. Meister)
Le chef de la musique de la Garde républicaine
l'apprécie ainsi dans son Traité d'instnimentation :
« Le sarrusophone contrebasse est appelé à rendre
de très importants services; il donne une basse
superbe, d'un timbre très appréciable, surtout en
l'absence des contrebasses à cordes. Nous recom-
mandons son emploi, ayant acquis la ceililude que
cet instrument est parfait en tous points. »
Dans son ouverture de Rollon, M. Pares l'a mis en
lumière avec un rare bonheur, en lui faisant doubler
à l'octave grave les trombones cors et bassons :
TECHNIQUE, ESTflÉTIQVE ET PÉDAGOGIE
LE SARRUSOPHONE 1673
Le sarrusophone soprano trouve son emploi dans
les Tanfares, pour rappeler le timbre du liautbois,
instrument qui n'est pas admis dans leur compo-
sition. La fanfare parisienne « La Sirène » a adopté
presque toute la famille : le sopranino, le soprano,
l'alto, le ténor, la basse et la contrebasse.
GouNOD a écrit un Se.cluor pour sarrusophones
soprano, alto, ténor, baryton, basse et contrebasse,
qui a pour titre Choral et Musette. 11 existe aussi un
Solo de Blauckemann pour sarrusophone basse avec
accompagnement de TanTare, un Prélude fugué pour
sarrusophone contrebasse et piano de M. ^^ Francis
Casadesus, une méthode de Coyo.n et une méthode
du signataire de celte étude.
». LERUSTE.
LE TUBA
Par Joseph BROUSSE
TnD\ SOLO Dlî L\ SOCIliTÉ DES CO^CIiRTS DO GON'SERVATOIai'. r-Vf D^ l/op&HA
HISTORIQUE DU TUBA
Le tuba dérive de l'opliicléide, qui, lui-nn'me, vieiil
du serpent.
Dés l'année 1764, les instruments à anche, à clefs
et [en cuivre, parmi lesquels figurail le serpent,
avaient commencé d'exisler légalement dans les
Gardes françaises, qui comptaient seize musiciens
par régiment.
De 1785 à 1788, l'infanterie de ligne s'empara de
ces instruments. En ^7^9, quai'a nie-cinq musiciens
des Gardes françaises, la plupart cnlants de troupe
de ce corps, formaient le no3au de la musique de la
Garde nationale de Paris. Ils avaient été recueillis
et rassemblés au momerit de la liévolution par
Sarrftte, capitaine à l'étal-major de la capitale, qui
avait obtenu à cet efl'i't l'autorisation de M. dr la
Fayette, commandant général.
L'Institut musical, sous le nom de Conservatoire,
qui fut créé le 12 thermidor an III, comprenait alors
cent quinze artistes employés a célébrer les fêtes
patriotiques, et à former des élèves pour toutes les
branches de l'art musical.
Plus lard, un Allemand nommé Weidingeh ima-
gina de percer les tubes de certains instruments de
cuivre, comme cela se praliquail depuis longtemps
pour les instruments de bois, et d'y adapter des clefs
mobiles, de façon à donner aux inslrumenls une
échelle aussi étendue que possilde.
Gel artiste a\ant fait à l'ancien clairon l'applica-
tion de son système, il en résulta l'instrument qu'on
appelait alors bmjle ou trompette à riefs (rophicléïde
dérive du même principe et en est la conséqueiicei-
Vers 1814, l'invention des pistons, due au .silésien
Blûhmel, et exploitée tout d'abord par Stolzel et
ensuite par Wieprecht, qui tendait au même but
par des moyens dilférents, compléta celle heureuse
révolution.
Appliquésd'abord au cor, les pislonsenvahireritsuc-
cessivement le cornet, la ti'ompelte, le trombone, etc.
D'un autre côté, la création de plusieurs autres
instruments de cuivre, le basson russe, le tuba, etc.,
vint signaler la même péi iode.
Historiquement, l'Allemagne recul son [uemier
tuba en 1835, des ateliers de Mouitz, où il fut cons-
truit sur les données de Wieprkcht, directeur géné-
ral de musique.
Adopté immédiatement par le 2*' régiment d'infan-
•terie de la Garde, il ne larda pas à se substituer.
comme en France, à ses prédécesseurs, le serpent
et l'ophicléide.
Actuellement, la famille des tubas est représentée
en Allemagne par quatre variétés : tubas en ut; en
*(' h ; en la et en fii, que renforce le tuba contiebasse.
C'est à l'active sollicitude du grand maître Si'O.n-
TiNi que nous sommes redevables de l'iulroduclion
en France des instruments à pistons. C'est lui qui
envoya de Rerlm à Pari<, de 182.3 à 1831, nombre
de cors h pistons, de Irompette^ ou cornets à 2 ou
3 pistons ou rcnlilles (les premiers connus à Paris),
notamment au professeur de cor Dalphat, et au
chef de musique des Gardes David Bldl, et c'est
d'après ces exemplaiies que les fadeurs de Paris se
mirent à fahiiquer les premiers instruments a. pis-
tons.
Vers 1836, apparaissent les premiers barytons si'f^
à 3 pistons, quelques basses, siu cl î(^ à 3 pislous,
ces derniers limités au /'«; ;
m
i^o—
par conséquent incomplets, puisqu'il existait un viJfr
decinq notes entre ce /'a; et \'iit grave « pédale » :
Ces mêmes inslrumenls descendaient encore de
Viit grave au conUe-fag (pédale) :
hihii,B
Mais ces notes « pédales » avaient une trop faible
sonorité, parce que l'instrument possédait une perce
insuftisanle pour alimenter ces sons graves.
En somme, c'était l'époque des tâtonnements dans
la fabrication des inslrumenls en général, et on était
loin de la perfection.
Heureusement, quelques annéesplus tard, l'arrivée
en France d'Adolphe Sax, artiste de grand talenl,
mécanicien et acousticien accompli, vint ouvrir à la
facture iiistrumenlale et oITrir par ses inventions
et ses perfectionnements les plus remarquables, le
moyen d'oblenii' me admiralile sonorité, tout en
Ti:r.n\iauE, esthétique et fèdagogie
LE TUBA KÎ75.
supprimant les cléldutri, les vicies radie uix Je l'an-
cienne fabrication.
C'est à partir de 1810 que S\x invenla et créa plu-
sieurs familles d'instruments, enire autres la famille
complète des sax-horns et saxo-lrombas, depuis le
petit sax-liorn mi » jusqu'au sax-liorn contrebasse si|-,
où figurent les sax-horns barylons si h à 3 pistons et
les basses siu et ut à 3 et 4 pistons.
En IS.'Ja, les sax-horns contrebasses 7)i(' 1> el.sî h bour-
dons figuraient à l'Kxposition universelle de Paiis ;
instruments parliculléroment curieux, puisque le
premier mesure 1 m. 0,'i de hauteur etO m. 80 de dia-
mètre du pavillon, le second 2 m. "5 de hauteur et
Ira. oO de diamètre du pavillon; il correspond aux
32 pieds de l'orgue.
Ensuite, en 186o, ce furent les Iromboues à 6 pis-
tons indépendants (ténors et contrebasses), employés
depuis 1867 àla fanfare de l'Opéra, et les trombones
contrebasses à 3 et à 4 pistons indépendants. Le troni-
bonne contrebasse à 4 pistous indépendants a été
employé pour la première fois à l'orchestre de l'O-
péra en 1803, dans la Walkjjrii', ensuite dans la Tétra-
logie de \VAr,.NKR et dans les divers ouvrages qui né-
cessitent l'emploi de ce merveilleux instrument.
l'infln, vers 1807, les sax-horns basses si ^ et ut h. 5
et 6 pistons dépendants.
Les sax-horns basses si^^ h 3 et 4 pistons firent
leur apparition dans Tarniéeen 184o, conimele men-
tionne une décision ministérielle en date du 19 août,
qui délermiuait la nouvelle composition instrumen-
tale des musiques mililaires.
A cet effet, un intéressant concours eut lieu le
22 avril de cette même année entre la musique de
Gafiaka, alors directeur du iiwnnase musical, et celle
de Sax qui avait motivé par ses iiouveau.x instru-
ments cette épreuve de réorganisation.
Indépendamment de ces deux musiques, plusieurs
autres de l'infanleiie avaient été également convo-
voquées pour le même jour, de manière à offrir un
terme de comparaison entre l'ancien système et le*
deux nouveaux proposés par Gabafa et Sax.
Ce brillani et imposant tournoi fut exécuté an
Champ de Mars.
La commission, environnée de généraux, colonels,
officiers supérieurs, arlisles et écrivains célèbres,
était au poste d'honneur.
Après ces épreuves, vinrent celles qui concernaient
l'organisation des fanfares. Dans toutes ces expé-
riences, le système ^ax triompha pleinement, et
disons tout de suite que la puissance et l'ampleur
des sax-horns basses et contrebasses avait surtout
excité l'admiration la plus vive.
De 184a à 1874 environ, le luba en iil à 3 et 4 pis-
tons ne fut guère employé que dans les orchestres de
bal, où il remplissail les mêmes fonctions quel'ophi-
cléide. Dans l'orchest; e réduit, son rôle se bornait à
jouer simplement la pari ie de basse, tandis que, dans
l'orcheslre complet, il doublait parfois le violoncelle
el triomphait avec tji ii dans les ryllimes ardents du
contre-cliunl.
Le tuba à 4 pistous commença a être employé à
l'Opéra vers 1874. En 1880, on ajouta un a» piston ve-
nant consacrer dJQnitivennnl le tuba, auqiel s'a dj oi-
gnit encore, en 1892, un piston supplémentaire trans-
positeur réalisant enfin l'instrument actuel, dont le
premier est sorli des ateliers de la maison Coinrois
Cl ./''rii})f/fr.
FiG. 735. — Sax -bourdon en ra/Jj.
ti. itianyer,
Fk!. 736. — Tuba en iil, k (5 pistons dépendants.
vre
ESr.yr.Loi'ÉniE de la musique et piCTioyyArnE pu coysERi'ATninE
EMPLOI DU TUBA
Wagner, qui semble avoir eu une prédilection mar-
quée pour les inslrumentsde cuivre, a employé dans
la Tétralogie jusqu'à cinq de ces instruments, comme
en témoignent les deux passages suivants :
Voici donc une quarantaine d'années, rexécution
du répertoire qui, jusque-là, avait dû se contenter de
l'étendue de l'ophicléide dont la gravité avait pour
ultime limite le si h grave :
1»^
put, grâce au luba à4, oet 6 pistons, prolonger celte
étendue d'une quinte an grave :
ifadice I
inusité ;
^^wïïmriî
Celte nouvelle élendue fut surtout employée au
début par Wagnkr, dans ?es ouvrages. Depuis, de
nombreux compositeurs ont suivi l'exemple de Til-
lusli-e mailre, et rendu indispeniable, à l'orchestre,
le tuba à 6 pistons dépendants.
La 'Walkyrie (2' acte). Le Sort.
Ifw
La Walkyrie (1" acte). Entrée d'HundiiKj.
Adoplhe Sax fils a créé, spécialement pour la Tétra-
logie, 4 instruments : 2 barytons et 2 basses si'b
saxo-trombas.
Cl. Branyer,
riG. 7iu ol "il. — Inslriimenls i pavillon leversiblo.
(.•(. Ura'igfT.
TECHMQl i:. ESTHÈTIQI'E ET PÉDACOGIE
LE TUBA IfiTT
Ces quatre liibas, qui doivent à l'orij^inalilé de
leur pavillon réversible des sonorités modifiables
au gré de l'artiste, donnent, pavillon relevé, en //',
des notes éclatantes où passe l'appel frémissant dos
clameurs de "uerre :
^S
M
-ô ^
Jfî
et « pavillon baissé " au ras du sol, en pp, l'impres-
sion d'une couleur de son ij^norée, rêveuse et capti-
vante dont on ne saurait se lasser, comme dans
l'exemple de la Walkyrie (Le Sort), p. 1676.
Dans la THndogie, si les 4 tubas si[> et le tuba
contrebasse jouent toujours ensemble, ce dernier
j^arde" pourtant le rôle prépondérant et se libère
spontanément parfois de la voix de ses collèf^ues,
soit pour interpréter la colère d'Hunding, soit poui'
traduire l'expression massive du motif des géants,
soit enfin pour rugir avec Fafner.
Le combal de SiegVied lui offre peut-èlre sa plus
belle incarnation dans le personnage du dragon-sei-
pent, sortant de sa caverne pour jeter l'épouvante au
cœur de son adversaire.
L'auditoire surprend, à cette scène, une union si
profondément intime de la voix et de la sonorité
pour rendre une même expression de terreur, i|u'il
ne peut se soustraire à des rétlexes comme à la me-
nace d'un danger collectif.
Et ces phénomènes d'ordre psychique, par assimi-
lation du sentiment au timbre, nous font bien com-
prendre pourquoi le tuba contrebasse, d'ailleurs
construit à l'octave grave du tuba, ne possède aucun
rival en puissance sonore, et peut, à lui seul, domi-
ner un orchestre, si nombreux qu'on le suppose.
Dans les orchestres, d'harmonie ou de fanfare, il
quitte son appellation de tuba pour prendre celle de
sax-horn contrebasse si\i.
Il est alors d'un ton plus bas, par conséquent, que
le tuba contre-basse, employé à l'orchestre sympho-
nique qui, lui, est toujours en î(<.
Le sax-horn contrebasse si h remplit les mêmes
fonctions que la contrebasse à cordes. La contre-
basse en H[^ ne possède, en général, que 3 pistons,
bien suffisants, puisque la partie ne dépasse jamais
le /'ait des sons graves :
Effet
Pour la contrebasse d'orchestre svniphonique, les
quatre pistons sont indispensables, car la partie est
souvent écrite jusqu'au mi\-: giave dans la 'plupart
des ouvrages :
Effet
m
t-D
Nous pouvons voir, par les exemples suivants, les
ressources diverses qu'offre le magnifique instru-
ment qu'est le tuba :
Namouna (Ballet).
L'ilo.
Large
Salammbô.
Rei/er.
^nij
La Burgonde.
i^
///
Tj cr-
Vidal.
Tbamar [Poème Symphonique).
Très lent
Balakirew.
1678
ESC) CLOPÈlllË DE I.A MISIOLE ET DICTJO.W.XA/BE DU COSSERVATOIRE
Waijncr.
Les Maîtres Chanteurs.
Lent
Lent - Solennel
E
E
FF
o o\©.
wmi
Dans les ff, il triomphe sur toute l'étendue grâce à
sa vigueur et à sa puissance de sonorité.
Dans les pp, il aborde le registre grave avec une
majesté qui rappelle la sérénité souveraine du grand
orgue. Enfin, le tuba à 6 pistons possède l'échelle
chromatique exceptionnelle de quatre octaves :
-ff-
Quant au rôle du piston Iranspositeur, il consiste
à baisser la tonalité normale de l'instrument d'un
demi-ton et devient ainsi d'un grand secours pour
les traits rapides et chargés d'accidents.
C'est ainsi que, pour l'exécution d'un motif écrit
dans la tonalité de si majeur, il suffit d'abaisser le
piston transpositeur pour que le diapason de l'ins-
trument se trouve un demi-ton plus bas (sib,).
L'opération, on le devine, a pour effet de suppri-
mer les 5 dièses de l'armatuie. permettant ainsi, et par
simple transposition, d'e.\écuter le passage comme
s'il était éciit en ut, et cela avec une grande simpli-
cité de doigté, comme dans cet exemple emprunté
au Prophète :
rtaintmir le piston transpositeur bais«.e . Lire la clef dut 2'C'liqne en supprimant ies 5»
-^-H-M/^^ — _ 1 rn I r-^ ' ' '
Résultai
Pour tous les passages à tonalités difficiles, on 1 trouve placé entie le 4= et l'ancien 5'; ce dernier
opère de la même manière. devient, par conséquent, le 6' dans lu tablature géné-
11 est à remniquer que le piston transpositeur se | raie qui suil :
A u I d«
r,-^ Piston
Descendant d un'e seconde majeure
( un "ton )
Zlî^Piston
DescendaHÉ d'une seconde mineure
(un demi ton )
ï^'Rston
Descendant d'une tierce majeure
( Etoiis)
4"!' Fiston
Descendant d'une quarte juste
(Ztons/,)
5^*" Piston {Transpositeur)
De&cendant d'une seconde mineure
(un demi ton)
G'îl'Rslon
Descendant d'une quinte luste
(Stonsy^)
*t —
*»
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■^
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TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE TUBA lfi79
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t 5 1 î 0 i 5 O
U»l;lUôÂU4l4^4444ê??«||#^^'??^èè''?!?^??
^^-elte-e-e-e
C'est une grave erreur Je croire, comme beaucoup
le font, que le tuba est lourd dans l'exécution et
réfraclaire à l'enlèvement rapide des traits. Il faut
une fois pour toutes dissiper ces prévenlions en décla-
rant que, sur ce point, le tuba ne le cède en rien aux
Salammbô (4 acte).
Moderato
petits sax-horns, et qu'il peut les égaler en vitesse
sur toute l'échelle chromatique.
Voici des exemples qui suffiront à le démontrer,
encore qu'il soit possible d'eu citer de plus rapides :
Rnjer.
^^^^m
^
Salomé.
Richard Strauss.
Allegro
lJ'';'M^'^'^
Les Maîtres Chanteurs.
Ail? inolto
Wagner.
È
iiii^JMJ^TTj^
j[,jjn^rr^îi'^''fTi»
m
i
w^
^f^
JEU ET ENSEIGNEMENT DU TUBA
La cause initiale de la fausse appréciation signalée
ci-dessus ne peut être imputée qu'à l'artiste qui, dès
le début de ses éludes musicales, fait mauvais choix
en adoptant un instrument peu en rapport avec sa
constitution.
Le tuba, surtout, réclame un sujet possédant d'ex-
cellents poumons. Pour s'en rendre compte, il suffit de
considérer la robuste physionomie du cylindrage de
cetinstrument, « grand buveur d'air comme l'orgue ».
Ici, le souffie devient, plus que dans tout autre ins-
tiument, l'auxiliaire indispensable de l'interprétation
musicale, en ce sens qu'il exige un eff'ort édttqui\
Il y aurait beaucoup à dire sur ce sujet, je me bor-
nerai à quelques notes.
Il ne suffit pas, par des expirations automatiques,
de jeter l'air dans les tubes à grosse perce qui carac-
térisent l'instrument, ce que le premier venu pour-
rait faire; il faut assurer dans toute son étendue
l'alimenlation réglée du volume d'air considérable
qui est l'agent dynamique.
On comprend bien que ce résultat est la fonction
principale de la capacité thoracique de l'artiste, et
1680
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOSNAIRE DU COSSERVATOIRE
que, cette capacité réalisée, il reste encore à la faire
concourir normalement au but poursuivi.
C'est ce que j'entends par elFort éduqué, qui prend
ici figure de gymnastique ou de cullure respiratoire.
L'aspiration par la gorge ou les bronches, en
même temps qu'elle provoque dans l'instrument des
vibrations discordantes, voue tût ou tard l'instrumen-
tiste aux suffocations de l'asthme.
Encore n'est-ce pas le seul risque à courir, car l'aii'
humide ou froid appelé brusquement dans la poi-
trine peut déterminer les accidents redoutables de la
laryngite, de la bronchite, voire de la pneumonie.
Kn résumé, une mauvaise respiration est préjudi-
ciable à la santé de l'artiste, dont elle entrave l'ave-
nir; l'insuccès et le découragement n'ont pas d'autre
cause que la négligence de cette éducation absolu-
ment indispensable.
Pour parer à ces multiples dangers, il faut, autant
que possible, renoncer à la respiration buccale et
adopter la respiration nasale, qui, elle, ne procède
que du muscle diaplirajine, seul capable d'assurer à
l'inslrumentiste une complète et normale respiration.
On conçoit que, dans ces condilions, un entraîne-
ment préparatoire, puis quotidien, soil nécessaire.
Une fois toutes ces précieuses observations mises
en pratique, il est aisé de comprendre que, sur le luba,
on doit acquérir le maximum de vélocité dans toute
l'étendue de l'instrument, ainsi que toutes les belles
qualités de l'instrumentiste qui font le « virtuose »
et qui attirent inévitablement sur lui les sympathies
de l'auditoire.
11 me reste à parler de l'elTacement dans lequel
l'enseignement officiel tient cet instrument si inté-
ressant.
Les classes du Conservatoire, ouvertes au cornel, à
la trompette, au cor, au trombone, à la clarinelte,
au basson, au hautbois et à la llilte, ne le sont pas en-
core au tuba.
Il en résulte, en particulier pour les musiques
tant militaires que civiles et pour les orchestres
syraphoniques, une infériorité en artistes spécialisés,
que le Conservatoire seul est à même de faire dispa-
raître par la création d'une classe de tuba.
Cette classe une fois créée, on imagine aisément les
services incalculables qu'elle rendrait aux orchestres
syraphoniques et encore plus aux orchestres d'har-
monie et fanfares, en raison du plus grand nombre
d'artistes jouant de cet instrument.
Non seulement, ces élèves du Conservatoire devien-
draient de vrais virtuoses, mais encore ils pour-
raient propagerleur talent dans toutes les phalanges
artistiques.
En ce qui me concerne, ayant beaucoup vécu avec
les chefs de musique de l'armée, puisque je fus sous-
chef au f régiment du génie, je puis traduire leur
avis unanime, qu'une classe de tuba au Conseiva-
toire réaliserait un rêve que beaucoup, pour ne pas
dire tous, caressent depuis longtemps, rêve qui ne
vise qu'au souci d'une plus parfaite cohésion instru-
mentale et artistique.
Joseph BHOUSSE.
NOTES SUR LE SERPENT ET L'OPHICLÉIDE
Par Paul QARNAULT
LE SERPENT
Le serpent, en ilalien serpenlone, basse de la
famille des [cornelli, droit, courbe ou replié surlui-
mérae pour mieux permeltre au serpentiste d'en
atteindre les neuf trous, peut-être inconnu de Prsto-
Rius, fut cependant décrit par MerseiNne.
Le serpent était un tuyau en bois formé de deux
fragments évidés, collés ensemble et recouverts de
cuir. Il était muni d'une embouchure en forme de
bassin dans le genre des embouchures de trompette
(A), mais naturellement plus forte.
La note la plus grave en était le la _, au-dessous de
Viit, grave du violoncelle, sonnant à l'égal du trom-
bone basse, mais le serpent était généralement en si b
avec une étendue de trois octaves (I, page 2.30), et il
fut le plus grave des instruments à vent en bois jus-
qu'à l'invention du contrebasson (xviu^ siècle).
L'abbé Lebf.uf a raconlé que le chanoine Edme
GciLLAUME aurait inventé une « machine » capable
de donner un nouveau mérite à l'accompagnement
du chant grégorien, ayant trouvé le Sfcret pour toui-
ner un cornet en forme de serpent, vers l'an lo'JO; il
résulterait, cependant, des comptes de l'archevêché
de Sens, 14"i.3, que le serpent de l'église fut réparé,
et ainsi, le Bulletin de la Sociélé des Sciences hislari-
ques de l'Yonne, 1830, mettrait fin à une légende (B,
Préface); par ailleurs, il parait vraisemblable que
le serpent fut très connu en Italie dès le milieu du
xvi= siècle, autant que l'on en peut juger par les
pièces originales et rarissimes que le Musée du Con-
servatoire national de musique à Paris présente sous
les n"" 634, 633 et 636 |C, page Io6).
Si, d'un côté, le serpent du xvin'siècle accompagna
les chantres au lutrin, aux processions et convois
funèbres, d'un autre côté, il doubla longtemps les
trombones des musiques militaires; ces dernières
graves fonctions lui valurent l'estime et même la pro-
tection du Directoire.
Le cousin germain du grand Philidor, Nicolas-
Danican Pbilidor (1699-1769), est signalé dans le
supplément de la Bioyrapkie des musiciens de Fétis
comme « serpentiste à la Chapelle royale de 1747 à
1769».
Le Conservatoire de musique de Paris, fondé en
exécution de la loi du 16 thermidor an III (3 août
1793), devait, tout à la fois, former des élèves et colla-
1. Les lettres A, R, C, etc., renvoient à la Bibliogr.iphie figurant à
la fin de l'article. [N. D. L. I).]
borer à la célébration des fêles nationales (D, p 124),
les musiciens de la Garde nationale supprimée étant
astreints à faire partie du Conservatoire avec les
mêmes émoluments; aussi, l'arrêté de vendémiaire
an IV (21 août 1893), attribuant au Conservatoire
40 places de professeur, en réservait-il logiquement
deux aux classes de serpent (D, page 128), l'enseigne-
ment se partageant également entre les instruments
à cordes et les instruments à vent, comme il suit :
Violon, 4 professeurs;
Violoncelle, 2 professeurs;
Contrebasse, 1 professeur;
Clarinette, 1 professeur;
Kliite, 2 professeurs;
Haulhois, 1 professeur;
Trompette, 1 professeur;
Serpent, 2 professeurs.
Dans des projets d'organisation de l'an Vli (1798
(qu'il serait trop long de reproduire ici), soit pour
Paris, soit pour douze écoles spéciales de musique
en province (D, p. 337), mille considérations philoso-
phiques et politiques ayant été exposées, on arrivait
à une conclusion singulière pour les lecteurs du xx«
siècle :
« Sans abandonner absolument les instruments
à cordes dont la pratique est d'un usage agréable
dans l'int^Tieur des édilices, l'enseignement sera
plus spécia!ement dirigé vers les instruments à vent
dont l'elfet plus puissant et plus mâle convient
davantage aux marches raililaires, aux jeux qui se
font en plein air et à la nature des alTections qui
sont propres à des républicains. Il en résultera cet
avantage que l'armée, suffisamment fournie de musi-
ciens français, n'aura plus recours aux Allemands qui
remplissaient nos musiques militaires. ■» [Rapuort
(le Leclerc au Conseil des Cinq-Cents.)
El, le Conseil des Cinq-Cenis de décider, dans la
séance du 6 vendémiaire an VIII, que les classes d'ins-
truments à vent seraient avantagées dans les pro-
portions suivantes:
Violon, 8 professeurs;
Violoncelle, 4 professeurs;
FliUe, 4 professeurs;
Hautbois, 2 professeurs;
Clarinette, 2 professeurs;
Cor, 6 professeurs ;
Rasson, 6 professeurs;
Trompette, 1 professeur;
Trombone, I professeur.
Serpent, 1 professeur.
Sans doute, Leclerc et le Conseil des Cinq-Cents
n'aimaient pas la musique du « vieil temps » et n';ip-
100
1682
ENCyCLOPÈDIE DE LA iWSIQIE ET DICTION.^ AIliE DU CO,\SEHVATOIRE
préciaieiU point à sa juste valeur loiclieslration du
divin Mozart, déjà mort depuis sept ans! Du moins,
leurs conclusions, nettement favorables k l'enseigne-
ment intensif des instruments à vent, donnèrent-elles
quelques années de survie ollicielle au serpent, que
nous retrouvons dans quelques orchestres, comme
dans les musiques jouant aux cérémonies nationales.
Et nous pouvons en citer un dans des orchestrations
de GossFx (D, page 98), deux dans une symphonie
de Devienne, an IH (D, page 98), trois dans les
chants patriotiques de Lebrun et Lesueur, an IIl
(D, page 100), quatre dans une ouverture de Catel
(D, page 991), etc.
Plus tard, en 1799, Berton (1767-1844) nous en
donne un bel exemple dans Montana et Stéphanie :
la marche religieuse conduisant les époux à l'autel
est accompagnée en notes tenues par le serpent,
d'une harmonie (ils devaient être deux ou trois) grave
et religieuse dont l'expression était ravissante, nous
assure Choron ((i, page o6).
Si les règlements de l'an 111 avaient prévu six
emplois de professeur de serpent (D, page lOS), du
moins l'arrêté de vendémiaire an IV en avait réduit
le nombre à deux, et finalement, d'après les états du
personnel enseignant (D, page 107), seul, de 1765 à
1800 (an Vlll), Mathieu (J. -!!.), né à liillone (1762),
professa le serpent au Conservatoire; s'il fut réformé
en 1S02 (D, page loi), nous ignorons le nom de son
successeur, si toutefois il en eut un, ce qui n'est pas
démontré.
Qui dit II enseignement » annonce « méthodes et
élèves », la liste n'en sera pas longue.
L'arrêté de ventôse an Vlll (18 mars 1800) (D, pa-
"es 139, 230), conlirmant la nomination de Mathieu,
établit l'unité del'enseignement dans toutes les par-
ties de l'art musical en imposant aux membres du
Conservatoire l'obligation de former les ouvrages
nécessaires à cet enseignement, et de les faire approu-
ver par l'assemblée générale des membres du Con-
servatoire :
Tout le monde connaît, dans cet ordre d'idées, les
méthodes suivantes :
1" Violon, rédigée par Baillot, Uode, KHbx'XZER,
adoptée en ventôse an X (1802);
2« Piano-Forte, rédigée par L. Adam, adoptée en
germinal an KII (1804);
3« Violoncelle, rédigée par Baillot, Levasseur,
Catel, Baudiot, adoptée en prairial an Xlll (1805),
sans que nous ayons jamais pu savoir que Mathieu
ait soumis une méthode de serpent à ses collègues.
Mais, en revanche, un serpentiste, J.-B. Métoven,
ex-ordinaire de la musii]ue de la Chambre et de la
Chapelle des rois Louis XV et Louis XVI de 1760 à
1792, nous a transmis les noms {V, page 139) de ses
contemporains ou bien de ses meilleurs élèves,
Aubert, r.ouBERT, LuMEL, MoNjoiE, Paulin, dans un
projet de méthode de serpent qui ne fut d'ailleurs
pas adopté par l'assemblée des membres du Conser-
vatoire; ceux-ci, en elTet. donnèrent la préférence à la
méthode de l'abbé Nicolas Hoze (1745-1819), ancien
maître de musique des Saints-Innocents, alors que,
d'aulre part, Gos-^ec, en l'an VIII, avait également
r'idigé une méthode de serpent que nos leeleuis re-
trouveront dans les Principes i^lémcnlaires de mmi'jvc
arrétùs par les memljres ilii Conservatoire (B. N. V"».
1353) (la presque totalité de l'ouvrage, que l'on peut
trouver également à la bihliollièque du Conservatoire,
est attribuée à (iossEc).
L'ensemidedecesméthodes fut présenté, le 9 févriei'
1805, à l'empereur (D, page 160|, qui en accueillit
l'hommage, " daignant encourager les tiavaux du
Conservatoire par l'assurance de la continuation de
sa protection >i; mais le professeur Mathieu avait été
réformé en fructidor an X (1802) et la protection
impériale ne pouvait ari'êler le cours des modifica-
tions qui allaient liansformer le serpent à clefs on
ophicléide (du grec ophis, serpent, et kleis, eidos,
clef, d'après Larousse), avec modifications de Fir.iior,
1804, de PiFFAULT, 1806, etc.
L'OPHICLEIDE
Si l'ophicléide fut d'or'igine hanovrieniie, comme
l'assure EscuDiER da.ns son Dictionnaire île musique,
sans en donner la moindre preuve, du moins les ser-
pentiïtes français n'essayèrent point de s'opposer à
son emploi, comme naguère les violistes avaient
défendu la viole (1740) « contre les entreprises du
violon et les prétentions du violoncel [sic] n ; toute-
fois, nous pensons avec Riemann que Prospero Gi;i-
viER, dont le nom n'a rien de germanique, en fut
l'inventeur.
Egalement d'origine latine le nom d'IlERiiENGE,
ancien serpentiste de la paroisse royale de Saint-
Germain-l'Auxerrois, auteur de la Méthode de ser-
pent et de serpent à clefs à l'usage des églises, 1816
(H, page 65); Hermenge nous semble l'opportuniste
transfuge île la vieille école du serpent à. celle de
l'ophicléide naissant.
ISlt), quelle coïncidence de dates! Est-ce que La-
voix (K, page 298) n'a pas signalé des compositions
de Beethoven de celle même année 1816 pour l'an-
cien orchestre de sérénade que nous trouvons à l'ori-
gine de l'harmonie militaire moilerne, dont les bas-
ses étaient soutenues par les contrebassons, trom-
bones basses et serpents!
Si personne n'avait songé à défendre le serpent
au commencement du xix" siècle, Berlioz nous en a
nettement donné les raisons dans son Traité d'Ins-
trumenlalion. Nous le citerons textuellement (I,
page 230) : « Le timbre essentiellement barbare
du serpent eût convenu beaucoup mieux aux céré-
monies du culte sanglant des druides qu'à celles de
la religion catholique, où il figure toujours, monu-
ment monstrueux de l'ininlelligence et de la gros-
sièreté du sentiment et du goiU qui dirigent dans
nos temples l'application de l'art musical au service
divin. 11 faut excepter seulement le cas où l'on
emploie le serpent, dans les messes des morts, à
doubler le terrible plain-cliantdu des irx : son froid
et abominable hurlement convient sans doute alors ;
il semble même revêtir une sorte de poésie lugubre
en accompagnant ces paroles où respirent tous les
épouvantements de la mort et des vengeances d'un
Dieu jaloux. C'est dire aussi qu'il sera bien placé
dans les compositions profanes, lorsqu'il s'agira d'ex-
primer des idées de cette nature, mais alors seule-
ment. Il s'unit mal, d'ailleurs, aux autres timbies de
l'orchestre et des voix, et, comme basse des instru-
ments à vent, le bass-tuba et même l'ophicléide lui
sont de beaiieoup préférables. » (1839.)
Berlioz paraît avoir eu l'intuition de l'opinion de
la Sacrée Congrégation des liites qui n'autorisait
l'emploi de l'orgue aux messes de Ih'quiem que « si
le genre de musique était bien d'un ell'et lugubre »,
soit dit, en latin, oryanorum pulsatio tono liigubri
permiiti piotest in missis defunclormn, in Savane
TECIIXIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDÀCUGIE
LE SERPENT ET L'OPHICLÉIDE 1683
31 Murl. 1(120. \l\EG>i\KR. L'on/lie. Naiic\', ISoO, page
395.)
Si l'opliicléide eut l'avantage de renaître des cen-
dres du serpent, d'avoir ses méthodes el ses virtuoses,
du moins le (^oiisei'vatoire parut l'ignorer, abandon-
nant son enseignement aux gymnases niililaires;
d'ailleurs, dès 180(3 (l), page lôOi, la suppression des
classes de trompette el trombone, sans doute rendues
aux mémos gymnases, marquait un retour aux ins-
truments à cordes précédemment sacrifiés par le
Conseil des Cin(|-Cenls aux instruments à souflle'.
lit laréorganisation du Conservatoire de 1817 s'ins-
pirait fort peu des principes de la loi du 16 thermidor
an III (D, page 348l. " Art 1. — Le Conservatoire est
chargé de l'enseignem'^nt nécessaire aux élèves qui se
destinent à l'exercice de l'art musical ; » moins encore
le règlement du 5 juin 1822 spécifiant que cet ensei-
gnement devait préparer des sujets propres à remplir
les cadres des établisseme[its royaux de musique,
tels que la Chapelle du roi, l'Académie royale de
musique et l'Opéra-Comique (D, page 2io). La Res-
tauration n'homologuait point les règlements du
Directoire.
Quoique l'ophicléide eût pris place- à l'orchestre
de l'Opéra en 1817, dans \'Olijmpie de Spo.ntini, — et
nous le retrouverons en 1823, à Notre-Dame, dans le
Credn de la Messe du Sacre de Cherl'bi.ni, plus tard
encore à l'Opéra, en |8j2, dans le Juif-Ernint d'\\.\-
LÉvy concurrement avec le tuba, — le Conservatoire
royal ou impénal de musique restait sourd à ses
perfectionnements.
Déjii, vers 1823, à Paris, Ti'rlot fabriquait le ser-
pent-basson droit ou ophy-baryton de FoRviELLK, et
le même Herue.ngk, déjà cité, publiait une méihode
élémentaire de serpr'nl-FoRviELLE iiu'il dédiait à IJel-
CAMBRE, pensionnaire de l'A. H. de Musique, profes-
seur à racole royale et premier basson de la musique
du roi (H, page 6^1}; en effet, nous connaissons
Th.-J. Delcambre (I7t)2-t828) qui, de sergent à la
musique de la Garde nationale (1792) (et peut-être
serpentiste), était devenu, dès l'an III, professeur de
basson.
Devons-nous supposer que les musiques militaires
et les grandes maîtrises utilisaient nombre d'ophi-
cléidistes formés par des gymnases militaires à l'heure
où les serpents de toute espèce étaient relégués dans
les petites églises de campagne? Nous le pensons,
en retrouvant el les métliodes et les noms des exécu-
tants qui ont eu quelque renommée, jusqu'au mo-
ment où les bass-tubas de la famille des saxhorns
ont définitivement éliminé à son tour l'ophicléide des
orchestres.
Cependant, Berlioz fut indulgent pour les ophi-
cléides basse et alto il, p. 226) ; il souhaita même des
exécutants robustes pour l'ophicléide contrebasse,
du 9«i_i au la^; dame Nature lui a refusé cette joie,
et cet instrument à vent monstre n'a pas eu plus de
succès qu'un autre monstre, l'octo-basse à cordes, de
VuiLLiUMË... et Berlioz d'écrire dans ses Mémoires
vol. II, Paris, 1878, G. Lévy, page 2391, o= lettre à
Ferrand, Prague, 184.'i) : « Nous n'avons pointde classe
d'ophicléide, d où il résulte que sur 100 ou 150 indi-
vidus sou filant à cette heure à Paris (1844! dans ce dif-
ficile instrument, c'est à peine s'il en est trois qu'on
puisse admettre dans un orchestre bien composé ^î
un seul, M. Caisslnus, est d'une grande force. »
CAi_;ssiNUs(1806-lS85i,avec la collaboration deBEER,
directeur du Gymnase musical, a laissé, en effet, un
Manuel complet de l'ophicléide, renfermant une
quarantaine d'œuvres, et aussi des airs d'opéras ita-
liens (! ajustés », comme l'on disait autrefois, pour
son instrument favori.
PouGiN, dans son Supplément h la Biographie de
FÉTH, consacre quelques lignes à ce Pagani.ni de l'o-
phicléide qui se fit entendre avec succès en soliste
dans les concerts Musard, et professa pendant seize ans
au Gymnase musical. Selon le même auteur, il aurait
été membre de la Société des concerts du Conserva-
toire à titre d'externe; de nnîme, Elwart, dans l'His-
toire de la Socii'té''^, n'enregistre que les noms des
ophicléidistes de 1828, Pavart, et de 1859, Lahou.
Cornette (1795-1878) a dédié à Auber, en 1836, une
Méthode d'ophicléide qui renferme des variations
aussi brillantes que difficiles sur la cavatine d'il Cro-
ciato de Meyerbeer*. Combien il nous intéresserait
de connaître l'opinion de Mëyerbeer sur cette trans-
cription-trahison!
En résumé, né sous le premier Empire, l'ophicléide
devait disparaître des orchestres ai-tistiques sous le
second pour se réfugier dans les petites églises de
la campagne ou dans l'orchestre des bals cham-
pêtres.
Meyerreer l'avait employé dans Robert le Diable
(1831); Wagner, dans ses premières œuvres, en dou-
blait volontiers le violoncelle au grave; Berlioz en
voulait cinq dans son Requiem (1837), mais, par la
suite, il n'y avait plus de place que pour le tuba de
la famille Sax ; mieux encore, Berlioz avait indiqué
par corrections autographes le remplacement des
ophicléides de ses premières œuvres par des tubas,
des quatuors de tubas (E, 459).
Ainsi disparut complètement l'instrument, ayant
vécu moins longtemps que ses virtuoses, les octogé-
naires Cal'Ssinl's et Cornette.
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Iconographie. — Diderot et d'Alsmbert. Instruments de
musique A:: {'Encyclopédie, PI. VII, tig. 1.
1. De ce ternie » vieux français i«, l'st dérivée l'expression cour.Tnle
mo Icrnesouvent entendue duns les orchestres, les 50H/)7t'Wr5 désignant
égalcmentlps cornirtes. trompeltiUes, tubisles aussi bien que les llù-
listes et instrumen listes à anche.
2. BeriLioz envisageait l'emploi de trois ophicleidas dans ses vastes
orchestrations (I, p. ii95), un en ut el deux en ai r>.
3. Art. 4 et 3 du Règlement de la Société des concert) de ISiS.
4. Gazette musicale, 183t), page 176.
Paul GARNAULT,
LES TIMBALES, LE TAMBOUR
ET LES INSTRUMENTS A PERCUSSION
Par Joseph BAGQERS
DE L ORCHESTRE DE LOFERA COMIQUE ET DR LA SOCIETE D|:S CONCEBTS DU CONSERVATOIRE
PROFESSEDR AD CONSERVATOIRE
ORIGINE ET HISTORIQUE DE LA TIMBALE
Voici commenl un auteur de la fin du xviii» siècle
envisage l'étymologie du mot timbale' :
« Ce mot provient du mot latin lijmpanum, qui
lui-même est l'équivalent du nom grec x^ij^Ttavov,
dérivant de l'hébreu thop, dont les Grecs ont formé
le verbe xJitxio, c'est-à-dire frapper.
« Tup, en langue sanscrite, signifie taper, frapper.
« Ti/mpana, pluriel de tijmpanum, en latin, ins-
truments de percussion.
c. Tab, racine romane dont on a dérivé le mot
taper, tamburel, tambour.
.( Tambala, expression de la vieille langue romane :
une forme tambale.
<. Tcpsti, ancien slave, frapper, faire du bruit ;
instruments de percussion.
« Tapac ou tupac, en polonais, taper, battre;
frapper sur un tympanon ou timbale; battre du
tambour.
« Tabar, en irlandais, faire du tapage. Cette ex-
pression désigne les instruments de percussion, tels
que le tympanon, la timbale ou le tambour.
« Tabales ou atabalcs, en Kspagne, au Maroc, et
aussi en vieux français.
(( Tambussare, en italien, faire du bruit sur un tym-
panon ou tymbale, battie du tambour.
« Tiipatî, en langue russe, signifie taper, frapper
sur un tympanum |on désigne aussi par cette ex-
pression un petit tympanon ou petite tymbale et un
petit tambour.) »
Pour expliquer logiquement le sens du nom de
tympanon, tympanum ou tumpnnon, donné par les
anciens peuples à tous les instruments à percussion,
même si cette percussion s'elfectue sur des cordes
comme dans le psaliérion, il suffit de consulter un
livre d'anatomie où il est dit que « le tympan est
une membrane mince, transparente, tendue comme
une cloison et séparant le conduit auditif de la caisse
du tympan ou oreille moyenne ».
En latin, tympanum (anatomie) : concavité de
l'oreille, sur laquelle est tendue une membrane vi-
brante.
1. AiTENiuiRG, Verst'cli eiter Anteitttng ziir heroïsch^musUialisclicu
Trompeter uni Pauker-Kunsl (ZweiTlicile, Halle, 1793).
Au figuré, lorsqu'un cri perçant se fait entendre,
l'on dit : Ce cri m'a percé le tympan.
" Les Hébreux, dit Altenrcrg, les Egyptiens, les
Assyriens, les Partlies, les Perses, etc., firent usage
de tympanons, de diverses formes et de diverses
grandeurs.
« Ces instruments sont composés d'un fût, ou
<run cercle de bois ou de métal, sur lequel on tend
une peau que l'on frappe avec de petites baguettes ^ »
Martini et Vkngk donnent le modèle figuré ci-
contre. Prt.-ETORius et le Père Mersenne le donnent
également.
Ce dessin se rencon-
tre sur d'anciennes piè-
ces de monnaie'.
On ne peut nier l'exis-
tence des tympanons à
ces époques anciennes,
puisque, dans l'Ancien
Testament, on lit : <c La-
ban dit à Jacob : Pour-
quoi ne m'avez- vous
pas averti de votre départ? Je vous aurais conduit
avec des chants de joie et au son des tympanons'
et des lyres ^. »
Les Grecs, comme bien on pense, ne planquèrent
pas d'utiliser les instruments à percussion dont les
peuples anciens avaient tiré de si grands avantages,
soit pour exhorter les peuplades à la guerre, soit
pour les cérémonies religieuses.
Dans VHistoirc de la Musique de Fétis, on voit la
reproduction d'un bas-relief trouvé à Koyoundjek
par M. Layard, et représentant quatre musiciens,
dont deux jouent des cithares de formes diverses, le
troisième frappe sur un tympanon (genre de tambour
de basque moderne') et le quatrième fait résonner
des cymbales (petits disques de métal).
Les liomains, (|ui ne voulaient le céder en rien à
leurs devanciers, utilisèrent également (et cela en
toutes circonstances) les instruments à percussion ;
Fia. 742. — Tympanon.
2. Altenburg, ïoco cit., page 127.
3. PB.KTOftics, Syntagmatis mu^ici, l. I, planche XI,.
4. Saint Isidore de Si-'ville et Papias duniient la description de cet
instium'nt : •• C'est un cenlc de bois, avec une penu tendue seule-
ment d'un seul côté, à la manière d'un crible. » (Saint Isidore, Ori-
gines, lib, II, chap. 21.)
5. Geni'Sf, XX, 27. — 1'em-,i:, Tra-hiclion lie la Hible. I. IX
pages 401 cl suivantes.
G. Fétis, Histoire de la .Uusigite, page 3i's, figure 10.
TECIJ.VKJIJE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES TIMBALES, LE TAMBOUR 1685
i( Il n'y avait pas de fiHes ou de danses qui ne fus-
sent acconipasnées pai' le son des Ironipeltcs et des
tympans dinibales) '. »
« A la décadence de l'empire romain, on connaissait
la construclion d'un genre de tambour donnant trois
sons'-. « Et encore : « Les peuples de l'Inde font usage
d'un grand tambour du nom de ntujiiar ou nakarah.
« Cet instrument est fort ancien : on le reconnait
dans un groupe du temple antique de Permullune;
on y voit des chameaux, montés par des personnages
jouant du nakarah (cet instrument se bat avec des
bagnetles)-'. »
{■'ktis écrit : « Chez les Iruiiens, on nomme nivjuar
une sorte de timbnle dont le corps en bois est posé
sur un pied et se bat d'un seul côté''. »
D'après lui, « les Malais
ont des espèces de tambours
de toutes formes et de toutes
dimensions, dont ils font un
bruit assourdissant dans cer-
taines circonstances solen-
nelles; quelques-uns de ces
tamboui's ne se battent qu'a-
vec les mains et produisent
un son faible. On n'en fait
usage que pour accompagner
les instruments à cordes.
(I Au bruit des tambours
les Malais ajoutent le son
métallique et formidable des tams-tams et des gongs
ou gourujs, semblables à ceu.ic des Chinois, mais
dont le diamètre est de quatre ou cinq [lieds^. »
Les instruments à percussion ont donc été en
usage chez tous les peuples anciens et modernes.
Pfl.BTORus, philosophe et écrivain, cite au xvi' siè-
cle, en Pologne et en Allemagne, l'usage de grands
tymjianons {heerpaiiken).
Ces instruments tirent leur apparition en Kiance
en lio7, sous le nom de nacaire^.
Le mot nacaire vient du persan nakaret, de l'arabe
nakar, du bas latin nacara et du bas grec iirrakavn ;
ces mots signifient : battre le tambour et soyiner de la
tromprKe.
Le mot nacaire provient du mot nacre, cet instru-
ment rappelant par sa forme les coquilles de nacre
rejetées par la mer".
En poussant plus loin nos recherches, nous voyons
que le mot sonner était en usage dans l'ancien temps
pour tout ce qui rendait un son. De plus, tous les
corps sonores employés pour les instruments à per-
cussion, et cela depuis les époques les plus l'eeulées,
rappellent, eu elfet, la foi-me des coquilles ou con-
ques de nacre que rejette la mei-. C'est donc par assi-
milation que l'on avait donné aux timbales le nom
de nacaires; mais, en France, on s'est rapporté à
Fm. 713. — Naguar.
1. Histoire Jiomaine. Justin, Iiist. lai. ri« siècle.
2. J. Aili'ien dkla Fage. Hist. de hi masiqu>i et de la danse, tome I,
pages 494 et 495.
3. J. Adrien DE LA Face, loco cit.
4. J. Fétis, Hiil. de la Musique, livre II, p. 310 et 311.
5. J. Fé^ns, Ibid., p. 93 et 93.
6. D'après divers historiens, dont G. Kastmer, dans son Manuel
général de Musique militaire, donne nombre de citations, et suivant
nos recherclies personnelles, nous voyons que le mol nacaire est
dérivé du langage d.> ditTérents peuples et a été orttiographié de diverses
manières, mais est bien synonyme de sonner de la trompette et battre
du tambour. Nous retrouvons dans le Dictionnaire du vieux tanrjaije
par Lacombe, la citation suivante :
Tambours, trompes et naquaires,
Eu temps de lieui ça et Ù sonnent,
Que toute la contrée estonnent.
l'expression de la vieille langue romane, oij il est.
fait mention de la forme tambale, afin de bien carac-
tériser cet instrument, et, se basant sur son ancienne
dénomination grecque tijtnpanon (voir plus haut), on
a écrit par la suite li/mlialle et niralenient timbale.
Cependant, certains pays ont conservé poui' dési-
gner cet instrument l'ancienne dénomination grecque
et latine, c'est-à-dire tympana ou limpana.
L'origine de la timbale remonte à la plus hante
antiquité.
« Tons les peuples ont fait usage d'instruments de
percussion formés, soit d'un cercle de bois ou de
métal, soit d'un bassin ou cylindre creux, que l'on
recouvrait d'une peau et que l'on percutait au moyen
de petites baguettes''. »
Il est donc impossible de préciser à quels peuples
nous sommes redevables de la création de la timbale,
puisque, d'après les uns, ce seraient les Arabes, d'a-
jires les autres, les Indiens, les Péruviens, les Holten-
tots et mêmes les Nègres de dilFérentes contrées de
l'Afrique. Les Persans appillent les timbales byk,
les Arméniens thum-piik, les Parthes, tabala, etc.
On trouve encore chez les Turcs un genre de tim-
bale ou tambour qui se nomme tabt, taebel ou
ilaival^.
« Ce qui est certain, c'est que les premiers instru-
ments de musique connus à l'ère hébraïque furent
la fliUf, la lyie, la trompette et le lyinfaniim^. «
A ces époques anciennes e.xislaient deu.x genres
de tympana :
1" Le tympamum léger; 2°letympanum grave".
En lisant la Rible, on voit écrit, h différents para-
graphes, des récits où il est fait mention des tim-
bales ou tympana :
« Moïse ayant fait traverser la mer Rouge aux
Israélites, les femmes, en signe de joie, dansèrent
au son des tympana. » {E.rode, .\V, 20.) » La tille de
Jephté, allant à la rencontre de son père, chantait
et dansait au son des tympana. » {Juges, XI, p. 3't.)
De même, les femmes phrygiennes célébraient les
Mystères de la mère des Dieux au son des timbales
de bronze frappées avec des baguettes d'airain et
avec la main (c'est ainsi que l'on jouait de cet ins-
trumenl).
On remaïqncia qu'à ces époques, c'étaient sirrtout
les femmes qui se servaient de ces instruments; elles
faisaient usage du tymi:unum léger (cercle de bois,
avec un peau tendue seulement d'un seul côté; dans
les temps modernes, ces instruments furent classi-
fiés sous la dénomination de lambourde baigne").
Mais on voit aussi dans d'autres récils de la Bible
que : « Salomé, atin d'imiter le bruit du tonnerre,
entraînait après son chariot des timbales ou grands
chaudrons recouverts de peau, sur lesquelles des
esclaves frappaient avec des baguettes; cela rendait
une sonorité telle, que le peuple croyait ainsi enten-
dre la foudre de Jupiter'^. »
« Ces instruments étaient ce que l'on nommait des
tympana graves'^. » Les Egyptiens se servaient de tym-
7. ScHNFinER, Hist. de la musique, pages 1 et suivante-.
S. ."^cHELLiNG, [Juioersal Leiikon der Tonimnst, tome V, page 39S.
0. AiTESBciiG, Versuch ciner Anleitunq zur heroiseh-musikalischen
Trompeter und Pauker-Kunst. Halle, ng.ï.
10. KiRCHKB, Musurgla unii-ersalis, tome I,
11. G. Kastner. M'-thode d Instruments fi percussion.
12. Vekce, Traduction de la Bible, ton>e IX, p. 401 et suivantes.
13. G. Kastner, loco cil.
686
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
pana piincipalemenl pour les Mystères de ta grande
mère des Dieux, qu'on appelait la Déesse VeslaK
En recherclianl autant que possible l'origine de la
timbale, nous voyons que, dans les temps primitifs,
pour faljriquer les premiers ustensiles de percussion,
on faisait sécher une peau épaisse, puis on la roulait
en forme de gros tube; sur les côtés, on ajustait d'au-
tres peaux très minces, que l'on fixait à ce tube au
moyen de brancliages et
de lianes; ensuite, avec la
main ou de pelils bâtons,
l'on frappait dessus, ce qui
rendait des sonorités stri-
dentes.
Dans la suite, la peau
séchée et roulée en forme
de tube, afin de former
corps sonore, fut rempla-
cée par des troncs d'aibres
que l'on creusait et sur
lesquels on ajustait des
peaux dont on raclait le
poil; ces peaus étaient
retenues au fiU par des branchages et des boyaux
d'animaux^.
Plus tard, on se servit, pour former le fût, de gros
potirons ou de calebasses^ que l'on vidait et faisait
sécher, après quoi, on y fixait la peau, sur laquelle
on frappait à l'aide de petits bâtons.
Les peuples hébreux firent grand usage des instru-
ments à percussion, aussi voit-on dans la Bible des
récits où il est mentionné : « Pour fêter de joyeux
avènements ou événements, pour accompagner les
fanfares et les chants, on se servait de grands vases
en or, en argent, ou en autres métaux, que l'on re-
couvrait d'une peau, sur l,iq\ielle on frappait à l'aide
de baguettes, dont la pointe était garnie d'un tam[)on
d'étoupe. » (lîONNANNi, Gabiniietto armonico, p. 116.)
Fia. Ti6. — Timlxile des Hébreux*.
J. F. Blanchini, Vusica vettrum, p. 48.
2. G. KAsr.NER. ilans le Manuel yénéi'al de Musique milHaire, p. 215,
ivre 1, cli,)|). i. cile un article ?ur la musique mililaire, article (^crit
par un auteur anglais : ■■■ Les pliiloso|ihos, dit-il, en s'etrorç;int de
distinguer l'homme des autres créatures anirnéi's, l'ont défini un ani-
mal rieur, un animal cuisinier; pourquoi n'ont-its pas ajouté un ani-
mal qui bat du tambour? La première chose que fait un sauvage
après avoir pourvu aus besoins de son estomac, c'est de creuser un
tronçon d'arbre, de le couvrir d'une peau d'animal et de frapper
avec un bdton .^ur celle ingénieuse mac/une. Voilà l'agrcable passe-
temps (|ui nous est arrivé, sans alléralioa, à travers les âges : seule-
ment, à la place d'un tronc d'arbre, nous fabiiquons un barillet et nous
le recouvrons d'une peau d'âne. »
3. On nomme calebasse le fruit de certaines cucurbitacées, ayant
11 était d'usage, chez les anciens Turcs, lors des
mariages mahomélans ou de grandes fêtes, de mettre
sur le dos des esclaves deux tympana, qu'un musi-
cien frappait avec de longues baguettes.
Joints aux instruments en usage à ces époques,
les tympana servaient dans les cortèges pour ryth-
mer les marches et les danses.
'I Les adeptes de Mahomet plaçaient d'énormes
timbales sur le dos des éléphants, des chameaux ou
des chevaux, et les victoires s'annonçaient au son des
trompettes et des timbales '. »
Les timbales ont donc été de tous temps en hon-
neur et en usage, depuis les Hébreux, les Kgyptiens,
les Assyriens, les Turcs, les Grecs, les Romains, etc.,
et l'on retrouve dans certaines contrées, telles que
l'Egypte, l'Algérie, etc., de petites timbales dont
l'origine remonte certainement à la plus haute anti-
quité.
Les timbales des Péruviens étaient en bois et
allongées. Celles des Ilottentots étaient en terre et
larges; celles des Japonais sont en forme de bou-
teille dont le fond est garni de peau; on les tient
d'une maiii, on les percute de l'autre.
Les timbales, suivant les pays ou contrées dont
elles sont originaires, ont été dénommées de ditîé-
rentes 'arous.
Ain?i l'on coniiait :
Atzehi^'roscim (tambour ou timbale des Hébreux).
Cet instrument est en forme d'écuelle et on le frap-
pait avec un pilon.
Tumpanon (tympnnon ou timbale des Grecs).
Les labalas (instrument de percussion, timbales
des Persans).
Doandah (assemblage circulaire d'insiruirieiils de
percussion, qui, suivant leur grandeur, donnent des
sons plus ou moins élevés (timbales de Uirnianie).
Ëacciociolo (tambour rustique de la Toscane, qui,
comme l'alzebéroscinr des Hébreux, est en forme
d'écuelle et se percute avec un pilon).
Iluchttell (petite timbale ou tambour en usage
chez les peuples noirs de l'Afrique et de l'Amérique;
on le nomme aussi tambour mexicain. Cet instru"
ment se frappe avec les doigts).
Tamburdk ou iabir. Instrument de percussion en
usage chez les Persans.
Tcmbunj. 'l'imbale ou tambour d'Arménie.
Taboordd. En idiome kymrique ou celtique signifie
timliale ou tambour.
( hariinba des Cafres (instrument à percussion en
usage encore de nos jours chez les haiiitants de la
colonie africaine du cap de lioiuie-Espéraiice).
Cet instrument est formé de seize caleliasses de
différentes grandeurs rangées entre deux planches,
et dont on tire des sons en frappant avec deux
petites baguettes sur des tranches d'un bois sonore
placé sur leur ouverture.
D'après l'énuraération de ces instruments, l'on
voit que tous les peuples ont conservé la coutume
de se servir d'instruments à percussion; aussi, la
timbale et le tambour ont-ils été un peu confondus
l'une avec l'autre ; mais, dans les temps modernes, ces
instruments furent divisés en catégories distinctes :
1° Les timbales.
la forme d'une citrouille. En laissant sécher ce fruit, après l'avoir
vide, les peuples orientaui se servirent de ces calebasses pour former
le corps sonore des instruments à percussion.
4. Les Turcs copièrent ce modèle et firent usage de même de ce
genre de timbales.
5. BoKNAXNI, toco cil., p. 11".
TECIIMQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES TIMBALES, LE TAMBOUR 16S7
2" Le tambour.
3° Le tambour de basque.
4" La grosse caisse.
La grande diltérence entre la timbale et les autres
insirunients à percussion, c'est que :
« La timbale est un instrumenta percussion, don-
nant, à la volonté de l'exécutant, des sons de liauteur
variable, mais toujours musicalement appréciables;
contrairement aux autres instruments à percussion,
qui ne produisent qu'un bruit d'intonation indéter-
minée et imprécis, c'est à-dire instruments à tim-
bre ' )i .
D'après divers bistoriens et suivant nos recbercbes
persoinielles, nous voyons que ce furent les Sarra-
sins, lors de l'invasion de l'Espagne, qui introduisi-
rent les timbales dans ce pays.
Comme l'elTet produit par ces instruments fut
trouvé merveilleux, certains pays, tels que la Pologne
et l'Allemagne, fabriquèrent des timbales à l'imita-
tion des mu>iques sarrasines.
Pr.etoril's, dans son Syntagma musicum de 161 't-
1020, cite les timbales guerrières des Polonais et
des Allemands. Ce sont les heerpaiiken, en usage aux
xvi= et XVII'' siècles.
Déjà Thoinot Arbeau, dans son Orchésographie de
1389, vise explicitement les timbales : « Le tambour
des Perses, écrit-il (duquel usent aulcuns Allemands
le portant à l'arçon de la selle) est composé d'une
demy-sphère de cuyvre boucbée d'un fort parchemin
d'environ deux pieds et demy de diamètre, et faict
bruit comme un tonnerre quand la ilicte peau est
toucbée avec basions*. >> D'aulre part, en relatant
l'entrée de César Borgia à Cbinon, en 149S, Brantôme
parle d'instruments à percussion joués par trois mé-
nétriers de ce personnage, mais, comme le remarque
Kastnfh, il s'agit ici de cymbales et non de timbales^.
On avait, du reste, appris en France à connaître les
timbales, et cela dès 1457, époque où le roi de Hon-
grie Ladislas envoya <les ambassadeurs accompagnés
de timbaliers. Seulement, il est peu probable que les
timbales fussent en usage dans les troupes françaises
au XVI' siècle; peut-être l'étaient-elles dans quelques-
unes des troupes étrangères au service des rois de
France, de ces troupes qui excitaient l'ironie de
Brantôme en lui faisant trouver x MM. les étrangers
plus prompis aux trompettes et labourins d'argent
que de cuivre'* ».
Du reste, à cette époque, les grands seigneurs, en
France, usaient d'instruments divers, tels que trom-
pettes, timbales et cymbales, à l'imitation de la no-
blesse germanique qui en faisait emploi, d'après
FoRRiL, antérieurement au jv" siècle.
Toujours est-il qu'au xvii» siècle, Mersenne, au
cours de son livre VII, consacré aux instruments à
percussion, ne traite guère que du tambour propre-
ment dil; rependani, on relève le passage ci-après,
lequel vise évidemment la timbale :
« A quoy l'on peut adjousler le lambour d'airain
que l'on frappe du baston pour joindre son bruit aux
sons des cymbales. La peau de ce tambour se bande
avec les chevilles^. »
Nous sommes ici en présence de la véritable tim-
1. Joseph Baggkrs, MHhode de timbales et instruments à perçus-
tion, p. 1, p:ig.i 7.
2. Georges Kastner, Manuel général de Musique militaire^ liv. I,
p. 94.
3. Brarilôme, Œuvres, l. II, pp. 209-210 (Sociolé llisl. de France),
^ï. Kast.neii, loco cit.
4. Kastneb, tùco cit., pp. 98-99.
5. MEusEiNNi;, /harmonie universelle (I636J. liv. VII, 'p. i9.
baie, comme celle que Mersen.ne décrit à l'article
Tambour {timbale des Polonais).
Fn Angleterre, les anciens Disguisings compor-
taient fréquemment l'emploi du lambour et du fifre,
et cet usage se continua dans les Masks où il est très
souvent fait mention d'instruments à percussion
désignés sous le nom de « drnms ). ; ce sont donc des
tambours, et les timbales proprement dites ne sem-
blent apparaître que fort raremenf^.
Pourtant, Kastner assure que deux timbales figu-
raient dans la musique qui jouait pendant les repas
de la reine F>lisabetb, et que Henri VIII disposait aussi
d'une musique analogue, constituée uniquement de
fifres et de timbales''.
Sous le règne de Louis XIV, les timbales furent
adoptées définitivement en France, car les guerres
que fit ce monarque permirent à dilférents corps de
troupes de s'emparer de timbales prises à l'ennemi,
dont, en signe de gloire, on leur donnait l'autori.
sation de se servir; aussi, par la suite, toute la
cavalerie de la maison du roi fut-elle dotée de tim-
bales, sauf cependant les dragons et les mousque-
taires qui ne furent pas autorisés à en posséder.
Mais toutes les parades
militaires et les grandes
fêtes qui furent données
sous le règne du lioi So-
leil, virent figurer des lira-
baies*.
On peut lire dans l'ou-
vrage intitulé : Les Tra-
vaux lie Mars ou l'art de
la guerre, publié par l'in-
génieur Alain Manesson,
qui fut maître de matlié-
matiqnes des pages de
Louis XIV, les lignes
suivantes, dans lesquelles
l'auteur dépeint le type du
limbalier et le caractère
guerrier des timbales : « Le
timbalier doit être un liomme de cœur, et chercher
plutôt à périr dans le combat que de se laisser enlever
avec ses timbales. Il doit avoir un beau mouvement
dans le bras et l'oreille juste, et se faire un plaisir de
divertir son maître par des airs agréables, dans les
actions de réjouissance. Il n'y a point d'instrument
qui rende un son plus martial que la timbale, princi-
palement quand elle est accompagnée du son de
quelques trompettes'. » ^^
Sous Louis XV, la magnificence des fêtes militaires
ne le céda en rien à la somptuosilé du règne précé-
dent. Les timbales furent encore, si possible, plus ea
honneur, et le luxe dont on les entourait ne fit que
les classer davantage tout en les popularisant.
Louis XVI, subissant le même entraînement que
ses devanciers, fut accusé de prodigalité. 11 chercha
Fies. 747.
G. Paul Reïeii, Les Masques anglais (1909), pp. 427 cl suivantes.
7. IC&sTiNEEt, loco cit., p. 99.
8. G. Kastner, Manuel général de Musique militaire. Sous
Louis -KIV, les quatre compagnies des gardes du corps de la maison
du roi avaient chacune sept Ironipettcs et un tiniLalicr. Il y avait par
compagnie un trompette qui restait auprès du roi pour son service
particulier, sous le titre do » irompette des plaisirs ». Il y avait aUMi
un linquième timbalier Jé| eiidant du corps, qui restait ^■gaiement
auprès du roi sous le m6me titre. Ce timbalier marchait 'a la tète du
guet, derrière le carrosse du roi, battant de ses timbales, comme lu
trompettes qui marchaient au-devant du carrosse semaient de leur»
trompettes. Le timbalier en charge à cette époque était tiré de la
compagnie de N'oailles. Il se nommait Claude Baueluii, et recevait sur
la cassette 1.200 livres par an. Voir Etat de la France de 1708, t. l,
9. A. Manesson, Les Travaux de Mars, Paris, 1671-1685.
168Ï*
ESC.YCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTlOi\NAIftE DU COXSETiVATOIl:E
FiG. 718.
à réduire un peu partout le luxe exagéré des temps
passés; aussi, les timbales furent-elles supprimées
par ordonnance r03ale du 2o mars 1776. Seuls les
gardes du corps fuient autorisés à les conserver.
Mais il faut croire que cette ordonnance de suppres-
sion de timbales ne fut pas considérée comme très
sévère, puisque nous retrouvons encore l'usage de
cet instrument dans tous les corps d'élite du royaume,
et l'on affirme que, lorsqu'un corps de troupes passait
en pays ennemi, les timbales et timbaliers étaient
toujours entourés, afin que nul ne pût s'en moquer.
Car, ainsi que nous l'avons mentionné, on considé-
rait à cette époque les timbales comme « trophées
d'honneur », tels les dra-
peau.x'.
C'est pourquoi, lors-
que les troupes ren-
tiaient dans leurs caser-
nements, les timbales
étaient, ainsi que le dra-
peau, mises en réserve,
sous la garde du colonel
du régiment.
Pendant les événe-
ments qui troublèrent la
fin du xviii» siècle, prise
de la Bastille, émigra-
tion, fuite et retour de
la famille royale, invasion étrangère, et enlin Con-
vention nationale, puis proclamation de la Répu-
blique, guerres européenne et civile, etc., la mu-
sique fut assez délaissée ainsi que les orchestres
■militaires, mais, pendant le Consulat et l'Empire, on
rétablit les corps de troupes; aussi, retiouvons-nous
à cette époque la cavalerie de la garde consulaire et
de la garde impériale, possédant des timbales.
On choisissait de préférence de Jeunes garçons
que l'on revêtait de liches costumes. Les timbales
étaient dorées ou garnies <ie tabliers en satin, en
velours, en drap ou en damas tout brodé d'or et d'ar-
gent, portant les armoiries du prince ou du colonel
qui commandait le corps de troupes.
Afin de guider le cheval
et pour laisser au timba-
lier sa liberté de mouve-
ment des bras, on le fai-
sait toujours accompa-
gner par deux militaires;
aussi, par analogie, on
nommait ceux-<;i » les
cuisiniers », car ils étaient
préposés à la garde des
marmites, ce qui était une
|ilaisanlerie soldatesque.
On disait aussi « faire
bouillir le chaudron ».
Si, dans quelques mili-
ces, on a employé des
nègres pour servir de tim-
baliers, c'était surtout en
vue de l'elfet à produire sur la foule.
Les jours de parade, on voyait s'avancer, à la tête
de la musique du régiment, un homme à la figure
FiG. "50,
noire, habillé richement, chamarré d'or et de brode-
ries, monté sur un beau cheval blanc ou bai, llanqué
de deux limbales garnies d'étoffes brodées et dorées.
Edmond Neukomm,
dans son Histoire de
la Musique militaire
(page 13), s'exprime
ainsi :
« Quant aux costu-
mes des timbaliers, ils
variaient à l'infini, ne
se rapportant généra-
lement pas à l'uni-
forme des régiments
auxquels ils apparte-
naient, mais se faisant
toujours remarquer
par une grande ri-
chesse. »
Mais toute cette tra-
dition de costumes et
de mascarades n'eut
qu'un temps. Cependant , nous trouvons encore
sous le régne de Napoléon 111, dans les musiques
de la garde impériale, des timbaliers à cheval.
.Naturellement, il n'est déjà plus question des anciens
timbaliers guerroyant à la tête des armées, mais de
simples musiciens auxquels, en vertu d'anciennes
coutumes, on voulait bien encore donner un certain
apparat.
Pendant la guerre franco-allemande (1870-1871),
les régiments de la garde impériale furent licenniés,
et avec eux disparurent, en France, les timbaliers à
cheval.
Jusqu'ici, nous avons parlé uniquement des tim-
bales et timbaliers mililuires; nous allons maintenant
nous occuper de la timiialedans les orchestres civils.
Mais il était intéressant de conslaler que, de tout
temps, la timbale a été en usage, d'abord chez les
peuplades et dans les cohortes guerrières, puis dans
les aimées régulièies-.
Certains facteurs ont fabriqué (sans doute en vue
de faciliter le transport) des pieds de timbales
pliants.
Ce système n'est pas à recommander, car souvent,
en cours d'exécution, par le mouvement que subissent
les timbales du fait des changements successifs d'ac-
cords, les charnières s'amollissent, et, le pied se re-
pliant de lui-même, la timbale perd son équilibre et
tombe.
FiG. 7i
1. ■ Dans les marches el les revues, le timbalier se tenail à la léle
de l'escadron, trois ou (]uatre pas devant le commandant. Mais pen-
dant le conibar, les Uinbalîcrs i^taient posté ^, sur les ailes, dans les
iûlervallcs des escadrons, pour recevoir les ordres du major ou de
l'ai'le-ntajor. " (G, Kastneb, Manuel ijiint^ral de Musique jiiilitnire,
livre 1, p. tuti el I07.J
DESCRIPTION ET EMPLOI DE LA TIMBALE
La timbale est un instrument à percussion don-
nant, à la volonté de l'exécutant, des sons de hauteur
variable, toujours musicalement appréciables. La
timbale se compose essentiellement d'un fl^t ou bas-
sin hémisphérique, surmonté d'une partie cylin-
drique. A l'extrémilé ouverte du bassin est tendue
2. Tous ces documents sont extraits des ouvrages suivants ;
Edgard Boutarie, l'Institution militaire de la France avant les
armées permanentes.
L. I>urieux, L'Armée en France.
A. Daily, La France militaire illustrée. •
Jacquemin, L'Histoire du costume civil, reliqienx et militaire.
L'Epopi'e du coutume militaire français, illuslré pir .lob.
Pascal. Histoire de l'armre française. L'armée a travers les âges, cic.
G. Kastneb, Manuel général de Musique militaire, etc.
TfCliy/nl'E, ESTIIÈTinUK ET PÉDAGOGIE
LES TIMBALES, LE TAMBOUR ISS'i
une peau tannée, sur laquelle l'exécutant frappe avec
des baguettes.
La tension de celte peau est réglée par des vis
placées à la circonfé-
rence, ce qui permet
d'obtenir une éclielle
graduée de sons.
L'action de faire ré-
sonner l'iiislrument se
nomme blouser dcstiin-
balfu.
Aucune encyclopé-
die, ni dictionnaire, ne
donne l'élymologie ou
l'origine de l'expres-
sion blouser.
D'après des recher-
ches et des rappro-
chements, en voici l'ex-
plication :
Sous le règne de
l.ouis .\II (dit le père
Fio
/, fût en cuivre {pour une bonne tim-
bale le fût doit être d'une seule
pièce et martelé à la main. Fabri-
cation spéciale); :', lenon à écrou du peu|de), parmi les
que l'on ajuste au fût; S, cercle avec
anneaux sur lequel on enroule la
peau; ■/', clefs à vis; 5, peau; 6r [ued
in(]('pond;mt et stable sur lequel on
pose la timbale.
jeii.x populaires, exis
tait celui de la blouse.
La blouse était un
long vêtement en laine
ou autre tissu dont
étaient vêtus les gens du peuple; aux heures de
récréation et pour se distraire, quelqu'un letirait
sa blouse : on la tenait peu tendue par lés raan-
Fia. 752.
ches, et les deux autres extrémités; puis on y
plaçait une boule de bois; alors, au moyen d'une
baguette, on donnait un coup sec dans la blouse I
suivant la façon dont le coup était porté, la boule
sautait et roulait à terre ilans un espace désigné;
après un certain nombre de coups, on savait si l'on
avait gagné ou perdu la partie, on appelai! cela :
jouer à la blouse ; aussi, par analogie, étant donné la
façon de frapper sur les timbales, et le fait que, pour
les garnir, on les entourait d'un sarrau ou blous",
peu à peu l'expression se vulgarisa, et, finalement,
fut adoptée : blouser dis timbales (action de frapper
sur les timbales).
Pour blouser les timbales, l'on se sert de baguettes.
Ces baguettes se composent d'une tige dont une
des extrémités de forme spbérique, ou tête, peut être
recouverte :
1° De plusieurs épaisseurs de peau; ce modèle seit
pour jour forte dans les ensembles;
2° De petites éponges très fines (éponges de Venise | ;
on s'en sert dans le^ passages de douceur et lorsque
les timbales sont à découvert;
3" De feutre très doux ou de molleton.
L'extrémité de la baguelte que tient la main de
l'exécutant se nomme manche, la partie médiane
tige, l'extrémité qui frappe sur la timbale, tête.
On fabrique des baguettes de timbales avec diverses
matières :
1° En bois de frêne, d'une seule pièce;
2° Kn fer, d'une seule pièce;
3" En acier (manche de bois, tige d'acier, tête de
bois* ;
4° En baleine (manche de bois, tige de lialeine,
tête de bois);
5° En baleine d'une seule pièce, sauf la tête qui est
en bois;
Qo En jonc, d'une seule idèce;
7° En jonc, avec tète de bois;
8° En jonc (manche de bois, lige de jonc, tèle de
bois), etc.
Fi«. ~4Ô^. — Uagueltes d'époiigc.
Pl'i
■ Baguelles iJ'iHfiupe recouverte de po-nu.
La notation des parties de timbales s'écrit en clef
de fa 4« ligne; le son noté est le son réel donné par
l'instrument et non, comme on le croit communé-
ment, l'octave supérieure de ce son.
Les compositeurs antérieurs, au début du xi.k' siè-
cle, avaient l'habitude de noter uniformément les
parties de timbales par la tonique et la dominante
du ton d'ut (ces itistruments ne servant alors qu'à
donner la tonique et la dominante). Lorsque le ton
changeail, ils indiquaient simplementau-dessus de la
portée la nouvelle tonalité :
"fimbales en
RÉ AX- (^ J ^^
ê^
8
Timbales en Mi \>
^
_6
Timbales en Ré
^
e^
etc.
* 0-
Cette notation est aujourd'hui abandonnée, mais
il est bon de le signaler ici, car l'exécutant peut
encore la rencontrer dans de vieilles parties d'or-
chestre.
Ce fut J.-B. Lij'LLv, compositeur de musique, né à
Florence en 163-3, qui, ayant, eu 1672, olilenu du roi
Louis XIV le privilège de l'Académie royale de mu-
sique, introduisit pour la première fois les timbales
à l'orchestre de l'Opéra de Paris.
Les timbales prirent surtout une grande impor-
tance dans les orchestres symplioniques d'Allemagne.
IIavd.n (1732-1809), Mo/.aut {17o6-I7'.>I), Rkethovisn
'1690
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
(1770-1827), etc., mirent en lumière les ressources
artistiques que l'on pouvait tirer des limbales, sur-
tout, lorsque, comme Brethoven l'a désiré, « cet ins-
trument est joué par un musicien adroit et doué
d'une grande délicatesse d'oreille »; pour démontrer
■combien l'on pouvait obtenir de justesse sur cet ins- |
Irunient, il écrivit dans plusieurs symplionies des
passages où les timbales se trouvent tout à coup
complètement seules; il est Tacile alors de se rendre
compte si l'instrument a été accordé avec soin.
Exemples :
Timbales
8' Symphonie,
SOLO
~PP*
m
^
m
20
^
etc.
Tim-
l>ales
SOLO
5« Symphonie.
"^ i i \1 1 1 \1 i i \1 1 1 \1 t i 1^^
^
.')■■ J M IJ
^^ I J J J I J-J
etc.
Timbales
Adagio
4' Symphonie en sif?.
cresc.
A peu près à la même époque, Reicha, compositeur
allemand (1770-1836), ayant à composer une ode à
Schiller sur la révolution des splières, employa dans
celte œuvre huit timbales accordées ainsi ;
l" paire en mi-ri'\
2" paire en ré\^-ul\
3° paire en si\!-la;
i'^ paire en la b-sol.
On voit par là que rtEicuA était un précurseur
d'Hector Berlioz, qui, dans différents ouvrages, lit
l'emploi de plusieurs timbales (blousées par dill'érents
limbaliers).
Exemples de l'emploi de plusieurs timbales par
Beulioz :
lo Benvenuto Cellini : trois timbales blousées par
deu.x timbaliers.
Allegro décide àz\\2.
f.^ Timbale RÉ
2« Timbale SOL
3! Timbale SI
^m
f
ga^
:e3
ëEE3
r — r
é
T
etc.
^^
2° La Symphonie fantastique : quatre timbales blousées par'quatre timbaliers.
Scène aux champs.
V;^ Timb.SlkFAhaul^^^
iî'et 2* Timbaliers
2? Timb. LAb-CT §
W^
3^ et 4^ Timbaliers
l'^^ Timbales
en SI b-FA
Marche au Supplice.
t
■^
Baguettes à tête de bois
2^.3 Timbales
en SOL- RÉ
TECHNIQUE, ESTflÈTIQVE ET PÉDAGOGIE
LES TIMBALES, LE TAMBOUR 1691
.'>° La Damnation de Faust : quatre timbales.
4° Kiilin son Requiem, pour le Tuba miriim, où il lii
l'emploi de liuit paires de timbales accordées de
différentes manières, et dix timbaliers, dont :
Deux limbaliers sur une paire de timbales en ré. i-fa B.
Deux timbaliers sur une seule paire de timbales en sol mil,.
Une paire de timbales en so;|, si [,.
Une paire de timbales en si'tl mi H.
Une paire de timbales en la H »»[,.
Une paire de timbales en la !> «( t).
Une paire de timbales en sol fl ré (,.
Une paire de timbales en ^a t; sil,.
r.rosse caisse roulante en si|;.
(11 faut placer cette grosse caisse debout et faire les roulements
avec des baguettes de timbales.)
Une grosse caisse avec deux tampons, tam tam et cymbales
^trois paires) frappées comme le tam tam avec des baguettes ou
un tampon. (Notes de Berlioz sur la partition.)
On voit par là que notre immortfl Berlioz tira un
parli considérable des timbales, et de la batterie.
Bkrlioz pensait qu'il n'était pas possible à un
seul timbalier de blouser simultanément plus de
dcuœ timbales, et il préconisait, pour les orchestres,
l'emploi d'un certain nombre de timbales et de tim-
baliers (dans son Traité d'orchestration, il indique
que pour un orchestre composé à peu près de 60 à
70 musiciens, il faut au moins quatre timbales, et
qnatre limbalieisj; aussi, fut-il fort surpris lorsque
Meyîîrbeer écrivit divers opéras, avec emploi de
quatre timbales (blousées par un seul timbalier). Ce
rythme de timbales, que Meyerbeer plaça au i' acte
de son opéra Robert le Diable (en 1831), devint même
jégendaire :
3 Timbales
SOL- no -RÉ
4 Timbales
SO^j-DO
RE -MI
SOLO
^^
SOLO
S
mf
^
f^
» — »— f — ^ » f f f. ^
W^
etc.
Tous les ouvrages de Meyeriîeer comportent des
parties de timbales des plus intéressantes, ce qu
contribua à mettre davantage en valeur cet instru-
ment dans la musique orchestrale.
Un seul timbalier ne peut se servir que de deux,
trois ou quatre timbales au phis; encore est-il néces"
saire que le compositeur lui ménage le temps maté-
riellement indispensable pour modifier l'accoid des
timbales.
Certains traités d'orcheslralion (un peu démodés
parlent des timbales voilées, ce qui semble dire que,
dans certains cas, on devrait mettre un voile sur la
timbale. C'est une fausse indication, car au mo3'en de
différentes baguettes, on peut obtenir tous les ell'ets
voulus.
Pour le lambiur, qui est un instrument à timbre,
le voile est employé, surtout dans les cérémonies
funèbres.
On le recouvre d'un morceau de drap ou voile de
crêpe, afin d'en assourdir la sonorité.
Après avoir fait l'historique de la timbale, parlé
des timbaliers et do l'emploi de l'instrument, nous
allons maintenant parcourir la progression ascen-
dante en veitu de laquelle on a Irouvé et obtenu la
manière de varier les sons des timbales (c'est-à-dire
l'accord), plaçant ainsi ces instruments au nombre de
ceux qui ont un caractère musical.
MODÈLES ET FABRICATION DES TIMBALES
Les timbales d'Orient étaient formées d'un !ùl ou
bassin d'or, d'argent ou de bronze sur lequel la peau
était assujettie et retenue au moyen : 1° de cordes;
2° de cercles de bois; 3° de cercles de fer forgé, fixés
au bassin par de petits piquets de bois.
Ces timbales n'avaient aucune tonalité définie.
C'était simplement par la profondeur et le diamètre
que la timbale donnait des sonorités plus ou moins
hautes.
On raconte que ce fut vers l'année looO, qu'un
musicien de Pologne, dont le nom ne nous est
Tk.;.
volonté au moyen d'une
malheureusement pas parvenu, voulant introduire
un effet spécial de timbale dans nne de ses compo-
sitions, s'en vint un jour
trouver un fabricant
d'instruments. 11 lui fit
faire certains essais de
sonorités, en vue d'arri-
ver à varier le son de la
timbale sa)!S(U'Oirî'eco!/rs
à un grand nombre de
chaudrons;
On imagina ainsi la
timbale dont la peau se
tend on se détend à
corde.
Ce fut le véritable point de départ de la timbale
chromatique, c'est-à-dire île la timbale à sons va-
riables.
Ce système de tim-
bale à corde élait assez
simple : la peau était
retenue par une corde
qui passait dans des
anneaux fixés au cercle
sur lequel était roulée
la peau.
Celte conle venait
ensuite passer dans des
anneaux rivés au liU ou
bassin île cuivre, et se
terminait en s'enrou-
lant autour d'une clef.
Plus on tournait la
clef à droite, plus la corde en s'enroulant faisait
tendre la peau; par le mouvement contraire elle se
détendait.
Ce système avait l'inconvénient de ne pas tendre
la peau également, et surtout, en raison des varia-
lions atmosphériques qui agissent sur la peau et la
corde, celui de ne pas conserver l'accord.
On inventa alors le système de timbales à vis et
à écrous avec clef mobile, c'est-à-dire clef unique,
FiG. 756.
1692
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOSNAIRE DU COXSERVATOIRE
Fia. 757.
que l'on posait sur les vis au fur et à mesure que
l'on voulait accorder.
Ce système avait en-
core un inconvénient :
lorsque l'accord devait
se faire précipitamment,
on manquait souvent la
vis, et quelquefois même
la clef s'échappait des
mains.
On en arriva donc à
imaginer le modèle de
timbale à clefs fi.\es.
Bien des fabricants ont
amélioré ce modèle de
timbale, soit au point de
vue du p.is de vis et de sa pose plus ou moins ver-
ticale, etc., soit poui-
la fabrication du fût,
ou pour l'enroule-
ment de la peau sur
le cercle, dépendant
ou indéjwndant.
On a imaginé beau-
coup d'autres systè-
mes de timbales, sur-
tout en Allemagne.
Ainsi, en vue de la
rapidité de l'accord,
ou a imaginé un mo-
dèle de timbales à pédales (dites : timbales chroma-
tiques mécaniques à cadran indicateur) :
Fio. 758. — Timbale à clefs ti.xes.
FiG.
L'accord de ce système de limbales se fait de la
façon suivante ; le cercle sur lequel est enroulée la
peau est posé sur le fût de cuivre et est retenu à
l'intérieur du bassin par des tirants de fer.
Ces tiranls viennent, à la base, se mêler à un sys-
tème d'engrenage commandé par une roue, que l'on
fait mouvoir avec les pieds. .Suivant que la roue
tourne à gauche ou à droite, la peau se tend ou se
détend, et, par ce fait, donne à la timbale des sons
plus graves ou plus aigus.
Un autre mécanisme (toujours dépendant du
système d'engrenage ci-dessus désigné) fait mouvoir
une aiguille placée sur un cadran, qui se trouve
sur le bord de la timbale et indique la note que l'on
veut donner. Mais, par suite des lois atmosphériques
qui inilueat sur la peau, on n'oblient pas toujours
les notes que l'on désire et que marque l'aiguille du
cadran; cependant, avec un réglage très attentif et
très suivi, on arrive à trouver les notes voulues;
mais il faut redouter à chaque instant un écart de
tonalité, auquel on doit remédier très attentivement.
Il faut convenir que ces systèmes de timbales chro-
matiques mécaniques peuvent donner des facilités
pour les changements d'accords très rapides. Cepen-
danl, les compositeurs feraient bien de ne pas abuser
d'une succession trop rapide de changements d'ac-
cords, car, à la longue, les fibres de la peau se déten-
dent et l'on n'oblient plus une bonne sonorité, ni une
justesse rigoureuse par suite de la fatigue de la peau.
Nous devons signaler aussi certains inconvénients
des timbales chronialiques mécaniques, inconvé-
nients qui résultent de ce que le système de l'accord
change suivant les pays. Ici, l'accord s'obtient au
moyen de pédales; là, il s'obtient par des leviers ou
vis d'accord; il en résulte que certains compositeur
éciivent des parties de timbales où l'exécutant doit
tout en jouant, faire mouvoir ces pédales avec ses
pieds, tandis que d'autres écrivent pour des instru-
ments dont les leviers ou vis sont actionnés par les
mains; d'où, pour un timbalier, l'impossibilité
d'exécuter sa partie.
Le système des timbales ci-dessus désigné, tout en
oIT'ranl des facilités, a encore un inconvénient : c'est
d'éire très lourd et peu commode à déplacer.
On connaît encore un autie modèle de timbales
diies timbales chromatiques à pédales; c'est à peu
près le même système que celui dont nous venons
de donner la descri,tion, mais, au lieu de se servir,
pour accorder, d'une loue mue par le pied, on use
d'une pédale s'accrochant à des crans (c'est à peu
près le système de pédales de la harpe).
Dans un autre système de timbales, employé sur-
tout en Hollande et en Angleterre, il n'y a aucune
clef pour tendre la peau.
Le mécanisme se trouve à l'intérieur du fût de
cuivre; il consiste en des
tiranls, rivés au cercle sur
lequel est enroulée la peau
et aboutissant au fond du
fût ou bassin de cuivre ; le
pied de la timbale est sur-
monté d'une grosse vis; on
posé le fût de cuivre sur
celte vis, et en tournant la
timbale, soit à gauche, soit à
droite, la vis pénètre, donne
prise sur les tirants qui ten-
dent ou détendent la peau
et lui font donner des sons
aigus ou graves. .Nous représentons ici ce système.
Pour blouser tous ces genres de limbales, le tira-
balirr se lient debout, con-
trairement à ce qui a lieu
en France, où le timbalier
est toujours assis.
Le fadeur d'instruments
Adolphe Sa.x, qui, sous le
règne de .Napoléon III, était
le fournisseur attitré d'ins-
truments de musique des
armées françaises, avait
trouvé un système de tim-
bales à peau.\ superposées'.
D'autres iiiventionsencore
ont été faites, ne donnant
généralement que peu de
bons résultats au point de vue pratique.
Fia. 760.
t Cf -iv^léme ne fui que peu employé.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES TIMBALES, LE TAMBOUR 1693
l.e système de timbales que nous piéconisons, et
qui nous semble le meilleur, est celui dont nous
donnons le modèle ci-dessous. 11 a l'avaiilage de
laisser le fiM de cuivre entièrement libre, c'est-à-dire
1res sonore.
Lorsqu'on a la chance de trouver de bonnes
peaux, bien égales, et pas trop épaisses, on peut obte-
nir une grande justesse de sons; par suite, les ondes
sonores provenant des coups de baguettes peuvent
se donner libre cours, elles ne sont pas interrompues
par l'armature en fer et par les engrenages néces-
saires dans tous les systèmes de timbales dites
chromatiques mécaniques.
DiinensioiiK de <livci-s iuoiIOIcn de timbales
ù cercle dépendant ou indépendant.
On nomme timbale à cercle dépendant celle dont
la peau est perforée à tous les eiulioits du cercle
d'enroulage où se trouvent des écrous; ceux-ci ser-
vent à ajuster les clés au fût de cuivre.
Ce système de montage est très bon, mais il a
l'inconvénient de laisser facilement dévier la peau
de la timbale.
On nomme timbale à cercle indépendant celle
dont la peau est montée sur un cercle d'enroulage dis-
tinct du cercle à écrous, lequel repose simplement
sur la peau de la timbale et s'ajuste au fiU de cuivre
au moyen des clefs.
Ensemble de deux timbales.
Les mesures des ditnensions de timliaUs xe jneni eut en mesurait te diamètre du cercle.
(7 clefs). :"• Timliale. 5S cent. (6 clefs).
(9 - ). - 6i - (7 - ).
(10 — ). — 70 — (9 — ).
(10 — ). — 74 — (9 -
1" -Modkl::.
l'-e Timliulc.
ùi ceiil
2= —
—
72 —
30 —
—
80 —
40 _
—
82 —
Ensemble de trois timbales.
(Cet assemblaije est le /itus usité pour un grand orchestre.)
ir? Timbale : 80 ccnl. — 2'- Timbale : 70 cent. — 3<^ Timbale : 6Î cent.
Ifo Timbale : 80 cent.
Ensemble de quatre timbales.
2<^ Timbale : 70 cent. — 3f Timbale : 64 cent. — 4= Timbale : 60 cent.
Fis. 762.
Souvent, dans les orchestres, on n'emploie que
deux timbales, l'une, dite grande timbale, sert à exé-
cuter les sons graves compris entre les deux sui-
vants :
l'autre, dite petite timbale, exécutera les sons compris
entre les deux extrêmes suivants :
^
^=
On a ainsi, comme étendue totale, pour l'ensemble
des deux timbales, un intervalle d'octave.
Lorsqu'on aura un ensemble de trois timbales :
\° Grande timbale, du »n' grave à Vut;
2" Timbale moyenne, du /a an mi;
3" Petite timbale, du si'i, au fa'i.
=îîi=
m
i
^m
(1)
^
^
Lorsqu'on-aura un ensemble de quatre timbalesj
io Grande timbale, du mi grave au do;
2'J Grande timbale, du /"«; au ré\
1" Petite timbale ou timbale moyenne, du si au /■«#:
t" Petile timbale, du do au /'/b-
16<I4
m
é^
(1)
^J^W
-=^1
(0
ENCYCLOPEDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOS NAlliE DU COSSERVATOIHE
enliei' citait 1'»^ après avoir quille le théâtre de
rOpéra-Coiniqiie, où personne ne l'avait remarqué.
Ht ses déhuts au Tln'àtre Lyrique de l'Odéon; aussi,
plus tard, se plaisait-il à dire : « Adam était mon tim-
balier [sic). »
Semet (A. -E. -A) (élève d'HALÉvï), compositeur de La
PHite l'wletle, opéra-comique en trois actes (1869),
fut longtemps timbalier à l'orchestre de l'Opéra.
Jules Pasdeloup, le fondateur des Concerts popu-
laires, qu'il dirigea pendant vingt-cinq années au
Cirque d'hiver, et qni fut vraiment le propagateur de
la musique classique, non seulement à Paris, mais
même en France, commença par être timbalier.
Ernest Glmraud fut également timbalier à l'Opéra-
Comi(|ue.
Ein. Paladilhk (premier prix de Home en 1850) ne
dédaigna pas de blouser les timbales.
Jules Masse.nkt fut timbalier au Théâtre Lyrique
(de la place du Châtelet, direction Jules Pasdeloup,
puis Léon Carvalho).
C'est une gloire pour les timbaliers de pouvoir
compter, comme ayant été un des leurs, un maître
de celle valeur!
De Groot, chef d'orchestre et compositeur fort
estimé, fut un timbalier des plus remarquables.
Emile Pessard (premier prix de Rome en 1866) a été
timbalier à lOpéra, où il sut se créer de si grandes
sympathies, qu'une représentation fut donnée en
son honneur lors de son départ de l'orchestre.
Jules VVeder était un des meilleurs accompagna-
teurs de Paris; il fut longtemps timbalier aux Con-
certs populaires que dirigeait Pasdeloup au Cirque
d'Iiiver.
Emmanuel Charrier, compositeur de grand talent,
que la moit a enlevé si prématurément, fut timbalier
à la Société nationale.
Désiré Thibaut, qui fut un violoniste remarquable,
membre de la Société des Concerts du Conservatoire,
où il devint deuxième chef d'orchestre, fut un des
derniers timbaliers à cheval aux cuirassiers de la
Garde impéiiale.
Louis Varnev fut timbalier au Théâtre des Italiens
(place VenladourI; on lui doit nombre de composi-
tions charmantes du répertoire d'opérette, entre
autres Les Monsqut'tnires au Couvrnl, etc.
Vincent d'Lndy a été di'uxiènie timbalier à l'Asso-
ciation des Concerts du Chàlelet, sous la direction
d'Ed. COLO.N'.NE.
Paul HiLLEMACHER (premier prix de Rome en 187G)
était timbalier à l'Opéra-Comique, où j'eus l'honneur
de lui succéder.
Gabriel Marie, aujourd'hui chef d'orchestre, fut
pendant quelques années timbalier aux Concerts
fondés par Lauolreux.
Lucien Lambkrt, compositeur qui obtiiit le prix de
la ville de Paris avec Le Spa/u, opéra lyrique en trois
actes (tiré du roman de Pierre Loti) et que le théâtre
de l'Opéra-Comique a représenté, fut également lim-
balier.
F. DEaARQL'KTTE, compositeui' , fut timbalier au
Théâtre des Italiens, aux Concerts Colonne, puis à la
Société des Concerts du Conservatoire, où j'ai eu
l'honneur de lui succéder.
La liste de ces artistes, si justement célèbres, dé-
montre sufllsammeiit combien, pour être timbalier, il
faut éti-e bon musisien, car l'accord de la timbale
exige, chez le timbalier, de tr-ès sérieuses qualités-
musicales : qualités en partie acquises (connaissance
approfondie du solfège), — un peu de pratique har_
Il fut un temps où il n'y avait que peu de timba-
liers. La raison en était que peu d'orclieslres
comportaient l'emploi des timbales; mais, avec le
développement musical, les orchestres ont pris de
l'importance, et presque tous se sont adjoint ces
instruments.
" De tous les instruments à percussion, écrit
Berlioz, les timbales me paraissent èti'e le plus pré-
cieux, celui du moins dont l'usage est le plus général,
et dont les compositeurs modernes ont su tirer le
plus d'elfets pittoresques et dramatiques. »
De nos jours, un orchestre où il n'y aurait pas de
timbales serait considéré comme incomplet. Au
xviii» siècle, blouser des timbales apparaissait comme
un art secondaire; de nos jours, c'est un art essen-
tiellement musical.
« Ceci, continue Berlioz, prouve qu'indépendam-
ment du talent spécial que doit posséder le timbalier
pour' le maniement des baguettes, il doit être encore
excellent musicien et doué d'une oreille d'une
finesse extrême. Voilà pourquoi les bons timbaliers
sont si rares. »
COMPOSITEURS ET CHEFS DDRCHESTRE
AYANT ÉTÉ TIMBALIERS
Nous allons, à titre documentaire, sans ordre chro-
nologique et simplement pour mémoire, rappeler les
noms des compositeurs et musiciens de valeur qui
0 1 t été timbaliers.
ScHNEiTzHOEFFËR fut timbalier à l'Opéra; c'était
un compositeur de talent, à qui l'on doit nombre de
délicieuses partitions, notamment La Sylphide, bal-
let à grand speclacle, qui resta longtemps au réper-
toire de l'Opéra.
Comme le nom de Sch.neitzhoefeer était assez diffi-
cile à prononcer et surtout à retenir, il disait sou-
vent : « Appeliez-moi « Bertrand », c'est plus vite dit,
et l'on s'en souvient mieux. » (Sic.)
HÉROLD (L.-J.-F.), célèbre compositeur français,
fut aussi un remarquable timbalier, et fit, en cette
qualité, partie de l'orchestre de lOpéra-Comique.
Hector Berlioz, l'immortel compositeur, fut, dans
les premières années de sa carrière musicale, tim-
balier au Théâtre des italiens.
Adolphe Adam fut timbalier au Théâtre Lyrique de
l'Odéon; Duprez, le fameux ténor dont le monde
l. II va sans «lire que pour ces (>tenJues piceptiounellus, il est
nécessaire d'avoir des timbales d'une fabrication très soignée. Ces
eiemptes sont extraits de la SÎHhoiU de timàttles et instruments de
_percussJo)i de Joseph Bao-'-ers, Enoch, éditeur.
TECILMiJl E. ESTHÉTIQUE ET PÉDACOC.IE
LES TIMBALES, LE TAMBOUR 1695
monii|ue ne ruiisaiit pas, — iiialiipie d'un anlre ins-
truinenl, piano ou violon de préfirencp, — aplilude
à comprendre et à s'assimiler les ditléients rytlimes,
en parlie naturelle, en partie peiTectionnée par
l'exercice — (oreille Iri^s juste, audition interne des
sons 1res précise, faculté de discerner immédialemenl
un son enire d'autres sons concordanls).
Il esl, en effet, nécessaire que le timbalier puisse
changer l'accord tandis que l'orclieslie continue à
jouer, souvent dans un autre ton, ce qui est très
dillicile pour un exécutant qui lie serait pas naturel-
lement (loué des qualités précitées, ou qui, en étant
doué, ne les aurait pas perfectionnées par une élude
persévérante.
LE TAMBOUU
Le tambour esl un instrument à timbre et n'ayant
pas de son déterminé. On entend par timbre, une
corde en boyau placée sur la peau inférieure du
tambour et dont la tension plus ou moins grande
permet de modilier le son de l'instrument (voir pins
loin DfSrri/ition du tambour).
Sa sonorité peut être rendue plus ou moins claire
mais ne prend pas d'accord.
Le mot litmbour semble provenir de langues di-
verses.
D'après certains auteuis', il nous vient de l'élément
roman et dérive de la racine tab, adoucissement de
tap, dont on a formé le mot taper, frapper.
On le fait dériver aussi du mot hébreu topk, qui
signifie également laper, frappei'; mais on trouve
aussi le mot tambour, dans le persan : tambur, tam-
bi'irdk, tambuk. tahir.
Dans l'arménien, on trouve thembuij, et l'on cite le
kurde taml)ur (instrument à cordes, genre de cislre).
Dans l'ii landais, on voit tabar.
Kn langage l;ymri(iue, tabirrdd.
En langue sanscrite, tiip.
Kn grec, tupto.
En ancien slave, lepsti.
En russe, topali.
En polonais, tapac, tupuc.
En italien, tambiissare, ce qui signilie faire du
bruit, laper, frapper.
En vieux français, tabourie, lambuire, ce qui veut
dire tapage, vacarme. On disait aussi : tabut, bruit,
vacarme, lubusler: faire du tapage, frapper, etc.
C'est donc par l'assemblage de tous ces mots qu'a
été formé le mot tambour, qui, somme toute, a la
même origine que les timbales et le tambour de
basque, c'est-à-dire qu'il dérive du mot lijmpanon,
au sujet duquel nous avons donné des explications
en traitant de la timbale (voir plus haut).
Les timbales et le tambour, ayant la môme origine,
furent (comme emploi) un peu confondus. Ce qui le
prouve, c'est que certains auteurs citent les tambours
comme ayant été en usage dans les temps les plus
reculés, et les font figurer dant les descriptions des
fêtes et guerres hébra'iques.
t. ScHF-Li-iNiî, Utiiversnl Lexikon drr Totili'unsl.
Ai-rEMBunG. Ver^uch einer Anîeittuiff zur hero'scli m^isikatjscficn
Trompeter uiid Pauker kunst.
^■■.HNEiDEn, Sistoire de la Musique.
G. Kastneu, Méthode des instruments à percussion.
De LvvBi, Métltode des instruments 0 percussion.
D'après nos reclierclies, nous voyons que les ins-
truments a percussion employés à ces époques
anciennes n'étaient ni des timbales, ni des tambours
semblables à ceux de noire époque. C'étaient d abord
de simples membranes de peau, tendues sur des cer-
cles de bois^; piiis, on forma diverses sortes d'ins-
truments à percussion, auxquels on donna des nom»
variant suivant les contrées d'où ils provenaient.
ORIGINE ET HISTORIQUE DU TAMBOUR
Le tambour est d'origine presque inconnue, puis-
que les civilisations les plus primi-
tives ont employé des instruments
à percussion.
Tous les peuples revendiquent
l'origine du tympanon, qui devint
par la suite : 1" les timbales; i° le
tambour; 3° le tambour de basque,
etc. Les rirees.l'altiibuent aux Pbiy-
giens, les liomains aux Syriens, etc.
Ce que nous croyons pouvoir aflir-
mer, c'est (|ue ce rurent les peuples
d'Orient qui, les premiers, perlec-
lionnèrent ces insliuments; et nous
reproduisons, à l'appui de notre
opinion, certaines forma-
lions des premieis tam-
bours connus :
Fig. 7(33. — Tam-
bour on terre cuite-
dos K^yptiens et
des Chinuis.
FiG. 7û i. — Tambour Fia. 705. — Grund Uiubour clii-
à une peau sur un chevalet. nois à deux peaux, monté sur
un support.
L'usage du tambour passa donc dans les coutumes
de tous les peuples, et certainement cet instrument a
dû accompagner les multiples migialions des peu-
ples aryens, venus du haut plateau de l'Asie centrale,.
Fia. 766. — Tambour Fio. 767. — Tambour égyptieik
de l'Océani'
à deux peaux.
2 Isidore, Origines, lib. II, c, 21.
1696
ENCYCLOPÉDIE UE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
a. qui 011 altribae la souche de luules les races
orii'iitales. ■ u i \
Nous avons expliqué (eu tiailaal des timbales)
comment furent formés les premiers instruments à
percussion. Le seul point intéressant maintenant est
de montrer les diverses formes qu'a prises le tam-
bour, et l'usage qui en a été fait :
FiG. 768. — Tambour
de l'Afrique ceniralo.
FiG. 769. — Grand lambour
indien.
Ainsi que l'on peut s'en rendre compte, la forme
du tambour a varié suivant les contrées d'où prove-
nait l'instrument.
Nous pourrions citer un certain nombre de tam-
bours de provenances diverses, mais ces instruments
à percussion n'olTrent rien de particulier et sont à
peu près conformes à ceux que nous avons déjà
indiqués en traitant de la timbale. Il nous faut
arriver à l'époque où le tambour fut introduit dans
les armées framaises, car, jusqu'à cette époque, l'ins-
trument à percussion que l'on a par la suite dénommé
« le tambour », suivant les anciennes coutumes,
ne servait qu'à rythmer les chants et les danses, de
même que les marches des caravanes, puis des bandes
ou cohortes guerrières, enTin des troupes d'hommes
armés. Ce n'est que vers 1515, sous le règne du roi
François I"-', que nous trouvons les premières ordon-
nances réglementant les tambours dans l'armée.
Jusqu'à cette époque, les troupes armées, suivant
qu'elles disposaient de capitaux provenant des ran-
çons de guerre ou autres, se faisaient précéder de
divers tambours ou tambourins (nom que l'on don-
nait aux hommes qui
. — ^ battaient le tambour).
%^èo3 Aussi, voyait-ou cer-
taines compagnies,
moins heureuses, n'en
pas avoir; de là, cer-
taines rivalités entre
soldats.
Pour faire cesser cet
état de choses, Fran-
çois 1"' réglementa
l'armée par des ordon-
nances. Il accordait
quatre tambours par
mille hommes; cela
fil cesser bien des que-
relles, et à partii' de
ce moment, chaque
corps de troupe eut son nombre régulier de tambours.
L'histoire des tambours ou tambourinaires ne
commence vraiment que vers cette époque, et nous
voyous divers faits héroïques accomplis par les
tambours de régiments. Aussi, a-t-on pu dire : « Le
tambour doit être un brave, car il marche à la tète
du régiment, et même au milieu de la mêlée. Il doit,
par son héroïsme, et sans arrêter de battre son
tambour, entraîner les soldats au travers des rangs
ennemis; l'on a vu souvent le tambour arriver le
770.
premier sur le haut d'une forteresse ou retranche-
ment et s'emparer même de trophées ou drapeaux. »
Fia. 772.
FiG. 773.
L'histoire, bien que gloi iliant la bravoure des tam-
bours ne nous rapporte aucun fait intéressant à noter
à cette époque.
Nous rappellerons seulement, pour mémoire, que
sous Louis Xlll, Louis XIV et Louis XV, les mousque-
taires avaient des tambours dont ils étaient très
tiers; aussi, lorsque dans tous les corps de troupes
possédant des trompettes ou adjoignit des timbales
considérées comme trophées glorieux (puisque c'était
aux ennemis qu'on les prenait), par ordee du roi, les
mousquetaires ne furent pas autorisés à posséder
des timbales, et furent forcés de garder des tam-
bours, en souvenir des hauts faits il'armes auxquels
Fia. 77 i.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES TIMBALES, LE TAMBOUR 1097
ces derniers avaient contrihué.illuslranl ainsi re corps
d'élile.
I. 'usage du lamlioiir était donc, à cette époque,
compif'iement enti'é dans les coutumes militaires', et
maintes fois le lamhoui' joua un rôle imporlant dans
la vie politi(|iie. Vn effet, souvent l'on vil des trom-
pettes et des tambours accompagner des parlemen-
taires de guerre.
De même, certaines sommations faites, soit à
l'ennemi, soit à la foule, furent exécutées par des
roulements de tambour. Rappelons que lorsque
Louis XVI, condamné par la Convention nationale
à la peine de mort et s'adressant du haut de l'écha-
faud à la multitude, s'écria : « Je meurs innocent, »
un roulement de tambour couvrit sa voix. Kdmond
NEfKOMM, dans son Histoire de la Musique militaire,
rapporte qu'un Anglais a pu dire avec raison : « On
cherche ù rendre une armée impuissante en lui cou-
pant les vivies; moi je recommande, si jamais nous
avons une nouvelle guerre avec les Français, de cre-
ver, autant que possitile, leurs tambours^. »
La Convention nationale, le Directoire, puis le
Consulat et l'Kmpire ne tirent qu'al'lirmer la situation
des tambours dans l'armée.
Parmi les nombreux faits de bravoure attribués à
juste titre à des tambours, il nous faut citer le petit
tambour qui. le premier, traversa le pont h la bataille
d'Arcole.
f" On sait que Bonaparte, afin de récompenser des
ofticiers ou des soldats ayant montré une grande
bravoure dans les combats, avait coutume d'ott'rir à
ces braves, soit un sabre, soit un fusil d'honneur.
Or, il en fit de mi?me pour certains tambours qu'il
honora d'un tambour d'honneur.
11 existe ceitainement encore d'autres actes glo-
rieux à l'actif des tambours, mais comme ils ne se
rapportent pas à des faits historiques, nous n'avons
pas à les mentionner ici^.
Les règnes de Louis XVIII, Charles X, Louis-Phi-
lippe, la République de 1848 et le règne de Napo-
léon m ne fournirent rien de particulier à noter sur
les tambours, si ce n'est au point de vue de la trans-
formation de l'instrument.
Après avoir fait l'historique des tambours dans
l'armée, il nous reste à parler des diverses phases
de la transformation du tambour, dans sa forme,
son montage, etc., de son emploi dans la musique
syir.plioniqiie ou théâtrale et de la manière de noter
toutes les liatteries; nous rappellerons aussi certains
proverbes se rapportant au tambour, etc.
l. L(? P. MpHcsTniEn, Des liepri^sentalions en nvsiqtte nncienncs e'.
modernes, l'aris, 16? I) : « Le lamljoiir esl non seulement d'un graud
seoours dans les armées pour ta marche des fantassin", servant de
signe pour déloger, pour rnarclier, pour se retirer, pour s'assembtf^r
et pour tes aiiti-es rommandements qu'il serait difiicite de porter par-
tout en même temps, et île les faire entendre de tant de personnes
sans ce seconr-:*. mais il anime les soldats et leur donne du cœur
quand il faut rhoqucr l'ennemi et le combattre. Les trompettes, les
lymbales, les hautbois font à peu près le môme elfet. Le battement
des lymbales, qui tient du trépi^nenientet de la marche des chevaux,
fait aussi que ces animaux mar< hent avec une fierté plus noble, n
i: E. Neukomm, Inco cil., Paris, 1889, pp. 7 et 8.
3.' Les documents et citations faites sur les tambours proviennent
des ouvrages suivants :
E. Bontaire, L' Institution militaire de la France acant les armées
permanentes,
L. tturieui, L'Armée en France^
A. Datly, La France mitilaire,
Jacquemin, Histoiregéuérnle ducostumecivil, religîeuxet militaire.
L'i'.^popée du costume militaire français, illustrée par Job.
L'Armée à travers les âges.
Uiibellav, Hègtement de t'armée en France.
Pascal, _ Hint'Are de l'armée française, etc.
Cofiyrighl hy Lihrairie Delagrave, I9Î6.
Le tambour est un instrument à timbre unique.
Il ne demande qu'un apprentissage mécanique pour
le maniement des baguettes, etc. Par une anomalie
curieuse, en France, on dénomme celui qui bat du
tambour, du même nom que l'instrument {un tam-
bour); il en esl de même pour certains instruments
de musique et leurs instrumentistes, tels le piston,
le trombone.
Nous devons reconnaître qu'il n'en est pas de même
dans les autres pays; ainsi, en Allemagne, on dit en
parlant de l'instrument : eine Trommel (un tambour),
et en désignant l'instrumentiste : ein Trommehchldger
(un batteur de tambour).
Cependant, dans les Pyrénées, on nomme iamfiou-
rinaires ceux qui jouent du guloubel et frappent un
genre de tambourin, dont il sera question un peu
plus loin dans cet article.
Nous noierons que le tambour fit sa première
apparition à l'Opéra en I70G, dans la fameuse tem-
pête du 4« acte de l'opéra d'Alcyone, du violiste Marin
Marais. On entendait là une imitation du gronde-
ment du tonnerre, réalisée par les roulements pro-
longés de tambours à baguettes, qui doutdaient la
basse d'accompagnement'*.
Différents modèles de tnniiionrs ayant élë
en osage dans l'armée.
Fii^. 775. — Caisse en cuivre
danoise, repoussée et ciselée,
du rè^îne de Christian V.
FiG. 776. — Caisse en bois
d'un régiment d'arllllerie
sous Louis XIV.
Fin. 777. — Tambour russe Fio. 77S. — Caisse en bois
prisa .Sébastopol. de la milice brabanfonne (1742),
FiG. 779. — Caisse roulante
à tringles.
Fia. ':M. — T.-iri,lle
t. A. CuoDQDET, Bistoire de In musique drivnalinue en France
i«T3, p. 123. •
107
1698
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTFONNAIRE DU CONSEliVATOIRE
FiG. 781. — TaroUc.
FiG. 782. — Caisse claire
à tringles.
Fiu. 783.
Tambonr à timbre.
Fia. 784. — Tambour
des Gardes françaises
sous Louis XVI.
Si de nos jours le tambour, instrument guerrier
par excellence, est toujours en usage dans l'armée,
il n'eu est pas moins utilisé par la musique orches-
trale, el nombre de compositions musicales compor-
tent l'emploi d'une importante partie de lambour.
Il ne suffit donc pas d'un batteur de tambour
connaissant simplement les batteries en usage dans
les régiments, mais il faut un mucisien sachant
battre du tambour, el étant capable de battre tous
les rythmes écrits musicalement.
En principe, l'artisle chargé dans un orchestre de
battre le tambour doit être suffisamment musicien
(s'il n'est même timbalier); il doit pouvoir jouer de
tous les instruments dénommés accessoires à' orchestre
ou de batterie.
DESCRIPTION DU TAMBOUR
Les parties essentielles dont se compose un tani-
boui- sont les suivantes :
1" Le fût, toujours cylindrique, en cuivre cerch-
de fer, à l'intérieur, afin de résisler à la tension de
la corde;
2" Deux cercles en bois,
placés aux extrémités des
fûts par où passe le timbre;
3° Les cercles d'enroulage,
plus petits, pour les peaux;
4» La corde, qui doit être
de bonne qualité; elle est
généralement filée en six
brins;
5° Le pontet, petite pièce
en cuivre où passe :
6" Le pas de vis du pontet,
qui sert à tendre le timbre;
7» Le crochet du pontet où s'accroche le timbre;
8" Le timbre, corde en boyau qui, par sa tension
plus ou moins grande, donne au son du tambour
un éclat différent; sans le timbre, en effet, le son du
ambour est bref, sourd, et sans mordant. La corde
Fifi. 785. — T;imbour
muni du timbre.
en boyau qui lorme le timbre se plie généralement
en double; quelquefois aussi, on emploie deux cordes-
pliées en double, ce qui en représente réellement
quatre touchant la peau, et donnant une sonorité
plus grande;
9° Les peaux : la peau supérieure se nomme ■peau
de batterie, l'inlérieure ^leau de timbre.
Les peaux employées sont généralement des peaux
de veau; leur choix a une grande importance et
doit èlre fait tiés soigneusement, la peau de timbre
étant toujours plus fine que la peau de batterie;
10" Les tiranls : ce sont des sortes de coulants
tronc-coniques, enserrant la corde extérieure du fût,
faits en grosse peau et qui servent à régler la tension
du fût; réglementairement, un tambour comporte
onze tirants.
En Allemagne et en Angleterre, on fabrique un
genre de tambour que l'on désigne sous le nom de
larollc ; cet instrument a le même diamètre que le
modèle ci-dessus, mais il est moins haut. C'est
pourquoi on le nomme caisse plate. On a essayé
d'introduire ce genre de tambour dans les corps de
musiipie français, mais la sonorilé en fut trouvée
trop criarde, car cet inslrumeni a le
timbre d'une crécelle.
Les meilleures baguettes de lambour
se font en bois d'ébène ; toutefois, on
en fait en d'autres essences de bois,
plus légères ; ce sont là des exceptions
justifiées par des préférences person-
nelles ou par des questions de mains.
Les diverses parties dont se compose
une baguetle se nomment :
{" L'olive, extrémité de la baguette
avec laquelle on frappe sur la peau;
2» Le corps de baguette;
3o Embout en mêlai servant de gar-
Fto. 7S6.
Baguettes
de tambour.
niture à l'extrémité de la baguette op-
posée à l'olive. (Ces embouts ne sont
pas obligatoires.)
Lorsque l'on joue du tambour en marchant, oiv
porte l'instrument à l'aide d'un collier de cuir passé
en écliarpe sur l'épaule droite; le tambour est fixé
au collier par une sorte de petit cube en peau que
l'on passe entre la corde du tambour et le cercle,
ce qui maintient le fût dans la position voulue. Ce
cube est lui-même fixé au collier par une petile patte
en cuir appelée lanière, à l'exlrémité de la(|uelle il
est cousu.
I.e collier porte à sa partie antérieure une pièce-
FlG.788.
TECU.XIQIE, ESTIIETIQVE ET PÉDAGOGIE
LES TIMBALES, LE TAMBOUR 1G'J3
en cuivre renfermant deux douilles où se passent
les baguelles lorsque Ton ne joue point.
Afin d'éviler l'usure du pantalon due au frotte-
ment produit par le mouvement répété de va-et-vient
de la caisse, on se sert généralement d'une cuissièrc :
cette caissière, surtout usitée dans l'armée, se com-
pose d'une sorle de petit tablier en cuir; on la fixe
autour du corps à l'aide
d'une courroie passée à la
ceinture, et deux autres
courroies plus petites la
maintiennent sur la cuisse
j-'auche.
Pour les tambours en
marclie et aflii de les repo-
ser du poids du tambour,
au cercle du timbre l'on
agrafe une liride.
Cette bride permet de
suspendre le tambour à
l'épaule, tout comme le
soldat passe son fusil en
bandoulière. Dans les orchestres, le tambour se
pose sur un chevalet en bois en l'orme d'X.
FiG. 7S9.
MANIÈRE DE JOUER DU TAMBOUR
Pour battre du tambour, on suspend la caisse par
un crochet à un collier que l'on passe en écbarpe sur
l'épaule droite.
La caisse doit être placée sur le milieu de la cuisse
gauche, de façon à ne pas gêner la marche.
Des baguettes. — La main droite tient la baguette
à pleine main, l'embout de cuivre ressoitant vers la
droite, à deux ou tiois centimètres au plus de la
paume.
De la main gauche, on la saisit entre le pouce et les
deux premiers doigts (vers la deuxième phalange en
la laissant reposer- légèrement sur les deux autres
doigts que l'ou tient à plat sur la paume de la main,
de façon que l'embout de cuivre ressorte entièrement).
Le roulement étant la base de la batterie du tam-
bour, l'exercice principal, pour arriver à l'exécuter,
consiste à l'aire ce que l'on nomme le papa-maman.
En musique, la partie de tambour se note en clef
de sol.
Le d placé sur la note indique que le coup doit
être frappé de la main droite.
Le g indique la main gauche :
^
D D
^
n D
pa . pa ma . man
^
D D
m
D D
p p ;: » ' p p P!
^
En accélérant ce mouvement, on arrive à faire le
roulement, qui, musicalement, se note ainsi :
livent
D'après leur nature, les coups de baguette reço
les dénominations suivantes.:
1° coup simple;
2° fia;
3° coup de charge;
4° coup anglais;
3» ra;
6° rigaudon;
7° coups coulés ou roulés, coups ratés-sautes, coups
frisés, coups frist's-saittés.
Des batteries. — Il existe, pour l'armée, des batte-
ries dites d'ordonnance et réylenientaires.
Ces batteries sont l'assemblage de divers coups de
baguettes donnés suivant les indications ci-dessus.
On s'habitue fort bien à les reconnaîlre, et les
jeunes soldats même, au bout de quelques jours de
caseï ne, ne s'y trompent pas.
C'est dans une ordonnance signée de Louis XIV
et datée du 10 juillet 1670, qu'il est question, pour
la première fois, de La Générale : « Sa Majesté a or-
donné et ordonne, veut et entend que, lorsque, dans
une armée, il y aura ordre de faire marclier'toule
l'infanterie, on commence à battre le premier par la
batterie nouvellement ordonnée par Sa Majesté, que
l'on appelle La Ginérak. » Voici, maintenant, l'ex-
plication de quelques-unes des batteries en usage.
Toutes les batteries de tambour en usage dans
l'armée ont été notées musicalement, et on en trouve
la notation et explication dans la Méthode de tambour
(J. Baggers, Enoch et C'°). Nous allons cependant, à
titre documentaire, signaler les batteries les plus
importantes :
La Diane ou Réveil-matin. — D'après la raytliologie, Diane quittaitl'Olympe dès le levei' de l'aurore, pour courir à la chasse ■
c'est donc par asslmilaliou que l'un a donné le nom de Diane à la batterie qui annonce le lever du jour, ou Réveil-matin :
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P ^F P=r
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p -p-P f— l^TJ^ P^
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% -P -^ p ^ g
1700 EXCrCLdPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Le Mess. — Cercle où les officiers se réunissent et prennent ensemble leurs repas. Pour indiquer chaque jour aux olficiers que
l'heure de la réunion est sonnée, on fait une batterie que l'on désigne sous le nom de mess :
-l'ï ÏÏ^^ii\^^i^^^\l^i^\l^ii\^^ir^^:
J'y .im^^ \^^-i > \ïïf\^ > > \Tm^^, h^\^. ,nn,\Tm
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^iij['^ j:^ \t^ ^m^=^m^=t=f=^
La Retraite. — Batterie que l'on exécute le soir, h l'heure du coucher, dérivant de l'expression : battre eu retraite, se retirer ;
p4^ ir^ 1^1 ^r-^M^-r * \h^h
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JL J<., Ji. iJ^. , ^
r^F^i7 Yxr-r'^'\'\ ' -Il
Le Rigaudon ou Rigodon. — Batterie que l'on exécute dans le service militaire à l'occasion d'une réjouissance (aussi pourrait-
on l'appeler Uatlerie de Foie).
Le Risaudon ou Rigodon est une danse ancienne, d'un mouvement vif, sur un air à deux temps; c'est donc par similitude que
l'on a donné le nom de Rigaudon à une batterie vive et animée :
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f. -"f fi ^-^^fr^f^^rr^rrr^
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, La Chamade. — Batterie que l'on exécute pour avertir que l'on veut traiter avec l'ennemi, que l'on se rend, que l'on cède; de
livient l'expression populaire de : mon cœur bat la chamade, synonyme de : mon cœur se donne à celle que j'aime :
^^^:,^^)^4,^^J^m^h^.^^^^^^f^î^
Battre la charge. — Batterie que l'on exécute pour entraîner les soldats au moment de monter à l'assaut d'une forteresse ou
de remparts, charger l'ennemi, tomber sur un adversaire, afin de le mettre hors de combat :
^^-.^^^^^^-^-^i,^^^^]^^ ,-Jl. I ,-X ,~X I .-fe^^T^^^:^
^m
f r" r^r' r
TECHNIOVE, ESTIIÉI inlE et l'ÈDACOCIE
LES TIMBALES, LE TAMBOUR 1701
Le Rappel. — Batleiie que l'on exi'rulc pour appeler ou rappeler N'S solda's à repremlre la formation de <;roupe ou de ligne :
m
^.MJ^^h^m^K-\K^w^,r^-^r^^^w^
m
f^ i -H
ïg^p^^^i^
E^
Battre aux champs. — Batterie que l'on exécute pour l'arrivi'e d'un chef supérieur. D'après la mythologie, Mars, dieu de la
guerre, dispos.iii dans l'ulvmpe de vastes champs où les soldats venaient combattre; de là vient l'expression battre aux champs,
pour battre dans les champs de Mars :
^
-i—t^ i I J!p-^p h i i^p i h ^
K K h=t 1^^ K K i |P,p jp jp ^_^
Le Ban. — Balterie que l'on exécute lorsqu'un chef vient faire une proclamation. '< Ouvrez le ban! Fermez le I>aa! » D'aprè»
certains auteur'î anv^ion:^, cett" expression serait une alirtWiation du m:it l'an'jucl, qui, suivatit la mythologie, signifie : le banquet
des dieux, o'j Jupiter, le dieu di^s dieux, avait seul 1»* droit -le parler, et le banquet, notait ri)mplet que lorsque Jupiter le présidait '•
ji^r^^£r-4ipjj^.4JHHrw^
^
h-^^K >. iJi. J, Ji. \Kri^.K . iJi. KK K \^
^f^rr^p r-r ^-r ^wf -rr ' i-r -p^r^^^f-^
jp^.p |£^ v^f^Jf ^pêp IJ^- jp,f £^j!^^^
La Berloque ou Breloque. — Batterie dont le rythme est brisé, et que l'on exécute pour indiquer la dislocation d'un corps
de troupe ; ballre la Brelociue. aller à la dérive, OJ l'on veut, comme l'on peut, sans ordre précis, au hasai'd :
^
'i-^-^^ntm^î^ r M r '-tn\ r'î^n^'
m.
±
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0 ,ÏÏJl*
^fe
^.J^. I . K
^s
p^pir^pr pir ^^p^-pir^-pr pir^
Il existe, naturellement, d'antres batteries en usage
dans l'armée, do;it la dénomination est en rapport
avec le commandement que l'on veut faire exécuter.
Nous ne pouvons les donner toutes.
« Avoir été battu comme un tambour! » est nue
expression soldatesque dont voici l'origine : le
tambour sur lequel on frappe pour lui faire rendre
le plus de son ou de bruit possible, ne peut s'i-n
défendre, puisijue c'est une cbose! Or, par assimi-
lation, lorsqu'un adversaire a perdu la partie, l'enjeu
ou la bataille, sans espoir de retour, on dit : « Je l'ai
battu comme un tambour! » ou : « Vous avez été
battu comme un tambour! » Cela est synonyme de
« battre à plat de couture », par analogie avec deu.x
morceaux d'étoffe que l'on coud ensemlile et que
l'on écrase avec un fer, afin de rendre la coulure
invisilile : « battre à plat de couture ou à plate cou-
ture, avoir été battu à plate coulure, » c'est-à-dire
avoir perdu, être en déroute, etc., synonyme de
il ne reste plus rien, ou 1 on ne voit plus rien.
L'expression de « tambour battant « signifie
mener les choses vivement, par analogie avec les mul-
tiples coups de baguettes que .l'on donne en battant
du tambour et avec la célérité qu'il faut apporter
pour exécuter certaines batteries.
L'expression « partir sans tambour ni trompette»
est synonyme de s'en aller sans être, vu ni entendu.
Si le mot tambour a pris place dans certaines
expressions de la langue française, l'instruinent a été
aussi employé dans certaines armoiries; c'est ainsi
que Beaumarchais, le spirituel auteur du Barbier de
Sévill'- et du Mariage de Figaro, l'avait fait graver
sur son blason avec la devise : « Silet nisi percussus. »■
Le tain')o::i--:ii:ijor.
Chef des tambours, ayant un grade équivalent à
celui de sergent-major, le tambour-mnjor e.ii loujours
un homme de grande taille. L'oiigine de sa fonction
donne la raison de cette particularité.
Avant tout, il nous faut déclarer qu'au tera;)s des
tambourins, employés dans les bandes de h'rançois \"
i:o2
ESC) CLOPÉOIE DE lA MIS/nCE ET DICTIOSN AIRE DU CONSERVATOIRE
et de Henri II, il n'esl point queslioii de tambour-
major, sauf chez Du Bellay. Son origine est donc
relativement récente.
Guillaume Du Bellay, qui fut un des meilleurs
généraux de François I", dans son projet d'organi-
sation (les armées, explique ainsi la dénomination el
la fonction de lamliour-niajor : « C'est une expression
descriptive, et non une qualification légale. Le tam-
bourin-major doit élre près du collonnel (sî'c), pour
crier soudainement sa volonté. »
Au xvnc siècle, le chef des tambours perlait le
nom de tambour-colonel ou de tambour-général.
Si l'emploi de lambour-major (sous quelque appel-
lation que ce soit) est relativement de création
récente, en comparaison de l'origine antique du
tambour, la raison en est simple. C'est que le tam-
bour primitif ne servait qu'à faire du bruit et à
accompagner par des coups répétés, afin de les ryth-
mer, les chants, danses ou mélopées asialiques en
usage dans les caravanes ou tribus guerrières qui
marchaient sans discipline.
Ce ne fut donc que peu à peu, la civilisation
entrant dans les mœurs, les cohortes barbares deve-
nant des légions, puis des armées régulières et disci-
plinées, que chaque compagnie d'hommes armés fut
autorisée à posséder un tambour. Aussi, lorsque ces
compagnies furent formées en bataillons el les batail-
lons en régiments, la réunion des tambours serait
devenue une véritable mêlée, sans la ciéation de chefs
tamb'iurs, dont, selon toute apparence, l'emploi et
le titre ne furent établis q'ie vers le xviie siècle.
L'ordonnance de Poitiers du 4 novembre I60I leur
donna le nom de tambour-major.
Le bâton que les tambours-majors portaient» pour
chAlier leurs subordonnés » n'avait que cette seule
destination.
Depuis le milieu du siècle passé, le bâton à châtier
est devenu une longue canne à chaîne, à grosse
pomme et à bout argenté et doré. Elle ne sert plus
qu'à faire les signaux.
EnillSe, les tambours-majors furentattifés de façon
grotesque et surchaigés de cordeliéies.écussons, nids
d'hirondelles, galons, etc. Le luxe fut poussé encore
à l'extrême sous le Directoire, ainsi que sous le Con-
sulat et l'Empire.
Sous la Restauration, on exagéra encore davantage
en faisant du tambour-major un personnage accoutré
en charlatan.
11 en fut a peu prés de même sous Louis-Philippe.
Avec la Uépuhlique de 1848, la débauche d'orne-
mentation tomba un peu, mais, sous le règne de
Napoléon III, lors de l'établissement des ré;;iments
de la Carde impériale, la fiénésie des dorures et cha-
marrures reprit de plus belle, et, quoique la coupe
du vêtement se lut modifiée, le lambour-major n'en
resta pas moins un objet de parade.
La guerre de 1870 et ses conséquences entraînant
la chute de l'Empire, mirent lin à tout le luxe des
parades milii aiies.
Le tambour-major subsiste toujours, mais il e*t
vêtu comme tous les sergents-majors du régiment;
seule, la canne est restée en usage. Contrairement à
ce que l'on croit, la canne n'est pas un simple objet
d'apparat; elle sert au tambom-major pour guider
les tambours, et leur indiquer les batteries, de
même pour tourner à dioite et à gauche, afin que
tous les tambours et clairons marchent bien sur une
seule ligne, etc.
Chaque mouvement de canne produit un change-
ment dans la batterie et devient un signal pour les
soldats.
On trouvera, dans la Méthode dont il a été parlé,
toutes les instructions relatives au maniement de la
canne, pour faire exécuter les différents commande-
ments.
Le tambour-maître, sous-chef des tambours, a le
grade de caporal. Il est chargé de dresser les élèves
tambours, et prend le commandement des tambours
et clairons en l'absence du tambour-major.
INSTRUMENTS DE FANTAISIE
INTRODUITS DANS LES ORCHESTRES
Tainboiiriii.
L'étyraologie et l'origine du tambourin sont les
mêmes que celles du tambour.
Le tambourin ou tambour de Provence, allabale
des Maures, adopté en Europe pour la cavalerie, est,
comme forme, plus long et moins large que le tam-
boui-; on le percute de la main droite avec une petite
baguette de bois en frappant sui' la corde du timbre
placée (contrairement au tambour) sur la peau de
iiatterie. De cette façon, le tambourin rend une sono-
rité sourde un peu nasillarde ; les lamliourinaires
de Provence jouent, en même temps, d'une sorte de
flageolet (le galoubet), qu'ils manient de la main
gauche.
Cet instrument, dont l'origine est des plus ancien-
nes, est resté surtout en usage dans les pays basques
et provençaux. C'est pourquoi on le désigne le plus
souvent comme tambourin provençal, ou tambvur de
Provence.
Ainsi que pour tous les instruments à percussion,
il existe des tarabouiins de diverses provenances :
FiG. 790. — Tambourin
de l'Afrique centrale.
Fia. 79). — Tambourin chinol»
(Iling-Kou).
Piirnii les genres de tambourins, on cite encore
Vhuiliui'll, tambour ou tambourin mexicain; Vomerti,
tambour ou tambourin indien, etc.
C'est en étudiant tous ces tamlioiirins de diverses
origines, que l'on est arrivé à établir le tambourin
moderne, toujours en usage en Piovence, et utilisé
aussi dans queli|iies compositions musicales de ca-
ractère pittoresque :
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉnAGOGlE
LES TIMBALES, LE TAMBOUR 1703
FiG. 792. — Tambourin Fiii. 793. — Tambourin moderne
mauresque. actuellement en usage.
11 existe un vieux proverbe français :
« Ce qui vient de la flûte, s'en va par le tambour.»
En voici l'explication :
Au moyen âge, le joueur Je tambourin battait
d'une main l'instrument pendu à son côté par une
courroie, et, de l'autre, tenait une Hûte dont il jouait.
Cette coutume était ti-lle, que le mot tnbourin, ou
tambourin, exprimait l'union des deux instruments;
aussi, le musicien qui jouait en même temps de la
flûte etdutiimliourin a été successivement dénommé
tabonoT, tuboureur, tabourneur, tabourineur et tam-
bourineur.
C'est en raison de cet assemblage, qui faisait que
l'on n'entendait jamais la flûte sans entendre le tam-
bouiin, el qu'un rythme commencé par la flûte repas-
sait de suii,e au tambourin et vice versa, que le pro-
verbe naquit par le jeu de l'analogie. On exprimait
ainsi que le Iden acquis trop facilement se dissipe
avec la même facilité.
Le tambour de basque'.
Le tambour dit « de basque » est de la même ori-
gine qne la timbale et le tambour, ainsi que tous les
instrumenis à percussion de cette nature, c'est-à-
dire qu'il consiste en une peau tendue sur un cercle
de bois (tvmpanon) (voir plus haut).
Le tambour de basque a cependant ceci de parti-
culier, c'est qu'il lut em-
ployé dans les temps pri-
mitifs, et encore main-
tenant en Espagne, par
les danseuses elles-mê-
mes,ouïes danseurs, pour
rythmer leurs danses.
FiG. 79-i. — Tambour dit de On retrouve le tambour
basque, à une seule peau, de basque dans la plupart
instrument de ffuorre des j • , ■ .
Papiiji^g ^ des sculptures, peintures
ou allégories anciennes
ayant trait h l'art de la danse. Citons les peintures
antiques d'Herculanum, où l'on voit des danseuses
jouant du tympanon (genre de tambour de basque).
Fio. 795. — Tambour
de basque turc à manctie.
FiG. 796. — Tambour de
basque à grelots (Chine).
Tabonrka et Darbouka*.
Cet instrument, très primitif, rappelle l'origine du
tambour; sa sonorité est mate.
On le tient sous le bras et on
le frappe avec la main.
Il est employé dans tous les
orchestres des pays orientaux.
Grosse caisse.
La gmsse caisse ou tonnant a la
même origine que le tambour;
c'est le plus gros des tambours.
Elle fut connue dans l'antiquité,
qui en avail d'énormes; elle fut
adoptée par la musique turque,
puis en Europe sous les noms de bedon, bedaine, bedon-
daine, el lînalemeni, par rapport à certains tambours
que l'on désigne sous le nom de caisse claire et
caisse roulante (qui en réalité en sont des diminu-
tifs), on la dénomme de nos jours grosse caisse :
1. Cet iiistmaient tire son nom Je l'usage rréqaenl qu'en ûrent les
Ibères (peii|ile de rRs;.agne an"ienno). ..rcilpanl les Jeui versantsdes
4>yrénée5 (pays basiue). Ces p^uplaile^ avaient ajoute a ces lympa-
nons de pclits «reluU ou p.-litrs rondelles de luivre, aliii d"obtenir
«ne sonoril' mélalliqueet d'étourdir les dauseuSL's.
Fm. 79S.
Celte caisse se bat avec une mailloche (baguette
garnie à une extrémité d'un gros tampon d'étoupe).
Kn marche, on suspend la grosse caisse par une
courroie posée sur l'épaule gauche de l'exécutant;
dans les orchestres, la grosse caisse se pose sur un
bâti spécial en bois.
Cyoïbales.
Les cymbales sont d'origine orientale; elles se
composent de deux disques
métalliques, qne l'on fait vi-
brer en les frappant l'un con-
tre l'autre de haut en bas.
Les crotales ou cymbales
antiques sont de petites cym-
bales donnant un son aigu.
Elle sontformées d'un alliage
de métaux très sonores, et
peuvent donner des notes
très justes, et parfaiteraeat
déterminées.
Les crotales ont deux mil-
Fio. 799. — Cymbales»
Diamètre 0 m. 25.
2. L'ortbographe de ce mol varie à l'inâni.
i:o4
EycyCLOPÊOlE de la musique et OfCTfO.WAIRE nu CnVSËRVATOIHE
limétres d'épaisseur el 9 à 10 centimètres de dia-
mètre.
Crotales.
Les crotales [Cig. 800) sont souvent employées dans
la musique de ballet; en variant les notes, on obtient
dejolis effets.
Petites eyinbales chinoises.
Les petites cymbales chinoises ((Ig. 801) sont en
cuivre assez mince et ont 16 à 17 centimètres de
diamètre. On se sert de ce genre de petites cymbales
(n'ayant aucune sonorité déterminée) pour les bal-
lets, à l'usage des danseuses.
Flii. SOO.
FiG. SOI.
Taïu-taïu.
Le lam-lam ou gong-gong , d'origine cliinoise, est
un disque de métal forgé, formé d'un alliage d'or,
d'argent, de bronze, de cuivre et d'étain ; sa partie
centrale est fortement concave; on le percute au
moyen d'une mailloche.
On trouve des tam-tam donnant une note de mu-
sique à peu près déterminée et dont certains com-
positeurs ont fait usage.
On nomme aussi gong un instrument de prove-
nance chinoise, dont la forme rappelle celle d'nn
gros tambour, dans l'intérieur duquel se trouve un
fil d'acier; en frappant sur la peau de cet instrument
un coup sec, on obtient un son strident et très pro-
longé.
Cloches.
La cloche remonte à la plus haute antiquité. Les
Chinois prétendent en avoir possédé douze en l'an
2262 avant notre ère, cloches dont les sons gradués
exprimaient cinq tons de la mu-
sique'^
Les Grecs se servaient d'un
genre de cloche comme instru-
ment de guerre pour e.xciter les
guerriers à la bataille; les peu-
ples qui leur succédèrent en
firent longtemps le même usage.
Dans les temps modernes, la
cloche fut employée comme ins-
trument de musique.
Les cloches d'orchestre sont.
Cloche, comme les cloches d'église, en
bronze et en lorme de coupe ren-
versée. On les suspend à un bâti et on les percute
avec un maillet en bois nu, ou recouvert de peau,
suivant les cas et les indications du compositeur.
Quelquefois, mais rarement et en vue d'un ell'el
déterminé, on les fait résonner à l'aide d'un battant
intérieur, comme les cloches d'église.
1. J. Fétis, Hi&tuirt de la mufiiitut:.
FiF. 802.
i.e'cariUon est une réunion de cloches accordées
de manière à former une échelle chromatique; aux
ix'et-x' siècles, on se servait du (;om6«/!(iH, carillon de
24 cloches attachées à une colonne creuse en métal.
FiG. 803. — Carillon.
Plusieurs compositeurs ont eniployi' à l'orchestre
des eli'els de clochettes pour lesquelles on se sert d'un
jeu de timbres à clavier.
Agios} luanilrii ni.
(jrer?, cet instrument.
m
H*
Semantérion des anciens
sorte de crécelle, se
compose d'un essieu
denté et d'une lan-
guette fixée sur un
corps sonore auquel
on iraprinie un mou-
vement rotatoire.
Au xv<^ siècle, les
Grecs se servaient de
cet instrument pour
remplacer les clo-
ches intei dites par
les Turcs aux chré-
tiens'. Le natraca
des Espagnols et des
Mexicains appartient
au même genre d'ins-
trument (|ue Vagio-
symandrum.
Pour rem placer les
cloches, dont le prix
elle poids sont exces-
sifs, on se sert main-
tenant dans les théâ-
tres d'une série de tubes en métal, donnant chacun
un son déterminé; la sonorité en est moins pleine
et moins vibrante que celle de la cloche; elle donne
un peu la sensation d'une cloche lointaine. On sus-
pend les tubes à un châssis de bois ou de fer facile-
ment, démontable et Iransportable. Pour obtenir
une bonne sonorité avec ces tubes, il faut les frapper
sur un point indiqué vers le haut de chaque tube,
au nioven [d'un marteau de métal garni de caout-
chouc.
Clochettes el jeax de timbres.
Le 'Jimbre est une sorte de cloche ou sonnette
immobile, «ans_battant intérieur et fi-appée par un
marteau.
On appelle, /fu de timbres ou harmonica une série
de lames d'acier accordées au diapason et disposées
sur un |cadre en forme de clavier; ou les fait réson-
Fiu. 804
Pu.i:
13, Syntagma »tw.iù'um,Jivre I.
TECHS'IQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES TIMBALES, LE TAMBOUR 1705
ner au inoyrn de deux petits marteaux de cuivre à
manche de baleine.
/il
Grelots.
Cet instrument se compose
FIG. 805.
Jeu de timbres.
FiG. 806.
d'un collier de cuir (ou quelquefois simpleineiil d'un
fil de fer) auquel sont fixés des grelots.
Chapeau chinois.
Cet inslruraenl, dont le^iiom et la forme indiquent-
l'origine, se conipose^d'un sorte de coillure chinoise
pointue dont les boids sont garnis
de grelots ou de clochettes, que
"'on l'ait tinter par des secousses
imprimées au manche qui la sup-
porte.
Il a été emplojé dans la musi-
que^militaire ; on ne s'en sert plus.
Triansle.
FiG. 807. — Chapeau cliinois.
FiG. 808. — Triangle.
Le triangle est formé d'une, baguette d'acier, pliée
Les coups simples s'obtien-
nent en fiappant toujours sur
^ le côté inférieur du triangle
FiG. 809. — Sistre.
=g) (côté opposé à la corde de
^ soutien).
Les roulements se font en
agitant la batte contre les deux
côtés latéraux, près de l'angle
supérieur.
Sistre.
Le sistrr antique consistait
en une lame de métal lecoui-
bée en ovale, percée de trous
pour recevoir des cordes ou
baguettes métalliques sur les-
quelles on frappait pour en
FiG. 810.
tirer des sons; il était employé à la guerre et dans les
cérémonies religieuses. Cet instrument, actuellement
en désuétude, fut surtout en usage chez les Egyptiens.
Les Hébreux se servaient du sistre : « David reve-
nant de l'armée après avec frappé Goliath, les femmes
sortirent de la ville en chantant et da isant avec des
tambours et des sistres'. »
Les Grecs se servaient de cet instrument pour
marquer la mesure'.
Castngnellcs.
Instrument consistant en deux petites écailles
ou coquilles d'ivoire ou de bois rat-
tachées par un cordon de soie, que
l'on passe autour du pouce; on fait
mouvoir les caslagnetles en les frap-
pant avec les antres doigts.
Cet instrument fut importé parles
Maures, habitants de la Mauritanie (pays du nord de
l'Afrique) qui, au moyen âge, firent la
conquête de l'Espagne.
Ces castagnettes servaient à rythmer les
danses dont ces peuples étaient très épris.
Les Espagnols en gardèrent la coutume
jusqu'à nos jours, et il n'est pas de danses
espagnoles caractérisées sans l'accompa-
gnement des castagnettes.
Pour les orchestres, afin de faciliter
l'emploi de cet instrument, dont le ma-
niement demande une longue habitude,
on a imaginé d'emmancher des casta-
gnettes ordinaires au bout d'une tige de
bois; l'efTet n'est pas tout à fait le même,
mais il donne l'illusion nécessaire.
[Castagnettes en fer.
Cet instiiiment se joue comme les castagnettes à
manche.
Fouet.
Au théâtre, on imite les claquements du fouet au
moyen de deux planchettes de bois réunies d'un
côté par une charnière et munies chacune d'une
poignée centrale. — On lient une poignée dans
chaque main, et l'on frappe vivement les deux plan-
chettes l'une contre l'aulre.
FiG, 812. _
Castagnelles en fer.
FiG. 813. — Fouet.
Xylophone.
Le xylophone se compose d'une série de lames en
1. Venge, Traduction île la Bible, tome IX.
-. pR.f;TORics, Syntagma musicum, liv. 1.
1706
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
bois de sapin disposées sur' des supports de paille.
On les percute comme les lames d'acier des jeux de
timbre, mais avec des marteaux de bois.
Le xylophone est orit;inaire des îles africaines de
l'océan Indien. Les Malgaches et les Hovas (Madas-
gascar) nomment cel instrument mogologondo.
Claqiic-lioiN»
Instrument italien, qui consiste en trois marteaux
•de bois dur réunis et mobiles à rextrémité des
manches.
FiG. 81i. — Xylophone.
FiG. 815.
Cl.iqueliois.
Kn faisant avec le pouce et l'index un mouvement
de va-et-vient, on obtient de cet instrument une
sonorité à peu près semblable à celle des casta-
gnettes.
Litliophoue'»
Pierres sonores suspendues et graduées suivant leur
timbre; on les frappe avec un petit marteau :
FiG. .s 16.
Les Chinois ont le kin, composé de pierres taillées
ordinairement en forme d'équerre.
Rossignol.
Le chant du rossignol s'imile assez bien avec un
instiunieiit en cuivre nickelé dont la forme rappelle
une petite cafetière.
Pour l'employer, on le rem-
plit d'eau au tiers, et on souftle
par le bec plus ou moins fort,
selon que l'on veut triller ou
produire des notes prolongées.
L'insiruinent ne donnant pas
de notes réelles, mais un sim-
ple gazouillis, c'est par l'exer-
cice que l'on arrive à moduler avec l'orchestre.
C'est presque un jouet d'enfant; mais il suffit qu'il
aitparfoisson emploi pour que nous le rncnlionnions.
1. Uu grec XiO'/Ç, pierre; isovii, je ch:inlc.
Fia. 817.
%
i
Caille.
Pour imiter le cri de la caille avec le petit instru-
ment figuré ci-conire, il faut
le poser à plat sur la main |}
gauche, et le frapper de la ^
main droite avec le petit mar- | y i
teau, près de l'ouverture, en •
ayant soin de chercher l'en- Fio. sis.
droit le plus sonore, afin de
se rapprocher le plus possible du cri de l'oiseau.
Concon.
Pour imiter le chant du coucou, on se sert d'un
petit Uiyau d'orgue en bois de forme rectangulaire,
et donnant certaines noies déterminées à l'aide d'une
embouchure et de trous.
On emploie encore excep- f ^
tioiHiellomenl à l'orchestre un
certain nombre de petits ins- Fio. Sl9. — Coucou,
truments destinés à imiter
divers cris d'animaux. Leur technique ne présentant
rien de spécial, nous nous bornerons à les signaler.
Tels sont ceux qui servent à imiter Valouette, le
chien, le og, le lion, l'ours le cri-cri, la fanrelle, la
grenouille, le hihou, le merle, la tourterelle, etc.
Cnnonnière (oo bonclion de Champagne).
La canonnière se compose d'un tube de bois per-
foré aux deux extrémités; on introduit d'un coté une
tige également en bois, munie à la pointe d'une gar-
niture de cuir; l'autre extrémité du tube est close
par un bouchon retenu par un lil.
En tirant la tige, on aspire l'air; en la repoussant,
l'air se compiime dans le tube, et fait sauter le liou-
chon.
Cel instrument a été utilisé dans diverses compo-
sitions musicales.
Fia. S20.
(iilokcnspicl celesta. '
Les jeux de timbres étant devenus d'un usage très
fréquent dans la musique moderne, on a construit
des instruments de divers systèmes [glokemtpiel , typo-
plionc, celesla-Miistil, etc.), dont la l'orme rappelle
celle d'un piano de petites dimensions; pourvus
d'un clavier, ces instruments ne peuvent être utilisés
que par un pianiste, leur technique étant celle du
piano (voir article Sover).
W'rvC'hnviiiotiU'it.
Fia. S2I. — Harmonica de I^enobmasd, coinposi'' de bande» de
verre de longueurs inégales que l'on frappe avec un petit
marteau de liège.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES TIMBALES, LE TAMBOUR i:07
^©©a@-9^e@©Q4
Fia. 822. — Harmonica, inslrumcnt imaginé en Allemagne, com-
posé, dans le principe, de vases de verre contenant de l'eau à
niveaux différents et rangés par demi- tons dans une caisse; on
les fait résonner en passant les doigts mouillés sur les bords.
ARTIFICES DE THÉÂTRE EMPLOYÉS
DANS LES COULISSES.
Veut.
Tambour à deux eûtes en liois, reliés par des tra-
verses, sur lesquelles esl passée une loile métallique
(ou une étoffe de soie).
Ce tambour est placé sur un cadre en bois portant
deux supports, sur lesquels il tourne, actionné par
une manivelle. Le bruit du vent est occasionné par
des cordes lixes, placées à Pavant et à l'arriére du
cadre, puis passant sur la loile métallique; ces cordes
produisent un sifQement lors de la mise en mouve-
ment du tambour.
Fin 823. — Machine pour 1 imitation du vent.
Plaie.
Appareil se composant
d'un long « tube carré » en
bois, dans l'inlérieur du-
quel se trouvent des com-
pai timents en zinc en forme
de « zifîzag »; à son extré-
mité, est réservé un em-
placement dans lequel on
met des pois secs, qui des-
cendent en cascade le long
(lu lube.
L'apfiareil esl placé sur
un cadre en bois, portant
des supports sur lesquels
il repose, et qui permettent
de renverser le tube, aliii
de faire suivre un mouve-
ment inverse aux pois,
lorsqu'ils sont arrivés en
bas de ce tube, cela pour
continuer l'edVl, si on le
désire.
<»rèle.
iLa grêle s'imite par les mêmes piucédés que
FiG. 82i. — .Machine
à imiter la pluie.
pluie, il existe encore d'aulies systèmes d'imitation,
mais ceux-ci relèvent de la macliinerie.
Tonnerre»
Le tonnerre s'imite par des roulements de tim-
bales ou de grosse caisse, avec la double maillocbe.
Dans certains grands tbéàtres, il existe un instru-
ment spécial pour faire cette imitation d'une façon
plus réaliste; bien qu'il se rapprocbe plus de la ma-
chinerie théâtrale que des accessoires d'orchestre,
je crois utile de le signaler et d'en indi(|uer l'emploi.
Il consiste en une énorme grosse caisse, remplie de
boules .l'éloupe très serrées, reposant sur deux
châssis; l'instrument tourne sur deux pivols et est
actionné au moyen de cordes; dans ce mouvement
(11' rotation, les balles d'éloiipe viennent choquer la
peau plus ou moins violemment, et donnent l'impres-
^ion des roulements du tonnerre.
Chemin île Ter.
Dans cerlaines compositions, on a cherché à imi-
ter les dilférents bruits produits par le passage d'un
train. Voici comment l'on procède : une feuille de
tôle est (ixée sur une timbale ou sur une grosse caisse
préalablement inclinée; l'instrumenti.-te, tenant de
cha(|ue main un petit balai spécial, frappe sur la
tôle, doucement d'abord, pour imiter les bruits de
départ d'un train et son passage sur les plaques
liDurnaiites, puis le mouvement s'accélère. De temps
à autre on soufHe dans une corne, pour simuler
les appels des gardes-barrières, on souflle dans un
iîi'os sifflet, et le tout arrive à produire l'impression
causée par le bruit d'un train en marche.
Fnsillade.
Cet accessoire sert h imiter le bruit de la fusillade,
l'e sont des lames de bois qui s'apiniient sur un
rouleau muni d'aspérités; en tournâi\t plus ou moins
vite le rouleau, au moyen d'une manivelle, les lames,
en se soulevant et en retombant précipitamment,
produisent l'impression d'un feu de peloton.
Klii. S25.
Tels sont les principaux instruments et appareils
employés pour produire des elfets d'imitation. On
trouvera des spécimens de tous les instruments que
nous signalons dans le présent aiticle au Musée du
Conservatoire national de musique de Paris, et aussi
dans les principaux musées d'instruments de mu-
si(iue de l'étranger.
.Nous indiquerons spécialement le musée de la
llnchschule fin- Musil; de Berlin, qui conserve une
collection des plus remarquables d'instrum'ints à
percussion.
,l„sr:cii ll.\i.(;iiU.S.
LA FACTURE DES INSTRUMENTS A ARCHET
Par Lucien QREILSAMER
PREMIÈRE APPARITION DU VIOLON ET DE SA FAMILLE j
On est unanime à considérer BERTOLOTTi.dit Hasparo
DA Salo (* 1542 a Salo sur le lac de Garde, f 1609 a
Brescia), comme le transformateur du lénor et le
créateur du violon, dont la lamille se compléta dans
l'ordre suivant . d'aijord le grand ténor, joué sur les
genoux; puis le violon, joué sous le menton ; ensuile
(à moins qu'elle n'ait été la première) la petite con- :
Irebasse; quelques années après le violon, le violon-
celle, suivi de la grande contrehasse. Knfin, après
un long intervalle, l'alto joué sous le menton. I
Fia. 826. — Alelier de lutherie, par Amman {xvi- siècle).
La principale caractéristique des inslruments de
la famille du violon se trouve dans les quatre coins
et les quatre cordes. Or on connaît quelques rares
ténors de (jasparo da Salo, montés de quatre cordes
et ne possédant que deux coins. Ils représentent la
forme la plus ancienne de la transformation.
On a tenté d'atlribuer l'invention du ténor à quaire
cordes à des lulliiers tels que Kerlino, Duiffoprl-
GCAB, LiNAROLLi, Dardelli, etc.; mais l'énorme espace
existant entre les extrémités supérieures des // de
leurs instrumenis démontre nettement qu'ils étaient
construits pour posséder' six oir sept cordes.
Avec plusde raison on a dit que André AuAir (lolîri-
Gafparo da Salo , In Brefcia
Fia. S27. — Contours, Dlels, ffel éliquellc d'un alto
de Gasparo da Salo. (Laurent Ghillet.)
1612), qui fut l'aillé de Gasparo da Salo, aurait par
son âge autant de droits que ce dernier à une pater-
nité dont la recherche est si diflicile.
11 aurait, dit la tradition, fait son apprentissage à
Brescia, puis serait allé fonder la célèbre école de
Crémone. Outre les raisons données précédemment,
il en est d'autres qui militent en faveur de Gasparo
DA Salo.
On ne connaît pas de violon d'une authenticité
absolue antérieur aux siens. En outre, ses instruments
ont, dans le parti pris de la forme, un aspect plus
primitif que ceux de I école de Crémone. Kn troi-
sième lieu, son élève authentique Gio-tViolo Maggini
apjioi ta les derniers perfectionnements à l'instru-
ment, à un tel point que ses violons sontaussi beaux
dans la forme, aussi bien combinés quant aux épais-
seurs et au volume d'air, enduits d'un vernis^aussi
spleiiuide que '"s mieux réussis et les nieilleins sor-
tis des mains des plus oélèbies luthiers qui vinrent
après lui.
TECIIMQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 1709
On peut alTirmer que, si Gasparo da Salo el André
Amati furent les avant-derniers transformateurs, Gio-
Paolo Maggini fut le dernier, et de ce l'ait le premier
auquel on puisse atlribner la paternité non seulement
du violon, mais de tonte la famille du quatuor à cor-
des moderne.
On pourrait ajonter (|iie sa main-d'œuvre se recon-
naît déjà dans les meilleures produclions de son
maître.
En résumé, Maggin[ est le premier qui :
Coupa le sapin des tables sur maille et non sur
couche comme ses prédécesseurs;
l'il les tasseaux des coins d'une grandeur suffisante
pour assurer la solidité dePédirice;
Hemplaça les bandes de toile intérieures qui assu-
jettissaient les éclisses, pardes conire-éclisses de bois.
11 est en outre le créateur du violoncelle et de l'alto.
L'excellence de ses œuvres trouve sa confiriTialion
dans des preuves d'un ordre différent.
Stuadivaru's s'est inspiré de son modèle pour créer
le patron dit Longuet et pour trouver son type d'al-
tos ; .loseph GuARNERiiîs (dit DELjEsu),le dernier des
grands luthiers ilaliens, et le plus célèbre après
Stradivarius, s'en est inspiré encore davantage dans
toutes ses œuvies.
En ce qui concerne la sonorité, les artistes les plus
célèbres, tels que de Dériot, Vieuxtkups, Drago.netti,
pour ne citer que ceux-là, avaient choisi, comme ins-
truments de prédilection, des .Maggini, et aujourd'hui,
il n'est pas d'artiste qui ne trouve les altos de ce
maître supérieurs à tous les autres.
L'ancien quatuor italien élait donc composé du
violon, duténoi-, de l'allo et du violoncelle. La voix du
ténor était la juste continuation du violoncelle allant
à l'alto ; sa disparition a amené une solution de conti-
nuité regretlable dans le registre à cordes et a forcé
les autres instruments à sortir de leur cailre pour
suppléer à ce manque, puisque le second violon joue
aujourd'hui la partie que devrait (aire l'allo, et (|ue
celui-ci ,|Oue tantôt dans le registre du ténor et tantôt
dans le sien.
Voici comment était accordé autrefois le quatuor
à cordes :
Le ténor a complètement disparu, et les quatuors
de l'époque classique furent déjà écrits pour deux
violons, alto et violoncelle. Cet ensemble est resté le
même jusqu'à nos jours.
Supériorité de lit latlierie itniionne.
Les instruments ilaliens du quatuor à cordes, cons-
truits dans la période qui s'étend de leur origine à la
(In du xviu* siècle, époque de leur décadence, se
sont vu attribuer une supériorité incontestée sur
ceux fabriqués dans d'autres pays. 11 faut cependant
en excepter ceux du Tyrolien Jacobus Stai.nkr, qui
jouirent d'une vogue égale. Cependant, à partir du
xix' siècle, alors que la lutherie italienne obtenait
un regain de faveur, celle du Tyrol commença à
baisser', aussi bien en ce qui concerne Stainer que
ses imitateurs, contemporains ou successeurs.
Cette vogue n'a cessé de croître jusqu'à nos jours.
Les grands virtuoses ainsi que les amateurs se sont
disputé à coups de billets de banque les beaux spé-
cimens des grands luthiers italiens, alors que ceux
d'un ordre moins élevé augmentaient proportionnel-
lement en valeur, à telles enseignes qu'aujourd'hui
ils sont arrivés à des prix que l'on estime être extrê-
mes, el qui seront peut-être dépassés demain.
D'où vient cette supériorité?
Des légendes se sont formées. On a parlé d'un
secret, comme si un secret pouvait être gardé pen-
dant deux siècles, alors qu'il élait connu d'un grand
nombre de personnes. D'autre part, l'opinion un
peu répandue partout, que c'est le temps qui a amé-
lioré ces vieux instruments, et quelejeu les a assou-
plis, n'est guère soutenable, puisque les instruments
étrangers à l'Italie et contemporains à ceux de ce
pays ont vieilli en même temps qu'eux et ont été
joués aussi longiemps. S'il n'y avait pas de secret
]Hoprement dit, il existait cependant des éléments de
supériorité dont nous pouvons apprécier la valeur.
Le premier se trouve dans la main-d'œuvre, le
parti pris île construction difficile à discerner une
fois l'instrument terminé, et la manière de traiter
les épaisseurs suivant la qualité des bois.
En second lieu, le choix des bois.
Nous avons déjà vu que les anciens lulhiers ne Ira-
vaillaient pas machinalement, et qu'ils étaient gui-
dés par certaines théories précises dans la consliuc-
tion, en vue de la sonorité. C'est ainsi qu'au début,
Gio-Paolo Maggini remplaça pour les tables le sapin
coupé sur couche par celui coupé sur maille el em-
[iloyé par ses prédécesseurs.
Kniin le vernis, dont la formule n'a jamais été
publiée. Une ancienne tradition veut (]ue l'on doive
lui attribuer, el à lui seul, la supériorité des instru-
inenls qu'il recouvre.
11 ne faut cerles pas accorder aux traditions une
valeur exagérée, mais il est prudent d'en tenir compte.
Il est incontestable que, le considérant seulement au
point de vue esthétique, ce vernis est d'une beauté
( t d'une distinction qui font des instruments qui en
sont recouverts de véritables joyaux.
Ceux qui ont étuilié la question d'une façon prati-
que el fait des expériences savent le rûle considé-
rable que joue le vernis et l'influence qu'il a sur la
sonorité. Aussi, est-ce de ce côté que les grands
luthiers modernes ont diiigé leurs ell'oits.
C'est donc à l'ensemble des éléments que nous
venons de citer que l'on peut raisonnablement attri-
buer la supériorité des anciens instruments italiens.
Les écoles. — En lutherie, il n'y a pas eu d'écoles,
dans le sens strict du mot. Tous les instruments de
notre quatuor à cordes dérivent de deux lypes pri-
mitifs, ceux de .\L\ggin( et d'AMAii. On peul, si l'on
veut, y ajouter, en tenant compte de leur personna-
lité puissante, ceux de STRADivAuiuset de Gl'arnkrius
(del Jesi!), quoique en léalilé le premier soit le conti-
nuateur de Nicolo Am.vti son maître, et le second
un génial rénovateur de .Maggini. On peut encore
ajouter Jacobus Stainer. le célèbre luthier tyrolien,
dont l'intluence fut si considérable encore ailleurs
que dans son pavs, mais qui passe pour avoir élé lui
aussi l'élève de .Nicolo AmTi. .\insi que nous le ver-
rons plus tard, il est aisé de trouver aussi dans sa
lutherie des détails caractéristiques, qui sont com-
muns avec celle des luthiers vénitiens. La proximité
de Venise et du Tyrol explique facilement une telle
1710
ENCrCLOPÈniE DE LA MUSIQUE ET DlCTIOSNAinE DU COSSEliVATOlRE
similitude de goilt, et il reste à lilablir si c'est Venise
qui a influé sur le Tyrol, ou le contraire.
Les lulhiers sortis des ateliers des Auati el de
Stradivarius qui sont allés s'établir dans les dill'é-
rentes villes d'Italie onl travaillé d'après li'S types
de leurs maîtres, sans toutefois s'y conformer servi-
lement, suivant les inspirations de leur génie propre,
mais sans s'écarter des principes. Plus tard, lenis
élèves ou leurs confrères se sont rapprochés de tel
ou tel type répondant à la demande des acheteurs.
C'est la raison pour laquelle on retrouve un peu
partout en Italie, et aussi en France, le modèle de
ISicolo Auati, le plus répandu à l'époque où Stradi-
varius était dans la plénitude de son laleiit, parce
que la répulation du premier était élablie, el qu'il
existait poui' ses instnimenls une sorte de publicité
orale dalanl de loin.
Cette demande était pourtant justifiée. Les instru-
ments du type Amati convenaient parfaitement, par
leui' douceur, à la nature de la musique en usa^ie
jusqu'à la fin du xviii' siècle; mais, à partir de celte
époque, la musique ayant évolué et demandant plus
de puissance, le type Amati perdit peu à peu de sa
faveur, et c'est chez Stradivarius et Guarkerius (del
JesuI que l'on trouva les moyens d'expression néces-
saires.
Quoique I es ditréren tes villes d'Italie ne représentent
pas à proprement parler des écoles, il est indéniable
que, pour une grande partie, on retrouve chez leurs
luthiers un certam air de famille, au figuré comme
au propre, des dynasties s'y étant formées, et l'in-
fluence du milieu s'étant fait sentir en cela comme
en toutes choses. La similitude des bois employés,
celle du ver.'.is, qui, tout en restant le vernis dit ita-
lien, n'élait pas îigé dans sa formule (peut-être pas
fabriqué par le luthier, mais par le droguiste local),
et d'autres détails encore autorisent à admettre la
classilication par villes.
LES PRINCIPAUX LUTHIERS
Ilalio.
Brescia. — La lutherie de Brescia se caractérise
par une l'orme allongée, des voùles relativement
basses, mais se soutenant insensildement jusqu'aux
bords, sans former la courbure si caractéristique du
type Stainer qui s'abaisse br'usquement vers les bords
pour former une gorge prononcée en se relevant.
Dessin des contours naïf et tenant encore des violes,
coins courts, bords de la table et du fond dépassant
très peu les éclisses, doubles lilets, éclisses basses,
volutes ayant soit un demi-tour en plus, soit un
demi-tour en moins que celles de Crémone. Quel-
quefois à lu place de la volute une tète d'animal fan-
tastique. Les fonds sont presque toujours sur couche.
Le vernis généralement brun dans toute la gamme,
d'une douceur toute particulière au toucher. Le son
volumineux, tirant un peu sur l'alto pour les violons;
ces derniers, plus rares que les altos et les violon-
celles.
Behtolotti Gasparo, dit Gasi'aro da Salo (* lo'i-2 à
Salo, sur le lacde Garde, f 1609 à Brescia). — Le plus
ancien luthier dont des violons nous soient parvenus
d'une authenticité absolue. Ses instruments ont
toutes les caractéristiques que nous allons retrouver
chez Maggini, sauf les ff placés presque paiallèle-
ment, et la volute d'un demi-tour de plus que le type
de Crémone. Parfois, des têtes sculptées en guise de
volute.
Dimensions :
Loogaeur.
largeur
baut.
largeur
bas.
Éclisses
baut.
Eclisses
bas.
mm.
mm.
mm.
mm.
mm.
Violon (potil formai).
351
IGO
200
27
23
Violon (grand forma t) .
36 i
176
210
28
29
.Vlto
443
220
257
38
40
Maggini (Gio Paolo) (1381-1632). — Ce luthier a
apporté les derniers perfectionnements essentiels à
la facture du violon. Il est le créateur' du violoncelle-
et de l'alto. On connaît à peine 50 instruments de sa
main, el pourtant son modèle a été copié dans tous
les pays jusqu'à nos jours. Sa lutherie a toutes les
caractéristiques de l'école de Brescia citées plus baut,
et dont il est le chef, plus encore peut-être que Gas-
paro DA Salo, son maître. Forme naïve, coins courts,
vorltes s'abnissant insensiblement el allant jusqu'aux
bords, éclisses basses. La voix gr'ave et profonde d&
ses violons est due précisément à la conformation
des voiHes. Comme les éclisses sont particulièrement
basses (il en est qui n'ont que 23 mm.), on a essayé
de les élever pour obtenir plus d'éclat dans le son.
Toutes les tentatives de ce genre sont restées infruc-
tueuses, ce qui prouve que ce luthier avait fait de-
ses proportions une étude sérieuse.
Si l'on entre davantage dans les détails de sa fac-
ture, on peut faire les observations suivantes.
Matériaux employés excellents; main-d'œuvre dfr
premier ordre; épaisseurs raisonnées. Le bois des-
fonds rarement coupé sur maille.
Les bords du fond et de la table ne dépassent pres-
que pas les éclisses.
Les /■/'placés généralement bas, découpés en biseau
à l'intérieurcomme dans les violes. Le trou supérieur
des f/ plus grand (|ue l'Inférieur, contrairement à ce-
que l'on constate chez les autres luthiers. Lu partie-
supérieui'e des //' parait plus large que la partie-
inférieure, par un elTet d'optique provenant de let
coupe.
Doubles filets et ornements au milieu du dos,-
jamais les deux à la fois.
Volutes massives, avec un quart à un demi-tour
de moins que les luthiers contemporains ou ulté-
rieurs.
Sur le cheviller, ù l'endiolt où commence la volute,
se remarque une légère protubérance (un reste des
violes).
On constate, dans la facture, plusieurs manières,,
passant successivement de la forme très primitive à
des formes de plus en plus élégantes, ce qui est par-
ticulièrement apparent dans les ff.
Le vernis varie de couleur dans les dilîérentes-
périodes, mais non de qualité, laquelle est aussi
remarquable que celle dir vernis employé par les-
plus célèbres luthiers qui suivirent.
Le brun plus ou moins foncé el l'orange domi-
nent comme teinte dans tous les instrumesnts d&
iMaggim.
TECIINIQVË, ESTIIfiTJ{HŒ HT PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 1711
Dliiieiisions :
Longueur.
LarpiiT
baut.
Largeur
t)as.
Éclissea
baut.
Bclisses
mm.
[Il m.
IIHII.
iiiiii.
iiini.
Violon (grand formai)
36B
178
21S
27
27
Violon (petil format).
360
168
208
25
25
Alto
432
75 i
208
360
218
46:.
36
112
36
Violoncelle
112
GiOiPaolo Maggini, in Brefcia
FiG. 828.
ce, coiiis, filets, //et étiquette d'un violon de G. -P. Maggim.
(Laurent Ghii.let.)
MAfiGiNi (Pietro-Santo). — Presque tous les ouvra-
ges sur la lullierie citent ce Maggini, personnage pio-
bablement ima^^inaire.
On ne connaît ni violons, ni altos, ni basses
authenliqnes sous ce notn, autres que ceux de Gio-
Paolo Maggin'i.
Nella (liallaele) (.wu' siècle). — ■ Contours d'apr 's
Maggi.m; ff d'après les frères Amati. Tèle fantastique
sculptée à la place de la volute. Sonorité faible.
PASTA(.\ntonio); PASTA(Domenico); PASTA(Gaelancil.
(Première moitié du xvii" siècle). — Modèle de l'école
de Brescia. Bons instruments,
PozziNi (Gasparo) . — Modèle Maggini. Lutherie
estimée.
Ranta (Piètre). — Style Amati.
RoGERi (Giambattisla) {* 1630 à Bologne, f vers 1730
à Brescia). — Fut élève de Nicolas Amati en m^me
temps que Stradivarius. Voûtes élevées, coins sortis
et fi" comme dans les instruments de son maître.
Volute un peu trop petite. Bois de bonne qualité.
Vernis jaune doré. Les violoncelles généralement
avec fonds de peuplier.
RoGERi (Pielro-Giacomo) (1680-1730). — Fils du
précédent. Travail semblable à celui de son père.
ScARAUPELLA (Gluseppe) (xix« siècle). — Bonne
main-d'œuvre. Excellent réparateur et imitateur. Il
a travaillé à Brescia, Paris et Florence.
Vetbini (Battista) (xvu* siècle). — Petit patron.
Beau vernis jaune. iBon travail.
Fia. 829.
ce, coins, filets et /'/'d'un violon de J.-B. Rogeri.
(Laurent Gbillet.)
ViTOR (Pietro-Paolo de), de Venise. — A travaillé
à Brescia dans la première moitié du xviii" siècle.
Type de Brescia. Voûtes très élevées, vernis roupe.
ViaERCATi (Pietro) (milieu du xvii" siècle). — A
travaillé d'après Maggi.m et d'après Amati.
Crémone. — L'école crémonaise embrasse une
longue période. Son fondateur, André Amati, s'affran-
chit complètement du type des violes pour créer un
modèle élégant qui devait être perfectionné par ses
descendants et successeurs, aloi's que son contempo-
rain Gasparo da Salo continua d'en subir l'intlnence,
ainsi que Maggini.
Tous les représentants de l'école de Crémone tra-
vaillèrent sur le type Amati, en le niodinaiit plus ou
moins, sauf Guar.nerius (Joseph) (del Jesu), ainsi
que ses imitateurs, qui revint aux formes de Maggini,
et les rénova d'une façon géniale.
Le vernis des grands luthiers crémonais repré-
sente le nec plus ultra du genre. C'est pourquoi, pour
désigner le vernis italien de la lutherie ancienne, on
dit communément : le vernis de Gr'éniorie.
Les plus célèbres fur-ent les Amati, les (hiarneri et
Stradivari. Leurs élèves essaimèrent dans toiile
l'Italie, el iiuelques-uns allèrent môme dans d'autre.*
pays.
Amati (Andréa) (I53.T-I6I 2). — Le plus ancien
luthier, avec Gasparo da Salo, qui ait construit de-
violons. Il s'éloigna du type primitif, et l'on peut
dire à juste titre qu'il est le fondateur de l'école
moderne. Voûtes élevées; ff primitifs, avec leurs
trous supérieurs et inférieurs d'égal diamètre et très
grands; vernis jaune d'or épais; petil format.
On prétend qu'il a fait un certain nombre d'instru-
ments pour le roi Charles IX, mais aucun document
n'a corroboré cette assertion. Ses instruments sont
de la plus grande rareté.
Amati (Antonio) (1553-1640). —Fils aîné d'Andréa.
Am.vti (Girolarao) (1536-1630). — Second fils d'An-
dréa.
Les deux fr-éres travaillèrenl longtemps sons la
raison sociale : Amati (Antonius et Hieronimus), jus-
qu'à la mort de Girolamo. Alors, Antonius continua
encore à travailler pendant de longues années.
Leur lutherie accuse un grand progrès sur celle
de leur père. Les/'/' étroits, mais très élégants. Néan-
moins, le patron reste petit, les voûtes élevées. Four-
1712
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Dimensions
FiG. 832.
cr, roina, filets, (( d'un violoncelle d'Aiidrea Amati.
(Laurent Grillkt.)
nitures de bonne qualité. Fonds généralement d'une
pièce et sur couche. Vernis d'une teinte ambrée,
parfois rouge doré, chaud et transparent. Les bords,
du fond et de la table, dépassent de très peu les éclis-
ses. Sonorité claire et d'une grande délicatesse, liien
appropriée à la musii|ue du temps. Le travail de
Girolamo passe pour plus élégant que celui de son
frère.
Dimensions des inslrumeuls des frères Amati :
Longueur.
Laretur
du baut.
Largeur
du bas.
Édisses
du baut.
Éelisfes
du bas.
mm.
mm.
mm.
mm.
mm.
350-52
452
163- C5
220
205-07
270
26 h 27
38
2Sà 29
Altos (grand format) .
40
Altos (petit format). . .
415
196
245
34
35
Violoncelles
753
332
450
lis
118
.\mati (Nicolol (159S-1684). — Fils de Oirolamo, ce
luthier perl'eclionna le modèle de son père, aussi bien
au point de vue de la forme que sous le rapport de
la sonorité. Il créa deux patrons. Ce sont les instru-
ments construils dans les vingt dernières années qui
sont les plus estimés. De nos jours, on recherche ses
grands modèles. Dans ce type, les coins sont très
sortis.
Nicolo AuATi donna plus d'élévation aux édisses,
abaissa les voûtes, ce qui adoucit la gorge près des
bords,, calcula mieux les épaisseurs, traça des ff
d'une rare élégance et plus ouverts que ceux des
frères Amati, sculpta une volute de grandeur moyenne,
d'une grande simplicité de forme et très gracieuse.
Le choix des bois toujours excellent. Vernis depuis
le jaune doré jusqu'au rouge tendre, d'une grande
transparence.
Les instruments de Nicolo Amati sont encore utili-
sés dans le concert comme instruments de solistes,
lorsqu'ils sont de grand patron, mais, en général, ils
conviennent admirablement à la mu<;ique de cham-
bre à cause de leur timbre et de leur souplesse
d'expression.
violons (grand mo-
dèle, 1648)
(1664)
Violons (petit modèle)
Violoncelles
Longueur.
Largeur
du baut.
largeur
du bas.
Édisses
du baut.
—
—
—
—
mm,
mm.
mm.
mm.
355
171
209
28
358
172
210
28
352
161
2oi;
28
780
365
172
113
ïclisses
du bas.
mm.
29 1/2
28
29
117
FiG. 830.
ce, coins, filets etJ/'/'Jd'un alti
Nicolo .Amati. ([jaurent Gril
Balestrieri (Tomraaso). — Travailla à Crémone jus-
que vers 1760, puis une dizaine d'années'à Mantoue.
Lutherie estimée, modèle Stradivarius de la dernière
manière. Ses violoncelles, peu nombreux, sont re-
cherchés.
Balestrieri (Pieiro) (xviii« siècle). — Frère du pré-
cédent, même lutherie.
Berconzi (Carlo) (1690-1747). — L'un des plus célè-
bres élèves de Stradivarius.
Ses œuvres sont dans le style de ce dernier, qu'il
ne copia pas servilement. Les ff un peu plus longs et
plus ouverts et les voûtes peu élevées. Vernis géné-
ralemenl rouge et rouge brun, qui a des tendances
k craqueler. Sonorité très belle. Les violoncelles sont
plus particulièremenl estimés.
«{Jt Jk. JL Ju Jt AJt AJt A. A.A.*. A.J»
-, Anno 17^/ Carlo Bergonzi u
r» fece in Cremon? -
FiQ. S32.
cr, ciiins, filets, //et étiquette d'un violon de Carlo Urt fltfNzr»
(Laurent Grillet.)
TECIIMIQIIH, ESTHETIQUE ET PÉr)A(,OC,Œ
DES INSTRUMENTS A ARCHET 1713
GuARNERi iPielro)
Berco.nzi (Miclielaiigeloi (milieu du xviii" siéi'le). —
Kils du précédent. Il s'éloif^aa considéiablemeiit de
l'arl de son père, mais ne l'égala ni pour le modéli-
ni pour le vernis. II chercha surtout a imiter les ins-
truiueuts grand patron de Stradivarius. Ses violon-
celles sont hons.
Beruon/i (Zosimo) (milieu du xviii' siècle). — Fils
de Michelangelo. Fil surtout des violoncelles. Ses vio-
lons sont desiinitations de ceux de son père.
Ceruti (C.iambattista) (IV.ïo, jusqu'après 1800). —
Elève et successeur de Lorenzo Storioni. Type île
Mcolo Amati, grand patron. Vernis allant du jaune
jusqu'au rouge. Bonne sonorité.
GuADAGNiNi (Lorenzo) (Crémone et Plaisanne, envi-
ron 16!)o-1760). — Elève de Stradivarius, il quitta
Crémone vers 1730. Voûtes peu élevées genre Stradi-
varius, volute pleine de caractère, fîon travail, belle
sonorité, vernis jaune doré. Instruments de concerl.
CuARNERi (Andréa) (1626-1698). — D'abord élève
des frères .\mati, il fut condisciple de Stradivari ciie/,
Nicolo Amati. Ses premiers travaux se lessenlent de
l'école de ses premiers maîtres, et surtout de Nicolo
Amati; mais, plus tard, il subit l'intluence de Sradiva-
Rius. C'est pourquoi, l'identification de ses instru-
ments est difticile. Les voûtes sont parfois élevées,
parfois moyennes. Le vernis orange clair jusqu'au
rouge foncé. Les instruments grand modèle sont très
estimés
(Crémone, Mantoue et Venise.
*165o à Crémone, f 1730 à
Venise). Fils d'.\ndiéa. — On
a essayé d'établir l'existence
de deux Guar.neri de ce nom,
le premier à Crémone et
Mantoue, le second à Venise.
Les instruments de ce lu-
thier se caractérisent par des
voûtes assez élevées, une
gorge profonde; la partie in-
férieure élargie, mouvement
suivi avec beaucoup d'élé-
gance parles //'. Bonnes four-
nitures, vernis transparent.
On connaît de lui un alto sans
\ /% . cy I coins en forme de guitare.
) I ^\ . Probablement un essai. Des
/ I "^a^ instruments de cette forme
'V ^s\ datant du XVII» siècle, et pro-
venant de la collection Pieiro
Correr de Venise, se trouvi-nt
au musée du Conservatoire
de Biuxelles.
Au xix« siècle, on a fait de
nouveau quelques tentatives
infructueuses dans cet ordre
d'idées.
GuARNERi (Giuseppe) (l), dé-
nommé GuARNBRios (Joseph) fils d'André ('1666, f
environ 1738). Fils d'André. — Instruments remar-
quables par la personnalité, la perfection de main-
d'œuvre et la belle sonorité. Patron moyen, coins
sortis, poitrine un peu étroite, voûtes peu élevées,
vernis jaune d'or, brun rouge et rouge.
GuARNERi (Giuseppe) (II) dénommé Guar.nerius
Joseph del Jesu (1687-1742). — Neveu d'un cousin
d'André, ce luthier, le plus grand de sa famille, égale
presque Stradivari, le plus célèbre qui ait existé.
D'après Vuillaume, il aurait été élève de ce dernier.
D'autres connaisseurs dont l'opinion fait également
Fio. S33.
Alto en forme de guitare
de Pieiro Gcarnebi.
autorité voient dans sa manière l'in;lui;iice de Joseph,
lils d'André. Quoi qu'il eu soit, il parait certain qu'il
s'est inspiré de .\Ia.ggini. La forme des coins, la con-
duite des voûtes, la forme des /'/'et jusqu'à la petite
proéminence qui se trouve des deux ciUés du che-
viller, à l'endroit où commence la volute, en sont
pour ainsi dire despreuves. Les volutes ont un carac-
tère et une originalité inimitables. Aucun violoncelle
de lui n'est connu.
On lui attribue lieux périodes, la première dans
laquelle sa manière n'est pas encore dégagée, la se-
conde de 1730 à 174-2.
L'ne légende vent qu'il aurait été en prison et que,
pendant ce temps, il aurait fait des violons avec de
mauvais matériaux et d'une main-d'œuvre grossière.
Il est probable que ces instruments, dits de ta prison,
ne sont pas de lui.
Certes, ses violons offrent de très violents contras-
tes entre eux; autant les uns sont soignés et d'u~n
Uni parfait, autant les autres paraissent frustes et
d'une main-d'œuvre négligée. Et cependant, quelques-
uns de ces derniers, par la hardiesse de la coupe,
aussi bien que par la qualité sonore, sont préférés
des connaisseurs et des artistes.
D'ailleurs, sa production connue n'est pas grande :
environ cinquante violons et dix altos.
Le premier qui le lit connaître et le mit eu valeur
fut Paga.nini, dont le violon qu'il avait surnommé le
Cdiion est conservé à Gênes, ville natale du plus
grand violoniste qui fut jamais.
Sur ses étiquettes figurent, à la suite du nom, les
trois lettres eucharistiques I.S.S., surmontées d'une
croix. De là, l'appellation del Jesu, sous laquelle on le
désigne pour le distinguer de Joseph, lils d'André.
Dimensions :
violons (petit format).
Violons ( grand for-
mat )
IiODgueur.
raïu.
352-53
355- 56
Largeur
dii tiaut.
mm,
170
172
Largeur
du bas.
mm.
203
210
LcliMes
du liaat.
mm.
28
29
fclisses
itu bas.
mm.
29
30
Joseph Guamerius fecit ^
Cremonae anno 1741 iHS
FiG. 834.
ce, coins tilels, ffel étiquette d'un violon de Giuseppe Odabneri.
(del Jesu). (Laurent Grillet.)
108
1714
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOXNAfRE DU CONSERVATOIRE
Panoiimo ( Viiicenzo) (Crémone, Paris, Londres. * 1734
à Monréale près de Palerme, f 1813 à Londres).
Oa le dit élève de Carlo Bergonzi. Son modèle se
rapproche, en eiïel, de ce raallre, mais il imita aussi
Stradivarius. Grand palron, voûtes peu élevées, ver-
nis brun. Instruments d'excellente qualité.
RuGGiERi (Francesco) (1630-1720). — Elève de Giro-
lamo AuATi. Style Amati, mais format agrandi. Le
meilleurdes lulhiers de ce nom. Vernis orange allant
jusqu'au rouge.
Francesco Ruggieri dcUo
il per Creiuoiia i6 7/*
Fia. 835.
fc, coins, filets, ffel éliquetle d'un violon'de Francesco Rdqgieri.
(Laurent Gbillet.)
Ruggieri (Giacinto) (seconde moitié du xvip siècle).
— Fils de Francesco. A imité son père. Les voûtes de
ses instruments sont plus hautes et son vernis est
généralement brun foncé.
Kur,GiRR[ (Vincenzo) (lin du xvii' siècle jusque vers
1736). — Fils de Francesco. A également imité son
père. Style Amati, vernis brun ou jaune-brun.
Storioni (Lorenzo) (17ol-1799). — Un des derniers
représentants de la grande époque. Imitateur de
osepli GuARNERius (del Jesu). Ses instruments sont
rès recherchés à cause de leur sonorité généralement
excellente. Les fournitures peu plaisantes à l'œil,
mais de bonne qualité. Vernis brun et rouge-brun.
Stradivari (Antonio) (16H-I737). — Le plus célèbre
de tous les lulhiers.
Stradivarius fut l'élève de Nicolo Amati, et il com-
mença a Iravailler pour son propre compte en 1664.
Les éliqueltes de ses premiers instruments portent
la mention : Aliimnus Nirolui Amati. Le plus ancien
violon connu de lui est daté de 1666. On a l'habitude
de classer son œuvre en quatre périodes : iMes ins-
truments dits amatisés; 2° les longuets; 3° l'àj/e d'or;
4° la période de di'cadence.
Celle classification peut se juslifier, mais dans un
sens très large. Comme tous les artistes dignes de ce
nom, Stradivarius ne s'est en réalité jamais répété.
Son œuvre est un processus constant, le long duquel
il a modifié plus ou moins son patron suivant un
déal qu'il s'était proposé, d'après les demandes de
ses clients, et même souvent pour utiliser des bois
dont les dimensions ne lui permettaient pas de faire
autrenieiil.
Si l'on fait abstraction delà beauté de main-d'œuvre
et de l'élégance générale de l'architecture, et si l'on
considère l'instrument uniquement au point de vue
(le la sonorité, aucune classification de qualité ne
peut être admise. La supérioiité de tel instrument
sur tel autre est purement affaire de goût personnel.
Tout ce que l'on peut affirmer, c'est que l'œuvre
énorme de Stradivarius, qui a travaillé depuis sa
prime jeunesse jusqu'à l'âge de 93 ans, représente
dans son ensemble le nec plus ultra de la lutherie, et
que n'importe quel des instruments sortis de ses
mains est un objet d'aii de premier ordre.
Dans leur remarquable ouvrage, Antonio Stradi-
vari, MM. William E. Hill and Sons, de Londres,
ont suivi pas à pas, si l'on peut dire, la production
du grand luthier. Leurs observations peuvent se ré-
sumer ainsi :
Violons. — Les violons les plus anciens connus de
Stradivarius sont datés de 1666-1667-1669. Jusqu'en
1670, il copia le petit patron de ISicolo Amati. Jus-
qu'en t6S4, il continua à imiter son maître, mais en
y mettant déjà une certaine personnalité. Ainsi, les
f'f gardent le caractère Auati, mais sont déjà plus
élevants.
Un seul instrument fait exception, c'est le Hellier,
daté de 1679, d'une robustesse qu'on ne retrouvera
que beaucoup plus tard. A ce propos, nous devons
dire que les violons les plus renommés, pour une rai-
son ou pour une autre, du grand maître crémonais,
sont généralement désignés par les noms de leurs
premiers possesseurs, de leurs possesseurs actuels,
ou de grands arlistes, de grands personnages qui les
ont possédés, ou par une particularité quelconque.
Jusqu'à cette époque, les l'ournitures sont de bois
faiblement onilés et en général pas très belles, pro-
bablement faute d'argent de lapart du jeune luthier,
qui venait de s'établir.
Les années 168'i' et 1685 marquent un développe-
ment sensible dans la forme, quiresle toujours dans
l'ensemble celle de .Nicolo Auati, mais dans ses
grands patrons. Reaux types : 1687, baron Kilan-
ger. — 1687, C. Oldliain. — 1687, Jean Kubelik. —
1688, Cari Uerenberg.
La pér ode pré-1700 est surtout une période d'essai,
ce qui ne l'empêcha pas de changer encore bien sou-
vent pendant le reste de sa carrière.
C'est l'espace de temps depuis les débuis jusqu'en
1690 que l'on appelle la période des instruments
amatisés.
A ce moment, il créa le modèle appelé longuet. Ce
nom provient de ce que les proportions de l'instru-
ment sont augmentées dans le sens de la longueur,
et diminuées dans celui de la largeur, ce qui lui donne
un aspect allongé. On les appelle aussi des allongés.
11 produisit jusqu'en 1699, et pas plus loin, de ces
violons qui semblent un essai, et pour la création
desquels il s'inspira très certainement de tiio-Paolo
Maggini.
Les années 1686 à 1690 marquent une période où
la main-d'œuvre est arrivée à un summum de per-
fection.
Le Toscan est daté de 1690.
Après un retour aux formes d'AidATi, vers 1698,
commence, vers 1700, ce que l'on appelle Isi période
d'or. Les fournitures sont de premier ordre, le vernis
superbe.
TBCHNIQVE, ESTHÉTIQUE ET PÈDACDGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 1715
Heaiix ly()es :
1704, le Be«s.— il Oi,\e Régent, puis leSu;)er6e. Ins-
Irument magnifique et digne de celte dernière appel-
Jalioii. — 1708 (Musée du Conservatoire de Paris),
-ex-général Davideff. — 1708, le Soil. — 1709, le Viotli.
De 1708 à 172ï, on remarque de nouvelles formes,
parlois de très grands patrons, et un changement
perpétuel dans les proportions.
lieaux types :
1713, le Saney.— 1713, le Boi'ssier. — 1714, leDaw-
phin.~ 171o, le Giltot. —1715, l'Alard. — 1716, le
■fess"/. — 1716, le Messie. — 1717, le Sasserno.
Antonius Stradiuiriui Cremonenfis
Faciebat Anno iz/<3 ^^i
Fi6. 836.
ce, coins, filels, fl et étiquette d'un violon d'A. Sr\divarids.
(Laurent Grillet.)
De 1720 à 1723, le vernis semble moins riche. Les
instruments ont plus de carrure.
Beaux types :
1722, le Chapnnay. — 1724, le Sarasate (au Musée
du Conservatoire de Paris). — 1725, le Wilhelmij. —
1722, le Rode.
Il convient de parler ici d-s instruments ornés.
Ces instruments portent des incrustations d'ivoire et
-d'ébène en guise de (ilels; puis, la tète et Ifs éclisses
sont ornées d'arabesques dans le goût de la Renais-
sance. Ces arabesques sont ou simplement peintes en
noir et recouvertes de vernis, ou lé:;èrement gravées
«n creux. Dans ce dernier cas, les éclisses sont
doublées d'une bande de parchemin pour les conso-
lider.
On connaît 8 violons, 1 alto et I violoncelle dans
ces conditions. Le plus ancien violon est celui de 1677
type arri'ilisé, qui a fait partie de la colleciion Wil-
mole d'Anvers ; puis vient le Hellier, dont nous avons
parlé. Le violon de 1709 qui a appartenu au vicomte
Greffuhle est aussi un bel instrument de celte caté-
gorie, ainsi que le Roile de 1722, le dernier du genre.
L'alto est daté de 1696.
De 1725 à 1730, la production est moins nombreuse,
■et, quoique très remarquable, la main-d'œuvre parait
moins sûre.
Beau.x types :
172;), le duc d'Edimbourg. — 1727, le Derhroucq.
De 1730 à 1737, les inslruments revêtent dilTérenls
caractères, et varient de modèle. La main-d'œuvre
Uéchit, et, sur la (in, les filets ont de la peine à se
Fia. 837.
<Y, coins, filets, ff d'un violon orni^ et incrusté d'A. Sradivari.
(Laurent Crillet.)
bien placer, tant les rainures sont irrégulièrement
creusées.
Beaux types :
1731, le i<'/e<t/i<?r. — 1732, le Tiiylor. — 1733, le
Roiiisy. — 1734, le Hackney. — 1734, le Ames. —
1735, le Lamoureux. — 1735, le Hartmann. — 1737, le
While.
Altos. — Les altos les plus célèbres sont :
Le Grand duc de Toscane. — Le Oldinn. — L'Ar-
chinlo. — Le Macdonald.
Violoncelles. — On ne connaît pas de violoncelle
de SriiADivARius avant 1684.
Beaux types ;
1684, le Général Kyd. — 1690, le Coaimo de Médi-
cis, à l'Institut musical de Florence. — 1696, le
Aylesfnrd. — 1697, le Marquis de Virfolellis. — 1689,
VArchinlo- — 1691, le Hollman. — 1700, le Chris-
tiani. — 1700, celui de la cour d'Espagne au Palais
royal de Madrid. — 170 1, le Servais.
(Interruption de production de 1701 à 1707.)
1707, le de Fait. — 1707, le Paganini. — 1709, le
Delphino. — 1710, le Gore Booth. — 1711, \e Diiport.
1711, le Mura. — 1711, le Romberg. — 1712, le Davi-
dolf. — 1713, l'Adam. — 1714, le R<itta. — 1717, le
de Corberon. — 1719, le H. Becker. — 1720, le
Pialti. — 1724, \eHanssmann. — 172.Ï, le Vaslin.
1723, le Daudiot. — 1726, le Chcvillard. — 1738, le
Mendehsohn.
La production totale des instruments de Stradiva-
rius est estimée à onze cents.
On connaît de lui :
Violons, 540. — Altos, 12. — Violoncelles, 50.
Parmi ses œuvres, citons encore une charmante
pochette qui se trouve au Musée du Conservatoire
de Paris. Elle est datée de 1717.
Comme détail importantde facture, sontà signaler
les grandes variations dans les hauteurs des voûtes
de violons. Les plus élevées sont de 20 mm. et les
plus basses descendent jusqu'à 14 mm.
Stradivarius est le premier qui ail noirci les chan-
fn ins du cheviller et de la volute de ses instruments.
En cela, Guarnehius l'a imité, mais il a aussi noiVci
les arêtes des quatre coins des éclisses, ce qu'on
ne trouve jamais chez Stradivarius. On connaît d
1716
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
lui quelques tables de violons qui soiiL d'une seule
pièce.
Pour les fonds, il a employé des bois sur couche au
début, puis presque toujours sur maille, d'une ou de
deux pièces. Le bel érable pour ces fonds devait être
rare, cardans ses plus remarquables instiumenls se
trouvent parfois de petites pièces ajoutées, le mor-
ceau employé étant probablement trop étroit.
Diniensions des instrnmeiils de Slradivarins.
Violons 1067 .
— 1 0S7 .
— 1672.
— 1077.
— 1690.
— 1090'
— 1702.
— 1704.
— 1707.
— 170S.
— 1710.,
— 1711..
— 1713..
— 1714..
— 1715..
— 1718..
— 1720..
— 1725..
— 1732..
— 1734..
— 1736..
Inngtieur
largeur
Largeur
ÊCiissft.^
Jclisses
du haut.
du bas.
du haut.
au tas.
m m.
mm.
mm.
mm.
mm.
350
160
183
29
31
352
167
201
32
32
356
165
200
30
31
350
163
20 r.
2S
30
355
166
207
28
30
362
162
210
30
32
357
169
210
30
31
357 170
210
30
31
357 170
210
30
30
360 171
210
30
31
357 170
210
30
31
360 170 210
30
30
358 1/2 169 210
30
31
356 170 210
30
30
355
165
206
30
31
3B0
170
210
30
31
358 1/2
170
210
30
31
354
16S
208
29 1/2
31 1/2
360
170
210
30
31
360
170
SIO
32
33
357
164
205
30
31
longueur.
Largeur
largeur
Éclisses
Éclisse.s
du haut
da bas.
du haut.
du has.
mm.
mm.
mm,
mm.
mm.
Altos lG90(grand for-
mat)
478
220
273
40
43
Altos 1690 (petit for-
mat) • ■ . . .
413
1S7
213
39
40
Altos 1691 (grand for-
mal)
480
220
273
40
43
Altos 1701 (petit for-
mat)
410
793
186
368
243
468
38
114
39
Violonc. 1690
121
— 1691
grand
797
36S
471
121
121
— 1700
modèle
790
360
465
111
114
— 1701
792
366
456
125
125
— 1689)
760
352
450
120
120
— 1710, modèle
756
346
440
117
124
— 1720 moyen.
756
316
437
124
127
— 1730
746
329
421
117
121
Les dimensions (longueur et largeur) concernent
les tables et les fonds des instruments.
Les mesures données ci-dessus ne sont pas abso-
lument rigoureuses, elles sont en cbifTres ronds. —
D'ailleurs, de si minimes différences sont sans impor-
tance, étant donné l'usure des bords, et l'abaisse-
ment possible des éclisses par des détablages plus
ou moins réussis. — On sait que les anciens luthiers
se servaient comme mesures de pieds, pouces, lignes,
qui ne correspondent pas à noire système décimal.
Str.^divabi (Francesco) (1671-1743). — Fils et
élève d'Antonio Stradivari; s'est éloigné de la tra-
dition paternelle quant aux formes. Cependant sou
patron est grand et bien étudié. Les f/ se rapprochent
de ceux des frères Amati. Vernis brun d'une bonne
l. Tjiii.' limguel.
Fio. S3S. — Ornemenls d'un violon d'A. .Stradivari.
(Volute, cheviller, coulisse et éclisses.)
qualité. La sonorité est grande et belle. 11 aurait-
place des étiquettes de son père dans quelques-uns
de ses instruments.
Stradivari (Omobono) (1679-1742).— Fils et élève
d'Antonio Stradivari. A peu produit. 11 semble s'être
surtout occupé de réparations.
Florence. — Garcassi (Lorenzo et Toramasso). —
Les deux frères travaillèrent ensemble au milieu du
xviii» siècle. Forme voiUée; ff courts et arrondis,
vernis jaune et jaune-lirun. Asse.( bons instruments.
Gabrielli (Gian-Baltista) (1740-1770). — Lnlherie
estimée surtout pour sa sonorité très en deliors. Ni
le modèle ni la main-d'œuvre ne sont remarquables.
Les voûles tombent brusquement, ce qui les fait
paraître plus hautes qu'elles ne sont en réalité. Ver-
nis jaune, dur, mais transparent.
Pazzini (Gian-Gaetano) (1630-1670). — Elève de
Maggim, qu'il copia. Voi'ltes élevées, vernis sombre.
Gènes. — Calcagno (Bernardo) (commencement du
xviii' siècle). — Instruments de petit patron d'après
Stradivarils. Bonnes fournitures. Vernis jaune-
d'ambre et rouge pâle.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 1717
Omo\>onut Stra5uuWius/iglM Antom^
Crtmooc ïccitAnno irjj^: «S
FiG. S39.
ce, coins, filels, ff cl cliquette d'un violon d'Omobono Sradivaei.
(Laurent Grillet.)
Livourne. — GRAr.NANi (Antonio) (seconde moitié
du xviii'' siècle). — Bonne main-d'œuvre. Fournitures
de second clioix. Vernis jaune.
Gragnani (Gennaro) (même époque). — Frère du
précédent, même lutlierie.
Milan. — Gra.ncino (Paolo) (seconde moitié du
xvii' siècle). — Passe pour élève de Nicolo Amati.
Cependant, ses voiMes sont peu élevées. Fournitures
moyennes. Excellent vernis jaune. Ses instruments
sont recherchés.
Granci.no (Giambattista [I]) (1690-1710). — Fils de
Paolo, le plus célèbre luthier de la famille. Bon tra-
vail, belles fournilures, vernis allant du jaune jus-
qu'à 1 orange. Sonorité remarquable.
Gn\NCiNO (Giovanni) (1680-1720). — Fils de Paolo.
Travailla d'abord en communauté avec son frère.
Instruments petit patron, semblables comme coupe
à ceux de son [lère. Vernis jaune et brun.
Grancino (Giambaltista [11]) (wiii!^ siècle). — Fils
de Giovani. Sonorité bonne, malgré la (uauvaise qua-
lité des fournilures et du travail. Vernis d'un vilain
aspect et dur.
Grancino (Francesco) (xviii« siècle). — Frère du
précèdent. Le travail et les fournitures laissent éga-
lement beaucoup à désirer, et cependant la sonorité
n'est pas mauvaise.
GuADAGNiNi (Giambattista ^1]) • Milan et Parme.
(Plaisance, 16^5-1770). — Frère de Loren-;o, mais ne
l'égala pas, quoique ses instruments soient très esti-
més. Patron Stradivaurs, mais plus fruste. Vernis
lougeâire ou orange.
GuADAGNiNi (Giambattista [11]) Plaisance et Turin.
('Crémone, 1711, f i786 à Turin). — Fils de Lorenzo
et aussi élève de Stradivarius, son travail est dans
le style de ce dernier, mais beaucoup plus fruste,
comme chez le précédent. Vernis de diverses nuances,
très transparent et fort beau. Sonorité puissante, et
possédant beaucoup de portée. Instruments de con-
cert.
Joanrcs Bapllf^a Guadagnini *
Cremoncnfis fecit Taurini. GBG
alumnus Antoni Siridivai'i 777
FiG. s 10.
ce, coins, filets, /y et étiquette d'un violon de J.-B. Gdadag.nini,
(Laurent Grillet.)
GuADAG.NiNi (Giuseppe) (Milan, Côme, Pavie et
Parme). — Né à Parme au milieu du xviii' siècle, et
travailla Jusqu'au commencement du xix'. Bonne
lutherie, mais bien inférieuie à celle des précédents.
Il doit être le fils de Guadag.nimi (Giauibatli>(a)[I].
La famille des Gl'adag.nini co;itinua à pratiquer la
lutherie jusqu'au milieu du xis» siècle.
Landolfi (Carlo Ferdinando) (1714-1775). — Belle
lutherie, rappelant Pierre Guarnerius. Boimes four
nitures. Vernis jaune et tirant sur le rouge. Les
voûtes des fonds sont généi-alement peu élevées par
rapport à celles des tables.
Ma.ntegazza (Pietro-Giovanni) (xviii° siècle). —
Style Amati. Vernis brun. Altos très recherchés.
Mantegazza (Francesco) (xvni'' siècle). — Frère du
précédent. Même lutherie.
Testore (Carlo-Giuseppe) (* 1660 à Xovara, -j- 1720 à
Milan). — Le plus renommé de ce nom. Il fut élève
de Cappa à Saluzzo et de Giov. Granci.no à Milan.
Style Joseph Guarnerius (del Jesu). Vernis brun. Son
très en dehors et beau.
Testore (Carlo-Antonio) (1688-1765). — Fils aîné
de Carlo-Giuseppe, travailla sur les mêmes données
que son père. On remarque à l'intérieur de ses ins-
tiuments, sur le fond, une petite marque au fe,
chaud représentant un aigle.
Testore (Paolo-Antonio) (1690-1760). — Frère du
précédent. Ses instruments sont peu soignés. Géné-
ralement dans le style Guarnerius (del Jesu), et
recouverts d'un vernis jaune foncé de vilain aspect.
Les filets manquent sur les fonds.
Mantone. — Albani (Nicolo) (xvni" siècle). —
Grand format. Vernis rouge. Bonne sonorité.
Cauilli Caniillo de) (xviii» siècle). — Bon travail
d'après Stradivarius. Aspect séduisant. Bonnes
fournitures. Vernis brun et rouge^brun. Les /'/'courts
et très ouverts. Jolie sonorité.
Zanotti (Antonio) (première moitié du xviii» siècle).
— Bonne lutherie d'après Pierre Guarnerius. Vernis
brun.
1718 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET Dlr.TroyxAIRE DU CONSEUVATOIRE
Carlo Antonio Tcftorc figlio maggiore
del fu Carlo Giufcppe in Contrada
larga al fegno dcll'Aquila • 1740
FiG. 841.
ce, coins, filets, ffei étiquette d'un violon de C.-A. Tkstore.
(Laurent Oeillet.)
Naples. — Gagliano (Alessandro) (1640-172S). —
Le plus ancien des luthiers renommés de cette ville,
et fondateur de ce que l'on appelle Y école napolitaine,
représentée surtout par ses descendants.
Elève de Stradivarius, la tradition veul qu'il snit
retourné en 1095 dans son pays natal. Ses instru-
ments sont de grand patron, avec des voûtes peu
élevées. Les ff sont plus droits et plus ouverts que
ceux de son maître, mais ils en conservent le carac-
tère. Les fournitures laissent à désirer sous le rap-
port de la beauté, mais elles sont de bonne qualité.
Il en résulte une sonorité puissante et agréable. Les
instruments de ce luthier parlent facilement et sont
très eitimés. Vernis jaune et rouge brun. Les têtes
plutôt petites.
GASUANO(iNicoIo) (1670-1740). — Fils aîné d'Ales-
Nicolaus Gagliano Filius
Alexandn fedtNc^p.i; 35
«c, coins, filets, ff et étiquette d'un violon de Nicolo GAi.liano.
(Laurent ^îrillet.)
sandro, cet excellent luthier s'est rapproclié dan»
sa facture des Stradivaki de la période amntisée.
Belles fournitures. Vernis généralement rouge brun.
r.AGLiANo (Gennaro) (1700-1760). — Second fils
d'Alessandro. A peu produit, mais ses instiuments
sont très estimés. Les ff sont plus courts et plus
ouverts que chez Stradivari, dont il a suivi les
traditions. Beaucoup de variation dans les contours.
Vernis rouge allant jusqu'au rouge ceiise.
Gagliano (Ferdinando) (1706-1781). — Fils aine de
^icolo. A fait deux sortes d'instruments, les uns
très soignés, les autres pour être vendus bon marché.
Bons instruments dans le style de Stradivarius,
voûtes peu élevées, vernis jaune ou brun. Les violon-
celles sont particulièrement estimés. Avec lui com-
mence la décadence de la lutherie de ce nom.
Padoue. — Deconetti (Deconet, Michèle). — A
tiavaillé à Padoue et à Venise (1750-1790). Kcole de
Crémone. Bons instruments. Vernis brun-rouge.
Pesaro. — Mariani (Antonio) (xvir siècle). — On
connaît quelques rares instrumenls de ce luthier, qui
a tiavaillé sur le modèle de Maggini.
Rome. — Emiliani (Francesco de) (première moitié
du xviji'' siècle). — Violons voûtés genre David
Techler. Jolie lutherie.
GiGLi (Julio Cesare) (1700-1761V — Style Amati.
Voûtes moyennes. Très beau vernis brun-jaune et
brun-rouge.
Platner (Michèle) (milieu du sviii» siècle). — Très
bonne lutherie genre David Techler. Vernis jaune
doté.
Techler (David) (1666-1743). — A travaillé à
Salzburg, à Venise et à Home. Ses premiers instru-
ments portent fortement l'empreinte de la tradition
allemande de Stainkr. A Home, sa facture devint
plus italienne. Aussi, les instruments datés de celte
ville, à partir de 1700, sont les plus estimés. Il con-
serva néanmoins les ff courts et ronds de Stainrr,
et les voûtes élevées et conduites de la même ma-
nière que ce dernier. Ses violoncelles sont inliniment
plus appréciés que ses violons. Vernis rouge foncé et
rouae brun.
FiG. 843.
ce, coins, filets et ff d'un violoncelle de David Techliîr.
(Laurent Grillet.)
ToppANi (Angello de) (1733-50). — Genre Techleb^
;;raiid patron, bonne sonorité. Vernis jaune doré.
Saluzzo.,'— Cappa (Goffredo) (xvii« siècle). — A
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 1719
travaillé à Saluzzo et à Turin. Passe pour avoir été
l'élève des frères Amati (Anlonio et (iirolamo). Sa
lutherie n'a que de très loin le caractère de celle
des Amati. Les /'/'ont une forme très caractéristique.
Vernis jaune ou rougo brun. Lesaltos et les violon-
celles sont plus estimés que les violons.
FiG. 8ii.
ce, coins, filets et ff d'un violon de G. Cappa. (Laurent Gkit.let. ,
Trévise. — Costa (Pier Antonio dalla) (1700-1768).
— A travaillé à Trévise et à Venise. Reau et bon
travail dans le slyle des frères Amati. Vernis rouge-
jaune très séduisant.
Turin. — Pressf.nda (Gian-Francesco) (1777-18o4).
— Les œuvres de ce lulbier, quoique n'appartenant
plus ci la bon:ie époque, sont très estimées. Les vio-
lons, altos et violoncelles de Pressenda compteni
parmi les meilleurs inslrumenls modernes. Une pla-
queite port.mt comme titre Classica Fahricazione di
violini in Picmonle, et signée d'un de ses élèves,
Benedetto-lliofTredo detlo Rinaldi, donne des détails
sur la carrière de cet homme, qui embrassa sa
profession par une vocation bien marquée.
Giovanni-Francesco PnEssENOAnaquit le6 juin 1777,
de parents pauvres, à Lequio-Berria, petite commune
de la circonscription d'Alba, au Piémont. Son père
était violoniste de profession et c'est tout jeune qu'il
se lamiliarisa avec les instruments à cordi-s. A douze
ans, enthousiasmé par les récits qu'il avait entendus
sur les luthiers de Crémone, il quitta la maison pa-
ternelle et se dirigea vers la ville célèbre, par petites
étapes, en jouant du violon pour gagner de quoi
vivre. A Crémone, il entra en apprentissage chez
Storioni, un des derniers luthiers de la bonne époque.
Ensuite, il alla à Alba, où, son art ne lui rapportant
pas assez pour subsister, il se fit ouvrier bijoutier.
Plus tard enfin, il alla à Turin, où Giambatlisla
PoLLEDRO, un des plus renommés violonistes du temps,
ayant reconnu les mérites de sa lutherie, le protégea;
grâce à ce puissant appui, il putétendre ses relations
et faire connaître ses œuvres.
Pressenda avait choisi Stradivarius comme modèle.
11 employa de belles fournitures, et son vernis est
fort beau, généralementjaune ou jaune brun.
HoccA (Giuseppe-Antonio) (1800-1865). — Elève de
PaESSR.NDA. Compte aussi parmi les meilleurs luthiers
modernes. A copié Stradivarius et Guarneh lus (Joseph
del Jesu). Le plupart de ses fonds sont d'une pièce.
'Venise. — Bellosio (Anselme) (.wni'' siècle). —
Elève de San-Seraphimo. Même lutherie, mais en moins
beau.
Cerin (Marcanlonio) (fin du xviii' siècle). — Instru-
ments très soignés, modèle Stradivarius.
Farinato (Paolo) (169b -n2.ï). — Genre San-Sera-
puiNo. Vernis jaune rougeâtre.
GoBETTi (Francesco) (1690-1730). —Elève de Stra-
divari. Lutherie très estimée, d'après Amati et Stra-
divarius. Belles fournitures; vernis jaune ou rouge
clair. Sonorité distinguée.
GoFRiLLER (Matteo) (fin du xvii' siècle jusque vers
le milieu du xviii»). — Style Stradivarius, mais
néanmoins une certaine personnalité dans les dé-
tails. Volute bien tournée, bonnes fournitures. Bonne
sonorité, quoique parfois un peu en dedans.
GoPRiLLER (Francesco) (même époque que le pré-
cédent). Frère de Matteo, même lutherie, un peu
inférieure à celle de ce dernier.
Montagn.ana (Domenico) (1700-1730). — Elève de
Mcolo Amati et condisciple de Stradivarius. Un des
plus grands luthiers de son temps, que l'on a très
justement surnommé \n puissant Vénitien.
Ses instrumeiils rappellent Stradivarius dans la
période dite amaliscr, mais le travail est bien person-
nel. Les //participent de la coupe de Stradivarius et
de GuARNEiiius (del JesuU La sonorité est également
comme un mélange de celle de ces deux maîtres.
Vernis admirable, orange ou rouge foncé, souvent
très épais, et toujours d'une grande transparence.
Dominicus Montaâna-ii Sub Si-
gumim Crçmoi^B v^netiiis rj^ci
Cf. coins, filets, //et étiquette d'un violon
de Domenico Montagna.na. (Laurent Geii.lei-.)
Pandolfi (Antonio) (première moitié du .wiii" siè-
cle). — Bons instruments; grand patron, sonorité en
dehors.
San-Skraphino ('1668, Udine; f 1748, Venise). —
Un des meilleurs maîtres vénitiens. Sa factui'e rap-
pelle lieaucoup la manière allemande et se ressent
de l'intliience de Staineh. C'est surtout dans les ff
et la volute que cette influence est apparente. Les
voûtes élevées la dénotent également. Superbe vernis
1720
ENCrCLOPÈniE DE LA Ml SIQ!E ET DICTlOSXAinE Dr COSSERVATOJRE
véiiilien, rouf^e ou jaune d'or avec une pointe de
rose. Bonne sonorité, mais pas très en dehors.
FlG. 816.
ce, coins, filets et ff d'un violon de Santo-Seeaphino.
{Laurent Grillet.)
La décadence de la luterie italienne est achevée à
la mort de J.-B. Guadag.mni en 1786, et la même
année, dans le but d'essayer de faire ressusciler un
art perdu, el d'exciter l'émulation des luthiers,
l'Académie des sciences, lettres et arts de Padoue
décerna un prix à un luthier de cette ville, Antonio
B.\G.\TELLA, pour uu mémoire intitulé : Rcgole per ta
costrazione de vioUni, violi, violoncelH e violoni.
Dans ce miiinoire, Bag.\tella donne des indications
très compliquées el arbitraires, pour retracer les
contours caractéristiques des instruments des Amati.
Cet écrit n'a donné de résultats ni théoriques ni
pratiques, et la lutherie de Bagatella (qui fut en
réalité surtout un réparateur) ne présente aucun
intérêt.
En tête des luthiers étrangers à l'Italie s'inscrit un
précurseur.
TiEFFENBttiCKER (Gaspar), dont le nom fut plus tard
francisé en Duiffoprugcar (aussi Dielîoprnchar, Duif-
fobrocard, Dietfenbruger), naquit en loli à Fi'eising,
en Bavière. 11 vint se fixer à Lyon vers le milieu du
XVI' siècle, oii des lettres de naturalité lui lurent don-
nées en 15S8 par Henri II, roi de France. Il signait
DUIFFOPROUCART.
On ne connaît pas de violon authentique de lui, et
on peut considérer comme apocryphes tous ceux qui
figurent dans des collections ou qui sont signales
dans des ouvrages.
Dans le portrait que fit de lui le célèbre graveur
Woeirioten 1502, où il estreprésenlé entouré d'ins-
truments de sa création, on en remarque un qui a
beaucoup d'analogieavecle violon. Les quatre coins
et la forme générale dénotent un des instruments de
transformation qui devaient aboutir au violon. Cet
adiiiiial)le artiste contribua donc lui aussi à la créa-
tion du quatuor moderne.
On connaît de lui plusieurs violes qui sont des mer-
veilles de lutherie.
1° La viole de gambe du musi'-e IJonaldsou à Lon-
dres, d'une forme très élégante, ornée de dessins en
marqueterie d'un goiil exquis. Le format en est petit
Le corps n'a que 6o centimètres
de haut.
2° La viole dite au plan de
Paris, au musée du Conserva-
toire de Bruxelles.
Dimensions : Longueur du
corps 700 mm. — Largeur du
bas 380 mm. — Largeur du
milieu des e 220 mm. — Lar-
geur du haut 285 mm.
Le manche de cet instrument
se recourbe en avant sous la
forme d'une tête de cheval, et
sa face postérieure est recou-
verte de scul|itures compli-
quées, représentant une tête de
remme,deux lions et un satyre
jouant de la flûte, le tout enca-
dré d'animaux, de Iruils el
d'instruments de musique. Le
lire-cordes est recouvert d'in-
crustations où sont figurés,
oulre plusieurs ornements, une
f-mme jouant du luth et un
chien attaché par un collier.
Le fond est couvert de mar-
queterie en bois multicolore.
On voit en haut saint Luc, de
profil, assis sur un bœuf, s'en-
levant dans les airs, vers des
nua;;es d'où sortent des trom-
pettes emlioucliées par des an-
ges.
En bas, le plan de la ville de
Paris (plus de 200 maisons d'un centimètre carré, et
même des personnages microscopiques).
FiG.847. — Viole de Ddif-
FOPHDGCAB portant en
marqueterie sur le fond
le sujet bien connu :
YieiUiird à lu cltai-ie d'eii-
fiiiit.
FiG. 848. — Violes d'après Pr.etorius (milieu du xvr siècle). Le
iio 5 désigné llalïetthcht' lijrn de Itracio, est un instrument de
transformation, où les formes du violon sont déjà nettement
viables.
TECnSIQVE, ESTIIÉTr LE ET PÉnxc.OGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 1721
3" La viole porta'it en raarquelerie sur le fond le
sujet bien connu ■.Vieillard à la chaire d'enfant. Cet
instfiiment, également précieux, a une Wte de cheval
sciilplée à l'extrémité du cheviller.
Il nsle encore à signaler l'image d'un iiisiriiment
de transition se rapprochant beaucoup du violon (les
quatre coins et les ff). Elle se Irouve sur la planche
XX de Pr.rtorii's (milieu du xvr siècle) sous le n" 5
et, détail curieux, elle est désignée ainsi: Italienische
lyra de bracio.
La reproduclion d'un insirument de transition
dans le portrait de Dl'iffoprugcar par Woeiriot, et
celle que nous venons d'indiquei-, sont des documents
qui confirment l'idée ralionnelle que l'on peut se
faire de la naissance du violon.
Avant d« passer aux luthiers étrangers à l'Italie, il
est nécessaire d'élalilir que leurs œuvres ne peuvent
pas être comparées au.x instruments de l'époque
italienne classique. A dater de la mort de J.-B.
GuADAG^'I^^I, en 1786, l'Italie elle-même a perdu le
privilège de produire des instruments à archet qui
se caractérisent par une qualité de son spéciale,
dénommée le son italien.
Certes, il existe beaucoup d'instruments à cordes
fabriqués en dehors de l'Italie, autrefois comme de
nos jours, qui ne sont pas dépourvus de mérites, et
qui rendent de très grand services à l'art musical.
C'est sous ce rapport qu'il est bon de les connaître.
Il en est même qui ont acquis une 1res grande va-
leur commerciale; mais cela ne suflit pas pour les
mettre sur le même rang que les anciens instruments
italiens.
Les appréciations que nous aurons à émettre au
sujet de la lutherie dont nous venons de parler ne
pourront en aucun point servir de base pour établir
des conipariiisons avec l'ancienne lutheiie italienne.
Notre aperçu sur les principaux lut'jiers de chaque
nation s'arrêtera aux contemporains, comme cela a
été fait pour l'Ilalie.
France.
Les luthiers français, qui s'étaient déjà signalés
par leur habileté et leur goût dans la construction
des violes, furent parmi les premiers qui firent des
violons, altos et violoncelles. 11 y a peu à dire sur
les luthiers du xvii' siècle. Leurs instruments sont
mal connus, el sur le peu qui en reste, l'authenticité
est difficile à établir.
Le xviu'' siècle a vu une grande production d'ins-
truments, en général bien faits, copiés pour la plus
grande partie sur des Am\t[, dont ils rappellent l'es-
prit aussi bien que les formes, et parfois l'élégance.
Plus tard, Stradivarius servit de niodéle.
En di'hors de la lutherie artistique, la France a vu
naître et prospérer la production en gros à Mirecouit,
qui est demeurée un centre important de fabrication.
Lille. — De La.nnoy (.\.-J.) (xviii" siècle). — Bon tra-
vail.
Delepla.xole (Gérard) (seconde moitié du xviii" siè-
cle). ^ Modèle un peu fruste el sans élégance, mais
bonnes fournitures et joli vernis jaune-rougeàtre.
Lyon. — Meriotte (Charles) (xvin' siècle). — Bons
instruments, bien coupés. Vernis rouge foncé.
SiLVESTRK (Pierre) (Mirecourl, Paris, Lyon) (*180I
à Sommerviller, f 1859 à Lyon). — Après avoir tra-
vaillé avec François Lipot et Cano h Paris, il s'éta-
blit à Lyon avec son frère Hippolyte en 1829, asso-
ciation qui dura jusqu'en 1848. Lutherie 1res estimée.
.Modèle Stradivarits.
Sii.vESTRE (Hippolyte) (Paris el Lyon) (* en 18o8 à
Saint-.\icolas-du-Port, fen (879 à Sommervillers).
— Après avoir travaillé chez Vuillal'me à Paris, s'as-
socia avec le précédent. Instruments très estimés.
Mirecourt. — Chanot (("rançois) (*en 1788 à Mire-
court, feu 1828 à RocheforI). — Ingénieur qui fit
de nombreuses recherches sur la construction du
violon. Il construisit des instrumenis sans coins,
ayant la forme de guitare. Cette invention n'est qu'une
réédition du passé. Le musée du Conservatoire de
Bruxelles possède plusieurs instruments italiens du
xvii= siècle provenant de la collection Pielro Correr
de Venise et qui ont cette forme de guitare. Nous
avons cité un alto de Pierre Gl'arnebius ainsi cons-
truit.
Derazey (Honoré) (xix<: siècle). — Grande produc-
tion commerciale dans laquelle se distinguent par-
fois certains instruments très soignés et intéressants.
Nicolas Didier, dit le Sourd (*17o7, flBSS). —
Style Stradivarius, mais grosse et lourde lutherie.
Nancy. — Méd^bd. — Une famille Médard repré-
sente à elle seule toute la lutherie de la région de
.Nancy au xvii" siècle. Elle sombra, en 1636, dans un
procès de fausse monnaie.
Il y eut au cours du xvii" siècle plusieuis v loniers,
violoniers ou violons du nom de Henri, Nicolas, Claude
et François Leur lutherie est peu connue el les spé-
cimens qui en restent sont assez rares. On dit qu'ils
travaillèrent dans le style df s premiers Amati.
L'un d'eux, François, pas-^e pour avoir été chargé
de confectionner des violons pour la chapelle de
Louis XIV. Le musée instrumental du Conservatoire
de Bruxelles possède de lui un alto couvert d'orne-
ments peints et dorés.
Paris. — Aldbic il 790-1844). — Un des meilleurs
luthiers français. Bonne main-d'œuvre, fournitures
de qualité; beau vernis rouge un peu épais.
Bassot (Joseph) (I76'M810). — Lutherie très irrégu-
liére. On rencontre néanmoins de jolis instruments.
Vernis rouge assez plaisant.
Ber.nardel (Augiiste-Sébastien-Philippe (*1802 à
Mirecourt, 1820 à Paris). — Travailla chez LcpoT et
chez Gand, puis s'établit en 1826. Lutherie esiimée,
pnriiculièrement les violoncelles.
BoiviN (Claude) (environ 1730-1750). — Bons ins-
truments. Vernis jaune ou rose. Volutes bien sculp-
tées.
BocQLiAY (Jacques). — Né à Lyon, travailla à Paris
de 170.'j à 173;; environ.
Kxcellente main-d'o?uvre. Petit patron. .Style Amati.
ff bien découpés. Vernis brun ou rouge brun foncé.
Sonorité agréable.
Castag.nehi (André) (première inoité du xviu" siè-
cle). — D'origine italienne, ce luthier a travaillé sur
le modèle de Stradivarius, //longs et ouverts. Ver-
nis généralement brun.
Chanot (Georges) (* Mirecourt, ■[ 1883 à Courcelles.
— Frère de François Chanot, de Mirecourt. Après
avoir construit des violons sur les données de ce
dernier, il travailla sur le modèle de Stradivarius.
Bonne lutherie, sonorité très en dehors.
1732
ENCYCLOPÈniE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Chappuy (Mcolas-Auguslia) (seconde moitié du
XVIII» siècle). — A travaillé à Mirecourt et à Paris.
Grand patron ; vernis jaune et brun.
Fent (François) (seconde moilié du xviii» siècle).
— Excellente lullierie; bonne sonorité; vernis rouge
qui a noirci par le temps; modèle de Stradivarius
très artislement coupé.
Gakd (Charles-François) (1787-1845). — Elève de
LupoT, il imita son maître et ses instruments sont
estimés.
Gand (Guillaume) (1792-1858). — Frère du précé-
dent, même lutherie.
Gaviniès (François) (Bordeaux-Paris, seconde moi-
tié du xviii' siècle). — Lutherie un peu lourde et
sonorité nasillarde pour les violons, par suite du
manque d'épaisseur des fonds. Les violoncelles sont
meilleurs. Vernis lirun.
GossELiN (1814-1830). — Amateur très distinfiué,
dont la liilherie égale celles des meilleurs profes-
sionnels. Beau vernis rouge.
GuERSAN (Louis) (xvin" siècle). — Jolis instruments;
petit patron; vernis jaune ou rougeâlre.
Jacquot (Charles) (M808 à Mirecourt, f à Paris en
1880). — Bonne lutherie courante.
Lagetto (Louis) (milieu du xviii» siècle). — Bonne
lutherie, modèle Amati.
Le PiLEUR (Pierre-François) (xv!!!' siècle). — Bonne
main-d'œuvre, mais fournitures de qualité inférieure.
Vernis brun.
LupoT (François) (Lunéville, Stutlgard, Orléans et
Paris) (1736-1804). — Modèle Stradivarius. Bons
instruments.
LupoT (Nicolas) (Orléans et Paris) ('Stutlgard en
17d8, f Paris I824|. — Fils du précédent. Le meilleur
elle plus renommé de tous les lulliieis français de
son temps. Surnommé le Slradivarius Français.
Il employa toute son habileté à copier Stradiva-
rius, et ses instruments ont la même vogue que ceux
de Pressenda. Sa lutherie, généralement plus mas-
sive que celle de son modèle, ne laisse rien à désinr.
La main-d'œuvre est excellente, et la sonorité de
bonne qualité, très en dehors et cependant assez
ronde. Vernis rouge brun.
FiG. S19.
ec, coins, filots el ff d'un violon de ^■icolas LcroT.
Pierrav (Claude) (première moilié du xviii«siècle).
— A copié Nicolo Amati avec succès. Jolis instru-
ments, revêtus d'un vernis rouge clair séduisant, et
possédant une sonorité sinon puissante, du moins
agréable.
Pique (François-Louis) (17S8-1822). — Lutherie
déjà très estimée de sou temps, égale à celle de
LupOT, mais n'ayant pas atteint la même notoriété.
El cependant il est certain que Lupot a travaillé pour
lui el lui a même fourni de son vernis. Il a peut-être
aussi, en retour, travaillé pour Llpot dans des mo-
ments de presse, ce qui expliquerait certaines varia-
lions dans la lutherie de l'un el de l'autre de ces^
deux remarquables luthiers.
PiROT (Claude) (1800-1833). — Bonne sonorité.
Instruments voûtés. Vernis brun.
lUsiBAUx (Claude-Victor) (1806-1871). — Bonne
lutherie courante.
Salomon (Jean-Baptiste) (milieu du xviii» siècle). —
Ses violoncelles sont renommés. Lutbeiie fruste.
TuiBOt^T (Jacques-Pierre) (1777-1836). — Un des
meilleurs luthiers français. Beau vernis rouge sur
fond doré.
VuiLLAUME (Jean-Baptiste) (* 1798 Mirecourt, f 1875
Paris). — Un des plus réputés luthiers français. Il
travailla chez Chanot, s'associa avec Lété, puis s'éta-
blit finalement pour son compte en 1828. Se lit con-
naître par des copies d'anciens instruments bien
réussies.
Très habile] ouvrier et chercheur, son œuvre est
considérable : 2 909 violons porleni sou étiquette. Il
inventa Voclohaase, instrument haut de 4 mètres et
monté do trois cordes vl, sol, ut. Il a quatre notes-
au grave de plus que la contrebasse ordinaire. Les
dimensions de cet instrument onl exigé l'invention
d'un mécanisme spécial : au moyen de leviers, des
doigts d'acier virnncnt se placer sur les cordes à la
façon d'une baire, eu sorle que l'exécutant, dans
chaque position du doigt d'arier, a toujours à sa
portée trois degrés, dont le deuxième est la quinte
et le troisième l'octave de l'autre. L'appareil des
leviers est fixé au côté droit de l'instrument, et l'on
agit sur les bascules à l'aide d'un pédalier.
11 existe deux octobasses, l'une au Musée du Con-
servatoire de Paris, l'autie en Unssie.
VuiLLAUME lit fabriquer des archets en acier creux,
qui ne donnèrent pas de bons résultats. Il inventa
aussi un alto avec éclisses élevées qui n'eut pas de
succès.
La lutherie de Vuill\ume a été trop vantée autre-
fois et est trop discréditée de nos jours. Il faut savoir
choisir. Les instruments sortis des mains de cet
habile ouvrier sont bons, surtout ceux du début de
sa carrière. Les autres représentent la moyenne de
ce que l'industrie produisait de son temps.
Strasbourg. — Schwartz (Bernai'di ('1744 à Kô-
nigsberg en Prusse, f 1822 à Strasbourgl.
ScHWAiiTz (Georges-Frédéric) _(i783-1849|. — Fils
du précédent.
Scuwartz (Théopliile-Guillaunie) (1787-1861). —
Frère du précédent.
La famille Schwartz, de Strasbourg, a produit des
œuvres ti-ès ho:ioral)les et appréciées. Les violon-
celles sont particulièrement en faveur.
Allemagne.
De très boiuie heure, l'Allemagne avait vu tleurir
l'art de la lutherie entre les mains de ses célèbres
faiseurs de luths et de violes. Klle ne fut cependant
pas une des preuiièi'es à adopter les instruments du
quatuor moderne. Ce fut seulement sous l'inifuilsion
et le prestige de Jacob SrAiNEn,dont l'inlluence se fit
sentir un peu pailout, que les lulbiei's allemands se
mirent à construire violo:is, altos et violoncelles.
TECIIXIQUE, ESTIIÈTIQVE ET PÈDACnGJB
DES INSTRUMENTS A ARCHET 17Î3
C'est par le Tyrol, dont la situation ppof»raphique
était (ont naturellement marquée, que l'infiltration
se fit.
Il esljusle de signaler que le type Sïaineb, avec
ses voAtes élevées et tombant Ijrusqiienient vers les
bords, les /■/" courts et très arioiidis, ne resta pas le
seul adopté.
A côté de luthiers qui le suivirent exclusivement,
il en est d'autres qui choisirent comme modèle celui
des Amati et plus tard de Stradivarils. D'autres
encore, comme les maîtres de Prague, ne se con-
tentèrent pas de copier les Italiens; ils cherchèrent,
en modifiant tel ou tel type, à en créer un qui leur
fiil propre.
Absam. — Stainf.r (Jacob) (1621-1683). — Le plus
grand maître-luthier d'Allemagne. — 11 passe pour
avoir été l'élève de Nicolo Amati, et la chose ne
parait pas impossible, car, malgré les grandes diver-
gences qui existent entre la lutherie de Stainf.r et
celle de l'école italienne, on trouve certains détails
chez Stainer qui rappellent Nicolo Amati. — Chose
curieuse, malgré la renommée universelle dont ont
joui les violons de Jacob Staider. on n'en trouve que
très peu d'une authenticité indéniable. Aussi, beau-
coup de jugements ont été porté> sur cette lutherie
d'après des violons tyroliens portant une étiquette
apocryphe du maître d'Absam.
Stainer a fait des violons de deux patrons, l'un
grand, et l'autre petit. La main-d'œuvre est égale,
sinon supérieure à la moyenne de ce que l'Italie a
produit. Le vernis jaune d'or est aussi chatoyant,
aussi distingué que celui de Nicolo Amati.
Malhi'ureusement, le parti pris de structure a pour
conséqueuce une sonorité qui est loin d'être aussi
complètement belle que celle obtenue par l'architec-
ture italienne. Les artistes et les amateurs avaient
déjà porté ce jugement (devenu définilif), tout au
début du xix= siècle.
Violon (1650)
Violon (1070)
Allô
Longueur
lareeur
du haut.
Ui'Kdir
du bas.
Éclisses
supérieur.
—
—
— .
—
mm.
mm.
mm.
mm.
354
102
200
30 1/2
35(3
166
222
29
i05
198
241
46
ÉclissM
infér.
mm.
31
30
47
Berlin. — Bachmann (Carl-Ludwig) (xviii' siècle).
— Violoniste de la cour et luthier habile. Ses instru-
ments de modèle italien sont estimés.
Bozen. — Albani (Mathias). — Oa cite deux AlbaNI
du m^me prénom. L'un aurait vécu de 1621 à 1673,
et l'autre de 1650 à 1710. 11 est probable qu'il est
question d'un seul et même luthier de ce nom.
Il travailla à Bozen et à Rome,oCi il alla vers 1660.
Ses instruments faits à Bozen ont le type tyrolien,
voûtes élevées, ff très ouverts. Souvent une tête
sculptée à la place de la volute. Belles fournitures,
vernis orange ou rouge brun. A Mome, Albani tra-
vailla plutôt dans le style italien. Ses instruments
sont recherchés.
MATTHIAS ALBANUS fceit
Bulfani inXyroliKçi'.
FiG. 850.
, filels, /■/'et étiquette d'nn violon de Jacobus Stai.ner.
FiG. 851.
ce, coins, filets, //'et étiquette d'un violon de Mathias ALB.^^■I.
Dresde. — Jaugh (Johan) (1733-1730). — Bons
violons imités des Gi'émonais. Les fournitures sont
belles et les épaisseurs bien étudiées.
Eisenach. — Hasert (Joli. -Christian) (xviii^ siè-
cle). — Bonnes copies dans le style italien.
Fiissen. — iNiggel (Sirapiternus) (xviii" sièclel. —
(.eTTre Stainer, mais moins voûté. Vernis générale-
ment brun.
Innsbruck. — Schorn (Joh.-Paul) (1680-1716). —
lustiumenls voûtés rappelant Albani. Beau vernis.
léna. — Otto (Jacob-August) (1760-18-29). —
LûTïïeiie estimée. A écrit sur le violon.
Langenfeld. — Scheinlein (Johann-Micbael) (xviii»
1724
ENCYCLOPÉDIE DE LA MVHIQCE ET D/CT/OX^'A/HE DU COysiiHVATOIRE
siècle). — Bon Iravail style Staineb; voûtes moins .
élevées.
Leipzig. — Fritzsche (Samuel) (vers 1800). —
Excelli-nt luthier et habile réparateur.
HuisGER (Christoph-Friedrich) (1718-1787;. — Un
des meilleurs luthiers allemands de son temps. Vio-
lons et violoncelles sur des modèles italiens.
Mayence. — Diehl (Johann) (1808-1843). — A tra-
vaillé d'après Stbadivariis. — Vernis jaune d'or.
Bonne main-d'œuvre. — Estimé dans les provinces
rhénanes.
Mittenwald. — Hounsteiner. — Sousce nom, toute
une famille a pratiqué la lutherie au xvni= et au
SIX" siècle. Mathias IIornsteineh (1760 à 1800) passe
pour le meilleur lulhicr de la famille.
Klotz. — Il en est de môme pour la famille Klot,',
dont les insiruments sont assez recherchés. Mathias
Klotz (1656-17431, le premier de la d\nastie, a tra-
vaillé d'après Stai.n'er.
Son lils Sébastien lit des instruments sur le même
t.vpe, mais avec des vofites moins élevées, tandis que
d'autres, comme Egidius, travaillèrent d'après les
Amati.
Munich. — Kolditz (Mathias) (milieu du sviii'' siè-
cle). — Bonne lutherie. Vofites peu élevées.
Nurenberg.— Malssiel (Leonhardi (1708-17o"). —
Bon imitateur de Stai.ner. Souvent une tète sculptée
à la place de la volute.
WiDHALM (Léopokl) (1760-1788). — Un des meil-
leurs lulhiers allemands, de l'école de Stainer. Belles
fournitures; vernis rouge-brun. Bonne sonorité, très
en dehors.
Prague. — Eberlk (Joh. -Ulrich) (milieu du
xviir siècle). — A travaillé d'après les Italiens et
aussi d'après Stai.ner. Fournitures remarquables,
bonne main-d'œuvre. Sonorité plutôt faible. A cons-
truit de jolies violes d'amour.
EoLiiNGER (loseph-Joachim) (1693-1748). — A tra-
vaillé dans diilérentes villes de lllalie. — Style italien,
voûtes basses. Bons instruments.
HELL.MER (Joh.-Georg) (1687-1770). — Beai:x iiislru-
menls, sonnant bien.
Hëlmer (Carl-Joseph) (fin du iviii'' siècle, commen-
cement du xix= siècle). — Elève de Eberle. Bon tra-
vail, vernis brun. Sonorité un peu sourde.
Strnad Caspeb H7.')2-1823). — T.\pe Stradivarius,
voûtes basses, ff un peu courts. Joli vernis brun ou
rouge.
Vienne. — Stadlmann (Daniel-Achatius) (1680-
1744). — LU des njoilleuis luthieis viennois. Beau
Iravail, tenant le milieu entre Stai.ner et N. Amati.
Vernis brun.
Stadlmann (Johann-Joseph). — Fils du précédent.
Bon lulhier. Instruments d'après Stainer. Voûtes
très élevées. Néanmoins bonne sonorité. Vernis brun
ou rouge-brun.
Aiiglelerre.
Les luthiers anglais du xvii" siècle se 'laissèrent
aussi influencer par Stainer, sauf quelques-uns qui
tiavaillerent dans le style de Brescia. Au cours du
•'iviir siècle, le modèle allemand fut délaissé et on
s orienta d'une façon générale du côté de Crémone.
II y eut à cette époque en Angleterre des luthiers
fort habiles, détenteurs d'excellents vernis, si bien
que beaucoup de leurs instruments démaïqués ont
passé et passent encore aujouid'hui pour des italiens
aullientiques.
Par suite de l'importation considérable que fit ce
pays d'instruments étrangers, il posséda beaucoup
moins de luthiers que son importance ne l'aurait
exigé. A remarquer, toutefois, que l'Angleterre fut le
pays où les produits nationaux se payèrent le plus
cher. Vers le milieu du xix" siècle, l'Angleterre de-
vint le plus grand marché d'instruments anciens.
Brampton. — Forster (^Villiam) [I] (1713-1801). —
Copies de Stainer et d'AiJATi.
Edimbourg. — Hardie (Matthew) (17135-1820). —
Bon Iravail dans le style Amati.
Hardie (Thomas) (1804-l8o6). — Fils du précédent.
Même lutherie.
Londres. — Betts (John) (I73a-1823). — Elève de
Duke. Bonnes copies d'anciens maîtres italiens (avec
l'aide de ses ouvriers Pa.normo et Fe.ndt). Filets larges,
/■/■ ouverts.
Ciioss (.\athaniel) (1700-17o0). — Imitations de
Stainer. Vernis jaune. Bonne main-d'œuvre.
DoDD (Thomas) (1786-1819). — Excellent copiste
des maitres italiens. — A eu comme ouvriers Bern.
Fe.n'dt et John Lott. Vernis remai'quable.
Duke (liichard) (1750-1780). — Imitateur habile
de Stradivarius et de Mcolo Amati. — 11 fit aussi
des violons dans le style Stai.ner.
Fkndt (Bernhard) (1756-1832). —Lutherie esti-
mée.
Fendt (Bernhard-Simon) (1800-1851). — Fils du
précédent. Bons instruments, copies de Guarnerius.
A fait des violoncelles dans le style de Maggini.
Forster (William) [11] (1789-1807). — Imitations
de Stainer et d'A.MATi. Beaux instruments estimés.
Forster (William) [111] (1764-1824). — Fils du
précédent. Même lutherie.
GiLKKs (Samuel) (I7S7-1827). — Elève de Ch. Har-
Ris. Copies de N. Amati. Vernis jaune brun. Instru-
ments très estimés.
Marris (Charles) (fin du xviii" siècle, commence-
ment du xix" siècle). — Un des meilleurs luthiers
anglais. Copies de N. Amati et de Stradivarius. Ver-
nis d'un beau rouge. Les violoncelles sont particu-
lièrement recherchés.
HiLL (Joseph) (xviii» siècle). — Elève de P. Wams-
LEY. Ses altos et ses violoncelles sont recherchés.
HiLL (William) (1741-1790). — Fils du précédent.
Bonne lutherie.
Lorr (John-Frédéric) (177o-18o3). — A travaillé
pour UoDD. — Ses violoncelles et ses altos sont re-
cherchés.
NoHMAN (Barak) (1688-1740). — Excellent ouvrier
de l'ancienne école. A travaillé d'après le type de
Brescia. Son vernis est foncé. Les altos et les violon-
celles sont particulièrement estimés.
Pami'Hilon (Edward) (xvii" siècle). Instrument sans
valeur parliculiiire. Petitpatron; voûtes élevées; dou-
bles filets; vernis jaune.
Panormo (Joseph) (1773-1820). — Panormo (Georges)
(1774-18421. — Tous deux fils de Vincen/.o Panormo.
Excellents instruments bien construits', modèle
Stradivarius.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 17:5
Parker (Daniel) (17)4-17«5). — Beaux violons
d'après Stainer. Bonne inaiii-d'œiivre; belles fourni-
lures; vernis rouge tendre.
Raysia.n (Jacob) (vers 1620). — On prétend que c'est
lui qui fit le pieinier des violons en Au^ileterre. Slyle
allemand, mais avec des voùles relativement moins
élevées; //courts; beau vernis brun; bonne sonorité.
Taylor (1770-1820). — Elève de Panohmo. Instru-
ments estimés.
Tobin (Bicbard) (1790-1836). — Ses imitations de
Stradivarius et de Guarnerius sont très estimées en
Angleterre.
Urquhart (Thomas) (xvii' siècle). — Petit patron ;
voiites élevées, vernis brun; belle sonorité.
Wamslky (Peler) (1727-1751). — Un maître très
estimé eu Angleterre. Imitateur de Stain'er.
Salisbury. — Bancks (Benjamin) (1727-170")).— Un
des meilleurs luthiers de l'Angleterre, si ce n'est le
plus grand. Style .Nicolo AiiATi, beau vernis rou-
geàtre, avec tendance ans craquelures. Les violon-
celles sont pai ticulièrement recherchés.
Banks (James el Heni'y) (xviii' siècle). — Fils du
précédent. Bonne lutherie.
Belgique et Hollande»
Les luthiers de Belgique el de Hollande nous ont
laissé des instruments estimables, mais ne dépassant
pas une certaine moyenne. Suivant les régions, ils
ont été influencés par l'école allemande ou l'école
italienne.
Amsterdam. — Bourmeester (Jan) et Bouhmeester
(Sébastien) (xyiii^ siècle.) — Ces deu.K luthiers ont
construit de bons instruments, grand patron, vernis
jaune.
Jacobs (Hendrik) (vers 1700). — Très beau travail
d'après Nicolo Amati. Généralement grand patron.
Filels en baleine comme chez presque tous les luthiers
des Pays-Bas.
Jacobs (Peeter) (première moitié du xviii" siècle). —
Probablement un flis du précédent. Beau vernis
rouge foncé.
Lefubvre (J.-B.) (1720-1740). — Bonne lutherie,lslyle
Amati.
RoMBOuTs (Pieter) (première moitié du xviii« siè-
cle). — Instruments très voi'ltés. Bonne sonorité.
Wi;vuAN.\ (Cornélius) (xvin" siècle). — Luthier es-
timé.
Anvers. — Van der Slagh Meulen (J.-B.) (xvii» siè-
cle). — Instruments d'après l'école de Brcscia. Vernis
brun.
Bruxelles. — Delanoy. Famille de luthiers dont
quelques œuvres sont estimées.
Snoece (Egidius) (première moitié du xviii» siècle).
— Travail moyen dans le style d'AMATi.
La Haye. — Cl'ypers (Jan) (1707-1720). — Un des
meilleurs maîtres hollandais. Vernis jaune.
Tournay. — Comble (Amboise de) (1720-1760). — Ce
luthier passe pour avoir travaillé chez Stradivarilis.
A fait des instruments d'après la dernière période
de Stradivarius, solidement construits, et d'un aspect
un peu massif. — Vernis d'un beau rouge et rouge
brun, ayant de l'analogie av.>o le vernis italien.
Filets étroits. Lutherie très estimée.
Espagne et Portugal.
La facture des instruments à archet en Espa^rne
et au Portugal a subi directem;nt l'inauence îta-
lienne. — La production n'est pas grande, mais .die
est d'une qualité très honorable.
Barcelone. — Boi-kill (S.) (xviii= siècle). — Instru-
ments sur le type Guarnerius. Vernis rouge foncé.
UucLos (.Nicolas) (xviiie siècle). — Jollsinstruments,
slyle italien.
GiiiLLAMi (Joannes) (xvin= siècle). — Bonnes copies
de Strauivariis.
Lisbonne.— Gabra.m (Joachim-Joseph) (I769-182S).
— Bonne main-d'œuvre. Vernis jaune.
Madrid. — Co.vtreras [I] (José) (xvme siècle). —
Copies de maîtres italiens, particulièrement Guar-
nerius (Joseph). Voûtes prononcées. Vernis rou"e
foncé translucide.
Contreras [II] (fin du xviii» siècle et commence-
ment du XIX» siècle). — Elevé du précédent, qu'il n'a
pas égalé.
LA CONSTRUCTION
C'est au moyen d'un outillage très simple, et à
l'aide de procédés pour ainsi dire primitifs, que les
luthiers de l'époque classique ont réalisé leurs chefs-
d'œuvre. De nosjours, on a introduit dans la facture
des instruments à archet quelques changements
lesquels ne peuvent être considérés comme perfec-
tionnements qu'au point de vue de la rapidité dans
la fabrication, ou de la facilité dans l'ajustement des
différentes pièces qui constituent un instrument. La
lutherie industrielle en a profité, mais, dans la luthe-
rie artistique, on travaille aujourd'hui exactement
de la même manière que du temps de Maggini,
d'AiiATi et de Stradivarius.
L'exposé qui va suivre n'est pas un traité de luthe-
rie. 11 a pour but de suivre toutes les phases de la
facture des instruments à archet et de les détailler
le plus clairement possible.
Deseriptloii du violon, de l'alto, du «iolonccelle
et de la contrebasse.
Violon. — La table du dessus de la caisse sonore
appelée lahle d'Iiannonie, est une planchette de sapin
découpée suivant le moiléle adopté. Epaisse de trois
à quatre millimètres et voiUée suivant la sonorité
que l'on veut olitenir, elle est percée de deu.x ouver-
tures nommées ff et placées symétriquement, ayant
pour but principal de mettre l'intérieur de la caisse
en rapport avec l'air extérieur.
Le dessous, appelé fond, est en bois d'érable. Il
est voûté, mais la forme de sa voûte n'est pas sem-
blable à celle de la table. Il n'est pas percé d'ouver-
tures. Son épaisseur au centre est de quatre milli-
mètres et demi; elle décroit jusqu'aux bords où elle
n'a plus que deux millimètres et demi, tandis aue
l'épaisseur de la table d'haimonie décroit dans une
proportion bien moindre.
172r,
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICIIONN.MRE DU CONSERVATOIRE
FiG. S52. — Violon
(Sradivabids).
La table el le loiid sonl réunis par une ceinture
formée de bandeleltes en bois d'érable de un milli-
mètre fort d'épaisseur, nommées éclisses.
A l'intérieur, et à l'extrémilé du haut et du bas,
se trouvent des petits blocs de
bois de sapin appelés tasseaux,
qui servent à fixer le pied du
manche et l'attache du cordier.
Ces tasseaux sont collés aux
éclisses el à la table du fond
comme à la table d'harmonie.
Outre ces deux tasseaux, il en
existe encore quatre qui se trou-
vent fixés de la même manière
aux éclisses et aux deux tables.
Us se trouvent placés aux qua-
tre encoignures qui limitent les
échancrures du milieu. Us ont
pour but de donner à l'ensemble
toute la solidité nécessaire, et
ils servent en même temps à as-
sembler les éclisses formées de
fragments se faisant suite.
Les éclisses sont renforcées
inléiiHurement par de petites
bandelettes de bois, étroites et
courbées pour suivre le contour
de la table et du fond. On les
appelle des conti'ecclisses. Elles
«ont généralement en sapin, comme les coins. On les
fait aussi en bois de saule, ainsi que ces derniers.
Dans le but de consolider la table, de lui permettre
de résister à la pression des cordes et d'établir une
tension favorable au développement de la sonorité,
on fixe à l'intérieur une petite verge de sapin passant
sous le pied gauche du chevalet, et placée parallèle-
ment à l'axe dans le sens de la longueur. Klle a les
trois quarts de la longueur intérieure de la caisse, et
s'arrête à distance égale des deux bouts. On l'appelle
la barre. Son épaisseur est au milieu de 0 m. OOo.
Sa hauteur, de 0 m. 011 également prise au milieu,
va en décroissant de manière à se terminer à 0 aux
deux extrémités.
Une petite baguette de sapin de six millimètTes
environ de diamètre, dont les deux extrémités sont
taillées de façon à s'appliquer exactement sur la
surface intérieure de la table et du fond, est placée
-entre elles perpendiculairement, en forranl légère-
ment. Sa place est à une très petite distance en
arrière du pied droit du chevalet. On l'appelle dme, à
cause de l'importance considérable qu'elle a sur la
sonorité.
I^e manche est fixé à l'extrémité du tasseau supé-
rieur. Au bout du manche se trouve le cheviller,
creusé pour recevoir les chevilles et les cordes. Le
cheviller est terminé par une volute.
Contre le manche et en dessus, se trouve la louche,
en bois d'ébène, sur laquelle viennent se poser les
doigts du joueur.
A l'endroit où le manche finit et où le cheviller
commence, se trouve une petite proéminence sur
la touche, appelée sillet. Elle a pour but de mainte-
nir les cordes à une distance déterminée au-dessus
de la touche.
L'éclisse du bas est percée en son milieu, ainsi
que le tasseau qui y adhère, pour recevoir un boulon.
A ce dernier est attaché le cordier, en bois d'ébèrre,
lequel reçoit les cordes. Ces dernières vont s'enrouler
autour des chevilles qui les tendent, mais en posant
sur le chevalet. C'est par ce dernier, petite plaque
d'érable finement découpée, que se produit la pres-
sion des quatre cordes sur la table. Le chevalet a
deux pieds, qui doivent reposer de part et d'autre
de l'axe, à égale distance et sur la ligne des petites
échancrures on crans marqués sur les //'. 11 pose de
champ.
La table et le fond sont d'une ou de deux pièces.
Elles sonl creusées à la ijouge. Les éclisses et contre-
éc lisses sont courbées au feu.
■fout autour de la table et du fond est incrusié, à
une petite distance des bords, un filet composé d'une
partie en bois naturel entre deux parties de bois
noir.
Tout l'instrument, sauf le manche, est recouvert à
l'extérieur d'un vernis dont la composition contribue
à sa qualité aussi bien qu'à sa beauté.
Les dimensions des instruments h archet ne sont
variables que dans une faible mesure, particulière-
ment pour le violon.
Ces dilférences, combinées avec le dessin des con-
tours et le parti pris des voûtes, constituent les
ditlèrents patrons.
D'une façon générale, le violon a de trente-cinq à
trente-six centimètres de longueur, mesurés à l'ex-
térieur et du haut en bas de la table ou du fond.
La plus grande largeur du haut est de dix-sept cen-
timètres, celle du milieu de onze centimètres, celle
du bas de vingt et un centimètres. La plus grande
épaisseur prise d'extérieur à extérieur des tables est
d'un peu plus de six centimètres. La hauteur des
pelisses dépend de l'élévation des voûtes. Elle est en
rnoyeime de trente-deux millimètres en bas et de
trente millimètres en haut.
Alto. — L'alto, dans le format adopté par la majo-
rité des artistes, a dans ses
dimensions un septième de
plus que le violon.
On a cependant, de tout
ti'mps, construit desallos plus
petits et plus grands. Les plus
petits ne sont pas estimés,
n'étant que de grands vio-
lorrs, faciles à joirer pour de
petites mains, ruais man-
quant de la sonorité et du
tinrbre recherchés dans l'alto.
Les phrs grands sonl recher'-
chés par' les altistes dont la
confoi'mation physique se
prête à leur maniemerrt.
Dans de tels instruments, on
trouve parfois des qualités
sonores tout à fait remarqua-
bles.
ITioloncelle. — Les tabler
du violoncelle ont dans leurs
dimensions au moins le dou-
ble de celles du violon. On
en a construit de petits et de
grands. Aujourd'hui, on ad-
met comme longueur la plus
favorable soixante-seize ceiilimèlr'es. Les éclisses ont,
en bas, de onze à douze centimètres. Celte hauteur va
en diminuant vers le haut, où elle a perdu environ
cirrq millimètres. Comme dans les altos, les propor-
tions varient serrsiblement.
FiG. 853. — Alto
(Shaiiivaridsj.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQIE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 1727
FiG. 8J4. — Violoncelle (SRAoïvARins).
Contrebasse. — La contrebasse a un peu moins
du double de longueur que le violoncelle. Ses pro-
portions et dimensions sont variables. 11 est à
remarquer que c'est le seul instrument qui ait gardé
la fot me des violes dans le baut. Les épaules formées
par les éclisses et les labiés, au lieu de tomber
carrément sur le bas du manche, le rejoignent par
deux courbes allongées dont le profil ressemble à
celui du haut d'une bouteille. De plus, on construit
beaucoup de contrebasses avec le dos plat. L'extré-
mité du dos se rabat en sifflet vers le talon. Autre-
fois, on a construit aussi des altos à dos plat.
L'accord. — L'accord du violon est, en montant :
sol, ré, la, mi; le la coriespondant au diapason nor-
mal. L'allo s'accorde une quinte plus bas, le violon-
celle une octave au-dessous de l'alto.
Ces instruments s'accordent, comme on le voit,
par quintes. Il n'en est pas de même de la contre-
basse. La contrebasse à quatre cordes est accordée
par succession de quartes, soit sol, ré, la, mi en des-
cendant. C'est l'inverse du violon. Le sol aigu corres-
pond au sol grave du violoncelle.
Dans la contrebasse à trois cordes, l'accord est
variable : sol, ré, sol, ou la, ré, sol. L'accord du
célèbre contrebassiste Bottesini était la, ré, la.
La corde grave du violon et les deux cordes graves
de l'alto, du violoncelle et de la contrebasse à quatre
cordes sont recouvertes d'un fil métallique.
Telle est la description sommaire d'instruments
FiG. 855. — Contrebasse h Irois cordes.
FiG. 856. — Violon vu en dessous Fig. 857. — Violon tranché par
et dont on aurait enlevé le fond, le milieu dans le sens de la
On distingue la barre, lestas- longueur. Ou distingue le pro-
seaui, les coins et la place de fil de la barre,
l'àine.
1728
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSEliVATOIHE
qui, après des siècles de làlonnements et de perfec-
tionnements successifs, représentent ce que l'on
peut consiiléier comme le dernier échelon veis
l'idéal, qu'il soit possible d'atteindre.
Avant d'entrer dans les détails de la construction
des instruments à archet, signalons, pour mémoire,
deux tentatives faites presque en même temps, dans
le but, sinon de perfectionner ce qui existait, du
moinsd'alteindre les mêmes résultats par des formes
différentes.
En 1817, M. Ghanot, officier et ingénieur de la
marine , tenta de
faire adopter un nou-
veau modèle de vio-
lon. La principale
caractéristique de cet
instrument était la
suppression des coins
et la forme de gui-
tare qui en résultait.
C'était un retour en
arrière, de sembla-
bles instruments
ayant déjà été cons-
truits dans toutes les
grandeurs aux xvi,»
et xviii^ siècles,
(viules de la collec-
tion Pietro Correr,
an musée instrumen-
tal du Conservatoire
de Bruxelles; alto de
Pierre (ùiarnërics).
En 1819, M. Félix
S.WART, le savant
acousticien, profes-
seur au Collège de
France et meralne
de l'Institut, lança à
son tour un nouveau
violon. Le contour de
cet instrument af-
fecte la forme d'un
trapèze; la surface
des deux tables est parfaitement plate à l'intéiienr
et légèrement convexe à l'extérieur. Les ouvertures
de la table alfectent la forme rectiligne. Les trous
ronds du haut et du bas de ces ouvertures sont sup-
primés.
Ces deux instruments, qui n'ont eu qu'une appa-
rition éphémère, sont tombés dans un jnsie oubli.
LfS inatérianx.
La colle. — Dans un assemblage, où tous les maté-
riaux doivent être réunis les uns aux autres avec
solidité et précision, uniquement au moyen de la
colle, la qualité de cette dernière joue un rôle im-
portant.
En lutherie, et particulièrement quand il s'agit de
lutherie artistique, on se sert de la colle dite de Co-
logne, à l'exclusion de toute autre. Elle se présente
sous l'aspect de tablettes assez minces, pesant envi-
ron cinquante grammes, et de quinze centimètres
de long sur sept de large. D'un aspect grisâtre, elle
se brise difficilement et met assez longtemps à se
dissoudre.
La supériorité de cette colle sur toutes les autres
réside en ceci, qu'elle est très peu hygrométrique et
Fia. 858. — Violon trapézoïdal
de Savart.
qu'elle permet de joindre les pièces entre elles d'une
façon si intime que les endroits où la jonction se
produit sont h peine perceptibles. Il n'y a pour ainsi
dire pas il'intervalle formé par la colle. Elle se pré-
pare, comme toutes \es colles fortes, au bain-raarie.
On l'emploie aussi chaude que possible, en ayant
soin, comme dans tous les travaux de menuiserie
soignés, de faire chaulfer légèrement, an moyen
d'une lampe à alcool, les pièces à coller, et cela au
moment même de l'opération.
Les fournitures. — Pour les tables d'harmonie,
on emploie exclusivement le sapin. On s'en sert aussi
pour les tasseaux et les contre-éclisses, mais on les
fait également en bois légers tels que le saule.
Tous les traités de physique donnent des détails et
des précisions sur les qualités du sapin. Outre ces
qualités d'ordre général, ce bois présente, dans
l'acoustique des instruments à archet, un avantage
unique. Il est extrêmement rigide et ses tlbi'es, régu-
lières et parallèles, sojit généralement écartées l'une
de l'autre à une distance très favorable.
Les tables d'haimonie sont coupées de telle sorte
que les libres se présentent en long et non en travers,
c'est-à-dire qu'elles vont du haut en bas et Jamais
de droite à gauche. En outre, le sapin est très léger.
Ce bois se casse très facilement. Le moindre choc
peut fendre une table. Aussi, c'est par elles que péris-
sent presque tous les instruments, et s'il avait été
possible de remplacer le sapin par une autre essence,
on n'aurait pas manqué de le faire.
Le sapin employé en lutherie est le piims a'ùes de
Linné, vulgairement appelé epicea commun. On em-
ploie de préférence les bois provenant du Tyrol, de
la .Suisse et de la Savoie. Le sapin se débite en tron-
çons de quatre-vingts centimètres pour les tables de
violoncelles, de quarante-cinq centimètres pourcelles
d'altos, et trente-huit centimètres pour celles de
violons.
La manière dont ces tronçons sont à leur tour
débités est de la plus grande importance pour les
tables. Elle n'a pas la même pour les fonds.
11 existe deux façons de débiter les bois : sur muille
et sur couche.
Les bois sur maille sont débités dans le sens de la
longueur du tronc, en tranches ayant la forme de
prismes triangulaires, el dont tous les sommets se
réunissent au centre.
Les bois sur couche sont débités par plans paral-
lèles dans le sens de la longueur du tronc (coupe
suivant les génératrices).
Fia. 8,ôy. — Coupe sur_couche.
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 1729
FiG. S60.
Coupe sur maille.
On débite généralement les tables en Jeux pièces.
Les anciens les ont très rarement débitées en une
pièce. Les tables en deux pièces otl'rent un avantage
qui consiste en ce que, collant côte a côte les deux
parties jumelles d'un même quartier, la partie la plus
résistante de chaque quartier se trouve sous les pieds
du chevalet, el, outre la question de solidité, cette
disposition est très avantageuse au point de vue de la
réaction de la lable sur la sollicitation des cordes.
On emploie l'érable pour la construction des fonds,
manches et éclisses. Il provient généralement de la
Bohême et de la Hongrie. Autrefois la Suisse et le
Tyrol en fournissaient, mais ces pays n'en possèdent
plus guère. On prétend même que ces érables à
ondes très petites, comme on en voit sur certains
instruments italiens anciens, notamment les Am.mi,
provenaient d'Italie.
L'érable employé en lutherie doit être très résis-
tant et en même temps très élastique, en ce qui
concerne les fonds. Les trois espèces employées dans
la lutherie moderne sont :
L'érable plane (acer platanoides de Linné); Vérable
sycomore {pseudo-platanus de Linné); puis, l'acerrotun-
difolium et l'ace;' neapolitanum, qui se ressemblent.
Les fonds des instruments sont en érable coupé
sur couche ou sur maille. Lorsqu'ils sont d'une pièce,
on emploie indistinctement l'une ou l'autre de ces
deux coupes; mais lorsqu'ils sont de deux pièces,
c'est la coupe sur maille qui est adoptée.
Les anciens ont fait parfois des fonds de peuplier,
surtout dans les violoncelles. De nos jours, on se sert
encore du peuplier pour les fonds de contrebasses.
Autrefois on a aussi employé, surtout pour les
basses et également pour les fonds et les éclisses, le
hêtre, le marronnier et le tilleul.
L'érable est le seul bois qui convienne pour les
fonds des instruments du quatuor.
FiG. 862. — Fond de violon ^ Kig. 863. — L'une des deux
de deux pièces après l'assemblage, pièces avant l'assemblage.
Les uniils.
FiG. SGI. — Les deux pièces d'une table avant l'ass^imblage.
Copyright hy librairie Delagrave, I9i~.
En dehors des outils
dont l'emploi est commun
à la menuiserie et à la
lutherie, il en est qui sont
particuliers à cette der-
nière.
Les ciseaux. — Un jeu
de ciseaux de différentes
larceurs.
Les rabots. — Outre les F'«- ^^''- — série de ciseaux,
rabots d'usage courant,
une série de petits rabots
à semelles plates et ovales
dentées et non dentées, et /^fifflllllllli*^ '-' '^\\
de plus petits encore, de
cinq centimètres à trois
centimètres de longueur, à
semelles bombées, destinés
à creuser les voûtes et les
gorges, et à mettre d'épais-
seur.
FiG. 865. — Rabots
à semelle plate.
FiG. 800. — Rabots
il semelle bombée.
109
17. W
EmrCLOPÉDIE DE LA StUSJQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOLRE
Les compas. — I.e compas ordinaire, puis le com-
pas à jambes inégales servant de traçoir.
Fkî. 807. — Compas.
Les compas d'épaisseur servent à vérifier les épais-
seurs pendant le travail.
Les anciens se servaient de compas d'épaisseur
très primitifs, et encore aujourd'hui, beaucoup de
luthiers n'enjont pas d'autres. Très précis d'ailleurs,
r~~
On se sert de plus en plus du compas d'épaisseur
à cadran, inventé à la fin du xviii» -iècle par le ba-
ron de PoNNAT, et perfectionné depuis. Une aiguille
divise un cadran en parties de ligne ou de milli-
mètre, ce qui donne une très grande précision, et
en le promenant sur un fond ou sur une table, on
peut lire instantanément toutes les Tariations d'épais-
seurs.
FiG. 868. — Compas d'épaisseur.
puisque l'ôcartement s'obtient au mo.yen d'une vis, ils
ont le désavantage de demander un certain temps
pour chaque mesure.
FiG. 8G9. — Compas d'épaisseur i cadran, système de PoNNti.
Les gouges. — In assortiment de gouges cintrées.
Elles servent à dégrossir avant de raboter.
Fio. 870. — Série de gouges.
Les canifs. — Ces outils doivent être munis de
lames très bien trempées. En général, ils sont em-
manchés très solidement au moyen de morceaux
d'érable d'une certaine largeur et peu aplatis, de
manière à donner une bonne prise à la main.
Les ratissoirs. —Petites feuilles d'acier laminé;
elles sont aiguisées d'un seul côté, en biseau assez
court, puis le til est renversé du côté opposé au
biseau.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET Iï3i
FiQ. 87 1.
Série de canifs.
Les ratissoirs servent à enlever toutes les aspérités
que les gouges ou les rabots auraient pu laisser
subsister.
Le traçoir à fileter. — Cet outil est aussi d'invention
moderne. Les anciens se servaient du compas à
jambes inégales pour tracer les filets. Avec le traçoir
à filels, qui ;i deux lames parallèles dont on peut
régler lécartement, le filetage exige moins d'habileté
•l se fait plus sûrement.
cq/
Fiij. S72. — Bédane, Irai.oiis (outils à fileter).
Le fer à ployer. Le fourneau à ployer. — Ces
deux appareils servent à chauffer les éclisses, et les
contre-éclisses, et en même temps à leur donner la
forme voulue.
Le fer à ployer se chauffe à un certain degré afin
de ne pas brûler le bois. Aussi, est-il nécessaire de
répéter souvent l'opération, taudis que le fourneau
à ployer affecte la forme d'une cheminée, dont la
section perpendiculaire est représentée par une
figure composée des différentes courbes pouvant être
utilisées. Ce fourneau est chauffé au moyen de
braises.
^/y//^/^.
FiG. S73. — For à ployer.
La pointe aux âmes. — Le couteau à détabler. —
■ La pointe aux âmes est un outil extrêmement sim-
FiG. 875. — Fourneau à ployer.
pie : une tige d'acier d'une courbure parliculièse.
Elle sert à placer l'âme.
Le couteau à détabler sert à délabler les instrit-
ments en cas de réparations intérieares. La lam*
doit être mince, assez large et résistante, mais il est
nécessaire qu'elle soit émoussée.
FiG. .SÎ5. — Pointe aux âmes.
FiG. STij. — Couteau à détabler.
Les vis à tabler. — Ces vis, en bois, sout pour-
vues il une extrémité d'une tête fixe formant saillie,
Fir,. 877. — Série de vis à tabler.
et à l'autre d'un écrou permettant de serrer les bords
de l'instrument contre les éclisses, etde rendre ainsi
facile l'opéialion du tablage.
Les happes et les presses. — Ces outils servent
à toutes les opérations où il est nécessaire d'opérer
une pression et de maintenir des pièces en place
après collage.
Les béquettes. — Petites pièces en bois deslinées
à maintenir les contre-éclisses après colla"e. Les
1738
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
FiG. S78. — Série de happes.
pinces à barre destinées à maintenir la barre après
collage sont de la même famille, et naturellement
plus longues. On les remplace avantageusement par
des presses construites spécialement pour cet usage.
Les modèles.
Que les modèles soient destinés à copier des an-
tiques ou à créer des instruments originaux, il
n'existe entre eux aucune dilTérence.
Ils consistent en planchettes de bois ou plaques de
métal donnant :
1° La ligne extérieure de la table et du fond;
2° Les contours des /y et leur place sur la table
d'harmonie;
3» Le profil de la volute, du manche et du talon;
le profil du cheviller avec l'emplacement des trous
pour les chevilles.
11 faut encore ajouter les chablons pour vérifier
les voûtes prises en largeur et en longueur, ainsi
que les reliefs de la volute quand il s'agit de copier
un instrument d'auteur.
FiG. 879. — Béquelte.
Les entailles. — Outils servant à maintenir après
le collage les deux pièces du fond ou delà table d'un
instrument, et qui s'étaient disjoints, ou à resserrer
FiG. 881. — SeiTC-joiiils ou entailles.
dans le même but toutes autres fractures latérales
d'une table ou d'un fond. Ce sont des planchettes de
bois formant crochet de chaque côté.
Les louches. — Ces mèches coniques servent à
percer les trous destinés aux chevilles, ainsi que
y t
FiG. 882. — Louches.
ceux qui doivent recevoir le bouton pour le violon
et l'alto, et le piquet pour le violoncelle et la contre
basse.
Fui. 883. — Modèles pour un violon.
Le contre-moule. — Le contre-moule est une
planchette ou une plaque de métal, découpée de
manière à produire par ses ligues extérieures le con-
Fri 88 i.
Lo conlie-moulo
tour intérieur de l'instrument que l'on veut cons-
truire. Le contre-moule sert à confectionner soit un
moule en dehors, soit un moule en dedans.
Les monlcN.
11 existe deux sortes de moules, le moule en des-
sus ou en (')i deliors et le moule en dedans.
Moule en dessus.
Ce moule est la reproduction exacte du contre-
moule, obtenue sur une planche de bois bien sec.
Il est indispensable que la coupe des contours soit
bien d'équerre par rapport aux deux faces du moule,
sans ressauts ni méplats.
Comme complément du moule, il}- aies contre-
parties. Elles doivent s'ajuster très exactement aux
contours extérieurs du moule dont elles ont la même
épaisseur, de deux centimètres pour le violon.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 1933
Pour terminer le moule, on Irace la place des
FiG. 8S5. — Moule en ilehors ou en dessus
avec ses contre-parties,
tasseaux du haut et du bas, ainsi que des coins, et
on découpe ces par-
ties bien d'équerre.
C'est dans ces vides
que se placeront les
six tasseaux, comme
on le verra plus loin.
Enfin, on perce les
huit trous destinés à
recevoir les griffes
des happes. Les mou-
les destinés aux gros
instruments dillèrent
un peu de ceux du
violon et de l'alto.
Comme ils seraient
trop lourds et diflî-
ciles à manier, vu la
largeur des éclisses,
on procède ainsi : on
fait deux moules de
deux centimètres d'é-
paisseur chacun, et
on les met l'im sur
l'autre, en laissant
entre eux un espace
dont l'écartement est
maintenu par des tra-
verses.
FiG. 886.
Moule .l'une ancienne basse de viole,
léger et facile à manier.
Moalc en dedans.
Les anciens n'ont point connu ce moule, qui est
d'invention lelativement moderne, puisqu'il date
seulement d'environ cent ans.
Ce moule diffère du précédent du tout au tout. Le
moule en dehors peut être comparé à la l'orme d'un
cordonnier sur laquelle on construit la chaussure,
suivant la pittoresque comparaison de Tolbecque,
tandis que le moule en dedans est une espèce de
cadre à l'intérieur duquel s'appliquent les tasseaux
et les éclisses. Ses contours intérieurs sont donc
ceux du contre-moule, et les contre-parties ont une
courbure contraire à celles du moule en dehors.
Son épaisseur est la même que celle du précédent.
Montage du luonle en dessus*
Les tasseaux et les coins doivent être d'un bois
compact, liant et aussi léger que possible : saule,
aulne, cèdre, bouleau, hêtre, tilleul, etc.
Après les avoir débiles h la dimension voulue, on
les rogne d'équerre, sans leur donner la forme défi-
nilive, puis on les place sur le moule, en les fixant
avec une simple goutte de colle au centre de chaque
morceau. On les maintient au moyen de happes.
Une fois secs, on découpe au moyen du contre-
moule les coins de manière à leur donner la forme
définitive à l'extérieur.
Les éclisses, préparées de la longueur, de la lar-
geur et de l'épaisseur voulues, sont courbées à chaud
au moyen du fer à ployer, afin d'obtenir la forme
exigée.
On courbe en même temps et par le même procédé
les contre-éclisses, qui seront collées plus tard.
Avant de coller les éclisses sur les tasseaux et les
coins, il est indispensable de passer au savon sec
toute la périphérie du moule, afin de faciliter le dé-
moulage. On commence généralement par coller' les
éclisses des ce. Les autres viennent ensuite. On a eu
soin de repérer la ligne où ces dernières doivent se
rejoindre au bas de l'instrument, et qui doit être
bien au milieu.
Au moyen des contre-parties et des happes, on
fixe solidement le tout jusqu'à ce que la colle soit
bien sèche. Comme le moule a environ deux centi-
mètres d'épaisseur, les éclisses sont collées à Taf-
fleurement du côté du moule sur lequel viendra le
fond. Comme elles dépassent de l'autre côlé, on
pourra sans plus tarder coller les contre-éclisses
qui plus lard adhéreront à la table, puis les chan-
freiner comme c'est l'usage pour les instruments
FiG. 887. — Montage d'un moule en dessns.
Viak
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIHE DU CONSERVATOIRE
soignés. Un petit détail, dû à Stradivarius, consiste
k l'aire pénétrer nne
partie de la conlre-
éclisse des ce dans
chacun des coins, à
Ja place de l'arrêter
contre eux.
Toutes les contre-
éclisses sont serrées
contre Téclisse, jus-
qu'après séchage de
la colle, au moyen de
béquettes.
Fis,., SS8. — figure monlianl com-
ment les contre-éciisses du milieu
peuvent être enchâssées dans les
Montage du moule en dedans.
'Le montage du moule en dedans se fait exactement
comme celui du moule en dessus, avec celte difl'é-
rence que les éléments se placent à l'intérieur du
mnule. Les contre-parties se placent à l'intérieur,
et leur pression s'exerce de l'intérieur à l'extérieur.
Le montage du moule en dedans présente des
avantages réels au point de vue de l'exactitude du
trflvail. 11 permet aussi d'aller plus vite, car on peut
préparer d'avance les tasseaux tout finis, les éclisses
et Jes contre-éclisses En un mot, on peut travailler
en série. La main-d'œuvre est plus belle, mais incon-
testablement aussi l'instrument perd de sa person-
na;'lité. C'est pourquoi tous les luthiers n'ont pas
Fia,'88».'— Mnntsgoa'on moulo creux on en dedans.
adopté le moule en dedans, malgré les avantages
pratiques qu'il présente.
L'ébauchage et le filetage de la table et du
fond. — Pour l'ébauchage de la table et du fond, il
est nécessaire de connaître la ligne médiane afin de
maintenir la symétrie des deux côtés. Le joint l'indi-
que lorsque ces parties sont de deux pièces. Lors-
qu'elles sont d'une pièce, surtout dans les fonds, on
la trace au moyen d'une pointe.
Pour tracer les contours, on peut se servir d'un
modèle fait d'avance, doimant les lignes extérieures,
comme le contre-moule donne les lignes intérieures.
C'est ainsi que l'on opère lorsqu'il s'agit de repro-
duire le patron d'un antique, par exemple. On peut
aussi procéder autrement. Après avoir serré la pièce,
dont les contours sont ébauchés, contre le moule,
au moyen du compas à. ressort auquel on a donné
l'écartemenl nécessaire pour tracer la largeur des
bords, on en détermine la ligne extrême (les anciens
ne faisaient cette opération qu'après le lahlage).
On n'aura plus qu'à égaliser le tout au moyen de
la lime et du canif.
L'ébauchage se fait à la gouge, au moyen de la-
quelle on commence à donner la forme des voûtes,
en laissant tout autour une surfaee plate qui sera
creusée plus tard, en ayant soin de donner aux coins
une forme régulière; puis on procède au filetage.
Il est entendu que les bords ont été mis d'épais-
seur par l'ébauchage. Au moyen du trai-oir à double
lame, que l'on a ajusté à la distance voulue des bords
et à l'épaisseur que l'on veut donner aux filets, on
trace l'entaille. Puis, au moyen d'un canif, on ap-
profondit le double sillon du tracoir de manière
que les filets tiennent, mais en évitant d'aller trop
profond.
C'est ce qui arrivait souvent aux anciens, qui
filetaient sur l'instrument tablé, et qui travaillaient
ainsi avec moins de sûreté. Ce défaut a exigé plus
tard le doublage des bords dans beaucoup d'an-
tiques, ces bords devenus trop fragiles s'étant brisés,
ou leur faiblesse générale nuisant à la sonorité. Le»
FiG. 890. — Ébanchoge d'une Inhte ou (l'un tond.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET ITÎi
parties coupées sont enlevées ;iu moyen d'un petit
iK'dane al1ùt(5 en bisean. On place ensuite les trois
liiets, soit qu'ils aient été préalablement collés en-
semble, soit qu'on les enduise de ooUe au moment
même, dans la rainure qui leur est destinée. Cette
opération est très délicate, surtout en ce qui con-
cerne les coins.
Le finissage des voûtes. — Les voûtes se termi-
nent aux rabots, depuis les moyens jusqu'au plus
petit. Les rabots convexes servent à mettre d'épais-
seur et les plus petits à s'approcher le plus possible
de la gorge. Le dernier fini s'obtient au moyen des
ratissoirs. Ici se présente une des opérations les plus
délicates, la conl'eotinn de la gorge et la ragreyurc.
Il s'agit de creuser au moyen de la gouge, à une
certaine distance du bord, une gorge dont la partie
ci'euse se marie avec la courbure en relief de la voûte.
C'est dans cette partie du travail que l'habileté du
luthier se distingue le plus particulièrement.
L'obtention des épaisseurs. — On commence par
le fond, puisqu'il sera le premier collé aux éclisses
et aux tasseaux.
On trace la place des surfaces qui resteront plates
(contre-éclisses, tasseaux, coins), au moyen du com-
pas à jambes inégales. On place le fond, la partie
convexe reposant sur la partie concave d'une forme
préparée ad hoc, et garnie d'un feutre.
L'intérieur se creuse à la gouge jusqu'à ce que l'on
ait obtenu une épaisseur égale à celle que le fond
doit avoir au maximum. On termine aux rabots en
vérifiant de temps en temps au moyen du compas
d'épaisseur.
Le collage du fond. — On applique le fond sur la
place exacte qu'il doit occuper, de manière que les
bords soient de même largeur partout. On le lixe au
moyen de quatre vis de bois destinées au tablage.
Au-dessous du talon et à l'autre extrémité du fond,
et à la même distance du bord, tout près du filet, on
perce un trou de deux millimètres de diamètre. La
mèche dont on se sert doit traverser de part en part
la table du fond et pénétrer un peu dans le tasseau.
On fixe dans les deux cavités en question de petites
chevilles d'érable qui serviront de point de repère
pourcoller la pièce en (lueslion exactement à sa place
et sans tâtonnements (ou en fera autant pour la table
d'harmonie).
Les anciens procédaient ainsi. De nos jours, on
colle les tables sans se servir de ces chevilles. Dans
ce cas, le luthier est obligé de se faire aider par une
seconde personne qui maintient le tout en place,
pendant qu'il met les vis tout autour pour serrer
convenablement les parties enduites de colle, comme
dans le procédé indiqué plus haut.
La table d'harmonie. Les onïes. La barre.
La confection des voûtes et la mise d'épaisseur se
pratiquent pour la table comme pour le fond. Une
fois ces opérations terminées, il reste à tracer et à
découper les //, puis à coller la barre.
Pour tracer, les ff, on se sert d'un des modèles dont
il a été question plus haut. Il permet, pour le patron
adopté, de dessiller les ff et de les mettre à la place
exacte qu'ils doivent occuper sur la table. Les anciens
procédaient différemment. Ils déterminaient, au
moyen du compas, la place des trous inférieurs et
supérieurs, puis ils dessinaient, au moyen d'un. pa-
tron de parchemin ou de métal mince, le corpsde
ces ff.
Avant de découper les //, on creuse, au moyen du
plus petit rabot, la portion de table qui se trouve à
l'extrémité inférieure de la patelette ou bique de Vf,
en venant terminer en mourant vers le trou du bas.
Cette légère creusure vient se perdre dans la gorge
du bord, vers le milieu de Vf.
Le découpage de Vf se fait au moyen d'un canif
bien affilé. C'est une opération très délicate, le
sapin, de par sa structure, se prêtant difficilement à
ce découpage. Pour la faciliter, on encolle légèrement
la partie à découper. Les anciens luthiers italiens
taillaient les bords des /'/'d'équerre avec la table.
Cette pratique n'a pas été toujours suivie, parti-
culièrement parles Tyroliens, quiavaienlconser\éla
manière usitée pour les violes, et que l'on retrouve
encore chez les primitifs italiens comme G.vsparo da
S.\LO et G. -P. Maggini.
La barre est faite d'un morceau de sapin de bonne
qualité afin qu'elle puisse atteindre son but, qui est,
d'une part, de soutenir la table contre la pression du
chevalet et, de l'autre, de maintenir l'élasticité néces-
saire pour la laisser vibrer librement.
Elle se place contre la table, à l'intérieur, dans le
sens longitudinal, parallèlement à la ligne médiane
et passant à l'endroit où pose le pied gauche du
chevalet. Elle doit épouser la forme de la table, tout
en forçant dans une certaine mesure, sans exagéra-
tion. C'est alTaire de tact de la part du luthier.
Elle se colle au moyen des pinces à barre. Toute-
fois, de nos jours, on emploie des presses spéciaJes
extrêmement pratiques.
Procédés modernes ponr voûter
et creuser les tables*
Au cours du xix= siècle, dans le but de produire
vile et à bon marché, on a voûté les tables, de ma-
nière à obtenir à la fois le relief de la partie supé-
rieure et le creux de la partie interne, au moyen du
feu. Ces pièces, après un simple dégrossissement,
étaient voûtées par des presses spéciales. La mise
d'épaisseur s'achevait ensuite.
Ce procédé, purement industriel et ne pouvant
donner de résultats artistiques, avait de graves
inconvénients. Par suite de l'humidité ou même
spontanément, les parties se déformaient, se disjoi-
gnaient, et la réparation en devenait difficile et par-
fois même impossible.
Depuis quelques années, grâce aux perfectionne-
ments de l'industrie mécanique, on est arrivé à
traiter les tables et les fonds au moyen de machines
reproduisant exactement un modèle donné.
Il y a là un très grand progrès au point de vue de
la rapidité de la production. Toutefois, rien ne sup-
plée au travail à la main, où le luthier reste le maître
de sa matière. Il vérifie au fur et à mesure la résis-
tance et l'élasticité. Son œuvre n'en est pas moins
parfois imparfaite, par suite d'une eireur de dia-
gnostic. Cela est arrivé aux plus grand-s-des lulhier.4
d'Italie, et les artistes qui jouent leurs instrumenis
savent quelles différences de qualité se rencontrent
dans les instruments d'un même maître ancien.
Démoulage et tablage.
Le démoulage s'opère facilement. Lesparties collé; 8
1736
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICriONNAIRE DU CONSERVATOIRE
au moule tenant à peine par une goutte de colle,
avec quelques coups de marteau légers elles se déta-
chent. Si cependant on éprouvait quelque difficulté,
en présentant le taillant d'un ciseau dans les joints
et en frappant légèrement, on obtiendrait un résultat
favorable.
On colle alors les contre-éclisses du côté où elles
n'ont pas encore élé posées. Puis, on donne aux las-
seaux et aux coins leur forme intérieure définitive,
et on procède au tablage, exactement comme on
a fait pour le fond.
Le manche : poignée, cUevillicr, volute.
Pour confectionner le manche, on commence par
dessiner le prolil du talon, de la poignée du chevillier
et de la volute, d'après un modèle, sur un bloc
d'érable dont l'épaisseur ne doit pas être inférieure
à celle qu'aura la pièce à ses deux exirémités, une
fois terminée. On chantourne cette pièce en se con-
formant au tracé.
Après avoir dégrossi le manche el la partie infé-
rieure, on sculpte la volute. A cet effet, on introduit
une bande de papier sous la volute d'un instrument
que l'on veut copier; cette bande de papier en fera
le tour jusqu'au bout de la coulisse. On prendra
ainsi une empreinte que l'on découpera et que l'on
appliquera exaclement à la même place de la volute
ébauchée. On en tracera le contour, et ou aura ainsi
du côté de la tranche la forme que devra avoir la
volute. On en fera autant pour les côtés, et la ligne
tracée servira de point de repère pour sculpter la
spirale.
FiG. 893. — Profil da
pied de manche for-
mant un angle d'en-
viron 85" pour le
renversement.
FiG. 891. — Modèle en papier ou en parchemin pour dessiner la coulisse
sur le champ de la tète seulement chantournée, en vue de sculpter la volute
Afin de ne pas perdre le trait pendant le travail,
les anciens traçaient cette ligne au moyen d'une
série de petits trous formés par une pointe fine. On
trouve des traces dece procédé
dans beaucoup d'antiques.
On opérera d'une façon ana-
logue pour tracer le chevillier,
et surtout pour marquer la
place exacte des trous des-
tinés aux chevilles.
Le reste du travail s'expli-
que facilement. Guidé par ces
ignés, le luthier commence
par couper les joues du che-
villier, jusqu'à la moitié du
premier tour de la volute. Le
chevillier a ainsi son épaisseur
définitive. On donne ensuite
quatre légers coups de scie
qui entoureront le boulon el
faciliteront le dégagement des
spires terminales, qui seront
faciles à tailler dans les deux
carrés superposés que l'on
aura obtenus.
On évide l'intérieur du chevillier, et l'on perce les
trous au moyen d'une louche spéciale, après avoir
préalablement creusé les deux parties de la coulisse
FiG. 892. — Préparation
des reliefs pour la sculp-
ture de la volute.
séparées d'une nervure, qui commencent derrière le
chevillier et se terminent au bout de la volute.
L'enclavement du manche et le renversement. —
Avant de parler de l'enclavement du manche, un mot
sur le renversement. Le renversement qui consiste à
procurer au manche, au moment de l'enclavement,
une pente en arrière, a pour but de donner aux cor-
des l'angle favorable à leur plus grande somme de
sonorité. C'est donc le renversement qui détermine la
hauteur du chevalet, et si l'opération est raanquée,
et si l'angle du chevalet est trop aigu ou trop ouvert,
il se produira d'une part trop et de l'autre
pas assez d'énergie, et la sonorité sera mau-
vaise.
Pour enclaver le manche, on coupe les
bords de la table, les éclisses et le tasseau du
haut, de manière à obtenir une cavité devant
contenir exactement la partie inférieure du
manche, dont le bout du talon s'ajustera
sur la partie di-ini-circulaire du fond.
Le pied sera coupé à l'angle de
quatre-vingt-cinq degrés el non
de quatre-vingt-dix, de façon
que le mouvement plongeant que
fera le bout du talon du manche -■
pour donner le renversement
n'affaiblisse pas le tasseau outre
mesure. L'opération est délicate,
et il faut que l'ajustement soit
parfait.
Les anciens n'ont pas connu le renversement tel
que nous le pratiquons, et n'ont pas enclavé le
manche comme nous le faisons.
Les plus grands luthiers, comme Srit.^-
DiVARius et GiiARNERR's, procédaient ainsi :
ils clouaient, au moyen de trois clous
assez forts et à grosse tête, le manche
contre l'éclisse, après avoir eu soin
d'entailler seulement la table. Les clous
étaient enfoncés du côté du tasseau à l'in-
térieur, traversaient le tasseau et péné-
traient dans le bois. La touche cunéiforme, mince
au sillet et très épaisse vers le bas du manche, don-
nait l'inclinaison.
Le manche une fois ajusté est collé au moyeu de
happes et d'une contre-partie.
La touche.
La touche des instruments du quatuor est toujours
d'ébène. Pour la contrebasse, on emploie parfois le
palissandre ou le bois de fer. Afin de donner à la
touche sa dimension et sa forme définitives, on l'in-
sère dans une entaille en bois.
La touche doit être évidée en dessous, du côté de
l'extrémité libre, pour en diminuer le poids. A cet
endroit, elle est creusée en forme de cuiller. A l'au-
tre extrémité et également en dessous, on creuse une
petite gouttière, dans le but de faciliter les décolle-
ments ultérieurs, en cas de réparation.
Les touches du violoncelle et de l'alto doivent pré-
senter dans leur section une disposition particulière.
Cette section n'alîecte pas, en effet, dans loule sa lar-
geur, la forme d'un arc régulier, car on pratique un
méplat sur la quatrième corde, afin d'éviter un frise-
ment désagréable qui se produirait lorsqu'on joue
fort, et qui serait provoqué par le frôlement de celte
corde contre la touche, par suite de la grande ampli-
tude de ses vibrations.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 1737
FiQ. 894. — Ka touche.
FiG. 895. -
- Enlaillc pour rabolcr
la louche.
Les sillets. — Une
lois la poignée ler-
minée, on pose les
deux sillets : celui
du manche que l'on
faisait autrefois en
ivoiie, et qui a pour
but de surélever lé-
gèrement les cordes
sur la touche dès le
début, et celui du
cordier sur lequel
vient s'appuyer le lien de ce dernier.
Enfin, on perce dans l'éclisse et le tasseau de der-
rière le trou dans lequel entrera le bouton après
lequel s'accrochera le cordier. Ce bouton est en
ébène ou eu palissandre.
Les chevilles. — Les chevilles, en ébène ouenpalis-
sandie (autrefois on les faisait en buis), sont ajustées
soit à la main, soit au moyen d'un outil modèle, qui
sert à creuser les trous du clievillier et qui est muni
d'une contre-partie, au moyen de laquelle les che-
villes sont laillées de manière à remplir très exacte-
ment les trous, de forme conique.
Les chevilles sont percées au moyen de mèches
proportionnées aux grosseurs des cordes qui doivent
les traverser. Il semble établi que les Grecs et les
FiG. 896. — Chevilles.
Romains ont ignoré le système moderne de la che-
ville percée d'un trou autour de laquelle s'enroule
la corde.
De tout temps, les contrebasses ont été pourvues
d'un système de vis sans fin destiné à atténuer l'ef-
fort nécessaire à la tension des grosses cordes.
Depuis environ cinquante ans, on a inventé dilfé-
renls systèmes de chevilles, dans le but d'éviter les
inconvénients que présentent les chevilles que nous
venons de décrire. Ces systèmes ont aussi leurs
inconvénients et leurs avantages, et leur usage n'est
pas général. Beaucoup d'artistes et d'amateurs pré-
fèrent l'ancienne manière.
Le bouton et le cordier. — La pose du bouton après
lequel le cordier est attaché est très simple. Il est
cependant nécessaire que le trou qui doit recevoir
la tige légèrement conique de ce bouton soit percé
bien droit, de façon que le collet du boulon porte
partout sur l'éclisse.
Le cordier, d'ébéne, est muni d'une corde de
boyau exactement de la grosseur des trous desti-
nés à la recevoir. 11 est nécessaire que cette corde
soit solidement tixée pour éviter tout accident
résultant de la forte tension des quatre cordes.
L*ânie et sa pose»
L'àme est une petite lige ronde de sapin fendu ou
coupé de droit fil, d'un diamètre correspomlant à
la grandeur de l'instrument, et d'une longueur telle
qu'une lois à sa place, elle tienne sans trop forcer.
L'Ame, placée pour ainsi dire perpendiculairement
entre la table et le fond, l'extrémité supérieure s'ap-
puyant sur la table, et l'inférieure sur le fond, doit
être située exactement ainsi :
Le centre de l'àme se place sur une ligne parallèle
à l'axe de l'instrument passant par le milieu du pied
droit du chevalet, à l'opposé de la barre, c'est-à-dire
à vingt millimètres environ de cet axe, et de façon
que le bord extérieur de la tête de cette àme se
trouve à quatre ou cinq millimètres du pied du che-
valet, vers le pied de l'instrument.
Les deux extrémités de l'àme sont coupées légère-
ment en biais pour assurer le contact avec les tables
qui ne sont pas droites, mais voûtées, en observant
surtout que les fibres soient en travers de celles de
la table, sans quoi l'àme traverserait cette dernière.
Pour placer l'àme, on se sert de l'oulil nommé la
pointeaux âmes. On pique l'àme à ajusler, d.ins le fil,
avec la pointe, à dix ou douze millimètres de sa tête,
et on l'introduit par l'A Une fois à l'intérieur, sa
tête doit regarder le haut de l'instrument. On la met
alors, après l'avoir redressée, dans la position qu'elle
doit occuper, en s'aidant des crochets situés à la
partie inférieure de la pointe.
L'opération est très délicate, d'abord parce qu'on
risque d'abimer les bords de Vf, et ensuite pour des
raisons d'acoustique.
La place de l'àme n'est pas absolue, et il faut
souvent s'y prendre à plusieurs fois pour trouver
l'endroit exact le plus favorable à la sonorilé. Il ne
s'agit, bien entendu, que de quelques millimètres de
différence.
Le chevalet.
Le chevalet, dont les derniers perfectionnements
sont généralement attribués à Stradivarius, mais
qui semblent plutôt devoir être de Joseph Guarnerius,
joue à son tour un rôle extrêmement important au
point de vue de la facilité du jeu et de la sonorité.
FiG. 898. — Chevalel d'allo d'Antonio Stradivari.
Fis. 897. — L; cordier appelé aussi le lire-cordes.
Fia. 899. — Chevalet de Tiolon
de Nicolas Auati,
Fia. 900. — Chevalet de violon
d'Antonio Stràdivabi.
1738
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOSNAIRE DU COXSERVATOIRE
FiG. 901.
Chevalet de violon
(moderne).
.Ni liop mince ni trop épais, absolument plal du
côté du bas et légèrement convexe du côté qui regarde
la lêle, il doit être un peu plus baut du côté de la
qualriéme corde que de la première. Cette dilTérence
est surtout très sensible pour le violoncelle, où elle
est molivée par la néc^ssilé d'avoir assez de hauteur
entre la touche et la quatrième corde pour pouvoir
attaquer cttte dernière sans la faire friser contre la
touche.
Comme la différence de niveau donnerait pour
cet instrument une attitude boiteuse au chevalet,
quelques luthiers font porter la différence sur la
touche.
A cet efl'et, on rabote le manche de manière à ob-
tenir une pente partant du la et descendant vers Vut,
en suite de quoi la touche, une fois collée, se trouve
un peu plus bas de ce côté.
Les pieds du chevalet ont
leur semelle (aillée pour lui
permeltre de pencher légè-
rement en arrière, le chevalet
ayant constamment tendance,
au fur et à mesure qu'on ac-
corde l'inslrumenl, à pencher
en avant par suite du tirage
des cordes.
Les pieds du chevalet pour
violon sont très bas, tandis
que ceux du violoncelle sont
au contraire très élevés. L'é-
cartement devant être égal
entre toutes les cordes, la dis-
tance d'un cran à l'autre est
mesurée au compas avec une
grande précision.
Les semelles particulière-
ment dans les chevalets de
violons, sont taillées très
minces.
Les cordes.
Les trois premières cordes du violon et les deux
premières de l'alto, du violoncelle et de la contrebasse
sont en boyau.
La quatrième corde du violon, la troisième et la
quatrième de l'alto, du violoncelle et de la conlre-
basse sont également en boyau, mais autour de ce
dernier s'enroule un (il métallique, d'argent, de cui-
vre ou d'alliage. Ce fil métallique s'appelle le trait.
Depuis un certain nombre d'années, on a fabriqué
des troisièmes cordes de violon munies d'un trait
en aluminium. Ce mêlai très léger se prête admira-
blement à la tenlative, qui a pour but d'augmenter
la sonorité de cette corde e( de lui donner plus de
souplesse sous le doigt.
Son usage est très séduisant, mais il ne s'est pas
généralisé, probablement parce qu'il enlève à la
corde de ré le timbre qui la caractérise.
Il en est tout autrement des chanterelles d'acier,
dont l'usage est devenu fréquent, même pour le con-
cert. 11 est incontestable que le violon monté d'une
chanterelle d'acier perd de son unité. On perçoit
deux timbres diti'érents. Sous tous les rapports, la
chanterelle de boyau est incomparablement supé-
rieure, et rien ne l'égale. Les raisons qui font adop-
ter la corde d'acier sont la solidité et la tenue de
l'accord.
Récenunent, on a aussi mis dans la circulation des
FiG. <102.
Chevalet de violoncelle
(moderne).
cordes de la en acier; ces cordes portent un trait
métallique.
La hauteur définitive des cordes au-dessus de la
touche, quoique basée sur des données précises,
varie suivant le goût de l'exécutant.
Pour terminer, ajoutons que non seulement il est
indispensable que les cordes soient à égale distance
les unes des antres sur le chevalet, mais aussi que les
cordes intermédiaires aient une saillie déterminée,
afin qu'en jouant, l'attaque puisse se faire facilement
sur chacune d'elles sans que l'archet atteigne les
cordes voisines, mais sans toutefois que cette saillie
soit trop forte, ce qui gênerait pour le jeu en doubles
ou triples cordes.
La tension et la pression des cordes. — L'angle
formé par les cordes sur le chevalet, le plus favo-
rable à la sonorité, est au diapason moderne :
Pour le violon 155°
Pour l'nlto 154"
Pour 11' vinlnnci'lli' 150"
Le poids que supporte un violon monté rationnel-
lement est d'environ 12 kil. 2 sur le chevalet, et la
tension des cordes représente 28 kil. 4.
Le vernis.
Il est admis que, indépendamment de sa beauté,
le vernis dont se sont servis les anciens luthiers
italiens, dénommé communément vernis de Cré-
mone, constitue un des éléments principaux de leurs
œuvres, et qu'il contribue pour une large part à
l'excellence de la sonorité.
On n'a jusqu'à présent retrouvé aucune formule,
ni manuscrite ni imprimée, de ce fameux vernis, et
qui plus est, les ouvrages anciens ne parlent jamais
de vernis pour les instruments à cordes. C'est seule-
ment à la fin du xviii" siècle que nous trouvons, dans
le livre de W.^tin, dont la première édition a paru
en 1772, une formule de vernis pour les violons.
Les vernis se groupent en quatre catégories :
1° Les vernis à l'huile pure ; — 2° les vernis à l'es-
sence pure ; — 3° les vernis mixtes (huile et essence) ;
— 4° les vernis à l'alcool.
Les huiles pouvant servir à la fabrication des ver-
nis sont les huiles dites siccatives : huile de lin, huile
de noix.
Les essences sont, en premier lieu, l'essence de téré-
benthine, puis les essences de lavande, aspic, romarin.
Les matières sèches sont plus nombreuses. On peut
y faire entrer la presque totalité des résines et des
gommes résines.
Les colorants (abstraction faite des créations de la
chimie moderne) se trouvent dans les résines colo-
rées et les végétaus. Les couleurs minérales, man-
quant de transparence, sont nalurellenu'ul éliminées.
Les teintes, pour continuer la tradition, varient
suivant les goûts, du jaune d'or jusqu'au rouge-cerise
ou au rouge-brun foncé, en passant par les tons
intermédiaires comme l'orangé plus ou moins clair.
La formule indiquée par Watin est très probable-
ment une de celles qui furent adoptées par les
luthiers français du xviii= et peut-être du xvii" siècle.
C'est un vernis à l'alcool ainsi composé :
Mettez dans une pinte d'espril-de-vin :
Quatre onces de sandaraque ; deux onces de gomme-
laque en grain; deux onces de mastic on larmes;
une once de gomme élémi.
TECtt.VIQlIE, ESTtlÉTIQVE ET PÉDAGOGIE
Oti fait foudre ces j-'omines au bain-marie, à petit
f('ii, et quand elles ont subi quelques bouillons, on
y incorpore deux onces de térébenthine. On doit lii-
trer à travers une mousseline liiie.
On peut colorer tous les vernis ù l'alcool avec des
v'omnies colorantes et des extraits. Tels sont :
L'extrait sec de l)ois jaune; la gonime-gutte ; le
cachou; les extraits de santal, de ratanhia concen-
trés, de sang-dragon (ce dernier est fugace).
La foimule destinée aux instruments à archet, que
nous trouvons iramédialement après, date de 1803;
elle est donc tout à fait moderne. C'est Tinory qui
la donne dans son Traite théorique cl pralique sur
l'art de faire et d'appliquer les vernis. Elle est aussi à
l'alcool :
Sanilaraque 4 onces.
Résine laque en grains 2.
M*^''*^ i 1 once (le cliaquo.
Benjoin )
Verre pilé 4 onces.
Térébenthine de Venise 2.
Alcool pur mesuré 32.
La gomme-laque et'la sandaraque rendent ce ver-
nis solide; on! peut le colorer arec un peu de safran
ou du sang-dragon.
En 18.34, Maugin, dans son Manuel du luthier, indi-
que aussi une formule à l'alcool.
Faites infuser pendant vingt-quatre heures dans
vingt onces d'esprit-de-vin : trois quarts d'once de
curcuma; douze grains de safran oriental.
Passez cette infusion et versez-la sur un mélange
bien pulvérisé de :
trois quarts d'once de gomme-gutte; deux onces
de sandaraque; deux onces de gomme élémi; une
once de sang-dragon en roseaux; une once de laque
en grains. Faites dissoudre au bain-marie.
Gomme déjà, depuis le commencement du siècle,
les luthiers sont préoccupés de retrouver le vernis
des anciens, et que la tradition veut que ce soit un
vernis à l'huile, M.\ugin donne également une recette
pour faire un vernis à l'huile destiné aux instru-
ments de choix.
Voici ce qu'il dit à ce sujet ; <( Tous les luthiers
célèbres de l'Italie et de l'Allemagne, tels que les
Amati, les Stradivari, les Stai.ner, se sont servis de
vernis gros ou vernis à l'huile, qui sont bien plus
beaux et plus durables que ceux à l'esprit-de-vin. Ils
ont encore sur ces derniers un grand avantage, celui
de n'avoir pas besoin d'autant de poli; de plus, deux
couches appliquées à un instrument suflisent pour
en couvrir le bois, aussi bien que le feraient sept à
huit couches de vernis à l'esprit-de-vin.
« Les matières composant ce vernis sont : 1° le
succin; 2° l'huile de lin; 3° l'essence de térébenthine.
c< Avant de pouvoir s'occuper du vernis, il faut
préparer l'huile pour la rendre siccative, car si on
l'employait naturelle, le vernis serait un temps infini
à sécher.
" En voici le moyen.
" On prend une livre d'huile de lin, une demi-once
de lilharge, autant de céruse, de terre d'ombre et
de plâtre; on fait bouillir le tout dans un pot de
terre vernissée à un feu doux et égal, en ayant soin
d'écuraer. Dès que l'écume commence à devenir
rousse et rare, on arrête le feu, et on laisse reposer
l'huile pour la tirer ensuite au clair.
« Il est bon de dire que cette opération doit se faire
dans un jardin, pour éviter les accidents et la Boau-
vaise odeur qui s'eshale pendant la cuisson.
DES INSTRUMENTS A ARCHET f730
" L'huile ainsi préparée, on procrde à la confection
du vernis.
« On prend quatre onces de succin bien nettoyé
df's corps étrangers qui peuvent y être mêlés; on
casse ce succin en morceaux de la grosseur de petits
pois, et on les met dans un pot de fer qui n'a jamais
servi; on verse sur ces morceaux de succin une cuil-
lerée d'essence de térébentine; on couvre le pot de
son couvercle, et on le met sur un feu de charbon :
il faut à peu près un quart d'heure de cuisson; on
remue de temps en temps la matière avec un mor-
ceau de sapin jusqu'à ce que la plus grosse chaleur
soit lombée; alors vous versez avec précaution deux
onces de l'huile préparée comme il est dit plus haut,
en ayant soin de bien mélanger les deux matières;
enfin, vous ajoutez l'essence de térébenthine (quatre
onces} colorée par les gommes qu'il vous aura plu
d'ajouter. »
Ce vernis est, comme on le voit, un vernis mixte
à l'huile et à l'essence.
En 1859, M. Mailand publia un ouvrage intitulé :
Dceouverte des anciens vernis italiens emploi/és pour
les instruments à cordes et à archet.
M. Mailand est d'abord partisan de remplacer
l'encollage à la colle claire ou au vernis incolore,
dont les luthiers se servent, et qui a pour objet, ap-
pliqué sur le bois d'un instrument, de le préparer à
recevoir le vernis coloré, par UTie solution alcoolique
de gomme-gutte ou d'aloès, ou d'un mélange des
deux :
Gomme gutte. . 20 grammes.
Alcool 100 centimètres cubes.
• *
Gomme giitle . 10 grammes.
Aloès 8 grammes.
Alcool 1 00 cenlimétres cubes.
Le vernis de M. Mailand est un vernis à l'essence
centenant une faible partie d'huile de lin naturelle,
n'ayant subi aucune préparation pour la rendre plus
siccative.
La particularité de ce vernis consiste en ce que
son inventeur choisit pour le colorer des substances
qui sont insolubles dans l'essence, le sang-dragon et
le santal, et, pour les y incorporer, il use d'un pro-
cédé fort ingénieux.
Sachant que fessence de térélientliine exposée à
l'air s'oxygène peu à peu, et que, dans cet état, elle
se mêle complètement à l'alcool, il incorpore dans
de l'essence de térébenthine passée à cet état une
solution alcoolique de sang-dragon et de santal.
Puis, comme l'alcool bout à soixante-dix-huit degrés
et l'essence de térébenthine seulement à cent cin-
quante-cinq degrés, il débarrasse celte dernière de
l'alcool par l'ébuUition au bain-marie.
L'alcool évaporé, les matières colorantes restent
comme dissoutes dans l'essence, sans se déposer. Le
liquide est aussi limpide qu'une dissolution.
.\yaut faitson choix parmi les résines solubles dans
l'essence, il donne la formule suivante :
Mastic en larmes 10 grammes,
Dammar friable 5' —
Kssence colorée suivant le pro-
cédé donné plus haut 100 ceuliinétres cutics. i
Le nombre des formules de vernis est cons idérable,
et ou les trouve dans les ouvrages spéciaux.
Voici cependant une formule de »ernis à l'alcoel
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
1740
pour laliilherie, donnée par Wiirlz dans son Diction-
naire de chimif (1878) :
Alcool a 95 2000 grammes.
Sandaraque 105 —
Résiniî laque 62 —
Mastic en larmes 31 —
Benjoin en larmes 31 —
Térébenthine de Venise. 62 —
Verre pilé 125 —
El enfin la recette employée fréquemment à Mire-
couil pour les instruments ordinaires :
Gomme laque 100 grammes.
Gomme gulte 30 —
Benjoin 10 —
Alcool 1 litre.
Pour colorer ce vernis, on use, suivant les cas, de
santal, de cachou, de safran, de rocou et de sang-
dragon, ou du mélange de quelques-uns de ces pro-
duits.
La inenlonnièrc. le piquet, la sourdine.
La mentonnière. — On ignore le pays d'origine
de la nieiiioiiiiisre, et le nom de son inventeur. Il
est possible qu'elle Tienne d'Allemagne; lorsque
Spohr, le célèbre violoniste et compositeur, vint à
Paris en 1819, il en avait une à son violon, et aucun
violoniste français ne s'en servait à cette époque.
Ce petit appareil, qui a
pour but d'isoler la table
d'harmonie du violon et, en
la surélevant, de donner
plus de force au menton
pour maintenir l'instru-
ment, se construit d'après
diU'érents types, et les vio-
lonistes choisissent suivant
leur goiU et leur conforma-
tion physique, lille se fait en bois d'ébène, d'érable,
•t en ébonite.
Le piquet. — Le piquet, dont on se sert pour
exhausser et supporter le violoncelle lorsqu'on en
joue, n'est pas une invention nouvelle, et on s'en
servait déjà vers la fin du xvii'= siècle. Cependant, on
exhaussait fréquemment le violoncelle en l'appuyant
sur un tabouiet plus ou moins bas. Il vint une
période où les professeurs furent hostiles au piquet,
et ce fut le violoncelliste belge François Servais qui
le remit en laveur. Encore aujourd'hui, un grand
nombre de violoncellistes et quelques virtuoses s'en
passent.
11 existe une grande variété de piquets pour le
violoncelle.
Les uns sont en ébène ou en palissandre tourné,
munis d'une pointe métallique, et s'ajustent au trou
. Flu. S)03.
Une mentonnière en place.
'Fia. 90-i. — Piquels de violoncelle.
du bouton au moyen d'un tenon légèrement coni-
que. La longueur varie entre douze et trente centi-
mètres. Il en est d'autres, en fer nickelé, qui restent
à demeure, et, lorsqu'on s'est servi de l'instrument,
se repoussent à l'intérieur.
La sourdine. — La sourdine est une petite pièce
de bois, de métal ou de corne que l'on place à volonté
sur le chevalet, et qui a pour but d'assourdir le son
de l'instrument, en lui donnant
un autre timbre.
LA RÉPARATION
La réparation joue un rôle con- y,^ 9^5
sidérableen lutherie, vu la valeur Xa sourdine.
artistique et commerciale de la
plupart des instruments anciens, ce qui faisait déjà
dire en 1806 à l'abbé Sibire, dans son Parfait Luthier :
i< Observez que la lutherie est peut-être le seul
métier au monde otj le vieux soit constamment plus
estimé que le neuf et l'entretien plus difficile que la
bâtisse. »
La réparation exige une très grande habileté de
main et beaucoup de jugement.
Le nombre des cas qui sont susceptibles de se
présenter est pour ainsi dire infini; mais ils peuvent
se grouper en quelques catégories typiques.
Le détablage. — Dans la plupart des cas, le
détahiage est nécessaire. Voici comment il se pra-
tique.
Au moyen du couteau à détabler, qui a les dimen-
sions d'un couteau de table, on commence l'opération
en introduisant la lame entre la table et l'éclisse,
à la hauteur d'un tlanc du haut ou du bas, parce
que ces parties sont plus faciles à décoller. On con-
tinue en frottant de temps en lenjps la lame de savon
sec, en saisissant le joint, en veillant à ce que les
bords ne se dédoublent pas et que la lame ne coupe
ni l'éclisse ni la table. On passe ensuite aux ce, aux
coins, et on termine par les tasseaux du haut et
du bas.
Réparations de la table. — Fraetures. —
Reuioulage des voûtes. — Doublage.
Supposons une table qui soit dans le plus mau-
vais état possible : fractures, voûtes atfaissées, néces-
sité d'en doubler la surface sur différents points.
Le collage des cassures fraîches et le décollage
des anciennes, souvent nécessaires, sont des opéra-
tions délicates, exigeant énormément de tact et
d'habileté de la part de l'opérateur. On commence
par un lessivage à l'intérieur au moyen d'un pinceau
et d'eau chaude. Pour décoller les anciennes frac-
tures, on se sert d'un fer ad hoc, chauffé, mais à une
tempéraluie assez basse pour ne pas brûler le bois.
Plus tard, lorsque la réparation de la table aura
été complètement achevée, on consolidera les frac-
tures en collant à l'intérieur, espacés suivant les
besoins, de petits rectangles de bois de sapin appelés
taquets, taillés en pyramides très aplaties, de gran-
deur et d'épaisseur proportionnées à leur destination.
Un en place aussi sous le joint central, lorsqu'on re-
doute une séparation possible des deux parties. Les
anciens se servaient dans ce cas de bandes de toile
ou de parchemin.
Pour le remontage des voûtes et le collage des
doublures, on se sert d'un moule de table. On nomme
moule de table des contre-parties ayant la forme
entière ou partielle d'une table. Elles sont en bois
tendre de quelques centimètres d'épaisseur. Elles
doivent épouser la forme des voûtes, et sont, par
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 1741
conséquent, creusées de manière à épouser plus
ou moins exaclemenl les convexités de la table.
FiG. 906. — Moule de poUriiie.
On installe donc la lable sur le moule, et on l'im-
bibe d'eau dans la partie du centre. I.e remontage
se fera naturellement, par suite du gonllemenl des
fibres du bois.
Lorsque la voûte aura repris sa forme normale, on
placera sur le creux de la table, à. l'endroit voulu,
une contre-partie en relief, épousant la forme de ce
creux, de sorte que la table sera en sandwich entre
ces deux pièces de bois. Sur cette dernière contre-
partie, on placera un sac de sable Tin chauffé; puis,
au moyen d'une presse, on serrera dans une certaine
mesure, et on laissera le tout jusqu'à ce que la colle
soit sèche et le sable refroidi.
11 faut avoir soin de bien savonner au savon sec
la contre-partie sur laquelle s'applique le côté ver-
nissé, pour éviter que le vernis ne soit endommagé.
I^iG. 908. — Pièce d'àme
et taquets.
paities d'une table, soit
que ces parties soient
trop minces, soitque, par
suite de cassures, elles
ne pourraient plus sup-
porter la pression nor-
male à la place de l'àme
ou sous le chevalet, par
exemple.
Ces doublures, qui
sont en sapin pour la
table, ont la grandeur
proportionnée à la par-
tie à renforcer, et la
forme qui convient le
mieux. Elles sont ou
simplement collées, ce
qui est le plus avanta-
geux, ou collées après
que l'on a creusé légè-
rement la place.
On pose parfois des doublures qui embrassent
toute la surface, et qui, lorsqu'elles sont faites de
vieux bois, ne sont pas
perceptibles. Elles ont
surtout pour but de don-
ner une plus grande va-
leur à l'instrument ainsi
réparé, mais, en réalité,
elles sont désavantageu-
ses parce que, pour les
placer, il faut diminuer
l'épaisseur de toute la
table.
La doublure une fois
collée, la table, placée
sur l'appareil que nous
venons de décrire, est
pressée de la même façon
que dans le remoulage,
et, pour que l'opération
réussisse, il est utile de
laisser le tout en place i'^'^- ^o^.- Pièce d'àme et pièces
'^ de renforcement du devant et
pendant un temps assez ^^ derrière de la table.
long.
Il arrive fréquemment que les tables d'antiques
FiG. 907. — Comment on opère pour faire remonter la voûte
d'une table ou d'un fond, ou pour coller une doublure en bois
forcé.
Pour recoller les brisures qui ont besoin d'être
serrées latéralement, on se sert de serre-joints
spéciaux aussi simples qu'ingénieux.
Pour le doublage, on se sert du même appareil.
On se trouve dans la nécessité de doubler certaines
FlG,
910. — Partie de demi-bords
mise à sa place.
1742
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTION.VAfRE DU CO.VSRnVATOfRE
ont besoin de dou-
blures de bords. Cette
réparation se fait un
peu difTéremment des
précédentes.
Après avoir raboté la
partie à border de ma-
nière à en diminuer
l'épaisseur, on y colle
la doublure que l'on
a préparée, puis, au
moyen de contre-par-
fies et de vis à tabler,
ou de happes, on met
le tout sous pression,
jusqu'à parfaite siccité.
On achève ensuite les
détails de la réparation.
Cette opération se
pratique aussi pour le
fond.
FiG. 911. — Cumment se collent Réparations tin fond.
les demi-bords.
Le fond est moins
fragile que la table. Cependant, il est sujet à répa-
rations dans les trois
cas principaux sui-
vants :
Lorsque, par suite de
la tension des cordes,
il y a décollement du
manche, et qu'une bri-
sure du talon se pro-
duit;
Quand, par suite d'un
choc violent, l'àme a
fendu la partie du fond
où elle pose;
Si, par insuffisance
d'épaisseur au milieu,
l'instrument a une mau-
vaise sonorité.
Ces réparations se
font par les moyens
indiqués pour la ré-
FiG. 912. — Fond sur lequel ou paration des tables,
remarque le talon brisé et une * , ■ , ■ ,
rupture à l'endroit où porte et suivant la nature
lame (avant réparation;. OU l'importance du dé-
fiât pour les cassures,
et l'insuffisance pour le manque d'épaisseur.
Réparation aux cclisses. — Le remontage.
Les cassures produites aux éclisses sont souvent
difficiles à réparer, étant donné leur peu d'épaisseur.
Lorsque les recollages sont impossibles, on fait le
sacrifice de la partie brisée, et on la remplace par
un morceau neuf.
Lorsque les éclisses sont trop basses, ce qui arrive
à force do détabler des instruments et de raboter
ensuite les éclisses pour les mettre bien droites, on
est dans la nécessité de leur rendre la hauteur nor-
male; celle restauration se fait au moyen de bandes
d'éclisses que l'on colle sur les anciennes, tranche
contre tranche, après avoir préalablement enlevé les
conlre-éclisses. On consolide le joint, et on remet les
contre-éclisses en place.
Fil-.. 913. — Préparation pour la réparation du talon bris"
et (le la rupture du fond i) la place où porte l'ànie.
Réparation «lu cheiillier el de la tète.
Enturp «lu manehe.
Les réparations du chevillieret delà tête sont sou-
vent difficiles, et cependant elles sont indispensables,
lorsqu'il s'agit de conserver une tète d'auteur. La
solidité, qui joue un grand rôle |daiis cette partie de
l'instrument, nécessilo une restauration qui ne soit
pas uniquement pour la vue. Aussi, parfois est-on
obligé de sacrifier le clievillier pour ne laisser subsis-
ter que la volute.
L'enture, c'est-à-dire le remplacement du manche
par un autre et l'ajustement de ce dernier à la tête
ancienne, se pratique de nos jours principalement
en cas de rupture, ou par suite du manque d'épais-
seur, ou encore d'insuffisance de largeur. C'est à
ViOTTi que l'on doit l'allongement du manche du
violon de deux lignes, environ quatre millimètres, et
il s'ensuivit un diapasonnage nouveau, devenu fixe
et définitif pour tous les violons.
On appelle diapason la longueur de corde et la
manière dont elle se répartit du sillet du manche au
bord de la table, et du bord de la table au cran des
/■/. Dans le diapasonnage moderne, la distance du
sillet du manche au cran d'un /' est divisée en cinq
parties dont deux du sillet du manche à la table,
et trois du bord de la table au cran de Vf. L'alto, le
violoncelle et la contrebasse ont aussi leur diapason
fixe (voir le tableau des mesures principales). La
réforme de Viotti explique pourquoi presque tous
les violons antérieurs au xix" siècle ont leur tète
entée quand elle est originale.
Nous disons presque tous, parce que cela n'a pas
eu lieu pour les instruments qui étaient par hasard
pourvus d'un manche suffisamment long, et que,
d'autre part, quelques violons de grande valeur ont
été protégés contre cette mutilation par des luthiers
aussi ingénieux que consciencieux.
Le procédé employé consiste à allonger le manche
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 1743
par le bas, du ciMé du talon, après l'avoir soigneu-
soQient décollé.
Pour enter une tête d'instrument, violon, alto ou
violoncelle, on commence par faire l'ablation du
vieux manclie au ras du cbevillier; on pratique en-
suite, dans chacune des joues du cbevillier, a l'inté-
rieur de la mortaise, une entaille s'arrétant carrément
au milieu du deuxième trou, et se terminant à zéro
au bas de cette mortaise. Ces deux enlaillcs, qui
FiG. 914.
Proparalion des pièces
l>our Tenture du manche.
Fia. 915.
Enlure collée
ù sa place.
doivent s'arrêter au niveau du fond de la mortaise,
et respecter par suite la coulisse et le talon de la tête,
constituent le logement de l'extrémité du nouveau
manche.
On introduit le bloc du nouveau manche préparé
à cet effet; on creuse dans ce bloc la partie du cbe-
villier de manière à la raccorder avec ce qui est resté,
et on opère l'enclavement du manche en observant
le renversement, comme s'il s'agissait d'un violon
neuf.
Le recoupage et l'agrandissement.
On appelle recoupage l'opération qui consiste à
diminuer les dimensions d'un instrument, en partie
ou en lotalilé, tout en conservant les bords et les
filets. Autrelois, on pratiquait le recoupage des
antiques à tort et à travers, suivant le caprice des
amateurs ou des luthiers. Cette opération ne se fait
plus guère de nos jours qu'à bon escient et dans des
cas spéciaux. Les altos et les violoncelles en sont
surtout l'objet. Il arrive que des altos anciens ont la
partie antérieure extrêmement développée, ce qui en
rend le jeu difficile, ou impossible même pour cer-
taines mains, étant donnés les progrès de la tech-
nique de cet instrument.
D'autre part, il existe des violoncelles anciens qui
sont très grands et hors de proporlion.
L'opération très délicate est la même pour les fonds
que pour les tables. Comme il s'agit de conserver
les bords, coins et filets, on commence par les sépa-
rer de la table au moyen d'une scie très fine dans
toute la partie à recouper. On diminue ensuite de la
quantité voulue, en observant des contours déter-
minés, et on recolle la bordure contenant les bords,
coins et filets. Pour maintenir les parties pendant le
séchage, on use de galons plats de largeur moyenne.
Pour éviter tout gauchissement de la table à ce
moment, on a eu soin de la consolider préalablement
au moyen de trois traverses.
Fis. 016. — Recoupage : on voit un côté delà table recoupe,
avec bord et tîlets conservés.
Fia. 917. — Après le recoupage :
comment on colle les liords et les filets.
L'agrandissement, quand il se pratique d'une
faion complète, est l'opération contraire au recou-
pement, dans ce sens qu'à la place d'enlever du bois
sur le pourtour, on en ajoute.
Lorsque la largeur seule fait défaut, l'agrandisse-
ment se fait par le milieu. On ouvre le joint central,
et on ajoute entre les deux parties la quantité de
bois nécessaire.
11 arrive, surtout dans les violoncelles, que la par-
tie du haut soit trop courte, et qu'il faille donner à
iTii
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
rinstrument le diapason normal. On procède alors
comme dans le recoupage, mais l'opération présente
une diriiciillé de plus que dans l'agrandissement
général, étant donné que la partie ajoutée est assez
importante, et que la restauration doit être très
solide.
L'agrandissement nécessite aussi une restauration
aux éclisses devenues trop courtes.
Dans la majorité des cas, pour dissimuler un
agrandissement, on ajoute un second filet. Aussi,
faut-il examiner avec attention tout antique, qui n'est
pas de l'école de Brescia, porteur d'un double filet.
Presque toujours c'est un instrument agrandi.
Les mesures indiquées dans le tableau suivant,
quoique rigoureuses, ne sont pas absolues, des
différences dans les palrons amenant avec elles des
écarts plus ou moins sensibles dans certaines parties.
Hcsnres principales.
Longueur du corps de l'inslrumenl sans le talon
Largeur du haut
Largeur du bas
Largeur du milieu au plus étroit
Hauteur des éclisses du haut ■
Hauteur des éclisses du bas
Epaisseur des éclisses
Hauteur des conlre-éclisses
Epaisseur des contre-éclisses à leur point d'affleurement
Hauteur des voûtes de la table
Hauteur des voûtes du fond
Distance du cran des // au bord de la table
Dislance du bord de la table au sillet du manche
Renversement du manche sans ia touche au cran de 1'/
Renversement du manche avec la touche au cran de Vf
Saillie du manch e
Longueur de la touche
Largeur de la touche au sillet
Largeur de la touche à l'autre extrémité
Epaisseur de la table au centre
Epaisseur du fond au centre
Epaisseur des flancs de la table au plus faible
Epaisseur des flancs du fond au plus faible
Ecartement des//en haut
Epaisseur des bords ' !
Longueur de la barre
Hauteur de la barre au plus fort
Epaisseur de la barre au plus fort
Longueur des //
Ecartement des cordes extrêmes sur le cheviilet
Ecartement des cordes extrêmes au sillet
Espaces entre 1 extrem. delà touche et les deux cordes extrêmes- I
Epaisseur du chevalet aux pieds
Epaisseur du chevalet à la tète
I mi
lu
ré
sol
Grosseur des cordes < "'
sol
ré
la
Tiolon.
Alto.
Tiolon celle.
Gontreliasse
à 3 cordes.
—
—
—
—
mm.
mm.
mm.
mm.
,357
400
765
1130
168
185
350
500
209
238
4i0
680
110
128
235
375
30
35
110
160
32
40
120
195
1
1,2
1.5
2
7
10
20
35
2
2,5
4
6
15
16
22
43
15
16
22
43
195
219
417
620
130
146
278
450
18
19
61
130
29
33
83
165
/
8
19
26
270
300
575
840
21
26
30
40
12
45
63
90
3
4
5
9
4,5
4,5
8
12
2
2
3
5
1,7
2
3
5
■il
47
102
140
3
4
6
S
2S0
30(1
600
850
11
15
22
30
5
6
10
25
72
80
132
216
31
38
45
85
17
18
22
30
4
4,5
6
8
5
5,5
7
13
4
5
12
25
0
2 fort
3
7
o,eo
o,so
0,85
1,20
1,15
1,15
1,40
0,85
0,8i
1,35
1,20
1,87
2,90
3,70
3,55
Cootrebasss
i i ciirdes.
mm.
1130
510
680
375
170
200
2
35
620
450
135
170
26
840
40
90
9
12
150
S
850
36
23
216
90
38
S
13
2,95
3,70
3,55
4,50
LARCHET
L'archet a mis deux siècles de plus que lu caisse
harmonique pour arriver à sa perfection.
Fétis, dans l'ouvrage sur Stradivarius qu'il écrivit
en collaboration avec Vi'illauue, explique les raisons
de ce retard :
« Dans le xv!"^ siècle, l'arcbet commença à se per-
fectionner; c'est alors qu'on voit la baguette, tantôt
ronde, tantôt coupée à cinq pans, s'amincir en ap-
prochant de la tête, et cette même têle s'allonger
démesurément. Dans le siècle suivant, l'art déjouer
des instruments à archet se perfectionne; on recon-
naît la nécessité de modifier les degrés de tension du
crin en raison de la musique qui doit être exécutée,
et l'on satisfait ce besoin par l'invention de la cré-
maillère, bande de métal posée sur la partie de la
baguetle où se fixe la hausse, et divisée en un certain
nombre de dents. Une bride mobile en fil de fer ou
en laiton, altachée à la hausse, servait à l'accro-
cheraent de celle-ci à l'un des degrés de la crémail-
lère, ou plus haut ou plus bas, suivant la tension
que l'exécutant voulait donner aux crins. A cette
époque, la tèle était toujours très allongée et termi-
née en pointe qui se recourbait un peu en arrière.
« La baguette était toujours plus ou moins bombée.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 171
Tel était l'archet de Corelli et celui de Vivaldi. Ces
deux maîtres, qui vivaient au commencement du
sviii» siècle, n'avaient pas encore reconnu la nécessité
de rendre la baguette llexible, parce qu'ils n'avaient
point imaginé de colorer la musique par des nuances
variées : ils ne connaissaient qu'une sorte d'effet de
convention, lequel consistait à répéter une phrase
piano après qu'on l'avait fait entendre forte.
« Chose remarquable, la construction des instru-
ments à archet était parvenue au plus haut point
de perfection, tandis que l'archet était encore rela-
tivement à l'état rudimentaire.
« Plus varié dans son stjle que Corelli et Vivaldi,
Tartini fit, vers 1730, d'heureuses améliorations
dans cet aReiit duquel dépend la production des
sons. Il en fit tailler de moins lourds, dans des bois
plus légers que ceux dont on avait fait usage jusqu'à
lui; il redressa la baguette, au lieu de la tenir bom-
bée, fit raccourcir la tête, et lit faire des cannelures
à la partie de la baguette qui est dans la main, afin
d'empêcher qu'elle ne tournât entre les doigts. Ces
cannelures, que l'on pratiqua ensuite dans toute la
longueur de la baguelte, devinrent très à la mode.
« On attribue à Tourte, de Paris, père de celui qui
a porté l'archet à sa dernière perfection, la suppres-
sion de la crémaillère, et sou remplacement par la
vis à écrou qui fait avancer et reculer la hausse pour
tendre le crin à volonté, à l'aide d'un bouton placé à
l'eitrémité de la baguelte. »
D'une façon générale, on peut dire que l'archet
primitif du xi" siècle avait la forme d'un arc. Petit à
petit, la courbure s'atténua et la baguette devint
droite. Enfin, François Tourte, second fils du précé-
dent,linlroduisit la cambrure, c'est-à-dire la courbure
en sens contraire de l'arc primitif, et cette forme
devin! définitive. Celte cambrure a pour objet, une
fois l'archet tendu, de lui donner l'élasticité néces-
saire.
^'> 1. — Mersenne, 1620.
fjo2. —Kircher, 1G40.
N" 3. — CastroviUari, 1 660.
pjo 4. — Bassani, 1680.
N"5. —Corelli, noo.
P^o6. —Tartini, i'40.
Mo 7. — Cramer, l
!T0.
N^S.
• Viotti, 1790.
Fia. 91S. — Processus de la transformation (te l'archet.
110
1746
ENCVCLOPÈDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
François Tourte, dit le jeune, qu'il ne faul pas
confondre avec son frère aîné, ouvrier médiocre, est
ajuste titre surnommé le Stradivarius français.
François Tourte porta l'archet à son plus haut
degré de perfection.
Cet homme remarquable, d'une rare intelligence,
ne savait ni lire ni écrire. Sa vie laborieuse et simple
n'est pas sans analogie avec celle de Stradivarius.
Comme ce dernier, il travailla jusqu'au moment où
les forces vinrent à l'abandonner. L'un et l'autre ont
rendu à l'art des services égaux.
Indépendamment de ses aptitudes naturelles, de
son génie inventif, cet illettré a instinctivement appli-
qué la loi de diminution progressive du volume de
la baguetle. On est redevable au luthier Vuillaume,
de Paris, de la découverte de cette loi (en 1855).
Voici comment il l'a formulée : « La longueur
moyenne de l'archet, jusqu'à la tête exclusivement,
est de 0 m. 7no.
« L'archet comporte une partie cylindrique ou
prismatique de dimensions constantes, dont la lon-
gueur est de 0 m. HO. Ouand cette portion est cylin-
drique, son diamètre est de 0 m. 008 ■— .
« A partir de cette portion cylindrique ou prisma-
tique, le diamètre de l'archet décroît jusqu'à la tête,
3
où il est réduit à 0 m. 005 — ; ce qui donne entre
les diamètres des extrémités une dilTérence de
0 m. 003 — ou r^ de millimètre, d'où se tire cette
10 10
conséquence que la baguette comporte dix points
3
ou son diamètre est nécessairement réduit de -^ de
lu
millimètre à p;Lrlir de la portion cylindrique. »
Après avoir constaté sur un grand nombre d'ar-
cliets de Tourte que ces dix points se trouvent tou-
jours à des distances décroissantes, non seulement
sur la même baguette, mais que ces distances sont
sensiblement les mêmes et pour les mêmes points
sur divers archets comparés, M. Vuillaume a recher-
ché si les positions de ces dix points ne pourraient
pas être obtenues par un procédé graphique qui
permit de les retrouver avec certitude, et, consé-
quemment de construire des archets dont les bonnes
conditions seraient toujours fixées a priori : il y est
parvenu de la manière suivante.
A l'extrémité d'une ligne droite AB ayant 0 m. 700,
c'est-à-dii-e la longueur de l'archet, on élève une
perpendiculaire AC, ayant la longueur de la portion
cylindrique, à savoir 0 m. 110. A l'extrémité B de la
même ligne, on élève une autre perpendiculaire BD,
dont la longueur est de 0 m. 022, et l'on réunit par
une ligne droite CD les extrémités supérieures de
ces deux perpendiculaires ou ordonnées , en sorte
que les deux lignes AB et CD forment entre elles un
certain angle.
Prenant avec un compas la longueur de 0 m. 110
de l'ordonnée AC, on porte sur AB cette longueur, à
l'extrémité de laquelle on élève, jusqu'à la rencontre
(le la ligue CD, une nouvelle ordonnée FF, moins
grande conséquerament que AC. C'est entre ces deux
ordonnées AC et CF que se trouve la portion cyhn-
drique de l'archet, dont le diamètre est, comme on
l'a vu précédemment, de 0 m. 008 --.
Prenant alors la longueur de l'ordonnée EF, on la
parle sur la ligne AB, à partir du point F, et l'on a
un point G sur lequel on élève une troisième ordon-
née GH, dont on piend aussi la longueur pour la
reporter du point (i sur la ligne AB, et y déterminer
un nouveau point I, sur lequel on élève la quatrième
ordonnée IJ, dont la longueur, également reportée
sur la ligne AB, détermine le point où s'élève la cin-
quième KL. Celle-ci déterminera dans les mêmes
conditions la sixième MN, et ainsi des autres jusqu'à
l'avant-dernière YZ.
Les points G, I, K, M, 0, (J, S, U, W, Y, ainsi obtenus
à partir du point F, sont ceux où le diamètre de l'ar-
3
chet est successivement réduit de —-^ de millimètre.
10
Or ces points ont été déterminés par les longueurs
successivement décroissantes des ordonnées élevées
sur les mêmes points, et leurs distances respectives
sont progressiTement décroissantes, depuisle point E
jusqu'au point B.
Si l'on soumet ces données au calcul, on trouvera
que le profil de l'archet est représenté par une courbe
logarithmique dont les ordonnées croissent en pro-
gression arithmétique, tandis que les abscisses crois-
sent en proportion géométrique, et qu'enfin la cour-
bure du profil sera exprimée par l'équation :
// = - 3,11 + 2,37 log.r;
FiG. 920. — ■ Détermination empirique
de la forme des arcbols de TonRïiî.
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉOAGOGÎE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 1747
et, faisant variera; depuis 173 jusqu'à 763 dixièmes
de millimètre, les râleurs correspondantes à y seront
celles des rayons.
Ainsi se trouve formulée la théorie rigoureuse de
l'archet de violon. Par un procédé fjraphique analo-
f^ue, on déterminera sans peine les proportions
décroissantes de l'archet d'alto et de l'archet de vio-
loncelle.
La fabrication. — La fabrication des archets cons-
titue une induslrie .spéciale, loiit à l'ait distincte de
celle de la lutherie. L'art de faire un archet est infi-
niment plus compliqué qu'on ne pourrait le suppo-
ser, et l'on peut affirmer, toute proportion gardée, que
les bons archets sont aussi rares que les bons violons.
Le bois de Pernambouc est réputé comme le meil-
leur de tous les bois pour la fabrication des archets.
Il possède à la fois la raideur, la llesibilité el la légè-
reté, qualités essentielles pour un bon archet. C'est
celui qui est employé de nos jours, à l'exclusion de
tout autre, pour les archets soignés.
Il est cependant un autre bois, que Tourte le jeune
a employé avec succès : c'est le bois de fer. Les deux
sortes liois de perdrLv et bois gris, ou coco, sont les
meilleures. Le seul défaut du bois de fer est d'être
un peu lourd, ce qui explique pourquoi, à l'époque
où l'on estimait plus particulièrement les archets
légers, ceux de Tourtk, ou tout au moins un certain
nombre d'entre eux, étaient délaissés par les artistes.
Aujourd'hui, beaucoup de riolonistes recherchent les
archets d'un certain poids, ce qui donne une nouvelle
consécration au talent de Tourte le jeune, el justifie
les prix élevés auxquels atteignent ses archets.
On se sert aussi du bois d'amourette, mais il est
très irrégulier, et il faut savoir choisir.
Pour confectionner la baguette, le bois est débité
en planches de quatre-vingts centimètres de longueur
et douze millimètres d'épaisseur. A l'aide d'un gaba-
rit qui a la forme légèrement agrandie du modèle
que l'on veut reproduire, on trace l'archet dans le
sens du lil du bois, puis on le découpe à la scie.
Certains archetiers débitent la baguette à fil droit,
réservant toute la cambrure à l'action du feu, tandis
que d'autres lui donnent un peu de cambrure dans
le tracé même, sans toutefois que le til du bois soit
tranché au point de compromettre la solidité.
Tourte le jeune procédait ainsi, mais il arait soin,
pour obtenir, sams erreur possible, le fil du bois, de
le fendre à la hache.
Avant d'aller plus loin, disons que la fabrication
de l'archet n'est pas purement mécanique, et que la
qualité des bois employés ne constitue pas à elle
seule la qualité de l'archet. Le jugement et l'expé-
rience de TouTrier dominent toute l'opération. De
même que le luthier proportionne les épaisseurs d'un
instrument à la nature du bois qu'il travaille, l'ar-
chetier doit agir en conséquence en confectionnant
la baguette.
La confection de l'archet se continue ainsi.
On rabote la baguette au carré, en se servant de
calibres à ouvertures différentes. Puis on passe h
huit pans, et enfin on arrondit, en réservant l'extré-
mité de la baguette du côté de la poignée.
La forme de la tête est ensuite donnée au moyen
de gabarits, et, avant de creuser la mortaise qui con-
tiendra l'extrémité des crins, on colle les deux
petites plaques minces qui serviront d'ores et déjà à
lui donner de la résistance. La première de ces pla-
ques est en ébène, et celle qui la recouvre, en ivoire.
On creuse ensuite la mortaise de la hausse, du
côté de la poignée, on perce à l'extrémité de la
baguette un trou dépassant d'environ un centimètre
le fond de cette mortaise, qui recevra la tige à vis du
bouton, après avoir préalablement réservé un petit
épaulement qui s'engagera dans le bouton.
La hausse est la partie de l'archet
qui, non seulement, caractérise les
transformations successives de l'archet
des instruments du quatuor, mais qui a
permis, grâce à ses derniers perfec-
tionnements, d'obtenir un rendement
maximum. Elle se fait en ébène, en
écaille et parfois en ivoire.
On distingue dans la hausse la cou-
lisse, qui glissera sur l'extrémité de la
baguette, suivant la tension désirée, et
qui est creusée à trois pans, contre-
partie en creux de la baguette. Elle est
renforcée d'une plaque de métal qui
en épouse exactement la forme.
A l'opposé de la coulisse, se trouve
creusée la mortaise, qui devra recevoir les crins.
Ces derniers sont masqués par le recouvrement. H
consiste en une lame d'ébène de un millimètre d'é-
paisseur, sur laquelle on a collé un petit placage
de nacre. Ce recouvrement doit glisser dans une
entaille pratiquée sur la face de la hausse destinée
à le recevoir, de telle façon que les crins ne puis-
sent la soulever lorsqu'ils seront une fois placés.
Du côté du haut, le recouvrement est encore
maintenu par le passant, virole de métal qui prend
la forme de la hausse à cet endroit, el, du côté du
bas, le morceau de nacre du recouvrement est pro-
longé par une petite plaque de métal Ûxe, qui se
joint à un autre morceau de métal encastré; ces deux
plaques de métal sont à angle droit, rigoureusement
pour le violon et l'alto, arrondi pour le violoncelle
et la contrebasse.
Au milieu de la coulisse est Cixé l'écrou, qui trouve
sa place dans la mortaise de la baguette, et dans
lequel vient s'engager la vis filetée du bouton à l'aide
de laquelle on fait mouvoir la hausse une fois adap-
tée, pour obtenir la tension de la baguette.
A l'extrémité du bouton se trouve un petit rond
de nacre, simple ornement. Quelquefois, le bouton
est entièrement métallique, et, par conséquent, privé
de cet ornement.
Les crins dont on se sert pour le violon, l'alto et
le violoncelle sont blancs et de cheval, ceux de la
jument n'étant pas suffisamment solides. Pour la
conirehasse, on emploie des crins noirs.
La mèche d'un archet de violon contient de 120 à
130 crins; celle de l'alto, de 160 à 200; celle du vio-
loncelle, de 209 à 230, et celle de la contrebasse de
200 à 250.
Sa mise en place est une opération qui demande
une grande pratique. Qu'il nous suffise de dire qu'a-
près en avoir réglé la longueur, les deux extrémités
sont liées avec un fil assez fort, et enduites de résine
que l'on présente à la flamme d'une lampe pour tout
lier ensemble.
Ces deux extrémités tiennent solidement dans leur
mortaise respective par un moyeu aussi simple
qu'ingénieux. Après avoir introduit l'extrémité ainsi
préparée dans la mortaise, on bouche cette dernière
au moyen d'un petit morceau de bois; or, la mèche
recouvrant ce petit bloc le maintient en place d'au-
tant plus solidement que la tension est plus forte.
1748
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
On a l'habitude de mettre une garniture à l'endroit
où se trouvent les doigts, près de la hausse. Elle est
en passé d'arpent qu'on enroule autour de la baguette
sur une distance de quelques cenlimètres. On y
ajoute aussi une autre garniture étroite en cuir, que
l'on place tout contre la hausse, et qui empêche la
baguette de glisser des doigts. Depuis quelques an-
nées, on emploie aussi des garnitures de caoutchouc.
Poids et mesures de l'aTchet.
Violon. — Poids : 55 à 60 grammes, dont 35 pour la baguette
et 2 à 3 pour les crins.
Le plus fort diamètre (au pied) : ,6 mm.
Le plus faible diamètre (à la tète : 5,3 mm.
Longueur totale avec le bouton : 75 cm.; la baguette seule
73 cm. 1/2 et sans la léte 70 cm.
Hauteur de la hausse : 21 mm.
Hauteur de la tète : 22 mm.
Largeur de la lête : 10 mm.
Largeur du ruban de crins : 8 à '.t mm.
Longueur du ruban de crins : 72 k 75 cm.
Centre de gravité : à environ 20 cm. du bout.
Alto. — Poids : 63 à 65 grammes, dont 40 pour la baguette
et 3 grammes pour les crins.
Le plus fort diamètre (au pied) : 0 mm.
Le plus faible diamètre (à la tète) : 5 mm. 1/2.
Longueur totale avec le bouton : 72 à 75 cm.
Hauteur de la hausse : 23 mm.
Hauteur de la tète : 25 mm.
Largeur de la tête : 10 mm. 5.
Violoncelle. — Poids, 70 k 75 gr., dont 50 gr. pour la ba-
guette seule, et 4 à 5 gr. pour les crins.
Le plus fort diamètre (au pied) : 10,6 mm.
Le plus faible diamètre (à la tète) ; 7,3 mm.
Longueur totale avec le bouton : 70 cm.
Hauteur de la hausse : 24 mm.
Hauteur de la tète : 28 mm.
Largeur de la tète : 12 mm.
Largeur du ruban de crins : Il à 12 mm.
Contrebasse. — Poids : 135 gr., dont lO gr. pour les crins.
Le plus fort diamètre (au pied) : 15 mm.
Le plus faible diamètre (à la tête) : 10 mm.
Hauteur de la hausse ; 5 cm.
Hauteur de la tète : 5 cm.
Largeur de la tête : 21 mm.
Fia. 922. — Trois différents types d'archels de contrebasse.
La colophane»
La colophane, dont on frotte les crins des archets
pour leur donner le mordant, a donné lieu à une
infinité de formules. Celle indiquée par Toldecque,
et qui lui a donné d'excellents résultats, est bien
raisonnée. Elle se formule ainsi pour le violon :
Galipot, 50 grammes; colophane blonde du commerce, 50 gr.;
térébenthine de Venise 5 gr., le tout tondu ensemble.
Pour le violoncelle :
Galipot, 100 gr. ; colophane blonde, 50 gr.
Pour la contrebasse :
Les formules varient à l'infini. Beaucoup de con-
trebassistes font leur colophane eux-mêmes. Voici
deux formules :
colophane, 50 gr. ; cire jaune, 15 gr. ; poix
10 Galipot, 50 gr
blanche, 40 gr.
' 2" Galipot, 50 gr
huile de colza, 5 gr.
colophane, 50 gr. ; poix blanche, 30 gr. ;
LES ARCHETIERS
Les archetiers ont généralement fait quatre caté-
gories d'archets :
1° L'archet à recouvrement maillechort;
2° L'archet à recouvrement et garniture d'argent;
.3° L'archet à recouvrement et garniture or;
4° L'archet à recouvrement, garni or, et hausse
écaille ou ivoire.
Plus un archet est richement monté, plus on a de
chances d'avoir une bonne baguette, les ouvriers
mettant toujours de côté les meilleures pour les
garnir ou en argent, ou mieux, en or. Généralement,
les vieux archets de Paris sont garnis en argent.
Adam (Jean-Dominique) (Mirecourt, 1795-1864). —
A fait d'excellents archets, surtout à huit pans, si-
gnés : Adam.
DoDD (John) (Kew, fin du xviii= siècle, commence-
ment du XIX'). — Ses archets sont très réputés, par-
ticulièrement en Angleterre. Ils méritent cette ré-
putation, quoiqu'on puisse leur reprocher d'être un
peu courts. Dodd a été surnommé le Tourte anglais.
Ei'RT (Paris, vers 1830). • — Excellent archetier, que
l'on peut classer parmi les meilleurs. 11 signait : Eury.
FoNCLAUsE (Joseph) ('Luxeuil [l'ranclie-Comlé],
1800, f Paris, 1864). — Un des plus habiles fabricants
d'archels de son temps. Il a beaucoup travaillé pour
VuiLLAiiME. — Il signait : Fonclause.
Henry (J.) (' Mirecourt, 1823, f Paris, 1870). — Tra-
vailla chez Georges Chanot, Dominique Peccate et
s'associa en 1848 avec Simon. En 1851, se sépara de
ce dernier pour s'élablir tout seul.
Il a fait beaucoup d'archets excellents, parmi les-
quels un certain nombre ont des hausses d'écaillé,
dans lesquelles sont incrustées des fleurs en argent
ou en or. Il signait : Henry, Paris.
KiTTEL (Saint-Pétersbourg, 1845-1880 environ). —
Très habile faiseur d'archets, surnommé le Tourte
russe.
Lafleur (Joseph-René) ('Paris, 1812, f Maisons-
Laffitte, 1874). — A produit des archets comparables
à ceux de Tourte.
Lauy (Alfred) ('Mirecourt, 1850; + Paris, 1915).—
Ses archets sont fort beaux. Il signait : A. Lainy.
Lenoble (Auguste) ('Mirecourt, 1828, f Paris, 1895).
— Travailla chez Peccate et chez Vuillaume. Archets
bien faits.
Lui'OT (François) ('Orléans, 1774, f Paris, 1837).—
Frère du célèbre luthier Nicolas Lupot. Ses archets
sont très recherchés. Il signait : Lupot. 11 y a de
nombreuses imitations.
Pageot (Mirecourt, 1791-1849). — A fait de nom-
breux archets excellents.
Peccate (Dominique) ('Paris, 1826, j Mirecourt,
1874). — Travailla chez Vuillaume et prit plus tard
la succession de François Lupot. — On le classe
parmi les meilleurs archetiers de son temps. Il
signait : Peccate.
Peccate (François) ('Mirecourt, 1820, f Paris,
1855). — Excellent archetier, dont la facture peut se
confondre avec celle de son frère. Dans la même
signature : Peccate, les caractères sont une idée plus
grands que dans la signature du précédent.
Persois (Paris, 1830 environ). — Travailla chez
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 1749
J.-B Vliillaume, puis il s'établit. Ses archets sont
rares. Il signait : P. H. S., sur le pan, sous la cou-
lisse.
ScHwARTz (Georges- Frédéric) (Strasbourp 178o-
1849). — Ses archets sont très estimés. Il signait :
Schicartz, Strasbourg.
Simon ("Mirecourt, 1808, f Paris, 1882). — Travailla
•chez Peccate et chez Vuillauue, puis s'associa avec
Henri de 18't8 à 1851. Ses archets estimés sont mar-
qués : Simon, Paris.
Tourte (Xavier) (dit Tourte l'Atné} (Paris, seconde
moitié du xviir siècle). — Les archets qu'il fit sur le
modèle de ceux de son frùre sont remarquables.
Tourte (François) (dit Tourte le Jeune) (Paris,
1747-1833). — Frère du précédent. Sa réputation est
universelle. Il travailla jusqu'à quatre-vingt-cinq ans.
Tourte ne marquait jamais ses archets. Il en est
quelques-uns qui portent une éti (uette minuscule
. . - .... ^^)
^- : ?|!\(> 1>R T ■ E LE - J É U NE / 1 1
i;gaif et Wfi'cf foutes soj-fes-d'ardicls , /i'
rr~\pjmeure'yunt de/'Éco/e , maison llu mai'- ^
VcîmnH Je, imsifte , ci-dwant Cqffe du /'ru- U
ir\CV' APARIS.
1.-/*^
«'«K
^^'^^^^^
FiG. 'J2i. — Carte d'adresse de Tourte le jeune.
TOURTE .5", rfZt ,i^ ^ yy^^io
Fia. 924. — Fac-similé d'une éliquelte minuscule
collée dans la coulisse d'un archet
de F. TouRTB le jeune.
collée dans la coulisse, indiquant à quel âge il avait
fait chacun de ces archets.
TuBBS (Londres). — Un des meilleurs archetiers
anglais.
VoiRiN (François-Nicolas) ('Mirecourt 1833, f Pa-
ris, 1885). — La grande réputation de Voirin est
entièrement jusiifiée. Après avoir travaillé chez Vlil-
LAUiiE jusqu'en 1870, il s'établit et se lit rapidement
connaître.
Il signait : F.-N. Voirin, à Paris.
VuiLLAUME (Jean-Baptiste) (Paris, 1823-1870.) —
De nonibrenit archets portent sa marque et ils sont
en général bien faits; il en est même d'excellents.
11 est diflicile de faire la part du signataire, étant
donné les ouvriers remarquables qu'il employait,
ainsi qu'on l'a vu plus haut.
LA VIOLE D'AMOUR. — LE BARYTON.
LA POCHETTE.
L'apparition de ces trois instruments n'étant pas
antérieure à celle du quatuor à archet moderne, leur
description trouve ici sa place chronologique. i
FiG 925.
Viole d'amour.
La viole d'amour.
Cet instrument emprunte sa forme à l'ancienne
viole, et ses dimensions, qui sont variables, à l'alto
et même au ténor. Les grandes violes d'amour tien-
nent le milieu entre les petites violes
(d'épaule) et les grandes (de jambe), et
elles ont beaucoup d'analogie avec les
violes bâtardes qui se jouaient inclinées
sur la cuisse gauche.
On a fait des violes d'amour de petit
format, mais jamais, au xviii= siècle, on
n'a garni de cordes sympathiques la
basse de viole. On cite comme exception
le baryton, qui serait 1^ basse de viole
d'amour. Ce n'est pas exact, comme
nous le verrons dans la description de
cet instrument.
La viole d'amour est donc une
viole moulée de six cordes. Gomme
pour la basse de viole, à un certain
moment on en a ajouté une sep-
tième (ta grave), plutôt nuisible au
jeu et à la sonorité. Sa particula-
rité consiste en ce que des [cordes
sympathiques en métal passent sous
la louche et le chevalet pour être
tendues à l'unisson des autres cor-
des. Ces cordes sympathiques ont
pour elTet de donner à l'instrument
une sonorité particulière et agréa-
ble, mais qui parait monotone à la
longue.
La viole d'amour semble avoir été d'abord des-
tinée à l'accompagnement du chant, le peu de cour-
bure de son chevalet facilitant la production de
triples et quadruples cordes. On n'en trouve au-
cune trace dans la musique de chambre ancienne.
Elle jouit cependant d'une grande vogue pendant
tout le .wiii'^ siècle, aussi bien en Francis qu'en Italie
et en Allemagne (les nombreuxexeinplaires qui nous
restent en font foi), et elle dut, pendant celle pé-
riode, faire les délices de nombreux amateurs et
de quelques virtuoses dans la sonale ou le concerto.
J.-S. Bach l'employa pour l'accompagnement de plu-
sieurs mélodies.
J. Majer, dans son .Music-Saal (Nuremberg, 1741),
nous renseigne sur la nature des cordes dont la viole
d'amour était garnie. Il dit que la chanterelle était
en boyau, les trois cordes suivantes en acier ou en
laiton, les deux dernières en boyau lîlé d'argent. 11
donne dix-sept manières de l'accorder : c'est dire que
l'accord de cet instrument variait à l'infini, suivant
les besoins. L'accord normal serait celui des autres
violes (du grave à l'aigu) : ta, ré, S"/, do, mi, la, ré.
11 y a peu de chose à dire sur l'étymologie du
nom viole d'amour. Personne n'a donné d'explication
satisfaisante à ce sujet, et, au surplus, il existe des
instruments d'une famille toute différente qui por-
tent la même désignation. Ce sont des fliUes, des
hautbois et des clarinettes sonnant à la tierce infé-
rieure des mêmes instruments au ton normal. Quant
à l'origine, une grande obscurité règne à son sujet.
11 n'y a pas là une invention à proprement parler,
puisque, dans l'Hindoustan, plusieurs instruments
connus de toute antiquité portaient des cordes sym-
pathiques de métal.
Tout ce que nous savons de positif, c'est qu'il
1750
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
n'existe pas de viole d'amour antérieure aux der-
nières années du xvii« siècle. D'après Pr.etorius,
l'idée d'appliquer les cordes sympalliiques aux vio-
les serait anglaise.
D'autre part, Fétis affirme qu'Attilio Ariosti fit
entendre à la sixième représentation d'Amadis de
Haendel, donnée à Londres en 1715, un solo de
viole d'amour, instrument alors inconnu en Angle-
terre, et un document anglais semble confirmer ce
dire.
Toutes ces contradictions ne laissent aucune place
quelque hypothèse que ce soit.
i.e baryton.
Baryton, bariton, pariton,, paraton, ban/don, viola
rfi bordone , viola di fagotto sont différents noms
pour désigner un seul et même instiument. Une
étymologie, au sujet de laquelle il y a lieu d'être
prudent, veut que cette dénomination vienne du par-
don accordé à celui qui l'inventa, alors qu'il était en
prison. Viole dupai-don serait le nom primitif, et les
autres dérivés par corruption.
Viola di fagotto doit vouloir indiquer l'analogie du
timbre de cette viole avec celui du basson.
Quelques auteurs modernes ont voulu faire du
baryton la basse de la viole d'amour. Il n'en est rien,
car si cet instrument est muni de cordes sympathi-
ques métalliques comme la viole d'amour, leur rôle
principal n'est pas de vibrer sympathiquement avec
les autres ■ ordes. Ces cordes métalliques sont pla-
cées (et l'iî strument est construit en conséquence)
pour être pincées avec le pouce de la main gauche,
de manière à être entendues soit alternativemeni,
soit simultanément avec les cordes frottées par l'ar-
chet. On remarquera que, dans la viole d'amour, le
nombre des cordes sympathiques est égal à celui
des cordes du dessus, et qu'elles sont accordées à
l'unisson de ces dernières, tandis que, dans le bary-
ton, le nombre des cordes du dessus est de six, et
les cordes sympathiques peuvent être très nombreu-
ses, ces cordes étant toujours accordées en gamme
ascendante, plus ou moins régulière.
Le nombre des cordes métalliques a beaucoup
varié. D'abord de sept, il s'est accru peu à peu. En
général, elles furent accordées diatoniquement jus-
qu'au jour où LiDL, un des virtuoses de la chapelle du
prince Nicolas Esteruazt, les accorda par demi-tons
et porta leur nombre à vingt-sept. Franz, son col-
lègue, se servait dans ses concerts d'un baryton muni
de vingt-trois cordes métalliques.
Le haryton a la forme générale d'une basse de
viole, avec le dos plat, coupé en sifllet à la partie
supérieure. Les cordes de boyau, attachées à un
cordier, reposent sur un chevalet très élevé, placé
au-dessus de celui des cordes métalliques, et vont
retrouver leurs chevilles. La touche, d'une largeur
proportionnée au nombre des cordes, est située sur
le côte droit du manche. Ce dernier serait beau-
coup trop large pour pouvoir être utilisé dans sa
totalité.
Les cordes métalliques, accrochées à une barre
lixée en travers de la table en biais, ou à une série
de tronçons de baire échelonnés dans le même sens,
vont rejoindre leurs chevilles en passant à découvert,
du côté opi^osé à la touche, dans l'intérieur de la
poignée du manche, particularité unique dans les
instruments à archet. Ces cordes sont protégées, du
côté de la touche, par une plaque généralement
incrustée d'ébène et d'ivoire. Si nous ajoutons que la
table est percée parfois de deux ff courts, doubles de
chaque côté, et ailleurs de deux /'/"simples, mais de
longueur normale, et d'une rosace à la partie supé-
rieure, nous aurons décrit le baryton dans ses orga-
nes principaux.
Né en Italie ou en Angleterre, suivant que l'on
accepte telle ou telle hypothèse, l'instrument (tenant
le milieu entre la basse et le ténor, mais pouvant
monter plus haut que ce dernier), auquel les écrivains
du temps sont unanimes à accorder un timbre agréa-
ble et mélancolique, ne fut guère pratiqué qu'en
Allemagne.
Sur les étiquettes des quelques rares exemplaires
FiG. 920. — Baryton.
conservés dans les musées ou les collections privées,
nous ne relevons que des noms allemands.
Le musée du Conservatoire de Paris en possède
un remarquable de Norbert Bedleu , luthier de la
cour de Bavière (Wurlzbourg, 1723). Ses mesures
principales sont :
Longueur totale 1 m 400 mm.
Longueur de la caisse y compris les liorJs. . . U m. (i'.li) mm.
Largeur du bas 0 m. 400 mm.
Largeur du milieu Cm. 250 mm.
Largeur du haut 0 m. 330 mm.
Hauteur des éclisics en bas 0 m. 133 mm.
Hauteur des éclisses en haut 0 m. 1 1 Ti mm.
Longueur des ouïes 0 m. 1 Is mm.
Longueur de la poignée du manche 0 m. 270 mm.
Longueur de chevillier o m. 400 mm.
Cette viole est munie de six cordes de boyau et de
dix-huit cordes de laiton. Elle a deux ouïes et une
toute petite rosace au-dessous de la touche. Cette
dernière n'a pas de divisions ou cases.
Les auteurs sont en contradiction au sujet de l'ac-
cord du baryton. Or, dans le Musik-Saal, de Maji:h,
il est dit que le baryton s'accorde comme la viola di
gamba.
Il est probable que les joueurs de baryton ont usé,
surtout dans le solo, tant à l'égard des cordes de
boyau que des cordes métalliques, de cette liberté
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
DES INSTRUMENTS A ARCHET 17&1
d'accordatiire roiiranle autrefois, qui donnait tant
de t'acililé au jeu et de variété au timbre, et dont
l'usage se continua pour le violon. Pagan'ini en lit
l'usage que l'on sait. Après lui, on en tiouve encore
des traces chez IUillot, Vieuxtemi'S et leurs contem-
porains.
La pochette.
La pochette, ou poche, est un minuscule instru-
ment à archet dont les maîtres à danser se servirent
'depuis le commencement du xv)i= siècle jusqu'à la
Kti;. 027
La tenue Je h> pochetli:'.
fin du XVIII' siècle pour donner leurs leçons. Il en
est qui conservèrent jusque vers le premier tiers
du xix" siècle celte tradilion, qui finit par s'éteindre.
Les premières pochettes durent leur forme à la
reproduction de celles du rebec et de la gigue. Cela
s'explique ainsi. La gigue, bannie des concerts, relé-
guée à la danse comme le rebec, se confondit avec
ce dernier et finit par disparaître avec lui. Les maî-
tres à danser, qui faisaient partie de la corporation
ies ménétriers, continuèrent à s'en servir, mais en y
faisant apporter des modifications propres à leur
faciliter le transport de l'instrument d'une maison à
l'autre. Il en résulta un instrument nouveau, de
dimensions restreintes, que le maître à danser pou-
Tait facilement mettre dans sa poche après chaque
leçon. C'est ce qui fit donner à l'ancien instrument
diminué le nom de poche, ou de pochette. Son peu
de sonorité lui valut aussi celui de sounline.
Le père Kircher [Musurrjia iinivcrsalis, 161 l'appelle :
linterculus a figura liiilris sic dicta, définition indi-
quant clairemeiit que les pochettes à bateau {linter)
furent les premières en usage.
Plus tard, on fit des pochettes-violons, qui étaient
simplement des violons de forme réduite, mais pos-
sédant un manche suffisamment long pour rendre .
possible le. jeu de l'instrument.
La forme de la pochette-bateau est caractéristi-
que. La caisse, à pans minces et allongés, ne forme
qu'une pièce avec le manche court et arrondi. Munie
de quatre cordes, son chevillier était rarement sor^
monté d'une volute. C'était, comme dans les ancien-
nes violes, soit une tète sculptée, soit une forme ot-
nementale. Les ouïes, différant de celles du violon,
consistaient en une échancrure, longue de quatre à
cinq centimètres, courbée soit en dedans, soit en de-
hors, et terminée par une petite ouverture arrondie.
La longueur de l'instrument variait de trente-cinq
à quarante centimètres; la largeur était de quatre
à cinq centimètres vers le milieu.
L'archet de la pochette avait généralement trente-
cinq centimètres environ.
Quoique l'étui naturel d'un tel instrument fi'it la
poche du maître à danser, on confectionna pour cei-
tains de ces petits instruments, qui étaient de véri-
tables bibelots précieux, des étuis souvent fort riches,
en cuir gaufré doré au petit fer comme les belles re-
liures, doublés à l'intérieur de velours ou de satin.
Indépendamment des deux formes classiques que
nous venons de citer, les luthiers s'ingénièrent à en
créer de charmantes, où la main-d'œuvre la plus dé-
licate fut au service de la fantaisie du meilleur gott.
Aussi, les pochettes sont-elles recherchées de nos
jours comme des bibelots d'art précieux, et les col-
O
Fi.). 92S. — Poclietle d'Antonio
Stbadivari. (Musée du Con-
servatoire national de Paris.)
FiG. 920. — Pochelle
de Giuseppe Gdarnebi
(del Jesu).
lections privées, aussi bien que les musées, en pos-
sèdent des spécimens remarquables.
Le musée du Conservatoire national de Paris en
présente un certain nombre d'exemplaires (n<>' 103
à 132).
La description de quelques-unes de ces petites mer-
veilles, que nous empruntons au Catalogue (tu Muscc
par Chol'quet, donnera une idée de ce qu'étaient les
belles pochettes des xvii' et xviii" siècles.
1752
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
N» 103. — Grande pochette. Cette belle pochette de la fin du
xvi' siècle est ornée d une tète originale, dont le travail est
ravissant. Le fond rappelle la forme d'une râpe à tabac, et
dp Unes sculptures l'embellissent. Tout l'instrumentest enrichi
d'onyx et d'autres pierres dures (collection Clapisson).
N» 104. — Pochette en ivoire gravé. Elle est ornée d'une
tête de faune en ivoire et ébène, et l'on en doit remarquer les
cheviUes enrichies de grenals. Celte belle pièce, dont la table est
en bois de cèdre, date du commencement du xvii' siècle (col-
lection Ci.apisson).
N» 106. ^ Pochette italienne en ébène. Le manche se ter-
mine par une tùte de nègre avec boucles d'oreilles en argent.
Cette .pochette du temps de Louis XIII est ornée d'incrustations,
dont les jolis dessins ne se reproduisent pas de chaque côté avec
une exacte symétrie (collection Clapisson).
N» 103. — Pochetlj en ébène. Le fond est h pans coupés
avec filets en argent. Cette pochette élégante, ornée d'une tète
de nègre, a un cachet italien, bien qu'elle soit signée d'un nom
allemand devenu illisible.
N° 113. — Pochette de grand format et en bois sculpté. La
fuime originale et la remarquable exécution de ce bel instru-
ment .illirc^nt et fixent l'attention des connaisseurs. La tête d'ours
qui orne le haut du manche est finement sculptée et surmontée
d'une couronne ducale (collection Ci.apisson).
N" 118. — Pochette italienne en forme de râpe. Elle est de
forme, plate, en marqueterie, composée de bois de différentes
couleur.,5, et enrichie d'incrustations en nacre de perles. A l'ex-
trémité de la volute, on remarque une tète de femme habilement
sculptée et, au milieu de la table, un cœur percé à jour. Cette
pièce .d'un travail délicat est tout à fait intacte (collection Cla-
pisson).,
N" 117.— Grande pochette de Stradivarids. A en juger
seulemi^nt par la couleur du vernis, on pourrait croire que cette
admirelile pochette appartient à la période des premiers travaux
de Stradivarius, mais à la fermeté du dessin et à l'originalité
de la forme de cet instrument, à la coupe merveilleuse des ouïes,
à la double échancrure des bords, on reconnaît déjà que le
célèbre luthier n'imitait plus Amati. Ce bijou date en effet de
1717, c'est-à-dire de la plus belle époque du grand artiste
de Crémone. Il fut importé en France par Tarisio, et cédé à Sii,-
VESTRB, le luthier lyonnais. L. Clapisson, qui fut un violoniste
distingué, l'acheta en 1S5S (collection Ghpisson).
Les archets des pochettes sont souvent d'une fac-
ture très soignée. Il en est dont la hausse est sculp-
tée avec finesse et originalité.
L'accord de la pochette. — Jamais la pochette n'a
figuré dans un ensemble instrumental ; aussi, son
accord n'ëtait-il pas très rigoureux. Néamoins, en
principe, elle s'accordait ainsi, en commençant par
le grave :
Do, sol, )■(', la,
et exigeaitdes cordes plus fines que celles du violon .
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LES VIOLES
Par Paul QARNAULT
ORIGINE DES INSTRUMENTS DU QUATUOR
DARCHETS
Si l'origine des instruments à cordes pincées
remonte, d'après le Pentateuque (Genèse, IV, 21),
aux temps les plus reculés, (( Et nomen fralris ejus
Jubal : ipse fuit patercanentium,cithara etorf^ano ' «,
cependant, l'archet ne parait en Occident qu'à la lin du
vi" siècle.
D'abord employé par les joueurs de crouth, il
passe aux mains des joueurs de lyra, rebec, gigue et
vièie pendant le moyen âge ; le charme des sonori-
tés variées et prolongées qu'il procure n'est certes
pas étranger à la décadence progressive des instru-
ments à cordes pincées. D'un autre côté, la famille
des violes du xv" siècle remplace les gigues et les
vièles, jusqu'au moment où elle devra elle-même dis-
paraître devant l'invasion des violons et altos d'Italie
importés eii France sous le règne de Charles IX (1.Ï72),
du violoncelle du xvi" siècle et des contrebasses de
ToDiNi (162b).
Ainsi se transformait la lutherie, non sans quelque
résistance des anciens violistes... Il n'est pas témé-
raire d'ajouter ici que Lulli, tout-puissant de 1660
à 1680, favorisa les violonistes, pendant que les vio-
listes cherchaient encore à augmenter la sonorité de
leur viole par l'adjonction de cordes sjmpathiques,
d'où les barytons, violes d'amour, etc. Vains efforts !
car depuis Bach et HjENDel, ces dérivés de la viole ne
sont plus que d intéressants souvenirs, malgré les
tentatives de restauration dont ils furent l'objet de la
part du prince Ksterhazy et de Haydn, son maître
de chapelle, puis, en France, du célèbre Urhan (1790-
1843).
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Préliminaires. Origine de l'archet.
Si l'antiquité nous a légué de nombreuses repro-
ductions sculpturales ou graphiques des instruments
à cordes pincées et de musiciens accompagnant la
déclamation et la danse- ou les chants sacrés, funè-
bres et guerriers, nous sommes en revanche très mal
renseignés sur l'origine des instruments d'archet.
Laissant de côté les merveilles de l'imagination
des plus illustres peintres et sculpteurs'', nous en
sommes réduits à ne connaître l'origine de l'archet
que par le légendaire el schématique ruranastron,
premier instrument d'archet, dont l'invention, altri-
buée à Ravana, roi de Ceylan, remonterait à plus
de 2000 ans avant J.-G.
Avec une considération que ne pouvait mériter
le ravanastron* longtemps abandonné aux moines
mendiants, la plus ancienne littérature bouddhiste
(400 ans avant J.-C.) traite assez longuement des
vinas, sitars et autres instruments à cordes soit pin-
cées, soit mises en vibration à l'aide d'un plectre.
Plus tard seulement, le ravanastron perfectionné,
transformé même, devint ravann, ruana, omerti, sa-
rinda, et plus tard saranjn et kunjcrrij'-.
u Si nous comparons l'omerti indien à l'instru-
ment arabe dit kemangch à youz (de keman, archet, et
Aa/i, c'est-à-dire instrument d'archet)'^, nous recon-
naissons immédiatement que l'instrument de l'Inde
a fourni le modèle de celui de l'Arabie.
« D'ailleurs, kemangch est persan, d'après Villo-
2. Harpes ëjçyptiennes, 3000 ar. J.-C; cithares et guitares, 1800
aT. J.-C, d'Asie importées, comme les trigones assyriens, les psal-
térions persans et les kinnors syriens.
3. Kaphacl avait prête un violon à l'Apollon du Parnasse, et des mé-
dailles antiques représentent Apollon jouant du rebec; de môme, le
Dominiquin (Zampieri, 1581-1641) nous montre dans un chef-d'œuvre
de peinture, au Louvre, saint Cécile, martyrisée dès le m* siècle, jouant
de la viole de gambe.
4. Ce ravanastron aurait été monté de deux cordes faites d'intestins
de gazelle !
5. Tous instruments montés de difTéreates cordes, crin de cheval,
métal ou soie.
6. J. Fktis. Arit, .Stradiuari, p. 8.
1754
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
TEAU; puis la Prrse ancienne touchait à l'Inde par
l'est, et les rapports de ces deux grandes contrées se
montrent partout dans l'histoire.
« Les cordes sont la partie la plus curieuse de cet
instrument, car elles sont formées chacune d'une
mèche de crins noirs forlenient lendus; l'archet est
composé d'une baguette de figuier sycomore façon-
née au tour et courbée en arc, à laquelle est attachée
et tendue une mèche des mêmes crins. »
En réalité, ces primitifs inslrumenls d'archet ser-
vaient beaucoup moins à des combinaisons instru-
mentales, telles que nous les imaginons au xx° siècle,
qu'à l'accompagnement des voix et des récitations
chantées, comme celle du vieillard deCh. Nodier' qui
promenait, dit-il, régulièrement sur une espèce de
guitare garnie d'une seule corde de crin, un archet
grossier, et qui en tirait un son rauque et monotone
bien assorti à sa voix grave et cadencée, chantant,
en vers esclavons, l'infortune des pauvres Dalmates.
Comme Homère, ce vieillard était aveugle!
Dans l'Extrême-Orient, en Chine, nous trouvons
le ravanastron qui s'y est conservé jusqu'à nos jours,
de même que les modernes jouent encore en Turquie
le rebab et le kemantche, plus ou moins perfectionnés,
en Arabie le rebeb ou rabab, et en Perse, le robab et
\6 kemantche ou hejiiangch^.
La migration de l'archet vers l'Occident fut assu-
rément très lente, et il parait presque impossible de
tracer le chemin parcouru par les musiciens ambu-
tants au travers de pays qui ont bien souvent changé
de nom. Aucune trace précise ne nous reste de cette
migration et, avec Fétjs, nous devons croire que le
crouth des bardes gallois, chanté dès 570 dans une
poétique invocation à sainte Radegonde parVenance
FoRTLiNAT, évêque de Poitiers, mort vers 609, fut le
premier des instruments à cordes pincées sur lequel
les Gallois essayèrent l'archet.
De Ravana à Saint Fortunat s'étaient écoulés trois
mille ans! Aussi, après quelques recherches dans la
littérature bouddhiste ^, devions-nous demander à la
Bible, la loi écrite au cours de cette longue période,
quelques informations sur les mœurs musicales des
Hébreux, après avoir appris que, sans même donner
un commencement de preuve, la première méthode
de violon du Conservatoire {o ventôse an X), rédigée
par Baillot, Rode et Kreutzer, ne craignait pas
«1 de faire connaître aux élèves tout ce qui peut donner
une idée juste et les déterminer à conserver au vio-
lon le rang qui lui appartient, présumant qu'il était
connu dans les temps les plus reculés! iVe connais-
sait-on pas des médailles antiques représentant
Apollon jouant d'un instrument à trois cordes sem-
blable au violon »?
Cependant, la Bible ne fait aucune allusion aux
instruments à cordes « d'archet ».
Dans le 1" livre du Pentateuque {Genèse, IV, 21),
où il est question de musique à l'époque antédi-
luvienne, nous apprenons que « Jubal fut le père de
ceux qui jouent du kinnor et de Vougab ». Répudiant
toute traduction littérale imparfaite', nous n'en re-
tiendrons ici que la plus large interprétation des
exégètes qui ont particulièrement traité la question
des instruments de musique dans la Bible''.
Ougab représente la famille des instruments à
vent, et kinnor la famille des instruments à cordes
pincées, soitavec les doigts, soit à l'aide du plectre'^,
c'est-à-dire les luths, harpes de dix à vingt-quatre
cordes, lyres, psaltérions, cithares, etc.
Si la musique tenait une large place dans la vie
civile et religieuse", si les écoles des prophètes
sont aussi des écoles de musique', si les lévites de
David étaient organisés en groupes jouant du kinnor
et du nebel tout particulièrement affectés à l'accom-
pagnement des chants liturgiques à l'exclusion des
instruments à vent, si David et Salomon ont connu
un très grand nombre d'instruments de musique",
du moins, la Bible ne nous apprend rien de leur
nature et de leur forme, moins encore de l'usage de
l'archet chez les Hébreux.
L'archet et le crontli.
Avec Saint Fortunat, nous arrivons, dés les der-
nières années du vi" siècle, à l'emploi de l'archet en
Occident, sans avoir la moindre preuve que l'archet
de Ravana fut importé par quelque ménétrier arabe
dans le nord de l'Europe'", mais avec quelques rai-
sons de croire que les Bretons de Grande-Bretagne
l'avaient imaginé, dans les premiers siècles de l'ère
chrétienne, pour produire plusieurs sons simultanés
et prolongés sur leur nouvelle lyre tri-corde, le
crouth, chanté par Saint Fortunat".
1. Ch. Nodier, y^an 5'ôo(7ar.
Ce vieillard s'Hicunip;ign:iil do I;i « guz.1,1 » (improprement considé-
rée comme soprano de la famiU» des trompetles marines), qui se jouail
encore en Dalmatie au milieu du xix» siècle.
2. Notons en passant que le kemantclie persan, comme le rebi-b
arabe, avait le manche prolongé au delà de la caisse d'un pied en fer
qui fut le point de départ de la pointe des violoncelles du six- siècle,
dont on a trop généreusement attribué l'invention à Servais.
3. Lavignac, Encyclopédie.
Inde, tome I, p. 257.
Perse, tome V, p. 3065.
4. I^es Septante ont traduit kinnor. cilé une quarantaine de fois
dans la llible, soit par xiOâûa, la cithara de la Vulgate. Et nomen
fratrie cjtia Jttbni : ipsp fuit iiatrr cnnentiuni citharn et orijano, soiL
par y.','rjo^^ forme grecque liu mot hébreu, qui ne traduit rien et qui
témoigne de l'immense embarras des soixante-dix traducteurs grecs.
On n'est pas moins surpris de trouver dans le Violon de Oart des
libertés plus grandes encore, soit dans l'édition anglaise l!877), and
/lis brother'6 riante U'fis Jubal : fromhim drsceitdcd llw l'iute players
and. Fiddlers, as renden'd by Luther, soit dans l'édition française;
Paroles de l'Écriture, traduites par Luther 1 n Kt le nom de son frère
était Jubal : c'est de lui que descendirent les joueurs de flûte et de
viuloD. >
La Bible d'Osier\Lmld{iTî^s'ts\ fait l'écho de cette traduction d'au-
tant moins vraisemblable que Luther, mort en 1546, avait entendu
beaucoup plus de violes que de riolons.
5. Lavigt^ac, Encyclopédie, Le Grand Rabbin Cahrn, tome I, p. 67.
Lu Sainte Bible potyi/lolte L'abbé Vigouroux, tome IV. p. 631.
6. Avec la même liberté que pour la traduction de Irinnor, on a trop
souvent travesti le plectre en archet, dont il n'avait point la forme,
arcus en latin signifiant petit arc.
Le plectre était une baguette de bois, d'ivoire ou d'or, qui servait à
toucher, ;\ mettre en vibration, ;'i frapper même les cordes du hinnor,
mieux encore, de ce lutli ."t dix cordes dit nebel, dont il est fait une
mention spéciale aux psaumes XXIII et XCVII de Davio.
7. Dans Eccl. XXll, 6; XL, £0, etc., on trouve le mot (XOUatXT,,
musique et. dans Apec, XVllI, 22, l'appellation [XO'Jtj'.xof pour musi-
ciens.
8. I Samuel, X, 5. Sacre de .Saiil.
iK Schilte Ilaggiborim, auteur hébreu{très estimé, cité par le P. Kia-
cuER, assure qu'il y avait dans le sanctuaire trente-six instruments
dont David trouva les jeux propres. Jean Roossead, Traité de la Viole,
page 7.
10. Jusqu'à la fin du v« siècle, l'Espagne presque entière fut au pou-
voir des envahisseurs du Nord, les Wisigolhs, et, si l'on a trouvé quel-
ques vestiges d'archet dans la péninsule ibérique, à la légère attribués
aux Arabes, nous devons cependant rappeler que le-; Arabes, venus d'A-
frique pour prêcher la religion de Mahomet (l'hegire date de 632),
n'apparaissent qu'au vin» siècle en Kspagne d'abord, puis en France,
d'où, battus à Poitiers par Charles Martel, en 732, ils repasseront les
Pyrénées.
En admettant que leur domination ait jeté un vif éclat sur les arts
et les sciences jusqu'à la fin ilu xv» siècle (1493), du moins l'archet
était connu a Poitiers et au Pays de Galles depuis bientôt neuf cents ans.
11. FtTise condensé ses recherches historiques et critiques sur l'ori-
gine et les transformations des instruments a archet dans une bro-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES VIOLES 1755
Ecrivant en ces temps reculés (vi" siècle) où l'an-
cienne Aimorique française recevait les émigrés de
Grande-Iîretagno, saint Fortunat donnait donc le
sens le plus probable de la migration de l'arcliet,
nord au midi, que les (Gallois avaient adopté ou ima-
giné pour faire chanter leur ancienne lyre à cordes
pincées, le croutli primitif, devenant l'ancêtre des
instruments d'archet.
Le désir des Gallois avait donc créé l'organe et per-
fectionné le jeu' du croutli
(d'abord lricorde,ditcrouth
trithant, puis monlé de 4,
5 et 6 cordes), l'emploi de
l'archet n''excluant pas ab-
solument le pincement des
cordes et la faculté de
varier les sonorités de l'ins-
trument, comme le font
actuellement les instru-
mentistes du quatuor mo-
derne par leurs pizzicati,
car, dans la Bible offerte
par le comte Vivien, abbé
de Saint-Martin de l'ours,
en 850, à Charles le Chauve,
magnifique manuscrit passé
en i67S de la cathédrale de
Metz à la Bibliothèque Col-
bertine, Ethan pinçait en-
core du crouth.
Nous savons, d'après la
miniature d'un manuscrit
latin du xi« siècle provenant de l'abbaye de Saint-
Martial de Limoges', que le crouth était joué dans le
centre de la Gaule en même temps qu'il demeurait
chez les Brilains et Welshs des pays de Galles et
d'Ecosse l'instrument préféré des bardes pour l'ac-
FiG. 930.
compagnement de leurs chants", et s'il fut peu à peu
délaissé en France, les derniers bardes se seraient
pourtant fait entendre vers
1770 et 1801 sur le crouth, qui
disparut avec eux'.
Grâce auï descriptions lais-
sées par le barde E. Jones et
par Daines Barrlngton, la
reconstitution du crouth donne
un dérivé de celui du moyen
âge.
Nous en reproduisons ici
les formes d'après les ouvra-
ges de cet Edouard Jones, qui
se disait » barde du prince
de Galles " à la fin du xviii^
siècle*.
Le dessin en est suffisam-
ment précis pour démontrer
que le crouth de Jones était
bien réellement le crouth de
Limoges perfectionné, c'est-
à-dire un instrument à éclis-
ses, à table d'harmonie, à
manche, avec âme et cordes
mises en vibration au moyen
d'un archet".
Ajoutons que, sous le n° 17l4:i, la Bibliothèque du
Conservatoire de musique de Bruxelles possède en
trois volumes in-4'> Musical and pœtical relicks of the
Welsli, Bards preserved by tradilion and authentic ma-
nuscripts froin very remole antiquily, dedicated lo his
Royal Highness the Prince of Wales by Edward Jones,
Bard of the Prince Régent, London, iSI I.
Les six cordes, 50/2,80/3, zi/i, ut^, r6ni,réi,dyiL crouth
de Jones étaient accordées d'une manière originale :
Fir,. 931.
et, à titre de curiosité, nous donnons ici un très vieil air breton qui se jouait sur le crouth, d'après
Toldecque'' :
mj;,J77i,f7^,;]JV4
f r r r r r r
w
r r
La mélodie se jouail du même doigt à intervalle
d'octave sur les deux chanterelles, les ut des 3® et 4®
chure devenue très rare: Antuine Stradioari, 128 pages, În-S". Paris,
1856, Vuillaume.
Nous y avons puisé maints renseignements, ainsi que dans l'ouvrage
très détailla Pt plus moderne de L. Grillet : Les Ancêtres du viuLon,
% vol. in-80. Paris, 1901 . Schmid.
Fétis s'étend longuement (page 13) sur l'étymologic celtique du mot
crouth, son orthographe et son origine :
Romauusquc lyra piaitdat tibi. Ihirbarus liurpa,
Grxcus nchiUiaca ; chrett'i Britannu canal.
(Livre VII, chant viii. De Lupo Uitce."^
Que le Romain t'applau'lisie sar la lyre, le barbare sur la harpe,
Le Grec sur la cithare, que le eroutli breton chante.
1, Fétis, Ant. Stradivari, pages 17 et 24.
Antiphonar et fiespunsur. Et, selon la tradition saxonne, le crouth
ferait là aux mains du roi David...
Enregistrons la légende.
Ed.Jo
vibraient sous l'archet, de même les 5^ et 6®, en de-
hors de la touche, grâce à la forme très plate du
2. L. Grillet. Ancêtres du violon, page 3.
3. Fétis. Ant. Stradivari, page 2ti.
1« Musical and poetical relicks oftlif WrLsIi /lards.
London, 1704 ;
-2" The Bard ic muséum of primitive brîtisli litté-
rature. London, 180i.
3" Edition complète des deux volumes précédents.
Londres, 1825.
5. Noos avons suffisamment traité de l'archet pour mettre fin â ceUe
légende, trop souvent répétée, selon laquelle les rroiat-s l'auraient rap-
jjorté de Terre Sainte ! Nous pensons que c'est précisément le contraire.
D'ailleurs, la vielle d'arcliei sera l'instrument des Chantres d'Amour
et de Guerre, les Minnesinger de 1210 (Vidal). Et, JftHOMK de Moravie,
dans son manuscrit de 12dD, traitant des connaissances musicales du
xui* siècle, donne l'accord et l'étendue des instruments d'archet du
moyen âge.
6. ToLBECQUE, Art du Luthier, page 4.
1756
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
chevalet : d'ailleurs, il ne semblail pas possible de
les pincer du pouce gauche, et rien ne laisse suposer
que ces bourdons aient dû être pinces, comme le
seront beaucoup plus tard ceux des archi-luths et gui-
tares'.
Nous donnerons plus loin les transformations de
l'archet de Ravana, jusqu'à Tourte (xviii« siècle).
Lyra. — Rabèbc. — Rebec. — Oigne.
Vlèle d'archet'.
Si nous avons longuement traité du premier ins-
trument à cordes frottées de l'Occident, le crouth,
dont les formes modifiées conduiront peu h peu aux
vièles, violes et instrumentsdu quatuor, si nous vou-
lons rendre à la trompette marine, trop souvent né-
gligée,salégitimeplacedansl'histoire des instruments
anciens, du moins passerons-nous plus rapidement
sur les lyra, rebec et gigue qui ont joué leur rôle du
vin» au XV» siècle, jusqu'aux vièles d'archet'.
Les lyra, rubèbe et rebec, sans éclisses ni manche,
montés de 2 ou 3 cordes, sonnaient généralement en
France dans les danceries et réunions populaires ;
aussi, n'est-ce pas sans surprise que nous les voyons
si souvent mis aux mains des anges par les peintres
et sculpteurs de tous pays.
Soit lyra, monocorde des vin=el ix« siècles précédant
la gigue multicorde, soit rebec monté de 2 ou 3 cor-
des généralement accordées en quintes, ces instru-
ments n'avaient pas de manche proprement dit : le
prolongement de la table constituait le manche (non
entouché), sur lequel la main ne pratiquait que la
première position.
En forme de poire allongée, sans éclisses avec un
fond bombé, importé en France d'Orient ou d'Espagne
au viu» siècle, le rebec ttait un instrument sec et
criard, surtout employé pour faire danser ou pour
mener les épousées à l'église (au son du rebec et
du tambourin); la malice populaire l'appréciait à sa
juste valeur : on disait « sec comme lebec », du moins
au xvu" siècle, époque oii il étaitsi peu estimé parfois
que les ordonnances de police n'en toléraient l'usage
que dans les cabarets et autres mauvais lieux (1628).
La carrière de la gigue paraît avoir été moins vul-
gaire ; en Allemagne, Luscmius {1487-lo35) et Praeto-
Bius (1571-1621) en décrivaient un quatuor complet,
gigues montées de trois cordes et accordées* :
i. Annules Archëotoijiques de Didron, tome III, 1845.
Eduais sur les instruinents île musique du moyen âge à cordes
frottées, in-i".
Tui.BECQDE, Art du Luthier. Ouelque respect que puisse inspirer cet
auteur, également premier prix de violoncelle et de lutherie, nous
ne pouvons excuser l'iiniichronigme contenu dans sa représentation do
l'unlique crouth, p;ige 4, au voisinage d'un archet ultra moderne.
2. Bibliographie. — L. Grillet. — Les ancêtres du lio/oii.
Paris, 1901.
O. Ldsc.inios. — Uiisiiri/iti seu praxis miisicse. 1536, Argentorali.
M. Praktdiiids. — Si/iilagiiialis musici tomus secundus de orgaiio-
graphio. 1615.
JÉRÔME DE MoRwiE. — liicipit traclttlus de musica compitaliis a
Fratre Hieroiiymn Uoravo, ordinis t'ratriim Praedicatorum .
1260.
^■.-Ch. Mahillon. — Catalogue du Musée Instrumental du Conser-
vatoire Hoynl de Bruxelles.
L.AVioNiC. — Encyclopédie de la musique. Tome III. Paris, IQH
(Musique Instrumentale de Qdittard, page 1177).
CoMBAHiEU. — Histoire delà musique. 3 vol. Paris, 1913.
A. Vidal. — La Chapelle .•iainl-Julien des menestriers et les ménes-
trels il Paris. Paris, 1878.
L. Paunerbe. — De la mauvaise influence du piano sur l'art
musical. Paris, 1SS5.
3. Voir dans Gnri.i.Ex, tome I, tous détails intéressant la lutherie du
moyen âge.
Dessus. .
ré,,
sol,,
l'ti.;
Alto....
soh.
ut„
fa.
Ténor.. .
"«2,
sol^.
ré,;
Basse. ..
soit,
ré„
la,;
Notons qu'il y avait des gigues montées de 4 cor-
des et même plus.
Cependant, la vièle d'archet paraît bien être le
plus parlait succédané du Icrouth, avec ses éclisses,
sa caisse de résonance et un manche indépendant de
cette caisse, en résumé le manche du crouth débar-
rassé des montants latéraux qui soutenaient la tra-
verse supérieure portant le chevillier.
JÉnouE DE MoBAViE, Contemporain de saint Thomas
d'Aquin au couvent des Dominicains de la rue Saint-
Jacques à Paris, a laissé ù la Sorbonne, dans un ma-
nuscrit de 1200, le résumé des connaissances du xiii'
siècle touchant l'étendue et l'accord des instruments
d'archet du moyen âge'; Pernr a traduit ce manus-
crit et décrit l'accordature de la vièle d'archet
montée de cinq cordes, suivant trois systèmes dif-
férents :
1° : re,. sol,, soh. ré,, l'é.,.
2° : ré^. sol.j. soh. ré,, snl,.
3" : sol,, uto. sol -2 ré,, sol..
Systèmes donnant, aussi bien pour la mélodie que
pour l'exécution, «ce qui dans l'art est le plus beau,
et plus solennel, » c'est-à-dire des consoiinances ; la
quarte, la quinte, l'octave et leurs redoublements.
De son côté, Jean be Grocheo, vers 1300, attribuait
à la vièle la prééminence sur tous autres instruments.
S'il a été impossible, jusqu'à ce jour, de retrouver
une vièle du temps, du moins la reconstitution de
l'instrument disparu fut-elle tentée par feu Tolbec-
QUE, après étude des peintures et sculptures des
xi" et XIII' siècles'': comme dans la guitare, les
éclisses se rapprochent vers le milieu de la table pour
faciliter le passage de l'archet ; le dos et la table ne
sont que très légèrement bombés, le chevillier plat
est traversé par les cinq chevilles dans le sens de
son épaisseur'.
Si nous trouvons, dans les poèmes des trouvères du
moyen âge, nombre de pièces chantées par les ménes-
trels avec accompagnement de vièle, du moins la
musique de leurs improvisations n'est pas mieux
arrivée jusqu'à nous que celle des maîtres chanteurs
allemands, et la polyphonie des primitils semblerait
encore le privilège de la musique vocale, si le célè-
bre manuscrit de Bamberg ne nous avait pas laissé
un témoignage précieux des compositions instrumen-
tales du xiii" siècle pour trois vièles*, mises à jour
aux premières années du xx° siècle seulement.
Marin Marais (1656-1728), présentant au public son
4. Gbillet, tome I, page 162.
5. JiiRoME DE Moravie. Incipit tractatus de musica conipilalus «
Fratre Hieronymo Moravo, lii60.
F.-L. Ferme, savant musicien (1772-IS32), a publié une notice sur ce
manuscrit, reproduite par Coussemaker.
6. Vièle d'archet, qu'il ne faudrait pas confondre avec la rota on
viola da orbo ou viele a rouleaa du moyen âge et la lyra tedcsca des
Italiens reléguée par PR.4rroRius au rang des instruments de mendiants
ou d'aveugles, puis appelée chifonie, par corruption probable de
symphonie. De nos jours, en Auvergne, on trouve encore des fabri-
cants de vicie à rouleau : un clavier de huit à vingt-quatre touches
pour la main gauche marque les notes sur deux cordes frottées par
un rouleau colophane mis en mouvement au moyen d'une manivelle
actionnée par la main du vielleur.
7. Cette reconstitution ligure actuellement en deux exemplaires au
musée du Conservatoire de Bruxelles, sous les n"' 13!iO. 1331. Catalogue
Mahii.i.ok, 1900.
8. Lavignac. Encyclopédie, tome III, page 1181.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
IV" livre de Pièces de Viole (ni7), pensa ne pas avoir
de prédécesseur :
« La troisième partie a cela de singulier, écrivait-
il, qu'elle est composée de pièces à trois violes, ce
qui n'a point encore esté fait en France. »
Cependant, Claude Gervaise avait écrit, dès lob6,
des pièces de viole à 4 parties', que le célèbre
gambiste français n'avait point connues davantage,
semble-t-il.
La vièle d'archet et la niéncstrandic
(«407*61»)
Dès 1225, à Paris, la rue de Rambuteau actuelle
porta le nom de rue des Joueurs de vièle, puis celui de
rue Aux-Jongleurs, devenue plus tard rue des Ménes-
trels et des Ménesiriers (1482) ; il s'y donnait de véri-
tables concerts ambulants, pour le succès desquels
les jongleurs voulurent se faire reconnaître officiel-
lement par le prévôt de Paris, en soumettant à son
homologation (1321) les statuts de leur corporation
naissante'', réunissant fraternellement, au nom de
la charité chrétienne, les membres les plus faibles
avec les plus forts, jongleurs, trouvères et ménes-
trels^.
Si les ménestrels eurent pendant les xii' et xui'
siècles la faveur des princes et seigneurs, car il n'y
avait pas un château où ils ne fussent admis et géné-
reusement traités*, le ménestrel, poète et musicien
populaire, successeur des bardes druidiques, n'eut
point un rôle moins important, jouant de la vièle
d'archet, son instrument favori, pour l'accompagne-
ment de ses récits, prose ou plus généralement
poésie^, choisis dans le goût de l'auditoire.
Sous le patronage de saint Julien et saint Genest,
la corporation de Saint-Julien des Ménestrels fonde
en 1331 wi hôpital et en 1335 une église^ (donnée à
la Nation eu 1789, puis vendue et démolie), témoi-
gnages de l'importance de la confrérie qui fait nom-
mer, dès 1338, R. Caveron roi des Ménestrels du
Royaume de France, charge qui se conservera jus-
qu'en 1773, les statuts de la corporation ayant été
successivement conlirmés par lettres patentes des
rois Charles VU, Louis .\I, Charles Vlil, Louis XII,
François I "■■, Henri III, Henri IV, jusqu'au règlement
nouveau accordé par Louis XIV en lebS'.
L'histoire de la vièle est liée à celle de la ménes-
trandie dont, dés 1407, des règles très strictes carac-
térisaient le régime :
i< Pour être admis au privilège d'exercer et d'en-
seigner, le ménestrier devra avoir été vu, visité et
passé pour soussisant par le Roy des ménestrels ou
ses députés.
« Défense aux ménestriers non soussisants, c'est-
à-dire qui n'ont pas su se faire recevoir maîtres, de
jouer aux noces ou assemblées honorables.
« Pour la réception à la maîtrise, le même article
fixe une taxe de 20 sols parisis.
1. CoMBAaiED, Histoire de la .Uusique, tome 11, page 194,
2. .\près Vidal, page 35, Grillët. Les ancêtres du viotoiifl. I, p. 92,
reproduit ce documant m extenso.
3. En langage moderne, le premier syndicat des musiciens et chan-
teurs !
4. Alors que les croisés combattaient les infidèles en Tt-rre Sainte,
tes ménestrels avaient charmé les loisirs de leurs dames, assure Pagnerre
(page 17), et la musique, qu'elles avaient jusqu'alors négligée, devint
uu de leurs passe-temps favoris.
5. Au lieu de l'ielleuXf on disait ménestrel.
6. Sur l'emplacement actuel du n» 100 de la rue Saint-Martin.
7. Voir dans Vidal, page 5, toute l'histoire si intéressante de la nié-
nestrandie dont nous traçons ici les grandes ligues.
LES VIOLES 1757
" L'art. 7 fixe la durée de l'apprentissage à six
années pour obtenir la maîtrise.
« L'art. 10 défend à tout ménestrier d'ouvrir une
Kcole pour montrer et apprendre la ménestraudie,
sans autorisation du Roy des ménestrels. »
C'est sous le régime d'autorité tracé par ces règles
de 1407 que s'est propagée et modifiée la vièle d'ar-
chet en France, devenant viole d'abord au xv» siècle,
puis violon au xvi» siècle. D'ailleurs, la ménestrandie
permettait, dès 1620, à Richomme de prendre le titre
de Roi des Violons. Une confrérie de Saint-Nicolas
à Vienne (1288) et la corporation des minstrels fon-
dée à Londres en 1381 avaient suivi l'exemple des
ménestriers de France*.
La trompette marine'.
Trop souvent et à tort appelée la basse d'accompa-
gnement des mendiants joueurs de rebec du moyen
âge, la trompette marine n'a pas toujoursjoui d'une
parfaite considération.
Traitée par quelques auteurs modernes en instru-
ment de grand chemin, sans gloire ni répertoire, si
pauvre même qu'elle semblait à peine capable de
septnotes harmoniques pour l'accompaguement des
chants populaires et religieux :
ut-' àvide,îi<i soli uUmi^sol^ ut^,
elle ne méritait « qu'une simple mention en pas-
sant », écrit feu Tolbecoue'», n'ayant d'autre célé-
brité que celle que Molière lui donna (1670) en la
citant dans le Bourgeois gentilhomme.
». Voir dans le dernier .Vusiciana de WccKEnLi» (Paris, 1899) le fac-
similé du brevet de maistre joueur délivré le 11 .septembre 1G57 à
K. CiioDALLin de Paris, par Louis Constantin, Roy et maistre de tous
les joueurs d'instruments tant haut que bas, par tout le rovaume de
France.
y. Bibliographie. — F. BonKHnu — GaUnettoarmoincopinit
di Strontenti Sonori. Roma, 1722.
A. ToLBiiCQDE. — Art du Luthier. 1903.
Molière. — Bourgeois penlilhumme.
Lavignac. — Encyclopédie de la musique et Diciioimiiire du Comer-
valoire. Paris, 1914.
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1758
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Sans aller plus avant, le seul fait de Toir une
Irompelte marine dans le milieu artistique et musi-
cal du célèbre peintre flamand David Téuiers (1582-
1649) démontre nettement la pauvreté de tels argu-
ments', et nous devrions remercier Molière de l'a-
voir immortalisée depuis 1670, en voulant donner à
M. Jourdain le maximum du ridicule, alors qu'il ré-
clame de son maître de musique pour l'accompa-
gnement du chant cette trompette marine, « instru-
ment qui lui plaît et qui est harmonieux ^ «.
Ainsi, M. Jourdain voulait étonner ses amis en
choisissant un instrument très grand, le plus grand
possible (2 mètres de haut), vanité du bourgeois gen-
tilhomme excitant d'autant mieux le rire de l'audi-
toire qu'il apprécie mieux la mauvaise éducation
de M. Jourdain... Et cependant, « ce braTe parterre
croit que la trompette marine est un horrible ins-
trument à vent, une conque de Triton capable d'ef-
faroucher les âmes' »l
Combien de générations ont entendu à la Comédie
française depuis 1670 et combien d'autres specta-
teurs, aussi mal renseignés, entendront encore le
Bourgeois gentilhomme, sans pouvoir apprécier l'iro-
nie de Molière à sa juste Taleur!
Vers la même époque, 1660, dans les airs de ballet
de Xeraàs, attribués à Lulli*, opéra italien joué dans
la galerie du Loutre à l'occasion du mariage de
Louis XIV, on avait vu au 3« acte une entrée de bal-
let où un patron de navire et des esclaves portaient
des singes, tandis que des matelots jouaient des trom-
pettes marines. De l'autre côté de la Manche, des
concerts étaient donnés à Londres par quatre trom-
pettes marines (1674-) .
Ces quelques renseignements suffiraient à peine
pour motiver ici une histoire de ce vieil instrument,
si, toujours pratiquée eu sons harmoniques du
pouce gauche, la trompette marine ne marquait pas
dès le xvi" siècle :
i" L'origine de l'emploi du pouce sur la corde, tel
que Berteau ou Bertault de Valenciennes en fera
bénélîcier l'Ecole française de violoncelle', au com-
mencement du xvni' siècle.
2° La première utilisation des sons harmoniques
naturels par les instruments à cordes et à archet,
mieux encore le premier instrument à cordes sur
lequel fut exécutée une gamme diatonique en sons
harmoniques naturels'.
3o La création d'une roue dentée et d'un cliquet
pour empêcher la cheville de dévirer, système pri-
mitif d'où sont issus, après la vis sans fin d'A. Bach-
UANN (1716-1800) pour les contrebasses (1778), tous
les perfectionnements imaginés dans le même but au
SIX* siècle.
Avec et depuis Mersenne (1588-1648), les savants
avaient marqué quelque intérêt pour les harmoni-
ques, et, après Dechales (1621-1678), Ph. de Lahirb
(1640-1719) adressait, en 1694, à l'Académie des
sciences un long mémoire intitulé : Explication des
différences de sons de ta corde tendue sur la trompette
marine.
Si le monocorde de Pythagore a servi à quelques
démonstrations relatives aux rapports de longueur
des cordes, la trompette marine partageait avec lui
l'honneur d'être utilisée par les savants, à l'heure
même où Sauveur (1633-1716) préparait ses remar-
quables travaux sur les harmoniques et les systèmes
tempérés, de 1700 à 1711. C'est dire combien la
trompette marine méritait ici le droit d'être citée,
malgré l'opinion des écrivains qui n'avaient su re-
chercher ni ses origines ni l'influence qu'elle avait
eue au xyii" siècle.
Après les poètes du moyen âge, Luscinius (1487-
1535, Glareanus (1547), Praetorius (1571-1621) et le
P. Mersenne (1636) nous ont laissé des descriptions
concordantes de cet étonnant monocorde. Sans pou-
voir préciser l'heure et le pays de sa naissance, pré-
cédemment appelé par les Allemands trumscheit,
tympanichiza et même uonnen trumpet dans les cou-
vents de religieuses accompagnant leurs cantiques,
ou encore trompette de Marie, Marien-truinpet, d'où
l'on a dû faire par corruption trompette marine,
nous pensons cependant que la liompette ma-
rine avait passé le Rhin aux xv» et xvi^' siècles
pour se répandre aux Pays-Bas, eu Angleterre et en
France, également employée à l'accompagnement
des chants religieux ou profanes.
On a trop souvent écrit à la légère, croyons-nous,
que la trompette marine avait un emploi officiel
dans les services de la marine royale britannique;
le silence absolu des dictionnaires de Ijrove et
de (îrassineau à cet égard doit mettre fin à cette
légende, les plus anciens manuels anglais de naviga-
tion ne mentionnant, d'ailleurs, que Vear-trumpet ou
cornet acoustique et le speaking-trùmpet ou porte-
voix.
En rappelant ici que tympanichiza et trompette
de bouche jouissaient du même privilège des har-
moniques diatoniques au delà de la 3» octave du
son fondamental, ne serait-il pas logique d'expliquer
la similitude nominale « trompette » par l'identité
des sonorités émises en vertu des mêmes principes
acoustiques'?
Trompette marine !(t-i uti soh ut^ mi^ sois sùl? utj ré^ mi^ fa^^ sol^ la^ sio[' si^ uti.
en ut_i
Trompette basse
de bouche en uU
lit. ut. sol> utçi mt,, so/j si;^[i ut-, ri; mii. fciiH soh la; siih si; ut:,
l"octave. 2*^ octave. S' octave.
4" octave.
1, D. l'éniers et su famitlit, ijeinlure du xvji* siècle »u Bgure URe
trompette marine.
2. Molière. Le Bourrjeois qentitliûmnie., acte tt, scène 1,
9. Bebuoz. Les Grotesques de la miisiijue, p. 1)7.
4. XerxèSt opéra de Gavai-m, dont tes airs de ballet o»t été composés
par Lui.Li.
5. La sonate de BRnTASi.T, insérîc dans 1» Traité liu YiaUnrelle
de BîiÉVAL, page 164, constitue \e plus ancien oiomple de l'emploi dn
pouce au violoncelle.
6. Cassanéa m Mondosvji.i,e (1711-1773) eut le mérite de l'introduc-
l!on des sons harmoniques, vers 1738, dans la tcchnii]ne du violon , il-
en exposa l'aiiplication dans Sons harmoniques. Sonates à violon seut
avec B. C, op. 4, 1739, préfaçant son œuvre dans les termes suivant» :
« Les intervalles les plus flatteurs sont ceux qui dérivent de la progjres.
sion harmonique, ils sont même si naturels à la trompette et au cor
de chasse qu'il est impossible qu'ils en forment d'autres que la tierce,
la quinte et l'octave, à moins qu'ils ne s'éloignent de vingt-deux inter-
valles du son fondamental : après quoi, ils peuvent varier leurs chants
diatoniquement.
i< Divisez la corde eu deux parties égales, v»us «urez l'octave du soa
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES VIOLES 1759
Nous trouvons aujourd'liui encore de trts nom-
breux spécimens de trompette marine dans les mu-
sées de l'Europe, représentants d'écoles diverses,
fabriqués en Allemagne, Espagne, Hollande, etc., à
des époques assez éloi;^nées les unes des autres ; quel-
ques-uns, incrustés de nacre, d'ébène ou d'ivoire, ne
furent pas évidemment des instruments de men-
diants; d'autres avaient sans doule appartenu à des
monastères, où ils ont été peu à peu remplacés par
des repaies, bibel-regals et harmoniums... On assure
que la trompette marine était encore en usage vers
1889 dans les couvenls de Mariental et Marienstern
(en Saxe), où, dans les grandes cérémonies, les reli-
gieuses réunissaient quatre trompettes marines et
des tambours' !
Mahillon décrit l'instrument comme suit- :
La trompette marine est constituée par une py-
ramide hexagonale très allongée surmontée d'un
manche, dont la hauteur totale dépasse souvent deux
mèties, l'une des faces plus large que les autres
formant table d'harmonie; « une corde unique de
boyau •* fixée au bas de la lable surmonte l'instrument
et s'enroule sur une cheville de fer munie d'une
roue dentée et d'un cliquet qui l'empêche de se dé-
tourner.
« La corde passe sur un chevalet dont l'un des pieds
s'appuie sur la table d'harmonie, tandis que l'autre
n'adhère qu'incomplètement à une petite plaque d'i-
voire fixée à la surface de la même table.
« Lorsque la corde est ébranlée, il se produit une
série rapide de chocs du chevalet sur la plaque d'i-
voire, lesquels ont pour eli'et de modifier le son de
la corde et de lui donner [audire de plusieursauleurs]
quelque ressemblance avec celui de la trompette,
d'où le nom donné à l'instrument. »
La main gauche parcourt la corde aux points de
division déterminés pour la production des sons
harmoniques, tandis que de la main droite on pro-
mène l'archet sur la partie supérieure de la corde,
presque contre le sillet*.
Le R.-P. BoNANNi (1G.'?8-172j) a donné, dans le Ga-
bintlto Aimonico de 1722, quelques renseignements
sur la trompette marine, illustrés par la gravure ici
reproduite qui indique nettement la position du
joueur de trompette marine.
FiG. 932.
Partant de la fondamentale ut-i (de seize pieds)
l'étendue de la trompette marine, toujours pratiquée
en sons harmoniques, était donc la suivante :
Uti
2 3 4 5 6
6 ff a 9 10 n IZ. 15 15
f^
Mais il faut bien remarquer que, jouée à la fin du
xvii" siècle, à une époque où le tempérament égal
n'avait pas donné à l'oreille l'éducation et l'accommo-
dation que nous devons particulièrement à Couperin
et Bach {le Clavecin bien tempéré date de 1722-1744),
MoNDONviLLE et Prin Ont négligé de taire remarquer
que les harmoniques de la quatrième octave ne
jouissaient pas tous de la même justesse ; cepen-
dant, Prin paraît s'en être rendu compte pour le si [>.
Déjàlesibii était laissé de côté. Mais le la^^ est tou-
jours trop bas et le /a,, de 704 vibrations, sans être
tout à fait un fa^ de 711 vibrations, est bien loin du
fa 11 de 682 -.
fondamental, le tiers formera I;i douzième ou quinte^ le ijuart formera
la quinzième ou double octave, le cinquième formera la dii-septième
ou tierce, le sixième formera la dix-neuvième ou quinte, le huitième
donnera la vingt-deuxième ou triple octave. » Après ce dernier son» le
dessin indique six notes diatoniques de la quatrième octavo.
1. ICiNsKY. Katalog dea Muséum «on Heyer, Côln.
2. Mahillûn^ tome I, p. 310, Catalogue da musée instrumental du
Cotiservaloire de Bnucetles.
3. On a signali^, mais rarement, des trompettes marines montées
d une seconde corde de longueur vibrante égale à la moitié de la grande
corde, bourdon ou corde sympathique,
4. L'harmonique 16 de la fondamentale placé au 16» de la longueur
de la corde laisse entre lui et le sillet une longueur de huit k dix cen-
timètres, suivant la longueur de corde employée, 1,25 à 1,72.
5. Lavig.nac. Musique et musiciens.
C'est dire qu'une restauration moderne de la
trompette marine serait prudemment réduite pour
la satisfaction de nos oreilles aux harmoniques de
la quatrième octare u^srt'.j mi,oSo/,2 si l3,3 u<,e, et aux
plus graves ut., sol.^ uti mi-i sok. S'il y eut à Londres
en 1671-, à la l'ieet Tavern, des concerts pour quatre
trompettes marines', il est très possible que l'une
d'elles fût accordée à la quinte, c'est-à-dire sol-,,
alors que la partie supérieure était confiée à une
trompette marine en ut^, donnant par conséquent
l'octave diatonique lUi-ut.,, et la basse aux trois
premières octaves de la quatrième trompette, celle-
ci en ut-, comme la troisième.
C'est à peine si nous retrouvons trace des parties d«
Xerxès déjà cité etdes pièces de J.-M. Gletle d'Augs-
bourg (1674), des parties d'orchestre d'A. Suarlatti,
de rarissimes manuscrits de Galpin (1699) et de l'Es-
pagnol de Castro du XVII' siècle que nous citons sous
toutes réserves.
D'Angleterre, nous sont donc venus d'intéressants
témoignages des plus anciennes musiques pour le
crouth, la trompette marine et les violes, dont, en
particulier, la méthode de Playford (163.5) faisait
6. D'après la London Gazette (4 février 1674), Vidai., Mahillum et
Grillei ont cité ces «concerts rares m.
1760
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
autorilé trente ans avant les traités français de
J.Rousseau et Danoville (1687).
Encore devons-nous ciler ici « l'Habit de musicien )>
du siaveur N. de l.armessin (1640-1725) qui nous
documente merveilleusement sur la trompette ma-
rine de l'époque lulliste, tant en grandeur qu'en
détails de construction. Voilà bien l'instrument de
grand patron, réclamé par le Bourgeois gentilhomme,
avec un manche gradué de façon si précise qu'on
relève dans la gravure de N. de Larmessin les mar-
ques des positions du pouce correspondant très exac-
tement aux harmoniques :
ut.,, mu, sok, siba, ré^, la,, uti.
et, approximativement, aux harmoniques ut^ et fa,.
Enfin, Larmessin a placé sur le bras du musicien une
(( Chanson de Trompette », en tablature, jusqu'à ce
jour inconnue, qui semble bien correspondre aux
premiers harmoniques :
h, i, 1,
sib-i, «'<3. »'<?3.
e,
uti,
f,
miî,
g,
soL,
de l'instrument accordé en iit-i, dont Prin augmen-
tera plus tard l'étendue de toute la gamme harmo-
nico-diatonique ut^ à uti.
De la trompette marine nous ne connaîtrions que
ce vague passé, si la découverte à Lyon, en 1908,
par M. Vallas, des manuscrits de Jean-Baptiste Prin
(1669-17421 n'éclairait pas d'un jour nouveau l'his-
toire et la pratique de cet instrument au début du
xviii» siècle en France'. Né à Londres à l'heure où
Molière décidait de mettre la trompette maiine à la
scène, Prin en avait lapporlé la pratique de cet ins-
trument extraordinaire qu'il voulut enseignerai per-
fectionner à Lyon de 1704 à 1737; il avait légué (1742)
à l'Académie du Concert lyonnais son insiruinent,
aujourd'hui disparu, et un mémoire sur lalrompette
maiine accompagné de la musique qu'il avait com-
posée ou transcrite pour son instrument, qui, monté
de 21 cordes sympathiques intérieuies, avait, dit-il,
« la force d'une tronipetle de bouche, la douceur
d'une Uùle et l'harmonie du clavecin »... Suivait le
plan de ce dispositif, selon lequel la lutherie lyon-
naise aurait organisé plus de cent cinquante trom-
pettes pour ses élèves!
Ce mémoire et ces manuscrits sont aujourd'hui
classés sous les n°^ 133670, 133671, 133954, 133634
parmi les manuscrits rares de la réserve de la biblio-
thèque de la ville de Lyon.
Celte « coalition » de vibrations sympathiques don-
nait à la trompette marine d'amour, ainsi organisée
par Prin, une sonorité particulière, d'où il avait pris
l)rétexte pour s'annoncer modestement « fameux
joueur de trompette marine »; aussi, réussit-il à se
fairs entendre à Trianon, au concert des princes, le
15 juillet 1702, avec un tel succès, dit-il, que la du-
chesse de Bourgogne lui offrit ce livre de la musique
du roi, richement relié et fleurdelysé, retrouvé au
Palais des arts de Lyon par M. Vallas, aujourd'hui
conservé à la bibliothèque de la ville de Lyon sous
le n" 133654.
De ces manuscrits, soli, duos pour deux trompettes
marines, airs de trompettes et violions {sic) (1718),
concerts de Lrompetle, haubois et violions (1742), ne
mentionnent aucun nom d'auteur. Il est cependant
de toute évidence que nombreux sont les emprunts
faits à LuLLi. Doit-on supposer également que l'or-
ganisation des cordes sympathiques n'était qu'une
imitation du dispositif appliqué à cette trompette
marine qui nous est signalée au British Muséum
avec quarante et une cordes sympathiques?
Castil-Blaze rapporte que la musique du roi
comptait encore, en 1775, trois joueurs de trompette
marine qui avaient éventuellement charge déjouer
les cromornes de la Grande Ecurie, mais le canon
du 10 août 1791 dispersa ces singuliers virtuoses de
la Chapelle du roi.
Leurs instruments ont généralement subi le même
sort. Il en existe certainement plus de cent dans les
musées et collections particulières; combien nous au-
rions eu intérêt à retrouver, à Lyon, l'une des trom-
pettes marines organisées pour Prin par les luthiers
Imbert (1715), GouTENOiRE et Skraillac, feseurs de
trompettes ou trompeltiers qu'il s'est plu à citer!
D'une trentaine d'instruments examinés, nous avons
pu relever les dimensions variant de 2 m. 06 à 1 m.
40 pour la hauteur, et de 1 m. 72 à 1 m . 25 pour la
longueur de corde vibrant du sillet au chevalet...
Puis quelques noms de lulhiers, Houtet (1680-1702)>
Jacob d'Amsterdam (1713), J. Waiss de Salzbourg
(1728), J.-L'. Fischer de Munich (16501, C. Pikrkay de
Paris (1763), Duclos de Barcelone, qui nous permet-
tent de constater que [a trompette marine eut encore
des adeptes en tous pays jusqu'à la fin du xviii^ siè-
cle; il n'en fallait pas davantage pour assurer les
musiciens du xx' siècle que ce curieux instrument
à archet méritait mieux que la « mention en pas-
sant » de feu Tolbecque, ignorant sans doute que
Léopold Mozart lui avait consacré une description
de quelques lignes dans sa célèbre Méthode de violon
de 1756.
Violes et violollcs %
Dans l'ancienne langue française, viole, vioiié,
viollie:, violette, violier, villier se sont également
1. L. Vai-las. Les Lyonnais ditjnes de mémoire. J.-B. Prin et son
mémoire sur la trompette marine^ Lyon, lîllî, primitivement j)ubli6
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riîCII NIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÈDACOGIE
LES VIOLES 1761
dits des instriimeiits de musique sucxédani aux
vièles d'archet, des Heurs et touiïes, des foraines <le
violelteSjdes lieux où elles étaieut cultivées et nifn](!
de cerlaifies plantes potagères.
Kxeuiples : 1" « Meueslrels, trompettes, labourins,
viollie/., rebecques et autres. » (Aubrion, Journal,
an 14-98.)
2" «trimbales et tambours, trompettes et violettes. »
(Pli. de Vif;neulles.)
3" « Ou vend ici d'autres graines, comme des œil-
lets d' .Alexandrie, les violes raatronales. » jUabelais,
lettre M. I
4"' " Use souvent pour la nature de persil, bettes
et bourraches violiers. » (E. De>chumps.)
Le violeur ou violier était le musicien qui jouait
de la viole, en chantant généralement :
« Aveugles et violeurs pour oster au.K gens leurs
douleurs chantent toujours belles chansons. » Vio-
l'iiiIroducUoa d^ s'accorder et upptif[uer lefi doits selon /u ma-
niére qu'on a ticcoutuiiié de jouer. Iôi7-1555.
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('tant traitée en soliste; 2« vol. : les B. C. pour tes pièces
de Y. 2" viole, basse d'archet et clavecin.
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— Op. -.'6. 1729.
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— Op. 10. 1732.
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MiLANDHE. — Mclliode facile de viole d'amour. Paris, 1782.
Johann Kral. — Méthode pour la riole d'amour à l'usaye des violo-
nistes, op. 10. Vienne, G. A. Spina. (Réimpression :
Leipzig, Bruxelles, Londres. Aug. Cranz. Gette méthode
ne porte pas de date, mais elle est postérieure a 1836,
et même au traité d'Instrumentation de Berlioz, 1839.)
Berlioz. — Traite d'Instrumentation. Op. 10. Paris, 1839.
Deldbvez. — .\n dn chef d'orchestre. Paris, 1878.
Copyriglh fit] Librairie Delagrave, 1927.
Irv, l'était proprement chauler en saccompagnant
de la viole :
1°
Quant revenu/ sui en uii'Zun,
S'en doi bien dire [)ar rezou
Les vers que j'ai tant violés.
2" « Promener par la ville au son de la viole un
liiEuf paré de rubans et bouquets pendant les jours
;;ras. »
:f" " La joiiayt au bœuf violé. » (Rabelais, Gargan-
liia, cil. xii.)
|ll\trailsdu Dictinnnahede l'ancienne langue fran-
(■nisede Goddroy, Paris, 18'.>2, Bouillon. |
l.e violier it'amour neut point davantage l'exclusif
privilège de désifjner un << joueur de viole d'amour >.
Si le violier d'amour des hisloires romaines du
nV siècle ne ut qu'un célèbre recueil de conles et
apologues très «oûtés au moven Age, du moins la
lechnologii' botanique, plus moderne, a ulilisé tour
à tour le même vocable pour désigner la girollée ou
vulgaire matihiole, le violier bulbeux on violier d'hi-
ver, ainsi que diverses variétés de perce-neige, qui
n'ont évidemine-nt aucun rapport avec la lutherie
que nous allons décrire.
Il était intéressant de signaler ici telles semblables
elymologips.
Si Ar.RicoLA (1486-la56) et autres liistoriens de ce
" vieil ti^mps » ne nous ont laissé aucune précision sur
l'heure, le lieu el la nature des modifications réalisées
dans la lutherie des xiv et Kv" siècles, cependant
rehecs et gigues disparaissent avec les vièles des mé-
iie-lrels devant une famille d'inslruinents unifurmé-
iiienl caractérisé* par des éclisses, des échancrures
latérales en loime de G très ouvert, des fonds géné-
lab-ment plils, des manches « enlouchés ■>', des
unies au nombre de deux, symétriquement disposées
en lorme de C, allongé de chaque coté du chevalet,
(^"e.'-t-a-dire la famille des violes: bien plus, la viélc
du moyen âge, l'instrument ;i cinq coi des des ménes-
trels, accordé, selon Jérôme de Mohavih :
.so/,, ut-^,siil,, rê^, aul^,
devi'uait la viole-lype (gamba) delà nouvelle famille,
dans le même re^iislre, accordée d'ailleurs pour l'ac-
'•iiin[iagnenient :
Selon Agricola (1529) :
sol,, ut,, fa,, ht, rë., soi,
Selon Pn.;no»ii:3 (1G20) :
r-',, sol,, do,,, mit, la^, ri'_.
S Ion M. Malais H68^| :
ri',, sol,, Uo,, vii,, la^,réj.
Par ce nom 'le viole, en italien viola, employé seul
on entendait comniunément, nous dit Hiio'sard, ce
(|ue nous appelons 6a.sserfer)îoie-, puis '\e viola, l'aug-
mentai if t)io/'i"e fui la C'intra-bassa da viola, (ui archi-
rioL-, le ditiiiniitif fut violeltii et même violin, tan-
dis que le diiiiiiiiitif de violone fut violonerlf.. Ainsi,
avims-noiis une famille neltement constituée de
violes, dont ci-dessous nous donnons les accurdatures
uéiii-ralement al mises. Il est intéressant d'en rappro-
cher parallèlement les instruments moins anciens,
dn Ltrave à rai;;u.
I . VVeckeiiun. Jt/ujiicinna, tome II. page 104. .. la m.micr.' de bien et
lii-lcmcnl entonche' les lues et giiilemes », f'oilicr*, 15,".6.
:, .-éh. DE Bnu^SAKD, Dictioiiimirn (le mmiqmi, i70;i. Ailicle Viole
M, lis. pourPiiAEToBius, le ternie viole s'applique à toutes les violes de.
^ainbe.
111
1762
ENCYCLOPEDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Violoiio.
Archi-Viûh.'.
Contni-Bassn. da Violn.
Grande Violo Lorraine.
Viola di Gamba
uu
Basse de Viole.
Viola di Bordone.
l-'agolto. •
Baryton de Viole.
Viola de Pardone.
Viola Pomposa.
Ténor de Viole ou Taille.
Violella de-ssus.
Viole d'amour.
Dessus viole à 5 cordes. Quinlon
,*! cordes, so/_i — ri\ — /«, 1
4 — • w//_, — I«„i — 7r, — A'o/| ■ Cunlrebasse.
5 — !(/_, — mï_, — /fl_, — rt\ — soli. )
\ 1(1.-.. — /•('__, — S0/_, — Ul^ — ÎHi'i — Itt^—lf.,
-rt'i — so/j — lU^ — fa^,
la — „ — rc_, — soL, — si._i — mi\ — /«i
so/^i — ré, — fa^ — nii,
ht^ — SOl^ — Vl'.j — /(/2
/(7_| — rf, — sol^ — î;/2 — m/j — /r/j — rc^
ri\ — so/, — !(^2 — w«'.) — /«2 — r^j
mi, — la^ — ri',—soL — .«io — """s
«<, — Sï)/, — »Y; — la^—mi^
sol^ — rt^.^ — /ag — /H/;j
I Cellone du D' Stulnzkr 1S91.
I Sous basse de Liio Sir, 1922.
Violoncelle.
so/, — UI2 — /'«-2 — /«2 — '■''j— •'"'a
rf., — «0/2 — «'3— '«'3— '«3 — '■'S
i L'bhan ré« — /'«i$s — /«a — ''^3 — A'iia — /'(;i^ — '"'';
] Guitare d'ainour
ou
) Arpcggione de Staukeb, 1S21.
t l'iccolo violoncello de Riedei ,
I 1760
I Barvlou de Battanchon, 1847.
. Violella du D' SrË[.zNER, 1891.
( Ténor de Llo Sir, 1922.
.\lto.
Violon.
Viola Piccola.
Pardessus de Viole
( MiLANDRE hi—ré-, — la, — rfj — /njfg
sol, — rë;j — la^—ré;. — sol^
sot, — ir.^ — /«3 — wi,
i sol, — iil^ — ;Hi;j — /(T3 — rc^ — sot ^
soir, — ré^ — /113 — ré, — .«o/,
w/j — .so/^ — ;•(■, — /rti
Violetta marina. 1 , • , ■ • ,
English violet de C.vstrucci. ( 2 j .j j ' >
SOUS réserve de l'emploi ou de la suppression de la septième corde (grave
Petit Violon Sai.osion.
Piccolo Violino, 1760.
Surviolon de Léo Sir, 1922.
Les luthistes s'accordaiit généralement :
sol, do, fa, la, ré, sol,
devenus violistes en prenant l'archet, n'avaient aucun
luotil' de ch;inger la technique de la main gauche :
aussi, la viole à si.'i cordes procéda logii|uetnent du
luth par deii.'! quartes, une tierce et deux quartes.
Dans sa .Méthode de viole (llioO), Simi'so.n exposait
déjà que la sonorité d'uninstrumentà cordes à arcliet
demeure toujours en raison inverse du nombre de ses
cordes, plaidant en faveur de la viole à six cordes',
à l'heure où l'invention des cordes lilées d'ai'gent
attribuée à .S.unie-Colomue, l'un des plusgrands vio-
listes l'iançais, encourageait pour quelque temps les
violistes français à s'adjoindre une septième corde.
C'est avec une viole, ainsi montée de sept cordes, que
son plus illustre élève, Mari.n Marais (16.'i8-1728), est
représenté dans un portrait actuellement au Musée
du Conservatoire de Paris-; on devine, cependant,
que les violistes ne témoignèrent pas d'un grand ein-
pressemenl à faire rebarrer ad hoc et changer la tète
de leur instrunient pour l'adjonction d'une septième
corde.
Le tableau d'accordatures qui précède n'a évidem-
ment rien d'absolu; Pr.etorius (1571-1021) n'attachait
auciuit^ importance à la manière dont chacun accor-
dait sa viole, pourvu qu'on jouât juste et bien, ce que
t. C'est une tiui^slion do firession du chevalet sur la taljle, déjà étu-
diée par le P. Mi;ii^K\NK{lli3il), qui proposait de réduire à trois leDr>tnbrc
des enrdes du violon pour auguieriter la sonorité des première et
dcuxièiue, réplique toute mathématique à la conception des violons ita-
liens primitiveinement montés de cinq cordes en quarles,
/fli, r(?3, 5o/a, uti, fat.
dont nous connaissons un spécimen dans le « Concert » de Lionnellc
tSpada (157G-lti-iOi, sous le n" 25."i du musée du Louvre.
- S. Cependant, la plupart des œuvres île Mabais peuvent être exécu-
tées intégralement sur la viole à six cordes.
Jean Rocsseau (1687) e.xprimait dans son traité (cha-
pitre iv) sous une autre l'orme :
» Ayant indiqué l'accordature par quartes, ma-
nière ordinaire des maîtres, on pouvait accorder la
viole par quintes ou octaves et même employer
d'autres accords pourjouer les pièces desétrangers. ■■
Maïer de Nuremberg (1741) aurait indiqué dix-sept
accordatiires exceptionnelles pour la viole à si.v
cordes'' : ce nombre aurait pu être plus grand encore
sans nous surprendre, mais nous en voulons retenir
ce fait que la septième corde n'était pas en faveur
dans l'école allemande, sans insister davantage sur
les discordatures nombreuses du violon et ses scor-
datures « avec cordes ravalées » de Tremais (1740).
Jean Iîousskau (1687), après Hans Ckble de Nurem-
berg (1532)* et S. Ganassi (1542)!', a donné, dans le
chapitre VI de son Traité de la viole, la manière d'ac-
corder la viole :
« Il faut sçavoir que de chaque corde à la pro-
chaine, il doit y avoir l'intervalle d'une quarte, excepté
de la quatrième àla troisièmeou l'intervalledoit esire
seulement d'une tierce: que la chanlerelle est en D.
te, rc', la seconde en A. mi, la, la troisième en E. si,
mi, la quatrième en C. sol, ut, la cinquième en G. ré,
sol, la sixième en D. la, ré, et la septième en A.mi, la.
« Pour les accorder lorsqu'on n'es! pas obligé de
s'assujettir à un autre instrument, il fatit commencer
par C. sol, ut, qui est la chorde du milieu''', et la
3. tiilc par lÀiEMAKN et de tinicQUEViiLK.
4. 11. Geki.iî. Musica Teusch auf die Inslrument der Oeigen (1532)
réédite en 1.Ï37 H en IS4C.
5. Silvestro Ganassi (dit Dkl Fontego), Vénitien, a laissé un traité
de l'ait déjouer de la viole, 1342, Regola Hiibertina, reyole a aonar de
viola'd'arco'.tastata.
0, Cet !(( était l'iKs de quatre pieds du presUnt. Rappelons que le
Ttmiiii, Furk ou diapason, inventé par John Suobe, luthiste du roi
Georses dAnglelerre, en 1711, donnait l'u/.Duu auliecote, J.-J. Hous-
SEAO assure que le sifllet-choristo ou corista donnait également Vut eu
Italie.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES VIOLES 1763
monter à un ton raisonnable, on sorte que la chan-
terelle ne soit pas forcée, ce ((ui la ferait sifller sous
l'archet et la mettrait en danger de se rompre,
comme anssi que la grosse chorde puisse faire en-
tendre et distinfiuer facilement ses sons.
«Quand celte chorde du milieu est montée, il faut
poser le troisième doif;t à la quatrième touche de la
mesme chorde et monter la troisième chorde à l'unis-
son, c'est-à-dire que les deux chordes, l'une touchée
et l'autre à l'ouvert, fassent entendre le mesme son. »
« Il faut ensuite poser le petit doigta la cinquième
touche de la troisième chordect monter la dcu.\iènie
chorde à l'unisson : il faut faire la même chose pour
accorder la chanlerelle sur la seconde...
.< Celte manière d'accordt-r la viole s'appelle l'ac-
cord par unissons qui est le plus facile, mais qui n'est
pas toujours hii-n seur, à moins que les chordes ne
soient parfaitement justes et que les touches ne soient
bien placées. »
Et, aioute Uousskau un peu plus loin : « En avançant
ou retirant un peu les touches '. » C'est ici qu'il con-
vient d'exposeï- le disposilif, les avantages et incon-
vénients du manche entouchi'.
On n'imagine pas sans peine que ces lames d'ar-
gent ou d'ivoire aujourd'hui incrustées dans la tou-
che des guitares, luths... n'élaient au xvi<= siècle que
fragments de conles de boyau entourant le manche
et la touche de l'instrument, comme nous les voyons
si nettement au manche de la splendide viole
que Zanipieri, dit le Dominiquin (lb8i-1641), prête
à sainte Cécile dans l'une de ses plus célèbres pein-
tures'. J. UoussEAU ne semble pas avoir connu autre
chose en 1687, qumd, prévoyant que les cordes ne
sont pas toujours justes, il enseigne de « remédier
à ce detl'aut en avançant ou retirant un peu les lou-
ches^ i>. Cette mobilité des louches n'est pus poui-
nous rassurer sur la justesse de l'exécution, d'autant
que si le déplacement d'une louche corrige le défaut
d'une corde, il en provoque plus encore pour les
cinq ou sis autres cordes ; nos ancêtres avaient évi-
demment reconnu le pour et le contre de cette pra-
tique, car nous ne voyons plus dans les musées que
des violes entouchées d'argent ou d'ivoire, et nous
devons examiner le procédé employé parles luthiers
pour diviser ainsi la touche en sept cases.
Le placement de ces divisions, appelées touches
par les uns et tons par d'autres ateliers^, ètaitassuré
par l'emploi d'un compas secret spécial de propor-
tion « dont les deux jambes étant ouvertes de deux
pieds juste, les petites cornes avaient une ouverture
de sei/.e lignes, ni plus ni moins ».
Le rapport des ouvertures des branches était
donc.
16 1
2 pieds = 288 ligues"" 18'
L'ingénieux inventeur de ce compas, s'inspirant de
l'école de Pythauore et de l'accord des cithares grec-
ques, mil, la^, SI3, mU, savait le rapport de la,, mi-.
3 3
:= quinte-, d'où mi, =7: par suite mii, s/j, quinte
_3 3_9
-4^2"8
En appelant! la longueur de la corde la-2, la corde
û in
sis a -=-- de la corde la-,, et la différence des lon-
gueurs de deux cordes sonnant à un ton diatonique
16 "^
l'une de l'autre = 1 = — .
18 18
Empiriquement, le premier demi-ton se trouve donc
réglé par diminution de la corde initiale du - de sa
18
longueur'. De proche en proche, le luthier plaçait
donc les sept premières touches correspondant à la
quinte chromatique de la corde initiale; il est inté-
ressant de connaître la valeur de cet empirisme
dont la douzième louche marquant l'oclave serait
placée à 0,49.=) du sillet au lieu de 0,.')00 pour une
corde d'un mètre, accusant ainsi une erreurde 3/1000
pour la septième touche et, de façon générale, des
tons légèrement trop rapprochés du sillet procurant
des intonations légèrement trop basses, la partie de
corde vibrante élant trop lon;;ue.
Cela paraissait simple et suflisant, alors que le
tempérament égal, théoriquement cormu depuis le
commencement du xvii= siècle et particulièrement
traité en llalie par Rontkmpi en 1690, après le Flo-
rentin P. Aaron (1490- 1562) et le Vénitien Zaolino
(lon-lo99), en Allemagne par Werkmeister (1645-
17061, n'élait point sorti du domaine des spéculations
théoriques (1601).
Ce lernpéiament égal ou à rapports constants de
\Z degrés ne pénétra que lenlement en France; les
organistes en étaient réduits à ne jouer qu'en do,
Su/, ré, fa majeur, en rni, ré, sol mineurs, sous peine
de déchaîner les « loups » du tempérament inégal
avant que l'influence de Coupeuin et de Bach n'amenât
les c avecinisles à prendre parti pour ce tempérament
égal qui nous valut (1722 à 1742) le génial Clavecin
bien temiJéré; Bacu nous indiquait la voie des tona-
lités nouvelles on l'on pouvait à l'avenir s'aventurer,
les quintes du clavier étant iniperceptibleiui-nt allai-
blies au détriment de lajustesse des tierces majeures
sans compromettre la pureté des octaves, ce qui
constitue en résumé le principe du tempérament éf,'al.
Si nous rapprochons l'observation précédemment
laite concernant la justesse relative des harmoniques
de la quatrième octave de la trompette de bouche en
ul, soit/a,.! si h et .si bu et fan , de ce que nous con-
naissons des difficultés ou des fantaisies de l'accord
du clavecin de tempérament inégal, nous devons
reconnaître ici que l'application du compas et de la
règle du 1/18 donnait une grande régularité ;i la
division des touches des violes appelées à concerter
ensemble, dans tous les tons mêmes, ce qu'elles
n'auraient point fait aisément avec le premier cla-
vecin venu, comme tout instrument à cordes mo-
derne peut concerter avec un clavier de tempéra-
ment égal '\
En elTet, le tempérament égal, basé sur la pureté
des octaves, partage celles-cien 12 demi-tons égaux ;
après Mersenne et Séb. de Bhossard, Couperin recom-
mandait l'accord du clavecin en quintes faibles dans
les termes suivants" :
« Prendre une touche quelconque et en accorder
1. Le Dominiquin a laissé le souvenir d'un violiste habile... qui
avait aussi son violon d'Ingres! La sainte Cécile de ftlignard {161U-
1693) a auprès d'elle une viole également ciitoucliée de cordes en-
tourant manche et touche, quelquefois appelées frettes.
2. RoussEAD, Traité de ta Viole, page -37.
3. Makgin, Manuel du Lutltier, page 185.
4. Cet empirisme parait avoir été déjà connu de llEnsBstis (IC.3«).
3. Nous avons traité complélemont la question du eom|ms secret cl
du tempérament éeal appliqué aui violes donlil yauraillieu de diviser
la tourhe suivant les indications de notre ouvr.->ge. Le même compas
servait à l'eutoucliement des guitares, luths et tliéorbes.
6. Ch. BuuvETj Lrjï Couperin, page 10a.
■.VCA
ENCYCLOPÉDIE DE LA MVSKjVE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
.la quinte jusle, puij la diiuiiitiei iiiseusibleiiierit; pro-
céder ainsi (l'une (juinle à l'aulie, toujours en mon-
tant, c'est-à-dire du grave à l'aifju, jusqu'à la dernière
(lonl le son aij;u aura été le grave de la première. »
La dernière est la douzième ; et, partant d'un ut,
la douzième quinte sijf termiuera la septième octave
avec l'alfaiblissenient voulu, car douze quintes justes
dépasseraient sept octaves de ce qui est appelé le
comma de Pytiiagore.
9
De ijième, six tons consécutifs de la valeur^ ,qui
est la seconde majeure de Pythagore, dépasseraient
9''
= 2.027.
aussi la valeur de l'octave, puisque
L'insertion de douze quintes égales de la toniqu«
là la septième oclave 2', en progression ijéoniéti'i-
que, a pour raison v2^ ^ 1.4983..., quintes évidem-
ment faibles, puisque ce rapport, d'après PyrHAOonE,
devrait être ^-, soit 1.300'. De ces douze quintes, il
est facile de déduire le nombre îles vibralions de
chaque uoLe de la gamme clironialique, parl.tiit du
/<l3 =S70
ui,4 = ii)9i;.l
ri- =111)1.3
fil. =13St.O
fiijff = i4i;3.
si ^= 970.5
«/, = 103i.(j
i-fff =123'». 2
mi =1302,1
sol =1550.1
««;jf= 1612.2
n nous reste à le comparer au nombre des vibra-
tions des cordes de la viole entoucliée ; par un calcul
trop long i insérer ici, il est facile, connaissant le
nombre de vibrations de \'i(f _, mèse, — r= 258,6,
de calculer le nombre de vibrations de la même
corde diminuée sept fois du 1/18 de la longueur res-
tante, et, parlant du procédé d'accoiil par unissons de
J. Rousseau, de oonnailre le nombre de vibrations
des troisième, deuxième, première cordes, et, par
suite, de toutes les notes de la viole de Vut., au la,;
puis nielluiit dans un second tableau les nombres
de vibrations des notes du clavecin de tempérament
égal, il est facile de voir qu'arrivé au M, de la chan-
terelle, le violiste, qui fut toujours trop bas. l'est
encore davantage, pas moins de treize vibrations.
Cet écart, loin d'être négligeable, démontre ce que
nous écrivions précédemment au sujet de l'empi-
risme du compas secret des luthiers qui n'ont pas
voulu entoucher à nouveau violes et guitare.s selon
le tempérament égal, et suivre les progrès de la re-
naissance musicale du début du xviii» siècle.
«■utoiiflu-e ail <-<)tî»j>!!s I H S.
«l':«I>r«'N le lenipcraiiiciil <''i|;al«
IVc
111 =
II"
lie
25S.(;
i/ii.
lu.
"''3
258.0
325
■132.5
575. 5
iitjf 2T3.S
3 11.1
•157,0
uoO
n- 200
361.1
18 1.9
045.2
n'îf 30-
3S0.1
513. i
0.S3.3
nii 325 •
■iûS.5
5-i3,t)
723.4
fa 314.1
/Wjt :toi.i
432.5
•157.9
575.5
eÔ9.4
765.9
SII.O
siil^ 3S5.S
iSl,9
645.2
«58. 7 1(1^
1V<=
lll._
25.S.ii
25S.li
«/jf 274.3
ré 200.2
ri'jf 307.6
mi oûô.S
fil 315.2
fil if 365. S
sol. 3S7.8
;'.:i5.,s
315.2
305. S
3,S7.6
410,6
■435
400. S
4S8.2
II-
II! •
460.3
48S.2
517,3
518.0
580.5
015.3
651.7
Itc
'•''3
5S0.5
651.7
090.5
731.5
775.
821.1
870 /«:,
Dans chaque tableau, nous avons souligné d'un
mfime nombre de traits les notes qui donnent l'unis-
son d'accord de J. Uousseau. Mous aurions pu dres-
ser, d'après les mêmes principes, les tableaux con-
cernant les cinquième, sixième et septième cordes et
arriver aux mêmes conclusions. Voilà donc le régime
acoustique sous lequel la viole se développa pendant
tes xvi" et xvu>. siècles, sans que nous en connaissions
d'autres spécimens, d'après Hart, qui' les violes de
Brensvus de la fin du xv« siècle et les cioloni de Gas-
PARO DA Salo construits de ili.'jO à 16(10.
Les instruments décrits par (iAinas^i, violes à six
cordes dont les coins ne formaient pas saillie, sont
évidemment d'un type antérieur à ceux de (jasi'aro
da Salo qui faisait des violes avec deux ou quatre coins
saillants : ses violoui, d'un bois remarquablement
1. Apres CoLPEUiN, Iî.vm:.au proposa l'inserLion «le douze tnoycnnes
proporrioniielles clans l'ocUive 1 à 2, ce i|ui conduit à un résullal
identique iiu pi-ercdeut; ni.iis counaiss.'iul bien la r6>ibtauce ou t'ines-
nêrience des clavei-inisles, peu habiles à faire beiiélicier leur clave-
cin du tenippranienl ^gal. il compose ses Piècts ili: chivixin 11724} tn
ut, rt^, mi, ri majeur et ré, mi, ii mineur. Point l'ti Ions • outrez »
disait DoHNEi, !
choisi, spécialement conservés dans les monastères
d'Italie, nous sont parvenus en plus grand nombre
que les altos et violons dont on lui a attribué géné-
ralement la paternité.
Drago.netti, l'éminentjoueur de contrebasse (176:î-
1816), possédait trois ou quatre instruments de ce
maître dont on n'a point perdu la trace, souve-
nirs d'une époque oij les instruments d'accompa-
gnement demeuraient plus répandus que ceux de
mélodie.
CependanI, les progrès de la technique avaient peu
à peu mis en vedette les ressources de la viole; avec
la touche divisée, il n'était point nécessaire de poser
les doigts en des places très piécises, puisque les
sillets, mobiles ou incrubtés, délimitaient par une
légère pression du doigt la longueur- de la corde
nécessaire pour produire telle ou telle note, et que
le doigt placé un peu plus bas ou un peu plus haut,
pourvu qu'il exerçât sa pression sur la corde entre
deux sillets, n'altérait en lien la justesse du son. Cette
latitude permettait aux violistes les doigtés étranges
de l'ancienne musique de viole, doigtés presque impra-
ticables de nos jours, pai' suite de la suppression des
TECHNIQUE, ESTIIÉTKJUE ET PÉDACIOGIE
LES VIOLES 1765
louches; il'où liberté pour les lulhiers de faire des
manches plus ou moins longs suivant leur caprice
ou celui (le leurs rllenls, sans avoir à se piéoccuper
di" propoilions lixi-s entre le corps et le manche de la
viole, dont la longueur avait encore été ex.-igérée lors
de l'adionctuon de la septième corde, qui exigeait une
longueur déterminée pour se faire un peu entendre.
Si celle exagération avait été prolilahle à la sep-
lièine corde, elle était devenue fatale à la première,
quine pouvait plus monter! Errare linmanum eut.
Maiiai-1 avait di'i Jouer la viole à sept cordes de son
maître, Sainth-Colomiu-:', mais on conçoit aisément
que d'autres écoles s'en soient tenues strictement à
la viole de six cordes, tout en applaudissant à l'in-
vention des cordes iilées de Saixtk-I^olomiie-.
L'étendue et l'écriture de la viole sont indiquées
dans les lignes suivantes en accordalure normale :
f^
m
t
f
^-^
mese
^
S'il est actuellement impossible de tenir, avec Car-
TiF.K^, CoRELLi |lGj:{-17i3) pouT le Créateur de l'Ecole
du violon, dont la pratique était déjà fort avancée
dans la première moitié du xvif siècle, du moins les
violes avaieiit-elles fait école depuis plus d'un siècle,
école moins brillante assurément, puisque leur rôle
consistait surtout dans l'accompagnement ; on accom-
pagnait la basse continue sur la viole, comme l'ex-
plique si liien .1. lîoussEAu' :
« Cet accompagnement demande que l'on sçaclie
la musique à fond et que l'on possède le manche
de la viole dans tous les tons transposés, car il ne
s'agit pas ici de jouer des pièces estudiées, mais de
jouer à l'ouverture du livre tout ce que l'on peut
présenter et de sçavoir transposer sur toutes sortes de
tons.
« Il faut que celuy qui accompagne n'ait aucune
manière de jouer qui lui soit atTectée, car il n'est
rien de plus contraire àl'esprit de l'accompagnement
et du concert (|ue d'entendre une persoime qui ne
joue que pour se faire paraistre; c'est une manière
qui n'est boime que quand on joue seul. »
■Vu la grande rai-eté des clavecins perfectionnés à
l'aurore du .\vii« siècle |)ar Hans Rcr.uEr.s (t oliO) et ses
quatre lils, la viole piuaissait donc seule qualifiée
pour la réalisation des basses chiffrées ', et n'est-ce
pas au violiste « jouant les basses chiffrées à l'ou-
verture du livre " que doit s'appliquer particulière-
ment l'expression iféchiff'rcr, que l'usage a étendu
i. CoimiM.' son |ti»rlrail. le Croiilîspice do S'-s rruvrcs gra\ôesniel
eu c'videnrc une %iiile :"i sept rordos l'-d. postlininf. 1T2P(. De niônje,
11. Rigaii't {i65i*- 174:j) a peint, rt^i-^ 1717, le celebi-e Antoine PoRcot-
\:x\ tenant ime viole ;i sejit coriles (Nation.iI G.illery).
i. L'An.'IeLerre, l'Italie et l'AIIoniag'ie résistcTent U l'emploi de la
Septième corde 'Tot.tiECQUF., AH ifu Liitlner, page 32V J.-S. Bach, qui
n'étail pas un «ioliste. a cependant éc il l'accompaçriGmciU de l'aria
célèbre D" ^0 de la /^tf^.fio7ï $ainmU saint Ma/hieu pour la viola (la
gamba montée de sept cordes, tandis que les trois sonates de gainbe
et ctavecin (1717-17*23) s'eKecnlciit sur ta Tiole à six cordes.
3. Cartieh, Art du Vio/oN, Taris, an VI de la Wpiiblir)ue Française.
4. J, ïioi'ssBXU, Traita de la. Vioh\ pag-^ (iti.
5. Cooiinc nous l'avons dit plus liaut, Le tenïpéranient inégal ne
perniellait pas au claveciniste de transposer dans tous les Ions pour
donner satisfaction aux chanteurs presque toujours peu satisfaits du
ton original des auteurs. j
;i tout exécutant de musique plus moderne, où il
n'y a aucun chilîre'?
Les Anglais avaient montré beaucoup de RoU et
d'activ.té dans la pratique de la viole.
Si liabelais (1 tSS-lii.iH) estimait quela culture des
instruments de musique faisait nécessairement par-
lie d'un programme d'éducation bien compris, « le
jeune Gargantua ne se limitait pas à un seul ins-
trument, s'exerçant en compagnie de son précep-
teur Ponocratès à jouer du luth, de l'espinette, de
la harpe, de la Htite à 9 trous, de la viole et de la
saquebute' »; ses admirateurs avaient trouvé bien
chargé ce programme d'homme-orchesire, et, plus
pratiquement, nos voisins d'outre-,Manclie jugeaient
avec Peacham << qu'un parfait genlilhoimne » devait
chanter sa pailie a première vue et la jouer égale-
ment sur la viole ou le Itilh'' ».
D'ailleurs, les encouragements officiels ne faisaient
point défaut : le prince de (ialles (1600-1049), devenu
Charles 1"='', était bon violiste, et, dès 1620, jouait par-
liculièrement bien sa partie dans les incomparables
fantaisies de son maitie Coperario (15..-16'J7), à une
époiiue oii toute famille musicienne voulait posséder
lin jeu de violes, et il faut reconnaître que, passée
des Italiens aux Anglais, la viole paraissait un ins-
trument assez nouveau pour les Français qui n'en
connaissaient pas encore toutes les ressources.
En cette période de renaissance de la musique en
.Angleterre, qui s'étend vers le milieu du xvu" siècle,
luthiers et compositeurs témoignent d'tiue égale
activité pour la dili'usion de la viole. On compte alors
parmi les luthiers anglais Iîolles, les Jaié, les Bakeç,
CoLES, etc., à Londres et Oxford; d'un autre côté,
ih. MoRi-Kv (139!)), Th. Ford (1607), Humh (160K), Or-
lando Gibbons (161-2), Gross (1616i, Lock (lfi57), etc.,
réunissent en concerts de violes les disciples des
Iloui.NsoN, Fehhabosco (l.'jSO- 1 060), PLAVFonD, Simpson'
! 1010-1679), etc.* ; les quelques Latins réputés vio-
listes avaient subi l'inlluence anglaise pendant des
séjours prolongés en Angleterre, tels les lils d'Alfonse
I'"kkrabosco et le célèbre Maugars qui perfectionna
si bien sa technique à Londres, do 1620 à 102'i, que
le P. MERSiiNNE'-', parlant de son jeu, l'exalte dans le»'
termes suivants :
« Personne en France n'égale Maugars, homme
très habile dans cet art; il n'y a rien dans j'harmoni*
qu'il ne sache expiimer avec pei'fectioo...
«Il exécute seul et à la fois deux, trois ou plusieurs
parties sur labasse de viole, avec tantd'orneiiients et
une prestesse d.- doigts qu'on n'avait jam.iis rien
entendu de pareil auparavant par ceux qui jouaient
de la viole. »
Mm'gabs, comprenant qu'il y avait mieux à faire
que de la mélodie avec un inslrunient monté de six
cordes, et prenant modèle sur le jeu des plus habiles
luthistes, fut un des premiers violisles combinant en
Irancesin- la viole la mélodie et l'accompagnement,
au grand étonnement des Italiens (1639), surpris
qu'un Françai.s li'it capable de n traiter et diversitier
un sujet à l'impioviste sur la viole, » comme Fbes-
coiiALDi sur l'orgue ou le clavecin.
Quelques dignes émules de iVIauoabs, en France,
le P, André, Hottma.nn (16. .-1663), Saintk-Colomue
(«6:iO-1690); en Allemagne, J.-F. Aiile(1625-1673), D.
0. tlAiti^LAis, Garcjivttuu, livre I, eliap. XMjj.
7. SrvFhunD, Histoire de la Musique, (8.11). Trad, Firui, pig« 283.
.s. Voir dans la Bibliographie la liste cbroni/lugi(|n«, inalheureuse-
nienl bien incomplète, des priocii^aui traités de vjole.
'.K Mershn^f., Lib. I De Instr. iiaruxun., yivoyt. 3n (|(i27).
!766
ENCVCLOPÉD/E DE LA MUS/QUE ET D/CTfoy.VAIRE DU COXSERVATOIRE
KuNCR(16.'iO-1690), prépaièrentla génération suivante
des Jean Uousseau (1687), Danoville (1687), Uemachy
(1685)', Marin Marais (1656-1728), Korqueray (1670-
174o),Caix d'Hervelois (1670-1759), qui ont laissé, sous
des formes diverses, les plus éclatants témoignages
de leur talent^ à l'Iieure où les Anglais abandon-
naient généralement aux luthiers français la cons-
(ruclion des violes ; citons parmi ces derniers Médard
(1701), Baton (1710), C. Pierray (17121, Barrey (1717),
N. Bertrand (1720), Diellafait, Veron (1723), Boivin,
MiRAicouRT, Nézot (1750), Salomon, Kleuby (1760),
Delalnay (1773).
Si la lullierie allemande, dans laquelle nous englo-
bons celle de Bavière, Autriche et Tyrol, nous a laissé
de nombreuses violes constiuites de loOO à 180U, du
moins, les successeurs d'AvATi et Gasparo da Salo en
Italie se sont tout particulièrement appliqués, depuis
1600, à la lutherie du quatuor moderne^.
Nous n'en devons pas moins retenir le nom Tiii-
fenbrCcker ou UuirFOPiioucART (1314-1570), qui, né en
1314 à Freising, près de Munich, apprit à Bologne
et à Venise les secrets de la lutherie italienne*, avant
de venirs'élablirà Lyon, où il se fit naturaliser Tran-
çais en 1358. On connaît de lui trois basses de viole
de toute beauté, dont la plus remarquable, dite n au
plan de la ville de Paris n, fait partie, sous le n" 1427,
du musée du Conservatoire Royal de Bruxelles. A
Brescia, nous retrouvons Pblegrino (134?) et Gas-
PABo da Salo dont nous avons connu en Trance
de splendides spécimens, et, plus norahreux encore
seraienl-ils, si nombre de violes italiennes navaieiit
été par des mains impies rognées, recoupées et trans-
formées en violoncelles et allos pour des musiciens
fort peu soucieiu de la conservation des merveilles
du \\i' siècle.
Parmi les plus beaux spécimens échappés à ces
mutilations, le musée du Conservatoire de Paris
peut exposer avec quelque orgueil une contrabassa
da viola de Gasparo da Salo, n° 197, datée de 1580,
puis, sous le n" 170, une basse de viole il347i de Pelr-
GRiNo Zanetto, dont les instruments sont aujourd'hui
rarissimes. Cette basse est en toutsemblableà la viole
que le Dominiquin met aux mains de sainte Cécile
dans son célèbre tableau. Knfin, le même musée pré-
sente, sous le n" 169, une petite basse de viole très
intéressante de Gasparo da Salo, spécimen de celle
basse de viole que le père Mersenne appelle Barbilos
major'". Ces deux derniers numéros proviennent de la
collection du docteur Fau, qui déjà avait rassemblé
nombre d'instruments de musique remarquables,
quand, au cours d'un voyage à Venise (1869), il eut
la bonne fortune d'entrer en relations avec le comte
Pietro Correr qui lui permit d'examiner dans les
combles de son palais les instrumenls que ses ancê-
tres y avaient relégués". En dépit de la poussière
séculaire qui les couvrait le savant colleclionneur
reconnut bien vite qu'il avait sous les yeux des tré-
1. Les compnsilijns lie Deiiaceiv sonl Irès problablenient les plus
anciennes œuvres qui furent gravées eu France (1685) poiu- la viole
à sept cordes, liibl. .Nal. V,,,' 6iM.
2. Les (leui niles île Saixie-Colombe, les qu.ilre fils de M. Mahais,
les nis de FoaouEiiAY, les llls el filles de Caix d'Hervelots paraissent
avoir Hé les dignes élèves de leur père, suns s'èlre élevés ii pareille
réputation a l'heure du ch.int du cjgne des violes : Robnd Uaciais
l'ut le second (ils de Marais.
3. Nous en pourrions citer une quarantaine tiês dignes d'estime.
4. Uocteur Coetagm:, Ifuiffoproncart, p:ige 'i~ .
5. MiinsK>>E. Barmonicorum..., livre I, p. 4î,
6. Nous empruntons ces détails intéressants â la btographii? du doc-
teur Fau donnée dans le supplément de la Biographie universelle des
musiciens de Fêtis.
sors artistiques les plus rares, pièces provenant de
la succession des Contariiii, et, se rappelant que
Simon Coiitarini (lo63-16:î3) s'élait fait accompagner
dans ses diverses ambassades pat- des musiciens dis-
tingués, il devenait évident à ses yeux que ces ma-
giiiliqufs instruments de musique avaient servi aux
virluoses de la chambre de l'ambassadeur. Le doc-
leur Fau fut heureux de pouvoir acquérir une quin-
zaine de pièces historiques retrouvées et choisies par
ses soins dans les combles du palais Correr : le n° 169
de Gaspabo da Salo était au nombre de ces pièces.
I.'arrlipt.
Du crouth à la viole de Gaspard DA Salo, puis, dans
la suite, l'archet primitivement constitué d'un léger
roseau, courbé en arc par une mèche de crins gros-
sièrement attachée aux deux extrémités, s'est peu à
peu perfectionné : une hausse fixe, écartant de toute
son épaisseur les crins de la baguetle, réduit d'a-
hord la convexité de l'arc, qui devient rectiligne au
xviii' siècle, alors que l'adjonction d'une lèle permel,
avec le concours de la hausse fixe, de tendre les
crins parallèlement à la baguette, tension d'abord
lixe, puis graduée au moyen d'une crémaillère, jus-
qu'au rcmplaoenient de cette crémaillère par la vis à
écrou qui permel d'avancer et reculer la hausse pour
leiidre le crin ad lihitum à l'aide du bouton placé
h l'estrémité de la baguiMIe". Au xvi" siècle, la ba-
Fi... '.i3 1. — Archet de Tiole (xt<^).
Fiii. C'3i. — Aicliel de viole [xni').
Fio. 935. — Arehcl de croulh.
Fit;. i)3G. — .Archet de ravanastron.
guette se redresse peu à peu, comme nous le montre
FÉns, ci-dessus*, -\joutons ce que le dessin n'ex-
ptimerait que difficilement: la baguette est générale-
ment cannelée, mais les mèches et les hausses fixes
sont très étroites. .Nous empruntons ici à Fétis ce
qu'il avait emprunté lui-même à Mkbsen.ne, Kiii-
CHEH, etc.
Du xvii" siècle, le musée du Conservatoire de Paris
expose, sous les ii° 148 et 183, des archets de viole à
crémaillère, de 1680 environ, considérés fort justement
comme des pièces rarissimes. Le musée de Bruxelles
en possède quelques-uns, n"* 1449, 1460, 1461.
Enfin vint Tourte (le père du célèbre François,
1747-1833) qui, faliricant d'archets lui-même, en per-
leclionna la tête au moyen d'entailles prolondes per-
mettant de fixer la mèche d'une manière plus solide
et d'étaler les crins avec plus d'égalité; on lui a
souvent attribué le remplacement de la crémaillère
par la vis à écrou; cependant, M.vrais (1656-1728),
dans son portrait fait par Bouys en 1704, lient en
main un archet de viole dont le bouton est parfai-
tement visible, et rien ne prouve que le père Tourte fut
7. ToEBFCQUE, Art du Luthier, page 259.
8. Ff.Tis, .1. Stradivari, page 110.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES VIOLES 17r,7
déjà né ;ï cette date, encore moins arclietier! Tout
ceci peut paraître aujourd'hui parfaiterneiil simple,
mais cependant, quelle double révolution dans la
fabrication de l'ancien archet convexe devenant légé-
N?l.-Mersenne, 1620.
N9 2.-Kfrcher, 1640.
N? 3.-CaslrGvillari , 1660.
N94.- Bassani, IG80. .
N9 5.-CorelIi, 1700.
N9G.-Tartini, 174-0.
N97.-Cramer, 1770.
J£
:^"
N38.- ViOttI, 1790
■^M-—--
" -'"""JSi
^3
Kiii. OS". — Évolulion de l'arcliet.
rement concave, et dans la technique des instruments
à cordes, à l'heure où l'exécutant trouva dans les qua-
lités de la baguette, dans la tension facultative des
crins, des ressources inconnues des violistes et vio-
lonistes du xvi« siècle 1
Jusqu'en 177.Ï, ni la longueur des archets, ni leur
poids, ni leur condition d'équilibre dans la main
n'avaient été déterminés. Eclairé par les conseils des
artistes célèbres dont il était entouré, Toudte jeune
fixa la longueur de la baguette (0,7o, 0,74, 0,72 ou
0,73 pour le violen, l'alto et la basse); dans ces ar-
chets, dont la tète plus élevée devenait plus lourde
qu'autrefois. Tourte fut obligé d'augmenter d'une
manière sensible le poids de l'autre extrémité, alln
de rapprocher de la main le centre de gravité et de
metlie l'archelen parfait équilibre, le centre de gra-
vité demeurant à 19 centimètres de la hausse, pour le
violon, et à 17,r)0 pour le violoncelle...
Nous avons écrit I'ouhtf. « jeune », parce que le
frère aîné de François fut également archetier; mais
ses baguettes étaient trop minces (donc très légères),
avec des hausses si étroites que les crins se rappro-
chaient d'une manière fâcheuse, dès qu'on en ten-
dait la mèche.
ViOTTi, de passage à Paris, vers 178.3, avait de-
mandé à François Tolrte d'étudier le moyen d'em-
pêcher ce rapprochement des crins si nuisible à
une belle sonorité. Tourte avait trouvé la solulion
du problème dans la virole qui maintient le crin en
mèche plate sous la lame de nacre, et ainsi, l'archet
à recouvrement arrivait, à la fin du xviii« siècle, à un
état de perfection qui ne fut jamais dépassé depuis
lors'.
Les violes et le violon.
Nous avons précédemment signalé que la renais-
sance musicale anglaise fut à son apogée vers le
milieu du xvn" siècle; en effet, le violon, dont les
premiers virtuoses Baltazarini (1577), F.\niN\ (1630),
MERUL.i (1643) avaient assuré le succès en Italie et'
la réputation au delà des Alpes, avait été honoré de
la royale bienveillance de Louis XIII en la personne de
BocAN (1S80-1640), violoniste de la chambre de Char-
les I, r )i d'Angleterre, et de la reine d'Angleterre
Henriette (de France) (160o-1600l, puis de Louis XfV,
le grand protecteur de Lulli et de son école.
La ménestrandie demeurait naturellement jalouse
du brillant avenir qui se préparait pour le nouveau
venu, ce violon déjà surnommé vacarmini par ses
détracteurs, d'autant que, sélectionnés et consa-
crés par la ménestrandie, depuis longtemps attachés
aux chambres royales ou princières, les violistes
constituaient parmi les musiciens une manière d'a-
ristocratie, le clan des instruments nobles, alors que
d'autre part Charles IV, empereur d'Allemagne, avait
accordé à ses musiciens le blason et le privilège de
l'élection de leur roi : Rf'xonorium His^trionum (d'après
Weckerlin, Ulusiciana, 1899, p. 131).
Philibert, dit Jaudede Fer, dans l'Eftitomemimcal
de 1556, définissait déjà rwlex n celles desquelles gen-
tilshommes, marchands et autres gens de vertu pas-
sent leur temps», le t'f'o/onélant l'instrument " duquel
on- use en dancerie communément et abonne cause,
car il est plus facile à accorder, la quinte étant plus
douce à ouïr que la quarte; il est aussi plus facile à
porter, qui est chose fort nécessaire en conduisant
quelque noce ou momerie » {momerie, d'origine ger-
manique, signifiant mascarade.)
Aussi, les musiciens de France ne se recrutaient
pas dans le même monde que les violinisti, et leur
culture intellectuelle et artistique demeurait géné-
ralement supérieure à celle de leurs frères latins.
Presque toujours compositeurs encore plus qu'exé-
culants, les violistes tenaient en piètre estime ces
violinisti coureurs de danceries, ignorants des bonnes
règles, et refusaient toute noblesse à ces instru-
mentistes non contrôlés, dontl'importance aux mas-
carades etau.x ballets augmentait cependant chaque
jour.
Saint-Evremond, dans sa Comédie des Acadi'mistes
(1630), signalait encore l'inférioiité de la position
sociale des violonistes, mais celle-ci disparut au
xviii" siècle; de nos jours, Combarieu, traitant des
images musicales dans Musique, ses lois, son évolu-
tion, prête à Mozart l'intention d'avoir voulu pein-
dre musicalement les différences sociales :
" Dans la scène du bal de Bon Juan, Mozart veut-
il traduire le contraste formé par des personnes très
dilTérenles... grands seigneurs et manants... qui se
trouvent rapprochées? Il superpose, pour les faire
entendre simultanémeni, une valse (associée par l'au-
diteur à l'idée des gens et choses populaires) et un
menuet (associé à l'idée d'une vie aristocratique!). »
11 faut bien reconnaître que les violons, assez peu
considérés à l'origine, étaient tenus à l'écart par les
luthistes, clavecinistes, organistes, maîtres de cha-
pelle ou des musiques princières; mais il n'en allait
pas de même pour les plus éminents violonistes, qui
1. Voir dans F^.tis, Ant.Stradirari, p. 113, les (lét.iils de fabrication
ilr l'archet ; ajoutons que les arcliets originaux de ToctixE ne sont jamais
signés ; nous n'en dirons pas autant des imititions! '
17fis
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOlliE
surent trouver d;ins l'eslime de leurs contemporains
iinf place semblalilc à celle des autres j^rands vii-
tuoses (H. QriTTAUD, Enri/rJopédie, I, p. 12:14), et c'est
précisément riiitlueiice de ces éminents violonistes,
(eut à fait élraii£;ers aux danceries et mascarades,
que voulait combattre l'école violiste, liien obligée
de reconnaître, in petto, l'éclat des sonorités du vio-
lon, nouveau venu comparé à l'ancienne et « mur-
murante viole de frêle beauté », selon l'expression
de Mattheson (lOSl-1704).
liien en avance sur l'école française du violon,
Fo--<TANA (1 G) :i|, tout particulièrement C. Farina (1627)
et ViTALi (1644-1602) en Italie, Baltzah (16:?0-I063),
Kelz (16j8), STRUNCK(16'tO-1700), le célèbre Walther,
trop peu connu {1650-17. .), et Bibrr (1644-171+) en
Allemagne, avaient déjà résolu les plus ■jrandes dif-
ficultés de la teclinique du simple violon à quatre
cordes (car les plus habiles artistes du xix"^ siècle
n'ont pas poussé plus loin que ces derniers l'exécu-
tiott de la double corde); les extraordinaires pro-
ductions de l'école du violon s'affirmanl mieux tous
lei jours provoquèrent une réaction d'abord sensible
de l'école des violistes, qui se manifeste très nette-
ment par la floraison des traités, métliodes et com-
positions que nous signalons aussi bien en An^'le-
terre qu'en France, par l'invention des cordes filées
de Sainte-Golomi:e (1675) et autres recherches de
lutherie poui' augmenter la sonorité des violes dont
nous parlerons plus loin (cordes métalliques, cordes
sympathiques, etc.); en outre, si Mait-ars fut de la
génération de G. Farina, Sainte-Colomre fut le con-
temporain des Baltzar et Bireu, comme Marais,
Danoville et Rousseau furent de la ^iéuéialion du
célèbre Walther, l'anteurde l'extraordinaire Ihrtulus
Clielicus édité à Mavcnce en 1688.
La technique.
Los violistes.
La technique des violes du xvi'^ siècle succédatjit
aux vièles d'archel fut lout d'abord fort simple; le
violiste, restant à la première position avecles doigts
guidés par les Ions chromatiques de la touche
divisée, parcourait sur la viole à six cordes deux
octaves et demie et sonnait l'unisson des parties des
chanteurs : soit sur le violone et la viola de gamba,
celle des basses et barytons, sur la taille ou le ténor
de viole, celle des ténors, sur le hautcontrc ou dessus
de viole, celle des enfants.
Il n'en fallait pas davanlage pour soutenir les
chants à deux, trois ou quatre piiilies', chants de fête
et d'allégresse ou chants d'église; de ceux-ci, d'ail-
leurs, les voix féminines, exclues en principe, étaient
remplacéespar celle des enfants-; aux violes s'a<ljoi-
gnait fréquemment, en .Angleterre, le lulli dont nous
pouvons citer les plus anciens auteurs : 1. Dowland
Ho6:i-1626), Lamentations (1599), Psaiimef. de David
( 16001 ; Lac/(n/m<T (1612), Th. Campion, Ayrex {\W0),
Th. MoRLEV, RossETER, Bartlett, CorKRAR 10, Th. Ford,
('.(iRKiiN'E, qui ont donné de 1600 à 1610 des Ayri-s to
sinçi and play to thc Ivte and wo/s; Byrd (1337-1623),
Psaumes et chants avec violer à 3, 4 et S parties
(1611), etc.
Extrait des Fantasirs nf three parts for viols composed by (>. Gibbons, 1612.
1 ipcble
Z'^TrAle
Bass
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>.. A dessein, nous excluons ici 1« terme « actompagneineot », qui a
de iîos jours un sen^ \^\\is étendu.
-, i>(fs dtaiittwâ ont toujours rempli dans l'cfi^Ii&i? un vèritablo of(i<'c
liturgique. Les fc,*mrnefi,-/'I;ititiin'apnble8 dt^ cetol'llccn n«pouTaionl ôlrc
U'ItiiisuA iiflùrc pnrlie du cU<('ur un do la clutpelk* uKisic-idi* à Utfitâttx^ ■
les oulaiils devaient fouriiii" les von ai^iuît» dc.s .'ioproiii <;L roiUralU,(
coinmo le rap[»L'1;iit encori' le pupe Pic X dîiiis lo cliu]). V du Molu ,
pvoprio du "Jli noNCinlire 1903 sur lu musique sacrOc.
TECUMQVE, ESTHÈTIOVE ET PÉDAGOGIE
LES VIOLES 17G9
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ciL^a:^^
^
Si nous connaissons à peine quelques œuvres fran-
çaises ou italiennes du même iîotue, du moins pou-
vons-nous citer ici la plus ancienne estampe de la
liibliotlièque nationale de Paris où se trouvent réunis
tiois types de violes en une Escole de Musifjuc,
l.ïSk (Cote = Pd. 30 rés. 9 f".)
11 semblerait qu'au passage de lareine de France,
Louise de Lorraine (ISSS-ieOI), femme de Henri III
allant du Louvre au faubourg; Saint-Marceau pour
poseï- la première pierre de la nouvelle maison, dite
Maison Chrétienne, en 1581, quelque motet liU
chante en son honneur, accompagné de violes à cinq
cordes, de trois formats différents, violes à quatre
coins. Si le joueur de contrabassa da viola parait
tenir l'archet comme le violoncelliste moderne, tout
au contraire, les violistes, qui ont un genou en terre,
jouent des violes plus petites en tenant l'archet en
dessous.
D'ailleurs, les fantaisies anglaises d'Orlando Gibbons
furent écrites en 16i2 pour trois types de violes (à
six cordes) appelées en anglais :
1° Treble vvd, correspondant au dessus de viole,
)'t'_„ soli, doj, mij, la,., ré,.
2° Ténor viol, correspondant à notre taille ou te»ûr
de viole, soif, dn.^, fa
soin
3° Consort viol ou Viola da gamba hass, corres-
pondant à notre viole de (jambe, n\, sol,. dO-,, mi-^,
la,, ré^.
La chanterelle du treble viol donnait le ré; ; le
violon donne le m!,, c'est bien dire que le violon à
cinq cordes de Woldkmak n'était qu'une imitation
du treble viid isans en avoir dans l'«^, le grave du
/■('j), et qu'il n'était nullement besoin du violon pour
augmenter l'étendue de la viole dans l'aigu.
Nous pouvons indiquer ici la moyenne des mesures
que nous avons relevées sur de nombreuses violes des
grands musées :
La contrebasse de viole avait 1.9o de hauteur, la
viole de ganibe 1.26, la taille ou ténor de viole 0.97,
le dessus de viole (I.7S, le par'dessus de viole à si.x
cordi's (dont nous parlerons plus loin) 0.(1-.
Uuand lîiiur.KiiAT l'ait exécuter un niolet devant le
roi Louis XIII en 16.'IIJ, nous trouvons encore trois
modèles de violes au\ mains de la maîtrise', et J.
RorssKAU nous conlirniera tout autant que Danovillk
qu'au XVII» siècle :
1" Le pardessus de viole n'était pas encore pra-
tiqué ;
2" Toutes les violes se tenaient dans la position du
violoncelle moderne.
J. UoL'ssEAi; consacre, en effet, au chapitre 'VI de
son Traité de la viole, les termes suivants au dessus
de viole- :
Il Le dessus de viole renferme dans sa petitesse la
mesnie étendue que la basse de viole, à la réserve de
la 7' corde; son accord est le même que celui de la
basse, et la seule diflérence qu'il y a entre ces deu.K
1, 'tableau n'':{17 du musée de Troyes (lii3
2. KocssF.Ac. Traitv de lu V'/o/e> page 71.
, auleur inconnu.
1770
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSEBVATOIIŒ
instruments est l'élévalion du son, parce que le dessus
s'accorde une octave plus haut que la basse de viole.
c< La manière de le tenir entre les deux genoux et la
manière de porter la main est comme celle de la
basse...
« Le jeu de la mélodie est son propre caractère,
c'est pourquoi ceux qui veulent parvenir à bien jouer
de cet instrument doivent s'attacher à la délicatesse
du chant pour imiter tout ce qu'une belle voix peut
faire avec tous les charmes de l'art, comme le fai-
sait M. Le Camus, qui excellait à un point dans le jeu
du dessus de viole que le seul souvenir de la beauté
Fi«. 938. — Concert do violes, accompagnant des chanteurs. (D'après un tahleau du musée de Troyes, 1636.)
et de la lendresse de son exécution efface tout ce que
l'on a entendu jusqu'à présent sur cet instrument. »
Danoville n'est pas moins affirmatif :
« On met le dessus de viole sur les genouils, le
laissant un peu couler afin de le mieux serrei : le
manche doit eslre écarté de l'estomac penchant un
peu sur la gauche, d'une distance toujours propor-
tionnée à sa petitesse.
« Basse et dessus doivent être montés de cordes
iléliées, car on ne trouvera rien qui choque davan-
tage Toreille que d'entendre une basse de viole mon-
tée de grosses cordes plus propres à jouer des séré-
nades et au bal que dans des concerts de ruelle. Ces
principes doivent servir aussi bien pour le dessus de
viole que pour la basse. »
Ces « maîtres de musique et de viole », comme ils
s'appelaient eux mêmes, résumaientdans leurs trai-
tés l'esprit et l'enseignement des violes du xvne siè-
cle. La technique élémentaire du xvi« siècle avait
singulièrement progressé à l'époque où Maugars sur-
prenait les Italiens par sa science et sa virtuosité
(1639).
Après avoir enseigné le « jeu des pièces de mélo-
die », puis t( d'accompagnement », Housseaii consa-
cre le chapitre V au jeu » qu'on appelletravailler sur
un sujet », ce jeu même qui avait fait la réputation
de Maugars^. » Ce jeu de travailler sur un sujet est
très peu en usage, à cause qu'il est très diflicile et
qu'il n'y a que les hommes rares qui le pratiquent,
comme ont fait M. Maugars et le Père André, de
l'ordre des Bénédictins, dont nous avons parlé, et
comme le font encore à présent les maîtres extraor-
dinaires.
« Ce jeu demande plus de science et d'esprit et
plus d'exécution que tous les autres; il consiste en
cinq ou six notes que l'on donne sur-le-champ à
un homme, et sur ce peu de notes, comme sur un
canevast, cet homme tiavaille,remplissant son sujet
d'accords en une infinité de manières et allant de
diminution en diminution; tantôt en y faisant trou-
ver des airs fort tendres et mille autres diversilez
1. Daxùville. LWrt de toucher te drssus et la basse de viotlt',
page 13.
2. J. Rousseau. Traité de ta Viole, page Tu.
que son jeu lu\' fournit, et cela sans avoir rien pré-
médité, et jusqu'à ce qu'il ait épuisé tout ce qu'on
peut faire de beau et de sçavant sur le sujet qu'on
lui a donné; c'est pourquoy, pour arriver à la per-
fection de ce jeu, il faut sçavoir parfaitement la
composition, avoir un génie- extraordinaire, une
grande vivacité et présence d'esprit, une grande
exécution et posséder le manclie de la viole en pei-
lection. »
Nous ne pouvons mieux comparer cet ancien jeu
qu'aux improvisations de l'organiste moderne, car
les plus brillants archets du xx« siècle seraient cer-
tainement fort embarrassés, soit pour « travailler
sur un sujet », soit pour réaliser « à l'ouverture du
livre », selon la vieille formule, les accompagne-
ments de basse continue des sonates de Corelli,
Geminiam, Tartini, Leclair, etc., accompagnements
si recommandés parSAizAv^!
On a quelque peine à juger aujourd'hui de l'im-
portance de la littérature de la viole, dont nous
signalerons plus loin les éléments intéressants.
Mais, d'abord, nous voulons dresser une manière
d'arbre généalogique des maîtres de musique et de
viole qui forment à peu près sept générations de
ISOO à 1780.
JlTORNKUMG 14. .-152G
Léonard db Vinci ' 1 152-1510
H
Gakassi' 1502-15..
Gbbvaise ' 1507-15..
Veronesi-:' 152S-15SS
l.IC TlNTORKT " 1512-150-i
:t. E. Sauzay. Le Violon /harmonique, Paris, 1880, page 17;ï.
■i. L. DE Vinci aurait perCeetioiiné, dil-on, la lourlu de la viole
(le fT-imbc.
o. Ganassi a donn^' une méthode en 1;)42.
G. Le livre de « violie >, de A. Geiivaise dale de l.'ii? à lj5i>.
7. Peintres eélt'bres figurant dans les Xoces de Cana (1562) de
P. Véronôse.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDACOCIE
LES VIOLES 1771
III
CoPKRAHio' ir,..-I627
Zampieui ■-■ ir,8l-10il
Cl. M...NTi;vi.uu.i Ir>()7-I643
l'iAZ/.A ir)il0-16i.
D. Tkniebs 1582-16411
Machaks 160U-16"iO
l.ouis Coiu'hrin' 1626-1061
IIOTT.MAN» 1...-1663
IV
SixirsosS . 161 1-1670
J. Jenkins* 1592-I67S
,1. Ahi.k 1023-1673
Bou.iîs 1 625- 1 G70
PiAYKniiD' 1023-109;'.
FONXK* 1636-1690
Sainte-Coi.omiik'' 1630-1690
FORQOEKAT dit FoncROY '" lOiO-....
Demachy 16. .-1 . . .
i)anovili,e 16.. -i...
Jean KoussEAC" 160.-16..
A. KiiiiNEi 1615-1700
Henry Playpmr» 1657-1720
Marin Marais 1650-I72S
HACOrtABT 1619-1730
.1. Riemann'- 16. .-17. .
Les filles do SAiNri:-Coi,oMi;;: -. . . .
♦
VI
FoRiinERAV (Antniiie) 1 671-17 15
CaiX d'IlRRVELOIS 1670-1759
Andrë Piiilidok 1674- 1735
Ch. AbelI' 1692-1737
.).-M. KrElNEL 1675-1730
KoSECz'» , 1000-1740
Koland Marais et ses lïères 167S- 17.
E.-Chr. IIesse" 1676-1762
VII
Jcan-Bapl.-Ant. FoRQrEKAY 1099-17.'i2
Filles de Caix d'IlERVEi.ois 1700-17..
Pierre Puilidor J700-17. .
Telemanx 1681-17i;9
De liOTSMOETEKl-, 1691-1765
BerteadIB 1700-1756
Blaintili.e'" 1711-1769
Hertel'* (J.-C ) 1699-1763
I. Très aptdaiiili vers 1600, compositeur et in:utrc de viole du
prince d-> (î.ill.-s.
^. Le peintre de Sainte Crcih jouant la rioîe de Gambp.
3. Joueur d'; dessus de viole à l:i ehiimbre de Lonis XIII : a laissé
quelques ])ièrcs.
4. Citp par .MF.itsFN,\E(de ïnat. havmon., lih. I, prop. 30). Fr. Ttmi.NAN,
p. 17, quelquefois écrit Hactuan.
5. Méthode de viole, lti59.
0. De la chambre des rois Charles !"'■ et Charles II d'AnK'eterre;
ses œuvres ont été imprimées en llJlJOJù Anislerdam; d'autres (I(iti4)
sout en ms. a Oxfurd.
7. Melhiide de 16.Ï5.
8. Auteur d'un traité, 1670.
H. Inventeur des cordes lilêes et de la septième corde pour la
gambe.
10. L'anc('tre de la famille célèbre.
II. Auteur d'un traité (I lis 7) de musique et de viole ; élève de .^ainte-
Coi.tnrsK.
1 J. A publié lies suitfs pour ganibc et continuo.
13. De la rniir de C(Ptllen (I71:j- 1737) ; J.-S. Bach parait avoir
composé |iOur Cil. AhEi. les trois suites de v. de g. et ela\iceiiibalo.
14. Ou KosAÏz, niailre de Beuteai-.
1.5. tlèvu de Mauais.
16. Behteau passa de la v. de gambe au violoncelle, dont il parait
avoir ete le chef d'école en France.
17, A laissé un livre de sonates pour le dessus de viole avec b, c.
I:]leve do II es se.
.Si ce lubleau met eti évidetn-e une école Iraiiçaisc
nombreuse et conlinue :
Gi-:rvaise.
Maugars.
!.. l'.OUl'EBIN.
Saintk-Goi.oubr.
IlKMACHY.
I)AN0VI1.1,E,
UllCSSEAD.
Marais.
An\. FOBQCEBAY.
Andri^ Philidob.
Cai-K d'Hkbvri.ois.
Roland Mabais.
•J.-Iî. FOBQCIRAY.
Pierre PHiiinoB.
Filles de d'Hervrlois.
Berteac.
ilu moins, l'école anglaise passe dans l'ombre après
11. PLAVFonD, el, seule avec l'école allem.inde, l'école
l'rançaise liiKera encore jusqu'en 1740 contre l'inva-
sion du violon '^ tant par les méthodes et l'e.xécution
que par les compositions.
Si nous ne devons jamais rien connaître de précis
au sujet des fantaisies improvisées de Macgabs
(1636) et de J. Kousskau (1687), a travailler sur un
sujet », du moins, savons-nous l'emploi presque cons-
tant des accords réalisés par les maîtres de la viole au
moyend'tin archet l'roltant sans peine trois ou quatre
cordes à la lois, faisant résonner siniuitanément la
mélodie el l'accompagnement; à l'Iieitre ot'i l'école
allemande du violon (Walther, I67() et 1688, niBEn,
1676 et 1081) réalisait les pins grandes difficultés de
la technique du violon. Marin Mabais, son contem-
porain, publiait en France les compositions de viole
ïi chargées de son premier livre (IG8l'i), qui, de 1686
à 1717, alterneront avec d'autres pièces de mélodie,
alors que les violistes allemands demeureront à peu
près ei^cUisivement dans l'écriture de mélodie.
Comme exemples des deii.x genres, nous pouvons
donner ici un prélude de Kt iinel (1608) et la première
pièce du premier livre de Marais (1686) :
Kl îiNEL, Prélude (16118) :
Prélude g
Solo ^
^p^^m^m
^â^^^^
fefi
^m
f n F
N^VJJJ ''\AlPï
m
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m — »
e^
MrÂ
^^Mà^
iO. lli;iii:i.T Lv. Bianc, Défense de la liasse de WoV contre les en-
reprises du Vialon et les prétentions du \ ioloncrl. Amsterdam, 1740,
1772
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Marin Marais, livre I (lOSG), pièct; I ;
f^^m^f^m
Vu'Corde
Aillant il était donc nécessaire, dans l'école fran-
çaise, de yarriir la viole d'un clievalet très peu con-
vexe permettant à l'archet de trotter simnltanéiiient
plusieurs cordes et d'avoir une touche divisée pour
assurer le placement des doigts en accords succes-
sifs, autant il était loisible à l'é-
cole allemande de se débarrasser
lies tons de la touche et de s'as-
surer de la liberté de monter aux
(|ualrième et cinquième positions
avec un chevalet plus convexe,
sans avoir à craindre que l'appui
(lu doigt sni' la corde ne mil
l'archet en danger d'efllenrer les
cordes voisines.
Généralement écrite en clef de
/■( quatrième ligne, et en ciel
A'iit troisième ligne, plus rare-
ment en clef de aol, deuxième ligne', la musique de
viole sonnait telle qu'elle était éciite pour la gambe,
une octave plus haut pour le dessus de viole et une
octave plus bas pour la contrebasse de viole, avec les-
concordances d'écriture suivantes :
Chanterelle
POSilTIONS
;5<
es.
•D ■
CL ■
O
2 • 3 4
3 ; *
1
vil!
IV!
La . Ré ' Sol ' I»»
-XI +1 ; 1 1 2
si b I mit» I la Ir 1 ,ré^
SI I im
la 1 .ré
do 1 Va 1 si I» 1 mi Ir
ré l> : sol t> ' si I mi
re ; sol ; do ; fa
1 — I i —
nii l» ! la b ' ré b • sol t
mi
la
ré ' sel
Mi I La.
fa
sol t»
sol
lab
si b
SI
sib
SI
do
réb
mi b
Tni
Ré
3
mlb
fa
sol b
sol
lab
la
p^oleSolo
Mais ce n'est pas général, et le qua-
tuor anglais des violes ne s'écrit pas de
celle manière.
Selon la tiblatnre ci-contre, dont la
demi-position fut souvent appelée posi-
tion rccuUf, chaque doigt de la main
;;auche correspondant à un demi-ton,
le violiste parcourait trois octaves chro-
matiques, du /a, au la, sans changer de
position avant l.i chanterelle, avec la
viole à sept cordes, soit deux octaves
et une tierce avec la viole à six cordes
qui sera lonjours la plus lépaudue, le
violiste ayant lonjours la faculté d'uti-
liser les quatrième et cinquième posi-
tions sur la chanterelle sans être exposé
iTTflIeurer d'autres cordes de son ar-
chet.
1. Dans les œutres de J.-.>. I;h u, lui Uouio iIbs pariiei écrilos pavfols en i;lcr A'ul qualriénic listiio (voir la BaclujesMschaft).
Tir.nMijiH. ksiiitrinuK et picdaoogie
LES VIOLES 1773
En iiiialysaiil ses œuvres, nous jugerons de l'in-
fluence e>ilraor(lHi;iire de Marin Mar.m:^ dans l'art de
la viole vei s la lin du x vu' siècle.
Assez |ieii lixés sur- la vie d'HoTTMAjN ou IIactman,
très admiré par Mkii^knnu dès 1636, d'aucuns ont
suppose i| l'd si'iail mort vers 1666; si Marais fut
son ileie, cela ne l'ut (|iie pour un temps bien court,
et nous (levons croire que Maiin Marais, le plus c.i'-
lèbre violiste haïuais, né à Paris le 31 mars 1656,
acquit son lali-nt exceplionnel à l'école de Saintk-
CoLOMHK dont il écrivit le Toinheau en 1690, en même
tem|is i|u ■ l.i LLv l'avait initié aux principes dn la
compo^iiiim liiacnatKine. I.e Tombeau de Lllly fui
écrit eu 16X7 par le violoniste Rehix et inséré dans
laSiiitiilr ti 3 n" 7,' en iil mineur.
il n'rn lallul point (lavunla;^e pour que Marais,
éfraleuie! t heri-i- par ips influences, voulant laiie
profiter la tiajjédi'' Iwiqiie des progrès réalisés par
la nnisii|ne insiriimenlale, nous laissAt des trafiéilies
ilonl riiisloire de la musique du .wii" siècle a juste-
nieiil s gnalé la valeur' Mais précédemmenl, dans
le premiri \oh;me des Pièces de viole (\iiS%i, Marais
avait voulu r^' dip hommaf^e à l'enseignement de
Li'LLVpar une liuigiie dédicace :
K A nion<ieiir de I.uli.y, écu3er, secrétaire du roi.
Monsieur, |e fmais une faute inexcusable, si, ayanteii
riioiineiir d'être un de vos élèves et vous étant atta-
ché pard'aiitres obligations qui me sont particnlieies,
je ne vous oUiais les essais de ce que ,|'al appris en
exécutant vos sçavantes et admirables composition-.
Je vou- pré-ente ce recueil comme à mon siirintcn
dant et comme à mon liienlaiteur. >>
Le privil -ge du roi est daté duSjuin 1686, et Li'li.y
mourait le 22 mars 1687 sans avoir connu les ceu-
vres lyriques ou iiistiiimentales de son élève, alors
âgé lie tr> nlp ■ t un ans seulement, lequel luttait eu
faveur de la viide a l'heure où son maître avait réuni
une ioule de violonistes pour l'exécution de ses coiiié-
dies-liallets. Les cinq volumes de pièces de Mahais
débiilnnl par des avertissements au sujet de l'exé-
cution de ces pièces, avertissements faisant bien con-
naître la lecli nique di- la viole; si la dédicace témoigne
de son admiration reconnaissante pour Lilly et de
la voie dans laquelle, niaîlre de musique et de viole,
Marais voulait diriger d'une main ferme l'école fran-
çaise des \iolislc s, son portrait, peint en f7(i4 par
Bouys, actuellement au musée du Conservatoire à
Paris, nous montre Marais dans une attitude égale-
ment fi rmi-, tenant une viole à sept cordes, dont la
touche porte régulièrement les sept tons graduant la
quinte sans déjiasser la troisième position.
L'exécution des violistes n'était pas toujours con-
forme aux intentions de l'auteur, si nous en jugeons
par cet avertissement du premier livre :
« Pour m'accoininoder à la difléreute portée des
personnes qui jouent de la viole, j'ay jusques icy
donné mes pièces plus ou moins chargées d'accords;
mais, ayant reconnu que cette diversité ferait un
mauvais etfet et qu'on ne les jouait pas telles que je
les ai composées, je me suis enfin déterminé à les
donner de la manière dont je les joue, avec tous les
agréments qui doivent les accompagner.
« Kt, parce que les chants simples sont du goiit
de bien des gens, j'ay l'ait dans cette veue quelques
pièces où il n'entre presque point d'accords : on en
t. Atcide (IC'J3)^ .Ariane el HaH-hiis (1695), Ahyone (17061, Acmeit
(1701) [Encydoi). et Di t. du ConscrviUoire, tome Iti, p. 136Î);.
Atcyùite demeura longtemps célèbre à cause d'une tempête qui pro-
duisait un elTet surprenant, au dire des contemporains.
trouvera d'autres où j'en ay mis davantage et plu-
sieurs iiuiiMi sonttoiites remplies pour les personnes
qui aiment l'harmonie et qui sont plus avancées: on
y verra aussi quantité de pièces à deux violes^. »
Dès ce premier livre |I686), Mahais expose que ta
df'ticitte>.se du toucher de la viole consiste en certains
agréments propres à cet instrument, dont il indique
l'exécution, trcmbl ment, bâtiment, pincé ou flolement,
port de voir, plaintf, tenue, poussé et tiré d'archet,
coulé de doitjt, doigt cnuch'' et port de main, qu'il a
tous marqués, témoignage d'une époque où chaque
auteur, croyant posséder le secret du véritable agré-
ment, faisait connaîlre la manière dont il devrait
être interprété^.
Depuis l'époque grégorienne (vu'" sièclel, et depuis
JEromb de Moravir (1260) qui délinissait le trille pro-
cetlusvibrdlio, la graphie et la dénomination des agré-
ments avaient bien souvent varié.
Plus encore que la voix ou l'orgue, dispensés par
leur nature de rechercher continuellement un sup-
plément de sonorité, violes etclavecins, de gracieuse
mais douce sonoiitn*, avaient trouvé quelques avan-
tages dans l'usage (et souvent même l'ahusl des agré-
ments importés de la Chapelle Sixtine en Fiance par
les violonisli de l.'ioO, développés par le Homain
Michel-Angelo Vi rovio (riEL VioLiNO), mais aussitôt
combattus par ceux qui n'y voulaient voir qu'une
corruption de l'art, d'où l'usage adopté par les com-
positeurs de faire suivre leurs œuvres d'une tabli'
donnant l'interprétation de leurs agréments, tels
CHAiiuo.\,NiÈRKS (1601-1674), d'Anglebrrt (1651-17361,
dont les pièces datent de 1689, musiciens qui sont
les aînés de Marais.
i. KoussEAU insistait en 1687 sur l'emploi des agré-
ments, sel mélodique qui assaisonne le chant et lui
donne le goût sans lequel il serait fade et insipide :
« il faut les appli(|uer avec modération et sçavoir
discerner où il en laiit plus on moins"... »
Apres iVIersenne et les clavecinistes, les agréments
de HoussEAU marquent une date intéressante dans
l'histoire de la viole, d'abord, puis dans l'école des
instruments hauts, violon, hautbois et Uùte réunis
en trios par Poino.n (inaitie de pension en 1699) « sur
les dill'érents tons et mouvements de la musique,
avec les propretés qui conviennent à ces instrumenls
et les marques qui peuvent donner l'intelligence de
l'esprit de chaque pièce '■», si tard viennent-ils après
les agréments de Marais, soit dans ses Pièces en trios
•1. Les l^ièces a deux Violes avaient beaucoup de succès; signalons
les auteurs tes plus connus :
xvi« siècle. — FoRSTEii.
xvu- siècle. — 1007, Tll. Ford. — ir,IJ7, Tti. Home. - 1600, Ferih-
iiosco. — Sam. Rossi. — 11)42, Nicolas Mt.ipii. — lO.'iS, Kinderma.nn. —
1600, von Kf.kl. — Louis CuuFtniN. — lOïlH, .\ug. Kïhnel.
win" siècle. — 1700, Andcik Philidor. — 1701, tlbUDF.LiNE. — I73U.
J. KriiNEL. — 1725, François Coci'Eni.^, le Giuxd. — 1740, Caix d'Heu-
\Ei,ois, A^TO.NloTrl et Caruli.
K;ippelnns ici qu'avant l'adoption du tempérament (Cocr-EniN-BAcH),
il n'existait point de duos jiour ci.ivecin et viole ou llûle; ce qui jus-
liiie le succès des [nèces concertantes pour deut \ioles avec ou sans
liasse continue, en deliois des(]ueltcs nous pourrions citer quantité de
sirli d'instruments ou de voix avec basse continue, c'est-à-dire acconi-
pagoemeut de viole.
3. Encijcl. et Dict. du Conservatoire, tome Itt. page I5-G, ditnnc
feiécutiou des u<;rèments de Marais
4. 'l'etle était ta théorie de Goui'Eui:* écrivant, dans le Concert tns-
Irnmi'nttil, en fa\eur du. clavecin: « Les inslr'imcnts d'archet soutien-
nent le son. et au contraire, le clavecin ne pouvant les perpétuer, il faut
de toute nécessite battre les cadences ou trembleniciis et les autres
agrémeus très longtemps. » (1725.)
'6. lîoussEAtr. Traité de la Viole, page 75^
6. Cité par L. de la Laudcncie, Ecole Française du Violon, tome ï,
page 38. Ce recueil de Toinok se vendait a Paris, lGtl9, chez lioussel,
graveur.
1774 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQi'E ET DICTION N AIRE DU CONSEnVATOIIŒ
de 1692 pour flùles, violons et dessus de viole, soit
dans son premier Livre de pièces de 1686.
Marais, procédant des premiers clavecinistes, eut
à cœur d'expliquer la manière d'exécuter de l'arctiet
les ornements avant leur emploi par l'école française
,Ui violon et, d'un autre côté avani que François Cou-
PERIN (1688-1733), dit le « Tliéoricien des agréments •>,
ne vint régenter en quelque sorte, mais beaucoup plus
tard (1713), l'exécution des agréments dont J.-S. Bach
1 168o-1750) ne craignait point de s'inspirer éventuel-
lement.
Le Livre 11 (1701), dans lequel Marais nous donne
un llondo écrit mi-pizïicalo , mi-col arco, ajoute
quelques marques que l'auteur veut expliquer « se-
lon leurs usages ->. Parmi les plus curieuses, « les
points ainsi marqués signifient qu'il faut remplir le
vuide entre le sujet et la liasse, aftîu de ne pas
faire de mauvais sons; et cela presque toujours par
une tierce majeure ou mineure, ou quelquefois la
quinte ou la sixième, selon l'occasion; et quand
même ces points ne seraient pas marqués aux bat-
teries, il ne faudrait pas manquer d'obsei'ver cette
règle, qui est générale et très essentielle à l'har-
monie » :
.. De plus, les points ainsy 1, 2, 3, 4, signifient la
corde qu'il faut prendre selon le plus ou moins
de points qu'il y a sur les cliitîres; c'est-à-dire
(|ue sur le cbilTre 2, s'il y ava.t ces trois points, ce
serait la troisième corde dont il faudrait se servir et,
ainsy du reste ; il estencor à remarquer qu'il ne faut
point confondre le doigt coucbé avec le premier
doigt; les poiiits'ainsi à coté -1. marquent le premier
doigt couché, et lorsqu'ils se trouvent ainsi au des-
sus ï, cela veut dire qu'il faut placei- le même premier
doigt sur la deuxième corde. Le petit o qui se ren-
contre en plusieurs endroits signifie la corde à l'ou-
vert ou à vuide' ». Ce //'■ Livre lenferme le Tombeau
de Sainte-Colomue, le maître de Marais.
L' .avertissement du lll" Livre (1711) n'est pas
moins intéressant, mais il est facile de liie entre
les lignes que les élèves trouvaient bien difficiles
les compositions des précédents livres du maitie!
Et Marais paraît se rendre à leurs désirs.
a Ce livre III, contenant un grand nombre de pièces
courtes et faciles d'exécution, est une preuve que j'ai
voulu satisfaire aux pressantes instances qui m'ont
été tant de fois réitérées; cependant, j'ai cru devoir
y mêler quelques pièces fortes et remplies d'accords
avec plusieurs doubles pour contenter ceux qui se-
ront le plus avancés dans la viole.
(( La plupart des pièces du 111= Livre se peu-
vent jouer sur plusieurs instruments, orgue, clave-
cin, violon, dessus de viole, Ihéorbe, guitare, llùle
traversière, llùte à bec, haubois; il ne s'agira (|ue
d'en seavoir faire le choix pour chacun de ces ins-
truments. » Marais voulait contenter tout le monde,
mais il était évidemment en difficultés avec son
imprimeur, puisque le privilège du roi était donné le
1 l.a letlre o avait un sens concret; le zéro, souvent ornpioyé, n'en
a aucun si ce n'est le signe actuel ilu pouce au violoncelle (Dupoiit,
1740-1819), quand la corde à vide 6t;iiL indiquée par a. BnfivAi, (175b-
182Ô) indique le pouce par SS (1804) dans son Traité, de queliincs
années postérieur i celui de Dui'out écrit do 1789 à 1800.
17 octobre 1705 à Fontainebleau, alors que «l'achevé
d'imprimer >> n'est daté que du 13 avril 1711.
L'avertissement du IV' Livre (1717) marque un re-
tour à la difficulté et à l'originalité :
« Ceux qui sont avancés sur la viole trouveront des
pièces qui leur paraîtront d'abord d'une grande dif-
ficulté, mais avec un peu d'attention et de pratique,
elles leur deviendront familières.
" La troisième partie a cela de singulier qu'elle est
composée de pièces à trois violes, ce qui n'a point
encore esté fait en France. En eltet, celles de la fin
de mon premier livre ne sont qu'à deux violes, la
basse continue y ayant esté adjoutée et dérivant
le plus souvent de la première ou seconde viole, au
lieu que celles-cy sont toujours à trois parties dif-
férentes...
ic Je ne répéterai point dans ce volume les signes de
mes livres précédents, estant persuadé que chacun
les sçait ; je me contenterai seulement d'avertir que
les nottes à double queue sont pour les unissons;
j'en ai mari|ué plusieurs, mais il peut s'en faire à
beaucoup d'endroits que je n'ay pas marqués. On les
peut faire avec discernement, en observant que ce
soit toujours sur une blanche, noire ou iioira poin-
tée, et par hasard sur des croches, ce qui est assez
rare. »
Cependant \e Mercure Galant de 1680, d'après Bre-
.Ni:r, av.iit déjà rendu compte d'un concert pour trois
violes dans les termes suivants :
.. On vous aura peut-être parlé d'un concei't où
tout ce qu'il y a icy de curieux se sont trouvez depuis
(|uelques jours. Il estoit fort extraordinaire et le pre-
mier qu'on eust jamais fait de cette sorte. Trois bas-
ses (le viole le composaient.
« MM. du Buisso.x, Ro.nsin, Pierrot sont les auleiirs
d'une chose aussi extraordinaire, et l'approbation
qu'ils ont reçue fait connoistre avec combien de plai-
sir les connaisseurs les ont scoutez-. n
Vers la même époque, .Sainte-Colomue donnait,
d'ailleurs, avec ses deux filles d'autres concerts à
trois violes, nous autorisant à concini'e que si depuis
1680, c'est-à-dire depuis trente-sept ans, Sainte-
Colombe exécutait en famille des concerts à trois
violes, iMarais fut le premier à confier an graveur de
pareils ensembles; son IV" Livie se termine en effet
par deux suites d'une écriture moins chargée que
les précédentes, les difficultés étant divisées entre les
deux premières parties et la troisième viole étant
comprise dans le volume basse continue correspon-
dant au IV'' Livre ^. Ci-dessons un spécimen de sara-
2. Miclicl Brenet, Les Concerts en France, p. 7:i.
3. Si nous ne connaissons pns en effet de pièces françriises pour
Irois violes plus ancienjies que ce /V» Livre de M^rtAis, du moins
pouvons-nous citer quelques auteurs élrangers ajiiiit réuni plusieurs
violes et autres instruments du wu" siécl''. Hacsman (V-jIfutin 11 de
Saxe) : /entrées de cinq et six parties ponr violes, 16tii. Orlando Gib-
iiDNs : Fantaisies }wur trois violes, 1012. Alfonso Feiihaiiosci» : /.cssons
font 1 ,2, 3 violes, 1029. Ch. Guili.et (de Belgique): Fantaisies à quatre
parties, 1610. D. Beckei, (de Hambourg) : Sonates de Chambre pour
Irais à cinq violes. Kindermann (de Nuremberg): Jiécréations pour
violes et B, C. d'abord, puis Sonates pour une, deux, trois et quatre
violes.
Plus tard, G.-L. AGRicoLA(i643-167e)lais8ail des Sonates pour deux
violons, deux violes et B. C, {.Musikalischen Xeljenstundenou Heures
»»is/ca/c5), quand Rosknmdiler, de Sa\o. ccriv.iit en lG8i des Sonates
IKMir J-5 5fro»jrnfi d'arco. Encore ne cilerons-nous que pour mémoire
le Sncro-Profanus Concentus musicus de Scumelzeh (1G02) (Sonates
lionr violon, violes et trombones) et son Duodena Selectarwn Sona-
tarum a quatre parties, 1069, Nuremberg.
Mais, après ces citations particulièrement intéressantes pour les vio-
listes, nous devons rappeler qu'il y eut :iu -WM» siècle nombre de trios,
soit pour violon, ganibe et basse : S. -H. Scultz (1(305), l{ossi (1623),
l.uuisOoNSTAMlH (1580- 1057), M. LocK (1657), Louis Bai,tza1((1 630-1663).
TECHNIQUE, ESTHÉTJnri-: ET fÉPACOCIE
LES VIOLES 1775
bande pour li'ois violes iludit IV° Livie de Mahais (171') :
n Viole
2! Viole
3! Viole
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HPrrr-
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J.-ll. Schsiel/eh {1662), J. Moi.iTun (106Sj, Ch. Abel (1674), J.-J. W'al-
TiitR (16761, A.-C. Clamek (16S2), J.-B. Mazzaeerhata (1683i, Rkibckes
(1CS7), G. Fi.M.En (1688), etc.
Soit pour deux violous et gambc : Nicolas IIasse (1656), M. Kelz
(1638), U. FoEKSTEn (1617-1673;, G. Aobicola (1670). AllU BenrAM |167S),
Cti. DnCckESMcLLEB (1668), J.-M. Nicoi,AÏ(167.ï), J.Theiee (I6l-3),S. De
Bbi)s?aiid(1613), Makisi(1696),Ci;xtehude (1690), A.-S. ScHEuâR (1680).
M"' DE LA GcERRE (1695), ctC- , énumération eucorc bien incomulèle. '
.i:7G
ENCYCLOPÉDIE DE I.A HinSfOrE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Sans remonter aux Inventions inusical'S Je Jan-
NEQUiN du milieu du xvi» siècle, telles le Caquet
des femmes, le Chant 'les oisran.v, de Wilouctle et du
rossii/Hol, aux fantaisies ornilliologiTies des i-laveci-
iiistes, tel Couperin, le xvi;i«' siècle avait toujours le
SoOt de la musique imitative, et le titre des pièces
de Mabais accusait les idées descriptives el modérées
de l'auteur, par exemple : Tourtiil'on, Labip-inihc,
Sauterelle, Fon;/nil', Rtweitse, Minandièv , etc. Mais, dés
1692, Jean SniiKNOU, virtuose sur la j^amlie à la cour
du Prince ICIec.ieui- du Palatinal', avail tenté une
musique imitative plus accenlnée, en puMtant donze
Sonates, op. 10, pour la 6a^s•■ de viole, intitulées tes
Bizarreries de la Goutte; et Michel Cobretti:, à Paris,
en 1737, ne craignait point d'exprimersnr le clavecin
des sentiments plus violents encore en demandant
à cet instrument si délicat d imiter « la victoire d'un
combat naval remportée par une frépate contre
plu>ieurs corsaires réunis» ! En somme, loule une
tra^'édie, don' l'auteur voulait exprimer par l'har-
monie le hruit des armes et dn canon, les cris des
Idessés. les plaintes. des prisonniers mis à fond de
cale, etc.!
Mahais, présentant au public en 1717 son cin-
quième et dernier volume, « dont les pièces sont
partagées de manière qu'elles seront dn goiH géné-
ral, son attention ayant eu pour objet de satisfaire
un chacun », n'avait point cherché à contrarier un
fioiU qni a duré plus d'un siècle. iNons ne savons
pas si Jean Schenck a jamais sonlfert de la goutte,
mais on pourrait déduire des indications île l'anleur
que l'étonnante pièce Tabl-nn de iophatioii de hi
(«i//e offerte aii.K violistes par Marais, sous le n" 108
du V' Livre, ne pouvait être comparée et appréciée
que par des violistes ayant passé eux-mêmes par
lous les temps de cette douloureuse opération, à
une é|)oque où l'anesthésie n'était pas conime^ .
Nous ne saurions mieux faire que de reproduire ici
celte curieuse pièce., n" 108, suivie de l'air f;ai des
Relevailles àonwi' par Marais sous le n° 109, qui nous
semble être le summum de la musique imitative :
VIOLE
Lentement
Sasse Continue
_ laspect de l'spare
Frémissement
en le voyant
J9^4^44U
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r^
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1. A ne |jns conlontlrt; avcL- J. Schenk (17o^-1S3C), prolesscvir d'har-
monie de Bekthovkn.
2. Plus près de mms, la musitine à programme inspira successive-
ment J. -H. Knkcui (1784) dans un Portrait musical drla IVntuve^bi»-
jourd'hui (lublie, iir>'c6danl de vinjjt-cjuatrc atmées l'immorlello Sym-
phouie /'(istorale de Bkrthoven : d'un autre eôlé, On^low (1808-18o:î)
dédiait â Mniiiii.iK, professeur de violoncelle au Conservatoire, sou
-YV" quintette a cordes, dit Quintette de la j5a//e. i!rievemi-ut bles:;i3
à la f.'ue de deux chevrotines, au cours d'une partie fie chasse, après
(Jes alternatives de douleur et de moindre soidVrance, Onslow voiilut
exprimer musicalement les seulimeuls éprouvés pendant cette période
doulourense dans les fragments, •< flouleur k. » fièvre », u délire »
u ronvalescenre •> et " guérïson «, qui constituent i-e célèbre quintclte,
0|). 3S.
Happelons iri qu'en 18^5, dans des circonstances analogues, Beetuo-
\i'\. â la suite d'une longue rftaladie, inséra dans le quatuor à cordes
en /»( mineur op. 13:i, dédié au prince Glititzin, un :
■• Molto aciafrio » » panznna di rinfrrazinnifiito io iiiodn li.lico
OM'urla ail» Divinita tla nu guaiîto ".
Voir l'Étude sur Onsloud de II. Ld.^uet (Clermont-rerrand, 1500
Munllouis), p. iS.
TECHNIQUE. ESTHETIQUE ET PÉDAGOGIE
LES VIOLES 177-
^b^aSji'^^^^FT'S^'V^Zp-fQg
Entrelasiament des! Soyes entre les bras et les jambes
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LES RELEVAILLES
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112
1778
EiVCrCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE OU CONSERVATOIRE
Après les succès de l'école anglaise de viole enre-
gistrés par MersennebI Mai'gabs.rous devions exposer
en bonne Justice, même avec d'apparentes longueurs,
l'enseignement magistral et l'œuvre de ce musicien
extraordinaire, compositeur, viiluose, Marin Marais',
ce propagandiste de la viole classique, heureux de
s'adonner tout entier à son succès, de 1686 à 1727,
alors qu'elle était combattue par les admirateurs du
violon. Il fut soutenu par les dames de la meilleure
société, qui se faisaient honneur depuis cent cin-
quante ans déjouer les violes, soit pour le menuet,
soit pour l'accompagnement du chant à défaut de
harpes et de très rares clavecins, soit même pour
l'accorapagnemenl des chants liturgiques-, soit
encore h la chambre de Louis XIV et Louis XV^
Marais avait voulu conserver à la viole son carac-
tère archaïque et noble', alors que tant de modifica-
tions étaient tentées un peu partout pour en amé-
liorer la sonorité, au prix même d'un changemtnt
de nom^. Ses élèves et successeurs, André Philidor
(1674-1723), Roland Marais (1678-174 ?), Antoine
FoRouERAY (1671-17iol, Caix d'Hervelois (1670-17û9)'
paraissent être demeurés sourds à de telles tenta-
tives, comme le montrent les cinq livres de Pièces de
viole de ce dernier île plus remarquable de tous);
Caix d'Hervelois publie succes>ivement ses œuvres
en 1708-1719-1731-1740 et 1748 (le IV' Livre compre-
nant les pièces n deux violes) ; déjà, des compositeurs,
profitant tout à la fois de la di Tusion et du tempé-
rament égal du clavecin, avaient créé des sonates
concertantes de flûte el clavier obligé, de violon et
clavier, tels Bach en 1717, Coupkrin en 1724, Haendel
en 1732, Mondonville en 1734, Guillkmain en 1740.
Tout particulièrement, l'école allemande de la viole
en avait considérablement simplifié la pratique, lais-
sant au clavecin le jeu d'accompagnement, et ne
donnant à la viole que le jeu de mélodie, tel que
nous le trouvons nettement tracé dans les trois
sonates de Kach pour clavier et viole de gambe,
composées pour Ch.-F. Abel, violiste de la cour de
Cœthen de 1717 à 1723. De la comparaison des écri-
tures de Marais, J.-S. Baih et Caix d'Hervelois, son
Marais.
MARCHE TAB.TARE
^^
Caix d'Hervelois.
rr\y iç r'^r^-
m^:^^' Mil' i! ^^^'VMM^
WF¥
1 . MABAiàCut dix-neuf enfants, parmi lesquels l'aine, de la cli;mibre
du roi, le cadet Holand, auteur de deux livres de Picc<'S de violes
(1735 et 1738), el un troisième, Jeau-Louis, ont laissé la réputation d'ex-
cellents violistes.
2. Dès 1558, la viole de garab-.' était jouée parles dames à la cour
de Wurtemberg el, plus lires de nous, elle était jouée ootnraunénunt
en Portugal par les religieuses pnur l'aecompagnement des cbanls
liturgiques (Lavignac : Enci/cl.. tome IV, page 241:!).
3. Gmu.Ei signale qu'en 1G94, M'i«» HiLAini:, Seucahanan figuraient
pa-mi les B. de violes de la chambre {.incèlres du Vioion, tome I,
page -:66).
4. Sa situation exceptionaeMe de viole solo de .'a cli imbre du roi,
charge qu'il occupa de ItiSj à 17i5. ne lui pcrmetlail pas d".ivnir une
oreille pour ces « ^iolinisli ><, coureurs de danecnes. ignoiants dec
bimiies règles et. du reste sans grand lalenl, puisque les meilleurs
n'étaient pas c;tpables déjouer des parties de ballet aiant de les a\orr
étudiées, lis étaient donc bien lyin des violisleji 'réahsant des basses
continues à l'ouverture du Hvrel
Le violiste de N. Laneret (1090-1743) joue vers la même époque de
la gambe à six curdes.
5. Ainsi. alIons-n<ius étudier plus loin l'hisloiredos Viola di Bordone,
Fagollo, Baryton de viole. Viola di Pardouf, Viola Pomposa, Viole d'a-
mour, Uuinton, Pardessus de viole el Viololta marina, etc., auxquels nos
ancêtres ont accorde quelque atlculion, géuéralemeut de courte durée.
TECHNIQUE, ESTHÉTIOrE ET PÉnACOGfE
LES VIOLES 1779
J-J^J^W?îi#^-^.-^ii
Bach.
Adagio
Sonate 1
-mij [lof^^^^ Cj^n-
^
a^irîrnruift^f^^^i
1. fjj^ •' r I r'--^' rrrii; ivi^^m^^m
contemporain, il est facile de conclure que l'école
française continua les traditions harmoniques de la
viole, quand 1 école allemande, ayant supprimé les
ions ou touches de la viole, inutiles ou gênantes pour
l'école de mélodie, avait depuis lonsteraps ramené
l'écriture des parties de viole au niveau des parties
du violoncelle. .Xous n'en voulons pour preuve que
les pariies de solo ou de cantate de J.-S. Bach où
l'on jieut remarquer qu'il n'y a pas une double note.
Grillet signale qu'en 1749, les trois filles et le (ils
de Caix d'Hervelois se trouvaient parmi les basses
de viole de la musique de la chambre du roi : ajou-
tons qu'a la même époque (Nattier [168o-1766] en a
laissé un portrait justement célèbre au musée de
Versailles), madame Henriettede France (1739-17b2l,
fille ainée de Louis XV, étudia la viole sous la direc-
tion de J.-B.-A. FoRQL'ËRAY, qui lui dédia le Premier
(et unique) Livre des pièces de viole de feu son père
Antoine (1671-1745)'. A la même époque, Maximi-
LiEN II (1727-1717), de la famille des Witteisbach,
Electeur palatin de Bavière, garabiste distinirué,
demandait au vice-maitre de ses concerts, Kronneh
ou DE Chœner (1722-1787), de lui composer chaque
année six concerti pour son instrument favori.
Mis à SaUbourg au courant des goûts de l'élec-
teur, Léopold .Mozart écrivait, le 28 septembre 1717,
à son lils, à Munich :
<i Si tu devais faire quelque chose pour la viola
da gamba de l'Klecleur, M. .MoschitUa pourrait te dire
-ce que cela doit être et l'indiquer les morceaux que
l'Electeur préfère. »
Mozart quitta Munich le 4 octobre, sans avoir lien
composé dans cet ordre d'idées, ni à ce monitnl-làni
dans la suite.
1. Et FoHQUEnAV d'ajouter: » Ces pièces peuvent se jouer sur le Par-
dessus de viole. 1.
Dans un tibleau du célèbre Hjacinttie Rigaud (1649-1743) de la
National Uallery (Londresl, on voit un groupe de musiciens île la cour
âe France, parmi lesquels Antoine ForiuLEiiAV, tenant en mains une
viole de gambe à sept cordes. Ce tableau jiaiait avoir 616 [eint vers
1715.
Le baryton.
Depuis un siècle, les violistes connaissaient le
point faible, très faible même de leur viole, de « douce
et murmurante sonorité ". Dans sa niéthoile de viole
(16o9), Simpson e.xpos.iit, cent ans après l'intrnduc-
tioii à la chapelle de Charles IX des 24 violons d'AuAii
de 1572, que la sonorité d'un instrument à cordes
et à archet demeure toujours en raison inverse du
nombre de ses cordes; aussi, l'invention des cordes
filées d'argent de .SAiiNTE-CoLosinE (1675) ne sembla
réaliser un progiès qu'à la condition de ne pas aller
jusqu'à la création d'une septième corde. Logi()ue-
ment, en prenant lexle de lu proposition de Meh-
sENNE (1636), de réduire à trois le nombre des cordes
du violon, les violistes pouvaient essayer d'aug-
menter la sonorité des violes en réduisant à quatre,
par exemple, le nombre de leurs cordes.
Si nous ne trouvons point trace d'un essai de ce
genre, du moins savons-nous qu'en conservant géné-
ralement les six cordes de leur instrument, les vio-
lisles du xvii= siècle demandèrent d'abord un accrois-
sement de sonorité des violes à l'emploi de cordes
métalliques frottées, » cordes de laton [sic) indiquées
par les lettre es »'K
Cet essai aurait vu le jour en Angleterre, d'après
le Père Kircuer, qui assure que ces « chorâes font
un méchant elfet sous l'archet et qu'elles rendent un
son trop aigre n, ajoutant que « les Français ne se
sont jamais servy de pareilles chordes* » !
Celle inoiiture luélallique, tout à fait oubliée au-
jourd'hui,coupait merveilleusement lessillels et che-
valets des violes, comme les doigts et les crins des
archets des violistes anglais rapidement désenchan-
tés, qui, reprenant leur monture (boyau et cordes
filées), utilisèrent leurs lils de laiton, comme ceux du
clavecin, ou même d'acier sous la touche, en cordes
3. J. Koussf.AU, Traité de la t-io/e, pages 21 et suivantes.
4. .Nous ; reviendrons plus loiu au sujet du Dessus de viole, dit Mole
d'amour.
1780
mcrCLOPÊniE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
« sympathiques', d'où la viola bastanhi, qui devint
sur le continent baryton de viole, viola di bonlone,
faijollo ou simplement baiijton, de mélancolique so-
norité, en réalisant un nouvel instrument.
Les xvi" et xvii" siècles nous en ont laissé quel-
ques rares spécimens, conservés dans plusieurs mu-
sées, parmi lesquels il faut citer en première ligne
celui de Vienne. Le musée du Conservatoire royal
de Bruxelles, sous les n°= 486 et 487, présente deux
instruments catalogués basses de viole (erreur se-
lon nous) qui sont d'intéressants barytons, le n" 487,
d'originale facture anglaise (Francis Baker, 1606), et
le n" 486, copie de l'école italienne, reconstituée par
feu ToLBECQDE d'après Gasparo da Salo (1o:10-1610),
tous deux montés de six cordes d'archet et de douze
cordes sympathiques; le w 231 du même musée,
dit viola da fagotto, di bordone, ou baryton du
wiir siècle, paraît en lout semblable à la viola bas-
tarda décrite par Pr ktorius, et portant six cordes
d'archet et seize cordes sympathiques-.
Le musée de Nice (collection Gautier) possède un
barvton de la même époque (six cordes frottées plus
douze synipalhiques) que Vidal n'hésite pas à dater
de 1650, l'attribuant à William Turnek.
D'autres barytons sont attribués à Jarob Stainer
(1658), à Andréas STAl^ER d'Altsam (1660), à Simon
ScHoDLi R (1692 , et d'ailleurs, tous les écrivains ont
cité la spli-ndide viole di bonlone de Joachim Thie-
KLE (1687), montée de vingt-quatre cordes sympathi-
ques! La Société des amis de la musique de Vienne
conserve quelques barytons du xvin<^ siècle ^, alors que
le musée du Conservatoire de Paris piésenle, sous
le n" 168, un baryton bavarois de Norbert Hedler
(1723) moulé de six cordes frottées et dix-huit cordes
sympathiques^.
Si les musées nous ont conservé précieusement
quelques spécimens des instruments du xvii" siècle,
nous n'avons en revanche jamais trouvé la moin-
dre composition ni le nom d'un vutuose de ce
baryton dont jouaient les violistes, touiours en
quête d'une sonorité meilleure, et protestant d'an-
tre part contre la septième corde, selon la théorie
tte Simpson.
Bien oublié eût été le baryton si des mélomanes
inag liliques comme les Médicis, les princes Paul et
Nicolas Ksterhazy, ae l'avaient remis à la mode dans
la seconde moitié du xviii« siècle. Ces piinces hon-
grois réussirent à entraîner le célèbre Hayd.m qui, di-
1. Pn^iïTORius attribue nettement aux Anglais l'adiplation d'un jeu
de sepl a quinze cordes sympalliiques à leur viol'-, qui ch:inpea ainsi
et d'état et de nom : m Buicl'I'kvii i.e assurait que les a ioles de gambe
n'ont jamais été montées tie cordes sympathiques; il n'avait pas tort;
elles cbangcaient aIoi*s d'état civil, et devenaient des barytons.
;;. V.-Lb. M*nii.i.0N, Catalogue da Musée instrumental ilu Conser-
vtitnifr roy'tl de ltru:i:clle^, tome I, i>agcs 324, 32o.
3. I,e b;#jton fut en grande faveur chez les princes Eslerhazy sous
l'ari-htl des musiciens dc'leur chapelle, Haydn (i73:;-l8U9), etc.
4. D'après le Aftisitt-Saal de J. Maïkii, le baryton s'est appelé pri-
ruitivenieilt* \inla di paredon » ou perdono, parce ijue l'invenlenr, Con.
damne à nioi-t, avait obtenu sa grâce à la suite de cette invention-
Telle est la gracieuse légende rapportée par Mahu.lun {Cat. du musée
du CuHserv. de llynrelfis. tome l, page 325).
'Aioulerons-rioiis ici qur la Vina de Bénarés et le Taniourah, autre-
fois montés de ciiu| cordes pincées avec six cordes de résonance har-
monique, de même que le Saryngie, moins ancien (4 cordes d'archet
-\- 2 cordes sympathiques), seraient, d'après Fétis, les ancêtres du
baryton d'abord, puis du dessus de \iole monté de cordes sympathicpies
de\enu ta vio'c d'amour, dont nous parlerons plus loin? Il est bien
difficile de savoir la route suivie pur ces instruments im|tortes de l'Inde
en l'Angleterre, soit via I*erse, Constantiuople et Hongrie, soit par les
Uioisés revenant de Terre Saiide. soit encore par les vaisseaux mar-
ch.ands anglais trafiquant avec l'Inde. Selon la théorie chère â Fétis,
c'e^t de l'Orient que nous vint le progrès.
rigeant leur chapelle de 1761 à 1804, fit du baryton
son instrument favori, appelant à la chapelle prin-
cière nombre de virtuoses barytonisles et composi-
teurs : Ant. LiDL (1740-1789), F,'-J. Weigl (1740-1820),
PicHL (1741-180-)), TouAsiM (1741-1818), auteur de
vingt-quatre Divertissements, Anl. Kraft (1752-1820),
auteur de douze Concerti, K. Frantz (1758-18..), dont
le baryton possédait quatorze cordes sympathiques,
F. Paer (1771-1839), Hauschka (1766-1840) qui a laissé
un quintette, J. Evrler (1765-1846), élève et ami de
Mozart, puis de Haydn.
Parmi ceux-ci, les plus féconds furent Pichl et
Haydn; Pichl composa 148 quatuors et 23 quintettes
dans lesquels le baryton occupait le premier pupi-
tre !... Oui se rappelle aujourd'hui le nom de ce' pro-
lifique bnrytoniste'.'
Haydn ne le fut guère moins, entraîné qu'il était
d'ailleurs à la produclion par sa charge de maître de
chapelle des princes; on assure même qu'il prit à tel
point goût au baryton que sa virtuosité ne manqua
point d'exciter la jalousie de son protecteur : Paul
Ksterhazy lui intima l'ordre de ne plus composer qu'à
l'intention de son archet princier, toute tentative de
virtuosité aux dépens du protecteur n'étant plus
de l'art, mais une faute grave! De ce jour, Haydn ne
joua plus du baryton, en public du moins '.
Toujours est-il que, rédigeant lui-même le catalo-
gue de ses œuvres (déc. 1805), reproduit dans le Dic-
tionnaire de Choron'', et où les compositions sont
vraisemblablementclasséesdans l'ordre d'importance
préféré par l'auteur, Haydn cite :
1» 118 symphonies;
2° 123 divertissements pour baryton, violoncelle
et alto;
3" 6 duos pour baryton principal;
4° 12 sonates pour baryton et violoncelle;
5" 17 nocturnes pour baryton et violoncelle.
H place seulement au 201; rang les célèbres 83 qua-
tuors pour archets qui font l'admiration des musi-
ciens des xix« et xx"^ siècles.
Le rang de faveur attribué par Haydn aux œuvres
pour baryton ne les a malheureusement sauvées ni
(le l'oubli ni du feu. L'incendie du château d'Eisen
(1775) en détruisit la plus grande partie; on en con-
naît encore quelques-unes qui subsistent en manus-
crit dans les papiers de la famille Eslerhazy, et
d'autres, moins nombreuses encore, à la bibliothèque
des Amis de la musique à Vienne ■".
Les princes Erterhazy ayaient stipulé, dans le con-
trat de leur maître de chapelle, que Haydn s'interdi-
sait de conserver et de donner copie de ses œuvres
de baryton '.
Fn écrivant précédemment que, pour devenir barv-
ton, la viole avait été montée d'un jeu de sept à
quinze cordes de laiton ou d'acier passant sous la
touche, nous nous réservions de doimer ici quel-
ques détails de lutherie au sujet de cet essai. Les
violistes commencèrent par tendre les cordes mé-
.'». Georges Avtiii,, Les Quatre Ages de la mnsigue, page 70.
6. A. Choron et F. Favoi.lf, Dictionnaire historique des musiciens,
l'aris, 1817, tome I, page 382.
7. Société créée en 1814, sous la présidence du prince F. -M. Lon-
KowiTz (1722-1816), l'un des protecteurs les plus ardents de Beetho-
vh-N, i)ui lui dédia ses premiers quatuors (op. 18), les symphonies lit»
lijw'fi, 180'*}, V" {ut mineur, 1807) et Vh (pastorale, 1808), ainsi que le
X" quatuor darcliefs (mif,, op. 74}. Nos neveux trouveront peut-être
li-s compositions d'tUvDN pour baryton dans l'édition complète en
préparation des œuvres d'HsvDN (analogue à la Back-geselhcltn/'l).
8. Le père de la célèbre danseuse Fanny Essi.f.r, mort en 1843, fut
le copiste des œuvres d'ïlAYUN chez les princes Esterhazy {Gaz. musi-
cale, 1843, page 380).
TECHNIQUE, ESTHÉTIQI'E ET PEDAGOGIE
LES VIOLES i";»!
talliques (accrochées au bord do la table, sous la
touche), au travers du chevalet' percé de sept à
quinze trous, jusqu'à un système de petites clefs dis-
posées prés du bouton pour en assurer l'accord.
Ce dispositif de fortune des plus simples n'exij^eait
aucune nindilication du manche et de la tète de
l'instrument, laissant au barytoiiiste la faculté de
revenir assez facilement à son ancienne viole... Et
c'est ainsi que fut décrit le baryton de Delsart par
(juillet-.
Mais d'autres barytonisies ont préféré l'instrument
spécialement construit ad hoc,
témoins le baryton Biîdlkr (n"
168 du musée du Conservatoire)
cité précédemment, et d'autres
encore, dont l'élégant chevillier
se terminait souvent par une
tête, comme dans l'exemple ci-
conlre''.
En résumé,- le baryton du
XVII" siècle, connu sous dilfé-
rents noms, viola bastarda, i iola
di bordone, di fanotto, di pu-
redon, ne fut qu'un essai des
gambisles en quête d'une sono-
lité plus intense, et sérail tout
à fait oublié :
l" Si le même essai n'avait
pas été tenté au xvui^ siècle eu
faveur du dessus de viole, qui
deviendra la viole d'amour et
la violetta marina ;
i" Si les princes Esterhazy
n'avaient pas remis à la mode
le baryton du siècle passé, ins-
piiant ainsi les très nombreuses
compositions des barytonisies de leur chapelle, de
1761 à 1804- (Haydn, Pichl, etc.).
La viole «l'aiiionr.
Comme le ci-devant baryton, le dessus de viole fut
monté de<( chordes de laton »'•, sous le nom de viole
d'amour, antérieurement à 1687, d'après Jean lîoi s-
sEAU. Séb. DK Brossaro Confirme en 1703 cette délini-
tion dans les termes suivants ■ :
1 Nuu^ cni!n;ii'snns iU;-s t)-n} Inu* ilnnl les coitles métalliques ne
tr.^\crsent pas te clievalet; elles passoiil sur un petit clie\alct ad /me
placé entre les jambes du chevalet, ou bien sur un plus grand clievalet
dépassant tesdites ianit)CS.
:i. Grii-iki\ Aiict'-lre-' du violon. It, page 251.
'.',, Constatuus, sans aller plus loin. 1 1 iiarfaile logique des violistes
et des luttliers du xvn« siècle qui avaient compris la nécessité d'un
minimum de 12 cordes sympathiques accordées diatoniquement pour
assurer les résonances des demi-tocs chromaliques. Nous verrons
plus loin que ta même to?;ique n'a pas loujours guidé les luthiers du
dessiis du yiole à cordes sympathiques, quand ils ont ramené à six le
norahre de ces cordes symphatliiques.
1. J. Rousseau, TraUé de la itule, 1GS7, paqe il.
5. S. DE BuussARD, Diclionnaîve de twisique, 17U3, au mot vio^i.
?s^ous ne pouvons décider des raisons qui ont valu au dessus de vio'e
transformé le nom de cio/rt d'amure. Les musicographes du pa-sé
n'ont rien iiiTuraé à ce sujet. Dans ta période de renaissance musicale
qui commence k l'aurore du wtn" siècle, nous trouvons, sans plus de
.raison, le cembalo d'ainore de G. Silei.bman>, le haulhois d'amour
(1720) en la très employé par Bach, la flûte d'amour en tierce raine-ne
et, plus près de nous, la clarinette d'amour en la^j (IT'.i.il, la gtiilare
d'amour ou arpeggionc (182S) et le violon d'amour (quelque peu .np-
parenté à la viole d'amour) de Sacomon (1740 à 1770), dont le musée
dq Conservatoire de Bruxelles présente, sous les n'* 358 et 481, deux
échantillons, montés de cinq cordes frottées (-so/a, rc'j, faz, fèt, so/,)
et de six cordes sympathiques. De la même époque, ou connaît le
violon d'amour norvégien de Harda?:cer, monté de quatre cordes
« Viola d'amor, c'est-à-dire viole d'amour. C'est
une espèce de dessus de viole, qtiia six chordes d'a-
cier ou de laitton comme celles du clavessin et que
l'on fait sonner a^ec un archet à l'ordinaire. Cela
produit un son argentin qui a quelque chose de fort
agréable. »
Cette, délinition est reproduite dans le Diclionnaire
cks Beaux-Arts de Lacomue (Paris, 1760) et dans V En-
cyclopédie des sciences et arts (.Neufchàtel, 1775). A
l'appréciation près de l'effet produit par l'archet
sur des cordes métalliques frottées, ce qui est une
pure affaire de goût, ces définitions confirment, de
fatjon concordante :
i" L'appellation de viole d'anioiirponv un dessus de
viole monté de quatre à six cordes métalliques frot-
tées''.
2° Larechercheconlinue d'un supplément de sono-
rité avec des cordes de laiton avant 1087, puis avec
des cordes d'acier de 1087 à 1703, et même dans la
suite '. Mais il est excessivement intéressant de cons-
tater que compositeurs, virtuoses et luthiers de viole
d'amour de 1700 à 1760 n'appartenaient pas à l'école
française de la viole de .Marais, Koroukray et Caix
d'Hkrvklois*.
Compositeurs: J. RosRMMULLER(VVolfenbuttel)(1620-
lOS'f), Biber (Salzbourgi (1644-1704), AniosTi (Lon-
dres) (1666-1740), Guzi.xr.KR (1740), J. Wilde. (1741)
(Bavière), J. Stamitz (1717-17:)7l (Mannheim), Huberti
(17601 {Vienne)\ Krumlowsky (17. .-1768) (Bohême),
Hrazeck (1725-1777) (Bohême), Koescher (1719-1783)
(Bohème), G.-G. ToEscHi (1724-1788) (Mannlieim) et
son lils (1745-1800).
Luthiers, de 1710 à 1756 : G.\gliano, Gobetti, Gui-
DANTus, Gl'dis, Schorn. Thielke, IIoffmann, Weigeut,
Griesser, Raoch, Alletsee, Ostler, Eberlé, Klotz,
Jaucr, Stadlmann, tous d'Allemagne et de Bohême.
La littérature de viole d'amour est aussi rare que
disséminée dans toute l'Europe et, trop souvent, les
artistes ilésireux d'intéresser le pulilio à cet instru-
ment, non, pas ancien'", mais aliandoimé, invoquent
l'autorité d'ARiosTi et de ses sonates (pi'ils n'ont
Jamais connues dans leur originalité". Nous leur
devons tme attention d'autant plus spéciale qu'elles
constituent le premier ouvrage diilaclique de la
viole d'amour définie par Rousseau et Séb. de Bros-
SARD, montée de cordes métalliques sur lesquelles
frottait « l'archet à l'ordinaire », telle la viole de
frottées {uh, fa:,, dot, .loh) et quatre cordes sympathicpies (70). (V.-Cu.
Mahii.i.os. Catalogue du f'U.iée du Conseraatoire de Bruxelles,
I. 1, page 33-2.)
Le violoniste Narc.eot (1800-1891 ) voulut pcrreitionner ce^ dispo-
sitifs, si nous en jugeons par son xiidou d'amour de 1830 ((^ui por-
tait logi<iuement douze cordes synqialhiqiies diatoniques), que l'on
voit au musée du Conservatoire ilc l'aris, sous le n" l'iG.
Nargkot concourut en même temps que Berlioz (IS28) pour le prix
de Rome : il fut classe second. Son violon d'amour, accordé mi, la
ré. In, ne lui a point confère l'imiuortalito. Le dessus de viole monté
mélalliquement parait bien être le premier tles instruments dits
u d'amour .'.
0. Au maximum six cordes, la viole de ganihe de l'école française
seule ayant adopté la septième corde sous rinlliierice de son iuven-
leur Saintf.-Coi.ombe.
7. L'adoption moderne des chanlereltes d'acier aux violons n*cst
dono qu'une simple iiniUation des violistes de IGlil! .\il s)ib iole
iiovi.' Ou en attribue la ditfusion en France à Marie Tayau, brîMaute
violoniste de l'école d'AcAi;!' (l'f prix, Paris, l«li7i.
S. Auteurs qui n'ont rien laissé pour la viole d amour,
0. HcBEBTi a publié, en 17V0, à Vienne, une .Veue .Méthode D'trsige
fur Viola d'aiiwr, après le Muséum jnusicum de Ma'ieii, édité d'abord
en 1732 à Halle, puis en 1741, à .Nuremberg.
10. Le violon était son aîné de cent ans et plus.
11. Seulement dans les transcriptions modernes... trop souvent sur-
chargées d'accompagnements intéressants, mais étrangers aui inten-
tions de l'auteur.
1782
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
l'orchestration de Bach : c'est dire que les six leçons
d'AniosTi ne seront d'aucun secours aux violistes du
xix^ siècle!
Ariosti, dans sa langue maternelle, fait hommage
de son œuvre au roi Georges II : puis, en douze pages,
viennent les noms de 82o soucripleurs, tout l'armo-
riai de la Grande-Bretagne et du Parlement, succès
d'édition pins politique qu'artistique et tirage pro-
bable de mille à douze cents exemplaires, sans
qu'aucun nom français, italien, ou austro-allemand
ne ligure dans celte longue liste de souscripteurs.
Après six cantates, commencent, à la page 34, les
six Lczzroni de deux pages chacune, précédées d'un
avis au lecteur' :
« Avons, messieurs les souscripteurs, sontdestinées
les accordatures suivantes pour vous encourager à
ma méthode de viole d'amour que vous me deman-
diez de vous faire connaître.
Cl 11 vaut mieux appeler ces compositions Lezzioni :
leur pi'atique vous facilitera l'exécution des œuvres
pour viole d'amour que je vous donnerai sous peu-,
et alors vous reconnaîtrez que c'était bien la néces-
sité et non caprice de vous avoir fait connaître la
viole d'amour par la pratique du violon sans laquelle
vous n'auriez pu réussir qu'au prix de beaucoup de
peine^. »
En elTet, chaque leçon indique une accordature
différente de la viole d'amour qu'il eût été difficile
d'obtenir avec des cordes de boyau que l'on aurait
fait tour à tour mouler et descendre d'une tierce;
voici les accordatures :
iro
lefon
en
tiii\, s/,'.
'«h !»
sol-,
«'ab
avec simple
•il}
3«c
—
It la.
«'3 if
mij
M3
accompa-
tînement de
iiii muieur si^
""3
sol;
SÏ3
viotoncelle
■i*
^
fa la„
rf03
fa-i
ou gambe
ce
—
Té la.^
'■'■■j;
f»3
contJnae.
Dans un avertissement trop long pour prendre
place ici, Ariosti explique que, s'il ne reste rien dans
ses leçons de la clef et de l'accord du violon, du
moins, les clefs :
i f Ç <!'
servent de guide à la main, ce qui justifie leur usage.
Nous nous contenterons, à titre de spécimen, de
reproduire ici la première phrase de la première
leçon, page 34, en pensant que la noblesse anglaise
dut accueillir assez fraîchement cette combinaison
extraordinaire de solfège, d'écrilure et de technique
de violon qui devait faire, dans l'esprit d'ARiosri, la
fortune de la viole d'amour, telle que l'a décrite Séb.
DE Brossard; nous croj'ons, au contraire, que l'ori-
ginalité d'ARiosTi dut atteindre les confins de la folie,
quand il essaya d'accréditer cette combinaison extra-
ordinaire chez nos voisins d'outre-Manche. Les vio-
listes modernes pourraient bien l'oublier parmi les
morts du xviii^ siècle qu'il faut encore tuer au XX» siècle.
Accordatura | ^^ c br bn
ChiavcdiG.Sol.Ré.Ut. nfe~^°
^
Le..o.eI. ^^r a;tnî
AUegrQ '/[.l-r ^
r -FU
5l
i^^#^
^
ir^itarf frrf. m jTrr
r-p^ FW f^\ fff\
tf^n .p i
jj;jjjJiJ3jjiJJ^ifj^
^^^^^^M^^^^^
^^
gfe
p^
è^
^
^ r^l ^1
1. Nous n'en donnons ici qu'uni^ trnduclion abri-gi'c.
'-'. Il n'est pas à notre conn.iissanco qu'Aruosn ait jamais public les
(Huvres annonrées en J728 pour viole d'amour. 11 n'est mort qu'en
1740.
.1. ARiosii (Atliliu) (1060-1 7 iOl, moino il.? lurjre des Servîtes, a
composé quelques oratorios, une Passion cl £i opéras. Ayant séjourné
il Londres en I71il, puis, de 1720 à 1727, il y eut quelques suciès
avec Bio.NoNciM ; l'opéra italien lr;iversa une période parliculièrcnient
lirillanle à Londres. île 1720 à 17-J8.
A HAExDr.i, favori d'une cour impopulaire, la noblesse opposa, dès
1720, un autre italianisme, dont Aniusri qui fit ap|)laudir son Coriolan.
Ce succès no l'ut sans doule point étranger ;V l'onipressement des
825 souscripteurs pour les Caiita(es and collection of tessons fol' the
viol d'amon', de 17i8.
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PEDAGOGIE
LES VIOLES 1783
Réalisation sur le
Violon accordé
1^^
L'école allemande de 1660 à 1740 avait cependant
apprécié la sonorité de ce dessus de viole monté de
cordes métalliques ifque l'on fait sonner avec un ar-
chet à l'ordinaire ». Quelques auteurs, tout à fait
indépendants du système Abiosti, nous ont laissé des
œuvres où la viole d'amour prend rang : citons Rosen-
MULLEii (1620-1684)', ■ BiBER (1641-1704)-, Strobach
(l6..-17-2o)^ J-P. GuziNGER (1740), d'Aichstett, et Jean
Wilde (1741), de Bavière, etc., pour parler plus lon-
guement de S. lUcn,qui avaitappelé laviole d'amour
à l'orcheslre des cantates 132 (1715) et 205 [Eole
satisfait, 1725), ainsi qu'à celui de la Passion selon
saint Jean (1724).
Une instrumentation délicieuse réunit dans la can-
tate lo2 (t. XXXIl de la Baclnjesellschan), flûte et
liautboi-s, viole d'amour et viole de gamhe, et, avec
M. PiuRO, nous pensons que cette viole d'amour de-
vait être tendue de quatre cordes métalliques et d'une
corde ordinaire*. Nous ignorons le dispositif du ma-
1. Concerto (1667) de viole d'.imour avei: lulii et deux violons :
Sonnie antérieure à 1680 pour violon, \iole d'amour et basse, nis.
Sonati-s 108i, .Nurcraherg E.N. ; Vm'. US:;.
i. Duos pour deux violas d'amour, 1693, Vienne.
3. Concerto de viole d'amour, 1698, avec viole de gambe, lulli,
mandoline, B. C.
4. Rien ne prouve que Bach ait écrit pour un d-'ssus de viole monté
decordes symp.illiiques. M. PiriRo est tout a fait partisan de cettcmon-
ture intermédiaire, et Mattbe^on (1671-1764) signale qu'il en résultait
une sonorité argentine extrêmement agréaljle convenant d'ailleurs aui
nuscritde Bach, mais nous trouvons, dans l'aria II delà
cantate 205, l'accompagnement de Zcp/ii/rusconfiéaux
violes d'amour et violes de gambe, avec conlinuo ; ces
violes ne font pas entendre un seul accord, la partie
de viole d'amour, s'étend de Vutjt^ à Vuti en si mi-
neur, et rien ne prouve qu'il fallut des violes à six
cordes frottées et sympathiques pour cette exécu-
tion-' (voir le tome XI de la Bachgeselhelutft). Dans la
Passion si'lon saint Jean (tome XII), l'arioso de la
basse, en ?ni[i, accompagné par deux violes d'amour,
luth et B. C, les parties de viole d'amour s'étendant
du sot 2 au labi--.
L'accompagnement de l'aria n" 3 en ut min. pour
ténor est inliniment plus chargé pour les deux violes
d'amour et le continuo, sans cependant dépasser
les limites du violon (c'est-à-dire sol^ à ni;), qui
pouvait être appelé, le cas échéant, à remplacer la
viole d'amour manquant : il semblerait que Bach
avait redouté celte éventualité! < — Mais, combien de
difficultés avait-il accumulées dans cette pif-ce, aussi
bien pour les violesque pour l'orgue et le ténor, sans
que les parties de viole continssent cependant un
accord ni même une double note...! Tout ceci con-
firme parfaitement l'opinion précitée de M. Pinno,
sujets tendres et languissants (A. Pirro, Esthétique de Bach. Paris
p. ilD).
5. En 1734, Bach fit jouer celle cantate pour fêter Ta^ènciTient do
l'électeur de Pologne.
1784
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
car, logiquement, il était bien inutile d'avoir un ins-
trument de polyphonie à six cordes pour n'eu tirer
que des notes simples'.
Kn dehors de ces œuvres de l'école allemande, il faut
bien reconnaître que toute l'ancienne musii|ue de
viole ou dessus était immédiatement exécutahie pour
les violes garnies de cordes sympathiques, violes
d'amour et baryton, de sonorité nouvelle ; les mu-
siciens partisans de celte résonance métallique
avaient ajouté des cordes sympathiques à leur des-
sus de viole, soit à titre provisoire (sans modifica-
tions du chevillier, comme nous l'avons exposé pour
le baryton), soit à titre définitif avec chevillier et tète
ad hoc, souvent une tête sculptée de femme portant
sur les yeux le bandeau de l'amour.
Contrairement à toute logique-, ces violes d'amour
avaient en général sept cordes frottées et six ou sept
cordes sympathiques; quelques-unes de ces violes
nous sont parvenues cependant avec douze et quinze
cordes sympathiques, dont celle de M. GriesseriIus-
priick, 1727), portant douze cordes sympathiques (d'a-
près Vidal), celle de J. Thielre (n" 160 du musre du
Conservatoire de Paris), garnie de quatorze cordes
sympathiques, celle de J.-Ll. KnERLÉ (Prague, 1743),
celle de Mathias Klotz, n» 1;)4, l'un des plus cui-ieux
instruments du musée du Conservatoire de Paiis;
elle porte sept cordes principales et quinze cordes
sympathiques (I732i aboutissant à une double tète
en poirier d'une exécution remarquable (longueur
de corde du sillet au chevalet, 0,38).
Le P. BoNANNi nous donne dans son Gabinetto ar-
monico, édité à Rome en 1722, p. 110, tme précision
intéressant ces montures sympathiques dont nous
ignorions l'origine. On peut fixer maintenant celte
dernière dans la période comprise entre 1703 et 1722,
pour le dessus de viole d'amour.
<c Un altro simile istrurnento si usa d'alcuni, si
chiama viola d'araore, ne ho potuto indagare la
cagione, percui gli sia stato imposto tal nome.
i( In altro non dilTerisce dal sopradetto.che nelle
corde, perche sotto le corde d'intestin! ve ne sono
àltrettante di melallo, le quali henche non toccale
d'ail arco, renclono un suono assai doice, che accresce
l'harmonia délie altre. »
Il paraît bien évident que des violes de longueur
totale de 0,85 (Thielke) et de 0,77 (Klotz), avec tètes
et manches aussi lourds, se jouaient sur lesiicnouih^
ne pouvant être tenues quelque temps à bout de bras
gauche.
l'aut-il supposer que, pour répondre au désir des
violonistes, les luthiers avaient allégé la tète de la
viole d'amour en réduisant le nombre des cordes
sympathiques? Les spécimens ci-dessous connus le
feraient supposer : Partl, 7 coides frottées -\- sept
cordes sympathiques (l'46l, Kempter (7 -j- 7) (1740),
WoLTERs"(6 + 6) (1749), M. Uagliano (6 -f 6) (1750),
Salomon (7 + 6) (1756), Socquet (7 + 7) (17651, Sto-
RiONi (6 -i- 6) (17731, T. HiiERLÉ (7 + 7) (17741, Dkle-
PLANQUE (1773), etc.; ce type illogique de viole d'amour
était bien fait poui' intéiesser quelque temps les vio-
lonistes, à I heure où les princes Ksterhazy tentaient
la restauration du baryton. Mais, pratiquant la poli-
tique du moindre elTort, la viole d'amour répudie
l'accordature classique des violes qui convenait si
bien à toutes les tonalités et à la technique des vio-
loncellistes pour adopter l'accordature en ré majeur,
l'exécution perpétuelle en /v majeur ou si mineur et
la technique des violonistes.
L'histoire ne nous a pas laissé le nom du créateur de
cette nouvelle classe de violistes, peut-être bien issue
de Mannheini, si l'on eu juge par le talent et l'origine
du virtuose compositeur Johann STASirrz' (1710-1757),
qui jouait u[ie sonate de viole d'amour de sa compo-
sition au Concert spirituel, le 8 septembre 1754.
Cependant, la Méthode pour la viole d'amour de
MiLA.NDRE (1782) nous semble résumer les tendances
des violonistes-violistes, ses aines et ses contempo-
rains : J. Stamitz (1710-1757), Toeschi (1724-1788),
C. Stamitz, lils de Johann (1746-1801), de l'école de
Mannheim, Krumlowsry (17. .-1768), le Père Irène
Hrazecr (1725-1777), Koescber (1719-1783), Kherlé
(1735-1772), de l'école de Rohème, le docteur Fr. Aug.
Weher (1753-1806), de Heilbronn, plus didacticien
qu'exécutani, auteur d'une méthode et d'une disser-
tation sur la viole, d'amour avec les améliorations
qu'on peut y faire'', Hlt.erti (17601, de Vienne''.
Mila.n'dre expose tout son enseignement en quatre
lignes :
Accordature
delà Vioîedamoiip
Le doigté
Le Doigte Chromatique
'). \. Ciimn, J.-S. llnch. Paris, I!il3, Ali-iui, l'JOb.
l3. A'ù xix» siècl"> en l'>Hiice. on -nenlenJait plus la viole (Vinnour
."lUtrora.ontque sous les espèces de la viole ilcs huijaenots dont W t\KR-
fiKKix ag'ûa l'emploi sui" la proposition dH uhan [18315); nous (ii Iriiile-
ro^is plus lo'in.
.t. Voir les notes précédentes.
%. M BnsMKT, Zes Ccnetrls m Fiimee. Paris, 1900, p. S33, rt Mfr-
eure d'ort. 1754.
•5. Gazette musicale de Spire (ITS'n.
6. MiLANDHE, musicien cl compositeur ,'i l'aris, avait tait ]iartie de
la c^ïtmbre de Louis .VV, pour ^a^iole d'mnour, à partir de 1740, et
( onserva celte charge jusqu'en t7"l.
Il avait fait graver en ITTtl uîie sonute à 7 voix pour le Concert spi-
rituel et publia en 1 78i sa Mi'thmie faritr plttii- In viole d'amour, op. ">
tDifl. de CmîRos et Fav..u.k, 1S17|.
l>tte niétliode renrerme des pi-L-es pour la \iole d'amour avec
aceotnpagnoiiient de violoncelle, un<^ )>otonaise pour viole d'amour,
violon et basse, et un ttio pour les mi^mrs instruments.
Hdbekti 'â publié en 1760, i Vienrw, en 3 vol., A^cKe Metlwden-mfT'
siffe fitr viola d'amor iùiri, dt? Oit.mi'Trj et Patolt.i-:).
TECIIXIOL'E, ESTIIÉTIQVE ET PÉDAGOGIB
LES VIOLES 1785
appliquant Ips doisli's du violon (quatre premières
positions) à sa viole d'amour, dont les six cordes à
vide sonneiil l'accord de re majeur, et les six cordes
sympathiques sont fiénéralement accordées diatoni-
quement dans le niêmefton.
H aurait fallu (tjualcr certaines pièces des Marais et
des Caix uHeiivelois en ré majeur ou si mineur pour
•cette nouvelle viole. Milandre et quelques autres
en ont composé, qui n'altei^'iient pas la quanlilé de
musique écrite chez les princes Kslerhazy pour la
restauration du baryton, dont la viole d'amour,
tendne de cordes sympathiques, était en réalilé
le soprano, spécialement mis à la disposition des
violonistes (au détriment des cambistes et violon-
cellistes) voués au ré majeur perpétuel.
En résumé, le xvin' siècle connut cinq écoles de
viole d'amour' :
1° Dessus de viole monté de six cordes métalliques
d'accordatiire normale selon Moksseau etBRossARD:
■ 2° Le même monté de six cordes boyau de frot-
tées avec cinq à quinze cordes sympathiques;
.3" Viole d'ARiosri montée de quatre coides niétal-
.liques frollées, d'accordatures variées, sans cordes
I sympathiques;
4" Viole d'amour d'orchestration de Bach (quatre
cordes métalliques plus une corde filée frottées,
isans cordes sympathiques) ;
5" Viole d'amour de Mjlandbe (six cordes frottées
•aveé' cinq à quinze cordes sympathiques et l'accor-
dature de Milandre en ré majeur).
Cependant, nous connaissons partie des œuvres du
I . N'ayanlpu analyser loiilns les œuvres ci-dessous, nous ne pouvons
savoir pour quelle viole elles sont écrites, et nous laissons aus chor-
iclieurs de l'avenir le soin de pîéciser ce point :
Johann Stamitz (IT19-i7.ï7) de Manntieim. A'oiià/c.
. Le P. Irène Hba^eck (17.'JD-1777j de Prague, Sonates, trios, roncerti.
C.-G. Fœschi (173.i-178S) de -Mannheim. floli (I75S).
Paul KoEscHER (ni'i-l^sS) de Bohème. Concerti.
I J.-F.-G. Wekcei. ou Wf.nkel (17.54-1794) de Nordbausen. Concerti.
. BoDK (17Su-l"9:t) de Weiraar. Soli.
F. -G. Riisï |17:i9-1706) do De«sau, Sonates et aria. Berlin, Sonate.s
•pour iHole it'amour et violon. Berlin, ms. 1910-97. Sonate pour viole
■d'amour et r.cltn. B. rlin, ms. (1910-1908).
- F.-G Rosr. Trio /Jour vinle d'amour et deux flûtes. Berlin, 1910.
_ G.-B. ToEscHi (1746-180ÛI de Mannheim, ms. 19345 de la Société des
amis de Vienne.
Karl .-^TAMrrz (1746-1801) de Mannheim. Sonates, ms. 21155. Berlin.
Deux Ctmrerti. — ^ Sonate pour note d'amour et tuasse {.Sncicté des
.amis de Vienne],
D' F.-A. Weuta (17.ï3-180ti) d'ilellbronn, un Concerto et ilivcrs.
(!answi.\d (177-1-18..). Concerti, 1807.
Citons C'icore de-* pipci'9 de musique de chambre comportant la par-
'ticipatioQ d" la viole d'amour :
^ J.-J. Scn^El.l. (1731) d'Augsbonrg. 2'rios pour viole d'amour, flûte
et basse, op. -ï.
(îotllob llARitER (17.Ï0'?). Trios et divertimenti pour viole d'am'nir
' -et divers .
KrCmluwskv (170;)'.'). Quatuors pour deux violes d'amour, violon et
basse.
L. lIoiFMAN.N (1730-1793). tjiiintettes pour deux violes d'amour et
divers.
D' VVEDin ll7.Vi-1806), 9 7',iV/.s, ijuatuors et r/uintrttes.
J.-A. Fehhe 11700-18..). O'iinlrtles.
J. Pfhfkkb (I790-184j), TrioSf sextuors.
.lames Z'Anr M892-19..) de La Haye. Septuor^ viole d'amnur et
viole de gantbe deux violons, alto, cello, contrebassef 1921.
Dansielte musique, on devine sanspeine îles elfets analogues ans
sonorité-; variées obtenues j).ir Boccheuim d.'ins ses (quintettes à cordes
Mi, 11, 18) en fais. ml entendre partie des exécutants con sor'lini et les
autres seitza ■•iordini. Musique moderne que nous cilons ici à titre
exceptionnel comme exemple de l'emploi de la viole d'amour dans la
musique de chambre du \x" siècle.
Tout ceci n'est évidemment qu'une énun)ération bien incomplète
d'œui-res généralement manuscrites et éparpillées sur la rive droite
du Hhin.
Les Concerti du xviu* siècle n'étaient pas des soli de virtuosité au
sens moderne du mot, mais seulement des pièces en concert jouées
souvent par plusieurs instruments, dont la viole d'amour tenait la
|)artie piincipale.
célèbre lirsT (1739-1790), contemporain de Milandre,
et nous ne signalerons pas sans étonnement que, soit
dans le Duetto )iev la viola d'uinare e violoncello, soit
dans Is-sotialina per la viola d'amore col liasso o viola
ticcompaijnnta, la sagdcité du violiste est encore mise
à l'épreuve presque autant que dans les Leçons d'A-
RIOSTI.
Ces œuvres se jonentsiirune viole accordée, selon
Milandre, ré,, la^, ré^,, fit,::, la^, ré,,, et, si le vio-
liste doit lire en clef de fa tout ce qui est écrit ainsi
(mais une octave ,iu-dessous de la-réalité), il doit, eu
revanche, lire en clefde sol deuxième ligne ce qui est
écrit en clef d'tit troisième liftne, et, de plus, jouer
réellement en clefde f:ol ce qui est écrit en clef de sol.
Pourquoi tant de rébus?
Si Milandre avait résumé dans sa méthode les ten-
dances de la lin du xviir siècle, des composileurs tels
que BoccHERiNi, Haydn, .Mozart ou leurs successeurs
paraissent avoir tout à fait oublié cette viole d'amour
dont Kral (•de Vienne) enseigne les principes dans
une méthode x\a xix' siècle.
Il appartenait à I'rhan de réaliser une double
résonance de viole d'amour avec une nouvelle ac-
cordature, pour laquelle étaient ajustés les soli du
Paradis de Mahomet et de VJmire et AzOr, exécutions
qui lui valurent d'ailleurs des èalyes d'applaudisse-
ments trois fois répétées-.
J. Kastner a 'publié sur Ch. L'rhan^ une très lon-
gue notice nécrologique, dont nous reproduisons
ici les grandes lignes en laveur du seul arlisie qui
se soit consacré, en France, à la viole d'amour du
xix« siècle :
" Chrétien Uriian , I790-184o), enfant prodige du
violon, chaudement recommandé (180"i) par l'impé-
ratrice Joséphine au ov'-lèbre Lesieur, aloi's maître de
chapelle de l'emiiereur, prit dans l'intimilé du maî-
tre, qui le traitait comme un lils, le goût des arts à
un point tel qu'il songeait à concourir pour le prix
de Kome, quand survinrent les événements de )814-
entrainant une subite révolution dans les affaires
sociales.
<■ Cette catasti'ophe, qui changeait brusquement
la position d'L'RHAN, réveilla dans son cœur les idées
religieuses vers lesquelles il s'était senli porté de
tout temps. .Son caractère se niodilia, son existence
s'enveloppa de singularités et de mystère!
c( Premier alto à l'Opéra eu 181(5, successeur de
Baillot et premier violon eu 1823, soliste de la .Société
des concerts du Conservatoire, où il se (it entendre
siiriin violon-alto monté decinq cordes yitt.,,soU,ré^,
la,, iniC]'', dont il tirait des elfets aussi neufs que
ravissants, il employa d'une manière remarquable
la viole d'amour qu'aucun autre virtuose n'a cultivée
de nos jours '.
" il accoidait son iiislrunient : ré,, f'ifi, la,, ré^,
fai,,, la^.i'éi''.
1. Le Paradis de Mahomet, dû à la collaboration de (Ib.-F. KeEnni-:
(1777-1846) el de Rodolphe KriEi:T7.GR U756-l«3-l), fnt joué « la salle
Feydcau, le -3 mars lt>22. It'un autre côte, G. -M. ScnNux/uor-i i r.
(I7Sa-ISo2j igénéralement appelé Bf.iithand) composa la musique du
ballet-panloujimc de A.-J. Deshayes, Zémire et Azor, joué à l'Opéra
le 20 octobre 1»>24.
3. Revue et f/azette musicale de Paris, Maurice ScnLEsmcFn, année
1M3, n- +7 et 48.
4. Disposilil' dont on a souvent attribué la paternité à VVoi.demau
(17.^0-1816), élève de Loli.i, qvri a laissé un concerto pour le violon
alto.
5. Ceci était écrit en ISia. L'nnAN a laissé qiiel(|ues compositions :
.So/o. jouéà la Société des concerts dn Honservatoli-e le 7 mars 1830,
et des Souvenirs (1633) pour viole d'amour,
6. Ainsi, revient à 'la mode la viole à sept cordes
1786
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
il Bon harmonisle, organiste, lecleur irrépro-
chable, Ubhan voulut vivre loin des vicissiludes
politiques et des trisles choses de ce monde, en
continuelle coiUempIalion des perlections de prin-
cipe divin. Il a laissé pour ses élèves une fort
curieuse lettre (20 mai 1836)» qui constitue une
vérilalile profession de foi d'artisie et de chrétien ;
à la charité la plus ardente il unissait les pratiques
d'une dévotion mystique; mais il avait obtenu de
son directeur spirituel la permission d'occuper son
emploi à l'Opéra, sous condition qu'il ne lèverait
jamais les yeux sur la scène^. » (30 novembre 1845. )
Dans son Dernier musiciana, page 321, Weckeblin
laisse entendre qu'UnHAN fut un pseudonyme, qu'il
en avait reçu la confidence de la bouche même du
célèbre violiste... Sous toutes réserves! Il aurait em-
porté son secret dans la tombe !
Mais encore, nous devons ajouter qu'UnuAN fut un
critique musical du journal le Temps. Le numéro
du 2o janvier 1838 donne, en elfet, sous la rubrique
« Premier concert du Conservatoire », une longue
analyse-commentaire de la Symphonie avec chœurs
de Beethoven, qui venait d'y être dii'igée, le dimanche
14 janvier, par Habeneck, et ce commentaire pour-
rait bien être l'un des articles les plus importants
qu'on ait écrits sur la XI' Symphonie, non seulement
en français, mais dans toute la littérature musicale,
pensait J. -G. Puod'houme (1906), en -reproduisant ce
commentaire ni e.ïtenso dans son ouvrage-', sans
méconnaître la valeur des feuilletons de l'Éris et 1>er-
Lioz sur le même sujet. Comliien de violonistes mo-
dernes seraient capables d'analyser avec le même
succès un œuvre géniale comme la IX' Symphonie?
Un graveur français, A.-K. Legentil, nous a laissé
(Bibliothèque nationale, cab. des Estampes, don
2449) le portrait d'URH.v^. Musicien et traducteur en
français des notices allemandes de Wegklefi et Ries
sur Beethoven (Paris, )8.t2, Uentu), Legentil fut, sans
doute, pour la musique, l'élève du maître dont il re-
produisit les traits (1852| en « gravure à la pointe
par le moyen de l'éleclricité », nouvelle technique de
son invention *.
Revenons à la technique du Paganini de la viole
d'amour, dont Berlioz nous donne le secret dans les
termes suivants^, dès 1839 :
« La viole d'amour est presque partout tombée en
désuétude, et sans M. Urban, le seul artiste qui en
joue à Paris, cet instrumentne nous serait connu que
de nom. Il a sept cordes en boyau dont les trois plus
graves sont recouvertes d'un (il d'argent: au-dessous,
septautres cordes de métal accordées à l'unisson des
premières pour vibrer avec elles sympalliiquement
et donner, en conséquence, à l'instrument une se-
conde résonance pleine de douceur et de mystère.
" On l'accordait autrefois de plusieurs manièies
bizarres :
réi, fa^i, la,, réj, fa^:,, /».,, ré;.
« Les sons harmoniques sont d'un admirable
effet... La disposition en accord parfait de ses sept
cordes à vide donne toute facilité à la viole d'amour
pour produire assez rapidement les arpèges de son
accord en ré majeur à l'octave et à la double octave
supérieure, ceux de l'accord de la majeur à la dou-
zième supérieure, et ceux de l'accord de /'a? majeur
à la dix-septième supérieure...
« Comme ces trois accords ne suffiraient pas, sans
doute, pour accompagner sans interruption un chant
un peu modulé, il n'y aurait aucune raison pour
ne pas avoir une partie des violes d'amour accoi'dées
d'une autre manière, en ut par exemple, ou en ré p,
selon les accords dont le compositeur aurait besoin
pour son morceau.
" Le charme extrême de ces harmoniques ou ar-
pèges sur les cordes à vide mérite bien qu'on prenne
tous les moyens possibles pour en tirer parti.
« La viole d'amour a un timbre faible et doux;
elle a quelque chose de séraphique qui lient à la
fois de l'alto et des sons harmoniques du violon ;
elle convient surtout aux sons liés, aux mélodies
rêveuses, à l'expression des sentiments extatiques et
religieux!
Il Quel ne serait pas, dans un andanle, l'effet d'une
masse de violes d'amour chantant une belle prière
à plusieurs parties, ou accompagnant de leurs har-
monies soutenues un chant d'alto et de violoncelle
ou de cor anglais ou de fii'ite dans le médium mêlé
à des arpèges de harpes! 11 serait vraiment bien
dommage de laisser se perdre ce précieux instru-
ment, dont tous les violonistes pourraient jouer après
quelques semaines d'étude. »
Et plus loin (page 29:j), Berlioz, esquissant la
composition d'un vaste orchestre (quatre cent soixante-
sept instrumentistes et trois cent soixante choristes),
envisageait" la réunion de cent vingt violons et qua-
rante altos, dont dix au moins joueraient à l'occa-
sion de la viole d'amour, quarante-cinq violoncelles
et trente-sept contrebasses ><.
Si Berlioz [lous donne le secret de cette accorda-
ture réalisant le maximum des résonances harmo-
niques (en )'t', la, fa S), on trouvait, du moins, dans
l'écriture du solo de Zé mire cl Azor que nous repro-
duisons ci-dessous (en marquant pas des blanches
les notes à vide et résonances sympathiques), les
raisons du succès d'URHAN, témoignage de l'admira-
tion des spectateurs émerveillés d'entendre pour la
première fois des résonances généralement insoup-
çonnées.
1. Au Icndctiiiiin de la rc|irê&entalii>n tics BiifjwnoU.
2. Ei.uAHT assure qu'UitHAS ne jeta pas une seule fois les rngards
sur la sciine pondant les Ireute années qu'il passa dans l'orchestre de
l'Opéra.
Voici à sou sujet une épigramme qui courut dans le temps :
D'un simple ilrap posé sur une éc/tellt!
L'altiste Urnaii se composait un lit :
Peudant trente ans il ferma sa prunelle
Dans un orchestar ou maint (/u'.re l'ouvrit.
(lîi.wAitT, Hist. de la Société des concerts, p. 138.)
3. J.-G. Prud'homme, Symphonies de Beethoven, Paris, 1900, p. 4o8.
4. Kenseignenicnts dus a l'obligeance de lil. t'.ourboin, le distingué
conservateur du Cabinet des estampes de la Btbl, nationale (lDi4).
5. Berlioz, Ti-aité d'instrumentation, op. 10. Paris, IS^l!*, pages 38
à 40.
En 18311, Bermo/ ne connaissait ni AniosTis, ni la viole d'amour dans
Bacu, <iue MK^^^:LÇ50H^ couimeni^ait'a répandre ; d'ailleurs, licHi.iu/ est
mort ,lstin) bien longtemps avant que la llachgesellschaft ait mis au
jour l'ij-uvre monumcnlale du célèbre cantor.
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES VIOLES 178-
Oouile oct. if
i^ttiii
Voici donc les mélliodes de Milandre et Kral pour
viole d'amour à six cordes, ré,, ta-2,rc.j,faïf.,,laj,riji,
démodées et remplacées par la viole à sept cordes
d'L'RHAN en ré 2, fa 'i^.,,la i,rtK,, /'"ï;i, /"a, 7-e i, sauvée de
l'oubli par les Huguenots de Meverbeeh au premier
acte, pour l'accompagnement de la iîomance de Raoul
(création ;i l'Opéra de Paris, le 29 février 1836). Nous
en arrivons chronologiquement au point toujours dis-
cuté de l'histoire de la viole d'amour au .\ix= siècle.
Après Berlioz et Kast.ner, Tolbecque n'a pas craint
d'assurer, dans son Art du luthier, que Meverbeer
avait écrit un prélude de viole d'amour suivi d'un
soi-disant accompagnement pour la célèbre flomoHcc',
ajoutant "qu'il était impossible de trouver un violiste,
que l'alto solo prenait une viole accordée suivant Mi-
landre et n'avait qu'à passer l'archet sur les cordes à
vide, reprenant la même chose à l'octave en sons
harmoniques, en terminant par un accord parfait.
« Puis, l'alto-solo substituait immédiatement à la
viole son alto et accompagnait la Romance avec cet
alto, car il lui aurait été absolument impossible, avec
l'accord bizarre de Mila.ndre, de jouer autre chose
que des pièces en ré majeur, tandis qu'avec l'accord
ancien, /a,, ré,, sol 2, do ■„ mi^, la^, réi, cet accom-
pagnement très modulant eut été facile; mais, il
aurait fallu travailler la viole!
« Cetle petite supercherie a toujours été pratiquée,
et le public ne cesse d'être persuadé qu'il a entendu
jouer et accompagner sur la viole ancienne !
« Cela serait peine perdue que de vouloir lui prouver
le contraire- ! »
Ceux qui ont lu Iîeulioz, Kastnkr, Tolbecque et
bien d'autres écrivains sont encore peisuadés (]ue
Meyerbeer écrivit logiquement prélude et accompa-
gnement pour la viole des ménestrels du .xvi» siècle,
puisque les ménestrels suivaient leur seigneur même
en captivité, comme il advint à ceu.\ de Jean le Bon
(1336), l'ait prisonnier. D'ailleurs, le poète du temps
nous en a bien indiqué la tradition :
Faut-il pas qu'un servant son seigneur accompagne.
Fidèle à sa fortune, et, qu'en adversité
Luy soit autant loyal qu'eu ta félicité !
[P. de UoxsAiiD, 1524-1585'.)
t. Tolbecque a commis une erreur impardonnable jioiir un violon-
celliste, sinon élève du Nouuli.n pour lequel fut écrit l'ace' de la Ilo-
miince, du moins élève de la classe concurrente de \'aslin {184o)
au Conservatoire. Trop jeune pour avoir jamais entendu L'bhan,
Ti'inECuuE avait connu ses élevés cl les traditions dM'BHAN.
2. M. DE Bricqdevk.le s'exprime encore plus sévèrement dans sa
plaquette, Ln Viole d'amour, Paris, 1908, Fistlibaclicr, à l'égard du
public de l'Opéra.
3, Ronsard, Bpitre à lîi'mi/ Delleau.
Bkrlioz, rendant compte de la première représen-
tation Ae?,Hu(]uenots'', écrivait en etfetceci :
'< La romance est plus remarquable par la ma-
nière dont elle est accompagnée que par le chant lui-
même; la viole d'amour y fait merveille et l'entrée de
l'orchestre retardée jusqu'aux vers « û reine des
amours » est une heureuse idée. »
Klwart (1784-1871) confirme ceci :
« C'est L'ruan qui, le premier, a joué le solo de viole
d'amour qui accompagne la romance « Plus blanche
que la blanche hermine -^ »
Nous ne pouvons douter de l'a'firmation de ce
témoin auriculaires! Mais faudrait-il en conclure
que Meyerbeer écrivit prélude et accompagnement
k l'intention d'(jRHA.\ ou du ménestrel de la suite
de liaoul'.'
Attendons et entendons un troisième témoin, Del-
DKVEz, qui fut tout à fait à même de préciser d'inté-
ressants détails dans un ouvrage devenu rare*", sans
contredire d'ailleurs ni Berlioz ni Elwart.
i< Les lluijuenots ont été montés pour la première
fois, en 1836, sous Habeneck.
«Pendant les vingt-sept ou vingt-huit répétitions
générales de l'ouvrage, les modifications apportées
par l'auteur sont les suivantes:
« La romance était, dès l'origine, accompagnée par
un violoncelle solo. La viole d'amour d'LiRBAN vint
remplacer le violoncelle de Norblin (violoncelle solo
on 1836). ..
IJeldevkz ne manquait pas d'autorité pour faire
connaître ces modifications: premier prix de violon
de 1833, et entré à l'orchestre de l'Opéra la même
année, il était bien placé pour savoir que Meyi bbeer
avait écrit la romance pour le ténor Nourrit avec
accompagnement du violoncelle de Norbli.n.
L'archaïque imagination d'LJRiiAN, mieux au cou-
rant de l'accompagnement des ménestrels par les
violes que Scribe et Meyerbeer lui-même, l'avait
peut-être amené à proposera Meyerbeer l'emploi de
viole d'amour... et Norblin s'était sans doute laissé
démissionner !
Toujours est-il : 1° que Berlioz a entendu la viole
d'amour dès la première représentation; 2" que
Norblin n'a jamais joué l'accompagnement' de la
4. Ilerite et (jnzettc musicale du 13 mars 1836.
5. Elvkart, Histoire de la Société des concerts, Paris, 18C11, p. 138.
*ï. Deldevez, Art du chef d'orchestre, Paris, t8T8, p. 198,
7. Nous croyons savoir que l'éditeur ScHLE5iN';Eri a publié, vers
1840, un tirage à part de la Romance pour baryton et violoncelle. Nous
n'avons pas connaissance qu'il en ait jamais publié pour ténor et viole
d'amour.
1788
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTWyNAIRE DU CO.VSEfiVATOIRE
romance qu'aux premières lépélitions liéiiéiales;
:{° qu'UniuN l'a joué, probablement avec deux violés
d'amour, l'une accordée en ré, la seconde en .sJb,
dans le ton de la romance, sans que la tradition en
ait été maintenue après sa mort (ISVi) par le chef
d'orchestre Girard, succédant à Habeneck, et par
DupoNCHEL, reprenant la direction de l'Opéra en 1847 ' .
La bibliothèque de l'Opéra possède quatre éditions
de la partition d'orchestre des Huguenots^ :■ ■
A. 7 vol. in i", lii iiarlition manuscrite A indique l'alto-solo.
B. 5 v,t|l. in-folio Biandus.
G. 3 vol. Brandus Dafour.
D. 3 vol. Schlesinger.
Dans aucune d'elles ne figure la« viole d'amou
r 11
en l'aut-il davantage pour démontrer que Mkyerbker
n'y avait jamais songé'? (juand Berlioz consacrait
si:t page-s d'une longue lettre à Hauenkcr pourlui ren-
dre compte de l'exécution des i7»;yMe)!û<s àReilinsous
la direction de Meyerbeer, il n'écrivait pas tnie ligne
pour liaoul et la viole d'amour! 11 est à croire qu'elle
n'avait pas traversé le Hhin^. lit pourtant, cette repré-
sentation dut être préparée et dirigée par l'auteur
avec le plus grand soin (1842U puisqu'elle décida
Frédéric-Guillaume IV à nommer Meyerbeer grand
maître de sa musique*.
Ci-dessous le Prélude de la Romance pour alto solo,
suivi des indications de cordes à vide et harmoniques
de la réalisation sur la viole d'I'RHAN, ré.,, fa}i., lu.,,
ré.,f, fa::;,, /O;, n'i :
issàà^MèM
s"--
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Réalisation avec
l'accordature dUrhan
il=0n4^MitJ
Jfarm. 3
^^r f' ^ ^ Harm. Jf a. t^ m. 0 7vvcu.es
Lorsque l'archet passait sur les sept cordes, faisant
vibrer sympaLliiquemeiit les sept cordes d'acier,
Urhan en tirait d'éblouissants arpèges de sons har-
moniques. Ces gerbes de doux sons jaillissaient du
pur instrument, élincelaient en quelque sorte à
l'oreille, comme fait aux yeux le scintillement des
lumières'. Que nous en est-il resté de plus que le
souvenir'? ^ous serions bien en peine de signaler
•quelques lignes de vraie musique pour cette viole à
1. Mais Dui'O.xcHKi. n'avoiiaiL-il pas qu'il n'éLait pas musicien'.*
Dufiib/, Suiimars d'un clmnlinr, l'aii-, l^SS, C. l.éiy, page 142.
2. De La.imiti , Cata/fujue de In Itibliotlict^ue iiiii^icati; de l'Opéra,
'Paris, tome 11. page l;i2.
3. Berlioz, .ML'moircs, 1. II, page ll>6.
■ 4. ScHtiwANN n'avait point disposé rAllcmagne à faire lion acrui il
à l'opéra de MtvtHUEKB, dans lequel il n'était question, selon lui. qui-
de deL.iuclie, assassinat, prière... [Ecrits sur la nmsicjue, traduits
par DE Cniizor»).
5. Tout nous donne à penser que la lîomanre elle-même était
accompagnée, sinon par ralto-solo, du moins par une viole d'amour
accordée en si[i, ou même une viole d'amour d'aicordature normale
(itti, ï't'#, soU, do:K, »it;(, in^, />',i) motitêe de sept cordes frottées et
d'une douzaine de cordes symp.itliiques. Avant de se laisser demi—
sionner, Nobulin aurait propose à Mi.vf.rbf.f.r le baryton, s'il avait
.joue cet iuslrumont. Mais il est très ujalaisé de s'assimiler un instru-
,meDt dont l'accoj'dature et le nombre des cordes diCTérenl de iclui
qu'on pratitpie journellement; le baryton d'II.wn?) ne l'intéressait pas.
sept cordes, quoique Gevaert n'ait pas manqué de
vanter l'admirable elfet des sons harmoniques de la
viole d'amour". Il aurait pu ajouter que si I'biian
avait fait un heureux emploi de cet instrument poé-
tique dans le premier acte des llugueu'iU, il n'eut
point d'imitateurs sacrifiant leur temps à la viole
d'amour pour la satisfaction d'entendre applaudir
liaoul, si Nargeot, altiste et violoniste à l'Opéra de
18-20 à 1839 (en même temps qu'URBAN), n'a pas imti-
giné, pour répondre à la viole d'amour du chef de
pupitre ou bien au goût du jour, le viulon d'amour
(douze cordes sympathiques), dont nous avons parlé
précédemment.
Cependant, le xx= siècle a vu reparaître la viole
d'amour à l'orchestre de l'Opéra-Coinique (l'.lOi),
sous une forme plus marquée qiiedans les Hiiguenols.
Dans le Mystère du .lowjleur de ^otrc-Dame, la scène
se passant au xiv« siècle, Massenet, voulant imiter
la vièle d'archet décrite par Jéri*)me de Moravie(1260),
a mis aux mains de Jean le Jongleur une viole d'a-
mour à sept cordes... non point celle d'URiiAN, mais
celle de Milandre, recul d'un siècle!
6. GEVAKnr, Traité d'inst7'win':vlalion, (.îand et Liège, ltjij3.
TECHNIQUE, ESTHETIQUE ET PEDAGOaiE
LES VIOLES 1789
On peut avoir tout le génie de Massknet sans pos-
séder à fond la teclinique des instruments anciens;
si Massenet avait lu MAïU'imr. (I718-179;i), il aurait su
(lue, pour être connus dos savants et des joueurs
de trompette marine, les sons harmoniques nn
turent introduits dans la technique du violon que
vers 1733 par MoNDo.NviLLiî... Mbyeriueu avait trompé
Massenet... qui adopta l'accordature :
lai, ré.2, la-, ré., fui-j, la^, réi,
pour les cordes frottées et les cordes sympathiques,
à l'heure où il eût été si intéressant de jouer la viole
d'amour selon Fîousseai , Kihcher et Brossard,
montée de sept « cliordes d'acier que l'on fait sonner
avec un archet à l'ordinaire ». En somme, les parties
du ./ong/ei/r sont très intéressantes; mais il ne fau-
drait pas jouer trop académiquement le troisième
acte, alors que Jean le Jongleur est en état de folie!
Tant que le Jongleur tiendra l'afliche, les altistes
seront liien oldigés de posséder le jeu de la viole (.Mi-
LANDRic), car nous ne citerons que pour être complet
les parties de viole du quatrième acte de Louise de
CriAni'ENTiER itnoo) et du deuxième acte deMadame
Biitter/lij de feu PrcciM (t'.ioi) : elles ne comportent
que quelques lignes en so/ mineur ou en si h. sans un
arpège, ni une double note, rien en somme qui rap-
pelle le style de la viole du passé.
Cependant, nous devons une mention spéciale à
une œuvre assez peu connue en France, dans laquelle
t;h-M. Lœffler a mis la viole d'amour tout à fait en
évidence avec La mort de Tintaiiiles. poème drama-
tique d'apiès le drame de Maeterlinck. .Musique de
Ch.-M. Lœfflkr (1905) pour grand orchestre et viole
d'amour'.
Nous devons à l'extrême oldigeance des éditeurs-
la communication de la partition complète de l'œu-
vre, dans laquelle la viole d'amour concourt à la
cinquième partie de l'exécution, tantôt chant, tantôt
arpèges, devant jouer à un pupitre spécial <• à l'inté-
rieur et à côté du pupitre des premiers violons », en
un style dérivant tout à la fois de l'écriture des Kral
et de Van WAEFELrtHEM, que nous citons ici comme
ceux des violistes d'amour en ré qui ont publié aux
XIX" el xx^ siècles les principales œuvres transcrites
ou originales pour la viole d'amour,... toujours, hé-
las! en re maieur! Car il faut bien avouer que l'on
ne coiniait que de la musique écrite par les exécu-
tants pour leur propre instrument et accordature,
répeitoire évidemment restreint.
En résumé, le véritable violiste d'amour devrait
étudit-r la viole à six ou sept cordes, d'accordature
normale :
lii^, ré.,, soL, do.j, mi^, la^, rèi,
montée de douze cordes sympathiques, sur laquelle
tout est jouable, du xvii" siècle à nos jours, aussi
bien la musique de viole que de baryton''*. Ainsi,
pourrait-il présenter en public de la musique
« ancienne ■■ pour instrument " ancien », ou plutôt
1. Ch. L'EFFLEit, lié a Mulhousi' lîn ISlil, élève de Léonard, Massart
ri JoAcHiu pour le violon, s'est enliérement voué k la compositioQ
f^cputs une vitij^laine li'années. Il réside aux lîLats-tJnis.
2. G. ScHiRME», Music Publishors. Ne\N-York.
.i. Le reperloire serait intéressunL et très varié.
Nous croyon-* savoir, d'après M. V.. Mamlyczewski, que la prochaine
• ■■lition complète des œuvres d'tlAVi>N comprendra : un duo en sol maj.
pour deux bHrytons et 00 divertissements pour barvton, alto et basse,
SHVoir 8"pt en ut, 36 en ré maj., nu en ré min., deux en /"o maj., vingt-
quatre en sol maj., dix-sept en la m.-ij., deux en si min. et un en la
min. vraisemblablenienl composés après l'incendie du château d'Eisen
démodé. Tout le reste n'est que transcription... Et
cela n'est point la même chose de jouer de la viole
ou de jouer sur la viole d'amour'. Quel artiste ose-
r.iit faire entendre en public une pièce de fliUe trans-
crite au violoncelle ou réciproquement? Les pseudo-
violistes n'y regardent pas de si près, un chaut sur
les deux premières cordes... et le tour est joué!
Knfin, nous signalerons aux artistes en tournée ù
Constantinople qu'ils aliront souvent la surprise d'y
entendre la viole d'amour qui, sous le nom de siné-
lii'man, parait être l'instrument le plus estimé des
amateurs de musique classique turque.
Introduit.en Turquie, vers le milieu du xvin» siècle,
par la Valachie et la .Serbie, selon toutes probabilités,
le siné-kcman devint d'un usage courant dans la
musique de chambre des Turcs, musique très douce
qui emprunta rapidement le timbre poétique et mé-
lancolique de cette viole d'amour.
L'Eiicycloiicdie de la musique relate que la plupart'
<le ces inslruments sont importés de Vienne; elle
donne comme spécimen une viole d'amour, montée
de sept cordes frottées et sept cordes sympathiques,
attribuée à Malhias Thir. iiui travailla de 1780 à
1900 à Vienne, et accordée :
ré,:, fait,, la.,, ré ., f'ai^, /(i^, ré.;.
Nous nous ti'ouvons ici en présence de l'accorda-
ture (I'Urhan, sans que l'auteur de la note dont nous
leproiluisons ici les principales lignes nous indique
l origine de cette accordature... Ce l'ut peut-être une
coïncidence!
Nous ne pouvons terminer cet aperçu de l'histoire
des violes sans étudier le calibrage qui ne saurait
être indiiférent pour les cordesde chacune des accor-
datures. Le violiste devra posséder soit un palmer^,
soit une filière de précision graduée en dixièmes de
millimètre, car nous compterons ici les diamètres en
dixièmes de millimètre et no us ad opterons pour toutes
chanterelles le mi d'acierdes violonistes =: 2, en rap-
pelant qu'à longueur et tension égales, (pour le par-
fait équilibre de la viole), l'octave inférieure de la
chanterelle devra mesurer deux fois son diamètre,
soit quatre, et la double octave huit; d'où, il est
facile de conclure :
I" Dessus de viole (Rousseau, Brossard), 6 cordes
métalliques frottées :
rCj soi., ilo.,^ wr, ///;( ri\
Soi 3.5 3 2 do diamètre.
2" Dessus de viole. Cordes boyau frottées :
»'i>o not., ilo-j mi., hij ri\,
12 sympathiques chromatiques :
rc rèjfl mi fn fttU sot sol^ la /«Jf si do itojf
i 3 3.3 3.5 3.r. 3 3 3 2.5 2.5 2.5 2
3" Viole d'ARiosTi, 4 cordes d'acier frottées :
G 5 4 3
4" Viole de B.vcu, i cordes métalliques frottées et
une lilée :
filée 5 13 2
4. La Gazelle musicale de 1836, page 178, raconti; qu'on virtuose
de i'ophirleide, Cobneitf (1705-1878), avait donné dans sa méthode
des variations brillantes sur la cavatine d'// Crorî'a/o.' il serait intéres-
sant de connaître l'opinion de MF.VFrutEFR sur cette... trahison.
5. M. Yekta Bev, Encyclop. de ta musique et Dictionnaire du
Con.serualaire, t. V, page 301-1.
6. Le palmer a friction divise le millimètre en cent parties égales;
comme il ne comprime pas l'objet qu'il mesure, il ne peut y avoir
d'écrasement, ce qui rend le calibrage parfait, même pour des cordes
en boyau tToLnECQfE, Art du lutlùer, page 129/.
1790
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DlCTIONNAlIiE DU CONSEliVATOWE
0° Viole de Milandre, six cordes frottées' :
ré la n: fa S la ré
Six sympathiques, accord diatonique :
mi fait ■">' '« •■" <*"# "
4 3.5 3.5 2 3 25 2
Ou à l'unisson des coriles 'rotlées :
8* 6* 4 3.5 3 2
avec remplacement avaiiiaj;eux des forts calibres 6
et 8 par des cordes fines de mandoline ou de guitare
filées sur acier.
6" Viole d'URiiAN, sept cordes frottées :
ré fft if /'/ ré fa ij la ré
Et 7 sympathiques à l'unisson :
8» 9* 6* i 3,5 3 2
en remplaçant également 6, 7, 8 par les cordes fine-s
filées sur acier de mandoline et guitare.
Un calcul analogue donnerait le calibre des cordes
de baryton :
ré sot lia mi la ré
pour l'octave chromatique ré^-ré^,
ré réit mi fa fa^ sol solff la laif xi do ré^
88777 titi 0555 1
OU pour l'octave l'^-rt,
4 i 3.5 3.5 3.5 3 3 3 2.5 2.5 2.5 2.
L'histoire ne nous a point fait connaître la tradi-
tion d'IlAYDN et des princes Eslerliazy à ce sujet;
encore dans ce cas, nous pensons qu'il y aurait avan-
tage à remplacer les cordes de sept et huit dixièmes
d'acier par des cordes plus fines filées sur acier,
analogues à celle de guitare.
V'ioletta marina.
Pardessus de viole.
Si la famille des violes s'est essentiellement com-
posée,Jusqu'à l'aurore du xviii" siècle, des trois types,
contrebasse de viole, gamlie et dessus coriespondaiil
aux voix, nous n'en devons pas moins quelques lignes
aux derniers types de violes, violella marina el par-
dessus de viole, derniers vestiges de la lutte des vio-
listes « contre les entreprises du violon «, en même
temps qu'instruments de sonorités nouvelles dans les
orchestres où ils prenaient chaque .jour plus d'impor-
tance. H«NDEL (16H5-17:i9) el Bach (168:i-17o0) cher-
chaient, celui-ci en Allemagne, celui-là en Angle-
terre, à étendre les limites de l'orchestre et à en
varier les sonorités-. Le violoniste Castrl'cci (1689-
1782), élève de Corklli et chef des violons de l'or-
chestre d'H.ENDEL à Londres, avait imaginé une petite
viole, dite english violet ou i'io/(;((a»irtc(»a^, accordée
la.,, J'Cj, 80^3, si-,, mi;, /(I4
montée de quatorze cordes sympathiques.
HiE.NDEL réservait une partie importante àcette vio-
1. Les six cordes de viole êt.-iient appelées en Ilalic :
La chanicrelle 1, Canto; la 11°, Sotaiia; la 111", Mezr.ana ; la IV',
Tenore; la V", liorduae ; la VI", Basso. Fniis, JVotice sw Paiiaitini,
Paris. 1831.
2. Nou* ne citerons ici que le double basson de i'/Ji/mnr du courmi-
lietnent l^ll.^■..^DEI., 1714; ce double basson exislait cependanl des 1610.
l*n.i;ronu!S l'aiipello Duppelfar/otU
Voir la violetLa dans les Canlales ^ et 10. le vioiino pirrolo accoi-ilé
uh, soh, réi, lai dans les C:inlates 'J6 el lui. le cello pircolo accordé
50^, rèiy laty mis dans les Cautales 0, 41. 49, (iS, K5. llii de Bach, et
la viola pomposa dans la musiiiue de eliambre de Bach, dont nous
parlerons plus loin.
a. Lrncst U.vviO, G.-F. Bdiidel, Paris, 18j4, page 17i.
letta dans son nouvel opéra de 17:!3, Orlando, pour
l'acconipagiiement de l'air de Senesino, ou, dès l'en-
trée, deux violettes, soutenues par les violoncelles
en pi/.zicali, étaient jouées par les frères C.\strucci
(Pietro et Prospero) '.
D'après Lavoix, H.endf.l aurait encore employé
ladite violetta dans Parlhénope (1730) Sosarme (1731)
el Di'borah (1733).
D'un autre cùlé, les violistes français avaient ima-
giné le pardessus de viole ou viola piccola, avec l'ac-
cordalure que donne Corrette au chapitre X de sa
JléïAorie de pardessus de viole :
soir,, w?3, mi^, la^, réi, soU,
qui leur permettait, tout en restant à. ht première
position, d'atteindre du troisième doigt le fameux
utâ du violon (gare à Vut) et le mi- sans dépasser la
deuxième position, toutes facilités de technique à
une époque où les sons harmoniques etles quatrième,
cinquième, sixième et septième positions n'étaient
pas communément pratiqués.
Le pardessus de viole consistait en un petit dessus
de viole. Il est bien certain que la violelta marina
et le pardessus, sonnant plus haut que la viole d'a-
mour et le dessus de viole, étaient d'un patron plus
petit, et, pour ne pas introduire dans les apprécia-
tions les erreurs provenant de la distance du cheva-
let au bas de la table (bouton d'atlache du cordier),
nous ne voulons considérer que la longueur de corde
frottée vibrant du chevalet au sillet.
Cette longueur est de 0™,360 ou plus pour les des-
sus de viole et violes d'amour. Au-dessous de celte
longueur de corde, nous sommes en présence d'un
pardessus de viole''. tJénéraleinenl, les éclisses du
pardessus étaient beaucoup plus hautes que celles
du dessus de viole, ce que l'on aurait quelque peine
à justifier.
Roi;ssEALi, Danoville et Séb. de Brossard n'ont pas
une ligne pource pardessus de viole, dont le musée du
Conservatoire à Paris e.\pose bien cinq types (137,
138, 138 bis, 1 i-5 à six cordes et le i:f9 à sept cordes),
tous du xviii» siècle, alors que les plus anciennes
compositions connues pour pardessus de viole ne
semblent pas antérieures à 1739'^. Ouoi(jue la Mi-
Ihode de ■pardessus de viole de Courette ait paru
avant celle date, quelques dames, à cette époque,
prennent goût pour l'instrument. Mais, d'après Cor-
RETTE, celles-ci jouent surtout du pardessus à cinq
cordes; ce sont :
M"« HiLAiRE, Sercamanan, M"° Lévi (1743-1757),
.M""^ Haubaut (1740) sa sœur. M"" Lakfont (1702)j
M"" deliE.NLis sous la direction de Zi.muer.\ian (1701)
et puis UEGAixet Douiilet, encore signalés dans l'AI-
manacli de 1783 comme maîtres de pardessus... Ces
rares violistes ne pouvaient pas plus arrêter les pro-
4. Loio cit., p. l'i et 173.
5. Celle longueur 0'",riG(J, est nettement conGrmée d.ins la niétiiodc
précitée de Kiiai. ; et l'on est quelque peu surpris de voir, dans les
musées, nombre de pardessus qui, parais de cordes sj mpatliique^
sans modilication du olievillier priiuilif, oui été catalogues « violes
d'amour >.
6. C'est à peine si l'on peut citer ;
Nicolas ViDEBT (I7I0-I772), op. 2, ("'" Suite il'atrs ipatieux peur
deu.T parilessus de viole, 1739 (bihliotliéqiie du Conservatoire de
Palis, recueil 20).
De Caix d'Hkiivelois, VJ" Livre de pièces de viole écrites jioar
pardessus à cinfj et six cordes, 1748.
Ant. KonQUERAY (premier livre posthume) el J.-ll.-A, Fonoi:tHAY
(17.i0|. Pièces de viole pouvant se jouer êgalcmrat sur le pardessus.
FojQiiKTlprobiblemont organiste i Paris, 1750) : Duos faciles pour
deux pardcsous. V. Briju.>( (de Lyon) : Airs varies pour oiulon et par
dessus.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÈnAGOGlE
LES VIOLES 1791
f^rèsdii violon triomphant qu'ils n'auraient arrêté le
mouvement du soleil! Mais ils jouaient couraf^euse-
ment le chant du cygne des violes!
En terminant ici tout ce qui concerne les violes
montres de cordes synipalhi(]ues, nous devons appe-
ler l'attention des luthiers sur l'intérêt de régler la
position du grand chevalet (au cas où il serait tra-
versé) ou du petit chevalet portant les cordes sym-
pathiques, de telle façon qu'elles soient divisées par
le chevalet dans le rapport piécis de deux à un, le
petilcbevalet ne fût-il pas exactement sous le grand.
La corde ainsi partagée en deux longueurs à l'oc-
tave l'une de l'autre vibrerait sympathiquement dans
les deux parties, et donnerait doubles sonorités har-
moniques.
Quiiiloii el viola poinposa.
D'aucuns avaient imaginé en France de réduire à
cinq le nombre des cordes du pardessus de viole eu
accordant les trois cordes graves par quintes, la troi-
sième de celles-ci et les deux cordes aigui'S par quar-
tes, ainsi que l'indique Correttë dans sa Méthode de
pardessus de viole (chap. III) :
so/o — r<';i — /(Jj — ré; — so/i,
d'où le nom de quinton. C'était, comme le dit Con-
RETTE, un instrument » androgyne », tenant du par-
dessus de viole el du violon (p. 1).
Les luthiers français Gilhest, Salomo.n, Gérard,
LejeiiiNE et parliculièrement Guersan nous en ont
laissé de nombreux spécimens : on peut voir au mu-
sée du Conservatoire de Paris des Guersan de 1747
(n°' 140 et 1411, de 1752 (n° 142), d'antres encore
{n°= 143 et 146), tous instruments dont la sonorité, que
Correttë qualilie de ravissante, ne fut pourtant pas
jugée digne par les compositeurs de valoir au quin-
ton du milieu du xviii'^ une place à l'orchestre'.
De même, la petile viole de gambe à cinq cordes,
imaginée par J.-S. Bacu, construite par Martin IIoff-
MApiN de Leipzig, avec une accordalure spéciale :
uli, sol^, ré-,, la.,, mi^,
sous le nom de viula pomposa, ne paraît pas avoir
traversé le lihiri.
Au point de vue lutherie, il était très difficile d'a-
voir une chanterelle en boyau de bonne sonorité pour
cette viole.
Devons-nous supposer que Bach se soit rendu
compte de celte difliculté en ne composant qu'une
seule œuvre pour cette viola pomposa, la Sixième
Suite? Le commentaire de la BacUQCselIschaft à ce
sujet (page xxxvi de la préface du tome .X.VVI) est
assez peu explicite :
Il Soit que lÎAUH en composant cette suile l'ait écrite
pour un violoncelle à cinq cordes, forme ancienne
de cet insirument, soit qu'il l'ail composée pour sa
<i viola pomposa », ceci a d'autant moins fait l'objet
de nos recherches, que le nianusciit original ne
fournit aucun renseignement permettant de résoudre
l'alternative dans un sens ou l'autre ! )>
Gerher a pensé que celle « viola pomposa » pou-
vait être un grand alto auquel on aurait ajouté une
chanterelle mi;'; cette hypothèse est en contradiction
absolue avec l'accordature, «<,, sol,, ré,, la,, mi^ don-
née par la Bachgesellschaft. Nous ne suivrons pas
Gerber dans cette voie, malgré les encourajjeraents
1. Le quinlon est en principe de la grandeur du pardessus de viole.
(le quelques autorités musicales qui nous ramène-
raient au violon-alto de Woloemar ou d'L'RiiAN.
Viulc d'OrpJico.
Après les succès du violon et du violoncelle à l'or-
chestre de l'Opéra et l'inutile plaidoyer d'Huberl Le
Blanc (1740) contre leurs entreprises et prétentions,
après le jugement des aréopages féminins abandon-
nant le violon aux audiences publiques pour mieux
réserver aux violes de gambe le privilège des séances
privées, la cause eût été entendue, si le violon n'avait
fait appel de cette humiliante demi-victoire en pro-
duisant deux valeureux champions, Soins (167(5-1703)
et Geminiani (1667-1762), contre le célèbre M. Mabais
(1650-1728)^
" Quand Soms parut, il étala le plus majestueux
et beau coup d'archet de l'Europe, surmontant l'é-
cueil où l'on s'échoue, venant à bout du grand œuvre
sur le violon, la « tenue d'une ronde » ! Un seul tiré
d'archet dura si longlenips que le souvenir en t'ait
perdre haleine. »
La tenue de l'archet, fortement pincé entre le
pouce et l'index, assurait, dans l'attaque de la corde
et avec une dépense d'archet minima, le maximum
de vibration de cette corde, alors que le même
archet dépensait presque un quart de sa longueur
pour n'obtenir, parfroUenient, qu'une sonorité alan-
guie de la viole de gambe, sonorité qu'on a niali-
cieuseinenl qualiliée de « sonoiilé pour chambre de
malade », alors qu'elle avait bien son charme el sa
poésie, pastel de Watteau comparé aux peintures
d'écoles plus modernes! Dans celte lutte de sonori-
tés, les dames de l'auditoire marquèrent à nouveau
leurs préférences pour lagambe charnieuse,etMichel
Courette s'en souvint quand il essaya de remettre la
gambe à la mode (1780) sous le nom de viole d'Or-
phée^, à l'heure où Milanpre publiait sa méthode de
viole d'amour.
CoRRETTEsuppose qu'Orpliée, pour mieux charmer
la cour infernale à l'heure où il voulut retirer des
Enfers sa chère Eurydice, choisit l'inslrumenl le plus
mélodieux, le plus touchant, le plus analogue à la
voix, telquela viole d'Orphée, ^uv laquelle, ajoutail-il,
« on pouvait jouer non seulement la basse continue,
mais encore des sonates, sans avoir l'embarras de
démancher à tout moment!
<. Les dames en jouant de notre viole d'Orphée n'en
paraîtront que plus aimables, l'attitude élanl aussi
avantageuse que celle du clavecin, » et, toujours flat-
teur, M. CoHRETTE assure que, si les dames n'ont
point adopté le violoncelle, c'est la difliculté de dé-
mancher pour exécuter les clefs d'utel la dureté des
cordes qui en sont cause ; aussi, les instruments agréa-
bles comme clavecins, harpes, viole d'Oijibée sont
plus analogues à la douceur de leur caractère que les
hautbois, bassons, trompettes... Nous ne cuntiedi-
roiis point M. Correttë, mais nous sommes obligés
de reconnaitre que la plus belle moitié du genre
humain n'a point répondu à ses espérances; et (|ue
la viole d'Orphée ne paraît avoir été appréciée ni
par les compositeurs ni par les conlemporains de
CORRETTE.
i. Fiiris, Ilefue et ijnzette musicale, année 1843, p. 370.
i. Méthoiic pour apprendre li jouer île ta cunlrebasse à trois,
rpiatre et cinq contes, de la quinte ou alto el de lu viote d'Orphie,
nourel instrument ajusté sur l'ancienne viole, utile au concert pour
acconipa'iner ta voix et ponr jouer des sonates... par M. CoiiaiîTrE,
1781). Voir WtcKEnu.N. lUusiciana, t. 1, p. 103.
1792
EycrCLOPÈniE de la musique et DIC.TIOSSAIRE du COVSEliVATOIHE
Heptacorde de Rsionl et Vnillnumc.
Quelques années plus tard (1810), J.-M. lUouL
(1766-1837), avocat h Paris et violoncelliste amateur,
conçut lo projet Je tirer, à son tour, la basse de viole
de l'oubli où elle était tombée. Devenu possesseur
d'une excellente basse', construite en 1521 par Duik-
FOPROUCABT pour le roi de France, François I", il se
livra àréUidi^du manche et du doigter de cet instru-
ment, dont il voulul changer les proportions en se
rapprochant de cefles du violoncelle moderne, et,
conformément à ce désir, J.-B. Vuillaume, de Paris,
construisit en 1827 une basse de viole à sept cordes
qui figura, sous le nom d'heptncorde, à l'exposition
de la même année : il lui avait donné l'accordature
ancienne : la,, ré,, Sol,, ut,, mi,, la,, ré,,.
Pour assurer le succès de cet, instrument, il eût
fallu, à défaut du patronaged'un grand compositeur,
le concours d'éditeuis réimprimant les œuvres de
Marais, des Caix d'Hkiivelois et des Forqueray, sans
lesquelles personne ne pouvait utiliser ledit hepta-
corde... entant mort-né delà lutherie française!
Arpeggione on guilarc d'amour.
Vers la même époque, en Autriche, Joaunes Geor-
pius Staufkr de Vienne imaginait (1823), sous le
nom de yuilare d'amour, la guitare-violoncelle, ins-
trument d'archet, propre au jeu d'arpèges. C'était
un petit violoncelle de la forme de la guitare, monté
du même nombre de cordes, avec la même ac.corda-
Lure, avec un manche également cntouché, en
somme une invention rappelant le siècle où les (j.al-
lois avaient imaginé l'archet pour faire chanter
leurs lyres à cordes pincées, le crouth piiniitif, lui des
ancêtres des instruments d'archet.
. Les six cordes : , .
mi,, lai,ré,, sol,, sii, mij,
quelquefois écrites en clef de sol, sonnaient alors à
l'octave au-dessous des notes figurées.
Kn 1823, parut chez piabelli (1781-18a8)>à Vienne,
un traité pour l'enseignement du nouvel instrument^,
dont l'auteur était tout désigné pour faire entendre
en public (1824) la Sonate de Schubert pour arpeg-
gione [qui n'a été éditée qu'après sa mort (1828)].
11 est assez curieux de constater que cette longue
sonate éciite pour la guitare d'amour ne contient
pas un seul passage en arpèges, ni en accords sem-
blables aux accords fréquemment employés par les
guitaristes^.
Aeulipoljka,
Aussi oubliée que lesprécédentes inventions, nous
devons rappeler celle du chevalier Beniehzi (musi-
cien amateur hongrois du xix« siècle), qui tenta de
remettre en honneur la viole de gamba sous le nom
1. « Basse (le viole dite au Plan de la ville do Paris », avec manche
sculpté en forme de télé de cheval, une des plus belles pièces du
musée- du Conservatoire royaUle Bruiellcs, n" liiT (v. Ch. Mahuj.on,
t. 111, page 471,
Voir dans le tome 11 de la Reviif miisicnle (pages 56-61) une
notice de R»ot:i. sur cet heptacorde signalée par Fétis,
2. Jntrodwtiun à iemeifinement lic la ijuilari: oiolomclh inreiitrr
/lar M. Georges SrAuren, par Vincent Scudstkb, avec reproduction
OKacte de l'instrument. 1825.
3. Ce SciiuuKBr n'était point un lionionyme, c'était bien le célèbre
Frani Peler Scbubebt (17117-1828).
à'aeolipolyka, sorte de violoncelle à six cordes qu'il
voulait jouer comme un instrument chantant avec
l'archei, ou pinceren arpèges comme la guilare.
Be.'vieuZi visita Paris, Vienne et Munich eu 1842,
avec son instrument, persuadé qu'artistes el ama-
teurs s'empresseraient de l'adopter et d'en répandre
l'usage. Mais, comme il arrive à nombre d'inven-
tions excitant la curiosité pendant qnelques jours,
l'aeolipolyka fut aussi rapidement oubliée.
Barj'ton dr Batlanclion.
Dans la composition du quatuor d'archets''^, sou-
vent critiquée du fait de l'identité des timbres et de
l'étendue des premier et second violons, dont l'allti)!
n'est séparé que d'une quiule, alors que le violoncelle
est à distance d'octave de ce même alto, on chercha
souvent à introduire un instrument tenant le juste
milieu entre l'alto agrandi et le violoncelle.
Sous le nom d'Handbass, petite basse plus grande
que l'alto, mais plus petite que le violoncelle^, de
viola pomposa ou piccolo violoncello, qui eut son
heure de célébrité de 1753 à 1773 sous l'intluence
de HiKDEL, la lutherie allemande essaya vainement de
combler cette lacune, quoique des compositeurs de
l'époque tels' Grau.n (1U98-178I), Si'EEr, Schwable,
Gœrneh (1697-1778), Wiedner, après la mort de Bacb"^,
aient donné une place importante audit violoncello
piccolùdaiis leurs œuvres de musiqnede chambre {Re-
vue et gazi-tte musicales du 17 mars 1833). Iteprenant
la même idée, un distingué violoncelliste français,
Battanchon (18 14-18!).3), fit construire en 1847 par
C. Henry, luthier à Paris, un baryton accordé : sol,,
ri',, la,. mÎ3, qui n'avait d'ailleurs que le nom de
commun avec le baryton des princes Ksterhazy, que
nous avons vu précédemment aux mains d'HAvoN.
A Paris, Saiv.ay fit entendre le baryton de Battan-
chon à la salle Sax (1834) dans ses propres compo-
sitions" : Sérénade pour viulnn principal, piano, vio-
lon, alto, baryton et bas^e; Chanson de Malherbe (qua-
tuor d'accompagnement), sans réussir à intéresser
les musiciens àcetle nouvelle invention*.
En Allemagne le docteur Stelz.ner (18'.>1I, en France
Léo SiR (1922) ont essayé de varier les sonorités du
quatuor à cordes par des inventions similaires, vio-
letta allemande el ténor de Léo Sir. L'avenir déci-
dera de la valeur de ces dernières inventions.
Piecolo \iolino doclenr Stelzucr et Léo Sir.
Au début de la renaissance musicale de xviii« siècle.
4. Ouiituor ilevL-naot quintette par l'adjonction d'un second violon-
celle ou d'une contrebasse (BoccHtHiNi, Onslowj, ou d'un second ait*
I Mu7.AHT, BiETHUVEN. MeNUKI.SSOHN).
5. J.-S. Bach employa le piccolo violoncello dans ses cantates d'é-
glise n" 6, 41, 4!l. 68, 85, ll.'i.
6. Danj celte période, Havdk cl Boccherini ont réellement mis au
point le quatuor d'archets devenu classique, sans faire la moindre
place au piccolo cello.
7. Notice de 11. (jukhoclt sur Saozay, non mise dans le commerce.
8. Eugène Saii.^av (1800-1901), élevé de Baili.ut el premii-r prii de
violon de 18i7. entra, le 24 janvier 1832, dans le quatuor de son maî-
tre. " dans cello noble compagnie, nous dit-il dans ses mémoires
selon l'eipression de Dante, car ce quatuor était un véritable sanc-
tuaire, autant par le petit nombre et le choix des auditeurs que par
la majesté du prélic qui ofliciait ».
Les plus admirables œuvres, quatuors de Mo/aut el Beethoven,
étant a peu prés ignorés du public français el parisien, IIaiieneck et
Baielot avaient entrepris de les faire connaitrc... ils y ont vraiment
réussi. Bajllut avait confié a Sao/ay le rôle si intéressant dans sa
riiscrétion de deuxième violon ou il'alto. Bien plus, en 183.1, Sauzav
épousait la fille de son maître et cuntinuait les traditions d'art de son
illustre beau-père.
TECIIVIQI E. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES VIOLES 1-93
l'orchestre, hénéliciant de la polyphonie dont 1«
chant s'étiiit longtemps réservi; l'apanage, avait cher-
ché à reculer les limites de sa sonorité : les iiistiu-
ment hauts ou bas avaient collai)oré à cet effort par
divers moyens.
Particulièrement, dans la famille des instruments
à cordes, le p.irdessus de viole, la viola piccola, la
viole! t.i inariiia avaient monté la chanterelle du ré',
au sok et la.i, le vinlone était descendu du ini.-i au
to_2. Le petit violon de S\lomon en so/t, le piccolo
violinrt ou kleine violin allemand en /ai, avaient
monté la chanterelle d'une tierce ou d'une quaite, de
façon <i dépasser, sans elfort technique, Viilv, que les
violonistes n'atteignaient jamais sans quelque ap-
préhension.
Apiès r.AcB employant le piccolo violino dans les
cantates d'é;.;lise 'J6 et 1(12, la musique de chambre
à cordes des aines d'IlAVON et celle de BoccHEniNi
donne place audit piccolo violino ; citons :
FotsTK.ii ide Hndolstadt) il(i'.)3-1748l. Si/mp/cjniVs
pour petit violon, hauttiois d'amour, 2 violons, alto,
et basse;
J. fred. DoLEs (171a-1797). Trios pour petit violon,
violon et basse.
Krausk (de Zittau). Sonates pour petit violon, i vio-
lons et basse;
HosETTi. S 'liâtes pour petit violon, 2 hautbois et
basse;
Jean Pf':if-fer. Quintettes pour petit violon, 2 vio-
lons, et bas~e;
Harrkh, en 1701. Quintettes pour les mêmes.
Associé on opposé aux autres instruments du qua-
tuor, le petit violon mit en laveur le piccolo violon-
cello, do it nous avons parlé précédemment, imité
d'abord en Fiance par le baryton de Battancbon,
puis en Allemagne par le luthier de Wiesbaden et
Dresde, le docteur Stblznkr (18.. 1906) qui, dès 1891,
attirait l'attention du monde musical en s'efforçant
de répandre, avec assez de logique, deux formats
nouveaux :
1° La violotla, accordée sol^, réi, lat, mi^ ;
2° Le cellone, grand violoncelle en sot analogue à
l'ancienne basse de cathédrale accordée sol-.i, rci,
lat, mi.,.
Après avoir introduit ses instruments dans l'or-
chestration lie ses propres œuvres (1902-Î90.Î), Stiîlz-
NER réussit à décider quelques compositeurs à tenir
compte lie ses inventions dans leur musique de
charabie, tels :
Drabsekk (l83">-i9..), dans son Quintette à cordes
avec une partie de violotta (demeuré ras.) ;
ArnobI Krii'; (1849-1904), dans son Preis-Se.vtelt en
ré maieur, op. 6 S pour 2 violons, alto et violoncelle,
violotta et cell ne;
Alex. DhNÉRÉAz 1875-19..), dans son Quatuor pour
2 violons, violotta et cellone.
La mort tragique du docteur Stelzner, survenue en
1906, mil lio à ses l'ssais ; d'ailleurs, quel musicien
ferait l'acquisition d'un cellone uniquement pour
prendre part a l'exécution de ces deux derniers en-
sembles? Ojmbien y a-t-il de violoncellistes français
à posséder la basse à cinq cordes (viola pomposa)
nécessaire à l'exécution de la VI' Suite de Bach?
be ces essais des xvni'- et xix» siècles, il ne resterait
que le souvenir, si un Inlhier français, Laurent, dit
Lico Sir, de Marmande, n'en avait tenté une manière
de r.'plii|ue en associant au quatuor de Spradivari,
sous le nom de Dixtuor, les six in.struments de son
invention, que nous énumérons ci-dessous' :
1" Un sur-violon sur-soprano : ut.„ sol^, ré-,, luf,,
de même accordature que le Klein violon allemand
du XV III' siècle. L. Sir garantit sa " sonorité lluide
aérienne et puissante, qui n'a pas la sécheresse du
violon à l'aigu ».
2" On sous-violon mezzo-soprano : soir,, ré j, lu ,.
mi;, timbre dilTérent du violon, ce mezzo tenant liu
violon et de l'alto. « A la fois sonore et mélancoli-
que, .1 dit l'auteur.
3" Un sous -alto contralto : ut,, sol,, ré^, la^,
mêmes cordes que l'alto. Sonorité vibrante et géné-
reuse, selon l'auteur « se joue sur une pique ».
4 Un ténor : sol,, ré,, la,, mi,, rappelant le pic-
colo violoncello et la viola pomposa. « Le ténor est
puisant, violent même, » nous assure L. Sir.
ï" Un baryton : sol,, ré,, la,, mi., rappelant le
nom et le baryton de Battanciion, comme la violotla
du D' Stklznkh. L'auteur nous dit « qu'il se rapproche
lieau.oup du violoncelle, mais que, contrairement a
celui-ci, l'aigu est vibrant et sonore ».
6" Une sous-basse -.sol-,, ré „ la,, mi,, qui parait
analogue au cellone du ])'■ Stelmzer.
L. MR a voulu combler » le vide qui sépare le vio-
loncelle de la contrebasse »; cette sons-basse, jouée
païun violoncelliste, est très accessible à la virtuo-
sité.
Beunis aux violon, alto, violoncelle et contre-
basse, ces nouveaux instruments intéresseraient des
compositeurs cherchant des oppositions de sonorité
bien marquées. Mais, depuis la mort d'O.NsLow (181)21,
auteur de soixante-dix quatuors et quintettes à cor-
des, les plus grands maîtres français ne nous ont
laiss'- qu'exceptionnellement un ou deux quatuors
ou quintettes; c'est un genre d'écriture iliflicile et
presque abandonné; àfoi'tiori.en est-il ainsi pou i l'oc-
tuor et le double quintette ou dixtuor, si bien, qu'en
dehors de quelques œuvres de circonstance écrites
par.li's modeines (D. Milhaud, Kosenthal, tlKUMiTir.,
Mariottk, lloNKGr.KR) pour la présentation du Dixtuor,
il esi oit à craindre que l'audition du 'il septembre
1921 n'ait pas de nombreux lendemains!
Il iKms a paru indispensable, cependant, de rappe-
ler ici une toute dernière et intéressante tentative
de hi lutherie française de 1921 en faveur de cette
mnsi<iue de chambre pour les instruments cl'archet,
dont les premiers essais, trios pour trois violes d'Ur-
lando (JiBBONs, à Londres, remontent à plus de trois
siècles.
1. I.'' nouveau Dixtuor ù conlt-s « l.ôo .Sin » fut prfisent*^ en pre-
miêrv audition à Paris, le '27octoliri' Vyi\. par l'auteur, André I,Ai:Rt;Ni,
qui avait indiqué, dans une notice pour les auditeurs, los accorda-
tures et effets de sonorité réalises par ce3 six instruments.
Paul GARNAULT,
Copyright by lÀbrairie Delagrave, /927.
113
LE VIOLON
Par MM. A. LEFORT
PROI'ESSKUa AV CONSERVATOIR1-:
et Marc PINCHERLE
ORIGINES DU VIOLON'
' Le violon esl une création du xvi" siècle. A ce mo-
ment, la multitude d'instruments à cordes qu'avait
connue' le moyen àf;e s'est ordonnée, hiérarcliisée.
Oigues et rebecs restent en partage aux ménétriers
de basse condition.
Les violes, réduites à quatre types principaux, à
l'imitation du quatuor vocal, monopolisent l'attention
desdileltanti et des luthiers. On lesperl'eclioiine sans
cesse, et c'est d'elles (|ue le violon naîtra entre 1300
et lo30, après une longue période de recherches et
de tâtonnements.
Le moment môme de son apparition, ses antécé-
dents immédiats, son pays d'orif,'ine nous sont mal
connus. Des ouvrages considérables, qui échalau-
dent sur ses origines lointaines des théories solide-
menlélayées d'arguments, et consacrent des volumes
à la description minutieuse d'ancêtres hypothétiques
comme lercbab maure ou le ravanaslron hindou, esca-
motent littéralement les derniers stades de l'évolu-
tion.
Un seul exemple : L. Grillet étudie, en 290 pages,
le croutli, les lyre, viole, rebec, rote, trompette
marine, violes, instruments d'Orient. Après quoi, le
problème qui nous occupe est résolu en trois lignes- :
i< C'est en cherchant à donner du brillant et de l'é-
1. Bibliographie. — Pour ce qui est de la lutherie, on se ré-
férera au cliapitre : l'iicliire ilcs iiisiriiiiieiilx. Je me borne à signa-
ler les recueils bibliographiques gi'ni'raiix : Luigi Toubi, ta
l'.nslrnziotie ed i coslrullori degli islrumenti ad arco..., Inhliografia
liiislislica slorico-tecnkii, Padova, s. d., in-S"; E. Hebon-Allkn, De
l'diculis bibliographia, 2 vOl.gr. in-S", Londres, IS91-1893, com-
plétée pour la période IS93-1912 par Curt Sachs, Real-Lexicon dcr
Hiixili imtrumeiile, Berlin, in-4", 1913 (arlicle Violm).
Sur le violon en général, l'art du violon et les violonistes, cf.
les divers chapitres de \'Eiicijclop(die de lu musique el Diet. du Cou-
scrvaloire, première partie; et \V. Samiys el S. -A. Forstee, The
Jihlary nf Ihe riMin, Londres, 1804 ; W.-J. vo.n Wasielbwski,
Die Violine und ihrc Meisler, Leipzig, 1869 (i' éd., 1904); A. Vidai.,
Les iiislrumeiils à archet, Paris, 1876-1878 ; K. Folegatti, S/erm det
riuliuo, Bologne, 1873-187-i; G. Dddol'i»;, Tlie Violin, Londres,
1836(5' éd. 187S);0. IlAUT.r/irlVo//// niid iVs m«SiV, Londres, 1881;
H. Staroke, Die Ceiije, Dresde, ISSi; L. Oiullet, Les Ancêtres du
riolOH et du violonceile, 2\o[., Paris, 1901 ; P. STOK\it;c,TI)e Starij vf
theviotin, Ijondres, 1904; A. IJ ntersteineu, S^nna del riutino. Milan,
190U; M.Pi.NCHERi.F,/.es Violonistes, Paris, 1922. Pour les diverses
écoles. Cf. Encyclopédie de la musique, pnsaim, etc. L. de la I.ao-
RENciE, L'Ecole franaiise de riolon, 3 vol. in-S" ; Paris, 1922-1921.
clat à la sonorité du pardessus de viole, ou vio-
lino picciilo alla fraiicese, que la forme délinitive du
violon fut trouvée. »
Ce qui reviendrait à dire que l'on découvrit le vio-
lon en cherchant h perfectionner le violon, si le vio-
linopircnlo rt//rt /■(•aucesie désignai tliieii l'acluel soprano
orchestral. .Mais il se trouve que l'expression, qui
ligure pourla première fois sur In partition de VOrfeo
de MoNTKVERDi Cil 1607 (soit un demi-siècle après l'ap-
parition incontestée du violon), n'a pas encore été
tirée au clair : on ne sait siMoNTKVEnoi entendait par
là des violons de format plus petit que la normale,
sortes de pochettes ou de sur-sopraui, ou s'il voulait
simplement désigner le dessus de violon, par oppo-
sition avec l'alto, le ténor et la basse de la même
famille.
Le premier, sinon le seul, M. A. Hajoecki' s'est
appliqué à serrer de près la question, et il seuible
bien qu'il l'ait résolue. Selon lui, il faut repUer abso-
lument l'hypothèse qui fait ilu violon un dinii lulif
de la viole de gambe. Les gambes, d'un côté, les
violes à bras de l'autre répondent à des conceptions
toutes dilTérentes, présentent dans leur construc-
tion des dissemblances multiples (fond plat, bords
plats, manche compartimenté, tête trifoliée, ouïes en
C, accord par quartes et tierces, etc. pour les gambes;
pour les violes à bras, précurseurs immédiats du vio-
lon, accord par quintes, tables bombées, bord-; relevés
manche non compartimenté, volute, ouïes en /', etc.).
Tandis que les violes de gambe arriva eut, par la
création nécessaire de modèles de plus en plus petits,
;'i former une famille instrumentale complète, on voit
entre 1490 et lri20 naître et se préciser un type diffé-
rent, à fond bombé, accord par quintes, ouïes en f,
brel les principales caractéristiques du violon. C'est la
lira da braccio, ainsi nommée, sans rapport aucun
avec la lyre grecque, en simple honima);e au souve-
nir des civilisations anciennes. Haphaël en donne
vers 1503 d'excellentes représentations ^, et l'on se
rend compte, à les considérer, qu'il sullîra de bien
peu de chose pour amener le violon à sa forme
délinitive. Les seules dilTérences qui subsistent sont
dans le nombre de cordes (cinq, plus deux en bour-
2. Les Ancêtres du violait et du violoncelle, P.iris, 1901, l. II,
p. 2. Les ouvrages de Vidai., RuiiLMAn.-), Exoej., ScuLtsisGen, etc., ne
sont guère plus explicites sur ce point précis.
3. Die /tatieuische Lira da braccio, in-s<», .Mostar, 1892.
4. Ucpi'oduitcs in : J. Rlhlman.n, Gcschiclitc dcr Botjeninstrtimcnley
liraunsclnveig, 1882, Allas VllI, il, 22 el X, 7.
TECHyjQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON 1795
don) et l;i forme du clievillier, semblable encore ;i
celui des ancieiini's violes.
A partir de là, les témoignages se niiilliplient, el
l'on pourrait coiistruii'e un instrument tout semblalile
à ceux des facteurs de Mirecourt en élagnanl ou en
niodiliant à peine quelques traits de ceux que nous
représentent, par exemple : en 1516, un bois gravé
d'auteur anonyme' ;vers 1530, la marque du libraire
bàlois Oporiruis-, et cent aulrcs.
C'est d'ailleurs le moment ofi le mol violon appa-
raît, dansle vocabulaire français d'abord. M. H. Par-
NiÈRKS le signale, pour la première fois, dans une
pièce d'archives de lo-29'. 11 est peu probable qu'il
faille lenir compte de la mention, datée île I tOO, qu'en
fait M. Albei't Jacouot dans son livre sui' la Musique en
Lorraine^ : il reproduit le texte, publié d'abord par
M. H. Lepage^, d'un arrêté de liené II pris contre
les mauvais ménétriers, à Bar-le-Duc; mais le ma-
nuscrit où 11. I.ep.ige avait puisé son information
(n" 189 de la bibliolhéque municipale de .Nancy) se
trouve être la copie tardive d'un original aujour-
d'hui disparu, et dont les altéiations sont désormais
incontrùlaldes. L'équivalent italien de violon, violino,
n'est pas anlérieui- à i:)62'', tandis que l'iolonisla se
rencontrerait des 1452''. Enlin, les Anglais adoptent
en lo.ï5 l'orlhogi-aiilie violon, remplacée par violin
à partir de labS*.
On a parfois émis des doutes sur l'exacte qualité
de l'instiumenl que l'on désignait alors de ces di-
vers noms. Il existe cependant à ce sujet un texte
décisif. Dans son Eidlome musical d>'S tnns, sons et
accords, en 1356, le Lyonnais Philibkkt Jamre dk
Fer consacre un chapitre à la description de l'accord
et ton du violon. Il dit, entre aulres choses : « Le vio-
lon est tort contraire k la viole. Premier, il n'a que
quatre cordes, les(iuelles s'accordent à la quinte de
l'une à l'autre... Il esl en forme de corps plus petit,
plus plat et beaucoup plus rude en son, il n'a nulle
tasie isillet), parce que les doigts se touchent quasi
de ton en ton en toutes les parlies. Hz prennent leur
(sic) tons et accords tous à l'unisson. .Vssavoir' le des-
sus pr-end le sien à la plus basse corde à vuvde. Le
bas prend le sien à la chanterelle à vuyde, les tailles
et haute-contres prennent le leur à la seconde corde
d'errrbas près le bourdon. »
On le voit, le mot violon désigne, dès ce moment,
une famille complète d'instruments, qui persistera
jusqu'à la fin dir xvii'î siècle, moment où les types
intermédiair'es s'elTaceront au profit du dessus (i"'et
2= violon), de l'alto et du violoncelle. J. Kcoiichk-
viLLE a étudié" d'assez prés l'équilibre de l'ancienne
" bande » des violons, à l'époque où DuM.^Noin la di-
rige, et où Mersenne la décrit, soit vers 1640. » Les
vingl-quatre formaient à eux seuls un orchestre divisé
en cinq par ties : dessus, haute-contri' , taille, basse et
quinte. A ces différentes voix n'était pas affecté un
nombre égal d'instrumentistes. MEnsEN.vr; indique six
dessirs el six basses, et quatre musiciens à chacune des
aulres parlies, soit moilié pour les voix extrêmes,
moitié pour les intermé iaires. Dans les états, nous
trouvons ordinairement dix dessus, trois ou quatre
haute-contres, trois ou quatre tailles, six basses et
deux qirintes. Kniin au siècle suivant, les qirintes dis-
parniss-nl et nous aurons : douze dessus, hiiil basses
et quatre parties intermédiaires... .Selon la hiérar-
chie habitirelle de celle époipre, le dessirs cor-respond
à notre soprano, la haute-contre au contralto, la taille
au ténor, et la quinte occupe la place que son re:;islre
lui désigne. .Mais si l'on en croit Mersi-nne, il n'en
élait pas ainsi dans l'orchestre des vint;t-qualr'e.
D'après l'Harmonie universelle (liv. IV des Instru-
ments, page 1S9), les violons du roi avaient placé la
quinte imrnédialeiiient après le dessus, puis, cédant
à l'habitude, ils lui avaient laissé le nom de haute-
contre. La haute contre réelle devenait ainsi une taille,
el la taille s'appelait quliite. Pour .Mersr.nne, la cin-
quième voix serait doue un mezzo-soprano écr'it en
c\ef d'ut première, tandis que pour les vingt-quatre
elle était un ténor'. . Mais — et ceci est rerrrarqiiable
— lorsque les vingt-quatre jouent en quatuor, ce nest
ni la quinte de Mersenn rri la leur qui disparaît. La
voix qui s'etlace alors est le contralto, qui est appelé
ici haute-contre, là taille. Il reste alors deux dessirs,
un ténor el une basse... On pourrait donc prétendre que
l'orchestre des violons du roi offr-e un éipiilibre har-
nroiiique assez justement semblable à celui de notre
quatuor moderne. L'ensemble des registres s'étend
sur quatre octaves envir-mr. La basse a le diapason
du violoncelle, et la laille celui de l'alto. Les ilessus
sont semblables à nos violons. Enfin, le contr.i'^i
occupe une situation intermédiaire ; il se limite v ■ s
le basau la, descend parfois au sol... Il a donc l'éti n-
due d'urre treizième et dépasse à la fois le ;;ra\.-
du dessus et l'aigu de la taille. Cette voix était-elle
confiée à un instrument particulier rappelarrt la
violetta italienne ? Ou ne sait. Le format de l'alto
a toujours été assez variable pour permettre ici
plusieurs hypothèses. "
Nomenclature des instruments
d'après MERSENNE
Uomenclalure des
24 violons
Tessiture
ê
,^-f
^g^^Mr«
Oprsm!^
*
-harjtp--rMiitpi»
_4Llintt
f
^^
1. Illustration de Sebastien Cbampier. Sijmphonia Platonis cum
Aristotple.
i. lîeproduits par Sandvs et Fouster, Hist. of the lioli/i, Londres,
1864. Hg. 47.
3. La Musique de la Chambrp et de l'Ecurie sous le règne de Fi'an-
cois/"", in Aiinf^e musicale, 1911, p. 2H.
4. Paris, t882, p. 22.
0. Les archives de Nancy, 1865.
0. Federico Sacchi, Ltt Prima Compartn drlla parola violino nei
documenti del secolo XVI. Gnzetta musicale <Ji Milano, 6 ^ept. 1891.
7. A. Rossi, cité par L. Vn.i.A?(is, Encyclopédie du Conservatoire,
p. Tj7.
8. Cil. VAN DEN Borhe:*, Les Musiciens belges en Angleterre.
Bruiclles, 1013.
9. Vingt Suites d'orchestre du diX'Sfptième siècle français, Paris-
Berlin, 1900, I, p. 03-94.
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L'insti-umenl fué, comme on l'a vu, dans sa forme
et dans son accord, quelques dérogations auront
encore lieu au cours des siècles.
Tandis que la suppression des sillets transversaux,
qui barraient le manche de la viole, permettait aux
habiles d'accroître vers l'aigu la tessiture du violon,
des niaiires timorés les rétablissaient, espérant pal-
lier ainsi It-s délaillancesde leur oreille. Dans ses In:i-
tructlons. for the Treble jio/m ', publiées en lO.ï't et sans
cesse rééditées jusqu'à 1730, John I>lavford donne
leur emploi comme facultatif, en ajoutant que les
élèves qui n'y recourent pas parviennent rarement
à jouer juste. Ailleurs encore, Henry Playford
insiste sur le fait —sujet d'ailleurs à caution ■= — que
« les meilleurs maîtres de Londres -les préconisent.
Ce système des sillets se complète par l'emploi de
la tablature, sorte de code de vulgarisation dans
lequel à chaque sillet correspond une lettre ou un
chilfre qui se trouve ainsi préciser la place du doigt
sur la corde; la lecture se trouve facilitée lorsqu'il
s'a"it d'un texte élémentaire, amenée au contraire à
un degré de complication inextricable dès qu'on
aborde di's figurations rapides etchargées. Semblable
méthode ne pouvait prétendre à une vaste dilfusion :
en lait, elle végète en Angleterre sans jamais retrou-
ver sur le continent lé succès des ancieimes tabla-
tures de luth, mortes en mcme temps que la vogue
des cordes pincées.
L'accord par quintes du violon ne lesla pas non
plus tout à fait immuable. On imagina pour reirouver
l'aisance que donnait à l'e-xécution, sur la viole, l'al-
ternance des quartes et des tierces, de la reproduire,
[ilus ou moins fidèlement. Après quoi, on chercha
dans cet artifice un moyen, non de simplifier le jeu,
mais de l'enrichir de ressources nouvelles. C'est le
violon dit^rordc ou à eorda rarallées de MKnsEXNE, la
scordiitura italienne, la Verstimmung allemande,
i/école polyphonique de Waltiieb, Wf.sthoi-i-, Biber,
devait en l'aire le plus large usage, suivie en cela
jusqu'à nos jours par Castrucci, 'Î'artini, Iîarbella,
LoLLi, Caui'Agnoli, Bkriot, Baillot, Paganini, etc. :
cliez TARTINI BABBELLA tOUl PAGANIW
BAILLOI
Mais, discordé ou muni éventuellement de sillets,
le violon n'a pas subi, dans ses traits essentiels, de
changement vraiment notable, depuis l'époque à
laquelle I'bilibebt Jamue-de-Fer nous en donne la
première description détaillée. Resterait à savoir à
qui revient l'iniliaiive des premiers instruments qui
répondent exactement à cette description : on n'a
jamais pu émettre, sur ce point, que des hypothèses
ou des affirmations risquées ■'. Sans doute, une part
dans la découverte peut être attribuée à des facteurs
de violes connus, de la fin du xV et du début du
XVI' siècle, comme Girolamo Brensio*, de Bologne,
Venturo Linaroli, de Venise, G. Kerun, de Brescia,
Pellegrino Zanetto, Morglato .Morella, Dorigo Spil-
MAN. Une légende extrêmement tenace désigne à
notre reconnaissance Gaspard Duiffoi'RUGcart : au
moins nous est-il mieux connu, grâce surtout aux
1. Deuxième parlie de An introduction to the skill of musick,
2. ApoUo's Banquet, 1600 (sixième éilition).
;î. On Irouveru des renseignemoiits détaillés sur la biographie des
facteurs d'insLrunieDtfi a l'article •• Lutherie ». Nous ne nous occu-
pons ici que <ie ce qui a trait aux origines.
4. Cf. Orillet, op. cit., I. 235; IIajdecki, op. cit., pp. o4-0i.
5. Gaspard Dtiiff'oproiicaFt et U's luthiers /yonnais rf« seizième
sièch, Paris, 18S3.
travaux du docteur Henry Coi'tagne^. A l'exception
du consciencieux (iERiiER '■ qui n'indiquait que la date
lie la naissance de Uciffoprugcart, 1.")14, et, par
allusion, son portrait dû à Woeiriot, la plupart des
biographes, Castil-Blaze, C.-B. Bernhardt, le prince
YoussoupoFF,J. Gallay, SAMDTset Forster, Beissmann",
Vidal, Wasielewsri, GaoLCiUF.T,HART, et bien d'autres,
ont suivi Choro.n etFAYOLLE^ inspirés eux-mêmes par
l.-C. BoQi efort-Flaméricourt, collaborateur de la
lîiographie Michaud. Pour ce dernier, (jaspard Duii-
Foi'RiGCART était né dans le Tyrol italien vers la lin
du xv^ siècle, avait voyagé en Allemagne, puis en
Italie, s'était fixé à Bologne au commencement du
xvi° siècle. C'est là que François I"'', venu en lolo,
pour établir le concordat avec le pape Léon X, l'avait
enrôlé dans sa suite. Installé à Paris, l'artiste, incom-
modé par le climat froid et nébuleux de la capitale,
aurait demandé la permission de se retirer à Lyon,
où il serait mort.
M. H. CouTAGNK a fait justice de ce roman : se
basant, d'une part, sur des documents inédits, de
6. Neues liistorisch-biographiches Lexicon, I, Leipzig, 1812
7. Dictionna re liisteriçucUe» musiciens, I, 1810.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON 1797
l'autre, sur une analyse serrée du beau poitrail de
DuiFFOi'RUGCART (M. 11. C. adopte l'orthof^'raphe Duif-
Foi'ROucARr, et l'on trouve encore une demi-douzaine
d'autres varianles) pur le graveur lorrain Pierre
Woeiriot, il étaldit que notre luthier naquit veis
lol4, à Kreising, en Bavière, habitait Lyon en l'i^'S
{et peut-être longtemps auparavant), reçut en I008
seslettres de naluralilé, fut expiopiié en loôt) pour
des raisons d'intérêt général, et, ne recevant aucune
indemnité, mourut dans la misère vers 1370. Ses
héritiers devaient, en réparation de cette injustice,
obtenir du roi Charles IX une rente annuelle et
perpétuelle qui leur l'ut, d'ailleurs, servie fort irrégu-
lièrement.
On a attribué à UuiFioi>nuGCAiiT un nombre assez
considéiable d'in.striiments actuellement conservés
dans des musées ou dans des collectionsparticulieres,
lyre da braccio, basses de viole, violons. Je ne l'epr-o-
duirai pas ici la critique très judicieuse que M. Col'-
TAGNE fait de ces attributions', qui semblent erronées
ail moins pour ce qui est des violons. Un autre vio-
lon de DuiFFOPRUGCART, nou connu de M. Coutagne,
aurait appartenu jadis au grand virtuose Auguste
WiLHELUJ. Du moins, VVilhklmj aurait déclaré à
E. Van der Straetun- que sou père avait jadis décou-
vert l'instrument en question dans le grenier d'une
maison sise àGeisenheini.sur le liliiii, autrefois pro-
priété de l'électeur de Mayence. Daté d'une époque
postérieure à 1500, c'était bien un violon et non une
viole recoupée. Apres réparation, ce violon avait
révélé de jolies qualités de sonorité, — mais le vir-
tuose avait perdu sa trace, et le considérait comme
disparu à jamais.
11 faut arriver à Gasparo Bertolotti, dit Gasparo
DA Salo, à Giovainii-Paolo Maggini , aux Amati
enlîn, pour se trouver en présence de luthiers dont
le travail nous soit connu, et avec qui cesse de se
poser l'irritant problème des origines.
U
EMPLOIS OU VIOLON
Pour se faire une juste idée des premiers emplois
du violon, et de la condition des violonistes à leur
début, il faut, de toute nécessité, perdre de vue leurs
succès de l'âge classique. Quelque progrès que repré-
sente le nouvel instrumenl, — si merveilleusemeiit
« au point » qu'on ne l'a pour ainsi dire pas perfec-
tionné depuis lors, — il conquiert peu de sulfrages à
son apparition, et des moins choisis. » Le violon est
fort contraire à la viole, iécrit Philibert Jambe-de-
Fer^... beaucoup plus rude en son... iNons appelons
violes: celles desquelles les gentils hommes , mar-
chantz, et autres gens de vertuz passent leur temps...
L'autre s'appelle violon, et c'est celuy duquel on use
en dancerie communément et à bonne cause .. 11 se
trouve peu de personnes qui en use (sic) sinon ceux
qui en vivent par leur labeur. »
De même, en Angleterre, à cette époque, au dire
de lord Uoger North*, « le violon était peu connu,
bien qu'il soit maintenant universel, et si d'aven-
i. Op. cit., pp. 33-42.
2. li. VAS Dtn SiRAiiiJi.s, The Rama>ice af Ihc fiddU:, iondres, 1911
p. i-
3. Op..cit. (lââS).
4. iVemoirs ofmusick. ITig. Ed. Rimbault. Lcudres, lS4i}, p. SO.
ture on le rencontrait, c'était entre les mains
d'un vielleux de campagne, à cause de sa mania-
bilité ».
Ainsi le violon joue au regard delà viole et du luth
le même personnage que jadis le rebec : on le juge
éclatant, criard, bon tout au plus à faire danser. Le
goût des amateurs va aux sonorités discrètes, voilées,
et s'effare devant ce brusque accroissemenl de puis-
sance. Tous les progrès dans l'ordre de la dynamique
sonore suscitent des réactions forc-nées : semblable
aux critiques qui, de nos jours, reprochent à Wagner
son tumulte, en plein xviu' siècle Hubert le Blanc,
l'auteur resté fameux de la Défensedela basse/le viole",
marquait encore en termes véhéments son regret des
sonorités distinguées d'antan.
Mais surtout, la technique engoncée d'un instru-
ment tout neuf, et fort diflicile en soi, faisait obs-
tacle à sa dilîusion. Rudiuientaire comme elle était,
elle le condamnait àne valoirquedans les ensembles,
où il exécutait sa partie avec moins de souplesse
que les autres dessus instrumentaux ou les voix. Quel
moyen de soutenir la comparaison avec le luth et la
viole, que leur plus grand nombre de cordes, leur
accord plus facile rendaient capables de l'orniules
ornementales variées, d'accompagnements soutenus,
voire de pièces polyphoniques, el qui, se suffisant à
eux-mêmes, conféraient à qui les jouait l'individua-
lité du virtuose'?
Instrument de ménétriers, le violon n'était pas
autre chose, même à la cour. Chez les souverains
français du xvi» siècle, il n'appartt-nait pas à la mu-
sique de la chambre, composée surtout de solistes,
ilont quelques-uns, luthisles surtout, comme Albert
DE KipPE ou Hubert d'Ksi'Alt, ont titre d'olTiciers
domestiques. Sa place était dans la bande de l'E-
curii-, dont les fonctions ont été excellement définies
par M.Henry Prl'nières'^ : « Les musiciens de l'Ecurie
jouent un rôle très ditférent de celui des artistes de
la Chambre. Ils ne font pas admirer comme ceux-ci
leur vi' tuosité individuelle, lU se produisent toujours
en troupe. Ils ne brillent pas devant un auditoire
alteiitil, mais égayent de leurs airs joyeux les fes-
tins, les bals, les joutes, les délilés. Eu un mot, ce
sont des musiciens d'orchestre, non des solistes.
« Leur vie est dure, ils accompagnent le roi dans
ses voyages continuels à travers la France. La même
année, on les trouve à Lyon, à Mce, à Marseille, à
Aigues-Mortes, à Montpellier et à Compiègne. Il est
fort probable que ces modestes instrumentistes che-
minaient le plus souvent à pied pendant que d'im-
posants sommiers les accompagnaient à pas lents,
le dos caparaçonné de luths, de sacquebules et dfi
violes. Cependant parfois la générosité du roi leur
octroyait une gratification a pour leur aider à avoir
ung cheval ». Ils pouvaient alors chevaucher tout
comme Albert de IÎippe lui-même. »
Cette condition subalterne s'améliorera quelque
peu lorsque les violons passeront de l'Ecurie à la
Chambre, à une date que l'on n'a pas exactement
déterminée, antérieure toutefois à 1582. En lftOO,on
comptera vingt-deux violons ordinaires de la Cham-
bre du roy, et, portés au nombre de vingt-quatre, ih
s'acquerront bientdt une réputation euiopéenne.
A ce moment même, aussi tard que le régne de
Louis XIV, ils seront encore tenus pour bien infé-
rieurs en dignité auxjoueurs delhéorbe oud'épinetle.
.ï. Amsterdam. 174U. Cf. M. Pinchkhle, La Conditiuiisociale des vio-
lonisles, in Revue musicale, II. 4 février 1021.
6. Op. cit., p. 3;jfi.
1798
ENCÏCLOPÈDIB DE LA MUSIQUE ET DICTJON.VAIRE DU COSSERVATOIIŒ
Ce sera insulter quelqu'un que lie le traiter de vio-
lon. « Le peu de réputation de Chabot (le duc de
Chabot) pour la bravoure, raconte Tallemant des
l'.éau:;', sa gunnserie et la danse dont il faisait son
capital, faisoient qu'on en disoit beaucoup plus
qu'il n'y en avoit... Le marquis de Saint-Luc, un jour
auPalais-ltoyal, à je ne sçais que! grand bal, comme
on eust ordonné aux violons de passerd'unlieu dans
un autre, dit tout haut : •< Ils n'en feront rien, si on
« ne leur donne un brevet de duc à chacun, » voulant
dire que Chabot, qui avoit fait une courante, etqu'on
api-ieloil Chabot la couvanti\ car il avoit deux frères,
n' estait qu'un violon. ■>
Les violons du roi ont rang de domestiques; cela
comporte un certain nombre de privilèges : exemp-
tion de ceriains impôts, émoluments irancs de sai-
sie, gratifications diverses. En revanche, ils sont
astreints à une rude discipline, surtout lorsque Lulli
les prend sous sa férule. Outre leur service régu-
lier pendant les repas, aux danses, « entrées de
villes, mariages etautres solennités etréjouissances »,
ils peuvent avo r à revêtir eux-mêmes un déguise-
ment pour prendre part à quelque ligure de ballet,
comme dans le i(!//f( île F/o»v (1669), où ils représentent
<i six hommes arfriquains,six femmes affriquaines >>,
et des naturels des quatre autres parties du monde,
ou dans celui des Doubles Femmes, dans lequel
« l'entrée fut faite par des violons habillés en sorte
qu'ils paraissaient toucher leurs instruments par
derrière' i>. Lulli lui-même, avant de parvenir aux
honneurs, avail, en l6o3 et l6o4, dansé des person-
nages burlesques de gueux grattant ses puces, de
Furie, de sauvage indien.
La mode fut bientôt pour chaque noble maison
d'entretenir une bande de violons^, ou, plus écono-
miquement parfois, d'engager des laquais à double
fin, capables de servir et de faire danser, comme ce
comte de Montbrun, « qui avait quantité de domes-
tiques pour le servir, et n'en prenait aucun qui ne
sût jouer du violon*.
On trouverait, dans d'autres pays d'Europe, d'exac-
tes répliques de cette situalion plutôt humble. Il
n'est question que de violons « appartenant » à tel
ou tel prince^, de leurs maigres gages'^, de leurs
livrées, des châtiments qu'ils encourent pour indis-
cipline, excès de boisson, des menues dettes qu'ils
contraclenl chez leurs logeurs, des leçons qu'on leur
paye en nature'', bref d'existences qui se passent en
marge de celle de la bonne société, dont il semble-
rail que l'accès leur soit à jamais interdit.
Les choses changeront à paitir de la fin du
ivir siècle, en raison du caractère nouveau que prend
la littérature du violon.
Longtemps confiné dans les obscures besognes de
1. JJîsloriettes [écrites avant IG57}. Ed. Monmerqué, P-iris, 1854,
III, p. 438.
2. M. de Marolles, cîW par J. Ei.orcheville, Vingt Suites d'or-
chestre du XVII* siècle français, P.irÏB, 1906, I, à voir pour tout ce qu'
conrerne la situation matérielle des 24 violons.
3. i;f. M. BuENET, ^t'5 Concerts en France sous l'ancien régime,
Paris. fiOO, pp. 67 et suiv.; A. Pitiivo, in Ilevue musicale, l" mai 1920,
pp. 14-16.
4. fclcoRCHEVif.iE, op. eit., p. 31.
5. Signior Raupony, belonijiny ta the prince of Vaudemont, joue à
Londres le 28 mar? 1698; E. van deu Stuaeten', The Itomance of Ihe
fiddle. Londres, 1911, p. 1,58.
6. On trouvera une mine de rcusei^jnements sur lu condition des
violonistes en Angleli;rre, particulit'rement sous Charles II, qui, féru
d'admiration pour les 24 violons français, s'applique â lopier leur
organisation, d.ms le livre de M. II. Caht he LAFoNrAi.\E, Tltc Kinij's
musiclc, n-4', Londres, Novello, s. d. (1909).
7. Cf. Maigsien, Les Artistes grenoblois, Grenoble, 1887, p. .'160.
l'orchestre, la sonaic va lui donner, en |ieu de temps'
un relief de soliste qu'il ne connaissait pas, et qui
l'égalera aux instruments jadis tenus pour nobles.
Grâce à elle, il pénétrera, par lents degrés, chez les
" honnêtes gens ». On l'y admettra, sous réserves, au
début du siècle suivant. Leckbpde l.\ ViEviLLr.écril en
l'Oo* : i< Cet instrument n'est pas noble en France...
on voit peu de gens de condition qui en jouent...
Mais enfin un homme de condition qui s'avise d'en
jouer ne déroge pas.n En 17:!S, le Mercure de France
sera obligé de morigéner les grands seigneurs qui,
non contents d'en jouer, font étalage de leur savoir
et rivalisent avec les tprofessionnels' ; « L'art de la
musique est un art libéral qu'il n'a jamais été hon-
teux aux honnêtes gens de cultiver... Mais ce ne doit
être qu'avec modération et seulement pour se procu-
rer un délassement des occupations plus sérieuses,
auxquelles nous nous devons tous, selon notre état
et nos talents personnels. Cai' c'est une erreur, selon
moi, d'imaginer, comme on le dit iei, que le violon
ait été ennobli parce que plusieurs grands seigneurs,
qu'on n'ose avec raison citer ici que par d<s lettres ini-
tiales, s'y sont adonnés ety ont réussi; ce sont, j'ose
le dire, des talents déplacés, et qui, sans contribuer
à l'honneur de l'instrument, ne servent qu'à dégra-
der ces messieurs qui sont faits pour honorer et pro-
téger les arts par leurs applaudissements et leurs
bienfaits, et non pour en faire, pour ainsi dire, pro-
fession. »
Ce qui n'empêche que la vogue du violon va crois-
sant, que les concerts privés ou publics, les acadé-
mies de province le recherchent, et que les caprices
de la mode qui lui suscitent de temps en temps des
concurrents — vielle, musette. Utile, harpe — ne peu-
vent rien contre les succès de Guignon, d'AivET,
de Gaviniès, de Viotti. 11 inspire, après la sonate, la
forme du concerto, prend une prééminence indis-
cutée dans l'orchestre symphonique et la musique
de chambre, offrant à chaque genre des ressources
considérables et toujours renouvelées.
Sans entreprendre ici l'histoire délai liée des diverses
formes où il trouve son emploi, nous étu<lierons briè-
vement son apport à chacune d'elles'".
Tout d'aliord, nous l'avons dit, le violon, aux
XVI' et xvu<^ siècles, a un rôle prépondéiant dans le
ballet. Tant que se maintient la hiérarchie entre les
instruments réputés nobles — qui sont précisément
les instruments « doux», violes, luths, ihéorhe — et
les sonorités plus éclatantes des violons et hautbois,
les inlermèdes symphoniques sont réservés aux pre-
miers, et aussi l'accompagnement des chanteurs.
Le violon régit simplement les dans''s. Mais ses
richesses ne resteront pas longtemps inconnues, et
tandis qu'en Italie il s'introduit dès Monteverdi,
Grandi, Landi, dans l'orchestre d'opéra, il s'achemi-
nera en France vers la musique pure, par letruche-
ment même des danses, élevées peu à peu en dignité,
jusqu'à se détacher parfois de la clion'graphie pour
servir d'intermèdes". J. Ecorchkville, qui a retrouvé
et publié le plus important recueil connu de danses
8. Comparaison de la musigue italienne. "
9. Mercure de France, août 1738, p. 1722.
10. Le lecteur voudra bien se re|)orter, pour plus ample informa-
tion, à l'article Formes de V Encyclopédie d'unn part, d'aulre part,
dans le présent article, au chapitre consacré à la tectjoiquc et à la
pédagogie du violon.
11. On trouvera d'autres précisions sur les danses qui s'incorporent
à la S.dte et plus tard ii la Sonate de chambre dans J. Ecorcueville,
op cit., pp. 47 à 70, et L. DE LA Laijrencie, L'Ecole française de violon
I, Paris, 192a, pp. 49-55.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON 17<i9
françaises (le l'époque (1040-1670) j(KtU(/< Suili'S d'or-
chestre du dix-Hi'.pticme siècle français. Paris, .900),
conservé à la bililiollièqne de Cassel, marque à mer-
veille ce moineiil de l'évolulion' : » L'école de I60O
ne coiinaissail pas encore ce triple partage entre la
danse propiement dite, la chorégraphie de théâtre et
la musi(|ue pure. I-a division du travail esthétique,
à laquelle le grand siècle a tant contribué, commen-
çait seulement à se faire sentir dans le domaine des
sons et des mouvements harmonieux, et Dumanoir
plaidait encore éloquemment en faveur du mariage
de la musique avec la danse. Les œuvres que le ma-
nuscrit de Cassel nous a conservées n'entrent donc
pas volontiers dans une de ces catégories où nous
sommes habitués à faire tenir les pioductions mo-
dernes. Elles se lecommandent tout aussi bien du
concert qire du bal ou du ballet; elles sont propres
à la danse en maintes occasions, mais elles convien-
nent aussi à Vauditnir sédentaire. Parfois, elles sui-
vent attentivement le mouvement des corps et des
jambes; partois, elles s'en éloignent tout à fait, au
risque de perdre toute contenance; elles tombent
alors dans l'imprécision d'une polyphonie embarras-
sée. En un mot, ces œuvres, comme les musiciens
qui les ont conçues, relèvent de la Chambre, région
imprécise, oflicielleet privée à lafois, lieu d'apparatet
de particulier, de divertissements domestiques et de
somptuosités mondaines ». L'allemande, en particu-
lier, est de très bonne heure traitée comme une
introduction orchestrale, qui module parfois, trans-
forme son thème, conclut (chez Mazuel) par une sorte
de strette. H. Quittard cite même-, dés 1619, un
fragment du ballet Tancrède dans la forêt enchantée,
où, disait le programme, « les violons sonnaient un
air mélancolique •>, s'élevanl fort au-dessus de leur
l'Ole ménétrier.
Les danses qui constituaient le répertoire n'allaient
pas tarder à s'organiser en suites, analogues à celles
que connaissait déjà le luth. L'allemande, la sara-
bande, la courante et la gigue en formeront le fond,
de plus en plus stylisées et éloignées de leur destina-
lion première. L'unité tonale y règne, parfois même
une certaine unité thématique annonçant de loin la
forme cyclique (en Allemagne, par exemple chez
Peurl, 1611). Bientôt, on tentera de grouper des
mouvements de caractères différents, alternative-
ment lents et rapides, et ce seront les premières
sonates, écrites généralement pour deux violons et
basse, par Biagio Marini, Paolo Qiiac.liati, O.-M.
Grandi, MASsimiliano NERi.Salomon Uossi,Tarquinio
Merula.
Œuvre des violonistes, destinée à offrir à leur art
tout neuf, en pleine émancipation, un libie champ
d'activité, la sonate primitive ne présente pas, jusqu'à
1700, un très gros effort d'organisation. Chaque mou-
vement en est monoihémalique, et sa puissance de
séduction vient non de l'ingéniosité des développe-
ments, mais de la suavité des mélodies, et surtout de
l'agilité de doigts et d'archet à laquelle elle s'efforce.
A peine distingue-t-on plus de gravité, une écriture
plus soignée, plus proche du style polyplionique vocal,
dans la sonate d'église, dont les mouvements por-
tent des désignalions agogiques, adagio, grave, alle-
gro, presto, tandis que lasonate de chambre emprunte
à la suite ses danses, précédées cependant d'un pré-
lude, et substituant souvent à la sarabande le grave
1. P. 45.
'i. Encyctop'^die de la musique, p. li'60.
de la sonate d'église, ou mèine Varia venu de la mu-
sique dran)atique K
Mais, dès cette période d'élaboration, à côté des
formes classiques qui s'esquissent, le violon se livre
aussi à dos recherches de viituosité pure. Nous les
retrouverons lorsque nous étudierons le développe-
ment de la technique : citons seulement Carlo Farina
et son Ciipricci') slravagante de 1627, et l'Ecole alle-
mande, extrêmement riche en virtuoses, qui va de
Matliias Kelz à Nicolas Struncb, 'l'homas Baltzah,
J.-J. Waltiier, h. von Westhoff, Heiniich von Biter
enfin, de qui les œuvres présenlent, de nos jours
encore, pour les exécutants les plus habiles, de très
réelles diflicultés. Dès ce moment aussi, on trouve,
dans la littérature allemande pour les cordes, des
suites et des sonates à rioloyiseul, sans basse d'aucune
sorte, comme celle de WESTiiOFPque le Mercure galant
publia en 168:i.
Enfin, une forme également due aux violonisies
combine heureusement, du moins à ses débuts, l'ef-
fort constructif auquel nous devons la sonate, et
l'individualisme virtuose : c'est le concerto.
De même que les mots de sonate* ou de sympho-
nie devancent largement la création des genres qu'ils
qualifient de nos jours, de même, le mot concerto
s'applique d'abord à des compositions de Gabrieli,
de ViADANA, de Melu, qui n'ont aucun rapport avec
le concerto préclassique, dont les premières ébau-
ches ne sont pas antérieures à 1680.
Les véritables créateurs du concerto sont Coreu.i
(op. 0, publié en 1712, mais composé, dit-on, long-
temps auparavant) el Giuseppe Torelli (op. 8 snr-
toul, publié après sa mort, en 1709).
Nous noterons qu'à ses débuts il hésite — comme
la sonate, primitivement conçue pour le trio — à
mettre nettement en relief le soliste. Les premiers
concertos, de l'espèce dite « de chambre •>, ne sont
pas autre chose que des trios où la basse, jadis con-
certante, est déchue de ce rôle pour laisser en pleine
lumière les deux violons.
Beaucoup plus importante est la forme du concerto
gî'osso, à laquelle tous les compositeurs du xyiii" siè-
cle, au moins jusqu'à 1760, ont apporté une contri-
bution parfois fort importante, non seulement les
violonistes comme Corelli ou Geminiani, mais en-
core des maîtres de premier plan comme Bach et
Haendel.
Dans le concerto grosM, deux groupes entrent enjeu :
l'orchestre d'accompagnement, ou grand concert (con-
cei to grosso), el le conccrtino, sélection de trois ou
quatre instnmientistes qui se répartissent l'essentiel
de l'œuvre, parfois dominés par un troisième élément,
le violon principal.
Enfin, le concerto de soliste donne à un seul violon
3. La sonate pénètre en Kr.ince assez tardivement, avec François
CoopEHiN (1692), Bkossard, J.-K. Rkbei, etc. Son iléveloppemenl ulU'-
ricur n'est plus l'œuvre des violonistes, mais cello d'-s ciavecinislf.*
et des pianistes. Lesgi-ands classiques créent une l'orme dansl.iquelle
rintér(>t miisic.il est également réparti entre le violon et le piano. Ite
ce moment, date une série ininterrompue de chffs-d'œuvr*'. Citons,
pour mémoire, après Haydn, Muz.\ut et Beethoven, les sonatei de
Mendelssi>h:«, ScHUBEar, ScncsuN.v, Brahms, Grifx, Fauré, Sthacss,
Kever, César Franck, Lerec, A. Mac.nard, Saint-SaI ns, d'Indv,De»dç9T,
Albert RoussEï-, Guy Ropautz, II. Schmitt, G. Enesco, etc.
i. Rappelons que sonaîa apparaît aux environs de 1600 pour dési-
gner la musique destinée aui itistruments à c«rdes p.tr opposition
avec la cantata. vocale, et la tnçcata réservée aux instruments à cla-
vier. Bien avant cette date sinfonia désigne un ensemble musical
analogue à celui que l'on qualilic aussi bien de concerto, sans qu'il
laiUe entendre par là rien d'autre qu'une pièce, soit instrumentale,
soit vocale, soit mixte, d'essence polyphonique, Kncore certaines
pièces en trio portent-elles parfois ces divers noms, avant 1750.
1800
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
la prépondérance absolue, l'opposant à la masse or-
chestrale, le IxiUi, avec laquelle il dialogue, en tirant
à lui tous les éléments d'intérêt, — larges mélodies,
traits brillants, cadences imprévues, — tandis que son
partenaire se borne à de brefs exposés ou à des
répétitions en éclio.
Les premières ébauches du concerto de soliste sont
dues à l'oRELLi. Mais c'est Vivaldi qui, le premier,
en fixe la forme, — et il est à remarquer que cette
forme — tripartile — un adagio encadré par deux
aUi-grù — est d'une architecture beaucoup plus f^^rme,
beaucoup plus proche des futures formes classiques,
que la sonate sa contemporaine, souvent composée
de cinq ou six mouvements.
C'est encore au violon que doivent leur naissance
le trio, le quatuor à cordes et la plupart des formes
de musique de chambre'. Enlin, son importance,
considérable dans l'orchestre dès la création de
l'opéia lulliste, n'a fait que croître, qu'il s'agisse de
la symphonie ou de l'orchestre dramatique, avec les
maîtres de la (în du xviii" siècle et des temps mo-
dernes. Après avoir analysé toutes ses ressources
techniques, Rkrlioz conclut ainsi le paragraphe qu'il
lui consacre dans son Traité d'instrumentation et d'or-
ckestralion : « Les violons surtout peuvent se prêter
à une foule de nuances en apparence inconciliables.
Ils ont (en masse) la force, la légèreté, la grâce, les
accents sombres et joyeux, la rêverie et la passion.
11 ne s'agit que de savoir les faire parler. On n'est
pas obligé, d'ailleurs, de calculer pour eux, comme
pour les instruments à vent, la durée d'une tenue,
de leur ménager, de temps en temps, des silences; on
est bien sûr que la respiration ne leur manquera pas.
Les violons sont des serviteurs (îdèles, intelligents,
actifs et infatigables.
« Les mélodies tendres et lentes, conlîées trop sou-
vent aujourd'hui à des instruments à venl, ne sont
pourtant jamais mieux rendues que par une masse de
violons, liien n'égale la douceur pénétrante d'une
vingtaine de chanterelles mises en vibration par
vingt archets bien exercés. C'est là la vraie voix fémi-
uine de l'orchestre, voix passionnée et chaste en
même temps, déchirante et douce, qui pleure et crie
et se lamente, ou chante et prie et rêve, ou éclate
ett accents joyeux, comme nulle autre ne le pourrait
faire. Un imperceptible mouvement du bras, un sen-
timent inaperçu de celui qui l'éprouve, qui ne pro-
duirait rien d'apparent dans l'exécution d'un seul
violon, multiplié par le nombre des unissons, donne
des nuances magnifiques, d'irrésistibles élans, des
accents qui pénètrent jusqu'au tond du cœur. »
La conception wagnérienne de l'orchestre, l'im-
portance formidablement accrue des bois et des cui-
vres — et l'exploitation des ressources des diverses
familles instrumentales va chaque jour s'intensifiant
— a quelque peu ébranlé la domination du quatuor
et celle du violon en particulier; il n'en reste pas
moins, pour ce qui est du présent, l'élément essentiel,
vital, en quelque sorte, de l'orchestre.
H faudrait, pour rendre compte de tous ses em-
plois, citer encore toute une littérature soliste qui vit
et se développe en marge des grandes formes clas-
siques : le solo à proprement parler, le morceau de
getire. Ses racines sont aisées à discerner : on les
trouve dans les premiers essais de Farina, dans les
Varialions vpon a yround des violonistes anglais
i. €f. article consacré à la musique tle clianibre.
ïi. Op. It), Paris, Sclioiienbcrger, s,, U., p. 33. ■
de la lin du svii" siècle. Son objet est, de toute
évidence, la conquête du public, soit par un abon-
dant étalage de virtuosité, soit par l'amorce de mé-
lodies faciles, dont la compréhension ne soit pas
obscurcie par un développement thématique plus
ou moins malaisé à suivre.
Par une assez curieuse rencontre, la pièce de
genre, en France au moins, reste pendant toute latin
ilu xvii" siècle et une notable partie du sviii" l'apa-
nage des instruments à cordes pincées : le violon
n'intervient guère que comme le champion des nou-
velles formes italiennes, sonate et concerto. On ne
s'en étonnera pas si l'on songe qu'à ce moment
sonate et concerto sont piéciséinent, pour une très
large part, des œuvres de virtuosité, de slructuie très
simple, très abordable, où l'exécutant peut briller,
dans les mouvements rapides, par la vivacité des
traits, le brillant des cadences, dans les adagios par
la qualité expressive du son et les dons d'imagina-
tion qu'exige la broderie dont il est tenu de les or-
ner. Vienne l'époque classique, où la sonate prend
une tenue plus austère, alors commencera à lleurir
la variation de virtuosité, « l'air varié " qui, de
déchéance en déchéance, cédera le pas, au début du
xix= siècle, à la fantaisie sur des airs d'opéra, faite
d'airs connus et de traits stéréotypés, sans elTort de
construction, sans rafllnemenls harmoniques d'au-
cune sorte, et telle que l'auditeur le moins musicien y
trouve son compte. Mais, à côté de ces formes dégra-
dées, auxquelles, par malheur, de très grands artistes
sacrifièrent longtemps, le siècle dernier a vu naîti'e,
parallèlement au lied romantique, des pièces de con-
texture simple, mélodies, berceuses, romances', que
des compositeurs d'immense valeur n'ont pas dédai-
gnées, tels BiîETHOVEN, ScHuuANN, de nos jours Gabriel
Fauré. Quand l'écriUire orchestrale du violon s'éloigne
sans cesse de ses bases techniques, elles ont du moins
le mérite de lui rappeler que sa plus pure gloire^ à
l'apogée de l'école classique italienne et fronçaiee
consistait avant toute chose k 'x bien chanter ".
III
TECHNIQUE ET PÉDAGOGIE*
Mon dessein est d'étudier ici la technique du vio-
lon et sa pédagogie, en m'appuyant sur l'examen
simultané des œuvres et des méthodes. On remar-
quera, une fois pour toutes, que les auteurs de mé-
thodes, pendant de longues années, nous rendent
imparfaitement compte du niveau de virtuosité de
leur temps. Jusqu'au milieu du xviii' siècle, la plu-
part visent à former des maîtres à danser ou des
joueurs de petits airs. Ceux mêmes qui s'adressent,
à des élèves plus ambitieux, comme I'ieiiimani ou
Léopold Mo/.AHT, ne leur mettent entre les mains
qu'un matériel de pratique courante, que leur ensei-
gnement oral devait dépasser sur bien des points.
C'est seulement à partir des Galeazzi, des Baii.lot,
des Spour, que la concordance devient plus stricte.
De nos jours, enfin, des Traités comme ceux de
JoACiUM, de Cai'Et, de Sevgir, de Flesch, vont plus
loin, et, poussant à l'extrême l'analyse des problè-
3. On trouverait au \vfu= feit'cli' quolques exemples claii-semiiB lii-
<;es petites pièces, uue berceuse {J\'inna tMnnti) «le Kfi«BAPi, citôe jia''
Bdrnev, (les romances (Gaviniks), mais le plus souvent (cf. Jarnowick)
>crvanl de mouvement lent à un concerto ou à une symptionie.
4. La rédaction de ce cliapitre est due uiiii[uetnenl à M. Marc Pj>"-
ciiehi.e. (N. D. l. U.)
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉOAGOGIE
mes techniques, jalonnent bien souvent les chemins
(le la virtuosité à venir.
J'examinerai successivement la tenue et l'accord
du violon, la lechniiine de main gauche, la techni
que d'archet, la double corde, certains artilices de
virtuosité acrobatique. Qu'on veuille bien n'en pas
attendre un exposé complet, ni surtout équilibré; il
a semblé préférable de sacrilier ce sur quoi toutes
les méthodes modernes tombent d'accord, pour
insister sur les points obscurs et les périodes moins
bien connues. J'ai laissé de cô(é — trille excepté —
la question des ornements qui intéresse l'interpréta-
tion, non la technique, et exigerait à elle seule un
chapitre'.
Tenne et accord du lioloii.
Tenue. — Elle n'a pas été fixée avant le début du
siècle dernier. On admet aujourd'hui que le violon
doit être maintenu entre la clavicule gauche et le
menton, qui pose sur le côté gauche de la table
d'harmonie, près du cordier; piesque horizontal, la
volute légèrement surélevée par rapport à l'autre
extrémité; la table inclinant son côté droit vers le
sol (de quelques degrés à peine, bien que Baillot-
indique «environ 45 degrés »); le coude gauche ren-
tré à l'aplomb du milieu de l'instrument; u l'extré-
mité du manche, en ligne directe du milieu de l'é-
paule gauche » (Raillot, ib.), plus ou moins déviée
de cet axe selon la taille de l'exécutant.
On trouve bien cette position réalisée aux époques
les plus reculées; même chez des joueurs de rebec, tel
celui que représente au x' siècle une enluminure du
Psautier de Notker Labeo (Saint-Gall), tel l'Ange mu-
sicien d'une peinture de Fra Angelico aux Otiices de
Florence (début du xv s.); chez des violistes comme
celui que peignit au xv° siècle un anonyme de l'école
rhénane', ou cet autre qui nous est figuré, vers IboO,
au frontispice de la Violina con la sua Risposta'^.
Mai; c'est pur etTet du hasard. On voit communé-
ment même les violonistes appuyer leur instrument
contre le milieu de leur poitrine {Tivis Musiciens de
Velasquez au musée Kaiser-Friedrich de Berlin'';
musiciens qui encadrent la page de titre des messes
àplusieurs voix d'Andréas Ham-merschmiot"). Plus libre
encore est la tenue de ceux qui illustrent le titre
des Miisx Sionx de Michel Praetorius' : l'un a son
violon à demi engagé, comme une guitare, entre son
coude droit et sa hanche, et l'on imagine la liberté
d'archet qui en peut résulter! L'autre le maintient
presque vertical, le cordier au menton, la volute à
hauteur de ceinture.
LE VIOLON isol
1. Chaque souri-e biblionrr;»pliique est citée en son lieu. On IrouTSfa
tltii roiiseignements particulièrement abondiints en se reptvtant ù
J-;, VAN DKR Straeten, Tlie H'niianCf of the fid'fle, Londres, l'JI 1 ; U^
Gustave Bkckmann, D(is Violin-spii^l in Deutschlond vor 1700, Leipzig,
1tM6; Andréas Moser, Gescliichle des YioHnspiels, Berlin, 1923; enfin
eL surtout au tome 111 du monumental ouvi-age de M. Lionel de i.a
Laubencif, l'Ecole frawaise de vtoton de Lully à Viotti, Paris, i924-
Si ces ouvrages nf sont pas plus souvent mentionnés, c'est que des
recherclies parallèles, amorçi'-es dans La Technique du riolon chez
t es premiers sbnalistes français (S. I. M., 1911 ) et poursuivies depuis,
tlevaient dans bien des cas m'ainener aux mêmes documents et aui
mêmes conclusions. Je n'ai pu avoir connaissance d'une étude de
M. Karl Gerhartz intitulée ; Ziw àlteren Xiolintechnik {Zeitsçhri/'t
fiir Musikwissenschaft. octobre 19ï!41.
■2. Art du fïo/on, Paris, 18.U. p. 11.
A. Musée Wallraf Hicbartz, Cologne. D'après Max Sauerlandt, Die
Musilc in fûnf Jahrhunderien der europaischen Malerei. Leipzig,
192-2, page 8.
4. Brescia et Ferrare. Cf. E. van der Straeten, op. cit., p. 4.
5. Sauerlandt, op. cit.. p. 87.
U. Dresde, 1G63.
7. Neundter Theil. prima vox. lc,[n.
l-es méthodes sont à peine plus strictes. D'après
John Playtord, en 16j4, •< la partie intérieure du
violon doit reposer contre la poitrine, à gauche, un
peu au-dessous de l'épaule*' ». John Lenton, en 1702,
engage l'élève à ne tenir son violon ni sous le men-
ton ni aussi bas que la ceinture, comme on le fait
parfois, (ta l'imitation des Italiens' ». Selon Iîrossard,
« pour tenir ferme le violon, on en appuyé (brtement
le gros bout où est le bouton contre l'épaule gauche,
un peu au-dessous de la joue ou jilus ban, selon qu'on
le tftjuvcra plus commode"* ». Corrette, dans son
Ecole d'Orphée (1738), admet que l'élève pose son
menton sur le violon lorsqu'il veut démancher, tan-
dis i]ue Boiti\ET l'Aillé, en 1780, l'en dissuaile". Le
plus singulier est que de nombreux traités préconi-
sent l'appui du menton à droite du cordier. Je cite-
rai, entre autres, Léopold Mozart (1736), Stéphen
Philpot (Londres, 1767), Joliann-A. Hiller (Gratz,
1795), J.-A. Fknkner (Halle, 1803). Woldemar évite de
prendre parti : " Il est iridilléreni de poser le menton
sur la partie droite ou sur la gauche du violon, puis-
que Tartim, Franz (Fhae.nzl), et Cramer le plaçaient
sur la droite, et que Locatelli, Jarnowick et Viotti
le posent sur la gauche. Cette dernière manière est
la plus générale'-.) On peut enregistrer la protesta-
tion motivée de G. -S. Lcihlein, déclarant qu'en pla-
çant le menton à droite du cordier, comme beau-
coup le font, on détermine une fausse position'^.
Mais il est curieux de constater qu'en 1831, lorsque
M'OHR expose dans sa Méthode l'invention de la
mentonnière, la figure explicative ne la place pas
à gauche du cordier, mais au-dessus, très exactement
dans l'axe du violon; et que Baillot conseille, lors-
qu'on enseigne le violon à des enfants qui n'ont pas
à leur disposition d'instrument assez petit, de leur
faire appuyer leur menton du côté de la chante-
relle''•.
Accord. — L'instabilité du diapason, pendant long-
temps plus élevé à l'église qu'à l'orchestre dramati-
(|iie, en plein xviii' siècle différent à Itome non seu-
lement de ce qu'il était à Paris, mais à Venise, devait
rendre assez délicat l'accord des instruments à ar-
chet, et les condamner à un empirisme tenace. Pour-
tant, une lois déterminée la note qui servait de point
de départ, l'accord se faisait en quintes, cela dès
l'origine. Nous l'apprenons de façon très nette de
PiuLiuERT Jambe-de-Fer en L'iaô'^.
Il se peut qu'on ait, en Italie, fabriqué des violons
à cinq cordes montées par quartes, comme Lecerf
DE LA ViÉviLLE l'affirme à plusieurs reprises"'. Déjà,
Mersenne avait émis l'idée qu'un violon à cinq cordes
« feroit peut-être quitter les ordinaires à quatre
chordes, comme on a quitté le rebec qui n'eu avoit
que trois '^ ». J'avoue n'avoir trouvé nulle trace d'un
tel instrument, et les catalogues des collections pu-
bliques ou privées restent muets en ce qui le concerne.
8. An introduction to the skill of nnisiçk. Instructions for the tre-
bîe riolin.
9. Usefut instructor of the violin.
10. Fragments mss. d'une méthode, s.d. (vers 1712), p. 12. Bibl. Nat,
Res. VmSc 1.
11. Nourelle Méthode pour le violon. Paris, s.d. (1786).
* 12. Grande ^îéthode.., pour le violon, F'.iria, Cochet, s. il, (vers 1800).
l:î. Ami'eisumi zum. Violinspielen, deuxième éd., Leipzig, 1781, p. 12.
14. Op. cit., p. 14.
15. Op. cit., p. 1)1.
10. Jtêponse a la défense du Parallèle, Bruxelles, 1705, p. 22.
Comparaison de ta musique italienne et de la musique français^, éd.
de 17:;G, in Bunn.et-Boi*delot, Histoire de ta Musique, U, 84.
17. ïlanuouie unirerselle, IG.jG, livre /V des Imt9-itmens, \i. .16^.
1802
ENCYCLOPEDIE DE LA MISIOVE ET DICl lOSNAIRE DU CONSEnVATOIliE
Tout au plus renconlre-t-on, périodiquement réin-
venté, deux ou trois lois par siècle, un instrument à
cinq cordes, accordées par quini s, qui vise à cumu-
ler les ressources du violon et de l'alto.
Scordatura. — Il arrive fréquemment, au ww siè-
cle surtout, que l'on moililie de l'açon occasionnelle
l'accord normal du violon. CVst la Scordatura des
Italiens, en alli-mand Ver'itiininiwg, en français jeu
à cordes ravallécs ou à violon discordé M. Beckmann
a sipnalé', dés 1629, chez lîia^jio Marini, le curieux
exemple de l'op. Vil, sonate 2, où l'exécutant doit
proiiter d'un silence de sept mesures pour liaisser
sa chanterelle d'une tierce, et rétablir, un peu plus
loin, l'accord normal, à la faveur d'un nouveau si-
lence. Mais le procédé est relativement peu employé
à cette époque par les Italiens; bien davantage par
Scordatura
chez BIBER
les Allemands, férus de polyphonie, que la scorda-
tura lacilite étrangement (luthistes et violistes l'a-
vaient adoptée longtemps auparavant pour ce mo-
tif). On se souvientdu récit, laissé par J. -G. Walther-,
de lafaçondont Nikolaus-.\dam Stri'nck slupéfia Co-
niîLLi en jouant sur un violon discordé. C'était mon-
naie courante en Allemagne 3. ,I.-K. Kindemian.n' en
usait ainsi, largement, en 1 633, et, de même, la plupart
des auteurs dont le chanoine Iîost nous a conservé les
œuvres, recueillies dans les trois précieux volumes
transmis plus tard par iînossABD à la Bibliothèque
lioyale', et qui vont, chronologiquement, de 1640 à
1688 environ. Mais Heinricli von Bibf.r les dépasse
tous en ingéniosité dans ses divers recueils de sona-
tes °, où il utilise un nombre considérable de combi-
naisons, telles que :
EËE
; 1 {;■ t
m- -m- \/m-
En Angleterre, la faveur de la basse de viole devait
déterminer des scordatures de violon capables d'é-
voquer son accord. On en trouve en abondance dans
le Division Violin de J. Plaïfobd^ [Readings ground) :
/«.,,
»(iti.
Les succès à Londres du Lubeckois Baltzab, maître
dans l'emploi de cet artifice, furent certainement
pour beaucoup dans sa vulgarisation.
En France, Mersbnne (1636) en constate implicite-
ment l'usage quand il écrit : « Le violon n'a que qua-
tre chordes dont l'accord à vuide est ordinairement
de quinte en quinte, »» et de façon catégorique dans
le passage équivalent de l'édition latine, beaucoup
moins écourtée, où il déclare que le violon peut en-
gendrer d'autres consonances que la quinle si l'on
touche à la fois trois ou quatie cordes, » surtout
quand on a changé l'accord initial ». 11 faut attendre
jusqu'à la méthode de Corriîtte' un exposé systéma-
tique, avec les exemples :
Après quoi, on relèvera dans les œuvies de Jean le
Maire, Bertheaume, etc., des emplois assez fréquents.
Les Italiens, de leur côté, se remeltent à discorder
parfois leurs violons. Ex. : Castrucci, Tartini, Bar-
BELLA, LoLLi. Mais c'est désoimais un procédé excep-
1. Op. cit., p. 24, et ei. 5. Sur la scor<taturc, cî. L\ Lal-resgie, op,
cit.,\\. 37, III, 19, 21, 109; Pl^cHEnl.E, op. ci(., p. 4; B«ii.i.ot, op. cit.,
p. 2:9 '^qq.; Grove, Dietionary nfmusic : scordatura, pur K.-J. I^anye ;
A. MosEii, die Violin-Skordatur, in Archiv fitr Musiku'isscusclutft, I,
4, 1919.
2. CotiELU, m Miisikalischf s Zexicott, Leipzijf, 1732.
3. Cf. J. QuANTiî, Essai d'une métïiode pour apprendre à jouer de
la flûte traversiére, Berlin, 1762, p. 330 : .. Ils (les an.i.'ns Alleniaiids)
compo.saient be.tucoup de pi< ces, où il fallait arroi'der autrement leS
violon-, (le sorte que, suivant que le compositeur l'exisreait, les cordes
étaient accordées au lieii de quintes, en secondes, tierces ou quartes.
pour pouvoir prendre d'autant plus facilement les accor.ls ; ce qui
causait, en revanche, des diflieultes très grandes dans les passages. «
4. Camoni, Sonalss, nnn, iluabus, tribus et qnaltuor violis cun)
basso generali. Cité par Beckhani, p. 49.
5. Bibl. Nat., Késcrvc Vm7 073.
C. Deukmàier der Tonkunsl in Oesterreicli, XII, 2, 1905.
7. Londres, J685. John Reakinu était un org.iniste du Winclicster
Collège.
8. Op. cit., Lii're IV des Jnsirumens, p. 181 ; éd. latine, p. 39.
9. LEcote d'Orphée, 1738, p. 39-41.
tionnel, destiné à piquer la curiosité des auditeurs.
C'est ainsi que l'entend B. Campagnoli lorsqu'il con-
sacre un paragraphe de sa méthode à l'imitation de
la viole d'amour, manière extraordinairi; d'accorder
et de jouer du violon, qui augmente le prix de l'art
parsavarii'lé^''. L'exemple musical adjoint comprend
un nocturne, nnscher^o et un finale dans l'accord (du
grave à l'aigu) la, ré, fa dièse, do d'tèse. De même,
Baillot, de Bf'riot, etc. Quant à Pagamm, écrivant
en ré majeur le violon principal du concerto en mi
bémol, en la celui des variations en si bémol Bi
tantipalpiti, il vise à rendre plus brillante la sonorité
de son violon haussé d'un demi-ton, et, non sans
charlalanisme, adonner l'impression d'une difficulté
d'intonation que l'orchestre seul, écrit dans la tona-
lité réelle, doit surmonter.
Clef. — La clef de sol deuxième ligne est, dès l'ori-
gine, employée par les violonistes. Cependant, la clef
d'ul première ou deuxième permet d'éviter les lignes
supplémentaires dans le registre grave. Les Français
en usent avant 171.'),et Mo.vtéclair, dans sa Méthode,
le leur conseille". Plus fréquente et plus caracté-
ristique est l'adoption en France, au xvir siècle, de la
clef de sol première ligne, communément appelée
clef française. Duval ose, en l'Oo, rompre avec cette
tradition, bientôt suivi par Bebel, Sewaillé, IIugue-
NET, etc. Mais Courette, dans son Ecole d'Orphée
(17381, indique toujours la clef de sol première « pour
jouer la musique franooise i> et la clef de sol deuxième
« pour jouer l'italienne ». J.-Ph. Bameau conserve
l'ancienne clef dans presque toutes ses partitions
jusqu'à l'édition de 1754- de Castor it Pollua;. Bien des
méthodes, celle même d'HABENKCR, vers 1835, en font
mention, la donnant, il est vrai, pour désuète.
Jusqu'à 1700, on comprend que les violonistes
français, peu habiles à démancher, se soient accom-
modés d'une clef qui leur permettait d'atteindre la
limite de leur tessiture à l'aigu [ut;.] sans user de
lignes supplémentaires. D'autant qu'ils échappaienl
à l'inconvénient correspondant dans le grave, du fait
de leur aversion à l'endroit de ce registre.
Les deux cordes graves, le sol surtout, longtemps
10. Leipzig, s. d. [IS21). cinquième partie, p. 3.5. Campagnoli a, d'au-
tre part, fait éditer chez Breitkopf et Hiirtel l7//wsïOH rfe la viole d'ti-
mour, sonate notturne, op. 10.
11. .Méthode facile pour apprendre à jouer du violon, Paris, l'auteur,
s.d. (1711 ou 171'J), p. 18,
TECII.VKJIE, ESTIIÉTinVE ET PÉDAfinOtE
appel(' bourdon', comme les cordes supplémentiiires
de certaines violes, avaient été iiéglifjées, à l'oiigine,
tant h l'élraiigei' qu'en Traiice. Praetorius, pai' exem-
ple, les Juf-'e impropres à donner « une liarmotiie
réfîulière'^ ». Mais tandis que de nombreuses excep-
tions se font jour, de bonne beure, chez Tarquinio
Meri'la, O.-M. Grandi, Biayio Marini, Mattias Kelz,
BMiER,J.-S. Walther, etc, cette proscription se main-
tient lon;.'temps dans les œuvres de nos violomstes.
Des reiuieils considérables, comme ceux de Véron ^ ou
de PiuLiDOR ', n'emploient jamais la quatrième corde.
.Sur les miilil's de cette réserve on peut invoquer le
goût de l'époque qui, d'après .Mersenne, " prise d'au-
tant plus cbaque instrument qu'il faut plus de varjétez
avec moins de chordes^ ». 11 est vrai aussi, et nous
avons le témoignage de IUguenet et de Lecerf de la
ViÉviLLE, que l'on n'apprécie pas chez nous les sono-
rités du grave au même degré que celles du médium
et de l'aigu. Je cite, pour sa singularité, l'opinion
émise parMARXiNELLi dans ses Lellere famiyliari c cri-
tiche : «' Dans un concert d'instruments, que l'on peut
regarder comme une espèce de conversation, les sons
aigus qui caractérisent la voi.'ide la jeunesse doivent
(donc)se l'aireentendre rarement, parce qu'il ne con-
vient pas à la jeunesse de parler trop souvent. II est
encore de la bienséance que les personnes qui repré-
sentent sacbent se taire à propos : aussi /es iom gra-
ves ne doivent pas non plus dominer'''. » Une explica-
tion autrement plausible serait la lenue défectueuse
des violonistes qui rendait le jeu sur la quatrième
corde beaucoup plus ardu que sur les autres. Quoi
qu'il en soit, la France tardera à entreprendre la
conquête du registre grave; Allemands et Italiens au-
ront déjà conçu des chants expressifs'', Si// y (Haendel,
Pori'ora) avant que nous y venions avec Gaviniès,
I?ARrnELEUO\, Vachon, Le Duc, Capron, Viotti enfin,
qui, le premier, entireiales plus beaux effets d'émo-
tion et de couleur.
Tablature, sillets. — On a cherché de tous temps
à alléger l'étude de la théorie musicale et du solfège
en remplaçant la notation traditionnelle par divers
systèmes de lettres et de chiffres. C'est l'esprit des
inventions du P. Souhaitty et de J.-J. Housseau;
c'était déjà celui des tablatures, dont chaque signe,
lettre dans le système français, chilfre dans le sys-
tème allemand, correspond non à un son déterminé,
mais à un doigté, comme on le verra un peu plus
loin. Universellement adoptée par les luthistes, la
tablature a eu chez les violonistes des fortunes di-
verses. En France c'est l'échec à peu près. complet.
LE VIOLON 1S03
Mersenne écrit : « Quant à la labl.ilure des violons
et des violes, elle n'est pas dilTérenle des notes ordi-
naires de la musique, encore que ceux qui n'en sça-
vent pas la valeur puissent user des nombres, en de
tels cbaractères qu'il leur plaira pour marquer leurs
leçons et leurs conceptions, et pour écrire des labla-
tures particulières, comme sont celles du lulh et de
la guilerre, quoy que les notes valent mieux que les
lettres'...» L'usage en est beaucoup plus répandu hors
de France. Bkckmann étudie longuement les tabla-
tures primitives allemandes, en particulier celle de
Johann Wolff Gkbhard de Nuremberg (lfil3)'. On
apprend là, entre autres choses, que la technique de
main gauche est confinée dans la première position,
et que l'on n'use même pas du quatrièrrre doigt. U va
sans ilire que la tablature n'intéresse qu'une catégo-
rie inlerieure de violonistes, aussi éloignés des virtuo-
ses leurs contemporains que peuvent être airjour-
d'hui de Saumons ou de Mary Hall les adeptes du
Tonic sol fa. L'Angleterre a cultivé avec application
le système de la tablature. Sans parler de celles qui
s'adressent au luth et à la basse de viole, John Play-
FORD en destine une au violon dans son Introduction
to the Platjing on Ihe Treble-violin '■', virrgt fois rééditée
entre 163 1- et 1730. Chaque lettre y exprime, dans
l'ordre alphabétique, un demi-ton ascendant (les
lignes représentant non une portée, mais les quatre
cordes de l'intrument) :
ïïrst string , or tretlc (chanterelle)
a b c d e f g
±i±
ti|^f^
fiMfi
Second.or small mean (la)
» \i r: ti K r ^:^f^
^m
m
pWp P ffp
etc.
Voici la transcription en tablature de l'air Mairfew
fair. Les notes qui surmontent la tablature indiquent
les valeurs rythmiques : la même valeur alfecte les
lettres consécirtives lant que l'on ne trouve pas de
nouvelle indication de rythme :
ï
i i
fi
^^^^
a a Cl C
i i
=?i
c e f
J • /
a a. a, c
-=^
<1%T-111 ^-^^rr"'"1-T^-"°^r- --TPT^ IV ^ ^1 — '-'-^-^l — ^-^^■
(^^jLîi..^j_j — u^_ ^_^j ^ -^f^ ^^j — :j_ \ — ui-
1. De riiilibert jAMtiE-DE-FeB, op. c//., 1556, jusqu'à DKMAB,A'o««e//c
Méthode de riolon, Wurizbourg, i80(J.
2. Sy'ttaijma Jlfusicnm, 1619, III, p. 12'* de la réédilîon Bkk>oi;i.li.
3. Recueil ms. Ilibl Nat. VniO 5, contient des ballets Je la plupart
des com|msileurs français, de 1661 à 1691.
4. Bibl. nal. ; Suite de danses pour les violons,.., 1712 {pièces de
LULLV, FaVIEU, PégODRT, LlLODETIE, etc.).
5. Op. cit., livre IV des Instrumens, p. 183.
6. Librement cité par F. Fayolle, Notice sur Corelli, Tartini, etc,
Paris, 1810, pp. 8-9.
7. Cf. LA Laore.ncie, op. cit., m, 106.
8. Op. cit., loco cit., p. 180.
9. Op. cit., pp. 3-7.
10. Livre H de V I ntroduction to the Skill of Musick, Londres, 16G4.
On cile ici d'après la quinzième édition de 1703.
1804
B\crc.LnptîniE ns la musique et dictionnaire du conservatoire
A l'ernpli)i de la tablalure (destinée aux violonis-
tes peu exercés) coirespond presque toujours celui
de sillets ou Trettes' qui divisent matériellement la
touche duviolon en dunii-tons, et, détei mijianU'em-
placement assigné à chaque lettre de la tablature,
donnent au doigté une absolue sécurité, sinon une
justesse inlaillible. Ces divisions étaient communé-
ment marquées, comme sur le lulh, par un ou deux
tours de corde à boyau enroulés autour du manche
aux points correspondant à chaque demi-ton; par-
fois obtenues à l'aifle d'incrustations. C'est le dispo-
sitif adopté par Martin Agricola -, tandis que Hans
Geklk', qui l'accepte pour les violes de grand l'ormat,
le proscrit pour les petites : i< Ceux, dit-il, qui sont
capables de leur ajuster des sillets, ont assez d'o-
reille pour s'en passer. »
Malgré le dangereux automatisme que les sillets
donnent au doigté, et la proscription qu'ils entraî-
nent d'effets comme le ylissando. leur usage se pro-
longe bien au delà du xvi<= siècle; Henry et John
Playfobd le préconisent', et même Tessarini, du
moins dans l'édition anglaise de sa méthode », et
F. (iEMiMANi", qui, donnant la ligure du manche de
violon divisé en demi-tons, ajoute : « Je trouver'ais
très néo^ssaire qu'un écolier fil marquer le manche
de son instrument de cette manière, ce qui doit lui
faciliter beaucoup les moyens de toucher juste. »
Kn 1769, V Avant-Coureur "> amionce une invention dfs
sieurs Turpin et GossEX-d'Amiens, pour donner plus
de Justesse à la détermination de l'emplacement des
sillets, tant pour le violon que pour les instruments
à coides pincées : si les sillets gênent, on pourra
toujours les limer et se contenter de leur trace. Une
mention, peut-être la dernière, dans le piètre ouvrage
de John Painiî*, vers 182o; après quoi, nous en retrou-
verons, hors des méthodes, une survivance obstinée
dans ces bandes de papier à coller sur la touche,
avec de belles divisions en couleur, qu'emploient
souvent encore des maîtres d'imagination courte.
Manière d'accorder le violon. — L'accord du vio-
lon est considéré de nos jours comme une opération
délicate, qui exige des débutants beaucoup d'appli-
cation et d'étude ; mais on leur demande seulement
d'affiner leur sens auditif jusqu'à percevoir l'inter-
valle de quinte par lequel est légi cet accord.
Les anciens maîtres avaient des visées plus ambi-
tieuses : comme ils déterminaient les doigtés au
moyen des sillets, de même ils rêvaient d'un mode,
ou plutôt d'une recette scientifique, qui permit à l'é-
lève de réaliser l'accord par quintes, pour ainsi dire
automatiquement. La manœuvre le plus souvent
prescrite, de Hans Gerle" à John Plavford et au
delà, consiste à monterla corde la plus aiguë « aussi
1. Anglais frels, italien tasli, allemaml Bimtle.
2. Musica Instrtimentalis Demlsch., WilUiiiiberg, 1528, pp. 16, 48
et M.
3. Musica Teusch auf die Instrument dcr grossen und kleynen
Gei/iim, 1632.
4. Henry Pi.ayford, Apollos banquet, sixième édition, IGOU : ..C'est
UDP manière de faire que l'on sait être adoptée par les meilleurs maî-
tres de Londres et alentours ». John Pi.AVFonD (o/j. eit.) restreint, il
est vrai, leur elfi.-acité a IVuseignemonl des débutants.
5. An accurate inethod to tttttnn the art of playiny ije violin, s. d.
(vers IT.'jOJ.
ti. L'Art de jouer le violon. Editiou anglaise et française (1751 -
1752).
7. 13 novembre I7(i!l. M. L HE l* Lacrekcie, op. ciY., III, p. 74,
retrouve il Reims, en 1770, ces deux riiémcs inventeurs.
A, A Treatise on thc violin : nliewing hoir tu ascertain the trne
àegreeof ttme. Londres, J. Heynolds (vers 1825).
3. 0/1. ci(., édiUon de 1537, p. 0.
haut qu'elle le pourra supporter sans se rompre ».
Puis, selon PLAYFonD'", l'accord par octaves étant
plus facile que par quintes, l'élève posera son troi-
sième doigt sur le la de la chanterelle et accordera
la seconde corde une octave plus bas. Il posera alors
son troisième doigt sur le ré (2° corde) et accor-
dera la troisième une octave plus bas. Ainsi de la
quatrième :
Sébastien de Brossard" ajoute à ce procédé celui
qui consiste à garnir le manche du violon de sillets,
et ayant mis le bourdon au sol « avec quelque sif-
flet ou quelque cloche que l'on aura remarqué ex-
primer ledit son le g ré sol », à poser le quatrième
doigt à l'emplacement du sillet qui marque le ré
quatrième corde, à accorder le ré (troisième corde) à
l'unisson, et ainsi de suite.
A l'extrême lin du xviii' siècle, Francesco Ga-
LEAZzi, de qui la technique est cependant fort avancée,
empruntera des expédients hasardeux, papiers delà
longueur de la corde à replier selon des données
mathématiques pour obtenir remplacement des
doigts, fourni jadis par les sillets ; ce qui n'évite pas
l'emploi d'un « zufoletto di legno, o di métallo detto
volgarmente Carùla'- >\ que nous appellerions dia-
pason. Le seul diapason a subsisté jusi|u'à nos jours
comme adjuvant, et il semble établi qu'un débutant-
incapable, la hauteur du la lui étant donnée, d'en
déduire celle de mi, ré, sol, sera bien inspiré en renon-
çant à la musique.
A moins qu'il n'ait recours à l'artifice naïvement
prescrit par Johann Adam Hiller'^, et qui consiste,
faute d'un bon piano à portée de l'élève, à lui faire
ch.iulcr le début Je l'hymne « \Yir glauben ail an
einen Golt ». Wir donne le ré sur la troisième corde,
glau le la sur la deuxième corde; puis l'hymne « Lobt
Gott ihr Christen », oùGutl donnera le midelachan
terelle, puis « Nun sicli derl'ag », oii sich fournira le
sol quatrième corde.
Technique de la main ganche.
Tenue de la main. — On est de très bonne heure
fi.\« sur la nécessité de ne point trop éloigner la main
de la touche du violon. Mersenne'* écrit (1036) : « 11
faut mettre les «rois doigts de la main gauche, c'est-
à-dire l'index, celuy du milieu, et l'aimulaiie si près
de la chorde qu'on veut toucher, qu'il ne s'en faille
que d'une demi-ligne qu'ils n'y touchent, afin que
ce petit esloignemeut n'empesche point la vitesse du
toucher et des tremblemens. » Un peu plus tard,
Brossard'^ : « On pose la partie du manche qui est la
plus pioche des chevilles et du sillel, et qu'on nomme
le colet, contre le pouce et le doit suivant, sans ce-
pendant trop serrer ledit colel, de manière que les-"
côtés extérieurs de ces deux doits, qui sont du côté
de la leste du violon, soient tout proches du sillet,
10. Op. cit. Directions foriunintj tite eiolin.
11. Op. cit., cba|i. III.
12. E'iemenii teorico-jrratici di mn.\ii-a , iiomv, 1701, p. 8:i.
13. Ani/'ei::ung surn VioUnspielen, tirât/, 1795. Cite par E, vAx deu
SruAETEN, op. cit., p. 254.
14. Lirre ÏY des TnsTrunicns, p. 183. La ligne vaut 2 mm. 2 i.
15. Oji. cit., p. 12.
TECIhVJQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON isor,
et que les cùtés qui sont au dedans de la main ne
touchent point an bourdon ny à la chanterelle, allin
qu'ils n'emiieschent 0 i n'altèrent poini le son de ces
deux chordes, (juiind on voudra les faire parler à
l'ouvert. » EmImi, Ci mimani apporte aux pédagogues
un piorédé qui est resté en vigueur pour obtenir le
placement lontà lait correct de la main' : « On pose
le premier doigt sur le fa de la chanterelle, le second
sur le do de la corde la, le troisième sur le sol troi-
sième corde, leqnalrième sur le ré quatiième coide.
On laisse les doigts baissés jusqu'à ce qu'ils soient
tous placés; puis on les relève à une pelite distance
de lacorde touchée ; cela l'ait, la position est parfaite. »
(j.^LKAZZi insiste- sur la nécessité de ne pas appuyer
plus (juil n'est indispensahle pour empêcher que la
viLratiou de la corde ne se commuaique à la portion
comprise entre le dojgt et le sillet, la force donnée
par surcroit est inutile, engendre raideur et fatigue.
La seule précision introduite dans les méthodes
plus récentes consiste à proscriie (Ma-Rsick) l'appui
du manche du violon au fond de la fourche formée
par le pouce et le premier doigt. Entre ce fond et le
manche doit rester un espace d'un centimètre au
moins : on évite ainsi que le pouce ne se referme sur
les cordes, au détriment de la mobilité de la main.
Il n'en allait |ias de même dans l'usage ancien, où
l'on utilisait parfois le pouce dans certains passages
en double corde :
Le pouce
=?TT
(Francœi-r aillé, arpèges
de la sonate VIII, 17lo.
Les professeurs sont presque unanimes à recom-
mander la plus grande économie de mouvements
des doigts, à l'e.xemple de Pagamm, de qui " les
doigts, toujours d'aplomb et parfaitement placés,
ne se levaient que quand il le fallait absolument'' ».
Pourtant Baillot' entend que, dans les mouvements
lents, et pendant les notes longues de tous les mou-
vements, lorsqu'un seul doigt est employé, les trois
autres soient levés, plus ou moins haut, pour leur
permettre d'articuler ensuite avec plus de netteté.
Gamme. — La main gauche placée, l'exercice le
plus élémentaire qu'on impose aujourd'hui aux dé-
butants est celui de la gamme. Les traités anciens
ne semblent pas avoir soupçonné l'importance et la
fécondité d'un tel travail. Antérieurement à Gemimani,
onne voit intervenir les gammes qu'appliquées, par
séries, à l'étude des positions du démancher. Excep-
tionnellement, quelques traces précoces, comme
dans un recueil daté de 1027, où figure cet exer-
cice^ :
fe
xn
=ë=^ <> o
^É
W^
Il est assez curieux que ce soit là précisément un
fragment de la gamme de sol majeur. Plus on moins
systématiquement, la plupart des méthodes l'ont
adoptée comme gamme-type du violon (Cesii.nia.ni,
L'abdé le Fils). Le premier, cependant, (J^lhazzis
insiste avec vigueur sur la nécessité de commencer
parelle : d'abord, parce qu'elle a pour point de départ
le son le plus grave de l'échelle du violon; et surtout,
parce que les alternances des tons et demi-Ions se
reproduisent symétriquement sur les quatrième et
troisième, et sur les deuxième et première cordes.
De même Viotti, dans le fragment aiitogiaphe re-
produit en làc-similéparHAiiENECK'. Lt Viotti aioute,
pour ce qui est du mode de travail : c< Le muitre et
l'élève Joueront celte gamme {sol) ensemble, deux,
trois, quatre lois, plus ou moins jusqu'à ce que le
pupile {sic) en ait une idée sulfisante, après quoi le
maître le laisserajoner tout seul : 1" afin de ne point
derranger {sir) son oreille encore informe, (lar deux
sons à la fois, presque jamais d'accord dans ce pre-
mier début; 2° de l'aider à soutenir et conduire
ré-ulièrement l'archet sur les cordes eu lui faisant
observer la gradation de force nécessaire ; et 3" entin
de guider ses doigts à leur propre place. »
?ositiona: A) D'aprésles méthodes. — Les théoriciens
de la première moitié du xvii= siècle connaissent
déjà la possibilité d'étendre vers l'aigu la tessiture
du violon. Mersk.nniï l'indique clairement, dans un
passage bien conim» : « Les excellens violons qui
niaistrisentcet instrument peuvent faire monter cha-
que chorde jusqu'à l'octave par le moyen du man-
che. » Et le P. KincHER lui donne une étendue de
quatre octaves, soit un emploi du sol sixième posi-
tion sur la chanterelle». En .Angleterre, où Iîalt/.ar
venait d'introduire la pratique du démancher'", John
Playford écrit, dans ses Instructions for the treble
Violin, édition de 1666 : <■ Quand vous avez à attein-
dre des notes aiguës, qui vont plus bas (vers le che-
valet) que vos sillets habituels, il faut démancher.
S'il y a seulement deux de ces notes, faites la pre-
mière avec le troisième doigt; s'il y en a trois, fai-
tes la première avec le second doigt, et les suivantes
avec les autres. » Daniel Merck donne" des exemples
précis de doigtés :
(A) i23* '' i z , -, l 3 i .î'z, i^ii^-i^-i
i. The Art of piaying on the Violin, Londres, 1731, p. 1.
i. Op, cit. (1T91), [). 90.
3. Ch. Dascla, Notes et Souvenirs, 1893, p. 10.
4. Art du vioion, p. 14 et fig. 20 à 23.
'à. Ms. allemand awon. n* 360 de la collection J. Écorchevii.le. Acquis
par le signataire de la présente étude.
6. Op. cit., p. 49.
7. Fr. HAB¥.r*ECii.^ Méthode tliéorique et pratique de violon,, F'aris,
Canaux, s. d. (vers 1840], p. 2t».
8, Loco eit., p. 179.
0. Mursui'tjia, Rome, 1650, I, p. 486.
10. Anthunv * WooD coDte (Dianj. 24 juillet 1658) arec quel Ptonne-
ment il le vit. chez Will Elus, ppomerier ses doigts jusqu'au bout de
la touche et revenir parfaitement eu mesure, « ce que ui lui ni per-
sonne n'avait encore vu en Angleterre»,
11. Compendium Musics?, instrumentalis cheîicx} Augspure, 161»::,
chap. VIII.
1806
EyCYCLOPÉDlE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Un procédé analogue se relrouve, longlemps après,
chez Te^s.vrini', qui passe sans transition de la
première à la troisième, puis de la troisième à la
septième position :
1 2 ' «^ ^?
I
- -P
De même, T. Wodiczka^, vers 1757, n'envisage que
trois principaux « démanchemenis » de tierce, de
quarte, et d'octave (deuxième, troisième et septième
positions). Beaucoup plus scrupuleux est l'ordre suivi
par(iKMiMAM\ qui, lui, donne l'éclielle complète des
sept premières positions, et- les pratique sur les qua-
tre cordes. Il note ainsi la septième, indiquant par
des noies noires celles qui sont à intervalle de demi-
ton, par des notes blanches celles que sépare un ton
entier :
II exerce aussi son élève a doigler une même note
de t'iutes les façons possibles, de façon à lui en rendre
l'attaque aisée en quelque position qu'elle se présente-
Après lui, l'ascension vers l'aigu marquera un temps
d'arrêt, du moins dans les méthodes; quand l.éopold
Mozart aborde, en 1756, la septième position, ou
L'AiinÉ le Fils, en 1761, la neuvième, il y a beau temps
que la musique pratique a défiasse ces altitudes. La
coiitrailiction la plus typique est peut-être fournie
par B. Campagnoli, qui u'énumère que onze positions,
mais, donnant dans sa méthode même <i l'Kchelle
parfecte du violon », la doigte jusqu'à la treizième'" :
f "V rrf\ v-fT'f-^^'^-
1
if
2.
y
if
f
* 1
1
1 ,
1 1
^^^^rj^i^'^-^^l-' 1' -^
—
=
—
=
=
—
=
—
—
=3
Deux remarques compléteront ce rapide exposé.
D'une pari, la deuxième et la quatrième position,
plus délicates parce qu'elles n'oll'rent pas à la main
gauche d'aussi sûrs points d'appui que la troisième
par exemple, ont tanlé à entrer dans l'usage courant.
Longtemps, Jusqu'à G. -S. Lùhlein^ (1781), et même
jusqu'à John Pain'b'^ (I82.t), la deuxième position
conserve le nom de demi-position, half-sldft, halbe
Applicatur.
D'autre part, ce que nous appelons aujourd'hui
dcmi-posilinn, le premier doigt à un demi-ton du
sillet, le deuxième à un demi-ton du premier, reste
longtemps ignoré. Léopold Mo/art, qui pourtant
connaît les doigtés par régression d'un ou deux
doigts, la main restant en place, n'en fait pas men-
tion. Et il indique comme suit :
^-nim^^
s 1 1 3
un passage qui, dans un mouvement rapide, se doig-
terait plus aisément :
±4
^
^
21 z i •. z s'r z t z i it z ■:, t.
Au contraire, I'Abbé le Fils use de celte ressource',
et doigte :
y -îf
4.
«1. tf "j- 1
:^
A-
Vg ** 9
it^
-o-
V =^
-«Ti.
— o~^
4I«-^
en ajoutant : « Tous les doigts qui servent à faire
celte gamme sont doigts d'emprunt, c'est-à-dire que
ces doigts sont employés à faire d'autres notes que
celles qu'ils font ordinairement. » Après lui, Rornet
l'ainé', Durieu', Woldeuar "^ usent de la demi-posi-
lion elen enseignent le doigté correct.
B) D'aprùs les œuvres. — A examiner, maintenant,
les œuvres, on trouve, bien avant que les méthodes
n'en portent trace, l'aftlrmalion d'une technique fort
avancée des positions, au moins chez les Italiens et
les Allemands. M.-C. von Winterfbld" cite un frag-
ment orchestral de Monteverdi, eu 1610, où les vio-
lons Jouent à la cinquième position, ou à la qua-
trième avec extension :
viol:
l. An acurale Melliodio allain tUe Art of playinrj ye Violin. Lon-
dres, Welclicr, vers IT.îO.
J. Instruction pour tes comnwmanls. Amslerd;ini, Olofosen, s. J.
;vcrs 1757).
3. Op. cit., pi. I.
■l. Op. cil. (MU), p. lli.
o. Anwrisung :mn Violin.y ielen, 2» oil., t.eipzig, p. 39.
6. A Treatise on the Violin, Lundre;, vers 1825.
7. Principes tlu Yioton, Paris, s. d. (1701), j». 5.
8. Nouvelle Méthode de Violon, P.irif, s. d. (1780).
(I. Méthode, Paris, 1790.
10. Grande Méthode, Paris, Coi het. s. d. (vers 1800).
11. Johannés Gabricli, Atlas, p. 115, Berlin, 1834.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON 1S07
La sixième est atteinte, en 1049, tlans ce trait de Marco Uccelli.m' :
^^^^
En 1701, ScARLATTi proposera au violon solo de | qui alTioiite la iiiiitiènie position, et mil, dit-on, Co-
l'orcheslie d'opéra, dans Laodiccae Bérénice, ce trait | belli en délaiit :
r Mf ^f M- i
^^i
En Allemaîïne, Matthias Kelz, dans son Epidigmn
harmonix nov.v, caripc, rar:v ac curinux (IfiOli),
monte à la sixième posiloii sur la chanterplle. C.-H.
Ahel, Westiioff, BiBER sont également adroits. Quant
à Joliann-Jacob Waltber, il n'hésite pas à se tenir
dans le re^'istie snraigu, compliquant ses traits de
Ijrisures qui impliquent l'emploi de deux cordes^ :
î, f
(V)
Fffff
rtf.f
rfî
ffffffef^f^f''f''<'f
/ Il ^ • J
1 i-.i 1 1
*~
-aaJ 1 1 i-l 1 —
^H^si:^ 1 .|,,Br--.,,n -»^^
arfg^
V
En France, on en est encoie, à celte époque (1688),
à une technique de main gauche fort modeste. Sans
doute, quelques virtuoses doivent démancher en
improvisant ou en brodant. Les textes se confi-
uentdans la première position. A partir de 1C59 (chez
M""= DE LAr.iERRE, puis chez Jean Fery Rebel, Duval et
leurs émules!, on se risque jusqu'au rù et au wtde la
chanterelle. Enfin, en 1716, nous trouvons chez Se-
NAiLLÉ (sonate X du troisième livre) une progression
qui atteint la septième position :
■fe"it r*~* LLp
Le premier chez nous, J.-M. Leclair l'aine saura
écrire des traits qui utilisent trois cordes dans des
positions délicates comme (sonate III du premier
livre, 172.'$) :
Désormais, l'Ecole française se montrera particu-
lièrement hardie en matière de figurations sur plu-
sieurs cordes aux positions élevées. On en peut juger
par ces traits de Glillemain (premier livre de sonates,
son. H, 1734) :
1. Cf. BtCKMASN, Das Violinspiel por 1700, Berlin, Sinirock, cahier I des eiemplcs musicaux.
2. Hortulus cheliciis, sonate XXIV, .Mogunti.T, 16S8.
1808 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIO.W.VAJRE OU CONSERVATOIRE
ou, même livre, sonate XII
-6-
m^^^^^
Cet art sera porté à son summum dans les œuvres I Lacrencie', où Ton trouve {Matinres, 1800) des écarts
de Gavimès, mau'istralement étudiées par M. dk La | et des croisements de doigts tels que :
(2" corde) (^'corde)
Pour ce qui est de l'exploitation systématique du 1 ne pourra, pour cause, dépasser. Ex. (caprice qui
registre suraigu, les Italiens, dés ll'^'^, avec l'op. III suit le U° concerto) :
de LocATELLi, atteignent des hauteurs que Paganini j
De même, les sauts brusques du grave à l'aigu, et vice versa (même op., concerto XII) sont d'une
virtuosité difficilement surpassable :
m
mm Mm
On verra plus loin (arpèges) comment Locatelli
pratique couramment les extensions les plus har-
dies.
Contre cette prépondérance du registre aigu, sou-
vent irritante pour l'auditeur, quand l'exécution n'é-
tait pas conliée à un I.ocatelli ou un (^uillemain,1îol-
liolid-Mermet proteste avec quelque aigreur dans son
mémoire De la Corruption du Goust dans la Musi-
que Françoise^. Et J. Quantz^ ne marque pas moins
énergiqueraent sa réprobation : '■ Ils (les joueurs de
violon italiens) cherchant la plus grande beauté où
elle ne se trouve pas, sçavoir dans la hauteur la plus
extrême, au bout du manche ; ils grimpent toujours
dans la hauteur comme les lunatiques sur les toits,
et négligent en attendant le vrai Beau, privant l'ins-
trument de sa gravité et de l'agrément que les gros-
ses cordes sont capables de donner. »
L'assouplissement de la main gauche (indépen-
damment des harmoniques et des doubles cordes
dont il sera questiori plus loin) n'est cependant pas
au bout de son progrès. Lolli développe la pratique
de .l'extension dans des traits comme :
Accord
8
(Sonates à deux violons, op. IX, vers ImQ-SO) ;
le démanché sur une seule corde :
8.
(Ibid., fragment intitulé « Russa »).
La quatrième corde, en particulier, si longtemps
proscrite de façon même épisodique, se voit confier
des phrases chantantes et des traits de virtuosité :
Sur ta 4-'T' corde.
^ifj^ jjji I j^ ^ I uj:j Cj- 1 ^■^
éd.*
(Ibid., allegretto de la sonate 2.)
1. Op. cit., Il, 317-332,
2. Lyon, 1740. Sur ce ménoire, cf. I.éoii Vaii.»!, La .Vusique â Lyon au dix-huittème d'C'e, Lyon, ISots.
3. Essai d'une Méthodey etc., Berlin, 1762, p. 3tîj.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON 1809
On trouverait dans l'Kcole franraise de la même
époque, chez Gaviniès, Le Duc.Capron, Vaghon, l'abbé
HoBiNEAii, des emplois analogues, au moins dans les
chants soutenus'. Depuis lors, B. Gampagnoli, dans
sa méthode précitée (1824), a consacré à ce genre de
difficnlté, qu'il appelle jeu à monocorde, trois pages
d'études d'exéculion transcendante. Les prouesses
de Paganini sont bien connues ; là, comme en tant
d'antres domaines, on doit reconnaître les mérites
évidents de plus d'un devancier. Parmi ses succes-
seurs, H. WiENiAWSKi esl de feux qui ont usé le plus
largement des ressources de la quatrième corde,
comme dans ces deux passages de la Fantaisie,
op. 20 :
Sul G 5._
.JTT^,^|£^
Sul G-
Une autre complication de la technique de main
gauche intervient à partir de l'époque 1730-1740, où
l'on commence à se risquer hors des tonalités de
tout repos dans lesquelles les écoles précédentes
restaient confinées, tonalités fortement appuyées sur
l'accord à vide du violon, avec un maximun de trois
bémols ou qualre dièses à la clef. Les .Italiens Cas-
TRUCi (dans son op. Il), Locatf.lli (op.VlIl), en France
l.-.Vl. Lfxlair l'ainé, dans ses derniers livres de sona-
tes, n'hésitent plus à employer en modulant, même
dans l'allegro, des mi dièse, la dii'sc, si dièse, rè bémol,
sol bémol. Mais il appartiendra aux grands classiques
allemands, moins violonistes que pianistes, Beethoven
surtout, d'imposer couramment à l'exécutant l'em-
ploi des tonalités les plus accidentées. .\près quoi
Spohr, par un usage systématique du chromatisme,
stabilisera pour un temps celte nouvelle technique.
Elle se trouve insuffisaute, à la fin du siècle dernier,
où l'évolution harmonique accélère son mouvement,
où la modulation devient de plus en plus souple et
fuil, autant qu'elle le peut, les formules toules laites.
Après le Poé/n? de Chausson, éciitpour la plus grande
part en mi bémol mineur, la musique de chambre ou
les traits d'orchestre de Dercssy ou de Strauss, on
conçoit qu'un matériel pédagogique nouveau de-
vienne nécessaire. D'où les études d'intonation de
Chaumont, Parent, Herwegh, celles d'Arnold Drilsua^
qui proposent aux apprentis des assouplissements
tels que:
Pédagogie. — On a vu, dans ce qui précède, se des-
siner une pédagogie du violon, en ce qui concerne
la main gauche. 11 n'est peut-être pas inutile d'en
distinguer plus clairement les phases.
Pendant une première période, assez longue, qui
va jusqu'au milieu du xviii» siècle, les traités se con-
tentent d'envisager les éléments techniques qui se
peuvent rencontrer dans 'les pièces ou les sonates
(gammes, traits, arpèges), d'en passer en revue le
plus grand nombre possible, d'en approvisionner
l'élève pour qu'en toute circonstance il se retrouve en
présence de fragments familiers d'un puzzle maintes
fois démonté.
Beaucoup plus intéressante est la pédagogie de
Geminiani, lorsque, au lieu de soumettre platement à
l'élève le trait qu'il devra ressasser, elle pose, si l'on
peut dire, la question comment, et fixe une méthodo-
logie vérilable. .Nous avons déjà donné l'exemple typi-
que de sa façon de placer la main du violoniste dé-
butant, en imaginant un accord de quatre notes qu'il
ne s'agit nullement d'exécuter, mais qui est là comme
un guide, un contrôle, et un assouplissement. La
I. Li UuBENCiE, op. cil., III, 106-107.
1. Moderne ToJiladder en Accord-œ feninrjen, Amsicrd^m, s. d. (iOiT>)^
n rJ. L'ouvrage de M. Herwegh, Le Pupitre du Violoniste musicien.
Caris, 1323, étudie de très près ce genre dt difticullé.
même conception a dicté à Tartini la fameuse lettre
adressée de Padoue le 3 mars 1760 à .Maddalena
LoMBARDiNi, plus tard -M"': de Sirmkn ' : <. ... A l'égard
de la main gauche, et du manche, je n'ai qu'une
élude à vous recommander, elle renferme toutes les
autres, la voici : prenez une partie de violon quel-
conque, soit de piemier, soit de second, d'une messe
ou d'un concerto, tout est bon. Posez la main, non
pas à sa place ordinaire, mais à la demi-position
du démanché (2= position), c'est-à-dire, le premier
doigt sur le sol de la chanterelle, et, tenant la main
toujours dans cette position, jouez toute votre par-
tie sans jamais changer la main de place, à moins
que vous n'ayez à toucher le la sur la quatrième ou
le ré sur la chanterelle; mais remettez-vous tout de
suite à votre demi-position, et jamais à la position
naturelle
Même procédé, aux troisième, quatrième, cin-
quième positions : on conçoit la fermeté et la netteté
d'intonation qui peuvent résulter d'un tel travail. A
telles enseignes que Viotti, pour l'exécution même,
observait cette sage économie de mouvements'.
i. Publiée en 1770 dans l'Europa litluraria, V, 2. p. 7+, Ir.iduite ca
1773 dans le Journal de musique. M. Cli. Bouvet l'a reproduite el ctni-
mcntée dans Une Leçon de ùiuseppe Twtini. Paris, l'J18.
4. Cf. Baillot, op. cit., p. 146,
ll'l
1810
ENCYCLOPÉDIE DE LA MIISfQUE ET niCTIONNAIRË DU CONSERVATOIRE
On a clierclié depuis plus d'un moyen de systéma-
tiser el de simplilier l'étude des positions et du pas-
sage de l'une à l'autre. La liltéiature de ce sujet est
considérable. Je citerai seulement, comme l'un des
plus curieux, le système analogique enseigné par Bi>
DRiCB VoLDAN au Conservatoire de Prague, et exposé
dans sa Nnitvelle Ecole des positions'. Il est basé
sur le fait que, pour une mélodie déterminée, cha-
cune des positions élevées reproduit strictement le
doigté d'une des positions inférieures. Kt, se repor-
tant au tableau ci-après, on constate que le fragment
de gamme joué à la première position sur les cordes
ré, la, mi (D, A, E) se doigte de façon identique à la
cinquième position sur les cordes so/, ré, la (G, D, A).
Même rapport entre la deuxième et la sixième posi-
tion, la troisième et la septième, la quatrième et la
huitième, etc. Ayant apris un exercice facile à la pre-
mière positioii, l'élève le reproduira facilement à la
cinquième, l'oreille aidant, puisque le ton, la tessi-
ture, le doigté restent les mêmes :
iH'position
Supposition
2T=position
exposition
Le procédé et les déductions qu'en tire B. Voldan
peuvent être discutés, maison voit là l'ordre des re-
cherches vers lesquelles s'orientent bon nombre d'é-
ducaieurs. A l'étude des positions se rattache encore,
mi-technique, nii-esthétiqne, celle du doigt-guide,
dans le démanché. On a fort justement remarqué
que tout changement de position s'exécute avec une
fermeté beaucoup plus grande si l'on adopte comme
guide le doigt qui se trouvait sur la corde immédia-
tement avant le démancher. Je ne puis que renvoyer,
pour plus de détails, aux ouvrages de D.-C. Dounis^,
et surtout de Cari FLEsca\ de qui VArt du Violon,
combinant les données de l'enseignement pratique
français (Flesch est premier prix du Conservatoire
de Paris et se réclame ouveitement de l'Ecole franco-
belge) et les résultais des recherches de Klingler,
Steinhausen, a. von deh Hova, etc., semble le seul
équivalent moderne de l'admirable Art du Violon de
Baillot. Au sujet du doigt guide, il faut remarquer
que le glissando n'est pas aulre chose que la mise en
évidence de cet artifice, plus ou moins striclement
employé : on peut, pour des raisons d'accentuation
ou d'expression* qui dépassent le cadre de celle
étude, poser sur la corde avant de démancher, et
utiliser comme guide le doigt qui jouera la note ter-
minale (ex. B). Ainsi procèdent assez souvent les
<lisciples d'AuER :
Corde deS-
Il faudrait, pour être complet, insister plus qu'on
ne peut le faire ici sur une catégorie d'ouvrages qui,
délaissant délibérément l'élude de tel ou tel élément
mélodique ou harmonique pris comme tel, ne le con-
sidèrent qu'en fonction de sa valeur gymnastique.
C'est ainsi que le travail des doubles cordes flguie,
à titre d'assouplissement, dès les premières leçons,
dans plus d'une méthode moderne; que les études
chromatiques (extrêmement développées dans l'en-
seignement de Sevgik) sont employées moins pour
affiner le sens auditif que pour affermir la main; par-
lant de cette constatation que le doigt qui se porte
en glissant d'une note à une autre doit appuyer sur
la corde avec force, Pierre Marsice a écrit toute une
série d'études qui ne sont qu'assouplissement^ :
0 J 3
S î
2 Z
î 2 1 1
1
1 1
1
1 2 1
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5 3 5
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^
1. Nova Skola poloh, op. 14, Prague, Neubert, 1924, texte en tchèque,
serbe, anglais eL allemund.
' 2. La Technique d'arlisle au rto'on, Leipzig', s. d. (1021).
-■ 3. D\e Kunst des Violinspiels, Berlin, t92:i.
4. Déjà Baillot, op. cit.t p. 140. et suivanlcs, distingue : l" le daîglê
le plus sûr; 2« le doigté le plus facile pour les petites mains; 3" li;
doigté expressif, caractéfistique de chaque auleur, et que l'on doit
s'elVorter de reproduire en eieculant ses œuvres.
5. Eurcka, Mécanisme nouveau, Paris. Fromont, lOOG.
TECIIMÇUE. ESTHÉTIQUE ET PÉnACoGIE
LE VIOLON isll
Encore plus neltement gymnastiques sont les for-
mules des Urstudieii' de Flesch, faites pour être tra-
vaillées sans archet (les notes blanches représentent
les doigts qui restent fixés sur les cordes, les note
noires, les doigts mobiles) :
tmias
"frrf
ou ses exercices de démanchés, avec glissando aller
et retour :
*
I^X^X"
^ ^ ^ '
o y \, o
bS-'
Les recueils de S.-Joachim Chaigneau -jd'Hi'.RWEfiH ',
pour ne p trier que des plus récents, contiennent des
exercic'-s analogues : par leur forme ramassée et
schématique, ils se situent, on|le voit, à l'opposé
des non moins célèbres travaux de Sevcik ou de
ScHRADiECR, OÙ soul épuisées toutes les modalités de
chaque problème technique envisagé.
On trouve l'aboutissant extrême de cette tendance
dans les précis de gymnastique digitale sans ins-
trument, dfstiriés à c< faire les doigts » du virtuose on
de l'éli've avant qu'il n'aborde ses éludes musicales
quotidiennes*^. Des machines ont même été créées
pour procurer en un minimum de temps un maxi-
mum d'assouplissement ou de dislocation des mus-
cles : telles celle du Kusse Ostrowski, ou VOrhylacli/l
de l'ingén'eur Rétif. Les doigls s'y trouvent pris
dans di's gaines fixées à des leviers auxquels on peut,
au moyen d'un volant, imprimer des mouvements
d'ampleur et de rapidité variables. Ainsi, résultat
attrislaiil, mais réconfortant aussi pour l'avenir de
la musique, on peut, pour ainsi dire, assurer mécani-
quement la vitesse et la souplesse de la main eauche,
taudrs q le sa justesse n'a pas trouvé, jusqu'à ce jour,
d'autre adjuvant que le pauvre système des sillets.
I.'archet.
Tenue de l'archet. — Il est peut-être opportun de
rappeler- que l'archet, dont la longueur est acluellc-
menl fixée à 0",72, n'atteignit ses proportions et
son équilibre définitifs qu'à la fin du xvrii" siècle,
grâce aux recherches conjuguées de Tourte et de
J.-B. VroTTr. Jusque-là, son poids, sa longueur, sa cour-
bure ne cessent de varier, partant d'une forme très
1. Ur^tudien fur Violine, Berlin, s. d.
2. Aperrux moiern^s sur l'art d'étudier, Paris, Eschig, 19i4.
3. Op. cit.
4. Cf. G. l);;\iENY, Ph!jsiotfï!ji'^ dm profe.^sioiïs. L^_ Violoniste, Paris,
Maloinp, l'*05. G'-Ul' question conipurte en AllenKigne une littérature
extrèmi^ment abondante, dont on trouvera la bibliographie dùtailléc
dans \V. Ti.ENDELENmmc, Die Naturlichen Gruiidlagen 3er Kunst <i<s
SlreiclÙHSlru'ueiilapieU, Ueû'ia, 1925. -
arquée, ramassée, lourde vers le talon, la pointe effi-
lée ert tête de brochet, et fort légère, pour s'allon^^er
progressivement, mais de façon tout empirique.
Merse.nne= note, à propos d'un'archet de basse, « il
importe fort peu qu'rl soit plus lorrg ou plus court,
pourvu qu'il soit propre à toucherles cordes comme
il faut pouren tirerrharraonie, » et, parlant de celui
qui accompagne une pochette sur une des figures
de son ouvrage « : « J'ay fait son archet fort grand,
afin de faire remarquer que les archets sontd'autant
meilleurs qu'ils sont plus grands, pourvu qu'ils tic
soient pas incommodes. » On nous dit" que, vers 1700,
l'archet de sonate, celiri dont se servaient les Italiens
sur lesquels s'émerveille l'abbé R.\guenet», n'a que
O^.OI, et que l'archet ordinaire, dont se servent les
maîtres à danser, est encore plus court. .Soit, à con-
dition d'admettre des exceptions, dues précisé-
ment à l'empirisme de cette branche de la luthexie
pendant les deux premiers siècles de l'histoire clu
violon.
La tenue de l'archet est, encore aujourd'hui, objet
de discussions. Dans l'ensemble, elle obéit cependant
à des principes acceptés par tous, et qui semblent
fixés bien avant ceux qui régissent la tenue de la
main gauche. Le violon n'est pas encoi'e créé, que
des monuments figurésdu moyen âge et delà Renais-
sance nous montrent des joueurs de viole à cet égard
tort corrects : tel celui que nous représente un ivoire
du xiri= siècle conservé au Louvre', ou ceux de Fia
Angelico ou du Pérugin au xv= siècle '", anges musi-
ciens au poignet délié, au coude correctement rap-
proché du corps, sans exagération ni contrainte, aux
doigts inlléchis selon les bons principes.
Là encore, les premières méthodes se contentent
de directives sommaires, beaucoup moins explicites
que les toiles des vieux maîtres. Pour John Plav-
ford",(( l'archet est tenu de la main droite, entre
l'extrémité du pouce et des trois premiers doigts, le
pouce posé sur les crins et la hausse, les trois doigls
sur la baguette ». Nulle question du petit doigt. Da'-
niel iMerck, en 166.'), est encore plus simpliste ; il
s'en remet au génie de l'élève.
;i. Op. cit., p. 193.
11. /bid., p. 185.
". Sandvs et FuRSTBn, Tlw Bistorij of Ihc vioUa, Lmulres, 1^64,
ii. i;i9. Cf. aussi HiWKins, A General Uistorij ofmu.iic,\,ùDiires, 1853,
il, p. 783; Pi.\CHERi.E, op. cit., p. 20; M. L. (imii.sAvEci, i 7/i/ '/»'"-• •'ù
i iulon et du,i:ijloncelie, Paris, 191Û; H. SAi.\i-GEûn.;E, Tke iiom, Lon-
dres, 1909. . . .; : ;. ;, , •. : i,
8. l'arallèle des Italiens et des Franrais, Paris, ITO^^ipillît.
9. Cote A. G. 2029, , ,• .;
10. Mai SAUEnLANuT, op. ci/., pp., 30-3li. . . . .;
0_i. ci:., é d. 163t.
1812
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Il y a cependant, dès cette époque, deux écoles dif-
férenciées, Tune franco-allemande, l'autre italienne.
« La plupart des violons d'Allemagne, écrit G. Muf-
fat', pour joiier les dessus ou les parties du milieu,
tiennent l'archelet comme les François en serrant le
crin avec le pouce, et appuyant les autres doits sur
le dos de l'archet. Les François le tiennent aussy de
même pour jouer de la basse; dont les Italiens dif-
férent pour les parties d'en haut, ?;eî(gM'i7s(i(; touchent
point au crin. » Ainsi, les premiers règlent au moyen
du pouce la tension de la mèche; les autres négli-
gent cette ressource, vraisemblablement parce qu'ils
ont déjà bénéficié des perfectionnements successifs
de la hausse : crémaillère, puis vis intérieure de rap-
pel. Toujours est-il qu'en 1738 Corrette, dans son
Ecole d'Orphie, fait encore état de ces dilïérences de
tenue. 11 accompagne la figure (lig. 040)
du commentaire suivant- : « Je mets icy
les deux manières dill'érantes de tenir
l'Archet. Les Italiens le tiennent aux trois
quarts en mettant quatre doigts sur le
bois A, et le pouce dessous, B, et les Fran-
çais le tiennent du côté de la hausse, en
mettant le premier, deuxième et troisième
doigt dessus le bois, C, D, E, le pouce
dessous le crin F et le petit doigt à costé
du bois G, Ces deux façoiis de tenir l'Archet
sont également bonne (sic), cela dépend
du maître qui enseigne. »
Le premier en France, l'AiiBÉ Le Fils^
définit en termes clairs une position tout
à fait correcte : «Il faut poser le bout
du petit doigt sur la partie de l'archet
qui. tient à la Hausse; l'Index doit être placé de
façon que l'Archet se trouve au milieu de la seconde
phalange de ce doigt, lequel, pour avoir plus de force,
aoit être un peu éloigné des autres. Le Pouce doit
feire vis-à-vis le doigt du milieu et soutenir tout le
poids de l'Archet. » L'Ecole italienne persiste long-
temps à tenir l'archet assez loin du talon. En 1824,
B. Campagnoli' prescrit que le petit doigt se trouve
« la pointe vis-à-vis de la hausse « ; la figure qui
illustre son texte montre, en effet, le seul petit doigt
au niveau du bord interne de la hausse, les autres
réposant seulement sur la baguette, bien en deçà.
La tenue considérée comme classique de nos jours
a été définie par Lucien Capst^ : la main posée « de
façon à ce que la baguette passe tout près de la
deuxième phalange du second doigt (index) et abou-
tisse sous le cinquième doigt (auriculaiie). Placer le
premier doigt (pouce) en face du troisième (médius);
ces deijx doigts devront être comme un anneau lixe,
pu point central, autour duquel les autres doigs évo-
lueront. »
' Dans l'application, quelques différences àsignaler :
les Allemands do l'école de Joachiu ont tendance à
moins engager l'index sur la baguette (le contact
s'élahlissant à la jointure des première'' et deuxième
phalanges), tandis que les. Russes, élèves d'AuER
(ËLMAN, IIkifetz, etc.), enroulant pour ainsi diredavan-
1. FLorilerjxum serundmn, Passju, Itii'S. Première observation de
l'aulheur ; V. De la manière de conduire l'archelet.
2. Ecole d'Orphie, ch. u, p. 7.
3. Op.ci». (17611.11. 1. Upji.LéopoldMo/.Ain, clans SI |.tm/iorf<' {17.10),
avait d'jrintî des pclaircissements à \ie\i prés analogues. Tandis que
(ÎEMIMANI, excellent guide pour ce qui est de la conduite d'archet, ne
dit presque rien de la façon dont on doit le tenir.
l. Op. cit., i' partie, p. 2.
5. La Technique supérifure de l'archet, f^aris, I9iii, p. 9.
6. Frc miëre en conimençant par rexlréraité du doigt.
tage leur main, font passer la baguette sous la troi-
sième phalange de l'index. La tradition franco-belge
tient ici la moyenne entre ces deux extrêmes.
Maniement de l'archet. Rôle des diverses articula-
tions '. — Dans ses intéressantes liiHc.iÀunf. sur la j/u/sj-
(y!(e*, BuiJON faisait remarquer l'inditTérence de la plu-
part des méthodes à l'endroit de l'archet, alors que les
grands artistes « n'ont une exécution supérieure que
parce qu'ils ont senti de bonne heure cette vérité »
que, de l'archet «dépend toute l'expression du jeu».
Le fait est que, jusqu'à 1750, la conduite d'ardiet (non
point l'alternance des tirés el poussés, réglée au con-
traire avec minutie, mais la meilleure utilisation des
articulations du bras et de la main qui tient l'archet)
est à peu près passée sous silence. On s'en tire géné-
ralement comme fait Corrette dans son Ecole 'l'Or-
phée (1738) : « Pour tirer du son du violon, il faut
tirer et pousser de grands coups d'archel, maisd'une
manière gracieuse et agréable. »
Encore une fois, cet escamotage ne signifie pas
que l'on ne se soit pas avisé de bonne heure de cer-
tains principesessentiels. Si les violonistes négligent
de les formuler tout au long, Jean Mousseau, plus
méticuleux, donne aux joueurs de viole de gambe
des directives intéressantes, malgré la gaucherie
de l'expression : « Pour conduire l'archet, il faut que
le poignet soit avancé en dedans, et, commençant à
pousser l'archet par le bout, le poignet doit accom-
pagner le bras en obéissant; c'est-à-dire que la main
doit avancer en dedans, et quand on lire il faut porter
la main en dehors, toiijours en accompagnant le
bras sans tirer le coude ; car on ne doit pas l'avancer
quand on pousse, ny le porter en arrière quand on
tire''. »
Au milieu du xvin« siècle, dans la même décade,
Geminiani, Léopold Mozart, I'Abdé Le Fils'' édictent
enfin des règles que les modernes ont continué d'ap-
pliquer, plus ou moins stiictement. La meilleure
rédaction est peut-être celle de I'Abbé Le Fils" :
(< L'archet doit être tenu avec fermeté sans cepen-
dant roidir les doigts, toutes leurs jointures doivent
être au contraire fort libres, en observant cela, les
doigts feront naturellement des mouvements imper-
ceptibles qui contribuent beaucoup à la beauté des
sons; le poignet doit être aussi très libre, il doit
conduire l'archet droit, et le diriger toujours sur les
ouïes du violon. L'avant-bras doit seulement agir et
suivre le poignet dans toutes ses opérations, le bras
proprement dit ne doit se prêter que dans les cas
où l'on employé l'archetd'unbout à l'autre; le coude
doit toujours être détachédu corps. » Quelques an-
nées plus tard, on rognera sur cette dernière tolé-
rance : Italiens et Allemands surtout exigeront l'im-
mobilisation quasi complète du bras. Galeazzi '-, qui
entre dans le plus grand détail, veut (jue la main,
l'avant-bras et le brasdroitsoient sur un même plan ;
il admet'quelques déplacements de haut en bas ou de
bas en haut, à la condition que le mouvement ait son
origine dans l'avant-bras et non dans le bias. Campa-
7. Nous nous en tenons ici à l'analyse des Méthodes. Pour l'examen
physiologique du mécanismed'arehet.on en trouvera les éléments dans
(j. Demksy, op. cit. ; J. Lai.lemenf, La Dynamique des instrumenta à
archet, Paris, 19:15, et surtout W, TnENDKLEMiUiu;, op. cit., qui fournit
la bibliographie à peu près exhaustive de la question.
8. Paris, 17G3, p. U.
9. Traiti' de la Viole, Paris, 1(JS7, p. 33.
10. Op. cil.
11. Page I.
\i. Op. cit., 1701, p. 93.
TEC/JNIQVE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON 1S1!
TABLEAU GÉNÉALOGIQUE DES COUPS D'ARCHET ( D.C.Dounis)
Détaché^simple Détaché accentue
Sautillé
Legato
Coup d'archet jeté
GNOLi' imaf^ine Je fixer le
bras (le l'élève par un cordon
enroulé au-dessus du coude,
et attaché à l'autre extrémité
à un bouton de son habit.
Ainsi, Léopold MozARtrecom-
niandait, loisqu'un débutant
n'observait pas l'immobilité
prescrite, de le placer le bras
droit contre un mur : « Quand
il se sera cogné le coude en
tirant l'archet, il apprendra
à le faire correctement'. »
Ainsi, encore, quelques attar-
dés placent sous le coude de
leur élève un livre qu'il s'agit
de ne pas laisser tomber.
D'où, immanquablement,
contraction et raideur du poi-
gnet et des doigts. 11 faut
remarquer que les Italiens Staccato volant
tenant leur archet, pendant
tout le xvnr siècle, assez
loin de la hausse, ne l'em-
ploienl pas dans-son entier.
Galeazzi le dit expres-
sément^ : à la
hausse, le son
serait trop bru-
tal, à lextrf'me
pointe, il serait
trop faible, pres-
que nul.
Staccato sautillant
Les travaux contemporains sur la conduite cVarchcl
sont trop nombreux et trop développés pour que
nous puissions en donner même un résumé. Force est
de renvoyer noire lecteur aux ouvrages déjà cités de
Capet et de Flksch, qui ('étudient avec une admi-
rable perspicacité. Constatons seulement que l'iicole
allemande qui, vers 1850-1880, préconisait une tenue
d'archet du bout des doiiîts, les doigts raides, toute
la souplesse dans le poignet, le coude très abaissé,
semble perdre du terrain : les franco-belges accor-
dent plus de souplesse aux doigts et plus de liberté
au bras, que certains virtuoses tiennent dans un plan
rapproché du plan horizontal. De graves controverses
les divisent encore sur la question de savoir si l'on
doit, en certains points du trajet de l'archet, creu-
ser le poignet pour obtenir plus de force (Hayot) ou,
évitant ce procédé, garder le poignet Ij^aut, la main
1. Op. cil., ô' p.irlic, p. 5 et pi. I, fig. 3.
2. Oji. cit., p. 57 de lu 3» édition.
3. Op: cit., p. 99;
Legato accentué
Spiccato
mordant
Staccato j été
comme suspendue à l'avant-bras (Thibaud). L'exem-
ple de ces maîtres, celui de Kbeislbr, exception
parmi les exceptions (en ce qu'il ne craint pas de
jouer « du bras » et de lui demander souvent cer-
taines accentuations que d'autres localisent dans
le poignet), prouve l'inanité d'une réglementation
trop absolue. Les principes généraux une fois
posés, à chaque nature individuelle correspondent
des modalités différentes : telle est l'orientation de
la pédagogie d'aujourd'hui. Baillot l'annonce en
termes excellents quand il écrite « Nous avons
travaillé de bonne foi à empêcher les élèves confiés
à nos soins de devenir prisonniers d'une école, cher-
chant à donner à l'école elle-même la plus giande
extension possible et à laisser aux élèves la- plus
grande liberté d'essor. »
Classification des coups d'archet. — 11 ne sem-
ble pas que l'on ait songé avant Baillot à établir une
classification méthodique des divers coups d'archet,
capable : a) de renseigner sur leur filiation; 6) de
faciliter ainsi leur étude. Baillot distingue^ parmi
les dHachéi : des coups d'archet mais, élastiques ou
traînas, qui se subdivisent de la façon suivante :
i" Coups d'archet mats: Grand détaché (milieu).—
Martelé (pointe). — Staccato.
2° Coups d'archets élastiques : Détaché léger (mi-
lieu). — Détaché perlé (milieu, avec moins d'ar-
chet). — Détaché sautillé (milieu, tout à t'ait sur
place). — Staccato à ricochet, ou jeté, ou rchondis-
sant.
3° Coups d'archet traînés : Détaché plus ou moins
appuyé (milieu ou pointe, s'emploie dans le trémolo
d'orchestre). — Détaché Jlûté (traîné avec lég(>reté).
Une des plus intéressantes classifications moder-
nes est celle qtie propose D.-C. DoiiNis", basée sur
deux coups d'archet fondamentaux, (WJ(7c/t('siïnp/eet
détaché accentué, le second dilb'rant du premier en
ce que les changements d'arcliel, /ù-t'ou poi/ss^, sont
marqués par une attaque vigoureuse au début de
chaque note. A l'appui, M. Dou.ms donne le tableau
ci-dessus, que nous n'acceptons point sans réserves
(le sautillé en particulier se rattacherait aussi bien
aux coups d'archet accentués), mais qu'il était inté-
ressant de reproduire.
L'étude syslématiquè de ces coups d'archet a été
Op. cit., 1834.
Ibid., p. 100.
, 0,1. cit., 1921,
p. 70.
tS14 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
faite récemment, dans tons les travaux spéciaux
déjà allégués; nous nous contenterons de voir ici
ce que les écoles anciennes en pouvaient connaître,
en respectant l'ordre d'étude traditionnel.
Le^ato. — La brièveté de l'archet jusqu'à l'épo-
que de GoRELLi et au delà, son équilibre incertain,
la tenue « à l'italienne « qui raccourcissait encore
la portion utilisal)lede la mèche, taisaient des coups
d'archet lonps et soutenus une des plus grandes
difficultés de l'art du violon à l'origine. On a souvent
cité la phrase d'HuBEar le Blanc' à propos de J.-B.
Sosiis : « Il franchit la boine où l'on échoue, en un
mot vint à bout du grand œuvre sur le violon, la
tenue d'une ronde. Un seul lire d'archet dura tant
que le souvenir en fait perdre l'haleine quand on
y pense. » La nouveauté n'est cependant pas aussi
grande que le pourrait faire croire cet e-xempIcMER-
SENNE^, en 1636, nous dit que l'on peut, en un seul
coup d'archet, « sonner une couianti^ et plusieurs
autres pièces de musique ". Longtemps auparavant,
Giovan-Battista Giacomelli (vers 1380) était sur-
nommé Battista del VioUno à cause de son coup d'ar-
chet long et suave^ On savait même filer des sons,
comme l'indique, dans le Combattimento di Tancredi
c Clorinda de Monteverdi (1624), cette observation :
-> en faisant mourir l'archet »♦. Les sons lilés de-
viendront par la suite d'usage courant. Corrktte les
recommande en ces termes": « Dans les sarabandes,
adagio, largo, et autres pièces de goût, il faut faire
les rondes, blanches et noires avec de giands coups
d'archet et entier les sons sur la lin A. B. Mais pour
les linalles et terminaisons de chants, il faut com-
mencer le coup d'archet avec douceur, le fortifier au
milieu et le finir en mourant C. D. E. Ce coup d'ar-
chet fait un très bel efîet » :
S^abands
tr.
^^
*^
^
^
W^^m
EtE
On verra plus loin comment l'enseignement utilise
les sons lilés pour assouplir et stabiliser l'archet.
Grand détaché. — Un coup d'archet par note, £l
tout l'archet, dans les mouvements rapides : nous
n'aurons point ù y insister longuement. La trans-
formation de l'archet à la fin du wn" siècle, et sur-
tout la modification de sa courbure, manifestent
assez l'impatience où étaient les violonistes d'utiliser
les crins sur la plus grande longueur possible. Cor-
bette", en 1738 (et l'on sait que ce n'était pas préci-
sément un novateur), nous dit que " pour tirer du son
du violon, il faut tirer et pousser de grands coups
d'archet ». Sans alléguer les méthodes, la plupart
des mouvements rapides, en noires ou en croches
égales, supposent un large emploi de ce coup d'ar-
chet.
Détaché bref, sautillé. — Dans l'extrême rapidité,
le détaché bief s'impose, presque toujours joué de
la pointe de l'archet : <c Les croches et les doubles
croches se jouent du bout de l'archet^. » C'est un
peu une spécialité française. Qla.ntz nous le confirme
quand il écrit" : « Il faut remarquer en général que
dans l'accompagnement, surtout dans les pièces
vives, un coup d'archet court et articulé, tel comme
il est en usage chez les Trançais, fait un bien meil-
leur eflèt qu'un coup d'archet à l'italienne long et
traînant. Les allegro, allcijro assai, allegro di molto,
presto, vivnce, demandent un coup d'archet vif, très
léger, court et bien détaché. »
11 va de soi que, dans l'extrême vitesse, l'archet
f. Di}fense lîc la basse de viofe, .\mslerdam, 1740, p. 2j.
3. j:,oco cit., p. 183.
3. • f'e II soavc e lungha sua arcala. " [P. Severo Bumni, Discorsi
? Reyhle so/>fa la Mtisicn [1" quart tlu xyii* siècle], cité par Ad. de
Latace, Essais de OiplitltcrofjvapUlu musicale^ Paris, 1864, p. 176.)
4. 'u^Questa ultinia nota va ni arcat^i joorendo. " Cf. C. von Winteu-
rEi4ï. Johanues Gabrirli, lil, Berlin, 1834. p. 111.
i. École d'OrpMe, 1738, p. 3 i.
U. O/i-cil., p. 7.
'2,)Jt)id.' i)em6mo, on 1740, Ilobert Cromë (cité par lî. Van der
Straeten, op. c'if., p. 204) reromniandc à l'élève ■ d'avoir soin de iic
pas trop appioclicr du violon la main <]ui lient l'archet, mais de jouer
plutOl à la poiule, U moins qu'il ne s'agisse de [irolonger une note ».
5. Op. cit , 1752, p. 203 de l'édilion fran.-aise.
tendait à quitter la'corde, et que l'élasticité de laba-
guelte trouvait son emploi dans le iaulilk'. Piani
l'indique nettement' en 1712 :
t-t ajoute, à titre d'explicalion, que ce coup d'archet
se fait (1 en nolles égales articulées et un peu dé-
tachées ». Depuis lors, l'usage du sautillé s'est géné-
ralisé. On notera seulement son étrange proscription
par Spohr, qui n'en fait aucune mention dans les
196 pages de sa méthode'", et le bannissait également
de ses interprétations. Ainsi, de nos jours, L. Capet
tient pour une certaine hiérarchie des coups d'ar-
chet et juge le ricochet « en quelque sorte négligé et
de mauvaise éducation" ". Le martelé'-, <iéta.ché un
peu rude, très accentué, de la pointe ou du talon,
et le spiccato pour lequel l'archet est enlevé après
chaque note, sont également d'usage ancien. Les
textes du début du xviii= siècle en fournissent des
exemples nombreux, comme ces Variations dans le
'joùt de la trompette (1708| :
, ,11111 .«l'iit .#.r
lU cette gigue de Seinaillé (livre V, sonate IV, gigue] :
^ I ' 'Il
Staccato. — On sait que re leime désigne un coup
d'archet dans lequel chaque tiré ou pousse^ englobe
9. Premier livre de sonates. M. df la Lacrencif: (op. cit., T, 426)
sijftK-iIc un exemple analogue de Mosdonville, op. IV, sonate IV, spi-
rilo^o, 1738.
10. Éilition franraisc, 1834.
H. Oi>. cit., p 57,
la Ci'Lt-' terminologie n'est pas enrore très iieltement (i\ée : la coa-
Tusion est constante dans les traités, cnlre mai-tclv et spiccato.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON 1815
plusieurs notes, nettement séparées par de brefs
silences, en sorte que l'impression auditive se rap-
proche de celles que donnerait un sitiitilU ou un
iiiarteU très net. On l'indique de la façon suivante' :
Cette notation désigne, selon le mouvement et le ca-
ractère du passage, une des nombreuses variétés de
staccato déjà décrites par Dolnis (voir sa classilica-
tion), et dont rétiuie, au point de vue pédagogicpie, a
été fort biiMi faitn par L. Capet, Flesch et la plupart
des maîtres contemporains-.
Pour la période ancienne, jusqu'au milieu du
xviii» siècle, il n'est pas toujours aisé de déterminer
l'espèce de staccato voulue [lar les auteurs, d'autant
que les méthodes sont presque toutes muettes à ce
sujet. Seul Muffat^ définit le pHillement ■"~^ en nous
disant qu'il « diffère du coulement (legato) en ce
qu'il exprime les notes distinctement, en les faisant
craqueter sous un même trait d'archet >.
G. Beckmann'' fait remarquer avec juste raison que
les exemples fournis par les œuvres de Scbmrlzer,
RiiiER, J.-J. Walther devaient être plutôtslaccalo re-
boniiissant que staccato à la corde. Certains il'entre
eux atteignaient eu tous cas une ampleur considé-
rable, tel ce fragment de J.-J. Walther {Hortulm Chc-
tiens, 1688, Sonate X.\.ini, presto) :
Parmi les Italiens, Nicola Matteis s'était déjà si-
gnalé par son staccato merveilleux, qui fit sensation
à Londres vers 1675^ C'est encore en Angleterre que
Pielro Castiucci, ayant annoncé, lors d'un concert à
Londres (HicUford lioonis, 21 février 17:{(), un ?tac-
culo de viiif,'t-quatre noies, fut parodié le lendemain
par le Goodman's Field's playliouse, qui prometlait
que son dernier violon exécuterait, lui, un staccato
de vingt-cinq notes '^. Toujours est-il que les œuvres
de Castrucci contiennent des exemples d'un staccato
rebondissant fort délicat. Ex. : Op. II, 173i, so-
nate III, tjacoUe :
^
m
"P^
Ibid., sonate VIII, all'ijr'i giuslo
LocATELLi, Leclair, Guillemaim, Ont une parfaite
maîtrise de ce coup d'archet'.
Tartini, que l'on interprète souvent, sous prétexte
de classicisme, avec un archet uniformément large
et pesant, pratique et le staccato mordant, à la
corde (Op. V, sonate VI, amiante varié) :■
et un staccato rebondissant, proche parent du ricochet (Aile del arco, variation 32)
(^'^J^ii^ih'iK^
Alors que le staccato s'exécute beaucoup plus
commodément en poussant l'archel, Tartini l'em-
ploie ici dans les deux sens. Il semble que I'Abré Le
Fils ait été le preiniei- à prescrire dans une méthode
un staccato à la curde, aller et retour, qu'il appelle
coup d'archet articulé, en ajoutant : « Pour bien faire
ce coup d'archet, le poignet doit être très libre, et
doit seul articuler avec une parfaite égalité cha-
cune de ces notes, soit en les poussant, soit en les
tirant' : »
1. A Je Iri-s rares ejceplioiis près ; la Metliode de DcRiEc(1796,p. 11)
se contente de points, sans liaison.
2. Une des analyses les plus coiiiplcles est celle de J. Winklf.b, Die
Tnchuik des Griiiensiiicls. Vienne, i;i23, It, pp. 9.iS.
3. Florileijium secanHmn, Ili'JS, chap. V {des Agrémens).
4-. Op. cil., pp. 57-38. ■ - .
5. Cf. The Honorable Roger North , ilenioirs of Musick (1728).'
éd. E. F. Rimbaull, Londres, 1846, p. 121.
6. Cf. BoB.NEï, A General Histonj of mmic, IV, 17S9, p. 331. ■'
7. Voici encore dans l'ecote française TtiEWArs. Cf. i.a ï.auhexcif,
')/). cit-, lï, p. 40. ,
8. Principes du violon (1761), p. 5't.
1S16
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Au XIX' siècle, Paganini (Caprice n" 7), \Vieniawsri
(Fantaisie op. 20, polonaises, etc.), Vieuxtemps (Con-
certos) empruntent au staccato des effets très
brillants. Il s'agit, la plupart du temps, d'un stac-
cato extrêmement rapide, obtenu par une sorte de
tétaiiisation du bras, grâce à laquelle on obtient un
état vibratoire qui rapproche et éloigne tour à tour
l'archet de la corde; c'est ainsi que l'on peut exé-
cuter un staccato de 64 notes en poussant et 46 en
tirant (H. Vieuxtemps, Air varié, op. 22, variation 3) :
On peut considérer comme un staccato rebondis-
sant le coup d'archet impioprenient appelé trémolo
et noté " 7^ ou "^, qui utilise de façon résulière, dans
lejliré et le poussé, le rebondissement de la baguette.
Très différent du trémolo d'orchestre (petit détaché
rapide, employé par Monteverdi en 1624',Tarquinio
Merl'la'^ en 1639), ce coup d'archet ne diffère pas de
ricochets déjà employés par I'Abbé Le Fils (livre I,
Sonate^V, Menuet, 1748) :
ou LocATELLt (op. 8, vers 1735). Mais les notes qu'il
affecte sont répétées deux par deux, ou par trois,
rarement par quatre ou cinq. De Bkriot en avait
fait une spécialité. Son Trémolo op. 30 reprend à cet
usage le thème varié de la Sonale à Kreulicr :
CT^m^
C'est avec cet arrangement, nous dit-on, que
Vieuxtemps réussit, à Constanlinople, en 1848, à
intéresser Abdul-Medjid' . Et c'est à une variation
analogue que la fameuse Mélancolie de Prome devait
une part de sa séduction, définitivement évanouie.
Enfin la saccade n'est pas autre chose qu'un stac-
cato accentué. Bafllot la définit ainsi'' : « La Saccade
est une secousse d'archet rude et prompte que l'on
donne aux notes, généralement de deux en deux, de
trois en trois, etc., et quelquefois irrégulièrement,
c'est-à-dire sans symétrie » :
Maestoso (108)
sf sf ^fjf •«/ J/
ttToua
3 les sf-^ur les T.' et 3*^* notes doivent ètrefaits
QlLeusenie.nt,efTa^kinQeant- un peu l'archei.J
Batteries et brisures. — J.-J. Rousseau, dans son
Dictionnaire de musique^, définit la batterie « un ar-
pège continu, mais dont toutes les notes sont déta-
chées au lieu d'être liées comme dans l'arpège ».
Le type le plus simple est celui qui emprunte deux
cordes voisines. C'est un assouplissement d'archet
que les auteurs de la fin du xvu' et du début du
xviii" siècle ont prisé spécialement, et qui, aux yeux
des clavecinistes'', caractérise avant toute autre chose
le jeu du violon. La plupart des passages de virtuo-
sité des œuvres de Corelli consistent en batteries de
formes variées, comme (Concertos, œuvre six, n° V,
allcyro) :
Toute l'école italienne, l'école allemande (cf. con-
certos de J.-S. Bach, sonates de Haendel), l'école
française (Du val, Senaillé, Francœur aîné, Leclair,
1. Combaltimeitto di Taucredi c Clorindn.
2. Canzon a.tre, in W\siht.bwski, Iiisfruiiietitalsiitze, Berlin, Liep-
mannssohn, s. d. (M, (*iRiio en signale aussi des emplois cliea Sch«i/.
«nl647, Schûtz, l'JlS, liuxTEuoDf; en lii^i,DietricA Huxleliude, lill3.)
Aubeut'', emploient les nombreuses variétés possibles
de cette figuration. Non moins employées sont les
a. Cf. J.-Th. liAPoiix, Viciixifmps, Liège, 1891, p. 7ii.
4. Op. cit.. p. 12".
j. Paris, 1768.
6. Cf. CoDPEiiiN, L'Art de touctiffr le daveeiu^ êdit. 1710, p. 3.'».
7. Cf. l'iNciiERLE, La Technique dit violon, p. 35-27^
TECHIVIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON 1817
brisures, sorte de hatteiies dans lesquelles l'archet
emprunte deux cordes non voisines. Italiens et Alle-
mands du XVII" siècle y recourent de bonne heure
(nous tenons compte ici de toutes les séquences
symétriques comportant des sauts de cordes et
assimilables aux brisures) ;
Tarquinio Merula : Canzonatre, 1639 (Wasielewski,
Instrumcntalsàtze, page 29) :
kuj Jn^i^^rig^^i-^fcu-i -rJl^^-^
BiAGio Marini : Diverxi generi di Sonate, op. XXII,
16ai), Sonata per due violini :
Mathias Kelz, Epidigma harmonix nova.', 1669. Aria
tapriciosa :
1 1 1 r I
* 4 J. * é ^~* — ' —
On peut citer pour mémoire Bassani, les Vitalt,
CoRRELLi (la Fo//ia), dépassés de beaucoup par Vivaldi
qui ose écrire :
Op. 8, concerto II, Preslo (vers 1723) :
Concerto ré mineur. Ms. Cx, 1045, Bibliothèque Dresde
f f f f fffffff ff ff fff
passage exécutable soit par des sauts de cordes fort
délicats, soit par une régression du premier doigt
dont peu d'exécutants sont capables (intervalle de
douzième). Tabtin'i (op. V, sonate V), Locatelli (pas-
sim, dés 1730), de GiA^mr, Ferrari, vont plus loin,
rejoints sinon , distancés par l'école française, avec
J.-M. Leclair : Livre II (vers 1728), sonate VI :
ou GuiLLEMAiN, op. I (1734), sonate II :
Le XIX' siècle poussera plus loin la hardiesse, et
l'on arrivera à des formules comme :
Rode, 3« concerto (vers 18041, Polonaise :
Z 2
Paganini, Caprice n" 2
(ni
Paganini, Caprice n" 2 :
W. Ernst, Carnaval de Vc/iise, 0|). 19 :
Vt^ y yy
Bariolage. — <i On donne le nom de bariolagi' à
une espèce de passage qui présente une apparence de
désordre et de bizarrerie en ce que les notes n'en
sont point faites de suite sur la même corde; ou en
ce que les notes mi, la, ré sont faites alternativement
avec un doigt.appuyé et avec la corde à vide, ou bien
enfin en ce que l'on fait entendre la note à vide dans
181S
ENCYCLOPÈniE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
une posilion qui demanderait qu'on la fit avec un
doigt'. »
On trouve d'ingénieux bariolages dans Biber :
Sonatel (1681), Pces/o ;
Dans les Suites de J. -S. Bach :
Suite en mi majeur (vers 1720) pour violon seul, Prélude :
De nombreux passages analogues chez Teleman.n
[Six Quatuors à viollon, flûte, viole ou l'iolon de celle
(sic) et basse continue. Concerto II, vivace (1T3G), Mossi
(op. I, sonate IV, allegro, vers I72.ï), Geminiani, Lo-
CATELLi fpassini). L'AiioÉ Le Fils se montre particu-
liéremeiit audacieux dans une cadence de son œuvre
I (1748), sonate IV, andante :
0 ^9' -BS88BB ^ B^^B ^ ^ — ' — HH^ ^ 1 -j
ksé m d! r ^r r-fe£jf--tjf^^
}ffh
Simile
Franz Lauotte- risque ce bariolage « aller et retour » :
dont la difficulté s'aggrave, chez H.-VV. Ernst (op. 19, variation li), du fait qu'un seul coup d'archet
englobe sept de ces Iriolets :
Variété d'archet. — La technique de l'archel, à ses
débuts, est resiée longtemps régie par des principes
dont la rigueur simpliste est pour nous bien surpre-
nante. Il s'agit surtout de ce qu'on a appelé la règle
du tiré, de par laquelle l'archet devait être tii'é sur
la première note de la mesure, quels que fussent le
rythme, le temps, le caractère du morceau. Elle est
déjà exposée par Mersenne en 16 16^ : « Il faut consi-
dérer que l'on doit tousiours tirer l'arciiet en bas sur
la première note de la mesure, et qu'il laut le pous-
ser en haut sur la note (pii suit, par exemple si la
mesure est de 8 ciochiies (croches), on lire l'archet
en bas sur la première et sur 3, 5 et 7; lequel on
pousse en haut sur la 2, i, 6 el 8 : de sorte qu'il se
lire tousiours sur la première note de chaque mesure
1. BAiLr.ot, .4/'/ dit violon (op, cil.), p. 120.
2. Fragnioiil de concerto (s. d.) cil6 par BurixoT, op. cit., p. 209.
3. Loco cit., p. 18S.
composée d'un nombre pair de notes, mais si elle est
composée d'un nombre impair, comme il arrive
quand il y a quelque point après l'rrnedes rroles, l'on
lir'e l'archet en haut sur la première noie île la me-
sure qui suit, alin de le tirer encore sur la première
note de la 3= mesure, ce qu'il faut semblablement
dire de toutes les noies et mesures. » Kncore admel-
il, pour la socorule mesure lernaiie, une tolérance
vrr'rrr'rrr-^
que la Méthode de nui'O.NT' ne connaîtra plus, d'après
qui, (1 lorsqu'il y a trois noires dans la mesure à trois
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON isi!>
temps, il faut tirer la première et pousser les deux
autres » :
t p p
rrr
t p p
rr
p \ t p t \ t p *
ou encore, « lorsqu'on trouvera un point après une
barre (c'est la manière d'écrire les svncopes), au
commencement de la mesure, il faut pousser la pre-
mière note, parce que ce point tient lieu de la pre-
mière note qu'il faut supposer avoir tirée » :
2
7i
I P t
poun
Pf f
Ce formalisme était surtout français, s'il en faut
croire Muffat', selon qui " pour ce qui concerne les
règles de le tirer (l'archel) eu bas, ou de le pousser
eu liaut, ny les Allemans, ny les Italiens ne se sont
guère accordez eusemliles jusqu'icy (1698), et ne se
sont rencontrez que rarement, et fortuitement par
cy par là avec les Français ». A l'appui ces exemples",
le premier à l'allemaiide ou à l'italienne, le second
à la française. Les signes | tin' et V poussi- et b' point
qui signilie une seconde note poussée dans le inèine
coup d'arcbet (en sorte que V -équivaut à noire mo-
derne -; ;-), sont de l'invention de Mlffat. Très
aiitérieurs, par conséquent, à ceux qu'imagina Vera-
ciNi dans ses Sonate accadcini'he de 1744 : 14/ tire et 'P
poussé :
Menuet
É
V 1 V
ivi viv ivi viv
^m
H iMOXJlr
-«-
1
r V I IV
I V
I V I
-î^t^^^i^ r Lixj I r
Œ
.Muffat préconise, dans les mouvements lents des
mesures ternaires, la disposition :
rrr'rrf
1 V '
dans les mouvements rapides :
rrr'rrr
Il semble que celte manière lulliste ait vivement
impressionné les aulres nations, car non seulement
Mo.NTECLAiR,CoRRETTE,rABBÉ Le Fils ^ s'y tiennent, au
moins comme règle générale, susceptible d'excep-
tions, mais WoDiczr.A* donne cet exemple assez
gauche :
t t t
m^^^^
]H I.éopold Mozart J celui-ci :
1
4 ^-r* I" <» ^ I P ^ 1*
¥=^
(1 = herabsli-icli : tire).
1! faut remarquer que ces règles, dans l'esprit des
maîtres, sontsuscepiilib's d'exceptions. Dl'I'O.nt l'avait
déjà noté dans sa méthode dialoguée" : '
Demande : « Est-on obligé d'obcerver {^ic) toutes
les règles du coup d'aichi-t? >>
Kèponse : » Ouy, lorsque l'on aprend, parce que
cela vous facilite de trouver le goût des airs; mais
quand Ion sçait, on prend Telle lisseuce et libertés
que l'on juge à piopos »
Et cette reprise d'archet n'est pas forcément prin-
cipe de raideur et de disconlinuitè. » La plus grande
adresse des vrays lullistes, dit encore Mlffat', con-
siste en ce que parmy tant île reprises de l'archet en
bas, on n'entend nèantmoins jamais rien de désa-
gréable ni de rude; mais au contraire on trouve une
merveilleuse conjonction d'une grande vitesse à la
longueur des traits (tirés d'aicliet); d'une admirable
égalité de mesure à la diversité des mouveniens; et
d'une tendre douceur à la viva:;ité du jeu. » Et le
Traité de la viole de Jean Uousseau' nous explique
que l'on ne reprend pas l'archet en entier à chaque
tiré ou poussé : u Quand on tire deux Ibis, il faut sou-
lever! archet à la moitié environ de son coup, et le
remettre aussitôt en continuant le même coup, et
non pas en recommençant à tirer. » C'est ce que
nous notons « « ou i i, staccato ou notes légèrement
rr r^
articulées. On peut d'ailleurs, dans ce cadre un peu
étroit, ilonner cairière à une certaine fantaisie. Cou-
rette' indique des liaisons comme :
f Lm LUI tm tus tuj un
i circi:; lIt m" llî lu
1. op. cit., Observationa de l'autkem-, 11.
2. Ibid.
3. Ofi. cit.
4. Instruction pour tes cominenranSj Amsterdam, vers 1757, p.
"3. Op. cit.
etc.
0. O/j cil.
7. Op. cit., loeo cit.
». Paris, 1687, p. llU.H.'me esplkalion ilans CouBETTK(op. ci/., p, i
'j. Ecole d'Or/j/iée, p. 34-33.
1820
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Mais les œuvres échappent bien vite à cette tyran-
nie du tii-i', ou s'y conforment avec assez de souplesse
pour le faire oublier. G. Mossi indique dans une
simple Corrente (op. I, vers 172S, sonate VU) ces
liaisons :
^^^Xjirrrrrirrrrrrirrrrrr irTrrrr
Geminiani écrit (op. VI, 1739, sonate VIII, finale)
tr
Vivaldi (op. II, concerto V, finale] :
^m
Au milieu du siècle, la variété d'archet est devenue
l'un des principaux éléments de la personnalité mu-
sicale des grands exécutants. 11 y aura bientôt une
technique d'archet de Cramer, une de Jarnowick, une
de VioTTi, etc. Et Burney peut raconter sans invrai-
semblance le trait suivant' : « Je me rappelle mon
plaisir et mon étoniiement en entendant Giabdini
dans un solo de l'oratorio joué en 1760, exécuter, à
la; fin, un air varié dans lequel, répétant chaque
phrase avec un coup d'archet différent, sans changer
une seule note de la méloilie, il lui donnait toutl'ef-
fet et toute la nouveauté d'une véritable variation, n
Pédagogie. — Comme en ce qui concerne la main
gauche, les auteurs de métliodes n'ont songé pendant
fort longtemps, pour l'archet, qu'à indiquer les prin-
cipales difficultés à résoudre, sans nous mettre au
courant de leur manière de les affronter et de les
résoudre, de leurs procédés de travail.
Sans exposer à ce sujet des vues très détaillées,
Geminiani indique le premier- des exercices de
gammes dérythmées qui sont de merveilleux assou-
plissements :
^
»^^-f
mfm
^
w
m
*^
<sL o
DT «-
/ |hT-ri-dl.,frf''tfir=^
^^^^a^
Mais la lettre déjà citée de Tarti.m (1760) à Madda-
lena I.omhardini fixe, pour la première fois, une mé-
thode que l'on n'a pas cessé d'employer : « Attachez-
vous d'abord à poser l'archet sur la corde avec tant de
légèreté, que le commencement du son que vous tirez
soit comme un souille, et que la corde ne paroisse
pas être ébranlée : cela consiste dans la légèreté
du poignet, et à continuer tout de suite le coup d'ar-
chet en renforçant autant qu'on veut; car, (|uand on
a commencé à l'appuyer légèrement, on n'a plus à
craindre des sons aigres ni durs.
(' Assurez-vous de cette manière d'appuyer l'archet
1. A General Bistory of Miisic, I11,.17S9, p. 338.
2. Op. cit., exemple VIll.
dans toutes les situations, soit que vous le preniez
au milieu ou aux extrémités, et dans les /f)t?.s comme
dans les poussés. Pour ne s'y prendre qu'une fois,
commencez ces sons filés sur une corde h vuide, la
seconde, par exemple, qui est l'Amila [In).
« Commencez très doux, et que votre son augmente
peu à peu jusqu'à ce qu'il soit très tort, faites cet
exercice également en tirant comme en poussant.
Employez à cette étude au moins une heure par jour,
mais pas de suite, un peu le matin, un peu le soir; el
souvenez-vous bien que c'est là l'élude la plus impor-
tante et la plus difficile de toutes... Pour acquérir
cette légèreté de poignet, d'où naît la rapidité de l'ar-
chet, il sera très bon de jouer tous les jours quelque
fugue de Corelli, toute composée dédoubles croches.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON 1821
Jouez-en peu à la fois, de plus en plus vite, jusqu'à
ce que vous en soyez venue à les exécuter avec la
|)lus praiide rapidité. Mais il faut vous avertir de
duux choses: la première, de détacher l'archet, c'est-
à-dire de perlei' si hien chaque note, qu'il paraisse
y avoir un vide entre une note et ra:ulre.
« Elles sont écrites ainsi ;
-^<:^ iHn
jouez-les comme si elles l'étoient ainsi :
i^'j'rirjrhrw
de façon à ne vous servird'abord que de la pointe de
l'aichet; ensuite, quand vous serez sûre de les hien
faiie de cette manière, commencez à les faire avec
celle parlie de l'archet qui est entre la pointe et le
milieu, et quand vous serez assurée de cette nou-
velle situation de l'archet, étudiez alors de même à
les faire du milieu, observant surtout, dans chacun
de ces exercices, de commencer les fugues tantôt en
poussant, tantôt en tirant; gardez-vous de vous habi-
tuer à les commencer toujours en tirant.
Pour acquérir cette légèreté d'archet, il est très
bon de sauter une corde et d'exécuter des fugues de
doubles croches faites de cette manière :
vous pourrez en faire ainsi à volonté tant qu'il vous
plaira, dans tous les tons, et cela est véritablement
utile et nécessaire. »
L'Art de l'Archet^ de Tartini, avec ses cinquante
variations, prouve l'excellence de la méthode. On
nous dit, parailleurs-, que le maître de Padoue pia-
tiquait la division d'archet si fort en honneur auiour-
d'hui : « Tartim avait deux archets, l'un marqué sur
la baguette de la division à quatre temps, l'aulre de
celle à Irois temps. C'est dansces divisions qu'il obte-
nait toutes les subdivisions de l'influiment petit; et
comme il lui était prouvé que le poussé vertical était
plus bref que le tiré perpen diculaire, il faisait jouer
la même pièce en tirant comme en poussant, avec
les mêmes inilexions. »
Cette division est admise par Baillot, comme
base d'étude, mais il s'en tient à trois parties qu'il
définit :
Pointe
Mil
i e u t Ta l o n
FaiblesEe I ÈcfuUlbral Força
(I Les divisions trop multipliées et imposées comme
régies nécessaires, ajoute-t-iP, ne feraient qu'em-
barrasser ou refroidir l'exécutant etdonner à l'étude
une tendance à la subtilité qu'il faut éviter dans les
choses de sentiment. )i II compte cependant sur l'ins-
tinct de chacun pour pousser plus loin ces subdivi-
sions. La pédagogie moderne est plus exigeante, et
Lucien Capet prévoit l'étude de tiers, de quarts,
de huitièmes d'archet*. Viotti a laissé quelques^
notes ', excellentes, sur l'importance de la gamme
dans le travail de l'archet, appuyé sur les sons lilés
Il note, au préalable, l'intérêt qu'il y a à exercer
l'élève à poser son archet au milieu de l'espace com-
pris entre le chevalet et la touche, pour obtenir la
meilleure qualité de son. Déjà, Francesco Galeazzi"'
avait, à ce point de vue, discerné trois zones : la pre-
mière près du chevalet, oii le son est sifflant et stri-
dent; la seconde au niveau de l'extrémité des ouïes,
région de la bonne sonorité; la troisième sur la touche,
où le son est terne et mou.
Orneineiitatioii. Trille, vibrato.
.Nous ne pouvons qu'indiquer ici l'important pro-
blème des accen.tuatioit.s d'archet, qui appartient
plutôt à l'interprétation. On se reportera utilement
au travail déjà mentionné de Baillot, dont bien des
1. L'édition la plus Cûniplùle est celle que donne J.-B.CA»riEn danS
VArt du ciolon. Il la transcrit, nous dit-il dans sa Préface, d'après le
manuscrit autographe, donne par Tabtim au père de J.-B. Passeri, qui
l'a remis i CARritR. L'édition de le Dec ne comporte que trente-huit
variations; celle de Kbei^ler en comporte trois : une imitt:e de la
quinzième variation de Tautim, les deux autres apocryphes.
2. Fr. Fayolle, I^aganini et Bériot, Paris, 1831, p. 26.
3. Op. cit., p. 92.
4. Op. cit., pa.isiin. Voir aussi, pour les divisions d'archet, Alfeo
BuvA, ÎVuoro .Metodo per Viotino, Milan, 1923.
5. Op. cit., pp. 33-33.
ti. Op. cit., p. 101.
éléments ont gardé toute leur valeur. Flesch et Capet
fourniront les compléments nécessaires.
Nous n'aborderons pas en elle-même la question
des ornements. Ils ne nous intéressent qu'en ce
qu'ils mettent en jeu des éléments techniques nou-
veaux. Ainsi considérés, les coulés, ports de voix et
analogues peuvent s'intégrer dans l'étude du déman-
cher, à moins que, pratiqués à la position, ils n'em-
pruntent d'autres ressources que celles des gammes
ordinaires. Heste, avec le vibrato, le trille', qui est
bien, spéciTiquement, un artifice technique dilféreu-
cié de tous les autres. Indiqué généralement par une
croix -\-, pendant toute la période ancienne jusqu'à
la tin du xviii' siècle, il se ramène toujours à l'une
desvariélés cataloguées parToiNON, en 1090, dans son
Avertissement des Trios nouveaux pour le rinlon
hautbois l't flûte, et qui, sous des noms divers, sont
des trilles à la seconde inférieure ou supérieure :
7. Pour l'étude esthi^tif/ue du trille, voir les méthodes déjà citées,
en particulier Playford, Cobrette, Geminiani, Léopold Mû/aht, L'Abus
Le Fils, Qdantz, le Traité des A(jri;niens de Tabtim, traduit par De-
nis (1771). Les travaux modernes les plus complets sont ceux de
E. BuBBEL, Contribution à l'interprétation de la nuLiique française,
Paris, 1914, et la Ladrekcie, op. cit., I, 35-42; Ill^^o^sim.
1822
ENCYCLOPÈniE DE LA MUSJQVE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Les vinloiiistes eiiiplnienl de lionne heure ce genre
de liguralion, soit qu'ils l'indiquent par une croix
ou un t, soit qu'ils le notent expressément. Ex. Fon-
TANA (vers 1630)' :
("lllM 111^^
Il est d'usage couraiil, des le début du xvii= siècle,
de trilier même sur des notes qui ne portent aucune
indication. Dans la Sfera armoniosa (1623), Quagliati,
proscrivant toute ornementation parasite, aulorise
cependant les trilles-. On a de tout temps recherché
les mêmes qualités d'égalité et de netteté. Mersenne
est seup à taire mention d'un trille assez particulier,
où chaque battement correspondait à un coup d'ar-
chet délai-hé. Après lui, il n'est plus question que de
trillfs ordinaires, d'autant plus prolongés que le vio-
loniste est capable d'un coup d'archet plus ample.
Quant au mode de travail, Tartini ^ engage son élève
à posséder des trilles de toutes vitesses, du plus lent
au plus vif, et, pour cela, de s'exercer en graduant
comme suit :
^jm^
11 n'est pas nécessaire de donner ici des exemples
d'emplois du trille : les œuvres anciennes en sont pour
ainsi dire semées, plus particulièrement à partir de
1720-173O. On voit alors se multiplier les petits tril-
les sur des valeurs brèves (croches et doubles cro-
ches), les chaînes de trilles analogues à celle qu'em-
ploie Vivaldi dans son œuvre VllI (Concerto 3, l'Au-
tomne, allegro) :
mHm&
chaînes que Léopold Mozart étudiera spécialement,
en proposant ces trois doigtés :
^
*=s
lit!
^ 1 il il
Les virtuoses du début du xix" siècle useront lar-
gement de cet ornement. C.-P. Lafont multiplie dans
ses concertos des formules telles que (3" Concerto,
-vers 1815-1820) :
^TP^
On l'a pour ainsi dire renouvelé de nos jours en lui
demandant des ell'ets impressionistes, comme dans
1. Wasiei.e iSKi, /iis(rumc»/n/s('i/:c es. .VIII.
2. Avrrlimentopfir il Violin't ;» Nell'... opi^re cunocrlate con il vio-
Itno, il hOiialorô ha da sonare giiisto corne sla adornando con trilli, ('
senza jiassaijgi. »
3. Lomnt., p. 182.
4. Lettre à la sii/iiora iomJnrJin > i/j. cit.
la conclusion bien connue du Poème de Chausson, op.
25, ou le finale du concerto op. 10 de Prokofieff :
Le paragraphe consacré à la double corde traitera
du double trille et du trille en combinaison avec un
chant soutenu.
Pour la pédagogie moderne du trille, on en trou-
vera un excellent exposé dans l'ouvrage déjà cité de
M. Herwegii'^, qui arrive à ces conclusions, que l'on
doit :
" 1° Imprimer le mouvement tlexionnel à la pre-
mière phalange du doigt qui trille;
« 2° Laisser les dernières phalanges flottantes et
folles;
(I 3° Fléchir le poignet au minimum compatible
avec l'exécution de la note. »
Il est à remarquer que nombre de virtuoses, pour
exécuter un trille longtemps soutenu, modifient plu-
sieurs fois la flexion du poignet et par conséquent
l'aplomb des doigts, trouvant là un préventif contre
la fatigue et la crampe.
Le vilmito, dont le rûle est surtout expressif, et qui
afl'ecte aujourd'hui, dans le jeu de bien des violonis-
tes, non seulement les valeurs longues et les éléments
mélodiques, mais jusqu'aux traits de pure virtuosité,
a longtemps été considéré comme un ornement au
même titie que les divers trilles.
On a parfois prétendu que le vibrato était d'une
invention relativement récente. Bien à tort, car Mer-
senne l'annonce déjà en termes suffisamment expli-
cites. Si l'édition française de ÏHaniionie universelle
parle, à propos du talent de Iîocan et de Lazarin, de
« certains tiemblemens qui ravissent l'esprit' » et de
« tremblemens qui se font sans marteler », elle pré-
cise, par ailleurs, qu'il faut pour alteindre à la per-
fection « adoucir les cordes par des tremblemens, que
l'on doit faire du doigt qui est le plus proche de ce-
luy qui tient ferme sur la touche du violon, afin que la
corde soit nourrie »'. L'équivoque qui peut subsister
ici entre le vibrato et le trille est bannie de l'édition
latine dans le passage : Duin arcu nervi vcrruntur,
.*). l'ajîc S.
0. 0/1. cil., livre 1, p. 11.
7. lijid., livre IV, p. IS2.
8. lOiil., p. 183. ,
TECHNIQUE, ESTliÈTIQVE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON ISS.'?
dlgilus sacpe vibvandus est in scitpo, ut conrcittu siio
rapiat aures, et animumK II se peut que le rnot tré-
molo, souvent employé postéiieurenient dans le
sens de vibrato chez les Italiens, doive f'tre ainsi
interprélé dans une Canzon de Merula" (1639) :
Dremolo
Au xviii' siècle, Geuiniam conserve dans les exem-
ples de sa méthode^, le mol trémolo, et le signe v^ v^.
On trouve aussi , TTT^. • M^i^ '^ définit dans le
corps du livre, sous le nom de Close Sliake, un vibrato
authentique : «Cet ornement ne peut se figurercomme
les autres au moyen de notes. Pour l'exécuter, il faut
appuyer fortement le doigt sur la corde, et déplacer le
poignet du dedans au deliors et vice versa lentement
et également. " Il distingue trois espèces, l'une plus
serrée exprimant la majesté, la dignité, l'autre plus
lente, pour la douleur ou la crainte, la troisième, qui
n'alTecleque des valeurs brèves, pour en embellir la
sonorité. Il en recommande l'emploi aussi souvent
que possible. De même, les théoriciens français (Cor-
RETTK') et allemands (Joh. Qcantz, Léopold Mozart^,
Lohlein'^, etc.); ces derniers, spécifiant qu'il n'en faut
pas abuser. Tartini, dans son Traité des agréinens de
tarnusiqiie'', traduit par Denis, le décrit longuement :
« On produit artificiellement sur le violon, sur la
viole et sur le violoncelle ce tremblement avec un
doigt qu'ontient sur la corde, en imprimantce trem-
blement à ce doigt par la force du poignet, sans que
ce doigt quitte la corde quoiqu'on le soulève un peu.
Si le tremblement du doigt est lent, l'ondulation
qui est le tremblement du son sera lente. S'il (p. 29)
est vif, l'ondulation sera vive. On peut donc aug-
menter la vitesse de l'ondulation en la commençant
lentement et en la rendant par degrés plus vive. On
verra dans un exemple cette augmentation marquée
par de petits demi-cercles dont la grandeur et la pe-
titesse marqueront la lenteur et la vitesse et, par
conséquent, l'augmentation.
(1 Exemple d'une ondulation lente, mais égale :
E
« d'une vive, mais égale
f
^
1. Harmonicorum Libri IV, p. 39 : « T;iniHs qrip les cordes sont
parcourues par l'archel, i! laut imprimer au doigt des vibrations r6pc-
tées, pour que les oreilles et l'âme en soient ravies. »
2. Canzon detia la CancelUera. in \VAsïELEv\sKr, lustnimentalsdt :e
p. 29.
3. Eililion anjîlaise, 17SI, p. 8, et pi. XVIU, n» H.
4. L'Art de se perfectionner dans le violon, s. d-, p. 4.
5. Op. cit.
6. Anweisiing zitm Violinspielen, i~~A, p. ol.CkM?AcyQu,op. cil.,
\ . 25, repreiwlra exactemenl la dé(initiun de Léop. Mozart.
7. Paris, La Chevanlière, s. d. (IT'IJ, pp. 28-32. "
■' et d'une qui passe par degrés de la lenteur à la
vitesse :
« (30) Cet agrément ne s'employe jamais dans les
demi-sons (tons) qui doivent imiter non seub-ment
la voix humaine, mais encore la nature de la parfaite
intonation jusqu'au point mathématique, c'est-à-
dire que l'intonation ne doit point être altérée, dans
les demi-sons, et elle le serait par le tremblement...
Cet agrément fait un très bon effet à la note finale
d'une phrase musicale, quand cette note est lon-
gue... (31) Il fait pareillement un fort bon ell'et sur
les notes longues de tel chant que ce soit et quelle
que soit la mesure, quand les notes sont arrangées
de la manière suivante :
^nftffft^^mfflB
Spohr donne aussi du vibrato une élude détaillée*.
11 distingue quatre degrés de vitesse.
1" Trémolo (vibrato) rapide, pour les notes forte-
ment accentuées.
2" Trémolo plus lent, pour les notes traînées, dans
les passages d'un cliant passionné.
3" Trémolo qui commence lentement, et qui aug-
mente graduellement.
4° Trémolo qui commence rapidement, et qui se
ralentit peu à peu.
Pour l'étude physiologique du vibrato, on se repor-
tera aux ouvrages modernes déjà cités de M. Herwegh,
Lallement, Flesch, Eberhardt, Trendelenburg, etc.
La diversité des opinions émises quant à l'origine du
mouvement (avant-bras, poignet, doigts), sa direction
(d'avanl-arrière et vice versa, ou de haut en bas), sa
rapidité, nous en interdit l'examen dans une étude
nécessairement abrégée.
Double corde.
Nous traitons naturellement, sous ce titre, de la
polyphonie du violon, qu'elle soit à deux, trois ou
quatre parties. On devra se reporter aussi à ce qui
concerne l'arpège', qui ajoute à la difficulté de la
double corde celle d'un maniement d'archet spécial.
Malgré les objections de quelques grincheux,
comme Avison, d'après qui'" la double corde, « même
8. Édition française, pp. 147-14!).
9. Voir en oulre ce qui a été dit plus haut de la scordature.
10. An essay upon musical expression, Londres, 1753, p. 1U8 : « In
Ihe hands of Ibe greatest Masteçs, they only deaden the tone, spoil
1824
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
entre les mains des plus grands maîtres, lue la sono-
rité, fausse l'expression et fait obstacle à l'exécution,
en un mot contrecarre le talent du virtuose ^t ravale
un bon instrument à lacondition de deux instruments
sans relief », les violonistes de tous temps en ont
fait le plus large emploi.
Parmi les piéclassiques du xvii« siècle, les Alle-
mands surlout, Kel/. , Westhof, Waltheb, Biber,
ScHMELTZER, Baltzar, pour ne citer que les princi-
paux, sont des maîtres ('s polyphonie. Parmi les Ita-
liens, Carlo Farina, Biagio Mabin! (qui tous deux ont
pu être intluencés par les Allemands), Uccellini,
0. M. Grandi, plus tard BASSA^■l, Vitali, etc., sans les
égaler, ne manquent ni d'audace ni d'ingéniosité.
Les Fiançais, nettement retardataires, jusqu'à 1720
environ, pour ce qui est de Texécution des difficultés,
n'ont pourtant pas attendu J.M, Leclair, comme on
l'a écrit fort longtemps, pour pratiquer la double
corde. Le témoignage de Mersenne en 1630 est formel :
« Encore que l'on puisse quelquesfois toucher deux
chordes de violon en mesme temps pour faire un ac-
cord, » dit l'édition française ', et l'édition latine '- est
plus explicite, comme il advient assez souvent : n Des
quels (doigts) n'importe lequel peut toucher à la fois
deux cordes, ensorlequ'ilproduit unequintesurlavec)
la même division (en immobilisant une même lon-
gueur sur les deux cordes). » C'est de cette façon élé-
menlaire que procède l'Italien Biagio Marini^, lors-
qu'il discorde son violon en abaissant la chanterelle
d'une tierce, ce qui lui permet d'obtenir en employant
pour chaque double corde un seul doigt, comme on
ferait pour des quintes sur un instrument normale-
ment accordé:
Qui SI accorda il cantino m terza minore
0-12.
4=t-
$■■ t?> I e
=«i=
K
On ne peut prétendre donner ici une idée très com-
plète des ressources que les différentes écoles ont
trouvées dans la double corde. Nous nous contente-
rons de quelques exemples significatifs, rangés chro-
nologiquement, des principaux problèmes résolus.
Tierces (difficulté croissant avec les positions les
plus élevées).
J.-P. Westhoff. Sonate, 169'i-, allegro (éd. G- Bkcr-
MANN, Simrock) : i; •. j .
^îïmnmmm
GoRELLi. Op. V, 1700. Sonate III, allrgro :
Gemimiam. XII Sonates, Londres, 1716. Sojiate II,
allegro :
the expression and obstruct the exécution, lu a word. they baflle tlie
Performers art aoi briug down a good instrument lo the state ol t« o
indifTorent ones. -» Galea/zi {op. cit., pp. 177-17S) fait au contraire de
la doub'e corde un panéjryrîque en l'orme ; mais il est violoniste.
1. 1636. Loeo cit , p. 184.
t. Harmomconim Lifn-i IV, liiSil, p. 39 ; « tjiiorum unusquisque
fdifçilus) duos nervos eodem tempore simul tangere potest, ut Dia-
penle Tacial super eadem melatione. »
A. Sonata seconda prr il viollno d'inventione {102'.*), citée par
G. UECfUix«N, op. cit.f exemple n" .6.
LocATELLr. -{^ caprice, 1733 :
GUILLEMAIN. Ibid.
{xn^j
P. Gaviniès. Op. I (1760). Sonate VI, adagio
N. Paganini. Caprice n" i, maestoso :
Chaînes de Sixtes.
CoRELLi. Op. V, 1700. Sonate II, allegro :
g#g=
A. Vivaldi. Op. 8 (vers 1723). Concerto VII, allegro :
kihW^
Tt
M t
Octaves. — Voir plus haut les brisures, plus loin
les formules d'accords de trois et quatre sons, ainsi
que les arpèges, ceux surlout de Locatelli. La^^difli.
cullé des octaves s'accroît dans le registre suiaigu :
le summum semble atteint avec ce trait du septième
caprice de Paganini :
8°
m
1» i^f :-
i^
"W
TECH.\IQ('E. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON 1835
Dixièmes. — Ua (liflicullé s'accroît dans le ;;riive, (cité par A. Sghering, Geschicidc des Iwitiuineutal-
Técart des doi^;ls ;iiif.'riieiitant (au contiaire des oc- Aonzerts, Leipzig;, 1903, p. H2J :
taves qui à la |iieiiiirre el à la deuxième position j
représentent pour [:i main un écart d'abord normal,
qui vase resseri-.inl/lans l'aif^ii). Voir
les arpéf,'es.
J.-B. CriMs. ()|i. I ii7:w). Sonate
troppo. Avec un iiilorvalle de onzième
r aussi, plus loin, -jt:
//, allegro non *"
Tremais, op. 1 (1736). Sonale IX (double trille en
extension) :
Joh. GoTTLiEH (iRAUN, CoHCerlQ, S. d. (avanl 17711
Paganini, Caprice IV :
fr f04t
A. LoLLi, Sonates a deux violons, op. IX (vers 1780)
(1" violon) :
80-—----^^ -,
P. Baillot, .\7/ Caprices, op. II (1803) (sur les deux
cordes graves) :
^ ^-^- ,1,1 LUj
ao
-■«:
^
Wfffffff
Accords de trois et '/wilre sons. Accords plaqués.
'Biayio Marixi (1629) (cité par G. Beckmann, op. ait-, exemple 5) :
1
fe^
2~i-i:
9^
xr w- »■ V V-
2=*:
ë
^ li ^
^
J.-P.WE3THOFF.Swi?epoî(rijo;onse!(/(168.'',). (Publiée
par le Mercure ^a/an/, janvier 1683.) Prélude :
i" m\\\'i
W
Leclair, livre I (1723). Sonate XII. Allegro (avec
emploi du pouce) :
PjJJHJj/iJ
f rf»fffT"iT
le Pouce
P.iGANiNi, Capriie I :
GuiLLEUAiN, op. I (1734). So»a<<; /J. Allemande:
iuiMH
l.ocATELLi, op. III (1733). Caprice V
'I^flflfj
Le Blanc, La Citasse, menu it ivers (1745) :
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Etm
u u u ul
Copyrif/ht by Librairie Delayrav, l'J::7 .
115
1826 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOSNAIRE IW CONSERVATOIRE
ViEUXTEUPS, Concerto, op. X. Allegro :
Ibid.
J. HuBAY, Cinq Études de concert, op. H5 :
^^
■miiT^
S: K__J1
pi
#i:
ti^
Sïi//e polyphonique.
C. Farina, Capj'icî'o Sirai'agon^e, Dresde (1627) :
£ira variata
Haltzar, Division on a ground : John corne kiss me (Division violin, Londres, 1683, p. 12) :
Ibid. :
^^m
/1i:j'J> Jr
Ihlil. :
'1111 I Ini U'i |i'«f'r'
GsMiNiANi (1776) (XII sonates) :
jjuIuàUû
J -S. Bach, Adagio. Sonate llI.Sona(es l'i violon seul vers 1720 :
VVP
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON 18-27
Ibid. :
Fugue. Sonate 1
WÏÏWWW
Fugue. Sonate III :
r'^^^^'Hlr^'^'^
1?. Campagnoli, 6 Fugues pour violon seul. Op. 10 (vers 1815) :
J. JoACHiM. Deuxième cadence pour le concerto de Beethoven
J i U ij
rrf^
— — — — — ■*- -± — — a- I -■ - —
lU'l l'rpT
Unisson sur deu.v cordes. — Exemples à partir de
l'iANi, op. I, ll[2, pi'élude de la I" sonate; G. Mossi,
op. I (vers 1725), sonate IV, allegro; exemples nom-
breux après 1750 : Nardini, sonate dixième (1760),
J.-S. Bach. Sonate lll, vers 1720, Andante :
1 12 de l'Art du violon de Cartier; L'Abbé le Fils, cha-
conne. Principes du violon, 1761.
Chant soutenu accompagné en valeurs uniformes.
y m 'Ut
p. Nardini lattrilniée à). Sonate énigmatique, n° 148
de r.irt du violon de Cartier (Hésolution) :
J. Stamitz (Exercices à violon seul qui doivent imi-
ter deux instruments par leurs exécutions. Paris, Sie-
ber, s. d. (vers 1773), I :
Andxntti
Même procédé emplové par Hubert Léonard dans
son op. 2, Souvenir d Haydn, et, à partir de 1S50,
dans de nombreuses cadences de concertos.
Chant souienu accompagné par un trémolo. —
Vivaldi est probablement l'un des premiers vir-
tuoses qui se soient avisés de placer sous un chant
un accompa^'nement en battements rapides de tier-
ces ou de quartes, tel que celui-ci (Op. VIII, concerto
II, l'Eté) :
Preste
1828 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
C'esl le même eliel que recherche J.-M. Leclaib, el qu'il obtieiil avec une richesse accrue au début de
la sLiii'me simate du livre IV (1738) :
ÀlltffO
T^iTT^
±mii,.i..iu^.i~-À
r'T'VO r
« Pour que le trait du commencement de celle
sonale fasse son etfet, il faut, à chaque accord, faire
entendre la note d'en haut la première, el tenir les
trois cordes sous l'archel; les petites notes indiquent
une esp^>ce de tremblement continuel qui doit sortir
de l'acrord et se battre le plus viste et le plus fort
qu'il se pourra. La petite marque < sifjnifie les deux
sons qu'il faut battre l'un contre l'autre.» (Note de
Leclaih.)
Leclair avait d'ailleurs esquissé cet effet dans la
sonate IV du même livre, où il écrivait :
Andanie
fe^
i
I I I I Mil Mil I I I I I I I I es^s
Le m'me procédé a été employé par Baillot pour
sa cadence du 1"' concerlo, op. III (vers 1800), par
Fr. PiiiiMK, dans sa MéUinaolie, op. 1, variation 1,
Pagamm, dans le Caprice n° fi, Mendelssobn, dans le
milieu de l'jindanle du concerlo en mi mineur. On en
Irouveia plus loin une variante dans la combinaison
du Irille el d'un chant.
Doidtlc liilk. — On l'emploie généralement sur l'in-
tervalle de tierce. Dés 1688, .l.-J Walther en donne
dans Vlliirhdits chelirus, sonate XXVlll, cet exemple,
précédé de sa préparation :
Cetrilleà latierce sera fréquemment employé dés
le début du xviii= siècle, m(^nie dans l'école française
(Marcband le fils. Suites de pièces, 1707. Quahnème
suite; i -M. Leplair, B. Anet, Guillemain, etc.) Plus
tard, I'Arbé le Fils le risquera même aux positions
élevées, comme dans l'op. VIII (vers 1705), smiaie 11 :
Allegro assai
,^■.1 TiT rîr'f
Il précise, ailleurs, dans la méthode déjà citée
(p. (5ii), le doigté à employer lorsqu'une corde à vide
se présente : en ce cas, il n'emploie pas le premier
doigt, jugé trop faible, mais le deuxième et le qua-
trième :
De nos jours, on a poussé la technique du double
trille à des limites que les œuvres de Paganini n'a-
vaient pas atteintes : l'emploi qu'en fait en particu-
lier KocHANSKi (cadence pour le concerto, op. 35 de
K. SzYMANOwsKi) dans l'extrême registre aigu est tout
à l'ait digne de remarque. Le double ti-ille à la sixle
est employé depuis Leclair (livre I, 1723). Le doigté
qu'indique Léopold Mozart (Méthode, 1756) atteste
de la [lart de qui l'employait une dextérité surpi-e-
nante :
2 1 2 1 Z 1
10 10 10
Baillot (op. cit., p. 81) résout le problème plus élé-
gamment au moyen des doigtés: 3 2 3 2, etc.
10 10
Le triUe à l'octave nécessite une extension en
même temps qu'un resserrement des doif^ts qui tril-
lent contre les doigts fixes : difficulté aboidahle à
peu de violonistes. On en a déjà trouvé une ébauche
chez 'I'remais (op. I, 1736, sonate IX, citée plus haut) ;
en l'espèce, il ne s'agissait peut-être que d'un court
battement. Mais Paganini écrit [Caprice n" 3) :
tr
80-
tr
tr
tr
On peut aussi ne triller que sur la note inférieure
ou supérieure : Ch. Prokofief, cunccrto op. 19 :
Enfin, depuis fort longtemps on a songé à faire mou-
voir un chant ou un contour mélodii|ue quelconque
au-dessus ou au-dessous d'un trille soulenu. L'exem.
pie le plus connu est celui du Trille du Diable de
Tartini(1713)' :
). Daté d'après le récil de La Lande, Yoyntjc en Italie, IX, l'aiis,
IT86, p. 53.
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON 18-W
TBïnSf
LocATELLi use <ie ce procédé dès son œuvre III
(1733, Caprices V et Vltl). Dans l'œuvre VIII (menuet
varié ile la sonate VI), il Irille allernalivement au
f^rave et à l'aigu de la mélodie :
I
ife
'irvv
vA>M|JrJ
<> I tt-fr—
tiff ffr
Les méthodes de Léopold Mozart, de Woldemar'
BoRNET l'aîné, l'étudient systématiquement. On en
trouvera des applications plus délicates au six" siècle,
chez WiE.NiAWSKi {Souvenir de Moscou, etc.), ou Joachim
(première cadence pour le concerto de Beethoven) :
tr
tr
t>
tr
tr
tr
SX
S3.
M
rrr^
^^
;' "^ffrvvf
s=^
Pédagogie. — Ainsi qu'il a déjà été indiqué plus
haut, l'élude de la double corde. Jadis r'elé;,'uée à la
lin des études de main gauche, est pratiquée main-
tenant beanciHip plus tôt, et considérée à la fois
comme un élément technique nécessaire en soi,
comme un précieux assouplissement de la main
gauche (cf. plus haut Gemimani se servant de la
double corde pour contrôler le placement correct delà
main), et même icf. Gacet, o;). ci<., p. 26 et suivantes)
comme un exercice propre à développer le mordant,
l'équilibre et la souplesse de l'archet. A telles ensei-
gnes (]ue, dans certaines méthodes tout à fait récentes,
comme celle d'AHeo Buya (Milan, 1923), le débutant
est presque immédiatement entraîné à conduire son
archet sur deux cordes, en utilisant des intervalles
simples, quinte (à vide), octave (une corde à vide) ,
uinsson (une corde à vide). Une pédagogie minutieuse
régit ces piemiers exercices. De même, dans la
méthode d'Armand Parent (en cours de publiration,
mars 1926), les doubles cordes, à la première position,
sont ainsi préparées :
'f'/ili^i'JiJJi^ji^^
Pour les changements de position, en double corde,
on en a également analysé le mécanisme, el Klksch
[op. cit., p. 29) propose les préparations suivantes :
Il faudrait également tenir 'compte îci des études
adaptées aux exigences de l'harmonie moderne: Ar-
mand. Parent (20 Eludes de virtuosité, 1017), M. Her-
WEGii {op. cit.], Chaumont, nombre d'autres maîtres
contemporains s'elforcent d'assouplir et de codilier
des formules harmoniques dont les compositeurs
non violonistes ont généralement piis l'iniliative, et
qui posent aux exécutants des problèmes parfois dé-
licats. A la base, subsistent toujours les recueils
considérables de Do.nt, Schradiecr el Sevcik, et, sur
un plan plus reculé, les travaux déjà cités de Baillot
et de Spohr.
Arpège.
L'arpège (accord dont les notes, au lieu d'être frap-
pées simullanénient, sont égrenées comme sur la
harpe) l'ait paitie intégrante de la technique de la
viole, dont les six ou sept cordes disposées en ac-
cords consonants en impliquent nécessairement
l'emploi. On conçoit que le violoa l'ait de bonne
heure adopté.
Il est probable que le Capriccio de Biagio Marini
(1629) cité plus haut, est déjà arpégé. Aux environs
de 1670, l'école allemande (Schmelzer, Walter, Biber,
1. Paris, Cochet, s. d. (vers 1800).
Westhopf) nous "offre un choix considérable de for-
mules arpégées. J.-J.'WALTHER,dans sesSc/ier27(1676),
distingue des arpèges liés et détachés-.
Eu France, il est possible que l'on n'ait pas accepté
très volontiers les coups d'archets légers, variés, fan-
taisistes auxquels prête l'arpège. Les gamliisles mon-
taient une garde sévère autour de leurs arfiègements
sérieux, « à la corde •>; le passage suivant de Jean
lîOLSsKAu', dans le chapitre consacré au dessus de
viole, semble attester, chez les violonistes, le même
esprit conservateur: «Une faut jamais pialiquerces
passages du haut eu bas, el du bas en haut à coups
d'archet, ce que l'on nomme des ricochets, et que
l'on ne soulfre mesme qu'avec peine dans le jeu du
violon. Il Une certaine variété se fait jour cependant
chez nos premiers auteurs de sonates; Duval, Mar-
chand, écrivent des pièces k par accords », où l'on
trouve, des 17li) (Duval, 5° livre, sonate VI. lUii) ûe^
arpèges alleret retour tels que :
i. Cf. BecKMANN, op. cit.
■h Traité de la viole, 1687, p. 73.
1830
ENCrCLOPÈniE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
La palme levient encore aux Italiens, du moins
pour ce délint du xviii» siècle. Corelli, de qui la vir-
tuosilé, ennemie des effets accrobatiques, semble se
cantonner dans les limites de la technique courante,
arpèpe sur ces accords (op. V, sonate I, 1700) :
Bon nombre de ses arpèges sont alternativement sur
4 ou 3 cordes, ou sur 3 et 2, comme (ibid. sonate II] :
qui doit se résoudre ainsi :
m^M^^ùiiûdi^^
ToBKLLi l'égale au moins en ingéniosité, et Vivaldi
les dépasse tous deux avec des formules telles que a
(op. VIII, concerto S), b (op. VI, concerto o), c (ms.
Dresde, Cx, 1025), d (ib.), e (ib., Cx, 1045), dont la
disposition, avec le mi à vide, est de celles qu'affec-
tionne J.-S. Bach.
®
UàMâM
FFFrTFFT
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M'M'dMMi
t
r
La plupart des'contemporains de Vivaldi inventent
à plaisir des figures qui combinent arpèges, bario-
lages et brisures. Castrucci, avec son op. II (vers
1734), est (larini les plus féconds novateurs. Il le cède
cependant en richesse à Locatelli, à cet égard l'un
des plus grands techniciens de son siècle. Je citerai
seulement quelques mesures a du fameux Labennfo
armonico fop. III, caprice XIV 1733) et de l'op. VIII,
sonate F (vers 1733-40):
■4
tt-
■4
^ h*
■4
r>.,f^,.^^,4j|l,^^4J,1^4J
^
i%
M
f^=#^
^ r iM f' — f — f f
Geminiani, le premier, donne dans sa Méthode (op.
cit., édition anglaise, pp. 28-29) le tableau détaillé
des dilférents coups d'archet applicables aui arpèges;
il en énumère dix-neuf. Mais on ne peut dire que
cette liste représente un niveau de virtuosité aussi
élevé que celui des Caprices de Locatelli. Au con-
traire, I'Abbé Le Fils {op. cit., pp. 1761. ."iO-SI), s'il
n'est pas très inventif en matière de coups d'archet,
pratique, à la main gauche, de périlleuses escalades,
où l'extension du quatrième doigt est systématisée.
GuiLLEMAiN, dans SOU Amusement pour le violon seul, op.
XVIII, caprice XII (1762), imagine un nouvel effet de
lenue accompagné d'un arpège, assez voisin de celui
que Paganini exploitera dans son sixième caprice :
LE VIOLON 1831
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
Ce sera l'une des plus puissantes originalilés de 1 mands comme Pisendel, J.-S. Bach, J.-H. Graun,
Gaviniès d'avoir à la fois assimilé les trouvailles de 1 ïelemann, et ajouté à leur si riche répertoire.
LocATELLi, de I'Abbé Le Fils et Guillemain, d'Aile- \ Exemples tirés des Matinées, op. Yl, 1794 ou 1800) :
Si difficiles que soient les problèmes posés par
LocATELLi et Gaviniès '.Paganini a pu renchérirencore
sur eux en arpégeant à l'extrême registre aigu et en
exigeant tout à la fois une légèreté et une précision
accessibles à peu de virtuoses, comme dans son pre-
mier caprice, sur la formule :
H. ViEuxTEMPs {Les Arpèges, op. 15), Wieniawski,
Ernst, ont développé autant qu'il se pouvait cette
technique. Plus près de nous, la difficulté s'est accrue
du fait de la constante évolution vers une tonalité
plus mobile. Cette nouvelle orientation des formules
d'arpèges est déjà indiquée dans Brahms, qui use
volontiers de schèmes asymétriques (Finale du con-
certo, op. 77) :
ScHRADiEca et surtout Sevcik ont donné aux violo-
nistes un énorme choix d'études d'arpèges. On les
peutcompléter utilementparrassoiiplissenient ultra-
moderne que constituent les Modernes-Toonladdir
d'Arnold Drilsua-, et le recueil déjà cité de M. 11er-
WEGH.
Pédagogie. — Nous avons vu que Gi-minian^I'Arbé
Le Fils, et il faudiail ajouter la plupart des auteurs
de traités théoriques, ont accorilé à l'arpège une
certaine attention. Mais, en raison même de la pio-
digieuse variété des traitements qu'il peut subir, on
n'en trouvera nulle part le commenlaire 1res détaillé
des divers modes d'exécution. Les remarques de
Baillot^ sont partiellement périmées : ou ne pros-
crit plus aussi sévèrement qu'il le fait la participation
du bras, et on n'arpège guère de la moitié de l'ar-
chet qui va vers le talon. La plupart des pédagogues
1. On ne peut que citer Ips recueils classiques diludes de Kredt/er,
lioDE, FioRii.1,0 ; ils sont entre toutes les mains, et les principaui élé-
ments de la technique y sont traités de façon presque exhaustive.
i. Op. cit., Amsterdam, s. d. (1915).
3. Up. cit., pp. liM2:).
contemporains préconisent un mouvement auque'
participent poignet, avant-bras, arriere-bras. Quel-
ques conseils judicieux chez C. Flesch', qui recom-
mande l'usage d'une fraction aussi courte que pos-
sible; un mouviment du bras aussi régulier et
continu que possible; une coïncidence exacte, dans
les arpèges détachés, entre les mouvements de
l'avant-bras et de lanière-bras; dans le legalo, l'ar-
chet tiré pour l'arpège ascendant, et poussé pour
l'arpège descendant, si le mouvement est rapide;
dans les mouvements lents, licence d'adapter le coup
d'archet aux nécessités de l'expression.
Harmoniqnes»
Les ressources des sons harmoniques, dont on a
parfois attribué la découverte à Paganini, étaient
bien connues dès le xvii« siècle, et probablement de
longue date déjà, des joueurs de trompette marine.
Deux savants, Philippe de Lahire'' et Joseph Sau-
i. Op. cit., p. 03.
3. Explication des diff'érerices de sons de la corde tendue sur la
trompette miirine, 1694.
1832
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
vkur', sans parler de l'Hon. Francis Hoberts^, dont
le niémoire nous est cité de façon assez vague, en
ont exposé la tiiéorie.
La première application au violon, portée parfois
au crédil de Domeiiico Ferrari, sur la loi sans doute
de l'historien Burney (III, p. 562), revient de façon
certaine à J.-J. Gassanéa de Mondonville, qui l'expose
tout au long dans son œuvre IV : Les Sons Harmoni-
ques, Sonates à violon seul avec la Basse Continue,
Paris et Lille, s. d. (vers 1738). Ce recueil a été étudié
de très près par M. de la Lauruncie dans l'ouvrage
souvent cité'', auquel on se reportera. Notons seule-
ment que Mondonville ne va pas au fjelà des harmo-
niques produits au moyen d'un seul doigt effleurant
la corde à intervalle de quarte, de quinte ou d'octave,
qu'il indique ainsi :
Tn«
*=*
Il lui arrive souvent de noter, en l'affectant du même
signe, la note réelle, produite par l'effleurement de
la corde :
11 n'use d'harmoniques doubles qu'à intervalle de
quinte; et ne connaît pas les harmoniques produits
avec deux doigts, l'un servant de sillet mobile.
Après lui, Chabran (op. I, sonate V, entre 1750
et 1760), GiARDiNi (op. I, sonate IV, vers 1750) em-
ploieront les harmoniques doubles avec plus de
hardiesse.
L'Abbé Le Fils'- complète l'expérience de Mondon-
ville et de GiARDiNi. Sa méthode expose toute la
série chromatique des harmoniques qui se font au
moyen soit d'un doigt, soit de deux (le second eflleu-
rant la tierce ou la quarte du doigt fixe). Il les indi-
que ainsi :
I
fln;
le doigt appuyé désigné par la noie carrée, le doigt
effleurant par la note ronde suinioniée d'un 0. Il
sait même triller en sons harmoniques : il faut pour
cela " ne point appuyer le doigt de la note que l'on
emprunte pour la Cadence ». On n'ira guère plus
loin dans cette voie jusqu'à Paganim. C'est en effet
lui qui, ayant développé comme on sait l'usage des
harmoniques simples, les employa en double corde
de la façon la plus ingénieuse, la plus délicate aussi.
L'exposé de ses découvertes demanderait un volume :
on l'a écrit, et nous y renvoyons 1h lecteur. C'est le
traité de Charles Guhr sur l'Ai-t de jowr du Violon
de Piiganini, paru en allemand en 1831, traduit en
français peu après chez Schonenbkrgkr (voir surtout
les pp. 17 à 47)''. Jacque^-Férénl Mazas a également
donné, vers 1832, une Méthode de violon, suivie d'un
traité des sons harmoniques en simjdi' et doubh' corde
(Pans, Frey; Bonn, Simrock). Baillot op. cit.,
pp. 217-222) étudie assez brièvement les harmoni-
ques, mais il décrit une sorte de flautato non signa-
lée avant lui*^ : « Il est encoie un moyen d'obtenir
des sons harmoniques que le hasard nous a fait dé-
couvrir : en posant les doigts un peu plus que pour
effleurer la corde et toutefois beaucoup moins que
pour les sons ordinaires, et en excitant vivement la
vibration de la corde par l'archet, chaque note (autre
que les harmoniques naturels la, ré, sol) sonne alors
à l'octave, si l'on a soin de placer l'archet au-dessus
de l'extrémité de la touche su louant sur la deuxième
et la troisième corde, et de l'en éloigner, lorsqu'on
joue sur la quatrième.
<c Jusqu'à présent, ce moyen ne'nous a paru prati-
cable qu'à la première position sur les cordes la, ré,,
sol, et dans les traits suivants » :
AUeg,
A la vérité, il ne semble pas que l'on soit allé
beaucoup plus loin, dans cette branche de la techni-
que, que ne l'avait fait Paganini. Krnst, Sivohi,
WiENiAwsKi, restent plutôt en deçà de leur modèle.
De nos jours, si la musique pratique n'enregistre
pas non plus de progrès notable, il faut du moins
signaler les recueils d'études, extrêmement abon-
dants et fouillés, parmi lesquels ceux de Sevcik
occupent une place de choix.
1. l'rincipr.-i d'arousliffitc et de miisigue (1701-1702).
2. Auteur d'un mémoire sui' la trompette et ta trompette marine,
iilîéré dans tes Phit(^s<lphicnl Trausartioni for 1692. D'après le» Mé-
moires M. R. NuRiH.édit. KimliauM. 1846, p. 193.
3. I, pp. 4'iG-i;iO.
4. <Op cit., pp. 72-73.
5. Hl:nu^■-A[.I.l;^, De Fitliculis biblioijrapltia, 18^0-1893, signale eoU3
Pizzicato.
L'emploi du pizzicato doit être aussi vieux que le
violon : il semble impossible qu'on n'y ait pas songé
dès l'origine, ne fût-ce que par analogie avec la
technique du luth. On en trouve en tous cas l'indi-
cation positive dans le Comlialtimento di Tancredi c
Clorinda (1626), où Montervedi note : (■ qui si lascia
l'arco, e si strappano le corde con duoi ditli ».
et plus loin « qui si lipiglia l'arco ». .lohann
Jacob Waltiier, dans VHoitulus Chelicus (1688), écrit
en pizzicati tout un Lento harpegijiante. L'orchestre
le n" "2171» un ouvrage anonyme : Paf/nninis Method of prodiicinij tïte
Hannonic Do'dUe Stops, LonduD, s. d. (1840).
G. Sinon peut-être par Galeazzi {pp. cit., p. 172).
TECHNIQUE, ESTIJÉTIQVE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON 1833
dramatii|ue {Adonis de Keinliard Keiser, 1697, etc.)
en usera constamment. Sur l'exécution du pizzicato,
les maitres du xviu= siècle ne sont pas d'accord.
Leclair (Scylla ct'filaucus, 1746, acte V. p. loi) désire
que l'on pitice les cordes avec le pouce. J.-J. Quantz'
accepte celte pralif]ue au seul cas (c'était, il est vrai,
celui du passade précité de Leclair) où ion doit
pincer un accord de trois sotis. Dans les autres
cas, il préfère l'emploi de l'index. Liihlein'' au-
torise les deux procédés. Pour le premier, on prend
le violon sous son bras comme une guilare; pour le
second, on j.'arde l'instrument placé comme dans le
Jeu coWarco. Baillot-" n'est pas moins libéral : " On
fait généralement le pizzicato avec la partie charnue
du pouce, en tenant le violon comme une guitare,
AlJpfjro nnn tr'ippo
F 1 î i 2 1
c'est-à-dire en travers sous lavant-bras droit. Lors-
qu'on a peu de notes à faire, ou lorsque le mouve-
ment ne laisse point le temps de mettre le violon
dans cette position, on pince la corde avec l'index ou
avec le pouce de la main droite, principalement dans
les accords, tenant alors la hausse <le l'archet avec
les deux derniers doigts plies. En plaçant le pouce
veis le milieu de la touche, on obtient des sons
doux. » Berlioz, dans son Grand Traité d'Inxtru-
mcntation', souhaite que l'on adopte des doigtés de
guilare qui permettraient un pizzicato rapide et la
piatique de notes répétées : (P = pouce de la main
droite; i, 2, 3 : index, médius et annulaire de la
main droite) :
0 0 0
4 0 0
C'est chose faite aujourd'hui, et la plupart des vio-
lonistes d'orchestre ont à leur disposition un pizzi-
cato nuancé de l'extrême pp au ff, et aussi agile que
le demandait Berlioz.
Pizzicato de la main gauche. — Baillot [Ioco cit.,
p. 224) déduit avec netteté les inconvénients de ce
pizzicato : " La corde ne vibrani pas aussi librement
auprès du sillet que dans les endroits où elle est plus
éloignée de la touche, le son est sec. Ce défaut ne
peut être corritjé comme avec la main droite qui met
la corde en vibration vers le milieu delà touche pour
en tirer des sons moelleux. Les didgts de la main
gauche ne peuvent d'ailleurs, à cause de leur position,
avoir la même force que le pouce et l'index de la
main droite, et s'ils ont plus d'agilité en raison du
secours qu'ils se prêtent mutuellement, en pinçant
la coi'de l'un après l'autre, ils ont moins d'empire
sur elle. »
Le premier exemple certain de cet artifice acroba-
tique (car certains passages de Vllortnlim chelicus de
Walther en laisseraient supposer l'emploii a été
signalé par M. de la Lauren'Cie'' chez le curieux et
mystérieux violoniste qu'est M. de Tremais (la diffi-
culté s'aggrave là du fait que l'instrument est dis-
cordé) :
'Fizz
Fizz,.
Put.
Les Stamitz, Johann, s'il en faut croire Woldemar^,
et à coup sur son fils Antoine'', ont usé du pizzicato
de la main gauche. De même Mestrino, au dire de
GunR. Mais PAGA^'l^:l se montre singulièrement plus
hardi que ses devanciers. Témoin ces quelques me-
sures de la quatrième variation de i\c/ cor pin non mi
si'uto :
GuHR iop. cit., p. 14-15) a donné des exemples
accompagnés de commentaires qui n'ajoutent aux
indications déjà acquises que celle-ci : » Il faut
toucher les cordes (pour les notes non pincées) seu-
lement avec une petite partie de l'archet presque en
sautant. » M.-O.-C. Dounis" a imaginé, pour l'étude
de ce pizzicato, des exercices dans lesquels on
immobilise deux doigts (notes blanches), tandis que
les deux autres travaillent :
1. Op. cit., p. 2"8.
±. Anweisiaiff zum Violinspieten, 1774, pp. 96-'.ï7.
3. Op. cit., p. ii'i. Si'OHR (p. 131 do l'éd. française) pnrtage l'opi.
uiûn de Baiu.ut.
i. Pp. 28-a9.
Enfin, reste à signaler la combinaison du chant
colTarco et du pizzicato simultané delà main gauche.
H. W. ERNsr en a usé dans son Carnaval de Venise
(op. 19, variation 13) :
Jrco Segnia
rijo.
îTTfYulff
A. Léonard, dans son Souve)2ir de llaijn-i (op. 2), ponc-
:j. Ojt. Cit., III, 1924, p. lûli. Le passage on que^^tion ost eitrait de
loi», IV de TtiEMAis (vers 1740), sonate II, Andnntino. Dins lu niiïme
sonate, l'allegro contient d'autres passades aoi ogiic*.
6. Nouvel Art de l'archet, 13« variation.
7. Six Sonates pour violon et basse, Paris, Borrelly, s. d. Sonate I.
Menuet.
8. Op. cit. y pp. GS-69.
1 s:i4
ENCYCLOPÉDIE DK LA MUSIQUE ET DICTIOSNAIRE DU CONSERVATOIRE
tue d'un pizzicato lu noie supérietire d'un arpège
sautillé. .loACHiM écrit (première cadence pour le con-
certo lie Beethoven) :
Arco
Fixz.w f
f V r r
sans imaginer cependant rien de plus hardi que
l'exposition de la troisième variation de AV/ cor piu
ou le Duo pour violon seul de Paganini.
Glissaiido, imitations, artifices acrobatiques.
Reste à parler de divers procédés de virtuosité un
peu extérieure, destinés à produire des ellels spé-
ciaux, et que la technique Iraditionnelle n'étudie
pas. Par exemple, certains glissandos, en général
chromatiques, que l'on ne semble pas avoir exploités
avant le xix" siècle, avec, soit un staccato d'archet
qui en facilite l'exécution, soit un legalo qui oblige
la main gauche à produire elle-même des demi-tons
exacts séparés par un arrêt bref du doigt qui glisse.
M. Herwegh, qui appelle ce glissando glissando à
crans, écrit' : « On l'obtient en utilisant, pour passer
au cran suivant, l'effet réactif de la corde qui
repousse légèrement le bout du doigt dans le sens
inverse du trait, à chaque cran. Cet etft^t réactif lui
sert aussi d'instant d'arrêt et de point de rebondis-
sement pour sauter au cran suivant. Celte partie du
mécanisme utilise donc un réllexe automatique du
doigt vis-à-vis d'une rapide réaction mécanique de la
corde. On le facilite en orientant le doigt le moins
obliquement possible à la corde et en opérant la
pression de la pulpe assez verticalement, condilions
qui facilitent l'accrochement et le ressaut. » Exem-
ples : Paganini, Caprice en si h, Rériot, Concerto II,
op.32(preniierallegro),SAiNT-SAENS,//'(î'ani(ùse, I.ALO,
Symphonie Espagnole (point d'orgue de landante).
L'op. .35 de Szvmanowski propose cette formule :
^Pf \Hs.
Vf
^
m
m
fei
Peut-être, le fameux « couler à la Mestrino »,
dont nous n'avons d'autre échantillon que celui de
la méthode de Woldemar (p. 33), était-il un glissando
de cette sorte; mais il avait, de toute évidence, des
fins expressives :
Il est d'autres ressources, encore plus exception-
nelles, auxquelles les violonistes ont recouru parfois
pour enrichir de façon plus ou moins éphémèie, plus
ou moins heureuse, la palette sonore dont ils dis-
posaient. Baillot lui-même, que l'on nous présente
comme un puriste austèie (voir plus haut), donne,
dans son Art du violon-, une étude de sa propre
composition, où il s'agit poui' l'exécutant de proliter
de ce que le sol grave est joué à vide pour le baisser
au fa dièse sans s'interrompre :
" fin tournant la cheville "
(Mote de Baillot J
Ailleurs^, se défendant par avance du reproche de
charlatanisme, il enseigne la manière de faire en-
tendre des quadruples cordes continues en démon-
tant l'archet, et en passant la baguette sous la table
inférieure du violon, la convexité de la mèche la
faisant porter sur les quatre cordes à la fois. C'est
ainsi qu'Alexandie Boucher*, prié, en 1801, de tou-
cher l'orgue de .Ségovie, en fournit à son auditoire
un équivalent qui, dit-il, lit illusion.
i. Op. cit., p. 10.
2. P. 341, mesures 15 et 16 de rcxcmple.
3. P. 227.
4. G. Vali.at, Études dldstoîre, de mœurs et d'art musical, 1890,
p. lOS.
On est ici, malgré les dénégations de Baillot, à
proximité immédiate de l'imitation chailalanesque.
11 n'est besoin que de rappeler le Capriccio Strava-
gunle de Carlo Farina (1627), si souvent cité, pour
retrouver les racines profondes de cet art d'amu-
sement, tantôt résolument aniiniusical, tantôt cô-
toyant de fort près la musique ou s'y mêlant assez
intimement pour qu'on ne puisse sans diiticiilté faire
le départ. Farina" reproduit, non sans fierté, la Ijre,
le coq et la poule, le fifre militaire, la trompette, le
miaulement du chat, que l'on oNtient, expli(|ne-t-il,
I' en tirant légèrement en arrière le doigt qui produit
la note écrite; aux croches, on doit tirer et pousser
l'arcliel furieusement, tantôt en avant, tantôt en ar-
rière du chevalet, comme les chats lorsqu'ils se sont
griiféset moi dus l'un l'autre, et qu'ils se sauvent. )>
Il sait aussi batire les cordes avec le bois de l'ar-
chet. Comme Buïeldieu le fera, (|iieli|UH deux siècles
plus lard (1800,i, dans l'ouverture du Calife de Bag-
dad.
Les qualités imitatives du violon sont d'ailleurs
prônées avec le plus grand sérieux f)ar Mersenne",
qui lui sait gre d'évoquer parfaitenn^nl tous les sons,
le chant des oiseaux, « la douceur du luth, la gaieté
et la véhémence de la trompette militaire, l'admi-
rable diversité de l'orgue, jusqu'au braiment de
l'âne, et a tout ce que Je violoniste peut désirer imi-
ter ». Chez les Allemands, J.-J. WALTUERva plus loin
5. Cf. Beckmann, op. cil.f pp. ly-17 et exemple 3. Cf. aussi Wasie-
LEWSKI, / n.^t ntmi'7i tnlsti t ze .
6. iidltion liline : Harm. Instr. tihri I\\ 103(1, p. 39. Ce passage
est tronqué, romme bien d'autres, dans l'édition française.
TBCHNIQIE, ESTHÉTIQUE ET PÊOACOG/E
LE VIOLON l«î5
dans l'acrohatie pure, quand il donne ' une pièce pour
un seul violon joué par deux violonistes, une autre
qu'il intitule : Sérénade pour un ensemhie de violons,
un orgue (otgano tiemolante), une guitare, une cor-
nemuse, deux trompettes et tambours, une vielle eu
puilare (lira ledesoa), une liarpe en souidiiie, par un
violon seul. (Quoi qu'en dise le litre, ces elTels sont
évoqu»^s successivement, et demandent moinsde vir-
tuosité qu'on ne serait tenté de le croire.) bes con-
temporains de Mozart, comme Jacol) Sciieller ou
Mirhel EssER, s'amusant : le premiei', à parodier le
chant de vieilles religieuses en posant sa labatière
sur son violon en guise de sourdine ; le second, à imi-
ter le psaltérion-, en battant les cordes du bois de
sou archet à la manière de Farina, continuent celle
tradition. Moins excentrique est l'imilation de la
viole d'amour, assez souvent tentée par les violo-
nistes, en particulier Castri'Cci, qui indique^ : « Les
sonates V et VIII à l'imitalion de la viole d'amour,
Avec une sourdine ad. lib. ■> B. Campagivoli écrit aussi
une Sonate notlurne : Vllliision de la vinle d'amour,
op. 16, où il combine la scordature et l'usage de la
sourdine.
Enfin Baillot, que nous avons déjà vu tenler, en
matière de sonorités nouvelles, quelques expériences
risquées, ne s'en est pas tenu là. Et voici d'autres
suggestions {Art du violon, op. 140) : « Indépeiidam-
menl du timbre qui appartient au violon en général,
et de celui qui dépend de la facture de chaque vio-
lon en particulier, il est une variété de timbre que
chacune de ses cordes est susceptible de recevoir de
l'exécutant, et au moyen de laquelle on pnut donner
au violon le caractère du Hautbois, celui de la Flùle,
du Cor, de la Trompette, de l'Armonicn, et, sous le
rapport de sou harmonie, le caractère de la Harpe,
du Piano, et même de ÏOrgue- — P. 14 : Timbre du
Hautbois : Appuver l'archet un peu plus qu'à l'ordi-
naire, le rapprocher du chevalet, et que l'on sente
que les aspérités du crin retiennent, pour ainsi dire,
les vibrations de la corde (sur la deuxième corde). —
P. 142 : Timbre de la Fliile (troisième corde surtout) :
On promène l'archet sur la touche très légèrement
et avec rapidité afin de laisser à la corde la plus
grande liberté possible. — P. 143 : Cor (quatrième
corde) : 11 suffit d'appuyer assez fortement lesdoigls
et l'archet pour donner à ces sons de la franchise et
du mordant lorsque le mouvement est vif, et beau-
coup de rondeur lorsque le mouvement est lent, et
de rapprocher l'archet du chevalet pourque la force
de vibration n-ndeplus fidèlement les sons nobles et
touclians du cor. — P. 143 : On produit également
sur la quatrième corde les sons de la Trompette eu
montant jusqu'aux notes très élevées, et en donnant
plus de foii*e et de mouvement à l'archet. »
Et Baillot, ayant (pp. 22o-226l expliqué le phé-
nomène du triii^icme son et indiqué un moyen de
l'observer aisément, en posant sur le violon une
Il clef de quatre à cinq pouces de longueur » du côté
de la quatrième corde, prés du chevalet, écrit une
courte pièce qui permette d'exploiter cet elfet, et la
commente ainsi : ce Si l'on veut essayer de rappeler
sur le violon une partie de la puissance de l'orgue,
on y réussit d'autant mieux par le procédé dont
nous venons de parler, que le roulement occasionné
par le mouvement de la clef sur la table du violon
imile le ronfiement de l'orgue, et que cnlte imita-
tion peut faire illusion pendant queb|ues inslans,
surtout si l'on joue dans une salle un peu retentis-
sante. »
On peut supposer, sans témérité, que ces essais
de coloris ont été suggérés à Baillot par l'audition
de Paganini, pour le talent de qui on seul cIihz lui de
l'admiration, un peu de méfiance, et le d''sir de ne
point se laisser abuser par certains procédés qu'il
peut, à l'expérience, analyser. De ces procédés ou
des inventions qu'ils suggérèrent à Baillot, les uns
(imitation de l'or'gue, quadruple corde continue) ont
fait faillite et font désormais les beaux jours des
clowns musicaux'; la plus grande part s'est incorpo-
rée tout natuiellemenl à la technique sinon de l'ins-
Irument soliste, du moins du violon d'orchestre. A
ce titre, et en raison, aussi, de l'assouplissement de
main gauche et d'archet qu'elle impose à qui s'en
rend maître, cette virtuosité, un peu charlatanesque
dans ses manifestations extrêmes, méritait qu'on ne
la passât pas sous silence.
Marc PINCHERLE.
1. HoHulus Cheliciis, l(is8, sonates XVII el XXVIIl.
2. Cf. WoLDEMAB, Nouvel Art de l'archet, Paris, Coclicl, s. d. (vers
léOU) p. 6.
3. Op. II. vers 1734.
LES VIRTUOSES DU VIOLON
Les virtuoses ont été étudiés dans la première
partie de l'Encyclopédie; on y trouvera en particu-
lier d'abondantes notices sur les maîtres des xvi« et
xviii= siècles italiens (pp. 737-787, jusqu'à Viotti
inclusivement), allemands (pp. 986-1009 et 1014
sqq.), français (pp. 1312-1;)25).
>ions ne pouvons songer à entrer dans le même
détail pour ce qui est du xix« siècle : les talents y
sont en telle abondance que M. Andréas Moser,
dans son livre déjà cité^, n'a pu fournir, en quelque
cent cinquante pages compactes, qu'une documen-
tation succincte, encore qu'excellente.
.Nous nous sommes donc bornés à indiquer l'évo-
lution des diverses écoles après 1800, en groupant
autour de chaque maUre ses principaux disciples,
nous aidant pour' cela des tableaux synoptiques déjà
dressés par Moser*, P. Stoeving'', A. Bonaventura",
P. David', etc., et des biographies particulières.
Il va sans dire que ces listes n'ont qu'une valeur
indicative, nullement absolue : la plupart des violo-
nistes ont eu plusieurs maîtres, et il n'est pas tou-
jours aisé de déterminer celui de qui l'influence a été
le plus marquante : de plus, au fur et à nresnre que
l'on s'approche des temps modernes, la leclinique,
sinon le style, tend à s'unifier. Entre la façon dont
un élève d'AuER et un élève de Cai>et tiennent leur
archet, il y a beaucoup moins de difi'érence qu'entre
la façon dont en usaient respectivement un Krançais
4. Il faul cependant noter que le désir d'interpréter de façon aussi
polyphonique que possible la musique destinée au violon seul, en par-
ticulier par l'ancienne école all.maude (Biceh, Waliukh, WesTHorf,
J.-S. Bach), a récemment encore suscite des recherches intéressantes.
I.e viohiniste Hermann Berho ski a construit, à cet elfet, un archet
dont la courbure est calculée de manière à lui permettre de s'appli-
quer à la fois sur les quatre cordes. Cf. Zeilschrifl fur J/usiA-, juillet
et novembre 1926.
5. Geschiclile des Violinspiels, Berlin, 1923.
0. Op cil.
7. The StoTii of the violin, Londres, s. d.
8. Storia del violino. Milan,, 1925 (Manuel HoEr>l.i).
9. Gbove's, Dictionary of Mustc and ifusicians, V, 19U (article
Violin Playing).
1836
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DfCTIOMVAIRE DU CONSERVATOIRE
et un Italien, tout proches voisins, uu début du
xviii° siècle. D'où la sécurité toute relative de ce
genre de filiations.
Élèves de Jean-Bapliste VioKi (I7.;.3-I82'S).
Albaï (Paul), dit Alday Io jeone (1764-I8:!5).
Baillot (Pierre-Marie-François de Salliîs) (1771-1S42),
élève aussi de Poli.ani.
Cartikr (Jean-Baplisle) (1765-1841).
DDRAND(Augusle-Félix),dit Dubano\vski(c. 1770 + poxl lS3i).
I/IBON (Philippe) (1775-1S38).
MoRi (Nicolas) (1796-1839).
PiXES (Friedrich-Wilhelm)( 1786-1 842), élève aussi deFRAE.szL.
RoBBBRECHTS (André) (1707-1860).
Rode (Jacquos-Pierre-Joseph) (1774-1830).
Élevés lie Baillot ( — >• Violli).
Dancla (Jean-Bapliste-Charles) (1818-1907).
Hadeneck (François-Anloine) (1781-18i9).
Maurin (Jean-Pierre) (1822-1894), maître à son tour de
Henri Bkbthelier (né 1856) et Lucien Capet (1873).
Mazas (Jacques-Féréol) (1782-1849).
Meerts (Lambert-Joseph) (1800-1863), élève aussi de Habe-
>ECK et Lafoxt. Maître de Hugo Heermann (né I 844).
Élèves de Pixis (-
Viotti).
Kai.liwoda (Johannes Wenzeslaus) (1801-1866).
Mildner (Morilz) (1812-1865).
Élèves de Kobliererhis ( — > Violli).
Bbriot (Charles-Auguste de) (1802-1870).
Ramaccioti (Tullio) (1819-1910), chef de la jeune école
maine, de Sangtis, Mcnacuesi, Pinelli, etc.
Élèves de Rode (-
Violli)
BûHM (Joseph) (1795-1878).
GoÉNÉB (Luc) (1781 + ?).
Lai-onf (Charles-Philippe) (1781-1839). élève aussi de
R. Kricutzer.
RiETZ (Kduard) (1802-1832).
Élèves de ilabeneck (-
Baillot
Viotli).
Alard (Delphin) (1815-1888).
CoviLLON (Jean-Baptiste de) (1809 -{-?).
LÉONARD (Hubert) (1819-1890).
Pbdme (François-Hubert) (1816-1849).
Satntom (Prosper-Philippe-Gatherine) (181Î-189 0 ).
Élèves d'Alard ( — ► Habencck — i- Baillot
>- Viotli).
. Garcin (Jules-Auguste) (1830-1896).
Sarasate (Pablo-.Martiu Melilou) (1.844-1908).
Tda (Teresina) (née 1866), aussi élève de Massa rt.
Élèves de Léonard ( — >• Habeaeck — ► Baillot
— >■ Viotli).
Diîx.iREMONT (Maurice) (1868-1893).
Marsick (Marlin-Pierre-Josephj (1848-1924).
Marteau (Henri) (né 1874).
MusiN (Ovide) (né 1854).
Thomson (César) (né 1857).
ViARDOT (Paul) (né 1857).
Élèves de Marsirk < — >- Léonard — >■ Habeneck
— )• Baillot y Violli).
Enesco (Georgp.s) (né 1881), aussi élève (1'Hel.i;uesdehger.
Flesch (Cari) (né 1878), élève aussi de GRiiN.
R BNEu (Adolf) (lié 1876).
Thibadd (Jacques) (né 1880).
Élèves de de Bèriot ( — >■ Robbereclils — > Violli).
Ladterbach (Johann-Christoph) (1832-1918).
M.-LANOLLO (Maria) .(1832-1848).
MiLANOLLo (Térésa) (1827-1901), élèves aussi de Cm.uera et
MOBBA.
Mo.NASTERio (Jésus) (1836-1903).
Saobet (KmiJe) (l&â2-1920), maître de Tor Adli.n (1806-
911).
ViEoXTEMrs (Henri) (1S20-1881), maître d'Eugène YSAYE(né
1858), maître lui-même, avec Kefer, de Grickboom (Mathieu)
(né 1871).
Élèves^de Bœhni ( — > Rode — > Violli).
Dont (Jakob) (1815-1888), maître de Léopold Von Acer (né
1845), élève aussi de Ridlev Ivohne et Joachim.
EBNST'(Heinrich-Wi!helm)( 181 4-1876), élève aussi de G. Hell-
MESBEBliEB.
Grùn (Jakob) (1837-1916).
Hellmesbeboer (Georg) (1800-1873), maître de son fils Joseph
(1828-1893), de Ernst, de Haoser.
Joachim (Joseph) (1831-1907).
Rappolui (Eduard) (1831-1903).
Remenïi (Eduard Hoffmann, dit) (1830-1898).
.Stradss (Ludwig) (1835-1899).
SiSGEE (Edmond) (1830-1912), maître de Hans Becker (1860-
1917).
Élèves de Jos. Hellniesbereer senior ( — > Boelini
— > Rode — >• Viotti).
BR0D3KY (Adoir)(né 1851).
Kneisel (Franz) (né 1865), élève aussi de GBii.N.
Élèves de Auer ( — > Dont — y .loacliim — >• Bochin
— > Rode — ^>' Violli).
Elman (Mischa) (né 1891).
Harrisos (May) (née 1890).
Heiketz (Jascha) (né 1901).
ZiMBAUsT (Efrem) (nélSffO).
Elèves de Joacbiin (-
-Rode — >■ Viotli.)
Arbos (E. Fernandez) ,(né 1863), élève aussi de Mqnastébio
et ViEDXTEMPS.
Bdrmester (WîHy) (né ISfiS).
Eldiuiins (Bram) {né '18C&), élè«e aussi de Hidbat, maître de
Adolf BrscH (né 1891).
GREiiOEo\viT.-cn (Charles) (né 1867), maître de BnoMsi.A-w.
Hubkkmann (né 1S'S2), élève auïside Lotto et de Joachim.
Haur (Karl) i 1859-1 90«).
Hess (Willy) (né 1S59).
HoLLAENDER (Gustav) (1855-1915), élève aussi de Ferdinand
David.
Hubay (Jeno)(né 1858).
Klinsler (Karl) (né 1879).
Kruse (Johann) (né 1859).
MosER (Andréas) (né 1859).
Nachez (Tivadar) (né 1S5S), élève aussi de Léonard.
PETRI (Henri) (1856-1914).
PowELL ^Mau4) (née 18fi8), élève aussi de .Schbadieck, Dan-
cla, etc.
.SoLDAT-RÔBEE (Marie) (née 186'4).
WiETROWETZ (Gateielle) (née 1866), élève aussi de Geyer et
Gasper.
Élèves de Uuba)' ( — >■ .loacbini — >■ Bœbni
— >■ Rode — f Viotli).
Geyer (Stetfi).
ELDEBiNH(Bram) (né 1865), élève aussi de Joachlm.
SzKiETi (Joseph) (né 1892).
Vecsey (Franz von) (né 1893).
Élèves de Lndwig Spobr ( i7li1-l)!»!)>
( — ► Franz Kck > S.-F. Eck — >■ Uanner-l'ran/.l).
Barghekr (Karl-Ludwig) (1831-1902).
Bi.agbove (Henry-Gamble (1811-1872).
BoTT (Jean-Jose'ph) (1826-1895).
David (Ferdinand) (1810-1873).
K.iMPEi, (Auguste) (1831-1891).
Holmes (Henry)( 1839- 1905).
Mater -Filippowicz (Elise) (1T94-I811).
MoLiQUB (W'ilheim-Bernhardl (1802-18t>9) , éli>ve au.ssi de
RovELLi, maître de John Tiplady C.vbrodds ,(1838-1895).
RiES-Hubert) (1802-1886).
Saint-Ldbin (Léon dff) (1805-1850), élt-ve aussi de Polledeo.
Élèves de Ferdinand David ( — » Spolir
• Franz Eck).
HiLF (Ar.no) (1858-1909).
ScHBADiEciL (Henry) (né 1846), élève aussi de Léonard.
Wii.HKLMj (Auguste) (1845-1908).
TECHNIQVE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLON 1837
Élevés de Rodolplie Krrutzpi- (I7(;(i-I88l)
( — ► Antoine Slaniiiz).
Artot (Alexandri'-Josoph d') (1S15-1815).
Lafont (Ch.-I'hiliiipe(1781-18:i9),élùve aussi de Behtheadme
et de Rode.
Massabt (Lambert Joseph) (lSll-1892).
RovELi.i (Pietro) (1793-1838), maître deMoLiQon eldeT/iiii-is-
CHBBCK (1799-18B7).
Élèves de UassarK — >• R. Kreutzer).
Hatot (Maurice) (né 1862).
Kreisliîr (Fritz) (né 1875).
LoEFKi.ER (Charles-Martin) (né 1861), élèveausside Léonard
et JOACHIM.
LoTTO (Isidor) (né 1840).
Ondricek (Franz) (1859-1922).
RiKS (Franz) (né 1816).
TcA (Teresina) (né 1S67), élève aussi d'ALARD.
Urso (Camilla) (1842-1902).
WiKNiAWSKi (Ilonry) (1835-1880).
Élèves de Pixis. Friedrich- Wiltieini (1786-1842)
( — >^ Violti — >- Krauzl),
Kalli-woda (Jenn-Wenzel) (1S0O-1M8)'.
.MiLDNER (.Moritz: 1812-1865).
Slavik (Joseph) ^,1806-1833).
Élèves de Mildner < — >■ Pixis ■
Violti).
Bennewitz (Anton) (né 1883).
Hrimaly (Johann) (1844-1915), maître de Michael Press (né
1S72) et d'.Alexandre Pc.tschnikoff (ni' 1873).
I.AUn (Ferdinand) (1832-1875), maître de Stanislas BARCEWrrz
(né 1858).
Wirth (Emmanuel) (né 1842), élève aussi de Kittl.
Élèves ite Bennenitz ( — ). Mildner
Pixis — )• violti).
Ualir (Karl) (né 1859-1905), élèveausside Joachim.
Hoffmann (Karel) (né 1872).
Ondricek (Franz) (1857-1922), élève aussi de .Ma.ssaet.
Sevcik (Ottakar) (né 1852).
Élèves de Sevcik ( — >• Bennenitz — > Mildner — >• Pixis
— >■ Violti).
Hall (Mary) (née 1884), élève aussi de Krose, Mossel et
WiLHELMJ.
KooiAN (Jaroslaw) (né 1883).
KnsELiK (Jan) (né ISSO).
l'Kiirs GROi Pi':s
Élèves de Mayseder (Joseph) (17B0-I8(>.3)
( — y \. et P. Wranilzky et J. Schuppanzigh).
De Ahxa (Heinricli) (1835-1892), élève aussi de Mildner.
Haoser (Miska) (1S22-18S7j, élève aussi de R. Kreutzer el
Sechter,
Lènpold Jansa (|7!(1>-I87;>;.
Norman-Neroda (Wilma) (1839-1911).
Antonio I.olli (I73U-IS02).
Jarnowick (Giornoïichi M.) (1745-1804) a lui-même pour
élèves Bridgetowbr (Oeorge Polgreen) (1779(?)-1860), et
Franz Clément (1780-1842).
Woldemar (Michel) (1750-1806) a lui-même pour élève
Alexandre Boocuer (1778-1861), élèveausside Navoioille.
Écoles italiennes.
Toscane : Oidliani (17û0-?) ( — ►Nardini), maître de Giob-
c.ETTi (Ferdinando)( 1796-1 So7), maître à son tour de (iiovACCHiN
(CTiovacchino) (1825-1906).
Bologne: Verarw (Carlo) (1831-1870), maître à son lourde
Sarti (Federico) (1858-1921), qui a pour élève Seratd (Arrigo)
(né 1877 — ), etde Frontali (RatTaello) (1849-191UJ, maître de
DeGoABNiERi (né 1867) et Principe (Remigio) (né 1889).
Gênes: Paganini (Niccolo) (1784-1840), élève de Seevetto,
Costa et A. Rolla), a pour élève Sivori (Camillo) (1815-1894),
maître à son tour de Scalero (Rosario) (né 1870).
Verceil : Fkrrara (Bernardo) (1810-1882), élève de Rolla,
a pour élevés ARDiTi(Luigi)(1822-1903),RAMPAZziNi (Giovanni
(1835-1903).
Brescia : Camisani (Faustino) (1772-1830), a pour élève Baz-
ziNi (Anlonio) (1818-1897).
L'ENSEIGNEMENT DU VIOLON AU CONSERVATOIRE
DE PARIS'
Dates d'enseignement.
F. Blasids (1793-1 801); P. Blasios (1783-1802) ;Gdénin (1793-
1800) ; Gavinies (1795-1800); La Hodssat»(1795-1SU2| ; GoÈ-
RiLLOT (1795-1802); Rode (1795-1810); Grasset (1800-1816;)
Habeneck, adjoint (1808-1810); R. Kredtzer (1793-1825i; A
Kbeotzer (1820-1832); Alard (1S43-I875 ; Maiirin (1875-
1894); Berthelier (1894 — ) ; Baillot (1795-1842); Massart
(1843-1890); Garcin il890-lS96); Remy (1896 — ) ; Habeneck
(1825-1848); Gdébin (1852-1860) ; Ch. Dancla (1860-1892) ;
Lefort (1892-1925); Girard (1847- 1860); Sadzay (1860-1892);
Marsick (1892-1900); Nadacd (1900 — ) ; BoncHERiT(1919 — ).
Classes préparatoires pour les précédentes: Clavel
(1822-1831 — 1S37 — 1846) ; Goérin (1822-lS32j.
Classes préparatoires^: Chaîne (1875-1882); BÉROD (1882-
1892); A. ToRBAN (1892-1894); Hayot (1894-1896); A. Bron
(1896-1926); LoisEAn(1926 — ); Garcin (1S75-1S90) ; Desjar-
i.iNS (1890-1910); Touche (1910—).
1. Jusqu'à H'UU, d'après Constant Piehue, Z.eCowMrra(oîre nalional
de musique et de déclamation, P.tris, I9ûn, p. 0(.iT.
î. IL, p. 61--
L'ALTO
Par Th. LAFORQE
PROFESSEDR AO CONSERVATOIRR
L'alto est un instrument un peu plus praml que
le violon et qui se tient comme lui sous le menton
Cel instrument doit être joué par des violonistes,
car il l'aut toujours comm ncor par jouer du violon
avant d'entreprendre le jeu de l'alto.
On peut débutei' néanmoins par 1 alto, mais le Ira-
vail sera plus lourd et li- sujet aura la virtuosité pi'-
nible. les deux instruments peuvent être cultivés en
même tnmps; l'un ell'autre s'aidant réciproiiuemeiit.
contrairement à l'idée préconçue, que l'on se lait sou-
vent, que, l'écart^ment des doigts de la main gauilie
étant durèrent sur les deux instiuments, ces deux
études menées de front pnuvent se nuire I une à
l'autre au point de vue de la justesse. L'expérience el
la pratique prouvent qu'il n'en est rien.
Par sa taille, son timbre et l'étendue de son rej;is-
tre, l'alto est, dans la famille du violon, l'iiternié-
diaire entre le violon et le violoncelle. Il est aussi
appelé quinte, parce qu'il est accordé à la (luinle
inférieure du violon.
Il portait également le nom de taille (la taille du
violon), viola di braccio, et celui de viole, parce qu'il
a remplacé tous les instruments à cordes du ri'gistie
moyen nommés vièles ou violes qui, pendant le
moyen âge et jusqu'au xviii' siècle, exécutaient les
parties intermédiaires dans le chœur des instruments
à cordes; ces parties ont été confiées à l'alto depuis
la simplilication de l'orchestre des violons'.
On donne encore le nom de viola à l'alto, en Italie ;
cette dénomination ne devrait plus s'employer.
En allemand, on l'appelle brats'he, ténor, alto-viola.
L'alto est monté de quatre cordes accordées de
quinte en quinte ; les deux cordes aiguës sont en
boyau, les deux plus graves sont lilées. La cojistr'uc-
tion de l'alto est absolument semblable à celle du
violon, sauf les dimensions qui sont toutes plus
grandes el qui varient sensiblement. Les chevilles,
la louche, le chevalel, le cordier, sont plus grands
que sur le violon, et les épaisseurs des tables et des
éclisses plus fortes.
On voit des altos de 38 centimètres, 38 et demi,
39, 39 et demi, 40, 40 et demi, jusqu'à 42 centimelies
(nous entendons par ces mesures la longueui- de
la table de résonance); cela montre les tàloniie-
ments des luthiers jusqu'à ce jour. L'instrunieul
était peu en honneuraulrefois et Ires peu travaillé ;
comme on le verra plus loin, on n'était donc pas
fixé sur ses proportions définitives. La longueur de
table de 40 centimètres semble être parfaite (der-
nier modèle officiel du Conservatoire); c'est le juste
milieu. Le timbre est bien caractérisé, l'émission du
son remarquablement facile, et, qualité indispen-
sable el très a|iprécialde pour l'exécMlant, on peut
jouer dans ces conditions l'alto avec facilité ; le dé-
manché est plus pratique et se rapproche davantage
du démanché du violon; on peut eni^nre faire sortir
avec plus de clarté les traits de l'instrument qui. de
sa nature, est un peu sourd. Vuici l'accord de l'alto :
=!-=-
~rr-
la
re sol ^
1. Voir l'arlicle Viules.
L'alto s'écrit en clef d'w^ troisième ligne, et en clef
de ■•ol pour les notes élevées.
Cet instrument a un timbre mélancolique et rêveur
qui lui est iiaiticulier, el qui se délache bien des
autres i istruments dans l'orchestre et le (juatuor.
Lu sonoiilé de l'alto est grave el sérieuse ; sombre
quelquefois, elle a quelque chose de profonii el d'é-
mouvant ; c'est pour faire dominer ce sentiment
dans sa partition d'Uthal que Méhul, retranchant les
premiers el les seconds violons, a confié aux seuls
allus les parties supérieures de l'orchestre à cordes.
Le (uocedé était ingénieux, mais il devait engendrer
la monotonie.
HE'ILIoz. dans son Harold en Italie, a écrit une
partie concerlante principale pour l'alto, partie d'un
ellét bien caractéiistique ; celle-ci était destinée à
Pagamm, qui, dit-on, n'eut pas l'occasion de l'exé-
cuter en public ; elle fut jouée successivement par
Sivoiu aux Concerts Pasdeloup, et par Massahï à la
>ociélédes Concerts du Conservatoire, etc.
Kn lésumé, les compositeurs n'ont malheureuse-
ment pas assez écrit pour l'alto, qui oïl're pointant
de bien ;,'randes ressources. Cela tient certainement
à ce l'ait qu il a été longtemps joué par des violonistes
médiocres, et qui considéraient l'alto comme un ins-
li-umenl de sauvetage ou de pis-aller.
Quand un violoniste était incapable de tenir conve-
nalileni'iit la partie de second violon, on l'engageait
a se mettre a l'alto, et il se mettait à l'alto, d'où il
résultait (|iie cet instrument était tenu par le rebut
des violonistes.
Pourtant, des violonistes célèbres tels que Paga-
NiNi, ViKuxrEMi'S, SivoRi, Alard, et j'en passe, ont
moiitié que l'on pouvait avoir de la virtuosité sur
cet instrunii ni. Ces grands artistes se plaisaient à
faire, à tour de rôle, la partie d'alto dans leurs qua-
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉPAGOGIE
tuors'. ViEi'XTEMPs transportait son audiloire quand il
manifestail sa helle sonorité sur son admiralile allô
de Magi.ini. Il a écrit quelques œuvres ponr cet ins-
trument.
Il y entaussi un violoniste et allisle célèbre du nom
d'Alexandre Uolla (né à Pavie en iT\~, mort en 1837),
qui a laissé des n'uvres intéressantes. Cet artiste
avait tellement le don d'émouvoir, quand il jouait de
l'allo, qu'il faisait quelquefois tomber des auditeurs
en syncope.
La chronique du temps raconte qu'en raison de
son pouvoir si foitenient émotif, on lui avait interdit
de Jouer de l'allo en public, il y a peut-être un peu
d'exaf,'ération dans tout cela !
Depuis l'année 1894-, une classe d'alto a était créée
au Conservatoire de Paris, ce qui a fait prendre un
grand développement à l'étude spéciale de ce bel
instrument.
Il est déjà sorti de cette classe une pléiade de
premiers prix doués d'une virtuosité remarquable,
et qui ne craignent pas maintenant de démancher
avec la même hardiesse que les violonistes; ce n'est
peut-être pas indispensable, mais c'est souvent com-
mode pour l'exécution de la musique moderne, car
la façon de traiter la partie d'alto dans certaines
œuvres de nosjours, dans celles de Wagnkr, Iîehlioz,
d'Lndy... (entre autres), exige de la paît des exécu-
tants des qualités de tout piemier ordre. On est bien
loin de la partie d'alto des anciens opéras. C'était
alors le règne du contre-temps perpétuel et des
doubles cordes de remplissage; mais l'instrument a
enfin pris la place qui lui est due.
I.a sonoiité de l'alto a plus de parenté avec celle
du violon qu'avec celle du violoncelle, comme on le
croit assez souvent à tort.
Il ne faut pas oublier que l'alto ne descend que
cinq notes plus basque le violon, c'est-à-dire jusqu'à
\'ut. Par conséquent, le *'o(, le ré et le /«sont pareils,
au point de vue de l'accord, aux notes correspon-
dantes du violon et donnent le même son à l'oreille
(timbre à part). L'alto étant donc un violon plus
grave d'une quinte que le violon ordinaire, et devant
se jouer avec la même tenue que celui-ci, c'est une
erreur d'assimiler la sonorité de l'alto à celle du vio-
loncelle (qui a, il est vrai, le même accord que l'alto,
mais une octave au-dessous).
En dehors du quatuor à cordes, où, au moins de-
puis Beethoven, le rôle de l'alto a une importance
égale à celle des autres instruments concertants, son
répertoire est regrettablement restreint; nous pou-
vonsmentionnerpourtantquelques grandes et belles
œuvres:
L'ALTO 1839
1. Il y a pourtanl ici une distinclion à établir : c'est que. s'il est
vrai qu'un grand virtuose violoniste, s'empaiant oci-asionnellement île
la pallie d'alto, s'y trouve à son aise et exécute même avec facilite
surcet instrument les plus intrépides tours de force, la réciproque
n'est pas vraie; en ce sens que si, à son tour, un altiste de profes-
sion veut accaparer momentanément le rôle du premier viotun. il n'aura
pas à sa disposition l'agilité de la main gauche et la souplesse d'ar-
chet qui constituent la virtuosité transcendante du violoniste, quali-
tés qui seraient d'ailleurs superflues dans ta | latique habituelle.
pAGANlM, SiVùRi, ViEUXTEMPS et Alahd, cités ci-dcssus, étaient des
violotiistes et non pas des altistes.
En fin de compte, on peut dire que, si l'étude du violon est f.ivo-
rable à celle de l'alto, celle de l'alto parait, lorsqu'eMe est poussée à fond,
l'être moins vis-à-vis de celle du violon, en ce qu'elle alourdit toujours
UD peu le mécanisme.
Beethoven. — Serémide en trio pour phlt, viulm H «llo, dans
laquelle la partie d'alto, formant la basse, est traitée d'une
façon .spéciale.
MozAET. — Diin pour violon et alto.
ScHDMANN. — Contes de fées pour piano, elarinelte et alto.
— Contes de fées pour alto et piano.
Mozart. — Trio pour piano, clarinette et alto,
Rdoinstein. — Sonate pour piano et alto.
ViKuxTKMPS. — Kt'rerie. ■
C. CuEviLLARn. — ( pièces,
llANs SiTT. — Feuillets d-albmn (six ravissants petits morceaux
d alto),
Glazoo.now. — Elégie.
Et dans le répertoire d'orchestre :
Berlioz. — llarold en Italie, symphonie en 4 parties avec alto-
solo.
Mozart. — Symphonie concertante pour violon, alto et orchestre.
On a connu et pratiqué en Italie et en Allemagne,
ati xvm= siècle, un instrument ressemblant à un
petit violoncelle et d'un diapason plus aiyu que le
violoncelle connu. Cet instrument s'appelait le vio-
loncetlo piccolo, que l'on trouve dans un assez «rand
nombre d'œuvres de lUcn. Dernièrement, il a fait
une brève réapparition sous le nom de violonceltin;
intermédiaire entre le violoncelle et l'alto, il était
accordé comme le violon, mais une octave en dnsous.
Ceci montre bien la vraie sonorité de l'alto, qui ne
doit pas ressembler à celle du violoncrllo fdccnio, et
encore moins à celle du violoncelle ordinaire.
L'étendue de l'alto est égale à celle du violon,
mais, ses notes élevées n'étant pas très ajjréables à
entendre, on se contente de trois octaves et demie :
b;
La technique de cet instrument est la nn-^me que
celle du violon; il faut seulement un peu plus de
force, de pression de l'archet sur la corde, et de
même à la main gauche pour appuyer fortement les
doigts sur les cordes, afin d'obtenir toute la plénitude
du son.
Le détaché doit moins s'allonger que sur le violon,
mais il faut enfoncer davantage l'archet dans la
corde.
Les doubles cordes et accords praticables sont les
mêmes que sur le violon à une quinte au-dessous
(sauf les cas ou les extensions de doif;ts serarent
déjà difticiles au violon; elles deviendraient impos-
sibles sur l'alto).
L':irchel.
On jouait autrefois l'alto avec un archet de violon
lourd.
On adopta ensuite un archet d'alto plus court que
l'archet de violon et plus lourd. On fabrique main-
tenant des archets spéciaux qui sont parfaits, car la
mèche de l'archet d'alto doit être plus large que
celle de l'archet de violon; la baguette, de la même
longueur que ce dernier, mais plus forte, plus lourde
et plus résistante. Le poids total de l'archet d'alto doit
être de 6o grammes, poids minimum, à 70 grammes,
poids maximum.
Th. LAFOHGE.
LE VIOLONCELLE
Par Georges ALARY
COMPOSITEUR DE MOSIQDE
LA QUESTION DES ORIGINES
L'ét.it actuel des sciences liistoriques ne permet
pas (le déterminer exactement lorigine des instru-
inet\ts ci aichet. L'avenir, très probablement^ n'ap-
portera pas beaucoup de lumière sur cette obscure
question, tous les documents qui s'y rapportent,
ouvnisesd'hisloire,archives, traités, manuscrits enlu-
minés, [leintures, sculptures, légendes et chansons,
a3ant élé, des maintenant, consciencieusemeni
fouillés par de zélés et intelligents chercheurs. Ces
travaux considérables et poussés dans des voies
dillerentes ont démontré, cependant, que l'usage des
insirnments, où le son est obtenu par la mise en
vibialion d'une coide fixée à un résonateur, re-
monte aune antiquité très reculée. Certain célèbre
joueur de viole du xvn» siècle, nommé Jean Uousskau,
va mi^me plus loin. Emporté par l'ardeur de ses re-
cherclies et par son enth"usiasme pour son art, il
admet, dans son traité, que les instruments à cordes
ont dOl naître en même temps que l'humanité, et nous
dépeint Adam se promenant dans le paradis terrestre
en jouant de la viole. De là à supposer Eve munie
d'un clavecin, et à placer dans l'Edeu l'origine des
cours de musique d'ensemble, il n'y a qu'un pas bien
facile à franchir.
iNous serons plus sages, je crois, en nous repré-
sentant certains hommes des époques reculées adap-
tant, par désœuvrement ou poussés par un obscur
instinct musical, une ou plusieurs cordes à des
écailles de toitues ou à tout autre corps capable de
vibrer, et les mettant en mouvement, soit en les pin-
çant, soit en les frappant, puis plus tard, cbeichant
à obtenir une sonorité plus prolongée en frottant
ces cordes avec quelque emiuyonnaire archet. Un
tel lait a pu se produire sous diverses latitudes, à
des époques différentes, sans que les inventeurs aient
eu réciproquement la moindre connaissance de leurs
travaux. Ces grossiers instruments ont dû ètie les
premiers ancêtres de nos violons et violoncelles,
mais, entre ces deux points terminaux, que de siècles
écoulés, que d'ingénieux perfectionnements apportés
à la construclion des boites sonores! L'instrument à
archet moderne, merveille decalcul et d'ingéniosité,
aussi digne de l'admiration des hommes que bien
des machines en apparence plus compliquées, est
donc l'œuvre d'une longue suite de générations, et si
les documents que le moyen âge nous a transmis
nous peinietlent de suivre du regaid la lente évo-
lution de ces formes vers le violon définitif, nous de-
vons regretter que le passé garde, dans une ombre
impénétrable, les noms de tant d'aiulacieux et ha-
biles chercheurs qui ont contribué, avant les grands
luthiers italiens, à ces précieux perfectionnements.
En compulsant les nombreux documents exhumés
par les chercheurs, nous voyons que le ravanaiiron,
instrumenta archet, encore en usage chez les Hindous
et en Chine, aurait été inventé par Havanon ou Uavana,
roi de l'île de Ceyian, il y a cinq mille ans environ;
mais c'est là une légende ne pouvant mener à aucune
certitude histoiique. Cette légende est, pourtant,
une des piinci|iales bases de l'h.vpothese qui atlribue
aux Orientaux l'invention des instruments à ar'chet.
Si nous franchissons allègrement quelques milliers
d'années, peinlant lesquels les violons et violoncelles
ne font guère parler d'eux, nous arrivons à des
ouvrages en langue sanscrite datant de deux mille
ans environ et dans lesquels se trouve, d'après
EÉTis, la description d'instruments à cordes et à
archet. Fétis lait remarquer qu'il existe dans le Ben-
gale un inslriinient nommé saninjy ou saremgie,
monté de quatre cordes de boyau et de onze cordes
métalliques, et il conclut de cet ensemble de laits
que l'idée des instruments à archet et à double
espèce de cordes appartient à l'Hindoustan. Il dit :
<' La viole d'amour était très anciennement connue à
Constantinople, oii on la retrouve errcore. Il paraît
que c'est de celte ville que l'instrument a pénétré en
Hongrie par la Valachie et la Serbie... » Gustave
Chouquet, ancien conservateur du musée instru-
mental du Conservatoire de Paris, et plusieurs au-
teurs très compétents, croient, comme Féiis, à l'ori-
gine asiatique de la famille des violons, mais il y a
divergence au sujet de la voie de pénétrai ion.
Un grand nombre de ces auteursjcroient plutôt voir
l'origine de rinstrumenl à archet, plus siiécialement
du violon, dans le rebab ou rebeb des Arabes, qui
serait devenu le ribeca des Italiens et le rebec des
Français. Ce petit instrument, qui était joué avec un
archet, fut, d'apr'ès l'Histoire de la Musique de Sir
.lohn IJAwriiN's, importé en Espagne par les Maures,
qui, eux-mêmes, l'auraient reçu des Egyptiens, en
même temps que leur initiation à l'ait musical. Les
Egyptiens le tenaient peut-être des Persans, qui pou-
vaient l'avoir reçu des Hindous... Qui nous le dira"?
11 existe encore des rebabs à deux et trois cordes
en usage chez les Maures; mais sont-ils absolument
semblables à l'ancien rebab d'où paraît dériver le
rebec? 11 est probable que, s'ils en différent, c'est de
fort peu, car l'esprit de progrès et de modification
de formes n'est guère répandu dans la race arabe. Il
est donc vraisemblable que le rebec français descend
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE 1841
du rebab introduit en Kspayne jiar les Maures au
viii» siècle, mais ce n'est pas certain, car, si nous en
croyons M. George Hart, l'iiistoire de l'iîspagne
Jusqu'au xii= siècle ne fournit aucune preuve de la
culture des instruments à archet, alors qu'à la même
époque, on constate l'usage de ces instruments en
Allemagne et en Anf,'leterre.
Donc, le ravaiiastrori indien, le rebab arabe et les
autres instruments à cordes d'origine indubitable-
ment asiatique ont des analogies plus ou moins
éloignées avec la t'amilie européenne du violon, mais
leur qualilé d'ancêtres directs ne peut être démontrée.
L'hypothèse de l'origine orientale, bien que très
accréditée, a trouvé pourtant d'éminents contradic-
teurs.
M. George Hart attribue plutôt aux instruments à
cordes une origine Scandinave, et appuie ses intéres-
santes déiluctions sur de? manuscrits à enluminures,
sur des bas-reliefs, sur des faits transmis par les
chants des ménestrels ou par des traditions et (Jes
légendes, lioger North prête à la viola da bmccio,
qui devint le violon, une origine gothique. M. Paul
L.iCROix écrit dans les Arts du moyen lige : « Les ins-
truments à cordes qui se jouent avec l'archet ne
furent point connus avant le v" siècle, et appartenaient
aux races du .Nord. » Certains partisans de la même
opinion ont tiré un argument du très vieux mot alle-
mand ijeiijc, encore usité pour désigner le violon, et
qui serait, suivant eux, d'origine teulonique; mais,
suivant d'autres, ce même mot serait provençal et
dériverait tout simplement, par extension, du nom
de la giijue.
Les documents qu'on a pu rassembler sur l'ori-
gine des instruments à arcliet ne nous fournissent
donc aucune version certaine, mais seulement d'in-
génieuses hvpothèses, entre lesquelles on peut choi-
sir suivant ses sympathies, et sans crainte d'être dé-
menti avec preuves à l'appui.
Ce qui parait beaucoup plus sur, c'est que la ijeige
ou tout autre instrument à cordes et à archet ne ser-
vit, en France, jusqu'au règne de Henri IV et même
plus tard, qu'à faire danser.
Vers le milieu du xvi^ siècle, l'élude de la musique
fit en Allemagne et dans les Pays-Bas de rapides
progrès, qui eurent une notable intluence sur la fa-
brication des instruments à cordes. On commença,
dès lors, à les assoeieraux voix, et la nécessité d'avoir
des registres sonores différents pour soutenir les
dilférents organes vocaux, donna naissance à cette
extraordinaire variété de violes qui, peu à peu, s'est
fondue et condensée dans les quatre types modernes,
le violon, l'alto, le violoncelle et la contrebasse.
Nos aïeux connurent successivement ou simultané-
ment le pardessus de viole ou quintun (qui est l'instru-
ment le plus aigu de la famille des violes), la taille
de viole, la viola basiarda, la viola da spalta (ou viole
d'épaule), la viola da braccio ou viole de bras, qui,
par ses dimensions, se rapproche beaucoup du vio-
lon ; la viole d'amour, le plus précieux individu, se-
lon nous, de cette intéressante famille, le seul qu'il
soit indispensable de sauver de l'oubli, la vhdu poiii-
posa, inventée, dit-on, par Bach, la viola di bordone,
la viole-lyre, le baryton, à double jeu de cordes, la
basse de viole ou viola di gamba (viole de jambe),
dont nous aurons à parler plus longuement, et, enfin,
le violone ou contrebasse de viole, ancêtre de la
contrebasse actuelle'.
M. Lauient Grillet, qui, il y a quelques années»
avait remis eu honneur l'antique vièle, s'exprime
ainsi dans son intéressant ouvrage sur Les Ancêtres
du violon cl du violoncelle : « Les violes étaient le
résultat des améliorations successives apportées aux
vicies. La caisse de résonance est généralement
(mais pas toujours) plate, des éclisses assez hautes
en font le tnui' et relient les deux tables Les écban-
crures pratiquées sur les côtés sont en forme de C
très ouvert. La table d'harmonie est légèrement
voiltée, tandis que celle du fond est presque toujours
coupée en sifflet du côlé du manche. Les ouïes, régu-
lièrement (ixéi's au nombre de deux, sont percées de
chaque côté du chevalet à la hauteur des échan-
crures, elles représentent le plus souvent des C. La
division des cordes était marquée sur la touche des
violes, comme cela se pratique encore sur la man-
doline et ' i i;uitare; il y avait sept cases faites avec
de la corde a boyau. Cet usage fut abandonné lorsque
les exécutants ilevinreiit plus habiles. Les basses de
viole sont généralement munies d'un cordier de
coupe élégante. Les tètes sont sculptées et représen-
tent parfoi-i des têtes de cheval ou de lion, parfois des
tètes de rois ; » d'autres fois encore, d'après certains
auteurs, la tète du piopriétaire de l'instrument, ce
qui est un bon moyen de léguer sa ligure à la pos-
térité.
A certaines des violes primitives, il fut ajouté un
second jeu de cordes en métal, dites harmoniques,
en même nombre que les cordes frottées par l'archet,
accordées à l'unisson de celles-ci et vibrant sympa-
thiquement. L'instrument connu sous le nom de viole
d'amour est celui auquel l'application de ce système
apporta les plus heuieuses modificalioiis. A qui re-
vient l'honneur de cette invention'? Fétis l'attribue à
rilindoustan, avons-nous dit, mais Praetorils soutient
que ce sont les Anglais qui ont eu l'idée d'ajouter
des cordes sympathiques à la viola bastarda. Con-
tentons-nous d"'nregistrer ces opinions considéra-
bles, et n'affirmons rien, ce sera prudent.
La vraie basse de viole à six cordes n'avait pas,
d'après les oidnions les plus autori?éef, de jeu de
cordes harmoniques, et ce n'est qu'à une époque rela-
tivement rapprochée de la nôtre que celte addition
lui fut faite. La plupart des viola di fjamba que l'on
voit aujourd'hui sont munies de cordes sympathiques,
mais il faut souvent l'attribuer à la fantaisie de ceux
qui en sont ou qui en oui été récemment propriétaires,
et qui ont voulu bur donner ainsi un aspect et une
sonorité plus caractéristiques. Ces cordes harmoni-
ques sont attachées, sur le tasseau au bas du cordier,
à des petites chevilles de métal qu'on lait tourner au
moyen d'une clef pour les accorder; elles passent
sur le clievalet dans une ouverture pratiquée au-des-
sous des cordes que doit frotter l'archet, et viennent
s'accrocher sous la touche, près de la naissance du
manche, à des petits clous de métal. L'adjonction
des cordes harmoniques n'augraenti- pas sensible-
ment la puissance de sonorité de l'instrument, mais
elle prolonge la résonance, et rend le timbre plus
doux et plus pur.
L'accord des basses de viole variait suivant leur
nombre de coides. Le type qui se rapproche le plus
du violoncelle était monté de six cordes, et accordé
sur les notes suivantes :
1. Voir railicle Vioks.
11G
1842
ENCYCLOPÉDŒ DE LA MVSIQIJE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
I,a basse Je viole à sepl cordes donnait, en plus, le
la grave au-dessous de la portée.
Le musée instrumental du Conservatoire de Paris
possède une dizaine de basses de viole, dont une de
Gasparo da Salo (n° 169 du catalogue) et une de
Pelegrino Zanetto, Brescia,lb47 (n" 170 du catal.) ; il
y a aussi un beau baryton à double jeu de cordes.
Nous sifjnalons également aux curieux une belle
basse de viole de Boivin dont certaines parties, et
notamment la tète, sont finement sculptées; elle
appartient actuellement à MM. Caressa et Français,
luthiers du Conservatoire.
FiG. nil. — Barylon allemand
à double jeu de cordes.
FiG. 942. — Basse de viole
de Pelegrino Zaniîito.
FiG. 9i3. — Basse de viole
de Gasparo da Salo.
Fi Ci
914. — Basse de viole
de BoiviN.
L'étude des violes fut fort négligée, pour ne pas dire
complètement abandonnée, après le Iriomplie déPi-
nitil'de leurs rivaux, le violon, l'alto et le violoncelle.
Cet abandon parut, ajuste tilre, regrettable à Tétis,
lorsqu'il était bibliothécaire au Conservatoire de
Paris, vers 1S32, et lui donna l'idée de reconstituer
des séances de musique ancieime avec les instru-
ments de l'époque. Mais cette tentative ne réussit
pas. De nos jours, un certain nombre d'artistes dis-
tingués ont remis en hoimeur le quinlon (qui a une
corde de plus à l'aigu que le violon), la viole d'amour,
la viola di gamha, le clavecin, et ont formé des so-
ciétés pour l'exécution de l'ancienne musique, telle
qu'elle a été écrite par les maîtres des siècles passés.
11 ressort des auditions qu'ils nous donnent un pré-
cieux enseignement et des impressions quelquefois
gracieuses et tendres, quelquefois mélancoliques,
avec ce charme un peu éteint des anciens pastels et
des vieilles tapisseries.
Parmi les viituoses modernes qui ont contribué à
faire reparailie les anciens instruments, il convient
Je citer Jules Delsart, protesseur de violoncelle au
Conservatoire de Paris, artiste prématurément dis-
paru, qui avait fait une étude spéciale de la viola di
gamba, à laquelle il a dû bien des succès. iMais, élaul
admis l'intérêt et même le plaisir qu'il peut y avoir
;i entendre jouer de la viola di gamba, il faut se
liâler Je proclamer sa grande infériorité par rapport
au violoncelle. Combien celui-ci, avec des moyens
plus simples, est apte à exprimer des sentiments plus
profonds et plus variés! C'est une vérité qui ne nous
I arait pas avoir besoin Je démonslration.
Il n'est pas douteux que le moderne violoncelle
soit un descendant direct de la
basse de viole, mais, malgré
la supériorité du nouvel iiis-
Irumeut, ce n'est pas sans une
lutte longue et acharnée qu'il
triompha de l'ancien. La fa-
mille des violes et celle des
violons ont vécu parallèlement
pendant plusieurs généra-
tions; elles avaient chacune
leurs partisans convaincus,
leurs exécutants habiles, et la
lulte était vive. « Pour s'en
convaincre, nous dit ToLBECQOE,
il sul'lit de dire un pamphlet
d'un certain Hubert le Blanc,
intitulé : Défense de la basse
Je viole contre les entreprises
Ju violon et les prétentions du
violoncelle, 1740, Amster-
dam. » S'il est acquis que le
violoncelle nous vient de la
viola di gamba, nous ne pou-
vons dire avec une riijui'ur
sciciilifique à quel moment
précis se fit cette transloiina-
tion, mais toutes les recher-
ches et toutes les présomp-
tions, l'opinion à peu près
unanime des luthiers, aboutis-
sent à deux noms illustres :
Fui. 945.
Viole de gamlie
de DUIFFOPRUGCAU.
TECIIXIQIIE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE 1843
ceux de Gasparo da Salo, qui vécut à Brescia de
1330 à 1610, el de Paolo Maggim (Brescia, 1590-1640).
Gasparo da Salo fut le premier grand iutliier ita-
lien; son iniluence dans le perfectionnement des ins-
truments à archet fut considérable. On lui attribue,
quoique sans certitude absolue, l'invention du violon
à quatre cordes accordées en quintes, tel qu'il est
aujourd'hui, le perfectionnement du violone ou con-
trebasse de viole, et enfin la création du violoncelle,
œuvre à hiquelle paraissent avoir collaboré Maggini
et peut-être nième Andréa Amati, chef de l'illustre
famille de luthiers de ce nom. Cette triple transfor-
mation devait avoir sur l'art musical une profonde
iniluence, que leurs auteurs ne soupçonnèrent proba-
blement pas; il eût été, en ell'et,
biendifficile àcesluthiers, quel-
que bien inspirés qu'ils fussent,
de pressentir avec exactitude
les immenses ressources chan-
tantes et expressives des instru-
ments qu'ils venaient de créer,
du violoncelle surtout, car, à
cette époque, les basses de viole
ne servaient qu'à soutenir le
chant dans leséglises,ou à.faire
la basse d'accompa-
gnement aux sonates
de violon qui commen-
cèrent à être de mode
en Italie dans la pre-
mière moitié du xvii=
siècle. Les premiers
spécimens authenti-
ques du violoncelle
étaient un peu plus
grands que le violon-
celle actuel, mais, plus
tard, le grand luthier
Sthadivarius reconnut
que le modèle le mieux
approprié à la main de
l'homme devait être
un peu plus petit, et
en fixa définitivement
les dimensions et les
formes.
Nous donnons ici le
dessin et les mensura-
tions prises avec le plus
grand soin par M. le docteur Déku et M. le capitaine
Cadroy, It-s proportions d'un des beaux spécimens de
l'espèce; il s'agit du Stradivarius ayant appartenu au
renommé violoncelliste russe Davidoff et qui est
aujourd'hui la propriélé de M. Gabriel Gaupillat, de
faris :
VIOLONCELLE DE DAVIDOFF
FiG, 016. — \irtloncelle
de Strahivakics.
228
437
164
407
94
150
longueur totale de la caisse 758 mm.
Largeur maxima en haut 341
— miniina entre les C
— maxima en bas
Xargeur d'ouverture des G
Diapason du haut de la table au cran des ff.
Ecarlement des // en haut
— au cran
— en bas (extérieurement) 253
Hauteur des éclisses en bas 118
— aux coins 111-115
— en haut "2
Épaisseur de la caisse au niveau du chevalet. 164
Flèche de l'arc de la voûte pour la table, en-
viron 27
— pour le fond, environ 23
Les proportions et les formes des instruments
laissés par Stradivarius n'ont cessé, depuis sa mort,
de servir- de modèle à ses successeurs; on a cepen-
dant essayé, à diverses reprises, des raoditications
dans la forme ou dans la matière des instruments à
archet, mais ces essais, demeurés infructueux, ne
pouvaient provenir que d'une tendance maladive de
certains esprits à n'être jamais satisfaits, car les dif-
férents types laissés par Stradivarius donnent des
résultats tellement parfaits qu'on ne voit pas à quoi
il pourrait servir de les modifier d'une façon quel-
conque. Il serait difficile de faire aussi bien (en
admettant que certains secrets de la lutherie ne
fussent pas perdus), et il serait impossible de faire
mieux.
Après Stradivarius, ses deux principaux élèves,
Domenico Montagna.na et Carlo Bergonzi, firent de
beaux et bons instruments. Les violoncelles de Mon-
tagnana sont très estimés et atteignent de nos jours
un grand prix.
Quant à ceux de Bergonzi, il faudrait, paraît-il, se
refuser à en admettre l'autlienticité. D'après MM. Ca-
RKSSA et Français, luthiers du Conservatoire el de l'O-
péra, Carlo Bergonzi n'aurait pas fait de violoncelles,
et les insliuments (d'ailleurs très beaux et tiès bons
jiour la plupart) qu'on attribue à ce mailie auraient
pour auteur Malteo Gofriller, luthier ii "Venise, de
1700 à 1740. Les lettres M. G., initiales de .\latteo
Gofriller, auraient été retrouvées, marquées au fer
chaud dans le bois de l'instrument, sous des éti-
quettes portant le nom de Bergonzi, placées là dans
un but de spéculation facile à comprendre. Cette
opinion, que M. Caressa affirme pouvoir appuyer de
preuves irréfutables, est de nature à susciter des
discussions passionnées dans le monde des artistes
et des amateurs de lutherie. J'ai cru devoir la faire
connaître, car elle touche à un point intéressant de
l'histoire du violoncelle, mais j'en laisse toute la res-
ponsabilité à son auteur. *
Parmi les luthiers illustres qui ont laissé des vio-
loncelles, il faut citer les Amati, les Guarneuius là
l'exception du plus célèbre d'entre eux, Joseph (iuAn-
NERius DEL Jesu, qui n'a pas fait de violoncelles), Mon-
tagnana, Gagliano, David Tekleb, Grancino, etc.
Le nombre des violoncelles de Stradivarius est
très restreint. C'est à peine si l'on en peut compter
actuellement vingt-quatre ou vingt-cinq dans le
monde entier, el on ne suppose pas qu'il puisse y en
avoir beaucoup d'inconnus, car, depuis longtemps
déjà, mais surtout dans ces dernières aiiiiées, la
chasse aux vieux instruments a été faite avec une
l'uria qu'expliquent les prix exorbitants, et tendant
toujours à s'élever, qu'atteignent ces instruments.
Le nombre des Amati, Guarnerius, MoNTAiiNANA,etc.,
est plus élevé, mais encore bien minime, si on le com-
pare à celui des artistes, amateurs ou collectionneurs
qui désireraient en posséder. Ceux-ci sont légion et
leur foule croîtra, sans doute, proportionnellement
au développement formidable du goût de la musique
dans le monde. iS'ous voyons le besoin de musique
s'accentuer de plus en plus; des peuples entiers
exigent maintenant, à doses pantagruclhiues, des
jouissances qui étaient autrefois le privilège de
quelques délicats. Il en résultera, au point de vue
spécial qui nous occupe, que les très beaux instru-
ments anciens, poussés par la loi de l'ollre et de la
demande à des prix accessibles aux seuls milliar-
daires, deviendront la propriété de quelques puis-
sants capitalistes, qui peut-être n'en joueront pas très
1844
ENCYCLOPÉDIE DE LA MVSIQVE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
bien, et ainsi, ces nobles vois cesseront peu à peu de
se faire entendre dans de bonnes condiiions. Mais il
faut se garder, à notre avis, d'en conclure que les
virtuoses de l'avenir seront privés d'instruments aussi
bons que ceux de leurs devanciers. 11 y a, dans l'en-
gouement auquel nous assistons, une grande part
de féticbisme. L'adoration de certains amateurs ou
artistes pour les vieux instruments signés d'un nom
illustre touche souvent au grotesque. (iN'est-on pas
allé |usqu' à comparer les courbes d'un violon aux
gracieux méandres d'un ruisseau dans la prairie... 1)
Pour ces emballés, ce qui a été façonné par la main
des vieux luthiers italiens est et doit rester inimi-
table et inégalable: il suffit qu'un violon soit moderne
pour qu'ils en détournent leurs yeux avec dédain.
Nous crovons plus juste de penser qu'il a pu exister,
depuis Stradivarils, et qu'il existera dans l'avenir,
des maîtres luthiers capables d'égaler leur modèle
dans l'art de choisir les bois et de les couper. Le
secr.-t du vernis de Crémone est perdu, il est vrai,
et c'est là un point délicat, car s'il était démontré
q'naucuu des vernis employés depuis le xviii" siècle
ne peut avoir les qualités de l'ancien, il serait prouvé
du même coup que les violons de l'avenir ne pour-
ront équivaloir à ceux du passé; mais cela est loin
d'être un l'ail établi; il faut aussi, et peut-être surtout,
faite entrer en ligue de compte Vaction du temps.
Déjà, certains instruments datant d'un siècle, ou
moins, ont pris une magnilique coloration ancienne
et une sonorité plus ample et plus belle. Pourquoi
cette amélioration ne continuerait-elle pas à mesure
que les années, les siècles peut-être, s'écouleront?
Les instruments des grands luthiers français Lupot,
ViiiLLALME, Gand, pour ne citer que ceux-là, ont suivi
cette progression vers le beau et le bon; il est très
permis d'espérer qu'ils ne perdront pas cette louable
tendance.
A ceux qui pourraient croire que j'exagère en par-
lait de fétichisme, je recommande une petite expé-
rience qui ne leur laissera aucun doute sur sa réa-
lité : qu'ils réunissent dans une salle quelques ama-
teirs éclairi's et quelques artistes; puis, qu'ils fassent
jouer alternativement dans une pièce voisine, mais
où l'exécutant ne pourra être vu, des violons ou vio-
loncelles anciens et modernes, des instruments de
30.000 francs et plus et des instruments de i:>00 fr.,
par le même artiste; qu'après chaque exécution, ils
consultent les auditeurs sur la nature de l'instru-
ment, et ils seront émerveillés... de la divergence des
appréciations et de l'énormité des erreurs commises.
Cette expérience a été faite, sur une grande échelle,
par M. A. Mangeot.
Il y a aussi un procédé employé par le renommé
violoncelliste Tolbecquk, et qui ne laisse pas que
d'iHie instructif.
l'oLnECOUE avait joué, devant un public où brillaient
bon nombre de connaisseurs et d'amateurs réputés,
sur un violoncelle qu'il atfectionnait particulière-
ment, mais qui ne payait ni de mine ni de signature.
L'artiste eut du succès, mais il fut vivement critiqué
de mettre au SfTvice de son talent un instrument
aussi médiocre et on lui conseilla d'en changer.
Quelque temps après, Tolbecqi-e reparut devant le
même public, non sans avoir informé lesdits con-
naisseurs qu'après mûres réllexions il s'était décidé
à suivre leur conseil, et qu'il jouerait cette lois sur
un Carlo Bergonzi. Il se présenta, eu effet, devant le
public avec un violoncelle dont les formes et le nia-
'^nilique coloris ancien amenèrent sur les lèvres des
amateurs des sourires de satisfaction et des hoche-
ments de tête significatifs. L'artiste joua et l'enthou-
siasme des amateurs s'épanouit magnifiquement.
ToLRECQiE fut chaudement félicité, non seulement
pour son talent, mais aussi pour son changement
d'instrument, l'ancien, afiirmaient ces messieurs,
ne pouvant supporter la comparaison avec le Ber-
Go.Nzi. L'artiste reçut les compliments sans révéler à
ces admirables connaisseurs que les deux violoncelles
n'en faisaient qu'un, qu'il avait habilement maqui/Zé
pour le rendre méconnaissable.
Cette anecdote est rapportée par Tolbecque, aussi
habile luthier qu'éminent violoncelliste, dans une
brochure intitulée De l'Influence du de visu sur le de
auditu. Cela pourrait s'appeler aussi « de l'autosug-
gestion chez, les amateurs de vieux violons ».
CARACTÈRE ET TECHNIQUE DU VIOLONCELLE
Le caractère général du violoncelle est la noblesse
dans l'expression. Ses sons moelleux et pleins peu-
vent se prêter à la traduction de sentiments très di-
vers, mais dont il faut excepter à peu près complète-
ment ceux qui se rapprochent de la gaieté pétillante,
de l'esprit, de tout ce qui se caractéiise en musique
par le mot brillant. Même lorsqu'il exécute des traits
lapides ou des notes répétées, le violoncelle conserve
une allure sévère ou sentimentale; s'il cherche à
aborder la fine plaisanterie et les joyeux propos, il
ressemble à un orateur de tempérament grave et
passionné qui, tout à coup, se mettrait à dire des
gaudrioles. Cela ne lui va pas.
Dans son Traité d'orclipst ration, Berlioz dit : « Les
violoncelles, unis au nombre de huit ou dix, sont
essentiellement chanteurs; leur timbre sur les deux
cordes supérieures est un des plus expressifs de
l'oichestre. Rien n'est plus voluptueusement mélan-
colique et plus propre à bien rendre les thèmes
tendres et langoureux qu'une masse de violoncelles
jouant à l'unisson sur In chanterelle. »
D'autre part, nous lisons dans le Traité d'Instru-
mentation de Gev.\hrt : « De tous les instruments
aptes à interpréter une idée mélodique, aucun ne
possède au même degré que le violoncelle l'accent
de la voix humaine, aucun n'atteint aussi sûrement
les fibres intimes du cœur. Pour la variété des tim-
bres, il ne le cède guère au violon. Il réunit les carac-
tères des trois voix d'hommes : la juvénilité ardente
du ténor, la virilité du baryton, la rudesse austère
de la basse-taille. Sa chanterelle vibrante est appelée
à traduire les effusions d'un sentiment exalté : re-
grets, douleurs, extase amoureuse. »
Ce caractère général du violoncelle étant délîni, il
faut reconnaître qu'il se modifie sensiblement dans
les différentes régions de son échelle sonore. L'ins-
trument, dont les quatre cordes donnent (à vide) les
sous : /
possède quatre
resistres bien distincts.
Le registre grave
correspond
-»
à la voix de basse profonde et même très profonde
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE l«i5
l'octave suivante ou registre moyen : /• ô'
correspond à la voix de baryton ; les notes fournies
par la chanterelle, dans sa première octave :
m
(registre aigu ou plulôt chantant), correspondent
excellemment aux plus belles notes du ténor e(
constituent la partie la plus précieuse, la plus inimi-
table des sonorités du violoncelle. Au-dessus de ces
notes, se trouve un registre suraigu dont l'étendue
est théoriquement illimitée et qui, dans la pratique,
permet d'atteindre aux notes du registre chantant
du violon, mais avec un limbre et un caractère bien
dilTérents. Kn effet, tandis que, dans les trois pre-
miers registres, le violoncelle chante ou accompagne
avec une sonorité pleine et facilement émise, il
prend, dans les notes du registre suraigu, un accent
tour à tour poignant, douloureux, violent, qui lui
est spécial. Cet effet provient de la grande tension des
cordes sur lesquelles joue alors l'exécutant; on com-
prend que l'atlaque de cordes raccourcies de moitié,
des trois quarts, et quelquefois plus, devienne pro-
gressivement plus difficile et ne puisse donner, si
l'exécutant n'est pas d'une magistrale habileté,
qu'une sonorité contrainte, grêle et trop souvent
grinçante. Exception doit être faite pour les noies
harmonique», qui sont produites par le doigt efOeu-
rant^a corde aux points dits mnuh harmoniques. Ces
notes, impropres à l'expression, puisque l'exécutant
ne peut leur donner la vibration qu'il désire par la
pression de son doigt, ont une sonorité pure et cris-
talline pleine de charme. Elles sont souvent em-
ployées avec bonheur pour terminer à l'aigu unirait
arpégé.
L'étendue du violoncelle à l'aigu est donc impos-
sible à délimiter d'une façon précise. Un des exem-
ples les plus significatifs que nous connaissions de
l'emploi de cette énorme élendue se trouve dans le
Concerto en la mineur de C. Sai.m-Saëns.
Voici ce passage :
i^imn^ïïïmà
^...^..te£^,..^^ifffm|7fffff|f^
inpo
Ritenuto poco a poco ad libitum
L'auteur a écrit aussi une facilité :
w^m^
p^f¥F
'Miii*
^^
que nous avons vu bien des artistes choisir de pré-
férence, peut-être, dans certains cas, parce que, faute
d'une attention suflisanle, la première version leur
avait paru ijiexécutable.
Elle est pourtant parfaitement possible, et même
d'une difficulté modérée, eu égard à l'acuité des
sons à produire. 11 suffit, pour l'exécuter, de suivre
1.T gamme jusqu au son :
par les doigtés
ordinaires, puis de redescendre à la première posi-
tion, d'appuyer le pouce sur le si ^ et d'effleurer du
quatrième doigt le mip, ce qui nous donne la double
octave du si[i appuyé, et de continuer avec le même
doigté jusqu'à la fin du trait.
On voit, par ce passage, que l'écriture du violoncelle
emprunte trois clefs : la clef de fa quatrième ligne,
la clef d'u< quatrième ligne et la clef de sol. De plus.
la clef de &ol n'est pas toujours employée à son dia-
pason réel. Berlioz dit à ce sujet : « Quand on l'écrit
dés le début d'un morceau ou immédiatement après
la clef de fa, elle présente aux yeux l'octave haute
des sons réels. Elle n'a toute sa valeur que si on la
fait succéder à la clef d'«( quatrième ligne; alors
seulement, elle représente les sons réels et non point
leur octave supérieure. » Berlioz blâme cet usage
que rien ne justiûe et qui amène souvent des erreurs
dans l'exécution. Nous affirmons qu'on pourrait,
sans aucun inconvénient, siinplilier l'écriture du
violoncelle, en supprimant la clef d'»/ (écueil des
amateurs, des mauvais amateurs, veux-je dire!), et
en employant toujours la clef de fa et la clef de soi
à leur valeur réelle.
De cette façon, \'ul de la clef de soi:
*
1846 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
viendrail loul naturellement se confondre avec \'ut
de la clef de fa : _/' \ , comme cela se pratique
pour le piano, sans aucune ambiguïté possible, et
sans nuire à la clarté de la lecture, au contraire.
>'ous proposons celle réforme, qui est une simplifi-
cation, aux compositeurs présents et à venir.
Toutes les formes de traits en usage sur le violon
et l'alto sont accessibles au violoncelle, mais pres-
que toujours avec une plus praiide diflicullé d'exécu-
tion. Un coup d'archet, principalement le détache,
présente sur le violoncelle des difficultés paiticu-
lières. Il faut le travailler longtemps, sous ses di-
verses formes, avec beaucoup de patience, aidée de
raisonnement et de volonté, pour arriver à bien;
mais, môme dans ce cas, les violoncellistes ne réus-
sissent pas à produire un détaché aussi net et aussi
vigoureux que celui des violonistes. Nous avons en-
tendu accuser, à ce propos, les violoncellistes d'avoir
mal ou insuflisamment travaillé leur instrument.
C'est une imputation dont il y a lieu de les défendre.
Il y a parmi les violoncellistes des artistes aussi bien
doués et aussi travailleurs que n'importe quels
autres, et l'infériorité relative de leur détaché ne
provient pas d'eux, mais de la nature même de leur
instrument. La longueur et la grosseur des cordes,
en rapport direct avec la gravité des sons à produire,
exigent une amplitude de vibration qui ne permet pas
que ces cordes soient mises en mouvement et ra-
menées à l'immobilité avec la même rapidité que
s'il s'agit de cordes beaucoup plus courtes et plus
minces. Le détaché sera forcément d'autant plus
lourd et confus qu'il se produira sur un registre plus
grave. La même observation peut, d'ailleurs, être
faite avec un piano dont l'appareil de percussion est
également parfait d'un bout à l'autre de l'échelle.
Un trait rapide exécuté dans les octaves graves ne
se détachera jamais avec la même netteté que dans
le registre aigu. Il y a là une loi physique que l'on ne
peut supprimer, mais que les violoncellistes parvien-
nent à tourner en partie, à force de travail et d'ingé-
niosité.
Les passages liés, ainsi que les mélanges de notes
liées et de notes détachées, quoique plus difliciles
que sur le violon, sont d'un bon elTet sur le violon-
celle, mais il est une forme de trait, d'ailleurs exécu-
table sur tous les instruments à archet, qui emprunte
au violoncelle un charme tout spécial, c'est l'accord
arpégé.
Un passage de ce genre :
—a- a Xig — ff \
elc
exécuté avec liberté et souplesse du poignet, donne
une impression de grâce parfaite et peut accom-
pagner de façon exquise certaines phrases chan-
tantes.
La double corde est d'une belle sonorité, mais elle
doit être écrite avec beaucoup de circonspection
pour être exécutable et donner l'elfet que l'auteur en
attend. Le compositeur, en ce cas, doit, s'il n'est pas
violoncelliste lui-même, avoir une notion très exacte
du mécanisme spécial de l'instrument.
Aussi, la double corde est-elle peu employée à
l'orchestre et même dans la musique de chambre;
son emploi dans le solo peut être d'un très beau
caractère.
Voici un exemple tiré du Concerto de Schumann :
Dans ce passage, toutes les notes sont chantantes et
doivent être exécutées avec style et expression; il y
faut une belle sonorité et une justesse irréprochable;
cela n'est pas facile à réunir, quoique le passage soit
fort bien écrit pour l'instrument.
Les doubles notes en tierces, en sixtes et en octaves
peuvent être exécutées dans les traits d'une assez
grande rapidité, grâce à l'emploi du pouce comme
sillet mobile, et à la condition que ces successions de
doubles notes soient par degrés conjoints. Des pas-
sages comme ceux-ci :
Sons réels.
TECHNIQUE, ESTIIÈTIQI'E ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE is.?
sont exécutables et d'un bon ell'et, mais une succes-
sion de tierces disjointes écrite ainsi :
serait à peu près injouable, même dans un mouve-
ment modéré, et l'auteur courrait grand risque de ne
l'entendre jamais reproduire avec justesse.
Les accords de trois et de quatre notes ont, sur le
violoncelle, un vigoureux et beau caractère, mais on
ne doit pas les faire se succéder trop rapidement, et
les précautions que doit prendre tout compositeur
qui écrit pour le violoncelle autre chose qu'une
simple partie de basse, sont ici plus nécessaires que
jamais. Tout accord Je trois ou de quatre sons n'est
pas possible; il faut que les notes à faire entendre se
trouvent sur des cordes dilTérentes (une même corde
ne pouvant évidemment faire entendre plusieurs
sons), et il faut encore que les doigtés devant les
produire ne dépassent pas l'écartement possible des
doigts.
Allegro non îanto
9 - • •
11 est à remarquer que l'arcbct ne peut attaquer
d'ime façon absolument simultanée trois el à plus forte
raison quatre cordes, à cause de la forme convexe du
jeu do cordes, mais le temps qui s'écoule entre la
mise en vibration des dilTérentes notes est si bref
([ue l'impression de l'accord est bien franche, et qu'il
résulte même de ce rapide cinglement un accent très
énergique qui est spécial aux instruments à archet.
Pour l'étude en doubles noies et accords exécu-
tables sur le violoncelle, ainsi que pour d'autres
détails d'une technicité aride, nous ne pouvons que
renvoyer aux méthodes spéciales et aux traités
d'instrumentation qui les iniliquent avec les déve-
loppements nécessaires.
Certains viituoses-compositeurs ont trouvé, par
suite de leur connaissance approfondie de l'instru-
ment, des formes de traits qui, sans aller jusqu'au
véritable brillant, présenlent le violoncelle sous un
aspect léger, lapide, sautillant, dont on ne le croirait
pas capable au premier abord.
Voici un trait du Cinquième Concerto de RounERO,
qui entremêle d'une façon très heureuse les tierces
et les octaves :
P g
.i^ffi^ffli i^S^ffi^^
etc.
En voici un, tiré de la Fantaisie caractéristique de Servais, qui emploie avec beaucoup d'art les arpèges
et les notes harmoniques :
All° vivace Sons réels
0 0
2 o"ro"
gss^
■^ #■
ÉE5:
^m
î.
Jl .0. JL
^
:^
^
1848 ENcyr.LOPÉniE de la musique et dictionnaire du conservatoire
4
m^ui^^^j^ff^m'
Le passaae suivant est extrait du Concerto en la mineur de A. Chevillard, ancien professeur au Con-
servatoire de Paris ;
i^ltm
Ce trait, que Ton dirait écrit pour le piano, est
difficile, mais parfaitement exécutable sur le violon-
celle, lUms le ton d'ut majeur; il cesse d'être possible
si on le transpose dans un antre ton.
Ces divers passages nous obligent à admirer l'in-
géniosité de l'auteur et l'habileté de l'exécutant, ils
nous donnent une impression à la fois de virtuosité
et de musique, mais combien d'autres pourrions-
nous citer qui nous causeraient des sen>ations toutes
différentes et nous rapprocbeiaient du sentiment de
Fontenelle à qui on faisait remarquer combien une
œuvre qu'il venait d'entendre était difficile : » Plùl
au Ciel qu'elle fût impossible! » s'écria-t-il. Cette
boutade contient en germe tous les principes de la
vraie critique.
Nous devons tirer des exemples cités plus haut
une autre conclusion : c'est que les passages de véri-
table virtuosité ne peuvent être écrits, sauf de bien
rares exceptions, que par des virtuoses, et nous con-
seillerons aux compositeurs qui voudraient créer
pour le violoncelle une œuvre sortant des données
habituelles de la symphonie, du quatuor ou de la
sonate (encore l'écrilure de la sonate moderne con-
fine-t-elle à la virtuosité!), de consulter un violon-
celliste pour les passages difficiles. Ils arriveront
ainsi, au prix de modifications quelquefois très
légères, à une version bien écrite pour l'instrument,
qualité qui peut influer plus qu'on ne le croit sur les
destinées d'une œuvre.
Le pizzicato, ou son produit par la corde pincée,
est, sur le violoncelle, d'un très bon effet; à l'or-
chestre, les violoncelles, unis aux contrebasses, don-
nent, parle pizzicato, des notes fondamentales pleines
de rondeur et de force. Dans la musique de chambre,
le pi/.zicato est fréquemment employé. (Voir la se-
conde reprise du premier morceau du Trio à l'Archi-
duc de Bëkthoven, où le violon et le violoncelle repro-
duisent, en dialogue avec le piano, d'importants
l'ragments et développements du thème principal.)
Pour obtenir la meilleure sonorité possible, l'exécu-
tant doit pincer la corde, non en la soulevant et en
l'éloignant de la touche, car, dans ce cas, elle revien-
drait frapper le bois avec un claquement désa-
gréable, mais en la déplaçant dans un plan paral-
lèle à la touche; de cette façon, il peut donner à la
corde la plus grande amplitude de vibration sans
avoir à craindre de claquement.
La qualilé la plus séduisante du violoncelliste,
celle qui différencie l'artiste de race de l'instrumen-
tiste sans vocation, c'est la beauté et la tenue du
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE 18'.'.»
son. La qiialilé du son émane de la constitution de
l'artiste; il ne sait lui-même quel procédé il emploie,
ni en quoi ce procédé dilleie de celui des autres
instrumentistes; cela s'est formé intuitivement, au
début des éludes, par l'appropriation intime de l'ar-
tiste à son instrunienl ; c'est le sentiment personnel,
impossible à analyser, comme le parfum d'une fleur
ou la couleur d'un regard. C'est par la beauté du
son et par sa flexibilité, correspondant aux nuances
les plus variées du sentiment, que le grand virtuose
prendra les foules et pourra les émouvoir jusqu'aux
larmes, jusqu'au délire. Cette qualité primordiale
ne s'acquiert pas, mais elle peut être largement déve-
loppée par l'élude. Le son expressif et souple s'ob-
tient, ou plutôt se perfectionne, par le travail du son
jilé. On nomme ainsi un son commencé pianissimo
à une des extrémités de l'arcliet, enflé le plus pos-
sible jusque vers le milieu de la baguette, et diminué
ensuite Jusqu'à l'autre extrémité, en donnant à ce
son le plus de durée possible'. L'artiste doit s'appli-
quer à ce que son archet reste en contact intime
avec la corde dans le piano, comme dans le foiie,
sans trépidation. C'est ce qu'on appelle avoir l'archet
à la conte; cette qualité précieuse est l'apanage des
exécutanis bien doués, et, pour être conservée dans
toute sa pureté, elle exige non seulement du travail,
mais une foule de soins qui sont d'un domaine ditfé-
rent, et dont nous aurons l'occasion de dire quelques
mots à la fin de celte étude.
On a quelquefois reproché aux violoncellistes d'être
des lecteurs médiocres, ou du moins de se mon-
trer, sous ce rapporl, très inférieurs aux violonistes,
pianistes, flûlistes, etc. Il est certain qu'on rencontre
assez souvent des violonistes capables de déchiffrer
bien, quelquefois très bien, une sonate, même diffi-
■cile. Quand un violoncelliste est soumis à la même
épreuve, il est rare qu'il s'en tire brillamment. On
voit même des artistes, d'ailleurs considérés comme
habiles et en possession d'une technique solide,
hésiter ou se tromper dans des traits relativement
faciles qu'ils rencontrent en déchiffrant un quatuor
ou une sonale. Ces imperfections ont leur véritable
cause dans la nature même de l'instrument. En exa-
minant le doigté du violoncelle, nous voyons que
l'exécutant est obligé de passer du premier doigt au
troisième pour couvrir l'intervalle d un ton, ladimen-
tion de cet intervalle étant trop grande pour qu'une
main de taille moyeinie puisse contenir l'espace d'un
ton entre chacun de ses doigts. Il en résulte que
dans la plupart des cas, pour les gammes exécutées
aux quatre premières posilions (qui sont de beaucoup
les plus usuellesl, le second et le troisième doigt sont
tour à tour inutilisés, pirâiis, ce qui diminue d'autant
la facilité d'exécution de ces gammes et surtout le
nombre des doigtés possibles. Pour la même raison
{la dimension des intervalles), le violoncelliste ne
peut, à la première position, atteindre de son qua-
trième doigt l'unisson de la corde suivante, comme
le fait le violoniste, qui tire de ce fait, ainsi que de
l'utilisation de tous ses doigts dans une gamme
quelconque, un énorme avantage sur le violoncel-
1. Les sons iilés ne peuvent être obtenus d'une £:içon parfaite qn'a
l'aide d'un bon archet. Disons, à re propos, queles principes qui prési-
dent à la construction des arrtiels de violoncelle sont les mêmes que
pour les archets de violon Dans l'archet de violoncelle, la baguette
est un peu moins longue et un peu plus grosse que d;ins l'arcbet de
violon, la mèche est plus fournie, l'ensemble de l'instrument est cal-
culé de façon à pouvoir transmettre une pression plus énergique. Les
meilleurs archets de violoncelle ont été faits par Tourte jeune, Enhy,
L.iFi.ECR, Peccate, VomiN, etc.
liste. Celui-ci a comme un doigt de moins. Il faudrait,
pour qu'il pt'it avoir des facilités égales à cells du
violoniste, que la dimension de sa main fiit, par
rapport au violoncelle, comme celle du violoniste
par rapport au violon, c'est-à-dire hors de toute pro-
portion humaine.
Un trait de violoncelle n'a généralement qu'un ou
tieux bons doigtés qu'il est souvent difficile ou impos-
sible d'apercevoir du premier coup d'o'il; un trait de
difliculté égale pour le violon a un beaucoup plus
j;i and nombre de doigtés possibles, sinon bons, et le
vinlonisle qui déchiffre peut, grâce à son cinquième
doigt, se rattraper tant bien que mal et arriver au
bout du trait, tandis que le malheureux violoncelliste
qui, dès le début, a manqué le bon doigté, en est
nduit à garder momentanément le silence.
Pourtant son O'il, aussi exercé que celui du violo-
niste, a lu le passage, mais ses doigts, mal engagés,
n'ont pu suivre son esprit, et les auditeurs, qui cons-
lalent la faute, peuvent, très innocemment, l'attribuer
h une cause qui n'est pas la vraie.
A ces difficultés quelquefois insurmontables, qui se
pi ésentent dans la lecture à vue sur le violoncelle,
il convient d'ajouter les complications qui provien-
nent de l'emploi des trois clefs et du changement
fréquent de ces clefs.
En résumé, la technique du violoncelle est des
plus difficiles, sinon la plus dif'ticile qui existe, car cet
instrument est appelé, par la beauté de ses sons et
l'étendue de ses registres, à attirer et à subjuguer
l'attention, tandis que la complication de sa mise en
iruvre, sa lourdeur naturelle, la pauvreté relative de
ses doigtés sont autant d'obstacles à son essor vers
les hautes sphères de l'exécution.
EMPLOI DU VIOLONCELLE
l,c violoncelle à rorehcslre.
Ainsi que nous l'avons remarqué à propos des
basses de viole, les ancêtres du violoncelle et le vio-
loncelle lui-même ne servirent pendant des siècles
qu'à soutenir le chant dans les églises, et même dans
les processions hors des églises, malgré le caractère
peu portatif de l'instrument. Les exécutanis de cette
époque avaient imaginé de per'orer le dos de leur
instrument et d'y adapter une cheville de bois qui,
lixée d'autre part à leurs vêtements, leur permettait
de jouer en marchant et d'accompagner la voix des
chantres. On trouve encore fréquemment des violon-
celles sur lesquels la trace des anciennes cln'villes
se voit très bien, quoique les trous aient été soigneu-
sement bouchés. Chose curieuse, ces mutilations ont
plus nui à l'aspect qu'à la sonorité de l'instrument.
Il faut se féliciter, cependant, que les beaux violon-
celles italiens n'aient pas subi de pareilles dépré-
ciations.
Suivant la juste observation de A. Tolbecque, « un
des documents les plus exacts sur l'emploi et la
forme des instruments du xvi« siècle nous est fourni
par le célèbre tableau de Paul Véronèse représen-
tant les Noces de (ana {{",(,-2], et au centre duquel se
trouve groupé un petit orchestre où le quatuor des
violes est parfaitement disposé : basse, ténor, alto et
pardessus de viole ». C'est là, évidemment, le noyau
générateur de l'orchestre moderne. Plus tard, ce
groupe homogène se mêla aux voix et devint peu à
ISr.o
E.VCyCLOPÉniE de la musique et DICTI0S\\A[RE du CONSEliVATOIliE
peu la base indispensable de toul concert. M. Jourdain
voulut des violons et des violes pour recevoir les gens
de qualité; il eut même l'idée, peut-être un peu ma-
lencontreuse, d'y ajouter une trompette marine, mais
cet instrument n'ayant d'une trompette que le nom,
puisqu'il était formé d'une longue boile de réso-
nance et d'une corde mise en vibration par un archet,
l'idée de M. Jourdain n'était pas en somme ausM
barbare qu'elle le paraît au premier abord. Dans
ces combinaisons orchestrales primilives, les parties
réservées anx. basses de viole et aux violoncelles ne
furent que des parties d'accompagnement.
Les r'apides progrès de la musique ne tirèrent pas
le violoncelle de l'injuste oubli dans lequel le lais-
saient les compositeurs. Dans la rrrusique, si polypho-
nique, si riche d'écriture, de Sébastien Bach, nous ne
connaissons pas d'exemple de l'emploi des facirités
chantantes du violoncelle à l'orchestre. Les basses
sont réunies sous la dénomination générale de con-
tinua ; elles sont symphoniques, mais non mélodiques.
Le maître réserve ses phrases d'expression aux
hautbois, hautbois d'amour, airx tlr'ites, etc., et ne
tire pas de parti spécial de la chanterelle du violon-
celle. L'œuvre de H.\\dn, de Mo/.art, nous offre peir
ou point d'exenrples du violoncelle employé à l'or-
chestre comme instrument de chant; il est permis
de s'en étonner, car ses qualités caractéristiques
paraissent convenir à la sincérité touchante du vieil
Haydn, et, plus spécialement encore, airx idées ten-
dres et poétiques du maître de Salzborrrg.
A Beethoveiv revient l'honneur, parmi beaucoup
d'autres, d'avoir donné au violoncelle son véritable
rôle dans l'orchestre syraphoniqire et d'avoir mis en
lumière toutes ses ressources expressives. Beethoven
s'est emparé du violoncelle toul enlier, comme d'un
trésor découvert, et n'a laissé dans l'ombre aucune
de ses qualilés. C'est ainsi que le génie procède, par
intuitions globales et imprévues. Les neuf sympho-
nies, les ouvertures, les concertos et les messes con-
tiennent de nombreux passages dans lesqirels le vio-
loncelle atteint airx plus hauts sommelsde l'expres-
sion. Nous ne pouvons citer toirs ces exemples, bien
qu'ils soient tous d'un haut enseignement; il faut nous
borner à signaler quelques-uns des plus caractéris-
tiques.
Le thème de VAndante con moto de la Cinquième
Symphonie (nt mineur) est exposé par les violoncelles,
auxquels l'arrleur a adjoint les altos, rron pour mo-
dilier le tiniltre des premiers, qui, ainsi que le re-
marque BERLroz, reste absoluincnt prcdoniinant, mais
pour ajouter de la rondeur et de la sonorité à l'ex-
posé du motif :
ALTOS
VIOLONOELLE.S
CONTHEBASSES
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Aiidaiite con nioti)^
•^'^i^ii iJ-ï
[)nl
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^
f"^r-^
Piz2
/' i^
Plus lard, dans la Neuvième Symphonie, c'est aux
violoncelles unis aux corrtr'ebasseS(|ue l'auteur donne
le thème formidable qur, par ses développements et
ses tr'ansformations, doit exprimer toutes les formes
de la joie et de l'eiithousrasme humains. Aussitôt
après l'exposition de ce thème, on l'entend une
seconde fois par les violoncelles, dans leur rci/islre
chantant par excellence. Celte 'répélilion du thème,
adoucie par la sonor'ité moellerrse de la chanterelle,
et encore poétisée par la guirlande fleurie que le
basson enroule autour de ce thème, est d'urr charme
inexprimable :
TECHNIQVE. ESTHÉTIQUE ET PÈnAGOGIE
LE VIOLONCELLE 1851
Allegro assai
KASSON
ALTOS
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W-P-W
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,S52 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSEBVATOIRK
Cresc .
Dans le Scherzo de la même symphonie, la phrase en ré majeur des altos et violoncelles
r if r f f
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emprunte à la voix de ces derniers un caractère géné-
leux et franc.
BEKTHOvENautiliséavecunégal génie tous les regis-
tres et tous les caractères de l'inslruraenl. Le trait de
l'ouverture de Coriolan exprime les sentiments tumul-
tueux du principal personnage. Ce passage, d'exécu-
tion difficile, n'est pas toujours rendu purement par
les violoncellistes; on y constate souvent un peu de
confusion, mais, quand il est bien exécuté, son eflot
est plein de grandeur et d'àpreté.
Le registre grave des violoncelles a fourni au grand
symphoniste, par son association avec l'octave infé-
rieure des contrebasses, des elfets d'un magnifique
caractère et d'une grande variété. Dans cet ordre
d'idées, le scherzo de Xa^Symphonic en ut mineur est à
citer en première ligne. Le premier thème murmuré
pianissimo par les basses :
ORCHESTRE
VIOLONC ELLES
Allegro.
î/-' P
TECriNIQCE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE 185.t
saisit l'auditeur par sa mystérieuse ^'randeur et le
transporte dans un monde inconnu où il pressent des
choses graves ou terribles; son esprit est, dès les pre-
mières mesures, enchaîné et palpite plus profondé-
ment à chacpie réapparition du thème, jusqu'à ce
qu'cnlin éclate le majeur saccadé et formidable ;
ALTOS
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a BASSONS
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CONTREBASSES
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et plus loin :
VIOLONCELLES '')'■ j j f
a CONTHËhASSES '^ '^ I :
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puissante étreinte du plus novateurdes génies.
Weber a donné au violoncelle un lùle très noble
dans son orchestre; dans l'ouverture du Freyschutz,
nous le voyons caractériser le personnage fantastique
de Samiel :
Adagio ,
VIOLONCELLES 33
Ot\CHESTRE-<
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1854 E^i'-YCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Dans dlle à'Obcron, il chante une mélodie pleine de
grâce et de IVaiclieur. Mknuklssohn, doué d'une mer-
veilleuse lialiilelé technii|ue dans l'arl de l'orclieslra-
tion, a souvent empl'i\é le violoncelle avec lionheur.
L'ouverlure de Ruy-Blas contient une pliiase large
et passionnée, qui, écrite dans le registre moyen do
l'instrument, est d'un beau et "rave caractère:
Allegro moKo,
VIOLONCELLES
ORCHESTRE
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TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE 185.-,
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ScBUMANN a exprimé, par les accents du violon-
celle, bien des senliments poétiques ou poignants;
l'ouveilure de Manfred, d'une inspiration si amère et
si grandiose à la fois, contient des passages de
violoncelle qui nous émeuvent profondément, celui-
ci par exemple :
VIOLONCELLES
Mouv* passionné (J=144)
^ORCHESTRE
M
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Cresc.
kàk
^
m
fe
^
"f^
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•*■ -5- 4~4^
^
±i
tTS
etc
*j
te:
qui traduit si bien les plaintes désespérées du som-
bre héros de liyron.
L'emploi du registre grave du violoncelle au point
de vue expressif et chaulant est plus rare. Nous en
trouvons cependant un bel exemple dans Berlioz,
au commencement de la deuxième partie delà liam-
nation de Faust :
2"^= VIOLONS [7h ii (-
VIOLONCELLES^
Largo sostenulo (Ji:72)
^
^fe
PP'
4^
S
^^
1856 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
^4^^r 'rim
Dans ce passage, le violoncelle traduit la doulou-
reuse rêverie de Faust. Ses notes profondes et voilées,
après les éclats de la Marche Hongroise, nous trans-
portent dans le cabinet d'études du malheureux doc-
teur, toujours en proie à ses ardentes aspirations.
Au cours de cette scène, les violoncelles, auxquels
répondent les altos dans l'interprétalion du princi-
pal motif, s'adaptent admiraljleinent aux sentiments
du personnage, et forment la base de cette riche trame
orchestrale au-dessus de laquelle Faust déclame son
désespoir et sa volonté d'en finir avec une vie qui ne
lui apporte que désenchantement et tortures...
Berlioz a confié en grande partie au violoncelle
l'expression de l'amour de Uoméo ; dans VAdugio de la
symphonie RomAi et Juliette, que l'auteur estimait être
une de ses meilleures pages, nous vovons le violon-
celle jouer la grande phrase de tendresse passionnée
qui s'échappe des lèvres de Roméo entrant dans le
jardin de Julielte :
Adaeio (Poco animalo. JtlOO)
p [ etc
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE 1857
Au cours du morceau, dans la pénombre de cette
nuit shakespearienne, la voix grave des violoncelles
reparaît souvent, exprimant l'ardeur pressante de
Uoméo ou redisant la phrase d'amour initiale.
Wagner et, plus généralemenl, tous les compo-
siteurs modernes ont conservé au violoncelle la
grande place que lui avaient donnée leurs devanciers.
Qui n'a remarqué, au troisième acte des Maîtres chan-
teurs, dans la valse des étudiants, l'entrée délicieuse
des violoncelles, apportant une note de tendresse
émue au milieu de la joie légère des écoliers?
ORCHESTHE
VIOLONCEIJiES
OHCHESTHE
m!' lïioHp're de Valse
J ^.
^.j^ ,^J-|¥f|
k
^fr^.J^^J
i 1-1^
etc.
A l'acte précédent du même ouvrage, c'est encore
le violoncelle qui, dans son registre moyen, prélude
à la profonde rêverie de Hans Sachs. Wagner n'a-
t-il pas encore choisi le violoncelle pour lui faire
Lenlo è languenle
exprimer les phrases débordantes de passion, qui
sont les principaux thèmes du Prélude de Tristan et
Ysciilt?
Copyright by Librairie Delagrave, 19î'
117
1858
ENCVCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTfONNAlRE DU CONSERVATOIRE
On voit, par ces exemples de caraclères très divers,
qu'aucun des sentiments graves, passionnés ou nobles
du cœur liumain n'est inaccessible à la voix péné-
trante du violoncelle.
Dès que le timbre de ses deux cordes supérieures
se fait entendre à l'orchestre, il s'impose à l'attention,
un peu comme la voix humaine, et prépare l'auditeur
à des impressions d'un ordre élevé.
Certains auteurs ont tiré un admirable parti des
violoncelles divisés à l'orchestre. Nous citerons le
quintette du commencement de l'ouverture de Cniil-
laume Tell, où Rossini a su mettre un beau coloris,
à la fois grave et agreste, qui convient fort bien au
sujet du drame, beaucoup mieux certes que le style
sautillant ou même galopant des motifs qui termi-
nent cette ouverture.
Un bel exemple de la puissance expressive des
violoncelles divisés nous est fourni par Wagner dans
la Walliyrie (acte I, scène 1) :
ppjjer vM*
DEUX 2"?".,,|
viles
DEUX 3"\'^=' ■
DEUX 4":''=
DEUX b"^.'^
yll.es
2 C BASSES.
Andante
^
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s
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■ 3 I ptu
più p
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u
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S
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE lS5't
Traduction; L'eau de la source a étanehé ma
soif et nl-lè-ge ma Jati-gue mon cou -rage est rafraîchîmes
, yeux se déLectenl dans la contemplation de la céleste vision
etc-
1860
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Dans ce magnifique passage, les violoncelles Ira-
duisenl, par une des plus belles mélodies que nous
ait données le génie dr. Wagner, l'amour pénétrant
au cœur de Siegmund et l'emplissant bientôt tout
entier.
Les œuvres orchestrales de Franck, Lalo, Brahms,
Saint- Saëns, contiennent de nombreux exemples
d'un bel emploi des ressourscs du violoncelle, mais
c'est plus spécialement encore dans leurs œuvres de
musique de chambre que nous trouverons à citer
des passages caractéristiques de ces maîtres.
Le violoncelle dans la musîqne de chambre.
Les qualités el les ressources diverses de l'inslru-
nientque nous nouselTorçons de décrire ici trouvent
leur application complète dans la musique de cham-
bre, el s'augmentent par le rôle dévolu au violoncelle
d'accompagner à découvert le chant des autres ins-
truments. Le violoncelliste qui joue à l'orchestre se
sent soutenu par la masse de ses collègues; il n'a
pas, de ce fait, à prendre de précautions trop minu-
tieuses pour l'attaque et la sonorité de ses notes,
mais il n'en est pas de même pour celui qui exécute
une œuvre de musique de chambre. 11 faut ici le tact
le plus fin, la musicalité la plus profonde, le style le
plus pur, joints à une technique très complète. Si
nous prenons, comme type de l'œuvre de musique
de chambre, le quatuor à cordes qui en est l'ex-
pression la plus homogène, la plus indiscutablement
belle, nous voyons que le rôle du violoncelle est,
après celui du premier violon, le plus important de
l'ensemble. Il forme la base de rédifice sonore, et
a, pour cette raison, une importance harmonique
qu'aucune autre ne surpase; mais ce qui rend l'exé-
cution de la partie de basse très délicate, c'est que,
malgré cette importance fondamentale, elle doit con-
server une souplesse absolue et se prêter aux fantai-
sies el aux nuances infinies de la partie mélodique.
Le violoncelliste de quatuor doit deviner les moin-
dres intentions du violon ou de l'alto qui chante au-
dessus de lui, et s'y plier avec une docilité parfaite,
même quand les intentions de celui-ci ne concordent
pas complètement avec son sentiment.
Le volume juste du son à donner doit être dans un
rapport exact avec la sonorité de la partie chantante
(nous ne disons pas dxdt l'égaler), et c'est ce rapport
exact que peut seul sentir le musicien expérimenté,
ayant une connaissance profonde de l'œuvre exécutée
et de la valeur luinnonique de chacune des notes qu'il
joue. Cette valeur peut varier d'une note à l'autre,
ou dans la durée d'une même note, et il faut, pour
apprécier ces difl'érences, des qualités musicales qui
sont le propre des artistes de haute envergure. Nul
exécutant ne peut donner la mesure d'un goût et
d'un style élevés mieux qu'un violoncelliste de qua-
tuor ; nul ne peut, non plus, trahir l'insuffisance de
sa nature ou de son éducation plus complètement
que ce même artiste par certaines erreurs d'accom-
pagnement, telles que l'emploi du vibrato où il n'en
faut pas, ou encore la recherche d'un effet spécial à
sa partie dans un passage où l'auteur n'en a conçu
aucun. Le violoncelliste de quatuor doit donc dé-
ployer dans les passages accompagnants de sa partie
les qualités qui sont ctlles du fin et solide musicien ;
il lui reste les passages où cette partie devient pré-
pondérante, pour faire montre de ses qualités expres-
sives et quelquefois de sa virtuosité. Ces passages
sont nombreux, surtout dans la musique écrite de-
puis un siècle. Ils doivent être joués non seulement
avec le style qui leur convient, mais encore sous
l'enipire du sentiment général de l'oeuvre où ils
se trouvent; nous voulons dire par là que le vio-
loncelliste, même lorsqu'il prend la parole et de-
vient principal, ne doit pas oublier qu'il après de
lui trois voix solidaires, desquelles il ne doit jamais
se désunii-. Sa sonorité doit être en rapport constant
avec celle de sesacolytes.il en résulte, dans certains
cas, qu'une phrase écrite dans la partie de violoncelle
d'un quatuor ne doit pas être exécutée de même que
si elle faisait partie d'un concerto avec accompagne-
ment d'orchestre ou de piano. Ce sont là des nuan-
ces très délicates que peuvent seuls comprendre les
professionnels delà musique, el qui montrent com-
bien doit être souple et intuitif le talent du violon-
celliste de quatuor. Aussi, y a-l-il eu de tout temps el
y a-t-il encore aujourd'huiun Irèspetit nombre d'exé-
cutants dignes d'une admiration sans réserve dans
celle difficile spécialité. Il faut dire cependant, à la
louange du monde musical moderne, que l'élude du
quatuor s'est prodigieusement répandue depuis une
vingtaine d'aimées, et que nous voyons maintenant
nombre de violoncellistes de talent dédaigner les
stupidesairs variés sur des thèmes d'opéra ou autres
qui, pendant plusieurs générations, ont diverti les
salons, et mettre leur bonne ambition à devenir d'ex-
cellents interprètes de la musique de chambre.
Nous ne trouvons pas d'emploi du violoncelle dans
la véritable musique de chambre avant Boccherini,
compositeur italien (17'i0-1806) et virtuose renommé,
qui passe pour avoir fait progresser la terhnique de
son instrument. Boccherini a laissé un nombre con-
sidérable de compositions, parmi lesquelles des
sonates, des concertos, et surtout des quintettes
pour instruments à cordes, avec deux parties de vio-
loncelle, dont la première renferme, en même temps
que d'aimables idées d'un caractère maintenant
suranné, de véritables difficultés de mécanisme. Il
faul, pour les interpréter, beaucoup de sûreté, de
justesse et de goût, de ce goût spécial qui consiste
à bien tourner une fioriture et à faire une belle révé-
rence. Les quintettes de Boccherini fuient encore
exécutés dans le dernier quart du xix^ siècle par des
artistes fervents admirateurs des grâces du xvui",
mais ils paraissent aujourd'hui complètement aban-
donnés. Ce qui peut paraître regrettable à bon
nombre d'esprits éclectiques.
Bach a laissé des sonates pour violoncelle, mais
elles sont d'un style peu aimable et d'une exécution
difficile. On les joue peut ou point.
Les quatuors d'HAVDN nous montrent le violoncelle
dans son rôle d'indispensable base de la musique de
chambreàcordes; bien que ces parties soientsouvent
d'un beau dessin et d'un grand intérêt harmonique, le
violoncelle n'y apparaît pas avec ses multiples res-
sources expressives. Il y est presque uniformément
confiné dans l'accompagnement des phrases données
aux autres instruments, surtout au premier violon,
qui a, dans les quatuors d'HAYDx, un rôle prépon-
dérant. Ce caractère est moins accusé dans Mozart,
où nous voyons quelquefois l'alto et le violoncelle
prendre la parole, mais timidement encore, et pour
des phrases ou des membres de phrase de peu de
durée. Cependant, la polyphonie est devenue plus
riche, les noies de basse ont pris, par leur valeur
dans la trame harmonique, une plus grande expres-
sion, el certaines parties de violoncelle de Mozart,
bien que ne renfermant pas de chant proprement
TECHNIQUE, ESTlJÉriQlE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE Isf.l
dit, sont très intéressantes a jouer et exigent chez
l'exécutant de profondes qualités de style et de tact.
11 faut être un artiste de haute valeur pour jouer la
musique de Mozart avec la touchante simplicité, et,
par moments, avec la sublime émotion que contient
l'inspiralion de ce grand maître.
De même que pour la musique d'orchestre, c'est
dans l'œuvre de musique de chambre de Beethoven
que le violoncelle trouve son complet épanouissement
et l'emploi caractéristique de toutes ses ressources.
Les quatuors à cordes de nEEiHOVEN nous offrent
le modèle le plus parlait du dialogue mélodique des
quatre parties essentielles de l'harmonie. L'union
de ces voix, soutenue par la plus souvei'aine des ins-
pirations, est si profonde qu'on doit les trouver à
peu près aussi belles l'une que l'autre. La sève mélo-
Quasi prestissimo.
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ff f ifr
dique qui anime les parties du deuxième violon, de
l'alto et du violoncelle n'est pas-moins riche que celle
du premier violon, et, si ce dernier, de par son rôle
nécessaire, doit traduire un plus grand nombre de
formes mélodiques, il n'en est pas moins vrai que
chaque note des autres parties, tour à tour accom-
pagnantes et chantantes, renferme aussi une pensée
et une expression. L'exécution exacte en est d'une
grande difflculté, principalement dans les derniers
quatuors, où la complexité des idées et de l'harmonie,
la beauté étrange des rythmes, la mise en œuvre
des ressources les plus secrètes de chaque instru-
ment, dépasse tout ce qui a été fait en ce genre de la
hauteur d'un immense génie.
Voici un passage du Di.vième Quatuor qui exige
chez l'exécutant d'assez rares qualités :
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•1862 EiSCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DV CONSEHVATOIfiE
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TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE 18*13
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Dans le premier de ces exemples, le violoncelle,
complètemeiil àdécouvert, propose un thème nouveau
qui doit être joué avec force et nettett". C'est ici un
cas où la faiblesse du Jt'(ac/it prodnitait 1p plus mau-
vais effet, le passage exigeant im ijrand détaché,
l'archet à la corde, avec le maximum de son et de
vigueur possible. Le premier violon, joiianl le même
passage aussitôt après le violoncelle, et le jouant tou-
jours (avec raison) dans la manière que nous venons
d'indiquer, il en résulterait, si le violoncelle n'avait
pas tout d'abord exposé le thème comme il convient,
un effet disparate qui ne serait rien moins qu'une
trahison. — Le second passage exige un petit détaché,
1^."^ VIOLOJV
2'? V10I;0\
AliTO.
VIOLONCELLE
Allegro.
qui, selon nous, doit aussi être fait à la corde, avec
beaucoup de iuttcté, chose diflicile dans un registre
aussi grave. C'est dans la partie de violoncelle que
réside l'eU'et magnilique de celle pi'ogression. 11 n'y
a pourtant ponit là de mélodie; l'auteur nous sub-
jugue par la seule puissance de ses successions har-
moniques et rythmiques, et c'est au violoncelle que
revient le devoir ipas très facile à remplir) de faire
sentir cette puissance avec toute sa beauté.
Le début du Sefjtième Quatuor nous offre l'exemple
d'une phrase largement chantée dans le registre
moyen du violoncelle :
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1864
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
On raconte à ce sujet qu'un violoncellisle, non des
moindres, mais insuffisamment pénétré du slijle des
grands maitrcs, exécutait d' instinct un si^ au com-
mencement de la troisième mesure, le trouvant sans
doute plus y<?n()7, plus moyi(/rttn quele si\^ del'auleur.
Comme il venait de faire un jour son déplorable si iJ,
le premier violon, excellent musicien celui-là, lui
répondit en faisant un !((if à la troisième mesure de
sa phrase correspondante :
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L'histoire ne dit pas si cette grotesque perversion de
la phrase beethovénienne corrigea Terreur du vio-
loncelliste.
Le Septième Quatuor contient de nombreux pas-
sages, tantôt rythmiques, tantôt mélodiques, où le
violoncelle piend une importance capitale. Citonsles
traitscaractéristiques de Y Allegretto, la phrase mouil-
lée de larmes de l'Adagio et le thème russe du final.
L'œuvre, dans son ensemble, est fort difficile à bien
jouer; on peut dire qu'un violoncellisle qui joue le
Septième Quatuor sans faiblesses et avec le siyle qui
convient, est un artiste d'autorité.
Dans les derniers quatuors (qui commencent an
n° 12 de l'édition Petf.rs), l'auteur, emporté par
la sublimité de ses pensées, ne parait plus se
préoccuper de la technique des instruments; on
dirait (jue, s'étant élevé au-dessus des sphères musi-
cales explorées jusqu'alors, il écrit pour la seule
satisfaction de son cœur, et sans s'inquiéter de savoir
si des moyens humains pourront jamais traduire ses
sentiments si piofonds et si nouveaux. Aussi, pen-
dant bif n des années, ces œuvres gigantesques furent-
elles traitées de conceptions baroques et inexécu-
tables. Hélas! c'est nous, faibles disciples, insuffi-
sants chercheurs, qui étions les grotesques! .Non seu-
lement, les derniers quatuors sont exécutables diins
leur intégrité, mais ils atteignent au summum de
l'expression musicale par la mise en action de toutes
les ressources des instruments à cordes. Ils sont
l'œuvre qu'on n'a pas égalée, et qu'on ne peut dépas-
ser, probablement le dernier mot de la musique
L'initiation du public fut lente et laliorieuse. 11 fallut
l'opiniâtreté, la foi inébranlable dans le génie du
maître, qui anima quelques artistes vers le milieu
du siècle dernier, pour qu'un petit groupe d'ama-
teurs passionnés de musique de chambre en vint à
écouler, avec élonnement d'abord, puis avec une com-
préhension grandissant peu à peu jusqu'à l'enlhou-
siame, ces ipuvres d'une essence si prodigiense. Une
grande partie de l'honneur de cette initiation revient
cà la Société de quatuors fondée par Mal'bin et Chevil-
LARD, qui, au mépris de tout intérêt pécuniaire et
même de tout succès mondain, eut le courage de con-
sacrer de longues heures d'étude et de recherches
aux derniers quatuors avant de les faire entendre
en France et en Allemagne. Que sa mémoire en soit
honorée. GrAce à sou iinliative, le monde musical
est maintenant en possession de ces inestimables
joyaux, et toutes les sociétés de quatuors leur con-
sacrent les plus ferventes études.
Les parties de violoncelle des derniers quatuors
diffèrent de celles écrites jusqu'alors par une utili-
sation plus complète des richesses de l'instrument, et
par l'importance plus grande que leur donne l'écri-
ture de plus en plus polyphonique du compositeur.
L'exécutant, tantôt complète l'harmonie par une
double corde imprévue, tantôt quitte brusquement
le registre on il joue pour prendre un pizzicato dans
unegamme éloignée etrevenir àson premierregistre,
tour à tour, il accompagne etchante, passant de l'une
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAdOGlB
LE VIOLONCELLE 1S65
àraulii'l'oMitidn, pourdeiix outroisnotes quelquefois,
et devant, à cliaque instant, modifier sa sonorité; il
Tant que son mécanisnie soit toujours prêt ,i exécuter
des trails souvent dilliciles et gauclienienl doifités,
cela, sans lourdeur, avec la même sùrelé ciue les ins-
Iruments auxquels il répond. De [dus, il doit con-
nailro à fond tous les thèmes et toutes les répliques
des autres parties, ne plus être obligé de compter ses
mesures, avant de se risquer à jouer en pulilic une de
ces œuvres redoutables. La moindre erreur de mesure,
un mouvement mal pris au début, peuvent entraîner
Adagio, molto
I
1""VI0L0N
a*? VIOLON
ici des désastres irrépai ables, car les exécutants n'ont
pas, comme dans les quatuors d'IlAvnN par exemple,
la ressource de se remettre dans la bonne voie d'a-
près les harmonies d'un sens usuel et évident qu'ils
entendent.
ISous citerons deux exemples de l'écriture des der-
niers quatuors, qui, dans des genres dillérenls, mon-
trent jusqu'où allait l'audace du compositeur, lors-
qu'il avait besoin des ressources les moins usiléesdu
violoncelle :
ALTO.
AII"appassiona(o. Presto.
F."' VIOLON
2'] VIOLON
ALTO.
VIOLONCELLE
(866 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
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1868
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Le premier de ces exemples nous montre le violon-
celle passant brusquement d'un extrême à l'autre de
ses registres et jouant, en quelque sorte, les parties
de deux instruments. Aucun des prédécesseurs de
Beethoven n'eût osé écrire un tel passage.
Le second exemple nous donne une phrase de chant
(et quelle phrase !) écrite dans le registre suraigu,
habituellement réservé aux œuvres de virtuosité.
Celle phrase ne comporte pas de très bon doigté;
il faut la jouer pourtant avec une aisance et Une pas-
sion que rend plus pénétrante le timbre des notes
les plus tendues de la chanterelle ; c'est possible, mais
c'est fort diflicile, et l'artiste le plus solide éprouve
un cerlain soulagement lorsqu'il arrive sans accident
à la fin du dangereux passage.]
En dehors de ses quatuors à cordes, Beethoven
nous a laissé de magnifiques exemples de la puis-
sance expressive du violoncelle. Quel musicien n'a
été profondément ému par le dialogue entre les deux
instruments à cordes à la fin de VAndante du Tno
à l'archiduc? Après avoir parlé séparément, ces deux
voix, également expressives, s'unissent dans la plus
grandiose des péroraisons. Dans tout ce merveilleux
Amiante, la partie du violoncelle est aussi profondù-
ment mélodique et intéressante que celle du violon
ou du piano.
L'œuvre de Beethovk.v contient quelques sonates
piano et violoncelle, biillammenl écrites pour l'ins-
trument, mais d'un inlérèt musical relalivemenl mé-
diocre. Elles ne peuvent être mises en comparaison
avec les sonates de piano et violon, et nous paraissent
être une partie secondaire de l'œuvre de Bekthoven, si
toutefois il est permis d'employer un pareil mot à
propos d'un tel maître. Exception doit être faite pour
VAndante de la Sonate en ré majeur, page d'un senti-
ment douloureux et intime qui se rattache à la grande
manière de l'auteur. Malheureusement, ce bel .In-
dante (qu'on ne joue jamais en public !) s'enchaîne
avec un Allegro fwjato d'un style particulièrement
ingrat, et qui ressemble plus à un exercice d'élevé
qu'à un morceau destiné à charnier le public, infime
point d'ombre dans une immense et lumineuse
fresque !
Les trios, quatuors et quintettes de Schuman'n con-
tiennent de magnifiques pensées admirablement
appropriées à la voix du violoncelle. Les trois A)i(/a)i/cs
des trios avec piano sont des merveilles mélodiques
où les instruments ont une part à peu près égale de
chant et d'intérêt. La partie de violoncelle y est trai-
tée de la façon la plus noble, à l'exemple de Beetho-
ven, et avec tontes les séductions, toute la poésie
qui caractérisent Schuman.n. Quoique difficiles, ces
admirables trios sont accessibles aux instrumentistes
d'une bonne technique, et le violoncelliste peut y
révéler les qualités les plus exquises, si la nature lui
en a fait don. Dans le Quatuor ei le Quintette avec piano
de ScHUMANN, les phrases généreuses et passionnées
abondent, et l'exécution de la partie de violoncelle,
d'une difficulté modérée, est toujours d'un grand inté-
rêt pour l'interprète. A la fin de VAyidante du Qua-
tuor, ScHUMANN fait descendre la corde tU du violon-
celle jusqu'au si p de façon à pouvoir faire entendre
simultanément les deux sons
^
t-
qui donnent une belle pédale grave par laquelle
se termine le morceau. L'auteur a eu le soin de
laisser préalablement au violoncelliste un nombre
suffisant de pauses pour qu'il lui soit possible de
faire descendre sa corde un ton au-dessous de son
diapason habituel. Le procédé qui consiste à chan-
ger l'accord d'un instrument à cordes au cours d'un
morceau est très périlleux. L'exécutant est, en effet,
obligé de prendre ce nouvel accord pendant que
ses partenaires jouent des notes dill'érentes dont
l'audition le trouble; s'il veut se rendre compte en
toucbant sa corde, de façon tant soit peu sonore, il
risque d'être entendu des auditeurs et d'apporter une
note discordante dans l'harmonie ; s'il se contente
d'appuyer son oreille à une cheville de son instru-
ment et d'elfleurer la corde (procédé souvent em-
ployé), il risque de ne pas entendre assez bien et d'at-
taquer une note fausse quand le moment sera venu
de jouer. Il y a des dangers de tous côtés, et nous
recommandons d'éviter autant que possible ce pro-
cédé ; si l'on tient à l'employer cependant, par une
exception qui peut être justifiée, que ce soit pour
unr S: ule note, aussi voisine que possible du ton habi-
tuel. Il ne faudrait pas écrire un passage de plusieurs
notes sur une corde ainsi désaccordée, car l'instru-
mentiste, ne pouvant plus se servir de ses doigtés or-
dinaires, risquerait de se tromper à chaque instant.
Dans les quatuors à cordes de Schuman.x, il y a de
charmants passages de violoncelle ; nous citerons la
belle phrase de VAndatite du Quatuor en la mineur,
dans laquelle l'exécutant peut obtenir le plus légi-
time succès personnel s'il sait la jouer avec la poésie
qu'elle contient :
Adagio
ir ^iOLON.
2^ VIOLON.
ALTO.
if VIOLONCELLE.
2^VI0L0NCELLE.
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE 1869
Les œuvres de Schubert nous présentent de nom-
breuses et belles applications des facultés chanlantes
et accompagnantes du violoncelle. Les trios avec
piano sont d'une écrituie extrêmement mélodique
ut séduisante, mais souvent bien difficiles de doigté
ei d'archet. Le Trio en si ^, notammeni, est fort sca-
breux; il faut, pour le jouer, un violoncelliste très
solide et doué de beaucoup de charme dans le cliant.
Le Quatuor n cordes en rc mineur (oîuvre posthume/
est une magnilique page dans laquelle le violoncel-
liste attire souvent l'attention sur lui, et qui exige,
de sa part, de nombreuses qualités, beauté du son
et puissance dans les premières parties, légèreté,
netteté, précision de l'archet dans le difficile Presto
final. Mais c'est dans le Quintette à deux busses que
Schubert a le plus remarquablement employé les
dill'érents caractères du violoncelle. Les phrases sen-
timentales, ou pleines d'expansion du premier mor-
ceau, sont rendues par les deux basses, ou par le
premier violon et le premier violoncelle dialoguant
de la façon la plus mélodieuse. Dans le célèbre Ada-
ijio, les deux violoncelles ont, tour à loui', un rôle
capital. La modulation en fa mineur amène un pas-
sage où le violon et le premier violoncelle chantent
à l'octave une lente et pathétique mélodie, pendant
que les parties accompagnantes font entendre dans
le grave des rythmes tragiques. Plus loin, au retour
du thème en mi majeur, le second violoncelle et le
premier violon ornent des plus exquises broderies
les mélopées soutenues des instrumenis intermé-
diaires. Ce passage étonnant est à citer tout entier
pour la fraîcheur de l'inspiration, l'habileté de l'écri-
ture et le rôle tout spécial qu'y joue le violoncelle.
Le voici :
Adagio
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ALTO.
VIOLONCELLE
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1870 ENCYCLOPÈIHE DE LA MUSIQUE ET DICTIO.V.VAIHE DU CONSERVATOIRE
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TECUNIQVE, ESTHÉTIQUE ET PÉPACnGlE
LE VIOLONCELLE 1S71
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1872
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIHE
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE 1S73
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L'exécution 'de la partie de basse est difficile à
cause des quatre dièses de la tonalité, de la gau-
cherie des doigtés et de l'obligation où se trouve le
violoncelliste de jouer à la fois très nettement et
très légèrement, eu respectant la sonorité des autres
parties, et en donnant, cependant, à chacune de ses
notes, un style, un accent qui ne sont pas ceux de
l'accompagnement ordinaire. Quand toutes ces nuan-
ces sont observées, il résulte de l'ensemble de cet
Adagio une des plus complètes impressions que
puisse donner la musique de chambre.
Les trios et quatuors de Mendelssohnn sont fort
bien écrits pour le violoncelle, mais c'est surtout
dans trois pièces spéciales, la Sonate en si n, le Granil
Duo en ré majeur, el le Thème et Variations, que l'au-
teur a fait preuve d'une connaissance approfondie
de toutes les ressources de l'instrument; il est
impossible de mieux écrire au point de vue techni-
que, et si la sincérité et la variété des idées étaient
en rapport avec l'habileté de la mise en œuvre, ces
compositions resteraient comme des monuments
impérissables; malheureusement, il n'en est pas
ainsi, et nous voyons ces œuvres, très remarquables
à certains égards, déjà délaissées par le monde mu-
sical moderne.
La musique de Brahms, si géniale et si injuste-
ment repoussée en France par quelques esprits dont
l'erreur s'explique mal, alors que celle musique a
déjà conquis le reste du monde, et entre dès mainte-
nant dans l'immortalité, nous donne de magnifiques
exemples de la beauté du violoncelle dans la mu-
sique de chambre. Brahms a écrit des quatuors à
cordes el avec piano, des quintettes et des sextuors,
dans lesquels abondent les phrases mélodiques ou
les traits, dont le caractère convient parfaitement
au violoncelle. Citons d'aboid une belle application
de l'arpège d'accompagnement dans le (Jiintuor en la
majeur (avec piano). Vers la tin de la première re-
prise, le violon el l'alto d'abord, le piano ensuite,
jouent un thème que le violoncelle soutient, la pre-
mière fois par des notes répétées, et en second lieu
par des arpèges d'un effet gracieux et enveloppant
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VIOI.ON
ALTO
\IOLONCELLE
PIANO
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1874 ENCYCLOPEDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
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TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE 187
Ce passage doit êlre exécuté par le violoncelle avec
précision et Jiscrclion. Il faut rester dans la sonorité
de racconipagnenienl, tout en jouant nettement et
avec un rythme parfait.
Dans le magnifique Adaijio de la même œuvre, \>^
violoncelle a un rôle des plus expressifs, soit qu'il
chante à la double octave du violon la phrase sereine
du début, soit qu'il s'unisse au violon et à l'alto pour
traduire les clameurs tragiques du passage en si mi-
neur. Les autres quatuors avec piano et à cordes
réservent au violoncelle un rôle plein d'ampleur et
d'expression; il en est de même des quintetles avec
piano, à cordes, et de celui avec clarinette; mais
c'est surtout dans ses deux sextuors à cordes que
Hraiims a tiré un parti éclatant de la réunion des
deux violoncelles. Ces œuvres donnent au premier
violoncelle la plus magnifique partie mélodique
qu'un interprète bieji doué puisse désirer. Son rôle
contre-balance au grave celui du premier violon ; l'un
propose une phrase que l'autre répète ou développe;
d':iutres fois, iisjouent à l'octave des mélodies d'une
intense expression, revêtues de la riclie draperit
harmonique que leur font les autres instruments.
Citons la phrase en fa\majeur du Premier Sextuor :
V. VIOLOIV
24 VIOLON
ir ALTO
2"? ALTO
V. VIOLO^CELLE
1'^ VrOLOlVCELLE
Allegro ma non troppo
u-nnA
^iè
Ë^^
gJ?3A
Cresc
ii> ^nTr]/'
n^
^
^
Cresc
Cresc.
f
m
w
m •
'■F-
^
i- f.
1S76 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
dans laquelle rinstriimentiste peut mettre sa plus
belle tlamme de passion sans crainte de se tromper,
et le final, si gracieux et simple, où le violoncelle
expose le thème principal repris ensuite parle violon.
Il existe deux sonates de Brahms pour piano et
violoncelle. Leur trame musicale n'est pas de la
même valeur que celle des quatuors, quintettes et
sextuors. La partie du violoncelle, techniquement
difficile, ne rend pas, dans certains passages, un effet
complètement satisfaisant; il y a même, dans la
deuxième sonate (en fa majeur], un passage de basse
inexécutable et d'ailleurs dépourvu d'intérêt mdsi-
cal. L'archet de l'instrumentiste ne peut faire avec
régularité les changements de cordes dans le mou-
vement indiqué; il en résulte un bruit confus, mal
rythmé, qui reste sans signification, car la partie
de piano ne lui apporte pas une lumière suffisante.
C'est là, très certainement, une erreur de l'auteur.
On trouve cependant, au cours de la même sonate,
bien des pensées délicates et des harmonies distin-
guées, mais la nature généreuse et sincère du grand
maître, sa puissance expressive et son coloris ne s'y
révèlent pas avec la même abondance que dans ses
autres œuvres.
Lalo a laissé des trios, une sonate et un Alleyro
pour piano et violoncelle qui contiennent des pages
de haute valeur. Les facultés expressives et caracté-
ristiques de cet instrument y sont admirablement
mises en valeur; il est aisé de voir, à première lec-
tui'c, que l'auteur connaissait parfaitement la tech-
nique du violoncelle, et qu'il écrivait pour cet instru-
ment avec une sorte de prédilection. Sa Sonate est
certainement une des meilleures que nous ayons, et
VAndante de cette sonate, en particulier, est d'une
inspiration parfaitement belle et soutenue. On le joue
peu cependant, et il nous est impossible de com-
prendre pourquoi, car ce morceau, qui pourrait à la
rigueur être séparé du reste, est d'un etfet certain ;
nous n'admettons pas qu'on puisse le bien jouer
sans produire chez l'auditeur une émotion de l'ordre
le plus élevé. L'Allégro de Concert, tendant à la
virtuosité, est aussi plus critiquable dans son essence,
mais il reste, malgré quelques passages où l'idée et
la conduite apparaissent un peu vagues, une bonne
œuvre de musique de concert, dans laquelle les deux
virtuoses peuvent faire montre des plus belles qua-
lités.
La partie de violoncelle du Trio en la mineur,
traitée de la façon la plus moderne, joue dans l'en-
semble son rôle hautement expressif, et contribue,
pour une grande part, à la traduction des belles
pensées qui animent cette œuvre.
Les trios, quatuors et sonates de C. Saint-Saëns
nous offrent de parfaits modèles de l'emploi du vio-
loncelle dans la musique de chambre. L'auteur y
joint à une grande connaissance des ressources mé-
caniques de l'instrument, le sentiment le plus juste
de ce que doit être son emploi, au point de vue de
l'expression, dans un bel ensemble. Le Trio en fa est
écrit de laçon éminemment mélodique et spirituelle.
Toutes les notes du violoncelle sont intéressantes à
jouer à divers titres; tantôt, elles traduisent de belles
phrases de chant, comme dans VAndante, tantôt des
rythmes pleins de caractère, dans le premier morceau
ou le Scherzo.
Le final de cette œuvre, d'un fini irréprochable, est
un gracieux et léger badinage; les trois instruments
babillent, se répondent, disent des choses différentes,
mais toujours spirituelles, et qui s'arrangent très bien
ensemble; il eu résulte une impression générale de
fraîcheur et de grâce à laquelle l'esprit, captivé dès
les premières mesures, se laisse aller sans jamais
éprouver de fatigue. — Voici un passage qui peut
donner une idée de la virtuosité de plume qui se ren-
contre dans cette œuvre :
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE 1877
Allegro vivace
VIOLON
VIOLONCELLE
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1878 ENCYCLOPÉrUE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
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TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE 1870
Saint-Sakns ;i publié deux sonates pour piano et
violoncelle, dont la plus ancienne, celle en ut mineur,
magnifiquement ItaiLée, a remporté le plus complet
succès; les idées en sont larges et magisiralemeul
développées; on la joue très souvent, et elle reioil
toujours rexcellent accueil qui lui est dû.
La deuxième sonate, moins connue et moins acces-
sible à la foule par la nature abstraite des idées, est
aussi d'une écriture plus complexe et ne peut être
abordée que par deux arlistes de valeur, ayant pris
la peine de la travaillei' sérieusement el d'en appro-
fondir le sens. Un a beaucoup remarqué, dans cette
sonate, un Scherzo avec variations, qui est d'une
forme très nouvelle et très heureuse. Les quatuors
de SAiKT-SAiiNs, avec piano et à cordes, son quin-
tette, etc., sont écrits avec la même maestria que les
autres œuvres et font partie de ce répertoire que
tout violoncelliste voué à la musique de cliambre
doit connaître très complètement.
Il faut citer encore, parmi les œuvres modernes
■où le violoncelle joue un rôle digne de remarque,
une sonate d'Kmile Bernard qui contient un Adagio
d'une grande beauté, et ]esVariations Symphoniques
de Léon Boellma.nn, dans lesquelles la musique et la
virtuosité s'allient étroitement sans se nuire. Ces
deux compositeurs, morts jeunes, n'ont pu donner
toute la mesure de leur réelle valeur; nous devons
le regretter très sincèrement.
LE VIOLONCELLE DANS LE SOLO
LES VIOLONCELLISTES CÉLÈBRES
Le nombre des instruments pouvant aborder avec
chances de succès le grand Solo accompagné pai'
l'orchestre est fort restreint. Les deux héros de ce
genre de musique sont incontestablement le violon
et le piano, qui, par la variété de leurs ressources,
traduisent avec un égal bonheur toutes les nuances
de l'inspiration humaine.
Immédiatement après eux, vient le violoncelle,
mais avec des chances sensiblement moindres. S'il
a, autant ou plus que ses confrères en virtuosité,
la beauté du son et les facultés expressives, il lui
manque la variété du coloris et l'aisance parfaite à se
mouvoir dans les registres élevés, qualités si utiles
dans une œuvre de longne haleine. L'écueil redou-
table pour lui enlre'tous, c'est la monotonie. Autant
ses premières phrases chantantes ont un charme
exceptionnel, autant la continuation un peu prolon-
gée des mêmes sonorités risque de devenir las-
sante, si le compositeur n'a su les varier par une
écriture extrêmement souple et par les ressources
infinies de l'orchestration. Il n'est pas impossible
a priori, croyons-nous, d'écrire un concerto pour
violoncelle et orchestre, dans lequel l'intérêt musi-
cal et l'intérêt de virtuosité puissent s'allier el tenir
l'auditeur en suspens jusqu'à la conclusion de
l'oeuvre, mais c'est là une tâche tellement difficile
qu'elle n'a peut-être pas été complètement réussie
jusqu'à présent, bien que de nombreux composi-
teurs de talent et même de génie s'y soient appli-
qués. Le timbre du violoncelle ne domine pas l'or-
cliestre comme celui du violon, son agilité n'est pas
comparable à celle du piano, enfin le nombre des
formes mélodiques, ou des traits qui peuvent donner
un bon effet dans ses registres, est beaucoup moins
grand que dans les deux autres instruments ; la fan-
taisie du compositeur se heurte donc, dans tous les
sens, à des limites rapprochées, et sa verve s'en
trouve amoindrie. Il faut beaucoup de tact pour ne
pas étoulfèr par l'orchestration la voix du violoncelle
dans son registre moyen ; quant aux traits écrits
dans le registre grave, ils ne donnent le plus sou-
vent qu'une impression pénible ; le public voit le
virtuose s'efforçant courageusement de faire parler
avec netteté les grosses cordes de son instrument;
la tête de l'artiste se penche vers la boite sonore,
son bras s'agite avec vigueur, sa sueur coule, mais
l'auditeur ne distingue rien, à moins que ce ne soit
quelques vagues rumeurs d'un caractère plus zoo-
logique que musical. Cependant, le public applaudit
quelquefois de tels passages, parce qu'il voit que
l'artiste s'est donné bien de la peine, mais ce n'est
pas cet applaudissement-là que le virtuose doit
désirer.
Les passages au registre moyen on grave ne doi-
vent, cependant, pas être complètement proscrits, car
ils peuvent donner de très bons effets s'ils ne sont
pas trop rapides, et si l'accompagnement est disposé
de façon à laisser percevoir facilement la voix du
violoncelle ; mais c'est surtout par les phrases chan-
tantes, et par les traits d'un caractère mélodique
joués sur les deux cordes supérieures, que le virtuose
pourra impressionner vivement son public.
Il résulte de ce qui précède que l'histoire des
grands sol stes du violoncelle et des œuvres de
concert pour ce,t instrument est sensiblement moins
riche que celle du violon ou du piano.
En remontant à la fin du xvii" siècle, nous trou-
vons un virtuose florentin, Baptistixi, né en 160O, à
qui paraît revenir l'honneur d'avoir importé le vio-
loncelle à Paris vers Hi?, et d'avoir grandement
contribué, parce fait, à la disparition de la viole de
gambe dans les orchestres français. Le nouvel ins-
trument eut bientôt une grande vogue, et de nom-
breux artistes virtuoses le firent apprécier du public,
mais aucun d'eux, pendant la première moilié du
xviii" siècle, n'atteignit aune grande renommée. In
peu plus tard, vint BoccHERiNi,dont nous avons parlé
comme compositeur, et qui fut aussi un exécutant
remarquable ; il a laissé des concertos et des sonates
qui (irenl école pendant un temps, mais dont il ne
reste guère aujourd'hui que le souvenir.
A Paris, il faut ciler Duport l'aîné, virtuose distin-
gué, mais qui n'avait pas le style large et expressif
de son frère Jean-Louis, dont il fut le professeur.
Dl'port l'aîné a laissé diverses pièces pour le violon-
celle, des duos pour deux violoncelles, et des sonates
pour violoncelle et basse.
Jean-Louis Duport, né en 17i9, est le premier
violoncelliste français qui ail laissé un grand nom.
Très supérieur à son frère par l'habileté technique et
par la beauté du son, il fut professeur au Conserva-
toire de Paris et fit de nombreux élèves. Ses compo-
sitions, concenos, sonates, duos, airs variés pour
violon et violoncelle sont marquées du caractère de
l'époque et remplies de formules. Elles n'ont pas
une grande envolée musicale, mais sont précieuses
au point de vue de l'enseignement. Ses études et sa
méthode sont d'excellents ouvrages techniqnes aux-
quels il sera toujours bon d'avoir recours. Les diffi-
cultés caractéristiques du violoncelle, traits détachés,
doubles cordes, etc., y sont fort bien traitées.
Bernard Homberg, le plus célèbre des violoncel-
listes allemands et chef de l'école allemande, naquit
vers 1770 à Dincklage (Oldenbourg!. Il vécut d'abord
à Bonn, puis à Hambourg, mais une grande partie
1880
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU COXSERVATOIRE
de son existence se passa en voyages, qui furent
pour lui l'occasion de magnifiques succès.
Il donna d'abord des concerts en Italie, et y ex-
cita une vive sensation ; puis il visita Londres, le
Portugal, l'Kspagneet Paris en 1800; il y fut nommé
professeur au Conservatoire, mais n'y resta que deux
ans, et revint à Hambourg, puis entreprit de nou-
veaux voyages dans toute l'Kurope, avant de se fixer
à Berlin, en 1827, comme violoncelle solo du roi de
Prusse.
La renommée de Rouberg et son influence sur l'art
du violoncelle furent, et sont, encore aujourd'hui,
considérables, car ses compositions, après avoir ré-
vélé toute une nouvelle technique de l'instrument,
n'ont cessé de servir, dans tous les conservatoires
du monde, à la formation des jeunes virtuoses.
RoMBERG a laissé huit concertos, des polonaises, airs
variés, caprices sur des thèmes nationaux, rondos,
f|uatuors et trios à cordes, etc.
Cette œuvre musicale ne révèle pas de véritable
originalité, elle abonde en formes mélodiques et
harmoniques très usitées et dépourvues de carac-
tère personnel ; ce qui fait sa valeur, c'est la pureté
classique de ses lignes, sa tenue correcte et sérieuse,
et, par-dessus tout, l'invention d'une multitude de
traits parfaitement appropriés au violoncelle, et dont
l'étude est indispensable à tout soliste voulant ac-
quérir une technique complète. Certains passages
de RoMBKRG sont parmi les plus difficiles qui exis-
tent; l'auteur les exécutait, dit-on, avec une grande
perfection pendant la première moitié de sa car-
rière, mais il eut le tort, commun à beaucoup de
grands solistes, de vouloir se faire entendre encore
à une époque où son magnifique talent s'était pres-
que évanoui.
Voici un trait assez, caractéristique de la manière
de UoMBERG :
P^^^^^^
fi^^&w^^m
L'école allemande s'enorgueillit encore de Dor-
ZAÛER, né en 1783, qui travailla avec Romberg et
devint un très remarquable exécutant. Il a laissé de
nombreux concertos, des sonates, variations, exer-
cices, une messe et un opéra, Graziosa, exécuté à
Dresde.
Un des plus illustres, parmi les virtuoses de toutes
sortes, fut le Belge François Servais, né en 1807. Elève
de Platel, à Bruxelles, il obtint ses premiers grands
succès à Paris, puis à Londres en 1834. Il revint
alors en Belgique, consacra deux nouvelles années à
ses éludes, et atteignit alors l'apogée de son talent. A
partirde ce moment, sa carrière fui une succession de
triomphes; il joua de nouveau à Paris, en Hollande
et partit pour Saint-Pétersbourg, puis, plus tard, se
fit entendre à Varsovie, Prague et Vienne. 11 fut par-
tout accueilli avec la même faveur. Servais a imaginé
des traits d'une nouvelle forme, qu'il exécutait avec
une grande beauté de son et une incomparable vir-
tuosité. Il a laissé trois concertos et seize fantaisies.
La musique de Servais est essentiellement une
musique de virtuosité et de fantaisie. Elle vise à l'eflèt
et y arrive par des moyens qui n'appartieiment pas
toujours au style le plus pur. On doit pourtant y
recoiMiaitre une certaine verve mélodique. Il est bon
de travailler la musique de Servais pour augmenter
son mécanisme, mais il pourrait être dangereux de
la pioduire devant certains publics modernes, habi-
tués à des oîuvresd'une trame musicale plus sérieuse.
Les auditeurs des grands concerts symphoniques
tendent à dédaigner de plus en plus la pure virtuo-
sité, celle qu'aucune raison esthétique ne soutient,
et il faut bien que les solistes suivent cette direction
nouvelle et, d'ailleurs, très justifiée. Il leur reste un
rôle plus beau à tenir, c'est déjouer des œuvres sin-
cèrement senties et écrites, ce qui n'exclut pas l'em-
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PEDAGOGIE
LE VIOLONCELLE isxl
ploi de leurs facultés de viiUioses, mais leur donne 1 Exemple d'un trait d'une forme familière à la tecli-
une meilleure direction. | nique de Servais :
Allegro
m
%fflf.frTr-TTl'-=i=^f¥Trn f.fr=F=rrt.rff .rf-
1
^^i-JiJ, I J^y^ig
Au temps où l'école belge du violoncelle élait repré-
sentée par la personnalité brillante de Servais, la
Franceavait Auguste Franchomme, né à Lille en 1809,
artiste doué de grandes qualités de cbarme, et dont
la réputation égale presque celle de son collègue
belge. Franchomme fui élève de .Nobblin au Conserva-
toire de Paris. 11 obtint de grands succès aux séances
de la Société des concerts, où il se lit apprécier pour
sa belle qualité de son, sa justesse et sa grâce dans
l'expression.
Il a laissé beaucoup de compositions pour son ins-
trument : variations sur des thèmes originaux et au-
tres, caprices, romances, nocturnes, concertos, etc.
Il fonda avec Alard des séances de quatuor^à cordes
qui obtinrent un grand succès, etcollabora avec Cho-
pin pour l'écriture d'un Trio (piano, violon et violon-
celle), œuvre fort difficile et rarement exécutée, ainsi
que d'une Polonaise de concert (violoncelle et piano),
remarquablement brillante et mélodique.
FRANGHOMMr. devint professeur au Conservatoire de
Paris, et y forma de nombreux élèves dont plusieurs
sont aujourd'hui parvenus à la célébrité.
Les compositions de Franchommi-; ont de la valeur
au point de vue technique, et certaines d'entre elles
se distinguent par une gracieuse ligne mélodique.
Il fut possesseur d'un des plus beaux Stradivarius
connus, qui avait précédemment appartenu à Duport.
En même temps que ce mailre, le plus illustre de
l'école française, il y avait, comme professeur au Con-
servatoire de Paris, un virtuose distingué, Alexandre
Chkvillard, artiste d'une niusicalilé supérieure, qui
Joignait à son talent personnel un fervcntamour des
grands maîtres, et qui partagea avec Maurin, ainsi
que nous l'avons dit plus haut, l'honneur indiscu-
table d'avoir fondé la société pour l'exécution des
derniers grands quatuors de Beethoven. Cuevillard,
homme d'un caractère modeste el d'une santé déli-
cate, n'occupa pas toujours la place à laquelle son
talent eût pu lui donner droit. Il consacra la plus
grande partie de ses forces au professorat, qui lui
valut de beaux succès, et à la composition d'ieuvres
techniques, parmi lesquelles nous citerons une
méthode et des concertos de violoncelle. Ces der-
nières œuvres sont fort difficiles, et excellentes à tra-
vaillei' pour tout violoncelliste déjà en possession d'un
beau mécanisme; de plus, elles présentent de l'inté-
rêt musical, notamment le Concerto en la mineur,
dont le lînal est écrit avec une tenue de style et une
richesse harmonique bien supérieures à ce qu'on
trouve généralement dans les œuvres de cet ordre.
A ces deux maîtres ont succédé Jacquard et Del-
SART, remarquables a des litres divers, le premier
par son exécution correcte el impeccable, mais un
peu froide, le second par un joli son et des qua-
lités de charme, soutenues par ses facultés de bon
musicien et d'homme intelligent.
Parmi les maîtres étrangers modernes, il convient
de citer : le Russe l>AviDOFF,qui fut directeur du Con-
servatoire de Saint-Pétersbourg, et dont la grande
virtuosité le fit connaître et apprécier par toute l'Eu-
1882
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
rope; le Viennois I'opper, auteur d'un assez grand
nombre de compositions, qui présentent le violon-
celle sous un aspect tout particulier de légèreté et
de rapidité; et enfin l'Italien Piatti, né à Bergarae
en 1822, et qui passa une grande partie de sa vie à
Londres, où il fut un célèbre musicien de quatuor.
Outre les œuvres laissées par les virtuoses, la lit-
térature du violoncelle compte quelques grands
concertos écrits par des compositeurs non violoncel-
listes, et ces pages ne sont certes pas les moins iiilé-
ressautes du genre.
Il faut citer, tout d'abord, le Concerto de Schumann,
dont la première partie conlient de belles idées mé-
lodiques et des traits d'une exécution ardue, mais
d'une bonne sonorité. L'Andante est agréablement
chantant dans les Jolies notes de l'instrument; le
virtuose peut y déployer ses qualités les plus persua-
sives et s'y faire justement applaudir, quoique l'idée
principale ne soit pas de celles qui émeuvent pro-
fondément une foule. Cet Andante, peu développé,
s'encbaine avec un final qui ne répond pas à ce que
les deux premiers mouvements font espérer. Il est
ingrat à jouer et à entendre. Un accord brisé, répété
à satiété dans tous les tons, fatigue l'auditeur sans
lui apporter de signification bien nette. Ile l'avis de
lotis les virtuoses, 'ce final dépare l'œuvre deSciiusiAN'N,
et empêche qu'on ne l'exécute plus souvent dans les
concerts sympboniques. Ce qu'il faut louer sans
réserve, dans ce concerto, c'est l'abandon des vieilles
formules et des traits écrits pour faire briller l'ins-
trumentiste. Schumann a rénové la forme usée du
concerto de violoncelle, en y introduisant sa sève
syrapbonique et en y laissant déborder sa sincérité et
sa poésie. Pouvait-il en être autrement dans une
œuvre venant d'un tel maître'?
Le Cojicer^o deLALonous offre un bel exemple de la
façon de traiter le solo de violoncelle avec orchestre.
Les trois parties de cette œuvre sont liien pondérées
comme proportions et comme diversité de caractère.
Le premier mouvement débute par un récitatif bien-
tôt suivi d'un vigoureux Allegro, dans lequel de jolies
phrases de chant alternent avec des traits bien ap-
propriés à l'instrument et au style de l'œuvre. Le se-
cond morceau, bien léussi et très personnel dans sa
forme, obtient toujours un vif succès. Après quelques
mesures d'une lente et mélancolique mélopée jouée
par le soliste, l'orchestre fait entendre un dessin vive-
ment rythmé sur quelques notes, toujours les mê-
mes, sorte de tic tac de moulin, au-dessus duquel
le violoncelle déroule les périodes d'une vive et
agreste mélodie. Le contraste est charmant et plein
de fraîcheur.
Le final du Concerto est brillant, autant que peut
l'être un morceau symphonique où le violoncelle
joue le principal rôle. Il a de la verve et de rentiain,
et termine, sans faiblesse, cette œuvre importante,
une des meilleures que nous trouvions dans la litté-
rature du violoncelle solo.
C. Saint-Saéns a publié deux concertos, dont le
plus ancien et le plus connu (celui en la mineur) est
aussi magistralement conçu au point de vue techni-
que qu'au point de vue musical.
Bien qu'il contienne plusieurs mouvements et un
assez grand nombre de thèmes, il se joue sans arrêt,
et cette forme, adoptée par le sagace compositeur,
peut avoir, entre autres avantages, celui d'éviter la
sensation de longueur si à craindre dans un concerto
en trois parties, lorsque l'instrument solo ne dis-
pose pas d'une immense variété de ressources et de
timbres. Le premier mouvement, d'allure rapide et
brillante, se calme peu à peu, et aboutit à une sorte
d'intermezzo, murmuré pp se)npre par l'orchestre en
notes détachées, auquel le violoncelle vient bientôt
ajouter une mélodie douce et lente en notes liées;
ces deux pensées conjointes et de caractères dilférents
sont d'un très heureux effet, et. ce passage amené
toujours un mouvement de satisfaction dans le pu-
blic. Le thème du commencement revient ensuite,
suivi d'un autre plus lent qui se développe en de bril-
lantes paraphrases, jusqu'à un dernier et chaleureux
motif qui condense et termine l'œuvre. L'orchestra-
tion (est-il besoin de le dire lorsqu'il s'agit de Saint-
Saëns?) fait admirablement valoir toutes les inten-
tions réservées à l'instrument principal.
Parmi les œuvres du même maître que nous n'a-
vons pu analyser en détail, nous tenons à citer la
Suite en cinq morceaux pour piano et rioloncelle, dans
laquelle se trouve une délicieuse Sérénade, et la Ro-
mance en ré majeur, d'un style délicat, et qui semble
faite pour être jouée dans un cercle intime de dilet-
tantes.
Brahms a écrit un Concerto pour violonel violoncelle
qui serait, croyons-nous, le seul exemple de l'asso-
ciation des deux grands types d'instruments à archet
dans une œuvre de virtuosité, s'il n'existait pas un
précédent dans un Concerto de Beethoven pour piano
violon et violoncelle avec accompagnement d'orches-
tre. Cette œuvre, dont le style appartient complète-
ment kldiijremière manière, n'a été que peu jouée, mal-
gré le nom de son auteur. Elle est aujourd'hui ou-
bliée ou ignorée de la plupart des virtuoses. Le Con-
certo de Brah.ms, quoique d'une écriture beaucoup
plus moderne, n'a pas été présenté souvent au public.
Il nous serait impossible de l'apprécier avec quelque
exactitude, et nous devons nous borner à souhaiter
que de nouveaux interprètes s'appliquent à le faire
entendre dans de bonnes conditions ; c'est d'ailleurs
un devoir de ne pas laisser de parti pris dans l'om-
bre une conception de forme nouvelle, émanant d'un
grand maître.
QUELQUES OBSERVATIONS SUR L ÉTUDE
DU VIOLONCELLE
Le jeune artiste qui se voue au violoncelle doit se
bien persuader qu'il entreprend une longue et labo-
rieuse tâche. Pour des raisons que nous avons expo-
sées plus haut, à propos de la technique de cet instru-
ment, le mécanisme à acquérir est des plus compli-
qués, et exige de nombreuses qualités physiques, en
même temps que les belles dispositions musicales
dont nous supposons, a priori, notre jeune virtuose
doué. Il est évident, par exemple, qu'une main pe-
tite, avec des doigts tluets, convient beaucoup mieux
au violon qu'au violoncelle. De même, il est à sou-
haiter que le futur virtuose ait une assez grande taille
et beaucoup de force physique, car la dépense dyna-
mique est, dans certains cas, assez considérable. 11
existe cependant des organismes, d'apparence et de
proportions chétives, qui recèlent de la puissance, et
qui peuvent suppléer par la tension nerveuse aux
moyens physiques qui leur manquent, mais c'est
l'exception ; en général, les grands virtuoses sont des
hommes grands et forts. La longueur des doigts per-
met au violoncelliste de faire facilement des extén-
uons et d'éviter quelquefois, par ce moyen, des chan-
gements trop fréquents de positions; la grosseur dea
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE 1H83
(loiyl.s, f^('néialeiiieiit en rapport avec leur loîifîueu'".
ne peut ici causer aucune gêne, car les iiilervalies ne
sont jamais assez lapprochés pourque de gros doigts
ne puissent.se placer sans difllculté, comme cela [leul
arriver pour le violon. La puissance de la main
droite, des muscles du bras et de l'épaule sont des
facteurs importants, l'exécution d'un passage en
grand détaclié, paresemple, devant être d'autantplus
facilement fournie (sans fatigue, chose essentielle!)
que l'instrumentiste disposera d'une plus ample pro-
vision de force. Cela paraît démontré par l'exécution
des violoncellistes-femmes qui, ]sauf de bien rares ex-
ceptions, est molle et insuffisante dans les passages
de vigueur. Ajoutons à ces prédispositions naturelles
un système nerveux bien trempé, un cœur aussi peu
enclin que possible aux palpitations inutiles, et
voyons quel emploi pourra faire de ses facultés l'é-
lève violoncelliste.
Tout d'abord, nous ne croyons pas qu'il soit utile
de faire commencer l'élude de cet instrument au
sortir de la première enfance, et celte idée découle
chez nous d'un principe plus général, qui est qu'on
ne doit pas cherchera faire de petits prodiges, mais,
au contraire, éviter d'en faire. L'élude d'un méca-
nisme instrumental et, conjointement, des priticipes
de la musique, ne doit être demandée qu'à un orga-
nisme ayant déjà un commencenient de formation
morale et physique, entre jdix et treize ans, suivant
l'avancemenl du sujet. Encore, à cet âge, ne doil-on
exiger qu'une somme de travail très modérée, une
heure par jour environ pour l'instrument, et autant
pour la théorie, en plusieurs reprises, l'aire étudier le
piano, ou un instrument à cordes, quatre ou cinq heu-
res par jour à un enfant de dix ans, nousjle voyons
trop souvent, est un acte barbare qui devrait être
défendu par les lois. Pendant l'adolescence, période
où la poussée puissante de la vie résiste à tant d'ab-
surdes dépressions, les elfels de |ce surmenage sont
quelquefois éblouissants ; on voit éclore des fruits
mûrs sur des plantes qui ne devraient encore poiter
que des bourgeons, on créelepfii; prodigi', mais on a
tari les sources de l'inspiialion naturelle, et, quel-
quefois, celles d'' la vie. L'homme qui continuera le
petit prodige déclinera, presque toujours, vers le
dégoût de son art et une irrémédiable médiocrité.
Quelques antiées d'éclat fulgurant, payées par toute
une vie d'épuisement et de déchéance, voilà quel sera
le résultat obtenu, à moins... qu'on n'ait eu affaire à
un enfant de génie pour lequel la conquête de la
science n'était pas un travail, mais une assimilation
naturelle. Dans ce cas unique, l'éclat pourra durer et
grandir, mais n'oublions pas que le génie est rare, et
que les règles qu'on peut édicter ne sont pas faites
pour lui. Le génie s'élève par ses moyens propres, et
ses méthodes de formation échappent à notre ana-
lyse.
L'élève bien doué et travailleur, à qui seul peu-
vent s'appliquer nos observations, devra être placé,
dès le début, dans les mains d'un professeur habile;
nous voulons désigner par là un artiste connaissant
bien son instrument, possédant un solide savoir
musical, et d'un esprit suftisammenl pénétrant pour
pouvoir juger rapidement le tempérament de son
élève. L'enseignement qu'il donne devra, en effet,
varier suivant les dispositions de chaque élève, et
telle méthode de travail, excellente pour un tempé-
rament calme et concentré, ne vaudrait rien pour un
naturel plein de tiamme. Lorsque le professeur aura
affaire à un tempérament de cette dernière catégo-
rie, et c'est un cas fréquent, nous croyons qu il sera
beaucoup plus utile à son élève en le modérant,
qu'en activant son ardeur. Il n'est de nulle nécessité
qu'un virtuose soit en possession <run talent accom-
pli avant vingt ou vingt-deux ans (nous parlons, bien
entendu, au point de vue de l'art pur, et sans tenir
compte des nécessités matérielles de la vie), mais il
est essentiel qu'il donne à son talent futur une base
solide et lentement construite. C'est ce qui lui assu-
rera, pour plus tard, des moyens mécaniques qui
permettront à sa virtuosité naturelle, à son inspira-
tion, de se manifester dans toute sa grâce, et sans
fatigue malsaine. Mous engageons donc le profes-
seur à maintenir l'élève assez longtemps sur les
gammes, surtout sur celles des tonalités comportant
plus de trois accidents; car ces gammes n'ont gé-
néralement qu'un bon doigté, (jiii est peu ou point
connu d'un (jrund nombre de vinloncclUstes. C est sin-
gulier, mais c'est ainsi. On trouve, dans les cahiers
d'études publiés jusqu'à ce jour, un grand nombre
d'exercices bien faits sur ces tonalités. L'élève devra
les travailler lentement, patiemment, en recherchant
la parfaite justesse et la beauté du son. Pour acqué-
rir cette dernière qualité, nous recommandons le son
lilé étudié avec un archet modérément tendu, 1 exécu-
tant ne devant jamais, selon nous, se servir d un
archet très tendu, ce qui enlève au son la tenue et
la souplesse, absolument nécessaires à une belle
expression. 11 faut que l'élève ait le courage de s en
tenir assez longtemps à ces travaux arides, et, autant
(ine poasihle. sous l'œil du maître, afin d'éviter les
haliitudes défectueuses qui sont bien les mauvaises
herbes les plus difficiles à extirper que Ion con-
naisse. On ne peut cependant exiger d'un jeune
cerveau une application continue à de rebutantes
études, et il sera bon que le professeur les varie par
l'exécution de petits morceaux choisis dans la mu-
sique bien écrite pour l'instrument, et non dans des
arrangements d'opéras ou autres adaptations de
mauvais goût. Il y aura avantage à initier le plus
tùl possible l'élève aux beautés de la musiiiue d'en-
semble, en lui faisant travailler des morceaux con-
certants ou des soli accompagnés par le piano ou
par la basse du professeur. Dans ce cas, le maître
fera bien de les jouer d'abord lui-même devant l'é-
lève, plusieurs fois si c'est nécessaire, pour lui en
faire bien comprendre le sens et le style. Nous tenons
à dire, à ce sujet, que, contrairement à l'idée que se
font bien des gens du monde, ce n'est pas toujours
le plus illustre virtuose qui donnera les meilleures
leçons. Erapoité par les séductions brillantes de sa
carrière, il peut trouver fastidieuses les heures con-
sacrées aux travaux de l'enseignement, ou même
n'être pas doué pour l'art tout spécial d'infuser la
science à ses élèves. C'est assez compréhensible, et
ou ne doit pas lui eu faire un crime, mais il ne faut
pas lui donner, à la légère, un jeune talent k former.
Plus tard, lorsque la technique de l'élève sera déjà
très avancée, sa méthode de travail assurée, les leçons
d'un grand virtuose pourront lui être fort utiles.
Nous ne croyons pas qu'il y ait d'inconvénient à
initier l'élève aux positions du pouce ^ , presque dès
le début de ses études; il se familiarisera ainsi de
bonne heure avec l'exécution dans le registre suraigu
qui offre toujours de si grandes difficultés. La lec-
ture à vue ne doit pas être négligée, et le prolésseur
1. On .ippelle positions du. pouce celles dans lesquelles le violon-
celliste quiUe le raanctie de l'inslroment et se sert de son pouce
comme d'un sillet mobile.
1884
ENjCrCLOFÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
pourra, par un choix de morceaux gradués el bien
écri(s, intéresser l'élève et faire l'éducation de ses
facullés musicales. Knfln, nous sommes d'avis que
l'enseignement du violoncelle doit comporter une
partie complètement négli{,'ée jusqu'ici, c'est l'art
d'accompagner. Lorsqu'un professeur et son élève
jouent une sonate avec accompagnement d'un second
violoncelle, par exemple, l'élève joue toujours la
première partie. C'est un tort, la seconde peut être
aussi difficile, voire plus diflicile que la première,
mais dans un autre genre. Que l'on intervertisse les
rôles, et on verra un élève, qui se tirait assez bien
de la partie principale, accompagner pitoyablement
cette même partie. Que sera-ce donc quand on le
chargera de faire la basse d'un quatuor, s'il n'a été
de bonne heure façonné aux dildcultés toutes spé-
ciales de l'accompagnement?
C'est par suite de cette lacune habiluelle dans
l'enseignement que nous voyons souvent de jeunes
virtuoses sortir des écoles avec un brillant méca-
nisme et des récompenses non moins brillantes, ce
qui ne les empêche pas de se montrer mauvais mu-
siciens, dès qu'on les prie de faire la simple basse
d'un trio ou d'un quatuor. Ils ne savent ni compter
leurs pauses, ni donner à un passage d'accompa-
gnement la signification qu'il doit avoir. On objec-
tera qu'il y a, dans les écoles, des classes d'ensemble
instrumental; cela ne suifit pas, il faut que l'ait de
l'accompagnement soit enseigné à l'élève par un
professeur violoncelliste, qui, à chaque instant, prêche
d'exemple, et puisse indiquer à l'élève les moyens
techniques d'obtenir la sonorité voulue; il faut aussi
qu'il explique les raisons esthétiques qui le font
jouer de telle ou telle façon suivant les cas.
Ces indications spéciales, données à l'élève pen-
dant ses premières années d'étude, doivent le prépa-
rera tenir une partie d'accompagnemenl, mais elles
ne peuvent, en aucun cas, remplacer l'expérience
personnelle que le jeune artiste acquerra en faisant
de la musique d'ensemble. Il est donc très indiqué
de lui ménager des occasions de jouer du quatuor,
dès que son mécanisme lui permettra d'exécuter une
partie. Quel meilleur moyen pourrait-on trouver de
développer ses facultés, et d'affiner son sentiment
du style? Même pour un artiste qui compte se vouer
à la virtuosité, cela nous paraît indispensable.
Ces remarques s'appliquent à l'èleve sous la tutelle
d'un professeur'; mais.il viendra une période, soit
qu'il prenne encore des conseils de quelque maître,
soit qu'il travaille seul, où son raisonnement devra
intervenir d'une façon continue dans ses études. Il
faut que sa méthode de travail soit l'objet d'une
surveillance constante, car, lorsque le virtuose com-
mence à prendre son essor vers les hautes régions
de l'exécution, lorsque sa personnalité se développe,
il peut très facilement, s'il n'y prend garde, contrac-
ter de fâcheuses habitudes qu'il lui sera diflicile de
déraciner plus tard. L'artiste doit alors veillera ce
que son urchet ne passe, hnbituellement, ni Irop près
ni trop loin du chevalet, à ce que la pointe ne tende
pas à s'incliner vers la terre, ou à remonter vers le
manche; il doit éviter de jouer avec un trop petit
nombre de crins el, nous le répétons, tendre peu son
archet. La position du corps doit rester droite, mais
sans raideur.tet il faut éviter, à tout prix, ces mouve-
ments de tête et d'épaules qui prêtent à rire. Jus-
qu'au dernier tiers du xix" siècle, le violoncelliste
devait soutenir son instrument par la pression de la
face interne des jambes, et il en résultait quelquefois
une faligue ou une gêne dans les mouvements qui
pouvaient rendre une belle tenue difficile à conser-
ver, mais l'adjonction de la pique, généralement
adoptée aujourd'hui, supprime en grande partie ces\
difficultés. Cette simple cheville, munie d'une pointe
de fer, qui fixe le violoncelle au parquet el l'empêche
de glisser, tout en laissant à la main de l'exécutant
la liberté de le déplacer par en haut, constitue un
réel progrès. Dans l'exécution au registre suraigu,
on ne doit se pencher que tout jusle assez pour per-
mettre à la main d'atteindre les positions élevées, et
non se coucher de façon grotesque sur les éclisses
de son instrument. L'attaque des notes aux positions
du pouce comporte souvent de très grandes difficul-
tés; il faut, même dans les passages de vi^gueur, y
mettre certaines précautions pour éviter de fâcheux
grincements. La corde devra, en raison de sa tension,
être fortement appuyée contre la touche et, pour la
même raison, il sera dangereux de l'atlaquer brus-
quement el très prés du chevalet. Un sforzando éner-
gique, sans aucun danger dans les positions du
manche, est périlleuse dans le registre suraigu, et
nous conseillons de l'exécuter avec une souplesse
relative de l'archet, pour ne pas risquer d'en détruire
l'effet singulièrement pénétrant. 11 faut beaucoup
d'habileté et d'expérience pour n'avoir pas, dans le
registre suraigu, un son malheureux et gêné. La
chose est possible cependant, et devra faire l'objet
des constantes études du virtuose.
Quand le mécanisme de l'exécutant est formé, sa
principale préoccupation doit être d'assouplir diver-
sement son talent, suivant les œuvres à interpréter.
Se faire le très humble serviteur du maître à exécu-
ter, le traduire fidèlement dans ses moindres inten-
tions, sans y rien ajouter de son cru, tel est le rôle
du parfait interprète. Cela d'ailleurs n'annihile nulle-
ment sa personnalité. Il lui reste, pour la manifes-
ter, la beauté du son et certaines grâces naturelles
de style et d'expression, qui, s'adaptant parfaitement
à la pensée de l'auteur, ne laissent non plus aucun
doute sur la valeur artistique de l'exécutanl.
Pour ce qui concerne l'exécution à l'orchestre, un
seul principe contient tous les autres : faire exacte-
ment ce que demande le chef d'orchestre qui assume
la responsabilité de l'interprétation.
Dans la musique de chambre,, au contraire, l'initia-
tive de l'artiste concertant est entière. Nous lui con-
seillerons de faire, d'abord, une bonne lecture de
l'œuvre à jouer, et de l'étudier ensuite en partition,
si, comme nous aimons à le supposer, il est assez
musicien pour se rendre compte d'un quatuor par
les yeux. L'étude de la partition lui révélera des
intentions, des accents expressifs, des effels d'har-
monie, qui pourraient lui échapper à la seule exécu-
tion. Ce genre de travail contribuera largement à
former son goût en le faisant pénétrer dans la (rame
intime des œuvres symphoniques, et lui facilitera ses
études dans l'art d'écrire, si ses facultés le poussent
à la composition.
Une des diflicultés de la musique de chambre
consiste dans l'exécution de certains passages pianis-
simo.
Peu de sociétés de quatuors savent rendre cette
nuance, souvent voulue par les maîtres, et leurs er-
reurs viennent de deux causes principales : ou les
exécutants ne sentent pas avec justesse à quel point
ils doivent éteindre leur sonorité, ou, le sentant, ils
n'atteignent pas ce point, parce qu'ils emploient
trop d'archet. Le son produit, en eflleuranl, sur la
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE VIOLONCELLE 188s
touclie, aoec beaucoup d'archet, ne donne pas le véri-
table pp de quatuor ; c'est un son qui porte, et qui est
à sa place dans une phrase chantante, jouée avec
douceur au cours d'un concerto ou d'une sonate,
mais le pp de quatuor, surtout s'il s'af,'it d'un pas-
sage plus harmonique que mélodique, doit être fait
avec peu d'archet. IN'ous avons vu souvent des exé-
cutants, à qui on reprochait déjouer trop fort, ré-
pondre très sincèrement : « Je ne peux pas jouer
plus piano. » C'était vrai, eu égard à la longueur
d'archet employée ; si le même artiste avait joué
le passage incriminé avec deux fois moins d'archet, il
aurait obtenu, sans effort, la sonorité pp désirée par
le compositeur.
Dans l'exécution d'un solo, le virtuose doit faire
ressentir aux auditeurs les émotions et sentiments
contenus dans l'œuvre interprétée, en ne les éprou-
vant lui-même que d'une façon très affaiblie au mo-
ment où il joue. Son cœur et ses nerfs doivent rester
calmes, condition indispensable de la virtuosité. L'ai -
liste, par une sorte de dédoublement de sa nature,
a dû apprécier toutes les beautés d'une œuvre lors-
qu'il en a pris connaissance, en sentir toutes les
émouvantes inspirations, mais, quand le moment
sera venu de les traduire, il faut qu'il reste absolu-
ment maître de lui et, en quelque sorte, inaccessible
aux vives émotions! Sa sensibilité doit sommeiller
pour laisser agir sa volonté. iNous conseillons de
lire, à ce propos, le Paradoxe sur le comédien de
Diderot, où cette thèse est étudiée avec une admi-
rable sagacité.
De même que le comédien qui, surla scène, pleure-
rait de vraies larmes, deviendrait aussitôt ridicule,
de même le virtuose qui se laisserait gagner par
l'émotion de l'œuvre qu'il interprète, ne tarderait
pas à jouer faux et avec un son tremblé, ce qui lui
enlèverait toute action sur l'auditeur. Il suffît de voir
les déplorables elïets produits parla peur nerveuse,
par le Iruc, puisque c'est l'expression consacrée, pour
se rendre compte que toute émotion, fCit-ellede l'es-
sence la plus noble et la plus artistique, et surtout
dam ce cas, doit être sévèrement refoulée. La haute
virtuosité est à ce prix, et les artistes qui ne se sen-
tiront pas capables d'opérer le dédoublement dont
nous parlions plus haut, feront sagement de renoncer
au solo; il leur restera la possibilité de briller autre-
ment, en étant, par exemple, d'excellents musiciens
de quatuor.
La belle virtuosité naturelle est une qualité innée.
Elle provient, à ce qu'il semble, d'une harmonie
préétablie entre les mouvements du cœur, l'action
du système nerveux et du cerveau, existant conjoin-
tement avec le sentiment musical dans un tempé-
rament d'ordre impulsif. Le parfait viituose est un
mécanisme admirablement réglé, mais déstructure
délicate, et, par conséquent, facilement altérable.
Combien n'a-t-on pas vu déjeunes talents, pleins de
promesses, avorter dans la médiocrité sans causes
apparentes à tous les yeux? C'est que des poisons
subtils étaient venus, à l'insu de tous et du virtuose
lui-même, paralyser certaines parties de son action.
Aussi, ne saurions-nous mettre trop soigneuse-
ment en garde le jeune artiste, possesseur de la pré-
cieuse faculté, contre les dangers qui le menacent.
Sa première sauvegarde réside dans une sévère hy-
giène. Nous ne pouvons ici passer en revue les mille
causes de dépression physique et morale qui peu-
vent influer sur les facultés d'un virtuose, ni écrire
un traité de morale à l'usage des jeunes artistes,
mais il peut ne pas être inutile d'indiquer quelques
dangers particulièrement redoutables : le virtuose
devra éviter les veilles fréquemment repétées, et se
soustraire, par tous les moyens, aux nombreuses
formes du surmenage ; cela peut être fort dilficile,
car le surmenage, fâcheux produit de notre intense
civilisation moderne, devient l'ennemi commun 'de
tous ceux qui s'adonnent aux choses de l'esprit; il
faut pourtant que le grand instrumentiste arrive à
l'éviter, sous peine de voir décliner son talent. Cer-
tains artistes croient pouvoir réparer les brèches
faites à leur force naturelle en augmentant le nom-
bre de leurs heures de travail. C'est, selon nous, une
grande erreur : l'excès de travail est aussi nuisible
qu'un excès quelconque; il engendre des dévelop-
pements anormaux, inutiles, de certaines facultés de
mécanisme, au détriment de cette tleurde virtuosité
naturelle dont rien n'égale le charme. On voit des
artistes travaillant leur instrument six à iiuit heures
par jour, et qui n'en valent pas mieux pour cela, au
contraire. Leur jeu est forcé, tendu, pénible souvent,
et lait deviner un système nerveux allant à l'épuise-
meul. Par contre, on constate chez des artistes qui
travaillent peu ou point, des séductions spontanées
qui, si elles n'étaient déparées quelquefois par des
insuffisances de mécanisme, obtiendraient tous les
suffrages. La vérité est dans une dose de travail
modérée, n'allant jamais juseju'à la yraiide fatigue.
Nous croyons devoir recommander encore aux
jeunes virtuoses d'user avec la plus grande circons-
pection des excitants du système nerveux, et de
proscrire de leurvie, aussi complètement qu'ils auront
le courage de le faire, ces deux poisons perfides : l'al-
cool et le tabac.
Kn résumé, leur règle de conduite devra être do-
minée par cette idée que la pure virtuosité naturelle
est une faculté rare et de nature délicate, qu'on la
perd facilement, et qu'on ne la retrouve jamais
dans sa beauté primitive, quand ses sources ont été
atteintes et troublées.
Le virtuose idéal est un héros ; il doit réserver
toutes ses forces et toute son inspiration à l'expres-
sion du beau par les moyens qui lui sont propres; sa
tendance devrait donc être de se rapprocher d'ini
type de héros simple et pur.
Quand verrons-nous un Parsifal de génie se vouer
à l'élude du violoncelle?
Nous avons cru devoir consigner ici ces quelques
observations.
Elles n'ont pas la prétention de codifier l'art et de
révéler des méthodes inconnues; on pourrait dire sur
ce sujet bien d'autres choses et, sans doute, de bien
meilleures; nous les avons écrites, cependant, parce
qu'elles nous sont suggérées par une expérience déjà
longue, et en souhaitant qu'elles puissent être de
quelque utilité aux jeimes artistes. C'est par l'expres-
sion de ce vœu que nous terminerons cette étude sur
l'un des plus riches organes de la polyphonie mo-
derne.
Georges ALARY.
LA CONTREBASSE
Par Adolphe SOYER
■ ANCIEN MfilMBRK DE ï,\ SOCIÉTÉ DES CONCERTS DU CONSERVATOIRE
ET DK I.' ORCHESTRE DE 1,'aCADÉMIE NATIONALE
DE MUSIQUE
ORIGINE ET ÉVOLUTION DE LA CONTREBASSE
Certaine légende attribue l'invention de la contre-
basse à Michel ïodini, luthier établi à Home en 1676.
D'après Michel Pr.etoril's, la contrebasse, dans sa
forme actuelle, succéda au violone, ou nintrebasse
de viole, en 1620.
La contrebasse de viole avait six cordes accor-
dées de la manière suivante, soit une tierce entre
deux groupes de quartes :
A propos du violone, nous lisons dans la Méthode
de Contrebasse que Michel Corrette publia vers la
seconde moitié du xviii= siècle :
.. La contrebasse, que les Italiens nomment vio-
lone, est à l'octave au-dessous du violoncelle, et à
l'unisson du bourdon de seize pieds de l'orgue. Les
anciennes basses de viole à six cordes avaient à peu
près la même figure, et, au rapport de Mehsenne,
Livre 4, Garnier, de la musique du roy, avoit une
viole de quatre pieds et demi de long, dans laquelle
il mettoit un jeune page qui chantait le dessus, et
Garnier la basse taille, pendant qu'il jouait la basse
sur la viole; il donnait souvent ce petit concert bur-
lesque devant la reine Marguerite'. »
L'autre contrebasse (1620) avait cinq cordes accor-
dées par quintes :
Cette dernière était munie de chevilles en bois qu'on
faisait tourner au moyen d'une clef.
Ce n'est qu'au milieu du xviu' siècle que les che-
1. Méthodes pour apprendre à jouer de la Conlrebatse à S, ( ri
.i cordes, de ta Quinte, ou Alto et df la riolr d'Orplifr, par Michel
ConnETlE, p. l (s. d.). Il s'agit ici de Marguerite de France, femme de
Henri IV.
villes à mécanique furent inventées par Carl-Ludwig
Baciimann-, luthier habile et virluose de la contre-
basse, né à Berlin en 1710. Ce musicien faisait partie
de la musique de la chambre du roi de Prusse. Il
fut nommé luthier de la cour de Berlin en 1765.
Mais, déjà vers la fin du xvi' siècle, Gasparo da
Salo et Maggini contruisaient des contrebasses pour
les églises.
Daniel et Théodore Verbrl'goen, luthiers à Anvers,
en firent aussi pour la cathédrale de cette ville, en
1633 et 1641.
D'après M. de Keuster, professeur de contrebasse
au Conservatoire d'Anvers, la cathédrale d'Anvers
en possède une à trois cordes très bien conservée,
qu'on emploie journellement et même de préférence
à loule autre.
Celte coiilrebasse a été construite par Pierre Bob-
LON let non Poulon comme certains le prétendenlj
en 1647. C'est en elïet ce qui résulte de l'étiquette
(en flamand) qu'on peut lire à l'intérieur de cet ins-
trument.
Le célèbre contrebassiste Drago.netti, dont il sera
question plus loin, possédait deux contrebasses, dont
une de Gasparo da Salo. Il l'avait reçue en cadeau
des moines de Saint-Marc, de Venise, et s'en servait
de préférence dans ses concerts. Lorsqu'il mourut,
elle retourna, selon le désirqu'il avait exprimé dans
son testament, aux moines de Saint-Marc.
Elle est encore exposée actuellement dans une
vitrine à quatre faces dans le chœur de l'église. —
L'autre contrebasse était d'un des Amati.
A mesure que la musique eut plus d'éclat, il fal-
lut songer à donner plus de force à la basse; c'est
pour atteindre ce but qu'on construisit, au com-
mencement du XVIII' siècle, en Italie et en Alle-
magne, des contrebasses à quatre cordes accordées
par quartes.
Les trois contrebasses de la musique du roi, à Ver-
sailles, étaient de ce nombre. Il reste encore un de
ces instruments au Musée du Conservatoire National
de Musique. Celle dont on se servait à la chapelle
du roi, à Versailles, a été construite, en 1755, par
François Lejei'.ne, luthier, rue de la Juiverie, à Paris.
.Michel PiGNOLET DE MoNTECLAiR, compositour fran-
çais, né non pas à Chaiimont en Bassigny, en 1666,
mais à .\ndeIol (Haute-Marne) en 1667, mort près
de Saint-Denis, en 1737, fut admis à l'orchestre de
TECIIMQVE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA CONTREBASSE is-*"
rOpéra Mil peu avant 170(1; il y introduisit la l'oiUre-
hasse, à une date qui n'est pas déterminée'.
Voici coiniuenl s'exprime, à cet égard, Michel Cor-
RETTE, dans sa Mèlliode de cintrebasse : « Monteclair
et Sagioni sont ceux qui ont joué les premiers de la
FiG, 947. — Contrebasse i'r 4 fcrdos.
contrebasse à l'Opéra de Paris; du temps de Lulli,
cetinslniment étaitinconnu à l'Opéra. Laconlrebasse
servoit dans les tempêtes, dans les bruits souterrains
et dans les invocations; elle gardait le tacel assez
mal à propos dans le resle. »
Lors<|ue ConRETTE écrivait sa méthode, la contre-
basse « jouait tout excepté le récitatif- ».
En 17.i7, l'Opéra ne comptait encore qu'un seul de
ces instruments, et encore ne s'en servait-on que le
vendredi, qui était le jour de grand spectacle.
GossEC en til ajouter un second; Pbilidob, com-
positeur français, en mit un troisième et, successi-
vement, le nombre de ces instruments s'augmenta
jusqu'à huit. Depuis 1892, on en compte dix.
Le nombre des cordes de la contrebasse a beau-
coup varié. De cinq, au temps de Pr.etorils, il est
descendu à trois; puis on y a ajouté une quatrième.
.Mais, à l'époque où Corrette écrivait sa méthode,
il y avait des contrebasses à 3, 4 et o poids; ces der-
nières s'accordaient de quarte en quarte, de la façon
suivante :
m
ifo-
I. Ccpeiiclant. dès 17116, la contrebasse flg
lopcra d'Atcyone, de Marin Maiiais.
:î. Loco cit., p. 1.
rait dans l'orL-bcstre de
FiQ. 948. — Contrebasse k i cordes et archet
de la Méthode Coruetth.
La contrebasse à trois cordes s'accordaitjde façon
ditlëreiite dans divers pays. Kn Italie, on l'accordai!
par quintes :
¥
tandis qu'en .Angleterre et en France, l'accord pro-
cédait par quartes :
m
Dans sa Grande Méthode complète de contrebasse, le
célèbre virtuose contrebassiste BoTTESiNi|s'élève contre
l'accord par quintes, lequel rend les sons durs et
entraine un changement continuel de position, d'où
une exécution incertaine et décousue. Il n'admet
que l'accord par quartes'.
:i. Giovanni Boitfsini, Grande Mé/hode cumjilétr de contrebasse
divisée en detue parties, Paris, Escudier (s. d.|.
1888
EXCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
BoTTESiNi discute,
dans les termes sui-
vants, les avantages et
les inconvénients de
l'adjonction d'une qua-
trième corde : n Qui-
conque connaît la na-
ture de la contrebasse
ne peut nier que l'ad-
dition d'une nouvelle
corde ait été faite uni-
quement pour enri-
chir cet instrument
de quelques notes plus
graves, ce qui, d'ail-
leurs, est assez impor-
tant pour le composi-
teur, et assez utile sur-
tout dans les notes te-
nues.
Mais si la contre-
basse acquiert, par
cette quatrième corde,
une plus grande ex-
tension dans les sons
graves, cette extension
ne s'obtient qu'au dé-
triment de la sonorité
qui, naturellement, di-
minue d'autant qu'on
augmente le nombre
des cordes '. »
L'étendue de la con-
FiG. 9i>.i. .
trebasse a trois cordes
comme instrument d'orchestre, est la suivante :
Corde La
~^ û o "11"
otio »
-^^
u
=»^
1
8" basse
Corde Ré
h„l>o bo
bo
M^
-&■
tf-^
^
|_?)'- o tiok|o o ""■'- 1 - 1
8" basse - - - . _. . .
Corde Sol
«^««^ û
tfQ
■©■
-Q
tfe
;»
C\- €^ t" ^»^
r-T^
8« basse
Montée de quatre cordes, avec l'accord
la 'contrebasse a, sur celle munie de trois cordes
accordées par quintes, l'avantage de donner trois
notes'de plus au grare, et surtout de permettre une
lu grande facilité d'exécution.
îi MM. (jAND et BERjjAnoEL, habiles luthiers, imagi-
nèrent une cinquième corde, car, depuis quelques
années, les compositeurs réclamaient un contrc-ut
(seize pieds); seulement, la difficulté de mettre ces
cordes en vibration fit échouer cette tentative; plus
tard, vers 1893, Viseur, l'éminent professeur du
Conservatoire, tenta de modiliei' l'accord :
m
■& en
mais il n'avait pas compté avec les difficultés du
doigté, cause de l'accord irrégulier; cependant, il
était parvenu à faire admettre ce nouveau système
au Conservatoire et à l'orchestre de l'Opéra, S3S-
térae qui eut le même sort que la contrebasse à cinq
cordes, car une cruelle maladie vint emporter Viseur
en quelques Jours.
Après lui, un artiste d'une non moins grande valeur
fut appelé à lui succéder au Conservatoire, H. Char-
pentier, contrebassiste solo à la Société des Con-
certs du Conservatoire et à l'orchestre de l'Opéra,
qui, compienant tout l'intérêt qu'il y avait pour les
exécutants de rétablir l'accord primitif, n'hésita pas
à le faire adopter une
seconde fois.
Malgré cela, il y
avait certainement un
moyen de satisfaire les
compositeurs et de leur
accorder le contre-ut;
ce moyen a été trouvé
par M. Max Poire, con-
trebassiste de l'Opéra
de Berlin, et de la
musique de la cham-
bre de l'Erapereurd'AI-
lemagne, qui inventa
un système pour allon-
ger la grosse corde;
la contrebasse doit
être accordée comme
d'habitude, mais, au
moyen d'un déclan-
chemenl qui se pro-
duit par l'action d'une
légère pesée sur la
deuxième clef (le mi
devientalors un contre-
iiti, on descend chro-
matiquement par le
système de 4 clefs, qui
donnent ini, mi[i, ré,
r(. [i, et le conire-ut à
vide.
Pour remettre l'ac-
cord primitif, il suffit
d'appuyer le pouce de ''"'• '^^''■
1 . , Contrebasse à 3 cordes conslruile par
la main gauche sur ^_^_ Vuiltaume. lERlise Sainl-
une petite plaque mo- Ferdinand des Ternes.)
bile en fer posée en
haut du manche, et de l'amener délicatement près
du sillet; une fois là, Vut redevient mi, la corde s'ac-
crochant d'elle-même.
Ce système est très ingénieux et d'une pratique
facile. Aussi, espérons-nous le voir adopter sous peu
par les directions de nos grands théâtres et de nos
grands concerts. Le 6 novembre 1905, M. Ad. .Soyer
s'en servit à l'Opéra, pour la reprise de Freiuhiil:,et
la musique de la Garde répulilicaine possède une
contrebasse de ce système.
Actuellement, la contrebasse à cinq cordes est de
nouveau pratiquée; elle s'accorde par trois quartes
et une tierce- :
1. Ibid.
2. Voir : Enseitjncmmt com/ilrl de la contrebasse à 4 et à ô cordes
par Edouard Nanhy. Méthode complète en i parties (1920-1023). fN.
D.L. D.l J- V II
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA CONTREBASSE 1889
Octobasse.
Cet instrumenl, haut de quatre mètres, imaginé
par J.-B. VuiLLAUuE eu 1849 et perfeclionné par
lui en 1851, est monté de trois cordes, ut, sol, ut; il
a quatre notes au grave de plus que la contrebasse
ordinaire. Les dimensions de l'octobasse ont exigé
l'invention d'un mécanisme spécial ; au moyen de
leviers, des doigts d'acier viennent se placer sur les
cordes à la façon d'une barre, en sorte que l'exécu-
tant, dans chaque position des doigts d'acier, a tou-
jours à sa portée trois degrés, dont le deuxième est
la quinte et le troisième l'octave de l'autre; l'appareil
des leviers est fixé au côté droit de l'instrument,
et l'on agit sur la bascule à l'aide d'un pédalier.
11 n'existe plus qu'une octobasse comme celle qui
se trouve actuellement au musée du Conservatoire ;
elle est en Russie. Cet instrument n'est du reste pas
employé, et ne relève plus que de la curiosité.
I-'arcUet.
En ce qui concerne l'archet de la contrebasse, il
faut avouer qu'en France, jusqu'en 1884, les contre-
bassistes n'ont pas été très favorisés.
Il suffit de jeter un coup d'œil sur les anciens ar-
chets pour être fixé sur leur valeur. De 1820 à 1827,
on se servait d'archets plus ou moins bien construits,
ayant la forme d'une arbalète. Rossini chargea le cé-
lèbre Drago.netti d'en faire fabriquer un à Londres,
qu'il envoya à l'Ecole de Musique ; mais ce n'était
pas l'archet rêvé.
C'est qu'en elFet, l'archet à la Dragonetti, très
Fia. 951. — Archet à la Dragonktti.
(Méthode de Bottesini.)
court et courbé en arc, présentait le grave inconvé-
nient d'étouffer le son ; sa faible longueur le rendait
peu propre à l'exécution des sons liés. Par contre,
il permettait une excellente attaque des notes en
staccato. Un autre archet, plus long, ressemblait à
celui des violoncellistes.
Gand père, luthier au Conservatoire, en confec-
tionna deux modèles qui servirent pendant nombre
d'années: le premier, avec une tète présentant quel-
que'analogie avec celle du violoncelle ; l'autre, avec
une baguette droite et une tète ressemblant quelque
peu' à celle de Dragonetti.
Le grand défaut de ces archets était :
1" le manque de longueur;
2° le manque de largeur de la hausse ;
3" le manque de cambrure.
Je parle naturellement des archets employés dans
les orchestres en général. Il est bien évident que cer-
tains artistes en possédaient de bons, mais ils étaient
très rares.
L'archet était traité avec une indifféieuce regretta-
ble ; cependant, vers 1883, M. Verrimst, alors pro-
fesseur au Conservatoire, commanda à MM. Gand et
Copyright by Librairie Delagrave, 1927.
Bernardel un archet un peu plus long, avec une
hausse en biais, de façon à ce que la base en tombât
perpendiculairement sur le chevalet ; il espérait que
]j
FiG. 952.
• Anciens archets.
le contrebassiste aurait ainsi plus de facilité pour
attaquer la corde; seulement, la main se trouvant
déplacée, le contrebassiste jouait du bras.
Or il fallut abandonner cet archet : la longueur en
fut, jusqu'à cette époque, de soixante-quatre centi-
mètres environ, et la hausse d'un centimètre et demi
de largeur, au plus.
Comme dimensions, ce n'était vraiment pas suffi-
sant. Lahoureux, l'éminent chef d'orchestre, exigea
que les contrebassistes se servissent d'archets plus
grands. C'est ici que commença l'amélioration pres-
que complète des archets français. Un archettier
habile, Arthur Vigneron, qui venait de s'établir,
proposa à quelques-uns d'entre nous d'en fabriquer
FiG. 953. — Archets modernes.
selon le désir de Lamoureux; immédiatement, celte
proposition fut acceptée, et nombreuses furent les
commandes.
-Malgré celte amélioration, nous n'étions satisfaits
qu'à moitié, car Vigneron se refusait à faire des ar-
chets pesant moins de 135 grammes et, pour exécu-
ter la musique moderne, on était vite fatigué.
119
1890
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOSNAIIXE DU CONSERVATOIHE
Enfin, vers 1903, un autre arclieltier comprit les
réclamations des contrebassistes : je veux parler d'un
jeune, M. Tiiomassin, qui n'iiésita pas un seul instant
a se conformer au goût des instrumentistes.
Dès l'apparition de son premier archet, qui mesu-
rait 67 centimètres de lonsueur avec une hausse d'une
lar"eur de 22 millimùtres, et qui pesait 120 gram-
mes, M. Charpentier, alors professeur au Conserva-
toire, lui en commanda plusieurs. Depuis, l'usage de
cet archet s'est généralisé à l'Opéra et dans les grands
concerts. . , ,, c
Citons aussi l'habile archeltier qu est M. Sartory.
EMPLOI DE LA CONTREBASSE
La contrebasse est le plus gros des instruments à
cordes et celui qui rend les sons les plus graves ; il
est comme le support et la base d'une pièce de mu-
sique ; toute l'harmonie prend son point d'appui sur
la contrebasse, qui tient le même emploi dans une
composition que les fondements dans un édifice. Il
faut donc qu'elle fasse toujours entendre, du moins
autant que possible, la véritable noie de la basse, et
cela d'une manière bien nette et perceptible; c'est
aussi pour cela qu'on la double par le violoncelle.
La contrebasse ofire, en outre, un très grand
avantage : c'est de bien dessiner le rythme, à lel
point qu'elle peut suppléer le chef d'orchestre, don-
ner aux exécutants l'aplomb nécessaire, et détermi-
ner le mouvement des morceaux d'une manière pré-
ci-^e. En un mot, elle est le régulateur de l'orchestre ;
il faut donc la confier à des artistes d'un talenl
éprouvé. .
Voici quelques exemples de l'emploi de la contre-
basse à l'orchestre, où, le plus souvent, elle vient
renforcer les basses en les doublant à l'octave grave.
Dans l'Orage de la Symphoni'' pastorale, Beetboven
suscite l'impression d'un vent violent, de sourds
"rondements de rafales, en accentuant par les con-
Trebasses la premii'i-e note de groupes à peine arti-
culés; la scène du creusement de la tombe de Flo-
restan dans Fidelin comporte, au-dessous de la partie
des violoncelles, des dessins de contrebasse entre-
coupés de silences, qui viennent préciser l'harmonie '.
Ueruoz divise les contrebasses dans sa Cantate ilii
Cinq Mai, et, de la sorte, évoque un silence lugubre
par les longs accords pianissimo que ces instrumenis
"lissent sous le decrescendo de l'orchestre-.
" Comme le remarque Berlioz, au sujet du trémolo
continu, qui rend l'orchestre menaçant, les contre-
basses ajoutent à l'elTet produit par le trémolo des
violoncelles des répercussions précipitées d'un effet
saisissant. L'association des contrebasses aux violon-
celles empêche les premières de manquer de net-
teté et allège leurs sons graves qui tendent à devenir
pâteux; d'où une basse souple et puissante^.
Les fiisi'es, en petites notes précédant des notes
ordinaires, produisent souvent une impression dra-
matique, telle la « furieuse secousse » donnée à l'or-
chestre dans la scène infernale de VOrplwe de Gluck
par les contrebasses attaquant le/a haut que prépa-
rent quatre petites noies. On peut encore citer l'em-
ploi de ce mo.ven puissant dans VArmiile de Gluck,
dans la Symphonie en ré de Mozart, etc.'.
1. H timuo/.. Grand Traite d'insi rumen lai ion et d'orchestration
mndcrnex, v- 57.
2. ;««.,'p..C9. . . , , ,
3 rh -M \\'\o<i:. Technique de l'urcheslre moderne, p. 2i..
Le pizzicato de la contrebasse fournit de bons
effets expressifs, comme dans l'ouverture du Frei-
schiitz où le fameux la en pizzicato est gros de me-
naces. .Mais il convient d'éviter le pizzicato dans les
mouvements rapides, à moins qu'on ne divise les
musiciens de façon à les faire alterner^'.
Ajoutons qu'on ne se sert plus de la sourdine
pour les contrebasses, ce qui se pratiquait au temps
de l?erlioz'^.
Si nous examinons les œuvres classiques dites d'e
musicjiie de chambre, nous remarquons que la contre-
basse y joue un rôle secondaire; cependant, elle
trouve encore son emploi, comme partie d'accom-
pagnement, dans les Septuors de Beethoven, de
Saint-Saëns et de Duvernoy, dans le Quintette de la
Truite de Schubert, dans le Carnaval des Animaux
de Saint-Saëns, et dans quelques morceaux de Bach,
HuMsiEL, etc.
Tel n'est pas le cas dans nos opéras modernes
comme Salomc de R. Strauss, le Créimscide des Dieux
de lî. Wagner et même VOlcllode Veudi, où la contre-
basse a souvent à exécuter des passages d'une grande
difficulté.
EIMSEIGNEIVIENT ET VIRTUOSES
DE LA CONTREBASSE
Nous donnerons ici un bref aperçu de l'enseigne-
ment de la contrebasse au Conservatoire de Paris.
En 1827, CiiERUBiNi créa à l'Ecole Nationale de
Musique la première classe de contrebasse, dont le
titulaire fut Cuénier, à qui succéda, en 1832, Lami,
emporté par le choléra au cours de la même année.
Ces deux professeurs enseignaient la méthode à
trois cordes. Rappelons, à ce propos, que Bottesini
préconisait l'élude de la coiitiebasse à trois cordes,
celle de la contrebasse à quatre cordes n'exigeant
pas un enseignement dillérent.
Après Chénier et Lami, Schapft introduisit la raé-
Ihode à quatre cordes, et professa de }835 à 1832.
Puis les titulaires de la classe furent :
Charles Larro (18:13-1882). Auteur de la Méthode
de contrebasse à quatre cordes qui est la plus em-
ployée en France, en Allemagne, en Angleterre et en
Belgique ; on lui doit dix concertos, cinq morceaux
de concert, etc.
V.-F. Verrimst (1882-1803), auteur d'une Méthode
de contrebasse à quatre cordes (1863) ; il oMint un grand
succès avec les cinq concertos qu'il composa tout
spécialement pour les concours de Cu\ d'année du
Conservatoire. .
Puis ce furent Viseur (1803-1902), II. Charpentier et
enfin Edouard Nanny, le titulaire actuel, en même
temps que l'auteur d'une Méthode complète pour la
contrebasse à quatre et cinq cordes (en deux parties,
1920-192:;).
Nous citerons eucore les méthodes de Bottesini, de
Sturu, de SiMAMDL^ de Bernier, de Gouffé, de Durier
et de Gasf'aiuni.
Pour terminer cette étude rapide, nous devons
ajouter que la contrebasse, bien que ne paraissant
pas être un instrument pouvant se prêter à l'exécu-
tion d'un solo, a cependant rencontré des artistes
de haute valeur, qui ont su en tirer des elTets tout à
fait inattendus.
I.e premier en date des virtuoses de la contrebasse
-i. H. Beplioz, loco cit., p. 55. — Cil. -M. Widou, loeo cit., p. 247.
5. Cil. -M. Wiiiuii,7oco cit., p. 213.
0. lljid., p. 2i8.
TECIIXIQUË, ESTHÉTIQl'E ET PÉDAGOGIE
fut le Hongrois Josef Kaemi'ker, qui, entré à la cha-
pelle du prince Esterlia/.y à Vienne, s'attacha tout
spécialement à cultiver les sons liarmoni[|iies de la
contrebasse. Ensuite, nous trouvons IJomenicoDRAGO-
NETTi, né à Venise en 1763, mort à Londres en 1816.
Véritable enfant prodige, d'abord guitariste et violo-
niste, il travailla la contrebasse avec Bkrini, qu'il rem-
plaça au chœur de S.iint-Marc à Venise, après avoir
été admis, dès l'âge de treize ans, à l'orchestre de l'o-
péra huITu de (^ette ville, puis à celui de l'opéra séria.
11 se jouait de toutes les diflicultés qu'il accumula
dans ses œuvres, concertos, sonates et caprices, et il
lui arrivait d'exécuter sur la contrebasse la partie de
violoncelle des quatuors à cordes. Fixé à Londres, à
partir de 1704, il put, un an avant sa mort, prendre
part aux fêtes données à Bonn, en ISl-o, pour l'inau-
guration du monument Beethoven, en qualité de chef
d'attaque des contrebassistes dans la Symphonie en
Ht mineur.
LA CONTREBASSE 1891
Mais entre tous, le célèbre Giovanni Bottesini, vé-
ritable Paganini de la contrebasse, mérite une place
d'honneur. Né à Créma en 1821, il mourut en 1889, à
Parme, où il dirigeait le Conservatoire de musique.
Elève de Rossi au Conservatoire de Milan, Bottesini
se fit entendre dans le monde entier avec le
plus éclatant succès. Pendant deux ans, il fut chef
d'orchestre du Théâtre Italien à Paris; plus tard, il
fonda a Florence la société del Quarletto. Dans
les dernières années de sa vie, toujours alerte et
vo\ageur, il lit des tournées en Angleterre avec le
violoniste Simonetti, tournées aux cours desquelles
les deu.x artistes se livraient à de véritables matches
de virtuosité.
BoTTEsiNi consacre la deuxième partie de sa Mé-
thode k la contrebasse considérée comme instrument
soliste, et voici l'étendue (en notes réelles, sans trans-
position à l'octave supérieure) qu'il confère, dans ce
cas, à l'instrument (contrebasse à trois cordes) :
tn
W^
Il donne ensuite la série des sons harmoniques
sur les trois cordes de l'instrument' :
Sons harmoniques
Corde Sol
m
-Q-
Corde Ré
m
Corde la
m
-»»-
ê
tf<»
BoTTESiNi estime que, sur une bonne contrebasse, les
sons harmoniques, se prêtant à une vigoureuse pres-
sion de l'archet, produisent un ell'et excellent et s'a-
daptent parfaitement au caractère de l'instrument.
Il excellait dans l'exécution du Carnaval de Venise,
d'une Tarentelle en la mineur de sa composition
et dans une Fantaisie sur la Somnanhula de Bellini
dont il avait ell'ectué un arrangement hérissé de
difficultés.
BoTTESiNi était, en outre, un chef d'orchestre des
plus habiles et un compositeur distingué.
1. Grande Mélliode..,, 2« partie, p. 88 et 9ui\'.
Ad. SOVER.
LA HARPE
DES ORIGINES AU COMMENCEMENT DU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE'
Par Marc PINCHERLE
,1 De tous les instruments à cordes que l'on a pos-
sédés et que ron possède encore, il n'y en a pas dont
la forme soit plus connue que la harpe et donl l'oii-
gine le soit moins. » Cette prudenle alTirmation de
Kastner^ reste en deçà de la réalité. La harpe n'a pas
toujours été si clairement définie qu'on ne l'ait coii-
fondue^ avec des instiuments — lyre, cithare, psal-
térion — de principe tout dillérent. Disons, pour dé-
limiter une bouiie fois notre sujet, qu'elle comporte
essentiellement un plan de cordes d'inégale longueur,
1. Bibliographie. — Histoires de la harpe : Aptommas
(Th] Thomas), New-\ork, 1859 (anglais). — Oiov. Cabamiello,
1888 (italien). — Es. CEnvANTiîs, riotha, 1889 (allemand). — L.
CoGHEN, Gand, 1923 (français). — Fkoio, Padova, 1S87. — Gan-
DOEFi, Firenze, 1887 (italien). — W.-H. Grattan Flood, Lon-
dres 'l905 (anglais). — Maria-V. Grossi, Bologna, 1911 (ita-
lien)'. — Joli.-Fried.-Wil. Herbst, Uelicr die Hiirfe. Berlin, 1702
(allemand). — Gelsomina Naclerio, N'apoli, s. d. — M. Rca,
Roma, 1898-1902-1913 (italien). — R. Rdta, Aversa, 1911 (ita-
lien). — L. SCHNEIDER, Paris, 1903 (français). — John Thomas,
London, s. d. (anglais). — A part l'ouvrage de W.-H. Grattan
Flood excellent pour ce qui concerne les Iles-Brilanniques, ces
histoires s'appuient sur une documentation déjà ancienne et en
grande partie controuvée. Quelques études d'ensemble sous le
même titre, dans le Hai/asin Pilloresriue, 1850 (anonyme) ; la Xeiie
ilusili Zeitiimj, Stuttgard, XXII (par Eisa Glass) ; le Courrier Mu-
siccil, novembre-décembre 1903 (R. Doire) ; les Proceediiifis o,'
!he Musical Association, 1908-1909 (A. Kastner), etc. Parmi les
innombrables articles de dictionnaires ou d'encyclopédies , on
consultera avec profit, pour la France : \' Eiiei/elopcilie de Diderot,
VIII, 1765 (par le comle Ouinski); VEnci/clo/iéiHe mèlhodique, II,
ISIsVgingoené); le Dictionnaire de l'Amcuhlemenl et de la Décora-
tion, 189 i (Havard); la Grande Encyclopédie (H. Lavoi.k); pour
l'étranger : la Cyclnpaedia d'Aljraham Riîes, 1805-1819 (Bdr-
ney); y Encijciopxdia Britannica, 1910 (M. Schlesinoer et A.-J.
Hipk'ins); le Dictionnaire de Grove, II, 1919 (A.-J. Hipkins);
yAllqemeiiie Enciiclopedie de Ersch et Grdber, 2e série, t. II,
1827; le Mnsikalisches Conversations-Lcricon de Mendel, IV (C.
Bili.ert) ; le Musijkanl Kunst Woordentioeh de J. Verschuere
Reïnvaan, Amsterdam, 1795. On ne peut songer à énumérer ici
tous les ouvrages d'organographie qui consacrent un chapitre à
la harpe (histoires, dictionnaires et surtout catalogues). Mention-
nons seulement les bibliographies fournies par Ccrt Sachs, Iteal-
Lexicon der MuiiUnstrumentc, Berlin, 1913. — G. Kinsky, Cat.
Muséum roii Willielm Heijer, Coin, II, 1912. — R. Brancodr, His-
toire dex iuslrumenls de musique. Paris, 1921. — J. Geo Morley,
Catalogue of SI. Morley s library of liarp mu.iic... and list of books
and portraits, London, 1895. — J. Snoer, Oie Harfe als Orchesler-
instrument. Leipzig, 1898 (pp. 80-81. bibliographie historique).
N.-B. On ne s'est pas résigné sans regret h donner à la biblio-
graphie, dans toute cette élude, un développement qui peut sem-
bler bien pédantesque : l'étendue du sujet, étalé à travers tant de
siècles et de civilisations, nous contraignait à ne pas voyager
sans béquilles. D'autre part, l'histoire de la harpe comporte trop
de contradictions, d'imprécisions (on ne se flatte pas de les avoir
toutes résolues, ni dissipées) pour qu'on ne les combatte pas de
son mieux. Orphée, Éole, ni David, ne sont menacés d'en voir
diminuer leur clientèle poétique.
tendues en progression régulière entre une caisse de
résonance et une console d'accroché, et destinées d
Cire pincées à vide, ou, exceptionnellement, jouées
au plectre. Ni le nombre de cordes, ni le format ne
peuvent fixer davanlage cet essai de définition' : on
compte de trois cordes sur certains exemplaires an-
ciens, à quatre-vingts el au delà pour la triple harpe
galloise °. De nos jours, la harpe à pédales est en gé-
néral montée de quaranle-six cordes, la harpe chro-
matique de soixante-seize. Le format, sauf excep-
tions assez nombreuses, est proportionné au nombre
de cordes.
On trouve dès la plus haute antiquité des instru-
ments d'un tel type. La très réelle obscurité de leur
origine n'a pas empêché les historiens de leur assi-
gner des inventeurs. Très sérieusement, à grand ren-
fort de textes, Kircher nomme Mercure^, Cerone,
Amphîon fils de Jupiter ', d'antres Tubal, ou Toth,
l'Hermès Trismégiste des Grecs, ou les Mysiens, ou
les Syriens. S'il n'est pas plus digne de foi, le récit
de Censorinus présente du moins l'intérêt d'un sym-
bole heureux : Apollon, charmé du son que rendait,
en se détendant, l'arc de Diane, aurait imaginé d'y
ajouter d'autres cordes, construisant ainsi la pre-
mière haipe". De fait, on ne saurait guère concevoir •
la harpe que comme un perfectionnement du mono-
corde. Toutes les civilisations extrême-orientales
(Inde, Chine, Japon) nous offrent des traditions qui
rejoignent celle que relate Ce.nsobinus, mais aussi les
théories évolutionnistes du début de ce siècle'.
Le passage de l'arc à la harpe primitive ne s'est
2. G. Kast.ner, Parémiotor/ie musicale de la laoïiuc française,
Paris, s. d., p. 381.
3. Des théoriciens de I;i valeur de Gai-ilée, par exemple ; « La
iiarpe qui n'est pns -lutre rliose qu'une cithare .ineienne à cordes
nombreuses. » [Uialoiio delta inusica antica e délia moderna, Flo-
rence, 15SI, p. 143). Et bien d'autres.
4. Juan Bermudo, Dectaracion de instruoicntos ynfisicales, 1555,
liv. IV, ch. Lxsxvii ,■ u II n'y a pas pour cet instrument de nombre de
cordes déterniiné. u
5. La harpe italienne n"* 1.>I1 du musée de Bruxelles (Cat. Mahii.lon,
p. 105) a mèinu 04 cordes.
6. .Vasur<iia, lionne, 1650, 1, pp. 44, 47, 70.
7. El Meiopeo, N'aples, ICI H, p. 247.
8. Ed. Teubner, Leipzig, 1807; Fragment xii, p. 66. Cexsorinus
écrivait au m" siècle de notre ère.
9. Sur l'arc origine des instruments à ronles, cf. surtout H. Eal-
luLR, The î\aturat flistori/ of the tnnsicnl bou\ Oxford, 1800; J.
Deniker, Les Races et les peuples de ta terre, Paris, 1900, p. 248, et
Frances Morris, Cat. of the Crosby Jlrown collection, Metropolitan
.\taseum, N. Y., 1914, pp. 267-208 : liibliography of the Musical
bou\
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE 1893
peut-être pas opiTé sans transitions. Villoticau, dans
sa Description de l'Egypte ' , émettait l'idée que l'on
aurait songé tout d'abord à juxtaposer des monocor-
des de tons différents : c'est la légende japonaise du
Yamalo-goto, formé primitivement de six arcs liés
côte à côte, et dont le type moderne garde trace (au
bout de sa table d'harmonie) de l'encoche de ces
arcs. Actuellement encore, un curieux instiument de
l'Afrique occiilenlale nous retrace à merveille les tà-
tonnemenlsdes premiers inventeurs, conlirmant l'hy-
pothèse de ViLLoTEAU. Le Wainbee, ou Kissiimba, ou
Valga (flg. 954) se compose de plusieurs baguettes,
cinq en général, tendues chacune d'une
seule corde, et fixées à leur base sur une
boîte de résonance assez rudiuientaire-.
Certains de ces Wambee réalisent un pro-
grès important, en ce que les cinq ba-
guettes y sont réunies par des liens jus-
FiG. 954. — Wainbe
Congo.
Fiû. 955. — Harpe anglaise
XII' et xni' siècles.
qu'à leur extrémité; après quoi force est bien de
s'apercevoir qu'une seule baguette, plus robuste,
peut résister à la tension de toutes les cordes, — et
c'est la harpe.
Il faut convenir que l'histoire pure et simple ne
permet pas de contrôler le bien fondé de ces hypo-
thèses. 'Tandis que les petites harpes égyptiennes,
analogues aux instruments primitifs nègres, ne se
rencontrent guère qu'à partir du Nouvel ICmpire, on
trouve, dès la quatrième dynastie, quelque trente-cinq
siècles avant Jésus-Christ, des harpes — les premières
qui nous soient connues — d'un modèle déjà fort
évolué.
Peu de secours à attendre de l'étymologie : le
mot harpe est de création récente, relativement à la
haute antiquité de son objet. On a proposé le grec
1. 2- édilion, Paris, VI, 1822, p. 414.
2. On ne peut qu'indiquer ici l'intérêt que présenterait l'élude des
iaslruments des peuples sauvages. On trouvera Ions les éléments de
reclierche dans les musées ettinographîques et organograptiiques.
Bibliographies copieuses in J.-F. Rowbotham. Histiiry of Mutic,
Londres, I, 1885, pp. 156-160. — R. Wallaschek, Primitive Music,
Londres, 1893. — C. Stiuipf, Die Anfang der Musik-, Leipzig, 1911...
et surtout G. Knûsp, Bthliograpliia musiez exotica, ltei:ue S. /. M.
l'aiis, 15 mai 1910 à 13 juin 1911, et Frances iMonuis, pp. 287
â 309 du Cat. of the Crosbij Broun collection, op. cil. Pour le
\Vambee en question, il est curieux de le voir représenté, identique-
ment pareil, dans Praetùrius, Tkeatrum instr timentorum, 1620,
pi. \xxi,flg. l{IadiaiHSche Instrument am Klamj den Harffen gleich).
iyi'jil't, lesonare, sonum edere, quia harpa non cla-
mât, nec auscultât, sed resonat ^ ; l'hébreu arbaim (qua-
rante, du nombre des cordes! le latin arpi du nom
d'un peuple exterminé au cours de la deuxième
guerre punique; l'allemand hareti : appeler ; horchen:
écouter; /iac/T' ou herp, d'une peuplade germanique;
enlin K.\st.m£r cite Nodier selon qui « ce mol est fait
par onomatopée du son des cordes de la harpe, ras-
semblées sous les doigts et ébranlées simullané-
nieiit », maisil adopte l'hypothèse plus généralement
admise du grec ipTràÇs.v : saisir violemment.
Il se peut que la racine àp^ soit la bonne, — ono-
matopée, ou allusion à la technique de l'instrument.
Reste une difficulté : comme on le verra plus loin,
c'est d'abord dans les dialectes des peuples germa-
niques qu'apparaît le mot harfner, désignant tout
musicien jouant d'un instrument à cordes. Harpe a
donc vraisemblablement englobé, à l'origine, comme
cithara en bas-latin, n'importe quel instrument à
cordes pincées. Littré, proposant le haut-allemand
harfan, saisir, et le rapprochant du vieux français
harper, prendre et sener violemment avec les deux
mains, indique assez bien la filiation entre ip-iZf-'i
et les formes germaniques harapha, harfa, harf.
Quant au latin harpa, on le trouve de façon cer-
taine — et désignant noire harpe — au vi« siècle,
dans le vers souvent cité de Venantius Fortunatus :
Romanusque lyra plaudet tibi, barbarus harpa '.
On trouve bien, deux siècles auparavant, dans le
Satijricon de Marcianus Capella^, la vierge Philolo-
gie urpis bombisque perterrita, mais ici, le sens n'a
pas encore été complètement élucidé.
A partir même du vi" siècle, le mot harpe s'im-
plante assez laborieusement. Cithara, sainbuca, psal-
teriwn persistent, dans les textes savants ou reli-
gieux, et désignent des harpes véritables; et l'alle-
mand harfe gardant à travers tout le moyen ùgo sa
signification vague d' "instrument à cordes », le cruit
irlandais, le crwth gallois, le harpu'' finnois, prêtant
à d'autres confusions, la plus extrême prudence
s'imposera longtemps en matière d'identifications
anciennes'.
LA HARPE DANS L'ANTIQUITÉ ORIENTALE
Égjplc".
Lorsque Buhney publia, dans son Histoire de la
:i. Cf. du Cangf, fr'ossnrium medi^-' et infiin^^ latinitatis. — J.
et W. Grimm, Dculsi-lies \Vi)rterbuch, IV, 474-478-, J. Murray, A new
english dictionartj, 1901 ; et surtout G. Kast.ver, op. cit., et E. Cr.os-
soN, Notes sur l'onomatopée, lîevue S. I. M., Paris, 15 judlet 1911.
4. Yen. Fortunatus, Carminn, \"111, viii, 113, d'un poème adressé eu
l'au 570, à Loup, duc de Clianip:ij,'ne.
5. l.ib. 111, édit. Kopp, 1830.
G. liarpu, en finnois, une viole .'i trois cordes (Dom. CoiipARETr, //
Kalevala, Rome, 1891, p. 49). Pour mémoire, un tambour employé
par les Nègres d-ï la Nouvelle-Guinée porte aussi le nom de harpa
'.Stearns Collection, -Michigan, n^' :i74. Î7d, 277).
7, Sur ces difliruliés d'idcntilic.ttion, cf. M. PiNcHËRLB, Autour
d'u'ie histoire de la ha> pe, in Actes du Congrès d'histoire de l'Art,
et K. ScHLEsi.NGËR, Thc Precursors of the violin family. Londres,
1910, pp. 329, 332, 4il, iôl, Paris, 1924, 111, pp. 743 sqq.
8. Le copieux chapitre de Fetis {Hist. de la Musique, 1, 1869.
pp. 257-281) ne peut plus guère être pris en ooosidér;ilion. M. V.
LùRET a apporté des données neuves et abondantes dans le l"- fasci-
cule de l'Encyclopédie de la Musigue, 1913, pp. :;4-57 : on complé-
tera avec KiNSKV, op. cit., Il, 9; Curt Sachs, Die Musiliinstrumeut
des alten Aegyptens, Berlin, 19:il. Pour l'iconographie, voir, outre
ces deux ouvrages, les recueils généraux de J.-G, Wilkinson, The
1894
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIHE DU CONSERVATOIRE
Musique, la lettre, datée du II oclolire 1774, où
James Bruce lui annonçait la découverte des harpes
représentées sur les fresques du tombeau de Ram-
sès m (Tliébes-Bjban el Molouk), il se heurta à une
incrédulité quasi générale'. On n'admettait pas que,
onze siècles avant notre ère ^ la facture instrumen-
tale eût réalisé de tels chefs-d'œuvre. Or, si l'on
peut reprocher à Bruce quelques inexactitudes vé-
nielles, il était bien en derà de la vérité en donnant
pour les premières du genre les harpes Ihébaines.
Dès les débuts de l'Ancien Empire, dans les nécro-
poles raemphites de la quatrième dynastie, la harpe
appaiail déjà fort différenciée du monocorde primi-
tif. Selon les Egyptiens, elle leur serait cou-
nue depuis le règne terrestre de Toth, le dieu
à tête d'ibis, sous la seconde dynasiie.
Elle est caractérisée dans les textes, par
les deux consonnes 6. n., que les égyptolo-
gues vocalisent de différentes façons : bent,
bint, hanit, baïnit, cette dernière forme adop-
tée par M. V. LonET. Selon M. Cuht S.^CHs^
la harpe est déterminée de façon plus pré-
cise, à partir de la dix-huitième dynastie,
par le mot zazat, le mot benl ayant perdu de
sa précision et désignant aussi bien les lyivs.
premier dès la quatrième dynastie d'Egvpte', le
second vers la dix-huitième (Nouvel Empire), le troi-
sième à peu près en même temps, avec son plein
développement à partir de l'époque saïte et au delà
(iOO avant Jésus-Chrisl).
Je reprends ici la description que donne M. V. Loret
de la harpe de l'Ancien Empire. « Elle n'est, dit-il S
m très grande ni très riche en notes (fig. 956-7-8)''.
Dépassant le plus souvent d'assez peu la tête d'un
homme accroupi à terre, elle ne devait guère d'or-
dinaire mesurer plus d'un mètre et demi de hauteur;
on en rencontre pourtant quelques-unes qui peu-
vent aller jusqu'à deux mètres environ. Le corps
Les harpes égyptiennes peuvent
se ramènera (rois types principau.x :
une harpe de grandes dimensions
dont le corps est curviligne; une
harpe curviligne portative; une
harpe triangulaire, le troisième côté
du triangle étant (iguré par la corde
la plus grave, car aucune de ces
harpes — et c'est la caractéristique
Je la harpe orientale ancienne —
n'a de colonne.
Conirairement àropiuion de Pon-
TÉcouLANT', qui croit que la harpe
égyptienne aurait d'abord été trian-
gulaire et qu'on l'aurait cintrée par la suite pour
lui donner plus de grâce, les trois types apparais-
sent dans l'ordre de l'énumération' ci-dessus : le
Fig. fl56-95?.
La harpe sous l'Ancien Kmpirp,
-Vanners and rustoms of Ihe ancient Affjyplians, Londres, 3 vol.,
1837 (t. II). Fr. Gaillaud, Recherches sur les -Arts et Métiers îles
anciens peuples de l'Egypte, allas, 18.11 ; les colleclions de Cham-
pollion. Prisse d'Avesnes, Le[isiiis, Brugsch, Cap.nrt, Hosellini et sur-
tout les mémoires de la Mission archéologique française au Caire
et de I Eriypl Exploration Fiaid. Londres, en cours de publication-
(lour le détail, V. Seymour de Ricci, BiWwiir. égyptienne, m ReM
archéologi//ue, 1917, l, II, 1918, t. VIII.)
1. Bohney, t. I, Londres, 1776, p. 213. Cf. aussi J. Bruce, Travels
to discocerihe source of the NUe. .i vol., Edinburgh, 1790, tome I,
pp. 127 sqq.
2. La vinç-tième dynastie règne entre 1220 et 1080 avant notre ère.
Four les dynasties antérieures au .Nouvel Empire, les chronologies
ne sont pas d'accord. Celles de Maspero et de Borchardt font remon-
ter la première dynastie à plus de quatre mille ans avant Jésus-Chrisl
Eduard Meyer, H, Breasted, F.-G. Fleay I., ramènent autour de
lan 3000. l-a chronologie adoptée par M. V. Lofiet se rapprocherait
davantage des premières citées (première à troisième dvnasties :
4000 à iiûO environ avant 'Jésus-Christ
3500 à 3000).
3. Op. cit., p. 67. Le mot bint s'est progressivement affaibli, a
perdu sa voyelle finale en copte, pour devenir boïne, avec l'article .•
ti boine, d'où la lecture fautive tebuni que la plupart des égy|itologues
ont assignée comme nom à la harpe.
^■-R- — 11 est possible que le nom bania donné en Sénégarabie à
un inslrumcnt à cordes pincées ne soit pas sans rapports avec le bint,
devenu boine des Egyptiens.
4. Organographie, 1, 1861, p. 218. E. Naumann, dans son Histoire
(1, 1885, p. 47) attribue faussement la priorité à la seconde espèce.
quatrième à cinquième de
sonore, qui reposait sur ie sol, était tout juste assez
long pour donner place à six ou à huit cordes. De là
s'élevait en arc une longue tige dont l'extrémité por-
tait un certain nombre de chevilles. Le corps sonore
est tantôt figuré comme s'il était vu de haut ^flg. 957),
tantôt de profil (fig. 958), tantôt de manière à faire
voir à la fois le profil et le plan (lig. 959)*. En réu-
nissant ces diverses données, on constate que le
corps sonore était une cavité en forme de losange
mi-concave et mi-convexe, creusée ])eu profondé-
ment dans une pièce de bois et traversée d'un bord
à l'autre dans le sens du grand axe, par un bâton
où venaient s'attacher les cordes. Un morceau de
parchemin recouvrait et fermait la cavité, et comme
il était tendu en passant par-dessus le bâton d'at-
tache des cordes, celles-ci devaient traverser par de
petits trous le parchemin pour pouvoir être atta-
chées au bâton. On remarquera (lig. 956) le système
au moyen duquel les Egyptiens empêchaient leur
harpe de glisser en avant. C'est un petit plancher de
bois terminé en arrière par une sorte de dossier à
5. Lepsios, Denkmàler, II, pi. xxxvi, c (Gizeh).
6. Loco cit., pp. 24-25.
7. Fig. 46 = K. Paget et A. Pirie, The tomb Pof tali^hetep, J,on-
dres. 1808, pi. xxxv. — Fig. 47 = W.-M. Flinders Pétrie, DesUasheh,
Londres, 1898, pi. .\ii. — l'ig. 48 = E. Gréhaut. le Musée égyptien,
in-fol., Caire, t. 1, 1800-1900, pi. xxvi (note de iM. V. LoRirr|!
8. fl'apres J. Gardner Wilkinso."), op. cit., t. I. p. 4'37 (M. V. L.)
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PEDAGOGIE
anfîle Jroit où vient s'appuyer la ti^;e de la harpe, et
en avant par un petit lion sculpté qui semble arrêter
l'iustrunieut avec sa palte. Il y a là (comme on l'a
fait fetnari[u«r déjà pour les barres des portes), un
calembour iiualilicatif in;^énieux, le lion, en égyp-
tien, ayant l.i valeur schnd', et ce mot justement
signiliant « arrêter, empêcher de passer... " Sur les
quatre harpes (ii;urées ici, trois ont sept cordes, ou
plus exactement, deux ont .sept cordes et une a sept
chevilles- (Ijg. 9o6à droite), les cordes, peintes autn-
LA HARPE 1895
FiG. 9j9. — Le corps somire.
fois, ayant disparu depuis longtemps. Mais la qua-
trième harpe (fig. 036 à gauche) à dix chevilles. En
faul-il conclure qu'elle avait dix corde-? J'en doute,
car elle n'est pas plus large que la harpe de dioite,
et l'on peut penser que le sculpteur a placé dix che-
villes, qu'il avait représentées trop petites, unique-
ment pour remplir tout l'espace compris entre le
haut de l'instrument et la tète du harpiste.
Fig. y60. — La harpi' suus le Moyen Empire.
Jamais je n'ai remarqué plus de sept cordes' sur
les harpes de l'Ancien Empire, et, en tenant compte
1. Contesté par M. C. Sachs, op. ni., p. 61.
:;. M. C. Sachs, op. cit., p. 60. remarque a juste titre qu'il neXaut
pas prendre cheville au sens île cheville mobile, a la moderne : ce
sont là de simples fiohes plantées d.ins le roi de la harpe, et aux-
quelles viennent s'attacher le? cordes.
3. t)oui harpes d'une tombe do Gizeh (quatrième dynastie), pu-
bliées par J. (iABo.NER WriKiNsos (loco Cit., t. J, p, 4S7), ont chacune
sept cordes. (Note de M. V. Lobet.)
du bas-relief de Deir el Gebraoui'' qui nous montre
sept harpistes rangés cijte à côte, on est en droit de
se demander si le choix de sept instrumentistes dans
ce cas n'avait pas, précisément, pour raison d'être,
le désir de représenter au moyen d'un harpiste cha-
cune des sept cordes de la harpe en usage à cette
époque. »
On peut ajouter à cette minutieuse description
que les Egyptiens connaissaient déjà l'art de labri-
(juer des cordes en boyaux de chat ou de poisson'.
Au point de vue de la technique (nous réservons la
question de la tonalité), on remarque, dans la scène
de festin retracée sur le Mastaba d'Akhoulhotep
(cinquième dynastie, Sakkarah, au Louvre, salle du
iMastaba), un harpiste dont les deux mains semblent
actionner au moins six cordes; et, tandis que le pouce
de la main droite pince une corde, celui de la main
tiauche semble l'effleurer seulement. Lu harpiste de
la quatrième dynastie'^ a l'épaule gauche placée à
droite du corps sonore de la harpe; il fait passer
sa tète vers la gauche entre les cordes et le bois de
la harpe, comme on le fera plus tard avec la liarpe
portative.
Sous le Moyen Empire, la harpe semble. être d'un
usage moins courant : notre documentation se raré-
fie. M. V. LoRET remarque" que le nombre de cordes
demeure stationnaire, tandis que le format de l'ins-
Irumenl s'agrandit, et que le butoir (cf. fig. 30,
harpe de lîeni-Hasan, tombe 2, douzième dynastie)
prend des proportions considérables, rs'ulle part
cette sorte de sabot n'est mieux discernable que
dans la statuette de harpiste jouant sur un navire en
réduction, déposée dans la tombe de Mehenkwetre
quelque deux mille ans avant Jésus-Christ et rap-
portée par la mission H.-E. \Vinlock en 1921 au
Metropolitan Muséum de New-Vork,
C'est pendant cette période*, vers la onzième dy-
nastie, que l'extrémité supérieure de la harpe com-
mence à s'orner de sculptures représentant des tètes
d'homme.
Le Nouvel Empire verra se développer encore ce
genre d'ornementation. Dans une harpe de la dix-
huitième dynastie' conservée au Brilish Muséum, la
caisse de résonance aliecte la forme d'une poitrine
de femme, que surmonte tout naturellement la lète
portant la couronne du Nord et du Sud. Les plus
magnifiques spécimens de cet art sont, de toute évi-
dence, les harpes du tombeau de Ramsès 111 à Biban-
el-.Molouck (vingtième dynastie).
On comprend, et l'étonnenient de James Bruce et
I e scepticisme de ses contemporains. (Ju'il me suf-
lise de rappeler le récit — liiè par J.-J. WiLKiissoN
des Watpoliuna — d'un dinerauquel Bruce était pré-
sent. Quelqu'un denuii da :« De quels instruments
de musique se sert-on en Abyssinie.' «Bruce hésita.
4. X. de G. Davies, The rock totnhsof Deir elGnbrairi.Londroi.i. I,
1002, p). Mil (id.).
5. WiLKtNsoN. Op. cit., il, 373, parle de cordes de catgul. — M.-i.
HcNnv, VEgyple pharfiorijqtir, Paris. M. 1846, p. 26.'J, rapporte que
M. le Baillif, examinant an microscope les cordes d'une harpe rap-
portée par Passalacqua, les trouva composées de deux brins dislincls,
eus-nièmes formes de Qlaments ronds, forts, Iransparcnts, anilo^iies
à ce que pouri-aient fournir les boj;iux de poisson.
6. Tombe dr l'r-ari-en f'Iah, pi. ix de E.-A. Wallis Bndge, A
ifuide to tlie fgypt. coll. British .Mitseum, 1909.
7. Loco eit., p. ^3.
8. C. Sachs, op. cit., p. ti2. — .1. Comrariec croit pouvoir assigner
à ces têtes humaines sculptées un sens religieux (lu Miisigw el la
.Magie, 1909, pa.^.-,im}.
9. Du tombeau d'.^ni.àThèbes. Brit. Mus.,A(y«lrfe to Ih- llm<l nnd
fourtk eg. rootns, 'Lundon, 1904, n» 345G4.
1896
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOinE
n'ayant pas prévu la question, — et linit par repon-
dre : « Il me semble que j'ai vu une lyre. » Sur
quoi un convive dit à l'oreille de son voisin (jouant
sur l'iiomophonie lyre et iiar = menteur) : « Oui, et
il y en a un de moins depuis son départ'. »
Il est juste d'ajouter que l'adaption par Bruce aux
types égygtiens de modes de la fin du xviii= siècle,
les coilfures frisotées, les guillochages et les ru-
chages imprévus des instruments, n'étaient pas pour
reudre aisée la foi en un tel miracle rétrospectif. Et
il a fallu attendre Champollion- pour avoir de ces
deux harpes des représentations correctes, avec
l'exact nombre de cordes : onze pour l'une, treize
pour l'autre. A cette époque, on en peut trouver
davantage, jusqu'à vingt, sans que l'ancien type à
sept ou huit cordes soit abandonné.
On emploie de plus en plus, dans la construction,
les matières précieuses : ébène, argent, or, lapis-
lazuli, turquoise^. La forme générale varie de diverses
façons, tantôt se recourbant, en soite
que l'on devra poser l'instrument sur
un chevalet plus élevé que l'ancien
butoir*, tantôt au contraire diminuant
sa courbure et allongeant les cordes;
la harpe devra être jouée en ce cas
par un instrumentiste debout'.
Je mentionne seulement pour mé-
moire des harpes étranges qui ont
provoqué des commentaires impru-
dents : il s'agit de deux instruments
du Temple des Rois à Abydos (dix-
neuvième dynastie) représentés avec
deux plans de cordes, l'un vertical,
l'autre oblique, ayant à leur partie
supérieure des points d'attache com-
muns. M. M. -A. St. -G. Caulfeild*^, qui
les signale pour la première fois, les
décrit : « Deux rangs de cordes, ap-
paremment destinés à être joués un
par chaque main; cette forme avec
des cordes croisées est tout h fait
inconnue jusqu'ici. » M. M.-C. S.^cns''
n'a pas de peine à montrer qu'il s'agit
tout simplement, non d'une harpe
chromatique avant la lettre, mais d'un
instrument fantaisiste, ou plutôt d'une
négligence d'exécution du peintre
égyptien, qui, ayant dessiné ses cordes
tout d'abord trop obliquement, les a
rétablies dans le plan vertical, sans prendre la peine
d'effacer son premier dessin.
Harpes curviligaes et portatives. — Ce type de
harpe (lig. 961), qui comporte en général trois ou
quatre cordes", n'intervient dans les monuments
figurés qu'à partir du Nouvel Empire. De nombreux
musées (Paris-Louvre, Berlin, Londres, etc.) en pos-
sèdent des vestiges exhumés des tombeaux. De plus,
on trouve actuellement encore chez de nombreux
peuples d'Afrique des types presque semblables. Le
para'' des nègres du Niger n'est pas autre chose.
Bien de surprenant si l'on se souvient que, dès la
cinquième dynastie (environ trois mille cinq cents
ans avant Jésus-Christ), les rois Pepi et Assa faisaient
déjà venir à Memphis des pygmées danseurs. M. V. Lo-
RET remarque que cette petite harpe pourraitjètre
l'origine de la guitare apparue précisément versjla
dix-huitième dynastie : il suffit de redresser la tige
dans le prolongement du corps sonore et de faire
décrire un quart de cercle au bâtonnet où s'attachent
les cordes. Cette petite harpe figure la plupart du
temps dans des ensembles assez nombreux, parfois
à côté de harpes de grand modèle jouées à genoux
ou debout.
^
1. Op. Cit., Il, 1837. p. 23i. - W. Bëadfûrd, in J. Walkeb, Bisto-
rical Memoi}'^ of the Irish bards, London, 1786, appendice viii, se
prétend au courant de l'imposture de Bruce; et Walker renchérit
sur lui.
2. Monuments de l'Egypte et de la Nubie, 111, 1845, pi. ccxxi.
3. V, LoRET, loco cit., p. 25,
4. F. Caillauii, liedicrdies sur les arts et mi^tiers des anciens peu-
ples de l'Egypte, Atlas, 1831, pi. lxiv (El Kab. dix-huitiêmc dynas-
tie). — Egypt Exploration Fiind, Abydos, par W.-F. Pétrie, II,
pi. XXXIX (Abydos, dii-neuvièmc djnastie).
5. V. ScHKiL, Tombeau de Jtat'esevkasenb (dix-huitième dynastie),
Mission arch. Caire, V, 1889, pi. ii.
Il, The Temple of the Kings at Abydos, London, Egyptian
liesearch account, 1902, p. 19 et pi. xx, 3.
7. Op. cit., p. 64.
8. Cinq dans une scène de la dit-neuvième dynastie reproduite par
FiG. 961-963. — Ln harpe portative.
A mentionner encoi'e un niodrle assez exception-
nel de harpe curviligne de petit format, qui appa-
raît quelque deux siècles avant l'ère chrétienne.
Cette harpe *^, dont le corps sonore, semi-circulaire,
est d'épaisseur presque constante, à peine moins
gros au sommet qu'à la base, se termine générale-
ment par une tète liumaine. Les exemplaires trou-
vés sur les sculptures des temples de l'île de Philae
comportent neuf et dix cordes. On joue cette harpe
placée sur un socle aussi élevé qu'une table. Nous
la retrouverons en Etrurie.
Cam.liaud, op. cit., pi. XXXV, et dans les instruments conservés au
British Muséum, Eg. R, armoire A.
9. Cf. C.-R. Day, Appendice à A. -F. Mackler-Ferrimab, Dp to the
Aiger, Londres, 1892, ch. .\tu. — Hortense Panmm, MiddelaUlerens
Stiengeinstrumenter og dercs Forlôbeiv, Copenhague, 1913, p. 57,
souligne la ressemblance en juxtaposant une harpe de ce modèle, et
une harpe nègre de liahr cl Abiad,
10. Description de l'Egypte, I, 1809, pi. xv, fig. 14, et xxiii, 2 el.3.
Benédite, Description et histoire de Vile de l^hilae. Mission archéol,
au Caire, Xlll.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE 181»:
Harpes triangulaires (trigones). — Ainsi qu'il a
déjà été ilit, nous désignerons sous ce nom des
inslruments formés en réalité de deux branches
formant entre elles un angle plus ou moins aigu,
le troisième côté du triangle limité par la corde
Leyde et surtout du Louvre, dont M. V. LoREia donné
un dessin et une description également minutieux^.
Ce trigone « mesure 1 m. 123 de hauteur, le corps so-
nore est recouvert de maroquin vert orné çà etjlà de
découpures de cuir de diverses couleurs. L'instru-
FiG. 964. — Trigone d'époque saïque.
la plus grave. Cette forme appartient aux
civilisations chaldéo-assyriennes, où les
représentations, nous le verrons plus loin,
en sont fort nombreuses. Ici le corps so-
nore a son épaisseur maxima au sommet,
son épaisseur minima à la base, et c'est à
la base qu'est implanté le joug qui porte
les chevilles, jouant ainsi l'exact rôle de
l'extrémité supérieure, mince et
arquée, de la harpe égyptienne.
Les premiers modèles nous sont
offerts par des peintures de tom-
bes de la treizième dynastie. La harpiste
de la tombe Je Parennefer joue un petit
trigone porté très haut, sa base au mi-
lieu de la poitrine. D'autres sont repré-
sentés dans la curieuse peinture du
harem figuré dans le tombeau d'Ay,_à
la même époque^, où l'on voit à peu
près tous les instruments alors en usage,
soit en action, soit pendus au mur. Mais
ils n'ont pas encore atteint le plein dé-
veloppement qu'ils auront à l'époque
saïte après la vingt-sixième dynastie
(700-.Ï2.Ï av. J.-C). Ici, des modèles par-
faitement clairs nous sont offerts, non
pas tant les sculptures comme celles
du musée d'Ale.xandrie' ou les petites
statuettes du musée Britannique et du musée de i ment est pourvu de vingt-deux cordes, dont la plus
Fia. 965. — Le trigone du Musée égyptien du Louvre.
Berlin'', que les instruments originaux du musée de
N. de G. D;n
The Rock tombs o( Tel el Amarna, VI, 1008,
pi. VI.
-i. Ibid., pL xxviM, déjà reproduit par Lepsius, Abth., lit, pi. cvi;
Prisse d'Avesnes, Hisl. de l'Art égyptien d'après les monuments, I,
1878, pi. XLi.
3. CL V. LoBET. loco cit.. p. 28-29.
grande mesure 0 m. 238 de partie vibrante.
« Ces cordes sont montéessur des chevilles qui sont
alternativement en ébène et en bois clair. »
4. Kgyptian room 4. X» 48.658 : une statueltc de harpiste debout,
en bois peint rouge et noir.
5. CoRT Sachs, op, cit.. p. 7û (terres cuites d'époque ticlléaistîqua).
0. Loco cit., pp. 29-30, et lig. 60.
1898
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Comme sur les modèles assyriens, les cordes se
terminent en bas par des lloclies. Il est probable que
le trigone souvent reproduit du dieu Bés', avec ses
vinj^t-deux cordes, ses sept floclies et surtout ses deux
branches qui semblent articulées par une charnière,
comme une lame de couteau et son manche, en est
une représentation stylisée.
Dans tout ce chapitre, on aura parlé de la cons-
truction de la harpe et nullement de la musique
qu'elle pouvait exécuter. 11 se faut résigner. Pendant
la majeure partie de son histoire, la harpe reste
pour nous comme un beau visage muet. Une icono-
Sraphie riche à remplir des volumes — et pas une
note de musique. Nous n'avons même pas l'accord
de la harpe égyptienne. Sans doute, Burney, décri-
vant les harpes de Bruce, leur donne (inexactement
d'ailleurs) quinze cordes, << soit deux octaves complè-
tes- ». ^VlLKI.^soN parle de demi-tons^. Rowbotham'*,
avec un aplomb imperturbable, évalue l'échelle égyp-
tienne à quatre octaves et demie en se basant sur le
nombre des cordes, en quoi il a été maintes l'ois imité.
La vérité est qu'en l'absence de toute notalion égyp-
tienne, on n'aura de chance de déterminer l'échelle
de la harpe que par analogie avec celle des tlûles
retrouvées dans les tombeaux. L'étude a été amorcée
par SouTHGATE et M. V. Loret' : il se peut qu'elle
fournisse un jour des résultats certains.
Ce que nous savons, par la place qu'elle tient dans
les représentations llgurées, c'est le rôle de premier
plan joué par la harpe dans l'orchestre égyptien',
dont elle forme le fond, avec la llùte, la lyre et le tam-
bourin. Elle joue pour les festins, elle accompagne
les voix, elle est aussi dans l'intérieur de la maison
(cf. plus haut, le harem du tombeau d'Ay). Elle prend
part aux plus graves cérémonies religieuses: c'est un
harpiste qui prononce pour le mort rrn chant rituel,
que Maspero a traduit dans ses Etudes ('gyptiennes''
(sur le thème de la mort, fatalité inévitable, sans
rien de terrifiant pour le juste). Au temps d'Auguste,
un harpiste nommé HoaouDi.i a assez d'influence
pour fomenter une révolte desThébains, qu'il trahira
au dernier moment, pour sauver sa vie".
Enfin, parodiant les humains, les aninraux s'im-
provisent harpistes : l'âne, dans le fameux papyr-us
satirique de Turin'', le singe dans la demi-douzaine
de statuettes en calcaire, beaucoup moins connues,
du musée de Berlin'*, qui datent pour' la plupart du
Moyen Empire. Le moyerr âge repr'endra ce thème
plus d'une fois.
Chaldée. — Assyrie
Nous ne reproduirons pas les excellentes pages que
le chapitre Assijrie-ChaUIée de la première partie
1. Pronaos du Temple de Dcikké, in Champullion, Monuments du
l'Erjyple et de la Nubie, I, 1835, pi. i,i, (îg. 2 (n» siècle avant Jésus-
Chiisl).
2. hist. mus., I, 1770, p. 523.
3. Op. cit., Il, p. 277.
4. JJist. mus., 1, Londres, 18So, p. 205.
■5. Cf. LoBET, ioco cit., 17-22, et Les /lûtes égyptiennes, Paris, 18!10.
0. Cf. WiLKiNsos, op. cit.. Il, pp. 232-240 : composition de l'or-
oheatpc égyptien d'après les monuments.
7. Dus chants funèbres analogues in Ph. ViRty, te Tombeau de
Itekhmara, Mém. mission arch. franc, au Caire, V, 1889, pi. \lu, et
p. 102 sqq.
8. ling. iR«viilout, VAttciemie Ei/ijpte, 1, Paris, 1907, p. ô7.
9. li. Lcpsius, .Auswa/ilder ti'iclitigsten Ui^kunden.des>aegyptischen
Ait^r.tufiuf, LeipïJ^, ,1842, pi. xxni, A (époque des Kamessides, dix-
huilièine, vingt-deuxième dynastie^.
de l'Encyclopédie consacre à l'histoire des civilisa-
tions sumérienne, élamite , chaldée une, assyrienne ' ' .
Il va sans dire qu'on aura grand intérêt à s'y repotter.
Ce qu'il faut marquer à nouveau, c'est l'intlirer'ice
delà musique dans toute celle partie du continent
asiatique. C'est à Babylone qu'un certain Annarus,
suivant l'historien Ctésias, égayait un feslin de la
présenced'unorchestrede cent cinquante renimes'-.
Et, dans tous les orchestres, les instruments à cordes
pincées ont un rôle prépondérant. A vrai dire, la
civilisation chaldéenne ire laisse pas de témoignages
figurés très nombreux, tandis que les textes littérai-
res abondent : incriptions'^ (où le mot balag sem-
ble désigner les instruments à cordes pincéesi et, à
partir de la caplivilé de Babylone, textes hébraïques
que M. J. STAr.NER a habilement exploités''. La seule
représenlationde la harpe prebabylonienne qui nous
soitconnue, esl celleque M. li.-J. Banks areproiluite,
d'après une sculpture d'un vase de lapis-lazuli trouvé
dans les ruines du tein()le de Bismya'". C'est un petit
instrument à sept cordes, dont le corps sonore, arqué
comme la petite harpe égyptierrne portative, est
tenu horizontalement, l'extrémité la plus épaisse aij
niveau de la hanche. Les cordes, dont l'extrémité
supérieure au delà de son point d'attache sur le
manche pend librement, sont pincées de la main
gauche. Pour la forme et le mode d'emploi, c'est à
peu de chose prés ce que l'on retrouvera plus lard sur
les stiipas hindous.
A part ce témoigrrage isolé, un seirl instrument,
non pas harpe, mais son proche parent, est ce que
l'on a appelé la harpe deSarzec [ùfi.. 966). Elle figure
sur un bas-relief de calcaire blanc trouvé en 1880 par
E. de Sarzec dans les ruines de Telloh (rive gauche du
Chall-el-Haï), actuellement au Louvre, dans la salle
delaChaldée.etquel'on daledel'époquesumérienne,
plus de trente siècles avant notre ère. De la harpe,
cet instrumentpossède les cordes nombreuses (onze)
et de longueur inégale ; mais il se rapproche bien plu-
tôt de la cithare par la façon dont elles sont atta-
chées à la caisse de résonance". Le taureau qui orne
sa base a piqué la curiosité des commentateurs. Com-
BAriiEU lui assigne naturellement une signification
religieuse, voire magique". Léon lleuzey '" voit plus
sinrplement II une tentative s'eO'or'çant de caractéri-
ser pour les yeux, par une image sensible, la sono-
rité particulière d'un instrument. « L'interprétation,
ajoute-t-il, a pu paraître tout d'abord quelque peu
hasardée. Je suis heureux de dire qu'elle se trouve
aujourd'hui confirmée de tous points par un texte
de Goudea dont M. Thureau-Dangin a donné la Ira-
10. C. SiCHs, op. cit., flg. 77 à 83.
1 1. I, pp. 33 sqq. Les infurmalions rassemblées par ftY\s{Hlsl. mus.,
1, ists, pp. 342 sqq.), Carl Exgei, (T/ie .Uusic oC the most nncient
nations, 1804, réimprimé 1909) ; Hermann Smith {Tlie world's eariiest
music. London, s. d.) ne peuvent être acceptées sans contrôle.
12. G. Kawlinson, The fice great monarclires of the ancicnt nastern
U'orld, London, 111, 1871, p. 211.
13. Cf. Fr. Thureau-Dangin, Les Inscri/:lions de .Sumrr rt ll'Akkad,
Paris, 1903, pp. 100, 123, 143.
14. The Music of the Bible, éd. revue par F.-W. G.m.i-in, Londres,
s. d. (1914).
15. E.-J. Bankp, Bismya, London, 1912, cité par C. Sachs, Ioco cit.,
p. 68 et lig. 47.
10. Cf. E. de Sarzec et L. Heuzy, Découvertes en Chaldée, 1887,
pi. .\xui. — L. Heuzey, Cal. des autiguités ehaldéennes du Louvre,
1902, p. 153 «t pi. xxxin.
17. Cf. cjlhare liétéenne tu Humann et l'uclislein, Iti'isen in Klei~
nasien, jjerlin, 1890, Allas, pi. xlvii.
18. Cours du Collège de France, in Itev. jl/«s., 'I"' octobre 1908, et
Hist. mus., I, 1913, p. 29.
19. Revue d'Assyriologie, IX, 3, p. 89 (1912).
TECHMOUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE 1899
^uction suivante : « Le portique de la lyre (balag)
« était comme un taureau miisissant'. »
FiG. 966. — Cilhare siimiMienne.
Nous possédons pour l'Assyrie une iconograpliie
beaucoup plus riche. En dehors do la petite harpe
(fig. 77 -) déjà notée par Fktis, et dont le dessin
semble fantaisiste, existent deu.x modèles très net-
temPHt caractérisés, dont la sculpture assyrienne,
si précise, nous donne des
images tout à fait satisfai-
santes. L'un est de petit for-
mat, le corps sonore est porté
horizontalement, le joug ver-
tical (lig. 967). On en trouve
de nombreux spécimens au
iï° siècle avant l'ère chré-
lienne sur les bas -reliefs
d'Assuinasirpal (883-860 av.-
J.-C), aujourd'hui au Biitish
Muséum, .Niniroud (jallery '.
De tels instruments compor-
tent de neuf à onze cordes et
sont généralement frappés
au plectre.
Un instrument analogue
(lig. 87) a fait couler beau-
coup d'encre*. Il se peut que l'artiste ait voulu figurer
dans le plan vertical les cordes disposées, en réalité,
comme dans le psaltérion, parallèlement à une table
d'harmonie horizonlale. Mais les e.xplicalions les plus
ingénieuses se trouvent compromises, du fait que
l'extrémité de l'instrument « a été restaurée avec
quelque maladresse dans le bas-relief du British
Muséum (d'où l'on tire ce spécimen unique): en rejoi-
gnant les pierres, on a omis une partie du chevalet
(ou joug) 6 „.
Fig. 907.
Harpe assyrienne.
1. JIM. V1B01.1.EAOD el PÉLAnADB (Enci/ct., I, 37) iirûfèrenl la tra-
«luction ; .( Le corps du ba!ag était ciinrne un laure.iu mugissant. i>
i. EncycL, I, |j. 4o, d'après Ra«i.i.nson, o/i. cit., I, j31.
3. E.-A. Wallis Budge, Assi/rian scidptures in tlie Brit. Mus.,
Londoa, 1914, pi. x[x. D'autres sous le règne d'Assourbanipal (6(J1-
(S25 avant Jésus-Cllnst), Brit. Mus., Assyrian salooD, n° 118.
4. EncycL, I, p. 46.
5. Cf. Emgel, op. cil., éd. l'M)9, noie, p. vi.
Fig. 9GS.
Harpe assyrienne.
, La grande harpe assyrienne, employée aussi par
les élamites (lig. 968) est extrêmement caractèris-
li'que. Klle correspond à peu près à la harpe égyp-
tienne inversée, le corps sonore
transporté en haut, le joug en
bas. Le Joug est détaché du corps
sonore et forme avec lui un angle
droit. Elle est toujours jouée de-
bout, par des personnages —
hommes et femmes — qui la por-
tent suspendue par une sorte de
baudrier, et pincée des deux
mains, sans le secours du plectre.
Elle a en général un grand nom-
bre de cordes, vingt à vingt-cinq,
terminées en bas par des Hoches.
Le corps sonore est percé d'ouïes
qui n'étaient pas figurées sur les
grandes harpes égyptiennes. Le
plus magnifique exemple de l'em-
ploi de ces harpes nous est repré-
senté dans un des bas-reliefs du
British Muséum^. C'est, au vi« siè-
cle avant l'ère chrétienne, le trime d'un roi assyrien
qui vient remplacer un roi élamite vaincu. Tout un
orchestre susien (mais sculpté par un artiste ninivite)
se porte à sa rencontre. On y trouve, avec deux
joueurs de flûte double, une pelile harpe horizontale
(psaltérion'?) et seize
chanteurs ou chanteu-
ses, sept joueurs de ces
grandes harpes. Nous
reverrons, fort loin dans
le temps et l'espace,
lies instruments dont
la forme est nettement
inspirée de celle de la
harpe assyrienne. ' A
commencer par l'instru-
ment saïte déci'it au
chapitre précédent, em-
prunt que les Egyptiens,
vainqueurs des Assy-
riens vers ISOOav. J.-C,
lirentau peuplevaincu^.
Tout l'Orient, l'Extrême
Orient même l'adopte-
ront et le conserveront
longtemps après que
seront mortes les civi-
lisations qui l'avaient
inventé. Et l'on ne verra
pas sans quelque sur-
piise au xiir' siècle, en „„ „,.,, ,, „■ ■ „
r ' FiG. 969. — Musicienne mauresque
Espagne, entre les M\ Lihr,. lU lo.s juegos.
mains il est vrai d'une
musicienne mauresque', une harpe sans colonne, de
pur style assyrien.
.Non plus que les Egyptiens, nous ne savons ce que
ô. Iyiïi:yi:luptdi'\ I, p. 47. Ce bas-relief, trouvé à Kovundjik, a élé
décrit par A. -H. Layard, JJiscoveries iii tlie ruin.s of i\innu:k, Lon-
ilon, 18;i3, cli. XX, p. 454. — PI. xLiv de A tifir curies of tht> monu-
ments of i\'iucveh, Londres, 1852.
7. Sur les relations entre l'Egypte et l'Assyrie ancienne, cf. Bonomî,
iVi/iei»-'/t and ils palaces, :;» éd., 1853. passint, J. GooDAiin, the Hise
of Alusic, Londres. 19u8, p. 79. — M. Dieulafoj, L Art antique de
la l'erse, '-i' partie, 1-885, p.3i.
8. Ms. lie lu bibl. de l'Escurial : Liàro de lusjuetjos,.. que mandar
escribir el rey Alonso el Saltio (1283;, in Juan V. HiaSo. Critical
and bibtiograplucal notes on earlij spwits/t ynusic., Londres, 1887
p. m.
1900
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
les artistes assyro-chaldéens exécutaient sur leurs
instruments. Il se peut que ce doute soit prochaine-
ment levé. D'après une récente communication du
professeur Sruiir'F à l'Académie des sciences de
Prusse ', M. C. Sachs aurait décliiiïré des plaques en
terre cuite provenant d'Assurel conservées au Musée
de Berlin. Au milieu se trouverait le te,\te original
sumérien (3000 ans av. J.-C), à droite sa traduc-
tion assyrienne, à gauche des idéogrammes musicaux
représentant le chant et l'accompagnement de harpe,
souvent en accords de quarte, de quinte ou en conso-
nances d'octave. La gamme serait basée sur le sys-
tème pentatonique avec des modulations développées,
et rappellerait la musique chinoise. Nous n'avons pas
eu d'autre confirmation de cette découverte, et nous
nous interdirons toute anticipation avenlurée.
Orient et Extrême Orient.
On a fait remarquer, M. S. Reinach plus nette-
ment que quiconque 2, le rayonnement beaucoup
plus grand, dans l'antiquité, de l'art assyro-chaldéen
que de l'art égyptien. Nous en aurons la preuve en
étudiant brièvement les migrations, àtravers l'Asie,
des deux types de harpe : l'égyptien, curviligne et
sans joug indépendant pour l'attache des cordes, et
l'assyrien, pourvu de ce joug qui forme avec le corps
sonore un angle droit. Nous nous contenterons d'in-
dications brèves : la première partie de cette Ency-
clopédie abonde, à ce sujet, en renseignements pré-
cis; d'autre part, nous nous proposons, examinant
l'évolution de la harpe à travers les principales civi-
lisations, de nous cantonner en Europe, dès lemoment
où elle détiendra à son tour le flambeau.
Inde. Chine. Japon. Birmanie. — Considérons d'a-
bord l'expatision vers l'Extrême Orient. L'Inde nous
inflige temporairement un démenti. Ici, la harpe,
curviligne, s'inspire manifestement de l'Egypte. Jus-
qu'au mot vina qui la désigne est d'origine étran-
gère, et vraisemblablement parent du baïnit égyptien,
ou du petit instrument préhahylonien cité plus
haut^, égyptien lui-même d'inspiration. Une chro-
nique ceylanaise la mentionne en 161 avant Jésus-
Christ, mais sans grande précision *, et nous ne retien-
drons pas les témoignages antérieurs, encore plus
vagues. On commence à rencontrer des docimients
figurés sur les sculptures de Sanchi" au V-' siècle
de l'ère chrétienne (jouées au plectre) de Arara-
vati«, au VII" siècle; de Bharhut près d'Allahabad\
Cunningham conte, à propos de cet instrument, la
faveur dont il jouissait au temps de Bouddha : selon
la légende de Indra-sàla-guha, il aurait envoyé son
1. 22 mai 1024, d'après M"" Alice Simos, in Revue Musicale, iiiillct
1924.
2. Apolto, 6" éd., 1910, p. 28.
3. Cf. p. 1898.
4. Mahaii'anso, cli. xxx, cité par J. Emerson Tennent, Ceylon, Lon-
dres, I, ISliO, p. 471.
5. J. Fergusson. Tree and serpent worship. Londres, 1873, pi. xxiv
etxxviu (très petit l'ormat, 3 à 5 cordes).
6. C.-R. Daï, The music and musical inslrumenls uf sonlltem
Iiidia, London, 1891, p. 99. James Burgess les date faussement ilu
M' siècle rie l'crc cliréticnne {Tlie Buddliist Stupas u/' Amarnviiti,
LoiidoD, 1887, pi. XVII et xx et p. 53j; Fergusson, du iv" siècle {op-
cit., p. 72).
7. A. Cuuningham, T/ie Stùpa of Bharhut, London, 1879, p. liii,
datées assez arbitrairement du m' siècle avant Jésus-Christ. Les
harpes, selon lui, s'appellent parivddini. J. Burgess les reporte au
u» siècle avant Jésus-Christ [The ancieni monuments, temples and
sculptures of Jndia, London, I, 1897, en avance encore de plusieurs
siècles.
harpiste Panciia Sikha pour jouer devant le dieu-
Un vase du cuivre bouddhique* du ii" siècle nous
fait voir une harpe toute semblable, très nette-
ment gravée, avec six cordes. Il semble qu'après le
viii' siècle ce type d'instrument disparaisse; les
orchestres indous n'en gardent pas trace dans leurs
compositions, pourtant variées à l'extrême.
Chine. — La harpe n'est à aucun degré un instru-
ment chinois. Le kin (harpe chinoise)-' du musée de
Bruxelles (décrit à la page 3o2 de l'Encyclopédie,
première partie) est seul de son espèce, ni daté ni
identifié, en tout cas d'époque probablement moderne
et sans racine dans le passé, à moins qu'il ne le faille
appareiiterau très ancien instrument dont nous parle
.\1. M. Courant'». On connaissait, nous dit-il, au
temps de l'empereur Ling (167-189), qui l'appréciait
beaucoup, une sorte de harpe à ving-deux cordes,
au corps courbe et allongé, nommé chou-khung-heoù
ou pi''khûng-heoù, qui correspondrait assez bien au
kin précité monté de vingt et une cordes. Ces harpes
de l'empereur Ling étaient d'origine septentrionale,
comme tontes celles qui figurent dans les orchestres
chinois jusqu'au vi" siècle. Après quoi, la dispari-
tion semble définitive. Lorsque le Frère (jonzalès de
Mendoça raconte que les Pères Augustins virent des
harpes parmi les instruments de l'orchestre chinois
au XVI» siècle, il n'y a pas lieu de faire grand cas
de son récit, car il ajoute : « C'étaient des instruments
analogues à ceux dont nous nous servons, avec quel-
(jues différences de forme et de façon''. » On trouve seu-
lement dans le Turkestan chinois, au xvi" siècle, des
traces de la harpe curviligne portative'-, et un type
modifié et stylisé dans un sens fort gracieux se
trouve jusqu'à nos jours en Birmanie. Le soung ou
saun (dont les Siamois ont une variante, le soum à
cordes métalliques) a un corps sonore en forme de
bateau, de l'extrémité duquel s'élance un manche
recourbé où viennent s'attacher treize cordes de soie;
on les accorde en les avançant ou en lesreculantsur
le manche, et en assurantleur tension par des cordes
de coton. Le corps, en bois évidé, est recouvert de
peau de buffle. L'échelle est la suivante :
Échelle da Souiig
Mii'iiii'rilj
3=*
Cette harpe est jouée par les jeunes gens, qui la
tiennent le manche reposant sur le bras gauche, la
main droite pinçant les cordes'^. L'ornementation de
ces S0W1Q atteint parfois à une richesse prodigii'use.
La collection Crosby Brown au Metropolitan Muséum
de New-York en possède un (n" 146î>), dont le corps,
et jusqu'au socle qui le supporte, sont ornés d'or et^de
pierreries.
8. G.-C.-M. Birdwood, The Induslrial arts of India, London, s. d.,
II. pi. XII.
9. V. IWahillon, Cat. Conservatoire de Druxrll,\s, I, 2» éd., Gaud,
1893, p. 141.
10. Encyclopédie, I, pp. 176-193.
U. Historia de las cosds mas notables .. det gran Reyno de la
China. Kome, 1680, p. 121.
12. Grunwcdel, Alt-buddisttsche Kullstàtten in Chinesisch Turkis-
tan, Berlin, 1912, p. lil (harpe à six cordes).
13. M.-E. BnowN et W.-A. BnovvN, Musical instruments and their
homes, N.-Y., 1888. Cf. aussi G. Knosp, in Encyclopédie, p. 3095, et
C. Sachs, Die Musjkinstrumente Birmas und Assams [Sttzunfjsb.'Jler
K. bayer Ak. der Wissenschaften, 1917, AbhandI, 2, p. 29).
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE 1W1
Corée. Japon. — En remontant encore vers \e
nord-est, nous retrouvons — à de plus rares exem-
plaires — la forme de la harpe assyrienne. Le sliira-
gikoto de Corée la reproduit trait pour trait'. Et
c'est encore la harpe assyrienne pure que con-
servent, au Japon, les trésors du Shô-sô-in, à iNara.
Des renseignements que j'ai pu obtenir du savant
Père Aurienlis à Kyoto, cet instrument serait venu à
Nara avec le bouddiiisme, arrivant de l'Inde par la
Chine au viu* siècle. A celte époque, une colonie chi-
noise importante avait été appelée pour enseigner
les arts. L'instrument — qui aurait été restauré il y
a environ trente ans — comporte la place de vingt-
trois cordes qui se terminaient en bas par autant de
Hoches. On en peut voir une photographie au musée
des Arts Décoratifs-. Cet instrument ne s'est jamais
acclimaté au Japon.
Perse. — Le type assyrien, de toute rareté en
Extrême Orient, devient beaucoup plus commun
lorsqu'on revient vers l'Occident. Suus les Sassa-
nides(226 à 641 de notre ère), pendant les règnes des-
quels M. HuART relève le nom du harpiste SakisA^, on
trouve représentée, datant du règne de ChosroèsII,
une curieuse scène de chasse : le roi et ses compa-
gnons sont montés sur des bateaux et deux autres
bateaux sont remplis de femmes, cinq dans l'un,
quatre dans l'autre, qui amusent la compagnie en
jouant de petites harpes triangulaires'. Je croirais
volontiers que de telles harpes sont déjà représen-
tées surun cylindre de fondation dutemple de Chou-
chinak (1800 ans av. J.-C), bien que M. li. de Mec-
quenem ne voie dans les persoimages figurés que
des hommes aux bras croisés '. Toujours est-il que le
Icheng (nom persan de la harpe) reste en vogue des pre-
miers siècles de lère chrétienne jusqu'au xvi« siècle,
soit montéde sept cordes, soit de vingt-quatre ou vingt-
cinq. Tantôt il est joué en soliste (presque toujours
par des femmes), tantôt il fait partie d'orchestres
comme celui que nous montre la belle miniature de
la collection Huart, figurée dans la première partie
de cette Encyclopédie".
Turquie. — Les Turcs emploient un instrument
dont la forme et le nom {tchenk, tchang, chang) sont
identiques àceux de la harpe persane. Ladescriplion
qu'en donne au xv" siècle Ahmed Oglou Chukroul-
lah", la figure dont il l'appuie, sont les mêmes que
fournit en 143i le Persan Kmir Kidr Mali". Enfin, le
vieux modèle assyrien, (idMement imité parles Per-
sans et les Turcs, n'aura jamais été porté à des pro-
portions aussi formidables que dans la harpe, deux
fois haute comme la femme qui en joue, dessinée
d'après nature à Constantinople, en 13o7-lor)9, par
Melchior Lorich '.
Hébreux. — C'est ici l'un des points les plus décon-
certants de celte étude : des centaines de pages ont
1. F. -T. PinGorr. 7'lte Music and musirnl instruments of Japnii,
London, 1900, p. 122.
î. CoUcL-tion Maciet, vol. 322-10.
3. Encyclopéiiie, p. 3066.
4. Cf. Hu\RT, Ibid. De ces bas-reliefs de Tagli-i-Bostao, souvent
décrits, le Louvre possède un moulage, salle Morgan.
5. Mémoires de la dé'.eijalion en Perse, VII, pi. xxir, Og. 2, et
p. «2.
G. Cf. p. 3072 (Huaut), la dcsci-iption 1res minutieuse du Tchentj au
XV» siècle.
7. /6!'/..3012.
8. Ibid., 3072.
tt. Wolijerissene uivt fjescluiittene Figuren, s. 1., 1619. Réédité à
Hambourg en 1626 : Figures dessinées et gravées.
été consacrées aux instruments hébraïques, et l'on
ne lient pas à leur sujet de certitude absolue. Une
mode quasi épidémique a sévi aux xvu" et xviii= siè-
cles, particulièrement en Allemagne, de disserta-
tions de cithara Uavidiat. Je n'en reproduirai pas la
bibliographie donnée presque au complet par Lich-
TKNTHAL. Il me suffit de signaler les deux principales
sources anciennes, Van Til et Ugolini, et quelques-
uns des ouvrages modernes qui ont apporté du nou-
veau'".
La difficulté vient de ce que nous ne possédons
aucun document iconographique contemporain du
peuple hébreu. On s'est donc ingénié, soit à tirer
des Livres Saints, où abondent les nomenclatures,
des renseignements que l'imprécision des textes rend
hasardeux, soit à proposer des analogies avec les ins-
truments en usage chez les Egyptiens, les Assyriens
et les Grecs. C'est seulement au xix= siècle qu'on a
pu, par la combinaison des deux méthodes, appli-
qnées avec plus de rigueur, serrer de plus près la
vraisemblance. Deux exemples seulement de la con-
fusion qui, si longtemps, a empêché toute recherche
d'aboutir. Je les tire d'écrivains réputés sérieux. C'est
le Père Menestrier " fulminant contre un auteur
qui, selon lui, « ne s'est guère doimé la peine dr. lire
l'Ecriture Sainte et ses anciens interprèles pour dire
quelle était la musique des Hébreux dont on parle si
décisivement sans la connaître » .
Là-dessus, le père Menestrier élahlitle plan d'une
exécution musicale ancienne où interviennent avec
les luths et les harpes, des clavecins.'... Et c'est Du
Contant de la Molette'- qui proteste contre les tra-
ductions arbitraires (mieux vaudrait, selon lui, con-
server les noms primitifs sans les faire passer par le
canal de la traduction) et, sans autre référence, tra-
duit :
Nebel ou psaltérion antique;
Asor ou cithare antique ;
Kinnor ou symphonie antique.
Il est probable que des nombreux termes qui peu-
vent dans les livres saints désigner la harpe, il faut
en premier conserver le mot nebel, probablement
aussi la sabecha ; tandis que le kinnor, de l'avis des
historiens les plus autorisés (Millar, Gastoué, Weiss,
Stainer, Galpin) serait l'équivalent de la cithare an-
tique'^.
10. Lichtknthal, Dizionario e bibliografia délia musica, Milano, III,
183<>. pp. Î5 sqq. — .*>atomon VANTri,, Ditjt-Samj-en Speel Kunst. soo
der (hidçn. als btjsotuhr der Hehrcen. Itortrecht, 1692. — Ugolini,
Thés, anliguitatum sacrorum. Venise, 1744-1762 : au tome XXXII,
quarante dissertations sur la musique et les instruments hi'-braïques.
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KiTTo, in Ci/chpaeilia of biblical lilerature, lidinliurgh, II. 1361,
pp. 369 sqq. — A.-\V. Ambros, (lescli. der Musik. Breslau, I, 1862. —
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Paris, 1873, eh. m. — J. Weiss, Die musikatinchen Instrumente in
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Gaipin, London, 1914. — A. Gastoite, Les Instruments de musique
dans l'.incien Testament, in Tribune de Saint-Gcrvais, 1920.
11. Des représentations en musique anciennes et modernes, Paris,
1681, p. 18.
12. Traité sur la Poésie et la musique des Hébreux, Paris. 178!
cllap. XV.
13. Dans Y Encyclopédie, I, p. 74, le grand rabbin A. Cahen se
lient cependant à Kinnor = hai'pe.
1902
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
^ jVehcl. — Ces mêmes autorités s'accordent à recon-
naître dans le nebel la harpe véritable. On a aban-
donné, comme vraimeiil risquées, les explications
basées sur la ressemblance entre nebel et l'étîvplien
nefer, qui portait à le traduire par luth, t;uitare ou
mandoline, et celles qui, s'autorisani de la racine
hébraïque nebel (outre ou llacon), l'ont assimilé au
bag-pipe.
La traduction cymbah-s, de Spon ', reste un cas
isolé et singulier. Le nebel n'est pas mentionné dans
la Bible avant le Livre de Samuel (I, x, .^|, ce qui,
selon Stain'eh, ajoute du poids à l'hypothèse d'une
origine phénicienne, car c'est précisément l'époque
où Israël et la Phénicie entrent en plus étroits rap-
ports. Les Crées le traduisent souvent par ■^.lî.-'-jP'-ov,
qui signilie : pincé directement avec les doigts (sans
l'intermédiaire du plectre comme pour la cithare),
et vaoÀîov, vàêXa, va'jXa (Septante); les Latins, par
nabliam, nablum, nabla.
Autre raison. Les écrivains des premiers siècles
de l'ère chrétienne ne manquent jamais d'assimiler
harpe et neb'l : « Nabtum quod grxce appellalur
Pmlterium ... ai similitudinem est citharx barbaricx
in modum deltx littera;^ ». Comme cette cilhara bar-
barica est par ailleurs décrite à l'exacte ressem-
blance de la harpe assyrienne, on en conclut que le
nchcl correspondrait à ce type instrumental.
Le mot asor est souvent accolé binebel. On le con-
sidère soit comme un antre instrument de la même
famille, soit comme un simple qualificatif signiliant :
monté de dix cordes ^ M. Galpin émet l'idée que azor
ou asoi- pourrait être une corruption de ashor (assy-
rien). La démonstration serait ainsi parachevée".
Snbecha. — Ce terme, qui n'intervient qu'à partir
du Livre de Daniel (111, 3), a subi les fortunes les
plus diverses : Isidore de Séville" y voit une sorte
de flûte; les traducteurs anglais de la Bible, un trom-
bone (sabbecha^sackbiit!). Chapelli^ a pu faire re-
marquer que l'on a prêté à la sabecha la forme de
tous les instruments connus. Beaucoup plus^proba-
ble est l'identihcation avec la 3-ia?'j^ ou aaiJ.S'j-/.r, des
Grecs. Encore faut-il se résigner à hésiter en ce cas
entre la sambuque. « harpe de grandes dimensions
et de sonorité puissante »', et ime petite harpe à so-
norité aigué, destinée à accompagner les voix de
femmes".
Grèce el Koiiie',
Les instruments de la famille harpe n'apparaissent
pas de façon vraiment suivie sur les monuments
"recs. Leur place dans la vie musicale hellène ne
1 yi,'c/<«-c;ns curieuses d'antiqult'; Lyon, 1B8::, p. il8, à ppopos
àuinablia qenialia d'Ovide [Art daimer, III). Trente ans auparavant
Comcnius.'d.ins son Orbis sensualhwi pictus, 1658, p. '204, traduit
très correctement ; Nabliuin = die Havffe.
0 Saint Euchcr (mort en i.ill), Instrucliomun ad Salonium libri
duo, liv. 11, di. m (Migne, l'alrolorjic, t. L).
3. r.r. Staimcu, "P cit.,f.i'i.
4. Notes addiliounclles à Vop. cil. de Stainer, p. M.
5. Sententix de Musica, vn" si^clc. in Gerbert, Scriptores eccle-
siastici de ynusica, I, 1784, p. Î2.
6. Jiisl. mas., 1ST4, p. 255.
7. SiMSER, op. cit.. p. 50.
8. Wêiss, o/). ci'., p. 6T.
q L'essentiel de U Liblin^raphie ancienne de la queslion se trouve
dans LicHTENTH»., op. cil., 111, pp. 61 sqq. Plus près de nous, Fét.s a
accumulé (Hist. mus.. III, ls:2. pp. 267 sqq.) des matJnaui copieux,
mais liélérocUtcs. On trouvera un.' bonne bibliographie des instru-
ments in H. Gledusch, Rhetorik imd MHrik dcr GriecUen u„d Romer.
mol V 32S (contient entre autres choses U liste des ouvrages de
K von Jan) lin faii, toute cette documenlalioo, j compris celle do
peut être comparée à celle qu'y tiennent la lyre el
la cithare: il en sera de même à Rome '". M. Tu. Rki;
NACH a fait observer que ces instruments ont joui
d'une vogue limitée et passagère, d'abord de oiiO à
'i-.iO ;iv. J.-C, puis de nouveau à l'époque alexan-
drine. Au temps où le sentiment national battit son
plein en Giéce, au temps de Périclès et de Uémos-
lliène, ils furent proscrits; les philosophes en signa-
lent le caractère voluptueux, sensuel, dangereux
pour les mœurs.
Nous considérerons d'abord les difl'érentes repré-
sentations figurées qui nous sont parvenues, avant
d'essayer de déterminer leurs appellations.
C'est par Chypre et les ilesEgéennes que la harpe
s'introduisit en Grèce, selon toute vraisemblance.
On a souvent attribué une origine hellénique" à de
curieuses statuettes de harpistes trouvées à Tera
(Santorin), à Kéros, près d'Amorgos, dans diverses
sépultures de Chypre. Ces statuettes, généralement
en iilbàtre, de facture très grossière, représentent
l'instrumentiste assis, sa harpe posée sur le genou
droit (cf. (ig. 070, harpe de Kéros). La harpe, trian-
gulaire, présente cette particularité remarquable que
FiG. 970. — Harpe de Kéros.
son cadre est fermé el comporte trois côtés se rac-
cordant l'un à l'autre. Ni l'Egypte ni l'Assyrie n'a-
vaient encore réalisé ce perfectionnemenl.
H. Panum'^ croit que le sculpteur n'a pas prétendu
représenter un troisième côté, mais la corde la plus
grave et la plus épaisse. Nous ne reproduirons pas
son argumentation, qui, à vrai dire, n'est pas très
probante, et nous verrons d'ici peu que cette harpe
à cadre fermé n'est pas absolument une exception
avant l'ère chrétienne.
Ce qui semble exact, c'est que ces statuettes ne
Gevaert, Histoire et théorie de ta .Musique dans l'Atifii[iiit<^, H, 1881,
p. -i'J sqq., est résumée el dépassée par l'article Li/ru de M. Th. Rei-
^ACH, in Daremberg el Saglio, Dict. des .Antiquités grecques et ro-
maines, résumé dans sa Musique grecque, Paris, 1926, pp. 126-127.
10. Kn réalité, la musique romaine sera presque toujours une sim-
ple adaplatioii de la musique grecque. Cf. L. Friedlîinder, Cioilisation
et mirurs romaines du siècle d'Auguste, traduction Ch. Vogel, Paris,
1874, III.
1 1. Clir. Walz, Uberdie Pohjchromie der antilîen SrulptuT, Tubin-
gen, 1853, pi. i, Çi^. 2 : harpe de Théra, intitulée : « Ancienne statue
grecque. » Le musée de Carlsruhe possède deux statuettes semblables,
lirovenant de Théra; le musée de Bonn en a une, de provenance
inconnue. Cf. Diimmler, Millheilungen der deutschen Institutes in
Athen, 1880, p. 39; Blinkenberg, Antiquités pré-mycénennes, Irad.
Ch. Beauvois, Copenhague, 1897.
12. Op. cit., p. 68. Selon M"» H. Panom (Ibid., p. 6(1), ces statuettes
représentent des suivantes de la déesse phéaicienoe Astarté.
TECIINInVE. ESTHÉTIQUE ET PÈDACUCIE
LA HARPE 1903
sont pas grecques. Il s'agit là d'une civilisation ca-
lienne, antérieure à l'Iiellénisme, et que l'on date de
douze siècles et au delà av. J.-C. Klles pourraient être
le produit d'une industrie locale, d'après des proto-
types cariens-assyriens. La découverte au cap Crios
de statuettes toutes semblables renforce cette liypo-
Ihèse'. Les Syro-Phéniciens avaient probablement
emprunté eu.\-mènies leurs modèles aux Assyro-
Chaldéens, .les perfeclionnant par l'addition d'un
troisième côté au cadre de la harpe. Mais l'Egypte,
elle aussi, a pu leur foui'nir des inspirations. On a
constaté enlreles civilisations égyptienne et égéenne.
avant nK'rne l'ùge mycénien, des rapports assez
étroits, quelque jaloux que les Pharaons se soient
montrés de fei'mep leur royaume aux étrangers-.
Mais voici qui est cette foisauthentiqueraent grec,
au moins pour la facture, car l'artisan continue à
s'inspirer de modèles orientaux. Ln des vases trou-
vés au Dipylon (cimeliéie d'Athènes), que les archéo-
logues datent de la première moitié du viu"-' siècle''
av. .l.-G., montre une lémme agenouillée sur une
sorte d'escabeau et qui, de la main droite, brandit
une petite harpe triangulaire'. Le cadre est nette-
ment fermé, et comporte la colonne, à moins qu'il
**Ooooooooo
¥vi. 971. — Harpe (trigonon?) à XI cordes, dont le cadre, Irian-
iïulalre, impose aux cordes des longueurs différentes. La main
îjauche est active {psalleij. La droite tient \t plectre [krekei). —
Vase en forme de lécythe aryballesqite â figures rouge-orangé,
avec rehauts de blanc ; style lourd ; iv<^ siècle av. J.-C. — Cubi-
net ilex Médailles; catalogue de Hidder, n' 1013.
Fi'.. 072. — Harpe triangulaire, qui comportait peut-être deux
rangs de cordes parallèles : il semble en effet qu'il y ait en bas
deux bras distincts. La musicienne, en costume oriental, a les
deux mains actives, sans plectre. L'instrument parait être de
provenance exotique. Les cordes ont été ajoutées sur le dessin,
et leur nombre est conjectural. — Amptiore à volutes; figures
rouge-orangé: style lourd; iv siècle av. J.-C. Publiée par
Gerhard {A/jiiliscke Vaseii, |il. xvi, E,. — Uiisrr de Berlin.
ne s'agisse d'une fantaisie du dessinateur, entraîné par
le besoin de stylisation géométrique qui régit l'art
de cette période.
Toule hésitation disparait devant les échantillons,
peints avec un soin extrême, que nous oll'rentles va-
sus du v= siècle av. J.-C. Une hydrie de Cjrênaique,
conservée au British Muséum, nous montre un dieu
pinçant une petite harpe dont le cadre triangulaire
est complet". L'instrument a huit cordes, chaque
main semble en toucher plusieurs à la fois. Nous
possédons un nombre assez considérable de spéci-
i. Cf. J.-Th. Bent, Diseoreries in Asia Minor, in Journal of fiulle-
ntc shidie-i, W (1S8S), p. 82. Sur ces statuettes, cf. encore U. Koetiler,
in Miltlieil 'les tleafsc/ien Inst. in Atken, 18S4, p. 130, cl pi. V[ ;
M. Collignou, Bist. de la scul/iture i/recqxtr, 1, IS'Jiî, p. 19.
2. Sur ces rapports, cf. A.-E. Evans, Ihe Palace of Knossos in ils
Eififptiaii relations, London, 19ÛÛ. — V, bavard, les Pllèniciens el
vddijssèe, Paris, U, 1903, pp. 592 sqq.
3. Cf. W. Helbig, Les Vases du Dtpijlon, Paris, 1898.
4. Reproduit in Miltheil d. deulselien areh. Inst. in Alhen, 1893,
lig. 113, el Perrot et Chipiez, Histoire de l'Art. VU, fig. 96. L'ins-
trument peut être d'inspiration carieune ou phénicienne : dans la
même série de vases sont figurés de nombreux combats, sur mer,
entre Athéniens et pirates de Carie et de Phénieie (HelbigI.
5. Ttiird Vase Boom, vitrine 30, Cf. Cat. of the ijreek and etruscan
vases, m, 1896, pi. ix, n' E. 228.
mens semblables à celui-ci pour le format, mais avec
des corps sonores plus larges, incurvés légèrement,
et i)ui, n'était la présence du troisième cAté, rappel-
leraient d'assez près la harpe assyrienne. Tel celui
que représente la figure 972 (les cordes ont été
rajoutées) d'après un vase apulien du iv« siècle av.
.l.-G.''. Il comporte, en bas, un double joug que l'on a
interprété de diverses façons. Selon M. M. Emmanuel'',
peut-être y attachait-on un second rang de cordes.
H. Panum' rapporte l'opinion de Jan, qui voit là une
sorte de capotasto analogue à celui dont on se sert
pour hausser l'accord des guitares. Aucun texte ne
permet de trancher la question.
Ainsi qu'il arrivera au moyen âge, ces harpes, le
plus souvent pincées directement, sont parfois frap-
pées au plectre, comme dans l'exemple de la fîg. 971 .
6. Musée de Berlin, reproduit par Gerhard, ApuUsche Vasenb.,
E. 8. — K. VON J»N, De fidibus Grxaorum, Berlin, 1839, fig. 8, etc.
Cf. aussi Brit. Mus., F. 315; Paris, cabinet des médailles, n» lOiS du
cat. de Ridder.
7. Encyclopédie, \, 439.
8. Op. cit., p. 71.
9. Comptes rendus du Congres internai, d'archéologie classique,
2" session, le Caire, 1909, p. 205.
1904
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Une récente communication du D' Staïs a conlirmé
l'existence, dès l'époque homérique ( ix=-x° siècle
av. J.-C), deplectres en forme de main.
Dans un format plus petit, et que l'on rencontre
plutôt chez les Romains, on trouve des harpes trian-
gulaires de forme sèchement géométrique, à cadre
incomplet, et qui ressemblent, en plus petit, au tri-
gone du dieu Bès'. Tels les trigones relevés à Her-
culanum par Willemin^, H. Houx et L. Barré 3, ou
ceux que portent gravés les monnaies de Caipurnius
Piso Frugi, de Julius Bursio et de Koscius Fabatus
au 1" siècle avant l'ère chrétienne*.
Un autre genre de harpe est celui qui, beaucoup
plus volumineux, se rapproche tout à fait de la harpe
assyrienne. Un spécimen caractéristique en est donné
par la peinture du vase étrusque de Ruvo conservé
à la Pinacothèque de Munich '". Avec son corps qui
va se développant de bas en haut, ses dix-huit à
vingt cordes, les Hoches qui pendent au joug placé
à la partie inférieure, il suit avec exactitude le mo-
dèle consacré.
Moins pures, mais assez proches parentes de cette
harpe de Ruvo, sont les harpes de Vulci'^, ou la pein-
ture du jardin Farnèse, reproduites par Th. Rei-
nach'', ou celle d'Herculanum que joue une jeune
fille assez négligemment allongée*.
Enfm quelques types isolés s'apparentent à des mo-
dèles égyptiens tardifs. Un cithariste du musée de
Naples' joue un instrument qui est, trait pour trait,
la petite harpe portative du nouvel Empire; et la
harpe étrusque du cratère de Chiusi'" est l'exacte
réplique de celle du temple de Philae. Telle semble
être encore celle que joue la femme représentée par
une statuette de la nécropole de Hadruraète (Sousse) " .
Ainsi donc, inspirées soit d'Assyrie, soit d'Egypte,
et certaines d'entre elles perfectionnées par l'addi-
tion du troisième côté du cadre (colonne), d'assez
nombreuses variétés de harpes ont été connues en
Grèce. La difliculté est de déterminer leurs noms
respectifs. Nous n'entrerons pas ici dans une discus-
sion qui a été tentée souvent sans résultat définitif :
les listes imposantes qui ont été laissées par Athé-
née'-, Pollux",ne comportent pas d'éléments précis
de définition. Nous nous en tiendrons aux résultats
qu'expose, sous réserves, après un examen de textes
qu'on ne saurait pousser plus loin, M. Th. Reinach '* :
le mot-cpi-fwvoi;, trigone, désignerait la petite harpe
triangulaire fig. 970; la aa|jiSJxï;, sambuque, les
harpes du type fig. 972; peut-être, faudrait-il voir
des instruments de même famille dans le tioX joOoy-
1. Cf. plus liaul.
2. Choix de costumes civils et militaires des peuples de l'antiquitr,
11,' pi. V,, (ig. 21.
U. Herculanum et Pompéi. Paris, 1875, t. IV, pi. xii.
4. E. Babelon, Desrription des monnaies de la République romaine,
I et 11, 1885. Cf. encore Brit. .Mus. Cataloijne of ttie roman pottery,
1908, fig. L, i03.
5. Cil. Lenormant et J. tle Witte, Elite des monuments cêramoijra-
plliques, Paris, 1867, pi, i.xxxvi,
0, Brit. Mus. Cat., III, E. 271.
7. Loco cit., fig. «30.
8. H. Roux et !.. Barré, Op. cit., IV. pi. cviii.
9. Chefs-d'œuvre de l'art antique, Paris, Lévy, série 11, t. III, 1807,
pi. xil.
10. Noël des Vergers, L'Elruric et les Etrusques, Paris, 1S62, Gi,
Allas, pi. XVI.
11. Du Coudray.la Blanrhèrc et P. Gauckler, Cat. du Musée Alaoni
(Tunis), Paris, 1897, pi. xxxli, u» 74.
12. Aetirvoao'fiffTat, éd. G. Kaibel (Teubner, 3 vol.), particuliêre-
meiU aux livres IV et XIV.
13. Onomaslicon, éd._ Wetlsloin, Amsterdam, 17iifi 6i.s, IV, cli. i\.
ï,. Hiol XOOVO(J.ÉVIiW ûpYivwv.
14. ioco cit., pp. 1448-1450.
Ycv, le vàoXai; phénicien, le ai|i!y.'.ov à trente-cinq
cordes, l'iTtii'ôve'.ov qui en avait quarante, la lAya&'.i;,
la ttezt!; et le pipSixo?.
Ainsi que le fait remarquer Strabon '», le seul mot
de Tpt'Yiovoi; est grec, tous les autres marquent l'ori-
gine étrangère de l'instrument qu'ils désignent. Les
Grecs et les Romains en laissent d'ailleurs la pratique
aux femmes. Tite-Live raconte comment ses compa-
triotes ramenèrent, au n' siècle avant J -G., de leurs
expéditions militaires d'Asie, les pitres et les sambu-
cistrix. Rome était déjà en décadence lorsque la
vogue des cordes obliques remonta. Vers la fin du
11' siècle de notre ère, un Egyptien joueur de trigone
du nom d'ALEXANDRE, s'y tailla d'énormes succès de
virtuose. Athénée, de Naucratis, son compatriote,
raconte, non sans ironie"'', comment son talent
tourna la tête aux Romains, les rendant fous de mu-
sique (;jiojao;jLavi7v), au point que la plupart des audi-
teurs se rappelaient par cœur tous les airs qu'il avait
joués.
Pendant toute cette période, la musique même
des harpistes nous reste encore lettre morte. Ce que
nous savons du jeu de la cithare peut suggérer, par
analogie, des hypothèses dont la vérification reste
interdite. On pourra, du moins, se faire une claire
idée de la technique cithariste dans l'ouvrage déjà
cité de Gevaert''', et dans son complément La Mélo-
pée Antique dans le Chant de l'E(j lise Latine".
HAUT MOYEN AGE" (JUSQU'A IIOO)
Légendes.
L'histoire de la harpe, pendant les dix premiers
siècles de notre ère, présente la même obscurité qui
dissimule, alors, toute activité intellectuelle ou artis-
tique. Nos connaissances sont loin d'atteindre,
pour cette période, la précision qu'elles avaient eu
ce qui concerne, par exemple, le Moyen Empire
égyptien.
A cela plusieurs raisons, que nous tenterons de
neutraliser, au moins en partie : l'imprécision, déjà
signalée, du vocabulaire -" ; le vague ou l'ambiguïté de
certaines représentations figurées; l'absence prolon-
gée de vestiges d'instruments réels (alors que l'Egypte
ancienne nous en livre en abondance); plus que
tout, l'amour-propre national ou local d'historiens
qui cherchent à se créer des origines aussi flatteuse-
ment reculées que possible; ce, au prix de légendes
étayées de chronologies fantaisistes, où la musique
joue son rôle. C'est ainsi qu'on attribue la première
apparition, en Occident, de la harpe, aux Scandi-
naves-' ou aux Germains; ou bien aux Celtes, aux
Anglo-Saxons, avec plus de vraisemblance cette fois-%
lis. Ed. Didot, 1853, cli. xvu. Cf. aussi Juvénal, Satire III, liS ; lla-
crobe. Sat 111 (rites par Th. Rei»*ch); Piaule, Sliclius, 11, 2, cic.
16. Op. cit., IV (éd. Kaibel, p. 400).
17. Op. cit., II, pp. 253 sqq.
18. Gand, 1S95, ch. n : La Citharodie sous l'Empire romain.
19. Pour la bibliographie générale.'on se reportera à celle qui a été
donnée au début de cette élude • quelques travaux relatifs au moyen
âge seront indiqués en léte du chapitre sui\ant, auquel ils ont trait
plus spécialement.
20. Cf. plus haut p. 1393 et M. Pincheih.i:, Actes du congrès d'iiis-
toire de l'art, loco cit.
21. Cf. plus loin p. 1910.
22. Encore Mariano SoaiANo FuF.nTES [Hisloria de la musxca espa-
nola, I, Madrid, 1885, p. 71) affirmc-l-il que les Irlandais tenaient leur
science musicale de l'Espagne. Sa démonstration n'est pas convain-
cante.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE 1905
mais cil passant loiile mesure eu ce qui concerne la
date proliahle de celte remise en usage (donnée la
plupart (lu temps pour une invention véritalile). Cela
ne va pas sans coiitlits : dans les seules Iles-Britan-
niques, « nous voyons Bintin'g injurier Moore et
Stevenson pour truquage d'anciennes mélodies, Pë-
TiuE s.ii-rilier Iîuntino, 0' Curkv tancer I'etbie, VVal-
keh et Sedwick, tandis que Sl'llivan les condamne
tous, ou les accable en les louant avec une retenue
trop marquée ' ».
Cette lutte pour la plus liaute.anliquité se circons-
crit surtout entre Irlandais, Gallois et Anglais. Pour
l'Irlande, O'Curry, de qui l'enseignement a été long-
tempsi'évéré, raconte^ comment, en 1800 avantjésus-
Clirist, les ancêtres des Irlandais, les Tuatha DéDan-
nan, ayant battu les corsaires Fomorians, ceux-ci
prirent la fuite. Alors, " Lugh (le roi des Tuatba Dé
Danatni), le Dagbda (leur grand chef et druide) et
Ogma (leur plus grand héros) suivirent les Komo-
rians parce qu'ils avaient capturé L'aithniî, harpiste
du Daglida. Ils atteignirent vite la salle dans laquelle
banquetaient les Fomorians... et là, ils virent la
harpe suspendue au mur. C'était une harpe dans
laquelle la musique était retenue par un sortilège,
si bien qu'elle ne répondait pas aux sollicitations.
Jusqu'au moment où le Uaghda l'éveilla en disant :
Viens, Durdabla (ici des formules d'incantation intra-
duisibles)... La harpe se décrocha du mur et vint,
tuant neuf personnes au passage; elle vint vers le
Dagbda, et il joua pour eux tous les trois modes qui
classent un harpiste, c'est-à-dire le Siiantraighe, le
Gentraighe, le Goltralghe^. Il leur joua le Goltraighe
jusqu'à ce que leurs femmes fondissent en larmes;
il leur joua le Gentraighe jusqu'à ce que femmes
et adolescentes éclatassent de rire; il leur joua le
.Suantraighe jusqu'à ce que tous fussent endormis.
Grâce à quoi, les trois héros échappèrent aux Fomo-
rians qui voulaient leur mort. »
A ces ancêtres vénérables, les Gallois opposent
Blegywrvdd ab SEiFYLL,qui régna un peu plus tardi-
vement il est vrai, mourut deux mille soixante-neuf
ans après le déluge, ou environ cent quatre-vingt-dix
ans avant l'ère chrétienne, et qui était en ce temps-
là, disent-ils, supérieur à tous les musiciens*. Il est
dépassé par certains de ses compatriotes qui se
croientassurésde descendre d'Adam en ligne directe.
En eti'et, « le premier enfant qu'Eve mit au monde
fit appelé Gain; or, en Gallois, cain signifie : j'ai un
fils » !
Transportées dans le domaine musical, ces mé-
thodes permettent les plusbrillantes démonstrations.
Avec plus de loisirs on pourrait, à bien des légendes
de celte sorte, trouver des origines orientales ou
helléniques. Lorsque, d'après le manuscrit irlan-
dais, Les Aventures de la grande Société bardique,
O'Curry raconte l'invention de la harpe', il est dif-
ficile de n'y pas voir une adaptation du mythe grec
de la naissance de la lyre : c'est le frère du roi Guaire
qui expose, en l'an 592, comment Canoclach Mhor,
femme deCuil, ne pouvant plus supporter son mari,
s'enfuit. Arrivé à la plage de Gainas, elle trouve un
squelette de baleine. Le vent, en passant à travers
les tendons, en lire des sons qui endorment la fugi-
tive. Son mari, lancé à sa poursuite, la trouve, com-
prend la cause de son sommeil, va dans la forêt
[irochaine, taille une forme d'instrument, y place les
cordes faites des tendons de la baleine, et c'est la
première harpe.
Préiuojen âge.
.l'aiévoquécetexempled'emprunts au.x civilisations
antérieures à l'ère clirétienne, parce qu'il suffirait à
rappeler qu'il n'y a pas eu — comme on l'écrit par-
fois, en abusant des mois — cassure absolue entre
les civilisations anciennes etcelledu moyen âge occi-
dental. Des éléments de tous ordres sont passés des
unes aux autres, identifiables dans les langages, les
mœurs, les rites. Gomment la musique, el plus spé-
cialemenl les instruments, eussent-ils fait exception
si l'on songe surtout à la mobilité que leur confèrent
leur taille exiguë et leur faible poids, au fait que les
musiciens sont de bonne heure des voyageurs intré-
pides", qu'un instrument nouveau frappe en tous
pays l'attention des 'envahisseurs ou des ininra-
leurs, bien avant les institutions civiles et reli-
gieuses!
Il est, en tout cas, une longue chaîne de témoi-
gnages qui fournit, du iv° au viu" siècle et au delà,
un élément de continuité assez appréciable. C'est la
série des écrits laissés parles Pérès de l'Eglise; pres-
que tous, commentant les Psaumes, ont été amenés
à parler des instruments. Ils l'ont fait en termes obs-
curs, non point impénétrables, et leurs textes atles-
lent la connaissance qu'ils avaient d'instruments
venus de l'antiquité classique (cithare), ou de l'actua-
lilé barbare (hai'pe).
Négligeons une Epîlre à Dardanus, dont l'allribu-
tion à sainC Jérôme est douteuse*. Dès sainl Augustin
(né 334, mort 430) apparaît une comparaison enire
cithare et psaltérion'J, qui sera reproduite à peu près
textuellement par Cassiodore (G. 477-C. .';70), Isidore
DE SÉviLLE (mort en 636l, puis Notker Labeo, Aegi-
dius Zamorensis, beaucoup plus tard Gerson, etc. Il
y est dit : « lllud locum unde sonum accipiunt
chordiv, illud concavum lignum quod pendet et tac-
tum resonat, quia concepit aereni, Psalterium in su-
periore parle habet. Cithara autem hoc genus ligni
concavum et resonans in inferiore parte habet.
Itaque in Psallerio chorda> sonum desuper acci-
piunt : in Cithara aulem chordas sonum ex inferiore
parte [accipiunt. Hoc jinterest inler Psalterium et
Cithara. »
Ces définitions ont'découragé certains commenla-
1. C. N. Mac Intyre North, Thi- book nf the club o( trw Ilirjhlan
ders, 1, Londres, 1802, cliap. vi.
2. Eugec O'Curry, Li^ctures on the Manners and Customs of the
ancient Irisii .. with an introduction by W.-K. Sulliv.in, 3 vol., Lon-
dres, 1S73. Ce passage au tome lll, p. 213.
3. La connaissance de ces trois modes, plaintif, Iiilarant, soporifique
était exigée ea Irlande des musiciens de la catégorie la plus élevée,
les OUamhs ofmusic.
4. Edward JoNts, Musical ami porticnl rdicks nf the irelsh bnrds,
Londres, 1794, p. l.
ô, A. Eruy, cité par Erneft Dav[d, Études historiques sur la poésie
et ta musique dans la Cambrie, Paris, 18S4, p. 14.
6. Lectures, MI, 236. Le mot cruit, que O'Corby traduit par harpe,
est, nous le verrons, de signification encore incertaine à cette époque.
7. On a conservé deux lettres écrites vers l'an 505 de notre ère par
Cassiodore, questeur(roinistre)du roi ostrogcth Théodoric, h première
â BofecEpour lui demnnder un citliarcde, Clovis, roi des Francs, ayant
eiprinié le désir d'en avoir un; la seconde à Clovis. pour lui annon-
cer la mise en route du citharéde ilemandé. Cf. Cassiodori senatoris
eariae, éd. Th. Monimsen, Berlin, 1894, pp. 70-73, et Th. Hodclin,
The letters of Cassiodorus, Londres, 1886, introduction, p. 24. Pour
les migrations des instruments eux-mêmes, voyez plus haut co qui a
»t'! dit (p. ISflO) du type de harpe assyrien.
s. Epistola ad Dnrdnnum de dicersis generibus musirorum, J'a-
Irolnijie de Miof, XXX, col. 213. Cette épilre serait, d'après A. Hdches-
llçGHEs (Ca(. of Ms. music Uritish .Vuseum, III. 37S), d'un Jjhome du
viii" ou IX" siècle.
" 9. Saint Augustin, In Psalm. LVl.
120
1906
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
leurs. Elle sonl beaucoup plus claires si on les rap-
proche de celle que donne, au v= siècle, l'évêque
EccBERius de Lyon (morl en 430)' : « Nablum, quod
grœce appellatur Psalterium, quodque a psallendo
diclum est. Ad simililudinem est ciUiarx barbaries:
in nioduni delUe litteiœ. » Son intérêt n'est pas
tant dans l'équivalence proposée entre nablum et
psalterium : on sait combien, et durant combien de
siècles, les lexicographes jonglent sans précaution
avec des mots dont le sens a cessé de leur être connu.
Ce qui est de plus de poids, c'est le recours au témoi-
gnage d'un instrument contemporain, une cithara
barbarica triangulaire, dans laquelle il est bien dif-
ficile de ne pas reconnaître la harpe-. L'épiLhèle
barbare s'accolera de semblalile façon au mot harpe,
au siècle suivant, dans le vers déjà cité de Venan-
tius Fortunalus, qui, lui aussi, réside en Gaule, à
Poitiers.
Reste à savoir qui désigne l'épithète barbare. C'est
pour Venantius Forlunatus, comme pour Eucherius,
ce qui n'est pas romain, et nous ne serions pas très
avancés si des raisons nombreuses ne donnaient aux
Iles-Britanniques toute apparence d'avoir introduit
en Europe l'usage de la harpe (Cf. p. 1908). D'abord,
la place qu'en ce pays tient la harpe dans l'histoire et
la légende; puis son apparition sur les monuments
figurés bien postérieurement aux dates proposées
par les textes, mais antérieurement à toute mani-
festation analogue dans le reste de l'Europe; enlin
le fait que, dans un manuscrit donné par Gerbert^
pour fort ancien (viu" siècle?), une représentation de
harpe (fig. 9o5) esi accompagnée de la mention cithara
anglica, tandis qu'un instrument, non harpe, mais
cithare, porte l'étiquette de cithara teutonica. Nous
venons plus tard que Germanie et Scandinavie sont
pendant plusieurs siècles hors de question.
Chez les Britanniques mêmes existe un conflitlatent
autour de l'événement historique assez mince qu'est
cette résurrection de la harpe, entre Irlandais, Gal-
lois, Anglais, Ecossais. Nous commencerons par
l'Irlande, non que sa priorité soit certaine, mais
pour la seule raison que c'est elle qui, le plus tôt,
• semble avoir tiré de la harpe un parti hautement
artistique.
Avant d'entrer dans le domaine historique pro-
prement dit, il est justi- de rappeler les rapports qui
existent de toute antiquité entre Eiin (avant que les
Celtes n'y soient installés) et l'Orient. Dès la vi' dy-
nastie, on savait l'existence de ses raines d'élain, dont
les Egyptiens, s'ils ne les exploitaient eu.\-mêmes,
se faisaient apporter le produit*-. Festus Âvienus a
1. Instructionuni ad Salonium libri (^!/o^ liv. II, ch. in,'.M[GNE, Pa-
iriA. lut,, L, p. 81.T). Sur l'identité de nabium et de psalterium, Ed-
cHERlrs se rencontre avec un Icsicographe du siècle précédent, Hesy-
chius. Cf. Encyclop'die, I, 34, note 7.
2. Ou un intermédiaire entre la harpe et le psaltérioû triangulaire
comme on en voit au moyen âge de nombreux exemplaires. A, coup
sûr pas le psaltérion-type, de forme quadrangulaire. qui n'apparaît
pas en Europe avant les Croisades.
3. De Cailtu et înusica sacra, saint Biaise, II, 1774, pi. xxxu, Cg. 19
et 17. Je ne sais pourquoi la plupart de ceux qui ont cité cette planche
en datent l'original du ix« siècle, tandis que M. F.-W. Gali-in [Otd en-
(flisli instruments of rnusic, Londres, 1910, p. 8) le reporte au xii" ou
xni». Le texte de GeaBERT n'est pis si explicite. Il déclare (pp. 152-i;)3)
emprunter quelques figures d'instruments à un manuscrit de saint
Biaise dont il avait pris copie avant qu'il ne fût détruit par un incen-
die, et qui datait du vu' siècle-, et d'autres à un autre manuscrit de
saint Biaise paalo recentior : rien de plus. La cythara teutonica re-
présentée à côté de la ct/thura anr/lica et de même provenance, pré-
sente des analogies avec un instrument figuré sur la planche xxvi,
iig. 3, que Gerbert date : anno DC (affirmation que le style desdites
enluminures fait paraître assez risquée).
4. C/". Jean Capart, Les Grands Voyafjcs à l'époque égyptienne,
raconté, dans ses Or* Maritimx, le voyage d'Himil-
con, au vije siècle avant Jésus-Christ, aux Iles Cassi-
térides (Scilly)eten Hibernie (Irlande!. D'autre part,
les Celles, antérieurement à leur immigration en
Irlande, n'ignoraient pas l'ancienne Egypte, aussi
loin que l'âge de pierre, s'il en faut croire M. Car-
tailhac • ; et pour aborder des événements histori-
ques plus si^irs, il y a, à partir du iv° siècle avant
l'ère chrétienne, un mouvement d'émigration qui
met en rapports étroits Celtes et populations de l'A-
sie Mineure''. De ces constatations nous ne tirerons
pas de conclusions forcées : il nous suffit de remar-
quer que l'Irlande et les Celtes qui s'y vinrent fixer
avaient eu des contacts répétés avec les civilisations
orientales, et que l'adoption d'un instrument orien-
tal à un moment quelconque de leur histoire est on
ne peut plus plausible.
Irlande '.
Avant les sources littéraires et historiques nous
examinerons : 1° le vocabulaire, 2° les monu-
ments figurés.
Les premiers monuments qui nous soient restés
sont des croix de pierre sur lesquelles des scènes de
l'Ecriture sainte, assez grossièrement sculptées, met-
tent en scène le roi David, ou quelque autre pieux
musicien. Les renseignements qu'elles nous appor-
tent ne sont malheureusement ni simples ni clairs :
fantaisie de sculpteur, imprécision due à l'usure du
temps, enfin, dans les désignations qui en sont don-
nées par les historiens, difficulté spéciale de voca-
bulaire qui s'ajoute à toutes les autres.
La harpe, en gaélique irlandais, se dit clairseach;
en gaélique écossais, clarsach; en dialecte de l'île de
Man, claasagh; d'une racine clar^ : en gaélique, plan-
che, table, table d'harmonie.
Mais ces divers termes n'apparaissent pas avant le
sn« siècle. Les instruments à cordes sont désignés,
auparavant, dans les textes irlandais, dès le v= siècle
au moins, par le mot cruit ou crot {Seai^chiis Mor,
d'après M. F.-W. Galpin, Musical Times, 1^'' février
1912).
Les historiens irlandais en déduisent que crot, ou
Bruxelles, 1903. W. Boyd Dawkins, Early man in Britain, Londres,
18S0.
.^. Conrjrès de l'Association française pour l'avancementdcs Scien-
ces, Cherbourg, 1905, p. 694 sqq.
ti. Cf. A. Bertrand, Archéologie celtique et gauloise, 1889, p. xxv,
et Léon Joulin, les Celtes, in Bev. Archéologigue, VIII (1918).
7. Sur la harpe irlandaise, cf. J. Walkeb, Historical memoirs of
the Iri^h Barils, Londres, 1786 (avec, en appendice I : Rev. Edw. Led-
wicH, Jnquiries concerning the ancient irish iiarp, app. Vil : William
Beacford, An Essay on the construction and capability of the irish
harp). — Ed. Bo>ting, .4 gênerai collection of the ancient inusie of
Irelnnd (la 2* éd., Londres, 1809, et la 3«, Dublin, 1840. contiennent
une copieuse dissertation). — Samuel Ferguson, in Bunting, éd. 1840,
p. 37 sqq. — H. O'Neili., Fine arts of ancient Irelnnd, Dublin, 1863.
— Heusart DE LA \'iu.^iin^i:ivÉ, La Harpe irlandaise et les Feniaus,
in Correspondant, -5 janvier 1866. — Comte de Monlalembert, Les
Moines d'Occident, i' éd., 1868, 11, 483, sqq., et III, 204-211. — R.-B.
ARjisTRoNr., .Musical instruments, I, Edinbiirgh, 1904 (p. 27 bibliogr.
iconographique delà harpe irlandaisel. — W.-H. Grattan Flood, Irish
musical bibliography. in Beport of the ith conyress of the internat.
mus. Society, Londres, 1912, p. 359. — J. Romilly Allen, Celtic art ih
pagun and Christian times, Philadelphie, s.d.
S. Encyclopxdia britannica, Cambridge, 1910 (art. Harp, par
K. ScHLESiNGER et A.-J. HiPKiNs), Sclou E. Lcdwich (Antiquities of
Ireland, Dublin, 1603, p. 253), le seul mot qui se rapproche, en irlan-
liais, de la racine harp est beaucoup plus récent : oirpeam. En irlan-
dais moderne, le dérivé oirpheadach, harpiste, a été conservé. Je ne
reproduirai pas les longues dissertations de Bunting sur ce vocabu-
laire, d'autant que sa science est mise en doute par O'Corrt {op. cit.,
Ili, 302), contesté lui-même par de plus récents.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE 1.107
cruil, signilie harpe', et le dictionnaire gaélique
d'AHMSTHO.NG admet que le cruit serait une iiarpe à
cordes de boyaux, et le clarselh, une harpe à cordes
métalliques^.
Leurs contradicteurs leur opposent la parenté
étymolof^ique évidente qui existe entre cruit, ou ci'ot,
et le bas latin mélangé d'intluences germaniques
chrotta, ou rottu, ces deux derniers mots constituant
évidemment un doublet. Or, ces mots, dans leur
acception la plus générale, qualifient presque tou-
jours une sorte de cythare obloiigue, légèrement
étranglée^ au milieu, celle même dont l'évolution
ultéiieure donnera, avec adjonction d'un archet, le
crwth gallois*. Autre argument, Venantius Fortuna-
tus, dans le poème déjà cité de l'année 570, attribue
expressément la lyre aux llomains, la harpe aux
barbares, et la chrotta au.\ Bretons {chrotta bril-
iaana canat).
M. F.-W. Gali'in ' voit dans ces barbares s'oppo-
sant au.'i Irlandais et aux Celtes, déjà christianisés,
les envahisseurs nnglo-saxons el normands qui au-
raient ainsi introduit la harpe sur le sol britan-
nique.
L'argument n'est pas sans réplique. Il se peut qje
le barbare soit germain; rien en ce cas n'indique
que le mot harpe désigne bien, au vi' siècle, le
même instrument que de nos jours : harfe a gardé
dans les langues germaniques, pendant tout le
moyen âge, un sens général d'instrument à cordes
pincées (cf. plus haut, p. 1893).
Ensuite, le mot rotta a désigné longtemps des ins-
truments du genre harpe". 11 y avait une rotta trian-
gulaire, à cordes par conséquent inégales, et qui
s'apparentait de ce fait à la harpe, comme tous les
psaltérions triangulaires dont l'image nous a élé
transmise en abondance dès le ix<-' siècle" : un tel
instrument, sculpté sur un chapiteau du cloître de
Moissac, porte l'inscrifilion Emaii cuin Rotta'^. C'est
bien là cette « cithara barbarica in raodiim deitu'
liltera; », dont nous parlaient les Pères de l'Église,
l'assimilant soit au nable, soit au psaltérinn.
Tandis que cithare et harpe obéissenl, comme
nous l'avons déjà répété, à des principes de cons-
truction tout dilférents, il y a communauté de prin-
cipe et probablement d'origine (les d^ux instruments
coexistent déjà en Assyrie) entre la harpe , où les
cordes sont tendues entre deux branches d'un cadre
1. Cf. W.-H. Grattas Fi.god, Tlie sforlj of flie harp, op. cit., p. 25.
1. H. Panum, op. cit., p. HT. Ajoutons iju'il n'y a aucun éclaircis-
sement à attendre du sens de !a racide gaélique : elle désigne, d'après
0, Cdkbv (lil, 302'i. un oiseau du genre héron ou courlis!
3. On en connaît d'excellentes représentations dès le v:ii^ «iècle, par
exemple dans le nis. du British Muséum Cott. Vesp. A. i. reproduit
par J.-O. Westwood il' ac-Similt's, Londres, 1^68, pi. m. datée par
erreur du vu° siècle). Eu France, une des premières images, la pre-
mière peut-être, en est donnée par le Psautier carolingien de Mont-
pellier {Univ. IJ. 409, fol. I. verso'l. reproduite in Pli. Lauer, £/;
l'^autier carotin(/i€n du ['résident Bouhicr, l'J25, pi. iit. M. Joseph
Bédier concilie, à dessein ou non, les interprétations rivales quand
il écrit [Les Lais de Marie de France, /ïevite des Deux Mondes,
1891, p. 844) ; « Les jongleurs s'accompagnaient sur une petite harpe,
la rote. »
4. Sur le ceti'th à archet, cf. <'.. Excel, liesearches into tlie early
history of the lyiolin faniili/, Londres, 1S84, p. iLi.
5. Op. cil., pp. 9-10.
6. H. Panum, op. cit.. p. 110.
7. Cf. Notker Balbulus : o Postquam illud ' ps;ilterium i symphoniaci
quidam et ludicratores, ut quidam ait, ad suum opus traxerant, for-
mam utique ejus et tiguram commoditati sua' habilem fecerant et
plures chordas annectentes et nnuiine barbarico Rottam appellanles,
mysticam illatn trinitatis fortnam transmulandt). " Cité par E. de
COCSSEMAKER, Hucbald, 18H, p. ittJO.
S. F. NùOLET, Notice sur le !ulh {Mémoires Je ta Société arcliéol.
de la Corrèze, 1895).
évidé, et le psaltérion triangulaire, où le plan de
cordes est tendu au-dessus d'une table d'harmonie;
e«i fait, les deux types sont souvent combinés, et il
arrive qu'une harpe possède, en plus de son cadre
normal, une sorte de fond imité de la table du psal-
térion et parallèle auxcordes : telle sera la spitzfiarfc
ou arpanetta du moyen âge et de la Renaissance. Les
deux types admellent d'être pinces directement ou
joués au moyen du plectre.
Le vague des textes correspond au peu de fixité
des types d'instruments. Le curieux manuscrit
connu sous le nom de « Psautier d'Ulrecht-' » illustre
le mot psaltérion du psaume 107 par une figure de
harpe triangulaire véritable, à six cordes, sans co-
lonne, semblable par conséquent aux modèles asia-
tique et égyptien anciens. Cette absence de colonne
mérite de retenir un instant l'attention : corres-
pond-elle à un type contemporain de l'enlumineur
qui la traça? est-elle, au contraire, une réminiscence
alexandrine, et au delà, pharaonique? Pas complè-
tement isolée en tous cas. L'n manuscrit anglais du
xi° siècle en reproduit de semblables'", et, de nos
jours, on trouve encore chez les Ossètes du Caucase
une harpe à deux branches et douze cordes", beau-
coup plus proche du triyone du dieu Bès que des
instruments barbares des nègres africains d'aujour-
d'hui.
Monuments. — Cette question de la présence ou
de l'absence de la colonne \fore-pillar ou front-pU-
htr) est précisément, pour l'Irlande, un sujet de con-
troverses non encore taries. Dans le comté de Kil-
kenny, à Lllard, se trouve une croix que l'on date
FiG. 973. — Croix d'Ullard, d'après Bdsting.
de la première moitié du ix« siècle (843), sur laquelle
est sculpté un musicien. Ldward Binting, le premier,
en donna un croquis dans lequel l'instrument repré-
senté est une sorte de harpe sans colonne qui a fail
9. Sur ce Psautier, l'ancien f'iaitdius, C. 7 de la Bibl. coUonicnne,
que la plupart des spécialistes attribuent à un arliste de 1 école de
Reims, qui, vivant au début du ix* siècle, se serait inspire de mo-
dèles alexandrins du vi» ou vu* siècle, voir surtout : J.'-J. Tikkanert_
Die Psalterillustration im Miltelalter, III, lleUingl'ors, l'.'tiO; —
K. ScHLEsiNc.ER, Tltc Utrcclit Psalter, in Mimical antit/iuiry, octobre
19l(). — Reproduction en rac-similé par la PaUeographical Society
(Londres, 1S73|.
10. Brilish Muséum, tiarl. 60S,-S. H h. 27. Heprod. in VVisTwtti.i.
{op. cit.).
11. Cf. C. EK'.Et,, Musical instruments in the South Kensinijloi
Muséum, Londou, 1869, pi, u, lig. I.
1908
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
travailler son imagination' : « C'est le premier spé-
cimen, écrit-il, de liarpe sans colonne, qui ait été
découvert hors d'Egypte; et si ce n'était la récente
confirmation des assertions de Bruce, au sujet de
ses prototypes, il serait peut-être accueilli avec la
même incrédulité; car, à la difficulé originelle qu'il
y avait à croire un tel instrument capable de sup-
porter la tension des cordes, s'ajoute maintenant l'é-
tonnante hypothèse que les Irlandais tiendraient
leur harpe de l'Kgyple. »
Bon nombre d'historiens ont suivi Bunting, ren-
chérissant parfois (O'neill, Sculptiired crosses, 1857)
sur l'inexactitude de la figure donnée par lui, jus-
qu'au moment où M"" Hortense Panum, après s'être
rendue à Ullard, déclara-, avec calque à l'appui,
que l'on ne pouvait affirmer si la colonne existait
ou non, l'usure de la pierre ne le permettant pas;
d'autre part, il se pouvait que l'artiste, faute de
place, ait confondu la colonne avec le bord de la
croix qui limitait son sujet.
Entre temps, M. W.-H.-Grattan Flood^ avait repris
en tOOi) la même position que Bunting; le Hév. V.-\\.
Galpin le contredit vigoureusement' : pour lui l'ins-
trument a bel et bien un cadre complet, il est qua-
drangulaire et ce n'est pas une harpe, mais bien une
sorte de grand criiit. Nouveau démenti de iM. W.-H.
Grattan Flood" : je ne puis prendre parti entre deux
spécialistes éminents qui, tous deux, ont vu, et je
laisserai le débat ouvert.
Si la croix d'UUard est d'inlerprétation douteuse,
à quelques milles de là, la croix de Castledermot'"
(fin viii'= ou début ix° siècle) offre certainement un
cadre complet; de même celle d'iona, eu Fcosse. On
peut les concevoir comme des instruments hybrides,
dont le format se rapproche de celui de la cithare,
mais qui, par l'irrégularité de leur cadre, évoquent
également la harpe.
Au reste, les types intermédiaires foisonnent : tel
celui de la croix de Monasterboice (ix° siècle '), sem-
blable à un triangle dont on aurait tronqué l'angle
inférieur; celui de Durrow", qui a le cadre d'une
harpe triangulaire, mais dont les cordes passent sur
un chevalet avant de s'attacher en bas au corps so-
nore, disposition analogue à celle de la cithare *'.
I. op. cil. (184(1), pp. 46 sqq.
i. Op. cit., 11. 102 et iig. lli.
3. Op. cit., pp. 12-1 Sel fig. C. M. \Y.-H. (inAiiAN Flood a, lui aussi,
procédé, en 1888, :i un examen sur place.
4. Old english instruments of musiCf Londres, 1911, p. 287, et
77ie orifjin of tlie clarsecii or irish Itarp, ia Musical Times, Londres,
i" février 1912.
5. .Musical Times, 1'' mars 191:!.
C. Mar^aret StoUc?, Tlie Hitjh crusses of Castlederynol ami Durroiv.
Dublin, 1898, refrod. aussi par Gii.w.x, op. cit., pi. i, fig. 1 ; 11. Pa-
KLM, op. cit., fig. lli.
7. IJ. Panum, up. cit., Iig. 97. Un moulage au musoe Victoria and
Albert à Londres, Salle 46, A.
8. M. Stolies, ap. cit., p. 10; Pamim, fig. 104.
9. Il faudrait de trop longues pages pour citer tous les liydrides de
liarpe-psaltériùn. Voici seulement quelques-unes des variétés le plus
souvent représentées. A) Instruments triangulaires d'interprétation
douteuse, soit liarpes sans colonne, soit harpes-psallerions, le plan
de cordes doublé d'une table d'harmonie parallèle : British Muséum,
ms. Arundel, 10, fol. 'ii\n'' sièclei, Antiphonaire sa!/.bourgeois repro-
duit in H. Tietze, Die Iltuminierten Hamlschrifteain Salzbiirg,
Leipzig, 1905, pi. v (xn" siècle), A. Martin et Ch. Gabier, Monogra-
phie de la cathédrale de liourges, Paris, 1841, pi. xxin (xin* siècle).
— C) Harpes-ps.iltérions triangulaires caractérisées : Coussesiakeh,
Mi'moire sur Hucbald, 1841, pi. iv, fig. 1 (ix° siècle); Psautier de
f'olchardus. saint Gall, in K. Scnr.tsixGEH, op. cit., Il, pi. viii (ix» siè-
cle), M?. Brit, Mus. Arundel, 00, fol. 13 (xi* siècle), Hortus deliciU'
rum de Ilerrad von l.andsbcrg, fol. 2^1, reproduit par M. "VoGEr-Eis,
Die .Musikiiistrumente im Hortua Dcliciarum, lîceue Alsacienne,
1904, p. 08 {xn» siècle) ; et la plus belle de toutes, reproduite par
Luise von Kobell, Kuyisti'olle Miniaturen und Initialen nus Hand-
Tel est donc pour l'Irlande primitive l'élat de la
question en ce qui concerne les monuments figurés :
dès le viii'^ siècle, des représentations peuvent être
interprétées, soit comme des harpes sans colonne,
soit comme des harpes quadrangulaires, soit comme
àescruits (famille cithare); mais, à des époques encore
voisines, la forme de la harpe est déj<à nettement
évoquée (Monasleriioice, Durrow). Kdward I.edwich
fait bien remarquer'" que la harpe ne figure pas sur
les monnaies bretonnes du temps des liomains, où
sont, au contraire, gravées des lyres : cela peut signi-
fier simplement que l'influence romaine prime, à ce
momenl-là, les traditions nationales.
En tout cas, la châsse de saint Moedhoc, conser-
vée au Musée de Dublin, que M. W.-H.-Grattan Flood
date du ix= siècle, et M. R.-B. Armstbong du xr",
représente un joueur de harpe dont l'instrument,
cette lois, est déjà d'un type très moderne et très
complet. Nous le retrouverons encore plus carac-
térisé dans la harpe de Brian, qui nous servira au
chapitre suivant de modèle-type.
Nous en aurons fini avec la préhistoire quand
nous aurons parlé des premiers bardes irlandais.
C'est une habitude prise de leur donner la harpe
comme attribut distinctif.
Il est vrai que Diodore de Sicile, se basant sur des
historiens encore plus anciens'-, mentionne, pour
l'Irlande, les bardes qui chantent « sur des instru-
ments semblables à des lyres ». A sa suite, l'habi-
tude a été prise d'associer régulièrement le bardisme
à la pratique musicale; M. Armstrong réagit là
contre '^ Selon lui, les diverses professions inlellec-
luelles ou artistiques, poètes, musiciens, historiens,
constituaient en Irlande autant d'orilres différents,
spécialisés, divisés à leur tour en catégories ou degrés.
On appelait bardes des gens capables d'improviser
des poèmes, mais sans la culture approfondie des
poètes professionnels : <( Un oi/am/t de poésie (poète
du premier degré) se serait cru aussi injurié d'être
appelé bnrde que le plus grand chirurgien actuel le
serait d'être nommé rebouteux, et l'appellation de
barde n'aurait pas moins indigné un ollamh de mu-
sique ou de harpe. » (Armstrong).
Parmi ces harpistes (pour autant que leur instru-
ment ail été la harpe et non le cruil), choisis dans
les familles les plus illustres, l'histoire a conservé le
nom deCRAFTiNÉ, silué par O'Ci'rry en 341 avant J. -G. ;
et voici comment un manuscrit ancien décrit les
neuf harpistes du roi Conaire Mor, tué l'an .33 avant
J.-G. : «Je vis neuf autres musiciens, avec neuf che-
velures bouclées, neuf vêtements bleu clair flottants
schriflen, etc., Munich, 1800, pi. xix, d'après le ms. lat. Bibl. Munich
.'iOOO (xiii'^ siècle). — C) Instruments rigoureusement quadrangulaires
apparentés à la harpe, en ce qu'ils n'ont ni le corps sonore pl.icé à la
base, coninic les lyn-s et cithares, ni la table d'harmonie parallèle aux
cordes du psaltérion, des cordes nombreuses, que les rtiains pincent
dans une position analogue à celle des mains des harpistes : Ms. Va-
liean rjr. 7.t:', fol. 148, in Tikkanen, op. cit., I (xi' siècle), G. Millet.
Peintures de ms. grecs du Mont At/ios, Paris, 1898, fig. 130 {xi« siè-
cle), BuNMNG. op. cit., p. 47 (d'après un ms. du xi» siècle).
10. Antiguilies of Ireland, Dublin, 18U3, p. 251.
11. W.-H. Graitan ?LO\m, op. cit., p. 32, Armstrong, o/). ci^,p.57.
12. Hécatée de Milet par exemple. Cf. Duidore de SrciLE, éd. Didot.
Millier, Fragmenta liist. grxcorum, III, 259; Athénée, IV, ch. xux ;
Ammieu Marcellin mentionne aussi (XV, 9) les bardes et leurs lyres.
13. Op. vif., pp. 8-10 (développe une opinion déjà exprintée par
O'CuHnv). On a tenté de légitimer l'association de la musique et de
la poésie chez les bardes en cherchant eu Orient des analogies. Pour
ce faire, on utilise la dissertation du ca|>itaine F. Wilford, An essai/
on tite sacred isles, in Asiatic researches, IX, 7G, dans laquelle il
dérive le mot barde d'une racine sanscrite Varia et établit un paral-
lèle entre les fonctions des Vardai hindous, poètes et musiciens, et
celles de leurs prétendus descendants.
TECIIXIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE 190'J
parés de neuf Inoches d'or. iNeuf anneaux de cristal
aux mains, un anneau d'or au pouce de chacun
d'eux. Des boucles d'oreilles d'or aux oreilles, un
collier d'arpent au cou de chacun d'eux. Neuf bou-
cliers aux blasons d'or au-dessus d'eux, pendus au
mur. iN'euf baguettes d'arf^ent dans leurs mains. Je
les connais, dit Kerrogain, ce sont les neuf harpistes
du roi, nommés Side et Dide, Dilothe et Deichkinni,
Caumul et Cellgiîn, Ol et Olene, et Olchoi'. " Telles
étaient, en ce temps, les splendeurs du métier de
musique.
Anglo-Saxons et Angleterre propre.
J'ai déjà cité la harpe anglo-saxonne, ci/thara an-
ylica, de haute époque, reproduite par Gerbeiit (cf.
plus liaut). C'est un bel instrument moulé de douze
cordes, avec un corps sonore percé de deux ouïes,
les chevilles indiquées, ainsi que, à l'endroit où s'at-
tache l'exlrémité inférieure des cordes, les petits
rentlemenls destinés à les protéger contre les frot-
tements, que les anciens Anglais nommaient shoes of
strings (souliers des cordes). Les caractéristiques de
ce type de harpe, comparées à celles des harpes
irlandaises, sont : la rectitude relative de la colonne,
à peine infléchie, sa minceur, le peu de volume de
l'instrumenl.
Telles sont les harpes du viii<^ ou du ix" siècle, re-
présentées dans le manuscrit du Musée britannique
Claudius B. IV-, ou au x' siècle dans le Junius \l de
la Bodleian library ', ou au xi" siècle dans le Tiberiiis
C. VI (fol. :îO, b) du Musée britannique.
Ainsi l'iconographie nous mène positivement jus-
qu'au viH'^ siècle. Les historiens remontent en deçà:
ils nous content l'histoire de Caednion, moine eu 680,
d'après Bède >, qui la relate au siècle suivant : « Par-
fois, dans les festins, on décidait pour se divertir que
chaque assistant, à tour de rôle, chanterait; lorsque
Caednion voyait s'ap|irocher la harpe, il se levait
brusquement et regagnait son logis; » ou encore l'é-
popée de Reowulfs, roi des Jutlandais au vi= siècle,
dans laquelle la harpe est souvent évoquée, ainsi
que dans bien d'autres textes anciens. Il faut, toute-
fois, se garder d'affirmations trop tranchées.
Le texte de Bede donne simplement cythara, et
c'est par analogie avec ce qui nous est connu des
mœurs anglaises quelques siècles plus tard, que
nous pouvons traduire harpe avec assez de vraisem-
blance. Pour le Beowuif et les autres poèmes anglo-
saxons, le mot hear/.an ne signifie rien de plus que
le germain liarpfen, ou le latin citharisare. Les mots
qui semblent désigner plus spécialement la harpe
sont gliijbeam'- (joy wood : bois qui cause de la joiel
etgomenuudu (wooden musical instrument : instru-
ment de musique fait en bois); rien, en somme, qui
puisse imposer une conviction absolue. M. F.-W.
Galpin" tient cependant pour l'antériorité des Anglo-
Saxons sur les Celtes d'Irlande. Mais il se base sur-
tout sur l'origine nordique de la harpe, qui, on le
1. O'CcnRv, III, U6.
2. Reproduite parj. Slrutt, Anijleta-re ancienne, trad. française. Il,
Paris, 1789. pi. xvir, fig. 3 (avec sept cordes au lieu de dou^e).
3. Oxford. Repr. par Galpis, op. cit., p. 11.
4. Hist. eccl.. IV, 24, éd. J.-B. Giles, 1848, 112.
5. Vers >fi6S, 2ll>!i,iîe3. de U/libliollick lier anrjdâc/i.ii.iche Poésie,
C.-VV.-M. Groin. R,.p. Wulker, Cassel, 1883 (la rédaction primitive
serait du vu" siècle).
6. Cf. F.-M. Padelfobd, 0!d eni/lisli musical lerms, Bonn, 1899,
pp. 77-80.
7. Op. cil., pp. 9-10.
verra plus loin, n'est rien moins que prouvée. Kt,
d'autre part, on sait que les missionnaires irlandais,
dès les ve et vi« siècles, circulaient à travers toute
l'Angleterre, fondant les monastères de Lindisfarne,
Ripon, Durham, Liclifield, etc.
Saint Mailduff passe pour avoir été un harpiste
de talent, comme son élève saint Aldhelm, i|ui lui
succéda en 675 comme abbé de MaildulTsburgh (Mal-
mesbury)*. Les Anglais curieux de belles-lettres et
d'art à la même époque gagnaient l'Irlande, » comme
une Mecque des études tant profanes que sacrées' »,
et M"° Horlense Panum a fait remarquer" que, de
bonne heure, la harpe en Irlande prend des formes
variées, tantôt grande, tantôt petite, tantôt très ar-
quée, tantôt moins; tandisque la harpe anglo-saxonne
reste légère, portative, de type uniforme : ce qui
indiquerait chez les Irlandais l'initiative du maître,
chez les Anglo-Sasons la timidité du disciple.
Pays de Galles.
Un troisième compétiteur. Le peuple Kimry, assez
proche parent des Celtes d'Irlande, mais fort diffé-
rent d'eux par les mœurs et la culture, et non moins
qu'eux particulariste, a également cultivé le jeu de
la harpe dans des temps anciens, que ses historiens
éprouvent, eux aussi, une grande fierté à reculer
jusqu'aux plus extrêmes limites.
J'ai déjà cité le champion produit par Edward Jo-
.NEs, Blegywhvdd, qui régnait SU 1 90 environ avant J .-C.
et jouait de la harpe mieux qu'homme du monde.
Sur lui et les autres héros mythiques, il s'en faut rap-
porter aux enthousiasmes de leurs biographes, car
la ressource des sculptures et des miniatures n'in-
tervient pas ici. La linguistique pas davantage. ÎTe
mot telyn", qui caractérise l'instrument en gallois,
n'apparaît que vers le x= siècle (en breton telen, en
dialecte de Gornouailles teleiii); l'origine en est con-
testée. M. E. David semble, avec Henri Martin, croire
ce mot de racine gaélique; Ledwich le dérive de
l'irlandais tendhloin (tcad : corde), VEnri/clopa'dia
brilannica déclare que la première syllabe, qui est
indubitablement « vieux gallois », avait une significa-
tion de tension. Pour Edward Jones, « l'antiquité du
mot telyn est singulièrement fortifiée par cette cir-
constance que la côte française oii se trouve Toulon
était anciennement appelée le promontoire des Githa-
rèdes, et la ville même Telo .Martius'^ » !
Des témoignages de plus de valeur" font remonter
au roi Cadwaladr, vu'' siècle, l'emploi artistique de
la harpe : dès celte époque, les Gallois subissaient, il
est vrai, l'influence irlandaise. A la fin du siècle pré-
cédent, le roi des Welsh, Roderic, avait reçu à sa
cour un jongleur irlandais, dont le talent de harpiste
l'avait charmé et qu'on avait comblé de présents '•, et
Caradoc de Lhancarvan, mort vers H47, un Gallois
cependant'', convient que les Welsh empruntaient
-S. W.-H. Gbatta> Flood, op. cit., p. 28.
9. Padelford, op. cit.. p. 6. Sur les missions irlandaises, cf. P. lo
Prieur, in André Michel, Histoire de l'Art, I, 190.'», p. 307.
10. Op. cit., p. 106.
11. Cf. Ernest David, Eludes historiques sur la poésie et la musique
ilans la Cainbrie, Paris, 1884, p. 130; — Encyclop.rdia brilannica,
art. Harp, par K. Schlesincer et A.-J. Hipkins; — K'Iv. Ledwich, op.
rtt., p. 253; — Edw. Jones, .Musical and poeticul relidcs of the
Il elsh bards, 2" éd., London, 1794. p. 113; — Fktis, Hist. mus., op.
cit., IV, 374 sqq. ; Mary L. Lekves, The lore of the weUh liarpe
{.Uusieal Times, juinoct. 1924).
12. Op. cil., p. 113.
13. Jbid., p. 26. et Hdw. LEDwrCH. op. cit., p. 251.
14. Armstrom^ op. cit., p. 10, d'apri-5 Bdntinc, coll. 1809, p. 13.
13. O'CDnBï, op. cit., III, 353.
ilMO
lENCYCIMPÈDlE DE LA MUSKJHE ET DICTIONNAIRE DU CONSEliVATOlRE
tous leurs airs de musique instnimenlale à l'Irlande.
Cependant, un témoi(,'nage nous est donné, tout à
fait probant, de 1 importance qu'avait, dès le s." siècle,
la harpe dans la vie publique et privée des Gallois.
C'est à cette époque que Howeil le Bon (Howell dda,
roi d'Aberfraw, dans la partie méridionale du pays de
Galles), qui régne de 907 à 948, donne h son peuple
un code nouveau '. Ayant reconnu l'insuffisance des
anciennes lois de M(ielmud(cinq cents ans avant J.-C),
il réunit, en 920, un conseil de cent soi.xante-dix éve-
ques et huit cent seize délégués laïques de tous les
cantons de Galles; ceux-ci élurent un collège restreint
de douze membres et un rapporteur, après avoir,
ainsi que le roi, jeûné et prié pendant quarante
jours. La compilation du code terminée, Howell s'en
fut à Rome le taire approuver par le pape Athanase.
Ces lois n.xaient, entre autres choses, le rang hié-
rarchique du barde du Palais, huitième officier de la
maison du roi, qui recevait de son souverain, après
l'élection, une harpe (telyn) et un échiquier d'ivoire,
et de la reine un anneau tl'or. Dans les banquets,
lors des grandes fêles, il prenait place auprès du ma-
jordome, qui seul avait le droit de lui présenter sa
harpe. « Aux noces du roi, ou d'un prince du sang,
il allait rendre ses devoirs à l'auguste fiancée... et
pendant le festin, il était obligé de découper adroite-
ment toutes les pièces de volailles que les maîtres
d'hùtel phnaient devant lui. Quelque étrange que
puisse sembler cette prescription, il parait qu'au
moyen âge elle faisait partie de l'éducation d'un
chevalier-. » H accompagnait le roi à la guerre et
choisissait son butin immédiatement après lui. La
harpe était instrument de gentilhomme. Seuls le roi
et les nobles avaient le droit de détenir une lelun et
d'en jouer. La tehjii d'un noble était insaisissable,
sous quelque prétexte que ce fflt : «Trois choses, disent
les lois de Howell, sont indispensables à un gentil-
homme ou baron, savoir : sa telyn, son manteau, et
son échiquier; » et ailleurs : « Trois choses sont néces-
saires à un noble : une épouse vertueuse, un coussin
sui'sa chaise, et une harpe bien accordée. »
Cette considération se maintiendra longtemps et
nous en retrouverons trace dans la nouvelle législa-
tion promulguée au .xi" siècle.
Éc
L'Ecosse revendique aussi, sous la plume de cer-
tains écrivains, le privilège d'avoir importé d'Orient,
à une époque reculée, la musique et les instru-
ments. John Gunn^ avait projeté de démontrer la
relation qui existait : 1° entre la harpe et les institu-
tions religieuses de l'ancienne Asie; 2° entre le faid
des Ecossais et le Prophète'' des anciens peuples
orientaux, lequel avait la harpe pour attribut. On
sait seulement de faron certaine que lorsque, en 80
av. J.-C, Agricola pénétra en Ecosse, une civilisa-
tion existait déjà avec des lois civiles et religieuses
assez poussées. Mais rien, musicalement, ne nous
esl parvenu de cette préhistoire.
Au cours du moyen âge, il semble avéré que les
Ecossais commencèrent par emprunter leur musi-
que, et plus particulièrement la harpe, à l'Irlande.
Giraldus Cambrensis le dit en propres termes au
xii" siècle ^ Cependant, pour ce qui esl des monu-
ments figurés, l'Ecosse ne tarde pas à nous présenter
des spécimens fort intéressants. La croix de Mgg,
dans le Rosshire (côte Est de l'Ecosse), que Dalyell
datait du vu' siècle et que l'on recule maintenant
jusque vers le is' ou x"', est d'une forme triangulaire
très nette, avec cinq cordes, un corps sonore qui va
s'évasanl vers le bas à l'exacte ressemblance de la
harpe égyplienue, colonne en plus''.
D'autres croix sculptées, comme celle de Dupplin
(Perthsire), ou celle de Monifieth (Eorfarl'', toutes
deux du x(« siècle, sont également triangulaires.
Celle d'Aldbar (Forfar) plus ancienne, s'il est vrai
qu'on la puisse dater du ix" siècle, comme le fait
M. Galpin, est légèrement tronquée, et rappelle celle
de Monasterboice. Les historiens non Irlandais ont
parfois tiré de ces similitudes la conviction que l'Ir-
lande avait imité les Ecossais, et la croix de Nigg se
trouvant sur la côte Est de l'Ecosse, qu« la Scandi-
navie avait été le premier modèle. Il ne semble pas
que l'on doive se ranger à cette opinion.
:\'or<l priniitir.
C'est que, malgré le parti pris surtout littéraire
qui atlrilme la harpe aux populations Scandinaves
primitives, les faits d'une pari, de l'autre l'examen
des textes, donnent des résultats tout différents. Les
premières harpes triangulaires que l'on trouve sculp-
tées dans le Nord sont, en Norvège, celle de l'église
dOpdal, du XIII» siècle (il esl vrai qu'on l'a parfois
datée du xi»), en Suède, celle qui ornait les fonts
baptismaux de l'église de Lockne, et qui est actuel-
lement au Musée .Nordique de Stockholm. Toutes
deux, représentées dans des scènes qui ont trait au
roi légendaire Gunnar, sont nettement inspirées de
l'Irlande".
Pourtant, des historiens de la valeur de Montelius'
font de la harpe 1 instrumenl pur excellence des
Vikings aux ix« etx= siècles. D'autres l'attribuent aux
Finnois'" : pour ces derniers, c'est confondre avec la
harpe l'instrument national finnois, le kântele, sorte
de petit psaltérion joué au plectre, tenu sur les ge-
noux, et presque toujours, dans la légende, attribué
au héros ^Vainamoïnen ".
A la vérité, la première mention d'un instrument
à cordes, d'ailleurs non précisé, nous est fournie
1. cf. G. Pc'ignot. Tableau de mœurs au dixième siècle ou la Cuur
et les Lois de Bowel le Bon, Paria, 183^; — W. Probert, The aitcient
Laies of Cambria, Lontloa, 1823; — Tlie Myvyrian arcltaioloiji/ of
Wales (pac Uwen Jones, Edw. Williams. Williiim 0«cn), 2" éd., i.on-
(lon, i87U; — ■ E. hwtu, op. cit., pp. (i4 sqi). — Lv lexle;i if'lé iloniiC',
traduit en latin, par M. Wotton, Leijcs Wallicx Hoelilioni, Londoii.
1730.
ï. E. tlAVin, op. cil., p. 67.
3. Prospectus d'une em^uilte sur la harpe, à la fin de An histofical
inquirif respectinfj the performance of the harp in the Highland.s of
Scotland. Edinburgh, 180". — Cf. encore J.-G. IUlyeli-, Musical mc-
moirs of Scotland, Edinhurgh et London, J849,cliap. viii; — i'.. .N.Uâc
Intyre NuiiTH, The boule of the Club of the true Highlanders. London,
1892; — D. ^wne. Musical Scotland, Paisloy, 1894; — F.-W. Galpjk,
op. cit., p. 305.
4. Hume Bro«n, Bisl. of Scotland, 1, Cambridge, 1902, p. 2.
5. Topoyraphia hibernioa. III, 11, éd. J.-F. Diinock, 1, Londres,
1867, p. 154 ; « N^otandum vero quod Scotia et Wallia, !i*c propaga-
lionis, iUa comnii^.Tlionis et affinitatis gratia, Hiberniam in modulis
a^niula imitari nituatur ilisi-iplina. "
6. Reproduite dans DalyclI. o}j. cit.. pi. xxxvn. fig. 1. Un moulage
au Musée Victoria and Albert, Londres, s.ille 40 A.
7. Hortense Pandm, op. cit., lig. 95.
8. Hortense Pamjm. op. cil., p. 95 cl iig. 1"2, 103. J'emprunterai
beaucoup, dans ce cbapitre, à cet excellent ouvrage.
9. Oscar iMontelius, Les temps préhistoriques en Suède,teiiâ. S. Rei-
nach, Pari?,1895.p.26S. — C/.aussi P.du Cliaillu, Cf. The Vikingage,
II. London, 18S9, p. 37i.
10. J. Cu-MUARiiiU, La .Mu.-iique et la Magie, 1909, p. 98, — l). Cûm-
PABETTi, Jl Kalewala. Rome, 1891, pp. 191-194.
11. H. Pa\u.«, op. cit., p. U5.
TECHNIQUE. ESTHETIQUE ET PEDAGOGIE
pour la Scan Jiiiavie, au x" siècle, par la relalioii d'un
auteur arabe, Ibn Fadhian, qui nous rapporte qu'un
chef suédois avait été enterré avec, dans sa tombe,
un instrumeul à cordes, des boissons eiiivranles, et
des fruits pour soutenir son àrae pendant le chemin
qui va au pays des morts. Le mol liarpe ne se pré-
sente que dans les Eddas au x° siècle, à propos du
héros Guniiar'.
Là encore, il ne signifie rien de précis. Harpe dési-
gne un instrumenta cordes pincées : les sculptures
qui représentent Gunnar lui attribuent, cinq fois sur
six, une lyre arrondie. J'ai déjà noté plusieurs fois
ce vague du vocabulaire. M'"^ Hortense Panum remar-
que fort justement que, au xvi« siècle encore, Sébas-
tian ViRDUNc. écrira (1511) : « Ce que l'un appelle
harpe, l'autre l'appelle lyre », et que Peder Syv,
dans ses proverbes (début du xvn'' siècle), donne le
nom de Harper à un joueur de violon-.
Lorsque le jeu de la harpe entre dans les mœurs
Scandinaves, il faut encore se garder d'une opinion
lancée sui'tout par les poètes allemands du xix= siècle,
voire des savants comme P.-E. Mliller et P. -A. Munch,
d'après qui la harpe était l'instrument des Skatdes^
ou bardes Scandinaves^.
M. FiN.M'R JôNssoN s'est attaché à démontrer que
c'est leur prêter abusivement les mœurs mêmes que
l'on attribuait, avec plus devérité, aux Anglo-Saxons.
Les plus anciens poèmes Scandinaves, les Eddun, ne
parlent jias de skaldes harpistes. La Volmpa, par
exemple, nous montre le pâtre Egther assis sur une
colline et jouant de la harpe : d'une part, il n'est pas
skalde; de l'autre, il n'accompagne pas un chant, mais
joue. Pour les skaldes, aucune mention dans leurs
poèmes avant le xn« siècle, et le seul skalde, Rogn-
VALDR Kali (mort en 1158) qui se targue de jouer de
la harpe et de savoir chanter, nous présente ces deux
talents comme différents et non complémentaires
l'un de l'autre.
Laharpe ''jouera, d'ailleurs, à dater de ce temps, un
rôle de plus en plus considérable dans les légendes
nordiques. Déjà Saxo Grammaticus, dans son Histoire
du Danemark», conte l'histoire du musicien qui, sous
Kric le Bon, se prétendit capable d'agir avec sa harpe
sur les sentiments des hommes. Le roi lui en ayant
demandé la preuve, le musicien fit mettre sous clef
toutes les armes; puis il commenta à jouer. 11 pro-
voqua alors dans l'auditoire une tristesse profonde,
puis une gaieté exubérante, enfin une fureur géné-
rale. Le ro lui-même, pris de démence, courut aux
armes et tua quatre hommes avant qu'on eût pu le
maîtriser.
Nous sommes ici assez près des trois Modes de la
musique irlandaise primitive. On trouverait d'autres
analogies en confrontant les Sagas des xii', xiii'',
XIV' siècles avec les légendes d'Irlande et du Pays
de Galles : harpes aux coffres géants, capables d'a-
1. Ibid., p. 113. Et FiNNoR ioKsson, iJas Hurfsnspiel des A'ordens in
der allen Zeit. Recueil /. M. G., 1908.
2. Ordspng, I, 373, cilé par H. Panum, p. 111.
3. Cf. FLN^LR JuNssuN, op . cit.y fit aussi E. (Je I^veleye, La Saga
des Niebehuigfn dans tes Eddas ^ Paris. 1860. pp. 271, 279, 311.
4. j'acliève ici. pour n'y point revenir, d'indiquer le rôle de la harpe
au moyen à^e dans les pays scaudina^es ; par la suite, son évolutiQP se
modèle sur celle des instruments de l'Europe occidentale.
5. Livre XII, cilé par F. Jùnssom (Saxo Grammaticus vécut entre
1140 et lillli).
G. VoUungasaga. : Heimer dissimule dans sa harpe la petite Aslog,
des vêtements précieus et de l'or. — Sacja de Herrod et Bosr : ici la
colonne de la harpe est si grande qu'au homme s'y tiendrait debout.
Bosc y cache les beaux gants brodés d'or qu'il mettra pour le festin
nuptial.
LA HARPE 1911
briterun enfantou une jeune fille", harpes quiémen-
vent ou irritent soit le cœur humain, soit les élé-
ments.
An XIV' siècle la harpe aura un répertoire. La Saga
de Herrod et de Bose nous a conservé les titres des
morceaux que Bose joue au festin nuptial de la sœur
du roi : Le Morceau de la géante Jaette, Moicetiu de
forfanterie. Chanson de UjarrandaV . C'est un réci-
tal véritable, avec, autant qu'on en peut juger, ce mé-
lange des styles qui est encore la loi du genre.
dicrniains.
Pour les motifs linguistiques déjà exposés, on a
longtemps cru que les anciens Germains connais-
saient la harpe avant les Bretons et la leur avaient
transmise. C'est une des interprétations du barbarus
harpade Venantius Fortunatus*. Du même Fortuna-
tus, F.-A.Gevaert cite d'autres vers, tirés du récit de
son voyage sur la Moselle'; la métaphore du poète
aerea tela lui semble désigner les cordes métalliques
de la harpe des riverains. Si les Mosellans possé-
daient cet instrument, rien d'impossible à ce que
les Irlandais le leur aient révélé : leurs missions
commençaient déjà à circuler à travers le continent,
et elles étaient particulièrement actives en Ger-
manie.
Il est certain que les Germains, de bonne heure,
avaient des instruments à cordes pincées. Procope'"
raconte que le roi des Vandales Gelimer (533), en-
fermé dans une forteresse des monts de Numidie, fit
demander à Bélisaire qui l'assiégeait, un pain pour
manger, une éponge pour laver ses yeux rongés à
force de larmes, et un instrument à cordes pour
accompagner un chant qu'il venait de composer.
Mais, se remémorant la confusion de vocabulaire
déjà signalée, on a de bonnes raisons de croire que
l'instrument en honneur chez les Germains pendant
le moyen âge est la cithare, ou rotta. On n'a trouvé
aucun dessin, aucune sculpture, aucun vestige de
harpe germanique". Tandis que la tombe d'un guer-
rier enterréà Lupfen, entre le vi" et le vu' siècle, ren-
fermait une cithare '- semblable au ciwifi gallois, que
l'on peut encore voir à Berlin, au Muséum fur Volker-
kunde. Si l'on rapproche cette trouvaille de celle
faite près de Oedenburg, en Hongrie, d'une urne"
(actuellement au Musée de Vienne) sur laquelle est
représenté un joueur de lyre, et que l'on date du
vin" au V» siècle avant l'ère chrétienne, on concevra
assez clairement la filiation de la cylhara teulonica
de Gerbert, — remontant par tous ces chaînons vers
la Thrace et l'Asie Mineure, où la cithare avait tou-
jours été en grande faveur.
7. H. Panum, op. cit., p. llii.
8. Celle de Fétis en particulier. Hist. mus., IV, lS74.p. 387. Voir
aussi Oskar Fleischer, Die Musikinstrumente des Attertunis... in ijer-
maiiisctten LUndern in Herm. Paul, Grundriss der germ. Piiitoto-
gie, 111. 1900.
9. La yf'Hopée antique, Gaud, 1S95, p. 415, note 5 :
Vooibus exi'ussi* pulsahiiDt orçana montes,
Red<U'l)antque suos pon<lula saxa tropos.
Luxabat placida mox aerea tela sa.^urro^.
Ke<pnn«lil cannis rursus ab alpe friilex...
10. De Delto Vamt., u, 6. Cilé par H. Pusoi, vp. cit.. p. 111.
11. Car l'attribution de la curieuse plaque de reliure du Louvre
(ivoire, A. G. iOu3. fin ix" ou début x" siècle) n'est p.is certaine. Un
joueur de petite harpe triangulaire y est représenté avec exaclitude-
mais tandis que M. E. Molinier, qui l'a publiée (Ga-e^/e arctiéol. 1884
p. 33 et pi. VI), la tient pour allemande, d'autres, dont Pierre Aubrv,
hésitent entre .\llemagne et Italie.
12. H. PiNUM, Bg. 76 et p. 83.
13. Jbid., ùg. 75 et p. 81.
1912
EXCrCLOPÉniE de la musique et DICTIOXXAlnE DU CO.VSERVATOIHE
Lorsque, vei s l'an 7b8, l'ai-chevèquedi'Caiileibury,
Culhbeit, demande à Lulltis, évê(]ue de Mayeiice,
de lui envoyer un cytharista capable de jouer de la
citliare appelée rolta^, il nous fournit un nouveau
témoignage de la pratique déjà courante de la votta
en pays germanique, tandis que les Iles -Britan-
niques n'en ont encore qu'une idée vague.
Gaule. — FraïK'e priuiitive.
On ne sait rien de précis de la musii|ue à l'époque
gauloise : les phrases bien connues de Uiodore de
Sicile- sur les bardes accompagnant leurs louanges
ou leurs Imprécations avec des instruments sembla-
bles aux lyres, celles d'AiiMiEN llARcrLLiN, qui tient
au IV'' siècle des propos analogues, sontà peu près
inutilisables pour notre objet. L'iconographie, qui
va prendre chez nous, au cours du moyen âge, un
si magnifique développement, est, jusqu'au xi" siècle,
d'une rare indigence. La Bible de Cliailes le Chauve
(880)3 représente un instrument stylisé qui peut être
une harpe trigone, semblable à celle du psautier de
Notker Labeo iSaint-Gall, x' siècle). Quant aux
petites harpes du psautier d'Utrecht, qui sont, à ce
que l'on croit, l'œuvre d'un arlisie de l'Kcoie de
Heims vei's le ix= siècle, on ne peut dire si leui- forme
correspond à une réalité contemporaine ou à une
simple réminiscence alexandrine. Le bassin émaillé,
trouvé près de Soissons et conservé au Cabinel des
Médailles*, que les archéologues ont longtemps dalé
du viu'= siècle, est du xiii'' pour le moins : ainsi, la
petite harpe qui y est figurée perd toute signification.
Quelques sculptures sur des chapiteaux des églises
du centre de la France (Verneuil^Nièvre", Sainle-Marie-
des-Dames, Sainles'', etc.), quelques enluminures,
comme celles du psautier carolingien de la Biblio-
thèque de Boulogne-sur-Mer, ou la petite harpe trian-
gulaire à neuf cordes d'un psautier latin du xi= siè-
cle, d'origine peut-être catalane^ constituent à peu
près l'essentiel de ce que l'on possède antérieure-
ment au milieu du xu"^ siècle.
C'est vers celte extrême limite qu'apparaît, dans
toute sa clarlé, la petite harpe française du moyen
âge, sculptée sur le chapiteau de l'église Sainl-
Georges-de-Bocherville , en Normandie : dans un
groupe de douze musiciens et jongleurs, le dixième
personnage assis tient de la main gauche une petile
harpe qu'il accorde de la droite avec une clef; l'ins-
trument a moins de di.v cordes (l'imperfection delà
sculpture rend illusoire un décompte plus pi'écis),
il présente le dessin général de la cylhara anglira de
Gerbert, avec le corps sonore beaucoup plus déve-
loppé qui caractérise à ses débuts la harpe irlan-
daise.
1. " Delei-tat nie quofjue cyLharist.im liabere qui possit cytharisuro
in cytliar.i quam nos appellatiuis Kotla' {sic), quia cytharatn liabco et
artiflci>m non liabeo. » lu Aligne, Patrol. lai., t. XCVI, col. S39.
2. DiurjoUE DE Sicile, \', 31. — Ammien MARCEr.LiN, XV, 25.
3. Offerte en 850 k Cliur'les le Chauve par le coinle Vivien, abbé de
Saint-Marlin de Tours. Elle est reproduite dans A. de fiastard, Pein-
tures el ornemenls de his.s, VIII, pi. ci.xvi; H. I.avdix, La Afttsigue
dans l'Ymagerie du moyen âge, Paris, lS7o, pi. i.
4. Vitrine VULn-SS. €/■. L'Evesquc de la RnyMihre, Poésies du Jtoy
de Navarre, 1, Paris, 1882, p.251. — Ch. Burnev, Hist. mus., 11, 17 82,
p. 264 et pi. 11. 3.
5. Reproduite dans Musée de Scu'plure comparée du Trocadéro,
AUi. grand in-fol. s. d.. pi. xi.
ti. Bibl. nat. Ms.lal. 11550, fol. 7 verso (fin xi» début xii» siècle).
7. Reproduite dans A. Deville. Essai historique... sur l'éijlise et
l'abbaye de Bocherville, Uouen, 1827, pi. m 6j5, fig.2. — Bottée deTuiii.-
MOS, Instructions du Comité historique des arts et monuments, &\Ti\
1839, pl.vi. — C. de CoussEUAKEB, .\Iém. sur Bucbald, 1841, pi. m, 8.
Gomme partout ailleurs, il est fort probable que
la harpe a été en usage bien avant qu'on en donnât
des représentalions convenables. Ce qui nous est dit
des bardes bretons et gaulois des premiers siècles,
les définitions d'Kucherius qui résidait à Lyon, ou
de Cassiodore, évêque de Poitiers, nous fournissent
un faisceau de présomptions : l'ambiguïté ajthara-
/iar//a nous interdit de les transformer en preuves.
Mais, lorsqu'une charte, donnée à Nantes en 1079,
nomme Cadiov, citharhia' du duc Ilael de Bretagne,
nous sommes à peu près sûrs qu'il s'agit là d'un
harpiste. Au siècle suivant, Raoul de Cambrai le pré-
cise : i< Harpent bretons et viellent .jougler'-". »
On peut sans témérité admeltie que, si la harpe
avait laissé chez les érudils, les gens d'église, un
souvenir en quelque soite tradilioiniel, son usage est
ranimé par les missionnaires irlandais, qui le Irans-
metlent aux Bretons du continent, d'où il se répand à
traversla France et l'Europe occidentale. M. Edouard
FARALcite au x' siècle, dans VEcbasis Captivi'", l'épi-
sode du hérisson qui prend la cithiirc pour chanter
les triomphes de Home. Dans ce cas, on peut traduire
à peu près à coup siM', tant sera fréquente pendant
tout le moyen âge l'évocation, par les imagiers et
sculpteurs, d'animaux jouant de la harpe.
MOYEN AGE (llOO A 1450)
Irlande.
Dès le début de celte période", les Irlandais possè-
dent deux sortes de harpes, de formats dilTérents :
l'une très petite, à l'usage des missionnaires reli-
gieux; la grande, à l'usage des harpistes de métier.
M. li.-B. Armstrong détermine de la façon suivante
les caractéristiques de la grande harpe : le corps
sonore (fco.t' ou tnmk) est invariablement creusé dans
un morceau de bois massif; à l'origine, la table
d'harmonie est plate, par la suite elle sera légè-
rement lenHée le long de la ligne médiane, à l'en-
droit où s'insèrent les cordes, protégées des frolte-
— Abbé Cocbel, Catal. du Musée d'antiquité-; de Rouen, Kouon, 1808,
p. 58.
S. I.a Bordcrie, Hist. de Brctayne, 111, p. 29.
9. Kd. Farai.. Les Jongleurs en France au moyen dge, Paris. 1910,
p. 283. Cf. aussi, ib. 100 (Merlin).
10. Ed.pARAt,, in J. Bédieret V. lla/ard, [list. Utt.,op. cit , l.p. 29.
11. Bibliographie. — B. de Roquoforl-Flaméricourl, De
l'État lie la pucsie [runçiiise dans les dou:ièiiie el treizième siécle.<!,
Paris, 1816, pp. 112-110. — F. Perne, Sur les instruments de
musique au moyen tige [Rei'. mus., Fëtis, II, pp. 457-481). —
Bottée de Toclmon, op. cit. ot Dissertation siir les iiislrunienls de
mnsiiiue an moyen âge {Mém. Société roij. des antiquaires de France,
lS3S-IS4i'. — C. bE ConssEMAKEE, Essai sur les instruments de
musique [Annales urchéol. de Didron, I. III). — H. von Hetbebg,
'iur Gesch. der ilusikiiistr. [Anzeiger fur Kundc der drutsclieu Vorzeit,
Nurnberg, 1S60. — A.-W. Ambbcs, Ceseh. der Musik, II, Ureslau,
1864, liv. I, ch. l'r. — Anloiiy Méray, La Vie au temps des Irou-
vcres, Paris, 1873, pi>. 159 sqq. — J. Bowi.e, HemarliK an some
ancient in^tr. menlioned in tlie linman de la Rose [Archxoloyia, Lon-
dres, VII, 214). — H. Lavoix, La Musique dans l'Ymagerie in
moyen âge, op. cit. — E. d'Adriac, La Corporation des ménétriers,
Paris, 1880. — H. I.AVoix, La Musique au temps de saint Louis,
in Gaston Ravnadd, Recueil dt Motels français des douzième et trei-
zième siècles, II, Paris, 1881. — A. -M. Schi.etterer, Ilie Altnen
moderuen MusiUinslrumenle [Summluug mus. Vortrage , P. Graf
Waldersee, 4«série, 1882), el Gesch. der Spielmannszunft in Vran-
kreich, Berlin, 1884. — O. Fleischer, Die Musikinslr. des Aller-
lums nnd Mittelulters (Hermann Paul's Grundriss der germ. Philo-
logie, III, 567 sqq.). — H. Leichtentritt, Was lehren uns die
Rildwerke... [Sammelh. I. M. G., VII, p. 315).
TECilNKjUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE 1913
ments par les petites pièces métalliques appelées :
souliers des cordes (shors of strinns). A la base du
corps sonore est une sorte de talon de bois destiné
à en supporter le poids et à le f,'arantir des cliocs;
deux ouïes sont percées dans la table, vers la gauche
par rapport au liarpisle jouant'.
La colonne est garnie de bandes de cuivre ou d'ar-
gent qui la renforcent et l'ornent à la fois. Il arrive
que la tension des cordes la dévie vers la gauche : on
rajoute, en ce cas, de nouvelles bandes de métal.
La console est robuste, présente souvent une sec-
tion en forme de T; on la surélèvera au nvii^ siècle,
et on la raccordera à la console par une couibe
beaucoup plus hai-die.
Les chevilles sont en métal, en bronze la plupart
du temps, presque loujours ciselées et ornées; elles
traversent la console de droite à gauche et sont per-
cées à gauche. Pas de sillets pour mettre rigoureu-
sement les cordes sur un plan.
Les cordes sont métalliques. « Ils se servent de
cordes d'airain et non de cuivre, » dit (iiraldus Gam-
brensis au xii° siècle % parfois même d'argent, d'a-
près un poème de la même époque allégué par
O'ClRUY.
Seuls, les harpistes de second ordre usaient de
cordes de cuir {leathcr thoixjs^].
Le raffinement de la construction était extrême.
L'n artiste dessinait la forme de l'instrument, un me-
nuisier la découpait, un orfèvre fournissait les orne-
ments d'or, un décorateur achevait d'embellir le
tout. Un spécimen mngnilique a été conservé et resie
FiG. 974. — Harpe de Brian.
exposé au Musée' de Dublin, sous le nom de Brian
Boru's harp; ou a, en ellet, longtemps supposé
1. li.'B. AiiMSTFiuN.;, 0/1. cit., pi). 27-îi9.
2. Topographitt Inbernicii, éd. Biraock, V, p. 154.
3. Vallancey, Collectanen de rébus hibernicis, II, 235.
qu'elle avait appai'tenu au roi Brian lîoriimha, tué en
lOU à la bataille de Clontarf. 11 semble établi que
cette harpe, dont les vicissitudes sont excellemment
racontées dans l'ouvrage de M. W.-H. (Irattan
Flood'', date de 1220 environ, et fut envoyée d'Ir-
lande en Ecosse par le roi de Thoniond, comme ran-
çon de son barde, détenu en captivité.
Klle a :iO cordes; elle mesure environ 72 centi-
mètres de haut; le corps sonore est fait de saule
rouge, la colonne de chêne. La console est recouverte
presque entièrement d'argent ciselé. Un cristal taillé
y est enchâssé dans de l'argent; une autre pierre,
enchâssée de même jadis, a disparu. La console se
termine par une bosse blindée d'argent, destinée à
la protéger en l'ornant. Les trous de la table d'har-
monie, par lesquels sortent les cordes, sont entou-
rés de ligures de lions (ou d'ours). Les ouJes sont
également ornementées.
On jouait la harpe irlandaise, selon son formai,
maintenue sur les genoux, ou posée à terre; le corps
sonore appuyé contre la poitrine, face à l'épaule
gauche; les cordes étaient pincées entre l'ongle et
la chair-', méthode graduellement abandonnée à par-
tir du xvi= siècle environ. Lynch, décrivant les har-
pistes du xvn= siècle, écrit : «Les joueurs les plus
accomplis pincent les cordes avec l'extrémité du
doigt, non avec leur ongle, au contraire de l'habitude
commune en Irlande. Cette coutume est aujourd'hui,
sinon tout à fait bannie, du moins adoptée seulement
par les plus grossiers exécutants, dans leur désir de
tirer des sons plus puissants et de faire résonner
toute la maison avec leurs mélodies". » Lors du
meeting fameux tenu à Belfast en 1792, le célèbre
Denis Hempso.n jouait encore ainsi avec ses ongles,
seul de tous les concurrents.
La harpe irlandaise s'accordait selon un procédé
décrit par Bu.ming [op. cit., p. 23), en utilisant succes-
sivement unisson, quinte, octave, ainsi de proche
en proche. L'échelle de la harpe à vingt cordes s'é-
tendait de Vut deuxième ligne supplémentaire au-
dessous de la portée en clef de fn, au ri- deuxième
ligne au-dessus, clef de soi; elle était, en général,
accordée en sol majeur; le premier fa dans le grave
manquait.
La chronologie assignée par Biinting aux pièces
qu'il reproduit est sujette à caution. On peut cepen-
dant admettre que, de longue date, la mélodie irlan-
daise présentait les caractères qu'il lui assigne : deux
sortes d'airs, les uns avec omission systématique de
la quarte et de la septième, les autres qui possèdent
ces deux degrés. On a tiré argument de la première
espèce pour émettre l'idée que la harpe aurait été
construite tardivement, à l'imitation d'un instru-
ment défectif comme le bagpipe. Ces omissions, d'a-
près Bunting', ne sont pas caractéristiques. Ce qui
l'est, c'est le rôle important joué par l'inlervalle de
sixte majeure qui se rencontre dans toute musique
irlandaise ancienne. Voici, tiré de son recueil de 1840
(p. 89), un prélude intitulé : Feaghan Geleash, ou
Vois si elie est accordce.
i. Op. cit.. Pli. ;i0-48 et tig. 15. Nombreuses descriptions de cette
harpe, dans Ledwich, op. cit., p. 233 et pi. xxiv; Bi.ntinc. p. 40 et
pi. x\xvii, XI., xi.i!i; O'CunuY, III; R. B. AuMSTiio.xt., I, p. 55 et pi. i à
Mi ; Galpin, up. cit., pi. IV, Procecdiitgs of thc Society ofaittii^uaries
of Srolland, 1880-81, p. 23; Xcitschrift dir /. M. O., 1903-1904,
p. 24S.
6. Jolin GooD (1506;. CtLiLl^K (I581|, SrANVHonsT (1584), cités par
.\llMSTHONG, I, 36.
6. AltMSTItONG, I, 36.
7. Op. cit., pp. 13 sqq.
1914 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
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L'authenticité de ces textes est peul-ètre assurée :
leur purelé l'est moins: l'enseiijuement des tiarpistes
était transmis dans le plus grand secret, confié seu-
lement à la mémoire. On n'acommenoé que tardive-
ment à recueillir les œuvres traditionnelles.
GiraldusGambrensis a prôné 1res haut l'art des har-
pistes irlandais de son temps (xni'-" siècle), louant la
vivacité — qui n'excluait pas la douceur — de leur
jeu, comparé à la lourde et triste musique des autres
instruments britanniques; et, dans la plus grande
vitesse, l'égalité de la mesure, la pureté de la mélo-
die à travers toutes les modulations et les accords
les plus complexes, le dosage adroit des diverses
sonorités, un art dont le summum semblait être de
se dissimuler '.
La harpe, dès ce moment, joue dans la vie sociale
irlandaise un rôle important; on en trouvera de
nomhreux traits dans l'ouvra^'e de M. \V.-H. Grat-
TAN Flood-. Je noterai seulement, d'après lui, que
l'introduction de la harpe dans les armoiries et sur
1. Op. cit., III, 1>1, éd. Dimock. t. V, p. 133-1.54 : « Non enim in
his, sicut in britannicis quibus assueti sumus iustrumentis, tarda et
moro^a est moLlulatio, vei-uni velox et pra^ceps, saavis taraen etjocunda
sonoritas. .Mirum quod, in taiita tam pripcipiti digitorum jrapaeitatc
musica servatur proitorlio; etarte per oninia iûdenini, iuter crispatus
niodulos, organa:iue multipli.iter intricata, tam suavi velocitale, tani
dispari paritate. tara disoonli concordia coosona redditur et comple-
lur raelodia... Tam subtiliter niodulos intraiit et eseunt; sicque, snb
obtuso grossioris cburdx- soiiilu, graciliuni tinnitus iicontius ludunt,
lateutius délectant, lascivius dcmulcent, ut parsartis maxima videatur
arteni velare, tamquam ; « Si lateat, prosit; ferat ara depre*sa pudo-
rem (Ovide). »
-. Op. cit., pp. 52 sqq.
les monnaies irlandaises ne date pas, comme on l'a
souvent dit, du règne de Henri Vlil, mais bien des
rois Jean et Edouard I'''', an xiii* siècle. La harpe
avait d'abord tiguré dans le blason particulier de la
province de' Leinsler.
Deux lies noms les plus illustres de cette période
sont ceux de Maelrooniîv O'Carroll, chef des har-
pistes irlandais, tué le 10 juin 13i9 à la bataille de
Bragganstown, et de Carrol O'Daly, mort en 1403,
l'auteur de l'air célèbre : Eibhlin a Riiin, composé
pour la jeune fille qu'il enleva, Eileen Kavanagh.
Pays de Galles. — .\uglelerre. — Ecosse.
La lelyn du pays de Galles ressemble assez à la
harpe irlandaise. La principale dilTérence est dans
les dimensions beaucoup plus grandes de la colonne,
qui donnent à l'instrument un aspect plus élancé.
Les représentations anciennes de la teli/ii nous mon-
trent le dos de son corps sonore percé de quatre
ouïes rectangulaires, qui l'ouvrent sur presque toute
sa largeur; elles étaient évidemment closes par des
couvercles, ou tendues de cuir, car une harpe ou-
verte ainsi n'aurait pas eu de son.
L'une des plus ancienjies qui subsistent est celle du
Musée de Dublin. Elle remonte à peine au xvii" siècle,
mais sa ressemblance avec la harpe de la croix de
.Nigg donne à croire qu'elle correspond bien au type
primitifs. Cette harpe n'est pas équilibrée de façon à
Cf. H. r.^KUM, op. Cit., p.
TECHNIQI'E, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE 1915
THster lieiioiit; elle devait être posée contre un mur,
on suspendue par une cheville, d'où l'usure de son
pilier (AnusTRONc). Les Leges WalHca' ' nous ap-
prennent déjà que les lehjn des harpistes de basse
classe étaient montées de crin; quand l'un d'eux,
pour devenir un musicien plus achevé, éohangeail sa
l-li/n contre une harpe à cordes de métal, il payait
une redevance de vinj^t-quatre pence au maître
joueur.
La harpe galloise ancienne avait de douze à dix-
sept cordes sur un rang, accordées diatoniquenient.
Plus tard, au xvii'= siècle, elle en possédera trois
rangs; mais l'hypothèse formulée par Edward Jones'
que cette innovation daterait du xiv siècle, ne repose
sur rien.
Quelle musique exécutait cette harpe ? Les ré-
ponses données sont extrêmement variables. On a
publié à Londres, de 1801 à 1807, sous le titre de Mi/-
ri/riiin Archidolugij of Wiiles\ un curieux manuscrit
du British Muséum (add. 14905) intitulé : « Musica
neu Beioriacth... la musique des Bretons (elle que la
régla un congrès ou assemblée des maîtres de musique,
par ordre de GrylTydd ap Cynan, prince de Galles,
vei-s l'an 1100. » Ce manuscrit renferme de la mu-
sique galloise ancienne, transcrite sous le règne
de Charles l", vers 1630, d'après un original exécuté
un siècle auparavant par le harpiste William Pen-
LÏNN*.
La forme de la transcription est étrange : c'est une
tablature sans les traits horizontaux qui caractéri-
sent les tablatures de luth et de viole, et avec une
séméiographie également particulière. On ne peut
ici en reprendre l'examen détaillé, qui a été fait par
M. Ernest David {loco cit.). Bien que Burney ne soit
pas parvenu à la lire d'une façon satisfaisante, et que
les transcriptions faites, dit-on, par le violoniste
français Bartheleuon^, aient disparudans un incen-
die en ISffO, il est certain que c'est là un système
inspiré des tablatures d'orgue ou de luth de l'époque
de la Renaissance, et non une séméiographie anti-
que comme le veut John Pahry^ ni même datant du
vi" siècle, comme le prétend John Thomas".
L'antiquité du contenu, transmis, par conséquent,
par tradition non écrite, jusqu'aux xv«, xvi« siècles
environ, est variable et presque toujours incertaine.
Quelques fragments peuvent avoir un passé fort
lointain; ceux, en particulier, qui indiquent les vingt-
quatre mesures, dont nous donnons ici un extrait.
Ces vingt-quatre mesures, dont chacune comporte
vingt-quatre variations, se distinguaient par la po-
sition différente des accords, les variations portant
sur la rythmique; ainsi, chaque harpiste, qui était
tenu de les posséder à fond, avait a. sa disposition
une abondance considérable de clichés techniques
et — si l'on peut ainsi parler^ harmoniques :
Z Mac y Mwn Byr
3 Mac y Belgi
IHHh^
ijJiJjJji
JJjJjJ -
p
t* 4^^ s
SE
Copfi
H^ Lopiiniwr
tjJJijJj
^ i * $
Pour les airs, il en va autrement.
John Thomas a donné, dans la deuxième édition
de la Mi/rijrian Arcliaiology\ une transcription du
prélude du Gosteg yr Halen qu'il date du vi" siècle.
On pourra juger ici de son parfum archaïque. Mais,
comme John Thomas ne donne aucune raison appré-
ciable, que d'autres exemples sont bien faits pour
inciter à la prudence', on se gardera d'accepter sans
réserves celte chronologie toute sentimentale.
Co&teg yr Halen.
1. Voypz plus haut, |i. 1911J.
,.,■■, •*'"«":«' <ind i.oiliral Helicks nflhe Wetsh bards. éd. 1794, p. tO»
(il s appuie sur un IcUe extrémenienl obscur du barde Sios Eos).
3. J)u nom de Mvvyr, nom gallois dOwen Jones, Tedileur principal
La .Vijvyriam Arcli. :i élé rééditée en un seul lolume, en ISTOi'Lon-
dresj.avec un chapitre additionnel par John Thomas.
4. .Sur ce ms. et ses transcriptions cf. E. David, op. cil., chap. IX.
5. E. Davjd, op. cit., p. 139.
ti. T/ie Wefsh Barper, Londres, 1839.
T. .Myvyrian Arch. (1870), p. Ii38.
S. P. 1119.
'J. l'ir exemple, les Gallois (Davf.v, Bisl. of enqlish music, 1895,
p. S, attribuent à l'air Mona Ruddlan une antiquité à peu près aussi
haute que celle de la bataille de UhuJdIan, en 7^15. OrM. \V.-[1. GniT-
TAN Fr.oOD y voit une simple adaptation, par Moore, d'un air irlandais
du xvii* siècle (p. 34),
une ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
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'J[Ce que l'on sait avec cerlilude, c'csl la prédilection
des (iallois pour leur Iclijn. Elle apparaît dans le
soin que prend, vers HOO, le roi Grytfvdd ap Cynan'
de donner de nouvelles lois à la musique de son
pays. Irlandais par sa mère, élevé en Iilande après
que son père eut été dépossédé du royaume de
Galles par un usurpateur, il réorganise à son retour
les assemblées de poésie et de musique, appelées
ehleddfodau (singulier : eisteddfod), dont la cou-
tume remontait au moins au vi" siècle. Il préside en
HOil Veisti'ddjod de Caerwys, et c'est là qu'il ari-èle
le canon des vingt-quatre mesures, règle la hiérar-
chie des bardes, et le détail de leurs attributions.
Trois classes de bardes : poètes, hérauts, musiciens.
Parmi les musiciens, trois classes : première, les
harpistes ; deuxième, les joueurs de crirth; Iroi-
sième, les chanteurs.
Veistpddfod devait être triennal -, aiuioncé un an et
un jour à l'avance, à des jours de fête déterminés;
réunir des candidats sévèrement sélectionnés et
jugés par des maîtres éprouvés. Les aspirants bardes
n'arrivaient au degré suprême de leur hiérarchie,
n'étaient nommés pencenld (docteur) qu'après trois
cycles de trois ans, précédés d'un noviciat de trois
ans. Le pemerdd qui, lors de VeUteddfod, remportait
le prix du concours, était nommé chef-barde el avait
droit à un siège d'honneur et à une chaîne d'or.
Chaque barde avait des revenus, terres, émoluments,
1. Cf. E. Davjd, op. cil., p. 7i, et surtout Euw. Jù.nes, op. cil.,
pp. 28-34.
2. Sur lu proiiilection des Gallois pour le cliifl're 3, cf. Kdw. Junrs,
p. 103.
lors des cérémonies publiques, et tournccs de Ch'ra
(triennales, suivant chaque eisteddfo'l, selon un cir-
cuit déterminé à l'avance).
Gryll'ydd avait, dit-on, pris conseil des harpistes
irlandais qu'il avait pu apprécier sur place. L'amour-
piopre gallois a parfois tenté de le nier' : c'est aller
contre le témoignage de Gerald Rarry (Giraldus
Cambrensis)^, que sa naissance galloise, l'époque à
laquelle il vivait (G. H47-122.T), ses voyages et sa
culture rendent particulièrement plausible. Or, il
écrit dans sa Topogrnphia Ilibeinica (lU, n) : u II faut
noter que l'b'cosse et le Pays de Galles, l'une à cause
de sa parenté, l'autre grâce à des relations commu-
nes et à l'affinité de goûts, rivalisent d'émulation
dans l'imitation de la musique irlandaise. »
Il rend d'ailleurs justice à l'art des harpisles gal-
lois en leur appliquant les termes exacts {mintm,
quod, etc.) qu'il avait employés pour évoquer l'art
des Irlandais ".
Quant à la place que tient la harpe dans la vie
privée des Gallois, il en donne un aperçu fort sug-
:i. Par exetiiple Tlioma'? Sicphons {The Litteralurc of the Kymry,
2" éd., Londres, 1870, p. Cil s'eirorcc de limiter l'intluenre de Gryffyd
à snn entourii^e jiersonnel ; il n'aur.iit eu (ju'une faible action sur la
musique galloise lelle qu'elle préexistait à son arrivée, déjà solide et
organisée.
4. A son sujet cf. A. Joly, Etudes aiifito-jwnnandes, Gh^ald le Gal-
lois. 2 vol., Cacn, 1888-1891: Henry bwen, Oerald the Wetshman,
Londres, 1004; lid.-W. Llewclyn Williams, introduction .i The Jtine-
riiri/ of Wales, Londres, li)08. Textes dans la Roirs édition : Topo-
grnpltia Hibernica, V, 1807, cl Dcscri/iliii Kiimbrias, VI, 1808 (J.-F.
Dirnock).
5. Descript. Knmliri3\ I, 12(nimocl>, VI, 180).
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
gestif lorsqu'il écrit' ; «Les voyageurs qui arrivent
chez eux dans la matinée sont récréés jusqu'au soir
parla conversalion des Jeunes femmes et les sons
de la liarpe. Car il y a dans chaque maison, à cet
effet, des jeunes filles et des harpes. D'où l'on peut
conelure deux choses : que la jalousie est aussi peu
développée en Galles qu'elle est excessive en Irlande;
et que tous les hommes, dans chaque tribu ou fa-
mille, mettent au-dessus de toute science l'habileté
au jeu de la harpe. « L'usage d'avoir dans chaque
maison des harpistes domestiques survivra jusqu'au
XIX' siècle dans la haute société galloise-.
Pour la pratique de l'instrumenl, on aura une
idée de sa constante faveur en consultant les copieu-
ses listes de harpistes que donne Edward Jones dans
son recueiP, fort intéressant au point de vue biogra-
phique, sinon d'une chroiiologie toujours certaine.
A la cour des rois d'Angleterre, les harpistes sont,
dès le xii" siècle, mentionnés à chaque instant. Je
n'en reproduirai pas la liste, qui exigerait des pag-es.
Je signalerai seulement le harpiste de Richard I"',
BloiNDEL de Nesle (G. il50-C. 1200), un Français,
comme il s'en trouvera plusieurs en 1306, lorsque
Edouard l»' tiendra une cour plénière : à celte occa-
sion sont nommés Guillaume le Harpolr, qui est avec
le patriarche Anthony Beck, Gillot le Harpouh, Huge-
THUN le Harpoud, Michahd le Harpour, qui est avec le
comte de Gloucestie, Matheu le Harpour, William de
Gry.mesar's le Harpour, Adinet le Hahpour'. La plu-
part de ces noms indiquent une origine française,
tandis que l'on verra en France les harpistes anglais
en particulière faveur-'.
Ecosse.
Une harpe sculptée sur un monument du xiv= siè-
cle à Kiels*" est à l'exacte ressemblance de l'instru-
ment irlandais dit Brian's harp. C'est aussi le cas des
deux magniliques harpes écossaises, actuellement
existantes, connues sous le nom de Queen'a Mairy's
harp et Laniont harp.
La premiéie^ antérieure auxv siècle, a appartenu
à Marie de Lorraine, mère de Marie reine d'Ecosse.
Elle est aujourd'hui au musée d'Edimbourg. Ses di-
mensions sont à peu près celles de la Brian's harp.
Elle était montée de vingt-neufcordesencuivre jaune
que l'on faisait résonner avec les ongles*. L'accord
LA HARPE 1(117
1. lbi,l., 10 IVI, lS3j.
2. John Rhys et D. Brynmor Joncs. The Wehhpcople, Londres, 1906,
p. SU.
3. Op. cit.. pp. 48-40.
4. Beriah BoUtieUl, Munner.s and Household expen.^es of Enijland
inthe thirieentlt and fïftecnth centuries, LonJres, ISil, p- Hl. D'au-
tres listes de harpistes en Angleterre, in W.-U. Giivttas Fi.oui., op.
cit., passim, et The engtish Cliapel Royal lunlev Henri/ V (Sammelb.
I. .1/. G. 190'.'), .Musical entries in the english patent lîolls iMusicai
&ntiquar}j,]a\'i 1913, p. 226 sqq.). — J.-G. DxLVELf., .1/usicaï memoirs
ofScotland, Edinburgh, 1819, chap. VllI.
5. Ed. Faral, op. cit., [). 314, scène de noces dans La Pri.^f de
CorJres (milieu xiu^ siècle/ :
De la grant joie que il voient entr'ox,
Tubent ces gualLes, chantent cil jngleor,
Lais lie Bretagne chantenl cil vicleor.
Et fl'iusrieteiie i ont des harpcor?...
6. H. PASDM. Dg. 94.
7. Cf. A.-J. Hi['Ki.NS and W. Gine, Musical instruments, historic,
rare and unique, Kdinburg, 1888, pi. ii et pp. 3-i. — D.vlveli., op.
cit.. \i. 240. — John Gc.vn, An historical inquinj respecting the per-
formance of the harpe in the Highlands of Scottand, Edinburgh,
1807, pi. u, et pp. 13-17. — Arsistoonî, op. cit., I, 168.
8. John GcNN raconte {op. cit., p. 19) la mésaventure du harpiste
écossais O'Kane (wiit^ siècle), à qui, pour le châtier de son insolence,
déjeunes seigneurs rognèrent les ongles.
était basé sur la gamme diatonique avec septième
mineure; on la jouait posée sur le genou gauche,
appuyée contre l'épaule gauche, la main gauche tou-
chant les cordes supérieures (IIii-kins et Ginn). Tout
dans cet instrument indique l'origine irlandaise. De
même dans la Lamont harp, aussi ancienne, sinon
davantage, carelle passe pour avoir élé apportée du
comté d'Argyle, en 1464, par une jeune fille de la
famille de Lamont.
Elle devait avoir, h. l'origine, trente-deux cordes;
sa console actuelle, raccourcie, n'en comporte plus
que vingt-neuf. Sa hauteur est, à quelques centimè-
tres près, celle de la harpe de Brian. Elle a, à la
façon des harpes irlandaises, sa caisse de résonance
creusée dans une pièce de bois massive'.
Inspirés d'abord de leurs modèles d'Irlande, les
harpistes écossais, au dire de Giraldus Cambrensis'",
non seulement égalaient de son temps leurs maîtres,
mais encore les surpassaient. Ils usaient, d'ailleurs,
au xvi= siècle encore, de harpes ordinaires et de
clurischoes (c'est-à-dire harpes irlandaises), les pre-
mières montées de cordes de boyau, les autres de
cordes de laiton ".
Pays gernianiqaes.
La harpe, apparue assez tardivement, va connaître
à partir des minnesiinger une vogue toujours crois-
sante. A daler du xii« siècle, les représentations
figuièes abondent, concordant presque toutes pour
nous donner les traits d'un petit instrument très
portatif, muni de neuf à vingt-cinq cordes. Il faut,
cependant, excepter celui qui est attribué à une
jeune femme (Musica] dans le Hortiis deliciarum de
Herrad von Landsberg, abbesse du couvent de Hohen-
burg à Sainte-Odile d'Alsace'-. Bien que neuf cordes
seulement soient représentées, le format est inter-
médiaire entre celui d e la harpe portative et celui
de la grande harpe irlandaise, ou galloise, dont
rintluence est ici très nette, dans le corps sonore,
beaucoup plus développé, et certains détails comme
les sho'S of trings, qui viennent manifestement
doutre-mer.
On trouve aussi, parfois, des intermédiaires enlre
le psallérion et la harpe : un manuscrit allemand
de 1148" montre un instrument dont le dessin géné-
ral est celui de la harpe, avec en plus une lable de
psallérion doublant les cordes. .Mais le type de beau-
coup le plus répandu est celui de la harpe légère; la
colonne formant une courbe convexe par rapport au
corps sonore, réduit à une très faible épaisseur. Un
spécimen direct en est conservé au Musée national
bavarois de Munich. Il est ainsi décrit, sous le n" 126
du catalogue " : « Harpe à vingt-deux cordes (actuel-
lement absentes), marquetée d'ébène et d'ivoire. Hau-
teur, cinquante-neuf centimètres. Provenance, l'rei-
9. G. Hii'KiNGS and Gibb, op. cil., pi. m et pp. 5-0. — Armstrong
op. cit., 1, 138. — Proceedinijs of the Socieli/ of antiquaries of
Scotland, XV, 10. — W.-P. Grattan Fi.ood, op. cit., p. 61.
10. Topograph. Hib., 111, n (Dimock, V, là*).
11. ACIMSTBONC, l, 139-140.
12. Ce précieux manuscrit, reproduit pour la première fois par Ch.-
M. Encelhaudt en 1818, a élé détruit en 1870 par Tincendie de la bibl-
de Strasbourg. M. Martin Vogeueis en a donné une étude détaillée :
Die Musikin\trunirute iin Hortus iJcliciarum^Revue alsacienne, 1904
p. 08) rt fjuell, n und Bnustrine zu einer (Jeschichte der AJusih- in
Elsass, Strasbourg, 1911. Le manuscrit portait la date de 1180. La
harpe représentée au fol. 18 y était appelée cithara, et citliarœdus,
dans le texte, traduit par Harpfaere.
13. Brit. mus. Harl., 2804, fol. 3 6.
14. K.-A. BierdimpQ. Munich, 1883, p. 48.
1918
ENCYCLOPÉDIE DE KA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
sing. Type usité du x\' au sv» sièc'e aux processions,
et joué surtout à cheval. » Le Musée du Conserva-
toire de Bruxelles en possède un fac-similé', pour
lequel on a reconstitué le jeu de cordes, accordées
diatoniquementen /a majeur, et couvrant trois octaves
à partir du fa quatrième ligne en clef de fa.
De tels instruments sont représentés à profusion ^
dans les manuscrits et sur les sculptures du temps.
Leur nom, dans les textes, est harfe, ou harpfe. On
trouve parfois aussi le mot de swaiwp, qui semble
désigner une harpe d'origine anglaise (à ce qu'indi-
quent les lexiques hauts allemands)'.
Pour la place que tient la harpe dans la société,
ses rapports avec les poètes et les chanteurs, toute
la littérature du moyen âge est là pour en donner
une juste idée : nous éviterons les redites en exa-
minant cette question à propos des trouvères et des
jongleurs français. C'est, en effet, entre les influen-
ces britanniques et françaises qu'oscille encore, pour
un temps, la vie musicale de l'Europe.
Franco et Flandres.
La harpe qui se répand à travers la France, dans tous
les milieux musicaux, des jongleurs aux musiciens
princiers, est semblable à celle des Minnesilnyer :
comme elle influencée, quant au format, par la
petite harpe anglo-saxonne, mais avec, assez sou-
vent, le corps sonore plus développé et inspiré des
modèles irlandais. Au reste, aucune mesure précise,
aucun II canon ». De nombreux instruments nous
sont représentés avec six, sept et neuf cordes, mais
le poète Huon de Bordeaux, au xii» siècle, montre
le, jongleur qui « à trente cordes fait sa harpe son-
ner* ».
Si petite, elle ne peut avoir grande sonorité. C'est
ce que nous confirme un curieux passage de la
Ballade du métier profitable d'Eustache Deschamps
(xiv« siècle), darLS lequel un jongleur examine les
mérites et inconvénients des divers instruments entre
lesquels hésite son compère :
Les tiaulx instrumons sont trop chers.
La harpe tout bassement va,
Vielle est jeu pour les mousliers.
Aveugles chifonie aura,
Choro bruit, rolhe ne plaira,
Et la trompe esttrop en usaige.
Un superbe spécimen de ce modèle délicat et dis-
cret est conservé au Louvre. C'est la harpe d'ivoire,
travail franco-flamand de la fln du xiv= siècle, ou du
début du XVI" siècle, offerte au Musée par la mar-
1. N" 14',)8. — On aura une idfiL' de li iliriirulte qu'il y a ;i se ren-
seigner exactement en comparant l;i harpe Je Munich et ses deux fac.
.^imile. L'original a Û^.dO de haut et '22 cordes, la copie de Bruxelles
(Catalogue V. Mahillon, lit. p. 95) û'",56, une autre copie, à Copenha-
gue (Cat. An.-.di, Hammehich, trad. E. Bobé, 1911, n" 261), «",ï,i et
20 cordes.
2. Cf.i. de llelTner-Alteneck, Trachten, Kunxtmerke... vom frithen
Mittelalter, 2' éd., Francfurt, 1889. — P. Riiberl, Die Ulumhiievten
Ilandsckriftcn in Steierynarl», Leipzig, 1911 (liarpes des Mie-siii" siè-
cles, en général de petit format, et à 10 cordes); cf. aussi les recueils
de reproductions de miniatures, de A.-V. Oechelhauser^ G. Swar-
/enski, F. WlckholT, etc.
3. « Die Herfe heizet swalwe », m Titnrel, v. 2941). On trouve aussi
les formes Sumlbes, siratutva, etc. (G. Schade, Altdftitschrs Wt»'-
U'fbnch, Halle, 1872). Sur les Minnesringer et leur musique, cf. Alvin
ScHUTZ, Das hofischeLeben ztir Zeii dc.r Alinnesarnjçr, I, Leipzig, 1879,
pp. 429 sqq. — A. ScHomci:'.!, Musikatische Spich'fiien, Berlin, 187G-
— E. Michael, Ocsch. des dnuisches VoU{es,l\', Frihourg-en-Brisgau»
1906, pp. 375 sqq.
4. Faihl, op. cit., p. 281 (au vers 7811).
5. t^ustache Deschamps, Poésies morales et historif/ucs publiées par
G. -A. Crapelet, Paris, 1832.
quise Arconati - Visconti. La caisse de résonance,
reconstituée tardivement, est sans intérêt, ilais la
console el la colonne, par le fini de leurs ciselures,
justifient le renom de cette œuvre d'art''. La déco-
ration se compose de fleurs de lys et de sujets reli-
gieux, .Nativité, Adoration des Mages, Massacre des
Innocents, avec l'inscription flamande : en Bethlcan.
L'n monogramme, A. -Y., a été diversement inter-
prété : première et dernière lettre de la devise de
Philippe le Bon, « aultre n'aray •<; ou initiales d'An-
toine de Bourgogne et de sa seconde femme Vsabelle
de Lujembourg, ou bien d'Amédée de Savoie et
Yolande, tille de Charles Vil.
L'instrument est de très petit format; sa hauteur
ne dépasse pas quarante-deux centimètres, sa largeur
vingt-trois centimètres; il est (ait pour èlre tendu de
vingt-cinq cordes. C'est bien là, avec un raffinement
de présentation qu'on ne peut prétendre habituel, —
mais la forme et les dimensions courantes, — la
harpe des mt'neitrel.'i et des jongleurs dont les minia-
tures et les sculptures du moyen âge nous fournis-
sent des milliers de répliques".
La harpe au moyen âge est intimement liée aux
faits et gestes des jongleurs d'abord, puis des ménes-
trels et harpeurs spécialisés. On ne peut prendre, pour
toute cette période, de meilleur guide que M. Ed.
Earal, dont le livre', paru en 1910 (en résumé dans
l'Histoire Littilraire,déysi citée, de Bédier et Iktzard),
annule un nombre considérable de travaux anté-
rieurs, dont je renonce à surcharger la Ijibliogra-
phie de cet article.
Les jongleurs, héritiers, non des bardes ni des scdps
(chanteurs anglo-saxons qui, à partir du vii^ siècle,
allaient d'une cour princière à une autre chanter les
louanges des grands), mais des mimes latins qui en-
vahirent l'Europe occidentale dès le début du moyen
âge, — • ne sont pas seulement gens de théâtre, mais
baladins de carrefours. On les trouve de l'açon cer-
taine (joculares ou joculatores) au ix<= siècle, ce qui ne
signifie pas qu'ils n'aient pas existé antérieurement.
Ils prendront le titre de ménestrels (à l'origine qua-
lificatif de tous les bas officiers, gens de maison),
quand les seigneurs, non" contents d'accueillir les
jongleurs errants, en conserveront à demeure, atta-
chés à leur service ■'.
Le nom de méuwO'?/ bientôt ne s'appliquera plus
qu'au jongleur (xiii= siècle), et finira par désigner
toute la corporation, le litre se dégradant par là
même sensiblement. Au x\"= siècle, la Rite aux Jon-
gleurs (emplacement de la rue Uambuteau) devient la
Rue des Ménétriers.
Le harpiste pendant longtemps n'est pas étroite-
ment spécialisé : u L'industrie du jongleur e>>l extrê-
6. Fig. 110 de E. Molinier, Cat. îles huires du .Wiw('f </ii Louore,
1896. Cf. aussi E. Molinier, Un Doti récent... [l'Art, LUI, p. 182).
A. de Chanipeaux, La Harpe d'ivoire du Musée du Louvre {Chronique
des Arts et de la Curiosité, 1895, n" 12). — A. Maskcll, liiorics. l.oti^
drcs, l»Oi, pp. .?0l-303. — F. Vat.dkichi, .Uemurie delta reij. ace. in
.Vodena, 2- série, t. X. 1894, p. 46.
7. Pour l'iconographie de la harpe au moyen âge, rf. les ouvrages
déjît cites de CoOS-^KMAKRR, BoTTtE DK ToUI.MuN, H.LaVOIX tils, H. LkICH-
TENTiirrr, les recueils et fac-similé iléjil cites, plus ceux de Durrieus,
Omonl, W. de Gray-Birch, 11.-11. Uumplireys. Willemin, .tJonumenl.i
français inédits, 3 vol.. Paris, 1839. — M. A. Bacinet, Le Costume liis.
torique, Paris, 1888. — A.-J. IIipkins. Tlie .Musical Instruments of the
Anç/els représentée in tke ear/y ita/innpninliui/s in thc National Oal-
lery (The Hobby Horse, Londres, 1893. n»l). — ScHEiini.niia. Iconngra.
phie des inslr. de musique, La Haye, 1914. — M. SAUKrii.ANDï, Die
.Vusilc in fûnf Jakrh. der europaiscker .Malerei, Leipzig, 1922. —
CtiiiT MonEOK, Die Musilc in der Malerei, Munich. 10_'4.
8. Les Jongleurs en France au moyen dye,
9. Ed. Fabal, passim.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQCE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE 1919
raement complexe et mêlée. Celui qui chante de
fçeste saura aussi conter un fabliau : le tombeur
(acrobate) clianlera des lais d'amour. Le musicien
sera acrobate; le harpeur considère de son métier
déjouer aux dés ou aux échecs'. » Dans le Roman
des deux baurdeurs ribauds (fin du xiii" siècle), l'un
des deux compères expose ses divers talents :
Je suis jugleros de viele
Si sai de muse, et de frestele
Et de harpe, et de chifonie,
De la .aiguë, de l'arinonie;
E del salteireet en la rote
Sai ge bien chanter une note.
De nombreux passages développent ce même thème
de l'universalité des talents du jongleur.
De même, dans ses rapports avec le trouvère, il y
a des modalités dilîérentes. En général, le trouvère
compose le poème, le j'ony/eur est chargé de l'exécu-
tion, chant et accompagnement. Mais il arrive que
le jongleur soit capable de composer aussi, s'élevant
au-dessus delà classe des simples bateleurs. 11 ap-
porte sa harpe à la fin des festins :
Quand les tables osti^es furent
Ciljugleur en pies esturent
S'ont vielles et harpes prises
Chansons, sons, lais et reprises
Et de gestes chanté nos ont-.
Au contraire de la plupart des instruments, le sien
est agréé des nobles. Dans le Roman de Horn (xii° siè-
cle), un épisode rappelle singulièrement l'histoire de
Caedmon :
A r.DFER en après fu la harpe baillée
Et del lai qu'il fit fu la note escotée
Loez l'unt quant il vint jeke h la finée
Tut en reng en après fu la harpe liverée
A chescun pur harper fu la harpe commandée,
Chescuns i harpa, vileins seit qu'il devée
En cet tens surent tuit harpe bien manier.
Gum plus ert cartels hora, tant plus sot des métier \
L'instrument en reçoit un grand prestige. El l'on
voit dans le Roman de Perceforèt, les lais accompa-
gnés par la harpe dévolus au seul roi des méndlriers
Paustonnet'. Dans Daurel et Béton, le harpeur Dau-
HEL reçoit de son seigneur, à titre héréditaire, le
château de iMontclar». Dans le Roman d'Alexandre,
c'est la ville de Tarse qui échoit en présent à un har-
peur'''. Aussi, n'est-on pas surpris de voir, dans Aucas-
sin et Nicoicttc, le harpeur en brillante compagnie,
lorsque Aucassin exprime son désir d'aller en enfer
pluti^t qu'au ciel :
« El s'i vont les bêles dames cortoises, que eles
ont deux amis ou trois avec leur barons, et s'i va li
lors et li argent et li vairs et li gris, et si i vont har-
peor et.jogleor et li roi del siècle^ »
Au xv" siècle, nous verrons à plusieurs reprises les
1. Faiial. op. cit. y p. 8d.
2. Hugues de Bercy. Tournoinmpnt (V Antéchrist (milieu du xiii* siè-
cle), citt'î par A. Dinaux, tes Tronréres camôn'-siens, 1834. p. 18. Des
épisodes an.ilogues dans Diinnar le Gatlois. Erec, le Bel Inconnu, le
Roman de Brut, Aymeri de Narbonne (f'AiiAL, passim). — Cf. aussi
le passage célfbre de lu Prise d'.ilexanrlrie, de Gc[ll4lme de Machact
fxiv" siècle, aux vers 11-10-II70 de l'éd. Mas-Latrie, Genève, 1877),
auquel E. Tbavfus a consacré une élude (vieillie) : li:s Instr. de mus.
au quatofzième siècle d'après Guillaume de Machaut, IJaris, 1882.
Une récente thèse soutenue sur le môme sujet ,i l'Ecole des Chartes
(D. Pauekt) n'a pas encore été publiée.
3. Citépar A.-\V. A.MIÎROS, Gesc/i. der .l/usiA-, II, Leipzig, 1830, p. 28.
4. Bottée de Todlmon, Dissertation sur les inslr. de mus., op. cil
118«).
a. Fahal, p. 83 (xu' siècle).
6. Ibid., p. 112.
7. Fatial, p. 283.
chroniqueurs et les poêles exalter la gloire de vir-
tuoses particulièrement estimés. Dans sonChampioii
des Dames, Martin le Franc s'exclame avec orgueil :
Ne face mention d'Orphée
Dont les poètes tant descripvent :
Ce n'est qu'une droicle fatfée
Au regard des harpeurs qui vivent,
Qui si parfaictement avivent
Leurs accors et leurs armonies,
Qu'il semble de fait qu'ils escripvent
Aux angéliques mélodies*.
Guillebertde Metz, vers le même temps, regrette
déjà une splendeur qu'il considère comme ^révolue :
« Grande chose étoit de Paris... quand y conver-
soient Guillemain Dancel et Perrin de Sens, souve-
rains harpeurs, Cresceques, joueur de rebec; Chy-
NEDUNY le bon corneur à la turelurette et aux fleutes,
etc.'-'. » D'autres noms, antérieurs même à ceux-ci,
nous ont été conservés. Celui de Copin de Brequin,
roydesmenestereuIx,qui reçoit t.3s.4 d., enmai 1360,
pour une harpe achetée au commandement du roi
Jean pendant son séjour en Angleterre; en 1403, de
Colin Julienne, harpeur, qui reçoit 40 s. « pour sa
peine et salaire d'avoir mis à poinct la harpe de la
royne d'Angleterre qui estoit toute rompue, et y
avoir mis des chevilles et encordé tout de neuf'"».
Philippe le Hardi a des harpistes à son service, à
partir de 1375 : Gautier l'Anglais, puis Raudrnet
KnEs,\EL, qui reçoit en une seule fois trente francs
" pour avoir une harpe », et vingt francs « pour un
chevaul pour lui monter" » ; il fait de temps en temps
un présent à des harpeurs de passage.
Charles d'Orléans a pour la harpe la même prédi-
lection que sa mère Valentine, qui en jouait fort
bien : il a à son service Jean de Jondoione el Jean Petit
GAY'-.On a conservé deux curieuses quittances du
luthier île Valentine Visconli, en date du 17 janvier
1400 el du 29 mars 1401. Dans la première, Lorens
nu Hest, faiseur de harpes à Paris, reconnaît avoir
reçu de son trésorier la somme de trente-deux sous
parisis « pour avoir rappareillé et mis à point deux
des harpes de Madame la Duchesse, esquelles il a
fait et mis broches et cordes toutes neufves,et ycelles
recollées là où mestier estoit; et en l'une d'icelles
fait, taillé et assis un fond tout neuf». Dans la se-
conde, trente-six sous parasis « pour avoir rappa-
reillé et reffaicte, et mise à point la belle harpe de
.Madame la Duchesse. C'est à savoir lecolé le bel
baston qui estoit rompu en deux lieux, et avoir taillé,
mis et assis en icellui une pièce de bois, et avoir
reffait tout neuf le fond d'icelle qui avoit esté tout
froissiez et rompus, et ycelle avoii' garnie de broches
et de cordes ''' ».
8. Champion des Dames, f» :Î72. L ouvrage, composé vers 144u. est
édité à Lyon vers 1485. Cf. Arthur Piagct, .Martin le Franc, prévôt de
Lausanne, Lausanne, 1888. Le passage a été cité, avec un commen-
taire hasardeux, par V, dcr Stuveten, La MiLiique aux Pays-Bas, IV,
187S, p. 117. — C/'. aussi A.GAsTunE, La Musique â Avignon \ Hii:. mus.
ittd., 1904. p. 278). — Faffep : plaisanterie, sornettes.
0. Description de la Ville de Paris, édit. Leroui de Lincy. 1893,
p. 84 (cité par M. Bbenet, Les Concerts en France sous l'ancien
ri'ijime, p. ',!). Le ms. de Guillebert est de 1434, mais il a Irait au
début du siècle.
10. L. Uouët d'Arcq. Comptes de l'Argenterie des Itois de France
au quatorzième siècle, Paris, 1851, pp. 248 et 382.
il. M. BnENET, .Musique et musiciens de l'ancienne France, 1911,
p. il. — Cf. aussi I!. Prosl. Liste des artistes mentionnés dans les
Etats de la maison du roi lArchioes historiques, artistiques et litté-
raires. I. 1889| : nombreuses mentions de harpistes attachés à de
nobles personnages.
12. Pierre Champion, Fie de Ch. d'Orléans, Paris, 1911, pp.477sqq.
13. II. BERNHAnii, Reçkerches sur la corporation des ménétriers
Bibliothèque de l'Ecole des Charles, IV, 18 12, p. 530).
1920
ENCYCLOPÈUIE DE LA MUSIQUE ET DICTIO.V.VAIRE DU COXSEHVATOIRE
Ciiarles VII, en 1413, ac.liéte cent livres tournois
« une belle harpe bien ouvrée à notre devise, que
nous avons voulu avoir et icelle faire acheter pour
nous esbattre et faire jouer devant nous' ». Isabeau
de Bavière, en cela du moins, partage ses goûls^.
On pourrait allonger à l'inPini la liste des barpeurs
princiers, à partir du xv= siècle, tant en France que
dans les Pays-Bas, où la harpe tient de plus aux
processions une place particulièrement importante^,
qu'en Italie, où Dante la cite déjà dans son Paradis
(XIV, H8), où les facteurs d'instruments la fabri-
quent avec lin art consommé'', où les tableaux de
maîtres la représentent à l'envi. Elle interwent peut-
être comme cause efliciente dans les amours de la
malheureuse Parisina d'Esle et de son beau-fils Ugo
qui, après s'être détestés, furent pris de passion l'un
pour l'autre, et, surpris ensemble, décapités le -1 mai
142o par ordre du mari otlensé. La musique, la harpe
en particulier, était, jusiiu'à la veille du drame, leur
distraction quotidienne : ce n'est pas l'imagination
des romanciers qui nous livre ce détail, mais la
comptabilité de la cour d'ICste, où M. F. Valdrighi a
relevé^ les payements fails aux luthiers, d'ordre de
Ugo et de Parisina.
Placée à la jonction des civilisations française et
italienne, la cour de Savoie n'est pas moins férue de
harpe. On y voit employer, entre 1.373 et 1 175, avec
un DoNATO DE VE.\'isE,des Franco-Belges comme Bey-
NAUD, Jean d'Ostende, Guillaume le Paiiisien, François
DE Larpe, Ja.ni.x de Larpe''.
En Espagne, le magnifique portail de la Gloire, de
l'église de Santiago de Compostelle, en Galicie,
sculpté par Master Mateo en 1188, nous présente
déjà, avec sa clef à accorder, une petite harpe du
modèle courant. Ce qui redouble l'intérêt de celte
œuvre fameuse, c'est la réunion en orchestre — ana-
logue à celle de Saint-Georges de Bocherville — de
tous les instruments connus, harpe, psaltérion, vielle
pincée, chifonie, etc. La harpe revient dans plu-
sieurs motifs sculptés de la même église, parfois
associée à la tlùte double. J'ai déjà cité (page 1899), au
XHi" siècle, l'instrument de type assyrien assez sur-
prenant ligure dans le Libro de losjiicijos d'ALPHO.vsE
LE Savant.
A partir de cette époque, outre de nombreuses
mentions anonymes conservées dans les pièces d'ar-
chives'', nous voyons à la cour d'Aragon un toccador
de arpa, Hanequi, probablement venu de Flandre*,
en 1388; en 1437 un Italien, Piero da Gaeta'. C'est
d'ailleurs en Catalogne surtout que lleurit l'art de la
harpe. On y cite au xiv^ siècle, outre Hanequi, les
1. Chartes royales, XIII, 099. Cité |)ar H. Lvvuix, Hist. de l'ins-
trumcntiitioti, 137S, p. 13.
2. Cf. B. liKiiNHAiii), op. cit., |>. 5S0.
3. Cf. V. DER Straf.tek, Musique aux Pays-Bas, IV (1878). pp. i4i.l,
107, 246, 256, etc. : harpes aux processions à Grammont, Tcrmonde,
Audenarde, Bruges, etc.
4. A Feri-are, en 14-24, Rinaido d'Iacopo da Coruiai , in L.-F. Val-
DiiiGHi, Nomocheliurfjografia [Mem.acc. Modena, 2« série, t. Il, 1884,
p. 238). — Cf. aussi Km. Motta, Musici alla corte degli Sforza (Ar-
chivio storico lombardo, 2*' série, t. IV, 1887, p. 56).
5. Op. cir, pp. 119, 235-240.
6. Cf. A. 1)ufoi;h et F. R\Bor. Les Miisicieits, la ntu^ique et les
instr. en Savoie {.Mèm. de la Sociétf' savoisienne d'hist. et d'archéo-
logîCf XVII, 1878, p. 13 sq<|.). — G. BoncHEZzio, La Fondazione del
Collegio nuovo puerorum innocentiwn del Duomo di Torino [iVote
d'an hivio per la storia musicale, Rome, I, 3).
7. Cr. Encyclopédie de la Mu.^ique, chap. relatifs ù l'Espagne
(M. Mitjana) et au Portugal (A. LAMutuTmi). — F. Pëdheli,, Emporio
cientifico e historico de orqanographia antigua espailolâ, Barcelone,
1901.
3. V. DEO SrnAiîTEN, VII (1883), p. 73.
9. L.-F. VALDaicHi, op. cit., p. 242.
ministrerx de harpe Armer, Fonte.ny.4, Martinet, etc.
En 1394, Juan I''' d'Aragon, demandant à l'un de ses
organistes de lui envoyer des instruments d'Alle-
magne, lui enjoint d'excepter les 07-gU''s, échiquiers,
rotes, harpes, dont il a à profusion'".
Les peintures des églises catalanes, Barcelone,
Vie, etc., conlirment pleinement les témoignages des
archives. Les instruments représentés sont sembla-
bles, soil à celui de Santiago de Compostelle, soit,
avec un développement plus grand du corps sonore,
à la harpe irlandaise dile de Brian.
Teiine el technique priniilivesa
Nous pouvons, en rassemblant les documents de
toute sorte que nous fournit le moyen âge, nous
faire une idée approximalive de la tenue et de la
technique primitives de riuslrument. Les représen-
tations figurées nous montrent la liai'pe jouée de-
bout (c'est le cas surtout lorsqu'elle est jouée en
orchestre dans les cortèges, en France et dans les
Flandres; en Allemagne, il arrive même qu'on l'at-
tribue à des cavaliers). Elle est parfois pendue au
cou de l'exécutant, comme le montrent, outre les
miniatures, ces vers du Roman de Brut (vers H3o)
où Baldulf, pour pénétrer dans une ville assiégée, se
déguise en jongleur :
At siège ala comme joslere
Si fainst que il estoit harpere
Une harpe prist o son col'i.
Plus souvent encore, on la joue assis, appuyée sur
les genoux. Dans de nombreuses miniatures, elle est
représentée sortie à moitié de la gaine d'étolTe
souple dans laquelle on l'enveloppait pour la trans-
porter » comme quelque chose que l'on emporte
avec soi tous les jours, en manière de vade-mecum'^ ».
On en voit un excellent exemple dans un manuscrit
du Roman d'Ale.vandre (xiii« siècle), reproduit par
MM. J. Bédier et Hazard dans leur Histoire de la Lit-
térature française'^.
Le Harpiste s'accordant est un des poncifs de
l'imagerie du moyen (âge. Nous le voyons sur le
chapiteau de l'église de Saint-Georges de Bocher-
ville, dans les miniatures des x"= au xv"^ siècle, en
abondance ''. La clef d'accord dont il se sert est gé-
néralement massive, ornée vers l'extrémité qui sert
de poignée soit de fleurs de lys (Brit. Mus. harl. 745
interprété à tort par M. Hughes-Hughes comme un
pleclre), soit de têtes d'animaux ou de monstres.
Comme l'accord empirique de la harpe était chose
assez délicate, on lui donnait une extrême impor-
tance. La Lumière as lais, un manuscrit français du
xiV siècle dans lequel la science du temps est vul-
Karisée à l'usage des laïcs ignorants du latin' ', con-
tient un curieux paragraphe :
iLi. F. -A. BAiiun:i{i, appendice .à La Mmica en Gerona, de Joliak de
CHiAjGcrone. 188ti. — HiniNi Anules, Els ministers [lievista musical
catalana, XXII, 1925, p. 238.
11. Ed. Faral, op. cit., p. 147 (vers 0336 sqq. du ftoman).
12. P.-Cl). Cahier, Caractéristiques des saints dans l'art populaire,
II, Paris, 1867, p. 568.
13. Op. cit.. 1, 4. C'est le ms. fi'ançais 54364, Bibl. nat. — De sem-
blables fourreaux représentas dans les ms. anglais du lîritish .Muséum,
add. 240S6. fol. Il (vers 1280). add. 21920. fol. 26 (xiii'), ou français,
15, D. a {ibid.).
14. Edw. BuHLE, Oie Afit.-iif,-in.'itr. in den .]fiuiatiiren des frïthen Mit-
telalters, I, Leipzig, 1903, pi. xiv. — 9. Warner, Reproductions from
itlaminated nis., London. 1910. pi. \. l"-* série; xi, 2» série; xix.
3' série.
13. Brit. .Vus., 15. D. ii. fol. .'.;. Cf. P. Mcycr, in Homania, VIII,
1370, p. 323.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE 1921
Comeitt Uni dt'il harpe [l'ni/irer (iiccuiIlt)
De ct'u.i If ni innteincnl tciitprent lu liarpf :
Ij'une corde Irnp haut ticrra (haussora)
Et l'autre trop avalera {liaissera).
Et l'auteur anonyme conclut :
Si meiiz ne prcnjîe la temprure
Dieu de sitn harpeiir n'aura cure.
L'exécutant se servjiit parfois, du plectre, comme
il appert de ce passage du Roman de Brut :
De le forel (fourreau) ad sa harpe saké
E son plectrum ad empoyné
Se cordes a bcri atempre?.
Si ke ben se sont accordez'.
L'ancien anglais a, d'ailleurs, une profusion de
termes pour désigner le plectre : hearpenaegl, hearp-
slege, naeijl, sceacel, scearu, s/egç/-. Selon Good', les
plus grandes harpes irlandaises ont été très tardive-
ment jouées au plectre, mais la technique usuelle
n'en comporte pas l'emploi, sauf rares exceptions.
On la pince des deux mains, la gauche dans le re-
gistre aigu, la droite dans le grave. L'ordre inverse
(dû probablement à une maladresse du peintre ou
du sculpteur) ne se présente pas une lois sur dix.
Jusqu'au xii» siècle, il semble que Texécutant ne se
serve que du pouce, de l'index et du médius de
chaque main; cette position est remarquablement
indiquée dans une enluminure du xii" siècle de la
Bible de Souvigny*. Plus tard, la position se com-
plique : un retable du xiv siècle, conservé jadis dans
la collection Dalman, à Barcelone, montrait la main
qui jouait à l'aigu pinçant cinq cordes, tandis qu'une
seule corde était ébranlée dans le grave : ce qui cor-
respondrait à une position d'accords singulièrement
moderne.
Ce que pouvait exécuter un instrumentiste de cette
forme, le Roman de Ilorn nous en donne un aperçu
assez flatteur :
Lors prend la harpe à sei, si comence j lemprer,
Deu ! Qui donc l'esgardat, purn la suut manier,
Gum ses cordes luchot, cum les faisoit tramler,
Asquantes fet chanter, asquantes organer,
De l'àrmonie del ciel li pureit remembrer.
Quant ses notes ot fet, si la prist ii munter,-
Kl pal- lut autres tons fet les cordes suner.
Kant il ot issi fait, si cumence à noter
I.e lai d'unt or ai dit de Batolf, haut et cler,
Si cum funt cil breton de tel fait cuslumer.
Après en l'estrument fait les cordes chanter
Tut issi cum en vois l'aveit en premier;
Tut le lay lor a dit, n'en vot rieu retailler.
« Voilà bien, dit M. H. Lavoix, l'exécution d'un,
véritable morceau de concert, avec prélude, chant'
et ritournelle. Gudmod, avant de chanter, essaye sa
harpe, plaque les accords, puis change de ton, pré-
lude encore et attaque enfin le morceau; à peine
a-t-il fini son lai que la harpe répète la mélodie
sous forme de ritournelle; c'est complet". »
Un manuscrit italien du xv» siècle, exploité, sinon
découvert, en 1913 seulement, a beaucoup ajouté
aux connaissances antérieures. Dom. Ferretti et San-
tore Debenedetti en ont donné le texte, M. A. Sche-
RiNG l'a interprété musicalement, et on se reportera
utilement à leurs travaux^. En bref, il s'agit d'une
suite de sonnets de Simone Prudenzani d'Orvieto
(C. i:*87-C. 1440) intitulés // saporetto. Au treizièmei
sonnet apparaît un certain Pierbaldo, noble, riche,,
adonné aux arts. Son meilleur ami, Buonare, a un:
lils nommé Sollazo, qui, comme son nom l'indiqufr
de façon non équivoque, est un boute-en-lrain; de sii
haute valeur que, voulant divertir ses hôtes pour !«•
semaine de Noël, Pierbaldo supplie Buonare de lelui.
envoyer. Buonare consent. Sollazo se rend chez.
Pierbaldo et prend la haute direction des fêtes qui
vont se dérouler sans arrêt pendant huit jours; poé-
sie et musique en seront les deux éléments alternés..
Sollazo va se révéler chanteur, joueur de luth,
d'orgue, de psallérion, de hautbois, de harpe, em
somme, de tous les instruments alors en usage, y.^.j
Chaque sonnet porte, outre son litre, mention de.
l'instrument qui intervient comme accompagnement,!
et parfois, en intermède, comme soliste. iS'ous voyonsi
ainsi Sollazo exécuter, dans Agnel son bianco, de
JoH. DE Flohentia, 61 Ln llorice Cèrc de Bartolino
DE Padua, de véritables soli de harpe. On en trou-
vera ci-joint des exemples reconstitués par M. A. Sche».
Ri.Ni-,, à l'aide de textes musicaux conservés par ail-
leurs et mis au jour par M. Johannes Wolff'.
JoK.deFlorentia Agnel son bianco
L'IU]\}r\i<\[JJ]\^^\'rm\U\^i^\hîr\}r}^^
{U^fÙ^'LlL^trJur^r rf^
l\ c. 1155. Cité p^r J. Sittard, Vierteljaliresrchift^ fur Mu^fkirU'
senschaft, 1885, p. 175. , ., /._,--.
2. F.-M. Padelforr, Old eiiylish musical terms, Bonn, 1899^ p. 39,
:t. la Camden's Brilannia, 1586.
4. Musée de Moulins. C'est le David du BeatJis vir.
. 5. U. Lavoix, ixi Musique au siècle de saint Louis, op. cit.,. p. 303.
6. Cf, Dom. FerretU, Jl codice palatino pm^mçnse :W e una nuoca
Copyright by Librairie Delagrave^ Î9Q7.
Incatenatiirat F'arme, l'JtS. — Santorc OcbeJiedelti, // Sollazzo e il
Saporetto con altre rime di Simone Prudrnza/ii {Oiom. storicQ délia
letterat. ital., Supplément n" 15, Turin, 19i:j,. — A. Schekihg, Stu~
di''7i zur Musihjesch. der FHihrenatssmiCt., Leîp/.ig, l'>14, pp. 64 sqq.
7. Aynel son bianco io SammelO. drr l. M, G., 111; p. 633, et /«
Doixçe C^rej in Ge&ch. der Mensvraluotntion, Leip/ig, 1904, u" 46.
121
ESCYCUIPÈUIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOWAIliE OU CONSEHVATOIRE
922
A quelques conveutions près, M. Schering suit le
lexte ancien authentique. Il faudrait se garder de lui
donner trop d'importance quant à la technique de la
harpe; le transcripteur l'ail très justement observer'
que les virtuoses enrichissaient sans doute leur par-
tie selon leurs possibilités : c'est l'évidence même,
la fidélité au texte étant une exifience toute moderne,
et son contraire, jusqu'au xviu» siéclepourle moins,
tenu pour indispensable à toute exécution instru-
mentale, preuve d'ingéniositéet de science. Tel quel,
ce texte, avec ses hoquets, la marche déjà indépen-
dante des deux parties, laisse présumer un art assez
proche de celui des luthistes, qui auront tôt fait, il
est vrai, de le dépasser et de l'éclipser.
Sj-nibolisnie de la harpe.
Si la harpe a, pendant tout le moyen âge, un rôle
musical important, sa forme gracieuse, les attitudes
décoratives auxquelles elle prêle inspirent, non seu-
lement les arts plastiques ou la poésie, où nous l'a-
vons maintes fois rencontrée, mais aussi et de façon
plus surprenante la symbolique religieuse et profane.
Les Pères de l'Eglise assimilent couramment sa
forme triangulaire à celle du cœur humain, les sept
cordes dont on la moulait à l'origine -aiix sept vertus
cardinales'. Ils ne reculent pas,ipobr«orser l'analo-
gie, à de pieux calembours, traosaiis de leurs pre-
miers écrits au Traité de Germon' en plein xiv« siè-
cle, et jusqu'au xvi" au Tlioscanello de la musica, de
Pietro Aahon*.
Dès le vu» siècle, Isidore de Séville amassait en
un paragraphe'toutes ces trouvailles : « Forma ci-
thar.^l inilio similis fuisse traditur peclori humano,
quod nti vox de pectore, ita ex ipsa canlus edere-
tur, appellataq«e eadem de causa. Nam pectus do-
rica lingua /.■.Oipa vocatur... Veteres aulem citha-
ram fidiculam vel fidem nominaverunt quia tam
concinunt inler se chorda; ejus, quam bene conve-
niunt inter se quos (ides sit... Chordas autem dictas
a corde, quia sicut pulsus est cordis in pectore, ita
pulsus chord.e in cithara'. »
Cette symbolique atteint parfois à une sublililé
qui finit par voisinei' de fort près avec une extrême
candeur. L. Delisleet P. Mayeront publié, d'après un
manuscrit français du début du xiii» siècle, une Apo-
calypse illustrée de miniatures nombreuses où sont
souvent représentés les Anges harpistes. Les gloses
du texte indiquent à diverses reprises l'idée de pr-
nilence attachée à la harpe. La phrase « ils avaient
tous des harpes » est commentée ainsi qu'il suit (je
respecte la forme naïve, facilement accessible, du
texte original) : « Ceo ke aveint harpe signefie ke il
morlifienint sagement lur char en croiz de penaunce,
si com la corde est tendue e atempreiil al fust de la
harpe pur bien soner'. »
Chez les poètes, l'idée de pénitence s'efface : au
XV» siècle, Molinel, avec son art d'un verbalisme as-
i. Op. cit., p. 115.
2, IsiDOnr; de Séville, Oriijinuvi siée eli/molagiarum libri XX, au
liTre III, ch. xMi {Pairolor/i'- de Mione, t. nxxii).
3. Œuvres complètes, éd. Anvers, 1706, t. III, p. 626.
i. Venise, I3i3, fol. ii.
5. Loco cit. Ce passage a ôlé repris presque textuellement par la
plupart (les tli^ïoriciens (lu moyen âge, parfois avec des tioritures addi-
tionnelles. Jolin Mauburne, (iaiis son Itosetiim e.cercitium spirilun-
lium, 14^1 (sorte d'aide -mémoire à l'usage des prédicateurs à court
de sujets) : « Cithara,.. qnod cita iteratione percittitur. «
6. L. Delislt; et I*. Mayer, L' Apocalypse en français, Paris, 1900.
1901 (d'après le ms. fr. 403 de la Bibl. nat., fol. 8, v). Les éditeurs
signaient treize manuscrits d'inspiration analogue.
sez creux, file de longues^ compiiraisons entre la
harpe h. sept cordes et les sept vertus, les sept pla-
nètes, tout ce qui peut s'accommoder d'un nombre
aimé des dieux'. Son devancier Cuillal'me de Ma-
CHAULT employait, à des évocations plus terrestres,
un nombre plus élevé de cordes :
Je ne puis trop bien ma Dame comparer
.\ la Harpe et son corps pent parer
De vingt-c nq cordes que îa Harpe ha
Dont Roi David par maintes fois harpa*.
Là-dessus, il énumère vingt-cinq cordes, dont la
première est honte, la seconde gaieté, la troisième
iloitceitr, la quatrième liuinilit>f; l'extrême étiremeiit
de ce jeu d'esprit en dévoile l'artifice. 11 n'y a plus
rien là de mystérieux : une fantaisie rhétoricienne,
et c'est tout.
11 est encore une attribution de la harpe au moyen
Tige, assez singulière celle-là, dont l'explication
n'a pas été trouvée, telle du moins qu'on puisse l'ac-
cepter de confiance : c'est celle qui en est faite aux
bêtes. Comme les Egyptiens et les Syriens (cf. p. 1898)
nous ont laissé de nombreuses représentations de
singes harpistes, le moyen âge frani^ais figure fré-
quemment dans le même emploi deux animaux
choisis parmi les moins nobles : le porc et l'àne.
Le xii* siècle abonde en représentations de (( l'Ane a
la harpe ». Les églises de Sainte-Parize le Châlcl,
dans lediocèsede >'evers, deSuint-Cosne-sur-Loire',
de Saint-Nectaire'" (où l'on se demande, à la vérité,
si l'animal représenté est un àiie ou un bœuf), la ca-
thédrale de Chartres (portail sud), un chapiteau de
l'église deMeillet", la porte du transept méridional
de l'église Saint-Pierre àAulnay (reproduite au Mu-
sée de sculpture comparée du Trocadéro), mainte
enluminure de manuscrits, nous le montrent tantôt
béat et fier d'un talent peu commun, tantôt humble,
avec un air de pénitence profonde.
Ces deux " expressions » peuvent déterminer deux
interprétations divergentes, probablement exactes
toutes les deux. Fondée ou non en raison, la réputa-
tion de stupidité, d'amusicalité de l'Ane, est vieille
comme le monde. Les Grecs et les Latins avaient
pour désigner la sotte présomption de nombreux
dictons, tels que : idnc n'aime pus entendre ré.tonncr
la lyre, qu'dde communriineaveclalyre'-1 Dans le haut
allemand, iloniifr une harpe à un tine (der Escl ein
Harp/fen geben), est le comble de l'absurdité. Ce
qu'expriment encore ces vers de Flore et Itlance/lor,
dans lesquels un sorcier réalise des miracles :
En canteyres esloit moult sage
Les bues (bœufsj faisoit en l'air voler
Et les unes faisoit harper".
Aussi peut-on voir, avec l'abbé Crosnier et d'au-
tres, dans plusieurs des sculptures précitées, la
satire de l'orgueil des sots qui les pousse à s'élever
7. CItattt roi/al, au fol. 103 v. des Faictz et dictz dr feu de bùne
mémoire maistre Jehan Molinet, Paris, 1531. Sur ce symbolisme de
la harpe, cf. H. Livui», tip. cit., pp. 4ii-423, 432.
8. Bibl. nat., ms.fr. 72il (ancienne cote), fol. 163 sqq.
9. Kludiées toutes deux par l'abbé Crosnier, Iconographie ehré'
tienne {liulletin »ioimmfn(a(, XIV [1848], p. 352, et XVI |1850J), p. 492.
10. Abbé G. Kochias, Le.t Chapiteaux de l'rtjtise de Saint- Nectaire,
ibii., 19O0 (tirage à part, Caen, 1910, p. 29). Sur les animaux et la
harpe, r/'. aussi V. Clément, t'Ane au moyen di/e {.iniiales arche ot .
de Didron, .XVI, 1836, p. 26).^ le P. Gh. Cahier, in Nouveaux Mé-
langes d'arfhéologie, III, 1874, p. 247.
11. K. Stobck, Mitsikund .\fusiker in Karikatur und Satire, Olden-
burg, I91i;, fig. 272.
12. Cf. Kk^tneti, Pnrémiologie, op. cit., pp. 181 et 372.
11. Cités par La Curne de Sainte-Pnlaye, Dict. histor. de L'aitcica
langage, /raneais, VII, 1880.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
au-dessus de la condition dans laquelle la Providence
les a placés. Mais, dit le comte de Bastard', la sym-
bolique chrétienne se plaît aux contrastes, et « il
nous sera permis aussi de prendre en bonne part
l'àne musicien ". Selon lui, il faut y reconnaître le roi
David ; comme parfois l'ànesse représente ou bien
sainte Eve notre première mère, ou les moines labo-
rieux, ou les diacres, les pécheurs repentants, l'K-
glise cbrétienne, le genre humain tout entier.
C'est ainsi que dans le psautier latin du xii" siècle,
n" 143 de la Bibliothèque de Copenhague, manuscrit
d'origine probablement anglaise, si David est mon-
tré sous les traits du bon animal aux longues oreil-
les, symbole injuste de la stupidité, c'est que lui-
même s'est représenté comme une bête de somme
en présence du Seigneur : ut jumentum factus sum
apiid te (psaume LXXH.)
Pour le « porc à la harpe », l'intention caricatu-
rale seule semble de saison : à part l'exemple de l'é-
glise de Bruyères (Aisne, xi', xn° siècle)-, où l'on voit,
placidement assis et pinçant d'un instrument trian-
gulaire, le représentant habituel de passions plus
dangereuses, on le rencontre davantage au début de
la Henaissance. Dans une copie célèbre des Chroni-
ques de froiasarl, exécutée vers 1 173 et actuellement
au British Muséum^, une Iruie-barpisle est repré-
sentée juchée sur des échasses, allusion probable à
de trop hauts talons, et coiffée d'un hennin à longs
voiles flottants : Th. Wright rapporte celte charge
avec beaucoup de vraisemblance à la réprobation
que soulevèrent, chez les personnes pieuses, les coif-
fures au clocher :
i< En ces temps où les passions n'étaient assujetties
à aucune contrainte, les belles dames étalaient un
tel luxe et une telle licence que le personnage choisi
comme pouvant le mieux les représenter est une
truie. »
La sculpture de Notre-Dame- de-l'lîpine (Marne'i,
contemporaine de cette miniature, bien qu'elle soit
sans hennin, voiles, ni échasses, précise par la pré-
sence de l'aumùnière coquettement pendue à la cein-
ture, qu'il s'agit encore de prêtera l'animal pervers
les apparences d'une noble dame, ou inversement.
RENAISSANCE (C. 1450-C. 1500)
Iles Brilaiinii|iies>
On trouve en Irlande, à l'époque de la lîenaissance,
nombre de harpistes distingués, dont les noms nous
ont été transmis dans les ouvru;;es déj.! cités de
MM. R.-B. Abmstrong et W.-H. (JnATTAN Klood, tels:
DoNOGH Mac Cbeedan, Thady Ckekdan, Bryan Mac
Mahon, James O'Harrigan, Donal Mai; .N'amara, Do-
nalO'Heffernan. 11 faut accorder une mention par-
ticulière à BicuARD Crl'isb qui a pu lléchir l'historien
assez sévère qu'est Slanyhurst'. Tandi»* qu'il avait
L Etiuies de si/iiiboli^ue chtttifiinf, liappoit sur trs crosses de
Tiron et de Saint-Arnaud de //ohch, Paris, 1861.
2. Kd.Flenry,Antiguitêset monuments dudéjjai'teinent de l'Aisne,
in, 1879, p. 61. — A. de Florival, in Réunion des Sociétés des Beaux-
Arts des départements, 1882, p. 191.
3. Harleian m.s. 4379. Reproduite par J.-G. Dalyell. op. cit., \\i;
K, Storclt, op. cit.. fig. 376; Tb. Wright. Hist. de la caricature,
Irad. Sachot, Paris, s. d., p. lOi. — C.-A. MAin;is, .Musical animais in
ornament {Musical Quarterly, VI, 3, pï. ii}.
4. De Itebus in Hibernia ijestts, liiS-t, p. 38 sciq. On trouve une note
aDalogue dans Haphael Holinslied, Firste eolnme of the Clironictes
of Entjland, Scotlande and Irelande, 1j77 (cité par Ahmsthung, I, 20).
il n'est pas moins dédaigneux pour ces musiques des festins irlandais:
« And wlien the harper twangeth or singeth a song, al! Llic companie
LA HARPE 1'j23
peint le harpiste aveugle jouant, au l'estin, avec ses
ongles crochus, grattant les cordes sans égard pour
la mesure ni l'accent, ofîensanl les oreilles des ini-
tiés, Cruisf. le ravit, el il le déclare sans comparai-
son le plus éminent harpiste dont on puisse garder
la mémoire, « non pas le premier, mais le seul qui
soit au monde ».
Quelques boutades comme celle-ci n'empêchent
pas que les Irlandais continuent à jouir d'une pri-
mauté à peu près universellement reconnue, et à
laquelle Galilée, à la fin du xvi« siècle, rend hom-
mage ■.
En Ecosse, où le goût de la harpe est si vif que la
Cour en fait son passe-temps favori'', continuent à
coexister la harpe ordinaire el la clarscha, d'origine
irlandaise. J.-G. Dalyell mentionne par exemple, en
1502, des payements faits à :
Pâte, harper on the harp xiv s.
Pâte, harper on the clarscha xiv s.,
James Milson, harper, xiv s.
To the Iielanii, clarscha, xiv s.
To the Inglis. harper, xiv ' s.
Les hauts personnages ont leurs harpistes : on
connaît ceux de l'évèque de lioss, du Laird Balna-
cownis,du comte de Sutherland (un Donald Maclean,
à son service, meurt en 1602 dans une tempête de
neige), etc.
Le roi James IV fuit à plusieurs reprises, en 1302
par exemple, des largesses à des joueurs de clars-
cha. Quand la reine Anne, sa femme, entre à Edim-
bourg, le 19 mai 1490, elle est accueillie par un
orchestre où la harpe figure en bonne compagnie
entre les orgues et les luths». En 1197, le nombre
des harpistes est porté à trois; en ISOo, la musique
de la Cour possède « cinq liarpistes et quatre clars-
chas ».
Des dames de la haute société ne dédaignent pas
de s'improviser virtuoses.
A Londres, sans parler des harpistes au service de
grandes familles, les comptes de la Trésoierie sont
pleins de pareilles mentions : en li.'iO, un don de dix
marcs annuels fait par Henri VI au harpeur de la
reine John Turces, « Harpour witli our inoost dere
and bestbelovyd wyf the Quene" ».
Dans la maison de Henri VII, en 1501, figure un
harpiste gallois : un autre Gallois, Bli.nd More, sera
au service de la princesse Mary, fille de Henri VIII'".
L'apogée est peut-être atteint pendant le règne de
l'implacable Henri VIIl(la09-i:Jt7) qui, devenu vieux,
« s'elTorce à se récréer le plus fort qu'il peut, allant
jouer tous les soirs sur la Tamise avec harpes, chan-
tres, et toules autres sortes de musiques »".
must be whist, or cise lie chafelh like a cutpursse, by reason his bar-
nionic is DOt liad inbetter praise. «
5. DiatoQO délia musica anii'jua e delta modernat Florence, 1631,
p. 143 (T" édit. 1581) : « Ce très ancien instrument (d.?jà commémorc-
par Dante) nous fui apporte d'Irlande... les habitants de cette île s'y
sont exerces depuis des siècles et l'ont adopté comme emblème de
leur royaume. ■
6. Cf. The Dethe of the Ki/nijc of Scots. 1436, cité par DaljcII,
op. cit., cliap. vin.
7. Ibid. .Nombreuses mentions en 1491.92-97-9S, 1505, etc.
8 BuTicL, cité par E.-t*'. Uhiuvult, The Piano forte, London, 1860,
p. CI.
9. Hollsof Parliament, V, Londres, 9. d., p. 196, a.
10. F. Maddcn, Privy Purse flipensea of the Prince)) Mary, Lo»-
don, 1881.
11. Kaulek.j'Vi'i/ocin/ioiisrfs .1/. *■ .l/uiiHoc, 1539 (p. 103), cité par
P. Kf,\her, les .Masques anr/taii, Paris. 1909. p. 425. Sur Henri \T11
musicien, cf. N. llarris Nicholas, The Privij Purse Expenses of Kiny
Henri) the Eighth, Londres, 18i7. — 1(. N.jbth, Memoirs of ifusiek,
(1726), éd, Kimbault, Londres, lS4û, p. 97,
ENCYCLOPÉDIE DE LA MIISIQCE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
1924
Un certain Barnard Depont (Bernard Dupont?)', à
son service le 20 février 1546, et dont on conserve
la trace jusqu'à 1535, pourrait bien être Français, en
vertu de ce snobisme avant la lettre, qui faisan ap-
précier très fort en Angleterre nos compatriotes,
en France les Anglais.
Pendant le règne d'Elisabeth, se succèdent William
MooRE, Edward LAKE^ et bon nombre d'anonymes
connus seulement par des états de payements. INous
savons ainsi que, vers le milieu du règne, deux har-
pistes étaient payés dix-neuf livres, moins que les
luthistes qui en louchaient quarante, les virgina-
listes avec trente, le rebec avec vingt-huit, plus que
lés flûtistes appointés seulement à dix-huit hvres^.
Daps la littérature anglaise, la harpe continue a
tehir une place importante. Entre Shakespeare et
Milton, toute une littérature légendaire, souvent imi-
tée des romans français, fait d'elle laccessoire oblige
des amours chevaleresques', sans qu'elle cesse pour
celad\ccompagner les chants des mendiants aveu-
"^ 11 n'est pas inutile de rappeler enfin que, maigre
les progrès croissante de la harpe sur le continent,
elle est encore considérée, au xvi» siècle, comme
l'instrument insulaire par excellence. Une preuve,
parmi bien d'autres, en est fournie par ces vers de
Jadelle, dans VEpilhatame de Madame Marguerite,
sœur du roi Henri II :
. Mon anglovs qui chez moy, m'a cent fois do sa liavpe
Recréé les esprits, l'ayant ore en escliarpe
■ "Goiiti'efait Arion, sur les ftots ctievaucliant
'■■So*toàhphiri, et sauvantsa vie par son cliant .
'1 ■ j ;". I . * ^ ,
' E'panFe, provinces d'influence française.
Les modiTicalions territoriales qui affectent pen-
dant ces deux siècles le royaume de France nous obli-
geraient à morceler ce paragraphe de façon fasti-
dieuse Nous nous bornerons à constater la vogue à
peu près constante de la harpe dans toutes les pro-
vinces d'influence française. C'est seulement à la fin
du XVI « siècle que le tléchissemenl s'indiquera, dû au
rapide progrès des autres techniques instrumentales,
— luth, épinette, violons, — plus souples, et plus
aptes à' moduler. Parlant des demi-tons, un petit
traité anonyme de l'an V6r,1 le constate : « Aussi (se)
fout-ellesès instruments musicaux, et plus aisément
au lue et guiterne qu'en la harpe et quelques autres' . »
Nous verrons que celle décadence est toute relative.
Kllè est précédée d'une époque de véritable splendeur.
En Bourgogne, Philippe le Hardi, Jean sans Peur,
Philippe le Bon aiment la harpe : Philippe le Hardi
cH son successeur n'ont pas moins de six harpeurs dans
leur orchestre". Dans les Flandres, on eu rencontre
des mentions nombreuses. Kn 1424 un .lean Hanklet
se qualifie : roi des ménestreux du pays de Hay-
uau. C'est, le même qui avait reçu le 22 février
1. H. C»iiTDpn FoNTAiMU, 2 he Kiiii/s Mu.sick, Londres, s. il. (1909),
pp.'6-V. ■■•
2. Ibid-, pp. l-M.—Cf. aussi The Musical antiqitary, Oiford,
octobre 1909, p. 57; avril 1913, p. 179.
i. 'W. Biiici.Aï SQniRF, in Musical antiquary, j.invier i'.UO, p. 126.
4. Cf. Kdw.-W. Nailou, Shakespeare anil music, Londres, 1896. —
a.-ii. Sp.w.tb, Milton'sKiwirledgcofnmsic, Princeton, ^9\3.— }.Khys,
fsiudies iii Ihe arlhurian legenil, Oiford, 1891, p. 357.
ii. Putcnliara, Arl of eiifilish Poésie, 1589. 11, 9.
o'. 1559. Cité par H. UfiTTAno, Bulletin Je VI. M. G., 1907, p. 169.
7. Tiiscours non plus mclaneoHque que dieers..., Poitiers, clioz En-
gjiilbert de Marncf, p. 100.
■ S. Cf. Oh. Se.'\vQ:!im,Les Musiciens franc-comtois, Dole, 1887, p. 2.
— V. UEll STRAErEN, Op. Cil .. IV, pp. 111-llî.
1421 une donation de Jacqueline de Bavière : " A
nostre amé Johannès, nostre harpeur, en récompen-
sation des agréables services qu'il nous puet avoir
fait, la somme de douze couronnes d'or, pour faire
un voyage vers Saiiit-Jacques eu Galisse'. » En 1450,
un Gheram prend part à la procession du Saint-Sacre-
ment à Loiivain'", selon une habitude ancienne et
qui se conservera longtemps. La harpe estégalement
présente aux réceptions des souverains, aux fêtes
populaires, aux mascarades: les ouvrages déjà cités de
Gregoir et de Van der Straeten abondent en témoi-
gnages précis.
Il en va de même à Paris et dans les provinces :
Jehan Guy est aux gages de Marguerite de Rohan,
comtesse d'Angoulême (1467-1474), avec un salaire
de 2.3 livres"; Legrant touche, le 6 juin 1476, 60 sols
tournois pour avoir joué devant madame d'Orléans'-.
Jehan de la Ville en 1490 reçoit de Charles VIII di.x
livres d'étrennes, et la nirme année, 21 livres tour-
nois « pour soy entretenir plus honnestemenl au ser-
vice dudit seigneur'^ ». Ici encore force est de se
borner, en renvoyant, pour plus amples détails, aux
monographies spéciales". On ne peut cependant ne
pas indiquer d'un mol la prédilection que marquait
à la harpe le roi René (René d'Anjou, roi de Sicile et
duc de Lorraine), qui en achète une, en 1448, à Veri
de Médicis, a pour harpiste en 1466 l'Aiigevin Guil-
laume BoL'ETARi), et fait à mainte reprise des cadeaux
d'argent à des joueurs de son instrument favori'-'.
J'ai parlé de décadence vers la fin du xvi» siècle :
encore ne faut-il par se l'exagérer. Si les souvenirs
mythologiques motivent sa présence (jouée par Or-
phée) lors de l'entrée de Henri II à Rouen en octobre
1550, ou dans des ballets comme Circi^ (1581) ou le
lialct conique de la Roi/ne (1582), François l'r a
bel et bien ù son service, dès 1543, le harpiste Ber-
trand Faillert, qui plus tard, lors de ses obsèques,
marchera dans le même groupe que le fifre et les
deux tabourins, et passera après 1547 au service de
Henri II'". Le luthier Duiffoprugcar fabrique encore
des harpes à Lyon en 1562, ainsi que le prouve le
scrupuleux portrait de Wœiriol : comme, à Amiens,
le maître luthier Jean le Pot, auquel Alphonse II
d'Esté avait payé, en 1558, la somme considérable
de 106 livres tournois'''.
Dans la littérature, l'envahissement du luth laisse
encore la place assez belle. Rabelais fait apprendre
la harpe à Gargantua, comme le luth, l'épiuelle, la
llûte, la viole et la sacquebute'» ; Pontus de Thiard
9. Alexandre Pinctiart, Arc/tiees des ar/s, sciences et lettres. Sé-
rie I, tome III. Gand, 1881, pp. 154-155.
10. Ed. GRi:r.om,, Documents hist. relatifs à l'art micsieal, IV-,
Bruxelles. 1867, p. 95. D'autres harpistes aux processions en Flandre,,
in V. DEli Steiaeten, II, 372 ; IV, 239, 240.
11. H. Pi{uNn':iiKs, La .Musique de la Chambre et de l'Écurie {Année
musicale, 1911. p. 218).
12. B. nat., ms, fr. 7835, cité par R. de Lespinassc, Les Métiers de.
Paris, Ul. 1897, p. 575.
13. A. Jal. Dictionnaire critique, 1867, p. 680.
14. Cf. pour la Savoie, Dufoijh et Raupt. op. cit.. pp. 45, 56, 59sqqî-
— pour l'Orléanais, Cti. Cuisg\riD, L'Iudessur la musique/fans l'Orléa-
nais, Orléans, 188G. pp. 59, 69; — pour l'Anjou, C. I'out, Le.^ Artistes
anqerins. Paris, 1881, p. 48 ; — pour la Lorraine, A. .Iacquot, Essai
de répertoire des artistes lorrains, 5° suite, Paris, 1904, p. 27, et La
AJusique en Lorraine, Paris, 1882, pp. 9, 34, 57.
15. Cf. A. Leroy de la Marche, Le Itoi /tené, Paris, II, 1875, pp. 136,
368, 369. — rraije.\ des organistes, etc.. de René duc d'Anjou {Rectie
des sociétés sanantes. 4" série, t. IV, p. 505).
16. Henry Prunikhes, La .Musique de la Chambre, loco cit., p. 23i,
17. F.-L. Vki.uMCM. Fttbbricatori di strumenti annonici, w 1811,
in Memorie délia r. aer. di Màdena, H, 2, 1884.
18. Cargantua. I, 23, et Quart livre, ch. 6. Cf. J. C»ki.ez, La Musi-
que el 1rs musiciens dons Itahelais. Caen, 1871 ; A. Macuaueï, Rabe-
lais eJ la musique, S. I. M., septembre 1913.
TECHNIQUE, ESTHETIQUE ET PEDAGOGIE
LA HARPE l'i25
<lit sur le mode lyrique à Pasitliée combien l'a trans-
porté sa voix « accommodée au son de sa tiarpe, ou
■épinette » '. C'est au cours du siècle suivant que la dis-
parition s'opérera, presque complète au moment ou
Mersenne écrit.
Pays sfpriuaniques.
Si la harpe est en yrande faveur en Allemagne à
l'époque de la Uenaissance, ses viituoses sont rare-
ment nommés. On sait que la musique des princes de
Bavière en comprend un- en 1468, sous AlbrechtlV.
Vingt ans auparavant, il est possible qu'il en faille
reconnaître un autre dans ce .Nicolo d'Alkmagna, ou
Nicolas Teuton'icus, « pulsalor optimus », mentionné
à diverses reprises dans les archives de la cour d'Esté,
•etqui reçoit en 14'tD six ducats pour prix ■• uniuscytha-
rini^ » : une fois de plus, le vague de la terminologie
ne permet pas d'affirmation catégorique. Ce qui est
sûr, c'est que Conrad Paumann, beaucoup plus célèbre
comme organiste, avait pour la harpe une inclination
assez marquée pour qu'après sa mort, en 1473, on en
fît figurer une dans l'ornementation de sa tombe'.
La cour de Brandebourg, de 1542 à lo4o, s'assure des
services d'un certain Leniiart, de lo72 à 1603, un
autre harpiste nommé Lang figure sur les contrôles '.
Un Bruxellois, Jean Troitling (Troitlin, Treutlie),
semble avoir fait de l'Allemagne son pays d'adop-
tion ^ : on le trouve en l;i50 à Heidelberg, de là à Stutt-
gart (1560-1563), où il instruit dans son art Hieroni-
mus Vetterlin. Il quitte Stuttgart le 13 septembre
1S63, et n'est à nouveau signalé qu'en 1390, comme
troisième organiste, instrumentiste et harpiste de
la cour à Dresde. C'est à Stuttgart aussi qu'un Petrus
Fez (ou Pey) est mentionné en 1381, à l'occasion —
extra-artistique — d'une rixe avec un de ses collè-
gues''.
Dès les premiers ouvrages didactiques de Virdung,
Agricola, Luscinius Ottomarus*, la harpe est catalo-
guée en excellente place, et soigneusement repré-
sentée. Dans leurs divers traités, celui de Luscinius
Ottomards reprenant les planches mêmes de Virdung,
«lie affecte la forme de l'instrument des Minnesihi-
ger, petit, monté de peu de cordes, avec un fond très
plat. Le nombre de cordes est de vingt-trois chez les
uns, vingt-six chez l'autre (Agricola), ce qui indique
une tessiture allant du fa^ à !(<•', diatoniquement,
l'accord étant celui de fa majeur.
La figure fournie par Glarean, dans son Doikca-
chordon'', est beaucoup plus poussée. La caisse de
résonance y est représentée avec les dimensions
normales que l'on retrouve, par exemple, dans l'ins-
trument authentique du xvi° siècle conservé au mu-
sée germanique de Nuremberg et copié à Bruxelles'"
i. Solitaire second, [.yon, 1555, p. lie,
2. A, Sandberger. Beitriige zur GesGinchte dur àayerisrhen hofkn-
jlelle unter Orlando di Lasso, l, Leipzig, 1894, p. 'J.
3. L.-F. VALDFUGHt, CappeUe, coiieerti e niusiclie di Ca-m d'Esté,
loco cit., pp. 440-441.
4. Sandberger, Op. cit., p. 13, et pi. face page 10.
5. Cdrt Sachs, Musik uiid Oper am A'iiràrandeitijuriiischen Hof,
Berlin, 1010, pp. il, 31, 135, 141.
6. Cf. G. BossERT, Die Hofkantorei, etc., in Monatshefte fiir iJn-
sikgesch., 1890, p. lû. Furstenau, I, 36.
7. J. SiTTARD, Zur Gesch. der .Musik,.., am leûrtenibercjischen Hofe,
Stuttgart, 11, 18Ul,p. 24.
8. Séb. Virdung, iîusica ijetutscht und aussijezoyen, Bàle, 1511,
p. 12. — Martin Agricola, Mujiica instrumentalis deudseh, Wittetn-
berg, 1528, fol. 53. — Ldscimus Ottûmarl-s, Musunjia, Argentorati,
1536, p. 13.
9. Bâle, 1347, pp. 58 et 59.
10. Mahellon, op. cit., m, p. lui.
sous le n» 1306. L'accord, reconstitué d'après Mer"
SENNE, va du sol' au Si)/', par degrés diatoniques, avec
cependant les si bémol et bécarre. Le mode d'attache
des cordes présente la même complète analogie : en
haut, de petites chevilles fichées dans la console; en
bas des crochets en forme d'équerre. Glarean cons-
tate autour de lui la désaffection qui commence à
atteindre la harpe, qu'il juge due à sa difficulté d'une
part, de l'autre à sa faible sonorité, « le vulgaire pré-
férant plus de son et moins d'art». La raison est bien
plutôt dans le diatonisme strict de la harpe qui
l'empêche de moduler au moment où les modes an-
ciens perdent leur stabilité accoutumée, où les ins-
truments à clavier et à archet d'une part, le luth et
la guitare de l'autre, explorent curieusement des
domaines harmoniques nouveaux. Mais la harpe, qui
avait à son époque en Suisse une tradition glorieuse
(ZwiNGLE, le réformateur en jouait fort bien, au rap-
port des historiens"!, continue à être pratiquée par
le musicien amateur Félix Flatter, dont l'autobio-
graphie à cet égard est curieuse'-, et par le BàLois
Amerbach'^.
L'Italie.
Comme ils l'ont fait pour le violon, les Italiens
ont les premiers apprécié à sa valeur le timbre dé-
licat et rare de la harpe, incorporée dès l'abord à
l'orchestre dramatique : d'où la nécessité pour l'ins-
trument de s'assouplir, de se perfectionner assez
pour pouvoir moduler, sinon avec la même aisance
que les violons, du moins de telle sorte que toutes
les tonalités usuelles lui soient accessibles, au moins
dans les mouvements lents. D'où l'invention, dont
nous parlerons un peu plus loin, de la harpe double.
Une complète énumération des virtuoses dont les
noms nous ont été transmis par les documents d'ar-
chives serait fastidieuse : Je me contenterai de citer,
en renvoyant, pour plus ample information, aux
monographies'* spécialement consacrées aux xv<' et
xvi^ siècles italiens, les plus réputés, comme Zannino
dall' Arpa (C. 1450), Jacosio de Bologna (1432), au
xvi« siècle Arramo et son neveu Abramino, Giovan
Leonardo, Giulio Caccim, et surtout le fameux Gio-
van Battista Jaco.melli, dit del Violino, qui excellait
dans le jeu de tous les instruments, y compris la
harpe. Sans atteindre à la gloire de la belle Adriana
Basile au siècle suivant, des femmes, comme, à la
cour d'Esté, la signora Laura, et surtout Tarquinia
Molza, dite Vunka, qai chantait, jouait de la harpe
et dirigeait l'orchestre, ont vivement frappé les musi-
ciens et les poètes de leur temps.
Ici se pose un problème difficile à résoudre,
comme dans presque toute l'histoire de ce singulier
instrument (si vieux, et dont l'origine reste mysté-
rieuse; si répandu, et dont les migrations, en grande
partie, nous échappent; si riche quant au répertoire,
11. G. Weber, B. Zwingli, Seine Stellung fur Mlisik. Zurscli, 1SS4.
— K. Nek cite à Zurich, avant le milieu du xvi» siècle, le harpiste Hans
Blochkolz [Die Collegia Musica, Saint-Gall, 1897, p. 19j.
12. Voir sur ce Flatter, fils du pédagogue Thomas P., l'étude de
W. Mfria.n {Sammelb. 1. M. G., XIII, pp. 262 sqq.).
13. K. Nef, Dic Musik in Basel, Sammelb. I. M. G., 1909, p. 542.
14. Voir surtout L.-F. Valdrighi, op. cit. — A. Bertolotti, .Musici
alla corte dei Gonzaga in Mantova, Milan, 1890. — P. Canal, Za ^fu^
sicainifantova{Mem.delM. Istituto V'eiie/o, XXI, 1881-821. — A. Ca-
METTi, Orazio Michi detV Arpa [Riv. mus. itat.. XXI, 2). — t^MAnîm^L,
Giulio Caccini {Revue Mitsicale, \*' février 1925); — Kbi- Huti \, Mu-
sici alla corte degti Sfurza {Archivio storico lombardo, 2" série,
t. IV, 1887). — E. Miintz, Les Collections des Médicis au xv« siècle,
Paris, 1888. — A. Solerti, ferrara e la corte estense. Cilla di Cas-
tello, 1900.
l!'26
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSEIiVATOIDE
sans qu'il nous en resie de vesliges pendant plus de
quarante siècles). Dans les dernières années du
XVI» siècle italien, il n'est plus question, sauf excep-
tions rares, tant chez les lliéoriciens et historiens'
que chez les compositeurs eux-mêmes, que de Varpa
doppia, la harpe double".
De quand date cette harpe double destinée, nous
le verrons, à fournir à l'exécutant une échelle chro-
matique complète, et à lui permettre de quitter
désormais la tonalité unique fixée par l'accord initial
de la harpe? Je donne pour mémoire un témoignage
assez vague des Irish annals rapporté par M. W.-H.
Grattan Flood, selon lequel un chef harpiste irlan-
dais du xiv<^ siècle, O'Carroll, tué en 1.329 à la
bataille de Bragganstown, jouait de la « harpe dou-
ble' ». On ne peut tirer de là des conclusions très
solides. Mais il est à peu près certain que l'initiative
en revient bien aux Irlandais. Vincent Gaulée le
déclare positivement : selon des renseignements
recueillis par lui auprès d'un noble insulaire, l'ins-
trument de grand format, avec double jeu de cordes
dont certains Italiens, ses contemporains, s'attri-
buent l'invention, n'est qu'une imitation et une
redite''. C'est Gian Battisla del Violino ((;iacomelli)
qui l'introduisit à Rome vers 1.588, au témoignage de
Accord de la harpe double selon Galilée
GiusTiN'iANP : il avait été devancé en Italie parle très
célèbre Giovanni Leonardo, antérieurement à 1581.
Ledit Leonardo, à qui Galilée fait probablement
allusion, car il se disait « inventeur » de la harpe
double, entourait l'instrument nouveau d'un impé-
nétrable mystère. L.-F. Valdrighi a reproduit'' la
curieuse série de lettres écrites de Home au duc de
Ferrare, en février-juin 1581, par son homme de con-
fiance Giulio Masetli. 11 s'agit d'une harpe du modèle
nouveau, commandée depuis plusieurs mois, et dont
Masetli promet merveilles au duc. Seulemenl. lors-
qu'elle touche à son achèvement, Giov. Leonardo',
qui en a diiigé la construction, refuse de livrer par
écrit le mode d'accord, prétendant que c'est là son
invention, et qu'il la déprécierait et se déprécierait
en la rendant publique. Maselti propose de chercher
lui-même le secret, avec le concours du luthier qui
a établi cette harpe.
Ces harpes, telles que les construisaient les Gio-
vanni Cricca, les Bastiano da Verona, que cite Val-
drighi, quelle en était la forme exacte?
Force est bien d'avouer qu'on est, sur ce point,
réduit aux conjectures. L'accord nous est connu. Le
voici, reconstitué par M. A. Cametti' d'après les indi-
cations très précises de Galilée :
Echelle diatonique
Mai
asm g
Tùiht .2
Mam
gauclhs ^' I ^ ^ '^^ ' *
12 <> e 8 10 R 14 16 1S 20 22 21, 26 28 30 32 31, 3b 38 W) 1,1 41, 48 4S 50 St 54 96
Échelle diatonique
On remarquera que le rôle des deux mains est
inversé dans le médium : la main gauche a en partage
dans le registre grave les tons de l'échelle diatonique,
la droite les demi-tons intercalaires. Dans l'aigu, ces
demi-tous sont attribués à la main gauche, la droite
des lors chargée de l'échelle diatonique. On notera
aussi que certaines notes, réunies dans ce dispositif
par une ligne brisée, sont redoublées aux deux mains
{ré et la, du bas au haut de l'échelle).
Mais divers modèles de harpes doubles nous sont
parvenus, réels ou figurés, entre lesquels il est bien
difficile de faire un choix. L'ua est cet énorme ins-
trument conservé au South Kensington Muséum de
1. Ercole HoriiMG\no, // Desiderio, Bologne, 1509(1''« édition 1594),
p. 3. — Gio, Mariîi AiiTusi, L'ArtusiovprodeUeîmperfetlioni ih-lla mo-
derna muskn, Venise, 1000, fol. 1, v. — Galilée (cf. plus loin), etc.
Exception poni- Aurelio }^tim:^\^\{Sommadi tiUte le scîtmze..., Komo,
1587, p. 94), qui n'envisage que l'accord de la harpo simple.
2. Luca Maiilszio, Giulio Cvncisi, G. Malvezzi, etc. Cf. Hugo Golb-
SCBMIDT, .iludidi ziir Gesch. der ilul. Opfr im 11 Jahrhunderl , I,
Leipzig, 1901.
3. Op. cit., p. 57.
4. Dialogù di Vincenlio Gaîiîei nobilc Fiorcntino délia musica
antica e délia moderna, Florence, 1582, p. 145 (!'• édition 1581).
5. Di.icorso iopra ta musica de siwi tempi, 1637, cité par P. Canal
{Mem. del fl. htituto Veneto, XXI).
6. Fabbricotori di slfumenli armonici, op. cit., pp. 270-271.
7. Ce Gioian Leo.iaiido était déjà réputé en 1553 (Luigi Dentice, Due
Dialogh! délia vmsica, Rome, 1553, p. 1 Ju 2° dialogue). On le rite
encore en 1001 ix Naples comme le meilleur harpiste avec Donienico
ûALioet Scanio Majoke (GvjrETii, Orazio .Vic/ii delV arpa, in /iivisla
mus. ital., XXI, 2, p. 211).
8. Loco cil , p. 215, d'après Galilée, op. cit., jip. 143-1 i4.
Londres (fin xvi" s.), haut de 1 m. 7.ï, large à la base
de 1 m. 10, dans lequel les deux plans de cordes sont
tendus sur deux consoles séparées, les colonnes se
croisant en forme d'.\, l'ensemble correspondant
en somme assez nettement à la figure que donne,
en 1620, Michel Pr.ltorius^, sous le titre de fiross-
Doppel-IIarff.
A vrai dire, ce doit être un type peu répandu, car
les tableaux des xvi" et xvii= siècles, si riches en
représentations instrumentales, n'en portent pas
trace. Au contraire, on y rencontre à mainte reprise
des harpes d'un modèle plus réduit, avec l'aspect
général de la harpe simple, un double rang de che-
villes, et les boutons auxquels viennent s'attacher
les cordes à leur extrémité inférieure, dispusés en
deux rangs parallèles sur le corps sonore. L'n ma-
gnifique échantillon de ce genre d'instrument, connu
sous le nom de harpe d'Esté, est conservé à la Galle-
ria Estense de Modène '". C'est une harpe ornée sur
toute sa surface de peintures et d'incrustations,
dues probablement à un certain Giulio Marescotti.
0. TheiUrum instrumentoriim, Wolfenbiittel, pi. XIX. La figure est
stylisée, mais on retrouve les principaui linéaments de la harpe de
Londres. Un facteur des États-L'nis, H. Giif.emvav, de Brooklyn, a
construit, à la lin du siècle derniei-, des harpes semblables à celle de
South Kensington. Le Metropolitnn Muséum de Mew-York en possède
une (Oosby Hrown Collection, n" 1235). Un type dérivé de celui-c»
an musée du Conservatoire de Bruielles.n" 1511 (M \Hn,LON. III, 105);
hauteur, l'",48; largeur, O^.OO; monté de 94 cordes.
10, Décrite longuement par VALonicnr, loco cil. Cf. .Tussi G. Gruyer,
VArt fen-arais à l'époque des princes d'Esté, II. P:triF. 1897, p. 418.
TfCllMtjUE, ESTHÉTfOUli ET PÈDAGOdIE
LA HARPE li»27
l'eiU-ètre, faut-il supposeï- que c'élail là la harpe
double ordinaire, et qu'à rinslrument géant de Soulli
Kensirigton était réservé le nom d'arpa doppia ijvande
employé par exemple par Al. IJenelli'.
Esp:ig;iio et Portnj;:il>
La harpe est en usage en Espagne et en Portugal
pendant toute la période de la Renaissance; employée
parfois à faire danser. Le livre de chevalerie Tirant
h Blaiich (I4C0) nous montre, dans les grandes salles,
les luths et harpes marquant la mesure des pas que
dansaient giacieusemenl courtisans et leurs dames -.
Ou, dans la musique des festins (Trainfo île Amor, de
Juan DEL Encln.i, 1496)^. Ou encore, dans les proces-
sions et autres cérémonies religieuses''.
Les ordonnances de la corporation des luthiers de
Séville en 1502 exigent que le candidat soil capable
de construire, entre autres instruments, une harpe ^'.
F. Pedbell et l\. Mitjana ont cité, en Espagne et en
Portugal au xvi°siècle, de nombreux virtuoses, llélio-
dore DE Paiva, le Néerlandais Philippe Iîouier, etc.,
des compositeurs pour la harpe, tels que Gomes, et
surtout Cabezon'', avec ses Obras de musica para
tecla arpa y vihuela (Madrid, l.'i78).
C'est en Espagne que la première méthode de
harpe apparaît, dans la Decluracion de instrumentos
de Juan Bermudo''. Le livre IV, sous le litre général
Artc de entcnder y laàer la harpa, lui consacre six
paragraphes assez développés, d'inégal intérêt : il ne
nous apprend rien de bien nouveau lorsqu'il déclare
que la harpe n'a pas un nombre de cordes déter-
miné, qu'elle est accordée diatoniquement dans
l'ordre : deux tons, un demi-Ion, trois tons, un demi-
ton (notre gamme majeure). Mais il touche plus loin
au problème qui n'a pas cessé d'exercer l'ingéniosité
des constructeurs, celui du chromatisme delà harpe.
« La harpe, dit-il au chapitre J90, est actuellement
imparfaite, parce qu'elle est diatonique, et que la
musique d'aujourd'hui est semi-chromatique. » On
ne peut jouer dans les tons accidentés qu'en accor-
dant à nouveau l'instrument: certains virtuoses usent
de subterfuges divers pour obtenir une note diésée.
L'un d'eux, nommé Louis, raccourcit à cet efl'et, en la
pinçant près de son extrémité, la corde qu'il veut
hausser. Bermudo reconnaît l'imperfection de tels
artifices. Il préconise divers moyens d'ajouter posi-
tivement à chaque octave les cinq cordes qui four-
niraient les demi-tons manquants. On pourrait colo-
rer les cordes chromatiques afin de les distinguer des
autres. Il y a là une intuition réelle de l'avenir de la
harpe, et ces suggestions ont été plus d'une fois
reprises.
La iiinsique de harpe à la fin de la Renaissance.
On est réduit, là encore, à déplorer l'absence de
textes précis. La plupart du temps, la harpe soliste
est l'instrument par excellence des improvisateurs.
Dès qu'on l'associe au chant, le compositeur note
(comme pour le clavecin ou l'orgue) une simple basse
chiffrée où la technique particulière des harpistes ne
transparaît en aucune façon. Il en sera ainsi pendant
fort longtemps encore. Lorsque H^endel écrira, vers
173j (édité en 1738), son sixième concerto de l'op.IV,
pour harpe ou orgue, qu'il destinera au virtuose
Powell, on ne peut supposer que le harpiste s'ac-
commodera exactement des figurations convenables
à l'orgue, et négligera les ressources particulières
(arpèges, brisures, etc.) de son propre instrument.
Le droit aux fioritures, à l'ornementation person-
nelle, à la libre transcription, dont les autres vir-
tuoses usent pour des raisons bien différentes, se
renforce, pour les harpistes, des nécessités créées
par la facture de l'instrument. Il ne faut donc pas
i-onclure, de l'indigence de certains accompagne-
[ inents attribués à la harpe dans les partitions, à
une constante pauvreté d'exécution: le niveau d'exé-
cution, dans la plupart des cas, dépendait unique-
ment de l'acquis et du bon vouloir de l'interprète.
Mais il y avait, à coup sûr, chez les musiciens de la
lin du xvi= siècle, une compréhension du caractère et
des possibilités de la harpe qui ressort, et de scru-
pules comme ceux de Bermudo, et des rares textes
dans lesquels le compositeur a noté intégralement sa
pensée : c'est le cas, dans X'Orfeo de Monteverdi (1607),
pour la partie spéciale de harpe qui accompagne au
W- acte le chant d'Orphée, et la ritournelle qui suit :
Quelque idée que l'on se fasse du génie de Mo.\-
TEVERDi.ce court fragment nous le montre beaucoup
1. n Desiderio, op. t^it., p. 3.
2. F. Pedrem.. Emporta cientifico... de ortjanografia musical anti-
ijua espaûola^ Barrelone, 1901, p. 125.
3. R. MlTjANi, in Encyelopêdie de la Musique, p. 2l)31.
4. A Gerone, par exemple, en 1452. Cf. Julian le Chi ». La .Uusica en
fin-ona, Geron,i, 1880, p. 28.
plus moderne et conscient des ressources de la harpe
que la plupart des compositeurs qui s'évertueront,
pendant la deuxième moitié du xviii' siècle, à faire
d'elle un mauvais succédané du clavecin.
5. Examen de Violeront publié par Van der Straeten, op. cit., VI
259; F. Pedhell, op. cit., p. 90; R. Mjtjïnv, loco cit., p. 1(158,
6. Cf. F. Llicrat, in S. I. .M., 15 nov. 1910, pp. 605 sqq.
7. Grenade, 1555 (la 1" édition est de 1349).
Marc PINCHERLE.
LA HARPE ET SA FACTURE
par M. A. BLONDEL
DIRECTEUR DE LA MAISON ÉRABD
ORIGINE DE LA HARPE
La harpe, le plus poétique de tous les instruments
actuellement en usace, semble être un de ceux dont
l'origine remonte à la plus haute antiquité ; on la
trouve figurée sur les monuments les plus anciens
de l'Egypte etde l'Assyrie; elle était, sous forme d'ins-
trument portatif, très répandue chez les Perses, les
Hindous et les Hébreux ; elle semble avoir été connue
des Grecs, mais les Romains ne paraissent pas en avoir
FiG. 975. — Musique et danse égypliennes d'après un papyrus du Siudli Keimiiqtan Muséum de Londres.
fait usage ; ou la trouve chez les Anglo-Saxons, surtout
chez les Iilandais et les Gallois, dont elle fut toujours
l'instrument préféré.
Les bardes gallois excellaient à s'en servir : dans
leur pays, non seulement elle figurait à toutes les
fêtes publiques et privées, mais elle était aussi em-
ployée à accompagner les chants de guerre et à
exciter pendant les batailles l'ardeur des combat-
tants.
Rien ne prouve mieux l'honneur dans lequel elle
fut tenue en Angleterre que le fait d'être devenue,
sous le règne de Henri VIII, un emblème national, et
de figurer depuis lors sur les écussons et sur les
monnaies du Royaume-Lni.
Des pays du Nord, la harpe pénétra peu à peu chez
les peuples d'Europe.
Au moyen âge, elle était très en faveur. Au xvii= siè-
cle et surtout au xviii", sa vogue fut considérable.
Les toutes premières harpes ne portaient que peu
de cordes, mais leur nombre s'accrut rapidement,
ainsi que les dimensions de l'inslrument lui-même.
Les monuments égyptiens nous montrent des
harpes garnies de trois, sept, neuf, onze, treize et
même vingt cordes.
La harpe des Hébreux, appelée Kinnor, était pour-
vue de neuf cordes; celles des Anglo-Saxons en
comptaient onze et parfois treize, et les anciennes
harpes galloises de neuf à dix : ce nombi e augmenta
jusqu'à vingt-huit au xvi= siècle, nous dit M. Raphaël
Martknot, dans la notice historique qui sert d'intro-
duction à sa remarquable Méthode de harpe'.
1, CcUe mdliode est éditée chez MM. Enocli et C"
des Italiens, ^"i Paris.
27, lioillï'vard
Au xv= siècle, apparaissent des harpes garnies de
deux rangées de cordes parallèles, et au xvi=
siècle, des harpes chromatiques pourvues de
trois rangées de cordes, la rangée du milieu
se composant des notes altérées, les
deux autres des notes naturelles.
La ligure ci-contre montre une de ces
harpes qui fait actuellement partie de
la célèbre collection du Kensington
Muséum à Londres.
Au début du xix« siècle, nous voyons
se produire de nouveaux
essais de harpes chroma-
tiques dus au Saxon Pfran-
GER et à l'Américain de
Lehman.
Les instruments ainsi
construilscomplaientdeux
rangées de cordes se croi-
sant en X sans se toucher,
et répondant l'une aux
touches blanches du piano,
l'autre aux touches noires ;
mais ces tentatives ne don-
nèrent pas les résultats
espérés.
On reprochait à ces ins-
truments la difficulté que
présentaient pour l'exécu-
tant leur double armature
de cordes, le manque d'es-
pace entre chaque note,
qui empêchait d'attaquer
les cordes avec vigueur, de
i
FiQ. 07(;.
Harpe chromatique
:'i trois rangs de cordes.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE ET SA FACTURE 1029
crainte de les faire s'entre-clioquer, et la pauvreté de
leur sonorité, conséquence de l'excès de tirage exercé
sur la tal)le d'harmonie par ces cordes trop nom-
breuses.
iMais, revenons un peu en arrière.
Au XVI 1= siècle, la harpe avait une étendue de quatre
octaves, du ((o immédiatement au-dessous de laportée
de la clef de fa au do immédiatement au-dessusde la
portée de la clef de sol, et ne présentait que des inler-
valles diatoniques.
Des facteurs tyroliens, dont les noms ne sont pas
parvenus jusqu'à nous, voulant remédier à cette insuf-
FiG. 977. — Harpe du xvii« siècle
(Mersenne, Harmonie universelle, 1636).
AUc, clef pour tourner les chevilles; Brf, cheville métallique;
J, Ijouton de fixation.
flsance et mettre l'instrument en étal de moduler,
imaginèrent, vers 16fiO, de fixer à la console des cro-
cEets appelés parfois sabots, qu'à l'aide de la main on
faisait appuyer contre les cordes et qui, en raccour-
cissant d'un dix-septième environ la partie vihrante
de celles-ci, les faisaient hausser d'un demi-ton.
Cette disposition avait, entri^ autres incommodités,
celle d'ohliger l'exécutant à cesser de jouerd'une main
lorsqu'il fallait faire agir ou faire cesser d'agir ces
crochets, et elle ne modifiait le ton que d'une seule
note de l'instrument, sans que les répliques par octave
subissent la moindre altération.
Suivant l'opinion la plus généralement répandue,
ce fut vers 1720 que Hoohbhl'cker, originaire de Do-
nauwerth, conçut et réalisa le premier mécanisme à
pédale qu'on ait appliqué à la harpe pour la rendre
propre à moduler, en faisant, au moyen des pieds.
©PM
D
monter à volonté et instantanément chaque corde
d'un demi-ton.
Il opéra ainsi une révolution très remarquable dans
fexécution musicale dont la harpe est susceptible.
Les sept pédales, placées à la base de l'instrument,
étaient les pièces extérieures de sept leviers doubles,
dontles pièces intérieures tenaient à autant de trin-
gles renfermées dans la colonne. Une équerre, placée
au sommet de chaque tringle, transmettait le tirage
à une vergette à articulation infléchie suivant la
courbe de la console et attachée par son autre extré-
mité à un ressort qui la rappelait quand on lâchait
la pédale, ou qu'on la faisait échapper du cran dans
lequel elle était arrêtée.
La vergette courbe tenait à autant d'équerres qu'il
y avait de cordes d'une même dénomination, et
lorsqu'elle était tirée par la pédale, chacune des
équerres faisait mouvoir, per-
pendiculairement à la corde
à laquelle elle se rapportait,
une tige portant un crochet
qui saisissait la corde et la
faisait reposer sur un sillet
fixé à la console au-dessous
du crochet.
La distance entre le sillet
et le bouton sur lequel pas-
sait la corde avant de s'en-
rouler sur la cheville était
déterminée de manière à faire
hausser d'un demi-ton la
corde accrochée.
Ce mécanisme, qui mar-
quait un grand progrès par
la propriété qu'il avait de
rendre chaque note représen-
tative de deux sons, présen-
tait des inconvénients, dont
se plaignaient les musiciens.
Lorsque la corde était atti-
rée par son crochet, elle sor-
tait du plan des autres cor-
des, ce qui gênait le doigté,
et il arrivait fréquemment
qu'elle était trop ou trop peu serrée sur son sillet :
dans le premier cas, elle se coupait; dans le second,
la vacillation de son point d'attache supérieure don-
nait au son cette mauvaise qualité que les harpistes
appellent frisement.
La figure ci-dessus représente ce système ; elle
indique la position de la corde vue de front, celle de
la corde vue de côté et celle de la corde amenée par le
crochet contre le sillet.
A HocHBRUCRERet au facteur français Gaiffre, auquel
certaines personnes, notamment M"» de Genlis, atlri-
buentplutôtqu'àlIocHBRLCKER la premièreapplication
des pédales à la harpe, succédèrent plusieurs autres
facteurs habiles, parmi lesquels nous citerons :Loi'vet,
Salmon, Holtzmann, Lépin-e, Naderman, et Cousineau;
ces deux derniers surtout s'acquirent, à l'époque, une
renommée considérable et justement méritée par la
perfection de leurs instruments, et par le degré
d'élégance auquel ils en poussaient la décoration.
La figure ci-après, qui représente une harpe
exécutée par >'adehman pour S. M. la reine Marie-
Antoinette, donnera une idée de la richesse d'orne-
mentation à laquelle atteignaient parfois les instru-
ments de celte époque.
Cette harpe appartient au Conservatoire de musi-
Fifl. 978.
Mécanique h ci'ochet.
1930
tACrCLOPÉDfE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIliE niJ COySERVATOIlîE
Fia. y7P.
Harpe de la reine
Marie- Antoinelte.
que et de déclamation de Paris, et t'ait partie de sa
collection d'instruments anciens.
Pour remédier aux inconvénients inhérents au sys-
tème des crochets dont nous ve-
nons de parler, il fut fait de nom-
breuses tentatives, dont deux
seulement méritent d'être rete-
nues.
La première consistait à aug-
menter la tension de la corde de
manière à la hausser d'un demi-
ton, résultat qu'on obtenait en
faisant tourner, par le moyen de
la pédale, l'axe d'une pièce ronde
sur laquelle la corde était enrou-
lée. Cette disposition avait l'avan-
tage de conserver les cordes dans
un même plan, de ne point faire
varier les longueurs, de suppri-
mer les sillets et d'éviter les fri-
semenls et les étoufTements de
sons auxquels l'emploi de ces
sillets donnait lieu; mais ces
avantages étaient annulés par la
prompte altération de l'accord de
l'instrument, provenant de la
fatigue qu'éprouvaient les cordes
successivement tirées et h\chées
lorsqu'on faisait jouer les péda-
les.
La seconde et la plus heureuse
de ces tentatives fut faite par les frères Coisineau :
elle comportait le raccourcissement de la corde par
le moyen de sillets mobiles, sur lesquels la corde
était pincée et raccourcie sans subir de mouvement
latéral. A cet effet,
il faisaient passer
la corde entie deux
petites pièces de cui-
vre placées au-des-
sousdu bouton d'ar-
rêt supérieur, qui
remplit l'ofllce de
chevalet. Ces petites
pièces avaient la
forme de béquilles
(d'où le nom de sys-
tème à béquilles
donné à cette dispo-
sition),etsetenaient
dans une position
parallèle à la corde
lorsque la pédale
était décrochée. Le
jeu de ces pédales
pç> leur faisait faire à
chacune, en sens
contraire, à peu près
un quart de révolu-
tion; les cordes se
trouvaient ainsi ser-
rées entre les pièces
représentant les
manches des béquil-
les et raccourcies de la quantité convenable. Le dou-
ble mouvement de rotation qui faisait mouvoir les
béquilles s'opérait à l'aide d'une vergette à aiticula-
tion épousant la courbe de la console; cette vergette
était commandée par la pédale.
% CU^
%
%
^
^
FiG. 9S0. — Mode d'action
d'une mécanique à béquilles.
Ce système marquait un progrès sur le système à
crochets, et sur celui qui consistait à raccourcir la
corde au moyen de la pièce tournante dont nous
venons de parler; mais il était entaché encore de
nombreuses imperfections.
Vers 1810, Sébastien Erard, qui s'était déjà acquis
comme facteur de pianos une renommée universelle,
et que le célèbre harpiste Krlmi'HOLz sollicitait
depuis longtemps d'appliquer à la harpe ses facultés
inventives, imagina pour cet instrument un système
de mécanique dii, à fourchettes, dans lequel il substi-
tuait aux crochets et aux béquilles, dont il a été parlé
plus haut, des disques en cuivre armés de deux bou-
tons en saillie entre lesquels passait la corde.
Ces disques, parallèles à la face de la console, ré-
pondaient par leur axe à l'axe de la corde ; deux bou-
tons de cuivre poli étaient fixés à ces
disques perpendiculairement à leur
plan. Lorsque la pédale élait décro-
chée, ces deux boutons se trouvaient
placés de chaque côté de la corde,
sans la toucher; quand on voulait
élever la note d'un demi-ton, la pé-
dale sur laquelle on appuyait impri-
mait un mouvement de rotation au
disque, les deux boutons saisissaient
la corde en sens contraire et la rac-
courcissaient sans la déranger de sa
position normale, en laissant au son
toute sa justesse.
La pression exercée par les boutons
des fourchettes avait l'avantage de
ne pas couper ou érailler les cordes,
comme cela se produisait avec les
autres systèmes.
Quant au fonctionnement du mé-
canisme, il était des plus simples.
La rotation de chaque disque s'opé-
rait par celle d'un axe d'acier auquel
le disque tenait par son centre. Ces
axes pivotaient entre deux plaques
de cuivre contenant tout le mécanisme
et s'appuyant de chaque côté de la
console.
Chacun de ces axes était mis en
mouvement par un levier relié à une vergette qu'ac-
tionnait la pédale correspondante par l'entremise
d'une des tringles passant par la colonne.
Toutes les pédales étant levées, on accordait celte
harpe en mi bémol; par ce moyen, on avait les
mi, si, ta bémols, et eu faisant intervenir les pédales,
on avait les bécarres; les ré, sol, ut, fa étaient bé-
carres sans l'intervention des pédales, et dièses avec
les pédales; mais on était privé des mi, si, la dièses
et des ré, sol, ut, fa bémols : d'où il suit que toutes
les modulations n'étaient pas possibles en certains
tons, et que, bien qu'il fût déjà considérable, le résul-
tat acquis laissait encore beaucoup à désirer.
Le problème qui s'imposait aux recherches de
tous les facteurs parut un instant avoir été résolu par
MM. CousiNEAU, dont nous venons de parler, lesquels
imaginèrent, en 1812, d'ajouter à leur harpe une se-
conde rangée de pédales, et de doubler le mécanisme
de l'instrument h. l'aide d'un jeu supplémentaire de
mouvements et de béquilles.
L'accord de cette haipe se faisait en ut bémol.
Le rang inférieur de pédales répondait aux sept
renvois de mouvements qui haussaient les cordes à
vide d'un premier demi-ton; le rang supérieur était
FiG. 981.
Mécanique
à fourchettes
à simple
mouvement.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE ET SA FACTURE M31
lié à sept autres renvois qui liaussaient d'un second
demi -ton les cordes déjà accrocliées par le rang
inférieur. Mais la difficulté que comportait le jeu de
ces quatorze pédales, le poids plus considérable de
l'instrument, la complication inhérente aux moin-
dres réparations, enfin et surtout le principe défec-
tueux des béquilles, que leur doublement rendait
plus manifeste encore, firent bientôt délaisser les
harpes construites d'après ces nouvelles données.
Entre temps, Sébastien Erard, que ne rebutait au-
cune difficulté, quelque insurmontable qu'elle parût
être, poursuivait ses travaux et, plus heureux que
MM. CousiNEAU, réussissait, au cours delà même année
1812, à produire une harpe à double mouvement qui,
par son ingénieuse disposition, non seulement com-
bla, mais dépassa toutes les espérances.
Le mécanisme de cette nouvelle harpe est iden-
tique, comme principe, à
celui de la harpe à sim-
ple mouvemeni que nous
avons décrit plus haut,
sauf que l'étendue du
mouvemeni de va-et-vient
des tringles intérieures a
été augmenté, de manière
à faire faire successive-
ment une portion de ré-
volution non plus ;i un,
mais à deux disques mu-
nis des fourchettes dont
nous avons déjà expliqué
la disposition, le premier
de ces disques servant à
raccourcir la corde pour
le premier demi-ton, le
second la raccourcissant
pour le second demi-ton.
Deux crans superposés,
auxquels la pédale peut
être accrochée, permet-
tent à cette pédale de
produire sur la même
corde le double effet que
nous venons d'exposer; accrochée au premier cran,
elle fait décrire au disque inférieur une révolution
partielle qui, en se répercutant à l'aide d'un renvoi
sur le disque supérieur, produit le premier demi-ton;
la continuation de ce mouvement, quand on accroche
la pédale au second cran, donne le second demi-ton.
Sept pédales suffisent ainsi pour rendre chaque
corde représentative de trois sons, le bémol, le son
naturel et le dièse.
Sauf le cas de doubles dièses et de doubles bé-
mols, ces harpes permettent d'exécuter toute la mu-
sique; l'artiste n'ayant jamais à remplacer l'un par
l'autre le bémol d'une corde ou le dièse de la corde
inférieure, le morceau à exécuter peut porter depuis
sept dièses jusqu'à sept bémols.
De treize gammes que l'on obtenait avec la harpe
à simple mouvement, on en obtint désormais vingt-
sept avec la harpe à double mouvement, et il devint
possible avec elle de moduler rapidement et d'exé-
cuter des suites ininterrompues de demi-tons.
Voici comment M. F. .Maignien, le délicat écrivain
et le très distingué harpiste de l'Opéra de Paris,
s'exprime sur ses avantages :
« Cette grande invention du système à double
mouvement permit à la harpe déjouer dans tous les
tons et modes, avec ce réel avantage sur le piano que
FiG. 982. — Mécanique à four-
chettes et à double raouve-
menl.
le doigté est toujours identiquement le même, quels
que soient les tons et modes, ce qui est une grande
facilité et une notable économie de travail. »
Kt plus loin :
« J'ai essayé de noter harmoniquement les divers
accords exécutables et de les chiffrer.
« On peut obtenir avec les pédales à double mou-
vement tous les accords de septième diminuée; ceux
de septième de dominante sont possibles dans dix
tons différents, les accords de septième se font sur
dix-huit sons distincts, ceux de septième de sensible
sur douze sons, plus deux accords de septième de
dominante avec quinte augmentée. Tous les accords
de neuvième sans exception, en majeur et en mineur,
sont facilement exécutables en (ilissandi, et cela très
vivement, car il y a rarement plus de deux pédales à
mouvoir pour obtenir la combinaison de ces accords.
Il y a aussi divers accords de quintes et sixtes aug-
mentées et des gammes de tons entiers. »
Pour toute simple que paraisse aujourd'hui cette
disposition du double mouvement de la harpe, elle
constitue une œuvre de mécanique prodigieuse qui,
après avoir fait, en ISlii, l'admiration des Académies
des Sciences et des Beaux-Arts réunies, auxquelles
elle fut présentée, n'a cessé depuis lors de susciter
le même sentiment admiratif chez toutes les per-
sonnes capables d'en comprendre et d'en apprécier
le rare mérite '.
Les facteurs de harpes qui ont marqué à côté
d'ËRARoau xix= siècle sont :
Plane, auteur d'un mécanisme permettant d'exé-
cuter les doubles demi-Ions (1813).
Gilles, inventeur d'un système à peu prés analo-
gue (1814).
Pierre Chaillot, qui imagina de transporter les
cordes du côté gauche au côté droit de la console,
afin de rendre plus facile le jeu de la main droite,
disposition qui ne rencontra d'ailleurs aucune faveur
(1820).
Camille Pleyel, qui, vers 1834, fabriqua d'après
les plans de Dizi, harpiste compositeur et virtuose
de valeur, des harpes à simple et à double mouve-
ment imitées de celles d'ERARo.
DoMÉNY, qui s'acquit à la même époque une répu-
tation de facteur consciencieux par ses instruments
à simple et à double mouvement.
De 183^) à 1838, Pierre Erard, neveu et successeur
de Sébastien Erard, dont nous venons d'exposer les
travaux et la géniale invention, apporta à son tour
de notables perfectionnements à la harpe, en faisant
opérer dans le corps de l'instrument une partie du
mouvement des pédales qui s'opérait jusque-là dans
la cuvette seule, ce qui lui permit de réduire la hau-
teur de la cuvette, d'augmenter les proportions du
corps sonore" et de la table d'harmonie, et, par suite,
d'enrichir la sonorité de l'instrument en employant
des cordes plus fortes et en les espaçant davantage.
Aujourd'hui, l'ensemble de la harpe et les détails
de ses différents organes semblant avoir atteint le
plus haut degré de perfectionnement possible, nous
allons décrire la fabrication de ce gracieux instru-
ment, telle qu'elle se pratique dans les ateliers de la
maison Erard.
Chacun sait que la harpe affecte une forme trian-
gulaire, et qu'elle se compose de trois parties essen-
1. Nous avons fait intentionnellement, <iu cours de cette étude, de
fréquents emprunts au rappOTt présenté sur la harpe de Sébastien
ËRARD aux Académies des Sciences et des Beaux-Arts par le baron
DE Prosv, dont la compétence en pareille matière fait autorité.
1932 ENCrCLOPÉDfE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
tielles qui sont : le corps sonore, la console qui
reçoit le mécanisme et les chevilles, et enfin la co-
lonne qui réunit le corps sonore et la console.
Dans les instruments modernes, le corps sonore et
la colonne reposent et viennent se Joindre sur une
petile table que l'on appelle cuvette, et sous laquelle
sont placées les pédales.
Le corps sonore, qui affecte la forme d'une gout-
tière allant en se rétrécissant à sa partie supérieure,
supporte une table d'harmonie qui est percée, dans
le sens de sa lon^'ueur et suivant une ligne médiane,
de petits trous destinés au passage des cordes, les-
quelles sont en boyau dans les octaves supérieures
et dansle médium, en soie ou en acier, mais toujours
recouvertes d'un fil de laiton, pour les notes graves.
Dans les harpes modernes, les cordes sont fixées à
leuT extrémité inférieure au moyen de boutons, gé-
néralement en bois d'ébène, que l'on insère dans les
mêmes trous que les cordes, et qui appuient celles-ci
contre la table d'harmonie ; elles s'enroulent à l'autre
extrémité sur des chevilles en fer traversant la con-
sole; ces chevilles servent à les tendre et à les
accorder.
Le corp.s sonore.
Le corps sonore, composé de trois forts placages
de hêtre, d'érable ou de palissandre, collés l'un sur
l'autre dans un moule de fonte, est renforcé à l'in-
térieur par une légère charpente en
forme de demi-cerceaux, qui le conso-
lide et lui conserve sa forme; il est
fermé à sa partie supérieure par une
table de résonance faite, comme les
tables de résonance des
pianos, en bois de sa-
pin de Hongrie (épicéa)
choisi, appareillé, sé-
ché, préparé et collé
avec un soin extrême.
Cette table, dont le
profil comporte la plus
grande précision, ses
qualités acoustiques dé-
pendant essentiellement
de la rigoureuse obser-
vation de ce profil, est
percée de trous garnis
à leur partie supérieure
d'un épaulenienl d'i-
voire, et eu nombre cor-
respondant au nombre
de cordes que comporte
l'instrument.
Les cordes passent par ces trous; elles y sont
maintenues par des boutons d'ébène qui les appuient
contre l'épaulement d'ivoire dont il vient d'être
question, lequel a pour principal objet d'empêcher
la corde tendue de s'imprimer dans le bois de la
table de résonance, ce qui ferait rendre à cette
table un son sourd et cinglant.
La partie inférieure du corps sonore est percée de
larges ouvertures permettant au son de s'épanouir
aisément.
La console.
La console est formée de plusieurs épaisseurs de
bois de sycomore et de cormier, dont le lil est dis-
posé en sens contrariés, pour lui donner plus de
FiG. 983.
Corps de harpe
non encore tablé.
PiG. 981.
Corps de harpe
tabli^.
solidité et l'empêcher de se fendre; elle est percée
de trous permettant le passage des pivots de la mé-
canique, et des chevilles à accorder sur lesquelles
s'enroulent les cordes.
La colonne.
La colonne, faite en bois de sycomore, est creuse
en forme de tube, et c'est par ce tube que passent les
tringles d'acier qui relient les pédales à la mécani-
que; elle est légèrement cintrée dans le sens opposé
au tirage des cordes, afin de mieux résister à l'actioB
de cette traction ; elle se relie à la console par un
collage que viennent consolider de fortes vis.
La cuvelte.
Ainsi que nous l'avons dit, la cuvette forme le pied
de la harpe.
C'est dans cette partie de l'instrument que sont fixés
et que fonctionnent les pédales et leurs ressorts.
Chaque pédale se meut dans un créneau pourvu
de crans d'accrochage destinés à la retenir dans ses
différentes positions de bémol, bécarre et dièse.
L'ouvrier harpiste, après avoir moulé le corps
sonore, y colle les cerceaux, la table de résonance,
assemble la console avec la colonne, et ajuste la
cuvette au moyen de vis permettant un démontage
facile en cas de remplacement nécessaire des ressorts
ou de leur graissage; puis, il pose les ornements de
la colonne et de la cuvelte, dont les plus fragiles ou
les plus exposés aux chocs sont en aluminium ou en
cuivre estampé.
Le bois ainsi terminé passe à l'atelier du vernis-
sage, où il reçoit les couches nécessaires et succes-
sives de vernis qui doivent être appliquées à inter-
valles éloignés et, de l'atelier du vernisseur, arrive à
la gravure, puis à l'atelier de dorure, où les orne-
ments sont repassés et dorés.
Le monteur y ajuste ensuite les chevilles à accor-
der, la mécanique qui a été, au préalable, montée
de toutes ses pièces, place les cordes de boyau et de
métal et pose les pédales.
La mécanique.
La mécanique, qui est faite par des mécaniciens
FiLi. 935. — Mode d'action d'une mécanique d'Éh.uii»
à fourchettes et i double mouvement.
TECnS'IQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE ET SA FACTURE 1933
spécialistes à l'aide d'un oulillaf;e de précision,
exi^'e le plus }»rand soin. Cliaque pièce en est soignée
oomme une pièce d'horlogerie, et chacune de ses
articulations ajustée et réglée avec la plus extrême
justesse. KUe est composée intérieurement, comme
nous l'avons expliqué, de tringles ou petites bielles
d'acier se reliant sur
des équerres de cui-
vre, montées elles-
mêmes sur les pivots
des disques porleurs
des fourchettes, qui
pincent et raccourcis-
sent la corde lorsque
ces disques sont ac-
tionnés par les péda-
les.
Ces pivots tournent
entre deux plaques de
cuivre récrouies au
marteau, dans le but
de les rendre aussi
dures et aussi résis-
tantes à l'usure que
possible.
Ce sont ces deux
plaques de cuivre qui
forment les joues de
la mécanique.
La harpe étant ainsi
montée est accordée
progressivement au
diapason, où elle est
maintenue pendant un mois, puis arrive aux mains
du finisseur, qui règle les demi-tons; ce réglage s'ob-
tient au moyen des sillets mobiles, que l'on fait
monter ou descendre suivant que les noies sont trop
au-dessous au au-dessus de leur point juste.
Cette dernière opération terminée, l'instrument est
considéré comme complètement achevé et prêt à
entrer en service.
FiG. 986. — Harpe finie.
DE L'ACCORD DE LA HARPE A DOUBLE MOUVEMENT
DERARD
Ainsi que nous l'avons expliqué au cours de cette,
étude, la harpe à double mouvement d'EsARD pré-
sente cet avantage de faire produire trois sons diffé-
rents à chaque corde, au moyen de deux fourchettes
agissant sur la même
corde et mises en mouve-
ment par la même pédale.
Lorsque la corde est
libre, c'est-à-dire lors-
qu'elle n'est pas pincée
par l'une des fourchettes,
elle donne le bémol (Ii;
elle donne le son naturel
lorsquelle est pincée par
la fourchette supérieure
(II), elle dièse lorsqu'elle
est pincée par les four-
chettes supérieure et infé-
rieure (III).
Par conséquent, toutes
les pédales étant levées,
toutes les cordes sont
bémolisées, et la harpe
se trouve en ut bémol;
toutes les pédales étant accrochées au premier cran,
toutes les cordes donnent le son naturel, et la harpe
se trouve en ut naturel; toutes les pédales étant
accrochées au deuxième cran, toutes les cordes don-
nent le dièse, et la harpe est en ut dièse.
La harpe à double mouvement s'accorde donc en
ut de la manière suivante :
Toutes les pédales étant levées, accorder cet ut à
l'unisson d'ut bémol ou de si naturel, ce qui est la
même chose sur le piano; accorder ensuite par
quintes cl par octaves de la façon suivante :
FiG. 987
— Les trois positions
de la cordo.
1
^
i=ïl
12;:
ZSL
Jv^W-^
J- a ^'ïï
Cette partition étant bien faite, accorder par oc-
taves dans le haut et par octaves dans la basse.
Pour monter la harpe au ton, cette méthode d'ac-
corder est la seule qu'on doive employer, car, dans
ce cas, toutes les cordes qui sont à vide se tendent
plus aisément; mais, lorsque la harpe est au ton, et
lorsqu'il s'agit simplement d'en repasser l'accord, on
peut accrocher toutes les pédales au cran du milieu,
et accorder en ut naturel comme il suit :
^=az
m
f
^
^=1
^^^
a»- -«^
Des bémols*
Pour mettre la harpe dans le ton d'ut naturel,
accrocher toutes les pédales au premier cran ; pour
passer dans les tons bémols, décrocher ces mêmes
pédales; pour passer dans les tons dièses, les accro-
cher toutes au second cran.
Des dièses.
Pour mettre la harpe en la bémol, par exemple, il
faut lever les quatre pédales mi, si, la, ré; pour les
quatre cordes bémolisées, et laisser les pédales sol, ut,
fa accrochées au premier cran, pour les trois cordes
naturelles.
Hl34
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONS'AIRE DU CONSERVATOIRE
Pour mettre la harpe en si naturel, par exemple,
il faut accrocher au second cran les cinq pédales /"a,
ut, sol, ré, la, pour les cinq notes dièses, et laisser les
pédales mi, si accrochées au premier cran, pour les
deux cordes naturelles.
Tel est sommairement décrit dans ses origines,
ses progrès successifs et son état actuel, qui semble
avoir atteint le plus haut degré de perfection auquel
il pouvait être amené, le gracieux instrument dont
la voix célesle a inspiré tant de poètes, tant de com-
positeurs, qui a ému et charmé tant de générations,
et dont une pléiade de fervents admirateurs a pieu-
sement entretenu le culte depuis les temps les plus
reculés jusqu'à nos jours.
Après avoir principalement servi pendant des
siècles à accompagner les chants de guerre, les mé-
lopées nationales, et plus tard, les improvisations des
minstrels et des troubadours, après avoir été et
être demeuré l'irtstrumenl favori de virtuoses émé-
rites, dont certains ont conquis une renommée uni-
verselle, la harpe, grâce aux ressources dont l'a enri-
chie la géniale invention de Sébastien Erard, a pris
dans l'orchestre moderne une place de plus en plus
importante, elle y joue déjà un rôle essentiel, et il
n'est pas téméraire de prévoir que, dans ce vaste
domaine, une faveur plus grande encore lui sera
réservée dans un très prochain avenir.
A. ni.ONDEl..
LA HARPE ET SA TECHNIQUE
Par Alphonse HASSELMANS
ancii:n TROI-'ESSECR ac conskrvatoike
ÉVOLUTION ET TECHNIQUE DE L'INSTRUMENT
La harpe, jusqu'au xiv« siècle, était, formée d'un
cadre en bois sur lequel on tendait les cordes; on
conçoit qu'un tel système était réfractaire aux mo-
dulations; aussi, la musique se transformant peu
à peu et les autres instruments subjssant les lois de
cette progression, la harpe ne tarda pas à tomber
en désuétude jusqu'à la fin du xvn" siècle.
Ace moment (1660), des Tyroliens, dont les noms
sont restés inconnus, imaginent les sabots, sortes de
crochets actionnés par la main dans le but de modi-
fier d'un demi-ton les cordes correspondantes; ce
mécanisme n'eut aucun succès-.
En 1720, un luthier de Oonauwerth, nommé Hoch-
BRUCKEn, invente la pédale^; Gousinkau et Naderman
bénéficient de cette découverte et consti-uisent des
harpes à sept pédales*, chacune de celles-ci pouvant
hausser d'un demi-ton, dans toute l'étendue de l'ins-
trument, une des noies de la gamme diatonique^.
Vers la fin du xviii' siècle, la harpe prend un essor
considérable; on lui fait accompagner les romances
en vogue, et l'exemple en est donné par la reine
Marie-Antoinette elle-même; les virtuoses commen-
cent à se produire; parmi eux, KauMPHOLz et le vi-
comte DE Marin se l'ont particulièrement remarquer;
enfin, nous voyons apparaître les premières parties
de harpe à l'orchestre : les Bardes, de Lesueur ; Uthal,
Joseph, de Méhul; Orphée, de Gluck; la Vestale, de
SpontiniI; Wallace, de Catel; Prométhée, de Beetho-
ven; Manfred, de Schumann, etc.
Cependant, la harpe avait encore de nombreux dé-
fauts : les crochets actionnés par les pédales se bri-
saient très rapidement; les cordes et les ressources
générales de l'instrument s'opposaient encore à
l'exécution des modulations rapides; c'est alors que
le génie de Sébastien Krard s'en empare; il substitue
les fourchettes aux crochets, puis il crée, en 1811,
une merveille d'ingéniosité et de précision : la harpe
à double mouvement'^.
1. Nous adressons nos vifs remerciements à M. Tochnif.r, profes-
setir au Conservatoire, qui a bien voulu revoir te manuscrit Je son
mattre Hassklmans. (n. d. l. d.)
2. Ce système est appliqué sur quelques tiarpes galloises.
3. L'invention de HocHBitncKEii ne fut connue en France qu'en 1749.
4. CocsiNEAU fut fauteur d'un projet de harpe i quatorze pédales.
5. On appelle cet instrument harpe n simple mouvement ; on l'ac-
cordait en mi\^ majeur,
6. Sébastien Eiiaiid commença par appliquer la fourchette à la harpe
à simple mouvement, celle qu'on construisait alors; dans cette harpe,
l'intonation de chaque corde pouvait âtre modifiée d'uu demi-ton (au
Depuis, certains facteurs, voyant dans l'usage des
pédales une source de difficultés dont ils s'exagé-
raient l'importance, cherchèrent le moyen de les
supprimer; c'est ainsi qu'un nommé Pfeikker ima-
gina, en 1820, une harpe ditale, dans laquelle le
mécanisme des pédales était placé sous les doigts de
l'exécutant; en 1843, un facteur de pianos, Pape, prit
un brevet pour une harpe chromatique à deux ran-
gées de cordes croisées en X et formant un total de
soixante-dix-huit cordes environ".
La harpe Erard est accordée en ut\i majeur*; elle
a une étendue de six octaves et demie, du ^E
l-o
n-<
^" ^= ''
est munie de sept pédales qui peu-
vent, au gré de l'exécutant, être employées, soit pas-
sagèrement par une simple pression du pied, soit
fixées. Un ressort, agissant de bas en haut, les ramène
ù volonté.
Chacune de ces pédales correspond à une des notes
de la gamme diatonique et porte son nom; elle agit
simultanément sur toutes les notes de même nature
que comporte l'instrument; ainsi, la pédale de do
agit sur tous les do, celle de ré sur tous les ré, etc.
L'action de ces pédales sur les cordes a pour effet
de les hausser de deux demi-tons successifs, ce qui
lieu de deuj actuellement) ; la console ne supportait qu'une rangée de
sabol.1 (remplacés par les foiirche(ti'x), et les pédale» n'évoluaient que
dans un cran, d'oii le nom de harpe n iimple effet, simple mouvement.
On facrordait en mi[y, et un grand nombre daltérations ne pouvaient
«obtenir qu'a l'aide de synonymes; le champ d'action de cet instru*
ment était naturellement très restreint,
7, La notice publiée en langue anglaise par l'inventeur de ce svs-
téme dit textuellement ; « Pour éviter la confusion, j'ai disposé les tons
d'un coté de la console, et de l'autre coté les demi-tons. • Ce ne peut
être qu'un lapsus, et par cela même qu'une semblable disposition serait
en fait impraticable, dés que ta tonalité d'ut majeur serait abandonnée;
il faut admettre que Put qui, dans la facture instrumentale, était loin
d'être le premier venu, a voulu dire : • J'ai placé d'un côté de la con-
sul; les cordes correspondant aui touches blanches du piano, et de
l'autre, celles qui correspondent aiii touches noires. ■
8, La nécessité pour I eiécutant d'accorder sa har[)e l'oblige à pos-
séder une oreille musicale très siipe ; il en est de même pour te violon,
le violoncelle et tous les instruments dont la justesse dépend du »ir-
luose. Cette nécessité crée, de prime abord it du fait même de la
nature, une sélection ; on peut le regretter, mais seulement au point
de vue de la démocratisation de l'art, ce qui est, eu somme, une théorie
très discutable.
1936
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
revienl à dire que chaque corde peut produire trois
sons différents : le h, la corde étant à vide, le t), après
un premier mouvement de la pédale, et le jf après
un second mouvement de la même pédale.
Pour la clarté de cette démonstration, nous sup-
posons que les sept pédales ont subi un premier
mouvement, et que toutes ont été accrochées au ti;
la succession naturelle des cordes donnera la gamme
d'ut majeur. Il suffit alors, si Ton veut obtenir celle
de fa majeur, de décrocher la pédale du si, ce der-
nier reprenant sa place au K tous les si redeviennent
b, et la succession naturelle des cordes produit la
gamme de /a majeur.
En agissant de la même façon pour le yni, on se
trouve en si b majeur; si alors on ramène ces deux
pédales de si et de mi au t], il suffira d'une nouvelle
pression sur la pédale du fa pour que, cette dernière
opérant son second mouvement, tous les fa devien-
nent S et que l'on obtienne ainsi la tonalité de sol
majeur.
Tous ces mouvements de pédales se font facile-
ment et rapidement; ils deviennent très vite familiers,
et sont tellement logiques à l'égard des principes
mêmes de la musique, qu'en une seule leçon ils sont
compris des élèves, pour lesquels la vraie difficulté
de bien jouer de la harpe réside toujours dans le
mécanisme des doigts'.
Une des particularités du doigté de la harpe est
qu'il n'est pas fait usage du cinquième doigt. Cepen-
dant, un de nos prédécesseurs au Conservatoire,
s'inspirant de la méthode de M-»» de Genlis et d'une
conformation de main exceptionnelle, préconisa et
enseigna l'utilisation de tous les doigts. Sous une
apparence de logique, cette innovation cachait une
tare qui devait conduire l'art de la harpe à un effa-
cement presque absolu; le petit doigt étant norma-
lement de beaucoup le plus court, il fallait, pour lui
permettre d'atteindre les cordes, modifier de telle
façon la position des mains, que la qualité du son en
était altérée de très sensible et désastreuse m£\nière.
Cette vérité, cependant si évidente, n'empêcha pas la
nouvelle méthode de prévaloir.
Ce fut le signal d'une période de décadence qui
AndnnJte c&n moto
\ 0 0 0
dura quaranle-six ans, après laquelle le bon sens
repi'it enfin ses droits.
On aurait aujourd'hui quelque peine à retrouver
une demi-dou/.aine d'adeptes de ce système qui,
pendant un temps, passa pour être celui de l'avenir.
Comme conclusion à ce qui vient d'être dit, la
bonne position des mains est la condition essentielle
d'une belle sonorité et d'une virtuosité de bon aloi.
En outre des sons naturels, la harpe possède la
faculté de produire des sons artificiels qui viennent
très heureusement varier, par des timbres différents,
le jeu de l'exécutant : il s'agit des sons harmoniques^
des sons étouffés, et de ceux qu'il peut obtenir en
rapprochant les mains de la table d'harmonie (sons
de guitare).
Les sons harmoniques s'indiquent par un zéro
placé au-dessus de la note à jouer, et produisent
l'octave supérieure de cette même note. Un son har-
monique (le son 2 en l'occurrence) est le résultat de
deux opérations distinctes, lesquelles s'effectuent en
même temps : 1" mise en vibration de la corde,
2° séparation de celte corde en deux parties stricte-
ment égales au moyeu d'un sillet artificiel ; à la harpe,
les sons harmoniques sont doigtés par le pouce, et
le sillet artificiel est constitué à la main droite par
l'index replié sur lui-même, à la main gauche par
le côté extérieur de la paume, la main étant allon-
gée en forme de coupe. Cette différence dans la posi-
tion respective des mains est nécessitée par une ques-
tion de sonorité, et aussi par l'exiguïté de la partie
supérieure de l'instrument, laquelle ne permet pas
le développement de la main pour la production de
ces sons; elle explique, en outre, pourquoi la mai(i
droite ne peut obtenir qu'un son harmonique à là
fob, alors qu'on en peut produire deux et mênw
trois à la main gauche (pourvu toutefois que ces
différents sons ne soient pas trop distants les luis
des autres). Les sons harmoniques s'indiquent de
même que pour la main droite, en mettant autant
de zéros superposés que cela peut être nécessaire'.
On peut faire alterner les deux mains comm€ dans-
l'exemple suivant :
r 0 y .t.
Fantaisie sur un motif d'Obéron (Parish-Alvars) (Lemoine éd.).
La région la plus favorable pour les sons harmo-
niques est comprise entre le ^t
et le
m
passé cette note, ils peuvent encore se
faire; mais l'exécution eu est dangereuse et produit
parfois un son mat dont l'effet est à éviter.
1. Afm d'éviter la confusion qui résulterait pour les yeux de la suc-
cession parallèle des quarante-sept cordes de la harpe, les /"a sont
teintés en bleu et les do en rouge.
On peut aussi obtenir une double octave d'une
seule main, de la façon suivante :
Andanie reli^ioso. IL tatto eù>lce e Légats.
l^^^ \ f
^m
^^
mm
É
M
0 0 0 0°
[:nii^
etcL
(On remarquera que les sons harmoniques se font
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE ET SA TECHNIQUE 1937
ici, dans la partie supérieure de la main gauche
seulement.)
Les sons étouffés se font éyalement des deux
mains; mais seulement en montant, pour la main
droite, et en succession de gammes ou fragments de
gamme. On les indique par la mention : sons l'touf-
fcs, placée au-dessus ou au-dessous des notes à exé-
cuter. Pour la main gauche, ils se font dans les deux
sens.
Exemple de sons étouffés de la main gauche :
Allegro moderato
^WW
Sona étouffés
Variations de bravoure sur des motifs italiens (Parish-Alvah?, op. 37) (Lemoine éd.).
Les sons étouffés sont souvent employés à la main
gauche afin d'éviter le frisement qui se produit dans
feuchainement de deu.x ou plusieurs sons graves, —
les cordes graves ayant un champ de vibration assez
étendu. — On joue les sons destinés à être étouffés
avec le pouce, en ayant soin de laisser les autres
doigts à plat sur le plan des cordes; l'opération s'ef-
fectue automatiquement, en ce sens que les vibra-
tions d'un son quelconque sont étoufîées au moment
précis où le pouce (et par conséquent l'ensemble de
la main) se place sur le son suivant.
Dans les enchaînements ascendants, les sons sont
étoulTés par les 2% 3% 4« et :i« doigts réunis, et dans
les successions descendantes, par la partie inférieure
du pouce.
On rencontre rarement les sons étouffés de la main
droite; on les. joue avec l'index en avançant la main
du côté de la colonne de l'instrument ; les notes sont
étoulîées par la phalangette de ce doigt quand il se
pose sur la corde suivante.
Un des avantages les plus précieux du système de
pédales en usage pour la harpe, est de rendre uni-
forme le doij;té de toutes les gammes majeures et
mineures; elles peuvent aussi se glisser, toujours
dans tous les tons, avec un seul doigt, non seule-
ment en notes simples, mais encore en tierces ou en
sixtes dans les deux sens, en octaves et en dixièmes
en descendant.
Les gammes glissées en tierces, sixtes (voire octa-
ves) ne sont possibles qu'en descendant, car la partie
supéiieure de ces gammes seule est glissée par le
pouce, — lequel ne pourrait opérer de même en
montant, — la partie inférieure étant doigtée par
les 2', 3= et 4" doigts, qui jouent à tour de rôle,
comme dans une gamme simple (sans pouce).
Ceci nous conduit à parler d'un genre de trait
tout à fait personnel à notre instrument, et qui en
constitue une des ressources les plus curieuses. 11
s'agit du sdrucciolando, incorrectement appelé ;//<.«-
sando.
L'orchestration moderne s'en est emparée, et ces
traits oll'rent de multiples combinaisons, d'un intérêt
sans cesse renouvelé.
Voici la théorie de ces sdrucciolandi (un de nos
anciens élèves, M. Fernand Maignien, en a compté
deux cents espèces) : elle est basée sur ce principe
qu'en faisant entendre, toujours dans leur ordre
■régulier, les notes qui composent l'échelle de la
gamme, il est possible de les altérer de telle façon
■qu'elles forment, non plus une gamme, mais un
accord, soit régulier, soit agrémenté de notes de pas-
sage qui peuvent produire le plus piquant effet, et
en tout cas, un effet qu'aucun autre instrument ne
saurait réaliser.
La harpe ayant la faculté de hausser ou de baisser
à volonté d'un demi-ton chacune des notes de la
gamme diatonique d'M< majeur, neuf sons de la gamme
chromatique possèdent leur synonyme, ou mieux
leur homophone ; en un mot, la harpe dispose d'un
rf[, et d'un «<# distincts, d'un mt'h et d'un réid, d'un
mit] et d'un fa\^, etc.; elle est donc enharmonique
dans la plus grande partie de son échelle. Les trois
seules notes ne possédant [las d'homophones sont :
le ré^, le sol:^ et le lat^.
C'est ainsi que l'on peut obtenir des traits glissés
sur toutes les gammes diatoniques majeures et mi-
neures, ainsi que les gammes de tons entiers; tous les
accords de 9"= majeure et mineure et tous les accords
de 7" diminuée sont également praticables; les«glis-
sando » sont aussi possibles sur o accords de 7" de
dorninante, o accords de 7" seconde espèce, 5 accords
de 7= troisième espèce et % accords de 7" quatrième
espèce; il faut, en outre, ajouter beaucoup d'accords
(de 7") qui ne sont pas compris dans cette nomen-
clature, mais qui sont exéculables malgré l'adjonc-
tion forcée d'une note de passage.
Accord de 7", 2^ espèce, indiqué ci-dessus :
Syn, id. id.
A f\i.^A»^-^^
même accord écrit un demi-ton plus bas
Syn
A
id.
Ilote de passage
Cet accord n'a pas été classé plus haut, car il pos-
sède une note de passage; il garde néanmoins toute
sa musicalité, l'emploi de la note de passage peut
(l'ailleurs être utilisé dans toutes les combinaisons
de synonymes.
L'enchainenient de deux ou plusieurs « glissando »
d'espèces différentes est souvent possible par le dé-
placement d'une ou deux pédales :
122
1938
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET OICTIOXMAIRE DU COXSEltVATOIRE
supposée :r^zji-^Ç^
Péd. à déplacer la 11 laj sib .
% (Avec note de passage- Do b)
Les glissades de cel exemple peuvent être jouées
nalurellemenl sur toute l'étendue de la harpe. Disons
aussi qu'en dehors des accords connus et classés, cer-
taines combinaisons produisent des effets tout à fait
curieux, si l'on en juge par l'exemple suivant extrait
d'une pièce pour harpe (La Mandoline} composée par
PARlSH-ÂLVAnS :
Effet produit *)'• p oj
-g-e^
-e-o
»^?ttet
etc.
M?^
etc.
Exécution
D'après ce court aperçu, il sera facile d'imaginer
le nombre incalculable de combinaisons qu'il est
possible de réaliser, et on comprendra que le côté
personnel et pittoresque de leur emploi ait séduit les
compositeurs modernes — lesquels furent d'ailleurs
devancés en cela par Wag.nkr, Liszt (qui, crojons-
nous, a été le premier à employer les i< glissande »)
et les musiciens de l'école russe.
TONS MAJEURS ACCORDS DE SEPTIEME 17 espèce
en do b en sol b en ré b
y?
-W^
^
Ujt* 1'°"'
* PO
kiH"""*
1^1*^
en SX
enfajf
en do 8
ao|/*i!o>r'^
w«
, k il" 1" "'
jt^klto^'tf"'" 1^^
2î espèce
en do I»
^„^■^.■■^.l■^^^^^^oil^^°»''^^ t'-V'"^-
■W>
en SI
i*''"'' ltob.|h>^*l'"^'"" 1°'"°
\,, o 1'* fl*
^a^
3! -espèce
en do b
en sol b
ea re b
^te
ira
-Wy
j.M'^°l'-
b» fi*
•-bot
en SI
33;
-M^*
fa}}
en do tt
S
fl^^*tt°l'*"°"
w^^
4-! espèce
en do b
en sol b
ACCORDS DE 95 MAJEURE
en do b en sol t> en ré b
» cil ui> / Cil aui. \/
-bn>
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE ET SA TECHNIQUE 1939
ACCORDS DE 95 MNEURE
J)ans tous les ton 3 _ Exemples : en la 1» mm . en la l^ mm . en la }( min .
ACCORDS DE 75 DIMINUEE
i
^^.^^^
^
^fe^,^^^^
^^
Dans tous les tars_E:-:emple=
en re mm.
en la min.
en mi mm.
Exemples de ponihinaisoiis.
L'écriture de la harpe a une cerLaine analogie avec
celle du piano, surlout du piano tel que l'enten-
daient Liszt et ïnALitEiiG, avec des intervalles espacés
et des croisements de mains fréquents'.
Sa région grave est pleine d'ampleur et de richesse;
ses basses ont une puissance et une rondeur trop
ignorées, bien des artistes n'en utilisant qu'excep-
tionnellement ou trop discrètement les ressources.
Le médium convient aux parties chantantes ; son
timbre se prête parfaitement aux sons soutenus;
habilement exploité, il en donne du moins l'illusion.
La partie supérieure est exclusivement brillante et
convient aux traits rapides"-.
Dans son ensemble, la sonorité de la harpe dégage
une impression de tluidité, de poésie en quelque
sorte hiératique, dont le charme est tout-puissant.
Si l'écriture de la harpe est la même que celle du
piano, il en est tout autrement de sa technique, quia
pour base une position de mains absolument diffé-
rente.
Pour s'en rendre compte, il suffit de placer sur un
clavier la main gauche dans sa position normale,
tandis que la main droite se tiendra renversée la
paume en l'air au-dessous de ce même clavier; les
pouces se trouveront alors à la partie supérieure de
chaque main, ce qui est le cas pour le harpiste.
A noter aussi, qu'à l'enconlre de ce qui se passe
pour le piano, c'est seulement lorsque le doigt quitte
la corde qu'elle résonne.
Parmi les parties d'orchestre les mieux écrites pour
l'instrument, il faut remarquer en première ligne
toutes celles de Mkyerbeer, celles de la Dame Blanche,
de Faust, de Tannhiiiiser (gauche parfois, mais très en
dehors), celles des[poèmes symphoniques de Liszt, de
Saint-Saëns, et de la nouvelle école russe, de Wagner,
Berlioz, Bizet, Thomas, Cuabrier, Massenet, Dubois,
PiERN'É, Debussy, Vincent d'Iindv, Humperdinck, Puc-
ci.Ni, Ravel, Paul Duras, etc. Enfin, nos jeunes com-
positeurs donnent chaque jour à la harpe une impor-
tance plus grande en utilisant, parfois avec un rare
bonheur, les effets dont il a été parlé plus haut à
propos du sdrucciolando.
Bien avant ces auteurs, et quoique les ressources de
la harpe fussent encore restreintes, les maîtres clas-
siques en avaient déjà fait usage. Il existe un Con-
fère pour llùte, harpe et orchestre de Mozart;
Gluck fait accompagner par la harpe une scène
d'Orphée, et Beethove.n s'en sert dans un ballet de
Prométhée.
ENSEIGNEMENT ET VIRTUOSES DE LA HARPE
La fondation de la classe de harpe au Conserva-
toire de Paris date de 1823.
C'est Naderma.n qui en fut le premier professeur;
A.. Prumier lui succéda en 1835; Labarre occupa
ensuite ce poste, de 1867 à 1870; C. Prumier fils, de
1870 à 1884; puis, à partir de cette date, A. Hassel-
UANS, l'auteur de cette notice, auquel a succédé le
professeur actuel, M. M. Tournier.
Les principaux ouvrages adoptés pour renseigne-
ment sont :
La Méthode de R. .Martenot (Enoch el C''), celle
de Labarre (Leduc), les sept cahiers d'Etudes de Ch.
lîocHSA (Maisons Lemoine et Costallat), les Etudes de
.Naderman, extraites de son Ecole de Harpe (Cos-
tallat); les huit Caprices de Labarre (Joubert), les
iS Etudes de Dizi (Noël), celles de Zabel (Zlmmer-
mann); les Etudes de perfectionnement de Bérens,
transcrites par Vizthum; les six grandes Etudes de
virtuosité de M. Schlecker, les huit Grandes Etudes
de M. Wilhelm Posse.
Entre tous les harpistes qui illustrèrent la harpe,
il convient de placer au premier rang les noms de
Ch. BocHSA fils, de Dizi, de Th. Labarre, des frères
Jules et Félix GontPROio, et, tout à fait hors de pair,
1. H va sans dire, cepentiant, que les notes répétées en succession
un peu rapide sont ineiécutables, à moins que l'on ne puisse, pour
les réaliser, recourir à cet artifice dont il est parlé précédemment, et
qui permet de disposer a la fois de deux sons homophones (réjf et mi\^
ou bien siff et e/o H par exemple). Kn ce cas, la note répétée pour
l'oreille est en réalité une sorte de trille exécuté soit par une main.
soit par les deux, sur des cordes voisines. — Fort en usage d'abord
dans les morceaux de virtuosité, cette ressource est utilisée maiu-
tenant aussi à l'orchestre :
Ballet d'Ascanio, C. SAmt-SiSss
(Durand et fils éditeurs).
/'g^'g^'^
2- Il est bon de se piéinunir à ce iiropns contre une erreur assez 1 sages qui, tout en paraissant suraigus, n'appai tiennent cependant
ïéquente, qui consiste à croire écrits à l'octave supérieure des pas- | qu'a l'avant-deroicre octave.
t940
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
celui de Parish-Alvars, qui fui non seulement un
grand virtuose, noire Paganini, mais aussi le vérilable
<:réateur de la technique moderne de la harpe, aussi
différente de l'ancienne que peut l'être pour le piano
celle de Liszt ou de Rubinstein comparée avec celle
de FiELD ou de Clementi, par exemple.
Parish-Alvars (Klias), né à Londres, le 28 février
1808, mourut à Vienne le 25 janvier 1840, en pleine
malurité d'un (aient demeuré jusqu'ici sans rival, et
dont la disparition prématurée fut une irréparable
perte pour la harpe.
Voici en quels termes Berlioz, dans ses mémoires,
s'exprime à son sujet : « J'ai fait la connaissance à
Dresde du prodigieux harpiste anglais Parissh-Alv ars,
dont le nom n'a pas encore la popularité qu'il mé-
rfte. Il arrivait de Vienne. C'est le Liszt de la harpe!
On ne peut s'imaginer tout ce qu'il est parvenu à
produire d'eU'ets gracieux et énergiques, de traits
originaux, de sonorités inouïes avec son instrument.
Cet homme est sorcier, sa harpe est une sirène au
beau col incliné, aux longs cheveux épars, qui
exhale des sons fascinateurs d'un autre monde, sous
l'étreinte de ses bras puissants. »
S'il ne fut pas un virtuose de la même envergure,
Charles Bochsa, né à Montmédy en 1789, n'en fut pas
moins un musicien de valeur, connaissant à fond son
instrument. Fils d'un hautboïste, qui s'était établi
marchand de musique à Paris en 1806, Ch. Boghsa
entre à cette époque au Conservatoire, où il obtient
la même année un premier prix d'harmonie (Classe
■Catel).
II fut pour la harpe l'élève de Naderman, puis de
"Ni. de Marln.
Peu d'artistes laissèrent une œuvre aussi féconde,
bien que portant naturellement la trace du temps;
il en reste une centaine d'études qui, à l'heure ac-
tuelle, constituent encore la base de notre enseigne-
ment.
L'invention du double mouvement, qui n'était, en
somme, que le développement du système alors en
usage, le compta parmi ses plus chauds partisans, et
il écrivit à son intention de nouvelles études dédiées
à Sébastien Erard'.
En outre de ses compositions pour harpe, parmi
lesquelles figurent plusieurs concertos, il produisit
nombre de morceaux d'ensemble et plusieurs opéras
qui furent représentés sur la scène de l'Opéra-Co-
mique : Les Héritiers, de Paimpol, Alphonse d'Ara-
gon, Les Héritiers Michau, Les Noces de Gamache, Le
Roi et la Ligue, La Lettre de Change, Un mari pour
■étrennes.
A l'un de ses concerts, très suivis par la haute
société du premier Empire, il disparut, raconte-t-on,
■emportant une moisson de riches cachemires dépo-
sés au vestiaire. Poursuivi et condamné en 1816
pour différentes aventures du même genre, il se ré-
fugie à Londres, y enlève, en 1839, M'"' Bishop, et
parcourt avec elle l'Europe et l'Amérique.
Fixé enfin en Australie, il fut chef d'orchestre à
Melbourne et mourut à Sydney, en 1836, après une
longue maladie.
A côté de cette existence si déplorablement acci-
1. Comment ne pas remarquer, en présence de l'accueil fait au double
mouvement par Bochsa, par L\b\rre, Parish-Alvars, Dizi, les frères
Jules et Félix Godkfroid, l'attitude hostile de Naderman leur contem-
porain; Naderman était lui-même facteur de harpes; le brevet d'ERARD
ruinait son industrie, et cette seule constatation donne à ses critiques
(préface de l'Ecote de harpe) leur juste valeur. Pourquoi sans cola cette
opposition?
La harpe nouvelle se prêtait admirablement, aussi bien pour le mê-
dentée, celle de Dizi paraîtra peut-être bien terre à
terre ; elle offre cependant, à son début, un épisode
qui vaut d'être conté ici.
Dizi (François-Joseph), né à Namur le 14 janvier
178U, fit, sous la direction de son père, professeur
de musique en cette ville, de sérieuses études musi-
cales, mais c'est à lui seul qu'il dut son talent de
harpiste, personne ne pouvant à Namur lui ensei-
gner la technique de son instrument.
A l'âge de seize ans, se trouvant en Hollande où il
donnait une série de concerls, le désir lui vint de se
rendre en Angleterre.
Rempli d'espérances, la bourse un peu légère, il
est vrai, le jeune virtuose s'embarque.
Peu d'heures après, le navire ayant fait relâche
dans un des petits ports de la côte, un matelot
tombe à la mer; sans songer seulement qu'il ne sait
pas nager, Dizi se précipite au secours du naufragé,
se débat, perd connaissance et, sauvé à son tour
par des pêcheurs, se retrouve auprès d'un grand feu
allumé pour le ranimer. Pendant ce temps, et sans
plus s'inquiéter de son passager, le navire continuait
sa route, emportant tout ce que Dizi possédait : ses
vêtements, ses lettres de recommandation, son ar-
gent, sa harpe, tout enfin. Ses habits séchés, grâce
à quelques florins retrouvés au fond de ses poches,
il prend passage sur un nouveau bâtiment, espé-
rant retrouver à Londres celui qui l'avait abandonné,
et dq/fit il ignorait même le nom. Après plusieurs jours
de recherches infructueuses, le malheureux Dizi,
sans ressources aucunes, errant dans les rues de
Londres, perçoit tout à coup les sons d'une harpe;
sans hésiter, il frappe à la demeure d'où s'étaient
échappés les accords providentiellement sauveurs.
C'était celle de Sébastien Erard, qui le fit jouer, lui
vint en aide de toutes manières, et contribua puis-
samment à lui créer une situation tout à fait avan-
tageuse en Angleterre.
Très doué pour la mécanique, Dizi chercha à per-
fectionner son instrument; il crut en avoir trouvé le
moyen en disposant l'attache supérieure des cordes
à l'intérieur de la console, où elles se trouvaient
subir l'action de la mécanique dans une position
exactement verticale, d'où le nom de harpe perpen-
diculaire.
Cette innovation avait malheureusement pour
inconvénient de rendre le remplacement des cordes
excessivementcompliqué; de plus, la mécanique était
sujette à de Iréquents dérangements. Dizi lui-même
y renonça au bout de quelque temps, et construisit
une nouvelle harpe se rapprochant davantage de
celle d'ERARD.
En 1830, il quitte Lohdres pour s'établir à Paris et
y forme, avec la maison Plevel, une association pour
l'établissement d'une fabrique de harpes, mais cette
entreprise n'eut aucun succès. (Fétis.i
A son arrivée en France, Dizi avait été nommé
professeur de harpe des princesses de la famille
royale.
Quelques mots encore à propos du marquis d'AL-
VIMARE, très remarquable harpiste né en 1770; c'est
ù son talent qu'il dut d'échapper aux rigueurs de la
canisme des pédales que pour ceîui des doigts, i\ Teiiécution de la
musique écrite jusqu'alors, et cela sans étude préalable et sans ciian-
gement de teclinique d'aucune sorte; elle n'apportait à l'eiécutant que
des facilités, une sonorité sensiblement enricliie et lui laissait l'eulipre
faculté de se borner, si tel était son bon plaisir, aui seules ressources
de l'ancienne harpe. Si routinier qu'ail pu être l'esprit de Nuilrman,
iljest donc difficile d'admettre que les motifs qu'il invoque pouressayer
de justifier son mauvais vouloir aient été bien sincères.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE ET SA TECHNIQUE 19'.r
tourmente révolutionnaire auxquelles le désignait
sa naissance.
Admis en l'an VllI à l'orchestre de l'Opéra, sa no-
mination définitive date de fructidor an IX. Dalvi-
MARE (c'est ainsi qu'on l'appelle désormais) fait par-
tie de la musique particulière de Napoléon; en 1807,
il devient maître de harpe de l'impératrice José-
phine, et se retire à Dreux, en 1812; il y vivait en-
core en 1837, et ses descendants, qui ont repris leur
titre, y sont toujours fixés.
La période comprise entre 1820 el 1843 fut extrê-
mement brillante pour la harpe. L'invention du
double mouvement (1811) venait de développer si
heureusement les ressources de l'instrument, en lui
conservant son caractère propre et en facilitant le
mécanisme de l'exécutant, qu'elle fit surgir des vir-
tuoses de premier ordre. En Allemagne et en Angle-
terre, Parish-Alvars et Uizi ; en France, Th. Labarre,
Léon Gatayes, Bochsa, Xavier Désargl'Es, et les frères
Jules et Félix Godefroid.
.Mais, à cette époque, les progrès du piano, ses
succès de plus en plus envahissants, ses maîtres,
l'importance et la valeur des compositions écrites à
son intention, submergèrent bien vite tout ce qui
n'était pas lui. Th. Labarre crut pouvoir suivre ce
courant; ses compositions marquent une tendance
évidente à vouloir assimiler la harpe au piano; ce
fut une faute. Félix (iodefroid sut mieux comprendre
son instrument, et, ne lui demandant pas plus qu'il
ne peut donner, il se contenta de mettre en valeur
ses qualités exquises de finesse et de sonorité. C'est
donc à lui, en grande partie, que revient le mérite
d'avoir conservé en France le goût d'un instrument
dont le timbre, tantôt moelleux et doux, tantôt ar-
gentin et clair, se fond toujours si artistiquement
dans la polyphonie de l'orchestre.
Alph. HASSELMANS.
LA HARPE CHROMATIQUE ET SA FACTURE
Par Gustave LYON
DIRECTEUR DE LA MAISON PLEVEI.
LA HARPE « CHROMATIQUE SANS PÉDALES "
PLEYEL (SYSTÈME G. LYON)
Origine.
C'est en août 1894 que deux des plus grands et
des plus illustres harpistes de l'époque', aussi célè-
bres par leur enseignement que par leurs brillants
succès de virtuoses et de compositeurs, vinrent faire
visite à M. Gusiave Lyon, alors gérant de la Société
Pleyel, Wolff et C'*, pour lui demander que la mai-
son Pleyel fabriquât à nouveau des harpes à double
mouvement comme elle l'avait fait autrefois.
M. Gustave Lyon répondit à ses interlocuteurs qu'il
n'en avait nullement l'intention, pour la simple
raison que son beau-père, M. Auguste Wolff, qui
avait été le collaborateur de Camille Pleyf.l jusqu'en
1835, date de la mort de ce dernier, avait lui-même
décidé, en prenant la gérance de la Société Pleyel,
Wo>LFF et C", de cesser la fabrication et même la
séparation des harpes à pédales à double mouve-
ment, dont il avait pu, avec son esprit judicieux et
critique, mesuier les imperfections incorrigibles et,
pour ainsi dire, organiques. Et c'est pour donner à
cette décision, longuement mûrie et rationnellement
voulue, force de loi que M. Auguste Wolff fit brûler
dans la cour de l'immeuble Pleyel de lu rue Roche-
cbouart,en 1855, en autodafé, pour plus de deux cent
mille francs de matériel de harpes, de harpes en cours
et même de harpes terminées, des marques Pleyel-
Dizi et Naderman, que la Société possédait encore.
M. Gustave Lyon ne voulait pas recommencer en
1894 une expérience que son prédécesseur avait par
avance condamnée en 1855, mais il s'intéressa à la
question posée par ses éminents visiteurs. Il fit une
enquête approfondie sur les causes de lu demande,
sur les griefs invoqués contre les fabricants de l'é-
poque. Il puisa dans les documents qu'il pul réunir
les éléments constitutifs des raisons simultanées de
ces désirs et de ces oppositions, et constata ceci.
La harpe ancienne, qui comportait sept notes par
octave et qui avait une étendul d'environ six octaves,
avait été, pendant longtemps, dans l'impossibilité de
produire les demi-tons compris entre les notes de la
gamme diatonique de do majeur par exemple; à
partir du xviii" siècle, une série d'inventeurs imagi-
nèrent des systèmes destinés à raccourcir, soit avec
1. Alphonse Hasselmans et Félix Godefroid.
la main, soit avec une transmission par pédales,
chacune des cordes de la longueur nécessaire pour
hausser cette note d'un demi-ton. Ces harpes étaient
dites à simple mouvement.
En 1787, Sébastien Ehard eut l'idée très remar-
qualile de la harpe à double mouvement. Cette harpe
était caractérisée par ce fait que la tonalité de cha-
que corde pouvait être élevée, d'abord d'un demi-
ton, puis d'un second demi-ton, par deux raccour-
cissements successifs île la partie vibrante de la
corde, obtenus à l'aide de fourchettes solidaires cor-
respondantes, mises en mouvement par des pédales
à deux crans d'arrêt.
La première harpe de ce système ne fut livrée
terminée qu'en 1811, après avoir paru une première
fois en 1797, soit quatorze ans après son invention.
Le problème était aussi bien résolu que possible,
étant donné qu'on acceptait les défauts inhérents à
la harpe à pédales ordinaire, même à double mou-
vement. Etcependant, en 1844, elle n'étaitpas encore
adoptée au Conservatoire de Paris, où le célèbre
professeur Naderman n'enseignait et ne voulait ensei-
gner que la harpe à simple mouvement. Voici ce qu'il
écrivait dans sa méthode :
c< Comme maître de harpe, j'ai été en position de
juger les talents de ceux qui, dans les deux pays,
avaient abordé la harpe à double mouvement, et
que de fois j'ai reconnu que le succès ne répondait
pas à la peine et à la fatigue qu'ils s'étaient données!
Est-ce leur intelligence ou leur talent que j'en ac-
cuse'.' Non; sur la harpe à simple mouvement, ce
talent eût brillé de tout son éclat; mais ils se sont
pris à un instrument rebelle qui les a trahis. Que
faudrait-il de plus qu'une si triste expérience pour
les ramener à cette harpe à simple mouvement, si
belle, si harmonieuse, si riche, si facile et qui,
comme on le verra dans le dictionnaire des transi-
tions qui fait suite à cet ouvrage, peut, dans la main
des artistes, se prêter à toutes les combinaisons dont
l'autre harpe les a llattés si vainement?
« Pour rendre plus sensible ce qui vient d'être
dit, supposons que le premier inventfur de la harpe
eût créé tout d'abord la harpe à double mouvement,
et que, fatigué de tout ce mécanisme, un artiste eût
cherché les moyens de s'en alïranchir sans appau-
vrir son instrument : qu'eût-il fait? Il se fût rendu
familier l'emploi des synonymes, il eût trouvé sur
sa harpe ces séries de transitions dont je donne les
tables et le dictionnaire; et, ramenant la double
harpe à la simple, il eût fait évanouir tous les
inconvénients de la première, et concentré dans la
TECIINIQUH, ESrilÉTKji'E ET PÉDAGOGIE
LA HARPE CHROM. ET SA FACTURE lOW
seconde tous les avanta;^es de l'une el de l'autre'. »
Nadkrman ajoiitail cette prédiction, désormais réa-
lisée par l'invention de la harpe chromatique sans
pédales :
« Si, entraîné par ce premier succès, il eût tenté
de le porter plus loin, et découvert te moyen d'oter à
la harpe ses pédales, en lui conservant les mêmes
ressources et la même richesse, avec quelle chaleur
eût été applaudie cette découverte? Rendue ainsi à
toute sa perfection, la harpe ne serait-elle pas devenue
le premier de tous les instruments? Perfection dont il
faut malheureusement désespérer^. »
L'opposition de Naderm.\n fui vaine. Tous les har-
pistes de qualité adoptèrent la harpe à double mou-
vement, malgré les critiques que certains lui faisaient,
et qui peuvent se résumer ainsi :
A. — Impossibilité de savoir instantanément quelle
note doit donner une corde déterminée, puisqu'il
faut, en même temps, se rendre compte de la position
de la pédale correspondante.
B. — Impossibilité d'un accord stable, puisqu'une
corde parfaitement bien choisie pour une certaine
note sera successivement raccourcie de deux frac-
tions ditférentes pour obtenir les deux demi-tons
supérieurs, et que ce raccourcissement est obtenu
par une torsion produite par les deux tiges de la
fourchette, qui détermine une variation dans le
tirage de la corde et, par suite, un léger allonsenienl,
en même temps qu'un écrasement de cette même
corde aux deux points de contact.
D'ailleurs, le moindre jeu ou le moindre retard
qui se produira dans les rotations de sa fourchette
modifiera aussi l'accord de cette corde, et comme ce
mécanisme est 1res compliqué et comporte un très
grand nombre de centres, on doit, de ce chef encore,
prévoir des variations fatales dans l'accord de ces
harpes à pédales.
Ke^fit
C. — On conçoit, d'autre part, les difficultés qu'on
peut avoir pour l'exécution des passages chromati-
ques, par exemple, où une même corde peut être
appelée à donner, dans des intervalles de temps très
courts, les trois demi-tons successifs de la même
corde et dans un ordre quelconque.
La complication est encore plus grande lorsque le
virtuose a, comme dans le trait de Vlncantation du
feu, de la Walkyrie, par exemple, des mouvements
de pédales extrêmement fréquents.
C'est en août 1894 que, pour essayer de corriger
les inconvénients de la harpe à pédales et de satis-
faire les exigences de la musique nouvelle, M. Gus-
tave Lyon eut l'idée de réaliser une harpe chroma-
tique sans pédales à accord stable, et qui permit d'a-
border la plupart, pour ne pas dire la totalité des
œuvres écrites par nos grands musiciens anciens ou
modernes.
Les directives de ce projet résultaient des de-
mandes des chefs d'orchestre, ainsi que l'a dit
M. Laloy dans la Revue Musicale :
<i L'orchestre moderne a besoin, pour rester lim-
pide, de s'incorporer les paillettes lumineuses que
sont les sons de la harpe, et la musique moderne a
besoin, pour développer sa richesse, d'user de plus
en plus de la gamme chromatique. »
Dans son Traité d'instrumentation et d'orchestration
modernes (1844), Bkrlioz écrit : " Quand une mé-
lodie, déjà exécutée par d'autres instruments, vient
à être reproduite par la harpe, et contient des pas-
sages chromatiques impossibles ou seulement dan-
gereux, il faut la modifier adroitement en rempla-
çant une ou plusieurs des notes altérées par d'autres
notes prises dans l'harmonie. Ainsi, au lieu de don-
ner à la harpe le chant suivant, tel que viennent de
l'exécuter les violons :
l'auteur a dû l'écrire de la manière suivante :
La nature du mécanisme de la harpe indiquait ce
sacrifice des quatre demi-tons successifs de la 3' me-
sure'. »
Cet exemple montre que la harpe chromatique
sans pédales est un progrès pour l'exécution des
musiques, pensées comme dans le premier exemple,
alors que, sans son concours, cette musique, pensée
chromatique par Berlioz, devait, pour être jouable,
devenir diatonique comme dans le second exemple.
Ce projet de harpe chromatique sans pédales, une
fois formé, a pris corps rapidement, et a conduit peu
à peu M. G. Lyo.n à une série d'études et de recher-
ches qui lui ont permis de résoudre finalement la
question posée.
i. Ecole ou Méthode raisonnée pour la harpe adopti'e par le Con-
servatoire, par François-Joseph Naderman. Paris, i'» partie, op. 91
{s. d.), p. VI.
2. Ibid.
3. Loco cit., p. 77. Il s'agit du célèbre Ihèmc de la valse de la
Symphonie fantastique, de Berlioz.
PRINCIPE
Le principe de la nouvelle harpe est sa constitu-
tion à l'aide de deux plans de cordes correspondant
l'un aux notes blanches, et l'autre aux notes noires
du clavier du piano, avec croisement de ces deux
plans l'un par rapport à l'autre. Ce croisement a lieu
vers la région moyenne des cordes, et il est effectué
de manière que les cordes ou notes noires passent
entre les cordes ou notes blanches de la même façon
que les notes blanches du clavier du piano encadrent
les noies noires du même instrument.
Lorsque M. G. Lyon voulut prendre un brevet en
Allemagne et en Amérique, il fut surpris d'apprendre
qu'en 1843, P.^ie, le célèbre facteur de pianos, avait
eu une idée de même genre.
A l'analyse, il ne fut pas difficile d'établir que son
principe était tout dilTérent, et que l'invention de
M. G. Lyon était bien nouvelle.
1944
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Pape, en effet, voyant le défaut que présente, dans
les harpes à pédales, leur dissymélrie, avait pensé
qu'on pourrait ramener l'équilibre dans ces instru-
ments en munissant le sommier du haut de leviers
placés alternativement vers la partie droite et vers
la partie gauche, et en faisant descendre, des extré-
mités de ces leviers, des cordes venant s'accrocher
alternativement dans la région gauche, puis dans la
région droite de la table d'harmonie. Ces notes de-
vaient se succéder par demi-tons, si bien qu'on devait
avoir, pour un des plans de cordes, par exemple, la
succession des notes : do naturel, rf naturel, mi na-
turel, fa dièse, sol dièse, la dièse, et pour l'autre plan
de cordes, la succession des notes : do dièse, ré dièse,
fa naturel, sol naturel, la naturel, si naturel.
Or le principe du croisement des cordes est connu
depuis fort longtemps, car il existe, au Musée du
South-Kensington, une harpe écossaise à cordes croi-
sées qui date (sauf erreur) du sv' siècle. L'idée de
Pape compliquait ce système, voilà tout.
Cette harpe proposée par Pape n'a d'ailleurs jamais
été réalisée, et n'avait été indiquée par lui qu'inci-
demment.
Somme toute, l'idée nouvelle de M. G. Lyon n'em-
prunte rien à l'idée de Pape, et présente cet avantage
d'amener la netteté là où la solution de Pape aurait
FiG. 988.
amené un chaos épouvantable, ceci étant dit au point
de vue purement historique et afin d'écarter l'idée de
plagiat. La copie du dessin du brevet de Pape, en
face d'une des premières réalisations de la harpe
chromatique sans pédales système Lyon , montre
bien la différence.
En somme, si l'on place les basses de la harpe
vers sa gauche et les dessus vers sa droite, on cons-
tate que les cordes blanches et noires se succèdent
de telle façon que les cordes blanches, qui sont à
peu près équidistantes les unes des autres, se sui-
vent en donnant les sons que, dans le piano, donnent
FiG. 9S9. — Harpe sans pédale n° 1.
les notes blanchesdu clavier, et que les cordes noires
inclinées sur le plan des blanches, apparaissent grou-
pées par deux et par trois comme les dièses du cla-
vier du piano. Il en résulte que, pour n'importe
qui, la corde noire du milieu d'un groupe de trois
représentera un sol dièse ou un la bémol, que la
corde blanche qui la précédera à gauche sera un
sol naturel, et que la corde blanche qui la suivra à
droite sera un la naturel.
La première réalisation de cette idée a été faite
dans la harpe n° 1, dont les deux clichés ci-joints
(flg.,989,990) donnent l'aspect vu de face et d'arrière.
Cette harpe était, ainsi qu'on peut s'en rendre
compte, construite d'après les idées généralement
admises pour la construction des harpes à pédales,
c'est-à-dire constituée avec un sommier supérieur
en bois enclavé entre deux plaques d'acier vissées
et boulonnées; la table était collée sur les bords de
la caisse faite en trois épaisseurs de bois contrepla-
qués et sans ouvertures; les cordes étaient fixées à
la table à l'aide d'un bouton, et venaient s'enrouler
sur les chevilles placées dans le sommier du haut.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE CHROM. ET SA FACTURE 1945
TIRAGE DES CORDES
Or cette harpe pré-
sentait ce défaut capi-
tal de ne pas tenir l'ac-
cord et de se déformer
énormément.
L'effort que le tirage
des cordes imposait à la
table d'harmonie était
trop fort; M. G. Lyon a
donc été amené tout
d'abord à préciser cet
effort, qui devait être
conditionné par la ré-
sislance à la rupture
des cordes employées.
On sait qu'étant
donné une note à pro-
duire par une corde de
longueur déterminée et
de poids connu, il est
facile par la formule
des vibrations transver-
sales des cordes de sa-
Fia. 900. — Harpe sans pédale n" 1.
FiG. 991.
voir quelle tension il faut donner à cette corde.
Cette formule est en effet :
g
où P représente le poids tenseur en kilos appli-
qué à la corde,
n le nombre de vibrations simples par seconde,
l la longueur de la corde en mètres,
p le poids en kilos de la portion vibrante de
la corde,
g l'accélération due à la pesanteur.
On sait aussi, par la loi de Savart, qu'une
corde vibre d'autant mieux que sa tension est
plus voisine de sa limite de résistance à la rupture.
Le problème consistait donc :
1" à trouver exactement jusqu'à quelle limite de
tension on peut employer avec sécurité une corde
de grosseur donnée ;
2» à connaître le poids par mètre courant d'une
corde tendue à cette limite, et dont le diamètre
avant tension est connu. Ces variations de diamètre
sont fonctions des allongements considérables cons-
tatés à première vue sur une corde en boyau qu'on
tend de plus en plus.
Pour résoudre ce problème, M. G. Lyon imagina
un appareil destiné à enregistrer les allongements
successifs que prend une corde en boyau sous la
tension d'un poids croissant d'une manière continue.
Cet appareil (llg. 992), construit à l'usine Pleyel,.
WoLFK et C'", est basé sur le principe de l'enregis-
trement simultané des allongements et de la tension
sur une même feuille d'inscription placée sur un
cylindre enregistreur tournant de Richard. La ten-
sion est obtenue par l'écoulement de l'eau provenant
du réservoir R, dans un récipient S suspendu à la
corde.
Flii. 992.
La corde ab est attachée, d'une part à un point
fixe a, de l'autre à une cheville 6 fixée dans une
pièce à laquelle est suspendu le récipient S au moyen
d'une chaîne. Cette pièce appuie par un taquet ré-
glable sur une petite plate-forme reliée par un fil à
un secteur circulaire portant une plume; celle-ci
enregistre sur le cylindre la variation de hauteur de
la petite plate-forme, et, par suite, les allongements
de la corde.
Le réservoir R est cylindrique et de diamètre connu.
— Un Uotteur relié par un fil à un secteur q, portant
aussi une plume, permet à celle-ci d'inscrire sur le
même cylindre, mais du côté diamétralement opposé
104G
ESOCLOPÈniE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
h la première plume, les variations du niveau de
l'eau du réservoir et, par suite, le poids de l'eau écou-
lée dans le seau S.
Les plumes portent des encres de deux couleurs
pour faciliter la lecture des feuilles d'inscription.
Huit cent trente-cinq expériences furent faites sur
une quantité de cordes de tous diamètres et de toutes
provenances.
La première conclusion fut que les boyaux pouvaient
être employés avec sécurité jusqu'à IS kilogrammes
par millimètre carré de section. Cette loi est vraie
pour toute la lutherie à cordes (violons, violoncelles,
guitares, etc.).
Les autres conclusions furent résumées au moyen
de courbes, dont les variables sont lestensions abso-
lues et les longueurs sous tension, lues sur les dia-
grammes, et les diamètres sous tension mesurés au
cours des expériences, à cela près que les longueurs
sous tension sont remplacées par le poids du mètre
sous tension qui s'en déduit en divisant le poids du
mètre courant au repos par la longueur sous ten-
sion, en admettant, ce qui est évident, que le poids de
l'échantillon ne varie pas pendant l'expérience.
On a constaté d'abord qu'« un diamètre donné cor-
respond une valeur unique du poids par mètre courant,
la même quelle que soit la tension. Les points repré-
sentatifs sont en effet groupés le long d'une même
parabole dont l'équation est D' = 96P (D étant le
JJlOJitc/j-i
(Zo\^àui.5 e<L boyaui.
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FiG. 993.
diamètre en centièmes de millimètre, et P le poids
par mètre en centigrammes).
Cette courbe est représentée fig. 993.
On a construit ensuite les courbes des diamètres
sous tension, d'après lesquelles on a conclu, par
exemple : qu'une corde de 180 centièmes au repos,
n'a plus que 164 centièmes sous 65 kilogrammes
de tension; puis on a déduit de ces courbes celles
des poids par mètre sous tension d'après la parabole.
D'après ces dernières courbes, on a reconnu, par
exemple : qu'une corde pesant 4 grammes par mètre
au repos ne pèse plus, sous la tension de 67 kilo-
grammes et pour une longueur d'un mètre, que
3 gr. 27. Si donc on a besoin, pour produire une note
donnée sous une tension de 67 kilogrammes, d'une
corde pesant 3 gr. 27 par mètre, il faut prendre une
corde pesant 4 grammes par mètre au repos, et dont
le diamètre donné par la parabole serait 19o cen-
tièmes.
Le calcul permet d'arriver à quelques conclu-
sions.
Soient P le poids en centigrammes du mèlre courant .«ous une
tension donnée;
D le diamètre en centièmes de millimètre à la même tension.
d la densité correspondante; '
; l'allongement en niilimélres de 1 mètre de corde au repos
soumis à cette tension;
De même, P' le poids du mèlre courant sans tension ot par
suile le poids à une tension quelconque d'un échantillon ayant
primitivement 1 mètre;
D' le diamètre initial;
d' la densité initiale ;
A la tension où le diamètre est D, la section en millimètres
carrés est :
4 VlOO/
et le volume en millimètres cubes j
T. I V) Y.
1000- — 1
4 \100/
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE CHROM. ET SA FACTURE 1947
Le poids est donc en inilligraininps pour I inètie de corde
sous tension :
(.'t on a par suite :
p = — - X i;.
409
Sans tension, on a de même
P-4ÔÔ"""'-
Or, nous avons vu que D' = 9(i P et D'' = 96P' ;
on en conclut que 77 =^'^. d'où :
P
P 400 _ 400 _ 400
: 1,3262.
La densiti' rfes eitrdfn de biiyaii reste donc cnuslivite sous tension et
= 1,3262,
Ce résultat vérifie pleinement les mesures directes
de densité elFectuées par M. Gustave Lyon.
Un point était aussi très intéressant à étudier,
celui de l'action de l'humidité sur les cordes de
boyau.
Si l'on soumet une corde de boyau tendue à l'action
d'un mouillage, en l'entourant de coton imbibé d'eau,
le poids tendeur restant d'ailleurs constant, elle
s'allonge; si on la laisse s'allonger jusqu'à refus, et
qu'on enlève le coton pour la laisser sécher, elle
continue à s'allonger pendant le séchage. A partir de
ce moment, si ou soumet ultérieurement la corde à
des mouillages et à des séchages, les phénomènes ne
sont plus les mêmes ; tout mouillage autre que le pre-
mier cau!<e un raccourcissement, et un séchage consé-
cutif à ce mouillage donne un allongement qui com-
pense sensiblement le raccourcissement précédent.
Le premier mouillage a sur la corde une action
importante qui fait glisser les fibres les unes sur les
autres et permet ce premier allongement considé-
rable. Cet ell'et ne se produit pas par l'huraiditc'
atmosphérique ordinaire, dans laquelle une corde
n'ayant pas subi le premier mouillage déformant, se
comporte comme celle-ci pour le second mouillage.
L'humidité telle que celle d'une salle de concert, par
exemple, tend donc à raccourcir les cordes, et les
instruments ne changeant pas de dimensions, les
cordes subissent de ce fait un supplément de tension
que l'appareil a permis de mesurer facilement.
Les instruments A cordes dans un orchestre ont donc
une tendance à monter et à suivre le mouvement des
instrum,enls à vent, qui montent, eux, pour une tout
autre raison, qui est l'échaulfement de la colonne
d'air vibrant et la diminution de sa densité.
Au moyen de ces résultats, et en admettant, à la
suite d'un essai avec des longueurs de cordes à peu
près bonnes, une série de diamèties donnant la rai-
deur à laquelle les doigts des harpistes étaient habi-
tués, il fut facile de calculer la longueur e.xacte à
donner à cliaque corde, dans les meilleures condi-
tions de tension.
Une des extrémités de chaque corde étant fixée sur
la table d'harmonie par bouton sur une ligne droite,
on en déduit la courbe de la tête de la harpe.
Il n'en restait pas moins certain que l'ensemble
des tirages des cordes sur la table dépassait la force
de résistance de celle-ci. M. G. Lyon chercha donc à
faire traverser la table par les cordes, en les accro-
chant, en arrière de cette table, à un sommier fait
d'abord en bois, et que l'on pourrait armer de façon
aussi énergique que l'on voudrait pour résister à la
traction totale de toutes les cordes.
La harpe n" 2 (flg. 994) représente l'essai fait dans
cette voie; les cordes ont pu être accrochées à deux
sommiers placés en arrière (fig. 993), et la harpe a
été construite de façon à ce qu'on pût se rendre
compte si le fait d'accrocher la corde au sommier
d'arrière, au lieu de l'accrocher à la table, correspon-
FiG. 99 i. — Harpe n° 2.
dait ou non à une diminution des qualités sonores
de l'instrument.
Le résultat de l'expérience ayant amené à recon-
naître qu'il n'ij avait aucun dommage à supprimer l'at-
tache des cordes sur la table, par bouton, le principe
des sommiers d'attache en arrière de la table fut con-
siitéré comme opérant.
Cependant, il était assez naturel de penser que
des cordes ne faisant que traverser avec deux cou-
dages une table d'harmonie, ne donneraient pas tou-
jours le même timbre que des cordes tirant directe-
ment sur cette table; des essais furent tentés qui
modifiaient les dimensions de la table en largeur et
en épaisseur, ainsi que les longueurs des portions de
cordes en dessous de la table, jusqu'aux sommiers
d'accroché : ils donnèrent d'utiles indications. La
tabk n'était pas assez souple, les longueurs de cordes
en dessous de la table étaient trop faibles, et celle-ci
19'i8
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
se trouvait, pour ainsi dire, bridée par ces liaisons
non élastiques.
On substitua alors à ces portions de cordes des
ressorts à boudin fixés aux pointes d'accioche et
auxquels étaient attachées les cordes. On vit alors la
FiQ. 995. — Harpe n» 2.
table reprendre toute sa souplesse, elle timbre rede-
venir celui auquel on était habitué dans les harpes
à pédales, avec la grande sonorité coutiimièie.
Mais quels ressorts fallait-il emplojer? Les cordes,
coudées à leur passage dans la table, n'y glissent
pas facilement, et si le ressort a un allongement trop
considérable, les cordes, en entraînant la table, lui
donnent un bombement trop grand, et lui font repren-
dre de la raideur par bombement. Il fallait donc
des ressorts qui, sous les tensions des ditférentes
cordes, variant de 3 à 50 kilogrammes, eussent un
allongement faible, constant, ne dépassant pas 3 mil-
limètres environ.
Pour la commodité de la fabrication, et vu l'em-
placement disponible dans la harpe, on choisit un
type de ressoits enroulés sur un mandrin de 4 mm.
de diamètre. Les ressorts furent essajés sur l'appa-
reil qui avait servi déjà aux cordes de boyau. Les
courbes d'inscription donnèrent! toujours une ligne
d'abord sensiblement droite, puis s'infléchissant assez
brusquement. Le point d'inflexion brusque corres-
pond à la tension à partir de laquelle les allonge-
ments ne sont plus proportionnels aux tensions, et
indique la limite d'élasticité jusqu'à laquelle le res-
sort peut être employé. En mesurant sur la feuille
l'allongement total correspondant, et en le divisant
par le nombre de spires et par le nombre de kilo-
grammes qui l'a produit, on obtient l'allongement
par spire et par kilogramme caractéristique du res-
sort employé.
On sait, en etfel, que, pour les ressorts à boudin,,
l'allongement par unité de tension est proportionnel
au nombre des spires, et que l'allongement total est
proportionnel à la tension, tant qu'on ne dépasse
pas la limité d'élasticité.
Une petite modification dut être apportée à l'ap-
pareil pour obtenir un débit uniforme de l'eau, afin
d'assurer la rectilignité de l'inscription des allonge-
ments. L'eau, au lieu de s'écouler par le robinet
placé au bas du réservoir R, passait par un siphon
porté par le flotteur, et dont l'orifice se trouvait alors-
suivre exactement les variations du niveau de l'eau
dans le réservoir.
Il existe pourtant, dans l'interprétation de ces ins-
criptions, une cause d'erreur tenant à l'allongement
permanent des ressorts. Cet allongement est dû à
deux causes : la première se manifeste assez rapi-
dement, et provient delà déformation des bouclettes
qui terminent le ressort; cette déformation a lieu
progressivement pendant l'inscription rectiligne, et,
une fois produite, ne se répète plus; l'autre com-
mence à partir de l'inscription infléchie, c'est-à-dire
au moment où la limite d'élasticité est dépassée.
Quand cette limite fut établie par les moyennes
d'un nombre suffisant d'expériences, on dut, pour
étudier les allongements proportionnels, arrêter les
expériences à la tension limite, puis décharger le
ressort; l'aisuille traçait alors l'allongement AU à la.
déformation des bouclettes qu'on n'avait qu'à retran-
cher de l'allongement total.
Ces résultats, contiôlés par un grand nombre
d'expériences entreprises, sous la direction de M. G.
Lyon, sur des ressorts en fils d'aciei' de Firrainy
(cordes de piano), ont été condensés sous la forme-
des deux courbes indiquées sur la figure 996 ci-contre
et donnant :
L'une, en trait plein, la tension en kilogrammes
au delà de laquelle on ne peut employer un ressort
fait avec un fil de diamètre donné, quel que soit
d'ailleurs le nombre de ses spires;
L'autre, l'allongement par spire et par kilogramme
de traction d'un semblable ressort.
Connaissant la tension de chaque corde, on peut
facilement calculer le diamètre du fil d'acier à em-
ployer pour chaque ressort, et le nombre de spires
à lui donner pour obtenir l'allongement désiré.
Dans la harpe suivante, n" 3, une série de perfec-
tionnements consécutifs à ces décisions fut réalisée :
suppression des attaches des cordes à la table par
bouton, leur remplacement par des systèmes d'atta-
ches à la caisse elle-même au delà de la table, em-
ploi de la cheville Alibert à vis micrométrique, en
remplacement de la cheville ordinaire aux nombreux
inconvénients; les dessus étaient montés avec des
chevilles ordinaires, et la partie basse avec des che-
villes Alibert. Dans un autre exemplaire de ce mo-
dèle, M. G. Lyon avait fait l'inverse, montant avec
des chevilles Alibert les dessus de la harpe, et avec
des chevilles ordinaires les cordes de la basse.
%,0n voit naître dans cette harpe n° 3 (fig. 997, 998)
également un étoulfoir, car, cette harpe devant être
jouée chromatiquemenl, il devenait nécessaire de la
munir d'un étoulfoir comme en possède le piano.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE CHROM. ET SA FACTURE l'J49
■Cet étouH'oii- comportait deux bandes de l'autre et,
par un mouvement oscillatoire autour d'un axe placé
dans le plan de symétrie incliné de l'6° sur la table,
et commandé par pédale, ce feutre venait s'écraser
contre les cordes blanches vers le haut, et contre les
cordes noires vers le bas.
M. G. Lyon établit donc les harpes suivantes, re-
présentées par les figures 999, 1000, 1001, d'après les
longueurs de cordes précises que le calcul lui avait
fixées, en adoptant pour traction le maximum de
18 kilogrammes par millimétré carré de section.
La harpe n° 5 (fig. 999) était à deux colonnes fines,
Potds tejtcew,!* Li/iivUe eji KUoct .
•j-rfî-utTin }^ -s-p- l ira ^°]^ •""' 'P '-^S •™'l T"»^''^'°TTjr
et ce modèle bien équilibré aurait été adopté s'il
n'avait, pour le début, trop modifié l'aspect habituel
de la harpe.
L'image de la harpe n° 7 (fig. 1001) permet de se
rendre compte de la construction du sommier du
haut, qui était fait en plusieurs épaisseurs de hêtre
contrecoilées, et des sommiers d'accroché de l'inté-
rieur, qui étaient également en hêtre, avec des arcs-
boutants formés de trois cordes de piano tendues à
100 kilogrammes chacune, et qui devaient s'opposer
au cintrage possible de ces sommiers sous l'action du
tirage des cordes.
A peu près convaincu qu'il devait avoir ainsi une
harpe très solide, dont les cordes ne casseraient
pas, M. G. Lyon transportait cette harpe au bord de
la mer, à Villers-sur-Mer, au mois d'août 1895. Il a
donc fallu un an pour arriver à ce résultat.
Contrairement à ses prévisions, il s'aperçut avec
étonnement que cette harpe ne tenait pas l'accord
du tout, que les cordes cassaient sans arrêt; le ré-
sultat, en somme, était inquiétant, puisqu'il y avait
plus de cordes dans cette harpe que dans la harpe à
pédales, et que ces cordes cassaient à peu près aussi
vite que dans ladite harpe. Fort, cependant, des con-
1950 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOS'NAIRE DU COXSËIWATOIRE
I
TECHNIQUE, EUTIIÉTIoL'E ET FÈDAdOGIE
LA HARPE CHROM. ET SA FACTURE l'JSl
clusions que lui avait données son appareil d'étude
sur les cordes, il fut obligé d'admettre que les rup-
tures de cordes ne provenaient pas seulement de
l'action des variations hygrométriques de l'air sur
les cordes, mais qu'une autre cause sérieuse devait
produire ces ruptures.
Il fut induit à chercher si la carcasse même de la
harpe n'était pas capable de raouvemenis tels que
ces ruptures de cordes fussent obligatoires.
Il construisit donc un appareil portant six cylin-
Fia. 1001.
Harpe n° '
dres tournants' et sur lesquels marquaient leurs
traces trois plumes lixées aux deux bouts et au mi-
lieu de la partie supérieure de la harpe, puis trois
autres plumes qui occupaient des places analogues
sur les sommiers d'accroché intérieurs de la harpe.
Au bout de huit jours d'expériences, il fut obligé
de constater, avec stupéfaction d'ailleurs, que la
harpe, ainsi que le violon pour lequel il a pu le
vérifler également, semble respirer pendant les dif-
férentes heures de la journée, se déforme très éner-
giquement à certains moments pour reprendre sa
position d'équilibre à d'autres moments. Selon qu'il
faisait du soleil et de la chaleur, ou de l'ombre et
de l'humidité, la harpe paraissait s'épanouir ou se
resserrer sur elle-même.
M. G. Lyo.n a pu vérifier ainsi que la partie cin-
trée du sommier du haut pouvait présenter des va-
riations de niveau atteignatit trois millimètres, ce
qui, une fois les calculs faits, l'a amené à conclure
qu'il n'y aurait jamais de cordes de boyau capables
de résister aux variations de traction que cela repré-
sentait.
Il était donc porté à attribuer les ruptures de cordes
à la déformation des pièces composant la harpe.
Pour en avoir le cœur net, il prit la décision de
faire une harpe toute en
acier. Ce fut la harpe n" 9
(fig. 1002, 1003, 1U04).
Les clichés de la harpe
n° 9 permettent de voir
le sommier du haut, tout
en acier coulé, qui avait
été calculé comme on
l'aurait fait pour une
poutre de pont. Cette
pièce s'arc-boutait à une
extrémité sur la colonne
en acier étiré, et venait
s'encastrer à la paitie
opposée entre deux joues
que portait le sommier
d'attache des cordes, som-
mier qui, lui aussi, était
en acier coulé et placé à
l'intérieur de la caisse en
bois de la harpe.
Hn même temps,
comme les harpes précé-
dentes avaient donné la
preuve que la cheville à
mouvement micrométri-
qiie était supérieure à la
cheville ordinaire, cette
harpe n" 9 fut munie de
ces nouvelles chevilles,
genre Alihert, sur toute
son étendue; puis, cette
harpe fut montée de cor-
des dont les longueurs
avaient été calculées par
M. Lyon pour la limite
de sécurité.
C'est au mois d'avril
1890 que cette harpe fut
terminée, l'él ude, le des-
sin, la faliricalion des
modèles, la fonte de ces
modèles, les retouches, etc., ayant exigé beaucoup
de temps.
Cette harpe fut placée à côté d'une grande harpe
gothique, à pédales et à double mouvement, de
fabrication récente, et d'une petite harpe Plkyel du
même système, datant de 18;i0 environ.
Ces trois harpes ayant été montées avec des cor-
des achetées chez lé même fabricant, le même jour,
turent transportées de conserve au bord de la mer,
encore à Villers-sur-Mer, et là, la nuit même de leur
arrivée et de leur déballage, elles eurent à sup-
porter un terrible cyclone qui abattit plus de vingt
gros arbres dans la propriété où se trouvaient les
instruments.
C'est grâce à ce cyclone, cependant, que M. G. Lyon
put constater le lendemain matin, que s'il manquait
quinze cordes à la harpe ancienne Pleyel, quatorze
cordes à la grande harpe gothique à pédales, par
contre, il n'en manquait pas une à sa harpe d'acier.
Fig. 1002. — Harpe n" 9.
1952
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
La démonstration était faite, et sa conviction assise
que la solution était dans l'adoption d'un sommier
du haut indéformable, donc métallique, d'un som-
mier d'acci-oclie intérieur métallique, d'une coloime
métallique encastrée entre les deux sommiers, et
dans l'emploi de chevilles à vis micrométriques pour
le réglage de l'accord.
Cette harpe avait pourtant un défaut Irhs grave :
elle pesait plus de 60 kilos, et ce n'était pas sans
une appréhension bien naturelle que M. G. Lton se
FiG. 1003. — Harpe n" 9.
FiG. 1004. — Harpe n° 9.
demandait comment cet instrument si lourd pourrait
être manié par de gracieuses et charmantes mains
féminines.
Pour pallier tout d'abord un peu ce défaut de mo-
bilité, il munit cette harpe de roulettes cachées sous
les griffes de lion, à la partie antérieure du socle,
de sorte qu'il suffisait de pencher légèrement la harpe
en avant pour bien la faire poser sur ses roulettes,
et pour la transporter facilement par roulement
d'un endroit à un aulre, malgré ses 60 kilos.
D'ailleurs, les progrès que faisait au même mo-
ment la métallurgie de l'aluminium amenèrent
M. G. Lyon à entreprendre des essais sur l'emploi de
cet alliage pour les harpes. Après un certain temps
de recherches, couronnées de succès d'ailleurs, il
put réaliser en aluminium le sommier du haut, le
sommier d'accroché et même la colonne.
Les clichés ci-après ((ig. 1005, 1006) représentent la
première harpe en aluminium qu'il a pu construire.
Le sommier d'accroché de l'intérieur a été calculé
d'une faron rationnelle en forme de double T. Les
pointes d'accroché ont pu être reportées à la partie
externe, et par suite, les ouvertures des fenêtres du
cintre ont pu être reportées hors de l'arête posté-
rieure, position irrationnelle dans les anciennes
harpes, puisque les robes ou la poitrine des exécu-
tantes les fermaient complètement.
Cette harpe ayant montré :
1° Sa parfaite lenue d'accord;
2° Sa résistance à la rupture des cordes;
3° Ses bonnes qualités sonores, le modèle fut
adopté en principe, et une forme plus convenable fut
réalisée dans la harpe n" H, modèle de mai 1897,
(fig. 1007 et 1008).
Étouffoir. — L'étoufToir rotatif, appliqué dans la
harpe n" 2, modifié, une première fois, dans la harpe
n" 5 en devenant ascensionnel, était placé au-dessus
de la table d'harmonie; dans la harpe n" 11, cet
étouffoir esl transporté sous le sommier du haut, et
son mouvement vertical est descendant, pour per-
mettre aux deux bandes de feutre de se coincer entre
les deux plans de cordes, lesquels sont inclinés sur
la verticale; ce mouvement est très peu visible.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE LA HARPE CHROM. ET SA FACTURE l;i53
Copyright liy lihrairie Delagraie, 1927.
123
1954 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
ne put pas se confondre avec le ré bémol donné par
la corde voisine. Le double mouvement n'avait de
raison d'être que si cette substitution pouvait être
obtenue, et, par conséquent, M. G. Lyon a conclu de
tout cela que l'accord de sa nouvelle harpe avec le
tempérament égal présenterait un avantage incon-
testable.
Une objection majeure qui se présentait à l'esprit,
était qu'il y aurait une très grande difficulté pour
tous les harpistes à faire la partition, c'est-à-dire à
diviser l'octave en douze demi-tons, le nombre de
vibrations d'une corde étant égal à celui du demi-ton
précédent multiplié par le nombre v 2 ou 1 ,0b946, etc.
On sait, en effet, combien il est difficile de faire
un bon accordeur de pianos, et l'on ne pouvait pas
décemment exiger de chaque élève de harpe l'obli-
gation d'un travail de six mois pour établir exacte-
ment cette partition.
M. G. Lyon a donc placé, au début, dans la partie
creuse du sommier du haut, une partilion de douze
lames d'acier admirablement accordées avec les
demi-tons d'une octave entière.
Il en résulte qu'en frappant sur les boutons qui
font vibrer ces lames, le harpiste entendait le son
exact qu'il devait faire rendre à la corde du même
nom, et en choisissant la note à l'octave correspon-
dant à celle de la lame d'acier, il n'avait qu'un unisson
à faire, coque toutebonne oreillepeutréalisereu trois
minutes d'étude; pour l'octave immédiatement infé-
rieure, il n'avait plus qu'à accorder à l'octave grave
et, en immobilisant le point milieu de cette nouvelle
corde, il lui était loisible d'obtenir l'harmonique
n° \, qui devait donner l'unisson de la corde à l'oc-
tave supérieure. Pour obtenir cet accord, M. G. Lyon
employa définitivement la nouvelle cheville ii vis mi-
croiruHrique dont la fig. 1009 fera comprendre exacte-
ment l'emploi.
Cette harpe tient très bien l'accord et, pour les
raisons d'équilibre indiquées, casse très peu de cor-
des : en quatre-vingt-trois jours, treize ruptures de
cordes se sont produites. La harpe à pédales qui
servait de témoin en cassait vingt-huit en trente-six
jours, ce qui fait qu'alors que la nouvelle harpe
possède près de deux fois plus de cordes, il lui faut
à peu près cent soixante-dix jours pour casser au-
tant de cordes que la harpe ordinaire en trente-six
jours.
ACCORD TEMPÉRÉ DE LA HARPE
Une difficulté qui aurait pu arrêter bien des per-
sonnes désirant travailler la harpe, consistait dans
l'accord de cette harpe, qui doit s'effectuer suivant
la gamme chromatique du piano, c'est-à-dire avec le
tempérament égal.
Ce qui a été dit relativement à l'impossibilité, pour
une harpe, de tenir l'accord d'une façon sérieuse, ne
fût-ce que pendant quelques minutes, montre déjà
quelle est l'erreur des harpistes qui prétendent ac-
corder leur harpe à pédales au conima près, con-
vaincus très honnêtement, il faut l'espérer du moins,
qu'ils peuvent facilement établir exactement la diffé-
rence entre le ré. dièse et le mi bémol, par exemple.
M. G. Lyon rappelle, à ce propos, que tous les essais
qu'il a eu l'occasion de faire avec les appareils de
mesure, diapasons étalonnés, en particulier, l'ont
amené à conclure que, toutes les fois qu'un musicien
très fin veut montrer la différence qui doit exister
entre ces deux sons, il exagère, malgré lui, incons-
ciemment, et arrive à quadrupler sans la moindre
hésitation l'écart qu'il aurait dû réaliser; d'ailleurs,
la harpe à double mouvement serait d'un emploi
parfaitement incommode si l'on ne pouvait pas, avec
la corde du do bémol, arriver à faire un do dièse qui
FiG. 1009. — Cheville à vis micromélrique.
Échelle chromatique des sons musicaux. — Pour
repérer la place des notes d'un instrument dans l'é-
chelle chromatique des sons, M. G. Lyon a adopté,
en particulier pour les harpes de sa construction,
le numérotage chromatique proposé par lui et par
M. Mahillon, alors Conservateur du Musée du Con-
servatoire de Bruxelles, au Congrès de Musique tenu
à Paris en 1900.
Cette numération part des idées fondamentales
suivantes :
Le son musical le plus grave perçu par l'oreille
humaine est Vut de 32 pieds qui, avec le la normal
de 8'70, en comporte .32,318 vibrations simples par
seconde, et avec le diapason de 864, en comporte-
rait 32,0886.
Ce son sera dénommé son 1 : il est produit par un
tuyau de trente-deux pieds, et donne presque exac-
tement trente-deux vibrations simples par seconde à
15 degrés centigrades; la montée chromatique s'éta-
blirait ainsi :
Le son dit oriyhia dénommé ul de 32 pieds sera numéroté. . 1
L' ul dièse qui le suit 2
l'aie lerf 3
Té difse S
ul 5
fa 6
fa dièse 7
sol 8
sol dièse H
la 10
la dièse II
si 12
Ces douze premiers sons ont un nombre de vibra-
tions égal au nombre de la note précédente multi-
plié par l'/l ou 1,05946, et constitueront ce qui, en
langage populaire (d'organiste et de claveciniste), est
appelé octave de trente-deux pieds.
Les douze noies de l'octave dite de seize pieds
comporteront ainsi le deuxième ut de l'échelle chro-
matique, soit le son 13, puis le deuxième ut dièse de
la même échelle, soit le son 14, etc.
TECHNIQUE, ESTIIÉTIQCE ET VÈDAC.OGIE
LA HARPE CHROM. ET SA FACTURE 1955
Pour conclure, chaque note sera numérotée en
multiples de douze correspondant aux octaves com-
plètes qui la précèdent, à partir du son 1, ut de
trente-deux pieds, plus son rang de nom dans la pre-
mière octave.
C'est ainsi qu'on peut savoir quel est le nom etl'oc-
tave du son cinquante-trois : 53 — 18 =:= S. Donc, c'est
une note delà cinquième octave (au delà de 4 fois 12)
et c'est la cinquième, puisque après quatre douzai-
nes, il reste cinq notes à franchir. C'est donc le mt'de
la cinquième octave.
De même, si on veut savoir le rang de l'échelle
chromatique du sol dièse de la sixième octave, on
fera le simple calcul suivant :
5 octaves complèles valent . 60 notes.
Le sol (lifse a ran^' 9
Le so/rf(«e est le son 69 de l'échelle cliromalique des
sons.
La l'" octave, allant du son 1 au son 12 est dite de 32 pieds.
2° — —
3« — —
4e _ _
61!
se
Tempérament égal. — Il a été noté ci-après, pour
faciliter le travail des expérimentateurs ou des cher-
cheurs futurs, les valeurs des puissances successives
de t/2 et de leurs inversos qui conditionnent les
nombres de vibrations ou les longueurs des diffé-
rentes notes d'une octave :
13
—
24
—
16 —
25
—
30
—
8 —
37
—
48
—
4 —
49
—
60
—
2
61
—
72
—
1 —
72
—
85
—
6 pouces
Sj
—
90
. —
3 —
^2 = n =1,0594632
1 1
= »j =0,948593
/iy2y=«- =1. 1224621
II' =1,1892071
m°- =0,890898
)«' =0.840896
n» =1,2599211
)»* =0,793635
«^ =1,3318399
,«= =0,749153
ifi =1,4142136
)«• =0,707106
k' =1,4933071
»r =0,667419
n« =1,5871011
m« =0,629960
n' =1,6817926
«i' =8,594605
«>0= 1,7817975
m'0 = (}.â6i23l
«" = 1,8877187
m" = 0,529731
«'- = 2.
mi = =0.5.
Sur la table de la harpe, à hauteur de chaque trou
de passage d'une corde, est marqué en noir le rang
de la note sur l'échelle chromatique des sons; on
peut donc monter la corde voulue à la place voulue,
et, pour l'accord, faire vibrer la lame coirespoudante
au rang de la note, les boutons de frappe des lames
d'accord étant numérotés de la même façon.
Dans la suite, il a paru plus pratique de mettre
en une petite boite légère les douze lames d'accord
pour les douze notes de la sixième octave, dite de
un pied.
CRÉATION DE L'ENSEIGNEMENT
DE LA HARPE CHROMATIQUE SANS PÉDALES
RÉSULTATS ARTISTIQUES ACQUIS
Dès le mois d'octobre 1900, M. Gevaert, l'éminent
directeur du Conservatoire Uoyal de Belgique, fon-
dait une classe de harpe chromatique an Conserva-
toire de Bruxelles, et nommait M. Jean Uisler pro-
fesseur titulaire de cette classe.
C'est le 18 avril 190:i que, par décret du gouverne-
ment de la République Française, une classe de harpe
chromatique sans pédales est instituée au Conserva-
toire National de Musique et de Déclamation de
Paris. M™'= Tassu-Spenceh fut chargée du cours.
Au point de vue des résultats acquis dès 1903, les
trois lettres ci-dessous, parmi tant d'autres, qui sont
dues aux fameux chefs d'orchestre et compositeurs
Hans liicHTEH, Félix Mottl et Edouard GniEr,, tous
trois, hélas 1 aujourd'hui décédés, en donnent la me-
sure indiscutable.
Lettre de Hans Richter à M. Gustave Lyon :
Bowdon (Clieschire), 14 janvier 1903.
Depuis longtemps déjà, je voulais vous écrire au sujet de vos
excellentes harpes chromatiques; mes voyages et mes obligations
professionnelles m'ont empêché de réaliser immédiatement ce
projet.
Avec votre inslrumenl, il n'y a plus maintenant aucun obstacle
dans l'exécution même des parties les plus difficiles des œuvres
magistrales de R. Wagner; j'ai pu m'en convaincre en condui-
sant le Crépiiscu/e des Dieux, à Paris : c'était une grande joie pour
moi d'entendre les quatre harpistes femmes jouer sur vos instru-
ments.
Les avantages principaux de votre instrument me paraissent
se résumer en ceci : 1" la sonorité irréprochable ; 2» la constance
de l'accord, parce que les cordes ne sont ni trop tendues ni trop
flasques; 3° la complète absence de bruit pendant le jeu, car,
dans les harpes à pédales, le bruit de l'enfoncement des pédales,
pendanl les rapides changements d'harmonie, est absolument iné-
vitable. J'ai été complètement satisfait du son de la harpe chro-
malique.
Dans l'espérance que voire amélioration recevra bientôt sa
consécration de tous côtés, je reste votre très amical.
Signé : Hans Rir.mKR.
Lettre de Félix Mottl au même :
Carlsruhe, le 25 janvier 1903.
La harpe chromatique construile d'après les idées de M. Lvon
rend possible une exécution minutieuse et consciencieuse des
parties les plus difficiles écrites pour cet instrument dans les
partitions modernes.
Le bruit qu'occasionnait l'ancienne harpe, et qui est inévitable
par le changement rapide des pédales, disparaît complètement.
La sonorité obtenue par M. Lyon est tellement réussie que je
ne puis pas admettre les reproches qui ont été faits à la harjn'
chromatique de n'avoir pas la sonorité caractéristiiiue de la
harpe.
Nous devons donc reconnaître avec grande joie que nous
sommes ici en présence d'une invention absolument parfaite et
pratique qui ne tardera pas à être adoptée partout, et cela dans
un temps très prochain.
Signé : I^élix Mottl.
Lettre de Ed. Giuec au même :
Très honoré Monsieur Lyon,
Je partage tout à fait l'opinion exprimée par M. hi docteur
Hans RicHTEB.
Votre harpe chromatique est une invention de la plus haute
importance au point de vue technique. Maintenant, presque tout
peut être écrit pour la harpe.
Je suis convaincu que de cette innovation tout à fait réussie
résultera pour vous une grande satisfaction.
Permettez-moi de vous en exprimer mes meilleures félicita-
tions.
Signé : Ed. Griko.
Ce nouvel instrument répond donc à une véritable
nécessité, puisque, comme nos instruments modernes
les plus perfectionnés (le piano, l'orgue), il enrichit
la musique de ses nouveaux effets chromatiques qui
sont innombrables, indéfinis.
Gaston Carr.ald, Prix de Rome de composition,
écrivait à ce sujet dans Musica :
Elle triomphera un jour fatalement, inéluctablement, parce
qu'elle répond aux besoins vrais de la musique et à son effort ac-
tuel qui est d'étendre les limites de la tonalité, et parce qu'il est
une loi qui régit le monde : celle du progrès, de la simplification,
du beau et du bon mis aux mains du plus grand nombre.
1956
ENCrCLOPÈDlE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Possibilités d'exéculion et de composition.
La harpe chromatique sans pédales fournil à l'ar-
tiste la possibilité de tout exécuter. Possédant les
mômes ressources que le piano, l'orgue et le clave-
cin, elle est capable, en principe, d'exécuter toutes les
œuvres écrites pour ces instruments. Quelques œuvres
de piano particulièrement toufl'ues peuvent toujours
être transcrites intégralement pour deux harpes;
de même, les œuvres pour deux pianos pourionl se
jouer SUT deux harpes, ou être transcrites sans mo-
difications pour trois et quatre harpes :
Exemples : scherzo de Saint-Saëns pour deux pianos,
Bourrée Fantasque de Chaurieb,
Danse Macabre de Saint-Saëns.
Les élèves peuvent ainsi recevoir une éducation
musicale complète, puisque, au lieu de devoir se
cantonner dans la seule musique spéciale de la harpe
{Fantaisies et Concertos de Parish-Alvars, d'OBERTHUR,
de BocHSA, etc.), dans laquelle la virtuosité tient lieu
le plus souvent de sens artistique, ils apprendront
(en plus de cette musique de harpe) le répertoire
complet des œuvres des grands maîtres, les clave-
cinistes : Rameau, Coupkrin, Scarlatti, Daquin, Haess-
LEB, en passant par Haendel, J.-S. Bach, Ph.-Em.
Bach ; les classiques : Havdn, Mozart, Beethoven ; les
romantiques : Mendelssohn, Schouann, Schubert,
Cnoi'iN, pour arriver, après Lizsret Wagner, aux con-
temporains : Saint-Saëns, Widor, Charpentier, d'Indy,
Fauré,Bruneau, Richard Strauss, Claude Debussy, etc.,
dont la pureté de l'écriture, la profondeur du senti-
ment, l'art et le génie, élèvent le goût, le style et
l'âme même des interprètes.
Le compositeur n'a plus actuellement qu'à écrire
sa pensée musicale sans se demander avec angoisse
si l'œuvre qu'il a conçue sera jouable ou non. Il peut
laisser planer librement sa fantaisie, son imagina-
tion et s'oublier complètement dans ses rêveries
sonores. La harpe chromatique sera toujours sa
fidèle interprète et ne lui laissera jamais une décep-
tion, un regret. 11 ne risquera plus de devoir suppri-
mer, mutiler, modifier, refaire, simplifier les traits
et les modulations qui semblent être parfois les plus
simples du monde.
« Grâce à la harpe chromatique sans pédales
Pleyel, dit à son tour Reynaldo Hahn, les compo-
siteurs n'auront plus besoin de se casser la tête
pour répandre de la lumière et de la gloire sur
l'ensemble de l'instrumentation, ni de se demander
dans ces moments de belle folie, si le sol bémol est
possible, ou si le si a le temps de devenir bécarre. »
De même, une cantatrice peut désormais s'accom-
pagner elle-même à la harpe, et cela dans les œuvres
les plus modernes. La harpe chromatique, en ett'et,
ne s'appuie pas sur l'épaule, mais sur les genoux.
La poitrine reste libre et haute. Tout le corps reste
dégagé et complètement détaché de rinstrument_
La respiration n'est donc plus gênée par une mau.
vaise position, et, n'ayant plus la préoccupation con-
tinuelle des pédales, la chanteuse peut se laisser
aller tout entière à son inspiration et à l'interpré-
tation de l'œuvre qu'elle désire chanter.
Grâce à leurs accords faciles et durables, des en-
semliles de harpes chromatiques sans pédales ont
pu se constituer :
à Paris : Quatuor Marie-Louise Casadesus,
Sextuor Lina Cantelon,
à Efruxelles : Quatuor Germaine Gornélisj
qui ont obtenu en France, Suisse, Espagne, Belgique»
les succès les plus éclatants.
Un groupe de seize harpistes chromatiques sans
pédales a pu, à Vevey, participer à l'exécution de
l'œuvre de Gustave Doret : La Fête des Vvjnerons.
A Béziers, douze harpistes chromatiques sans
pédales. Groupe Lina Cantelon, ont participé à l'exé-
cution dans les arènes (21.000 auditeurs) :
En 1922, (le Pcnlhesilée, de Marc Delmas ;
En 1<J23, de Dèjanire, de Camille Saint-Saëns;
En 1924, de Dieu stjnf: coiiroiitif, de Marc Delmas ;
En 1925, du Zorrjfiu, de Francis Bousquet;
■En 1926, de Zorriga, de Francis Bousquet ;
à la complète satisfaction des auteurs, de l'organi-
sateur de ces festivités musicales, M. Castelbon de
Beauxhostes, et des spectateurs qui ont exigé, chaque
année, le lendemain de la dernière représentation,
un concert dans les arènes, les douzes harpistes
chromatiques sans pédales figurant seules au pro-
gramme. Le triomphe sans précédent de ces séances
fut la preuve des qualités pratiques des instruments
et de la perfection artistique des interprètes.
Avantages artistiques et pratiques.
La harpe Pleyel « chromatique sans pédales », au
point de vue des qualités d'interprétation, présente
les avantages artistiques suivants :
L — La suppression des pédales élimine la préoc-
cupation d'esprit de l'exéculant et lui rend son indé-
pendance absolue. L'emploi des pédales demande
un elfort considérable de mémoire, dans la musique
moderne, oii il peut y avoir à chaque mesure la néces-
sité d'abaisser plusieurs pédales et d'en remonter
plusieurs autres. Cette préoccupation constante de
l'esprit est aux dépens de l'interprétation, de l'ins-
piration, de l'émotion de l'exécutant.
Dans la harpe chromatique sans pédales, les har-
monies les plus compliquées, les traits les plus
chromatiques ne sont pas plus difficiles que les pas-
sages les plus simples elles plus diatoniques. Aussi,
cet instrument permet-il une interprétation vraiment
artistique, dans le sens large et complet du mot.
IL — La harpe chromatique sans pédales a une
corde indépendante par note, de tension et de lon-
gueur constante. Elle possède donc seule l'unité,
l'égalité dans la sonorité, la constance de l'accord et
la suppression du bruit des manœuvres de pédales.
Félix MoTTL constate que « le bruit qu'occasion-
nait l'ancienne harpe, et qui est inévitable par le
changement rapide des pédales, disparait complète-
ment avec la harpe chromatique sans pédales ».
Le frisement des cordes contre les fourchettes, dès
qu'on manœuvre les pédales, n'existe plus, ni, par
suite, les coulées du son qui résultent de la niodifl-
cation de la tension des cordes dont les pédales sont
actionnées.
La harpe chromatique sans pédales présente, en
plus, les avantages d'ordre matériel et pratique
suivants :
L — L'accord de la harpe chromatique sans pé-
dales est plus facile, plus stable que celui des autres
harpes. 11 se fait d'après le tempérament égal, comme
pour le piano, le clavecin, l'orgue.
11 est 1res simple, très facile, même pour les élèves
les plus jeunes (dix à douze ans); cinq minutes par
jour suffisent pour l'enlretien de l'accord de la
harpe.
II. — L'accftrd tempéré ds la harpe chromatique-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA HARPE CHROM. ET SA FACTURE 1957
-sans pédales correspond à l'accord de l'orcliestre
moderne. Il doit et peut être précis, car la justesse
de l'instrument est constante.
III. — Les cordes de la harpe chromatique sans
pédales se rompent moins souvent. Et cela :
i" Parce qu'elles ne sont pas écrasées, tordues et,
par conséquent, usées continuellement parles four-
chettes;
2° Parce que la tension des cordes est toujours la
même, celles-ci gardant toujours la même longueur.
IV. — La harpe chromatique sans pédales, de
construction simple et robuste, est d'un entretien peu
coûteux.
V. — La cheville Âlihert, perfectionnée par
M. G. Lyon, à mouvement de vis micrométrique,
ne peut se dérouler au milieu de l'exécution d'un
morceau.
VI. — La harpe chromatique sans pédales repose
sur les genous et non sur la poitrine, ce qui, au point
de vue de la santé, de l'hygiène, surtout au moment
de la croissance des jeunes filles, est de la plus
grande importance.
BocHSA, dans sa Méthode de harpe, disait à ce sujet:
c< Beaucoup de mères se refusent à donner à leurs
filles un maître de harpe, malgré la juste préférence
que mérite ce bel instrument sur tous les autres,
par la seule raison qu'appuyé constamment sur
l'épaule droite, il exige un effort permanent qui,
agissant constamment d'un même côté, peut devenir
capable de tourner la taille des jeunes personnes '. »
C'est un reproche qu'on ne peut faire à la harpe
chromatique sans pédales.
CRITIQUES DE LA HARPE CHROIVIATIQUE
Différentes critiques ont été formulées concernant
la harpe chromatique sans pédales, critiques dont
une expérience de près de vingt ans a fait complète
justice.
Première critique. — L'on a dit que si la harpe
pouvait être chromatique, elle ne devrait pas l'être,
•c'est contraire à son génie.
C'est exact, mais seulement pour les harpes à
pédales; le chromatisme est contraire au génie de la
harpe à pédales, parce que celle-ci présente des
inégalités dans la sonorité ; un état de désaccord
continuel, des bruits de pédales incorrigibles, des
frisements contre les fourchettes à leur entrée en
action, des sons étrangers et coulés pendant le ser-
rage des fourchettes, des arrêts dans l'épanouisse-
ment de la vibration; une impossibilité absolue
d'exécuter rapidement des gammes chromatiques,
des successions d'accords chromatiques et tous traits
chromatiques (que ce chromatisme soit apparent ou
caché), etc.
Donc, ou bien le chromatisme est inexécutable sur
la harpe à pédales, et c'est la majorité des cas, ou,
quand il l'est, il est d'un effet détestable, insuppor-
table.
Voilà les seules raisons qui ont fait dire à Berlioz
et à Gevaert que la harpe à pédales est un instru-
ment essentiellement anlichromatique.
Mais si, comme cela a lieu pour la harpe chroma-
1. Nouvelle Méthode de harpe en deux parties.., par M. Cliarles
BocBSÀ fils, harpiste de la Musique particulière de S. M. l'Empereur...
Op. 60, Paris (s. d.). Schonenberger. Robert-Nicolas-Charles Bocrsa
né à MontmMy le 9 août 1789, mourut à Melbourne (Australie) eu
janvier 1856.
tique sans pédales, la sonorité dans le chromatisme
est aussi belle que dans le diatonisme, si on y re-
trouve la même pureté de jeu, la même égalité, la
même unité, la même justesse d'accord, et si l'instpu-
ment permet dans l'interprétation le même abandon,
dans l'inspiration la même tranquilité d'âme, il faut
dire au contraire que le chromatisme est aussi bien
dans le génie de la harpe qu'il l'est dans celui du
piano, du clavecin, de l'orgue, et qu'il l'emporte sur
le diatonisme par sa nouveauté, sa variété, son
piquant, sa couleur, sa possibilité de pouvoir expri-
mer tous les sentiments humains, tousiesétatsd'àme.
Deuxième critique. — L'on a dit que les fugues de
Bach n'étaient pas faites pour la harpe, et la harpe
pour les fugues de Bach, que c'était un sacrilège de
jouer sur la harpe les morceaux de piano.
Les préludes et fugues du clavecin bien tempéré
de J.-S Bach ont été écrits pour le clavecin, mais
on ne les joue presque plus aujourd'hui que sur le
piano et l'orgue. Est-ce un sacrilège? Saint-Saëns
affirme que non, et quelle voix était plus autorisée
que la sienne en matière de musique ancienne?
« La musique des époques anciennes, dit-il à pro-
pos de Rameau (dans sa préface à l'édition Durand
des œuvres de Rameau), tire toute sa valeur de la
forme (les nuances alors étant impossibles que nous
pouvons réaliser sur nos pianos modernes), et la
sensation, qui est parfois tout, ou presque tout,
dans la musique moderne, n'est rien ou presque rien
dans l'ancienne. D'après ce principe, Haendel a pu
écrire un concerto pour orgue oa harpe, dont la par-
tie concertante peut être exécutée indifféremment
par l'un ou l'autre de ces instruments, et pouvait
l'être également par le clavecin. »
Rien de plus clair et de plus juste; c'est dire que
la musique ancienne de clavecin convient aussi bien
à la harpe qu'au clavecin, et c'est la même raison
qui permet qu'on la joue sur le piano et l'orgue.
Dans cette même préface, Saint-Saëns dit en par-
lant des nuances sur le clavecin : « 11 était impos-
sible sur le clavecin de passer graduellement du
piano au forte, et de pratiquer cet art savant des
nuances infinies et de la variété du toucher qui
donne au»piano moderne son plus grand attrait. »
Eh bien, ces avantages, la harpe chromatique sans
pédales les possède au même titre que le piano, et
c'est ce qui fait que les morceaux de piano peuvent
très bien s'interpréter sur la harpe, sans pour cela
faire crier au sacrilège. En effet, ces instruments sont
tous deux à sons courts, si on les compare au violon,
à l'orgue ou au chant, et la différence entre la pro-
longation de leurs vibrations est insignifiante.
D'ailleurs, tous les auteurs ont transcrit leurs
œuvres pour différents instruments : il a été fait, du
Cygne de Saint-Saëns, cette célèbre et ravissante
page extraite du Carnaval des Animaux : 16 trans-
criptions réalisées ou autorisées par l'auteur.
Il est indiscutable qu'un beau morceau de musique
restera beau aussi bien sur la harpe que sur le piano,
et qu'un mauvais morceau de harpe sera toujours
un mauvais morceau de musique„même sur la harpe.
C'est ce qui a fait dire un jour à M. Gevaert, en
entendant M"« Lenars jouer une chaconne de Haen-
DEi. sur la harpe chromatique sans pédales :
« Je n'avais jamais jusqu'ici entendu jouer, sur
une harpe, un beau morceau de musique. »
Ce qui voulait dire évidemment que les harpes
autres que la harpe chromatique sans pédales ne
permettaient pas de jouer les œuvres musicales
1958
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
tenues universellement pour belles {Haendel, Bach,
Reethoven, etc.), et que les morceaux que l'on pou-
vait y exécuter ne l'intéressaient pas (Oberthub,
BocHSA, Pauish-Alvars, etc.).
TECHNIQUE DE L'ÉCRITURE POUR HARPE
CHROMATIQUE SANS PÉDALES
Certaines particularités sont à observer Jans la
façon d'écrire pour la harpe chromatique sans pé-
dales :
1" Inutilisation du cinquième doigt.
•2" Règles pour les batteries.
a] Les batteries doivent donc être de trois ou quatre
notes au plus :
Prélude, Valse et Rigaudon, de Reynaldo Hahn
(pour harpe chromatique et double quatuor) :
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AUegro-Fdntaisie, de Jean Risler (pour harpe chromatique et double quatuor) :
b) Si les batteries sont écrites avec plus de quatre notes, elles doivent pouvoir se faire des deux mains,
à moins que le mouvement ne soit très modéré d'allure :
Pièce de Concert, de P.-L. Hillemacher (pour harpe chromatique) :
-^--^
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PEDAGOGIE LA HARPE CHROM. ET SA FACTURE 1959
Ij" Accords. — Les accords prévus plaqués ne doivent pas comporter plus de quatre notes pour chaque
main, soit huit pour les deux mains. S'il y a plus de huit noies, il faut prévoir l'arpège, afin d'avoir le
temps de faire un déplacement de mains :
Ouverture des Maîtres Chanteurs, de lUchard Wagner (partie d'orchestre) :
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Fantaisie (Études artistiques), de Benjamin Godahd :
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't" De la virtuosité. — Les traits qui ne peuvent être faits que d'une seule main doivent être écrits dans
un mouvement assez modéré, et ne doivent pas dépasser V Allegro moderato, à raison de trois ou quatre notes
par temps :
Prélude, Valse et Rigaudon, de Reynaldo Hahn (pour harpe chromatique et double quatuor) :
FjUijiiè sans AJU
1960 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Au contraire, ies traits qui peuvent se faire en se servant des deux mains peuvent être exécutés avec
.la plus grande vélocité :
Prélude, Valse et Ritjmidon, de Reynaldo Hahn (pour harpe chromatique et double quatuor) :
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5° Effets particuliers de la harpe. — Les divers
effets spéciaux à hi harpe à pédales se rendent avec
la même facilité sur la liarpe chromatique sans pé-
dales, tels sont :
fi) Lm note% hurmoniquei< :
Barcarollc, de Mario van Ovkheem (pour harpe chromatique)
Jnr//inLtito (los.J')
Jfof/créh
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE LA HARPE CHROM. ET SA FACTURE 1961
AJleurO'Fantaifi'u', de Jean Hislkr (pour harpe chromatique et double quatuor) :
Allegro 7ftoJer*€h
/ AnfLtwttu^ul}
5) Les sons étouffés :
Ronde des Archers, Th. Dubois (transcripLiou pour harpe chromatique par M"® L. Delcourt)
•du même morceau :
Sona clduffcA
■^ Joni éiou^io
t61»«0 *7 WVO «f
■^ Sona fttcujjc* ---» ÉatdSC^vvt-j
c) L';s sons près de la table :
Petite Fantaisie, de Jean Uisler (pour harpe chromatique) :
-0- •JS<ynb -ntcs defo. \awc
d) Les notes répétées :
1962 ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
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Sonate, d'Emanuel Moon (pour barpe chromatique) :
e) Les ?rî7/es
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f) Les mordants
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TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE LA HARPE CHROM. ET SA FACTURE 1963
6" Style fugué. — Le slyle fugué convient très
bien aux liarpes cliromatiques.
L'exécution en est aussi aisée qu'au piano. L'on
obtiendra même d'heureu.x effets par le mélange de
ce style fugué au style familier à la harpe (arpèges,
batleiies, traits, accords, notes harmoniques, sons
étouffés, noies répétées).
Sonate, d'iùnanuel Moor (pour harpe chroma-
tique) :
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6o La harpe à l'orchestre. — L'emploi de la harpe
à l'orchestre, surtout dans les passages touffus, sono-
res, puissants, demande, pour être entendue, un gros
flot de noies, des paquets de notes ;
Mot/tn ( J . i«)
. Tteirnu. t -
=*S3
a) Arpèqei :
Danses, de Claude Debussy (pour harpe chromatique
et double quatuor) :
Allegro-Fantaisie, de Jean Risler (pour harpe chromatique et double quatuor) :
Allrfra mo</erjfa
, 0 fc . -J»-*» —
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La WiiWi(;e, de Richard Wagner (partie d'orchestre). Wagner prévoit l'emploi à l'orchestre de trois
harpes I jouant à l'unisson :
J^olfojuilttjfo
-tr- — , âj-M-
196i ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
et de trois harpes
h) Fusées :
Traits tirés du
Tannhàuser, de Richard Wagner (partie d'orchestre)
c) Accords :
Maîtres Chanteur
, doublant à l'oclave inférieure les trois premières.
:, de Richard Wagner (partie d'orchestre)
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
70 Emploi de la harpe chromatique en solo. —
Employée en solo, ou dans iin passafje dorchestre
extrêmement doux, la partie de harpe, au contraire,
pourra être beaucoup plus simple. Dans ce cas, le
style fugué conviendra très bien aussi, surtout si l'on
y introduit les effets spéciaux à la haipe.
Œuvres d'écriture facile à exécuter sur la harpe
chromatique sans pédales. — Voici une liste de
morceaux pouvant servir de modèle aux composi-
teurs sur la façon d'écrire pour la harpe chroma-
tique :
Fantaisie chromatique J.-S. Bach.
Concerto en rc mineur (1'» partie) . J.-S. B\cu.
Chaconne en sol Haendel.
Fantaisie Tti. Dneois.
Choral et Variations Widob.
Andante et Sclierzo Florent Schmitt.
Sonate Emanuel Moor.
Danse sacrée et danse profane. . . . Debussy.
Prélude, Valse et Rigaudon R. Hahn.
Impromptu Caprice Pierné.
Impromptu Ciarlone.
Fantaisie-Ballade Pfeiffe».
Scherzo Périlhou.
Les Trois Valses Neeixi.
Concerto Mario von Overeem.
Parties d'orchestre Wagner.
Etc.
Facilité des études.
Il va sans dire que la harpe chromatique sans
pédales ne se joue pas toute seule, et que, pour être
un bon virtuose, il faut, comme pour tous les ins-
truments, beaucoup de travail pour acquérir une
égalité parfaite de jeu, un beau son, de la virtuosité;
mais ce qu'on peut dire, c'est que les modulations,
le chromatisme, qui constituaient la grosse difllculté
de la harpe à pédales, ne sont pas une difficulté pour
la harpe chromatique sans pédales. Au contraire, le
plus souvent, ce chromatisme rend l'exécution plus
facile, plus aisée. La gamme chromatique, par
exemple, est certainement plus- aisée à jouer que
la gamme A' ut majeur, laquelle ne se joue cependant
que sur le plan des cordes blanches, tout comme
dans la harpe à pédales.
Il en résulte que les commençants peuvent jouer
facilement au bout d'un, deux, trois mois, de petites
pièces de nos grands maîtres (anciens ou contempo-
rains), dont l'exécution sur la harpe à pédales, quand
elle serait possible, ne serait abordable que par les
meilleurs virtuoses.
Une bonne musicienne, quelque peu pianiste, peut
ainsi, après quelques mois de travail, faire déjà une
partie à l'orchestre sur la harpe chromatique, grâce
à la disposition des cordes rappelant le clavier du
piano, à l'analogie du doigté et de la façon d'écrire
et de lire la musique de piano ou de harpe chroma-
tique sans pédales, et par le fait de l'assouplisse-
i ment et de l'indépendance dans le mécanisme des
' doigts.
Cette facilité à s'initier à la harpe chromatique
sans pédales est d'une grande utilité pour les théâ-
tres, surtout les théâtres de province,' qui, pour la
plupart, ont été privés de harpes jusqu'ici, et réduits
fâcheusement à en confier la partie au piano qui,
cependant chromatique, n'a point le timbre, le ve-
louté et les ressources spéciales de la harpe.
Quant à la lecture à vue et à la transposition, elles
sont toutes deux aussi faciles sur la harpe chroma-
tique sans pédales que sur le piano.
LA HARPE CHROM. ET SA FACTURE 1965
Les ouvrages didactiques concernant la harpe
chromatique sans pédales sont les suivants :
Onvragcs didactiques.
1° Mcthode de harpe chromatique sans pédales (faite
en 1898) écrite par l'inventeur M. G. Lyon, avec la
collaboration de M™" TAssu-SpE^'CER (alors profes-
seur au Conservatoire National de Paris) , de
M"'' Madeleine Lefebire et de .M. Jean Risler (pro-
fesseur au Conservatoire Royal de Rruxelles).
2" Méthode de harpe chromatiqice (aLilepa.r MmeT/t^ssv-
Spencer, professeur au Conservatoire National de
Paris. Chez Leuoine, à Paris.
3° Méthode de harpe chromatique (1907) de M™'
WuRMSER-DiiLcouRT, chez A. Leduc, à Paris.
4" Etudes de Bochsa doigtées pour la harpe chro-
matique sans pédales par M"» Tassu-Spkncer, chez
Lemoine, à Paris.
'6° Exercices et études de Labarre, Larivière, trans-
crits pour la harpe chromatique sans pédales par
M"« L. Delcourt. Chez A. Leduc, à Paris.
6° Méthode de harpe pouvant servir à la harpe
chromatique sans pédales, par M. Snoer. Chez Snoer,
à Leipzig.
1" Méthode de harpe chromatique sans pédales, sys-
tème G. Lyon, par Hilpert. Chez M. Hilpert, à Ha-
novre.
LA HARPE-LUTH
La harpe-luth, dont nous donnons ici une repro-
duction en photogravure, inventée également par
M. Gustave Lyon, est construite sur les mêmes prin-
cipes que la harpe chromatique sans pédales; seule-
ment, toutes les cordes sont en métal.
Elle permet l'interprétation des pièces anciennes
de clavecin (Rameau, Daquin, Sgarlatti, Haeivdel,
Rach).
Rien de plus délicieusement joli, et de plus éino-
tionnant que d'entendre jouer sur cette harpe-luth
ces anciennes pièces de clavecin. On a dit même que
ce fut une révélation, parce que le toucher subtil et
expressif de l'artiste leur donne un attrait, une vie,
une poésie, une émotion, qu'elles ne peuvent pas
avoir sur le clavecin.
En effet, Saint-Saens disait :
« Sur le clavecin, il était impossible de passer gra-
duellement du piano au fo^-te, et de pratiquer cet
art savant des nuances infinies et de la variété de
toucher, qui donne au piano moderne son plus
grand attrait. »
Mais cet art savant des nuances infinies, la harpe-
luth le permet au même titre que le piano, et grâce
à elle. Rameau, Haendel, Bach, ont trouvé un instru-
ment qui fait revivre leur âme, leurs joies, leurs
tristesses, leurs douleurs, avec une intensité, une
vérité d'expression inconnues même à l'époque où
vivaient ces grands maitres, car le clavecin, pour eux,
n'a jamais pu être qu'un froid et inexpressif inter-
prète.
Voici, en effet, ce que dit le savant docteur Albert
Schweitzer, dans son admirable monument : J.-S.
Bach, le musicien poète :
« De l'autodidacte, Bach avait l'esprit inventeur.
Autant les théories lui répugnaient, autant tout ce
qui était expérience pratique l'attirait. Il connaissait
à fond la structure de tous les instruments et réflé-
1966
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
chissait sans cesse à la façon de les perl'eclionner.
De là, sa sympathie pour Scfieiiœ, le fadeur d'or-
gues qui, lui aussi, avait le goùl des essais et des
inventions. Bach dut l'encourager plus d'une fois à
pousser ses recherches et à pénétrer plus avant dans
les secrets de son art. »
M. ScHWEiTzER dit encore :
« La question du perfectionnement du clavecin le
préoccupa de tout temps. Il vit bien les commence-
ments du piano moderne, car, dés 1740, (jottfried
SiLBERMANN couslruisait des liammerclaviere (clave-
FiG. 1010. — La harpe-lulli.
cins à raarteau.x). Frédéric le Giand avait toute une
collection de fortepianos sortant de sa fabrique.
Mais, tout en encourageant Silhkrmann à poursuivre
ses essais, Bach ne se déclarait satisfait ni du méca-
nisme ni du son du nouvel instrument. Il rêvait un
instrument à sonorité aussi souple, aussi llexihle que
possible, et se lit, eu 17i-0, construire, par le facteur
d'orgues Zacharias Hildeuhand, un clavecin-luth,
qui devait remplir ces conditions.
« Pour prolonger le son, il avait imaginé deux
rangs de cordes de boyau et, de plus, un rang de
cordes métalliques en octave. »
Ainsi, Bach voulait un instrument à cordes pincées,
mais à sonorité prolongée, souple et flexible.
La sonorité sèclie, courte et raide d'un jeu de cla-
vecin est fonction du mode d'ébranlement de la corde
par sautereau.
En effet, il est une loi d'acoustique pratique, qui
peut se résumer sous une forme imagée, mais qui
répond très exactement à la réalité.
La sonorité perçue est de l'ordre et de la forme
de l'ébranlement vibratoire produit. .Si on pince la
corde avec un bec dur, sec, raide, le son est dur, sec
et raide. Un marteau dur et plat donnera un son
dur et plat; un marteau rond et souple déterminera
une sonorité ronde et souple, etc.
Or, le saulereau du clavecin ne peut être élargi.
Le plectre, plume ou cuir, chargé de soulever la
corde jusqu'à ce qu'elle lui échappe, ne peut être que
fort éti'oit, pointu pour ainsi dire; la forme initiale
de la vibration sera pointue, le son sera pointu, sec
et court.
Pour le corriger dans le sens rêvé par Bach, l'em-
ploi de la corde de boyau qui, toutes choses égales
d'ailleurs, donne un son plus rond, à cause même de
la constitution plus large de la corde pour le même
poids de celle-ci, n'est pas la bonne solution, en raison
des défauts de stabilité d'accord et do justesse de la
corde de boyau, et, ensuite, à cause de l'insuflisance
de la force du plectre pour soulever la corde, ou de
l'impossibilité d'obtenii- une course suffisante pour le
sautereau.
On comprend donc pourquoi l'essai ne satisfit pas
Bach qui, dit M. Schwkitzkr, dut continuera se servir
du clavicorde simple, et pourquoi .M. G. Lyon a pensé
à remplacer le plectre étroit et pointu du sautereau
du clavecin par la partie arrondie et large de l'extré-
mité du doigt humain; seulement, puisque les cordes
du clavecin, si elles étaient pincées ainsi, devraient
donner un son de corde pincée, mais gras, rond,
souple et flexible, en même
temps que plus prolongé,
l'étude paraissait raison-
nable d'une harpe montée
avec des cordes de cla-
vecin, ou s'en rapprochant
tout au moins, et l'adop-
tion s'imposait du système
permettant le chroma-
lisme si cher à l'illustre
Bach.
Et voilà comment est
née la harpe-luth.
Une réduction de cet
instrument à cinq octa-
ves, avec monture spé-
ciale de cordes et table
d'harmonie moditîée, a
réalisé le timbre voulu ■'
par Wagner pour Taccom- \
pagnement des sérénades
de Beckmesser dans les
Maures Cliunlfuis à l'O-
péra de Paris, à Bayreuth,
à l'Opéra de Mannheim, à ceux d'Amsterdam, La
Haye, Venise, au Théâtre de la Scala de Milan.
Extrait d'une lettre adressée par M"« Wagner à
M. G. Lyon à propos de la « harpe-luth » :
I
Fia. 1011.
Uaijreuth, È juillet tS99.
Monsieur,
Le luth que vous avez eu l'eslrème obligeance île desliner aux
représentalions (le Bayreuth a élé produit en présence des trois
niailrcs de chapelle el des harpistes de notre orchestre. 11 n'y a
i]u'une voix sur la beauté, l'avantage et le mérite de voire
invention.
Cet instrument, ravissant par la forme autant que par le son,
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE LA HARPE CHROM. ET SA FACTURE l;<67
décorera noire s^lle de musique, et je ne saurais vous dire, Mon-
sieur, combien je suis sensilde à votre aimable attention.
Recevez, Monsieur, avec mes remerciements et ceux de mon
fils, l'assurance de ma considération bien distinguée.
C. Wagner.
11 y a lieu d'ajouter que l'emploi de la harpe-lulh
a permis de satisfaire :
1" Aux concerts symphoniques, les vœux des chefs
d'orchestre dans les œuvres de Bach (concert de la
Schola sous la direction de M. Vincent d'Indy, con-
certs du Conservatoire de Nancy sous la direction
de M. Guy Ropartz, concerts du Conservatoire de
Liège sous la direction de M. Radoux).
2° Au théitre, les desiderata de M. Gustave Char-
pentier dans Louise, à l'Opéra-Comique de Paris et
à celui de Berlin, de M. Mancinelli, dans Françoise
de Riinini, en 1907, à la Scala de Milan, au Théâtre
de Venise, au théâtre Reggio de Turin, au Théâtre
de Bologne, et en 1908, aux Théâtres de Lisbonne et
de Buenos-Ayres.
LA HARPE INTÉGRALE
La harpe chromatique sans pédales ne peut pas
faire le « glissando »; on a pu, à la demande de cer-
tains auleurs, remplacer ces effets par des arpèges
rapides et des gammes roulées. Pour le théâtre, si
la nécessité s'en faisait sentir, rien ne peut empêcher
le harpiste chromatique d'avoir à l'orchestre, dans
ces rares occasions, un instrument à glissando, soit
la harpe à pédales, soit même un instrument cons-
truit spécialement à cet effet, et qui pourrait per-
mettre de glisser, non seulement des accords de
septième, mais des accords de trois notes.
Néanmoins, pour doinier satisfaction à certains
directeurs de théâtres, qui préféreraient utiliser la
harpe chromatique sans pédales et avoir dans cet
instrument les effets coutumiers de la harpe à pé-
dales, M. G. Lyon a réalisé la harpe intégrale en
s'inspirant de toutes les conclusions indiscutahles
où l'avaient conduit les études et la construction de
la harpe chromatique sans pédales.
La nappe des cordes blanches a été établie de façon
à constituer une surface plane; les cordes ont été
allongées, par rapport à leur longueur dans la harpe
chromatique sans pédales, de la quantité voulue pour
que, sous la même tension, elles fussent baissées d'un
demi-ton.
Un mécanisme à double mouvement tout nouveau
permet, par des commandes mues par des pédales
ordinaires des harpes à pédales, de raccourcir cha-
cune des cordes de deux demi-tons successifs, cha-
que pédale commandant en même temps toutes les
cordes de même nom de la harpe; le plan des cordes
blanches donne donc normalement la gamme diato-
nique d'ut bémol.
Toutes les pédales étant abaissées jusqu'au pre-
mier cran, ces cordes blanches donnent, alors, la
gamme diatonique d'ut naturel, si bien qu'à ce
moment, l'ensemble de ces cordes blanches et des
cordes noires qui les croisent constitue la harpe
chromatique sans pédales coutumiére.
Les cordes traversent la table sans coudage, s'en-
roulent en haut, au delà du sillet, aux chevilles Ali-
bert perfectionnées par M. Gustave Lyo.n, et s'accro-
chent au delà et au-dessous de la table à un sommier
d'accroché en duralimin qui, avec la colonne en
magnésium et le sommier du haut en duralimin et
magnésium, constituent un tout indéformable.
Pendant le repos, ces cordes, qui sont libérées de
la table, ne la déforment donc pas; quelques minutes
avant le jeu, on pousse vers le centre de la table
des boutons de pression qui appuient la corde contre
la table, lui permettant ainsi de répandre dans l'es-
pace les vibrations de la corde.
Le mécanisme des pédales, très perfectionné, per-
met un réglage immédiat et durable, particulière-
ment utile aux harpistes.
Enfin, les recherches pour la harpe intégrale ont
amené M. G. Lyon à réaliser des montures de cordes
sur axe d'acier filé en boyaux, qui assurent un accord
absolument stable et une durée d'utilisation extraor-
dinaire à ces cordes; d'où, économie fort impôt -
tante pour les harpistes, et sécurité absolue pour
l'exécution.
Gustave LYON.
LA HARPE CHROMATIQUE ET SA TECHNIQUE
Par Madame Renée LENARS
PROFESSEUR AC CONSERVATOIRE
LA HARPE CHROMATIQUE SANS PEDALES
La harpe, sous les divers aspects qu'elle prit dans
le passé, et sous la forme qu'elle présente de nos
jours, a toujours été un instrument essentiellement
caractérisé par une très pure sonorité, empreinte
d'un charme particulier, qui en fit, dés la plus haute
antiquité, un instrument auréolé d'idéal.
Tous les instruments anciens se rapportant à la
famille de la harpe, il est curieux de le constater sont
d'oripine orientale. Les Occidentaux s'inspirèrent
des instruments créés parles Orientaux, et les modi-
fièrent peu à, peu en conformité avec leurs concep-
tions musicales.
Description de l'instrniiicnt.
La harpe, qui, au xvin« siècle, fut successivement
dotée de crochets, puis de pédales, se trouva perfec-
tionnée, au commencement du xix' siècle, par la
harpe à sept pédales de Sébastien Er.\rd.
Laissant à la harpe son aspect général, M. Gustave
Lyon, ingénieur, directeur de la Maison Pleyel,
supprima les pédales et imagina un second plan de
cordes. Ces deux plans sont croisés au milieu de la
longueur des cordes, correspondant ainsi aux tou-
ches blanches et noires du piano. Ils donnent une
succession chromatique de six octaves et demie, allant
du ré grave au sol suraigu, soit un total de soixante-
dix-huit cordes (les cordes des o premières octaves
sont en boyau, et en métal pour les basses). C'est
donc vers la fin du xix= siècle que la harpe dite chro-
matique sans pédales vit le jour. (Voir fig. 989.)
Écriture et technique de riustrnnient*
Cette harpe s'accorde en ut comme le piano. Son
écriture est semblable à celle de la harpe à pédales,
et plus encore à celle du piano. Le chromatisme
devient donc facile à exécuter, d'où liberté absolue
pour les compositeurs d'écrire les enchaînements et
traits chromatiques, piaisqu'ils n'ont plus à se préoc-
cuper du jeu délicat des pédales.
Les gammes chromatiques simples, en tierces, en
sixtes, en octaves, en dixièmes, en sens contraire,
toutes praticables seulement à deux mains, sont
d'une exécution aisée. En voici quelques exemples :
Prélude, Valse et Rigaudon, de Reynaldo Hahn
(pour harpe chromatique et double quatuor) :
^f//r,
^!f.iliitiàJ'a3
'tprçH'-l
fc
Sonate, op. 68, n" 1, d'Emanuel Moor (pour harpe chromatique) :
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE LA HARPE CHROM. ET SA TECHNIQUE 1969
AlU^rt
n:\ ;^. A-^ , ^ „ A j;h./^, tt;^
Allegro de Concert, de Georges Enesco (pour harpe chromatique) :
Romance sans paroles, de Ch. Lefebvre (pour harpe chromatique) :
AUe^ro Jnoderah
Pièce de Concert, de L.-P. Hillemacher
Les enchaînements chromatiques d'accords de trois ou quatre notes sont facilement exécutables, à con-
dition que les intervalles ne soient pas trop espacés et ne dépassent pas l'oclave. Voici quelques exemples :
Réminiscence, de Jean Risler (pour harpe chromatique) :
Andénfûtff
un ftoc^ ftçfafp
12i
1970 ESCYCLOPÈDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOS'ISAIRE DU COySERVATOIRE
Pièce de Concert, de P.-L. Hillemacher (pour harpe chromatique) :
'b- y, _ , aJlarg.poco
Fantaisie, de Samuel Rousseau (pour harpe chromatique) :
a Tempo viro
Ê
"^
j'4,;:'Vr[t^|V;.-ff^
Les successions chromatiques d'accords brisés sont aussi d'exécution facile :
Improvisation et Allegro, de Noël Gallon (pour harpe chromatique) :
Prélude, Valse et Rigaudon, de Reynaldo Hah.n (pour harpe chromatique et double quatuor)
Anime
TECHNIQUE, ESTHÉTIQVE ET PÉDAGOGIE LA HARPE CHROM. ET SA TECHNIQUE 1971
Les sons harmoniques se font, soit par la main
gauclie, soit par la main droite, ou par les deux mains
ensemble. Le meilleur registre sonore pour les sons
harmoniques se trouve compris entre le so/' et le mï'.
Ceux-ci s'écrivent au niojen d'un o sui'monlant la
note; l'eiïet produit est, comme pour la harpe à pé-
dales, à l'octave de la note écrite.
Les sons étouffés sont praticables, soit à une main
(gauche ou droite), soit à deux mains.
Les « glissando » ne sont possibles qu'en ut ma-
jeur, ut 8 majeur (ou ré\;), comme sur le piano.
Les méthodes de harpe chromatique usitées sont
celles de M"" Tassu-Spencer et Wurmser-Delcourt.
Les études employées sont celles de Bochsa, Dizi,
ScHLCKER, etc.
Parmi les œuvres les plus intéressantes écrites
spécialement pour la harpe chromatique, nous devons
mentionner celles de Samuel Rousseau, Claude De-
bussy, P.-L HiLLEUACHER, Bi ssER, Florent Schmitt,
Février, Nol-I Gallon, Mignan, E.nesco, etc.
En 1900, une classe de harpe chromatique a été
créée au Conservatoire Royal de Bruxelles (profes-
seur M. Jean Risler).
Le Conservatoire National de Paris suivit cet
exemple, et en 1903 (date de la création), il fit appel
à M™' Tassu-Spencer, remarquable professeur de
harpe chromatique.
Depuis 1912, l'auteur de cette brève notice a l'hon-
neur de diriger la classe de harpe chromatique.
Renée LÉNARS.
LE LUTH
Par Madame Adrienne MAIRY et par M. Lionel de LA LAURENCIE
1
LE PROBLÈME DES ORIGINES DU LUTH
ÉVOLUTION DE L'INSTRUMENT'
Question complexe et confuse, l'origine du hilli a,
depuis longtemps, attiré l'attention des historiens
■et des commentateurs, non sans provoquer, de leur
part, des explications fantaisistes. Nous voudrions
■essayer ici, en nous appuyant sur les travaux mo-
dernes, de montrer comment se pose actuellement
Je problème de la généalogie de l'instrument.
Ce problème, qu'on a dégagé des brouillards éty-
mologiques dont nombre d'auteurs se complaisaient
à l'entourer, se délimite d'abord avec une certaine
rigueur d'un point de vue organographique. Le
luth, en effet, est un instrument à cordes, avec un
•corps bombé portant une table plate, et muni d'un
manche sur lequel sont tendues les cordes. La pré-
sence d'un manche le distingue donc nettement des
intruments à cordes libres tels que la harpe et la
lyre^ et le cantonne dans un groupe spécial qui ne
saurait admettre des types instrumentau.x spécili-
-quement dissemblables. Ce manche suppose une tech-
nique très différente de celle des instruments à
cordes libres, technique fondée sur le raccourcisse-
ment des cordes, lequel permet de produire un grand
nombre de sons avec un minimum de cordes.
1. Bibliographie (ouvrages modernes). — Fr. Behn : Die
Laule im AlUrtitm tiiid frfiheii llillelaller [Zeitsclirifl ffir iliisikms-
senscltaft, nov. 19 18); — Bottée de Todlmonn : Uisserliitioii sur
les inslnmenls île mu'siiiiie emplmjès nu moijeii âge, Paris (l?44). —
G. Bhanzoli : Rirerche siillu sliiilm (Ici liuln, Rome (1889); —
W. Bkenet : yoles sur t'Iiistoire du lulh en France, Turin (1899);
M. R. Brondi : Il Liuto e la ckilarru, Turin (1926); —
■G. CnoDaCET : Le Musée du Conserraloire national de musique,
Paris (1884); — E. de Coussemakee ; Essai sur les iuslrunienls
de musique, Paris (1856); — Curt Sachs: Real-Lciibm dcr Mu-
sikinstrumenle, Berlin (1913); Handhuch dcr Musikinsirumentenkunde,
Leipzig (1920); — Fr. Gevaeht : Histoire et théorie de la mu-
sique de l'Antiquité, Gand (1875-1881); — G. Kinskt : Kntalnii
der Sammtung aller ilusikinstnmenle. Miisitliist-iluseum von 11'. Ileijer
in Coin, Leipzig (1913); — O. Kobte : Laule und Lautenmusik l'is
zur Mille des XYI Jahrhunderts, Leipzi" (1901); — W. von Li't-
OENDOBFF : lUe Geir/en und Laulenniaclicr rom Miltelulter liis :ur
Cegenvart, Francfort (1904); — V. Ch. Mahillon : Catalogue
descriptif et nnaliitii/uc du musée instrumental du Conserraloire roijal
de musique de llruxellcs, Gand (1893-1912); — F. Nodlet : Soliec
sur le luth (Mèm. de In Société arcliéolog. de la Corréze, 1S95). —
C. PiEBBE : Les Fiicleurs il instruments de musique, les tulliiers et lu
facture instrumenlule, Paris (1893). — K. Schi.esingeb : Tlie Pre-
cursors of the riolinfainilg, Londres (1910).
2. Il convient touLefois de remarquer qu'au xv" siècle, on désignait
encore le luth par le mot lyra. C'est ce qui résulte, notimment, du
traité de J. Ti.nctokis : /Je Jtwentione et iisu musicx (14S4), où ou lit ;
« Quid sit Ivra popularitcr leutum dicta n et « nunc vulgus eam
«bique leutum appellat. » [Kx libre quarto, cf. liiemann-Fcstschrift
[1709], p. 269, 271.)
Les recherches sur l'origine du lulh doivent donc
porter avant tout sur les ins-
truments à manche. Malheu-
reusement, la rareté relative
du matériel documentaire
remontant à l'antiquité laisse
subsister encore beaucoup
d'obscurité autour du pro-
blème.
Quoi qu'il en soit, M. Fried-
rich Behn 3 discerne en Asie
Mineure trois types primitifs
lesquels peuvent passer pour
les lointains ancêtres du luth.
C'est d'abord celui qui do-
mine sur les bas-reliefs ba-
lobyniens et assyriens, et qui
présente un petit corps, de
forme ovoïde, auquel est fixé un long manche; cet
instrument se rapproche nettement du type tan-
bura (bas-relief babylonien du Musée de Philadel-
phie et bas-relief assyrien de Koujouudjik, British
Muséum (fig. 1012).
Au même type appartiennent les instruments que
l'on relève sur des bas-reliefs égyptiens de l'époque
Fig. 1012. — Instrument
assvrien à manche.
Vie. 1013. — Instrument égyptien à manche Je Tell el Amarna.
3. Fr. BbHN, op. cit., pp. 89 et suiv.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PEDAGOGIE
LE LUTH 1973
•du Nouvel Empire, comme celui de Tell el Amarna
(fig. d013)', instruments importés d'Asie Mineure.
Disons, il propos de l'Iiiéi'Oglyphe nefer, que les
égyplologues n* s'accordent pas sur sa signification :
pour les uns, il représente le luth dont il reproduit
Fi6. 101-i. — Type de luth du Bas Empire, Musée d'Arles
(K. ScHLEsiNSER, The Preciirsnrs, pi. II).
la forme; pour les autres, il figure un couvernail, à
moins que ce ne soit le cœur avec la tracliée-artère.
Enfin, des instruments du type tanbiira se rencon-
trent chez les Grecs, contrairement à l'assertion de
Gevaert, selon laquelle ceux-ci ne connaissaient pas
les instruments à manche-. Un des compartiments
d'un triplyque remontant à quatre
siècles avant l'ère chrétienne, et décou-
vert à Manlinée, montre une muse
jouant d'une façon de luth analogue
aux instruments de Mésopotamie et
d'Kgypte'. De même, deux sarcopha-
ges romains, dont l'un du Bas-Empire,
donnent des images d'instruments à
manche se rapprocliant du type lan-
hura, encore que celui du Bas-Empire,
provenant du monument d'un musi-
cien d'Arles, rappelle singulièrement
la forme du luth classique de la Re-
naissance'. Enfin, les instruments à
manche indiens et niogols se ratta-
chent, eux aussi, au tanbura.
Un autre type anceslral, différent
du tanbura, apparaît sur un bas-relief
hittite de Bos-ujiilj, avec une forme
légèrement échancrée de chaque côté,
et semble annoncer la guitare. Mais
au point de vue de la généalogie du
luth proprement dit, la présence, en Egypte, à l'épo-
que alexandrine, d'instruments du type rebab, si
abondamment représenté sur les vases persans-
sassanides, oflre une importance de premier ordre".
1. C'est, en effet, sous le Nouvel Empire que des instruments ana-
logues au lulh apparaissent en Egypte i côté des harpes et des flûtes,
2. Gevaeht, Histoire et théorie de lamusique de l'Antiquité, vol. H,
p. 242.
3. Behs, ïoco cit., p. 95.
4. Espérandieu, Rf.cueil général des bas-reliefs de ta Gaule ro-
maine, tome 1 (19U7J, p, 146. Ce sarcophage provient de Saint-
Honorat.
5. Cf. CuRT SiicBS, Bandbuch der ituàihinstnanenlenkunde, Lcip-
aig, 1920, p. 314.
Fia. 1015.
Instrument pro-
venant
d'Herculanum
(SCHLESINGEK,
op. cit., p. 26).
Le re\}cib se caractéi'ise par un corps en forme de
|ioire, s'aniini'issant |)rogief-
sivement pour donner lieu à
un manclie qui ne se sépare
pas nettement de lui, et que
termine un cheviilierrenversé.
Cet instrument porte de trois
à quatre cordes que l'on pince,
soit à l'aide d'un plectre, soit
directement avec les doigts;
le rebab, dès son apparition,
avait fait une poussée vers
l'Occident; il en fit une se-
conde à l'époque carolin- fuj. loio.— Luthdutyiie
gienne, en même temps qu'il rebab des vases sassa
s'insinuait jusqu'en Chine ^.
C'est incontestablement lui
qui a exercé la plus forle
influence sur la constitution
du lulh européen, tout en évoluant, sous le nom de
refcec, vers un type d'instrument à archet, preuve qu&
nides (Zeitschrift fur
Miisikwissenschafl , nov.
191S, Leipzig, Breilkopf
et Hiirlel.)
Fig. 1017. — Archétype de luth-rehab. Terre cuite grecque
de l'époque postmycéenne. (ScHLiîsiNiiEB, op. cit., pi. XIII).
les diverses modalités de la mise en vibration des
cordes n'otfrent qu'une importance secondaire.
6. Fr. Behn, loco cit., p. 107.
1974
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Déjà, un psautier du viii" siècle, envoyé à Charle-
magne par le pape Adrien, montre, sur sa couver-
ture d'ivoire, un lulh apparenté à l'instrument du
sarcophage d'Arles, alors que le Psautier de Lothaire
(ix» siècle) fournit un échantillon très analogue et
monté de trois cordes', el que le Psautier d'Ùtrecht
FiG. 1018. — Luth du Psautier de Lothaire
(SCHLESINGKR, op. Cit., pi. V).
(vers 8S0 apr. J.-C.) figure, à côté de sortes de luths
à très long manche, rappelant l'aspect du tanbura,
les premiers instruments européens à archet^.
Si nous passons au x» siècle, nous rencontrons
dans le Psautier d'Ivrée, parmi les musiciens du roi
David, un joueur de lulh qui, au moyen d'un plectre,
louche un instrument dont le corps a la forme d'une
lentille, et dont le manche, comme chez le rebab, se
raccorde insensiblement au corps; ce luth est garni
de trois cordes et porte un chevillier^.
Ainsi que l'observe M. Behn', une hybridation a
pu se produire en Orient entre les deux types tanbura
et rcbab, et a donné naissance à ïaleoud arabe, qui
associe le corps bombé et le col coudé du rebab au
manche du tanbara. C'est ce lulh arabe qui, grâce
aux relations toujours plus actives'établies, aux envi-
rons de l'an 1000, entre l'Europe et l'Orient, établis-
sement des Maures en Espagne et croisades, pénétra
en Europe, où il se modifia pour devenir le luth de
la Renaissance. C'est ce que conslalait en 176") le
président de Brosses, lorsqu'il écrivait: « Les Arabes
ont porté en Espagne un instrument à cordes pincées
1. Cf. ScHLESiNGEn, Instruments of the modem orchestra, et Behn,
lococit., p. loi, 102.
a. Behk, pp. 102, 103.
3. Paléographie rnusicate {Solesmes), Behn, ^oco cit., pp. 103, 104.
*. Behn, p. 107.
dont ils se servent habituellement poui' accompa-
gner leurs voix, el qu'ils appelaient al-laùd. Nous le
tenons des Espagnols, qui l'appellent aussi laud el que
nous nommons luth'^. » En edèt, ce qu'on a appelé le
<■ chant au luth » remonte à une époque extrême-
ment reculée. A ce point de vue, le Livre des Chan-
sons (Kitab al Aghani) du chroniqueur arabe Al Is-
bahani (x^ siècle) apporte d'intéressantes indications
en précisant le rôle de premier plan que jouèrent
les Persans dans la musique arabe. Cette dernière,
ainsi que l'a remarqué M. Rouanet'', n'est pas auto-
gène, mais résulte d'infiltrations persanes et syriennes,
et ce fait vient à l'appui de la filiation de l'eoud arabe
qui dérive du luth sassanide. Si ce dernier ne porte
pas de touches sur le manche, ainsi qu'on en peut
juger par les figures de joueurs de luth des vases
d'argent de l'époque sassanide (m', vu» siècles) , Veoud,
contrairement à l'assertion de certains auteurs', en
compte quatre, et ceci. Al Farabi nous le dit expli-
citement dans son Livre de la Musique (x« siècle).
Monté, à l'origine, de quatre cordes, dont chacune,
de l'aigu au grave, symbolise un des quatre éléments,
le luth arabe ne comporta dabord que quatre tou-
ches, mais Farabi indique une division du manche
en six touches, qui enrichit le potentiel musical de
l'instrument". Quoi qu'il en soit, ïcoud arabe est
devenu laud eu Espagne, alawl en Portugal, liitlo en
Italie, laute en Allemagne, Iule en Angleterre, lulh
en France.
Installé en Europe, le luth arabe y a subi d'impor-
tantes modifications relatives au rattachement du
manche au corps de l'instrument, au nombre des
louches et des cordes. Dès le x= siècle, le Psautier de
Stutlijard lui donne cinq cordes, mais pas de touches;
au xii", il prend une signification symbolique, et les
sculptures mutilées de l'abbaye de Cluny en font le
représentant du sixième ton grégorien'; au xiii", les
vitraux de l'abbaye normande de Bon-Port précisent
sa forme, qui est celle d'ime poire coupée en deux,
dans sa longueur; le dos est bombé, la table d'har-
monie porle, dans sa partie centrale, une ouie ou
rose rappelant les ouvertures pratiquées dans celle
du vi.eil eoud; enfin, le manche se termine par un
chevillier renversé et placé presque en potence de
celui-ci. Le nombre des cordes demeure très varia-
ble, à en juger par les monuments figurés; il est de
quatre (ms. 9002 de la Biblioth. royale de Bruxelles),
de six (ms. fr. 782 de la Bibliothèque nationale), ou
de cinq (tombeau à Lynn, Norfolk). Mais les repré-
sentations du luth restent assez rares et clairse-
mées jusqu'au XIV" siècle, où nous retrouvons le luth
à quatre cordes, qui parait alors le plus répandu
[ llguiine d'ivoire du musée de Cluny, sculpture de la
cathédrale d'Amiens, Lectionarium de Cuno von
FalUenstein (vers 1380), Evangéliaire de Johann von
Troppau (vers 1368)]. Déjà, on pratique le système
des cordes doubles, ou chœurs, qui renforcent la
sonorité de l'instrument (ms. 902;) de Bruxelles);
déjà aussi, la littérature mentionne le luth : Dante
parle du liuto dans son Enfer, et Juan Ruiz, archi-
prètre de Hita, signale el corpudo laud dans son
Libro de btten «mor'". De plus, certains monuments
o. Mécanisme du langage (1765), cliap. 11.
6. Enctjclopédie de la Musiqne, \^° partie, t. V, p. 2080 et suiv. .
7. C'est ainsi que M. Curt Sachs assure que le vieil ud ne portait
pas (le touclies {Handbuch der Musikinstrumentenkunde, 1, 214).
8. J. Rouanet, La Musique araf)e {Encyclopédie de la Musique,
t. V, p. 2713).
0. M. Brenet, Notes sur l'histoire du luth en France, p. 3.
10. Libro de buen amor, II, strophe 1251 (réédition de 1913). Gf,
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE LUTH 197
figurés marquent l'évolution de la forme de l'inslru-
ment, suivant laquelle le manche tend à se détacher
nettement du corps de résonance. C'est ainsi que le
triptyque du Couronnement de la Vicrije a. Santo-
Ansono, près Florence (1373), affecte au luth un corps
allongé avec un manche hien distinct de celui-ci, et
quatre cordes doubles'.
Dès le XII' siècle, le luth donne naissance à des
instruments dérivés, telle la citole, de forme ana-
logue à la guitare, que cile Giraud de Calenson, dans
un sirvente, telle la mnndore, qui devait devenir la
mandoline, et qui consiste en un petit luth monté au
xv« siècle de quatre cordes. Ou trouve dans un ma-
nuscrit français du xiv' siècle (ms. 7378' de la Bibl.
nationale) une description de la mant/o/f; cet instru-
ment a un corps bombé, un manche non détaché de
celui-ci, un chevillier courbé et porte le nom de guis-
terna. Virdung (1511) et Agricola (1o28) représentent,
dans la première moitié du xvi" siècle, la mandole
comme un petit luth, portant un chevillier renversé
et dénommé quintern en Allemagne. Déjà, au xv« siè-
cle, TiNCTORis, dans le traité visé plus haut [be Invcn-
iione et usu musicac), tenait le petit luth pour une
ghitena ou ghilerna montée de quatre cordes-. La
Musurgia seu praxis musicae de Virdumg (1536) traduit
par Inlina le nom primitif de quintern. Enfin, le Dic-
tionnaire de Roth (1571) décrit la quintern comme
un luth monté de neuf cordes, alors que le luth pro-
prement dit en avait onze'. La mandore comptait
cependant encore quatre cordes au commencement
du xva' siècle, lorsque Praetoriis la définissait dans
son Organographia'' .
Au xv« siècle, les représentations du lulh se mul-
tiplient, pendant que celui-ci prend une importance
musicale considérable. D'une manière générale,
l'instrument va évoluer rapidement vers sa forme
classique, non sans rappeler ce qu'il doit à l'ancien
eoud. C'est ainsi que souvent le nombre des ouver-
tures de la table d'harmonie témoigne d'inthiences
ancestrales. La Madone d'Ottaviano Nelli à Gubio
(1404) présente un luth avec deux roses, et plus
tard, Konrad Fyol adjoint à l'ouïe centrale trois
ouvertures triangulaires °. De même, le luth que tient
Terpsichore (ms. des Adages, Bibliothèque de l'Ar-
senal) est percé d'une rose et d'une seconde ouver-
ture placée près du col. L'existence de touches sur
le manche ne se manifeste point de façon constante.
D'après M. Sachs, dans la moitié des cas, le manche
est démuni de frettes'^. Lorsque celles-ci sont repré-
sentées, leur nombre apparaît extrêmement variable,
mais avec une tendance à l'accroissement, particu-
larité dont témoigne également le nombre des cordes.
Si les anges musiciens de Stephan Lochner (Wall-
raf-Richartz Muséum de Cologne) se servent de luths
à 4 cordes et à o louches, le luth de Terpsichore,
CoRT Sachs, Handbuchder Musi/iinstrumentenkunde{lOiO), p. 215, et
M. R. Brondi, loco cit., p. 81.
1. Cdbt Svchs, loco cit., p. 215. A la fin du xiv« siècle, certaines
figurations, comme les Ogurations murales du cliàteau de Runkelstein,
près de Ëozen, donnent six cordes au luth.
2. Riemann-Festschrift, p. 271.
3. Voir : Geiringer ; Der Itistrumenteimame Quinterne und die
mittelalterlicken Bezeichnunyen der Gitarre, Mandola und des Co-
lascione [Archiv. fur Musikiinssenschaft, 6« année, mai 1924, pp. 104-
105).
4. De Organographia, vol. II, du Syntatjnm de 1615-1619, chap.
Txvii, Comme Mersenne, Walther, dans son Lexikon (1732), dit que
la mandore prend le nom de h mandore luthée » lorsque le nombre
de ses cordes dépasse six. Elle figure encore dans V Anweisung zur
Composition de J.-G. Albrecbtsberger (1790).
5. CoRT Sachs, loco cit., p. 216.
6. Jbid., p. 216.
cité plus haut, est monté de quatre cordes doubles
et son manche porte sept touches. Les luths peints
par t;iambellino et par André Mantegna montrent
que le nombre des cordes augmente; sur les tapis-
series de Charles le Téméraire, il est de six cordes
doubles, et une constatation identique peut se faire
sur les fresques de Coucy-la-Ville.
Durant la seconde moitié du siècle, Melozzo da
Forli place aux mains de ses anges de la Basilique
de Saint-Pierre des luths qui revêtent la forme et la
monture classiques. La table est percée d'une rose
unique, artistiquement ouvragée; le manche se divise
en sept touches, et l'instrument comporte onze cordes
divisées en cinq chœurs (groupes de deux cordes) et
une seule corde représentant la chanterelle. Melozzo
précise même, de la façon la plus exacte, la position
du luth sous le bras droit de l'exécutant, alors que les
doigts de la main droite pincent directement les
cordes un peu en arrière de la rose, tandis que, pré-
cédemment, les peintures représentaient l'instrument
actiomié tantôt avec un plectre, tantôt avec les
doigts'. C'est encore le luth à onze cordes qui appa-
raît sur le beau plafond peint par Ercole Grandi dans
le palais Scrofa-Calcagnini à Ferrare", ou bien un
luth sera ligure de face, .disposition qui permet
d'étudier tous ses détails extérieurs'.
Citons également les représentations de l'instru-
ment par Memling et par les maîtres de l'Ecole fla-
mande'". Ce n'est pas à dire que la morphologie du
luth reste complètement fixée. Quelques variantes
surgissent encore çà et là, chez Carpaccio, par
exemple, dans la « Présentation au Temple » de
Vérone, ou chez Bassani (palais Pitti à Florence),
sans que l'on puisse affirmer que ces figurations
correspondent à des types réels de l'instrument, ou
qu'elles résultent simplement de la fantaisie des
peintres; en tout eus, elles expriment sans conteste
la vogue extrême dont jouissait alors le luth".
Le XVI' siècle fournit sur le luth une abondante
documentation qui provient, à la fois, des monuments
figurés et des ouvrages des théoriciens, car c'est l'é-
poque qui voit paraître les premières tablatures et
les premiers traités concernant l'instrument. Parmi
les peintures, Branzoli cite celles du Carrache, d'il
Domenicchino, d'il Gessi. Valentin de Coulommiers
représente un joueur de luth, et Gabriel Metzu une
luthiste accordant son instrument '2.
Mais voici, avec la Musica getutsclU de Sébastien
ViRDUNG (Idll), publiée à Bàle", un important traité
théorique qui apporte une description complète du
luth, tout en relatant l'incertitude qui règne encore
à l'égard du nombre des cordes dont il est monté.
ViiiDL'.NG explique que certains luthistes jouent sur
un instrument portant neuf cordes groupées en cinq
chœurs, alors que d'autres adoptent six chœurs
(onze cordes), et que quelques-uns jouent sur des
luths montés de treize ou quatorze cordes. D'après
ViRDUNG, le nombre de neuf cordes semble insuffi-
7. G. BRA>zoLr, Uicerche sulto studio del /i'«(o, Rome, 1880, p. 38.
On trouvera dans c'et ouvrage d'abondantes citations de représen-
Utions du lulh par les peintres. Voir aussi : Max Sauf.ih.andt, Die
Musik in fiinf JaltrnhunderCen der europàisclwn Maierii (1450-1850),
Leipzig, 1922.
8. L'Artc (Adoifo Venturi, Rome, 1903), lig. 7 {.'^uf/dto nel palazzo
Scrofa Calcaijnini).
9. Ibid., p. 140.
iO. M. Brbket, loco cit., p. 4, 5.
11. Branzoli, loco cit., p. 39.
12. Branzoli, loco cit., p. 40.
13. Sébastien Virdu.ng. Musica getutsckt und aufgt'zogen. Bâle,
1511.
1976
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
sant, et l'élève luthiste devra travailler sur le luth à
onze cordes.
Les cordes de basse, au nombre de trois, sont dou-
blées, la seconde corde sonnant à l'octave supérieure
de la première; Virdung leur donne les noms de
Grospriimmer , J^littlerprummer, Klainprummer ; les
deux autres chœurs, accordés à l'unisson, s'appellent
Grossancksait et Klahumichsait , et la chanterelle,
corde simple, prend la dénomination de Qinntsait.
L'instrument, ainsi monté, reçoit un accord com-
portant deux groupes de quartes séparés par une
tierce majeure; c'est l'accord que Mersenne désignait
par l'expression de « vieil ton' ».
Quant au manche, il se divise en sept cases délimi-
tées par des liens (Blinde); c'est donc encore le sys-
tème des sept touches déjà en usage durant la seconde
moitié du xV siècle. Les liens, constitués par des
cordes de boyau, tracent sur chacun des chœurs
une gamme chromatique , la note fournie sur la
septième touche donnant la quinte aigui' de la corde
touchée à vide. Ces frettes que, d'après Kiesewetteb,
on remplaçait, déjà au xiv siècle, par des sillets
fixes^, restèrent en pratique jusqu'au xvni" siècle^.
Elles présentaient le double avantage d'une pose
plus facile, et, en raison de leur mobilité, elles assu-
raient une plus grande justesse '^.
L'octaviation des cordes de basse permettait d'ob-
tenir une sonorité plus claire, et celle des chœurs
accordés à l'unisson devenait plus pleine. Les ligures
de ViRDL'NG font voir que le manche s'est un peu
allongé, en même temps qu'il s'élargissait à mesure
que le nombre des cordes s'accroissait.
C'est encore sept touches, et incidemment huit, que
Martin Agricola donne au luth, dans son ouvrage de
1 !J28^, alors que HansJuDENKiNir, parle de huit touches"^,
comme Pierre Attaingnant, dans sa Très brève et
familière Introduction (1529)''. Par contre, HansGERLE,
en 1332, revient au système des sept touches, et le
Parmesan Lanfranco fait de même, dans ses Scintille
di Musica de 1533. Comme Gerle, il ne s'occupe que
du luth à onze cordes, qu'il déclare être le plus par-
fait de tous. Lanfranco désigne les chœurs de basse,
accordés à l'octave, par les noms de Bassi, Bordoni,
Tenori; ces chœurs sont suivis des Mezzanelle et des
Soltimelte, accordées à l'unisson, et enfin d'une corde
simple, la chanterelle, appelée Canto^.
Une modification apportée pour la première fois
au luth par Hans Newsidler, en l."i36, consiste en
l'adjonction d'un nouveau chœur aux cinq dont l'ins-
trument est monté depuis la fin du xv« siècle'. De
plus, en 1556, Jacques Pelletier, du Mans, fournit
des précisions sur la façon de disposer les liga-
tures du manche; après avoir déploré, dans son petit
ouvrage : La Manière de bien et justement entoucher les
lues etgiiilernes^", l'empirisme qui règne à cet égard,
1. Voir plus loin au chapitre Ti'chnU/ue et Péiingor/ie.
2. KiKSEWF.rrETi, Die Mnsik (1er Araber, Leipzig, 1842, p 3i. Sur
les frettes, voir l'article Blinde dans le Musikalisches Conservations
Lexikon de Mendel (i87(l|, t. II, pp. 227 et suiv.
3. Oswiild IvORTE, Laute und Lautenmusik bis zur yfitte des t6
lafirhunderts, p. 47, d'après Baiion.
4. Meusenne, Harmonie unÎL^ersellr, livre II, p. o2,
5. Martin Agricol.v, Musica instrumental is deutsch, Witteinberg,
1528 (chap. v).
6.Jtn)ENKi'Nrr., Ufilisetcompendiarinintroductio, 1323. Cf. 0. Kôhte,
loco cit., p. 44.
7. 0. KÔRTE, loco cit.
8. G, -M. L*NFKANco, Scm(i7(c di Musica (1533), IV" partie ; Del
JLiuto, pp. 140 et suiv.
9. H. Newsidler, Ein neugcordnet Kûnstlich Lautenbuch, Niirera-
fcopg, 1536.
AO. Voir Wkckerlin, Nouveau Musiciana (18'JO), pp. 103 et suiv. |
et les i< grandes fautes » qui en résultent, il expose
un procédé, un « compassement », lequel permet de
diviserle manche en douze
demi-tons.
Si la tablature publiée
par Sébastien Ochsen'kuhn
en l-ibS, n'envisage que
huit touches sur le man-
che, elle admet onze ou
treize cordes pour la mon-
ture du luth, et doime de
curieuses explications
symboliques de l'accrois-
sement progressif du nom-
bre de ces cordes".
Cet accroissement, qui
n'a point l'assentiment de
Vincenzo Galilei, le père
du célèbre astronome, aux
yeux duquel la multipli-
cation des cordes de basse
semble inutile'-, se laisse
discerner sur les monu-
ments figurés de la fin du
xvi" siècle. En outre, le
luth se trouve alors repré-
senté par une famille d'ins-
truments, dont Michael
Pr.etorius, au cours de son Syntagma musicum
(1610-1619)1^ fournit
des descriptions et
des images; ces ins-
truments, l'octoi'/aui,
le discanllaut, Valt-
liiut, le tenorlant, le
basslaiit et le grossoc-
tavbasslaut, dilTèrent
par les dimensions
et par la tessiture.
Comme la pratique
du chant au luth
poussait à multiplier
les cordes de basse,
on élargissait le man-
che, ce qui rendait
plus difficile le jeu de
l'instrument. Aussi,
fut-on conduit àcons-
truiie des luths mu-
nis de cordes tendues
FiG. 1010. — Luthàonze cordes
(MKiisr.NNB, Harmonie univers
selle, Traité des instruments à
nirtles. )
L'opuscule en question se
trouve à la fin d'un petit
volume intitulé ; Discours
non plus mélancoliques que
divers de choses mémement
qui appartiennent à notre
France, Poitiers, 1356.
Le petit traité de luth a
été attribué sans preuves à
Bonaventure Despériers.
La question de la division
du manche du luth a été
étudiée par Meusemne [Har-
monie universelle, livre II,
proposition ui, pp. 54 et
suiv.).
il. Sébastien Ochsen-
KCHN , Tabulatur- Buch,...
1538, Heidelberg: Prasfatio
Frs. 1020. — Théorbe,
d'après Mkrsenne.
operis sui.
12. Vincenzo Galilei, Fronimo (Venise, 1584). Voir 0. KïnkeliïeTj
Ori/el und Klavler in der .Musik des 16 Jahrhunderts, p. 68, en note,
13. M. Pb.ttobjus, t. II. De Oryanoi/rapliia, ch. xxiv, p. 51.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE LUTH 1977
hors maiiclie Pt louchées à ville, d'où de nombreux
dérivés du luth piimitif, dont nous ne retiendrons
ici que les plus importants, à savoir le théorbe, le
eMtarronc et Varchiluth.
Le throrbe, vraisemblablement inventé par Anto-
nio Naldi, dans les dernières années du xvi" siècle',
et dont PR.ETomus donne une description dans son
(irr/anoijrnpliia-, consiste en un fjrand lutli monté de
quatorze ou de seize cordes, tantôt de boyau, tantôt
de métal, et muni de deux manches, l'un portant les
cordes, à l'ordinaire, et l'autre, beaucoup plus long,
se terminant par un chevillier auquel sont fixées les
cordes basses, touchées à vide.
Quant au chitarrone, muni, lui aussi, de deux
manches et de deux chevilliers éloi-
gnés l'un de l'autre, PR.ETonius le tient
pour la forme romaine du théorbe ; il
a seulement un aspect plus élancé
que ce dernier. Un passage de Ylnta-
volatura di tiuto d'Alessandro Picci-
NiNi (1623) souligne la parenté étroite
qui le rattache au théorbe : Piccinlni
écrit, en effet : « Tiorba ovvero chi-
tarrone 3. ))
En outre, Piccinini explique que
^'archiluth ne diffère pas du luth
théorbe; l'un et l'autre n'ont point de
FiG. 1021. — Chitarrone,
d'après Ph.etorids.
FiG. 1022. — Luth tlit'i
ou archiluth,
d'après Pr.etorius
irbe
second manche élancé; ils portent seulement un
second chevillier destiné aux cordes à vide et légère-
ment déplacé vers l'extérieur. Ces instruments déri-
vés du luth et munis de cordes touchées à vide sont,
on le voit, des instruments hybrides, partie à man-
che, partie à cordes libres. Quant au luth proprement
dit, sa monture ne subit guère de modifications au
cours du xvii' siècle. Celui qui est représenté dans
VHarmonie universelle de Mersenne admet neuf chœurs
et la chanterelle, alors que le manche est divisé en
neuf touches. Trichet s'élève d'ailleurs contre la mul-
tiplication des cordes qui détermine une surcharge
susceptible de briser la table de l'instrument^. Aussi,
1. Antonio Naldi, dit il Ëardeila, était au service du duc de Tos-
cane. Les Nuove musiche (1601) de Caccim lui attribuent l'invention
du théorbe.
â. Au chapitre xxv de son Organographia (1619).
3. Alessandro Picci:<ini. Intavolatura di tiuto e di chitarrone^ Bo-
logne, 1623, cité par M. -A. Bhùmdi (// Liulo e la chitarra), pp. 60-61.
4. Pierre Trichet, Traité des InatrumentSi p. 92.
ne dépasse-t-on pas dix rangs de cordes, chanterelle
comprise. CependanI Perrine, en 1670, ajoute aux
neufs chœurs habituels deux cordes simples^.
Sans doute, l'instrument ne va pas sans subir
quelques fantaisies, d'ailleurs sans lendemain. Ainsi,
Jean Leuairk, sous prétexte de faciliter l'exécution
Fia. 1023. — Luth à neufs chœurs et la chanterelle
d'après Mrrsenni;. Dans ce dessin, la chanterelle
est mal placée; elle doit se trouver à droite des
chœurs el non à gauche.
des ornements, substitue aux touches de petits res-
sorts que l'exécutant actionne avec son pouce « par
dessous'' ». D'autres adjoignent au luth des tuyaux
d'orgue placés dans le corps ou sous le manche ; c'est
là ce que Meusenne appelle le « luth organisé" ». On
s'attai|uait surtout au théorbe, auquel on donnait
trois, quatre et même cinq chevilliers.
Les facteurs de luths les plus anciens sont Alle-
mands. Ambros Heinrich Helt vivait à Niiremberg
en lilS*; puis ce sont Andres der Rildehouver, à
Strasbourg, en 1427, et Hans Meisingeb, à Augsbourg,
vers 1447. En Italie, Laux ou Lucas Mahler, à Bolo-
gne, se tailla une immense réputation, et en 1650,
les instruments construits par lui valaient de qua-
rante à soixante pistoles^.
Au xvp siècle, on peut citer Hans Newsidlbh (1533),
Sebastien Uaugler (1394), A. Ml'ntzer, Hieber, A.
5. Dans sou Livre de Musique pour te luit non plus en tablature,
mais en riotatiou ordinaire. Ce livre contient une Méthode nouvelle
pour apprendre à toucher le lut sur les notes de la musique.
6. Mersenne, Harmonie unirersrlle (éd. de 1637j, p. 91.
7. Ibid.
S. KôiiTE, toco cit., p. 78.
9. D'après la Correspondance de HnvcE^s. Laui Mahleb a dû mou-
rir vers lo^iS. cnr une lettre du luthiste Jarques Gaultier à Hoïgeks
datée de i64S déclare que AIahler était mort " il y a six-vingt ans •
(LCtgendorfp, Die Geigen und Lautenmacher..., p. 40-2).
1978
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
KoLER. Vers 1553, le liavarois TiEiTrNBRicKER, dit
DuiFFOPROucART, vint s'établir à Lyon, où on relève,
à partir de 1:'>57, d'autres fabricaiils de lutlis, dont
Pierre Lejeu.ne, Jehan Helmu, Philippe Flac, Pierre
Le Camus et maître Simon.
Au XVII' siècle, nous trouvons, parmi les luthiers
allemands et italiens les plus réputés, Buchenberg,
A. CoRTARO, les frères Hocbi, G. Sella, M. Hartung,
et cet Eberle ou Heberle de Padoue qui travailla
avec Alessandro Piccini.m, dans les dernières années
du XVI' siècle, à la construction de l'archiluth'.
Les premiers luthiers parisiens apparaissent au
svii' siècle avec Paul Belami (1012), UouÉ, si vanté
par HuvGRNs, Claude Colin, Estienne Flament et An-
toine Hl'dot. Au siècle suivant, de nombreux fac-
teurs s'emploient encore à la construction d'instru-
ments de la famille du luth; on connail des archiluths
de l'Italien Storin'o (I72o), de l'Allemand Jatck (1746),
et du Franrais Laurent (177'j). A Leipzig, J.-Ch. Hoff-
mann construit des luths en 1710; par contre, le goût
alors grandissant en France pour la guitare et la
vielle incite des luthiers comme Vohoam et Bâton, de
Versailles, à transformer luths et théorbes en gui-
tares et en vielles, profanation dont s'indignait
l'abbé Carbasus^. On entendit bien encore, au Con-
cert spirituel de Paris, en 1763 el 1764, le luthiste
KoHAULT jouer avec le violoncelliste Duport des duos
de luth et de violoncelle; dix ans plus tard, un musi-
cien de l'Opéia, Van Hkcke, imaginait une nouvelle
espèce de luth, le bisae.r, qui fut accueillie avec indif-
férence. Ce hissex marque le dernier état des trans-
formations du luth, qui meurt à la lin du xviii' siècle.
II
EMPLOI DU LUTH. — LES PRINCIPAUX LUTHISTES
Dès les xi% XII' et xiii' siècles des textes littéraires
signalent l'emploi du luth ou d'instruments à cordes
pincées analogues. C'est ainsi que Donizo Monachus
[Vita Mathildis, I, 9, xi<: siècle) écrit :
« Timpana cum citliaris, stivisque, lyrisque, so-
nant hic ; »
Qu'on lit dans Le Bel Inconnu ^xii' siècle), à propos
des fêtes du couronnement du roi Arthur :
« Li autres la cilole maine-'. »
Giraud de Calenson et Jehan de Garlande parlent
aussi de la cilole dont on joue chez les riches'; le
Livre de la taille de (292 mentionne trois ciloleurs^;
Jean de Meung, dans son Roman de la Rose, cite la
guiterne et le " lei'is », et Adenet, ménestrel du comte
de Flandre, énumère, dans son Roman de Cléomades^
les quinlarieurs, les « bons lenteurs » et les « tlau-
teurs ».
L'association du luth et des instruments à vent et
à percussion se trouve (igurée sur quelques enlumi-
nures de manuscrits du xiv« siècle. Le Lectionarium
de Cuno von Falkensleiu, conservé à Trêves, contient
un concert d'anges où le luth voisine avec la harpe,
le psaltérion, des instruments à archet, des flûtes,
des trompettes, etc.*. Les peintures donnent aussi
1. A. Piccisisi, Intacolalura ai liuto e di chitarione (1623).
Cliap. XXVIV. — Cf. M.-R. Bbondi, op. cit., pp. 63, 64.
2. Lettre de M. l'abbé Carbasiis.,. sur la mode des instruments de
musique, Paris, 1739, p. 18.
3. Edmond Faii\l : Les Jonyleurs en France au moyen àijr, Paris
(1910), p. 290.
4. L»voix, La Musique française (1801), p. i5.
5. Constant Pierre, Le Livre de la lutherie, p. 392.
des images des groupements instrumentaux les plus
fréquents. Lippo Memnii, Jacopo Avanzi, montrent
le luth joint à la flûte, à la vielle, à la trompette, au
psallérion. lùistache Deschamps, dans sa ballade
sur la mort de Guillaume de Machaut, évoque les
mê.mes instruments, et n'omet point les leiiths, que
MACHAUTlui-mème appelle /eus, au cours de son roman
de La Prise d' Alexandrie' . Mais il y a plus, car un
poème du xiV siècle, dû à Jean Lefèvre, assure que
la vielle, le luth, la guiterne et la rebèbe concordent
souvent»; donc, on nous confirme l'association luth
et instruments à archet, si souvent représentée par
les monuments figurés. Les théoriciens, comme Jean
de Grocbko, dans la seconde moitié du xiv« siècle,
indiquent, en outre, quelles sont les pièces que l'on
confie à ces instruments. Grocheo cite les chants
royaux, les ducties et les estarapies, ces deux der-
nières consistant en pièces instrumentales'. Or, si
on observe, avec Quittard, qu'aux xiii' et xiv siè-
cles, la musique se renferme dans une étendue de
deux octaves et une sixte, le luth de cinq cordes,
alors assez répandu, comprend sensiblement cette
étendue.
D'autres textes du xiv° siècle précisent les fonctions
musicales du luth. Ainsi, le Comte d'Anjou de Jean
Maillart, daté de 1316, contient ce passage :
Li autres dient en vielles
Chançoiis roy.iux et estampies
Dances, notes et baleries
En leiU, en psaltérion,
Ctiascun selonc s'entencion,
qui énumère, comme instruments d'exécution des
chants royaux, des estampies et baleries, la vielle
alors prédominante, le luth et le psaltérion. Les
monuments ligures représentent d'ailleurs fréquem-
ment l'associalion vielle-luth; citons les deux anges
musiciens de la Vierge d'Andréa del Verocchio, dont
l'un joue de la vielle et l'autre du luth, et les peintures
de Cima da Conegliano, à Venise, ou de Francia, à
Bologne. De même, on rencontre souvent le grou-
pement llûte-luth, représenté par G. Bellini aux
Frari de Venise; dans ce cas, comme dans le cas de
la vielle, il semble que l'instrument à vent se charge
de la partie mélodique, tandis que l'accompagne-
ment reste dévolu au luth.
.Mais les ensembles auxquels participe le luth ne
sont pas toujours purement instrumentaux. Souvent,
en etiet, ces ensembles comportent un groupe de
chanteurs et revêtent, par conséquent, un aspect
mixte, mi-partie instrumental et mi-partie vocal.
Une image de la Vierge due à iNicolo da Foligno, et
conservée à la Pinacothèque de Bologne, associe
des anges chanteurs à des anges jouant du luth, de
la harpe et d'instruments à percussion ; au xv° siècle,
Loientino d'Arezzo nous fera voir trois chanteurs
accompagnés d'une viole, d'un chalumeau, d'un
luth et d'un tambourin; de même, le Christ de
0. Cf. Hugo I^EioHTENTniTT, Wus Utiren uns die Dildwerke des li~
n Jahrimnderts ilber die Instrumentalmusik ihrer Zeit? {Sammel-
bande de 1'/. -lA ^?., avril-juin 1906, pp. 31,^ et suiv.)
7. Guillaume de Mvchvut, La Prise d'Alexandrie (vers 1307) pu-
bliée par M. de Mas Latrie, p. 35 (1877).
8. La Vieille^ cil*^e par M. Brenet, loco cit., p. 3.
9. Dans son ouvrage théorique, commençant par les mots : Quo-
niamquidamjuvenuin amiei mei... (Ms. ■2tJ03 de la Bib. de Darmstadt)
publié par ftl. Johannès Wolf (t. I des .Samjnelbànde de 1"/. M. G.
(1899), pp. 6ij et suiv.) sous le litre : Die ^fusiklehre des Johannès
de tjrocheo.
10. Jean Maillart, Le Comte d'Anjou (1310), cité par E. Dnoz et G.
TumAcr.T dans la Préface (p. 5) de Poètes et Afusiciens du quinzième
siècle (1924).
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE LUTH 1979
Memling à Anvers s'enloure de deux groupes d'anges
chanteurs et instrumentistes. On admet que les
compositions polyphoniques du xv= siècle n'étaient
que partiellement vocales, et l'étude de M. Leichten-
TRiTT, citée plus haut, fait ressortir la rareté relative
dans les monuments figurés, de représentations de
concerts a rn/je/Za, alors que celles d'exécutions raixles
sont beaucoup plus nombreuses'.
La participation possible du luth à de semblables
exécutions annonce les transcriptions pour cet ins-
trument, transcriptions que nous verrons fleurir au
XVI' siècle. Nous savons d'ailleurs que, dans la poly-
phonie à trois parties du xv" siècle, ces trois parties
étaient rarement attribuées aux voix. Ainsi, la
Chronique de Mathieu d'Escouchy - rapporte que, lors
de la fête du Faisan à Lille, en 1453, » fut joué d'un
leux avec deux bonnes voix ». Voici donc du chant
au luth, et plus loin, d'Kscouchy indique la combi-
naison voix, violes et luth. D'ailleurs, dès le xiv= siè-
cle, les chansons admettaient un accompagnement
instrumental. Dans les chansons de Guillaume db
Machalt, une seule partie porte des paroles, les
autres pouvant être confiées à des instruments; un
passage de son Livre du Voir Dit indique nettement
"la participation de ceux-ci^. A la cour de Pierre
d'Aragon, Minuccio d'Arkzzo, nous dit Boccace, était
à la fois chanteur et joueur de viole '*, et si l'on en
juge par les allégories, on pratiquait déjà le cbanl en
solo accompagné au luth. C'est ainsi qu'un bas-relief
du Campanile du Dôme de Florence, datant des
environs de 1330, figure Orphée chantant et s'accom-
pagnant du luth". C'est encore ainsi que, plus tard,
Hartman .Schedel décrit une peinture représentant
l'agriculture et figurant, en un beau jardin, deux
couples amoureux, dont l'un fait de la musique,
l'homme, la tète couronnée de roses, chantant au
luth, la femme chantant aussi en jouant de la
cithare".
On voit donc que le luth, aux xiv« et xv« siècles,
est employé soit dans la musique purement instru-
mentale, et, en particulier, dans la musique de
danse, soit dans la musique vocale, à titre d'instru-
irient d'accompagnement. Il y a là l'annonce des
principales modalités que manifestera plus lard la
musique du luth, à savoir les transcriptions de pièces
vocales, les airs de danse et le chant au luth. La
vogue dont jouissait l'instrument s'affirme chez les
poètes, chez les princes, et dans les corps de musi-
ciens attachés aux villes. Nombre de poètes cultivent
le luth, tels le Dante et Pétrarque, tels Francesco di
Vannozzo et Boccace'. lui Allemagne, Goltl'ried de
Strasbourg, Fberhard Cersne, Sébastien Brant, le
citent dans leurs œuvres*. Les ducs de Saxe, d'Au-
1. Leichtentritt, loco cit., p. 3^9.
2. Société de l'Histoire de France, vol. Il, chap. cix. Voir H. Qdit-
TAHD, France, Musique iiistrumenlaje jusqu'à Lulhj {E ncyclopéiiie ,
' 'onie 111, pp. 1190 et suiv.)
3. M^cHAUT écrit en effet, à sa ■< dame " Péronnelle : u Je vous envoie
I mon livre de Morpkeus que on appelle ta Fontaine amoureuse, où j'ai
fait un chant à votre commandement... Si vous supplie que vous le
daignez oyr et savoir la chose ainsi comme elle est faite, sans mestre
ne oster. Et se porroit mettre sur les orgues, suz cornemuses ou autres
instruments, c'est sa droite nature. » ( Voir Dit, éd. de 1876, p. 69.)
4. Décaméron, X, p. 7.
5. Leichtentritt, loco cit., p. 345.
6. Ibid., p. 346.
7. Sur le Dante, voir A. Bonaventura, Dante e la inusica (1904);
BUT Pétrarque, E. Levi, Fr. di Vannozzo e la lirica nette corti Lom-
barde durante ta seconda meta del tecoto XIV (1908), el M.-R.
Brondi, toco cit., p. 41 ; sur Boccace, M.-R. Bro.ndi, ifjid., p. 43.
8. Gotifried de Strasbourg, dans son Tristan und Isolde, parle
d'une espèce de luth, le « Sambiut » (H. Sommer, Die Laute (1920),
triche, entretiennent des luthistes, comme ceux de
Lorraine et de Bourgogne, comme la reine Anne de
l?retagne, el Jacques IV d'Ecosse touche lui-même
du luth'. A la cour de Provence et à celle de Savoie,
l'instrument est en grand honneur au xv' siècle'".
Auprès des princes, les luthistes jouent dans l'inti-
mité, durant les fêtes et pendant les repas; ils sui-
vent leurs protecteurs en voyage, et lorsque, en 1454,
Philippe le Bon traversa la Bourgogne et la Suisse
pour se rendre à la diète de Ralisbonne, il fut fêté
partout par des luthistes attachés à des grands sei-
gneurs ou à des villes". Les cours italiennes font
hriller le luth d'un éclat incomparable; la maison
d'Esté, à Feirare, ménage aux musiciens qui en jouent
un accueil fastueux, et Isabelle d'Esté cultive person-
nellement l'instrument cher aux poètes; elle avait
appelé auprès d'elle le luthiste Testagrossa. De
même, les Sforza, les rois de Naples, les Bentivoglio
et les Médicis s'entourent de joueurs de luth'^.
En France, les souverains comptent des luthistes
parmi les musiciens de leur chambre à partir de
Charles VIII, qui prend à son service le luthiste
Antoine Her".
Enfin, les villes suivent l'exemple des princes,
surtout aux Pays-Bas et en Allemagne, et il n'est
pas rare de voir des joueurs de luth appartenir à
leurs corps de musique. Tel est le cas pour Matines,
dont les ménestrels municipaux comptaient des
luthistes, dans la seconde moitié du xiv" siècle ". On
rencontre de ces musiciens, au w" siècle, à Nurem-
berg, à Augsbourg, à Francfort, et le comte de
Wurtemberg acquiesçait à l'association des luthistes
et des « pfeil'pr », ou joueurs d'instruments hauts'^
Mais c'est seulement au début du xvi= siècle que
paraissent les premières œuvres de luth, avec les
publications de tablatures faites à Venise par 0. Pe-
iRLCci'". A partir de ce moment, la pratique du luth
prend, par toute l'Europe, un grand essor, et l'ins-
trument donne naissance à une littérature d'une
importance extraordinaire. Cette littérature groupe
quatre types de pièces dont les esquisses se dessi-
p. 41. Sur l'épopée Der Minne Regel (1404) d'Eberhard Cersne, voir
CoRT Sachs, Die Musikenslrumenten der Minne Regel [I. M. O., juillel-
sept. 1913, p. 484); sur le NarrenaclU^ àe Séb. Brant, voir H. Som-
mer, Die Laute, p. 42.
'.'. Sur les luthistes des ducs de Saie et d'Autriche, voir R. van
AE«nE, Musicalia, Malines, 19i.5. Sur ceui des ducs de Lorraine, cf.
A. Jacqcut, La Musique en Lorraine, f. 21 ; sur ceux de Bourgogne,
rî. Van der Straeten, La Musique aux Pays-Bas, t. Il, p. 368. Anne
de Bretagne avait à son service le luthiste Pierre Yvert (M. Breset,
loco cit., p. 9, et Leroux de Lincy, Vie de la reine Anne de Bretagne,
t. IV, p. 9).
10. Sur les luthistes de la cour d"Ai\-en-Provcnce, voir Arch. B.-du-
Rh., B. 2491, B. i.îl2, B. H. 488. Sur ccui de la cour de ,*avoie (Tu-
rin), voir : Xote d'arcltivio per la Sloria musicale (juillet-décembre
1924), Dtji-oun-RABUT,/.e* Musiciens, ta musique et les instruments en
.Savoie {.Mêm. Société Savoisienne d'I'ist. et d'arctiéolog., XVII, 1878).
11. Van der Stbaeten, La Musique congralutaloire en t4S4, De Di-
jon d Ratistioune (ISSOI, pp. 13 et suiv.
12. Voir, sur la musique dans les cours italiennes, les études de
MM. Bertouitti, Frati, Motta, Valdrighi, etc.
13. M. Brenet, JVotes sur l'histoire du luth en France, p. 8. On se
reportera â cet ouvrage pour tout ce qui concerne les luthistes des rois
tle France.
14. R. Van Aerde, loco cit., passim.
15. Sur les luthistes dans les villes allemandes, voir C. Valentin, Ges*
chichteder .Vusik in Frank-furt am Main (1906), pp. 29, 30; J. SiT-
TAno.MonatalteftefitrMnsikgesclachte, 1887, t. !, pp. 4 et suiv.; K. Nef,
Die Stadipfeiferei und die Instrumental musiker in Basel (/. M, G.,
avril-juin 1909, p. 396); 0. Kôrte, Laute und Lautenmusik bis zur
Mitte des 16 Jaltrtiunderts, p. 78; Vooeleis, Quelten und Bausteine
zu einer Geschichte der Musik im Etsass (500-1800y (1911), passim.
16. De 1501 à 1511, Ottaviano dei Petkocci fit de fimpression musi>
cale a Venise, en vertu d'un privilège du Conseil de celte ville, daté,
de 1498.
1980
ENCrCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
liaient déjà au siècle précédent : les transcriptions
de pièces vocales, les airs de danse, les pièces libres,
telles que fantaisies et ricercari, enfin les airs ac-
compagnés au luth. Elle emploie encore le luth en
concert, soit avec d'autres lutlis, soit avec des instru-
ments à archet. Nous l'étudierons rapidement dans
les principales écoles européennes : l'école italienne,
l'école allemande, l'école française, l'école néerlan-
daise, l'école ant;laise, l'école polonaise, et duranl
sa période de floraison qui comprend les xvi' et
xvii" siècles.
École italienne ',
Le premier auteur italien de pièces de luth semble
être Francesco Spinaccino, dont, dès 1507, Petrucci
publiait un livre de luth, après avoir mis au jour
des recueils de Frottole à quatre voix, qui admet-
taient une exécution mi-partie vocale, mi-partie
instrumentale^. Spinaccino transcrit intégralement
pour le luth des pièces polyphoniques vocales, mais
il réduit et déforme la pol_yphonie en ne conservant
que la ligne mélodique, et en éparpillant des frag-
ments des autres parties. Les airs de danse consti-
tuent comme un embryon de suite, dont le principe
se trouvait déjà inclus dans la Basse Danse du
xv« siècle. Spinaccino écrit de petites suites en trois
parties, pavane, saltarello, piva, les deux dernières
découlant de la première. Il écrit aussi des ricercari,
mais de forme mal dégrossie. Après lui, nous cite-
rons J. -A. d'Alza et Fr. Bossinensis (1509). Le dernier
pratique des arrangements de pièces vocales, dans
lesquels le luth se charge du ténor et de la basse;
il y joint des ricercari flottants et indécis. Puis c'est,
en 1336, la première tablature du célèbre Francesco
daMila.no qu'on appelait «il divine »^; de 15:16 à 1563,
Francesco donne sept livres de luth qui lui valurent,
conjointement avec son magnifique talent d'e.xécu-
tant, une réputation européenne. Par son ingéniosité,
son infatigable imagination, sa science du maniement
des parties, il apparaît comme un des maîtres du
ricercare, et surtout de la fantaisie. Un autre remar-
quable virtuose du luth, P. -P. Borrono, qui s'était
associé à Francesco, poursuit l'évolution de la suite
de luth; et c'est aussi de ce côté que se dirigent
A. ROTTA, M. -A. DEL PlFFABO, J.-M. DA CrEMA, D. BlAN'"
CHiNi. Les deux derniers portent surtout leur elfort
sur les ricercari, dont la forme se précise et dont le
tissu s'organise. Avec G. Abondante (1548) et Melchior
Bareeris, l'école italienne confirme, consolide ses
conquêtes; elle mettra son art au point durant la
seconde moitié du xvi"", par les soins de Drusina
(1556), de r..-C. Barbetta (1564) et surtout de G. Gor-
zANis*- qui fait des emprunts à l'art allemand.
En 1568, Vincenzo IJalilei'^ donne un traité théo-
rique, srtn Fronimo, puis G. Fallamero (1584) cultive
l'air au luth; c'est le moment où l'art du luth atteint
son point culminant. Vers 1590, d'habiles luthistes,
G. -M. Radino, a. Terzi, s. Molinaro^ font état d'une
1. On se reporlera, pour plus de détails, à l'article d'O. Chilesotti :
Notes sur les tablatures de luth et de guitare ( Encyclopédie de la
i/usî'yue, t. II,pp.636et3uiv.). Voiraiissi : E. Ekoei,, Die Instrumental-
formen in der Lautenmusik des 16 Jahrhunderts (I9lï), passim. — •
L. Frati, Liutisti e liutai a Bologna {Riv. mus. il., fasc. I, 1919).
2. A. Pmno, Les Frottole et la Musique instrumentale {Hevue de
Musicologie, mars 1922).
3. 0. Chilesotti, Francesco da Milano (I. M. G., 1903, fasc. 31).
4. 0. Chilesotti. Jacopo Gorzanis { nioista musicale italiana, 1914).
5. 0. Chilesotti, Il Primo Libro di liuto di Vincenzo Galilei
(Rivisfa musicale italiana, fasc, 4, 1903).
G. Sur Tebzi et Mulinabo, voir Ent.el, loco cit., pp. 22-25.
harmonie raffinée, améliorent le système de la varia-
tion et perfectionnent la suite de luth. Terzi écrit
des sonates et des pièces à deux luths. Le luth, au
début du xvii« siècle, tend à jouer un rôle d'accompa-
gnement, mais se voit préférer, à cet effet, le théorbe,
et c'est ce qui se produit dans les œuvres de S. d'In-
dia; il devient aussi de plus en plus concertant avec
P.-P, Melio, Al. PicciNiNi; S, CRESCENXiojoue de l'archi-
luth, et Baglioni du théorbe. A la fin du xvu' siècle,
le luth tombe en décadence; on ne l'emploie plus que
dans la musique d'ensemble, et comme intrument
d'accompagnement.
Écoles allemande et antrichienne '•
La plus ancienne tablature allemande est celle
d'Arnold Schlick (1512)'; puis nous voyons (1523)
Hans JuDENKi'NiG, dans des ouvrages à intentions
pédagogiques, s'inspirer des précédents italiens, mais
l'emporter de beaucoup sur Spinaccino, par exemple,
en matière de ricercari. Hans Gerle cultive le pream-
bel et les arrangements de lieder, tout comme Joden-
KUNiG, mais Hans .Newsidler (1308-1563) l'emporte
de beaucoup sur tous les luthistes précédents par la
puissance et la poésie de ses compositions. Ses S!/i?t>s
s'ouvrent par un preambel, après lequel se disposent
des couples de danses lentes et vives'. Newsidler a
fait de nombreuses transcriptions, A côté de lui,
S. GiNTZLER (1547) apparaît sous un aspect italien
des plus marqués et jette les premières indications
du style tié^".
En Allemagne, le luth concertant se fait jour avec
WolITen Heckel, qui, en 1536, publie des pièces à deux
luths; puis, c'est S. Oghsenkuhn qui transcrit savam-
ment des lieder pour voix seule et luth". La suite
allemande de luth se compose alors de trois mor-
ceaux, à l'italienne (Schmid, J. Wecker, etc.). Avec
Waisselius, apparaît (1392) le Deutschcr lanz ou Alle-
mande ;la. suite comporte alors quatre airs de danse ''^.
Citons encore Sixte Kargel, A. Uenss, M. Reymann.
7. Bibliographie. — U.-l). BrOoe-r, Allé Lautenkuiisl ausdrci
Jiihrhiinikrten (1923). — J.-S. Bnch's Komposilionen fiir die Laiile
(1925); — O. Chilesotti, Da un Codice Lauteii-Buch del Cinque-
ceiito, Leipzig (1890); — Luutenspieler des XV IJaMiunderts , Leip-
zig (1891). — Di Hans Newsidler e ili un' aulica intai'tilatura di linto
[Riv. mus. ital., fasc. 1, 1894); — E. Engel, loco cit., passim. —
W. GuRLiTT, Ein Beilrag zur Biographie (/c.v Lautenisteu Esagas Reu^S'
lier (/. M. G., 1912, 1913); — O, Kinkeldey, Orgel und Klarier in
der Musik des XVI .lahrhimderts, Leipzig (1910). — A. Koczibz,
Oexlerreichische Lautenmusik im XVI Jalirhiindert. — Oeslerreiclnsclie
Lautenmusik z-wiselien 1650 und nsfi (Deukinâler der' Tnnkunst in
Oeslerreich. 2e partie, 1911-1919); — O. Kobte, /oco ri/. (1901);
— T. NoRLiND. Zur Geschichte der Suite (/. il. G., janvier-mars
1906); — Zur Gescliichte der poliiischea Tàn:e (/. M. G., juiU.-oct.
1911); — E. Radkcke, Dus deulsche weltliche Lied in der Lauten-
musik des XVI Jalirhuiiderts {Vierteljalirrsselirill VU, 1S91); —
II. RiEMANN, Zur Gescliiclile der deutsehen Suite (/. J/. G., juillet-
septembre 190')); — A. .Simon, Die Lantenmusikheslânde der Kûii.
BiliHuthek in Berlin, Leipzig (1909); — H. So.mmer, Die Laule,
Berlin (1920); — W. Tappert, Die Lautenlmeher des Hans Gerlc
(U. F. il., 18S6); — Sebttsiiiiii Baeh's Komposilionen fiir die Laule,
Berlin (1901) ; — Sang und Klniig aus aller Zeit. Berlin (1906) ; —
W. VON Wasielewski, Gesckichte der luslruinentalmusik im XVI
Jattrhunderl, Berlin (1878).
8. Voir G. lUnM, Tabulaturen etlicher Lobgesang uff die Orgel und
Lauten (réédition d'A. Schlick, 19^4).
9. KocziRz, loco cit., 2" partie, pp. xx\i et suîv. = E. Ehgbl, loco
cit., pp. If), 16. A Augsbourg, on conûait à Newsiiileb la direction
de la « Stille Musik » (Kinkeldey, loco cit , p. 185).
10. KocziRz, loco cit., 2" partie, pp. 29 et suiv.
11. Oghsenkuhn a traduit, nutammeot, le lied célèbre d'Heinrich
IsAAc : u Innsbruck ich muss dich lassen ». Voir Tart. de M. Adolf
ThCrlixos, in Featschift du !!• Congrès de 1'/. M. G., à Bâle. pp. 54
et suiv.
12. Voir le Deutscher Tanz publié par M.-D. BrCceb (Âlte Lauten-
kunsi, Heft 1).
TECHNIQUE, ESTIlÈTinUli ET PÊOAGDGIE
LE LUTH lîisl
L'influence italienne coiilinue à se manifester en
Allemagne au ooniinencotneiit du xvii" siècle, où Kude
■et Hmnhofkr emploient, pour leurs œuvres, la tabla-
ture d'outre-nionts. A cetteépoque, le Strasbourgeois
E. Mertel passait pour posséder sur le luth un talent
hors de pair; il excellait dans les transcriptions
(1615). G.-L. FuHRUANN emploie, lui, les tablatures
allemande et française (1615), et publie, comme l'avait
■déjà fait Waisselius, des danses polonaises. Si, vers
1620, le luth proprement dit était encore très cul-
tivé en Allemagne, comme c'est le cas pour Mvlius et
Lœlius, le théorbe n'en réalisait pas moins des pro-
grès certains. En 1640, J. Stefan jouait du théorbe à
Francfort.
Dans l'Allemagne du Nord, nous rencontrons Esa-
jas Reussner (1636-167'.»), dont le recueil de 1667 ré-
vèle d'incontestables influences françaises, et pré-
sente des suites disposées comme celles des Gaultier.
De même, l'.^utrichien J.-G. Peyer adopte le style
français. Par contre J. Bittner associe à celui-ci le
style legato des Italiens. Au .wii"' siècle, les luthistes
sont innombrables par toute l'Allemagne : Gumprecht,
Strobel, Kremuerg cultivent le lied, la pièce à plu-
sieurs luths, et soulignent par là la tendance qui,
comme en Italie, incline le luth et ses dérivés au
« concerto ». Tel est le cas pour Strobach (1698) et
pour F.-l. HiNTERLEiTHNKR '. Au reste, alors que le
luth se voit délaissé en Italie et en France, à la lin
du xv!!" siècle, cet instrument conserve sa vitalité en
Allemagne où nous le trouvons représenté par F. Le-
SAGE DE Richée (169o)et par le comte Logi (1641-1721)
qui, à côté de pièces concertantes, écrit des partite
k luth seul. Parmi les luthistes germaniques du
xviii' siècle, J. Herold (1702) adopte encore le cadre
de la suite française, et li. Hkrhandizki écrit des
« Tombeaux » ; tous deux s'adonnent à la pièce pour
luth seul, tandis que .l.-G. Weichexberger, Hadolt,
KChnell, composent de la musique concertante qui
associe au luth le violon et la basse d'archet. Fn 1727,
Ernest Gottlieb IUron donne, h. Nuremberg, son
Untersuchung, historique et théorique ; il a laissé, en
manuscrit, quelques morceaux de luth-.
Vers 1750, on rencontre encore des pièces pour
luth seul sous la plume de A. Falkenhagen, et de
D. Kellner. S.-L Weiss fut un des plus remarquables
luthistes du xviii= siècle allemand; il a dû connaître
J.-S. Bach, à la Chapelle de Dresde; celui-ci a écrit
diverses pièces pour luth et a employé l'instrument
dans sa Johannes Passion (1723), comme dans la
Trauer-Ode (1727). Déjà, en 1708, la Ri'surrectioii
d'HAENDEL comportait l'usage du théorbe; le musi-
■cien le pratique encore dans Jules César (1724) et
dans Parténope (1730)^.
A partir de 1760, environ, le luth trahit, en Alle-
magne,des symptômes de décadence; on ne le joue
plus guère en solo. Citons les noms des derniers
luthistes germaniques : Pichler, Bleditsch, Blohm,
1. Le D^ BrI GEK a piibljt^ le «rracieui menuet pour violon, luth el
basse du Lauten-Conrert ÏX d'HiNrciiLEiTaNEB (1699) \Altf Lauten-
kunst, Heft II). Ce menuet a été publie également par M. Koczinz.
■ 2. Ernst Gottlipb Barons historisch. theoretisch und prncttscke
Vntersuclumg fies Instruments ffer Lauten, Niirember^, 1727. Il existe
^eux compléments à ce traité dans le -' vol. de Marpdrg {Historisch-
ErUtische Beytrdqe, pp. 65 et 119).
Le fonds Fétis de la Eibl. royale de Bruxelles possède, sous la cote
5912, quelques pièces mnnusrrites de Bahun.
3. Dans la Résurrection, le théorbe est associé à la flûte, à la viole
<le gambe et au qiialuor d'archets. Le D"" Bai ger a reproduit \Aite
Lautenkunst, Heft II) l'air de saint Jean de cet oratorio ; f Cosi la tor-
torella. ■. Dans Jules César (1724j, le théorbe s'associe à la gambe, à
'a harpe, au hautbois et au quatuor d'archets.
Laui'E.nsteiner, Meussel, Seidler, Beyer, KrOI'FKGANS,
KoiiAL'LT, enfin Ch.-G. Sgheidler, mort en 1815*,
J. Haydn, vers 1770, écrivait des pièces de luth en
concert ■'.
École fran^-aisc "•
La première tablature française parut en 1829.
Due à Pierre Attai.-ngnant, elle contient des Irans-
criplions totales ou partielles de chansons polypho-
ni(|ues et des airs de danse organisés en une suite
primitive provenant de la Basse Danse, avec sa re-
coupe et son Uiiirdion. Le Mantouan Albert de Ripe
ou DE Rii'PE, lutliiste de François I»'' et de Henri II,
jouissait d'une grande réputation. Son élève G. Mor-
laye publia quelques pièces de lui (1351), et en 1533,
A. le Roy et H. Ballard faisaient de même, en don-
nant un autre recueil de de Rippe. Morlaye a laissé
de bonnes transcriptions de chansons, de psaumes
et de cantiques'. Quant à A. le Roy, il a publié, en
l!i7l, un important recueil d'airs de cour mis sur le
luth", alors qu'en l.io2-o3, Pierre Phalèse, à Louvain,
faisait paraître son remarquable Hortus musavum,
contenant des transcriptions, des airs de danse, des
airs avec luth et des pièces pour deux luths''. Le
xvii° siècle, qui, dans sa première moitié, fut l'époque
la plus brillante du luth en F'rance, s'ouvre (1600)
avec le Trésor d'Orphée de Francisque, contenant
surtout des airs de danse et des préludes, tablature
bientôt suivie 1 1603) du Thésaurus de J.-B. Besard, qui
+. W. Tappert donne, dans son Siuiy und Klang, le portrail de
Christian Gottlieb Scueidi-eh « le dernier luthiste " qui a, vers 1700,
luis au luth et varie le Champagner lied du Don Juan de Mozart (Tap-
l'ERr, tac'-icit,. pp. 1:;7-|-J9).
I. D'a|très PoHi.. H vvDN aurait écrit, vers 177u,deux Cassations pour
luth oblige, violon et violoncelle. La Bibliothèque d'Augsbourg pos-
sède en manuscrit un quatuor enre majeur d'IlAVDN pour luth, violon,
alto et violoncelle.
(j. Bibliographie. — L. Baii.le, J.-B. Besard, luthiste llison-
titi [tterue de triith-he-tU<mté, 15 février 1925); — M. Brenet,
Sates sur l'histoire du luth en France, Turin (1899); — H,-D. Br»-
GRR, Aile Lautenkunst aus drei Jahrhunderten, Berlin (1923); — A.
Castan, Soles sur j. -H. Hesard de Hesaneon, cèlèlire luthiste (Mèm.
de la Sociélé d'emulntmn du Doulis, lS7(li; — O. Ghilksotti, Di
G. -II. Ilcsardu e del sua Thésaurus harmonicus. Milan (KSSS) ; — Airs
de court del Thésaurus harmonicus diJ.-H. Besard. Rome (1903); —
Villanclle a ire roci dut Thésaurus hartnonieus di ./.-fi. Besard Leip-
zig (1909); — J. DoDiiE, Les Airs de Cour d'Adrien Le Rmj (S./. M.,
15 nov. 19071 ; — J. ÉcoRCHEViLLE, Le luth et sa musiijue (S. /. .V.,
15 fcv. 190S); — 0. Fleischer, Denis Gautlier {Vierteljnhres-
sclirift l'iir Musikuisseusehafl, II, 18.S6); — Th. GERor.n, L'Art du
chant en France au dix-septième siècle, Strasbourg (1921); — L.
DE LA Laurencie, Essai de ehronolofjie de quehines ouiraj/es de luth
de l'école française du di.r -sept iè nie siècle {Bulletin de la S, F. M., déc.
1919); — Un Maître de luth au dix-septième siècle : Jehan Basset
(Revue musicale, '}niUel 1923); — Quelques Luthistes français dudix-
septicme siècle (René de ilusicoloyic, nov. 1923); — Le Luthiste
Jacques Gaultier [Herue musicale, jaiiv. 1924); — Les Femmes et le
luth en France aux seizième et dix-septirme siècles (Correspondant,
mai f925); — Les Luthistes Ch. Bocquet, A. Francisque, et J.-B. Be-
s-ard [Revue de Musicologie, mai, août, 1926); — G. Lindgren,
Fin Laulenlnich ron Mouton (M. f. M., t. XXIII, 1891); — C. Pho-
TiADEs, Ronsard et son luth, Paris (1925); — H. Prunikbrs, Docu-
nieuis pour servira ta biographie des luthistes R. Ballard et Fr. Piuet
I. H. G., juillet-sepl. 1914); — H. Qoittard, Le Trésor d'Orphée
de Francisque, Paris (1906); — L'Accompagnement au théorbe
(S. I.M., avril-juin, 1910); — Encgclopédie de la Musique. L III,
pp. 1188 etsuiv. ; — D.-F. Schkcri.eer, Ilct Luithoek van Nico-
laus Vallet (Tijdschrift der Vereeniging voor Soord Nèderlands Musick-
geschiedenis, ô" partie); — W. Tappert, Zur Geschichtc der fran-
zusLtchen Lautentabulalnr (Allg. lleutsch. Mnsikz-eitung, 1S86).
7. De 15.')3 à la^S, Morlaye publia des pit-ces d'Albert de Rippe
(.5 livres").
8. Voir l'article de Miss Dodge cité plus hant,
II. IJoirrARD, L' Hortus musarum de l^>l>'2-')S et les arrangements de
pièces polyphoniques pour voix seule et luth (/. M. G., janv.-mars
1907).
1982
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU COSSERVATOIRE
apporte un raccourci de la prodiicUon européenne,
en matière de musique de lulh.
Plus solide musicien que Fkancisque, Bf.sard cul-
tive tous les genres de la musique de luth. Vers
1611, R. Ballard donne une lablature contenant
surtout des pièces destinées aux ballets de cour'.
A ce moment, s'illustre une brillante pléiade d'au-
teurs d'airs de cour avec luth, G. Bataille, Guédbon,
A. BoËssET, AuGET, ViNCRNT, Fr. RiCHARD, Fr. ChancV^,
pendant que Nicolas Vallet, ou Valet, publiait, aux
Pays-Bas, à partir de 1613, plusieurs éditions d'un
livre de luth en deux parties qui, comme le Thésaurus
de Besard, présente un caractère nettement interna-
tional. Vers 1630, l'école française, très fortement
constituée, compte de nombreux luthistes groupés
autour des Galltier, Ennemond, dit le Vieux, et
Denis, dit le Jeune; malheureusement, exception
faite pour ce dernier, aucun des autres luthistes n'a
laissé de tablature imprimée, et leurs pièces sont
éparses dans des recueils manuscrits. La vogue
d'Entiemond Gaultier s'est prolongée jusqu'à la fm
du XVII» siècle; quant à Denis (1603-1672), il a donné
un recueil imprimé et un autre recueil manuscrit
datant de la seconde moitié du siècle, la Wu'torique
des Dicux^. Les deux Gaultier cultivent le portrait eu
musique ; leurs airs de danse n'ont plus de fonction
chorégraphique; leur style est haché, syncopé, contre-
pointe. Parmi les contemporains et les élèves des
Gaultier, il convient de mentionner René Mézangeau,
Mercure, Mebvillk, les Du But, Du Fault, auteur de
remarquables préludes et ingénieux transformateur
d'airs de danse, G. Pinel, musicien h l'art ferme et
savoureux; mais de ces luthistes, il ne subsiste pas
de recueils imprimés.
Au contraire, Jacques Gallot apporte des docu-
ments précis sur l'état de la musique de lulh en France
vers la fin du xvn» siècle, avec sa lablature de 1673*.
Ici, nous voyons la suite française de luth définili-
vement constituée, et la substitution du menuet au
branle qu'on employait depuis Franxisque; Gallot
dessine lui aussi de fines miniatures musicales aux-
quelles il affecte des titres psychologiques ou pitto-
resques. Un des derniers représentants du lulh en
France, Charles Mouton (vers 1699), entraîne les
mêmes observations \ Dès la seconde moitié du siècle,
l'emploi du théorbe se généralise pour l'exécution de
la basse continue, avec M. Fleurv, Bartholomi, Gbé-
NERiN et Delair. La lentative faite par Perrine (16*9)
pour faciliter l'usage du luth, en abandonnant la
tablature, n'eut pas de succès. Au commencement du
xvni" siècle, on ne jouait plus de luth en France.
École des Pays-Bas".
Nous avons cité parmi les éditeurs de musique de
luth aux Pays-Bas, le nom de Pierre Phalèse, dont
1. M. Bbeset, Noies tur l'histoire du lulh, pp. 44 et suiv.; H.
PRDKitnis, Le Ballet de cottr en France aoaiit Benserade et Lully,
Paris (1914), pp. 222 et suiv.
2. Sur ces divers auteurs voir H. Phunièbes, op. cit., et Th. GEnoLD,
op. cit.. pp. 4 et suiv.
3. 0. Fleischer, Denis Gaultier {loco cit.) et M. Brenet, op. cit.,
pp. 67 et suiv.
4. Un luthiste du nom de G \li.ot mourut à Vilna en 1647; il était
au service de Wenceslas IV de Pologne (Sowisskï, Les Musiciens
polonais. Paris (1857), p. 207.
5. LiNDGur.N {op. cit., pp. 4 et suiv.) a transcrit sept pièces de Ch-
MoDToN. But OF.R en a transcrit deux dan» le deuiiènie cahier de son
Alte Lnutenkunst,
5. Bibliographie. — H.-D. BrGgkh, op. cit., Heft I; —
J.-P.-N. Land, Ilel lidlboekvan Tliysius, Amsterdam (1889); —
l'Horlus musarum {l'6n-2-i'6'63) contient des transcrip-
tions de chansons, des airs au lulh, des danses, puis
des pièces à deux luths. Kii lSo9 J. Matelart publie
des ricercari ou fantaisies, dont plusieurs compor-
tent également l'emploi de deux instruments, pen-
dant que Phalèse continue ses éditions de recueils
de luth. On peut encore citer, parmi les luthistes des
Pays-Bas, S. Vreedman (1569), E. Adriansen (1589)%
qui organise des pièces pour trois et quatre luths et
ordonne les airs de danse par tonalités, puis Van
DEN HovE, de 1601 à 1616, J. Vermeulen, dont le fils
Philippe était théorbiste. En 1626, A. Valerius fai-
sait paraître une collection d'airs nationaux accom-
pagnés au luth; enfin un excellent virtuose, Jacques
de Saint-Luc, qui jouait du luth, du théorbe et de la
guitare, et dont la production s'étend jusqu'aux
premières années du .wiii" siècle, pratique le leijato
italien et écrit des pièces de style galant qui, le plus
souvent, associent le luth au violon.
École anglaise '•
En Angleterre, où, dès 1574, parait une traduction
de Y Instruction d'A. Le Roy, et où W. Barlev publie
(1596) un traité pédagogique, une brillante école de
chant au luth se développe sous l'action de l'émi-
nent luthiste qu'était John Dowland (1562-1626)'.
Son premier recueil (1597) lui valut une immense
réputation, et fut suivi de trois autres livres d'airs
accompagnés au luth. Dowland possède des qualités
de mélodiste et d'harmoniste qui lui assurent une
des premières places parmi les luthistes européens;
c'est lin musicien sobre, émouvant, concentré; il
adjoint souvent au luth d'accompagnement une viole
de gambe. A côté de lui, nous citerons Th. Campian,
qui, postérieurement à 1612, donne des airs pour
voix et lulli, dont le caractère dilfère de ceux de
Dowland par un enjouement galant, puis des madri-
galistes, comme Th. Morley (1600), Ph. Rosseter
(1601), Th. FoRD (1607) qui approche du style récitatif,
Robert Jones (1609), Fr. Pilkington, M. Cavendish,
J. Rartlet, j. Maynard, J. Attey. Le fils de Dowland,
Robert, dans son recueil de 1610, manifeste, en
traitant les airs de danse, de tendances qui le rat-
tachent aux virginalistes. D'autres luthistes, comme
.41. Ferahosco et J. Cooper ou Coprario, travaillent à
la musique des Masks, où une large place est faite
au luth'". C'est Walter Porter (1032) qui marque la
fin de l'école anglaise de chant au luth. Ses niadri-
Ch. Van den Borrbn, Les Origines de la musique de clavier dans
les Pays-Bas, Bruxelles (1914); — E. Van ber Straeten, La
Musique aux Pays-Bas, Bruxelles (1867-1888); — Jacques de Saint-
Luc, luthiste Alkois du dii-seplième siècle, Bruxelles (18S7).
7. Une pièce d'AoïiiANSEN est transcrite dans le 11" cahier de VAlte
Lautenkunst de H.-D. BniiGEB.
8. Bibliographie. — H.-D. BrDger, JoIui Dowlands Solo-
stûchf fur du- Laule, Berlin (1923); — J. Dodge, On Lutenists ami
Luie Musik in England (Eulerpe, vol. 7, 190S) ; — E.-H. Fellowes,
The Kniilish School of Lulcni.it Souywriler.s, Londres (1920); —
A. IIammebich, Musical relations hctween Enyland and Denmark in
Ihe Sevenleenth century (/. il. G., ocl.-déc. 1911); — W. Naoel,
John DowUml's yecessarie Observations belonging lo Lute-playing
{il. f. il., 1891); — NoRLiND, La l.usique anglaise de luth au temps
de Shakespeare, Londres (1911); — H. Riemann, Handbuch der
ilusikgeschichle, Leipzig (1911). — Cu. Van drn Borken, Les
Origines de la ilusiqiie de clavier en Angleterre, Bruxelles (1912).
— Lu Musique anglaise du temps de Shakespeare {Revue musicale,
juin 1923).
9. E.-H. Feli.owes. op. cit., pp. 304-328.
10. Sur le rôle du luth dans les Masks anglais, voir : P. Reyer, Les
Masques anglais, Paris (I9U0), pp. 427 et suiv.
TECHNIQUE. ESTHÉTJni'E ET PEDAGOCIE
LE LUTH 1(183
gaux à. plusieurs voix admettent la participation
d'un véritable orchestre comprenant, notamment, le
luth et le théorbe. Durant la seconde inoilié du
XVII'' siècle, Thomas Mage (vers 1613-1709) doime,
après l'ouvrage pédagogique de Th. Rouinson (1603),
une importante méthode, Muaick's Monument (1676),
dont la deuxième partie se consacre au luth. Celle-ci
contient des « Lessons ) comportant des préludes,
des fantaisies et des danses dont plusieurs sont spé-
cifiquement anglaises'.
École polonaise-.
En Pologne, durant le xvi' siècle, la musique de
luth prend, comme dans toute l'Europe, un dévelop-
pement considérable. Le Transylvain Valenlin (iaEFF,
dit BAKK.iRK (lr)07-l.'i76), qui s'était formé auprès du
Padouan Rotta, résida en Pologne à plusieurs re-
prises; il jouait du luth de façon incomparable, et
donna, en 1532 et en l^fio, deux livres de luth, notés
en tablature italienne. Ses transcriptions de compo-
sitions vocales témoignent de sa nature impérieuse
par les transformations souvent radicales qu'il fait
subir aux textes originaux. Il publie des cliansons
polonaises, avec des séries de " mordants » caracté-
ristiques, des ricercari et des fantaisies où s'affichent
son intransigeante personnalité, son goût du chro-
matisrae et ses innovations harmoniques. Un autre
luthiste, Albert Dlugoray, représenté dans le Thé-
saurus de Busard, imprime h. ses danses un faciès
nettement national, comme Dioraedes C.vto, et
comme Jagor Polonais, dont les pièces dispersées
dans divers recueils sont entraînantes et fortement
rythmées. Les danses polonaises figurent fréquem-
ment dans les tablatures allemandes de la fin du
xvi« siècle.
Enfin, nous rappellerons ici l'école espagnole de
vihuela, si remarquable au xvi" siècle, et qui, con-
trairement à l'assertion de Rafaël Mitjana, doit être
comptée au nombre des écoles européennes de
luth^.
LlO.NEL DELA LAURENCIE.
III
TECHNIQUE ET PÉDAGOGIE
Le Père Mersenne déclare, en 1636*, (c qu'encore
que plusieurs habiles hommes aient cultivé l'art de
jouer du luth avec adresse et dextérité, il n'y a néan-
moins qu'Adrien Le Roy^ qui ait donné par écrit
1. J. Hawkiws. dans sa General Bistory of Music (1776), donne
(t. IV. pp. 459, 461 1 deux pièces de lutb de Mace.
2. Bibliographie. — A. Chybinski, Polniscke Musik und Mii-
sikkultur îles lil .hihrhiinderls (/. M. G. 19! 1-1U12) ; — A. Koczirz,
Deiikmâler lier Musik in Oeslerreich, 18° annùe ; — T. Norlind,
ZurGeschiehle lier pnlnischen Tànze(I. M. G., juillet-oct. 1906); —
H. Opienski, Lu Musique polouaise, Paris (191S); — Jacot/ Polo-
nais et Jacob Reijs (Riemann Fesischrift, Leipzig (1909); — A. Po-
LiDSKi, Geseliiehle lier polnischen ilusik im Vmriss, Lemberg (1907) ;
— A, SowiNSKi, Les Musiciens polonais ci slaves, Paris (1857). —
E. Pdjol, art. Giiilare{V. plus loin).
3. Sur les viliuelisles espagnols, voir : R. Mitjana, Encijclopédie de
la. Musique f\.. IV, pp. 2017 et suiv. — G. Mouphy, Les luthistes espa-
gnols du seizièuip siècle, Leipzig (1002) ; — H. Riemann, Vas Lauten-
werk desMiijuel de Fuenllana (1554) (M. f. M., 1893); — E.-M.ToBNEn
Coleccion de vihuelistas espatloles del sif/lo XVl, Madrid (1923).
4. Harmonie Universelle. Livre second (Instruments à cordes).
5. Instruction de partir toute musique des huit tons en tablature
de luth. In-4'' obi., Paris, 1557. Adrien Le Roy et Robert Bai.laad.
On ne possède actuellement aucun exemplaire de cet ou\rage, men-
quelques préceptes do son iiistructiotj. Ils ont peut-
être cru, dit-il, acquérir plus degloirci à tenir cet art
caché qu'à le divulguer, de là vient que les pièces
qui sorlonl de leurs mains ne sont Jamais touchées
selon leur intention, si premièrement elles n'ont été
ouïes ou apprises d'eux-mêmes. »
il semble, en effet, que les luthistes, jaloux de con-
server les procédés d'exécution propres à chacun
d'eux, n'ont guère enseigné la prati(|ue de leur instru-
ment qu'en particulier. Dans un petit livre de tabla-
ture de luth, intitulé poétiquement Le Secret cfesJl/uses'',
Nicolas Vallet reconnaît que « tant de capables, suffi-
santsel gravesauteurs i> ontdonné des préceptes pour
l'étude du luth en termes si peu accessibles, « que la
Jeunesse ni la plupart des amateurs de cet art n'y
peuvent mordre ".Nicolas Vallet essaye d'être plus
intelligible que ses prédécesseurs, mais son discours
de trois pages est vraiment trop sommaire pour nous
éclairer d'une façon satisfaisante sur « la vraye con-
gnoissauce du vray maniement du luth », ainsi que
l'annonce le titre prometteur.
On peut toutefois arriver à reconstituer la tech-
nique du luth en réunissant les éléments théorico-
pratiques épars dans les ouvrages des luthistes,
malgré leur obscurité parfois déconcertante.
Une trop longue énumération serait nécessaire
pour signaler tous ces ouvrages. Nous en citerons
seulement quelques-uns parmi les principaux:
D'abord, le précieux livre de tablature de Pierre
Attainonant, imprimé à Paris en 13-29, dont un seul
exemplaire connu appartient actuellement à la Biblio-
thèque de Berlin. En voici le titre : Tn-s brève et
familii're introduction pour entenilre et apprendre par
soi/mc.'<me lï jouer toutes cliansons reiluicics en la tabu-
lattire de lutz, avec la manière d'accorder ledit lutz.
Ensemble XXXIX chunsons dont la plupart d'icellcs
sont en deux sortes, c'est assavoir à deux parties et
la musique, et à troys sans musique. Le tout achevé
d'imprimer le VI jour d'Octobre lo29 par Pierre
Attaingnant, etc. » — (Voir Wasielewski, Geschichte
der Iiistrumentalmusik, etc., page 126, exemple n° 5.
Berlin, 1878.)
Un traité allemand de Jean Gerle", luthiste à Nti-
remberg. édité en Iu37, nous livre les secrets de la
tablature allemande; la quatrième partie contient
de nombreux renseignements sur le luth à six et
sept cordes, et indique la façon d'en jouer, ainsi que
de reconnaître les bonnes et les mauvaises cordes,
d'accorder, de chill'rer le manche, etc.
Une autre méthode, imprimée à Louvain en 154S,
par Jacques Bathen et Reynier Velpen", pour Pierre
tionné par Fétis dans sa Biographie Universelle des .Musiciens,
tome V, page 280. Une traduction anglaise en fut publiée en 1574 :
A briefe aud plaine Instruction to set ail .Vusicke of eight divers
tunes in Tablature for the lute. Wlut a brief Instruction hoif to platj
on the lute by Tablature, to conduct and dispose thy hand unto tlie
lute, irilh certaine easies lessons for that purpose. And also a third
booke containing divers new excellent time.i. AH first written in
French by .idrian Le Rov, and now translated into English by
.l.-K. (Kingston) genllefian. Inprinted at London by James Rowbos
thnm, and are' to lie sold in Pater Noster Rom at the signe of the
lute. Anno 1574.
6. Nicolas Vallet (1618-1619).
7. Jean Geiu-e ; Traduction du titre qu'on trouve dans la Itîoyraphie
des .Musiciens de Fétis : Musica en allemand pour les instruments,
les grandes et les petites violes, aussi les lutbs, indiquant la manière
de l'ordonner (la musica) et transcrire selon les principes, etc. Hans
Geiîle, luthiste à Niiremberg, 1537.
8. Des Chansons réduictz en tablature de lut à deux, trois et
quatre parties, .ieec une bresve et familiaire Introduction pour en-
tendre et apprendre par soy-mesme et jouer dudict lut. Livre pre-
mier. Tout nouvellement imprimé à Louvain par Jacques Bathen et
Reynier Velpen, aux dépens de Pierre Phaleys, Libraire. L'an de-
1984
ENCYCLOPEDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Phalèse, prétend initier les amateurs aux délices de
la musique de luth. On y appiend (en quelstermes !)
que « ces doux accords elprolations peuvent au lieu
de médecine suarir et réparer le corps, vendre force
et vertu », etc. Après un discours d'une touchante
naïveté adressé au « Béning lecteur », l'auteur se
débat dans des explications follement compliquées
pour essayer d'exposer les principes rudimentaires
de son art :
1° pour savoir les voix ou les sons;
2° pour savoir trouver les tons ;
3° s'ensuit du temps ou des mesures et pauses;
4 " pour savoir mettre les doigts ;
5" pour savoir tendre et accorder les cordes.
On trouve, à la fin du Discours non plus mélan-
colique que diveis, d'un auteur anonyme, paru en
1557', la manière de bien et justement entoucher les
lues et guiternes. Ce discours a été reproduit par
M. Wecrerlin dans le nouveau Musiciana, p. 104 à
119, 1890. Il explique comment on doit monter le
luth à cinq ou six cordes, et diviser le manche en
demi-Ions.
Jean-Baptiste Besard nous donne l'explication des
signes de tablature contenus dans son Thésaurus
Harmonicus-, et indique quelques doigtés d'accords.
Le maître de luth Jean Basset publie enfin, dans
VHarmonie Universelle du Père Mersenne', une véri-
table méthode de luth, qui n'a d'équivalente que celle
de Thomas Mage''.
Ces deux derniers ouvrages sont, à proprement
parler, les plus sérieux et les plus documentés. Nous
y reviendrons plus longuement tout à l'heure.
Les luthisles faisaient souvent précéder leurs com-
positions d'une introduction dans laquelle ils don-
naient quelques conseils pratiques. Les recueils de
pièces gravées de Nicolas Vallet», Denis Gaultier"
Perrine'', etc., nous fournissent quelques exemples.
Nous ne pouvons entreprendre ici la bibliographie
de tous les ouvrages ayant traité du luth ; nous nous
efforcerons seulement de résumer l'ensemble des
connaissances acquises à leur étude.
Il a été question, plus haut, de l'origine du luth et
de son évolution, nous ne présenterons donc l'ins-
trument, dans ce chapitre, qu'à partir du moment où
sa technique a pris quelque consistance, c'est-à-dire
vers la fin du xv" siècle. Monté primitivement de
quatre, cinq et six chœurs' de cordes, il arriva à en
grâce MDXLV. In 4° obi. {Bibliothé(|ue de la ville de Besançon).
Van der Straeten a cité une autre édition de cet ouvrage cliez Pierre
Ph\lèse à Louvain en 1575, dans la Musique aux Pays-Bas, tome II,
p,age 40i. M. Brenet supposait que ce volume était une réimpression.
de celui d'A-rrAiNGrTXNT. (Voir Notes sur l'histoire ihi luth en Franev,
p. i*.)
1. Attribué successivement à Bonaventure Despériers, Elle Vinet
et enfin î\ .lacques Pelletier du Mans, par A. Chenevière {Bonaven-
ture des Pfbners, etc., 1885, p. 241j.
2. Thésaurus harmonicus divini Lnurencini Romani, necnon prnes
tantissimorum musicorum qui hoc strculo in diversis orbis partibus
excetlutit. selectissimn omnis f/eneris canfus in test., etc., per Joan-
nem Baptistam BESAnona, Vesontinum,... MBCIII.
3. Harmonie Universelle du F'ère Mersenne, i6:î6. Second livre
des instruments. Proposition IX.
4. Miisick's Monument, 1670. Thomas Mage (Bibliothèque du Con-
servatoire de Paris et nombreuses Bibl. étrangères).
5. Nicolas Villet: Le Secret des .Muses (1C18-IG19).
6. Pièces de luth, de Denis Gacetier sur trois modes nouveaux,
in-12|.
7. Perrine : Livre de musique pour le lui, Paris, 1679, in-rol. obi.
Pièces de luth en musique avec des règles pour toucher parfaitement
sur le luth et le clavecin, in-S" obi.
8. Un a chœur » sur le luth est la réunion de deux cordes à Pu-
'DiasoD ou à l'octave.
compter jusqu'à douze et même davantage à la fin
du xvii'" siècle. La chanterelle était généralement
simple, les autres cordes étaient doubles et ne comp-
taient que pour une; ainsi, le luth dit à cinq cordes
en comprenait réelleraenl neuf, celui à six cordes,
onze, etc.
Le luth à cinq cordes fut usité, comme on l'a vu,
jusqu'à la seconde moitié du xv= siècle; vint ensuite
celui à six cordes employé jusqu'au xvii'" siècle; mais,
en vérité, il y avait une grande variété d'instruments,
et le nombre des cordes n'était pas fixé d'une façon
absolue. Le manche du luth était divisé en neuf cases
pour indiquer les demi-tons. Ces cases étaient for-
mées par des barres de cordes nouées.
On accordait souvent la chanterelle à une octave
inférieure, parce que la corde ne supportait pas une
plus forte tension; quelquefois même, on était obligé
de baisser éf,'aleinent le second rang; en elfet, la
grosseur des cordes devant être proporlionnelle à
la longueur comprise entre le chevalet et le sillet,
il arrivait qu'on ne pouvait trouver de cordes assez
fines pour les grands luths.
Mais, ainsi que le fait judicieusement observer
Mage', « faute d'une petite corde de dessus, la grâce
et la légèreté des pièces s'évanouit tout entière et
les airs sont fort altérés ». — Le montage de l'instru-
ment était diflîcultueux, le choix des cordes délicat.
PRiETORius donne* à ce sujet une quantité de rensei-
gnements précieux et d'une justesse remarquable
{Syntagma musicum... De Organographia, cap. XXV).
Mersenne également, quoiqu'il soit moins clair et
moins précis'". Baron traite aussi longuement la ques-
tion dans son livre intitulé : E.camen historique, théo-
rique et pratique des instruments^'... Il parle des
préjugés qui discréditent l'emploi du luth : l'accord
continuel et désagréable, la grande dépense pour
l'entretien des cordes dont le prix était si élevé que
.Mattheson'- disait : « Il en coûte autant d'entretenir
un luth en bon état que de nourrir un cheval. » Le
même Mattheson prétendait aussi qu'un luthiste de
quatre-vingts ans aurait bien passé soixante ans de
sa vie à s'accorder, « et ce qui est pire, ajoutait-il,
c'est que sur cent joueurs, il est difficile d'en rencon-
trer deux capables de le faire convenablement »...
Thomas Mage se chargeait de tenir des luths tou-
jours prêts pour l'exécution, moyennant trois shillings
par trimestre. Pour les monter la première fois de
cordes, il prenait dix shillings'''.
Il nous dira avec quelle sollicitude un amateur
devait entretenir son luth en bon état" : « Vous ferez
bien, si vous le mettez de côté pendant le jour, de le
placer dans un lit qui soit en constant usage, entre
les couvertures, mais jamais entre les drajis, parce
qu'ils pourraient être moites. C'est la plus sûre et la
meilleure place pour le conserver. 11 y a beaucoup
de grands avantages à faire ainsi : vous empêcherez
vos cordes de se rompre; vous conserverez votre ,
luth en bon ordre, de sorte que vous aurez peu de
dérangement dans son accord ; il résonnera plus bril-
lamment et plus agréablement ; si vous avez une occa-
sion extraordinaire de mettre votre luth à un diapa-
fl. .Mu^ick's Monument, 1676.
10. Mersenne, Harmonie Universelle. 2" Livre. Propositions 1. Il
et III.
11. Titre en allemand, traduit, in-S", Niiremberg, 1727, etc.
12. Das neu erôffnete Orchester, 171 H.
13. Henri Qimttard, Le Théorie, Itei'ur S. l. .)/. du 15 avril l'iKi
(page 22S).
14. Thomas Mace, Musick's .Monument, 1676. Seconde partie, traité
du luth.
rECHXIjX'E, ESTHÉTIQUE ET PÈDACOGIE
LE LUTH 1985
son plus élevé, vous pourrez le faire sans accident,
taiiiiis cnie vous ne sanriezy parvenir sans mellre en
danger votie insliiimeni et vos cordes; ce sera une
srti'eté pour votre lulli, ipii sera préseivé dn délalire-
rnent; vous éviterez beaucoup de dég.U en entpè-
rhant les barres de se roin|ire, et la laide de s'enlon-
cer ; et ces six avanlagrs reunis doivent en produire
lin septième qui est de facilitiT certainenienl le jeu
du inlli et de le rendre lieaucoiip plus délicieux. Seu-
lement, il ne tant pas être assez étourdi pour se jeter
sur le lit pendant que le lulh y est, car j'ai vu quel-
ques bons lutlis abîmés par un tel coup... »
ArpoFtl du luth.
Au XVI* siècle, " le vieil ton » était l'accord clas-
sique servant de base à tons les autres: on employait
aussi coiirammenl l'accoid dit» à cordes avalées •>.
Plus lard, au milieu du xvii« siècle, ce lut l'accord
« nouveau ou extraordinaire » qui prévalu!, mais
on discordait facilement le lulb pour jouer dans le
Ion de la cliévre, dans celui des Juif'^, dans le ton
enrliumé', etc., el on modiliait les cordes de basse
suivant la tonalité dn morceau.
On trouvera ci-dessous une table des différents
accords les plus courants :
I
1° Accord dit
° Vit 1 Ton
2° Accord d'Adrien bémol
Le Roy
5? Accord employé par
Anthoine Trsncisque
(Luth à Scordes)
4° Accord dit
"à cordes avallees "
5? Accord emploie
pac Mace
6° Accord
"Nouveau on extraordinaire
7?Ton de la Chèvre
8!
Accord
de Perririfi, Baron :
9 Accords pour la Famille
des Luths allemands
(d'après Mahillon)
Lemplo^é par Francisque, Bêsard, etc.
1^ .
par bémol
Luth soprano
Grosse 8".' Laute
Grand Lulh octave
par bécarre, le même que
l'accord nouveau, ex 6°
^
i»-
On pouvait accorder les chœurs à l'unisson ou à
l'oclave, selon le gré de l'exécutant.
Parmi les instruments dérivés dn lutli nous cile-
Varchiliith, comprenant deux chevilliers, dont l'un,
en deliors du manche, ne complaît que des cordes
pouvant être jouées à vide; le nombre des touches
sur le manche était le même que celui du luth, son
accord identique ; seul, son lon^ chevillier le dilTéreii-
ciait. Il élait monté de quatorze cordes; la chante-
relle était généialeraeiiL simple, les cinq cordes sui-
1. Antoine Frvncisqoe, Le Tréso'- '/'Orph>'e, Paris, 160D, in-fol.
Copyright by Librairie Delagrave, 19i7 .
vantes doubles, el les cordes de basse, en dehors du
manche, simples.
Le ihéorbe, employé surtout pour l'accompagne-
ment, était uni nsl ru meni dont l'aspect était à peu près
sembliilile à celui de l'aichiluLh, sauf que le manche
était beaucoup plus long. Le nombre des touches sur
le manche était également de neuf; les cordes du pre-
mier chevillier étaient généralement simples.
Dklair2 tixe le nombre total des cordes du Ihéorbe
2. Delair, Traité d'accompagnement pour If tliéorbr et te clavecin,
l'aris. 16110.
125
19K6
ESCYCLOPÈDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
a quatorze. Prstorius' nous dit que le thoorhe
padoiiaii avail huit cordes sur la lourlie, et le théorbe
romain six, les autres cordes en dehors : six, pour
le premier, huil, pour le second.
Il explique aussi que les théorbes fabriqués à Rome
et appelés chilarroni possédaient de si longs man-
ches qu'ils arrivaient à atteindre avec le corps de
l'nistrument jusqu'à six pieds et demi et deux pouces.
LaccortI du théorbe était ainsi fixé :
^
11' cheviller (théorbe padouan) 1 I 2'? cheviller
m
^ 'l^^'-^^i^^
l'/ cheviller (théorbe romain) '; | 2^ cheviller
Vangélique était une sorte de théorbe, qui comp-
tait dix-sept cordes simples accordées pardepréscon-
Accord :
joinls, ce qui simpliliait beaucoup son jeu; le man-
che était divisé en dix touches.
^^TTTff
Il existe une lable de rapport de l'élendue des voix
et des instruments de musique comparés au clavecin,
dans le Mémoire sur l'Acoustique de J. Sauveur publié
en 176"-.
I\ot:ilion.
La musique de luth était écrite en tablature Les
luthistes, qui avaient emprunté ce procédé aux orpa-
nisles, le trouvaient si commode qu'ils ne voulurent
jamais y renoncer, malpré les récriminations des
musiciens de leur temps. Agricola prétendait que
latahlature avait été inventée par un aveugle^; c< cette
malice ne m'étonne pas de sa paît, disait-il, quand
les clairvovants oui assez de peine pour apprendre
avec leurs deux yeux grands ouverts*. »
Vers 1680, Perbine ' lit paraître son premier vol unie
de pièces de luth mises en musique, mais il était trop
tard pour réagir contre l'habitude de ia lahiatiiie,
et, d'auti'e pai't, l'usage du luth se perdait (h'jà.
La tablature ditl'érait selon les pays. On peut en
compter ijuatre principaux svstènies :
1" La tablature française, qui s'écrivait sur cinq
lignes auxquelles on ajouta une sixième à pailir du
xvn" siècle. Ces lignes représentaient les cordes du
luth, en faisant partir la chanterelle de la ligne supé-
rieure :
I re
2'
3<î
Les cases, qui devaient êlie touchées par les doigts
de la main gauche, étaient (igurées par des lettres pla-
cées sur ou entre les lignes : n, pour la cor'le à vide ;
6, pour la première case ; c, pour la deuxième, etc.
Par exera|de, un b sur la troisième ligne indiquait
qu'il fallait jioser le doigt sur la première case de la
troisième corde, un c sur la quatrième ligne, poser
le doigt sur la deuxième case de la quatrième corde :
dt
I Pv.
^
iUl
-â-=-
Si
I./is iJisfts fcufirs aux pieds de l.i cruel-
M b
b h
*»
-»
T)
b
A <«
^
H -B
-0 b
b
f
-»
b «
b
\ ^W T
c
-»
M.
«•
r b
-o
\^
Tablature française, avec partie vocale.
f
jr ,^r g. <»■ r g. |>
X
L i r fi- r j.
11^ yuj i.M i\ , 1-)^
f^-r'-^^ h, y^^ ^r^^;kà^t^±^^=^^^
w
E
Tablature française employée en .Angleterre. — lord Zoiiche's llask (Brilisli Muséum}.
1 Si/iilai/nuL Miisiciim. Dr Orqanuiiriiphxa, rap. XXV.
2. Insér'^ dans le recueil île rA':nleiiiie «les S'-ipmes.
3. Il s"agissHiL lie Knnrad Paumann. qui naquit aveugle à Niirem-
bcrg au ciimmciiccmeul du XV' siècle (Kif.sevvettf.k, Gescliiclile der
europxisch-atimillieiiilischen, oder wiscrer heutigen Musik, 1834,
p. n!1). Vnir IFrtis : BiOi/ropIljeldi'S Mvsiciei'S. loni VI. page 468.
4. Aguicola Martin, Musique instrumentale ea aii imund, Witieni-
berg, \53-2.
5. pERBiNr, Livre de Musigue pour le lut Iliibliolh. Nalinnale,
Paris).
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET l'ÉDAGOGII'
LE LUTH 1987
\,;\ ini^siire était indiquée au-dessus de la pnriéi'.
A p.iitir du xvn' sie.'le, les cordes di; basse supplé-
mentaires ajoutées au luth étaient indiquées au-des-
sous des lignes de la façon suivante :
" /a. //a ///a 4567
2° La tablature italienne, qui comptait six lignes
dès le xvie siècle, devait se lin- di^ lia> en haiil. La
chanterelle était représentée parla ligne inférieure.
De phis,leslellrfS étaient remplacées par des chiffres :
0 pour la corde à vide, 1 pour la première case, 2
pour la deuxième, etc. :
Le 0 sera la chanterelle à vide, le 2 de la deuxième
ligne indique qu'il faudra poser un doigt de la main
gauche sur la deuxième case de la deuxième corde,
et le 3 de la troisième ligne sur la troisième fa>e de
la troisième corde.
3° La tablature espagnole était semblable à la
tablature italienne, et se lisait de haut en bas ou de
bas en haut, suivant les auteurs. (Juand la tablature
de luth contenait une partie de chant, celle-ci était
indiquée par une lettre rouge.
poîuôocircfi (tnii
/O0 bleues q b0'i'.
iV
<> 0 O
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d
-^-^i-
5-i-?-
<N O O ♦
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3 5\-}l ^
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-^^
■^-J-o-
-?-^
-^-^-o-^-^
-o 3 J y
\N O O
0 iiiininui,..uiiii
1 ^ } s 2 f
-o-Q-
-^
■0-3r
o-\-o-
-^-f-^-^
-o-
<> ♦ <>
-3-0--
-5 H-3 -A
^-S-0-r5 O 3 J 3
Tablature t^spaîriioie.
4" La tablature allemande diUérait totalement des
systèmes précédents. Pas de lignes. Chaque corde et
chaque case étaient représentées par une lettre ou
par un chiffre.
-s-
Tablature allemande (division du manche).
— — a — 1> c • f a Ct> — •»fViy>- ^~tp • T~"*^ T
*'l ^ * — •** — - tjj Si.m f — —
Tablature néerlandaise. Recueil Balhen et Velpen, 1545.
1988
ENCYCLOPÉDIE DE LA MI'SKJCE lîT DICTIO.V.VAfliE DU CONSERVATOinE
Jusnu'auxv.i- siècle, lest:.blaUiresétaienlexempl.'s I alors shc et préci'^ comme cnlm de 1 e,.ineUe. A partir
de si mes d ornemeMtalion; on Ironvaitseulement n„ de lase.-onde moilié du sv„es,ecle, les ornements de
ou deux points (.lacés au-dessnus des lellrespour la musiqne de lulh dev,en,.ent umonibral.les les
■indiqiierque les notes devaicnl iHre pincées avec I m
dex ou le médius di- la main dioile; une pt-tile étoile
signifiait que la leltiesous laquelle elle se trouv^iit
devait étie tenue pai' la main j;aurlie. Pointde place
pour les tirades, les pinçades, le> liaisons, dont Tusaye
fut si répandu par la suite. Le jeu du luth devait être
lalilalures sont surcharfsées de si^'nes liiéroglyplii-
ques, dont il lant eonn.iitre l'inlerprélalion spéciale
à chaque auteur pour exécuter les œuvres écrites à
celte époque.
Le talileiiu ci-dessous donnera une idée des signes
le plus couramment employés ;
M
,.de..ousd»Ultre..la.aindro-,lanepincequcUrinote. ( GaUot nndic,u. auss, : A avant ,. leiU.)
tirade, ou chute .
Effefc
Z" aprèslalettre- lam.a.nepincequelal'î'IcllJ-e
■^ les autres notes sont Frappées par lam.J
(Gallot indique ainsi le tremblement^;
Effet:
3« A aprèsia lettre, lam.d ne pince tjue la l'-"nole
(MartelUment.ou accent, Gallo l'indique: y
Mersenne : X martellement 8 vide, A ferme)
Effet-.
4? X aprèsU lettre, laui.d. ne pince que la 1 " note
(MsrtellemEnt pour Mersenne ,eitDulTement pour Denis taull.er,
tremblement pour Mouton.)
Iffet:
''X (jjalmifrMiiiiJUl.)
-^rl■mlllHlllW^^- "^
5? bouT au dessus delà Uttre.lam.A. nepince c,uuna rois (Cadence ou trembUmenlJ ^exécute comme un trille.
60 Une petite barre au de.su. d'un signe d'ornement indique que cet ornement doitètre e.écte au demi-ton.
.7? Accent plaintif .y après la lettre
pin cer lalî note de la m.d. el laisser tomber un doigt de la m.g.
\evve cassé y
Effet;
double relis h
8?0rne/nenti de Thomas Mace.
[tantd.pincetoujouriune seule foi»)
jg (Rflr.hrall):
Effet:
■f, Whnlpf/ill
*
Simple.ou orné
^
iSingEEëÏÏIt
s'exécute :
pm^mt
rsi
^^
FIpuflttnnT
S exécute :
ta
r'ri'rrnr
.°.h«l<.>
m^^^
S
alfJTffi-
^
/ SînqëT^
Arrêter le son sur la 25note
^
TECIISKjL'E, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE LUTH 1«89
Les nom lues qui piréreJenl les leltresde la lalilu-
ture si^'iiilieiil (|uels doij^ls il faut poser. Les tenues
de main f^auclie sont représentées par de grandes
lignes droites on courbes : — on ^-^ ; ne pas lever
les dni;its de la main «auche avant la lettre où elles
aboutissent. Nicolas Vallet indiijne aussi les doi(,'lés
de main pauclie, non par des cliiCfres, mais par des
points placés avant la lettre :
IVdnlgt. ; Z^dnipt -•-_3l.dolg
rr-
,'7»
>
A^doigt^ 2!dj 5îdj
5? Unirait devant IScoopd signiHe
qu'il Faut coucher le rî'doigt
y
U°, Coucher lel*''doigt jusqu'à
lâ fermelure de la parenthèse
i-'^" "■]
5? Coucher la doigt -*
;=E=e=
69 Notetenue depuis le oommencementde.la
barre jusqu'au moment ou elle prend fin
lar"?
Teuue de l'instrainenl.
Position des mains»
Le luth, posé sur les {.-enoux ou sur une table, était
soulenu par le bras droit, la main yauche an bout du
manche, le poifjnet un peu élevé, alin que la pointe
des doigts soit proche des contes, le ponce au bord du
manche au-dessous de la première louche; la main
droite à plat, le petii doigt posé prés ilu chevalet, les
autres doigt's prêts à jouer, au-dessns des roriles, le
pouce vers la rose. On faisait sonner les cordes en les
touchant du bout des doi^tts. Les cordes L'raves
étaient touchées par le pouce élendu, qui devait ton-
jours se reposer sur la corde suivante, lorsqu'il n'a-
vait pas d'autre i;ole <à jouer immédiatement après.
Basset recomiiiandait tout spécialement de n'en ja-
mais plier la lointnre.
Les notes simples des cordes hautes étaient tou-
chées alternativement par l'index et le médius, jamais
deux l'ois de suite avec le même doi;;t, sauf indication.
Les accords de trois notes pouvaient être pinces par
les premier, deu.^ieme et troisième doigts; les accords
de quatre noies p^ir le ponce et les trois autres doigts;
les accords de cinq et six notes par le pouce et l'index
ou par le pouce el les antres doigts. Knfin, loiites les
combinaisons possibles étaient employées pour varier
les elîets de sonorité.
Basset nous dit encore que chaque luthisleavait sa
façon particulière de toucher les pièces, et grande-
ment diirérenle. Après avoir indiqué qneLpies laçons
de faire les accords, il ajoute qu'il faudrait un volume
de plus de cent feuilles pour les comprendre tous. |
Doigtés de main droite.
Après l'accord,
Après l'accord.
index, en relevant.
l'index en baissant.
Après l'accord, p- pouce.
Accord de deux lettres : pouce et médius.
Accord de plusieurs lettres : pincer avec le pouce et
plusieurs doi^'ts.
Sous un accord de plusieurs lettres, ne pas y
mettre le pouce.
Cinq lettres, en jouer deux du pouce, les autres
des autres doigts.
Sis lettr'^s, en jouer trois du pouce les autres des
autres doigts.
Une corde du pouce, et les autres de l'index !
ou p après l'accord.
Index = sous une lettre seule.
Médius = sans si;,'ne, de la clianterelle à la 4'.
Poucet sans signe, après la 4", ou bien avec un p,
sous une lettre qui est avant la 4".
Passages du pouce et index alternés p sous la pre-
mière lettre et — sous la seconde seulement, sui-
vez de même. Exemples :
'doigt
V.
Pouce
5° 4'PouceetlVdoi9l5'Pouceetlî'do;gt
Pouce tout seul. ensemble. ensemble.
znz.
^=^
ir doigt
6?Poucela>V?et1Vet 2î
doigts les deuxautres.
7?Poucela6«el5^ et Iti 8! I».' doigt Rabattre 9? Pouce laBÎ^Z^la
" ... en relevant, dul^doiqt. chanter«lle.
-' n
.r ouce lao- eL3r et ic^ o.
3 autres de&doigtasuivanti. er
^
^
1990
ENCYCLOPÉDIE DE LA MdSKjUE ET DlCTION.yAlRE DU COySERVATOltiE
Pouceel Releverdu l"doi9tla5'et 10? 1Vdolqtla3'(dles U° lî» Pouce ttir doigt
2'doigt. l'/doigt. Z'.lachanttrelle. iautrtstîcti'doijts. 2tdoigt IVdoigt S'doigt I un après I autre.
Index = Leltre surmontée de •
Médius = Letlre siirniontée de ••
Annulaire — Leltre surmontée de .-.
(Mace, Valleï, Mersenne, etc.).
Doigté de Gallot :
Vouée I, s'il ne piiice qu'une seule note. Dans
l'exemple suivant, les autres notes sont pincées avec
l'index et le médius :
^1^^
Vouée T, s'il pince deux notes, soit ensemble, soit
séparément :
i.
I
^
Index . ou
(Mersenne.
le point se met sous la lettre :
^
ou à coté;
~7a.
Quand le point est avant les lettres, on les frappe
avec le reveis de l'index :
^^ ur
nale placée ainsi :
^^ ou ainsi : ^^
indique deux notes frappées en traînant par l'index.
Médius = sans aucun signe.
1? Séparer les 2" Les deu3tl^'''leLtres, S?l"Mctlre touchée deiamaindroile^ S'indique li^. Index las 5 premières
deux lettres. del'index. laZ'*.' tirée par la main gauche. aussi: notes, pouce la 4?,
n _ n
:=s::
^
5? D'abord !a basse du pouce et Ies3 6° Appéjement-,
autres lettres arpégées, E'etl'.'doigts.
^
:^
^ Denis Gaultier,MoutoTi, Gallot.)
Les doistés de main gauche étaient souvent très
compliqués, mais ils s'appliquaient aisément à l'u-
sage, puisque l'eniplai^ement des notes sur le manche
était indiqué par la tablature. On a vu précédemment
comment ils étaient chiffrés avant la letlre.
Il était recommandé aux luthistes de travailler
lentement, doucement, en s'écoutanlbien, alin de ne
pas brouiller les parties (Nicolas Vallkt, Denis Gaul-
tier, etc.). « La mesure précipitée n'étant pas 1res
bien reçue parmi les gens qui ont les oreilles délicates
et qui se connaissent à ce charmant roi des instru-
ments. » (Mouton.)
On peut voir, d'après ces quelques notes, combien
l'étude du luth était chose complexe. Mais de quelles
nobles satisfactions n'était pas comblé l'heureux et
patient musicien qui avait réussi à pénétrer les arca
nés de la tablature !
i< ... Un joueur de luth pourra l'aire tout ce qu'il
voudra par le moyende son instrument : parexemple,
il pouna représenter les deux moyennes proportion-
nelles, la quadrature du cercle, la pioporlion des
mouvements de touslescieux et de leurs astres, celle
de la vitesse des poids qui tombent, et mille autres
choses par les sons, et les airs de son instrument, s'il
comprend tout le contenu de cet œuvre''. »
I. Mkiisenne, Harwouie imiverseVPf proposition IX.
Des eitraits étendus de l.i méthode de Basset ont été reproduits par
Jonclibloet et l.and ; introduction de la ( orrespondance de Hii\i;ens,
page cGixxj et suivantes (Mictiel Brenet : Notes sur l'histoiri' du
luth en France, page 61).
Adhienne MAIRY.
LA MANDOLINE
Par M. Silvio RANIERI
ORIGINE ET DESCRIPTION DE LA MANDOLINE
La mandoline, du point de vue de sa forme cons-
tructive, est un dérivé presque intégral du luth.
Le luth, en elfel, ce souverain déchu de la musique,
revit encoie dans \a.mandole qui en est une réduction,
et dans la mandoline très répandue au xviue siècle.
La niandole, un peu plus grande quela mandoline,
a très probablement pris son nom de l'espagnole
bandol'ira, dû à la façon dont les ménestrels la por-
taientaucou, car, en Espagne, elle s'appelait (/a/idote.
Elle avait à peu près la forme de la niandole
actuelle, mais le manche en était
plus court et pins large, la caisse
de résonance apl.itie et formée
par quelques éclisses alternati-
vement en bois clair et foncé. La
tête se trouvait presque a angle
droit avec le manche, et les .tou-
ches étaient représentées par des
ficelles, système qu'on retrouve
également dans le luth.
Ainsi, la famille du luth est
unie à la mandoline qui fut avec
raison considérée comme le so-
prano de la famille, et dont on
trouve déjà l'origine dans le tan-
boiir arabf.
A l'époque de Farabi, musicien
arabe, en 900 avant noti'e ère, on
distinguait le tambour de Koracan
de celui de Bagdad. Ensuite, les
formes de cet instrument se mul-
liplièrent, et on eut le tanbour
T!?'',?"'! Kebir-Tourki ou grande mando-
line turque, le tanbour Rhargi
ou mandoline orientale, dérivant
très probablement directement des primitives formes
égyptiennes, puis également le tanbour Boiilgary,
le tanbour Bourzoulc très répandu en Perse, et lina-
lement le tanbour Bagmalha ou mandoline des en-
fants.
Tous ces types ont une grande ressemblance avec
l'actuelle mandoline romaine on napolitaine, et cer-
tainsd'entreeuxn'endifferentque par les dimensions.
A rencontre des autres instruments arabes, le tan-
bour avait des cordes métalliques, et, dans certains
types, tel le tanbour d'Algérie, les quatre cordes
sont doublées comme dans la mandoline actuelle,
ce qui conlirme l'hypothèse qu'elle doit être la des-
Fia. 1024.
ar;ibe ou niandolinf
arabe.
cendante directe du tanbour arabe introduit par
les Sarrasins pendant leur domination dans l'Italie
méridionale, tandis que la mandoline lombarde ou
milanaise à six cordes simples doit être considérée
comme un dérivé direct du hitli.
En elîet, on a coiislriiil des demi-luths et même
des quarts de luth, et le luth moyen produit juste-
ment à vide l'accord de la mandoline milanaise.
La partie principale delà mandoline est le corps |1),
qu'on a coutume d'appeler
aussi caisse de résonance.
C'est celte partie qui e.xerce
la plus gran le iidluence sur
la qualité du son produit par
le frottement du plectre ou
mi'diator sur les cordes.
Le dessus de l'instrument
est formé par la table d'har-
monie (2) (oi'dinnirement en
bois de sapin), percée d'un
trou circulaire appelé cosKce (3)
et destiné à faire sortir le son
de I intérieur de la caisse de
résonance.
Le manche (4) est lixé au
haut du corps de l'instrument,
et il en forme pour ainsi dire
le prolongement.
Le clavier (o) se trouve in-
séré sur le manche; ordinai-
rement en bois d'ébène, il est
divisé dans toute sa longueur
par des lamelles de cuivre
ou de ruolz qu'on appelle
touches (6).
L'espace compris entre cha-
que touche se nomme case (7).
A l'extrémité supérieure du
clavier, se trouve fixé un petit
morceau d'os ou d'ébène qui s'appelle sillet (8).
La tête (9| de la mandoline est formée par le pro-
longement de la partie supérieure du manche.
La mécanique (10) est adaptée à la tête de la man-
doline et se compose de huit pettes chevilles (H| en
os, placées quatre de chaque côté de la tétïi, et qui
seivent à régler la tension des cordes.
L'^cîi (12) est une plaque en écaille ou en ébène
adaptée sur la table d'harmonie pour la préserver
du frottement du plectre.
Les huit cordes sont portées par le chevalet (13)
en ébène; elles aboutissent à la mécanique d'une
part, et de l'autre à de petits clous ou boutons (14)
FiG. 1025.
Mandoline actuelle.
1992
Evr.yr.i.nnii/HE de i.a ^rc^iorn: et nfCTfnxxAtnE nu coxsuHVAToinE
cachés parle couvr''-roriles (l.S), destiné à garatilir le
Têlemenl de rexécutuiit du rioUemeiit coiitie les
cordes.
EMPLOI DE LA MANDOLINE DANS LA MUSIQUE
I,a l'abricalioii dp la mandoline étail, au déliul du
XVI II' siècle, assHZ |vriniiiive. Le lorni.il était heaiiroiip
plus petit que le foiiiiat actuel, |p claviei- nariivait
pas an delà de la qualrièine ou cini|uièiiifi position.
C'est très pinbahlement à cau;-e de (tela que la
musique éerile à cetteéfioqiie-là ponr C'I inslrunieul,
quoique souvent bien appiopriée, p-esente toujours
un caractère de simplicilé; c'est de la iiinsique
aimaile, éléf;ante ei convenant à un instrument qui
s'adressait surtout à une aristocratie dilelLmie.
Gbéthy, dans la célèlne sérénade de V Amant jnlonx,
« Tandis (|ue tu sommeilles », et Mo/art, dans celle
(fc Don Juan, ne dédaignaient pas d'introduire la
mandoline à l'orchestre, et cela d'une façon tout à
fait heureuse.
Cette sérénade, dit Gounod dans une étude critique
sur Dun .luan\ est une perle d inspiralion, d'élé-
gance, de mélodie, d'harmonie et de rythme, avec
son dessin d'acconipaynenienl confié à la mandoline.
Elle est destinée à la mandoline et non à tout autre
instrument semblable.
Berlioz, dans son Tcai'<éd'orc/is<ra/îon, s'est donné
la peine de le remarquer avec sa coutuinière amer-
tume :
« Rien qu'au bout de quelques jours d'études,
écnt-il, un guitariste ou même un violoniste oïdi-
naiie puisse se rendre familier le manche de la man-
doline, on a si peu de respect, en ;.'éiieral, poui' les
instruments des «rands maitres, des qu'il s'agit de
déranger en la moindre chose de vieilles habitudes,
qu'on se permet presque partout, et même à l'Opéra
(le dernier lieu du monde où l'on devrait prendre
une pareille liiierlé), de jouer la partie de mando-
line de [)im Juan sur des violons en pizzicato ou sur
des guitares.
" l.e timbre de ces instruments n'a point la finesse
mordante de celm auquel on le substitue, et Mozart
savait bien ce qu'il faisait en choisissant la mando-
line pour accompagner l'héroïque chanson de son
héros. "
Beethoven lui-même n'échappa pas à l'enj^ouement
de son temps, et à Prague, dans la bibliothèque des
comtes Clam Gallas, on a trouvé plusieurs intéres-
santes coniposilioiis pour mandoline et clavecin
dédiées "i la comtesse Joséphine Clary, œuvres qui
appartiennent bien à la séiie des compositions réa-
lisées par l'auteur de Fidelio, au cours d'un séjour à
Praj^iie qui doit se situer en 1796.
Des tentatives d'emploi de la mandoline an théâtre
ont été (ailes également dans la musique moderne,
mais, disons-le l'rancliement, ces tentatives n'ont
pas liMi|onrs été heureuses au point de vue niando-
linistique.
Ainsi Vkrbi, dans sa sérénade de VOtello, malgré la
beauté de celte page musicale, digne du grand maî-
tre qu'il était, n'a pas tiré de la mandoline le parti
auquel on aurait pu s'attendre, s'il avait mieux connu
les ressources inimitables de cet instrument.
Dans le même défaut est tombé le compositeur
1. Discours sur le Don Juan de Mo/art, lu â l'Instilut, le 25 oc
tobre un. [s. o. l. u.]
allemand Mahlir (Das Lied von der Erde\ qui, en
'aisant trémnler par-ci par-là une faible noie dans
lin plein rendement instnimental, ou en accentuant
par lin simple coup de plectie la première noie de
l'arpège des harpes, n'esi arrivé qu'à leter <)uelqnes
lueurs presque imperceptibles et insi;.;niliantes.
Pareille pauvreté dans la mise en valeur de l'ius-
liument résnile, il est douloureux de le consta-
ter, de l'absolue i;,'iiorance que les orchestratenrs,
même les plus ;^rands, ont des plecties et de leur
rendement instrumental si tvpique , soit dans les
solos, soit dans le jeu d'assimilation avec les autres
limbres.
(".epeiulant, si nous examinons quelques partitions,
même parmi les plus modernes, nous ne pouvons
pas nous empêcher de relever, de temps en temps, des
fi aliments de mnsii|ue c|iii, parleur l'orine, par leur
inliin si^nidcation, sont essentiellement mandoli-
nistiqnes. Combien de passades pétillants seraient
pins efficacement mis en lumière par les plectres,
combien île siaccali, île pizziC'iti seraient mieux exé-
cutés par les mandolines que par les archets.
Kt de même, quelle merveilleuse valeur prendrait
dans l'orcheslre le tremnlo, qui esl la caractéristique
de la mandoline, s'il était traité par uii musicien gé-
nial et compétent en la matière!
(Test ainsi que le compositeur napolitain Mario
Costa , dans l'esqiiise sérénade de sa pantomime
llistûiie d'un Pierrot, et que Villorio Monti, dans
uneanlie pantomime, .Soel de Pvrrot, de même que
P. -A. Tasca dans l'opéra A Santa Lucin, et .spinblli
dans A basso i.iorto, ont écrit des pages vraiment mer-
veilleuses pour mandoline solo avec accompagne-
ment dorclieslie.
Plusieurs autres, comme, par exemple, (îiordano,
dans l'opéra II l'o^v Sernagiotto, dans A Cannaregio,
CoROiNARO.avec Festn a l/a/'ina, Brèion, avec Dulores,
LAHAHRA,dans llnbanera, Montilla, dans Dramma Zin-
i^are>co, \Volfp-Ki:hrahi, avec Donne Curio^e, et dans
Les Joyaux de la Madone, Manuel de F\lla, dans la
Vi brèvf, Verdi, dans O'ello et Falstaff, et puis encore
Andreoli, dans le ballet La Fata d'oro, Valverde,
avec la Zarzuela, I Ciinchi, Alpano, dans L'Ombre de
Don Juan, se sont servis, plus ou moins ellicace-
menl, de la mandoline ou de la guitare, pour obte-
nir des elléis de situation scénique; mais, en réalité,
exception laite pour Lea Joyaux df la Madone de
Wolff-Ferhari, ces tenlalives sporadiqnes figurent,
non pas comme élément de giand orchestre, mais
bien comme élément à part.
On ne peui pas dire que le xviii' siècle ait donné
des virtuoses extraorilinaires pour la mandoline, et,
si quelques-uns comme Sobv, Puochktti, Vimercati,
Vailati, snrnomnié I aveugle de Crenia, se sont dis-
tingués des autres, il est certain que les iiisiruments,
d'une conslruclion assez primitive et d'une sonorité
plutôt grêle, dont ils se servaient, ne leur permirent
pas de se montrer dans la plénitude de leur talent.
Mais voici que la fabrication subit peu à peu une
heureuse évolution; Vinaccia de iNaples agrandit le
format de rinslrnnient, et obtient ainsi une sonorité
plus ;.'rande; il allontie également le clavier jusqu'au
la de la septième position.
C'est le système de la mandoline napolitaine, qui
a été adopté et imité ensuite par les piincipaux
liilliiers italiens et étrangers, et qui est encore ac-
tuellement en vogue chez les amateurs.
L'accord est le même que celui du violon, c'est-
à-dire :
TEciiMon:. usTin'niniE ht picnAconih:
LA MANDOLINE 1993
♦
Une heureuse évoluiion nous vini ensiiilo de liorne,
où It'S li'éfes un .>ANiis, Liii^i Kwiieuiuiku, et toule une
pléiade d'eleves revoliil ioridereiil comiilèt^-iiieiit l"arl
de la f.ibiio.ition de la mandoline en coiislruisaiit la
mniidoline roinuine, qui est, de nos jours, considéiée
comme riiistnimeiil des virluo^es.
La principale diirérenoe lechniiiue entre la man-
doline napiililaine et la mandolimt romaine consi-^le
dans le davier i|ui, dans cetie derrdèie, est d'une
octave plus liant ipie celui de la première, plus étroit
et i.'énér.ilement pins élevé du côlé des basses.
Ni on ajoute à cela la qualité du son, tour à tour
d'util' puissance extraordinaire, el il'une douceur
qui rappelle presqun celle du violon dans les phrases
chantantes, on peut, sans crainte d'exagération, esti-
mer que ces t;rands artistes sont couiparahles aux
Amati, aux (îuAUNEiuus et aux Stradivarius, et qu'ils
ont don lé an momie inandolinistique des instru-
ments analoiiiies aux célèbres violons fabriqués par
leurs illuslres ancêtres.
Qu'ici, il me soii permis d'adresser un élose spé-
cial à Luigi KianEHiiiiER, ce grand artiste italien qui
n'a cessé pendant toute son existence de travaillera
l'aniélioralion de la l'ahricalion, et qui, par son taUnl
hors de pair, a puissamment contribué à l'éclat tout
particulier dont jouit la mandoline de nos jours.
Il est en fait qu'au fur el à mesure que les instru-
ments se perlectionnenl, les virtuoses surgissent,
comme |)aienchanleineiit; si le répertoire de la man-
doline nexislait pour ainsi dire pas, il y a quelqire
cinquante ans, aciuellement il est doté d'(Kuvres
d'un intérêt technique et musical incontestable.
Au surplus, la mandoline étant semblable au vio-
lon par l'accord et par l'étendue ne son clavier, une
grande quantité d'œuvres écrites pour le violon s'a-
daptent adiiiiralilement à la mandoline.
D'autre part, urre bonne école peut transformer
un trémolo dur et désagréable en une sonorité velou-
tée presqire susceptible de se confondre avec celle
produite par l'archet le plus habile.
C'est là, d'ailleurs, la spécialité de celte belle école
romaine qui a donné au monde mandolinisliqiie des
Tirtnoses extraordinaires, tels que Conti (père), Car-
RAIIA, MaLDL'RA, Kl ROCl, CuRTl, MoilELLI, HrïRTLICCI,
BraNZOLI, TaRTAGLIA, MAGRlMr, CaLZOLETTI. MiCIOCCHl,
CoNTr (fils), et tant d'auti'es parmi lesquels j'ai quel-
ques droits à me placer aussi; tous, avec les vir-
tuoses venus d'autres villes italiennes, tels que
Rocco et Calage de Maples, GRrMALoi de Bologne,
Léopoido pRAMcrA de Milan, Carlo Mei.nier et Luigi
BrA.NCHi lie Florence, Marcelli Cargano, AiirENZo,
Mi:::zACAr'o, SrtvESTRi, Cottin, ou parmi les jeunes,
Frans de Groodt et César Costrrs d'Anvers, de Bhe-
UACRRR, dk Crerf, Lison, Baumann, Aknauts, Vande-
velde de Bruxelles, Stienon de Liège, et tant d'au-
tres issus de mon école en Belgiqire, ont formé une
foule de concertistes dont les programmes mettraient
à dure épreuve des violonistes de tout premier
ordre.
ORCHESTRE A PLECTRE
Je crois utrie maintenant de consacrer quelques
lignes a la composition instrumentale des orchestres
à plectre et à l'ellicacité de cerlaitrs inslriiments
appartenant à d'autres groupes que ceux qiri, jusqu'à
ces dei-riiers temps, avaient uiiiqrrement constitué
nos ensembles.
11 n'v a pas encore lont-'tenrps qire les Esltidian-
tiudK (c'est de ce nom qu'oir appelle ordinairement
les groupements mandolinistii|iresi se corrr|iosaient
exclirsivement de prerrriéres el secorrdns mandolines,
de mandoles (accordées une octave plirs bas que la
mandoline), et de gnilares: et c'est à chs faibles
movens que les transcri pleurs devaierrt consacrer
toutes les ressources de leur' ingéniosiié, en r-épartis-
sarrt entre ces quatre inslrrrments les ninlliples par-
ties dont se compose généralement un morceau d'une
certaine importance.
Car les compositions originales pour orchestre à
plectre, bien que très nombreuses, nous devons le
constater avec regret, présentent rarement une réelle
val eirr musicale; desorleque, de rrrêrneque le soliste,
pour des raisons analogues, doit puiser dans le réper-
lorre dir violon, de même, nos :;roupemenls sont
obligés de se former un répertoire air moyen de
morceaux écrits à l'origine pour l'orchestre sympho-
nique pouvant s'adapter au car actère de nos instru-
meits.
C'est ainsi que, dés le premier concours organisé
eir Italie, en 1892, dans la ville de Cènes, un groupe
de mandolinistes romains se préseiila haidiment
avec l'orrverture de Zam/.a d'HÉROLD.
C'était là un fait nouveau, car, jusqu'à ce moment,
le répertoire des Estudiantinas se linritait à des mor-
ceaux de moindre importance. Le succès éclatant
que remporta ce groupe, en gagnant d'ailleurs la
médaille d'or el les félrcitations du jiirv dont taisait
partie l'illustre violoniste Caniillo SivoRi, encouragea
les mandolinistes à élargir les moyens dont ils dis-
posaient.
C'est vers cette époque qn'EuRKnGHFn lit un pre-
mier essai de luth à cinq cordes doubles, mi, la, ré,
sol, do :
m
f
^
i^
qui, tout en ayant l'avantage de réunir en un même
instrument une maïutole et un rello, à l'instar des
luths anciens, était d'un maniement assez ingrat à
cause de la largeur du manche. I>e là, son idée de
créer la m.an<loliula et le mundoloncello, ayant la
mèuie tessiture que l'alto el le violoncelle.
C'esl en 1897 (pie se lit entendre à Borne, pour la
première fois, le nouveau quatuor a|)pelé " classi-
que », et qui était composé de deux mandolines
(pr'emiere el seconde), mandoliola et mandotoncello.
Ces deux nouveaux instruments furent adoptés par
les EitiiUidiitiiia^, el le désir- de se corisacrei' à un
genre de musique plus relevé, fit que la nrusique
classique devint le répertoire courant des meilleurs
orchestres italiens et étrangers.
ViNACGiA, de son côlé, fabriqua le quarlini accordé
une quarte plus haut que la mandoline, de même
qu'EMBERGHER introduisait le lerzini, plus haut d'une
tierce.
Ces deux instruments, qui jouent le rôle de flûte, à
cause de leur sonorité aiguë, sont, au point de vue
pratrque, d'une utilité relative, car le clavier de la
mandoline étant actuellement aussi étendu que celui
1994
ENCYCl.orÈlHE DE LA lUlSK^tlJE ET DICTION NAIHE DU CONSEHVATOI RE
du violon, l'emploi <le ces instniniHiils est, pour ainsi
dire, nul, d'aulanl qu'ils ne possèdent pas une sono-
rité qui puisse servir à des ettels d'opposition.
Malji^ré les progrès réalisés, une grande lacune
restait à combler, celle de la création d'un instru-
ment capable de fairn fonction de contrebasse. En
ell'et, au fur et à mesure que les orchestres abor-
daient des morceaux de plus en plus importants, la
faiblesse des instruments graves se faisait sentir,
surtout si l'on considpre que les quatrièmes cordes
du mnndoloncello n'ont pas une puissance de sono-
rité proportionnée à celle des autres cordes.
Deux fabricants tentèrent alors des elforts certai-
nement louables, mais qui, à mon avis, n'ont pas
donné de résultat délinilif.
Je veux parler ici de Monzino de Milan, qui, en
1890, inventa Varcichilarra, comme plus communé-
ment sous le nom de cliitarroiv ; celle-ci, tout en
ayant l'accoid de la contrebasse à archet, est en
réalité un instrument qui doit se jouer en pizzicato,
à moins d'essayer île réaliser la noie tenue par un
trémolo lait alternativement avec l'index et le médius
de la main droite, selon le système employé pour la
guitare; mais Vurcichitarra est loin de pouvoir sou-
tenir toute une masse orchestrale, surtout actuelle-
ment, où cerlaiiies EstttdiaiUinas comptent jusqu'à
quatre-vingts exécutants.
En outre, cet instrument, qui peut être d'une
certaine eflicacilé dans des notes tenues exécutées
en pidnissimo, ou dans des passages détachés lents,
devient d'un rendement presque nul lorsqu'il s'agit
d'un fortissimo, ou d'un passage rapide.
Plus heureux fut Vinaccia de Naples, avec le man-
dotone, qui est une sorte de sous-basse du mandoton-
celto, et dont l'accord est do, sol, ré, la :
■y I J ^ r
avec, comme ell'et réel :
m
f
Mais ici également, si l'instrument peut être utile
dans un orchestre à plectre, en ce sens qu'il peut
aider le mandoloncello, surtout dans les notes graves,
c'est un tort de le considérer comme la contrebasse
de VEstudiantina, parce que, tout d'abord, il lui
manque une quarte dans les notes basses, et qu'en
second lieu, de même que pour le cello et la mai(-
dole, la quatrième corde ne possède pas une sonorité
comparable à celle des autres cordes.
En outre, en raison de sa structure et de la posi-
tion qu'on doit employer pour l'exécution, l'instru-
ment étantassez diflicile à manier, il est évident que
maint passage de technique de contrebasse, même
si la tessiture le permet, ne jsera pas exécutable
dans le mouvement réel, et cela, malgré l'habileté
de l'exécutant.
C'est pour ces différentes raisons que de nombreux
orchestres, parmi les meilleurs d'Ilalie et même de
l'étranger, se sont décidés à employer la contrebasse
à archet.
Si, d'abord, on s'était contenté de la jouer unique-
ment en pizzicato, ce qui réduisait son rôle à celui
du ckitarrone, et ce^qui, par suite, l'entrainait aux
mêmes défauts, on a lini par rompre avec les vieux
préjugés, et nomlireux sont les orchestres inando-
linisliques qui emploient la contrebasse à archet sans
restriction aucune.
Cette intrusion, comme certains l'appellent, a déjà
fait couler beaucoup d'encre, avec plus ou moins
d'exagération et, le plus souvent, d'incompétence.
Qu'il me soit permis ici de dire que, si l'orchestre
à plectre possédait un instrument capable de rem-
placer eflicacenient la contrebasse à archet, il ne
serait cerles venu à l'idée de personne il'iiitroiluire
un instrument à archet parmi les instiumenis à
plectre, quoique, de tout temps, on ait assimilé les
plectres aux archets; de plus, les mandolinisles
demandent pourquoi ils devraient se priver d'un
instr umeni qui est la base typique de n'importe quel
groupeineiit musical, et dont se servent même les
haimonies et les fanfares, qui en ont certainement
moins besoin qu'eux.
Une catégorie de parties doul on ne se sert pas
assez est, à mon avis, celle de troisième mandoline.
Cette partie, à laquelle on pourrait donner le nom
d'harmonie, peut rendre un service énorme pour
produire un elTet de tittti, ce qui s'obtient à l'or-
chestre par' l'entrée des hautbois, tliHes, clarinettes,
basse us, eu ivres, etc. Dans un orchestre mandolistique,
on pourra obtenir un elfet comparable (toule propor-
tion gardée) par l'entrée des troisièmes mandolines,
secondes mandoles, guitares, timbales, etc.
Par des notes tenues, les troisièmes mandolines
pouri'ont être dune gi-ande ulilrté pour soutenir des
traits d'agilité exécutés par les premières et deuxiè-
mes mandolines.
Si, comme je l'ai dit précédemment, les œuvres
écrites pour orchestre à plectre, et qui présentent
un intérêt musical digne de la valeur inconteslable
de niaini groupement moderne, sont plutôt rares,
je suis heureux de signaler toutefois quelipies coin-
posileurs qui, par leur talent et leur compétence
lecliriique de l'iuslrument, ont produit des œuvres
tout à fait recommarrdables.
Je citerai ici Carlo Munier, auteur de plusieurs
quatuorset pièces de concert pour mandoline, dont
la musique, si elle n'est pas toujours absolument
distinguée, est toutefois bien écrite pour l'instrument
et de grand elîet. En outre, on ne peut pas lui enle-
ver le mérite d'avoir été peut-être le premier à com-
prendre que la musique de mandoline devail s'élever
au-dessus des vulgaires valses, sérénades et marches
dont était infestée, il y a trenle ou quarante ans, la
littérature mandolinistiqiie; son œuvre n'a pas peu
contribué à développer chez les mandolinistes le
désir- d'élever l'instrumenl à un niveau d'art qui au-
rait pu paiaitre inaccessible jusque-là.
Nous avons également Arnedeo AiiABEr, dont la
musique line, élégante, d'une mélodie et d'une fac-
ture toujours distrnguées, est très appréciée par le
inonde mandolinislique. La Suite Marinarescu, en
quatre parties, œuvre primée, est vraiment déli-
cieuse.
Mario MAcioccHr est également un des composi-
teurs les plus féconds de l'école moderne.
Ses innombrables œuvres pour orcheslre à plectre
sont sur tous les pupitres, et l'on peut dire que cet
artiste de talent a, depuis plus de virrgt ans, beau-
coup contribué au développemerrt de l'art maruloli-
nistique et par ses œuvres, et par l'activité déployée
avec son jourrral L' Estudùintina, qu'il fonda à Paris
en 1906; ce journal est actuellement l'organe qui
TEC/INIQUE, ESTHÉTIQUE ET l'ËDAGnCIE
LA MANDOLINE lySfi
relie les sociétés inandolinisliques du monde eiilier-
Je puis éf,'aleinent citer S. Falbo, auteur d'une très
"belle suite eu quatre parties, Spngna, d'uue facture
très moderne, mais dont la lecliniqiie n'est mallieu-
reusenient pas toujours bien appropriée aux plectres;
•Giuseppe Milanesi, H. Gouard, N. Lavdas, Mellana
•VOGT, U. UOTIACHIARI, Ezio KeDEGHIERI, A. CAlJPiaLETTl,
G. Cannas, J.-|{. Kor, (jargano. Amoroso, et tant d'au-
tres aulcurs féconds, auxquels j'ajoute modestement
mon nom comme auteur d'un Concerto en ré majeur
pour mandoline et orchestre ou piano, de Souvenir
de Varsovie, d'une Fantaisie originale, de Canto d'Es-
tate pour mandoline seule, et de mainte autre pièce,
ainsi que d'une méthode, L'Art de la mandoline.
TECHNIQUE ET PÉDAGOGIE
Une des lacunes les plus déplorables de l'ensei-
gnement de la mandoline c'est, qu'à rencontre des
autres instiuments, il n'existait anciennement aucune
véritable école servant de base au développement
de la li'clinique de cet instrument.
Chaque exécutant jouait un peu comme bon lui
semblait et, disons-le franchement, le plus souvent
en dépit du bon sens, à rencontre des principes les
•plus élémentaires de l'expression musicale.
C'est, d'aillenis, la raison principale pour laquelle
l'instrument, qui a joui de tout temps d'une popula-
rité indiscutable, a cependant été renié jusqu'à nos
■jours et même dénii.'ré par des musiciens de valeur,
ainsi que par les amateurs de bonne musique; tous
m; voyaient dans la mandoline qu'un instrument
inapte à rendre la pensée musicale.
Fort heureusement, comme je l'ai dit précédem-
ment, depuis quelques années, j^ràce aux progrès
réalisés par les facteurs, et, par conséquent par les
exécutants, la technique de la mandoline, si l'on en
juf;e par les programmes des orchestres et des so-
listes qu'il nous est donné d'entendre, peut être con-
sidérée comme arrivée, à l'instar de celle des autres
instruments, au point culminant de son développe-
ment.
Les maîtres ont fait école, et celui qui veut obtenir
actuellement un résultat satisfaisant ne manque ni
de bons exemples, ni des movens indispensables.
Toutefois, sachant combien les bons principes
peuvent avoir une importance capitale pour l'étuJe
de la mandoline, je terminerai cet exposé en énon-
çant quelques règles tirées de ma méthode L'Art de
la mandoline, règles qui constitueront les éléments
aptes à Ibrmer des mandolinistes d'un talent com-
parable à celui de tous autres instrumentistes.
Le plectre. — Pour obtenir une belle sonorité, il
faut, avant tout, savoir
choisir un bon plectre,
qu'on appelle aussi mèdia-
tor ou encore plume. Les
meilleurs plectres sont
ceux d'écaillé ayant une
des formes ci-contre.
Au début, il sera préfé-
rable que l'élève se serve
d'un plectre assez flexible.
Il évitera, de la sorte, de
rencontrer une certaine
difficulté en apprenant le
trémolo.
FiG. 1027. — Tenue de la mandoline.
FiG. 1026. — Le plectre.
Toutefois, lorsque le poignet aura acquis un cer-
tain degré de souplesse, l'élève pourra se servir d'un
plectre un peu plus dur, et obtenir ainsi une sonorité
plus grande et plus agréable.
Tenue de la mandoline. — La position assise est la
position préférable, car elle donne plus de stabilité
à linstrumenl. Le haut du corps devra être dans sa
position naturelle,
sans que le dos soit
courbé. La jambe
droite doit être croi-
sée sur la jambe gau-
che, ou bien reposer
sur un tabouret haut
de quinze à vingt
centimètres environ.
Le côté droit de la
caisse doit s'appuyer
sur la cuisse droite,
et le côté gauche
contre la poitrine,
l'avant-bias droit et
la main gauche devront assurer à la mandoline une
stabilité complète.
L'élève porlei-a son attention à bien obtenir ces ré-
sultats, parce qu'autrement, il no pourra jamais avoir
un jeu sûr, notamment en passant d'une position à
l'autre.
La table d'harmonie doit être inclinée aux trois
quarts vers la jambe droite.
Tenue du plectre. — Le phctre sera tenu entre le
bout de l'index et la première phalange du pouce,
de façon que le pouce dépasse
l'index d un centimètre envi-
ron. L'index doit être courbé,
afin de ne pas exercer de pres-
sion sur le plectre, et le pouce
sera allongé pour la même
raison. Les autres doigts doi-
vent prendre la même position
courbée que l'index.
Le bout du médius reposera
sur la première phalange de
l'index; celui de l'annulaire
sur la première phalange du
médius, et tinalement, l'auri-
culaire, étant plus court que
les autres, reposera sur le
milieu de la deuxième phalange de l'annulaire.
Ainsi que je l'ai fait remarquer pour le pouce et
l'index, il faut éviter toute pression des autres doigts,
condition essentielle si l'on veut obtenir une belle
sonorité.
Le plectre doit pouvoir osciller librement, et con-
server toujours la plus grande élasticité.
En jouant, il devra former un angle droit avec les
cordes. 11 est absolument nécessaire d'attaquer les
cordes par le côté plat du plectre.
Le bras droit. — L'avant-bras droit se placera un
peu à gauche des cordes, de façon qu'en jouant sur
la corde du sol, le plectre reste à plat et n'attaque
pas la corde de biais.
Ainsi que pour les autres instruments à cordes,
un des plus grands défauts de l'élève est de prendre
l'habitude de jouer du bras.
Dès le commencement de ses études, l'élève devra
FiG. 1028.
Tenue du plectre.
1996
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DfCI/oyiVAinE DU COSSEUVATOIliE
al.soliiment pii^Ler la pUis gramie ailenhoii a ce que
l'avant-brus droit reste imiuoliile, en laissant agir le
poignet avec souplesse et sans raideur.
Fi6. 10^9 — Pcisition du bras droit.
Le bras gauche. — Le bras pauche doit rester ap-
puyé coiiire le coips, de façon à iloimer à la main
une position naiinelle. Il doit élever le manclie de
la mandoline à peu piès à la hauteur de l'épaule
Fis. 1030. — Position de la main gauche.
gauche et éloigné de celle-ci de vinf»t-cinq centimètres
environ.
Du doigté. — La main gauche soutiendra le manche
de la inaudoline sans le seirer entre la première
phalange du pouce et la troisième de l'index. 11 laut
empêcher que le manche touche la partie de la main
qui |oint le pouce à l'inde-f. On doit laisser là un
petit espace vide.
L'elHve df-vra tenir la panme de la main dans une
position naturelle, sans la rapprocher ni l'éloigner
du manche, et sans raidir le poignet.
On aura toujours soin de faire tomber le bout des
doij;ts sur la louche comme de petits marteaux frap-
pant perpendiculairement les cordes, mais de telle
sorte qne le milieu de l'exirémilé de chaque doi;;t
touche ces dernières avec une certaine pression élas-
tique; on veillera à ne jamais étendre les doigts sur
les coides.
H est nécessaire que les doigts se trouvent cons-
laniinent maintenus en ligne au-dessns du clavier.
Il est également nécessaire que le doi^t qui vient
de faire une note ne la quilte pas penilant que le
suivant en fait une autre. Pour obtenir une sonorité
pure, les doigts iloivent s'appuyer assez fortement
emre les deu.x touches, au milieu de la case. Le pouce
n'a pas d'emploi dans l'exécution, et l'on aura soin
de le tenir toujours bien droit.
Conclusion. — La conclusion que nous pouvons
tiienle l'exposé qui précède sera plutôt un vœu en
faveur de l'extensioir de la mandoline, et surtout en
faveur de son élude.
Ici, une grande lacune serait à combler, en ce sens
qu'il faudrait que SOI) enseijjneinent lit parlie de l'en-
seignement instrumental des Conservatoires, car, du
fait que tous les éléments en sont aujourd'hui com-
plètement mis au point, il n'y a pas de raison pour
que cet instrumeni, digne de bien d'autres à plusieurs
titres, soit exclu des grandes écoles de musique. La
suppression de cette exclusion serait non seulement
la consécration définitive qui lui revient, j'oserai dire
de plein droit, mais aussi un bienfait pour ceux
qui veulent, au même titre que tous autres élèves
musiciens, pousser l'étude de la mandolineà un point
de perfectionnement tel que celle-ci ligure dignement
dans la phalange des instruments d'élite.
SiLvio RAMEIU.
LA GUITARE
Par Emilio PUJOL
APERÇU HISTORIQUE ET CRITIQUE DES ORIGINES
ET DE LÉVOLUTION DE L'INSTRUMENT
L'homne porle en lui-même
le principe de ses chants...
FÉTIS.
1,'univers étant vibration, la nalure porte en elle-
les principes de la musique instiuiiieiitale.
L'arc fie nos priiiiitils ancèlres fut penl-êlte plus
qu'un instrument 'le chasse et île comliat, sa corde,
une lois mise en vibration, porlani en elle la fjenèse
des instruments à cordns pincées. I, instinct auditil
humain, devenu plus tard senlimniit esthétique,
créa sur ces données enibryoïiiialres des principes
de musique iiislrumeiitale.
\,ps diversi's mvlholo'.'ies trouvent les ori).;ines de
la lyre dans Hermès pour les Tirées, dans Thoth-Tris-
iiÉGisTE pour les Ef^yptiens, et dans Jlbal pour les Hé-
breux. Ainsi, l'arc de Diane chasseresse crée le mo-
nocorde cher à Apollon.
D'après VOdys>ée, Ulysse s'exerçait à l'arc devant
les prétendants de Pénélope. La corde, pincée de sa
main droile, produisit un son vibrant et clair, « tel
la voix d'un oiseau ».
Mais lai.-^sons ces mythes aimables.
Sappiivant sur d'inconleslabips données scienti-
fiques, l'histoire enseif,'ne que les insiruments à
cordes pincées, connus dans le fond des plus loin-
taines civilisations de l'Orient, apparliennenl, à dfux
familles principales : il y a ceM.\ dont les cordes
vibrent librement dans toute leur loiij-'uenr, et ceux
dont la Inn^iueur des cordes e«t susceptible de rac-
courcissement par la pression des doiyts sur un
manche.
Les instruments du premier groupe ont un nombre
de cordes variant de trois à onze au |ilus. Ils sont
généralement reproduits sui' les scrrlptrrres et bas-
reliefs assyriens, égyptiens', représentant des scènes
FiG. 1031. — Ghelys Testudo-Lyre, v» siècle Fio. 1032. — l.yie du vs siècle Fio. 10 3. — r.vre d'Apollon,
av. J.-C. British Muséum. av. J.-C. British Muséum. .Mus6e Borboiiico, Naples.
(The Precarsors ot the liolin famity, K. rScnLEsiN(;r:R. — William Reeves, à Londres.)
1. Fétis. Histoire rli' la Musifjiii'.
Les caplifs de Mesopiiiaraie porrant des cithares, appartiennent à
une époque antérieure a tnute diM-umentarion sur l'Iiistuire de ia
musique. Mais re genre d'instruments à cordes est très dirFerent de
ceui qui sont représentes sur les antres monuments de l'iigyide.
Parmi le; innombrables représenLalioni d'instruruents qu'on y voit, il
en e-t qui apparlienoent à la civilisation (iropie de l'Egypte, mais il
en e*t <l'autres où l'on reconnaît dans la forme une origine 6tran?ère,
et que la conquête introduisit dans te pays.
199S
EXCYCLOPÈniE DE LA MVSIQVE ET DICTIOXXAIRË Di: CnySERVATOIRE
musicales, ainsi que la lyre ancienne, kithare égyp-
tienne, chclharali dus Chakléens ou ketkurah assy-
Fifi. 1034. — Primilive Kelharah asiajique.
Boita, lHointmfiils île M'ive, vol. II. pi. 162.
{The Precurxorn of the rioliii fttniî/r/, K. St'.HLKSiNfiKR.)
rienne (semblable à la peclis ou magadin, devenue
kilhara des Grecs en passant
par la Thrace , ainsi que le
tanhotira, le kinnor et le nable
des Hébren.x, le Irigonon el la
sambiike des Syriens, la cithare,
la rottp, le psallérion des lio-
niains, et une grande diversité
de harpes de taille et de mon-
ture variées.
Ces instruments élaient mis
en vibration de deux manière.<i,
soit par l'impulsion des doigts,
soit au moyen d'un pb'ctre.
FiG. 1035. — Cithare. Dans les instruments du se-
^°"",V?'",r" '■"'"'îf cond tvpe ligurenl le mono-
lano. {Tke l'renirsars of , T „
ihe rinlin fctmUy . V.. Corde, le ne/^e»- que Champollion
ScHi.EsiNGER.) appelle luth, ou guitare, puis
le ncbel phénicien à deux cor-
des, le tanhoiira assyrien et la ih lys des Hébreu.x.
Au moyen âge, on trouve la kiiitra et Veoud des
FiG. 1036. — Nefer égyptien. Champollion, tome II, pi. cvii.
(Tlie frecursors of the vioUii fiimily, Iv. Schlesinger.)
Arabes, plus lard, le théorbe, l'archilulli, la man-
dore, puis la vihuela, la guitare, et liualement tous
les iiislrumeuls modernes à archet.
Les inslnimenls à mancheappart^uanl à la famille
de la guitare apparaissent souvent sur les inscrip-
tions égyptiennes de l'Ancien Empire ', mais certains
FiG. 1037. — Ancienne suitare égyptienne, 1700 à 1200
av. J.-C, Voyatie in Emipl, Denon, Lnndon, IS07, pi. 55.
[The yrecuTfiora of the vioiin fumity, K. .Schlesinger.)
historiens leur attribuent une orisine chaldéo-assy-
rieniie, étant donnée l'influence qu'ils exercèrent
sur les au très peu pies de l'Asie Mineure et de l'Egypte.
Le musée de Leyde possède un bas-relief, tiré de
la tombe du roi de l'hèbes, représentant un instru-
ment dont les incurvations e.^térieures ressemblent
à celles de la guitare (.3762-3703 av. J.-C). Il existe
aus«i un bas-relief hittite d'EuyuU, en Cappadoce,
remontant à 1000 ans avant Jésus-Christ. Il y est
ligure un instrument de l'ancienne Egypte semblable
à la guitare par sa forme, avec éclisses, et manche
muni de touches.
La plupart des musicologues bssent leurs convie-
lions à l'égard de l'origine île la guitare sur deux
hy[iothèses principales : selon la première, la guitare
serait un instrument original, créé de toutes pièces
ou dérivé du luth chaldèo-assyrien qui, passant par
la Perse et l'Arabin, conquit l'Europe el se ,ti.\a spé-
cialement en Espagne sous la domination des Mau-
res de 71 1 à 1469-.
La deu-xiéme hypothèse, sans intirmerla première,
attribue à la guitare d'autres précédents historiques.
Elle dériveiait de la cithare romaine d'orif^ine assy-
rienne et {.Tecque, et aurait été importée en lispat;ne
avant l'invasion musulmane, sous le nom de /idiculd''.
Celte théorie, énergiquenient défendue par Kalh-
leen Schlesingkr dansson ouvrage : histraments of
1. Dans Rambusson, L''S Bnrmonies du son et l'Histoire des instru-
ments de imisiguf't Pirrairi-Didol el C'*. P;*ris, I87S, nous lisons : o On
en Irnuvc la li^iire sur des monuments ^uyi'lietis. Plusieurs voient
dans le kinnor d -s Hébreux une es|.ècc de guit.ire. »
i. Hugn RiKMAN.v, Dietioimaire de Musique.
Jacquot, Dictionnaire pratique et raisonné des instruments de
musique.
Soranio Fcert>s, Bistoria de la musica espanola^ vol. IV, chaj».
xxvni, p. I9S à 217.
Maria- Kita Brondi, // Liutu e la Chitnrra.
3. K»ii»o5su!i, Op. rit.
Grillet. L^s .Ancêtres du violon.
Silvador ll*r»iEi., f-a .iJusii/ue arabe.
■ ScHLESt-vGUR, Tke Instruments of the modem orchestn-.
TEciiyiQim, EsriiÉTiQiE HT Pi:/).i(i()r,fE
LA GUITARE 1999
the mudein orchestre ainl rai li/ reconls 0/ tlie prectn
.aHm-IAM IMlia CU(»,llHillS.HHrACIiM.'l R ICJ-^BIIOV^ClMy,
F16. Iû:t8. — Psautier d'Ulrecht, ixi^ siècle. Reproduil du fac-
similé autotype qui se trouve au Biitish Muséum [Tlie Precur-
sorx of Ihe riulin familij, K. Scbli singi-r).
iom of the violin /((Hu/(/, s".i[ipuie sur raulorilé d'un
iiianusciil unique, le Psautier d'I'trecht, chaque
psaume y étanl agrémenté par de remarquables illus.
Irations et dessins à la plume et à l'encre de Chiue-
1, 'évolution delà cilliaie, devenant guitare en pas-
sant par la lotte, s'y dé-
mentie dans ses moilili-
catioiis successives-.
Fis. 1039. — Cilhare
ou rotta du xiv' siècle
(Bitil. royale, Dresde).
y^^MJû
FiG. 1041). — Cilhare ou rotta
à ses premiers
stades.
FiG. 10'42. — Cilhare comme
l'antérieure, ditîérant de la
rolla par les incurvations exté-
rieures et par la base soute-
nant les cordes.
FiG. 1043. — Cithare
à laquelle
on ;i ajouté un manche
(deuxième transition).
FiG. lOS 1. — Cithareaiuleuxième
slade. Kile comporte un man-
che démesurément long, troir
cordes et trois chevilles.
FiG. 1045. — David avec une cithare
au deuxième stade, un psalteiium
et une longue épée. I.a cithare,
ici, est munie du chevalet, d'une
queue, et de trois chevilles.
Fia 1016. — Cithare au troi-
sième stade vue de dos. .'^es
incurvations se rapprochent
de celle'! de la vielle du
xin*' siècle.
FiG. 1047. — Cithare
au iroisième
stade,
jouée en position
horizont.ile.
FiG. 1048. — Cilhare
avec touches
ou cases.
D'après la théorie de K. Schlksinger, la généalogie
de la guitare se trouveiait comprise entre la kithara
égyptienne, son aïeule, et d'ullétieurs instruments à
cordes dont elle serait le précurseur.
Tableau sjiiopliqiio.
KITHARA EGYPTIENNE
KETHAKAH ASSYRIF.NNE
CITHARE ORKCQUE
Vihuela à archet.
Viole.
violon.
fVuitare latine,
vihuela à main.
Guitare espagnole.
cithabe romaine oc fidiccla.
Cithare fn transition oo rotte.
Vihuela îi plectre.
Laud.
Bandurria.
Kithara persane et arabe.
KiNNOB.
I
Kuitra mauresque.
Guitra ou kuitra.
Guitare mauresque.
1. Fdilé par William Reeves, Londres (Bil)l. du British Muséum). | fnrt ancien qui aur.ul driniip, à force de perfectioonenieii Is, la guitare
2. D'après Jacqoot, ce serait un instrument d'origine ori. nlale et | moderne. 11 dérivait de la cilhare el de la rotte.
2000
ESCrCUtPEDIE DE LA MUSIQUE ET DICrin\SMnE DU COSSEliVATOIHE
K.tyinoloiji'liieniPiil, le mot yuitare dérive de ci-
thara ou /£!(//aru.- il devi.'iil te^/iora/t en assyrien, c/(e-
Ihiriiken clial.lc'eii, kuitra>tu quUni chez les Aiabes.
En Krance, lu «Hilare suiM'fla au moyen àt/e giiiiteie,
guileinc, (/uhVernH, gnilurne, gni^tenif elguistarne;
en llalie, elle s'iipi'e"'' cliilurra; en Angleterre et an
DaneiiiaiU,yui7a/;pn Allpma;;ne,9«Va)-'e;en Ksfiayne,
gidlarni; eu Hollande, <4laar: eu Suède, guilarr; eu
Russie, en l'ulo-neeten Serbie, (/i^'ini; en 13oliênie et
eu Tscliécoslovaquie, kilarn.
I,es traces de la tiuitare proprement dite n'appa-
raissent pas avant les miniatures du célèbie manus-
crit esp.i:;nol du xni" siècle, Caiitiga>i de S'inla Marin,
attribué au roi Alphonse X le Nage l Bibliothèque de
riiscuiial, J, 6, 2i, les luiuiatuies, soigneusement des-
sinées, déterminent la l'orme de la yuilare mau:es-
que et de la «uilare latine auxquelles (ait allusion
Juan Ituiz, archipiétre de Hita au xir' siècle, dans
son Libro d I Bnen Amor. Au même siècle, elle est
éfialenient citée par (uiiliaume de Machailt dans Le
Temps Pailuiir :
Là je vis tout en un cerne
Viole, rubabe giiitenie...
Dans la Prise d'Alexnndrv-:
Oi'iîups, viriles, micamon,
Rulipbc? l't psallérion,
Li'iis, morarhi's et giiUernes
Doiil on joue par ces tavernes.
El aussi par Eiistache Heschamps dans cette ballade :
Plourez, harpes et cars sarrazinois,
La mnri rruiohaull la noble rélborique
KubébL-s. leulhs, vielle, syphonie,
Paalti'Tions. tous in^lriunents coys,
Rothes, (iiiileriie. flausLes, chaleniie
Traversaincs et vnus nympbes de boys
TiiTipane aussi ineltez en œuvre dois;
Kt Icrhoro n'y ail nul iiui le réidiijue
Faicles devoir plourez, gentils galois
La m'irt iiiachaiill la noble rétborique.
La giiitaie mauresque a une caisse de résonance
ovale et le fond convexe (demi-poire) comme les
instruments dérivés du luth; un manche long, et à
l'exlremilé opposée
de la cai^se de réso-
nance, une pièce en
forme de demi-lune
où s'amorcent Irois
COI des I La caisse de
la fjuitare latine pié-
sente des inrurva-
lioiis latérales (en
lorme de 8), une ta-
ble d'harmonie plaie
et un fond plat èga-
leineiil uniseiitieeiix
par ces incurvations;
son manche est
moins long et porte
quatre rangs de cor-
des.
Dans la strophe
12.t1 du Libro del
Bu n Amor de l'ar-
chiprêtre de Hita, on
lit :
Fn-. 1050. — Ouilare latine
du uiême manuscrit, xni" siècle
FiG 104U. — Guitare mauresque. Canlinan île Saiila Maria,
XIII' siècle (Bibl. de l'Escurial).
Alli sale gritando la puitarra morisca
De las boces a^ud 1 é de l'ts punies arisca
Kt corpudu laud que tyene piiiilo à la trisca
I^a ^'uilarra latyna con esos se aprisca.
De la subtilité qui caractérise l'esprit de ce poète,
considéré en Espa!.'ne comme le (ireuiier éci ivain de
son époque, ou déduit que la guitare mauresque avait
unesiinoiilé ciiarde et rebelle aux points (notes).
On psut aisément concluii^ i|u'elle était jouée, non
pas " punleada » (note par noie), ranis « rasgueada »
(en arpégeant d'un seul Irait toutes les cordes avec
le dos des doigts).
Aravi^o non quière la vihueta de arco
Giaronia, guitai-ra, non son dé aqueste marco.
C'est pourquoi la pjuitare (latine sans doute), par
oppo'iilion à la précédente, ne se piélail au f^oiU
musical du pmiple arabe ni par la disposilion de ses
cordes, ni par sa sonorité intime, ni par l'usage
qu'on en lais.iil .
Ces déductions permettent de croire que la théo-
rie de K. SciiLK-iNc.EB, partagée aussi par d'auires
auteurs, a toute l'apparence d'un lugement sfir, et
que l'existence simullanee de deux aspects dans la
;.'uitare depuis le moyen à^ie, l'un populaire, l'autre
musical, s'adapte bien à la supposition d'une }.'ui-
tare d'orijiine arabe et d'une autre d origine gréco-
romaine.
Guitare et vihnela.
D'après le livre Declaracion de fnsirumenlos du
P. Juan Bkrmi:do lOssuna, 1. H ">.'))■■', la guitare ne porte
plus au xvi" siècle l'épitbèle de inaiircs(jtie ou de
iaii'ie; elle est siiuplemeut appelée guitare.
Sa forme est celle de la guilaie laline des Cmiti-
gas. comportani quatre rangs de cordes doubles, sauf
le premier rany, dont la corde est «énéi aleiiienl
simple, plus dix touches formées par d'autres bonis
de cordes de boyau enroulés autour du manche aux
1. Jiitian RioicRA, La Mu.sica ilr las Canti^as, I^ladrid, Real Arade*
mia Espaiiola.
i. Bibl, Nat., Ms.,V. 601.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA GUITARE 2001
FiG. 1051.
distances cnrrespondanles, pour produire les notes '.
Certains iiisiruiiienlistes la lOiiaient en pinçant, tuais
elle étail principalement réservée à la musique " frap-
pée » (rasgueuda) servant au
peuple pour acconipapner ses
danses et ses vieilles romances.
Salvador Danikl^, décrivant
<• la guitare de Tunis n, que les
Maures appellent kuilra. atllrme
qu'elle avait le fond convexe et
qu'elle comportait trois rangs de
cordes. Puis elle adopta (on ne
sait quand) le fond plal, et acquit
une corde de plus. D'insuflisanls
détails dans sa description em-
pêchent de l'assimiler a la gui-
tare déciite par le Père Beumudo :
mais on peut supposer que le
contacl de plusieurs siècles entre
Aialies el Espagnols (Mozarabes)
mélangea les caractères distiiic-
tils des instruments comme ceux
des autres arts. Si les Espagnols
« s'aiabisérent » au contact des
Maures, ceux-ci subirent l'in-
fluence européenne et surent
adapler leur goût à la l'orme et
à la ."onoiité des instruments
espagnols.
Ce progrés du peuple se refléta chez les musiciens.
Le luth, primitivement à quatre cordes, en prit une
Ciiu|uieme en Espagne pour se perfectionner en
Europe. L'mfluence exercée par la civilisation arabe
sur la musique européenne devait avoir une réper-
cussion sur les inslruraents de l'époque; c'est amsi
que la vihnela ou vhjola comporte une disposition
de rangs, techniquement égale à celle du luth, sans
renoncer en essence au caractère latin.
La vihuela n'est qu'une guitare plus grande dans
sa taille, sonorilé et étendue. Hermudo dit : « Si vous
voulez transformer une vihaelu en tiuitaie, enlevez-
lui la première et la sixième corde, les restantes sont
celles de la guitare. Pour transformer une guiiare
en vihuela, ajoutez-y une sixième et une première
corde. "
- Le nom vihuela esl la coiruption du nom fidicula,
fithek, vigola, xihwla, vielle, viol et, selon saim Isi-
dore, équivaut h cithare (Voir son Etymoloyiarinm,
livre III, chap. xxi). Trois genres de vihuela existaient
à la même époque : à main, à archet et à plectre, se-
lon qu'on les louchait avec les doigts, avec un archet
ou avec un plectre.
Il y eut simultanément une grande variété de vi-
huelas à main : la vihuela commune comportait six
doubles cordes en boyau et dix touches. On l'accor-
dait par quartes en deux groupes de trois rangs à
une distance de tierce majeure. En voici la disposi-
tion ;
€ofdiS:vi« v rv» m"
STT^ 1; ©-
m
Le Père Bermcdo (livre IV, chap. xiii décrit aussi
1. Aq Musée de Vicli (Espagne), on peut voir une vieille guitare à
quatre rangs de cordt's avec dix louches formées par ties cordes de
boyau.
î. Salvador Daniel, La Musique arabe.
une vihurla à sept rangs, avec une corde au-dessus
9"
t r^ »r » ï ''f I E 1 "*
Atp*5<>tr*3o
f l/iU}CL£ÏC^ISf
Fio. 1052. — Vihuela de Bermddo
et division de son manche.
de la première, c'esl-à-dire ayant un rang de plus
dans le registre aigu que la vihuela commune. Son
accotd est :
Cordes: vn« vi« v« iv»
& —
m
é
JB' W
Il cite encore une autre vihuela employée en Italie,
qui a six rangs de cordes, mais avec l'accord suivant
(livre IV, chap. .xxx) :
Cordes: VI' v iv« ™'
m
c'est-à-dire qu'on augmente d'un demi-ton la distance
entre le 4' el le 3» rang, et qu'on diminue d'autant
la distance entre le 3" et le second.
Dans la guitare, la disposition des cordes du
grave à l'aigu correspondait aux intervalles suivants :
Cordes: TV» m* n' v
Cet accord, le plus courant, était appelé a lus
nuevos o a los altos (nouvelle façon), et celui-ci :
Cordes: iv" m» n" i-
m
rrc
a los vii-jos o a los bajos (vieille façon). Ce dernier,
dit Bermudo, s'emploie plus spécialement dans les
vieilles romances et dans la musique frappée que
dans la musique de son époque : la bonne musique
pour guitare devait être chilt'rée dans la nouvelle
façon.
126
2002 ENCYCLOFÈIHE DE LA MUSIQI E ET DfCTIO.V.VAlHE DU CONSEHVATOIBE
En même temps que la guiiaie à quatre cordes, il
en est (iécril une aulre ^ cinq cnmporlanl une coiiie
supplémentaire à i'aij^u, à distance de quarte, que
l'ou nomme première dans la vihuela. Voici son
accord :
Cordes: v« w nr n«
Bermudo parle aussi d'un aulrn instrument plus
ancien, qu'il appelle guitare de Mercure'; elle avait
quatre cordes ainsi accoi dées :
Cordes: rv« m' a' i«
m
on y remarque l'écart d'oclave entre ses coides
extrêmi'S.
Dans le prologue de sou ouvrage, le même auteur
s'attribue l'invenlion d'une di-posilion lalculée des
touches iiinsi (|ue celle dune vihuela à sept cordes,
avi-c un accoid dilTerenl de celui euiplo\é par les
autres viliuelistes (Molainmeul le célelire ^;L1/,MA^).
Toute la musique de vihuela et de guita'e est
écrite en lalilalure jusqu'au début du xvik' .-lêcle.
La talilature de vihu-la indique par des nomhres
les touches où il faut placer les dniiits pour obtenir
les noies. La portée sur laquelle ligurent ces nom-
bres comprend six lignes; les nombres placés sur
chacune d'elles indiquent la touche et la corde cor-
respondanles.
Certains auteurs considèrent la ligne supérieure
corame la siiième corde, et la ligue intérieure comme
la première-. Dans le livre intitulé El Ma'Stro, de
Luis MinN (le plus ancien), l'ordre des lignes cor-
respondant aux cordes e-^t :
et l'accord est le suivant :
Cordes: \i' v
cnrresponilant à l'autre; d'autres la font, ressortir
au moyen deiiouibres à l'encre rouge f)lacés parmi
ceux qui l'oimeiit la partie de vihuela.
I.a tahlalure de guitare comporta d'abord quatre
ligues en raison de ses rangs de cordes :
Par contre, dans la Li/ia Orphenica de Miguel de
FuE\LLANA, et dans le Libre rft; l/«si'a de lihnela de
Diego PisvDOR, l'ordre des lignes correspondant aux
coi'des est reiiver>é :
6« -
5!"
4' -
3»-
2'-
1'-
Dans les œuvres pour chant et vihuela, certains
auteurs écrivent la mélodie sur une portée sépaié'-,
1. 11 fail |)rol> ibtement alliisiiMi à la tyre qui était en vojrue [liirnii
les (îrera nisqu'au inonienl où Ter|iaQ'lre arriva «le Lfsbu^, av.inl la
35» lllyin|,ia.le.
2. N"US MHiiMie^ obligé di^ faire rcniartiuer terreur qui se liouve
dans le ttavail du tlo-tenr Cuii.fsoi n dtns la 1'- pallie de VEncyeiû-
pi^die, |>. 6-iti et t)47, au sujet de la tablature de Luis .Milan.
Fup;^LLANA et Mudarba écrivirent, en 1554 et 1546,
diverses fantaisies pour guitare de même (pie pour
vihuela à cinq rangs. Kn lo.ïl. Ballahd, imprimeur
du roi Henri 11, publia cinq Livres de t'ibidatiuf de
gid'/ejve, composés par son beau-lrère Adrien Lk Uoy.
Les premier, troi>ième et quatrième de ces livres,
écrits en lahlalure de quatre ligues, comportent plu-
sieurs lanlaisies, pavanes, gaillardes, allemandes,
branles et psaume»; les deuxième et cinquième con-
tieniii lit |ilusieurs mélodies pour chant et guitare^.
Des Ih (iii du xvi<: siècle, toute la tablature de gui-
tare cninporta cinq lignes.
Eu I spagie comme en Italie, la ligne supérieure
de la tiildature de guitare correspondait a la corde
grave ; la ligne inrérieure, à la plus aiguë :
6 =
4= ■
Z' ■
1« •
Par contre, en France, la ligne supérieure indique
la corde la plus haute; la ligne inrérieure, la corde
grave.
Les taliLttures esp:igiioles et italiennes se distin-
guent par d'autres parlirulaiités de la tablature fran-
çaise : dans les premières, les touches ou miles sont
indiquées par des chillres; dans la seconde, par des
htlres, exemple :
Tablature espagnole et italienne
J JjJJ.iJ
— 1—
14_
—
j_fl_
—:L-
S
Tablature Française
\ a I " I a
J
Parmi les accords employés pour la guitare à
quatre cordes, le plus commun était :
Cordes: iv^ m' n«
;- ©—
m
m
et pour la guitare à cinq cordes :
Cordes: v» rv» m'^ p n» i«
On alti'il'ue à Girolamo Montesardo, j^uitariste
italien du début dn xvii« siècle, l'iiiveiUion d'un sys-
;i. A \:i Uibliotli'-qu" dci Brilisti Miiai'iim fK. 2 h. \t], L..n'lrps. C'esl
l'oiivia^'e le plus ancien iiu- no-is cuiirinis^tons 6*> musi'|iie écrite
[mur I;i puihire. E't voici le tiire : Premie?' Livre de Taftulatnre dp
ijuilfiTe, conti'nant plitftï''urs rlia"5otis. faiitaisi''S. /mraui'fi, t/ail-
inrile.s, nllemmuies, /{nmles, tant simples qu'autres : h tout cum-
posp /lai- Adrîa" Le Itoi/. A Pons. Df l'îin/'rinn'rie 'VAdrum Lf lioy
et Hubert liailurd, rue Saint-Jean de B''niu<ais, à /'eiis''iyne Saitite~
Geneviève, ii septembre i55t. Arec privilèye du Jiuy pour neuf aus.
JECIINIOVE, lisrHKTKjl't: ET FÈIIAGOdlE
LA GUITARE 2003
lènie indi'|iianl en ahrf>«é Ips .iccor-ils Innaiix. Tout
accoril, dans ce svsif'mi', étail représRnIé par une
etlre majuscule de l'alplialiet. (^e procédé fui vile
généralisé; on l'einplova snrloul dans ce que Hek-
MUDo appelle la niusupie IVappi'e pour acconipajjne-
ments msifiieoiios (sorte (!■• Iinis(|iies arpèges), siiiiple-
menl destiiés à niari|uec les rvlliines el les toialiiés.
les i-\tliin<'s siint indiq lés par <1h peliis liaits
piTpendiculaires à une seule liyiie horizoïilale. Si le
trait est au-dessus de celte lif,'ne, le coup ou aipèji^e
doit se donner de bas en haut ; si au contraire il est
au-dessous, le coup se donne de haut en lias. Cela
s'appelait e-n français « releverou rahai.lre l'HCcord »,
et la prolDiigaiion du son par ces deux Irails, allnr-
nativeriienl répétés, se nommait « chaudronneiUHnt •>.
Certains nuisicolo;iues ont. conondu et conlondent
la vihuela et le luth, eu raison de leuis al'linités coni-
muiii'S, erreur qui est admise par le vulgaire. On
arriva a croire, el beaucoup l^' croient de nos jours,
que fjuitare et m indoliue' -iont synonymes La na-
ture du luth el de la vihuela dérive d nu mf'mf piin
cipe de physique inslruni»'iit<ilH. I,"ailinité de ces deux
instruments se prohuiye ilans l'histoire et le déve-
loppenit-iil f,'éiiéral de la musique. I.e contour de
leur caisse harmoniipie élahiit entre eux une ditl'é-
reiice marquée. I.a construction devenue tradilion-
nelle avantajjea la vihuela, plus riidie en moyens
sonoies. De cet insti'ument naquirent les instiumenls
à archet. La vihuela, représentant jadis l'esiirit mu-
sical de tout un peupli', est à l'aiiuelie lillérature
musicale de rKspaf.'ne ce que le luth et le théorhe
sont à celles de la France, de l'Italie, des Flaudr>'S
el i\>' l'Allemagne.
L'cjBUvre des viliueli^les, qui nous a été conservée,
appartient à la [leriode compiise entre 1535 et 1578 ;
ell • se compose des œuvres suivantes :
Libro de miisica df rihmla dp mnno inlitidado Kl
Maestro comimest" )ior D n Luijs Milan. Dirigido al
muy alto i' inuy iiodero^o é invictissimo principe Don
Juan, por la grarin de IHo$, rey de Portugal y de las
Yslas. Valencia, 153.Ï (Ui d. .\at., Parisl'^
L 'S se/s libres del IJellin de niusica de cif'ras para
taiîer vihii'la. Ilecho por Liiys db Nahiuez. Diiiiiidn
al muy ilu-tre sei'wr el seiwr f)nn l''rancisro de los Covos-
Valladoiid, 1538 (Hild Nacional, Madiidj^.
Los 1res librus de mn^ica de cifra para vigiiela...
All'onso MuDARRA. >evilla, 1546 (BihI. .\acional de
Madii L Legs liarluerii*.
/ ibro de miisi a de vihuela intituladn .Silva cle Sire-
nas. Cnmiiuealo par Enriqiifz dk Valhkhrabano. VaHa-
dolid. 1547 (Hibl. .Nacional, Madrid)».
Librn de miisica de vilinela agora nwvamente cum-
piiesto por Diegn PisaD'^r, vecino de lu ciudad de
Salamanca, dirigido al muy alto y muy poderoso senor
1. A. liKiLiET. Au Cililogii» cie riiôtel de Clu'iv par E. du Somme-
/ BAR[), P.i'is, 1884. |i. .^6U : .. Muidolin" iinTustée -l'ivoire ave- man<h .
_ orne d';(ril»e^'(ue^ en inci-usl. lions signi^e p^ir Aieiin-lre lîohOHu [sici
fVuBuAM. fin du xviii" siècle, à Ptii-Jl. en iS61. ' onni^e |.;tr M. i;lia-
bann" à l^ar-^, en 11*72. » Lei in«l'unieiit est une^inilaie fraDcaise.
comme en f^tit foi la signalure mentionnée au calal-.gue.
2. Li'^rf de misiqn'* pour vihuela à main intittJ- u f^l Afapstro »
{Le Mtlîtru). ronlnos' par Don Luis Mu, an, lié'ljé an tn's /taitt, tr<-s
puissa-it et invinrihle prince finn Juan, rui ttu Portnijalet '/es Iles, par
la grdce île Dieu. Valence, 15:^5
3. Les Sir Livres 'a Oaupkin de Musique pour vihuela. Ecrit pnr
Luys UE Naruae/ et dédie au Ires illustre teiior Von Francisco de los
Coros. VHlhidcdid. IfilS.
4. Les Trois Livres de musique chifr^e pour vihiela. Alphonse
MuDAntiA. Séviile. I54(i.
5. Livre de musique de vihuela intitulé « Silva dp Sirenas » com-
posé par Enriquez os VALDBKRABA^o. Valladolid. 1547.
l>'-n Philippi', principe de Espai'ia, nuestro scttor.
Salamanca, IbS'i (Bilil. .\at de l'aris)".
Libro da )iimica para vihneln iniilulado Orphenica
l.yru, coiiipxtcsio por Miguel de Iie.nluiva. birigido
al muy alto y muy poleroso set'ior Dan Pkiliupe, prin-
cipe de Espnfui, rey de Inglaln-ra, île \ai,oles, niiei^tro
fei'un-... Sevilla, 1554 (Bibl. du Conservatoire de
Parisi''.
El librn llainndo Declaracion de iiislriimeiilos del
Padre.Iunn Bkhmi'do. Ossuna, 1555 (Bibl. nal., à Paris,
et Orléo Catal.i, Barcelona...)*.
Libro de cifra nueva para te' la, hnrpa y vihwta
por Luys Vknec.as de Himestrosa. Alcalii, 1557^
A' te de tni'ier f'ntnsia assi para lecla lomo para
vihuela por Frmj Toiiuis de Sa.nta Maria. Valladolid,
1565"'.
Libr-' de musict en '-ifra pai-'i vihuela intiluhido lîl
Parnasso. CnntpU' sto ,'Or I) n Estebun I>a/a, de Val-
la'/olil biri/ibial muy ilmhe senor lirenciad" Her-
nando de Itiivahs de Soto-mayor licl Coiuejo SuiiremO
de S. M. Imiire^o por Die,,o Fernando de Co'dob'i,
impresor dr S. M. Valladoli.l, ano de 1576 (Bibl.
.Nacional de Madrid ").
Obra- de musici para tcda. harpa y vihuela, por
Antonio DE Cahezon. Madrid, 1578'^.
Bien que l'inifioriancH de ces ouvrages ait été mise
en relier par llaphaêl .MirjAVA dans sou élude sur la
si. pie en Bspa;;ne (Ewyclopédie de la Mnai'iue,
vol. IV, Kspaf."ie-Poitui;al|, nous nous permettons
d ainuler quelques remarques capables de contribuer
à alTerinir leur valeur- artistique.
Alhi-rl SiiuiiiKs dit. dans son Histoire de la musi-
que : a Ils ont, en somme, une Ires liiande impor-
tance a trois points de vue. loul d'abord, c'est là
qu'il laut chercher la première ébauche de l'or-
chestre mod -rne. tait absolument reconnu par Ce-
VAERT el bien daiilies. Kn-uile, ils apportent une
roiiirihuiion con-idéralde pour l'étude du lolMore
musiial. .Non l'onierits de s'approprier tout ce qui,
ilans les (euvres de pohphonie vocale, était n leur
convenance, les vihuelislps prenaient, en vue d'amu-
ser les rors et les grands dans l'entourage deS(|uels
ils vivaient, des thèmes populaires, toute une musi-
ipie naive i|ui, t.'ràce à eux. nous apparaît c'aire,
charmante, pleine île couleur. Enfin, littérair.niHnt,
les cidieclions, dans les textes des chansons qu'elles
groupent, nous oll'rent les sp citnens d'une poésie
toit caiacléristique (|ui, sans cette circonstance,
serait demeurée irrconnue ■■
l.opEz Chavabbi (liduardoi dit, dans son Histoire 'le
la musiijue : « Bien ipiils adoptent lré()uenrment
des moiifs populaires comme thèmes de leurs com-
1». Livre de musique de vihuel't no'ireflement composé par Diego
PisADOR de SaJamanquP^ ilèdie an très haut et très puissant seitjneur
Don /'hi/ippe. prince d'Espat/ne, notre sei',7ieur. Salan'an'iue, 15.52»
7. Li'-re 'te musique pour vi/iuela intitu'é ■■ tirpheniea t yrn •, com-
pn.Hi' par Miiiuvl DE KuENLi AfiA. D'diè au très liaut el très puissant
seii/neur Do'' PliiUnne. prince d Espai/ne, roi d Angleterre, de .\ap/e.i^
notre seitjUenr.. Sé»itle. I5''4.
H, Le livre appelé Déclaration d'instruments par le Pi're Juan
Behmudo. O^igunii, 1555.
y. Livre de notation nouvelle pour instruments n touches, harpe et
vihuela. I ar Lnys Venjcas de Hine>trosa, Alcala, 1557.
lu. Art de jOuer tti fantaisie sur les instruments â touches et sur
la cihuehi , par Fray I onuis DE Sama Maria. \ alladolj'I. 15(i5.
1 1 . Livre de tnu^ique chiflr-'e pour vihuela intitulé « El Pnmasso »,
compose par Esleban Da/a. de \ allridnliil. Dèdii- au très illustre aci-
gneur licencié Hernando de Havalos de Soto, président du Conseil
suprême de S .U. Ini.riine |iar Diego Keinandrz de Cordoha, impri-
meur de S. M. \ alladnlid. 1576.
1 ::. Œuvres de mwique pour instruments à touches, harpe et
vihuela, pur Antonio De Cabe/uh, Madrid, 1578.
2004
ENCrCUIPÈDlE DU LA MUSIQUE ET DrCTfOVVAlliB DU CONSERVATOIRE
posilio 13, ils nppliiiiient ;i leur art le contrppoinl
dans loiil.e sa rij^neiir et ils reclierclient, d'autre pari,
la prédoraiMaiic? d'une mélodie sur I.'S auties; ils
abièseut la polyphonie des aulres voix en la rame-
nant, da is l'écriture et dans la pratique, à de simples
accords; ils di^oouvreiit ainsi des harmonies caracté-
ristiqUfS, et délivrent des entraves sévères du conlre-
poinl le chant mélodique loiifîtenips avant la Came-
rata Florentina, qui créa l'opéra. "
Ils créent la monodie accompapnée, la fantaisie
et les variations. Antonio de Cabezô.n écrivit des
Taiiations bien définies avant le virgiiialiste an}»lais
Byrd. La l'orme varintion procède, non pas des vihue-
listes eux-mêmes, mais des guitaristes populaires,
leurs prédécesseurs, en raison de la musique qui
accompafjnait les vieux romances hispaniques. Le
romance consistait en une sorte de poésie populaire
où étaient narrées plus ou moins lonf,'uement les
aventures chevaleresques, les amours, les guerres,
les faits religieux ou les aventures comiques. Il se
chantait sur une courte mélodie avec arcompagiie-
raent de guitare ou de viluiela, et la répétition fié-
quenle du chant lit lechercher d'inslinct ce qui
pouvait éviter la monolonie musicale. Ainsi naquit
la vanalion, d'ahord simple moiceau instrumental,
et qui ouvrit <lepuis un lioi'izon nouveau et illimité.
Tous les vihiielistes écrivirent de nombreuses va-
riations. Une romance populaire, El Conde Claros,
fournit à Narvaez le thème de vingt-deux vaiialions,
de douze à Mud.\rra, de trente-sept à Pisador. Dans
la romance Guardame las vacas, apparail déjà un
effet d'écho.
Le maître Pedrf.ll dit, dans Miisicali'iias : « Le mu-
sicographe rencontre dans les livres des vihuelistes
les -t'ormes natives et originelles de la monodie
accompagnée, el, par extension, loutfs ou presque
toutes les formes de l'orchestre
symphonique moderne. »
Le siècle de l'apogée di-s vihuelis-
tes lut, en général, une période de
travail si intense et si décisif pour
la musique instrumentale, qu'elle
devait forcément marquer de nou-
velles orientations. Les instruments
à archet et à touches, en se perfec-
tionnant, attirèrent sur eux l'atten-
tion des musiciens et des artistes.
La vihiiela partageait avec le luth
et le théorbe la préilorainance de la
musique profane; elle avait relégué
la guitare à l'humble rfile d'accom-
pagnateur routinier aux
mains du peuple; mais elle
disparait après la dernière
œuvre des vihuelistes (1578).
La chute de la vihuela
correspond au relèvement
de la guitare. L'instrument
est le même, mais il est dif-
féremment monté. Comme
vihuela, il a un rang en
moins; comme guitare, un
rang en plus. Ce qui oblige
surtout à le considérer
comme une guitare, c'est son
caractère essentiellement
populaire. Tandis que les
musiciens limitaient le con-
trepoint, le peuple s'efforçait
de rechercher dans la guitare le sens tonal pour ses
chants et ses daii<es.
Les premiers promoteurs de la guitare furent le
génial poète Vicente Kspinel et J. -Carlos Amat, doc-
teur en médecine.
Le premier, baptisé à Ronda le 28 décembre 1550,
fut l'auteur de la rime appelée espinela, le maître de
littérature de Lope de Vega et l'ami intime de Cer-
vantes, qui écrivit dans sa Gnlatea :
Del famoso Espinel cosas diria
Que escedan al humaao entendimiento
De aquellas ciencias que en su pecho cria
El divino de Febo sacro aliento,
Mas pues no puede la lengua niia
Decir lo menos de lo mas que siento,
No digo mas sino que al cielo aspira
Ora lome la pluma, ora la lira.
Et dans le Vinje ai Parnaso :
Este aunque tiene parte de Zoilo
Es el grande Espinrl que en la guitarra
Tiene la prima y en el rare eslilo.
Lope de Vega, dans sa Dorotea,el Doizi de Velasco
dans son Nuevo Mo'in d'- cifra para taiier la guUarra,
attribuent à Espinel l'addition d'une cinquième corde,
faite une quarte au dessus de la plus aiguë corres-
pondant à la première de la vihuela. On peut croire
qu'il n'a fait qu'eu adopler et répandre l'usage. Reb-
MUDO déclaie avoir vu auparavant des guitares à cinq
cordes, I''uenllana \Orphenica Lt/ra) et Mudarra (Trois
livres de musique pour vihuela) ont publié des fantai-
sies pour guitare ou vihuela de ce genre.
L'instrument ainsi adopté fut nommé, hors d'Es-
pagne, guitare espagn'd'-, épithèle qui le distinguait
de son congénère, la guitare à quatre cordes, employée
jusqu'alors dans divers pays.
On attribue aussi à Espinei. l'accord la-ré-sol-si-mi
délinitivement adopté et qui subsiste encore pour ces
cinq cordes.
En 15815, parut le premier traité pour guitare,
publié à Barcelone sous le titre :
Guitarra espai'iold y Vandola en dos maneras de
guitarra Castellana y Cathalana de cinco ordenes la
quai ensi'fia de tenplar y taùer rasgado todos los puntos
mitundes y bemolados, con eslilo maravillnso. Y para
paner en elta quidquier tono, se pow uria tabla cnn la
quai podra qualquier sin dificultad cifrar el tono y
despues laner y canlarlc por doce moiios. Y se haze
mencion tambien de la guitarra de quatro ordfnfS.
Gerona pur Joseph lirô Itnpresor (sans date ni nom
d'auteur) '.
L'édition de ce traité que nous avons sous les
yeux contient une lettre du P. Leouardo de San
Martin datée de Saragos^e, le 30 avril KCjg, adressée
à l'auteur, Juan Carlos Amat, docteur en médecine;
elle nous apprend que la première édition parut à
Barcelone en 1586, que l'auleur est âgé de soixante-
sept ans, qu'à l'âge de sept ans il chantait et jouait
de belle manière, qu'il avait publié divers petits
traités sur la musique, l'arithmétique, l'astrologie,
la poésie (Quatre crnts Aphorism .s ca/a/ans imprimés
plus de vingt fois), un Traité sur la peste imprimé à
Fio. 1053. — La guitare.
1. Guitare espagnole et vandola {mandore?) d'après les deux
modes de la fiuitare: castillane et catalane à cinq rangs de conli's.
où l'on apprend à acrofler et à Jouer « rasi/ado », tous les tons natu-
rels et hémolisi's avec un style merveilleux. Ht pour qu'on puisse
,oaer tous les tonSt il y a un tableau avec lequel on peut sans diffi-
rulti^ chiffrer le ton el après le Jouer et le chanter de douze façons
différentes. On traite aussi de la guitare à quatre cordes, Gérone,
i.nprimô pjir Joseph liro.
TECIIiMtJI E, ESTHÉTIQUE ET FÉOAGOGIE
LA GUITARE 2005
j| ~G U I T A R R A
'^ ESPANOLA > Y VANDOLA
'Ji eu dos maneras de Guitarra, Caste-
^ Uana , y Caihalana de cinco Ordenes,
la quai enfenade templar , y taner
rasgado , todos los puntos naturalft,
y b , mollados , con estilo
maravilloso.
r'PARA PONER EN ELLA QUAL-
quier tono, fepone una tabla, con la quai
podrd qualquier Jîn dificultad cjfrar tl
tono,y de/pues taner,y contarle por do^
ze modos. Tfe bazemencion tambien'^
de la Guitarra de quatro ordenès.
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^
1 1
*
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K G:rot}a : ppr Jofeph_^ro ,. Imprefor.-
1^'
r*
lîarcelone, et un Fruclus Medicinie, édile à Lyon
(H'rarice), Itois fois depuis lfV23.
Ce traité, ;comme l'expose l'auteur, n'a d'antre
but que d'eiiseif;ner la manière de jouer et de tou-
cher en rasfjiieiido la f;uitare à cinq cordes, appelée
espa^îuole parce quelle est plus répandue dans ce
pays que dans les autres; il enseigne aussi la nia-
nièie de s'en servir^dans n'importe quel ton. Suivent
trois sonnets célébrant la guitare et l'auteur, puis le
traité commence; il comprend neuf clinpitres.
Le premier dit que la guitare est montée de neuf
cordes, une au premier rang et deux aux autres
rangs; les cordes des deuxième et troisième rangs
sont accordées à l'unisson, celles des quatrième et
cinquième rangs, à l'octave :
FiG. 1054.
Cordes V®
Cet accord montre un intervalle de quarte entre
le cinquième et le quatrième rang, le même inter-
valle entre le quatrième et le troisième, entre le
deuxième et le premier, puis une tierce majeure entre
le troisième et le deuxième rang.
Dans le deuxième chapitre, il explique la formation
des accords qu'il appelle iJiintos, constitués par trois
voix, bajete. allô y Upl'- (basse, baryton, ténor). Il
explique la dilférence entre les accords maj'-urs et
mineurs (naturels et béniolisés), le nombre qu'on
en peut former (douze de chaque manière) et la dé-
signation (le chacun d'eux par un chitîre.
Le troisième chapitfe expose tous les accords
majeurs en précisant les cordes, les touches et les
doigts au moyen desquels ou les obtient :
sis
3«- 3«- ) a
^m
Le quatrième chapitre décrit de la même manière les accords mineurs ou béniolisés :
iii^iiÉi
Le cinquième présente un tableau très iii;.'énieux
sur lequel tigurent tous les accords disposés de
façon facilement transposable. Les numéros I, 2, 3
et 4 servent à indiquer les seules louches employées
pour la formation des accords; les lettres a, e, i, o
indiquent les doigts de la main gauche, index, mé-
dius, aiHiulaire, auriculaire.
Le chapitre VI montre comment les accords pré-
cédents renferment toutes les tonalités, et la manière
de s'en servir pour passer àdes tonalités différentes.
Le chapitre VII explique la façon d'appliquer ces
accords à des airs connus, tels que vacas, piiseos,
gallardas, villancic<ts, ilalianas, pavnnillas, etc., et
comment, par transposition, ces accords peuvent
s'adapter au ton le plus convenable. U donne comme
modèle un paseo lespece de petrt prélude lonal)
formé par la succession des accords majeurs, tonique,
sous-dominante, dominante et tonique :
I
hâ
&
5
^
Il indique aussi, en se sei'vant du tableau précédent,
la laçon de transposer facriement le même paseo
dans des tous ditlèreuts par progression de quarte
ascendante. 11 justilie l'utilrté de la transposition en
disant que « les voix humaines ne peuvent pas s'ac-
commoder à toutes les notes, que les guitares sont
d'ordinaire très hautes ou très basses, et que ceux
qui ne peuvent jouer que d'une seule manière un
morceau le chanteront torcémenl très haut ou très
bas » ; enlin, connaissant ces régies, orr peut, en mê'me
tem|is, jouer de douze grrilares, chacune dans sa to-
nalité, el toutes auront une même consonance.
Le chapitre VllI donne une table permettant à
2006
EhC) C.LOl'ÉliŒ liE LA Mi:SIQlE ET DICTIOS y MUE ni' CoySlillVATOIHE
qiiiconi|ue de chiltrer le ton cl de rliiiiilei- de douze
maiiière-i. Ce système iiisf^riieux prouve les ficullés
didactiques de l'auieur el coiicoui t ar dévelopiiemeiil
de la théorie exposf^e dans le clia[)itie précédent.
Le chapitre IX traite de la guitare à quatre rarrgs,
avec le tn^irie accord; celle-ci possède le m^rne
iiombie d'accords naturels et bémolisés, et peut être
jouée en n'imporle quel torr. Mn peut <léduire, d'après
les iiidic.itlorrs, que le mouverrieiil à donrrer- aux airs
découle ilij ton lrii-mi''me.
I':n Ruise de snile, rrri autre Irailé pins corrrl, en
calalarr, expose les accord* en chiffres, et indique les
doigls au moyen île points :
Tons.
MIS'-
jn jn l^n 5n 6" 7" 8"^ 9^ 10"- 11" 12" l^ 2^ jb 4l> 5!» el" 7^ sb 9^ 10^' H^ 11^
iï*^^
f-î^
r^^
r*^
r^
r*^
_^.- ,
r4^
r*^^
r^^
r-V—^
|-4^
ri
r^
r*rrn
,.... 7 :■
, ....
, ...
'•!••
1
g-'
L^iid
U^
i^l^
l^- — l
H^-l
L^
L2^_l
L+i_l
-V--I
{-•■
LU-J
|_|_L_J
LiJ
\Jr^
LI^
L?^_U
Naturels f Majeurs)
Une page de vingt-quatre dessins, appelés Mar^chs
y Afans (manches el mainsl, représente les positions
des doig(s sur les cordes pour chaque accord, liien
qu'il y ail doirze accords, on n'y voit ligurer que dix
manches : les accords de sol liémol on pi dh'se, en
majeur et mineur, se lorment comme leurs accords
respectils naturels, sur urre touche plus avancée,
doniiarrt un demi-ton plus liant.
Chacun de ces dessins porle une lettre maïuscirle
indiqirarrt la laçon de réaliser les divers accords sur-
l'ensemlile des cordes. Kn l(i06, Montesahro emploie
le même alphah -t, qu'il altère li'gèrement.
I.e derrriei' chapitre esl corrsacré à la ni.iiiière d'ac-
corder la vandola, insirumeni à six rangs de cordes,
dont la posilion et la tessitirre donnent du grave à
l'aigu In. ré, sol, si, mi, la.
Gel ouvrage, plagié par Andrès de Sojo (ou Soto)
en nti4, et imité par Mincuet è Ibol en 1752 à Ma-
drid, coutrihrra grarrdenient à la diffusion de la gui-
tare dans toule l'Kspagne.
Dix-septicinc siècle.
l,e premier ouvrajce paru au svii» siècle est celui
de Girolamo Montesakdo intitulé : Nuovn Inventione
Avec bémols (Mineurs)
d'Intavolaliira per sonare H halleti S"pra la chilarra
^piignnlu senzantimeri e nu'e, i&M, liologrra iLic.
Mirs. Bihl. MusiUlreund. à Viennel. Quoique l'on at-
trihue à cet aulenr l'iirverrtion de l'alphabet ilalieii,
le lail qu'urr alphabet ligure d.irrs l'ouvrage de J. Car-
los Amat, pirblié vinyl ans auparavant, dimiirue l'im-
portance de son iuveulion. I) ailleurs, dans l'alphabet
de MoNTBSARDO, tous les loirs ne sont pas indiqués;
par coiil re, on y trou ve l'iuveision d'un même accord,
et les valeurs irnliquées au moyen de majirscules et
de minuscules précisenl bien mieux les rythmes.
Tous les guitaristes italieirs postérieirrs à Monte-
SARDO, et même certains guilaristes espagnols, ont
adopté sou alphabet.
Ko 1020, parut à Paris une Méthode très facile pour
a/tprendre 'i jnwr de la (juilare espagnole, composée
par l.uis de BiircENO, et dédiée à M"" de Châles; on
y trouve des choses cirrieirses srrr- les romane s et les
ségiredilles, une soixantairre de chansorrs différentes,
une rnélbode porrr jouer-, le lont dans un ordre lacile
et ayréable. Imprinré à Paris par Pierre Ballard,
imprimeur du roi, 1026'.
L'auteur, cité ai ec éloge par le P. Mersennf.', dans
son llarmonir Universelle, présente les accords sui-
vanls comme les plus rrécessaires :
SV;
^
:^
=^
9
+
^
Accord ,
SoLM. DoM. FaM &iiïM: Rém La m MiM. Faffm. Sim. L M. RBM.L|^^^);^^JSiM. Dom Lat^M. Mit>M.
à
m
^^
m
^
r r "^ r f f r r r f ^r
o à Cl Ct à © c/
1 -f 1
Bo - la - va la pa - lo
P 3
3
mi - la
o à c/ a à c> Cl à Cl c
3 1 +
Por en ci - ma del ver-de limon
J
J
o à c c à c a
+ 1
Con Us a - las a-par-ta
J
Ci Ci 6
3
las ra-mas
o c à c a c à c a,
nor.
c
3 1 +
Con ei pi - co Ile- va la
i . \I*itù lo mil/ facili<\iino para aprender l'i ta/ïer la yuitarra à lo
Bxpaiiol r.ompu-sto por Luis de Bhiçneu y presentado à Afadama
de CliaUs en el quai se halluran co.sas ruriosas rff llomanresy 6V-
t/uidiVai. Jiinlaincnte sesenta /içiones 'liferentes, un Mrtodo para
templar, otro para conoçer los acurrdos^ tudo poruna horJen tiyra-
Arrojome las mançanitas
Por ençima del mançanar,
Arrojoniclas y arroji'selas
Y toriiôniplas a arrojar.
Si jarnâs duermen mis ojos,
Madré mia que harân
Que como aiiior lus desvela
Pienso que se mnriràn.
Quien dixo muerle al amor
Libre de pesâtes era
Mejur dixera dolor
Y màsnatural le luera.
Una niora me enamora
Por ser mora de nacion,
Mas no es mora, porque mora
Denlr'i de mi coiMçon
diib'e y fuçilissima. Jmpreso en Paris por Pedro Ballard, impreaor
del lity. Itiiô.
2. A la Bit». Nat., V. 280i.
3. I.ji [lote grave du 7" :icrord est 5t *'t non la; 8* arcord, liret/o^l
fajft la, dojjf, faif^; I5"accurd, la note supérieure est /a^^et noD ^^,|
i
TECH.VJQI t, tsrilËI inUt ET l'EnAOUUIE
LA GUITARE 2007
Vers la m^me époque, Nicolas Doizi dr Vfxasco,
d'oriyiiie pcirtu;,'aise, élevé en Ks|>a;;iie, musicien iln
roi et du cariliiial don l'eriiamlo, aH|iiiiil. an duc
de Meijina cle las ToiTrs, ai;issanl dans le niênie sens
en llalie, (Il |),uaiti(î à .Naples sa NoKvelli' MHJiode
chi/f'ré' jionr (jnilare il6.'!0i '.
AnlérieurHinenl à lui (quoique après Tcenvre de
Mo\TESAiiBi)), par-ur'ent en llalie divers oiivr;i;.'es de
Orazio (maccio (Naples, 1618), fiiovanni Amlitosio
CoLONNA (.Milan, 1620el 1637)^ MiL\.Nrzzi el Heneilello
SA^sBVEE^l^'o•' (16:;2i, Ludovico Monte ((620), Pielio
MiLio.Ni'>, Kanrizio Covsta.nzi et G. -H. Abaïtkssa |Ve-
nise, )017) ', Fonano Picn, Hartolotii^, Runcaili'' et
autres', ainsi (jue lifs ouvrages spécialement écrits
pour cliilarriglia, ninl qui n'indique pas un instru-
ment, mais plulôt une façon de jouer équivalenle au
rasQiiea'lo de nos jours. Lesdiles œuvres spécifiant
la cliitiirriijlia sont basées sur des accords à tonique
rudimeniaire, sans indication de temps. Les conles
et. lient lonies frappées à la l'ois sans pincemeni, en
monveni'iits allernatils, vers le haut ou le lias, sui-
vant l'indication des monvemenls. Ceux-ci étaient
indiqués par des leltres placées en dessus ou en
dessous d'une lif,'ne unique horizontale' :
aA
Aa
C A
(MONTESARDO)
Quelques auteurs indiquent les accords par de
petits traits verticaux, au lieu d'employer des lettres :
B
I ' r I ' I
A :|| B
■ I' I ' Il
I 1 rn n
ACADEMICO CALICDIOSO)
iiMiiit, hijîj Ijilj ijnij , lijîjhyij îj'-J ijijiJ
frfTfTTT rrr rrr rrrrr^r^/r
(GASPAR SANZ)
Sous le titre de / Qiiati-o Lihri d lia Chilarra spai/nuola nelli qualli si contfngono tulle le Sonate ordinarie,
FoscARiNi (V Arademico Caliijino^o, de lo il furioso) publie, en 1629, un volunie employant, pour la première
fois, le procédé du pincement (fiimleado) ajouté à l'ancien rafitjueado^" .
Ce volume contient la première lablature comportant des accords dissonants, et, où, d'ailleurs, le doigté
de a main gauche est indiqué comme dans le traité de J.-C. Amat :
-ir^
C*
F^ G*
-»^
-3^
H^
I*
K^
-1^
L-'
-3 —
M^
N-^
Cet ouvrage et ceux d'Antonio Carbonchi", Lo-
renzo KARomo, Domeuico Pkllkgrini "*, Goriandolli,
I. Nuevo Modo de cifrar para tatler ta giiitarra cort varie'tad y
perffccion y se muestra Sfr instrumenta perfecto y abnndante pur
NiCol'Vi f>oi/.i 0^ VtiAiOu, m'iiico de S. \f. y del Sr. Infante Cur-
dennl ij ut présente det Duque de Médina de las Torres, virrey de
Napol''s. Va/>o/.'S pur Egi lit) L iQj^o, 1(145 (tiibl. NHCion;il MadiiJ).
CcL auteur déi-l.ire, dins son ou vrage, que la ^uitaie etail appelpe es-
(>a^u<ile eu ^KrHiice et en Italie depuis qu't^si>meL lui avait ajoute ta
5' cor. le.
2. fntanotntura di ckitarra alla spagiiola. Giovanni Ambrosio
CoLON>A ibibt. «lu Britisti .Muséum).
3. H Print't Livra d'intaootatura per ta chitarra (Britisti Muséum,
K. t. g. U).
4. V^Ttt e facil mod > d'impirafe a sonare et accordare da s^ me-
desimo La Chitarra Spa'/nuola >ion solo con i Alfnb'tlo et accorda-
tura oMinaria mi anco con un nltro Alfahetto et nccurdatura stra-
ordinaria nuooamente inventât^ da l*ietro .\Iilioni e L'idovico Monts.
Compaijni con una reg )'a uer impararc il modo d'accordare .sei chi-
tarre. per poterie s iii'iri- in deine in concerto, ciascuna per ihfferente
chiaoe. In Venetia MDi;X.XX.ViI per Ootn^'itiro Lnvisa à liialto (Bibl,
du Coiiserv.itoire et au Mu^ée hiâLori'iue Je musique «le L).-W. Scueun-
LEEH à la Haye).
5. Corona -H oa/hi fiori... Venetia, iôil (British Muséum, |K, 1.
a. 7.1
6. \ngiolo-Mi -Iiele Bartolotti. Libro primo di chitarra spagnuola.
Ploreucti, 1640 (Au British Muséum K. 8. i. i).
AcioLi, Pesori, Granata *^, ainsi que ceux du fameux
CoRBETTA ou CoRBERA. tioiinenl unB grande impul-
sion à la valeur musicale de la guitare, améliorent
7. Ludovico KoNCALLi. Ciprici armonici sopra la chitarra spa-
gnuola. Bergamf*, 1692 (Brislish Muséum. K. t c. 12}.
8. Voir Jnhanne-t Wulf, Handbuch der Notationskunde, Leipzig,
Breitkopr et H: rtel, 1919.
9. Maria-I{ila Brurdi, op. cit. Oscar Chilesutti, Ritista musicale
Italiana. Vol. XIV, lasc. 4", Fialelli Bocca edilori, Torino.
10. A la Bibl. INat , R-s. Vm s-u. 2.
11. Le Do'Hci Cfntarre apoitate inventate del cavalière Antonio
Carbonchi. Firenze, 1639, rét'dilpeen 1643 sous le titre i^ibro Seconda
di chitarra spatjnuola ion due alfabetti nno alla franctse e l'ait ro-
alla spagnuola^ dedicato alla Jlustriss. Sig. Marchfse Bartolomeo
Corsini. L'auteur, né à Flureote, fut nomme chevalier de l'ordre de
Toscane, pti hocnmage à ses aciioas héroïques peudaut la guerre
c'ontre le-< Turcs. Il fui le preraitTguitiristequî donna plusieurs liai mo-
nis liions à une mi^me mélodie. (fUilip-J. Bone, GuitarandAlandoUrit
Au;^ener, Londres.)
12. Armoniosi Conf^erti sopra la Chitarra spagnuola di Domenieo
Pi i.LfcGRiNi Buloynene, Accademito t'ilomuso. In Bulogna, per Uia-
como Monli. Ifi.so iBihl. du Conservaloire),
13. Caprici armonici soprà la chitarriy lia spagnuola di Gio Battista
(ÏHASATA da TorniQ da lai eu tempi musicali tomposti e dedicali al
S reniss. Principe D. Lorenzo di Toscana, Bologiia, lt)46 (Bibl. Mat.
K''S. : Vm'', 59'i) et Armoniosi loni di varie sonate musicali, Bologna,
I6Ù4 (Bristisb Muséum K. 4. b. i}.
2008
ËNcrcLOPÉniE nu la musiqi e et dictiossaire du conservatoire
sa technique, auRraenlent le nombre de shs ellels
instiumentaiix el les indiquent par les signes sui-
vants :
martèlements (trilles continu?
miolements (vibratos)
tremblements (mordants)
0
vers la note.
thtule.s (liés montants) f~\ , tiradei (liés descendants) V^/
arpèges en sens double ^^^^ '
L'apogée de cette époque si intéressante pour la
guitare est marqué par Francisco Corbrra, musicien
espagnol selon Lichtental, qui lui attribue le Irailé
Gvitarra espanola y sus difcrentes soues, dedicado à
Felipe IV; d'autres musicologues soutiennent qu'il
est né à Pavie, en 1613, el s'appelait Corbbtta'. Très
jeune encore, on le tenait pour le meilleurgnitariste
de son temps. Après avoir été pemlant quelques
années musicien à la cour d'Kspafjne, il voyagea en
Allemagne et en Fiance, où la protection du duc de
Mantoue le (it nommer musicien de la chambre du
roi Louis XIV, charge qu'il occupa pendant plusieurs
années. Durant celle période, il publia La Guitare
Royale^ (Paris, H. Bonneuil, 1671, Bibl. du Musée
Historique de iMusique de l).-W. Scheurleeh, à la
Hâve, et British Muséum, K. 7. i 4), précédée d'un
discours aux amateurs de cet instrument. Il leur
dit qu'il a publié divers autres ouvrages composés
dans le style propre aux pays visités par lui. Il fait
allusion à un travail paru deux années auparavant,
et enseignant les différentes manières de jouer de
la guitare. Dans ce même ouvrage, il se plaint de
son collèj;ue (îranata, qui lut quelque temps son
élève, et qui publia plus tard, sous son propre nom,
plusieurs de ses compositions. De la cour de France,
Corbetta passe à celle d'Angleterre, où il est nommé
musicien de la reine par le roi Charles H, lors de
son avènement au trône. L'enthousiasme qu'il sus-
cita dans ce pays fut si extraordinaire qu'il ohlinl
non seulement la faveur du roi, mais celle de toute
la cour, où il devint du meilleur ton d'apprendre la
guitare. Il eut pour élèves le ducd'Vork, lord Anan,
lady Glosterfîeld; parmi ceux qui furent ses meilleurs
1. Philip-J. BoNE, Guîtar and \fandQtvi, l.ondreii, édit. Augener.
2. La Guitnrre Royalti', dédi'^e au fioi/ de In Grande-Bretagne^
composée par Francisque Corbetl, firavée far H. Bonnetiit, rue au
Lard, proche ta Rouetierie fie Beaiivais, au-dessus de la halle aux
cuirs. Avec privitëiji' 'lu /tôt/, 1671. Cet ovivrajfe contient plus d'une
centaine de compositions, parmi lesquelles plusieurs Prélnde«. Sara-
'bunJes, AIIemand.'s. G.ivottes, Gigues. Courantes. Doubles, Rondos.
Menuets, Passac^ulles, Folies, Ch.icnnnes, <loiit une Allemande a été
faite lors de remprisonnemcnt du duc de Bur-kingham, une autre sur
la mort du duc de (ilocesler; une troisième composition est inti-
tulée : Le Tombeau de ma'lame d'Ortéans.
Un autre ouvrase antérieur a cetni-ci : V«rii caprici per l'i ghit-
tara si.agnuola di Francesco Corbetta Pavese. MVano, f6l:J, eiiste
à la Bibl. du Brilisb Muséum. K. 10. a. 4. H contient un portrait de
l'auteur, plusieurs passai ailles et différents airs de danses traités en
t rasgueado » et ■ punt>'ailo », à la manière des guitaristes italiens
de l'époque.
disciples, figuienl Vabray, Médabd et lioberl de Visée,
l'un des plus grands maiires de cet instrument à la
lin du xvii' siècle et au commencement du xviii"^.
Son œuvre de précurseur est transcendante. Il est
sûrement le premier de son lemps à annoncer les
ultérieures polyphonies des fiuilarisles. Son style est
personnel et puissant. Sa musicjue, de coupe popu-
laire el surtout galante, soutient aisément la com-
paraison avec celle de ses meilleurs contemporains,
LuLLY et autres.
C.ciRBETTA niournl à Paris durant l'été de 168t.
ainsi que l'annonre le Mercure dans son nuinèro
d'aoïlt 1681, page 132.
(In attribue à Micdard cette épitaphe, dédiée à son
maître :
Ci-giirAmphion de nos jours,
Francisque cet homme si rare
Qui ht parler à la guitare
I.e vrai langage des amours.
Il gaf^na par son harmonie
Le cœur des princes et des rois,
Kt plusieurs ont cru qu'un génie
Prenait le soin de conduire ses doigts.
Passant, si tu n'as pas entendu ses merveilles,
Apprends qu'il ne di'vait jamais finir son sort.
Et qu'il aurait charmé la mort.
Mais, hélas! par malheur, elle n'a point d'oreilles.
Le succès de Corbetta contraste avec le fait rapporté
par Jacques Bo.nnet dans son Histoire df In Mtisviue.
Un mathématicien, ayant inventé le moyen de laire
jouer automatiquement une guitare placée dans les
mains d'un squelette, fut accusé de sortilège, puis
pendu el briMé avec l'instrument en 1664, sur une
place publique d'Aix-en- Provence.
De tous les traités jiarus au xvii» siècle, le plus
important fut certainement celui de Gaspar Sanz :
Instruccion de musica sohre la guitarra espai'iola y me-
lodo desde sus primeras riidimentos hasla tnûerla ron
destreza. Il comprend deux labyrinthes in;;énieux,
plusieurs airs et quelques danses en arpéf;es {ras-
gueado) et en pincé [punUatlo] dans les styles espa-
fjnol, italien, français ou anglais, plus un court traité
d'accompasnement pour guitare, harpe et orpue.
("e traité d'accnmpagnemeiil se résume en douze
réples avec les principaux exemples du contrepoint
et de la composition. On l'édita à Saragosse chez les
héritiers de Diego Dormes, en 1674 (Uibl. Nationale
de Madrid; Bibl. du Conservatoire de Paris et Musée
hist. de musique de D. W. Scheuri-eer à La Hâve).
Le« airs espa;inols et italiens qu'il renferme sont des
t'olias, gallardas, marianas, pa$acallis, pavnna^i, jaca-
ras, espafioletns, iiriarizaptilas, granduques, elc. En de-
hors de sa valeur artistique, il présente le plus grand
intérêt didactique.
Sanz emploie l'abécédaire italien, le meilleur de
tous selon lui, et donne un tableau, qu'il nomme
labyrinthe, pour transposer les passacailleS el les
autres airs rasgueadns dans n'importe quel ton. Huit
règles suffisent, d'après lui, pour apprendre à jouer
de l'instrument dans la manière populaire.
La première régie enseigne à choisir les cordes
et à les placer sur la guitare selon leurs diverses
grosseurs.
La seconde : Comment il faut les accorder.
La troisième: Disposition des noies sur leurs tou-
ches respectives.
La quatrième : Kxplication de l'alphabet italien.
La cinquième : Manière de s'en servir.
La sixième : Transposition.
La septième : « Barré » [Ceja).
TECIINIQVE, ESIHÈTIQVE ET PEDAGOGIE
LA GUITARE 2009
l,a liiiili^me : Explicalion<lii laliyriiithe di's accords
dissonants, avec îles modèles pour s'exercer dans les
arpèges [riiaditeadux), sona'lax (airsi français et ita-
liens.
Pour ci'ux qui désireraii'nl pousser plus loin leurs
études, il donne « les rei-'les essentielles dont se
servent les maîtres de lionie ». r/esl après avoir fré-
quenté ceux-ci et concouru avec eux dans de nom-
breuses académies, qu'il prit le meilleur de chacun
d'eux, surtout de Lelio Colista, qu'il nomme l'Or-
phéi- de son temps.
Ces règles sont les suivantes :
I. — Manière de produire le son; doigts à employer
pour les dilférenls accords; mouvement
alterné des doigts de la main droite pour
les notes consécutives.
II. — Manière d'employer le pouce de la main
dioite.
III. — Conseils pour le mécanisme de la main
gauche.
IV. — Manière de faire le trille (indiqué par T ) )•
V. — Manière de faire le mordant (indiqué par
VI. — Manière de faire le vibrato (indiqué par
^y
\
vil. — Manière d'exécuter le extr/isino (plusieurs
notes liées par un seul traitl.
VIII. — Manière de lier une note donnée sur une
corde avec une autre donnée sur une lou-
che (]uelconque de la même corde. Ce pro-
cédé s'appelle apoyniiiento ou rsmorsala.
IX. — Explication de l'arpège de trois ou de quatre
doigts. On l'indique par le signe — r^r—
ou ^^'~ ; il est conseillé de placer tous
les doigts de la main gauche qui forment
une même position' comme on les place-
rait pour produire des accords.
X. — Sanz recommande la simultariéilé d'action
des deux mains; les doigts de la main gau-
che ne doivent pas quitter les notes tant
que les suivantes ne sont pas préparées
par d'autres doigts : le contraire choque
l'oreille.
XI. — Les mesures liinaire et ternaire expliquent
les valeurs des notes indiquées par les chif-
fres elle mouvement approximatil. L'ou-
vrage contient, en outre, une grande quan-
tité de commentaires, une série dérègles
pour le contrepoint et la composition.
Gaspar Sanz naquit à Calanda (Aragon), on ne sait
'à quelle date. Dans sa jeunesse, il étudia à l'Univer-
sité de Salaraanque, où il obtint successivement le
grade de bachelier en théologie et de licencié en
philosophie. Il cultiva à Naples ses facultés musi-
cales. Outre ses succès comme organiste, il acquit
une grande virtuosité sur la guilaie. De retour dans
sa patrie, il fut nommé professeur de guitare de Uon
Juan d'Autriche, fils naturel de Philippe IV et de la
célèbre artiste Maria Calderon. son œuvre fut dédiée
à son royal élevé. Il mourut à Madrid, en 1710.
Ce volume renferme toute l'œuvre connue de Cas-
par Sanz, (-(important des airs de cour et populaires,
des plus simples aux plus compliqués, tous du plus
pur caractère national, richement varié. Leur carac-
tère instrumental s'y marie à la construction artis-
tique. Ces moiceaux subissent l'influence des (|ualités
austères inhérentes aux polvphonies liturgiques d'œu-
vies vocales ou pour orgue. 1, 'appoint instrumental
donné à la guitare par Gaspar Sanz revêt, pour ces
raisons, une austérité insolite pour l'époque.
PendMiit que Gaspar Sanz recueillait, dans son
œuvre, l'esprit du peuple, Hobert de Visée, successeur
de son maître Corhetta dans la charge de i.'uilariste
de la cour de Louis XIV et renommé théorbiste, pro-
duisait d'autres oeuvres retlétant toute la grâce
courtoise de son temps et de son milieu.
La biographie de cet illustre artiste est encore bien
incomplète. Son Livre de ijuilare, dédié a Louis XIV
(Bibl. iNat.), parut à Paris en t6S-J, et fut réédité en
1686-. Il contient une grande profusion de danses,
menuets, allemandes, .;igues, sarabandes, couran-
tes, passacailles, bourrées, gavottes, etc. En outre,
il renleime divers préludes et une allemande en do
mineur, appelée Tombeau de monsieur Francisque,
morceau sans doute dédié à son maître Corbetta.
Le docteur Chilesotti met en relief la curieuse ana-
logie qui existe entre les premières mesures de
cette œuvre et celles du second temps de la marche
funèbre de la Symphonie héroïque de Beethoven.
Dans sort prologue, de Visée déclare s'inspirer de
LuLLV,auteurqu'il alVectionne grandement. Il affirme,
en outre, avoircomposé une suite basée sur un accord
nouvellement découvert par lui (si. ri*, sol, rf, sol)'^.
L'œuvre de Robert ue Visée relléte une aristocratie
spirituelle digne de son haut lang social. Ayant été
attaché à la personne du dauphin, il approcha le
roi plus tard, ne manquant jamais aucune des bril-
lantes réunions privées de M"'' de .Maintenon et de
la cour.
Trois ans après l'ouvrage de Sanz, parut en Espa-
gne le livre : Liiz y norte muninil para caminar por
kii cifras (II- la guitarrn espafwla y harpa. etc., com-
posé par le piètre don Lucas Uuiz de Uibayaz, Ma-
drid, Melchor Alvarez, 1677 (Bibl. Nacional Madrid
et Bibl. Koyale de Bruxelles), renfermant des pava-
nas, gallardas, danzn del hacha (danse de la hache),
chaconas, rugeros, para^ielas, sarabaiidas, eapanole-
tas, folias, jacaras, torneos, galevia de amor, mario-
nas, muselas, maluchiii'S, turdiones, pasiicalles, vacas,
viltunos, canariiis, zambeques, elc.
Riiiz DE Bibayaz naquit à Saiita-Maria de Ribarre-
donila, dans les montagnes de Burgos; il lut prében-
dier de l'église collégiale de Villafranca del Bierzo.
.Son œuvre est consacrée à la reine des anges. Maria
Sanlissima de Curiùego.
Le dernier des traités espagnols du xvii» siècle a
pour titre : Pnema harmonica compuesto de varias
\. Sar te sens du mot « position », voir plus loin, p. 2022 (Main
gaufhe). II s'agit ici d« l'arrangement, de la disposition des doigts,
nécer^saire pour produire un accord.
i. Liore de pièces pour la guitarre, dédié au finy, composépar R.
DE Visée, trruvé par Bonneuil. Et se vend d Faris ehez le dit Bon-
neuil. proche la halle aux cuirs, vers let SS. Jnnucena, et cliez A.
Letleguine, rue Oaupliine, à la Pucelle, vis-à-vis la rue d'Anjou.
3. D'après le D' Oscar Ch(LE9otti, Rioisla Musicale haliana, vol.
XIV, fasc. 4(Fralelli Bocca, editori, Torinoj.
2010
Hyr.yCLill'È/l/E DE LA MUSIQUE ET DICTI()>IN AIHE DU COSSERV ATOIRE
cif'ras par el lemplc de la nuiturra e-i/ianola. ilciicado
à la so'-ra lalolva y nal MajeMad del T'y niiesiro sc/î'T
rf'.ji Carl'is II, que nio< <piard'\, por su mejor caitellan
y mas afceto vasnilo, Franscisco Gikhau, pri'sbis/i'ro
miisiro de su Rral Cupilla. Madcid. Iinpreiila de Ma-
nuel Hiiiz de Mriifxia, Iii84 iBnlisli MiiS' uin). Cet
oiivra^'e piéspiile dans son roiiienu une j;iaiide aiia-
lof-'ie aver celui de Hniz dk Ribav-az
lin 1699, Nirolas Dkhozik» piihliail à Paiis ses
Nouveaux Principes pour la guitare lédilion Ballard .
Il est le |iiemier à traiter la p'iilare comme inslni-
ni en tdVnsc mille. Ttoi-i aiisau|iaiavaiil, no m nié, à La
Haye, musicien de chambre d.- lEIecirice Palatine,
il édite douze ouvertures [louryuilare seule i Hild. Nal.,
Paris, et Musée de D.-VV. Schei rleer, La HayeJ.
Dix-hnitiènie siècle.
Les Nouvelles Découvertes sur la guitare de François
Campion, niailie de théorlie et de s itare à l'Acadé-
mie loyale de musique, paruieni 1\ Paris eu 1705;
roiivraj;e expose les accords inliiiiment variés que
Ton praliquait à celte époque :
La même année Gammon donnait : Virsion di> tabla-
ture en musique de pièces de guitare, et eu 1716, Traité
d'i;ocompagnemei)t el de compnsilion selon la règle des
oclavfs de musique.
Sous le litre : liesumeii d'- acimpaùtir lu parle con
guilarra por Santiaijo de Mi'ncr\, l'ut éditée, en ITU,
la dernière œuvre en tablature (lirilisli Muséum).
il ne période de décadence succède à ce livre. Les
sonorilés éminemment délicates de la «uitare sont
sacriliées à celles plus bruyaiiles d'autres inslru-
ments; la guilare t-ii arrive à f'tre désavantagée et
traitée souvent iidiabilement en insirument d'en-
semble par les Iîoccubrim, Rombeiig, Humsiel, Pleyel,
J. -Baptiste Hérahd, etc.
Kn cetle lointaine époque, les vraies ressources
et l'extraordinaire potentiel de la guitaie restaient
insoupçonnés.
Des musiciens de prand lalenl, manifestement atti-
rés vers elle, n'arrivent pas à percer son mystère,
faute d'une compréhension adéquate et de moyens
techniques.
Ses richesses demeurent inopérantes, puisque igno-
rées; on écrit pour elle d'une façon sommaire, empi-
rique et souvent maladroite. Kt cet instrument si
riche est traité en parent pauvre.
Il s'éclipse bientôt.
Vers le dernier tiers du même siècle, paraît, en
Espagne, la figure la plus luaiquante dans la renais-
sance de la guitare : c'est celle de don Miguel (iarcia,
devenu plus tard le Père Basile, moine de l'ordre de
Saint-Basile ide Ciieaux), orgaiiisle du couvent de
Madrid et auteur de nombreuses œuvres de caractère
religieux. Il lut le maiire de Mouetti et d'AciUAuo,
qui, avec Son, activèrent la renaissance guitaristique
du xviii» siècle.
Celle période engendra dans tous les pays de
l'Europe des guitaristes de plus ou moins grande
valeur. Les plus fameux, lixés a Paris, lirentde cetle
capitale le centre guitaiislique le plus impoitanl de
l'époque.
Citons : en l''ranc.e, Béraiio, (juic.hakd, (Ioiolet,
Labarhk, Docbk, AiuQN, Gataves, Cilles, Butticnot,
Bâillon', Magnien", Boulley, etc.
Kn Italie, Cahulli, Caucassi et Cii'liam prédomi-
naient; h cAté d'eux, Li gnani, Gkacnani, Molino,
ALB^^EZE, GiARDiNi, Bkvilaqoa, Boccomim, Mekchi,
tiRAGONETTI MllSSINl, CaLEGAHI, CeMIMANI, HolLA,
Këubanti (Zani dii, etc.; même le grand Pagamni
composa douze sonates, op. 2 et op. 3, en deux S'-ries
pour guitare et violon, publiées par liicoidi de Milan
el Itichaiilt de Paris, en plus de nombreux morceaux
pour guitare seule.
Kn Allemagne, Chrysandfb, Cauerloher, Raum-
BACH, Amon, Arnold, Khlers, Call, Blim, Benzon,
DiaBILLI, DotZAUER, KuNZE, KuFFNER, (iANDE, Korner,
KllAUS, HaUPTIHNN, LlNCKE, HenREL, liOHLRR,'GLAESER,
Helu, GoLLMicK, Prattk.n, Straube, etc.
Kn Autriche, Ignace Pleyil, Krnst, AmbroscbEi
Hëld (Theobald), Klingenbhunnër, Gbubeh, Rayer,
GvNSBACHER, Knize, I.eidksdorf, Meiik, Jansa, Craef-
FER, CoR.NKT, LicKL, Petzuayer et Mf.htz, Ib plus célèbre
d'entre eux.
Kn Angleterre, Harder, Louenz, Marghsner. Call,
MouNsEY, Merrir, Pelzfr et Ellis.
Kn Hollande, Boom, Hi'dersdorff, Prager, Drouet,
Craeuva.nger.
Kn Relyiipie, Schindlocrer et Molitor.
Kn Danemark, Berggreen et Wilhelm Gade.
En Russie, Sykua, Sczopanowski, Wyssotzki, Soko-
LOWSKI, LiBEDEFF, Clc.'.
Des musiciens susnommés. Fernando Cabulli, né
a Nafdes en 1770, apprit seul la guitare et parvint à
une grande virtuosité. Fixé en 1797 à Paris, il donna
de nombreux concerts. Intimement lie avec les mu-
siciens les pins éminenls de son temps, il eut pour
disci|iles Filippo Cragnani et le célèbre organiste
Cuiluant.
Ses œuvres, nombreuses et variées, sont écrites
soil pour guilare seule ou sous l'orme de concerto
pour guitare et oichestre, qiiinletles, quatuors, trios,
duos, etc. (ensembles d'instruments divers toujours
avec guitare). On en Ht l'édition à Vienne chez Has-
linger; à Bonn chez Simrok; à Mayence chez Schott;
à Leipzig chez Holfmeister el chez BreitUopf el Hartel.
Ces œuvres, d'un classicisme strict, témoignent
d'une grande habileté technique et instrumenl.tle.
Malgré ces enviables qualités, des idées trop ame-
nuisées y poussent la mièvrerie jusqu'à l'indigence.
.Sur la lin de sa vie, Cahulli écrivit pour son fils
une méthode dans laquelle se trouve un traité d'har-
monie appliqué à la guitare. Carulli est mort à Paris,
en 1841.
Matlieo Cahcassi (Florence, 1792) fut un des plus
célèbres guitaristes de l'école ilalieniie. Son nom est
familier aux amateurs, en raison de la popularité de
sa Méthode et de ses Etudes. Il vécut à Paris, don-
nant des concerts et voué à renseignement; il voya-
gea souvent à Londres el en Allemagne. Malgié le
prestige de son compatriote Carulli, ,les Parisiens
lirent de Carcassi leur eiilaiil gâté. Sa Méthode, pu-
bliée d'abord par la maison Schott de Mayence, lut
traduite en allemand, en français, en espagnol et en
anglais. Cet ouvrage, en dehors de ses nombreux
exercices, a comme partie saillante vingt-cinq éludes
récemment doigtées par Miguel Lloret (édition
Kowies, Paris).
1. l'our lijs bio/r.t|iliioâ el biblùpgr'aphies se référant à cei artistes,
voir le volume de Philifj-J. Bonk, Guitar and Sfandotin, Ati^Mr,
Londres.
TECHSiorE. nsnif'TtnnE icr i'ëdaciicih
LA GUITARE 2011
On allrihu'' à Gmicvssi eiiviion qiiiilre-viiii.'ts com-
posilinris, sans ordre île classenieiil. Il éciivil, aussi
de ndinbr f uses li'iinscriplions il'aii s (ro|)éras ali>fS en
V0f,'iie, mais qui soiil loiiihei-s dans un juste oulili.
Maiiro (iiuLiANi iiaqnit à Holofiiie vei's 1700. C'est
une des plus inipoitanles li;.'UiRS des ;.'iiilarisli's de
son é|iO(|iie. A la lin de 1807, il s'inst:illa à Vienne,
on, en deliors de noiiilneux conceils, il se voua à
la cninposilion el à renspiyiieineiit,. Parmi ses disci-
ples, lij;iireienl. THrcliidiieliesse d'AuLrirlip, la pi'in-
CHsse de llohenzollern , le duc de Serumnetia, le
coiiile (ieor^^es de Waldsleiri, aiiisr que les virlnoses
pcdonais Huiikowicz el, Horiîtzki. De 1807 à 1821,
la presse vi.niioise commenta ses Iréqnents >ucces,
ne lui méuaL'eanl pas les éloges. Il lut l'ami inlirne
de Ik'MMBL, MoscuELBs et Mayskdeb. Il al lira l'atten-
tion de nombreux musiciens de valeur, if^norants
de rim|inrlance que peut acquérir la «uilarn dans les
mains d'un véntalile artiste. A l'ailmiiation «le ces
niusii'iens de talent, s'ajoula celle d'aiilres musiciens
portés à écrire de nouvelles œuvres pour f:!uitare.
Les commentateurs de Giuliam disent qu il acquit
l'estime de Haydn, de Heethoven et de SroHR. On doit
au>si à GiLLiANi l'invenliou d'une lerz guitaie, plus
petiie que les autres, de cordes plus coui-tes, aci-.ordée
une tierce niaieure plus haut, il cnra[)osa pour cet
insti iirrjenl des œuvres avec aciorapa;,'nement de
quatuur à cordes et d'orchestre.
Le sl^'le de ses cnni positions primait dans le goût
douteux il'un public alors plus friand de virtuosité
audacieuse quv d'inti-rprétations austeies.
toiiLiAM prit part aux Concerts Uikatën simulta-
néMH'iit avec Hl'mmkl l't Mavskder. Son succès lui très
gland. On l'entendit ensuite aux conrerls <lu Jaidin
Hotauique lioyal de Schoeulirunn, donnés devant la
famille royale. Puis, il parcourui l'Italie, la Hollande
et la lUissie; dans ce dernier pa\s il obtint le plus
f-'rand triomphe de sa carrière, et s'y lixa pour plu-
sieurs années.
En 1832, il fut à Londres le rival de Sor, que le
public, injustement, lui préléra souvent. Pour main-
tenir son prestige, on vit paraître, sous le litre The
Giuliaaiatl, une revue mensuelle dont le premier
numt'io fut publié le !"■ janvier 1833, et le dernier
au mois de décembre de la même année.
Les œuvres de (iiULiANi sont classées en trois
groupes : [° concertos; 2" compositions pour guitare
avec ensemble instrumental; 3° œuvres pour guitare
seule.
Concertos pour guitarf, op. 30, 36, 70 et 103 (Arla-
ria et Diabelli, Vienne, el Johanning, Londres). Le
coiicerlo 36 fut transcrit pour piano el publié par
Hichaiilt, de Paris. Les op. 20, 43, 6o, 93, lOt, 102 et
103 sonl des compositions concertantes éditées pour
la plupart à Vienne.
Le second groupe comprend les Duos op. 2o, 52,
76, 77, SI, 8:i, 126 et 127, qui ne représentent pas
tous ceux qu'il écrivit, et les œuvres 66, H6, 130,
137, 68, 104 et 113, qui furent publiées siraulta dé-
nient par' Hicordi à Milan, .>imrok à Bonn, et Holl-
meister à Leipzig.
Dans 1'' troisième groupe, on trouve op. 18, Grand-*
Sonate héioique; op. 20, 31 et i2, sontdes iiots-paiirris ;
op. 119 el 120, h'ssinianas; op. 3o, Papillon; o^^. 46,
Album de dix mélodies, publié par démenti, à Lon-
dres, op. 83, Six Préludes pour guitare, lin 1798, la
maison Hichault édita 7'rois ilondos, op. H, et l'op. 1,
qui est une Méth'de pratique pour guitare, eu quatre
parties, parut chez Kicordi, de Milan, et Peters, de
Leipzi;,', en français, en italien el en allemand La
Bibliiiilieque îles Miisikfreiinden de Vienne possède
plusieurs manuscrits du même auteur.
En KspaKue, le Père Hasilio, professeur de la reine
Marie-Louise et du prince de la Paix, propagea par
son erisei;;nerrrenl le meilleur gofit de laguilare. Ses
nombreux et inléi'essants maniiscriis ont, pour' la
plupart, dis'iarii. Ses disciples romplétei eut l'œuvre
du maître en lixant et en ordonnant les principes
d'une nouvelle école. Ils puhlièrenl pi 'S lard des
œuvres didactiques fondées sur ces [U'iiu'ipes, œuvres
qui préS'nleiil le plus Iraul intérêt.
Federico Moretti, d'oriyine napolitaine et natura-
lisé Kspagnol (voir sa biogr.iphie dans ['Encyclop'^die
de la mu^i'/iie, l" partie, pages 2192 et 2193i, fut le
premier à établir les re;,des pi-inci|iales qui servirt-nt
de base aux traités postérieurs. Sorr œuvre a pour
titre : Principios intra tocur la guitarra de seis orde-
nes' precedidos delos elementos générales 'le la mu^ica,
dediruda à la reimi mtestra senora, pur el capitan don
Kedeiico MoRurr, alf'i'rez de lieutes Guardins Watonas
en Madrid, linprenta de Saniho, ano de 1799.
Cet ouvrage, dans sa ileuxiéme éililion revue et
i-orrif,'ée par l'auteur, contient une parlie île théorie
ap|iliquée à la musique, aiisi qu'une autre consacrée
à d''S principes insti iiinentaux.
La première conrprend deu.^ sections : la deuxième
se présente en vin^'t-qualre tableaux.
Il est dit dans ce iraité que la guitare com|iorte
des cordes simples au lieu des cordes doubles du
siècle précédent Poirr la première fois, on mentionne
la sixième corde que Ion trouve antérieurement chez
le maître de l'auteur', le Père B4S1lio, qui passe, peut-
être à tort, pour en être l'inventeur. Chaque pays
revendique pour la guitare le créateur d une sixième
cor'de, mais l'aUsence de documents reinorriant à
cette époque rend dillicile toute conclusion ferme.
Les seules vraies preuves qui nous restent sont les
compositions du Père Bxsilio [Eiicyclo édie te ta mu-
sique, vol. IV, Lspaj;ne et Portugal, page 2t92).
Dans le premier lableau de la métirode de Moritti
nous lisons : .. Les Krançais et les Italiens emidoient
des cordes simples sur leurs guitares, ce qui per-
rrrel de les accorder plus rapidement; les cordes
durent plus longtemps sans se fausser, car il est
très iliflii'ile de renconlier deux cordes égales don-
nant exactement la m'^me note. Je suis ce système
et ne puis que le coiiserller aux amateurs de guitare,
en avant reconnu la grande utilité. »
Il distribue le diapason ou manche en trois mains
(positions)^ La première va jusqu'à la cinquième
touche; la seconde, de la cinquième à la dixième; la
troisième, de la dixième à la dernière.
Ilnlre ces trois positions, il terme les gammes
chromatiques, dialoniqnes et par octav s de chaque
ton majeur et mineur'; les accords consoiianls et
dissonants de septième, appartenant à chaque ton,
sont formés avec les six cordes dans chacune des
trois positions, ainsi que les accords enharmoniques
consonants et dissonants. Les cadences var iees pour
chaque ton et chaque position, les résolutions de
l'accord de septième diminuée, et 196 exenifdes dif-
1. Princi/ies pour Juaer de ta f/nitare à six rangs, prêcédt'S d'été'
munts de musique tj -nerate. dédies à ta Heine notre dnme, par le ca-
pitaine Federico Moretti, porte-ensei'/ne à La Garde Ituijnle Wal-
lunne de .Madrid. Iiii|irinierie de Sniiclia, 179a. l_iiic Iraduclmii de cet
oiivritrerulcdilée à N.i|)le.< eu leOi, el uuc nouvelle édilmn ul publiée
il Madi-itl che/Sancha, en 1407.
2. Ici ie mot pusitiOD a le môme sens que dans la technique du
violon.
2012
ENCYCLOPÉDIE PB L\ MVSlQi'E ET nfr.TfOWAIRE OU COVS/iRVATOtRE
féients d'exHrcicf^s pour la main droite eu forme
d'arpèges complètent la méthode.
On peut déduire de ce résumé que l'ouvrage de
MoiiETTr présente, à sou époque, uu intérêt capital
pour l'exposé si complet qu'on y trouve de la théorie
niusiiale appliquée à l'instrument, liien que le même
auteur ait produit d'autres œuvres de caractère di-
dactique et des compositions pour la guilare, rien
ne contribua aulant que ci't ouvrage à l'expansion
de la guitare. D'autres traités, parus presque en
même temps, furent bien moins appréciés. Citons
celui d'Antonio Abreu (Le Portugais!, levu et corrigé
par le Père Victor PniEro de Salamaiique, et celui
de Fernando FEnRANoiÈRE de Zamora, parus en 1799.
On réédita, en 1816, le traité de ce dernier, qui tut
un éleVH distingué du Père Basilio
Ces travaux ont guidé les émiiients virtuoses de
cette époque, Rallesteros, Avellana, Francisco ïos-
TADO, .laiine Uamonet, Francisco de Taima, Miguel
Garnicir et les deux grands artistes vraiment domi-
nateurs SoR et Aguado.
Dîx-iieavièiiie siècle.
Au début de ce siècle, Ferdinand Sor (José-Maca-
rio-Kernaudo Sors y Sons de son vrai nom), né à
Barcelone, croit-on, le 14 février 1778, ouvrit de
nouveaux horizons à la guitare, relevant le prestij/e
de cet mstrument, en même temps qu'il traçait dans
l'histoire de l'art un sillon bien personnel. (Pour sa
biographie, voir EncyclopéiHe de la musique, vol. IV,
Espagne-Portugal, pages 234:i, 2340, ou le Diccion-
nario ci Efemerides de musicos espanoles de Baltasar
Saldoni.)
Son œuvre musicale, la plus personnelle qui soit
dans la littéraluie de la guitaie, marque l'apogée
de la période classique. On y rencontre pour la pre-
mière fois la mélodie harmonisée à trois ou quatre
voix libres en une pol\phonie équilibiêe, traitée
par- les procédés les plus avancés de la technique
musicale et instrumentale de l'époque. Sor a sûre-
ment subi l'influence de Haydn et de Mozart.
Sa prodirclion est la plus riche par le nombre et
la diversité des œuvres directement créées pour la
guitare, sonates, thèmes variés, fantaisies, divertisse-
ments, études, i-ondos, menuets, valses, thèmes po-
pulaires; elle présente aussi de nombreux morceaux
pour deux guitares.
L'abondante imai-'ination de Sor se complut dans
le genr'e Variation, irés goûté à l'époque. Des thèmes
de CoRELLr, Mozart, Paisiki.lû, et souvent des motils
de sa propre invention, lui permirent de mettre en
évidence son génie créateur et les ressources infinies
de linstrurnent, sans parler de l'extrême habileté du
virtuose exécutant.
Le génie Varialion, disséminé dans la plus grande
partie de son œuvre, n'est probablement pas le plus
apte à marquer' sa puissante personnalité. La créa-
lion de SoR se distingue plus spéiialement par sa
force émotive assoiiée à irne forme parfaite. Son
œuvre gagne d'autant plus en tieauté qu'il arrive
souvent à se libérer des préjugés techniqires inévi-
tatiles chez un virtuose de cette envergure. Son idée
musicale est toujours de la plus haute distinction;
dans ses œuvres les plus instiumenlales, prime tou-
jours le sens élevé de la musique. Ses Sonates, sorr
Eli'gie, les Douze Menuets, \es Eludis 9, 11,14, 16,22,
23, 24, 25 de la Méthode, publiée par Coste, et cer-
taines Fantaisies constituent la partie saillante de »a
production. Jusqu'à son époque, cette œuvre est de
loin la plus importante qu'on ail confiée à la gui-
taie. Ces exquis joyaux guitarisliques ont tous une
valeur aussi musicnle qu'instnrmentale, de par leur
mélodie, leur pureté de forme et leur originalité har-
moniqire.
L'œuvre de Sor est toute conçue dans l'esprit d'indé-
pendance polyphonique caracléristi(|ire du quatuor
et, par extension, de l'orehestre. Elle condense en
miniature tous les elléts d'orchestre conipatrbles avec
les ressources de l'instrument. 11 est par cela aisé
d'induire qire Sor puise sa force créatrice aux sources
les plus pures de la musique.
Son œuvre didactique est le résumé de ses nom-
breuses études, et embrasse tous les procédés techni-
ques des plus simples aux plus complexes. Le Traité
pour ta guitare (texte français), publié à Paris en
1832, presque à la lin de sa vie |I839), résume et syn-
thétise les expériences de son talent et de son labeur.
Sor y traite de tous les aspects de l'instrument : cons-
truction, choix des cordes, production et qualité
du son, pincement de la main, action des doifits,
manière de considérer le diapason dans le sens des
intervalles, doigté, conseils en forme de proveibes,
manière de transcrire pour la guitare les œuvres
écrites pour d'autres instruments. Tout cela est
exposé avec un sens critique rationnel, avec des
démonstrations basées srrr des principes scienti-
fiques qui donnent une logique incontestable à cette
œuvre, malheureusement presque épuisée, mais qui
constitue un vrai modèle du genre.
Les exécutions de Sor devinrent une révélation
en France, en Kiissie et en Angleterre. Ules contri-
buèrent à raffermir le prestige de la guitare.
Sor devint la liguie la plus saillante dans l'his-
toire de la guitare. Pour les lidèles de cet instrument,
son nom, à l'instar de ceux des plus grands musi-
ciens de son époque, fut et demeure le plus vénéré
de tous ceux des guitaristes.
Habitant Paris pendant de nombreuses années de
sa vie, il y mourut le 8 juillet 1839.
Dionisio Acuado, né à Madrid le 8 avril 1784 (Voir
sa biographie dans l'Encyclopédie de la musique,
vol. IV, Kspagne-Portugal, pages 2346-48; Diccionaiio
de Efemcrides de mtisiros cspanoles de Saldonu, est
aussi une des ligures les plus importantes dans l'his-
toir-e de la guitare.
Ce virtuose, doué de facultés extraordinaires,
obtint a Pans des succès brillants et sut gagner l'ad-
miration de KossiM, RiLLiM, Hkrz, Paganini et autres
grands artistes; il s'adonna surtout à l'enseignement.
(jràce aux connaissances acquises sous la direction
du Père BAsiLro, ainsi qu'à l'étude de l'œuvre de Mo-
RETTi, et surtout grâce à sa propre expérience, Aguado
publia à Madrid, en 1819, sa première Colercion de
Estudios (collection d'études), rééditée dans la même
ville, en 182.5, sous le titre Escuela de guitarra (tcole
de guitare). M. de Fossa , nrusrcien grritariste qui
fut l'ami et l'admirateur d'AcuADo, traduisit en fran-
çais cet ouvrage, au(iuel il prêta un concours puis-
sant en lui adjoignant l'invention (qu'il s'attribue)
des harmoniques à l'octave, et un abrégé des régies
dans l'art de moduler, appliqué à l'instrument (tra-
duction éditée à Paris, en 1827, chez Kichault).
H faut joindre à cet oirvr'af;e une collection très
importante de compositions de genres variés: fantai-
sies, variations, rondes, contre-danses, nrenuets,
boléros, etc., habilement traités et d'un bel rniéiet
musical et instrumental. Les éludes d'AouADO cens-
TECHNIQUE, ESTHÈTIQVE ET PÈDAGOGIF.
LA GUITARE 2ot3
liluent iiéaruiioiiis la [lai lie de suii a'iivie la ^ilus iiilé-
n-ssanle pour les {iiiilaristes.
L'œuvre île Sor est considérée comme siiijérieiire a
celle iI'Aguado, en laiU i|iie valeur musicale el poilée
artistique. Par coiiire, l'ieuvie did.ictique de ce der-
nier est siipéneuri', en lliési' générale, à loul ce qui
la précéda. On ponirait même ajoulrr que, de nos
jours, il n'e.xiste pas d'œuvie lésumanl les prin-
cipes de la guitare moderne; on en est, la plupart
du temps, réduit, le cas écliéanl, à s'en référer à
Ai;UADO, dont l'iiillui-nce fiédagogique persiste de nos
jours et doit silrement se prolonger.
Les personnalités de Son et d'Ar.UADo furent fon-
cièrement distinctes. Le caractère humble et doux
de ce dernier contiastait avec le tempérament lou-
gueux et exubérant de .Sor. Leurs œuvres devaient
forcémeril refléter cette diversité de caractères. L'exé-
cution d'AGi'ADO était plus brillante (Sor écrivit le
duo pour guitares Les Deux Amis pour metire en
reliel l'exti'ême virtuosité d'Aui'ADo). Par conire. Sur
surpassait Aguado en luorondeur et en émotion.
Aguaoo recherchait le son clair, brillant, obtenu avec
l'ongle; >or s'elforçait, au contraire, de l'éviter; sa
sonorité pure el veloutée [irovenuit du contact direct
de la chair el des cordes.
Aguado fut l'invenleur d'un trépied sur lequel se
plaçait la guitare alin d'en obtenir de plus amples
sonorités. La distance mise entre l'exécutant et l'ins-
trument en augmentait le son, mais elb- détruisait,
par contre, tout contart pouitant si nécessaire. L'ar-
tiste ne se sentail pas identilié avec son instrument.
Cet appareil n'eut, par la suite, aucun succès.
Rentré dans sa patrie en 1843, Aguado lit paraître
la troisième et dernière édilion de son traité, sous le
titre de Nueio Metndo (nouvelle méthode); il y a|outa
un grand nomlire d'esercices, en en supprimant d'au-
tres qui n'étaient (las sans valeur. Kn 1S39, peu de
temps avant sa mort (20 décembre), il lit imprimer
un Appindicf destiné à étendre C'tte nouvelle ini>th'ide
dans le bat d'amener a la perfection le loucher de la
ijuitare. La mort le surprit pendant la correction des
épreuves. Suivant ses dernières volontés, ses héritiers
publièrent cet Appendice, qui fut. joint à la Méthode.
Si l'on accorde à Sor un patrimoine de la plus
grande valeur artistique, Aguado laisse, par contre,
un héritage de haut enseignement qui a contribué
à la gloire du premier.
Irinidad Huerta, né à Orihuela en 18ii3, était d'un
esprit audacieux et aventureux, aux nobles inspira-
tions; doué d'une géniale intuition guitaiisliqne, où
se mêlaient l'esprit populaire et l'esprit artistique,
qui donnaient un intérêt spécial à l'ensemble de ses
qualités personnelles, il obtint les plus brillants suc-
cès auprès des publics de Paris et de Londres, grâce
à la protection de Manuel Garcia (père de la célèbre
Malibran) et du ;;énéral Lafayelte; celui-ci fut l'un
de ses admirateurs, ainsi que Victor Hugo, M™" de
Cirardin (Delphine Gav), la princesse Victoiia, les
ducs de Kent, de Susses, de Devonshire, et des artistes
comme Kosskni et Paganini.
Dans le Diccionnario d'Efemerides de inusicus espa-
noles de Baltasar Saldo.'^i, au milieu de notes biblio-
graphiques, nous lisons une lettre élogieuse de Victor
Hugo et la poésie suivante de .M"" de Girardin :
Heureux pays d'.\Qdalousie,
Garde ta joie et ta fierté.
Ta noble part si bien choisie;
Honneur, araour et poésie.
Vaut mieux qu'argent et liberté.
l.'.ivei-vou- ent"iidu, ce Ir.mljadoiir J'Itspagnc,
Qu'un arl m/'lndieux aux combats accompagne?
Sur saguiliirc il chante el soupire à la fois;
Ses doigts ont un accent, ses cordes une voix.
Tout ce que l'on i^prouve, on rêve qu'il l'exprime;
I.a be.iuté (jui l'écoute, heureuse en souvenir,
S'émeul, sourit et pleure et croit entendre
Ce qu'on lui dit jamais de plus doux, de plus tendre.
Sa guitare, en vibrant, vous parle tour à tour
Le l.mgage d'esprit, le langage d'amour,
Chacun y reconnaît l'instrument qui l'inspire ;
Pour le compositeur c'est un orchestre entier;
C'est le tambour léger pour le Basque eu délire;
C'est le clairon pour le guerrier ;
Pour le poète, c'est la lyre.
Les œuvres imprimées qui nous restent de Huerta,
fantaisies sur des airs populaires (Bibl. du Conserva-
toire), expliquent sa naliire de musicien intuitif et
d'exécul ant audacieux. Doué d'une nature trépidante,
dépourvue d'une base musicale solidn, il en imposait
par des qualités extérieures, obtenant l'admiralion
du granil public fasciné. Prndant que Sor, qui vé-
gétait ignoré des foules, se complaisait à l'appeler
généreusement le sublime Figaro {sublime barhero),
Aguado disait, par conire, qu'il déshonorait la (jui-
tar'.
Tout autre est l'inliTêl musical de Napoléon Coste,
né le 28 juin 1806 dans le Donbs. C'est le guitariste
français le plus érainent. On l'entendit pour la pre-
mière fois, comme soliste, aux Conceits Philharmo-
niques dn Valenciennes, âgé à peine de dix-huit ans.
Venu à Paris en 1830, il étudiaà fond la composition.
Ses premières œuvres datent de 1840. Dans la pré-
face de son ;;rand so\o La C hasse des sylphes, on lit ceci:
0 En 18.56, un concours a été ouvert a Bruxelles par
M. Makarolf, noble seigntur russe; lous les guiia-
iisles de rKurojie y ont été conviés : vingt-qiialre
concurrents ont présenté soixante-quatre pièces. Le
Jury s'est réuni le 10 décembre 1S56. J. .\1ertz, de
Vienne, mort depuis l'envoi de ses œuvres, a obtenu
qualre voix pour le premier pris, contre trois qui
ont été données à Napoléon Costk, de Paris, el lui ont
valu le deuxième prix. Par le l'ait du décès de Mkrtz,
Mapoléon Costk est donc resté l'unique lauréat de ce
concours européen »
Quelques années plus lard, se rendant à un con-
cert, Coste eut le malheur de lombei dans un esca-
lier el de se casser le bras droit : cet accident fil
perdre à la main l'élasticité nécessaire, rempèchant
a tout jamais de jouer en public.
Sa guitare à sept cordes, construite sous sa direc-
tion, est conservée au Musée du Conservatoire. Coste
publia soixante-dix compositions, caractérisées par
leur correction harmonique el par leur soliile struc-
ture; on y trouve des fantaisies, valses, andantes,
menuels, marches, préludes, rondes, divertissements,
études el récréalious. La plupart sont épuisées. (Juel-
ques-nnes ont été rééditées à Paris chez Costallat,
revues par Alfred Cottin, el d'autres se trouvent à la
rtibliotheque du Conservatoire.
A la deman<le des éditeurs de Sor, Costk ajouta
aux vingt-cinq études de ce dernier un court texte
explicatif, une collection d'exercices, d'études pio-
gressives, quelques Irauscriptions di'S œuvres en
tablature de liobeit tu. Visée, et une notice sur la sep-
tième corde. Cette édition fut publiée par Lenioine el
rééditée plus tard par Schoonenberger, de Paris, avec
quelques addilious.
Une autre colleclion de vingt-cinq éludes origi-
nales fut doigtée par Alfred Gottin, et publiée par la
maison Costallat.
201'*
K.\'(:ycLor>ÈniE de la mi:siql:e et dii.tiovwaihe un r.ovsERi'AToniE
A cps œuvres, on doit ajoulfr L Livre d'or, (iK<lié
ail Club de-i f,'uitarisLes de Leipziy, coiitenanl la
transcription assez lilne dn" f;roup' d'œuvies de
R. DE Visée et de divers Itagnients de sonates des
meilleurs ailleurs clussii|ues.
C"STE Miourut le 17 janvier 1883.
A la nièiue époque, lions trouvons en llalie, mar-
chant sur les traces &<■ Carllli et de Gn liavi, deux
arlistes ■lislin;;iiés: Hegondi el Mehtz, celui-ci, Aiilii-
chien de naissance, mais lormé d'après les proiédés
italiens. Knsnite, païaîl en Kspai;ne un groupe de
guilaiislps lorniés à l'école (I'Aguado, parmi Insqu^ls
nous sifinalnrinis Bhoca, Vinas, Costa y IIuras, José
deCiEBUA, liosca, Rassdls, Kkkher, Antonio et Fede-
rico Cx.No, Miguel Mas et d'autres encore, parmi
lesquels s^ détachent José Pahcaî- et Jirlian Arcas,
artisles admiiiibles i\a\ applii|ueiit la leclmiqne de
leur temps à l'esprit de la musique populaire.
José P\ri;as, bien qn'i'iléiieiir au st-cond par sa
musicalil'', produisit une collection d'œuvres qui ne
se sifjnalent peut-être pas par- leur valeur purement
musicale, mais qui oUrent, pai- contre, nn grand inté-
rêt iiisli uniental, parce quelles lendeni ii traduire
les traits les plus caiaclérisliques de l'àme dn peuple.
Jiilian Akcas naquit a \hiria. tioiirgade d ■ la pro-
vince de .Malaj^a, en 1K33; il Mit le plus oélebe des
guitariste- de son époque, en même temps qu'in
miisirien de •jénie qui coniribna au dévelo|ip.iueiit
de la niusii|ue nationale Sa miisiquH, d'une firàce
sponiaoée el caractéristique, expiimèe en ses S'ileares
et Piiiadcros, dépassa bs t'ronlieres de l'art ;;nitaris-
tique poiii' s'incorporer au réperloire nation:il. Ses
œuvres de fjnitare mettent en relief toutes les res-
sources de l'instrument.
Ahoas mourut à Anteq'iera, le 18 février 1884.
Tarrkga, i|ui le connut et l'enlendit dans sa jeu-
nesse, eut le talent d'assimiler le meillenr de son
arl, qu'il appliqua à ses propres quilites, tout en
gardant toniours pour le iiiailre inoubliable une
prnlo de adiuiiatioii el nn grand respnct.
Francisco Tarrega Ei.\ka naquit à Vilbirrcal (Cas-
tellon, prov. de Valencel, le 29 novembre 1834. Il
obtint le premier pii.x de piano et d'harmonie dans
les classes (iagliana et H^rnanuo, au ConS'-rvatoire de
national de .Madrid. A Cistellon, il lecut, 1res Jeune
encore, ses preniières leçons d'un giiitarisie populaire
aveuiiie, appelé L" c go de ii Marina. Ses parents
étant de la pins modeste classe soci.ile, il ne put pour-
suivre ses éludes musicales qiie«ràc>'à la prutection
d'un rictie pro[iriélaire de Buni^na, ilori Antonio
Conesa. Cell. s-ci terminées a Madrid, il donna au
théâtre Alliainbra un conrerl de guitare dont le suc-
ces décida pour toujours de sa carrière. Il parcourut
triomphalement toutes les villes d'Espagne et les
plus importants centres de l'EnropH.
I.a vie de Iarrega l'ut celle il'un grand mystique,
une vie lie pi-sion pour l'art, dé(iourvue d'ambitions
étrangères à la recherche de son idéal; il dédaigna
honneur, foi lune et gloire pourse consacrer à son art,
corps fl Ame.
A la périoile si brillante des Caucassi, Cxri'lli,
GiiLiA.M, Agi'auo et Sur, succéda une iionvelle déca-
dence lie la guitare, que l'incoutesiable valeur de
Co-TK el d'ARCAS n'arrivèrent pas à enrayer.
La carrière de gnilansle, à l'époque de rARREGA,
supposait le renoncemeiii aux liinis de ce monde.
La iiolile g litare' était ninse-timne dans ses possibi-
lités artisli<)Ues, les musiciens en étant arrivés à la
juger inapte aux maniiestatioiis élevées. La faveur
dii puldic allait au< virt'iojîes acrobates, ainsi (piaus
formes imisicMles de vastes dimensions. Le waiiné-
risiiie Iriomphait; un mépiis pour lonln expression
par trop populaire eiiu'Iobant la guiiare, contribua
à répandre chez les ania eurs le dédain de cet ins-
trument el de ses e.téciilants.
rAiiREi;A dut liitlercoiitre cite atmosphère hoslile.
.Ainsi qn'EsiMNKL et le Père B*silio, il revèlit la gui-
lare d'nn nouvel aspect artistique et porta le culte
de riii-trninenl à son apo:.'ée. La guitare lui doit
sa renaissance et sa splendeur.
L'activité ciéatriie de cet auteur s'étant vouée au
culte exclusif de l'instriiment, son iBiivre renferme
la quintessence de l'esprit instrumentai. Du priMiiier
élément jusqu'an.N détails les plus immatériels, tout
y fut par lui étudié, résolu, et ordonne, souvent au
prix d'énormes sam ilices. Si la guitare actuelle doit
sa raison d'être à I'arrkga, celui-ci viviliu ses carac-
lérisques individuelles. Jamais un objet vibrant el un
être ne se compéiiélrerent mieux, l'un parlant fiar
I autre. Vibration d'âme, sens débordant de la vie,
(.'eiiéro-ité sonore, tout leur était commun. Tarrega
est éminemment un auleur de guitare. Il a con-
densé sur SHS si.x cordes le pins pur ronuinlisnie du
XIX' siècle. Sou œuvre ne peut pas passer à d'autres
instruments; par contre, nombreux sont les mor-
ceaux de guitare d'auteurs fameux i|ui gagneraient
à être conliés à d'autres iiislriimeuts.
11 cunuiit Bkch, les classii]iies et romaiiiiques. dont
il iransposa les œuvres fiour la guitare, moins par le
désir d'èi re un traiiscripleur que pour puiser ilaiis ces
transcriptions un moyen d élevai ion et d ennoblis-
sement de l'instrument. Ceriaines œuvres des clas-
siques de l'étioque, bourrées, fufiues, meniiels. etc.,
coniues dans l'esprit du luth, l'incilèrent à réaliser
certaines adupl.itions pour -on inslmment dans
cet ordre d'idées. Il eut la clairvo\ance d>- ne choisir
que des (Hiivres adéquates; ses transcrifitions, sortes
de réintéyraiioiis du luth à la guitare, lelrempi-nt les
œuvres dans leur vraie nature.
Ce fils du peuple crut devoir éloigner aniant que
possible l'art de son sens « plébéien ». Il consentait
à jouer des Jotas populaires et des Fanliii^ies souvent
banales, pour prêcher plus eflicaceinent l'évangile
de Bach, .Mozart et Beeihiivev. Le classicisme de
ces « purs » le fascina; tout chez lui eu sunit
l'inllnence : écriture, technique instrumentale, ma-
tière sonore el inleiprélation Les ipialilés intrin-
sèipies de la sonorité primitive, uiiiverselleiiiHnt
gin'ilée du public, évoluèrent de la sorte vers une
unilormilé plus airinée el austère. Ce changement
fut réllechi el voulu.
Tariiega, dans son désir de perfectionner la musi-
calité de son iiisirument, se heuiia à d^-s di'liculiés
qui ensendrerenl les procédés d'une technique lon-
guement épurée. L'école mo lerne naquit, leiulanl à
la mise en valeur de l'œuvre passée, présente et
tutuie, tout en amélioianl ;i l'inMni la portée artistique
et musirale de l'iiistroment.
Alhemz, séduit iiula t par l'exécntion de ses œu-
vres que |iar le chariue île son caractère, devint un |
di' ses intimes.
PhDRKi.i. disiit de Tarrhx.a, ilans une de ses qiiin-
zaiiips musicales de La Vant/uardia i journal île Bar-
celone) : i< Pour l'élévHtiou de soi art Taruiga étu-
diait sans trêve ni repos, jour et nuit, an mépris de
la iati:;iie, non comme un artiste domimuii siipé-
rii-uienient la technique et tout ce que réclamait
le culte de son iiistrumenl lavori, mais comme un 1
TbillMiJI E, EsrilETIOl E ET I'EUACOGIE
LA GUITARE 2015
deluilaiil qui iHiitliH el ilécliiltie à làlons. Lart sli-
nml lii r>-s|iiitilu coiiipiisilfiireii oiiviaiitdes linrizons
plus l;ir:;es à son ins(iiratioii ; il 1 éprouva liii-mèiiie
dans l'éldilp dns classii|iies, par exemple dans c 11'-
de l'erJiiiand Sor ; cesl pouri|uni, le développemeiil
du classique dans les compositions de caraclein
mnderiie acquiert, dans son œuvre, les qualités qui
l'exaltent et la mettent en valeur. Joint à l'insiiiia-
tion du créaleur, l'art réilamait de lui le concmirs
de l'ensei^jnement; l'impérieuse nncessité de lormer
une plialanf.'e de disci|il>'s nous valut nii groupe d'é-
levés qui, quoique reslrcinl, fut apte à conlinuer son
œuvre. Auti-e chose encore nous étonnn dans l'œiivr -e
de Iarhkga : l'amplitude de coiu-eplinn qu'il donn.i
à la musique destinée à ce niodesle iustrumeni, -i
frêle, presque insi;,'niliant, mais dont l'àme sonoie
est si iidmiialilemHnt expressive. •>
Se liepensant durant loule sa vie en une insolite
tensio I spirituelle et physique pour réaliser si mis-
sinn d'arlisie, ses jours en liirenl ahréyés. Il mounil
prématiirémenl, à l'à^ie de cinquanle-cinq ans, sans
trouver les in-tantsde sérenilé propii'e an parachè-
veiiieiit de son œuvre. Ses principes dilactiqnes, an.
jourilhni epars, demeurent inédils. Il e'^t a regretter
qu une main bieniaisa le ne reuiiis-^e et ne pnlnie
pas ces trésors, pour la fzloire de la guitare et de
son aprttre.
(Jnoique une grande partie de l'œuvre de Tahrkc, \
deiiieur'' encore inédite, les maisons Aiilicli y Tena
de Valence, Vidal, Llimona y Uocela de Barcelonn,
Alionsn Alier, Urleo Irario de Madrid, et Homero
y Keinande/, de Huenos-Aires, oui publié, en des rol-
lertinns diierses, des préludes, éludes, gavotles, séré-
nades, mennets, danses, aubades, trémolos, valses,
ina/.url<as. caprices et lanlaisies sur des thèmes po-
pulaires, une série île transcriptions de B\ch, Haexdkl,
Haydn Mozart, ainsi que des auteurs espagnols.
S'-s jours lînirenl à Barcelone, le l"> décembre 1909.
Cniq ans après, Castellon, la ville aus luminosilé"
médilerranéennes, réclama ses restes. Un monu-
ment y fut ériiié à la gloire ilu i.'rand artiste qni,
'jadis enfant indigent, ensorcelait par ses accords
vibrant dans l'arôme des orangers un public eiitliou-
t siaste.
I, "aveugle andalou Anloiiio-ljimenez Manjon, tech-
nicien Ires habile, contemporain de Takrega, fut
applaudi tant en Europe qu'eu Amérique du Sud, on
il passa la moitié de sa vie, contribuant avec Juan
Alais --t Garcia Tolsa à la ditfusion de la guitare
dans le nouveau continent.
LA GUITARE ACTUELLE
Avec Tarrega disparait le meilleur interprète de la
guitare de tous les lenips. Mais son enseignement
n'a pas éiè perdu, car il a généreusement fructili>'
pendant les premiers lustres de ce xx" siècle, si pro-
digues en vulgarisations artistiques. L'abus du piano
et des instruments à archet, ainsi que la ledite île
certaines sonorités, provoquèrent une lassitude qui
devint proliiable à l'expansion de la guitare.
D'antre part, un renouveau d'intérêt vers la mu-
sique et les instruments anciens, l'inclination du
peuple vers la poésie musicale et 1 existence de gei-
taristi-s de yrand mérite ont délinilivemenl relevé
le prestige de la guitare.
Miguel Lloket, artiste complet, d universelle re-
noniiuee, parcourt constamment l'Kuropeel les Amé-
riques. Acclamé par tous It-s publics et piise par les
plus presti;.'ieux Compositeurs, il est le plu-^ puis-
samment et le plus diversement doué de tons ses
contemporains.
Uuoii|iie jeune encore, il fut de loin le premier à
révéler les orientations modernes de la guitare,
l.LoiiKT fut, en Kspaeiie, moins nu élève i]u'nn « dis-
ciple » du grand rAniiEGA. l'ixé à Paris des 19114 il se
lia inliniemeni avec Alhkniz, Mavrl et ItKinssY. La
l'ré(|iieiilatinnde cesnovaleiirs, ainsi que ratiiiosphèie
d'art ratliné dans laquelle il vivait, eurent une era-
[piise décisive sur son esprit Son œuvre et son talent
d'inlerpiele ne tardèrent pas à en subir la p us bien-
aisante indiience. l.a technique instrumentale déjà
prndi;,'ieuse de .Mivmel I.lobrt fut portée aux léalisa-
lions les plus conscientes. Il en arriva à tout subor-
don ler à la musique.
Le t>remier parmi les maîtres contemporains, il
imposa la yuitare à l'admiralion des auditeurs les
plus réserves. La soeieié iiitioiiale, l.a Trompette,
la Sel loi a CaïUoriiin et d'an 1res cercles et cénacles de
Paris donnèrent ilroit de cité à rinstrnineit. Jadis
plébéien, mais ilu coup anobli.
Parmi ses lenvres, li^nient d'exijuises harmonisa-
tions de mélodies populaires; El Mestre ei est la
pins remarquable. Ce nioneau marque un point de
d epart vers de nouvelles oiienlatious, renfermani le
germe d'ultérieures polychromies instr imentales.
Grâce à I.loukt, la guitare révèle un nouveau verbe
esllieiique : elle s'éveille à la couleur et à la poly-
phonie.
Manuel dk Falu, attiré par ces nouvelles ressour-
ces, écrivit \'Hommage à Debiissi/'; le chel-d'ceuvre
d'un tel maille est un-^si un hommage à la ynitare.
La lionne semence friictilie : une pléiade d'auteurs
modernes écrivent à l'heure actuelle pour la «nitare,
mais c'est "race à Miguel Llouet que l'on ose lui
demander tout ce qu'elle peut donner.
Entre a itres, nous citerons le tout moilerne com-
positeur uruguayen Alfoiiso Broqua, dont les œuvres
nombreuses nous senibleiit apporter une nouvelle
cnuiiibution a l'écrit iii e pour guitare. Cet auteur est
un des pretuieis Américains Lalins pour qui cet iiis-
tiiimenl soit devenu nn puissant moyen d'e.xpiession
de la race.
Identiliè à la gnilaie moderne et aux nouvelles
mnsi.|ues du Sud-Amérique, IIroqi 4 met eu relie
toutes les ressources sonores de l'insti iiment. .>on
est hétique. Ires personnelle, puise à la source popu-
laire et s'exprime en de viiioureuses louches, sans
jamais perdre de vue la musique ; elle >ail demander
a 1 instrument de ces polychromies latentes, si rare-
ment révélées, par crainte des ditlicultés instrumen-
tales.
Cet auteur écrit plus pour la guitare que pour les
guitaristes.
lianiel KoRTKA perpétue la tradition de I'arri-ga.
Exécutant de premier ordre, il jouit du meilleur
prestige parmi les musiciens Sa firoduciion abon-
dante et diverse est réalisée, telle l'œuvre de son
maître, en vue 'de l'exclusive spécialité de l'instru-
ment.
(Juoique donnant de nombreux concerts, ii dirige
spécialement son activiié 'vers la production el ren-
seignement.
André Sëgovia est un des ai listes les plus admirés
1, Le sigfialairc de cel ailicle cul l'iKnnt'i.r d'iMrf le [len-irr a
Paris ;t louer V Hommage d hibuny j our^tiil«re. Salli' du Conserva-
toire, le 2 decembrt-,1922.
2016
ENCYCLOPÉniE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
de nos jours. Virluose aux dons exquis, il connut,
très leune encore, un succès univi-rsel. Son art ex-
pressil' et leniarqtiablemenl cliantanl, aux limbre-s
délicats, possède un étrange pouvoir de fascination
sur l'Ame du public. Les interprétations de ce vir-
tuose extraordinaire portent toujours en elles le
germe du lêve musical. La fîuitare doit à sa propa-
gande zélée et inlatij^able une des meilleurs raisons
de son prestige actuel.
Ainsi que Llobkt, il possède un ascendant décisif
sur les meilleurs compositeurs modernes, récemment
acquis à la cause de la guitare. Ses compatriotes
TuRiNA, Chavabri. Moreno Torboba, Salazar, Arregui
et rilispano-Argentin Carlos Pedrell lui ont dédié
des ceuvres. A cet appoint hispanique s'ajoutent des
essais, souvent réussis, de musique dans le caractère
espagnol, des l''raneais Uousskl, Samazei'ilh, Col-
let, etc. D'autres œuvres de caractère non régional
sont dues à Ponce, Miiot, Petit, Tansmann et autres.
Uegino Sainz de la Maza, le plus ,|eune des guita-
ristes espagnols, doué d'èminentes qualités, parcouri
triomphalement les principales capitales de l'Kurope
et de l'Amérique, continuant de iaçon intensive la
propagande inaugurée par ses prédécesseurs.
Sa naissante' personnalité, at-'rémentée de dons
inventifs, laisse présumer, en plus de l'interprète,
un auteur de brillant avenir. L'école espagnole de
guitare moderne lui doit déjà plusieurs essais d'un
haut intérêt
Pour cluie la série des artistes espagnols, nous
mentionnerons Josi'fina Iîhbledo, célèbre en Espagne
et en Sud-Aniérique, .Matlnlde Clkrvas à Paris, Pé-
pita liocA, Qnintin E/ol'kurre, Alfredo Uouea, cri-
tique musical a Bareelone, Nor.uÈs y PoN (critique
et professeur à l'Hcole Municipale de Musique de
Barcelone), José Cirera, S. Garcia Fohtea, etc.
On compte en France un certain nombre de gui-
taristes distingués: Lucien Gelas, David delCastillo,
Madeleine Cotti.n, M"° Doré, Zurfluh, Marcelle
MuLLRR, etc. Alfred Cottin, décédé en 1923, est
auteur d'œuvres assez répandues, et lut un des plus
zélés propiitiatHurs de la guitare dans ce pays.
En Italie, mentionnons .Vlaria-Hita Hh«ndi, auteur
d'un volume récemment édité, // Liuto e lu ChUarra,
et le célèbie Mozzani, qui est le plus estimé par ses
compatriotes.
En Allemagne, Heinrich Albkrt, F. Buek, Tempel,
Hans BisHOP, Munchen, Georg Meier de Hambourg,
Schwarz Reifli.ngen, G. I'uholski à Berlin, Margarethe
Mullkr à Dresde, et d'autres.
En Aiitriclie, Jacob Okt.mer, professeur au Conser-
vatoire de Vienne; Joseph Zuth, Victor Kolon et
l'admirable virluose Louise Walker.
En Hollande, Pierre van Es.
En Argentine, au Chili, en Uruguay et autres
républiques sud-américaines, Domingo Prat', Anto-
nio SiNoi'OLi, Adolfo LuNA, 11. Lkloup, J. Sagkeras
et autres, paiini lesquels se détache nellement la
forte personnalité de i\l"« Maria-Luisa AiNido, laquelle
est en train de conquérir la plus juste célélirité, pour
la plus grande gloire de l'art musical de son pays.
Parmi les instruiueiits d'origine ancienne, la gui-
lare est le plus typii|ue, le plus complet, celui qui
ne lut pas surpasse. Ses racines populaires l'acherai-
neiit vers les expressions les plus musicales, loin de
l'en écarter, toutes les musiques lui sont accessibles,
1. DomiDgo PiivT, iSteve de Miguel Li.uiiET,ot Jo.sefina Uobi.>i.u, élevé
de Takkbga, lurent tes premiers a répandre en Amérique du Sudt'érote
moderne espagnole.
des plus simples aux plus complexes, des plus ingé-
nues aux plus savantes.
Les Coiiservatoiies de Barcelone et Valence ont
l'exclusif privilège en Espagne d'enseigner ofticielle-
inent cet instrument. Ils perpétuent les traditions
des anciens maîtres. Les principales légions d'Espa-
gne continuent de gaider à la guitare son aspect
populaire.
Des influences arabes, en s'insinuant en Andalousie,
produisirent l'art dit /lamenco, dérivation du cantt
jondo, dont l'inlluence fut si bienfaisante à la musique
espagnole moderne'-. On doit à cette musique popu.
laire une série d'interprètes de mérite, qui, souvent,
furent de modestes illettrés, mais fortement intuitifs
et admirablement doués. N'ayant pour rëglf qu'un
sentiment musical inné, ils transmirent de généra-
tion en génération les couleurs, rythmes et cadences
dont s'enrichit le Iblkloie andalou.
Le classique parmi les fOimencos fut le maître
Patino (élève du célèbre PaqcirrP). On doit à
Pati.\o des falsetas du style le pins pur. D'autres sui-
virent : El Mellizo, auteur delà Malnyiiefia flamenca
(1850), Paco EL DE Jerez et le plus célèbie de la
pléiade, Paco el de Lucena. Ensuite, el iMùo del Car-
men, Francisco Cortès, Angel Haeza, Manuel Alvarez
(Niûo de Moron), etc. De nos jours, on compte Pepe
EL EciiANO, Hahichuilas, José Cabeza, Javier Molina,
le prodigieux Manolkte dit : « Mùo de Huelva •>, et
Kamon Mo.ntoya, Miguel Bohrull, Amallo Ci:enca,
José Cirera, le peintre gitane Fabian de Castro,
Roman Garcia, son élève Hernamlo Vines, peintre
aussi, etc.
L'Aniérii|ue latine acquit des Espagnols le culte
de la guitare La guitare y devint la compagne et la
conlidente du (jawho solitaire, des mornes « pam-
pas » aux II punas " escarpées des régions andines.
Le folUlore sud -américain , révélé avec un art
esquis au public d'Europe par l'Argentine M""" Aiia
S. DE Cabrera, relève à peine des primitives intluen-
ces espagnoles. Cette musique provient d'un lolklore
foncièrement indigène, oïl les modalités indiennes
s'amalgament à un art populaire plus récent, formé
par le travail de plusieurs siècles. Le chant et la
guitare en sont les principaux soutiens. Il est à présu-
merque l'Amérique latine réservera la surprise d'une
future école qui, dérivant de la jinitare espagnole,
sera complètement autochtone. L'avenir est des plus
brillants et laisse discerner d'immenses perspectives.
INotre guitare actuelle revêt, ainsi que celle du
moyen âge, un double aspect : l'aspect populaire,
sans fard, et un autre afliné et savant dérivant de la
guitare latine.
Les hommes célèbres et la guitare.
Le Piémontais Rizzio devint, en Ecosse, "le déposi-
taire des secrets de Marie Sluait et l'âme du Conseil,
glace â son habileté à jouer de la guitare. Durant
quatre années, il tut le véritable roi de ce peuple;
victime d'une conspiration, il fut assassiné dans la
charnlire île Marie Stuail, et mourut dans les bras
(le cette reine (Allonso Torres del Castillo, Ilisl^ire
des persécuiiuns [lutUiques el relii/ieuses, t. IV, p. 324'
el 3251.
i. Voir La .Wisique espagnolt: par Edijar Neviile dans la revue
L'Esprit Nouveau, a' 16, lîditions de V Esprit Nouveau, 3, rue du
Clicrclu-.Midi, l'aris.
3, l*Ayuntiu fui le preninr /ocaor qui accompagna sur la guitare les
Seiiuirii/as , SetTanas, Soltares^ Polo y ta Caûa, les seuls air.i du
/'(, uu jOtido (idnieltant l'iutcrveDljoa de la guitare.
TECHMQVE, ESTHÉTIQUE ET PÈDAGOCIE
LA GUITARE W\l
Louis XIV fut aussi un {,'rand amateur et protec-
teur (le la guitare. Bonnet dil dans son Histoire de
lu Musvine (1715) : « La guitare fêtait sou instrument
favori, et en dix-huit mois, il avait, dit-on, égalé un
niaitre que le cardinal avait fait venir d'Italie (pro-
bablement Francisco Corhetta). » On lit dans les
Mémoires de M™" de Molteville : « Il adorait la musi-
que et faisait des concerts de guitare quasi tous les
jours. " (Collection Petitot, vol. XXIX, p. 408.) L'Estat
gênerai îles officiers du roi, -29 avril 16lil, prouve que
Louis XIV avait un niaitre de guitare (maistre pour
enseigner le roi à jouer de la guitare : Bernard Jour-
D.\N, sieur de la Salle).
M"'' de Nantes, fille de Louis XIV, joua aussi de
la guitare. (Voir Constant Pikrre, page 67.)
Maurice de Raoui.x fut professeur de guitare de la
duchesse de Berry et auteur d'un grand Duo concer-
tant pour deux guitares, édité par Louis Bresler.
Le comte de Lowendhal, la marquise de Marbeuf,
le prince de Conli, lord Kerby, la marquise de Las-
salle et autres personnalités laissèrent aux mains
des révolutionnaires leurs guitares avec d'autres ob-
jets d'art
Pour certains grands musiciens, la guitare fut
comme un petit bréviaire leur permettant de puiser
les premiers éléments d'une idée orchestrale.
MoNTEVERDi, dans l'orchestration de son opéra
(irfeo, chanté devant la cour de Mantoue (1607), ajou-
tait deux guitares à son orchestre.
D'après Lederf de la Viéville, Lully aurait appris
d'un vieux cordelier, à toucher de la guitare, en
même temps que les premiers principes de la mu-
sique.
Weber et Schubert écrivirent aussi des mélodies
qu'ils accompagnaient eu.x-mêmes sur la guitare. Ce
dernier composa, dans sa jeunesse, un quatuor pour
instruments à archet et guitare.
DiAiiELLi (Antonio) 11781-1838), pianiste connu
surtout par son œuvre didactique, fut professeur de
guitare à Vienne pendant plusieurs années.
Beethoven aimait entendre les deux sœurs Mal-
FATTi interprétant diverses musiques et la sienne
propre sur la guitare et le cymbalum.
La célèbre sérénade du Barbier de Rossini s'ac-
compagne en principe sur la guitare, qu'emploient
[aussi (JRÉTRY dans L'Amant jalou.i, Auber dans La
\Nei(je, Weber dans Ûberon, Spohr dans '/.émire et
lÂzor.
On racoute que Paganini électrisait ses auditeurs
[autant avec sa guitare qu'avec son violon. Parmi ses
nombreuses compositions pour guitare seule, on
remarque deux sonates (op. 2 et .3, édition Ricordi,
Milan, et Richault, Paris), une collection abondante
de menuets et fantaisies, puis trois « grands » qua-
tuors pour violon, alto, violoncelle et guitare, des
variations de bravoure sur un thème original pour
violon et guitare et neuf quatuors pour violon, alto,
violoncelle et guitare (Ricordi, 186.1).
Berlioz fut toute sa vie passionné pour la guitare.
Dans son Berlioz intime, Edmond Hippeau dit : » Il
emporte sa guitare et l'Enéide, et improvisi' sur ces
vers, enfouis dans sa mémoire depuis son enfance,
une étrange mélopée sur une harmonie plus étrange
encore. Sous l'intluence combinée des souvenirs de
la poésie c-t de la musique, il atteint le plus incroyable
degré d'exaltation. » Berlioz avait appris la guitare
avec un musicien de la côte Saint-André, Dorant'.
Dans la correspondance inédite de Berlioz, figure
un fragment de lettre adressée à Ferdinand IIiller,
datée de Rome (17 décembre 1831), où on lit : » Je
vais retourner dans le mien (ermitage) à Subiaco;
rien ne me plait tant que cette vie vagabonde dans
les bois et les rochers, avec ces paysans pleins de
bonhomie, dormant le jour au bord du torrent, et le
soir dansant la saltarelle avec les hommes et les
lemmes habitués de notre cabaret. Je fais leur
l'Onheur par ma guitare; ils ne dansaient avant moi
qu'au son du tambour de basque; ils sont ravis de
ce mélodieux instrument. »
Dans son Traité d'instrumentation, Berlioz s'occupe
longuement de la guitare; à son avis, elle n'est pas
destinée aux ensembles, puisque, au contraire des
autres instruments, elle perd l'effet exquis de sa
sonorité. 11 considère au surplus qu'il est impossible
d'écrire pour la guitare sans savoir en jouer.
Paraphrasant Berlioz, lorsqu'il appelait la guitare
« un petit orchestre », Wagner aftirmait que l'or-
chestre était « une grande guitare ».
Charles Malherbe raconte que Counod essaya sur
la guitare l'esquisse de Mireille-.
.Massenf.t disait : " C'est l'instrument le plus com-
plet; » pour Debi'ssy, c'est « un clavecin expressif».
Marie Malibran, Adélaïde Risïori, le ténor T.\m-
iiERLiR, le fameux agitateur italien Mazzini lui-même,
eurent la passion de la guitare.
Glinka, pendant son séjour à Grenade, recueillit
des « toques » du Ml'rciano, les sonorités et les pro-
cédés qui influèrent sur l'orchestration moderne.
Verdi employa la guitare dans Falstaff, Donizetti
dans Don Pusquale, Scarlatti dans son ballet Les
Jûijetises Commères de Windsor.
Entre autres, Boccherini écrivit un quintette pour
violon, alto, violoncelle et guitare (op. 46, chez
Pleyel, 1780).
Manuel de Falla emploie la guitare dans La Vie
flrère, Breton dans La Doloirs, Raoul Laparra dans
Lu Halianera, Schœnberg dans un de ses quatuors, et
d'autres musiciens modernes dans quelques-unes
de leurs œuvres.
Le " bardo» Iparraguirre composa l'hymne basque
Gtiernikako Arbola sur sa guitare.
Dans tous les temps, les poètes, les écrivains et
presque tous les peintres aimèrent la guitare. On
dit que Cervantes jouait de la vihuela et connais-
sait parfaitement la musique. (Voir Soriano Et ertes,
Ilistoria de la musica espaiiola, cap. xv, p. 171 et
172.)
Schopenhauer s'assimila toutes les sciences : miné-
ralogie, botanique, météorologie, physiologie, ethno-
logie, etc., hormis la guitare, et dut, après bien des
années de stériles ell'orts, suspendie à un clou de sa
chambre l'instrument rebelle.
Le poète saxon Shelley écrivit un poème dédié à
la guitare. Eugenio d'Ors, connu sous le pseudo-
nyme de Xénius, disait dans un de ses Gtussaircs :
<■ Le chant de la harpe est une élégie; le chant du
piano est un discours; le chant de la guitare est un
chant. )■
Lm'Arra dit : <■ On pourrait appeler les six cordes
de la guitare six âmes ditférentes dans un corps
harmonieux, tant est grande leur indépendance
d'expression. »
i. Hippeau, loco cil., p. 189. \'oir aussi : Adolplie ÎIi-^chot, f.a Jeu.
nessc d'un romantique (1906), pp. 6G et suiv, (N. 11. L. D.
Copyrigthby Librairie Delagrare, 1021.
■1. Voir aussi : S. G. f'noo'H
p. 41. (N. D.L. D.i
)M)iE el A. DxNDEr.or, Gouiiod {\'i\\).
127
201
8 ESCVCLOPÉniE DE LA MCSIOCE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Ruben Daiio déliiiissait lyriquement la guilare :
Urna amorosa de voz femeniiia,
Caja de musica de dolor y placer,
Tiene el acenlo de un aima divina,
Talle y caderas como una mujer'.
Les facteurs.
Parmi les fadeurs de guitare de lous les temps, la
place d'honneur revient à Antonio de Toures. Ses
instruments, non encore catalogués, n'ont pas tous
les mêmes qualités; ils furent
construils à deux époques dis-
tinctes : ceux de la première
époque, à Séville, datent de 18bO
à 1869; ceux de la seconde
furent construils à Alméria, où
ToRRES était né, et datent de 1880
et au delà.
Elève du célèbre luthier J. Për-
NAS, il introduisit dans la cons-
truction des innovations qui
furent conservées par la suite. Il
modifia les dimensions de la gui-
tare, obtenant ainsi un plus joli
timbre et une sonorité plus am-
ple. ToBREs sut concilier la soli-
dité avec la beauté des lignes, la
délicatesse el la sobriété dans
l'ornementation. Il inventa un
tube de résonance qui, placé à
l'intérieur de la caisse, autour de
la rosace, renforçait la sonorité
des cordes graves. Néanmoins,
il n'employa pas ce procédé d'une façon générale.
On raconte de Torres cette anecdote curieuse. Il
discutait avec plusieurs constructeurs des causes
qui agissaient sur la sonorité de la guitare. A l'appui
de ses théories, Torres promit de construire une
guitare en carton, sauf la table d'harmonie qui
serait en sapin. Il tint parole, à la grande admira-
tion de ses collègues. Cette guitare, qui appartint
d'abord à Tarrega, figure aujourd'hui dans la belle
collection du guitariste Miguel Uobet.
Les instruments de Torres sont ceux qui ont
obtenu, après la mort de l'artiste, les prix les plus
fabuleux, surtout ceux de la première époque, tenus
pour les meilleurs.
Les prédécesseurs de Torres furent les facteurs Pa-
ges, père et fils, José Benedict, Cadix, Récio, Munoa, de
vers la fin du xviii» siècle et le début du xi.k« siècle,
et plus tard, Altimira, de Barcelone, en 1850.
Ont continué Torres dans la maîtrise de la facture,
Vicente Arias, de Ciudad Real, et Manuel Ramihez,
de Madrid; ce dernier a eu pour élèves les luthiers
les plus réputés d'aujourd'hui, Santos Hernandez et
Domingo Esteso, de Madrid, et Enrioue Gabcia, dé-
cédé en 1923 à Harcelone, dont le brillant successeur
est Francisco Simpi.icio.
Parmi les luthiers espagnols modernes, citons Ri-
BOT Y Alcaniz, Sanfeliu, Flix, Marchuet et Serra-
TOSA, de Barcelone; Soto, de Séville; Zubia, de Lo-
groûo; Luis Soria, de Gijon; Llorente, Pau, Pascual
RocB, Iranez, Ponce, de Valencia; José Ramihez, Rojas
et Gonzalez, de Madrid.
FlG. 1055.
Guitare Tobres
(2« époque).
Au début du xix" siècle, on appréciait beaucoup
les guitares de François Lacôte, de Pari.s, instru-
ments admirables d'élégance et de solidité, construits
et perfectionnés sur les avis de Carl'lli, Caucassi et
Sors, admirateurs et amis du célèbre luthier. On
appréciait aussi les instruments de Panormo-.
Parmi les luthiers italiens du siècle passé, se dis-
tinguèrent G. GUADAGNINI, MeLEGARI, TADOLIM, Ro-
vetta, Volpe; Manzini, Silvestri, Manni, Malagoli,
Reggiani, Giacopo Rivolta, etc.; parmi les mo-
dernes, MozzANi est le plus célèbre.
Antonio Stradivahks (1644-1737) construisit, à ses
débuts, deux guitares dont l'une figure au Musée du
Conservatoire de Paris.
Actuellement, tandis que J. Gouez Ravirez cons-
truit à Paris selon les traditions de la facture espa-
gnole, L.GELAs,inventeur d'un nouveau système basé
sur des théories acoustiques différentes, a récem-
ment créé un type d'instrument à deux tables har-
moniques : l'une oblique el inférieure, sur laquelle
est monté le chevalet, l'autre parallèle aux cordes
à travers la rosace et qui se termine à mi-chemin
entre celle-ci et celui-là. Bien que ce procédé ait
donné d'appréciables résultats quant à l'intensité
sonore et soit excellent pour les grands ensembles,
on peut douter qu'il possède le charme des instru-
ments construits dans la forme classique.
Certains vieux instruments de notre civilisation,
tels le violon et la guitare, atteignent un degré de
perfection qu'il est oiseux de vouloir dépasser au
risque d'en altérer le charme immanent. Ils sont
comme des dogmes chers à l'àme collective, inacces-
sibles à l'évolution. En modifier la construction,
c'est altérer leur essence, toucher à leur àme. Ceci
n'empêche que l'on construise d'autres instruments
similaires sur des données physiques modernes, et
susceptibles de plus amples sonorités; mais ce sont
d'autres instruments.
Les transcriplions.
La haute autor té du critique Emile Vuillermoz
nous confirme dans une opinion personnelle lorsqu'il
accepte, en principe, que les œuvres conçues pour
des instruments déterminés soient détournées de
leur but primitif, pourvu que les transcriptions se
réalisent avec un haut discernement.
L'essor indéniable pris par la guitare en ces der-
niers temps serait moindre sans l'aide des transcrip-
tions (souvent si systématiquement combattues) qui
contribuèrent àenrichirsa littérature. Legénie trans-
cripteur d'un Tarrega et de plusieurs de ses émules
a imposé la guitare à tous les instrumentistes et
aux musiciens.
Il est aisé de montrer qu'elle améliore certaines
musiques qui ne lui étaient pas destinées; les trans-
criptions de certaines œuvres pour piano d'ALRÉNiz
et Ghanados en font preuve. Jamais la couleur imma-
nente dans l'àme musicale espagnole ne fut mieux
révélée que par la guitare.
Douée d'une étrange faculté de mimétisme, la gui-
tare sait aussi s'adapter au sens archaïque des ins-
truments anciens; elle clianle dans toutes les lan-
gues : d'abord, dans le vieil idiome des viliuelistes.
Urne aiiioiiri'use à la \oiK rnininine,
lioite â musiiiiie de douleur el de plaisirj
VAWa l'dccenl d'un; ùiiie divine,
Taille el hanches comme une femme.
2. Dans l'inventaire d'objets abandonnas par la noblesse française
il l'époque révolutionnaire Gguraient plusieurs fçuitares conslruitCs
par Svi.oMoN, Pierre Locvet, Saumek, Guu.laumk, F'euun. I''i,f,u»\,
Coum:n, RkM\, Alexandre Vockanf le jeune (1673) et autres (M.-Uîta
Bno.NDi, Il Liiit'j e ta Chilarra, Torino, lOâti).
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÈDAGnciE
LA GUITARE 2019
ancêtres des guitaristes, puis, dans Haendel, Bacd
et Mozart, elle s'humanise au point de l'aire oublier
qu'elle traduit des pensées qui ne lui étaient pas
destinées. Mieux que tout autre instrument, elle s'a-
dapte sans elTort au classicisme, au romantisme, au
modernisme, embellissant tous les genres.
Ou ne doit pas craindre d'accepter les transcrip-
tions lorsqu'elles sont réussies. Cela est aisé à obte-
nir si le trariscripteur possède une haute conscience
de sa mission, tous les moyens techniques néces-
saires, et l'intuition de discerner quelles sont les œu-
vres n'ayant rien à perdre à la transcription, mais
plutôt à y gagner.
Considérations générales.
La guitare, étant l'Ame de la musique espagnole,
a donc contribué à la floraison des oeuvres aujour-
d'hui les plus répandues. Ses cadences typiques,
ainsi que ses systèmes d'harmonie, ne proviennent
pas tou|ours d'une l'aison purement esthétique, mais
d'une raison plutôt physiologique : ce sont les doigts
intuitifs des focaores (joueurs populaires) qui en sont
souvent la cause.
L'esprit de la guitare se trouve "naturellement chez
tous les auteurs espagnols de toutes les époques;
dès le XVI" siècle, on le voit agir sous l'inlluence des
vihuelistes Milan, Fuenll^na, Cabezox, etc ; au xvii'",
les guitaristes Sanz, Hibayaz, au xvni', les composi-
teurs EsTÉvE, le Père Soler, Mateo Alreniz, etc. s'en
inspirent.
Les vihuelistes et guitaristes des xvi= et xvn« siècles
portèrent à l'étranger le germe des inlluences espa-
gnoles. La France, l'Angleterre et l'Italie en profitè-
rent d'abord; l'irradiation devint ensuite plus uni-
verselle. Les formes des danses anciennes espagnoles,
sarabandes, passacailles, pavanes, folies, gaillardes
et autres sont empruntées au peuple par la guitare,
qui les passe aux ultérieures musiques instrumen-
tales. Les musiciens de tous les pays en profitent :
la pléiade des Bach en Allemagne, Scarlatti en
Italie, les clavecinistes français et anglais, les classi-
ques, les romantiques , puis les modernes. Entre
autres, nous citerons Glinka, Rimsky Korsaroff, César
Cui en Russie, Boccherini et le moderne Zandonaï en
Italie, puis le groupe des illustres Français Bizet,
Lalo, Charrier, Saint-Saëms, Debl:ssy, Bavel, et, na-
turellement, en Espagne, les créateurs ou continua-
teurs de la typique zarzuela cspanota, Barbieki, Bre-
TO.N, Chapi, Vives, enfin, parmi les maîtres contem-
porains, Albeniz, Granados, Falla, Turina, etc.; tous
rendent hommage aux rythmes espagnols, souvent
fils de la guitare.
Cet instrument plus que latin, méditerranéen,
exprime mieux qu'aucun autre le sens de l'mtimismf
musical, en opposition avec le jazz tonitruant. La
guitare éveille et accentue chez l'auditeur le goût de
la qualité sonore. Mais pour bien percevoir ses sono-
rités, il est indispensable d'écouter à distance, — ce
qui peut paraître étrange à l'égard d'un instrument
confidentiel par excellence; — l'éloigneraent per-
met aux ondes de s'amplifier, de s'épurer et de se
iusionner.
Peut-être, la guitare n'est-elle pas toujours traitée
dans toute son ampleur par certains compositeurs
modernes. On la considère un peu trop comme un
instrument exclusivement chantant, féminin et frêle,
inapte à un rôle plus vaste, aux polychromies et aux
élans audacieux. Nous croyons que la guitare (même
dans son accord actuel susceptible d'ultérieures mo-
difications), s'adapte aux genres d'expression les plus
opposés. C'est allaire d'entente entre compositeurs et
interprètes.
On lu croit souvent incapable d'évoquer des mu-
siques autres que celles d'Espagne... (De l'avis de
certains puristes de nos jours, elle ne serait qu'un
instrument arabisé du sud de l'Espagne, voué à l'art
flamenco, et même elle ne devrait jamais quitter ce
rôle.) C'est ignorer ses facultés universelles et son
pouvoir d'adaptation à tous les génies.
Les compositeurs modernes dont la nationalité
n'est pas espagnole ne veulent presque jamais écrire
pour la guitare sans se croire obligés de faire de la
musique espagnole. Etrange pouvoir d'hypnose qui
crée des œuvres souvent d'une grande valeur, mais
forcément déracinées, d'un hispanisme qui ne peut
être qu'extérieur.
Cela porte souvent à regretter que les composi-
teurs sous-estiment les moyens expressifs de la gui-
tare... Que ne donnerait l'esprit de la musique fran-
çaise drtmeut adapté à cet intrument!
La guitare, de tous temps animatrice de l'esthé-
tique, a supérieurement enrichi la musique moderne.
C'est maintenant à la musique moderne d'enrichir
davantage l'écriture de la guitare.
EXPOSÉ DE LA TECHNIQUE DE L'INSTRUMENT
La technique doit s'apprendre directement sur
l'instrument, et les dissertations pédagogiques nous
semblent la plupart du temps oiseuses. Nous croyons
cependant devoir compléter ce travail sur la guitare
en exposant quelques-uns des procédés techniques
qui aident à sa compréhension.
Pour plus de concision dans l'exposé, nous avons
dû omettre les exercices pratiques, mais nous nous
proposons de faire un jour un travail plus étendu
sur ce sujet.
i\onieaclatare des parties qui composent
l'instrument.
La guitare usuelle se compose essentiellement d'unfe
caisse de résonance, d'un manche et de six cordes.
La caisse de résonance est formée par deux sur-
faces planes et parallèles qui constituent le dessus
et le dos. Les courbes formées par les contours de
cette caisse offrent symétriquement deux corrvexités
extérieures, l'une plus grande que l'autre, unies cha-
cune par une courbe concave qui détermine les deux
parties supérieure et inférieure de la caisse.
La surface supérieure, invariablement en sapin,
s'appelle table d'harmonie, et constitue la partie la
plus importante pour la sonorité de l'instrument.
Au centre, vers la partie supérieure, se trouve une
perforation circulaire de 8 centimètres et demi de
diamètre environ, ayant pour but de prolonger les
sons; on l'appelle rosette ou rosace. Les luthiers ont
toujours donné libre cours à leur habileté et à leur
fantaisie en incrustant autour d'elle des mosaïques
de bois, de nacre ou d'autres matières ornementales.
Au centre de la partie inférieure de la table
d'harmonie, se trouve une pièce de bois rectangu-
laire de 19 à 20 centimètres de long sur 3 de large.
On l'appelle chevalet. Ce chevalet est plus épais au
centre sur une longueur de 84 millimètres; cette
partie surélevée est divisée en deux autres (antë-
2020
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
rieure et postérieure) par une rainure longitudinale.
L;i jiartie antérieure supporte une petite pièce rec-
tangulaire d'ivoire ou d'os appelée sillet. Ce sillet a
pour objet : \° de soulever les cordes au-dessus de
)a table d'harmonie; 2" de fixer une des extrémités
de vibration des cordes, et 3» de transmettre les
vibrations à la caisse de résonance par le contact
avec la table d'harmonie.
La partie postérieure du chevalet contient six
trous transversaux par lesquels l'extrémité inférieure
de chaque corde s'attache solidement au chevalet.
Ce système de chevalet, inventé par Acuado', se
substitua aux anciens systèmes, moins pratiques.
Le fond An la caisse de résonance est généralement
en palissandre, parfois en érable ou en cyprès; il a
les mêmes dimensions et contours que la table
d'harmonie. Ces deux surfaces sont reliées entre
elles dans leurs contours par deux bandes de bois
assez minces de 9 à 10 centimètres de haut, nommées
cclisscs. L'ensemble de toutes ces pièces constitue la
caisse de résonance.
L'ne pièce de bois de 32 centimètres et demi de
long sur b à 6 de large, plate sur le dessus, con-
vexe par-dessous, part du bord supérieur de la
caisse, perpendiculairement au chevalet ; c'est le
manche (généralement en cèdre). Sa partie plate
supporte une planchette de bois, plate aussi, appe-
lée diapason, clavier ou plaque des touches, qui est
en ébène ou en palissandre.
La plaque des touches est divisée par 19 filets
transveisaux en métal ou en argent, qui dépassent
légèreuiement sa surface^. Les filets sont placés à
des distances calculées de telle sorle qu'ils corres-
pondi-nt aux demi-tons de la gamme.
Les dix -neuf espaces entre les filets sont appelés
cases ou touches.
Le diapason est limité à sa partie supérieure par
Tin second sillet légèrement plus court que celui du
chevalet. Il est sillonné par six rainures transversales
sur lesquelles viennent s'appuyer les six cordes. Le
sillet du diapason corres|>ond au sillet du chevalet
en ce que chacun d'eux iixe une des extrémités de
vibration des cordes. La paitie inférieure du diapa-
son s'arrête à la rosace. Cette partie inférieure s'ap-
puie donc sur la partie supérieure de la caisse; il en
résulte que les douzes premières divisions, formant
une gamme complète, sont sur le manche,
et les sept autres sur la caisse de
En prolongation du manche et le
se trouve iine pièce en cèdre gé
recouverte de palissandre, qui s'élargit et s'in
La tradition veut qu'on n'écrive pour la guitare qu'en clef de sol, alors que sa tessiture réelle demanderait
aussi la clef de fa. Ceci faciliterait la tâche du compositeur, souvent gêné par trop de lignes supplémen-
taires.
IJenini-quoiis que la musique éciite en clef de sol pour la guitare sonne une octave plus bas :
cline vers le dos de l'instrument. On la nomme tête :
elle contient six chevilles, trois de chaque côté.
Les chevilles ont un double but : assujettir les
cordes fixées à leur extrémité sur le chevalet, et
obtenir la tension nécessaire pour les accorder.
Anciennement, elles étaient en bois; aujourd'hui on
emploie un système mécanique à vis sans fin.
De nos jours, la guitare a six cordes simples','; les
trois premières {mi, si, sol) sont en boyau, les trois
autres {ri!, la, mi grave) sont en soie recouverte de
laiton; on les appelle cordes fdées.
Les cordes.
Le meilleur instrument, muni de cordes médiocres,
perd ses plus précieuses qualités sonores. Les cordes
doivent être avant tout de bonne facture, de justesse
parfaite et di'iment calibrées au préalable.
L'industrie si délicate des cordes de guitare a
dernièrement souffert les elfets de la grande guerre,
et rend difficile le choix des guitaristes quelque peu
exigeants.
Les anciennes marques réputées ayant aujourd'hui
disparu, nous connaissons parmi les meilleures mar-
ques actuelles, cordes en boyau, celles de Pirastro • ;
Elite". Double diapason'', El i\Iaestro\. etc.
Pour les cordes filées, nous inclinons à recom-
mander celles de M. Hei'ni. IIaiser, de Munich, et de
M. Manuel Dura, de Valence.
Nous croyons personnellement que le calibre des
jeux de six cordes devrait être choisi en rapport avec
la grosseur de chaque table d'harmonie, celle-ci étant
vaiiable.
Préférence aussi toute personnelle, entre deux
cordes similaires, nous choisissons toujours celles
dont la sonorité est la moins métallique.
Accord.
Les six cordes de la guitare actuelle s'appellent
sixième, cinquième, qualrième, troisième, seconde
et première ou chanterelle du grave à l'aigu.
L'écart entre la 6= et la 3% la fi" et la 4% la 4= et
la 3% la 2' et la 1'», correspond à un intervalle de
quarte; entre la 3" et la 2'' corde, il n'y a qu'une
tierce majeure :
; résonance. P
e terminant, tU
énéralement J
CorilesVI V IV m E
Cordes VI
V TV
m
UiiUnji^
UM^
Votes figurées ençl^f desol
^^W
I. Voir son IS'ueuo Metodo para [luitarra, chup. vi, p. 3.
i. AncienneniHut, les cases ou touches etnient détimitùes par des
cwrdfs de bojaii enroulées «ulour du maiiclie aux distances néces-
saires |)our établir les demi-tons. Ces cordes furent remplacées par
des filets en métal ou en argent dont Ruiz pe Ribay.\z s'attribue l'inven-
tion.
■i. D'après F. de F uss.\, la guitare à cordes simples l'ut adoptée en
France bien plus tôt qu'en Espagne. Cf. sa traduction de la Méthode
complète d'Ar.uAuo, p. 31.
'i. Gustav PiRAz^i, 0/feiibach.
■ K iind.
li. Jbid. Maison Jombard. 3T, rue de Rome, Paris; R. Piin-amou^
Rarcelone; Santos Hernandez, Madrid.
7. Ibid, Uue, Zurich.
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA GUITARE ':c2l
Ceci serait évité par l'écriture avec deux clefs :
Notes réelles
La 5'
—
—
ye
La i»
—
—
V
La se
—
—
IV
La 2=
—
—
Vc
Le procédé le plus ancien pour accorder la guitare
est de chercher sur la corde grave l'unisson de la
corde aigué voisin»;. Cet unisson se trouve sur la
cinquième tourlie pour les cordes ayant entre elles
un écart de quarte, et sur la quatrième touche pour
celles n'ayant qu'un écart de tierce.
La 6" ccinJij sur la V louche lionne le son de la'5'' à viilc.
_ 4'' —
— 3° —
90
_ 1= -
On peut aussi accorder par octaves.
La 5c corde â vide a pour octave !a 3^ sur la 11^ touche.
La 5= corde sur la II" louche a pour octave la 2" k vide.
La 5»' corde à vide a pour octave la 2'' sur la III^ touche.
La i' corde sur la II" touche a pour octave la 1'° à vide.
La 1 f^ corde et la (i" à vide sont à la distance juste d'une octave
double.
Il est loisible, parfois, de descendre la G" corde
d'un ton (le mi devient ré); ceci donne une Ionique
grave dans le ton de ré majeur et mineur. Ex. :
CordïS
RÉ .M.
m
VI V HT on. n
Cordes - - p. . .VI V IV m ^ },
RE.m. 1+^
•I
-^ OT"
Et une dominante grave en sol majeur et mineur. Ex. :
Cordes I) vr V Tv^ m H i
Cordes. -
. \T V TV m
3E
ËE
Dans ce ton (majeur ou mineur), la cinquième et
la sixième baissées d'un ton donnent la tonique et
la dominante à vide, ce qui favorise les sonorités de
l'exécution. Ex. :
Coraes.fl VI V IV m TI I
SUL^f
Cordes
SOL ni
Pour le ton de fa, la sixième peut, au conlraiie,
monter d'un demi-ton. Ex. :
Cordes. -
,...V1
V w m
n
I
Pt" —
o—
""
Le guilariste Andrés Segovia émet la thèse d'un
éventuel changement d'accoril qui doterait la gui-
tare d'une disposition d'intervalles plus adaptée aux
complexités de l'écriture moderne.
Tous les principes novateurs en pédagogie instru-
mentale méritent d'être sérieusement considérés.
Mais nous persistons à croire, jusqu'à preuve du
contraire, que le vieil accord traditionnel, basé sur
des principes physiques el physiologiques, n'entrave
pas l'adaptation de la guitare aux plus nouvelles
modalités expressives.
Ce nouvel accord proposé, que nous ignorons,
sera le bienvenu s'il doit coniribuer à l'expansion de
l'instrument.
Étendue et ressources de rinstrniiient.
L'étendue totale de la guitare est de trois octaves
plus une quinte. Tout dessin mélodique compris dans
ces limites y peut ftre réalisé.
Elle admet une écriture comportant un nombre
de voix allant de une à six. On n'en emploie généra-
lement que trois ou quatre.
La guitare montre une prédilection pour les tons
basés sur les cordes à vide de son accord naturel
(mi, la, n'', sol, si) majeurs ou mineuis. .Si les fon-
damentales sont à vide, le son en est amplifié, et la
liberté de la main gauche accrue. Toutes les tonalités
sont possibles.
Les accords les plus étendus proviennent généra-
lement d'uae note donnée sur la corde à vide. Pour
obtenir une tonalité en s'appuyant sur une touche,
l'étendue maxima des \oix doit être circonscrite
entre cinq touches embrassant les six cordes, soit
une étendue totale de deux octaves et une tierce
majeure; il faut éviter de dépasser cette étendue,
sauf daus le cas où la note grave peut être donnée
par une corde à vide. La meilleure étendue est celle
qui se circonscrit entre deux octaves; elle oITre la
plus grande liberté pour la formation de tons les
intervalles el de tous les mouvements des voix.
Cette étendue permet les passages allant du dia-
tonisme au plus subtil chromatisme, les polyphonies
souvent complexes, voire des polytonies... On doit
néanmoins penser qu'elle n'est pas indéfiniment
extensible; l'exécutant ne dispose que de six cordes
et de quatre doigts. La guitare est un instrument qui
donne souvent plus qu'on n'en attend, mais auquel
il ne faut pas demander plus qu il ne peut donner.
1. 11 faut un bée uTc devant le ai. (X. D. L» D.)
2022
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Position de la guitare»
Le guitariste doit s'asseoir, et appuyer le pied
gauche sur un tabouret de 12 à 13 centimètres de
haut. Pour le parfait repos du pied, la surface du
tabouret penchera de quelques centimètres vers le
talon. Les dames se servent généralement d'un tabou-
ret plus élevé.
La cuisse gauche doit former avec le corps un
angle légèrement aigu, tandis que la droite s'écarte
pour faire place à la partie inférieure de l'instru-
ment. Les dames ont l'habitude d'incliner davantage
le genou droit et de le rapprocher de la jambe
gauche, au lieu de l'écarter.
La guitare doit s'appuyer par sa courbure concave
inférieure sur la cuisse gauche, le fond de la caisse
tourné vers la poitrine. Le buste sera légèrement
incliné en avant, pour permettre à la guitare de s'y
appuyer. Les épaules tomberont naturellement,
l'avant-bras droit s'appuiera sur l'arête de la table
d'harmonie, au sommet de la courbe de la partie
inférieure de la guitare, en sorte que la main tombe
entre la rosace et le chevalet. L'avant-bras gauche
se pliera pour permettre à la main d'atteindre le
manche de la guilare au niveau des cordes.
Main droite.
F^e poignet courbé, la main s'inclinera vers la ro-
sace perpendiculairement aux cordes. Les doigts
réunis et recourbés effleurent les cordes de leur
extrémité. Aucune contraction inutile ne doit altérer
la souplesse de la main. Dans l'attaque des cordes,
la force des doigts doit être concentrée vers leur
extrémité.
Le sens normal de l'impulsion de l'index, médius
et annulaire, en agissant séparément, est perpendi-
culaire aux cordes et va vers l'intérieur de la caisse.
La résistance de la corde ne doit pas obliger à ou-
vrir l'angle des articulations. La corde roulée sous
le doigt, celui-ci vient s'appuyer légèrement sur la
corde suivante.
Pour les accords, l'impulsion se donne de la même
façon et dans la même direction. Néanmoins, au lieu
de se reposer sur les cordes suivantes, les doigts se
replient légèrement vers l'intérieur de la main.
Dans certains cas spéciaux, un même doigt peut
glisser d'un seul mouvement sur plusieurs cordes.
Le pouce agit indépendamment des autres doigts.
Il peut aussi toucher la corde de diverses façons. Il
a pour mission spéciale de produire les notes graves ;
parfois, il peut altprner avec les autres doigts dans
des passages mélodiques. Le plus souvent, dans l'at-
taque de la corde, le pouce se plie sur sa phalange
extrême vers l'extérieur de la caisse. Pour donner
les notes accentuées, il s'appuie sur la corde voisine
sans plier sa phalange.
Dans d'autres cas, on peut toucher deux cordes et
plus d'un seul trait. Alors, la direction du doigt est
parallèle au plan des cordes.
Pour les accords où l'intervention du pouce est
nécessaire, ce doigt rejoint l'index par sa dernière
phalange après avoir produit la note.
Tous les doigts doivent s'habituer à toucher avec
■égalité toutes les parties de la corde.
Les doigts de la main droite s'indiquent, dans l'é-
criture pour guitare, par leurs lettres initiales : ;>=;
pouce, i=i index, m = médius, a = annulaire.
Dans les notes consécutives, il faut éviter la répé-
lition d'un même doigt : alterner l'index et le mé-
dius, le médius et l'annulaire.
Dans certains passages, le doigté dépend de la dis-
position des cordes, mais on ne doit jamais l'aban-
donner à l'improvisation.
Main gauche.
Le poignet courbé, la main gauche est en contact
avec le manche par la partie charnue de la phalange
extrême du pouce, ainsi que par la pointe des autres
doigts lorsqu'ils touchent les cordes. La paume de
la main doit donc être écartée du manche et paral-
lèle à celui-ci, les doigis également distants du plan
des cordes, ouverts et recourbés, de façon à embras-
ser quatre touches consécutives. Kn touchant les
cordes, les doigts doivent se placer près du filet qui
sépare la touche de sa voisine aiguë. L'index, le
médius, l'annulaire, .l'auricufciire s'indiquent respec-
tivement par les numéros 1, 2, .') et 4.
Le pouce, placé vers la moitié inférieure et posté-
rieure du manche, doit contre-balancer la pressioa
des autres doigts sur les cordes.
Les doigts de la main gauche agissent en deux
sens : perpendiculaire et parallèle aux cordes. L'ef-
fort doit être porté par les doigts tout en évitant les
contraclions du bras ou de la main. Bien que la
pression des doigts s'exerce sur les cordes les plus
éloignées (5° ou 6"), la dernière phalange doit tou-
jours marteler la corde. Quand ils agissent sur les
cordes plus rapprochées (i''° et 2«), ,1e poignet reste
toujours immobile, mais la courbe des doigts s'ac-
centue.
Il faut habituer les doigts à s'exercer aisément à
n'importe quelle hauteur du manche. Pour passer
les doigts d'une partie du diapason à une autre partie
rapprochée ou lointaine, la main doit agir avec
souplesse. Le pouce accompagne tous les déplace-
ments de la main. Lorsque les doigis s'exercent sur
la région située au-dessus de la XII' touche, le pouce
se glisse vers la partie externe et inférieure du man-
che, d'où il oppose la résistance nécessaire à la pres-
sion des autres doigts.
La disposition des doigts pour appuyer sur les
diverses noies d'un accord, s'appelle position. Celle-
ci doit se former dans un mouvement simullané de
tous les doigts qui la composent. Kn quittant chaque
position, les doigts s'écarteront le moins possible des
cordes. Tenir les doigts écartés et éloignés des cordes
constitue un effort inutile, ainsi qu'une perte de
temps.
La pression des doigts sur les cordes doit toujours
durer autant que la noie voulue. Cette prescription
est aussi établie pour les notes simultanées en accords
ou en arpèges.
Lorsque l'on passe d'une position à une autre sans
arrêt prescrit du son, il convient d'éviter l'interrup-
tion de la sonorité. Cela s'obtient par une gradation
subtile de l'elîort, tout en maintenant les doigts sur
les cordes le temps voulu.
Il faut veiller à ce que l'action de la main gauche
et celle de la main droite soient indépendantes, mais
simultanées.
Afin d'obtenir les sons les meilleurs, les plus
intenses, les plus prolongés et clairs, il est indispen-
sable de douer cliaque main de son maximum de
force, se réservant d'employer l'efîort strictement
nécessaire.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGŒ
LA GUITARE 'M-n
L'index de la main f;auclie a une fonction plus
complexe el d'une utilité essentielle. Etendu et ap-
puyé horizontalement suc les cordes, parallèlement
aux louches, il aijit comme un sillet artificiel et mo-
hile, qui réduirait lélendue du manche. Pour cela,
il est nécessaire de développer, par des exercices
répétés, la force de ce doigt, dont la résistance con-
tribue srandement à la bonne exécution du guita-
liste. Ce procédé s'appelle barré, et s'indique par un
|{ suivi des cliilTres 1, 2, 3, 4, o, etc., ou bien I, II,
III, IV, V, etc., qui indiquent la touche sur laquelle
il faut placer l'index.
Production Aa .son.
Le timbre (qualité sonore) dépend non seulement
du son de l'instrument, mais aussi du corps qui le
produit el de la façon dont l'attaque est réalisée.
Une même corde, suivant qu'elle est attaquée près
ou loin du chevalet, donne un timbre différent.
Deux procédés sont employés pour produire le son :
l'un se pratique avec l'ongle, l'autre avec la chair :
ces deux procédés donnent des sonorités distinctes
et parallèles.
L'ongle provoque un timbre clair, brillant, parfois
métallique, d'une inévitable dureté dans les accords
forts. Ce procédé est, par contre, riche en grada-
tions timbrées.
L'attaque sans ongle donne un son plus pur et
humain : la qualité du timbre est mate, voilée,
immatérielle; le volume de sonorité s'agrandit et
devient plus mâle. Ce système de pulsation est aussi
varié que l'autre, mais les etïets en sont peut-
être moins perceptibles, offrant, en outre, des effets
de sonorité pour lesquels l'ongle deviendrait un
embarras. La pulsation sans ongle donne la sonorité
la plus pure et la plus sobre, celle qui convient le
mieux au caractère musical de l'instrument.
Quelques guitaristes ont piétendu allier les deux
procédés en attaquant d'abord avec la chair et glis-
sant ensuite avec l'ongle, mais inutilement, puisque
l'action de l'ongle ne peut être dissimulée. Il est à
regretter, surtout pour l'cxpiession de la musique
moderne, que les deux procédés ne puissent être
employés simultanément.
On suppose que l'origine de l'emploi de ces deux
procédés remonte à l'époque où la guitare adopta
les cordes simples (fin du .\viii« siècle). Aguado sou-
tint la théorie de la pulsation par l'ongle, que Sor
proscrivait; il a écrit : «Je n'ai jamais pu supporter
un guitariste qui joue avec les ongles.» (Traité de
guitare par Ferdinand Sor.) Il fit cependant une
exception en faveur de son ami Aguado, étant donné
sa technique prodigieuse. Pensons que les bons gui-
taristes n'abondaient pas à cette époque, sans oublier
qu'en tout temps tous les procédés sont bons, s'ils
sont épurés par le travail.
Carcassi, Meissonnier, préconisèrent le son sans
l'emploi de l'ongle. Tarrega, qui, pendant vingt-cinq
années, se servit de l'ongle sans grande conviction,
en abandonna le procédé. (On a attribué ce change-
ment à des causes d'impossibilité physiologique.
C'est à tort : Tarrega avait déjà adopté ce procédé
lorsque je fis sa connaissance, en 1901, cinq années
avant sa première attaque d'hémiplégie.)
La pulsation « par l'ongle » offre à l'exécutant
l'avantage d'exiger un moindre effort d'impulsion
et moins de résistance de la main gauche. L'agilité
y gagne, peut être au détriment de la sécurité et de
l'unité.
Disposition des notes*
La touche correspond à un demi-ton dans l'é-
tendue de chaque corde. La première el la sixième
corde comportent 19 louches, les autres 18 :
Touches fi..o I D mivv'vivii'vinixx XI xnxinxivxvxvixvflxynixix.
Sixième corde
Première id.
« #«.
o 8o «• fl«-
«> tt-e- V «0 r~
o Ito t^Wff^r
cinquième id.
Quatrième id. /L ■
^t(«' ^
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^If^ 0^^^=3E|;3E
3Eq;sE
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Troisième id. f^ q a o o ir*> ^ ° ^^
Seconde id.
tr, ^^-^
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^-^^
o <jA ^t^ ° ^*^
o |o
a D£2
o go *^-fr
n -» B-e-
o Je Q «o
Q i;q «^
V^ olfo ^
V.n se basant sur les unissons du tableau, l'échelle 1 peut se réaliser par différentes distributions de
chromatique qui embrasse l'étendue de la guitare | cordes. En voici la réalisation générale :
2)24
FSr.yr.LOPÈDIK OF. la musique et niCTfOSXAlRE nu COXSERVATOfnE
Touches a inuivoiiLiaiviiiii nivo iik oi irnivo iiuivvvi -^-m
^o|to^^°'
D(rigt&
XVBXVIXK
o"liQ'
o »][<»oi|o "»" 1 V ^F^
1 y •< ' J ■< .^
1 y T ^ 1 ; a t.
Cordes s?
Les cordes étant toutes accordées par intervalles
de cinq demi-tons (o touches}, excepté la troisième
{sol], qui n'est séparée de la deuxième corde (si) que
par quatre touches, cette étendue plusieurs lois
incluse dans le diapason permet d'obtenir une même
note sur diSérentes cordes. La note propre d'une
corde reproduite sur une autre corde s'appelle
équissonant ou équisson (unisson).
Les cinq notes les plus graves et les six plus aigui-s
n'ont pas d'unissons :
TABLEAU DIS UNISSONS
GRAVES ^'i""
SUR AIGUS
SOL LA SI DO BE MI TA
BE MI TA
SOL LA SI DO BE M PA ,
POSITION
DBS SONS PRIMITIFS
Mi
PREMIERS
SECONDS
Touches— 5 6 7 8 9
( Cordes _
[ Touches -
r Cordes -.
TROISIÈMES <
V l Touches.
Tfr^
Ȕ^
t iji «K
^^l.^^.^^.
^'U^
0 1 Z 3 j; 5 6 7 a 9 tO 11 1113 14
5 6
7
t
1
1
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1
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1
1
S 9 1C
11 12 13 R 15 16 )/ 18
i 3!| ;
f
9 10
11
1
1
1
12 13 14 Î5 16 17 18
1
1
1
1
! ^
POSITION DES NOTES SUR
LE MANCHE BE LA GUITARE
Si le demi-ton se trouve sur une même corde dans
des touches voisines, le ton composé par deux denii-
loiis se trouvera sur la même corde à la dislance de
deus touches.
Si nous considérons la noie d'une corde à vide
comme tonique de son ton respectif miijrin
mineur, nous aurons sur la 6'" corde mi, sur la :i" la,
sur la 4' ri, sur la .3' iol, sur la i'-' s/, sur la 1'-^ //.i.
TfCH.VIQI'li, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA GUITARE 202'
I,cs degrés diatoniques qui s'appuient sur chacune 1 «liaque coide en proportion d'une touche par chaque
de ces loniiiues seronl disposés sur la ]onf;ueur de | demi-ton :
Valeur en demi -tons
Valeur en touches
Degrés
Touches
iA
re-^p
Deux Deux Un Deux Deux Deux
2 2 1 '? 2 z
Un
Tonique Surtonique Médiante Sousdomitiante^ommjnte Sumudianle Sensible Toni^iue
0 Dr/vvnDCXïxn
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5!^
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2!^
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i':«^^
Le même procédé pour les tons mineurs donne le tableau suivant
Valeur en demi -tons Deux Deux Deux Deux Un Trois Un
"Valeur en touches 2 a a a i 3 i
Degrés
Touches
I
Tonique Suptonjqne, MédianU.SousdoiDinante.Doniîrantc.Sunnidiairtf, Sensible , Toraqne
0 nmvvnvmxixn
-Ifo-
-fr^
u
o
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=îtï=
3!^
:±ez
I
_Q tî
11*1
A partir de la douzième touche, les degrés conti-
nuent dans la même proportion de touches, comme
si nous considérions l'octave comme la tonique à
vide jusqu'au poii.t où finit l'étendue de la corde sur
les touches.
Chaque note pouvant être considérée séparément
■comme un degré distinct d'autres tous, si nous pre-
nons la note produite par chaque corde à vide, et si
nous la considérons comme tonique, siipertonique,
médiante, sous-dominante, dominante, sons-mé-
diante et sensible de son ton respectif, nous pour-
rons distribuer sur chaque corde les degrés corres-
pondant à sept tons différents majeurs et mineurs :
2026
ENCYCLOPÉDIE f)E LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Degrés
T
ST.
M.
SD.
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Si, au lieu de prcndie comme point de départ la 1 se forme sur la première touche de cliaque corde,
note de chaque corde à vide, nous prenons celle qui | nous aurons :
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SOLb
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FA
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RÉ 11
SO
sib
LAlî
SOLb
MINEURS
Une gamme diatonique dépassant l'étendue d'une
seule corde doit se prolonger forcément sur deux
ou plusieurs cordes.
Dans ce cas, pour produire tous les degrés, du
plus grave au plus aigu ou vice versa, on peut le
faire à volonté, en parlant d'un degié déterminé sur
la corde convenant le plus à un bon doigté, ou à une
qualité de timbre voulue.
On doit prévoir ces éventualités et les résoudre à
l'avance; il convient, pour cela, de combiner les dis-
positions tonales de chaque corde pai' rapport à
chacune des autres cordes.
Si l'on prend le mi de la 6« corde à vide, l'élendne
de la gamme dans ce ton sur la même corde, sera :
6' corde
il n'est pas aisé pour la libre action de la main, ni
flatteur pour la sonorité, d'employer les notes aiguës
de cette corde; il est préférable de continuer la
gamme sur la suivante dans une paitie du diapason
où la main agit plus naturellement, ce qui donne
une sonorité plus franche, par exemple :
6! corde
L'étendue d'une gamme commencée et suivie sur
une même corde conduisant les doigts trop loin de
la première touche, on devra passer à la corde voi-
sine avant que la main croise la douzième louche.
Pour cela, il est nécessaire de connaître et d'avoir
pratiqué les dispositions des diflérents degrés de la
gamme appartenant à chaque ton, dans l'étendue
de chacune des cordes.
Gamme diatonique de trois octaves exposée dans
son aspect le plus employé :
Disposition des ■ii'orv;illes.
L'étendue chromalique et diatonique peut s'obte-
nir soit dans la longueur de chacune des cordes, soit
dans un sens tiansversal parallèle aux touches.
Les intervalles entre notes consécutives se trou-
vent dans les deux sens, ceux des notes simultanées
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA GUITARE 2027
se forment en combinai) L les deiu sens de l'étendue. 1 demi-tons, à l'exception de la ù" et du la U» qui en ont
Chaque corde, par elle-même, contient dix-huit | dix-neuf :
Touches 0 v v m- iv« v vi* va* "m* ix* x.» xi* xn^xm- xiv' xv'xyi' xyn'xvnrxix'
Intervalles /) : ■ : : .J_„^.. = ---îi---«,=.-'T>7^>5/ïSr'-m,^!«^'^,
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A o tto ^'-tto-
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4. Q »o ^«-a- e »?
Certains intervalles simultanés peuvent se former
sur deux cordes, soit voisines, soit séparées.
Entre les notes simultanées, qui peuvent s'exécuter
sur deux cordes voisines incluses dans un espace de
cinq touches, on peut trouver tous les intervalles,
depuis celui de seconde jusqu'à celui de septième
mineure.
Si l'on produit avec le 4° doigt de la main gauche
le ré de la cinquième corde (V" touche), on peut
produire, en même temps, le mi bémol frappé par le
i" doigt sur la quatrième corde (l" touche). Ces
deux notes donnent l'intervalle de seconde mineure.
i*^
(S)
Si l'on maintient le 4" doigt sur le même ré de la
cinquième corde, et si l'on avance d'une touche le
doigt placé sur la première touche de la quatrième
corde, soit jusqu'au mi naturel, on obtient l'inter-
valle de seconde majeure. Puis, si l'on avance d'une
touche sur la même corde en y plaçant le 2= doigt,
il en résultera l'intervalle de tierce mineure. Si le
3= doigt occupe la touche suivante, soit le fa dièse,
il se formera avec le ré gardé par le 4" doigt sur la
V' touche de la cinquième corde, une tierce majeure.
Exemple :
2? m.
m
^
lODCHts VI V rv m D I ^
En déplaçant la main, si nous faisons le barré sur
la touche correspondant au ré de la cinquième
corde (V« touche), nous aurons une quarte entre les
deux notes formées par le barré. Si nous avançons
de touche en touche sur la quatrième corde, sans
abandonner le ré de la cinquième, chaque nouvelle
avance donnera une augmentation d'intervalle,
jusqu'à ce que nous arrivions à la séparation de six
louches.
Ceci nous donnera l'intervalle de septième
mineure, distance maxinia qu'une main normale
peut embrasser aisément :
Anxix K.V1YI VI V
Il serait peu utile de pouvoir embrasser une plus
grande distance, | uisque l'intervalle qui serait pro-
duit entre les deux cordes sur un plus grand nombre
de touches, est oITert par la corde voisine supérieure :
Intervalles Second mm.,
Second Maj,
Tierce min. ; Tierce Maj.
QuarU min.
BARRÉV
Quarte Maj . Quinte Maj.
Çuinte ; Sixte Mdj; 7? min. .
augmentée;
O >o ' cfW^
^
=»«?:
-, ^ ■ . «.r . „ " ' O t^'* ' O — '. ' O " ', ' O ■ ' o ^-^-ti r'-CT
Doigts h T. ■»'■ 1'. 4'- 2\ *', 3', !'■ 1', <• 2', 1\ 4' 1', 5'. l'. * ', ' •. *';
Cordes (si w isi (i.) (si (4i l's) c») (5) w (si wi (si ('*) (S) (•,) c's) ci pi cm
En employant le même procédé sur des cordes I résultera une série d'intervalles comprise entre la
alternes, accordées à distance de quarte, il en | quarte augmentée et une dixième mineure. L'inter-
2028
E.VCrcLOPÈDlE DE LA MUSIQUE ET DICTIOSXAIRE DU COySERVATOIRE
valle de seplieme mineure sera pour ces cordes ce qu'est l'inlervalle de quarte pour les cordes voisines
Intervalles 5?mincure ,5«Hajeurt,6?mineure;6ÎMajeiirt;7'rT„neurei7fMajeurt, octave , 9- mineure 9?Majtur.jlO?mmeure;
yo
CWdls-':'-'-^ -"i's) '(3) ''<»' ''il "''^''v ''à) %)'(5, '(i) (5) (i) iSl (3) (5) (S) (5) (i> (5) (i)
Exemples :
l-> — 1
»^*u— • — »-
TOUCHES VI V IV m n i
Si nous appliquons ce procédé à des cordes de
séparation graduellement progressive, il en résul-
tera une série d'un nombre égal d'intervalles partant
de la septième majeure et s'élevanl d'un demi-ton
par touche.
Le même procédé, employé sur les troisième et
deuxième cordes, en modifiera la proportion, étant
donné leur dislance de tierce majeure. Les inter-
valles que nous obtiendrons avec la même disposi-
tion de doigts auront une étendue moindre d'un
demi-ton. Le barré donnera la tierce majeure; la
séparation graduelle des doigts dans le sens de la
diminution des intervalles donnera l'unisson dans
sa dislance maxima, et la séparation graduelle con-
traire à partir du barré donnera une sixième ma-
jeure dans son plus grand écart.
La disposition des intervalles entre ces deux
cordes peut être formée proportionnellement sur
n'importe quel degré compris sur toute l'étendue de
ces cordes, mais pas en dehors d'elles, car elles sont
les seules accordées en tierce majeure.
On doit tenir compte de la disposition des inter-
valles sur ces deux cordes pour la formalion des
intervalles composés compris dans un espace qui
embrasse lesdites cordes.
Tout intervalle formé sur deux cordes quelconques
peut se répéter sur les mêmes cordes. On doit, pour
cela, conserver la même disposition de louches à
n'importe quel degré.
La même disposition des doigts dans la même
disposition des touches et des cordes donnera tou-
jours le même intervalle, quoique de tessiture
différente, à n'importe quelle hauteur du manche.
Les intervalles les plus aisés à réaliser sont :
la quarte, que l'on obtient sur une même touche;
la tierce majeure, qui se donne ensuite sur touches
voisines; la tierce mineure, sur touches alternes; la
seconde majeure, sur la distance emlirassée par
quatre doigts, et la seconde mineure avec adjonction
d'une touche.
Il en est de même pour les intervalles plus étendus
à partir de la quarte. L'intervalle le plus proche de
la quarte est le plus facile à obtenir. Ceux de quinte
majeure, de sixième, sixième augmentée et septième
correspondant à l'éloignemenl et à la séparation
des doigts, en proportion au sens inverse de la quarte.
Ainsi, nous observons que les dislances des doigts
diminuent à mesure qu'on approche de la quarte;
elles augmentent, par contre, quand on s'en éloigne.
L'intervalle compris entre une note sur corde à
vide et une autre note quelconque sur une autre
corde a, pour' la main gauche, la valeur d'une note
simple, puisqu'il n'y a qu'une corde à presser.
Ci-joint un aperçu graphique de la formation des
intervalles, tendant à faciliter la compréhension de
sa disposition sur le manche en vue d'une applica-
tion systématique.
UNISSON SECONDES TIERCES QUARTES QUINTES SIXTES SEPTIEMES OCTAVES
lïtinaura ^-\ Diminuce^,^ Diminuée _^-a Mineure ^x Mineure^x Diminuée
UNISSONS SECONDES TIERCES QUARTES ÇUINTES SIXTES SEPTIÈMES OCTAVES 1
Mineure ^^ Diminuée ^x Diminuée ^\ Mineure ^-l r^ineure -* Diminuée
Avec des cordes
V.tiV.accordùi
fntieme majeure
J. riiriMluiii : intervertir les cusior, dimijiuce et tniitruj-e (Je la coloane des septiômeii.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA GUITARE 2029
Accords.
Les accords étant, la plupart du temps, des noies
superposées, il est aisé de les réaliser lorsqu'on en
connaît les intervalles.
IJeux cordes voisines peuvent produire les inter-
valles de tierce majeure, et deux coi'des alternes
ceux de quinte. On peut obtenir l'accord parfait en
formant sa tierce majeure sur deux cordes se trou-
vant à la distance d'une quarte; la quinte de cet
accord se trouve sur la corde voisine supérieure.
Si l'on piend la bémol sur la 0' corde (IV« touche),
on formera sa tierce majeure, do naturel, sur la
1I1<; touche de la 5"^ corde, et sa quinte, mi bémol, sur
la I'^' touche de la 4« corde; ainsi sera réalisé l'ac-
cord Ionique de la bémol majeur.
Trois cordes voisines permettent les renversements
de l'accord.
Si nous prenons la même tierce {do naturel] du
même accoi'd (la bémol) comme fondamentale sur
la \\\\' touche de la 6= corde, puis si nous doinions
la quinte de l'accord tjni bémol) placée à distance de
tierce mineure sur le do naturel donné sur la 6"= corde,
nous occuperons la VI' touche de la o« corde; si, sur
ce mi bémol, nous produisons la tonique à la distance
supérieure de quarte, nous aurons le la bémol sur
la 4' corde et sur la même touche, ayant ainsi com-
plété le premier renversement de l'accord parfait.
Si ensuite l'on prend mi bémol sur la XI« touche
de la 6" corde et si l'on forme sa quaite la bémol sur
la même touche de la 3= corde, et sa sixte do naturel
sur la X" touche de la 4" corde, on obtient le second
renversement de l'accord parfait.
Il est donc démontré que, sur trois cordes voisines,
on peut réaliser les accords de tierce et quinte, de
tierce et sixte et de quarte et sixte, c'est-à-dire l'ac-
cord parfait et ses renversements. Nous avons vu que
la disposition des intervalles se reproduit sur les
mêmes cordes à une distance tonale proportionnelle
au nombre des touches qui les séparent; nous en
conclurons que, sur les mêmes cordes, on pourra
facilement réaliser les accords de tonique, dominante
et sous-dominante de tous les tons :
S.D.
iÔ=
WW^
Le même procédé régit les accords de quatre
notes :
S.D.
T
:^
D.
T
O
:S=
Lorsque l'on connaît les principaux accords d'un
ton, il est facile d'obtenir les accords correspondants
dans les douze tons, grâce à la disposition des tou-
ches et des cordes :
ai
PREMIERE
POSITION
I
i-J-J-
^
. BID
^
-^
^
- f
r ^f
1. tCrraluii] : lire si et non do.
SECONDE
POSITION
^
BJI-
« g g
-iBi B.n
« i? g.
-fT-ft
r
B.m-
TB0)S1£MI
POSITION
--.BIBJE
r
p -
T' r' r
Ainsi, successivement, un ton dans chaque position
listincte.
On agit de la même manière pour les tons mineurs .
BI-------, B.I
PREMIÈRE / , l>h^ g g hJ g
f r f ^ f
SECONDE
POSITION
fff rf
TROISIEME
POSITION
B.m ,B.n Bm
fcMEjf I. { i ^ tf j ^
La même théorie peut être appliquée à chaque
renversement des accords, même de ceux composés
de cinq ou six notes. Il suilira d'éviter les notes à
vide.
TECHNIQUE DE LA MAIN GAUCHE
Doigté de la main gauche.
Un même passage peut se doigter de diverses
façons en ayant recours aux unissons. Gomme le
calibre ditférent des cordes produit diverses qualités
de son, un même passage, réalisé sur certaines cor-
des ou sur d'autres, peut produire une sonorité diffé-
rente. Le doigté doit donc être d'accord avec l'elfet à
obtenir. Pour cette raison, il n'y a pas de doigté fixe
pour tel ou tel passage, mais un ordre systématique
dans l'action respective des doigts pour que ceux-ci
correspondent aux notes dans un ordre logique et
naturel.
Deux facteurs principaux régissent le doigté : la
note de départ et la note terminale.
Dans les passages à notes simples, où chaque doigt
peut occuper une louche diliérente, chaque note doit
être occupée par le doigt correspondant à l'ordre
proportionnel des louches; donc, pas de sauts brus-
i|ues sur des coidi'S séparées. Dans ce cas, bien que
la séparation des touches soit limitée, il convient
d'employer un autre doigt qui ne soit pas voisin; la
séparation des cordes doit se considérer comme une
séparation des touches dans un sens perpendiculaire.
2030
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
P Dans les passages où la main doit forcément se
déplacer, un même doigt peut presser deux notes
consécutives sur une même corde, que ces notes
soient proches ou éloignées. Dans les passages
ascendants, il est conseillé. d'employer, de préle-
rence, le premier doigt, et dans les descendants, le
quatrième.
Dans les cas où la main doit se déplacer, il convient
de conserver, autajit que possible, un doigt commun
à deux notes consécutives sur une même corde, pour
la continuité des sons.
Il ne faut pas, surtout dans les passages rapides,
presser avec un même doigt plus de deux notes
consécutives; la raison en est que chaque mouve-
ment d'un même doigt, sur une même corde, exige
un déplacement de la main, donc un danger d'insé-
curité dans l'exécution.
11 faut éviter les sauts hrusques d'un doigt posé
sur une corde allant vers une autre, pour ne pas
briser le prolongement du son primitif. Dans le cas
où un silence se trouverait entre les deux notes, ce
procédé pourrait ètie indiqué.
Lorsqu'une gamme se termine sur la note d'un
accord, on réglera l'ordre des doigts de façon quf
celui qui donne la dernière note de la gamme soit
le même que celui qui doit donner la note corres-
pondante dans l'accord.
Eviter les sauts de la main non justifiés par un
effet voulu.
Certains passages sont susceptibles de deux sys-
tèmes d'exécution; le premier oblige à se mouvoir
dans des extensions des touches d'étendue normale;
le deuxième porte la main à se désaxer par rapport
au manche. Il est préférable, autant que possible,
de se servir du premier moyen, plus propice à la
sûreté d'exécution et à la bonne sonorité.
Eviter aussi' les écarts exagérés entre les doigts.
Tout ce qui dépasse la mesure de trois touches voi-
sines pour deux doigts voisins est violent et forcé.
Néanmoins, il est recoramandable d'exagérer un peu
la pratique de ces écarts dans le travail quotidien
du guitariste, afin que la séparation normale
devienne en pratique une position naturelle. La
séparation de trois touches avec deux doigts voisins
peut s'obtenir par n'importe quels doigts : i et 2,
2 et 3, 3 et 4.
Eviter autant que possible les notes à vide, pour
les raisons suivantes : 1° dans le changement de
tonalité, les vibrations continues peuvent constituer
des dissonances pour le nouveau ton; 2° elles sont
inaptes à être vibrées au moment nécessaire; 3" la
qualité de timbre de la corde libre peut ne pas con-
venir, à certains moments, à la nature du passage.
Parfois, il est nécessaire de ne pas s'en servir, mais
parfois elles sont tout indiquées. C'est une question
de discrétion et d'adresse.
S'il convient d'éviler les notes à vide, on peut
toutefois les employer lorsqu'elles relient des posi-
tions distantes entre elles.
Quand un doigt se pose sur une corde précédem-
ment occupée par un autre doigt placé sur une
touche plus basse, on doit maintenir celui-ci sur la
touche. Le fait de lever un doigt et d'en laisser
tomber un autre par mouvement simultané, peut
interrompre la continuité du son.
Dans les passages à plusieurs voix, le doigté dépend
des mesures du début et de la lin : les premières,
à cause de la disposition qu'elles offrent aux doigts,
les deuxièmes, par la disposition qu'elles exigent.
Ln bon doigté facilite l'exécution et améliore la
sonorité.
IVoles conlées.
On appelle notes couléex celles qui proviennent du
seul Jeu de la main gauche.
Elles sont indiquées par un trait courbe allant
d'une note à l'autre s'il n'y en a que deux. Pour lier
plus de deuxnotes, il suffit d'une seule courbe les em-
brassant toutes.
Lorsqu'elles sont ainsi liées, la première s'attaque
toujours! de 1^ main droite; toutes les autres sont
produites par la main gauche.
Les notes coulées peuvent être ascendantes ou des-
cendantes, soit qu'elles aillent d'une note basse à
une autre moins basse, ou d'une aiguè à une autre
plus haute (ascendantes), ou bien qu'elles marchent
en sens contraire (descendantes).
Les coulées ascendantes se produisent en laissant
tomber sur la note voulue un des doigts libres de la
main gauche. Les descendantes exif;ent que les doigts
soient placés à l'avance sur les notes à couler; la
première note une fois attaquée par la main droite,
le doigt de la gauche, qui mainleiiait cette note, dé-
clanche brusquement la deuxième coulée; ainsi de
suite.
Une note coulée, musicalement égale à une coulée
descendante, peut être réalisée comme ascendante :
I
JsJ
ti) "'Qf)
dans ce cas, ces notes coulées se trouvent sur des
cordes distinctes.
Pour couler des notes successives en mouvement
direct ascendant ou descendant sur une même corde,
on répète le même procédé autant de fois qu'il y a
dénotes. Dans l'attaque de la 3'' corde [sol] à vide,
nous laisserons tomber avec force le premier doigt
sur la première touche de cette corde, d'où résultera
un sol dièse plus doux que s'il était attaqué par la
main droite; cette note une fois produite, sans
attendre la fin de ses vibrations, nous laisserons
tomber le second doigt avec une force égale, sur la
2= touche, obtenant le la; le troisième doigt sur la
3« touche donnera le la dièse, et l'autre doigt le s«
naturel :
Mais, si nous plaçons les quatre doigts sur la même
corde occupant quatre touches voisines, et si nous
frappons la note occupée par le quatrième doigt et
tirons fortement la corde avec ce quatrième doigt,
on entendra la note donnée par le troisième doigt
sur la touche précédente; en répétant cette ma-
nœuvre avec le troisième doigt, nous obtiendrons la
note suivante, et ainsi de suite :
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA GUITARE 2031
L'ii même passafje peut comporter des coulées as-
cendanles el descendantes. Une coulée en prépa-
rant naturellement une autre, les deux procédés
peuvent éjjaleinent alterner. Le ré de la deuxième
corde (lll"^ touche) produit par le second doii^t permet
de couler un mi naturel (V« touche) sur la même corde
avec le quatrième doigt (coulée ascendante); celui-
ci élant placé en position, pincer avec le même doigt
la corde que le second doigt tient encore, el le ré sera
de nouveau produit (coulée descendante) ; le premier
doigt, placé au préalable sur la l\' touche de la
même corde, produira le do dièse si on retire le
second doigt; le second doigt, frappant de nouveau
lacordi' sur la 111"= touche, produira encore le ré. De
l'ensemble de ces mouvements successifs aura ré-
sulté :
Les notes coulées peuvent être doubles et simul-
tanées, genre le plus souvent employé dans les mou-
vements ascendants. Les mouvements descendants
sont moins courants et se limitent à deux notes :
^* m
JBT
Ils peuvent être aussi doubles et combinés, c'est-
à-dire comporter simultanément un mouvement as-
cendant et un descendant :
Trilles.
Le trille est la répétition alternée de la note coulée
ascendante et descendante; sa durée est égale à la
valeur de la note trillée.
Il est inhérent à chaque corde, et se réalise géné-
ralement sur deux notes séparées par un ton ou un
demi-ton ; tous les doigts de la main gauche peu-
vent pratiquer le trille, mais le doigté doit être dis-
cerné selon le cas.
Le trille double ne s'emploie guère sur la guitare.
(■lissés.
Le glissé, nouvel aspect de la note coulée, tend à
produire, comme celle-ci, une seconde note non
frappée, par le déplacement du doigt qui a donné la
première : la pression est maintenue sur la coide
et le dùigt glisse jusqu'à la touche où se trouve la
deuxième note qu'il s'agit de couler.
Le glissé ne peut s'appliquer qu'à deux notes con-
sécutives sur une même corde. 11 peut être ascendant
ou descendan' , lent ou rapide; dans ce cas, J. "f"
l'accent se perle sur la note d'arrivée. Quand il est
lent, l'accent se porte sur la note de départ.
Le glissé s'indique par une ligne droite allant de
la note de départ à la note d'arrivée.
Porlaniento.
Le portainen(o est composé de notes glissées (mou-
vement initial) et coulées (terminaison).
Le portamento entre le do dièse (2^ corde. II» touche,
premier doigt) et le la (accorde, X'touche, quatrième
doigt) se produit par glissement du premier doigt
sur la 2» corde après l'attaque du do dièse, jusqu'à
ce que le quatrième doigt arrive à hauteur de la
X» touche; alors, le quatrième doigt frappe le /d dans
le sens de note coulée.
Le portamento descendant se fait de la même façon,
mais, la note coulée devant être descendante, il faut
prendre soin de placer le doigt de la note d'arrivée
à la fin du glissé pour que le portamento se termine
par la note coulée.
Généralement, les porlamentos se réalisent entre
deux notes d'intervalles tonaux. Ils excluent impli-
citement les notes à vide, sauf pour leur terminai-
son. Ils sont indiqués par un trait courbe comme
les notes coulées.
.\'otes données exelnsivenient par la main
i;anelie.
On peut exécuterdes passages sans intervention de
la main droite par l'emploi des notes coulées.
A partird'une note donnée, les suivantes non inter-
rompues se considèrent comme notes coulées.
Le début d'un passage sur cordes à vide se fera
en pinçant la première note d'un doigt de la main
;<auchevers la corde à tessiture plus haute, telles les
coulées descendantes sur une même corde. Cette
note initiale peut aussi se produire par le procédé
de coulée ascendante sur un de ses unissons.
Pour éviter la sonoi'ilé vague d'une corde vibrant
sous la brusque pression du doigt, on doit presser [la
même corde avec un autredoigt sur une des touches
antérieures.
Les passages pour la main gauche sont parfois
indiqués par un trait courbé, ainsi que les coulées de
plusieurs notes.
On peut aussi produire des sons harmoniques sans
intervention de la main droite. Le quatrième doigt
forme l'harmonique, et le premier doigt pince la
corde dans l'espace compris entre le quatrième doigt
et le sillet.
Le barré.
Quand il faut jouer en même temps sur plusieurs
cordes dont les notes doivent être pressées sur une
même touche, on place sur elles l'index de la main
gauche étendu en les embrassant d'un seuIelTort.
Le doigt ainsi placé peut embrasser soit les six
cordes, soit seulement celles qu'il convient de pres-
ser : cela est réalisable sur chaque touche, de la I"
jusqu'à la IX" ou la X" au plus. Quand le barré em-
brasse seulement les trois cordes aiguës, on l'appelle
petit barré, et on peut l'employer jusqu'aux touches
les plus aiguës.
11 existe un petit appareil spécial, fréquemment
employé parles guitaristes populaires, appelé ctfy'ue/a
en Espagne et capotasto en Italie. Le but de cet
appareil peut équivaloir au barré, quoiqu'il ne puisse
être déplacé pendant l'exécution d'une même œuvre.
L'utilité de cet appareil ingénieux est manifeste
pour les accompagnements du chant; il peut être
20.12
ENCYCLOPÈniE DE LA MUSIQUE ET niCTWNNArriE PU CONSERVATOIRE
placé par demi-tons dans toute l'étendue de l'instru-
ment, ainsi qu'un sillet mobile. Cein permet de trans-
poser facilement l'accord de la fiiiitare à la tonalité
nécessaire pour la tessiture de la voix que l'on doit
accompagner.
Les guitaristes italiens'ont employé le pouce de la
main gauche pour remplacer le 6a?T(''. Ce doigt glisse
derrière le manche, et vient presser la 6<^ corde sur
la même touche que le ferait le barré. Cela oblige la
main à faire un violent mouvement en arrière, et
réduit l'extension des doigts en les privant de la
liberté nécessaire pour presser les notes convenables.
1056. — Cejucin ou e(i]inlasli).
Ces deux appareils de barré artificiel correspon-
dent au.x deu.x systèmes employés. Le premier est
en acier nickelé ; une vis l'assujettit mécaniquement
contre le manche par sa partie postérieure. Le se-
cond est en bois, attaché au manche par une corde
fixée par une de ses extrémités au barré artificiel, et,
par l'autre extrémité, attaché à une cheville qui, en
tournant, enroule la corde et presse l'appareil contre
les cordes.
Vibrato (notes vibrées).
Le vibrato était anciennement appelé tremulo, qu'il
ne faut pas confondre avec l'actuel trémolo. La main
gauche peut prolonger les sons en leur donnant plus
d'intensité par le vibrato.
Soit une corde martelée par un doigt de la main
gauche sur n'importe quelle touche; si on balance
ce doigt sans quitter la corde, le son en sera pro-
longé par de minimes ondulations. Cet effet s'indique
par le mot vibrato.
Pour l'obtenir, il faut agiter le doigt à l'instant
précis où la corde est frappée, profitant des pre-
mières vibrations, les plus intenses, sans omettre
toutefois de maintenir le même degré de force que
dans la première impulsion. Ces mouvements ne
doivent pas être trop vifs, ni s'étendre au delà du
poignet. Certains exécutants pratiquent le vibrato
en écartant le pouce du manche; Aguado conseille
d'éviter ce défaut, alln de mieux équilibrer les résis-
tances éventuelles.
La bonne exécution du vibrato dépend moins de
la force de pression en elle-même, que de la façon
dont on l'exerce. Il faut appuyer sur la corde la
dernière phalange des doigts, mais remarquons que
la force d'inertie de la mam soutient et prolonge les
vibrations, mieux que la force excessive qu'on pré-
tendrait donner au moyen du bras.
Le vibrato peut s'obtenir sui' toutes les cordes, sur
chaque touche et par chacun des doigts, pourvu que
la note à faire vibrer soit isolée. Les notes simulta-
nées ne peuvent pas toujours être vibrées.
TECHNIQUE DE LA IVIAIN DROITE
Doijjté de la main droite.
Les accords consécutifs seuls autorisent la répéti-
lioa d'un même doigt sur la même corde. Dans les
autres cas, le même doigt ne doit jamais frapper
deux fois de suite la même corde, excepté le pouce.
L'action des doigts de la main droite admet un
ordre alterne entre deux doigts, et consécutif entre
divers doigts.
Dans les gammes simples, on peut alterner l'index
et le médius ou vice versa, ou le médius et l'annu-
laire, ou le contraire.
Dans les accords, il faut répartir les doigts de
telle sorte que chacun s'occupe de pincer la corde
qui lui correspond, la corde grave pour le pouce, la
suivante pour l'index, l'autre pour le médius, la plus
aiguë pour l'annulaire. Si l'accord comprend cinq
cordes, le pouce glisse simultanément sur les deux
graves; s'il est de six notes, le pouce frappe de la
même façon les trois cordes lilées.
Dans les mouvements où deux ou trois notes simul-
tanées alterneraient avec des notes simples, les pre-
mières seront produites pai- des doigts conjoints, et
la note d'après par le doigt libre qui se trouvera le
plus rapproché.
Dans les accords arpégés, le pouce peut frapper
quatre cordes, et plus.
En principe, éviter autant que possible les croise-
ments de doigts. INéanmoins, on ne considère pas
comme tel le passage d'une corde à la voisine en
mouvement alterne continué, comme dans les
gammes. L'action des doigts peut ainsi se détinir :
que celui qui est voisin du pouce n'aille pas frapper
les cordes aiguës, pendant que les doigts éloignés
viennent frapper les coides graves.
Toute ordonnance des doigts sur une seule corde
est admise. Si on lève le doigt d'une corde détermi-
née (3") et si la note suivante est plus aiguë, on la
produira avec un doigt voisin de l'ainiulaire, ou bien
avec celui-ci. Par contre, s'il faut toucher une corde
plus grave, on la frappera avec un doigt voisin du
pouce, voire avec celui-ci. S'il s'agit d'un arpège de
quatre notes consécutives descendantes, allant de
l'aigu au grave, la première note sera donnée avec
l'annulaire, et la dernière avec le pouce, quelle que
soit la disposition des cordes. Si l'arpège est d'ordre
inverse, le pouce donnera la première note, et l'an-
nulaire la dernière.
Le passage d'une corde grave à une corde aiguë
se fera dans le sens de la main correspondant à
l'ordre des doigts: index, médius, annulaire; le pas-
sage contraire, de l'aigu au grave, se fera dans le
sens inverse : annulaire, médius, index.
Le pouce, qui servait jadis à donner seulement les
notes basses, s'emploie aujourd'hui sur toutes les
cordes. On l'intercale au besoin, en alternant avec
les autres doigts, dans des passages dilférents, fus-
sent-ils en gammes ou arpèges.
Arpèges.
En eux-mêmes, les arpèges ne sont que des ac- !
cords. Au lieu de donner les notes simultanément,
ils les donnent successivement. Gomme les accords,
ils sont composés de trois, quatre, cinq notes et
plus.
L'arpège peut être ascendant ou desceridanl, sim-
ple, double, ou composé; il peut être formé de notes
appartenant à des cordes voisines ou séparées, et
réalisé par l'emploi de différentes combinaisons de
doigts.
Pour les arpèges dont l'étendue embrasse trois
cordes, on emploie généralement le pouce, l'index et
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LA GUITARE 2033
le médius de la main droite; si l'étendue embrasse
un plus ^'land nomhre de cordes, on emploie qualie
doigts : pouce, index, médius, annulaire. (Voir les
différentes formules d'arp''f;es de la Méthode de
!•'. Mohetti.)
Pour la maiti ^.'auche, te i^i'oupe de notes d'un
arpège est considéré comme un accord; les dillé-
reuls doigts qui pressent les cordes de l'arpège ne le
i|uittent pas pendant loule la durée de ces notes.
Cette régie n'est pas absolue et comporte des excep-
tions.
Trémolo.
Le tri'molo est nu arpège de quatre doigts obtenu
par l'annulaire, le médius, l'index sur une corde
chantante, cependant que le pouce fait résonner
libiement les cordes plus basses. Ce tri'molo tend à
prolonger la note par de rapides répétitions de
celle-ci. On produit babituellement le trcmolo par la
triple répélition d'une même note; on le réalise dans
ce cas par les doigts a, m, i, ou i, m, a, de la main
droite. Parfois, on le réalise sous la .formule d'ime
quadruple répétition a, m, i, m, ou i, m, a, m. On
ppurrait le donner par autant de notes qu'il est
possible d'en employer dans les différentes formules
•d'arpèges habituels aux quatre doigts.
Le trimolo peut être réalisé sur n'importe quelle
corde; pour le produire sur des notes graves, il fau-
drait des formules de doij^té exceptionnelles.
Pixzîcato*
La paume de la main, par son bord inféiieur et
extérieur, se place sur les cordes graves que frappe
le pouce, prés du chevalet, pendant que l'auricu-
laire, étendu, s'appuie sur la table d'harmonie poin-
contre-balancer la pression du bas de la main sur
les cordes graves. Les autres doigts forment pont
pai'-dessus les cordes de boyau libres du contact de
la main, pour que les cordes puissent donner leur
son naturel.
La main ainsi placée, le pouce étendu frappera
les cordes vers l'intérieur de la caisse d'harmonie,
jusqu'à ce qu'il trouve la corde suivante. Le son est
étouffé par le contact de la main avec la corde,
s'assombrit et prend une teinte de sourdine, sans
altérer son volume. Le médiu? et l'index, destinés a
pincer les notes élevées, opèrent comme dans les
accords, mais en sens diagonal, étant donné la posi-
tion de la main. Il en résulte un son piqué, saccadé,
TABLEAU DES HARMOWÇUES TtATURELS
ToucHcs xn IX vn V iv ■'in. in
r
'¥
:J«=
=6Sz
É
=tt=c:
I^tlE
I
:J«=
-»o-
V-
Les harmoniques naturels se résument ainsi :
dilférent du son ordinaire, semldable au pizzicalo
des instruments à archet.
Pour le piziicato strident (efTel réservé à des sono-
rités spéciales et de caractère humoristique), il suflit
de placer la raain plus près de la rosace, où la corde
présente moins de rési.stance. Elle vibre ainsi sous
la main avec laquelle elle est en contact, et produit
un litnbre spécial.
Dans les passages où le pouce doit agir sur les
cordes de boyau, la partie charnue de la main
appuyée sur les cordes lilées glisse par-dessus ces
cordes jusqu'à se placer au-dessus des autr'es. Donc,
cette partie de la main doit toujours se placer sur
la corde frappée par le pouce pour en étoulTer les
vibrations.
Dans certains cas, on laisse vibrer librement les
notes basses, en élevant le bord de la main.
SONORITÉS SPÉCIALES
Sons lisiriiioiïiqnt's.
Ils se trouvent sur les di''érents nœuds de vibra-
tion dé la corde, c'est-à-dire à la moitié, au tiers, au
quart de sa longueur et aux autres subdivisions
aU'érentes au corps sonore. Ils correspondent, sur le
manche, aux touches XII, IX, VU, V, IV et III.
Pour les obtenir, il sul'lit de placer le doigt étendu
dans le sens perpendiculaire à la corde et en simple
contact avec elle, sur la touche correspondant à la
noie à doinier. Le doigt doit ne faire d'autre ell'orl
que d'empêcher légèrement l'oscillation de la corde
et cesser le contact sitôt le son obtenu, afrri que les
vibrations se prolongent le temps nécessaire.
Plus on se rapproche du sillet, plus les sons bar-
rrroriiques augmentent d'acuité : ce qui prouverait
que c'est la partie entre le doigt et le sillet qui pro-
duit le son. Le même phénomène se répète sur
l'autre moitié de la corde : plus on éloigne la main
gauche de la XII^ touche, tout en la rapprochant du
chevalet, plus les sons devieirnent aigirs.
De ces sons harmonii|ues, les plus clairs sont ceux
qui s'obtiennent sur les toirches XII. V et VII; ceux
de la W touche sont nroins clairs, et ceux des
louches IV et III sont bien plus vagues encore.
Les anciennes nréthodes recommandent l'emploi
du troisième doigt pour donner les harmoniques.
De nos jours, ce procédé est devenu accessible à
tous les doigts, qui doivent librement s'y exercer.
Tableau des harmoniques naturels :
ÉTAT DE TOUS LES HARMONIQUES NATURELS ^ •©}!-» *> #**
^ 0|Q ^t^
2034
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Les touclies XVI et XIX, éqiiidistantes de la moitié
de la corde, ainsi que les touches IX et VII, en sens
inverse, produisent les mêmes harmoniques. A par-
tir de la moitié de la corde, toutes les distances qui
produisent des harmoniques, dans un sens de la
corde, peuvent le reproduire, en sens inverse, sur des
distances proportionnelles.
Les harmoniques s'écrivent généralement en sens
figuré, c'est-à-dire que l'on écrit la note produite
par la corde à vide où se forme l'harmonique désiré;
sur cette note, un chilTre indique la touche qui doit
le produire.
Certains auteurs écrivent les notes réelles, puis
ajoutent un chiffre indiquant la touche; un autre
numéro entouré d'un rond indique la corde. Sor
employait ce procédé.
Harmoniques à l'octave»
On attribue à M. de Fossa l'ingénieuse invention
du procédé de ces sons, qui ont pris tant d'impor-
tance dans la technique moderne de la guitare. 11
exposa cette théorie au début de VOuuerlure du jeune
Henri de Méhil, arrangée pour deux guitares.
Si nous considérons que la corde à vide donne
son octave harmonique sur la X1I= touche, la délimi-
tant en deux parties égales, il nous faut conclure
que la même corde pincée sur la I" touche aura
son octave harmonique sur la XIII"; pincée sur la
II» touche, elle aura son octave harmonique à laXlV»,
et ainsi de suite.
Comme dans ces cas les doigts dé la main gauche
sont distraits par leur jeu habituel, il faut que les
doigts de la main droite remplissent deux fonctions
simultanées ; former et pincer l'harmonique.
A cet effet, on étend l'index en sorte que la partie
intérieure de la phalange extrême vienne se poser
légèrement sur la corde et sur la touche correspon-
dant à la noie voulue; ensuite, on pince simultané-
ment avec l'aïuiulaire, comme pour les accords.
Lorsque l'harmonique est seul et sur une corde
grave, il peut être préférable de le donner avec le
pouce de la main droite.
Pincer l'harmonique avec l'aimulaire olTie l'avan-
tage de pouvoir donner simultanément une partie
de basse (avec le pouce), et une autre partie inter-
médiaire (avec le médius), généralement sur la
corde inférieure voisine de celle de l'harmonique. Il
se produit un accord de trois notes dont l'aiguë
sonne en harmonique.
Ce procédé permet de jouer des mélodies harmo-
nisées à trois voix dont la supérieure est en harmo-
niques : mélodies doubles ou en tierces, sixtes, octa-
ves et en mouvement direct ou contraire; la partie la
plus aiguë est la seule susceptible d'êlre donnée en
harmoniques.
Les harmoniques naturels, compris même sur des
cordes différentes dans l'espace que peut embrasser
la main gauche, peuvent se donner en accords ou en
arpèges.
Uifféreiiles qualités du son
sur une niOuie corde.
Le point normal, où doit élre frappée la corde
pour en obtenir une qualité de son moyenne entre
les contrastes de ses divers timbres, est situé vers
l'extrémité de la courbe formée par la rosace du
côté du chevalet, à cause de la proportion entre la
résistance de la corde et la force d'impulsion du
doigt. Remarquez la différence graduelle obtenue
en frappant la même corde depuis ce point jusqu'à
l'extrémité opposée. Vers les touches, le timbre
obtenu est plus doux et plus pur; il a une nuance
indiquée pour certains effets spéciaux ; dans le sens
opposé, chaque rapprochement vers le chevalet pro-
duit une qualité de son plus ouverte, plus nasillarde,
indiquée dans les effets qui contrastent avec ceux de
l'extrémité opposée.
On obtient ces effets en déplaçant la main dans le
sens voulu, sans contraction du bras ni perte d'équi-
libre.
C'auipanclns (elTot do sonorité «ive
et cristalline).
Procédé rarement employé. Effet du jeu d'une ou
deux cordes à vide de notes souvent étrangères à un
accord exécuté en arpège. (Voir la Méthode d'AcuADO
traduite par M. de Foss.\.)
Tainbora (elTet de percussion).
Effet de son à obtenir sur les cordes donnant un
accord, au moyen d'un coup sec proiluil |)ar le pouce
de la main droite étendu perpendiculairement aux
cordes, près du chevalet. On l'obtient par un demi-
tour de la main sur le poignet portant vers l'extérieur,
afin que le pouce tombe, de toute sa longueur, sur
les cordes qui doivent vibrer. Le poignet ne doit pas
être contracté; au contraire, il permettra à la main
de se mouvoir aisément pour que le son soit produit
par son propre poids.
Cet effet peul encore s'obtenir par l'index et le
médius. Ces doigts tendus perpendiculairement sur
les cordes, les frappent en mouvements alternatifs,
rapides, comme pour le trille. Cet effet s'adapte à
tous les rythmes et à toutes les tonalités.
Efl'et de ronlenieni de tambour.
On l'obtient en croisant la V'' corde par-dessus la
Vl« sur une même touche, tout en les maintenant avec
force par un seul doigt (généralement le premier),
pendant que l'index ou le médius touche les deux
d'un même effort avec des rythmes de tambour.
ElTets lointains.
Procédé consistant, pour la main droite, à frôler
doucement plusieurs cordes avec le bout charnu des
doigts en allant de l'aigu au grave, pendant que les
doigts de la main gauche forment les accords aux-
quels sont soumis les rythmes de la main droite.
Rasgneado (elTel spécial de caractère
populaire).
La main droite tourne sur le poignet, en se levant
jusqu'à ce que le petit doigt (seul employé sur la
guitare pour ce procédé) soit placé sur les cordes
graves (bourdons); le dos des (juatre doigts auricu-
laire, annulaire, médius et index, glisse immédiate-
ment sur l'ensemlile ou sur une partie des cordes
(suivant les indications spéciales). Il se produit un
accord arpégé plus ou moins intense et prolongé.
Le rasgueado s'exerce en double sens : l'un ascen-
dant de la VI' à la I" corde, au moyen de quatre
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
doigls indiqués, l'autre, de la I" corde vers les
cordes graves, seule/nerU avec le pouce ou l'index.
On indique le rasgiicado par une tlèche allant dans
les deux sens voulus.
Le premier mouvement est pour les accentuations
fortes, le deuxième pour les parties failjles.
L'alternance prolonf,'ée de ces deux mouvements
contribue à maintenir pendant le temps nécessaire
la sonorité d'un groupe de notes simultanées.
Parfois, on mélange le rasgucado amoindri, obtenu
seulement avec l'index sur quelques cordes aiguës,
avec un petit coup sec donné en même temps sur le
chevalet par le bout du médius ou de l'annulaire.
L'index doit se replier complètement avant d'atta-
quer les cordes en s'ouvrant, tandis que le médius,
levé à distance prudente du clievalet, tombe recourbé
d'un coup sec sur la partie inférieure du chevalet,
dont il s'éloigne aussitôt l'effet produit'.
QUELQUES CONSEILS AUX DÉBUTANTS
L'éclosion de nouveaux instruments, tels le violon
le clavecin, puis le piano, afiina le goût collectif et
par reflet releva l'écriture pour la guitare. (Nous
dirons à nouveau qu'à notre avis, la guitare exerça
une décisive inlluence sur le développement de la
musique instrumentale moderne.)
Dans l'ensemble des œuvres didactiques pour gui-
tare se détache lumineusement la méthode d'AcuADO
(1843). Un siècle cependant ne s'est pas écoulé en
vain. Des esprits de haute valeur ont su tirer des
six cordes classiques de décisives promesses pour
l'avenir.
Il est à regretter que l'œuvre didactique renfer-
mant tous les principes de la technique moderne
n'existe pas encore. La faute peut en être imputable
au manque de toute protection officielle dont, un peu
partout, soull're la guitare.
Cet insti'iiment, d'un passé si glorieux et voué à un
si grand avenir, en passe de s'imposer aux publics
de tous les continents, n'a malheureusement pas la
LA GUITARE 2035
place qu'il mérite dans les plus importants Conser-
vatoires. Son enseignement se pratique même de
nos jours dune façon par trop empirique, d'où le
nombre si restreint de virtuoses et de professeurs
éclaires.
Il esta souhaiter que la connaissance approfondie
de cet instrument, l'un des plus organiquement
complets, cesse d'être l'apanage de certains élus de
la musique. Sa technique doit être divulguée
Pour tâcher, dans une faible mesure, de remédier
a cet elat de choses, nous nous permettrons quelques
conseils sous forme de plan d'études
Distribuer d'ahord l'étude de la guitare en deux
parties : théorique et pratique.
Obtenir autant que possible le summum de con-
naissances musicales en dehors de la guitare, tout en
approlondissant son étude théorique.
Envisager l'étude pratique sous trois aspects :
I. Développer le mécanisme graduellement (pra-
tique de gammes, arpèges, accords, trémolos, notes
coulées, trilles, elfets et traits instrumentaux inhé-
rents aux œuvres^).
Tout débutant devant choisir un des deux procé-
dés indiqués pour la production du son, il nous faut
signaler que la plupart des virtuoses les plus réputés
se servent des ongles.
n. Mettre le mécanisme acquis au service d'œuvres
créées musicalement.
Une sélection préalablement ordonnée parmi les
études d'AGUADO, de Sor, Carcassi, Coste, Tarrega,
Llobet, Fortea et de quelques autres encore renfer-
merait toute la matière demandée.
m. La vraie technique une fois acquise, s'initier
dans la connaissance des viliuelistes et guitaristes
depuis Milan et Corbetta jusqu'à SoR et Tarrega. Se
préparer ensuite à aborder les auteurs modernes les
plus complexes.
La guitare portant en elle l'esprit de toutes les
musiques, nous pensons que l'intelligence du guita-
riste doit être toujours en éveil, ainsi que son désir
de se raffiner et d'élargir ses vues.
1. Au sujet du genre flamenco auqui^l appartient surtout cet eU'et,
voir la Mélliode de Rafaël Maiux iMailrid, vers IS'JOl.
-. Nous recommandons spi'-cialenieiit les exercices ntanuFcrils de
TxKREGA, les I^scalasy Arpeijios de Domingo Puât, édités à Buenos-
Aires, les ex..rcices de noies coulées dans la .\mhode d'Ar.uAoo et les
d.lTérentes formules d arpèges de fancienne méthode de Morett, sus-
ceptibles d êtres appliquées à des harmonies diverses.
EuiLio PUJOL, 1926.
LE CLAVECIN
Par André SCHAEFFNER'
Un préjugé tenace fait encore du clavecin une
ébauche assez primitive de notre piano moderne :
l'usape désormais généralisé, la supériorité admise
du [liano plaideraient donc l'inutilité pour nous de
vouloir entendre un instrument aussi désuet, aussi
avantageusement i-emplacé que le clavecin. Oi' si, en
fait, le piano se substitua au clavecin daiis nos salles
de concert comme dans nos habitations, ne fut-ce
pas au même titre que rorchestre d'un Wagner
succédant à celui d'un Beethovem, ou que l'orcliestre
d'un SïRAwi.N'sKV à celui d'un Wagner? Succession
qui n'implique pas forcément équivalence, ni même
filiation entre les deux termes. Pas plus que nous
ne dirons que Schuuann remplaça Bach parce que
supérieur à celui-ci, nous ne dirons que, si les con-
certs modernes ont vu le piano chasser le clavecin,
c'est que celui-ci avait sur le piano des désavantages
plus durables que celui de ne répondre plus aux
nouvelles exigences instrumentales des musiciens.
Cette fausse idée du progrés, que Wanda Landowsea
nous exhorte à chasser de nos comparaisons entre
musiciens anciens et modernes^, il nous faut encore
la détruiiv sous la forme plus insidieuse qu'elle revêt
lors de nos jugements à l'égard de tels ou tels ins-
truments. Sans doute, le clavecin a-t-il été la victime
du goût d'une certaine époque pour le forte-pian<i
et pour tous les modes d'expression que représentait
cet instrument, mais un peu de même que le luth
a été la victime d'une préférence collective pour le
style cursif et pour le volume sonore du clavecin',
ou de même que, depuis Wagner, l'on a vu l'orchestre
déplacer son centre de gravité en s'annexant de nou-
veaux instruments à vent, en leur prêtant un rôle
de choix, et cela de plus en plus au détriment des
cordes. Aulaut en celle matière qu'ailleurs, Metzsche
nous gardera d'estimer que, si une chose a disparu,
c'est qu'elle avait tort : <i l'idolâtrie des faits »' a
toujours profondément nui à la compréhension de
la musique ancienne.
Rien ne permet de dire que le piano ait remplacé
le clavecin. Le règne si absolu du piano n'a point su
combler — on le voit maintenant — la disparition
1. Les pages de cet article ont été rédigées en très grande partie
grâce aux documents communiqués par M""» Wanda Lando\v>ka.
2. « On no dépasse pas l'Oratorio de Sort de Bach ; on ne dopasse
pas une petite picci? de Cuupkuin. Bach l'a essayé dans ses Saiten
fraiyraises sans y arrivei-, tout cti créant des beautés nouvelles, b
(W. L\:si)u\\sKA, Musigin^ aiicJenne. VariSf Seuart, 1921, pp. i5-i6.)
3. La Konlaine, E pitre a M. de tSiert (1077) :
11 favitvinfçt clavecins, cent violons porir plaire
On ne va plus cliereher, au fonil «le quelqties liois,
Des amoureux berjrers la llùte et le hautbois;
l.i> tlt'orbc ehatmaiit qu'on ne voulait enleinlre
Que dans une ruelle avec une voix tendre ..
4. Nietzsche, Un:ilgenia':sse Bctrachlunijen, II.
du clavecin. Les analogies avec d'autres inslrumeiits
qui pouvaient se trouver à la base de ce dernier se
dessinent selon deux direclions différentes : le cla-
vecin, avec ses cordes d'une part, avec ses jeux ou
registres d'autre part, lient tout autant de l'orgue
que du piano. Cet orgue à cordes, auquel ni le piaiin
ni l'orgue ne se devaient pleinement substituer,
répondait à un usage instrumental vraiment parti-
culier. Cet usage n'était donc pas appelé à se perdre
au profit de l'emploi du piano plutôt que d'un autre
instrument. On ne -voit d'ailleurs dans le passé
aucune marche inéluctable du clavecin vers le piano.
Les premiers instruments à cordes et à clavier par-
tageaient le sort de beaucoup d'autres instruments
anciens : ils étaient bien plutôt l'œuvre même des
musiciens qui en jouaient; et, si ceux-ci ne pouvaient
pas toujours se faire leurs propres luthiers, les fac-
teurs de leurs instruments ne semblent pas avoir
cédé au désir d'atteindre à un type uniforme et pré-
tendu immuable, tel notre piano moderne; de sorte
que leurs instruments, tout en obéissant à une- cer-
taine évolution générale, tout en appartenant collec-
tivementà telle ou telle famille aisément discernable,
se distinguaient encore les uns des autres par de
petites différences de construction, par de petites
modifications où se marquait, sinon toujours l'indi-
vidualité de chaque amateur ou interprète, du moins
un vaste esprit de recherche étendu à tout ce qui
était de l'ordre de la sonorité, du timbre, de la
technique. Esprit de recherche qu'il faut bien dire
très atténué de nos jours, inconnu de la plupart des
maîtres actuels du piano qui ignorent le mécanisme
de leur instrument et demeurent incapables, comme
d'ailleurs insoucieux, de suggérer la moindre amé-
lioration possible de facture. Or, s'il n'est pas prouvé
que ces différents exemplaires de clavecins ou d'épi-
nettes se soient ajoutés les uns aux autres pour se
rapprocher de plus en plus du futur piaffio, et s'il est
en outre probable qu'aux origines du piano aient
également présidé des instruments autres que le
clavecin, nous ne devons considérer le piano. que
comme une simple variété de l'espèce des instru-
ments à cordes et à clavier, et non comme le but
vers lequel tous auraient tendu. Variété au sort plus
heureux, quoique peut-être appelée elle-même à
disparaître, à ne survivre plus que comme inter-
prèle de la musique romantique et impressionniste.
HYPOTHÈSES SUR LES ORIGINES
Sur les origines communes au clavecin, au clari-
corde et au piano, nous sommes réduits à de vagues
i
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE CLAVECIN 2037
hypotlièses. Mais qu'il s'agisse de coiilcs fi-appées, de
cordes pincées ou des deux systèmes combinés en
Je même instrument, ne trouverions-nous pas tou-
jours à l'origine de cette corde tendue sur une table
d'harmonie la corde du psaltérion que l'on touchait
à l'aide de la main, d'un plectre ou d'une baguette?
C'est (lu moins l'hypothèse qui nous est proposée en
l'un des plus anciens ouvrages que nous ayons sur
riiistoire et sur la facture des instruments, la Mvsica
yctutsi.-ht... de l'abbé Virdlt.ng (publiée à Bàle en
1511) : nous y lisons en effet que le « virginal », ou
l'instrument nommé comme tel par Virdi'ng, a pu
naître du psaltérion'. Si donc à l'origine de la corde
tendue du clavecin et du clavicorde se décèle la corde
du psaltérion, nous devrons tenir compte des
diverses manières dont elle pouvait être mise en
vibration, les unes annonçant plus précisément le
clavecin, les autres le clavicorde. Les psaltérions
conservés à Newhaven'- sont ou triangulaires, ou
carrés, ou incurvés, ou de la forme d'une harpe. Le
père Mkrsenne prêtait aux psaltérions le type unique
de triangle tronqué^. Type que nous retrouverons
à peu près identique sur cette enluminure d'un ma-
nuscrit français de la Bibliothèque nationale {l'Is-
tiiire de ta conqueste du noble et riche tlioison d'or,
ras. fr. 331), reproduit par M. André Pirro dans
ses Clavecinistes'', et qui, selon déjà Bottée de
TouLMON (dans sa Dissertation sur les instruments de
nnlsiqu^' employés art Moyen âge-'], représenterait
« un clavecin » tout en n'étant « pas autre chose
qu'un psaltérion à touche ». La ligure pentagonale
irrégulière que le clavecin constitue normalement se
trouve apparaître presque déOnitive dès ce manus-
crit du moyen âge : sorte de harpe couchée horizon-
talement, à laquelle serait joint un clavier. Cette
identité de forme, maintenue à travers plusieurs siè-
cles entre certains psaltérions et le clavecin, ne laisse
pas que d'être troublante : si elle ne résout point à
elle seule le problème des origines du clavecin, elle
ne constitue pas moins une présomption en faveur
du rôle initial du psaltérion. Ajoutons, en outre, que
le psaltérion décrit par le père Mersenne comporte
treize rangs de cordes, chacun ayant deux cordes à
l'unisson ou à l'octave'"', — ce qui déjà nous rapproche
des registres que l'on Irouve dans le clavecin.
Un autre instrument dont l'action mérite d'être
envisagée est le dulciiner ou dulce melûs, que Bottée
DE ToL'LMON hésite à assimiler au tympanon''; cet
instrument ne semble avoir' rien eu de commun avec
le psaltérion à clavier llguré sur le manuscrit mé-
diéval que signalent Hottée de Toulmon et M. André
PmRO. Un autre manuscrit latin du xv- siècle, pro-
duit également par BorTÉE de ToumoN, ainsi que par
Fétis', et qui traile conjointement de la construc-
1. Aher ich glnub l'itrf main, daz dtiz virr/maîs erstmais oojt dem
P^altfrio erdachi se// zi-marjien. daz man nunjfttzund mit schliisseln
ifryffut. rnd. schlfcht i'nd mit ffdprkilcit gemacht int ii'ie trot daz
s-'lbiii dock auch in ein lantji; fadeil irirt vi'rfnssi't, t/lich einem
ctaoiclK'rdio, so liât es dor-li rd ander eii/en/icliaften, Di^ aicit mer
mit dem psaiterio vert/leiclien, dann mit dem clavicordio, Syt daz
man doeli zu ietlichetii scIdUssel eine besimderliehe saiten muss
îinben. Eine iettichetn Suite miiss aucli hoher daim die ander zogen
sijitd. Darnmb aiiclt ein Jetliche faite lenger dnnn dye ander muss
si/n, Oardiirclt irirt dnnn nnss dem abbredien vud verkurtsen der
saiten, ijiriclc als ein driani/el in der Laden,
2. Cf. caliilngue de Moriss Steimut (Xe\\h:iven, 1803).
3. Harmonie universelle, l. III, proposition \xv, pp. 173.17n.
4. Paris, Lauren^; (s. d.). collection Les Musiciens célèbres,
5. Kilr. du X.V!1» vol. (les Mërnoires de la Société royale de» anti-
quaires de France (1844) .
0. Lococit., pp. 173-173.
7. toco cit., p. 63.
lion des luths et de la facture du dulre inrlos, en
donne une ligure en laquelle notre auteur croit voir
celle d' « un piano », c'est-à-dire d'un instrument à
clavier qui, sans être proprement « im piano à mar-
teau libre 11, n'en illustrerait pas moins « le principe
du piano ». Autrement dit : instrument à cordes
frappées. Mais, était-ce bien déjà notre clavicorde
auquel le même manuscrit fait allusion en ces ter-
mes : Etiam posiet fieri clavicordiiim qnid sonaret sicul
dulce melos. Simililer etiam posset fieri quod clacicor-
ttium sonoret ut clavicembalum cum simplicibus coi'dis
vei duplicibus^...'!
Aussi énigmatique que le dulrimer est demeuré
pour nous Véchiquier. Curl S.^chs, dans l'article
Echiquier du Real Lexicon der Musikinstrumente, et
M. André PiRRo, dans son volume sur \es Clavecinistes.
citent tous deux divers textes du xiv^ siècle, em-
pruntés pour la plupart à des sources diplomatiques,
et où il est question de l'échiquier. Instrument dont
le nom paraîtra encore plus fréquemment dans les
textes poétiques du xv« siècle, mais sans que jamais-
— comme le remarque .M. Pirro — une figure quel-
conque en soit repioduite'". Faut-il voir en cet échi-
quier un type déjà du clavecin, ainsi que le présu-
merait assez M. Pirro d'après l'examen de deux
manuscrits enluminés de la Bibliothèque nationale,
et d'après ce mot du roi .lean d'Aragon en 1388 que
Vcxaquier ressemble à l'orgue bien qu'il sonne avec
des cordes {islrument semblant d'orqurns qui sone ab
cordis), définition parfaite du clavecin"? Mais com-
ment expliquer que sur un texte d'archives remontant
à 1311 — etque cite toujours M. Pirro — l'cceschic-
quier » soit distingué nommément de 1' « espinette »
au même titre que de l'orgue et de la « tlucte'- »?
Alors que le psaltérion revêt pour nous un typie
d'instrument assez, précis, qui ne semble pas devoir
être confondu avec un autre, et qui a'a pu se rappro-
cher du clavecin ou du clavicorde que par l'adjonc-
tion d'un clavier, nous nous trouvons avec le dulci'-
mer et avec l'échiquier en face d'instruments très
mal décrits, mais que les témoins de l'époque seai-
blent distinguer encore l'un de l'autre, et derrière
lesquels ont pu se cacher les premiers exemplaires
du clavecin. Le dulcimer et l'échiquier furent-ils la
double étape qui conduisit du psaltérion au clavecin
ou à l'épinette, hypothèse que rien ne vient soutenir
ni interdire nettement? .Nous demeurons donc ici les
victimes d'une terminologie assez llottante ou deve-
nue pour nous à peu près obscure. Comme le remarque
V.\N DER Straeten à propos de l'échiquier, « la con-
fusion dans les dénominations d'instruments, au
moyen âge, est trop considérable pour n'être point
un sujet d'ér|uivoques constantes. Que d'appellations
diverses pour une simple boîte sonore, et que de
boites ou de tuyaux sonores pour une simple appel-
lation'^! »
8. .\ls. latin 7^03 de la Bibliolllèque nationale. — Cf. Kk^i<ï, His-
toire (l'-nérnle de la miisigite, t. V, p. 301.
9. Lu ddlciiner demeura assez longtemps en usage en Alll^magnc
comme en Angleterre. I.e Musicat dictionanj de James Grassineac
iLondres, 174(1) dit (jue l.i \0|îue du dulcimer tomba en Angleterre
vers le commencement du xvrij" siècle et que l'inslmment no fut plus
(jmployé que pour les spectacles de marionnettes.
10. Loco rit,, p. 6.
11. Loco cit., pp. tJ-7.
li. Ihid.
i:î. VANruwSTTtvrTES, Lu Mitsiffiie aux Pni/S'Iifis.\. VIII (Bruxelles,
18!*o), pp. 43-44t — Cf. sur r«chiqut(?T. ibid., pp. i(>.45. — Cf. en outre,
sur t©.U ce prot>lêm«de* origines^ le<ifrl)Ut de l'élude de Cari K'rfrs,
Oie besaiteten Klanierinstrnmente bit ziim Anfavff des 17, Jttlirhun-
derts [Vicrteijahressclirift fiir ilm.kirissenscliaft, féy. 1892).
2038
ENCYCLOPÉDIE DE LA Ml'SIQfJE ET DICTIOXA'AIRE DU CONSERVATOIRE
Le monocorde, l'un des insli uraenls qui remontent
le plus haut dans l'anliquité, si' place également à
l'origine du clavicorde. Servant d'ordinaire à mesu-
rer la hauteur du son, tel le sonomètre de nos labo-
ratoires d'acoustique, le monocorde se composait
d'une boîte sonore montée d'une corde et ressem-
blant — comme le remarque Hipkins' — à une harpe
éolienne. Il est cité à deux reprises par Guillaume
DE Machault, d'abord dans le fameux Poème sur lu
prise d'Alexandrie :
... monocorde
Qui à tous insliuments s'accorde,
«
puis, dans le Temps Pastour ;
... monocorde
Où il n'y a qu'une seule corde''.
Cette corde unique fut par la suite doublée, triplée,
quadiuplée, etc., de manière à permettre la produc-
tion d'accords entiers ^ Comme dans le sonomètre,
les diverses notes étaient obtenues en déplaçant
sous la môme corde un chevalet mobile, afin de divi-
ser celle-ci selon des nombres fractionnaires plus ou
moins simples. Jean de Mûris (celui de Paris) signale
dans sa Mî/sic(i speculativa (1323)' l'existence d'un
« monocorde » de dix-neuf cordes». Le nom de
monochordium donna celui de manichordion (xv" siè-
cle) : faut-il voir là un exemple de celle logique
populaire qui, ne saisissant plus le sens originel
d'une expression {monochordium), la déforme pour
rejoindre ce qui tombe plus aisément sous le sens
commun (mon! =; avec les mains)»? 11 est à noter
que, dans l'ouvrage de théorie musicale paru chez
l'imprimeur parisien Gaspard Pliilipe sous le titre
de l'Art, science et pratique di- pleine musique, le
monocorde simple est également désigné sous le
terme de manicorde. Il est donc possible que le mo-
nocorde sans clavier, qui par la suite devait prati-
quement subsister sous les termes de trompette
marine ou de sonomètre, ait prêté son nom ou un
nom voisin [manicordion] au clavicorde, du fait que
les cordes de celui-ci étaient divisées en même temps
que mises en vibration'. C'est le procédé de division
delà corde, pareil en les deux cas, qui entraîna une
similitude de nom. Mais remarquons encore que
1. Introduction to the Catalogue of thc Metropolitan Muséum of
Art (New-York, 1003).
2. Vers (I6j:'i riWs par Bottée de Todi.jion cl par Kastneu (Parâmio-
logie musicale; Paris, Brandus), et desquels il est curieux qu'on n'ait
pas rapproché ceux de Marguerite de NAVAititE :
... monocorde
Où il n'a c'une seule corde.
3. Cf. l'écrit de Simon To.nstede, De (juntuor principalibus musi-
cne (xiv siècle), reproduit par Cuossemakeu, t. IV des Scriptores.
4. Cf. Gkudeut, Scriptores, t. III.
5. Il faut teuir compte avec Cari Kfiebs de la réserve suivante, ex-
primée par VinnuNi; et par C^,llo^E {El Mclojieo y maestro; Naplcs,
1613), que le terme de monocorde a bien pu désigner non le nombre
de cordes, mais le rapport d'unisson existant entre les cordes. (Cf. Cari
Khebs, op. cit., pp. 97-98).
6. Le cat.doguc de Mahu.i.o» (t. V, n" 3173) signale l'existence d'un
monocorde à clavier de construction moderne. Il est dû à un lutliier
de Jleurthe-et.Muselle, du nom de Puossut, cl qui prit un brevel le
S mars 1880 pour un instrumenl de ce genre qui, selon lui, devait
tenir lieu d'harmonium dans les églises. La corde do cet instrument
est accordée au fa {,) avec eirct réel à l'octave grave; l'amplitude de
ce monocorde comprend deux octaves chromatiques et deux liemi-lons.
7. Le clavicorde n'est pas autrement désigné, aussi bien par le
père Mchsekm:, qu'au xvni» siècle dans le Dictionnaire de Trècoux.
El, ainsi que Kheos (op. cit.) le remarque également, dans le Diction-
naire universel de commerce des frères Savary (nouvelle édition, t. Il,
Copenhague, 1760, art. Faiseurs d'instrumrns), le monocorde on trom-
pette marine est nettement distingué du manicordion qui, lui, se
trouve cité à la suite de l'épinette et du clavecin, en place du clavi-
corde.
dans le poénie didactique d'Eberliardt Cersne de
Minden, der Minne Reyel {iiOi), se trouvent désignés
à quelques vers de distance le schachlbret (peut-être
l'échiquier), le monocordium , puis le clavicordium,
au même titre que le psalterium y est distingué du
clavicymhatum*. Il est donc, une fois de plus, assez
difficile d'établir là une ligne de partage quelconque.
Il faut noter enfin le rûle important joué par le
pantateon de Hebenstbeit, sorte de dulcimer perfec-
tionné par les soins mêmes de ce dernier. Comme le
dit Cari Engel', le dulcimer, longtemps en usage en
Allemagne, était généralement de forme trapézoïdale
et mesurait deux pieds sur quatre. Or l'instrimient
de Panlaleon IIebenstreit mesurait le double de lar-
geur et de longueur, avec deux tables d'harmonie
face à face, l'une armée de cordes métalliques, l'au-
tre de boyaux couverts de fils métalliques. C'est en
entendant le jeu de Pantaleon Hebenstreit que
Christoph-Gotlieb Schrœter eut l'idée, au xvui' siècle,
de construire une sorte de clavecin à marteaux'".
Ainsi, comme le remarque Engel, le dulcimer, après
avoir pu engendrer le clavecin, aurait aidé à l'in-
vention du piano-forte; il se trouverait donc à l'ori-
gine de ces deux instruments.
FACTURE
IiiNiriiiiients ù cordes pincées.
Le clavecin est un instrument de forme longue, le
clavier occupant l'un des côtés d'une figure penta-
gonale irrégulière, assez semblable à une aile d'oiseau
étendue. L'épinette, de dimensions plus restreintes,
plutôt oblongue, tiendrait du rectangle ou du tra-
pèze". Tous deux, avec leurs formes respectives et
avec certaines particularités tecliniques qui les dis-
tinguent encore l'un de l'autre, n'en offient pas
moins de multiples analogies de facture. Instru-
ments à cordes pincées tous deux, il est logique i]ue
leur construction s'appuie sur les mêmes pi iiicipes.
Le père Mersenne, dans son Harmonie itnircrselte
(1636-37), livre m des» iustrumens à cliordes », prend
comme point de départ la facture de l'épinetle com-
mune, qu'il complète ensuite par celle d'une épinelte
plus petite, et enfin de ce qu'il appelle le « double
clavecin ». Les textes de Mersenne nous paraissant
posséder en cette matière le plus d'autorité, nous
leur emprunterons de multiples citations et fixerons
ainsi quelle était au xvii' siècle la facture exacte des
épinetles et clavecins, tout en prenant plutôt pour
base la facture de ces derniers.
Le père Mersenne commence par dire que n'im-
porte quel instrument est toujours <' divisible eu
corps, table et manche ». Ici le corps de l'épinette,
comme du clavecin, c'est le coffre en bois. Il faut —
8. Vers 408-414, d'aprèslaréédilion de Franz X. IWiôbeu et d'AMuaos
(Vienne, 1861). — De même beaucoup plus tar-d, dans une «les préfaces
a son poème niacaronique {.\d swis compagnoncs, qui sunt de persona
friante.^, bassas Dansas et Branlas jiractilantcs, Paris, 1574), Anto-
nius de AiiESA distinguera l'épinette simple de l'épinette organisée, ii\i
manicordion et du clavicorde.
9. Descriptive catalogue of tfie musical instruments in the South
Kensington .Uuseum (Londres, 1870).
10. Cr Muicmr., Krilisclie llricfe ùber die Tonkunst, t. Il, n» 139
(Berlin, 1764l. — .Supplément de 1776 à V Encgctopédie de dAi.em-
iii;uT, art. Pantaleon ; >< Ouelques uns appellent /i'i'i/a/on le clavcssin
a cordes et il marteau <|ue les Ilaliens et les Allemands appellent
forte-piano, k cause que le son en est susceptible; probablement le j
nom de Pantalon a donné lieu :\ cette dénomination, tout comme
l'instrumenl paraît avoir occasionné le forte-piano, »
11. Cf. PnAETOiiios et MEllsl:^^•E.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE CLAVECIN 2u39
écrit Mkiisemne' — " que l'ouvrier ait esgard à deux
choses quand il fait les Iiistrumens, à sçavoir a
l'harmonie ou résonance de l'Instrument, et à la
force et solidité, qui sont deux choses qui demandent
le bois contraire en qualité, car l'harmonie le
demande délié, et conséquemment fragile, et sujet
à se démentir, et la solidité le demande épais et
grossier, or ce qui est grossier est lourd. Et les
ouvriers qui donnent beaucoup de son aux épinettes,
les rendent de pi'U de durée, de là vient qu'il y faut
perpétuellement travailler; et ceux qui les font trop
massives, les rendent sourdes et incommodes. >■ D'où
l'existence de df ux barres de traverse et des som-
miers excessivement duis, ordinairement en bois de
hêtre; enlin quatre ais plus délicats en bois blanc-'.
Le fond même des grandes épinettes — ajoute Mer-
senne — est de sapin 3.
La table d'harmonie est de bois résineux : cyprès,
cèdre, sapin, — nous dit Mersenne, — et de l'épais-
seur d' « une ligne environ ». Quand « elle est bien
collée et appuyée sur les tringles ou sommiers, c'est
elle proprement qui compose l'instrument; car si
l'on tend des cliordes sur une table de sapin de cetle
espaisseur, elle rend du son, encore qu'il n'y ait
derrière ou dessus nulle boële, nul coffre, ou corps
d'instrumens [...] Toutesfois les parois d'alentour en
augmentent le son, et lui donnent quelque qualité,
en le rendant plus doux, plus aigre, plus perçant,
plus creux, ou plus sec, et mieux prononçant qu'il
ne seroit autrement. » Du reste, les clavecins et épi-
nettes n'étaient en réalité que des caisses que l'on
mettait dans d'autres caisses : celles-ci ayant des
pieds et servant de supports ainsi que de cadres;
celles-là étant en rapport inlime avec la qualité du
son produit. Les clavecins et les épinettes avaient
leur table d'harmonie percée d'une rose en ivoire
ou en quelque métal noble et qui était toujours Ime-
ment ciselée, sorte de vaporisateur sonore (l'expres-
sion est de Wanda Landowsra), qui permettait à
chaque constructeur d'y dessiner son monogramme
particulier^
C'est sur cetle table d'harmonie que se trouvent
directement tendues les cordes. Mersenne écrit à ce
propos qu' « il faut que les chordes ayent la force
d'ébranler la table de l'instrument, et l'air qui est
au derrière, pour rendre du son; par conséquent,
si la table est bien solide, il faut que la chorde soit
bien forte »... Mais alors que, sur les luths, guitares
et violons, les cordes s'étendent hors de la table de
l'inslrument, le long d'une proéminence qui excède
le corps de celui-ci et qui est le manche, << l'épinette
semble manquer de manche; sa figure était toute
d'une venue et uniforme, et n'ayant aucune proémi-
nence, néantmoins si nous considérons l'usage du
manche, nous treuverons que le sommier qui reçoit
les chevilles fait le mesrae office que la queue du
manche fait au luth; et les clavecins ont une queue
quasi toule semblable; finalement ledit sommier a
•deu eslre un manche conlinu et uniforme à la table,
à raison de la multitude des chordes ' ».
1. O/t. cil., liv. m, |j. 101.
2. /bid., p. 102.
3. L'Enri/cloiiédie de d'ALEMBERT, kVari.Ctauecinit. III, 1753), ajoute
\e détail suivant : les côtés de la caisse du cla\'ecin. nommés cclUses,
sont ordinairement de tilleul et assemblés k-s uns avec les autres » en
peigne et en queue d'aronde ". Le même article parle de sommiers eu
chône et de près de trois pouces d'épaisseur.
4. Les plus belles <■ roses o se trouvaient sur les cla\ ceins de prove-
nance vénitienne.
5. lijid., p. 103.
Du temps du père Mersenne, on usait df; sept à huit
grosseurs de cordes. Sur les quarante-neuf cordes
de l'épinette commune, les trente plus grosses étaient
de laiton, les dix-neuf autres d'acier ou de fer : on
pouvait aussi mettre — remarque notre auteur —
des » chordes de boyau, de soye, d'or et d'argent" »...
Sur les clavecins où, à la même touche, répondent
plusieurs cordes, celle qui correspond « aux seize
pieds », c'est-à-dire à l'octave inférieure de la note,
est plus épaisse et filée; tandis que la corde qui
correspond aux « quatre pieds », c'est-à-dire à l'oc-
tave supérieure, est courte et plus fine. Ces diverses
cordes s'entortillent autour de plusieurs rangs dis-
tincts de chevilles.
L'élément actif du clavecin et de l'épinette est le
sautereau (en allemand : Holzclockf). Comme son
nom l'indique, c'est une petite règle de bois, plus
rarement de métal", qui, par le mouvement de la
touche faisant bascule, saule et vient ainsi brusque-
ment pincer la corde. Au repos, le sautereau est posé
par son extrémité inférieure sur l'un des bords de
la touche, perpendiculairement à celle-ci; son extré-
mité supérieure, traversée, à la hauteur d'une petite
entaille, soit d'une plume de corbeau, soit d'une
languette de cuir ou de métal, vient passer assez
près de la corde pour que la plume ou la languette
heurte celle-ci*. Lorsque le sautereau retombe,
grâce à la pression de la corde et à un petit ressort
(en soie de sanglier), languette et plume (lécliissent
et se replient sur le sautereau. Au repos, ces saute-
reaux sont logés dans des « petits trous », écrit le
père Mersenne, (c dont on perce une règle de bois
qui s'appelle mortaise ». Les mortaises ne sont autre
chose que des rails mobiles et que viennent déplacer
des tirasses, des genouillères, des pédales, à moins
qu'ils ne soient en liaison même avec le retrait ou
l'avancement du clavier, dispositif dont nous expli-
querons plus loin l'usage. Toujours selon Mersenne,
>i chaque sautereau a deux morceaux d'escarlate ou
d'autre drap, afin d'étoulfer et d'amortir le son »...
Ce drap amortisseur est placé tout à l'extrémité
supérieure du sautereau, de sorte que, dans le saut
de celui-ci, le drap touche par deux fois la corde,
d'abord en montant, puis en redescendant, lorsque
la corde est en vibration et afin d'en étou.''er le son.
Une baire horizontale, doublée de laine et placée
au-dessus des rangs de sautereaux, permet d'amor-
tir le bruit de ceux-ci'.
Le clavier est, comme au piano, l'ensemble des
touches. Son étendue est assez variable. Le père
.Mersenne donne la moyenne, pour les clavecins et
les grandes épinettes, de quaiante-neuf //ia/'c/tes ou
touches, dont vingt-neuf <i principales » et vingt
« feintes ■> , et de trente et une touclies pour les
petites épinettes'". Les octaves, d'ordinaire au nom-
C. Ibid., pp. 103-04,
7. L'emploi de métal permettait de résister plus à l'iiumidité : l'essai
en fut fait dans le clavecin dit brisé et servant pour le voyage.
8. .1 Les plumes les plus estimées étaient celles de corbeau ; les becs
se taillaient dans la partie qui occupe le bas de la tige, inunediate-
mcnt au-dessus du tube corné. On n'utilisait guère que deuv ou trois
centimètres de la tige; au delà, elle perdait ses qualités. » {MAHii.i.oN,
t. Il, Uand, i'M*, 2" éd., n" 630). Jakob Adi.ong dit avoir employé, mais
assez vainement, des baleines ou des plumes d'autrucUe et leur avoir
préféré la plume de corbeau graissée avec de l'buile d' aVi\ c {.Vusica
mccltanica organ/ndi, i" vol., p. 512; Berlin, Bernstiel. i7i,S). L'em-
ploi du buffle figure parmi les caractéristiques des instruments de Pas-
cal T,vsKiN (voir plus loin).
9. Cf. VEncycîopédie de 1753, art. Clavecin,
10. II faut remarquer que dans beaucoup de clavecins, h l'inverse de
nos pianos, les touclies diatoniques étaient noires et les touches chro-
8640
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
bre de quatre on cinq, n étaient pas tontes égales.
Il existait ce que l'on appelait Voctave courte, procédé
qui permettait d'épargner la place sur un clavier, en
rétrécissant la première octave grave d'un certain
nombre de notes, par exemple de quatre sur douze.
Ainsi, dans une épinette fabriquée à Paris en 1709, et
qui est signalée au n" 1582 au catalogue de Mahillon',
la première touche du grave, à gauche iinniédiate-
ment de Wit,, donne un soly qui esta la quarte infé-
rieure de cet uti, tout en paraissant n'être qu'un si,.
Ou bien, dans d'autres instruments, les cinq premières
touches étaient apparemment mi, fa, fa^, sol, sol;:;,
— alors que le 7?n' n'était en réalilé qu'un i(<et que les
deux touches faussement chromatiques donnaient
?'^et mi, de sorte qu'on avait la disposition suivante :
Ré m Si\, (Vif
m Fa Sol La Si lll Ré, olc^.
Ou bien encore, on pouvait trouver ceci :
Ul Hé Si I,
Mi Fa Sol La Si Ul. etc.
Toutes ces dispositions d'octave courte s'expliquent
si l'on songe que, jadis, on modulait peu à des tons
très éloignés, et qu'ut Jt, ré if, fa if etso/Jt étaient rare-
ment employés comme notes fondamentales ; cer-
taines de ces notes pouvaient donc être supprimées.
Plus lard, lorsqu'on fut obligé de réintroduire un
/'c5 et un so/g, on coupa par moilié les ré et m/ pla-
cés en guise de touches chromatiques, la moitié
supérieure donnant /'a# et sol S, la moitié inférieure
continuant de produire?'^ et mi :
Fai Sol if
Re m Sip
Mi Fa Sol La Si, etc.
C'est ce qu'on appela au xvn" siècle l'octave brisée^.
Mais il ne faudrait pas confondre ce système de deux
touches sectionnées dans la pi'eniière oclave grave
avec un autre procédé qui, ne tenant point compte du
tempCrament énnl, essaye de produire, par exemple,
le )•« # séparément du mi p. Ainsi le clavecin n" 1603
du catalogue de Mahillon, et qui fut fabriqué en
Corse en 1619, comporte, d'une part, une première
octave courte et brisée et, d'autre part, au cours des
deux octaves qui suivent, deux touches noires divi-
sées chacune en deux parties pour être accordées
enharmoniquement à ré if et mib, ainsi qu'à sol if et
/ail*. Deux procédés distincts, quoique réunis parfois
dans le même instrument, et qui — comme nous le
venons — ont eu cependant ceci de commun qu'ils
tentaient de pallier certaines difficultés du tempé-
rament égal ■.
Le ravalciiicnt était une opération, fréquente au
cours du xviii^ siècle, qui consistait, au contraire de
l'octave courte, à agrandir l'étendue d'un clavier.
m.itiqiies étaient blanclies. (Cf. le clavier figuré dans la niélliode de
SAiKT-LAMiii,iir, les J'rincipes du clavecin, Paris, 170:;, p. G.)
1. Tome II! (Gand. iOOU).
2. De même dans l'instrument du musée de Bruxelles eitô plus
haut, l'on devait avoir :
/.a Si FaH
.Sol Ut Ru Mi Fa .Sol. eti-.
3. Cf. le ppécieu» riitalogue. élaboré par M. (leorp Kr«siiv et nu-
quel Tious aurons souvont recours, du .\faail{historisclii'S Mitsfvm
de Wilholra Hem:h i Cologne (Cologne, HllO ; t. I, p. 20 et pp. 34-3:i).
L'admiraldecolIccUon mémo de c*' musée vient d'être dispersée (10à7).
4. MAHULon, op. cit.. t. m (Oanil. 1900).
ii. Les clavecins et les clavicordes n'étaient d'ailleurs pas l«s seuls
instruments à clavier qui continssent une octave rowff. Les régales
par exemple pouvaient oS'rir la même particularité. (Cf. Kinskv,
0/). ci/., pp. .132-3, n»31(l; p. a3ti, n" »12.)
Beaucoup de clavecins anciens ne nous sont parve-
nus qu'après avoir ainsi subi cette transformation,
l'el instrument qui avait eu une étendue primitive
de quatre octaves, dont une courte, comportait dés
lors quatre octaves complètes et une quarte ou une
quinte en plus"^.
La position du clavier à l'égard du reste de l'ins-
Irnment olfrait quelque importance. Ainsi que le
remarque le père Mersenne', le clavier d'alors se
trouvait « à l'une des extrémités du clavecin », tan-
dis qu'il se plaçait au milieu des épinetles et des
manichordions (ou clavicordes), comme encastré
dans un coli're rectangulaire qui le venait déborder
à gauche et à droite, ou d'iu) côté seulement. De
plus, les clavecins pouvaient avoir double et même
triple clavier. C'est à un facteur flamand, Hans Ruo
iLERS le Vieux, que Hl'llmandel, ainsi que d'autres,
attribuait d'avoir fait « à l'iniitation de l'orgue un
second rang de touches" ». Les trois plus anciens ins-
truments connus qui soient, en elî'et, l'œuvre de cet
Hans HucKEHS ont deux claviers; ils datent tous trois
de lo9U'. Mais des recherches d'archives ont permis
de découvrir l'existence antérieure (vers i;>30 notam-
ment) de vin/itials à deux claviers; enfin, la collec-
tion Heyeh renferme un cluvici/therium italien à
double clavier (ou spinetta verticale a due tasiiere),
du début du xvi= siècle'". Certaines épiiieltes com-
portaient aussi deux claviers : il en existe une au
Kiiksmiiseum d'Amsterdam; elle date de 1640 et est
due à Jean Couchet, le facteur anversois" ; une autre,
de fabrication italienne et de la première moitié du
xviii« siècle, appartient à la collection Heveb'-.
Quant aux clavecins à trois claviers, le père Mer^ennk
se borne à en noter simplement l'existence'^; le
Metropolitan Muséum de New-Vork en contient un,
aux armes de Florence, mais d'une authenticité
assez douteuse' ^
Touchant encore ces questions de clavier ainsi que
de ravalement, nous signalerons le cas d'un clave-
cin à double clavier, construit à Florence en 1683,
et qui, an xviii' siècle, fut mis en ravalement, c'est-
6. Mamiluon, ibid., t. IV, n"» 29-li et 2'.)34. — Cf. aussi Kinskv,
np cil, w' 74, 81, 86, etc. — Hoi.t.MANDEL cite parmi les auteurs de
ces ravalements le facteur Bunchft qui, en France, « refît des cla-
viers a un grand nomlire de clavecins des Ruckeus, auxquels il ajouta
quatre notes gi-aves et autant d'aigucs » [Encyclopè'lie inctho'tiguf.
Masigue, publiée parMM. Fbamehv et Gingdene, 1. 1, Paris, l'auckoucke,
1791). Pascal Taskin, l'élève de Bi.a^îchet, fut également l'auteur de
nombreuses mises <i à ravalement u et « à grand ravalement » (lors-
qu'il s'agissait d'atteindre une étendue de cinq octaves) : cf. l'étude de
Ci-ossua ikins les San]mi_'tb. d. 1. M. t?., janv. 1911.
7. Loco cit., p. 107.
8. Loco cit. — ■ M. EoNFST C.i.ossuN Irouvo cette *< attribution d'au-
tant plus plausible que le maître s'employait également à la facture
de l'orgue, auquel les registres du clavecin sont êvidcrameut em-
pruntés » (Biographie nationale (de Belgique], t. W, art. RcckEus).
9. Cf. GnovE. Dictianari/, vol. IV (Londres, 1908), art. Bdckcrs.
p. 18.S. DeuR do ces exemplaires sont au Conservatoire de Paris ot
au cliàteau de Pau ; celui de Paris a eu son clavier agrandi par Blan-
CHET.
10. KtNSKV, Loco cit.. pp. 81-87.
11. Heitscltrifl d. I. M. G.. \" année, p. 30.
13. Ihid., pp. 74-7li.
13. MF,RSE^^E, ihid., p. 112. — ftLvRPUlui cite une lettl'c d'un Stras-
bourgeois. Matbias Ivocu, qui présente un clavecin à trois claviers-
tloot le claviers inférieur sert à préluder et à accompagner, celui du
milieu â <■ concerter » et à jouer en sulo ; le clavier supérieur est un
écho \" lias unterste zum Prùlutliren u, Accompagniren, das mit-
teUie rthee zu Cancerten, Soins, etc.. t/ehraacht leaeden kann. Das
oberste enthùlt em Eclw p). Cet instrument possède trois jeux de
!S' et un de 4', un simple ou double jeu de luth ; d'oii quinze combinai-
sons poi^aibles. (Cf. Maiu'ur(;, Historich-Kriti.schen Hetjtrdge, III. 4;
Berlin, I7.i7, p. 367).
14. Selon Wanda Lanhoxvska. — La collection Hfver renferme un
clavecin à 3 claviers de fabrication moderne (1909); il est dû à
Seyffarth, de Leipzig. {CL Kinskv, ibid., pp. 112-114.}
TECIINIQI'E. ESTIlÈTIQi'E ET PÉDAGOGIE
LE CLAVECIN 204i
à-ilirt! : eut les oclavcs de l'iiii de ses claviers coin-
|)l(Hées par les louches de l'autre, celui-ci étant
transféré stir le plan du piTinier. Cet instrument,
appailonanl à la collection HKvrn , a été rétabli
depuis lors dans son état primitif'. De telles dépra-
dations — auxquelles nous devons la perte de très
précieux instruments — se taisaient en outre dans
un sens inverse; ainsi Van ueu Stiiaetex cile la plainle
suivante d'un théoricien du xviu° siècle, OrinuN Van
liLANKENHUROH, auteur d'une Eleiiienla munira (La
Haye, 1739) : « ... Les clavecins (qui pendant la vie
du facteur [Uugkers] se vendaient vingt livres lla-
mandes, les petites queues douze livres et les carrés
six livres) sont devenus d'un prix si élevé que cer-
tains entrepreneurs, pour tromper le public, ont fait
avec les petites queues qui n'avaient qu'un clavier,
deux registres et quarante-cinq touches, des instru-
ments à deux claviers, avec quatre registres com-
plets f...l On les nomme alors des clavecins de Hl-
CKERs à deux claviers. .Mais c'est un abus, car ce n'est
là qu'un instrument forcé, dont le son sera peut-être
agréable, mais faible 2. »
Le grave problème d'alors, celui du tcinpéramenl
vijal, qui devait tant passionner les théoriciens, les
physiciens et les luthiers, ne laissa naturellement
pas que de beaucoup préoccuper les clavecinistes.
En le Clavecin bien tcmpi'ré de J.-S. Bach retentit en-
core un dernier écho de discussions que cette œuvre
a, en quelque sorte, closes par son autorité même :
nous pourrions presque nous demander si Bach
n'avait pas glissé quelque ironie en ce titre si lourd
de problèmes. Mais, du temps de Zarli.no, la question
du tempérament se posait moins pour aboutir à une
division de chaque ton en deux demi-tons stricte-
ment égaux que pour rechercher a rendre sensible
sur un clavier la diflérence, par exemple, d'un ré;
et d'un mi h. H y a donc deux aspects op[iosés du
problème.
Tout d'abord, on veut traduire cette non-équiva-
lence du ré Si et du )ni[i, — et parla même faire que
l'instrument à clavier ne soit pas en désaccord avec
l'instrument à archet lorsqu'ils jouent tous deuï
ensemble, bref remédier à la fausseté du genre que
sera la future sonate pour piano et violon. Zarlino
écrit dans ses Istituzioni harmoniche (luS8) qu'il fit
construire à Venise en 134-8 par Dominico (de Pesaro)
un Gravecembalo, ou, non seulement, les secondes
majeures, mais aussi les secondes mineures étaient
partagées en deux; de sorte que, sur deux octaves,
les touches diatoniques et les touches chromatiques
étaient toutes coupées en deux, alîn que chaque ton
entier fiU divisé en quatre'. Zarlino allait donc au
delà même de la question, alors que Praetoruis, dans
son De Organoi/raphia (1619), parle d'un Clavicyniba-
liim wiiversale seu perfectum que possédait un orga-
niste de Prague, et qui aurait été construit à Vienne
vers 1.Ï90, avec tous les demi-tons» brisés », — soit
soixante-dix-sept touches pour quatre octaves '•. Dans
le même sens que Zarlino, l'abbé Mcola Vuîentino se
serait fait construire à Venise un arcicembalo ainsi
1. KiN*K\, o/*. Cit.. pp. 04 cl 'J7.
^1, Vandeu .SrR\ErEi\, loco. cit., t. I, p. 65.
'4. Istituzioni harmoniche ^Venise, 1558. in.fol,), 1. II, cUap. 47,
pp. 163-4. Cf. aussi Van der Sthaeten, La Musique aux Pays-ll(i,-i. t. I.
|>. 286. — On voit que Zari.in», précède 'le quatre siècles les recher-
ches actuellement en coups dans les jeunes écoles tchèque et russe
afin de réaliser la division eiacte du ton en quarts de ton.
4. Organ'Hjraphia, chap. XL, — cit. par Kinsk\, op. cit., t. I. p. 4i!7.
5. L'Antica niusica et ridotta alla moderna pratica,.. (Korae, iSoa i
et De^ci-izioiie delV arcioriiano (Venise, 15C1.)
qu'un ai-ciorijanu produisant les cinquièmes de ton '.
Plus modeste est le cembalo de 1683, dit au facteur
tiirolamo Zknti et que renfeimait la collection Hkyer :
six touches seulement (un fai, trois sol if et deux rcit)
s'y trouvent i< brisés" ». Mais le plus bel instrument
enharmonique qui nous reste est au Liceo musicale
(le Hologne. 11 remonte au xvi'^ siècle et est l'œuvre
du Vénitien Alessandro TRASUNTmo. Orné de trois
roses, le claiymiisiciim oiiinitnnnm moihdis tlintonicis
crumaticis cnharinonis ou archicembalo porte la trace
de cent vingt-quatre chevilles et d'un même nombre
de sautereaux; ses touches sont sur quatre rangs.
Chacune des quatre octaves se trouve divisée en trente
et un intervalles. 11 est accompagné d'un monocorde
[Irectacordo) pour permettre de l'accorder''.
\ rencontre de ces tentatives isolées et un peu
monstrueuses, où l'abstraction des recherches ma-
thématiques l'emportait trop sensiblement sur le
caractère pratique et purement musical des résul-
tats, se rangent toutes les méthodes dont on usa
pour atteindre, par un accord rationnel, à ce tcm-
pt-vament égal, faussement éf;al, — dirions-nous plu-
tôt, — où les /a; et les .si; se confondent respective-
ment avec les si , et les m( naturels. Brièvement, nous
rappellerons d'abord ici quel est le principe du tem-
pérament : si nous prenons la succession des quintes
strictement Justes ul, sol, ré, la, mi, si, faif, (/o#,soJ#,
etc., nous aboutissons au .vig; or, pour que ce st'it
se confonde avec un lit, il nous faut nécessairement
diminuer d'un peu chacune des quintes, — à moins
que nous n'altérions les octaves, ce qui paraîtrait
inlolérable à nos oreilles; de même, si nous prenons
la suite des tierces strictement majeures, nous avons
ul, mi, sol if, sii; or ce dernier sijf est différent, non
seulement de \'ut naturel (un peu au-dessous duquel
il se trouvera), mais aussi du premier si;, produit de
la succession des quintes; d'où nécessité, pour que
ce sî# se confonde comme le premier avec \'ut na-
turel et pour que le solU (ou lal->) soit à deux tons de
Vut, d'augmenter en général toutes les tierces; il
faudra donc en conclusion diminuer chaque quinte
d'environ 1/876'^etaugmenter chaque tierce majeure
d'environ 1/100<". Opération à laquelle il sera d'ail-
leurs difllcile de ne donner point un caractère em-
pirique. « Or le secret du tempérament — écrit le
père Mersknne — consiste à scavoir quelles conso-
nances l'on doit tenir justes, fortes ou faibles, afin
de tempérer tout le Système, ou le Clavier : c'est
pourquoy chaque note, ou chaque son qu'il faudra
fortitier, ou diminuer, on tenir juste, auia pour mar-
que l'une de ces trois dictions, fort, iusie ou faible". »
D'où une méthode d'accord de l'épinette que nous
propose le père Mersenne : " Preniièremeut il faut
commencer à la première touche ou chorde delà
seconde octave, accorder les dix ou douze chordes
qui suivent en montant de quinte en quinte : de
sorte que l'on approche le plus prés de la juste
(juintu qu'il sera possible pour treuver les autres
accords. Puis il faut tellement diviser les quintes en
tierces majeures et mineures , que les maieures
soienl un peu alToiblies, et les mineures un peu plus
fortes que ne désire leur iuslesse : et ces dix ou
6. Cf. KiNSKV. (6f(/., p. '.'a.
7. HsctL, op. cit., pp. 377-8.
8. Lire â ce sujet icxci^llent chapiire quo u'At.i'iMtEUr n consacré
au tempérament dans ses Ktémen.i de musique (chap. vu). — On verra
que le père Mersennk propose plutcrt que l'on diminue les tierces
fiiajeures et augmente les tierces mineures, — ce qui, datis i'ensemblc
du système, revient au même.
9. Loco cit., p. 105.
2042
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
douze louches estant d'accord l'on doit mellre les
autres à leurs octaves'. « Rameau et, à sa suite, d'A-
LEunERT, réagirent contre l'habitude qu'on avait à
leur époque d'alfaiblir plutôt les quatre premières
quintes (sol, ré, la, mi) pour pouvoir former une
tierce vl mi absolument juste, d'alfaiblir moins que
les précédentes les quatre autres quintes (si, fait,
ut», sol») pour n'aboutir qu'à une tierce à peu près
juste mi sol», et ainsi de suite =. D'où l'inégalité
des différentes échelles diatoniques (l'une ayant
une quinte plus juste que celle de l'autre, etc.), à
quoi Hameau et d'Alembert voulurent remédier : n On
doit être convaincu que, suivant l'intention de la
nature, l'échelle diatonique doit être parfaitement la
même dans tous les modes; l'opinion contraire, dit
M. IUmeau, est un préjugé de musicien'. » Un nouvel
avantage du système d'accord préconisé par Rameau
et d'Alembert était de se conformer à celui que pra-
tiquent les violonistes, ceux-ci préférant » la jus-
tesse des quintes et des quartes à celle des tierces
et des sixtes^ »... Procédé d'ailleurs infiniment ré-
pandu depuis presque toujours, l'accord par quintes
n'a pas laissé que de revêtir dans l'histoire une sorte
de caractère sacré et magique. Mais — comme le
remarque M. Mahillon — les lacunes de Voctave
courte pouvaient aussi aider à la réalisation parfaite
d'un tempérament : « C'est sur les notes supprimées
que les accordeurs rejetaient toutes les imperfec-
tions du système"... » L'augmentation du nombre
de notes sur toute l'étendue du clavier ne lit donc
que rendre plus délicat le problème du tempéra-
ment.
Maintenant intervient l'analyse d'un des procédés
qui particularisèrent le plus le jeu du clavecin : soit
l'usage des registres et des combinaisons. Si l'on ap-
pelle nuances « dynamiques » celles qui consistent
en l'accroissement ou en la diminution, soit brusque,
soit progressive, de la sonorité des notes, afin d'at-
teindre ainsi à une certaine diversité d'expression,
il ne serait pas juste de dire que le clavecin n'y prête
nullement, mais il faudrait cependant reconnaître
qu'il n'y prête que d'une façon limitée, et qui est la
sienne propre. L'action du sautereau sur la corde
qu'il vient pincer conserve, sans doute, quelque chose
d'autonome à quoi la manière même d'enfoncer les
touches n'ajouterait guère. Et pourtant, dans son Art
de toucher le clavecin (1717), François Coupebin parle
d'une dureté de jeu à laquelle il faut remédier par
une « douceur du toucher ». Et de même, Rameau,
dans la méthode qui précède ses Pièces de clavessin
(1724), écrit qu' « il faut que les doigts tombent sur
les touches, et non pas qu'ils les frappent »... Il y a
là déjà la preuve que les maîtres du clavecin réprou-
vaient tout jeu qui fût sec et inexpressif. Mais de
semblables recherches d'un style chantant (cantable)
— et qui formaient, comme nous le verrons, l'objet
d'une pédagogie particulière — ne faisaient plus que
couronner par des nuances de tracé mélodique tout
un art de combinaison et de registration, tel qu'il
était déjà pratiqué à l'orgue, et où d'assez subtils
rapports de piano à forte étaient produits soit par
des doublements automatiques à l'unisson ou à l'oc-
1. Ibid., p. 103.
2. Cf. HwiF-xiuGèiU'rafion hariiioiiiijue (1127) etD'ALEMiiEiiT, iococi/.
Mais, coinm<; le remarque cet écrivain, Kameai: avait d'abord corn-
ineucê, dans sod ]\'OUveau Syslime tif musigue {lliti), par se rallierau
procédé ordiuaire de lempéranienl.
:i. l)'Ai.i:MBi;nT, Joco cit. Nouvelle édilion (I.yoïl, (Ttiti), [i. j7.
4. Ibid.
5. Loeo cit., t. I, p. 309.
lave de la note frappée, soit par des variations de
timbre. Du fait que chaque touche pouvait ébranler
un ou plusieurs sautereaux à la fois, une ou plusieurs
cordes de timbres semblables ou différents, du fait
aussi que la même touche pouvait exister sur deux
claviers superposés du même instrument, le clavecin
trouvait là des ressources expressives se suffisant
par elles-mêmes.
Dans une lettre provenant des archives de Modène
et citée par Cari Krehs'', Giacomo Alvisi signale au
ducdeFerrare (Padoue, 3 mars 1595)un instrumento
(la penna de sa propre invention, et qui, avec deux
rangs de cordes, pouvait donner pour la même note
trois sons différents. Du reste, des instruments à
deux rangs de cordes existaient en Italie déjà au
début du xvi" siècle : ainsi, le claviojtheriwn ou spi-
netta verticale de la collection Heyer, et qui remonte-
rait à la première moitié du xvi" siècle, possède deux
claviers et de deux à quatre rangs de cordes suivant
les différentes octaves; dans la même collection et
de la même époque, un cembalo de fabrication ita-
lienne a deux rangs de cordes pour nn seul clavier'.
Les trois plus anciens instruments que nous ayons
de Hans Ruckers le Vieux, et qui datent tous trois de
Fil.
10J7. — Clavi'ciii à duux claviers, construit à Dresde
en 1T74. ^Coll. llKYnn, n» 91.)
1590, disposent de deux claviers pouvant commander
à trois rangs de cordes, d'où Hullmandf.l tire la
remarque suivante : « L'objet fut de produire des
{,. Dir bi:aaitiHen Kltunt'riiistrxunenten bis zum A ufnni/ des f 7. Jalit'-
kunderts {\ierlel)aUïesscbriH liir Musil^\\issensrliart, VIII, 18!>2, p. 91).
7. KiNSk\, op. cit., pp. «l-SJ et p. 80 in" 68).
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE CLAVECIN 2043
nuances eu faisant eiiLondre ti'ois cordes sur un cla-
vier et une seule sur l'autre'. » Signalons encore
(|ue Praetorils, dans la deuxième partie duSi/ntagma
musicum (1610), parle d'un clavicymbci à quatre rangs
de coi'des -. linlin. c'est à l'Harmonie universelle
(1636-37) du père Mersemne que nous emprunterons
une analyse des jeux grâce auxquels les clavecins
de son époque offraient une assez riclie variété de
nuances instrumentales : à la base de tout se trouve
le jeu commun qui est <c le fondement des autres »;
c'est à ce jeu qu'on " adiouste quelquefois un sem-
blable jeu à l'unisson, ou un autre à l'oclave, afin
de le rendre plus remply d'harmonie, et afin qu'il
ayt un plus grand effet dans les concerts et sur les
auditeurs' » ; ainsi — pour éclaircir le texte de Mer-
senne — on pouvait augmenter la sonorité en dou-
blant la corde principale d'une autre corde à l'unis-
son de celle-ci (c'est le S pieds double), ou encore
d'une autre corde à l'octave supérieure de la pre-
miéie (soit le i pieds ou petite octave, spinella), ou
enfin d'une corde à l'octave inférieure (soit le
16 pieds ou jeu grave, bourdon)^. Une telle dispo-
sition, — 16 pied-:, deux 8 pieds, 4 pieds, — où le
S pieds se trouvait ainsi doublé dans la profondeur
comme à l'aigu, avait l'avantage du meilleur équi-
libre; nous songerions ici à un orchestre avec son
fort médium et avec la doublure de ses contrebasses
ou de sa flûte piccolo. Mersenne parle encore de
jeux de tierce ou de quinte « dont les uns pourront
avoir des chordes de luth, et les autres de leton ou
d'acier » : ces jeux ne furent que l'éphémère copie
de ce que l'orgue possède toujours sous le nom de
jeux de mutation. En ce qui concerne l'emploi géné-
ral des jeux, Mersenne précise qu'ils « se jouent
tous ensemble, ou séparément comme l'on veut, en
les ouvrant ou fermant par de certains ressorts et
registres que l'on tire, ou que l'on pousse selon la
volonté du facteur et du musicien ». Le procédé con-
siste donc à déplacer les divers rangs de sautereaux
afin de les mettre à la portée d'un ou de plusieurs
rangs de cordes, ou au contraire de les mettre hors
de portée de celles-ci. Mais cesjeux de 4, 8 et 16 pieds
au timbre uniforme n'étaient pas les seuls : très vite
on y adjoignit d'autres timbres, et ainsi, le père Mer-
senne parle de ces « jeux differens, que plusieurs
ont essayé d'introduire dans l'épinette, comme l'on
a fait dans l'orgue, afin qu'elle comprint toutes sortes
d'instrumens à chorde, comme l'orgue contient
toutes sortes d'instrumens à vent, mais l'un n'a pas
réussi comme l'autre, quelques Panodions et autres
instrumens que l'on ayt inventé pour ce sujet »;
Mersenne cite pourtant le jeu des violes « le plus
excellent de tous ceux que l'on y peut augmenter »,
ainsi que celui des luths et harpes que l'épinette
« imite assez, lors qu'elle est montée de chordes à
boyau », et remarque d'autre part que les « AUe-
mans )...], pour l'ordinaire plus inventifs et ingénieux
dans la mechanique que les autres nations, » avaient
su parfaitement adapter le jeu des violes au clavecin.
i. Encyclopédie méthodique..., art. Clavecin. Cf. aussi le Diction-
naire de GnuvE, art. Jiuckers (t. IV, p. 185).
2. II, 63. — Cl Wie ich dann eitis gpseiien, welches 2 Afgnaï, eine
Quint und ein Oclaviin von eitet S'aiten i/elmbl hat : Und gar irol
liebtich und jtràclUiçj in einander gekluiigpn. "Cf. aussi Adldng, Mit-
sira tnpcltanica organfedi, p. :il6.
3. Mki-.srnnk. op. cit., p. loti.
4. Atin d'tn lier une confusion possible, il est bon de signaler iri
remploi en allemand du mot chor dans le sens spécial de corde ; d'oii
le-i expressions eiticliôrig, zweichôrig, etc., pour : à un rang de cordes,
à deux rangs de cùrdcs, etc.
Instrument polyphonique, — comme l'orgue, — le
clavecin ne devait-il pas naturellement développer
ce caractère polyphonique, non seulement dans le
sens d'un nombre plus ou moins grand de voix ou de
/larties, mais aussi dans le sens d'une multiplicité
de timbres? L'idée d'être par soi-même un petit
concert d'instruments variés, le clavecin ne laissa
pas que de la nourrir. D'où, à côté du pincement des
cordes par les sautereaux, l'introduction d'archets,
<le roues semblables à celles des vielles, de marteaux
même, tout cela entraînant la confusion de plusieurs
instruments à l'intérieur d'un seul, comme nous le
verrons plus loin dans l'étude des instruments com-
binés. Mais certaines différences de jeux pouvaient
être produites simplement par des cordes de ma-
tière ou de grosseur différentes (ainsi ce jeu des
luths et harpes avec des cordes à boyau, dont parle
Mersenne), par le pincement des cordes à des points
divers de celles-ci, soit encore en armant les saute-
reaux, au lieu de plumes de corbeau, de « matières
les plus propres à rendre l'intention" », soil enfin
en rendant plus mat le son des cordes par le contact
de fragments de feutre ou de buffie à l'une des
extrémités de ces dernières. Ainsi, abordant l'étude
du « double clavecin », Mersenne écrit que " l'on
fait maintenant des clavecins, qui ont sept ou huit
sortes de jeux, et deux ou trois claviers »;« ces jeux
se varient et se tirent, se joignent, mêlent ensemble
comme ceux de l'orgue, par le moyen de plusieurs
petits registres, chevilles et ressorts, qui font que
les sautereaux ne touchent qu'un seul rang de cordes,
ou qu'ils en touchent deux ou plusieurs''... » Plus
tard, Hl'llmandel parlera de « clavecins qui [eurent]
plus de vingt changemens pour imiter le son de la
harpe, du luth, de la mandoline, du basson, du fla-
geolet, du hautbois et d'autres instrumens ■.
Lorsque le clavecin n'a qu'un clavier et deux rangs
de cordes, le mécanisme en est des plus simples à
saisir. Mais, lorsqu'on a deux claviers et trois ou
quatre rangs de cordes, selon quel genre de rapports
les derniers étaient-ils liés aux premiers? Le cas le
plus simple est le suivant : un clavier commande à
deux rangs de cordes, l'autre clavier à un troisième
rang; par exemple, le clavier supérieur commande
au jeu de « 4 pieds » et le clavier inférieur au dou-
ble « 8' »; soit exactement l'inverse; ou encore, le
clavier inférieur commande le 8' et le 16', alors que
le 4' dépend du clavier supérieur". Mais il peut arri-
ver qu'un même rang de cordes soit touché par
deux rangs de sautereaux, ceux-ci mus par deux
claviers dilférents; nous en avons un exemple dans
un clavecin de Hans Ruckers, daté de 1610 et appar-
tenant au musée de Bruxelles (n» 276) : le clavier
inférieur commande à un double 8' et au 4'; le cla-
vier supérieur agit également sur un double 8', mais
dont l'un déjà dépendait du clavier inférieur". Un
clavecin de Hass, construit à Hambourg en 1734 et
appartenant à la même collection (n°630), nous mon-
trera à quelle complexité le système de ces registres
5. Encyclopédie métltodique, ibid,
6. Loco cit., p. m.
7. Cf. KiNSKv, op. cit., pp. 7U, 94 et 108, — Dans le cas de deux
unissons et d'une octave supérieure (4'). ou peut avoir les cin(| conilii-
naisons suivantes : un 8' seul, un 4' seul, les deux 8', un 8' et le 4', les
deux 8' et le 4'.
8. Cf. Mahili.on, op. cit., t. I (Gand. 18031. — Dans une lettre adres-
sée à Constantin Hi:\gkns(15 oct. 1648 , I,a HAraiE cite un fadeur fran-
çais qui construisait des clavecins ù deux claviers « non pas i la moile
de Flandre qui ne jouent que les mesmes chordes, mais dilVcrens en
ce que ceux-ci font sonner dilTerentes chordes sur chaque clavier ».
S0«i4
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
pouvail parfois atteindre : le clavier luléiieur com-
mande à quatre ranfîées de saulereaiix; la première,
armée de pointe de buffle, pince le 8' (jeu de cijmha-
lurn); les trois autres rangées, armées toutes trois
de becs de plume, agissant sur le 4' (jeu de spinelta),
sur un autre 8' {uniaoniis) et sur un 16' {bourdon);
le clavier supérieur commande à deux rangées de
sautereaux, mais dont l'une est déjà commune au
clavier inférieur, et l'autre seule est particulière
au clavier supérieur, toutes deux venant attaquer
la même corde au vrai ton, l'une avec une pointe de
buffle, l'autre avec un bec de plume et à une plus
petite distance du sillet (timbre dit de luth). Ajoutons
que les quatre rangs de sautereaux du premier cla-
vier dépendent de quatre registres, qu'un cinquième
et un sixième registre font approclier un fragment
de buffle tout à l'extrémité des cordes de Vanisomis
et du 10' (ell'et d'assourdissemeni, dit de harpe) et
que c'est un septième registre qui commande au jeu
de luth'. Une disposition dilférente, mais plus sim-
ple, nous sera donnée par un clavecin de Hans
HucKERS conservé au même musée (n" 2.t10) : deux
claviers, trois rangs de cordes (8', 4' et 16'), quatre
registres, puisque le 8' peut être également pincé
près du sillet (jeu de luth); ce 8' dépend, par deux
rangs de sautereaux (jeu ordinaire de cymhahun et
jeu de luth), du clavier supérieur; le clavier inférieur
agit sur les trois rangs de cordes^.
A ces combinaisons que permettent les registres
pour faire entendre soit une corde, soit deux ou
trois cordes à l'unisson ou à l'octave les unes des
autres, soit des cordes pincées à des points dill'érents
et avec des matières dissemblables, il faut ajouter la
possibilité encore, en accouplant les deux claviers,
d'agir d'un seul clavier directement sur les divers
rangs de sautereaux auxquels commandent les deux
claviers. Le mécanisme de cet accouplement s'expli-
que par la mobilité du clavieriiiférieur qui peut être
tiré en avant ou repoussé, suivant que l'on veuille
que l'extrémité interne des touches, limitée par des
tiges verlicales, appuie sur le dessous des touches
du clavier supérieur ou au contraire que ces tiges
frappent dans le vide, au delà de l'extrémité des
touches supérieures''. En accouplant ainsi les cla-
viers, — piocédé dont il est inutile d'ajouter qu'il
dérive de la technique de l'orgue, — on obtient le
maximum d'intensité sonore, les quatre cordes
d'unissons et d'octaves d'une même note pouvant
être pincées ensemble : effet de tiitii dont le déclan-
chement subit et la puissance d'ordre mécanique
créent des sforzandos assez particuliers au clavecin,
permettant de violents contrastes avec la sonorité
grêle, par exemple, d'une voix monocorde.
Autant pour accoupler les deux claviers que pour
commander ;i tel regisire, il fallut songer à un dis-
positif spécial de tirasses, placées soit sur le devant
de la caisse, soit sur le côté, afm d'être mises en
1. lltid., t. Il (G:inJ, 1SI09, 3«.éd.). Notice recUnée par Wanda \,\ti-
2. Mahillon, o[). cit. Ci. plus loin, p. la uoLe :!D47, concernant \f,
clavocia motlei-nc de la maison Plf,vi:l.
3. Cf. les articles Claurciii et Clavier âans le t. ÏIl de V Encyclo-
pi'rli';{èii, do 1753), ainsi que les lifjures daos le t. IV des platirlies
(ti^'. S de la pi. xvj) : « Les toselies du clavier ini'/M"ieup l'ont hausser
les louches du second clavier par le moyen des pilules [...] qui répen-
(ii'ul, lors. lue le clavier est lire, sous ie^ talons ipii sont au-dessous des
([ueui'S des touches du second clavier. Elles cessent de les mouvoir,
lorsque le clavier est poussé; parce que le pilote passe au del.'i du
talon, ou de l'extrcniilé de la touche du second clavier aux touches
duquel réjiiiud le premier ran^ de sautereaux... » Cf. aussi Jakob
Ai>i.u.NG, .l/(i$ica inecUaniviiovtjaniii'di, p. 518.
aclion par une seconde personne. Puis on imagina
l'emploi de genouillères, enfin, de pédales. Les
genouillères, déjà employées à l'orgue comme les
tirasses, étaient faites de tiges de fer venant de des-
sous l'instrument dont elles avaient traversé le
sommier. Constant Pikrue, dans son ouvrage sur les
Fadeurs d'instruv^enU de musique'', et Ernest Glosson,
dans son étude très documentée sur Pascal Taskin',
signalent, vers 1763, des clavecins à genouillères dus
aux facteurs Berger et Virbès, ainsi qu'un clavecin
de llucKERs datant de 1612, mis « à grand ravale-
ment » par Pascal Taskin, et dont les Af/iches, an-
nonça et avis diwrs de janvier 1777 disent qu'il « est
composé de six mouvements que l'on échanije avec le
genou, sans retirer les mains de dessus le clavier;
ce qui donne le piano, le forte, le crescendo de la
manière la plus nette et la plus sensible" ». C'est
d'ailleurs afin d'obtenir avec plus de commodité le
jeu de ces nuances, le contraste rapide des divers
timbres, que l'on songea à faire commander regis-
tres, combinaisons, accouplement pardes pédales, —
ce qui ne nécessile aucun déplacement superflu des
mains. Un instrument du nom de Pedal-Harpsichord
et attribué à John Havward exista à Londres, au
xvii= siècle : i< instrument — écrit John Mace^ —
convenant fort bien aux ensembles, mieu-i: que tous
les clavecins et orgues [...] Cet instrument a la forme
et les dimensions du clavecin. Mais il en dill'ère en
ceci : sous le clavier, près du sol, se trouve une sorte
de placard ou caisse qui s'ouvre avec deux petites
portes et où le musicien met ses pieds reposant sur
le talon (la pointe relevée) et ne touchant rien'jus-
qu'au moment où il lui plait de s'en servir; ceci de
cette manière : il y a sous la pointe de ses pieds
quatre pommes de bois, deux sous chaque pied. Il
peut faire agir chacune de ces pommes comme il lui
plaît. La pression du pied se transmet à un ressort
et donne à l'instrument un son doux ou fort suivant
qu'il appuie sur l'une ou sur l'autre [...] Le bord
extérieur du pied droit agit sur une pomme et le
bord intérieur sur une autre, si bien qu'en appuyant
le pied un peu de travers, soit vers la gauche, soit
vers la droite, il varie à son gré de registre; et s'il
pose le pied à plat, il appuie sur les deux en même
temps (troisième combinaison — son plus fort). Sous
le pied gauche, se trouvent aussi deux autres pédales
différentes, et par les mêmes mouvements qu'avec
le pied droit, il peut produire trois autres combinai-
sons plus douces ou plus fortes. Vous voyez donc
qu'il a plusieurs variétés de registres à son gré, tous
rapides et manœuvrant aisément grâce aux mou-
vements du pied [...] J'en tis construire un chez moi
qui a neuf autres combinaisons différentes (vingt-
quatre en tout), obtenues par un jeu (manœuvré à la
main) que mon ouvrier appelle le jeu de théorbe, et
en effet cela lui ressemble... » Un autre usage de la
pédale apparaît, toujours au xvii» siècle, dans les
instruments de Couchet, le facteur anversois qui
succéda aux Ruckers : le musée de Bruxelles ren-
ferme un clavecin à deux claviers et qui a, en plus
des registres ordinaires mis à la main, une pédale
agissant sur une espèce d'étoull'oir*. L'un des instru- j
4. Paris, Sagot, 1893.
6. SamwM. ,1.1. M. «., janv. 1911, pp. 255-6.
(i. 11 faut ciler encore les clavecins ix genouillères dus au facteur
ansiflais Kuikmann.
7. .Mii.iick's monument, 3" part. (Londres, 1676), pp. 235-6. — Cf.
aussi l'art, de QorrrAnn dans le bulletin de IV. M. G., oct. 190!',
8. Cafaloijif deRlAHn.LuN, t. 1, n" 276.
TECIIMQI'E, ESTHÈTinlE ET PÉDAGOGIE
LE CLAVECIN 2045
nienl3 de Kiukuann (de Londres), qui figurèrent à une
exposition d'instruments anciens' et dataient de la
liu du xviu" siècle, possédait une jalousie vénitienne
s'ouvranl et se formant an moyen d'une des pédales,
comme la boite expressive employée à l'orgue; du
reste, ainsi que le rappelle Kngel, un l'acteur londo-
nien, du nom de BurUat Shidi ou BurckhardtTscHUDi,
avait piis un brevet en 1769, concernant l'invention
d'une C' rtaine sorte de jalousie vénitienne (venitian
sii'etl) : HuLLMANDEL parle de cette invention anglaise
comme d' •< un couvercle placé au-dessous des cordes
et divisé en lattes bien jointes, qu'une pédale écarte
et rapproche à tous les degrés, pour faire sortir ou
pour renfermer le son- ». Kn France, bien qu'il pût
y avoir quelques précédents-', le clavecin à pédales
apparaît surtout comme l'œuvre de Pascal Taskin.
Ainsi nous voyons ce facteur, ayant d'abord adapté
un système de genouillères à des clavecins anciens,
y placer des pédales : témoin ce clavecin de Couchkt
i( mis k grand ravalement par P. Taskun » et avec
« mécanique au pied pour varier le jeu de dix à
douze manières », que de Rricqueville signale parmi
des inventaires du xviii'' siècle''. Mais cet instrument
à pédales apparaît à une époque où le désir de " faire
sentir toutes les variations possibles^ » du forte om
piano, selon un assez fiti dégradé, se trouve déjà réa-
lisé par le pinno-forli', ou ancêtre direct du piano.
Comme le remarque Closson, on chercha de plus en
plus à doter le clavecin « du nuancement dynamique
propre à son rival », le piano; d'où émulation entre
les deux instruments, et dont il résulta « ce fait
curieux que les pianos du temps, avec leur timbre
grêle, évoquent encore le clavecin, tandis que ce
dernier se rapproche de plus en plus du piano, non
seulement dans sa forme, plus rigide el plus lourde,
mais aussi dans ses qualités essentielles, la pléni-
tude sonore et un nuancemeutrelatif, — comme dans
ces clavecins de Broadwood dont les cordes robustes,
à la sonorité profonde, et la venitian swell, font
presque un piano'* ■. Du reste — comme le remarque
encore Closson — il semble que les genouillères ou
pédales n'aient eu que pende succès auprès des con-
temporains de Taski.n : « Au point de vue du nuan-
cement, le système en question ne pouvait donner
que des résultats médiocres. Le principe du clave-
cin, et non l'art du facteur, en était cause. Un jeu
fonctionne ou ne fonctionne pas, suivant que les
.dards de ses sautereaux sont à portée des cordes
J3U non ; un fonctionnement intermédiaire ne peut
s'imaginer que sous forme d'un effleurement qui
risque fort de rester silencieux'' ». Une aisance dans
l'exercice des registres, le clavecin pourra sans doute
l'acqui'rir au plus haul degré, gi'àce à ce système de
pédales, mais au moment où l'on ne songe qu'à en
user pour obtenir un gonflement progressif du cres-
cendo ou un déclin insensible du diminuendo, —
toutes choses avec quoi le futur piano nous saura
charmer plus, pour d'ailleurs nous en lasser par la
suite. Mélancolique destinée d'un insti-umenl à la
veille d'atteindre à sa perfection mécanique, lorsqu'un
rival l'emporte sur lui.
l. Catulotjtœ d'r.aGEi., p. 352.
:i. Entijctoiiéiiic méthodique d«, l'iRhMBKY et de Giar.uEXÉ, art. Clave-
cin.
3.. C/", l'élude déjà citée de Clos&oj», pp. 25(3-7.
4. De Bkicqdeville, Lea Ventes d'inatrument-'i au xyiil" siècle.
5. Abbé TrtouFLANT, Lettre »ur le claoecin en peau de buffle inventé
par M. Pascal Taskin \JournaI de tntisique, 1773).
6. CujsâuN, loco cit., p. 249.
7. Ibid., p. 238.
Ainsi que le noie Constant I'ikhre, dans son ouvrage
sur les Facteurs d'insiruments de music/ue, longtemps
en France, on nomma ceux-ci des faiseurs d'instru-
ments : de l'un, l'on dit qu'il est « faiseur d'espinet-
tes» ou de « manicordions », de l'autre, «faiseur de
clavessins* ». Outre les roses qui portaient en quel-
que sorte le monogramme du facteur, une inscrip-
tion sur le devant du clavecin ou de l'épinette don-
nait la date de labrication de l'instrument, à côté de
laquelle pouvait être répété le nom du facteur; cette
Ibrmule était d'ordinaire en latin : Andre'is Huritcre
me ferit Anlverpiir Uil.'i; Hieronjimus Albre Itans fecit
llainhuig mmo l7oi... Le plus ancien clavecin que
l'on connaisse ainsi daté provient d'un facteur bolo-
nais installé à Home et appartient actuellement
au Soulh-Kensington- .Muséum de Londres : Hie-
roni/mus Bonoiisi^.nsis faciebat Romx MDXXl [1321].
Ensuite, vient un instrument d'Alessandro Irapu-ntino,
daté de 1531, et actuellement au musée Donaldsonde
Londres. Puis, dans la collection Hever à Cologne,
un cembalo de Dominicus Pisai'hensis, datant de
ir;.33, mesurant quatre octaves et une quarte (avec
une octave courte au grave), et n'ayant qu'un seul
rang de cordes pour un clavier unique '. Ces trois
clavecins seraient donc postérieurs aux premières
épinettes dont la date nous soit connue : l'épinette
qui est à Pérouse date de 1493, celle de Milan re-
monte encore à i;)20. Si nous ne tenions compte
aussi des instruments qui furent détruits et des do-
cuments manuscrits ou iconographiques qui témoi-
gnent de leur existence, il semblerait que l'I'alie
fût l'unique berceau des premiers facteurs de clave-
cins ou d'épineltes. Aux trois noms italiens déjà
cités, il nous faut encore ajouter ceux de .lohannes
Antonius Baffo, très célèbre facteur de clavecins à
Venise et dont le Conservatoire de Paris possède un
inslruineiit, de Benedetto Floria>o, auteur d'un cla-
vecin (l.'i7:i| actuellement au Conservatoiie des Arts
et Métiers de Paiis.
Puis vient l'illustre famille des facteurs anversois
RccRERs. Si, comme le rappelle Ivinsry '", ce n'est plus
aux RucKEBS que la science actuelle attribue « l'in-
vention » des registres de clavecin, du second clavier,
l'introduction d'un réseau de cordes à l'octave supé-
rieur (4 pieds), ainsi que la création du claviorga-
num iinstrument composite qui tient de l'orgue et
du piano), les Rlckers, par la beauté extérieure de
leurs clavecins (que décoraient de grands maîtres
de l'art flamand), par la perfection techni()ue de ces
instruments et par leur renommée universi-lle au
xvii<î siècle, ont attaché leur nom à la diffusion, dès
cette époque, du type de grand clavecin à deux cla-
viers et à plusieurs registres. Hans Blcrehs, dit Hains
le Vieux, né à Malines vers looo, était lils d'un P'ran-
8. Dans les arcliives de la ville de Lyon, C'nnAOMt relève en J516
le nom d'un Nicolas bo>-TKHes. •< faiseur de manicordions », et en 1523
celui li'iin Honoré de Likuv^ie, « faiseur d'espinettes » tCoinAONE, Gas-
pard /Jui/foproucart et les luthiers lyonnais du xvi» siècle; Paris,
Fiscbbacher, 1893). VEncijclopédie de d'Alembkht parle encore de
<i l'art du faiseur d'instrument ». Le ternie de facteur est donc assez
récent.
9. Ce même Dumimco de I-*ESArio est l'auteur du plus vieux clavicordc
lie que nous connaissions (1543) ; il vécut jusque vers 1580. — Pour
tout» cette queslion de l'histoire des facteurs de clavecins et d'épi-
nettes, cf. le DirtioQnaire de (isove aui articles Cn.ttofor , Jiuc/cers,
elc. ; cf. aussi le catalogue de Kinsky, t. 1, pp. 5:;- » et 21i-284r(a*ec la
reproduction des divers monogrammjes, noms ou signatures): cf. ue
BuHBCHK, lii'.clterches sur les facteurs de clarecin» el les hillùers
ilWnrers (Bruielles. t>iti3l et l'art. Jhtckers par Cuisso» dans 1;^ liio-
fjraphie nation'de de Belgique (Bruxelles, lltOS-10; t. X.\, pp. 332-
386); cf. aussi, Vu* DEh Scmju'.tl.n, passiui.
10. KlRSKV, oj? ci(., p., i.V.
204 G
EXCYC.I.OPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
çoisRrcKEBs, lui-même facteur d'instruments; Hans
commença par être menuisier, puis devinl facteur
d'OÊgues et de clavecins. Les clavecins qui nous ont
été conservés de lui datent de 1590 et des années
suivantes. Hans le Vieux fut le père de quatre lils,
Franz, Hans, Andréas et Anton, dont deux construi-
sirent des clavecins : Andieas, dit André le Vieux, de
1610 à 1631 ; Hans, dit Hans le Jeune, de 1617 à 1642'.
André le Vieux eut un lils, André le Jeune, ce der-
nier facteur de la famille des IUckkrs, né en 1607,
et dont les clavecins datent de d6oo à 1659. Aux qua-
tre UucKERs, il faut joindre le facteur anversois Jean
CoucHET, neveu de Hans le Jeune et mort en 1655-.
Au ww siècle, l'Ilalie eut pour principaux facteurs
de clavecins : Vincenzo da Pr.\to, Giovanni PerticiS
Luigi Fani, Abel Adam, Bartolomeo CHisTOFORqlôoo-
1731) qui fut l'inventeur du piano à marteaux, Zenli
GiROLAMO, l'un des plus célèbres facteurs romains,
Lorenzo .M.\gniai, etc. Puis au xviii=, ce furent Gio-
vanni-Krancesco Franco, Giovanni Giusti, Vincenzio
SoDio. Après la disparition des Kuckkrs, Anvers n'en
continua pas moins à construire d'excellents instru-
ments, dus à des facteurs comme Simon Haghens au
xvn" siècle, Heinemann et Bull' au sviip. A Bruxel-
les, ce fut DuLCKE.N^; à Strasbourg, Jean-Andié Sil-
BERMANN, iieveu d'uu célèbre facteur d'orgues et cons-
tructeur, comme son père, de pianos à marteaux;
à Hambourg, les Hass père et lils''; à Berlin, Oster-
LEiN ; en Angleterre, un ami de Hae.ndel, Burkard
Shudi, associé avec Joannes Bboadwood et les Kjrk-
mann''.
En France, c'était Richard, puis Blanchet, dont
Hullmandel vante « la légèreté extrême de ses
claviers, qui contribua beaucoup aux progrès de cet
instrument en France ». C'est à Blanchet et à son
élève Pascal Taskin que l'on doit la mise en ravale-
ment d'un grand nombre de clavecins flamands. L'é-
1. Le plus ancien clavecin connu li'André le Vieux (IBIO}, apparte-
nant â une collection particulière de T tisser, n'a qu'un clavier de quatre
octaves. (Cf. Gnove.)
2. De Jean CoucHET, le musée de Bruxelles contient un clavecin de
i64t>, à double clavier et à quatre registres ; le clavier supi^rieur agit
sur deux 8' ; le clavier inférieur sur l'un de ces deux 8 et sur un 4' ;
de plus une pédale agit sur un étouToir (n" -276 du catalogue de Ma-
nillon, t. 1).
3. De ce facteur tlorentio, la collection HEVErt possédait uû clave-
cin de 1683 à deux claviers cl à trois rangs de cordes |4', 8' et 16) dont
le 4' est commandé par le clavier supérieur (n" 74 du catalogue de
KlNSKV).
4. Le musée de Bruxelles possède de Joannes-Petrus Bill un clave-
cin de 1784, à deux claviers, sur une étendue de cinq octaves complètes,
avec quatre registres pour deux 8' et un 4' ; le clavier inférieur agissant
sur les deux unissons et sur l'octave, alors que le clavier inférieur n'agit
que sur l'un des 8' dont le timbre .< pouvait se modifier par l'emploi du
registre basson » (n» 2936 du catalogue de Mahillun, t. IV). Un autre
clavecin de 1776 de mêmes caractéristiques n'a que trois registres
(n' 1601, t. 111).
5. Le musée de Bruxelles renferme un clavecin de Johannes-D:iniel
DcLcuE», de 1769, ayant cinq octaves, trois rangs de cordes (deux 8 et
un 4'), d'où cinq registres (n» 2312 du catalogue de Mahillos).
6. Voir plus haut la description du clavecin dWlbert IIass de 1734
{n" 630 du catalogue de Bruxellesl ; ajoutons que l'étendue des deux
claviers est de quatre octaves et d'une sixte (du 5o/., au mir,], — La col-
lection Steineht à Newhaven contient un instrument de J.-A. Hass,
datant de 1710 : cinq octaves, deux claviers tdoni lus tr)uches sont en
ivoire et en écaille), avec deux jeux de 8', un de 16', un de 4' et un
même de 2'.
7. Au musée de Bruielles, un clavecin (n*» 1604) signé Biirkat Shudi
et Johannes Broathroud Londiiii ffceruiit tllS a deux claviers de
cinq octaves et demie ; le clavier su|jérieur commandant à trois rangs
de sautereaux(deux8',un4), le clavier inlèrieur à deux rangs dont un
sur le 4' précédent et un autre comme jeu de luth sur l'un des 8' duda-
vierinférieur ; en tout, cinq regislresetdeui pédales. Le hapsicliord dii
à Shddi, de la collection Stei.n (n" 22), a deux claviers, cinq octaves, cinq
registres dont deux de 8', un de 4', un jeu de luth et un jeu de harpe.
Des KiRKMANN {Jacobus et Abraham), ENOEf. cite un clavecin de 1773,
adeux claviers, six registres et deux pédales {Op. cit., ji. 3â4).
tendue du clavier, qui avait atteint chez les Ruckers
quatre octaves, passe, par l'adjonction de quatre notes
environ dans l'aigu et dans le grave, à cinq octaves.
Jean Marius, qui chercha en même temps que Cristo-
FORi et que Schrœter dans la direction du clavecin
ou piano à marteaux, fut l'inventeur de plusieurs
instruments démontables. Son clavecin brisé, pour
lequel il prit un privilège le 18 septembre 1700, se
démontait en trois parties; la plus petite venait se
placer dans le prolongement de la partie médiane
et lotîtes deux se poser surla plus longue*.
De Wallonie vint à Paris, très jeune, le célèbre
Pascal Taski.n, pour y construire ses clavecins « à
buflle » et ses pianos. Son premier clavecin « à buf-
11e ", c'esl-à-dire aux sautereaux pourvus non plus
de plumes de corbeau, mais de pointes de cuir, pour
permettre un pincement plus doux de la corde, le-
monie à 1768 '. Du vivant même de Taskin, puis, chez
des auteurs d'ouvrages d'organologie, cette inven-
tion lui fut contestée : « Toujours est-il que ce der-
nier, qui s'était livré à des e.\périences méthodiques
en vue d'améliorer le timbre de l'instrument (il avait
essayé pour les dards de ses sautereaux jusqu'à la
corne de sabot de cheval), régularisa et généralisa
le système du registre de buffle'". » Cette innovation
— qui, comme le remarque Wanda Landowska, con-
duisait non à « une augmentation de sonorité », mais
à un pincement plus doux qui cavessuit la corde",
c'est-à-dire à des recherches d'intensité sonore juste
en sens inverse de celles que semblait marquer la
superposition abruple des unissons et de leur double
octave — fut très vite adoptée par ceux-là mêmes
qui allaient abandonner le clavecin pour le piano-
forte : le jeu de buffle se retrouve dans le clavecin
mùcanique de Sébastien Erard (1776), dans les pre-
miers piano-forte, où il s'obtenait en abaissant deux
pédales sur trois (la troisième étant du reste nom-
mée : jeu de buffle), enfin dans les clavecins moder-
nes édités par les maisons Erard ou Pleyel'-.
Ce n'est sans doute que peu à peu que l'usage du
clavecin se perdit devant le succès grandissant du
piano-lorte. RossiNi recommandait encore cet ins-
trument, plutôt que le piano, pour l'enseignement
du chant'-'. Mais les divers dictionnaires de Fétis et
de Schilling montrent bien que le clavecin avait cédé
entièrement la place vers le début du xix» siècle. Ce
ne sera que plus tard que, du rang de vieux meuble,
le clavecin passera à celui de témoin archéologique :
on songera un jour à regarder du raèmea;il cetins-
8. Plusieurs clavecins brises conservés à Berlin avaient appartenu à
Frédéric le Grand ; ces instruments que l'on retrouve CTicore à Bruxelles,
an Conservatoire de Paris et au musée Hkveu, pou valent a voir une éten-
due de quatre octaves et d'une si\te(.ivec octave courte)ettrois rangs
de cordes dont deux de huit pieds et un de quatre. Cf. Iti'Citeil des
machines approuvées par V Académie royale des sciences (t. I, année
1700, pp. 193-4 et pi. n» 38); Mémoires de Trëi'oux (1703, p. 1292):
KiNSKY,o/j.ci'f.(pp. 98-100). Il est curieux de noter que, dans le tome 11
de ce liecxtcil des machines, on voit que Marius inventa en outre plu-
sieurs modèles de tentes brisées, de parapluies, de parasols (pp. 87-97,
145-8, J61-2).
9. Ci.ossoN, Pascal Taskin {.Sammelb, d. 1. M. G., janv. I9M,
pp. 234-267).
10. Ciossor», loco cit., p. 251.
11. Musique ancienne (éd. Senart), [). 210.
12. Ibid. et Closson, loco cit., p. 252. — Le clavecin « mécanique •
d'KnAHD avait quatre jeux dont trois de plume et un de bufde; deux
[tèdales, attachées aux deux pieds du clavecin, permettaient île retirer
ou d'avancer un ou deux registres de jilume, relui de buflle, d'accoupler
tous li'S jeux à la fois ou d'agir sur un chevalet qui, divisant les cordes
en «leux, donnait l'octave supérieure de chaque note (ou 4) ; cf. FtTis-
Hioiiraphie universelle, t. III, art. Kkahd.
11. Cf. Les lettres publiées par Guido Biagi (in ; Onoranze fiortntine
fi Cionehtno /{ossini. Florence, 1902).
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÈnAGOGlE
LE CLAVECIN io'û
trument et la musique qui fut écrite pour celui-ci;
(lesexpositions d'instruments doniierontl'iilée d'exé-
cutions d'oeuvres anciennes au moyen de ceux-ci;
enfin des facteurs sonfjeronl ù cons-
truire des clavecins modernes sur des
modèles anciens ou perfectionnés. ^
Ainsi, le clavecin Pleyel n" 1398 du
catalogue de Mahillon sera à double — ^
clavier et à six pédales, pour deux jeux
de 8', un de 4', un jeu de luth et une
sourdine. Leclavecin PLEYF.Ldontjouera
Wanda Landowska, également à deux
claviers mais à sept pédales, possédera
un 16'. Nous entrerons alors en pleine
période de renaissance du clavecin,
celle où des chefs d'orchestre feront
réaliser la basse continue ou accom-
pagner les récitatifs par le clavecin, et
où un compositeur comme Manuel de
Falla fera figurer une partie de cla-
vecin au milieu d'un petit orchestre^.
L'i'pinelte exige ici un complément
d'indications. De dimensions moindres
que celles en général du clavecin, cet
instrument a moins d'octaves, et plutôt
un système unique de cordes. 11 forme
une caisse oblongue de type rectan-
gulaire ou trapézoïdal, plus rarement
pentagonal, les cordes étant disposées
presque parallèlement au sens du cla-
vier, comme le montre Mersenne. Son
nom viendrait soit du latin ou de l'ita-
lien s/u'da (épine)*, soit du nom d'un
facteur vénitien de la lin du xv'' siècle,
Giovanni Spinetti ou Joanes Spinetus'.
Ce nom d'cpinetle se répandit très rapi-
dement : de 1.j08, la réserve de la
Bibliothèque Nationale à Paris possède
un long poème d'un Simon Bougouyn
intitulé l'Espinetle du ieune prince
Conquérant Le royaulme de bonne re-
nommée...
La plus vieille épinette datée qu'on
ait conservée est de 1403 et se trouve
à Pérouse; elle a cinq côtés. Puis vien-
nent des épinelles de 1320 et de 1323,
dues au Milanais Anibale Hosso et au
Véronais Francesco de Portalupo, la
seconde appartenant au Conservatoire
de Paris. Au Musée de Bruxelles, une
épinette de 1530 due à Antonio Patavino mesure
quatre octaves». La collection de Heyer renfermait,
sous le n° 33, une épinette de Benedetto Floria.m,
datée de Venise 1371, et qui a six côtés irréguliers;
le clavier olfre i^ne étendue de quatre octaves et une
1. Dans ce dernier rliiveciap i.E\Ei., le clavier supérieur commande
â un seul réseau de cordes pincées de deui façons différenles (8' el jeu
de lutli oii le saulereau vient toucliei- la corde plus pri'S du sillet) ; le
clavier inférieur commande à un jeu de 8' (placé sur le même plan
que le précédent 8'), à un jeu do 4' et à un jeu de 10' (cordes lilées).
\\e gauche à droite, les trois premières pédales ont pour effet de sup-
primer successivement les jeux de iO', 4' et 8'; la quatrième pédale
amène un ctouffoir sur le 8' du clavier supérieur {sourdine]: la cin-
quième pédale accouple les deux claviers; la sixième amène le jeu de
luit) ; la septième supprime le jeu ordinaire.
•1. Dans Ar/ Relablo et dans un Concerto.
:>. ScAMGLii écrit à ce sujet : .- Me puevo Clauicynibalem et Bari-
ehot'dum, nunc ab illis mucronibus Spinetam nominant. n (Poetices,
l, 48, Lyon, i.ïtll.)
4. D'après un manuscrit de Baschieim, Conetusioni del suono d'or-
gttito, cité par KutDs.
;>. Catalogue de SIahii lu», n» 171 (t. I, !• éd., p. .168).
quarte, avec une octave courte : c'est en général
l'étendue maxiraades épinetles''. Deux autres exem-
plaires assez curieux d'épiiiette se trouvaient aux
Yta. 1058. — Figure d'une épinullc dans Mkbsenne (livre III, p.
n"^ o3 et 36 de cette même collection' : le premier,
dû au fameux CnisroFORi et daté de 1613, est à dou-
bles cordes pour un seul clavier; le second, non
daté, ;i double clavier et à trois systèmes de cordes,
dont deux jeux de 8' au clavier supérieur et un de 4'
au clavier inférieur.
Il existe une variété plus petite de l'épinette, du
nom (ÏÛktav-Spinett, Oltarinn, Spinetta da serenala
ou SpinettiiLu. La collection Heyer en renfermait
plusieurs, la plus ancienne (1610) de Vincentius de
Prato; certaines atteignent à une étendue de quatre
octaves, dont la première est courte; lapins curieuse,
construite en 1677 par Israi'KJELLi.NGER de Fiaiicfort-
sur-Mein, possède deux claviers de deux octaves, et
une sixte. Selon Engel'', il est probable que l'aigu des
6. La petite épinette décrite par Meiisenne {op. cit.^
trente et une touches, près de trois octaves.
7. Cf. Ki>'Skv, op. cit. ,
3. Enc.el op. cit., pp. -70-2Ti.
prop. iij a
2048
ENC.VCLOPEDIË DE I.A MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
ottavinos soDnait à une octave ou à une quinte plus
haute que ne l'indiquait le clavier : ces instruments
auraient donc été partiellement tianspositeurs.
Quant au v'mjiwd, son nom désignait un instru-
ment voisin de l'épinetle, de foime rectaiifîulaire,
oblongue, et dont on usait en Angleterre du xv" au
xvMi' siècle'. Cet instrument n'était pas forcément
de fabrication anglaise, puisque les IUickers, par
exemple, en conslruisaient à Anvers. Documenis
diplomatiques et textes poétiques le citent dès la lin
du xv« siècle comme très en honneur à la cour d'An-
gleterre. Shakespeare le nomme à plusieurs reprises
et notamment dans un de ses sonnets. Kniiii, tout
prouve qu'il fut très populaire en Angleterre aux xvi'-
et xvii» siècles. Mais son nom désigna-t-il toujours
le même insiruraent? Il est difficile de l'assurer. La
Musica rjelulsrht de l'abbé Virdung (l'Hl) donne la
figure d'un petit viiginal rectangulaire de trois octa-
ves, le clavier faisant saillie sur le bord de la caisse.
Le virginal représenté en frontispice du piemier
recueil im[)rimé de virginalistes, la Parthenia de
16H, a son clavier encastré dans la boite rectangu-
laire, comme en maintesépinettes '. A cet égard, Van
DEN BoRHEiN conclut ainsi : " Le terme ririjinal aservi,
en Angleterre, à désigner toutes espèces de claviers
à cordes pincées, à partir de la fin du xV siècle jus-
qu'à la lin du xvu". A partir du xyiii" siècle, son
sens se restreignit peu à peu et il ne fut bientôt plus
appliqué qu'aux petits instruments à forme rectan-
gulaire, par opposition aux instruments à queue, qui
reçurent le nom de /(ri/-psic/(Ocd. Dès lors, spinet (épi-
nette) et virginal deviennent entièrement synony-
mes'. » Le nom lui-même de cuyina/ resie d'origine
obscure; il semble pourlant qu'on doive se rallier
à l'idée d'un inst''ument domestique et réservé aux
jeunes filles : Cari Krers signale à ce propos une
œuvre à quatre chœurs de Heinrich Schi'tz, le Veni
Sancte SpiritdK, où le 3<^ chœur est accompagné d'un
instrument nommé « Frauenzimmer » qui serait peut-
être une traduction germanique du mot virginul''.
En certains cas, la distinction entre le virginal et l'é-
pinette (spécialement Yottavino) est fort dillicile. La
collection IIkyer contenait, sous les n»' 3c), 37 et 51
du catalogue Ki.nsry, trois virginals de Hans Ruckers
le Vieux ou de fabrication italienne (xvii<^ siècle), et
qui ont la forme d'une petite boite à ouvrage, de
trente-sept à trente-huit centimètres de longueur,
de vingt à vingt et un de largeur, et ayant tous trois
la même étendue de deux octaves et une sixte, — soit
bien les caractéristiques de ïoUavlno. l'n quatrième
virginal (n" 36), dans la manière de Hans Ruckers
le Vieux, donne trois octaves et une quinte. Les
virginals du musée du Conservatoire de Bruxelles
sont de trois octaves et une sixte à uii peu plus de
quatre octaves, la première octave grave étant
courte '. Comme ce sont les instruments antérieurs
au xvn= siècle qui offrent les claviers de moindre
étendue, et que ce sont les virginals de 1613 et de
1628, dans la même collection, qui atteignent et dé-
passent quatre octaves, on suit assez nettement l'ex'
tension progressive du clavier, ce que d'ailleurs
vient confirmer l'examen des pièces des virginalistes''.
Mahillon remarque que, dans la plupart des virgi-
nals, comme des épinetles, fabriqués par les Riciums.
i. Cf. GiiuVE, IJictwnari/f a^vl.' V irgiiiaf. pat Ilipkins {t. V, pp. 340-1 (le
l'éii. dclO\0);K.iKKvA.t>v.Y^Or(jetundKlavii;riit.drtu\/uvik ffes 16. Jahr-
Inmderts (Ureilkopf, 1010): Cari Khebs, Dir liesnitrlen Klmierinslru-
)!U'Hfe...(VierlL'l|alires5chriflfiirMusik\vissenscliiifl. ISili): Van des Bor-
urs, Les Origines di' la musique de cluvier eu Auf/leterre (Bruxelles,
1912) et les Virgiuali.'ites aw/lais {S. J. .1/., nov. l'Jli).
S. Cf. les illustralioiis aeeonipagnanl l'article île M. Van dex Bourek
dans 5. /. M. «le novembre i^Mi.
3. Les Origiues de la musique de ctuvier en Auijleterre, p. 4.
4. Krebs, op. cit.
à. MAMiLLu.N.OJJ.cii., t. III, n" 1591 et 1597; t. IV, n»' 2926à2933.
FiG. lOôy. — Vii-ginal an construction tlamande
et du début du xviio siècle ^ccll. Heyi;i<, n" 3U).
la corde est pincée vers le milieu de sa longueur :
nouveau trait commun entre ces deux genres d'ins-
truments, dont d'autre part Engel notait aussi la
ressemblance, tel virginal, ayant appartenu à la reine
Elisabeth, pareil à des épinettes italiennes d'Anni-
bale DEi Rossi''.
Aux facteurs de clavecins déjà cités et qui durent
également construire des épinettes et des virginals,
aioutons li'S noms d'Italiens du xvii= siècle, comme
Abel Adam, l.uiyi 1''A^M, Valerius Perius, ainsi que
d'un Allemand de la même époque, Israël Gellimger,
et d'Anglais comme Tbomas Hitcucooh, puis, au
xviii'-- siècle, comme Thomas Barton et William Pe-
ther, tous construisant des épinettes; le même nom
de Valerius Perius et ceux de Johannes Graiwels,
John Loosemore, Lodovicus Grovvelus, etc., comme
facteurs de virginals.
Instriiineiits sk cordes frappées»
Le clavicorde est le plus primitif des instrumenis à
clavier et à cordes frappées*. Il se distingue essen-
tiellement (lu clavecin, de l'épinette et du virginal
en ce que ses cordes, faute d'êtr'e pincées, sont heur-
tées selon un dispositif qui permet en même temps
de les diviser. H ne s'agit donc là d'aucun emploi
de sautereaiix, ni même encore de marteaux pareils
à ceux du piano. La corde, placée horizontalement,
est heurlée par en dessous, grâce à de « petits
crampons n métalliques-' ou langenles fichés sur les
queues des touches. Ce procédé de division des cordes
apparente le clavicorde au monocorde, à l'actuel
sonomètre où seul un chevalet mobile aide à pro-
duire des sons de différentes hauteurs; il semble
d'ailleurs probable que le clavicorde ail dérivé orga-
nologii[uenient du monocorde. C'est ce qu'écrit de
C\sTiLLON (ils, dans le supplément de 1776 à VEiicy-
li. Van ikn liniiiiF.N montre pour des pièces datées de lolû à 1620
environ réteiidiio s'éiover de trois octaves et une tierce a -i octaves et
une tierc toyy. f (7.. pp. 231-232).
7. Op. cil., pp. 271-272 et 319-350.
S. Nous renvoyons une fois pour toutes à la thèse de F.-A. Goeuli/-
i:iR. Geschicl>tede:< Alui'icliords {hà\e, 1910).
9. IUctiounaii'e de Trévoux, nouvelle édition, t. V (Paris, 177n,
art. Manicordion.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE CLAVECIN 2049
'opédiii de u'Alkuiikrt : « La preuve que le clacicorde
tire son origine du monocorde, c'est qu'on avoit
des monocordes où, au lieu de transporter le ciie-
valet, il y avoit des sautereaux' à chaque division;
de plus, les premiers clavicordes n'avoient qu'une
seule et même coide pour tous les tons qui n'eu-
troieiit pas dans le même accord, et alors l'har-
monie étoit fort hornée^... » Principe, mais porté à
l'absolu du clavicorde dit lié.
Une des premières citations du mot clncicorcle ap-
paraît, en 1484, dans une traduction anglaise du Livre
du citcvalier de la Tour Laiidnj, où le terme iïislrii-
incnt est rendu pai- celui de clavicorde". De la même
époque environ, un manuscrit de la bibliothèque de
Gand, signalé par Van der Straeten*, donne le des-
sin d'un clavicorde : « De forme trapézoïde ou plutôt
rectangulaire, cet instrument est monté de huit
cordes, auxquelles correspondent autant de touches.
Ces touches font mouvoir huit languettes de bois ou
de cuivre, huit clavcs, destinées à frapper les cordes
sous lesquelles elles sont placées. |...] L'instrument
— continue Van dur Straeten — n'apparait point
dans le manuscrit comme un spécimen de la fac-
ture du temps, mais comme un exemple de l'appli-
cation de la division du monocorde au système des
polycordes à clavier L'auteur a emprunté son mo-
dèle à un clavicorde qu'il avait à la main, et il ne
juge pas opportun de dire qu'il fait chose insolite
en traçant sa figure. » Ce manuscrit porte d'ailleurs
comme titre : De diversis monocordis, lelracordis,
penthecordis, e.rtacordis, eptucordis, etc. Ex quibus
diversa formaxtur instrumenta musica'-'... Dans la
Mtisica getusclit (loll) de l'abbé Virdung, aucun dé-
tail sur la provenance du c/dwtnorrfiîwn; mais l'auteur
cite déjà des clavicordes de trente-huit touches et
même plus, celles-ci venant frapper chacune deux
ou trois cordes à l'unisson : il s'agit donc là d'ins-
truments assez évolués, de plus de trois octaves,
avec des cordes triplées, soit — comme le dit Vir-
DUNG lui-même — pour qu'il en reste toujours une
ou deux eu cas de rupture de l'une d'elles, soit —
comme le supposerait Cari Krers — pour oblenir
de plus fortes intensités de son*. Virduno nous ap-
prend, de plus, que les parties des cordes qui ne de-
vaient pas vibrer étaient assourdies par des bandes
de drap''. Ce clavicoide apparaîtra en France sous
le nom de manicurdion : témoin, en 1529, le litre
d'un recueil d'AxiAiNGNANT : Quatorze gaillardes, neuf
pavanes..., le tout reduict de musique en la tabulature
du jeu d'orques, d'espinettes, manicordions et tels sem-
blables instrumens musicaux; témoin aussi deux
passages de Eiabelais, où quelqu'un est présenté " mo-
nochordisant des doiglz », tandis qu'ailleurs « Eus-
1. Ici sautcreau est manifestement employé dans le sens de cram-
pon ou tangente.
2. Supplément aux Dictionnaires des sciences... (n'ô), art. Clavi-
corde.
3. Cf. FiRRESo, le Trésor des pianistes. PrPlirainaires (Paris, I8CI1.
Cf. plus haut sur les origines possibles du clavicorde.
4. La Musique aux Paijs-Lns..., l. I (Bruxelles, 1867). pp. 278-28(5,
5. Ajoutons que le clavicorde de celle ligure porte une grande ro§e
au mdieu et quatre petites sur les côfé^.
6. -« .Aber i/tnainlicli tiiuc/tt man drey saitenvff einen Ki>r, darum
06 einen zu :yten ein saiten abspritnge, alsdann etwangeschiclil das
er danndarum nit r/f rmis: hiiren zu sptien. » ( VihodN'c, cité par Cari
Knr.BS, op. cit. p. 105.)
7. .1 Dos nympt de.n saiten das Kessels, oder die i/riibe onfreuntli-
che Hallun oder tlmnuni/. Das di/e selben nit leuger clyngen, dnnn
dije weil er v/f dent sclUùsset onyeferlich eins tempus lang still haL
let, atter nit lenrjer, so bald er aber ymer abijebrechen mag, auch in
den Idufflin, so schnell hOrt auch âye saiten vff zu lauten, das macheri
dye tûchlein. » [Ibid.j
Copyright by Librairie Delagrave, 1927.
thènes sur une longue couleuvrine jouait des doigtz
comme si feust un monochordion* ». Ce terme de
raanichordion, nous le retrouverons en France, au
XVII" siècle, chez le père Mersenne, et au xviii' siècle,
jusque dans le Dictionnaire de Trévou.r. Il fut cause
de bien des confusions modernes, par suite de la
similitude entre monucorde et manichorde ou mani-
chordion". A cette même époque, en 1543, était cons-
truit le plus ancien clavicorde que nous eussions en-
core en notre possession et qui fût daté : figurant en la
collection Heyer, ce clavicorde de Dominico de Pesaro
offre un peu la forme rectangulaire de l'épinette ; il
mesure une étendue de quatre octaves, dont la pre-
mière est courte; ses quarante-cinq touches vien-
nent frapper seulement vingt-deux cordes doubles,
plusieurs touches ayant donc la même double corde
en commun. 11 s'ensuit que les crampons ne heur-
tent pas à la même hauteur de chaque corde : pa-
reille caractéristique répondra à la première époque
du clavicorde, celle du clavicorde lié {;/vbuiidenesCla-
vichord) '". Un exemple de clavicorde nous est encore
olfert au xvi' siècle sur le frontispice d'un traité de
musique anversois, composé en dialogues entre
maître et élève, comme l'avait été la Musica qetuscht
de ViRDUNG et comme le seront plus tard les Leçons
de clavecin de Bemetzrieder : ce traité anonyme,
intitulé Dit is ee. seer schoo boecxhe om te leere make
alderhande tabulatuere uuten discante. Daer dticr men
liclitebick mach leere spelen op clavicordiu, est donc
précédé d'un frontispice qui représente un joueur de
luth surmonté d'un clavicorde et encadré de deux
flïites". Le traité de Pedro Cerone, El Mclopeo y
maestro, paru à Naples en 161.3, reproduit le clavier
d'un rnoTKtc/iorrfio atteignant trois octaves et une sixte,
la première octave étant apparemment courte '-.
Praetorius et Mkrsenne parlent du clavicorde diins
leurs grands ouvrages. Dans la proposition iv du
livre m des « Instrumens à chordes », Mersenne
traite du manichordion : l'instrument qu'il décrit a
quarante-neuf ou cinquante touches, — comme le
clavecin, ajoute-t-il; sauf onze touches de l'aigu,
toutes répondent à des rangs particuliers de cordes ;
il n'y a donc que cinq cordes liées '^. La figure de
l'instrument montre une caisse rectangulaire assez
longue, le clavier étant encastré à gauche du mani-
chordion, les cordes s'étendant sur toute la lon-
gueur. L'extrémité gauche des cordes est couverte
de morceaux d' « escarlale » ou d'autre drap, la
sonorité n'étant produite qu'entre la ligne des cram-
pons au-dessus du clavier et la ligne de chevalets à
droite : « la partie qui reste entre les crampons et
l'escarlate ne sonne point : de là vient qu'une même
corde peut servir à plusieurs crampons, dont chacun
fait un son différent selon la distance du point où il
touche la corde, jusques au chevaletde ladite corde. »
L'étoulfement produit par les morceaux d'écarlate
8. R.'ibel.'iis. Gargantua, 1. I, ch. vu; Pantagruel, 1. IV, cli. i,xin. —
Aujourd'hui nous dirions: pianoter.
9. \S Encyclopédie de i7^\ donnera comme autrcsynonyniede mnni,
cordion : clnriorde,
10. KiNSKV, op. cit., cf. l'instrnmenl îi» I. Poiii- celui-ci, le rapport
entre nombre de louches fl nombre de cordes doublesse répartitainsi ;
3 cordes doubles répondent chacune à 4 louches; ti cordes à 3 touches
chficune ; les 1 3 autres coi'dos à I ou 2 touches.
11. 11 existe un eiemplîiire de cet ouvrage raiissime, pât'ii éh 1568,
à la hibliollicque <le la Haye. Le frontispice et des fragments en ont
été reproduits par V.\> ['En Stiuetëx. op. cit., t. II, pp. lU-II.').
12. Cf. p. 932. — A la page lOtiS de sou traité, Cfbone cite comme
instruments à clavier l'orgue, le clavicembalo, Varpyeorde, ïe mono-
corde, la régale, le claviorgane.
13. Cf. pp. 111-110.
129
2050
EycrCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOlflE
ajoute encore à la douceur du son; d'où le nom
parfois d'épinelte sourde ou muette^.
Beaucoup rie clavicordes liés du temps de Mer-
senne et de Praetorius révèleiil une disproportion
entre le nombre des touches et celui des cordes,
bien plus forte que ne le marque Mersenne. Le cla-
FiG. 1060. — Figure donnéi; par le père Mkrsennk du manichordion (li?rejlll, p. 1 15
vicorde de 1S43, décrit plus haut, avait trois cordes
sur chacune desquelles venaient frapper quatre tou-
I. L'article Manicordion dans le Dictionnaire ilf 7'n'-voiix et qui
semble avoir été inspiré par Mersenne (même nombre de touches :
49 à 'JO] même nombre de cordes : 70; de chevalets : 5. etc.) ajoute
ceci, à proiios du son extrêmement doux du clavicorde : « Aussi esl-il
particulièrement en usage chez les Beligieusos, qui apprennent à en
ches différentes, six cordes qui correspondaient à
trois touches chacune, treize cordes à une ou deux
touches : soit un[ rapport de quarante-cinq touches
jouer, et qui craignent de troubler le silence du Dortoir. " — « On dit
proverbialement et burlesquement qu'une lille a joué du manicortfion
quand elle a eu quelque amourette secrète quia duié long-temps sans
faire bruit. »
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE CLAVECIN 2o.-il
sur vingt-deux cordes. Praetorius parle de quatre
touches par corde, ce qui — comme il le remarque
— réduisait le nombre de dissonances possibles'. Un
clavicorde de fabrication italienne, qui appartint à
la collection Heyer, n'avait que dix-neuf doubles
cordes pour répondre à quarante-cinq touches; aussi
une corde y élait-elle déjà heurtée par cinq tou-
ches-. Deux clavicordes, appartenant à une collec-
tion de Berlin, olfrent un rapport de quarante-cinq
touches sur vingt-six à vingt-huit cordes : l'un d'eux
FiG. 1061
Touches et tangentes do clavioorde lié.
touche blanelie; 6, touche noire; c. ouvertures par où passent les pointes qui retiennent les tangentes;
d. crampons qui viennent frapper la même corde k une distance d'un demi-ton.
a deux touches brisées afin de produire des sons
enharmoniques {fn% et aol ,u solit et In ii) ; sept tou-
ches seulement ont leurs cordes particulières. D'au-
tres instruments comportent vingt-huit et vingt-neuf
cordes pour le même nombre de quaranle-cinq
touches ^ On voit ainsi le nombre de cordes augmen-
ter, de vingt-trois à vingt-neuf au xvii' siècle, passer
à trente-huit et jusqu'à quarante-deux au xviii='.En
général, la répartition des cordes libres et des cordes
liées, c'est-à-dire de celles qui répondent chacune à
une seule ou à plusieurs touches, reste assez varia-
ble; mais les cordes liées prédominent plutôt dans
le médium ou vers l'aigu de l'instrument. Nous don-
nerons ici quelques exemples empruntés à des cla-
vicordes du Musée de Bruxelles". Deux clavicordes
du xvii", d'origines italienne et allemande (n"' 1620
et 1621), ont pour leurs 2.3 et 27 cordes les touches
suivantes :
123456 7 s 9 10
lil rè mi fa sol la si\^elsi\i iil idf ré mi^mii
ut rè réjjf mi fa fa§ sol sol if lu lajf si
11 12 13 14 15
fa-fijlr sol-sot Jt la si'^-si Q ut-ntJK
nl-ultt ré-réH-mi fa-fa'i-sol solff-ln-liijf si-iil-uti
10 17 18 19 20
IV mi'^-mi'i fa-foif sol-sol fi ta
Tè-rc^-mi fa-fai(-sol-sol^ la-/(ijf si-ut-iilf rc-rèH-iiii
21 22 23 2i 25
si'^-sii «<•«(# rê-mi]^-iiiii fa-fafj^-sol-noii la-siy-sif
fa-fa^-sOl sol^-ta-lui; si-nt
26 27
id-iilS-re-tni^ mi- fit
Un clavicorde (n° 634), provenant du couvent de
1. Sijntotjma mu.iicum (1018), t. Il, p. 61 : u...rfai'C nllezëit zireeii,
drei, àisœeilen auch wol fier Cla\jes {ivelche propter di^sonaiitiam
zufjlcick auf einmal nicht angeridirt ii'erden mtisseii) zn iinem Cho~
saiten rjebraneht irerden. «
2. KiNSKv, op cit., n° 3.
3. Cari KuEbs. op. cit., pp. 100-1#1 et Oskar Fi.eisohkb, Fiiftrer
durehdie Samnduni/ aller Musikinslnimeiite (Berlin, 18!I2), p. 96.
4. KiKSKV, op. cit., p. 28.
5. MiBiLLON, 1. 11 et IlI, n" 034, 1619, 1620 et 1021.
Saint-Nicolas à Prato, offre la disposition suivante,
— les octaves allant de mi à mi :
t 2. 3 4 5 6 7 8 9 10 1 1
mi fa faif su/ solit la si\, si S ilo-tlofjf ré rêff-mi
12 13 14 13 16 17 18 19
fa-fnH sol-solg la Sî|>-»IÈ1 do-dojf ré réjf-mi fa-fa^
20 21 22 23 24 25 26 27
sol-sol ji la ,si(,-siS do-do a ré réjjf-mi fa-fa H sol-sol^
28 29
(«-.«■(, ùi-iio
Un clavicorde de trente-huit cordes doubles et de
quatre octaves et une quarte (n" 1619) répartit ainsi
ses cordes et ses touches :
12 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
ut ut a rr ré if mi fa fait sol-sot H la lajt si ut-ullf
13 11 15 16 17 18 19 20 21
ré réjt-mi fa-fa jf sol-sol $ la /njf-.vi ul-utit ré réjt-'»'
22 23 24 23 26 27 28 29
fa-fatt so/-.«o/îf la lait-si ul-utit "' réit-mi fa-fait
30 31 32 33 31 35 36 37 38
sol-.oltt '« lait-si ut ultt ré réif mi fa
Ce dernier instrument, manifestement postérieur
aux autres, montre le nombre de cordes liées en di-
minution, seize pour un total de trente-huit cordes,
el aucune de ces cordes liées ne répondant à plus
de deux touches à la fois. C'est alors que le clavi-
corde va entrer dans une nouvelle période, celle du
buiidfreies Clavichord, qui, vers la seconde moitié du
xviii'' siècle, succédera au gebundenes Clavichord :
chaque touche ayant sa corde correspondante, celle-
ci pouvant être naturellement doublée ou triplée^.
6. AriLUN.;; déclare n'avoir jamais rencontré de clavicorde n'ayant
aucune corde doutdéi^ à l'unisson {.Masica meehanicn orijanœdi p. 580).
Il spécifie dt^ plus qu'on entoure parfois les cordes intérieures de fil
d'argent pour leur donner une ijrarili' particulière ; on peut ain^j
mêler les cordes entourées d'argent aiii cordes non filées, soit que
les premières forment des 10', ou soit qu'elles donnent l'unisson des
secondes; si à la basse les cordes se trouvent triplées {dreichoritj),
deux seulement d'entre elles sont lilées, tnndis que la troisième, non
rdée, sonne à l'octave supérieure des premières (4),
•2052
ENCYCLOPÉDIE DE LA MVSIQVE ET DICTIONNAIRE DV CONSERVÂTOIHE
Va des plus beaui exemplaires de clavicoide « libre »
se trouve acUiellemeTit au Musée de Braselles, apiès
avoir été au Musée hisloiiqae de musique de Copen-
hague : fubiJqué par Hieronymls Uass de Hambourg
en 1744, ceclaviconde a une étendue de cinq octaves,
du fdo au fa::,; toutes les cordes sont doubles, sauf
pour les vingl-deux premiers degrés qui possèdent en
plus une troisième corde à l'oclave grave des deux
autres (16').
Le principe qui avait conduit à faire lier chaque
corde à plusieurs touches répondait au désir d'éco-
nomiser de la place. Les clavicordes étaient de*
instruments éminemment portatifs. On en construi-
sit même au début du ^viii"" siècle de minuscules,
comparables par leurs dimensions exiguis aux pe-
tits virginals en forme de boîtes à ouvrage dont
nous avons parlé; comme ces derniers, lOktaro-
Clavichord ou clavicorde « bible » pouvait ne mesu-
rer que trente-sept centimètres de longueur, pour
vingt-huit de largeur et sept de hauteur'. Le clavi-
corde bible n" 13 de la collection Heyer offrait ainsi
une étendue de deu.x octaves et une quarte, quinze
FiG. 1062. — Clavicorde lié tlu xvii'' siècle (coll. Wanda Lanhowska).
doubles cordes seulement répondant à vingt-sept
touches, et la dernière touche étant brisée.
Mais, qu'on ail été amené peu à peu à faire com-
mander une corde entière par une seule touche,
comme cela avait lieu sur les clavecins et sur les
épinettes-, on s'est trouvé dès lors avoir accru les
dimensions d'un instrument dont la sonorité ne
pouvait que resler faible, — et à un moment où un
autre instrument à cordes frappées, le piano, allait
remplir toutes les qualités expressives demandées
au.clavicorde sans en oli'rir les défauts. Hullma.ndel
disait du clavicorde : « Sa seule méchanique est une
languette de cuivre attachée à l'extrémité de chaque
touche au-dessous de la corde qu'elle doit frapper.
L'avantage de cette languette est d'augmenter et
d'adoucir le son en appuyant du doigt plus ou moins
fort sur la touche, et son inconvénient est de le
hausser ou de le baisser en même temps''. «D'où la
valeur pédagogique du jeu de clavicorde : a L'exer-
cice du clavicorde est très propre à perfectionner le
tact. La plus légère difféience de force dans les
doigts y est sensible, et la moindre irrégularité peut
faire un mauvais effet*. » C'est ce que Ue Castillon
nis, dans son article Clavicorde du supplément à l'En-
cyclopédie, dit également : « Cet instrument vaut
1. Ferni^', ce cLivicorde avait ;i peu près l'a&p«ct d'uue bible,
coBime ces i-ég.iles do voyage surnommées bibles-regales. \C[. KlKbK^,
op. cil,, n" 13.)
2. Un avanUge du clavicoi-de Uùrr. était, outre de permettre cer-
taïas iiiterviUles olii'omatii]ucs irrf^alisdbles sur tes cordes liées, d evi.
ter qu'une seule eoriie se laussant reudit plusieurs notes fausses à la
fois. (Cf. AiinjNr., Musica mechanica oi-ijaiioeili, page 57;).)
3. ArUC/aurciit dans !7i^iicyc/op(;'/iefïM.7/.0(/i^«e publiée par FtiAwrin
ctCi»cuBNÉ, t. 1 (Paris, 1791).
4. Itiid.
beaucoup mieux pour les coramençans, que le cla-
vecin : 1° parce qu'il est plus aisé à toucher; i° parce
que, comme il est capable de piano, de forte, et même
de tenue, quand on sait bien le ménager, on peut s'ac-
coutumer à donner de l'expression à son jeu. Un cé-
lèbre musicien allemand nommé Bach, présentement
directeur de musique de la ville de Hambourg», ne
juge d'un joueur de clavecin qu'après l'avoir entendu
toucher du clavicorde''. » Moins d'un demi-siècle
plus tard, au (i clavecin, trop automate », De Momi-
c;ny opposera <i le précieux avantage du marteau [de
piano] d'être aux ordres de celui qui sait le inaitri-
ser. 11 reçoit du tact du pianiste une sorte d'ani-
mation magique qui fait que le son prend successive-
ment tous les caractères'' ». Le piano triomphera
par la raison même qui faisait adopter l'e.xercice
préalable du clavicorde en vue du jeu de l'orgue ou
du clavecin : par cette sensibilité extrême de l'ins-
trument aux moindres différences de toucher. Mais,
comme le remarque Cari Krebs, combien plus direct
que tout autre aura été le contact du clavicordiste
avec ses cordes, grâce à la simplicité même de son
instrument et dont ni le clavecin ni le piano n'offre
l'équivalent. Ainsi que sur les inslruments non tem-
'i. Il s'agit donc de A'arl'PliUijip-Enianiwt Bvch.
6. Kreus cite ce passage de VinniiNii, également en faveur de l'étude
du clavicorde ; a Dann iras du l'/ftlem clavivlwi-ilio lernest, das hast
du daim yitt end teichtUck sfjilrn zit In'iien l'jj der Orgeln, v/[ dem
Claoitzijilimet, vff dem virtjinal, and vfj aUen andern ctavierten îiiS'
riimenteii. « Même conseil donne p;ir Puai.toiuds, ainsi que par lUt.N-
,,Kr. lui-mùme (d'après une conversation a\oc Griinville) : « but the cla-
,.u:liord must be iiiade itse of by bfijirtiuTs înstead of organ or harpsi"
ckord^ rt (Reproduit par En<.ki., lueo cil., p. 35G). \V\i.ji,ii fait du clavi-
corde une erste Grammalihti {MiisikiUisclifS Lexicon, 1732).
7. Art. Piano dans le t. Il de encyclopédie mèlhodique de Fra.
Mi:uv (Paris, 1818),
TECHMIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE CLAVECIN iOM
pérés, une léf^ère altération des notes était pos-
sible sur le clavicorde : le moindre tressaillement du
doigt se répercutait sur la corde, sous forme d'un
vibrato assez parlieiilier'. C'était la fameuse Bebung,
ornement tout spécial au clavicorde-.
L'instrument, fabriqué par des Middeliuirg, des
Fleischeh, des Kramer, des Hass, des Hubert, des
Cari Lemme, etc., devait être l'objet d'un usage plus
prolongé en Allemagne « à cause — comme Hull-
MA.NDEL le remarque en 1791 — de sa commodité, du
FlG. 1063.
Clavicorde .■xvoc écriloire de compositeui' (Conservatoire de Paris)
peU' d'entretien qu'il exi^e, et parce que dans ce
pays 1^...] l'on a plus qu'ailleurs fait des recherches
sur l'art de toucher du clavecin^... » Il y eut d'ail-
leurs en Allemagne bien des varianles du clavicorde :
[a. siimphonia dont parle Kreks*; le Peilal-clavichord
construit en 1700 par un facteur d'orgues, Johann-
David Gerstenheri-., mesurant quatre octaves et une
tierce, et ajant deux claviers qui commandaient à
deux rangs de cordes de 8' et un pédalier qui agis-
sait sur quatre rangs de cordes de 8' et de 16'"; le
TangentenflUgcl, inventé au xviii« siècle par Franzen
Sp\th'', et qui tenait déjà de ce piano à marteaux
1. Ivrirr.s, op. cit., I}. ILti; >< Uarclt ilrn Itiichst tinfachfti Aiisch-
tagsmt^chanismtis stand der Spiefer immer in einem dirfklen, mnitjen
Konnex mit dfr Saite, er hatte sip sotjar melir in dèr Geiralt, al-
dies bel df'n jctzignn Klaricren mit freier I/awmeralislnsunif niiif!
glùjli isi. Aiich iiach dt'm Ansfidafi iroj- niiclt eiitfi Modiftkation dis
Tous mi'ijîich : ein lei^es Anschirellenlassendnrch rennpliflen Dnick
undjcdc Bebuni/ di^s Fini/ffs Idang in dem Vibrato dt'r Saitr irit'dar. »
i. i< En pressant la touche du clavicorde, on peut obtenir l'elVet le
plus^caractéristitiuc pour ci'l instrument, d'ailleurs oxquis>une sorte do
vibrato, de battement redoublé sur une même note que nous p >u-
vons obtenir .lussi sur notre piano en répétant les coups de pédale
en pressant la touche sans la quitter, mais qui était inexécutable sur
le clavecin. Les chnàcnnlistes employaient fréquemment cet orneinont
appelé Bi'bung. eLles clavecinistes, bien entondii, jamais. ■• (WandaLxK-
t'u\vsK.v, Le Clavecin clu-z Bach, S. l. M., 13 mai l'.HO). Cf. dans
ce même article, la réfulation de cette vieille erreur qui remonte à
Si'iTTv et il FoiiKFj, et d'après laquelle J.-S. B,\cu aurait écrit pour
le clavicorde «' bien tempéré » : alors que maints passages de B.\cii
étaient inexécutables sur un instrument à un seul clavier, dont les
cordes liijes ne permettaient pas certains intervalles de seconde et,
du reste, dont rorocmout essentiel, la Bebimg, ne trouvait guère
d'emploi auprès du style de Bach.
3. Art. CtnveciJi. liiiTis VEfici/clopi'die miitliodique de Fn^.MKl!\^ —
(ioEHi.iN'iRii. dans sa thèse sur Gesrhichti' des lilojvichoirdu, tlU qun
ce clavicorde l'ut « aus xvu" et xv.iiio siècles un instruinent allemuiid
par excellence; il était construit de préférence par des fa<'t«ur3, .xlle-
mands n (p. 33). M donne, en appendice à son ouvrage, une liste de
faieteurs de clavicordes et de clavecins (pp. ,4j-61), ainsi que de nom-
breuses citations empruntées à la poésie allemande du wni" siècle
(PO- 38^3 (.
4. K[tF.BS, op. ciï.,.pp. Ll-2-1 13.
5. KiNsKY, op. cit., n» 23. — LudHigGEiinEii, l'auteur du, £/'xjco;i der
Tonkiinstler (Leipjig. 17'J01, dit que son père, l'organiste Ueioriidi M-
colaus GEHDF,a avait inventé vers 1742 un clavicorde de celte espèce de
fosma pyraïuidaic (fit'. Kiksivï, p..4..j)v.
6. Cdrt Sacbs, Real'Lexicon der yfusikinstruimnte, p. 3.76,
dont le succès allait nuire au clavicorde plus irré-
médiablement encore qu'au clavecin.
Instrnincnts conibitiés.
Il est à remarquer que les premiers piano-forte
avaient un son très inférieur à celui du clavecin. Cela'
(■tait dt"! en grande partie à la minceur des cordes dfe
clavecin qu'on utilisait encore, faute d'aulres « plus
tendues, plus fortes et plus courbes », susceptibles
de « souli'rir les coups de marteaux" ». Déjà —
comme le i-emarque Wanda La.n'dowsra — » l'a corde
pincée est en elle-même toujours plus pure que lit
corde frappée »; mais la beauté du son du clavecin
pouvait encore provenir de ce faillie diainètre de
corde dont le piano devrait peu à peu abandonner
l'usage. Cette supériorité sonore du clavecin sur le
piano fut constatée au wiii" siècle par des Qi^anti,
des Marpiirc, des Philipp-Emanuel Bach. D'ot't aussi,
en tout temps, l'excessive rareté dns » tentatives de
lenforcer la sonorité du clavecin », les inventions
d'alors n'ayant tendu surtout qu' <• à augmenter la
variété des sonorités ou à prolonger le son* ». D'oii,
ces combinaison^i d'instruments, vrais monstres par-
lois de l'organologie, mais qui Irahi'îsent sous leur
extravagance, sous leur fantaisie laborieuse, la pour-
suite d'une toujours même idée, celle de réunir en
un instrument unique les qualités diverses, inconci-
liables presque, de plusieurs instruments rivaux.
Esprit de synthèse, toujours prêt k reparaître jusque
dans la facture et dont l'intermittence explique tan-
Hôt ce désir de resserrer le champ musical entre les
limites d'un seul instrument, tantôt cet effort vers
une confusion orchestrale de plusieurs instruments
en un seul. Ainsi aux côtés du clavecin naquirent de
ces instruments combinés — qu'il faudrait savoir
dfstinguer aussi de telles autres fantaisies éphémères
7. Art. Piano par de Mumigx\, dans l'Encyelopii'die mét/uidigiie de
FuASiBBV, t. II.
8. Wanda Laxhowska, Musique anoiûiinc (p. 2Uft de l'édition Se-
nart).
20J4
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
de luthier — et à l'intérieur même desquels se su-
perposent, voire se compénètrent plusieurs instru-
ments comme le clavecin, le piano-forte, le violon
ou l'orgue, afin de varier ou de prolonger les diverses
sonorités.
A la rigueur, le clavicytherium, arpichord ou épi-
nette italienne, dont nous avons déjà parlé, pourrait
être considéré comme un type d'instrument combiné.
Il s'agirait ici du mélange de harpe et d'épinette, les
cordes étant verticales comme celles d'une harpe,
donc perpendiculaires au plan du clavier. Les saute-
reaux y vont d'arrière en avant. Ainsi disposées, les
cordes « font une très douce harmonie — écrit Mer-
senne — quand le vent vient à les frapper, et qu'il
aide au.x sons naturels que font les plumes des sau-
tereaux ' ». Celte parenté du clavicytherium avec
la harpe avait été saisie par Banchieri, dans ses
Conclusioni del si/ono d'organo (1609) ^ Mais un très
curieux exemplaire de clavicytherium ou spinetia
verticale, du début du xvi' siècle et de fabrication
italienne, l'un des plus précieux instruments qui nous
restent de cette époque, décèle une origine plus par-
ticulière. Cet instrument — n" 66 de la collection
Heyer — est à double clavier, pour une étendue de
quatre octaves et d'une tierce^ : sur quarante-neuf
cordes, quinze sont doubles, douze sont liiples et
vingt-deux quadruples. Comme le remarque Kinsky*,
il s'agit ici de l'exacte superposition de deux psalté-
rions à clavier, — nouvel argument en faveur de
l'origine commune des instruments « à plumes »
(Kielinstriimente) en le psaltérion. Praetorius note
la ressemblance qui existe entre le clavicytherium
et le ciavicembalo, avec cette différence que le pre-
mier résonne comme une harpe, grâce à des crochets
de laiton qui pincent des cordes ^ Adlung différen-
cie le clavicytherium du clavecin par le fait que les
cordes du premier montent perpendiculairementau
clavier, et tandis que les cordes du second s'étendent
dans le sens horizontal f'. De Castillon fils, dans l'ar-
ticle Clavecin vertical du Supplément de 1776 à l'En-
cyclopédie, dit que cet instrument ou clavicithcrium,
« que quelques-uns appellent mal à propos panta-
lon>', a un corps plus étroit que le clavecin et «comme
ici les saulereaux ne sont pas verticaux, et ne peu-
vent pas retomber d'eux-mêmes, ils sont repoussés
par un fil élastique '. » Tandis qu'HuLLMANDEi, écrit
dans l'Encyclopédie méthodique de Framery et de
GiNGUENÉ : « L'espace que les clavecins occupent en
a fait construire autrefois dont le corps élevé per-
pendiculairement forme un angle avec le clavier.
Dans ces instruments, le clavier et le sautereau tien-
nent ensemble. La foiblesse de leur son a toujours
fait préférer les cluvecins horizontaux. »
Les clavecins ou épinettes organisés, tels que le
claviorganum, composite de clavecin et d'orgue,
oifrent une illustration frappante de ces instruments
combinés. Les exemples en sont malheureusement
rares. Nous en trouvons au Musée de Douai, à celui
du Conservatoire de Bruxelles, au Metropolitan Mu-
séum de New-York. La collection Heyer possédait
bien cinq instruments de ce genre, mais ce sont des
combinaisons d'orgue et de pianos à marteaux*. Nous
1. Mefisenne, op. cit., liv. m, p. 113.
2. D',iprès KnEes, op. cil., qui place l'invention du 'clavicytherium
avant 1515,
3. Une des octaves étant courte.
4. Ki.NsKY, op. cit., p. 84.
5. PiiAEToïMiis, Syntagmamusicum, t. II, et Iïngel, <jp. cit., p. 351.
6. Adldng, Atusica Tîiechanica organa-di, p. 505.
î. Cf. dans ce supplément la figure 8, planche 1 de Lutherie.
voyons apparaître l'épiiiette organisée chez Uahelais :
son personnage de Quaresmeprenant ayant des
■< orleilz... comme une épinelte orguanisée »■'. Dans
un inventaire du mobilier du cardinal de Granvelle,
décédé en ISoÛ, figure une « espinette organisée de
cinq jeux, les deux soufflets au dessoubz... ». Praeto-
rius signale, dans son De Organographia de 1619,
l'existence de pareils instruments oij une série de
tuyaux d'orgue se trouvent mêlés à un réseau de
cordes'". Engel parle d'un claviorganum qui porte
comme inscription : ( Lodowicos Threires me fecit,
1379, » et note que, dans ces instruments, une tirasse
ou une pédale permettait d'unir ou de séparer les
jeux de clavecin et d'orgue". Le claviorganum du
musée de New-VorU est dû à un facteur d'orgues
de Hanovre, Brock, et date de 1712 : il a une étendue
de quatre octaves, d'«< à ut, le premier îUjt manquant;
à l'origine, cet instrument se composait d'un harp-
sichord et d'un orgue, et fut plus tard transformé en
un piano avec un jeu d'octaves; tel quel aujourd'hui,
le clavecin inférieur commande l'orgue, avec ou sans
piano, tandis que le clavecin supérieur joue l'octave;
les deux claviers,de plus, peuvent être accouplés'^. Le
clavecin organisé du Conservatoire de Bruxelles fut
construit en 1585 par Alexandre Bortolotti; le cla-
vier d'orgue (du sol, à l'ut..) peut, grâce à trois regis-
tres, agir sur trois jeux, l'un de llûte (8'), l'autre de
quinte en bois, le dernier de preslanl (4') ; le clavier
de clavecin (du s(uà lut.) peut, grâce à deux regis-
tres, commander à deux jeux, l'un de 16', l'autre de
4'; les deux claviers sont susceptibles d'un accou-
plement". Nous ignorons à quelle fin sonore répon-
dait ce mélange de cordes et de tuyaux : qu'on ait
cherché sur un même instrument à reproduire tour
à tour l'orgue et le clavecin, nous nous l'explique-
rions, mais qu'on ait fait entendre simultanément des
timbres de cordes pincées et de tuyaux d'orgue nous
demeure assez étrange.
L'existence des clavecins à roues ou à archets se
comprend plus aisément. Il s'agissait là de prolonger
indéfiniment la sonorité de la corde, de même qu'on
prolonge indéfiniment le son émis par untuyau d'or-
gue. Ces instruments étaient comme des violons à
clavier; leurs cordes se trouvaient non plus frappées
ou pincées, mais frottées. Il est donc naturel que ces
instruments se soient plutôt inspirés de la vielle qui
constituait déjà une étape intermédiaii'e. Célèbre fut
à cet égard, au début du xvii« siècle, le Geigenwerk
inventé par un Nurembergeois du nom de Hans
Haiden : cetinstrument, ou plutôt un autre absolument
similaire, dont de Castillon fils parle encore dans le
Supplément aux Diclionnaires des sciences de 1776,
appartient aujourd'hui au musée du Conservatoire
de Bruxelles''. Cette « fantaisie », où l'on cherchait
8. Cf. KiNSKv, op. cit., n" 228-232.
9. Pantagruel, lV-31.
10. Sijntagma tnusicum, cliap. xlh.
11. Loco cit., pp. 375-6.
12. N» 2741 du cataloficuc du Metropolilan Muséum of art, iutr. par
HipKiNs (New-York, r,iii3).
13. Cf. cat.ilogue de Mihillon, t. Il, n» 1132. — Cf. aussi des épinettes
organisées signalées en 1492 et en 1511 par André Pmito, lis Ctaceci-
7iistes (Paris, Laurens, s. d.), pp. 7 et 14.
14. Cf. l'article sur le clavecin à roue ■* dont probablement l'inten-
teur a tiré l'idée de la vielle •i.(5!f/Jj0^em. aux Dicti'jnnairc>id>'s sciences,
1776):" Comme le clavecin ordinaire n'a ni tenue, ni pi a7io, ni fnrte,
ou du moins, point de dilferens <legré.s de piano et de/arfe.plusieur-s
personnes ont cherché a remédier à ces défauts. Ces recherches onl
mené un bourgeois de -Nuremberg, nommé Jean Hwden, t]ui vivait au
commencement du xvii* siècle, à l'invention de l'instrument suivant. »
Suit une description, après quoi il est question d'un autre instrument
de ce genre vu à Berlin.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE CLAVECIN 2055
à combiner la contiiuiilé du coup d'archet avec la
vélocité du jeu sur le clavier, a été minutieusement
décrite par l'inventeur même, cité par I'raetorius el,
de nos jours, par Ernest Closson'. L'instrument de
IIaiben est — selon Praetorius — » muni, au lieude
tangentes, de cinq à six roues d'acier très également
recouvertes de parchemin enduit de colophane ou
d'huile de spic, comme les archets. Ces roues sont
actionnées par l'organiste lui-même au moyen des
pieds, et par l'intermédiaire d'une roue plus grande
•et de poulies situées sous la caisse de résonance, ou
bien encore latéralement, par le souftleur. Dés qu'on
abaisse une touche, la corde correspondante s'appuie
sur la roue qui tourne en dessous et entre en vibra-
tion, comme si elle était frottée par un archet^ ».
Sur son Geige7ucerk, Haiden dit lui-même qu'on peut
« nuancer les sons et tout à la fois les prolonger à
volonté,... — ce qui n'est même pas réalisable sur les
violes, vu les dimensions restreintes de l'archet»;
« on peut y reproduire l'effet du registre trémolo de
l'orgue, mais sans registre, et réaliser, par le seul
secours de la main, un tremblementlentou rapide»;
on peut encore y imiter l'écho, le luth, la vielle, la
•cornemuse, le hautbois, la cithare, la viole bâtarde,
etc.^. L'instrument de Bruxelles décrit par Closson
■et par Mahillon, porteur de la légende suivante :
Fràij Ratjmundo Truchado incentor, I62S'', est mû
par une manivelle placée à l'arrière de l'instrument;
il nécessite doncla présence d'une seconde personnel
comme dans cet organistrum, sorte de vielle géante
figurée sur un tympan du xi« siècle à l'abbaye de Saint-
Georges-Boscherville, et que nous voyons posée sur
les genoux de deux personnes, l'une tournant la ma-
nivelle, l'autre touchant le clavier^; de plus, Mahil-
lon remarque que le clavier de ce geigenu-erk « ne se
trouve qu'aune hauteur de 0'», 34 du sol, ce qui prouve
à toute évidence que l'instrumentiste s'en servait à
la façon orientale, assis sur un coussin... » Ce clavier
s'étend sur quatre octaves d'«< à ut, la première étant
courte suivant les coutumes de la facture d'alors. Les
quatre roues disposées verticalement agissent respec-
tivement sur treize, douze, onze et neuf cordes, soit
au total quarante-cinq cordes, toutes de boyaux, alors
que l'instrument de Haiden avait des cordes d'acier,
les plus grosses entourées de parchemin. Glossom
note que le son de cet étrange instrument « ne rap-
pelle en rien, comme on pourrait le croire, celui des
archets, mais bien plutôt celui de l'orgue, — à cause
probablement de sa prolongation et de son égalité"^ »■
Un troisième type d'instrument nous est signalé par
DE Castillon fils dans son article sur le Clavecin à
i. Cf. Haiden, Musicale in^trumeiiittm veformatum (Nuremberpr,
ItilO); Praetuhius, De Orfjanofjraplûa (in : Sijntagma jnusice, t. II,
IGlS-iiO); Dopi'Ei.MAMîR, Historische Nachricht von dttn nUrnbergis-
chen Mathematicis u. Kùnstlern (1730, p. 212, pi. IV,fig. 1) ; Ernest
Closson, Le Geii/^nicerk au Musée du Conservatoire de Bruxelles
(* Guide musical ■, 3, 10, i", 24 avril et !•' mai 1004); Mahjlm'N,
op. cil., a' 2485 (t. IV, Gand, HU2).
2. Praetorius, cité par Ceossox, op. cil. — De Castili.ûn fils repro-
duit cette description.
3. Haiden, cité par Praetorius et par Closson. — A noter que Mer-
senne, parlant du môme instrument, ne cite que « des jeux entiers de
violes » {Harmonie ainrerselle, liv. Ill, p. 106).
4. Closson remarque que si le mécanisme est d'invention bavaroise,
la peinture de la table est llamande, la signature el l'extérieur portent
une origine espagnole.
.T. FhTis, Hisloire Qènrrale de la musique, t. IV, pp. 504-505.
0. Remarquons, avec Closson, ([ue si la nielle a elle aussi un petit
clavier, l'action de celui-ci est assez différente : dans le ffeigenwerl,\
à chaque touche correspond un anneau, dans lequel passe une corde
qui, lorsque la touctie s'abaisse, vient frotter contre l'une des roues;
dans la vielle, les touches ne servent qu'à changer l'intonation des
cordes.
roiie du Supplément aux Iticlionnaircs des sciences
(1776) : instrument vu à Berlin el ayant également
des cordes de boyaux, mais où les roues parcheminées
se trouvent remplacées par une sorte d'archet —
<< large bande formée par un assemblage de nombre
de crins de cheval, noués à un bout; cette bande de
crins, qui formait un anneau, passait sur deux cy-
lindres». « A une des extrémités de l'archet — ajoute
DE Castillo.n — était un petit sachet de mousseline
ou de quelque autre tissu clair, plein de colophane,
(|ui frottait continuellement les crins. > C'était l'ins-
trument de HoHLFELD, nommé Hohlfeldtischer Bogen-
jUigel. et qui connut une grande vogue en Allemagne
vers la fin du xvm« siècle '. D'autres essais de clave-
cins à archet apparurent encore, tant en Allemagne
qu'en F'rance'.
La combinaison du clavecin avec le luth, avec le
théorbe ou avec la guitare fut également tentée.
Ainsi, J. -S. Bach commanda au facteur Hildebrand un
clavecin-luth (Lautenclavicymbel) pour lequel il com-
posa même des œuvres {Prélude, fugue et allegro); cet
instrument était composé de trois rangs de cordes
dont deux de boyaux et un fil de laiton. Adlcng remar-
que que cet instrument rappelait tantôt le théorbe,
tantôt le luth proprement dit». De même, Johann
Christoph Tleischer construisit un Theorben-Flûgel
et un Lautcn-Cltivessin, ayant (comme dans le Lau-
tenclavicymbel] deux rangs de cordes à boyau et un
ran^ de cordes métalliques '". Mais, en réalité, ces ins-
truments ne sont pas plus que des variantes de cla-
vecins, où la variété des effets se trouve obtenue par
des cordes de matières diflérentes. Seul mérite d'être
cité à part le clavicorde inventé par D.-T. Faher vers
1725, et qui pouvait sonner tantôt comme un luth,
tantôt comme un glockenspiel assourdi ou non ".
En dernier lieu, nous signalerons la superposition
de deux épinetles dans le même instrument, ou d'une
épinette au clavecin. Mais là, il s'agit d'un instrument
double pouvant être joué à la rigueur par deux per-
sonnes à la fois. Ainsi les deux clavecins-épinettes,
dus à Ruckers et que possèdent le Conservatoire de
Bruxelles et le Musée Plantin d'Anvers, ont trois cla-
viers, deux superposés pour le clavecin sur l'un des
petits côtés du rectangle, un autre clavier pour l'épi-
nette encastré dans l'un des grands côtés; les claviers,
du clavecin offrent une étendue Je quatre octaves et
un degré (du ,si„ à Vut^), le clavier de l'épinette a
moins de quatre octaves, la première étant courte (de
7. Cet instrument fut présenté à Frédéric II en 1754 (cf. les Prin-
cipes du clavecin de Mahpurg, IX-li, cl diclionn.iires de Schillinc et
de FÉTrs). — Etait-ce déjà un instrument de ce genre que .' l'instru-
ment à clavier, .. offert par l'électeur duc Auguste de Saxe au grand
Albert (le Bavière » dont parle Vincent Galilée dans son Dialogo...
délia musica antica et délia moderna (Florence, l'iSl, dial. II, p. 48) :
des cordes, » semblables à celles du luth, sont ébranlées comme celles
de la viole, au moyen d'un écbeveau ingénieusement fabriqué avec des
soies employées pour les archets de viole; cet écheveau, facilemeut
mis en mouvement par l'instrumentiste au moyen d'une pédale, touche
les cordes sans interruption en passant sur une roue, aussi longtemps
qu'on obtient la touche abaissée '> (cité par Closson, op. cit.).
8. Cf. l'article Bogenclavier dans XEnci/clopddie de Schill.ing (t. I).
Cf. aussi le clavecin de CuisiNit, dans le Recueil des macliines..., t. II,
1708 (pp. 155-(i, p!. 127} : vielle perfectionnée posée sur une table, la
manivelle étant tournée à l'aide d'une pédale semblable à celle d'un
rouet {comme dans l'instrument à rouesdécrit par Mersenne); la corde
y est frappée par-dessus à l'aide de petits maillets pareils à des tan-
gentes de clavicorde. Cf. aussi les instruments signalés par Ci.osson :
l'épinette à archet de Renald (1745), l'orphéon, eto.
y. Adlcng, Musica mechanica organœdi, p. ,02.
10. Walthek, Musik'-Lexicon {l.eifiig, 1732), p. 248. — Cf. dans le
même dictionnaire (pp. 170 et 28 i) les /.'lavier-Oamba el Laitten~Cla-
viér de Georg Gleichmans.
11. Walthlii, op. cit., p. 23o.
2056
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Vuli iiX'uly,); au clavecin, qualre rangs de sautereaux
viennent pincer trois rangs de cordes (deux 8' et un 4') ;
l'épinette a son réseau de cordes distinct : il s'agit
donc bien de deux instruments indépendants l'un de
l'autre'. Les doubles épiiieltes de la collection Stein
et du Metropolitan Muséum of Ait, fabriquées par
Ludovicus(;novvELUs et par Hans Ruckers, rappellent
le mol de Pbaetorius disant que l'on peut mettre les
ottavinos sur de plus grandes épinettes, comme de
petites tourelles sur de grandes tours'-. Ces petites
épinettes accordées, à une octave plus haut, pouvaient
d'ailleurs être retirées, comme uu tiroir d'un meuble,
et posées sur une table. Le vis-a-vis du musée de
Naples oppose un piano-forte à un clavecin, placés
face à face; tandis que le clavecin à maillets et à
sautereaux de Marius combinait les deux, — les jeux
de marteaux et les jeux de sautereaux pouvant être
directementaccouplés^. On saisira parla toute l'am-
plitude des combinaisons qui ont pu se proihiire sur
les frontières du type commun de clavecin : tan-
tôt il s'agit de mêler intimement deux instruments,
ou du moins de réunir les propriétés du plus grand
nombre d'instruments en un seul, tantôt il s'agit de
loger matériellement deus instruments dans un
coUre unique.
ROLE DE CES INSTRUMENTS ET PÉDAGOGIE
Garl-Philipp-tEmanuei Bâun, dans fson ouvrage
théorique, Versiich iiber die Wahre Artdas Clavier zu
spiekn'', après avoir dit que i< l'orgue, lo clavecin
[Ftiigel\, le fijvlepiano et le clavicorde sont les instru-
ments à clavier les plus usités pour l'accompagne-
ment .), spécifie exactement le rôle dévolu à chacun :
« L'orgue est indispensable dans les offices religieux,
à cause des fugues, des cho'urs puissants et surtout
pour aider à la liaison. Il appelle le faste et main-
tient l'ordre. » Mais, « dès qu'à l'église interviennent
des récitatifs et des airs, surtout ceux où les voix
intermédiaires laissent à travers un simple accom-
pagnement toute latitude à des changements, alors
le clavecin devient nécessaire. On a encore trop sou-
vent l'occasion d'observer combien froide est une
exécution sans l'aocompagnemei.t du clavecin ». Ce
dernier instrument est, de plus, indispensable pour
les airs et pour les récitatifs au théâtre et dans la
musique de chambre. Quant au forte-piano et au
clavicorde, <( ils conviennent le plus à ce qui exige
de grands raffinements de goût. Certains chanteurs
préfèrent ("lie accompagnés parle clavicorde ou par
le clavecin, plutôt que par tout autre instrument ».
Il est assez remarquable que ces lignes aient été écri-
tes à un moment où le piano-forte commence à être
substitué au clavecin, et alors que les seules quali-
tés pour lesquelles on recommandait encore, un
demi-siècle auparavant, l'usage du clavecin se retrou-
vent dans le piano à marteaux : l'étendue du clavier
et les possilnlilés polyphoniques de l'instrument.
« Kntre tous lis Instruraens qui sont en usage au jour-
d'huy, — lit-on dans les Principes (/« clavccinàe Saint-
Lambeut parus en 1702 ^ — il n'y en a point après
1. Mahu LON, op. cit.. Il" iOSS (I. IV, Gaml, 1912). Une pbolograpbie
docetinstruœnnta élé reproduite d:ins le miime ouvrage, t. V (Brun-Iles
l'.iii), p. l.iO.
2. CM par Hu'Kiisis intr. au c&talogue du Metropolitan Muséum ol,
Art (tU03, p. 18. u" 1 196). Cf. iiiissi le calalogae de I& collectida Siiiin,
p(».2S-27.
3. Cr. neciieih des machines approuvées..., t. 111 (ITUd, pp. 83-00).
i. 2" part., i' td. (licrlin, 1702), inlr., p. 1-6.
l'Orgue de si parfait que le clavecin, puisqu'il a plu-
sieurs avantages qu'aucun autre n'a tout h la fois
comme luy. Il contient généralement tous les tons
delà Musique, qui ne sont distribuez aux autres Ins-
trumens que par portions. Il est propre à joiier
toutes les parties à la fois, et il peut toujours produire
une Harmonie parfaite. Il garde son accord très long-
temps. Il est d'une extrême facilité à toucher, ne fati-
guant point ceux qui eujoiient, et n'exigeant point
comme quelques autres une posture contrainte, qui
même bien souvent ne convient pas aux personnes
modestes. » En préface à son premier livre de Pièce»
de clavecin (1713), François Couperix le Crand écrit
de même : a Le clavecin est parfait quant à son
étendue... »
Ce qu'on apprécie donc tout d'abord dans le cla-
vecin, c'est de pouvoir embrasser plusieurs octaves :
pareille ampleur de registre le met au centre des
instruments d'alors; d'où son rôle harmonique d'ac-
compagnateur ou de « basse continue » que déjà,
mais avec des possibilités moindres, le luth et le
théorbe avaient rempli''. « L'Épinette — écrivait en
1630 le père Mersenne — tient le premier, ou le se-
cond lieu entre les Instrumeus qui sont harmonieux,
c'est-à-dire qui expriment plusieurs sons ensemble,
et qui chantent plusieurs parties, et font diverses
consonances; ie dis le premier ou le second lieu, parce
que si on la considère bien, et si l'on iuge de la di-
gnité des Intrumens de Musique par les mesraes
raisons que l'on ingérait de la bonté des voix, sans-
doute on la préférera au Luth, qui est son Gompedi'
teur; mais la commodité du Luth, sa bonne grâce et
sa douceur luy ont donné l'avantage '. » Le même au-
teur ajoutait plus loin : l'épinette «a cela d'excellent
qu'un seul homme fait tontes les parties d'un concert,
ce qu'elle a de commun avec l'orgue et le luth : mais
ses accords et ses tons approchent plus près delà
juste proportion de l'harmonie qu'ils ne font sur le
luth ; et l'ont fait plus aysément plusieurs parties
sur l'Epinetle, que sur ledit luth »; et Mersenne
concluait : l'épinette « représente sans beaucoup de
bruit tout ce qui se fait sur l'orgue »; de même, elle
peut « être mêlée avec toutes sortes d'instrumens,
comme enseigne l'expérience, et même avec les voix,
qu'elle règle et qu'elle maintient dans le ton'... »
Or, à s'en tenir simplement au nombre d© traités
parus, il semble que ce caractère d'accompagnateur
ou de réalisateur harmonique (soit à l'égard du chant,
soit à l'égard de tout ensemble d'instruments) ait été
plus particulièrement envisagé. Ainsi, les Leçons de
clavecin et principes d'Iiarmonie de Be.metzrieder'
ne sont en réalité qu'un double traité de solfège et
d'harmonie à l'usage des élèves d'accompagnement.
De grands clavecinistes qui composent pour cet ins-
trument solo, tels CoLiPBRiN, RA.MEAU, Phillppc-Em-
manuel Bach, songent seuls à analyser la technique
du clavecin pur ; les autres auteurs de traités, comme
BowiN, GoRUETTE, Dandrieu, Alexandre I'rère, L'Af-
i-ii.ARD, etc., écrivent des a principes » d'accompagne-
ment an clavecin '". Le caractère centralisateur de
cet instrument, sa force centripète dans l'orchestre
ne devaient cesser qu'avec le déclin de la basse coii-
3. Paris. Chiisloplie Ballard. 1702. Préface.
0. Cf. dans la Impart, du présont ouvrage, t. llf, l'étude de UuirrMio,
p. 121!i).
7. Meiisexmî. tt/J. CI*., liï. III, p. loi.
». Plid.. p. 107.
9. Paris, Bluel, 1771.
10, Cf. dans la l^* part, du présent ouvrage, l. lit, l'élude de Lionel
m: r.\ Lxi rtrvcii;, pp. UlM-l'il 2.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE CLAVECIN 20.-.7
liiiiic. Le piano à inarleaux, dont les qualités propres
d'expression allaient attirer à lui presque tous les
eorapositeurs romantiques et modernes, ne retrou-
verait cependant pas un rôle aussi privilégié ou — si
l'on veut — un pareil caractère d'universalité; saut'
comme instrument concertant ou, plus rarement,
comme elt'et rare de timbre ', le piano ne jouerait
plus dans l'orcliestreau milieu duquel il reste « inso-
luble- ». Il conserverait cependariL cet avantage de
laisser réduire pour le clavier toule œuvre destinée
à un ensemble de plusieurs instruments : réduc-
tion pour piano de quatuors, de symphonies ou
d'opéras, et dont l'idée se trouvait déjà dans ces
adaptations au luth de pièces chorales de la Renais-
sance, dans ces recueils de danses et de chansons
transcrites afin d'être conservées à l'usage de l'or-
gue ou du clavecin-', dans ces transcriptions d'ou-
vertures de Ll'lly par d'Anglebert* ou d'airs à la
mode dans le Journal de clavecin que fondait Clé-
MKNT en 17fi2''.
Instrument polyphonique, le clavecin, avant même
que d'être autonome et de jouer en solo, et par le
fait d'être à l'unisson de tous les instruments compo-
sant un orchestre, se mêle à celui-ci pour en former
comme la base, — « colonne sur laquelle — écrit
Mattiieson — s'appuie tout l'ensemble'' ". Le clave-
cin est un petit orchestre dans l'orchestre, soit qu'il
constitue la somme harmonique de l'orchestre (con-
Hnuo\, soit qu'il s'oppose à celui-ci dans son rôle,
d'instrument concertant. Dans certaines œuvres, le
même clavecin peut jouer tour à tour ces deux rôles
qu'il faut savoir distinguer avec précision : ainsi,
dans le Conceïto en réiiiiijeur de J.-S. Bach pour cla-
vecin, ilOlte et violon, l'auteur indique tantôt que le
cumbalo est concertato, tantôt qu'il est accompli;/ na-
mento: les huit premières mesures, par exemple, de
l'Allégro offrent une basse chiffrée que le claveciniste
doit réaliser, alors que, dans les dix mesures suivan-
tes, le clavecin concerto avec les autres instruments;
le mouvement lent est composé de cinq groupes de
quatre mesures, durant lesquelles le clavecin «accom-
pagne » le violon solo et la flûte traversière, pour
concerter avec eux entre temps".
Instrument de la basse continue, le clavecin diri-
ijeait aussi l'oichestre : en tant que principe de cohé-
sion parmi les instruments, son rôle élail de mar-
quer la mesure et d'entraîner dans son exact sillage
harmonico-rythmique l'ensemble de l'orchestre ou
\. Dans désœuvrés coiume \^S>jmjihoiiie en ut mineur de Saisi-
Sains, le l'romtthée de Schiabixk, Petroitclika de STr^AWl^■sk^, la
Suite .\ci/the de PitoKOFiErr, etc.
^. L\M'[\. Histoire df Vinatruweutation. Cf. NVainla I.aspovi ska,
Musique uncifnne, 4» éd., pp. 105-lti7 ; (« Le clavecin dans l'orcheslFe
ancien ne constituait p«« une matière ptLrticulifri\ bien au conlraiic,
sa sonorité de cordes pinct^e.fse joignait merveitli-useinent aux autres
instruments et formait un ciment liarmonieux pour lier les voix dis-
Iiersées et pour remplir les vides des cadences... » (C'ost no«3 qui
soulignons. )
3. Cf. Puiito, les Clavecinistes, notamment pp. 19, 21, -iO, etc.
4. f'iceesde clavessin..., diverses chaconnes, ouvertures et autres
air.s- de M. de Lully mis sur cet instrument iParis. ISS'J).
5. Ce .journal était mensuel et parut de ildi à t7Gâ. Son 6diteur
av.ùt [luLilié auparavant un fessai sur VaC'-Omiiaijnement du chiveein
et un E.^S'ii sur la hase fondementale qui en formait le supplément.
ti. Cité par Wanda Lanoûwska, op. cit.. p. 162. — Cf. le mot de
OuAATZ : « Le clavecin est indispensable pour toute musique, grande
ou petite. »
7. D'après l'édition de la Bach'tieS'Itschaft. Do même, dans la
cantate prof:me Amnre traditore, Waiida Land(i\\>ka remarque qu'une
partie de claveeio obligé y figure. « c'est-a-dire que le cemttato n'y
joue point là seulement la basse, en improvisant une harmonie li'a-
près des chilTres marqués, mais exécute avec la basse un acconqja-
gnement formé de motifs organisés. » {Musique aneien^ie, p. 164. j Cf.
Piniio, y Esthétique de J.-S. Bach.
des chœurs. « L'épinelte — écrit Mkrse.n.ne — peut-
être mêlée avec toutes sortes d'instrumens, comme
enseigne l'expérience, et même avec les voix, qu'elle
règle et qu'elle maintient dans le ton; mais elle se
mesle particulièrement avec les Violes, qui ont le son
de percussion et de resonnement comme l'Kpinette. »
De même : •< si l'on demande quel instrument est le
plus propre pour régler un concert, et pour tenir les
autres instrumens d'accord et les voix en leurs jus-
tesses, afin qu'elles ne haussent ny ne baissent de
long temps, je crois qu'on peut répondre que de
tous ceux qui sont connus c'est l'Epinette, ou la Harpe,
mais plutôt l'Epinette que la Harpe'... » La direction
par le clavecin offrait une qualité concrète que n'a
pas la direction silencieuse avec une baguette, a Au
dix-seiitième siècle et encore du temps de la jeu-
nesse de Rach, les maîtres de chapelle dirigeaient,
qui, en battant la mesure du pied, qui, en faisant
des mouvements de la tète, du bras, des deux bras,
qui, avec un rouleau de musique ou avec un bâton;
ceux qui jouaient du violon battaient la mesure
avec leur archet. Mais à partir de I73ti, nous voyons
le clavecin devenir le viai chef d'orchestre. On diri-
geait jusque-là debout, on dirigera maintenant du-
rant un siècle assis, jusqu'au jour où les chefs d'or-
chestre se recruteront principalement parmi les
violonistes. L'Opéra de Paris avait son maître de
musique qui dirigeait en battant la mesure armé
d'un gros bâton, ce qui a fait dire au grand détrac-
teur de la musique française, à Boisseai-, que l'O-
péra de Paris est le seul théâtre de l'Europe â\i l'on
bat la mesure sans la suivre, tandis tpie partout ail-
leurs on la suit sans la battre. On s'y servait cepen-
dant des clavecins d'accompagnement. En Italie et
eu Allemagne, le compositeur d'un opéra dirigeait
lui-même l'exécution, non pas en battant la mesure,
mais an clavecin. On se servait de cet instrument
déjà au dix-septième siècle, dans l'église. Spitta en
cile quelques cas du temps de Ivuunac et avant. Fres-
coBALDi et BuxTEHUDE l'employaient aussi, mais je ne
saurais dire si c'était pour diiigerou pour accompa-
gner... Pour les opéras, on avait d'habitude deux cla-
vecins, l'un pour accompagner, qui se trouvait placé
à côté, et l'autre au milieu de l'orchestre, qui servait
pour diriger. Pour les concerts, un seul instrument
remplissait les deux rôles en même temps. Hae.ndel
en avait deux dans son orchestre, pour lesquels il
écrivait fréquemment deux basses dilférentes.
Vers 168f, on avait parfois à l'Opéra des orchestres
d'accompagnement pour les voix, composées de plu-
sieurs clavecins, épinettes, théorbes et violons'. >>
Et Wanda Landowska conclut : » Le n'ile d'accom-
pagnement du clavecin a été plus important encore
que celui de la direction de l'orchestre, car nous
voyons assez souvent, vers la lin du dix-huitième siè-
cle, quand le batteur de mesure devenait à la mode,
le cembalo d'accompagnement persister'". »
s. Mbiisejse, op. ?i/.,pp. 107 et llii du t. 111. — CL Carl-l'hilipp-
Enimanu«l Bach, Versucli iiàer die irahre Art dus Clavier zu sjne-
len, 1, ' : « l'C clavecin, auquel nos prédécesseurs ont coulie la
direction peut non seulement remplir les basses, mais encore tenir
tout ensemble dans la mesure et dans la justesse. Le son du clavecin
tombe dans l'oredle de tous les instrumentistes. Et je sais que les
ensembles les moins accordés, composés de musiciens médiocres^
peuvent être cependant tenus grâce aux sons du clavecin, o
0. Landowska, op, cit.. pp. lGi-164. — Romain Rolland, dans ses
Origines du théâtre lyrique moderne (cli. V), dit que l'orchestre de
IXretusa de Vltali, jouée i Rome le S février 1620. comprenait deux
cernliali pour deux Iheorbes, deux violons, un luth et une viole de
gambe. ÙOrfeo de Montevkbdi employait deux tjravicembali.
10, LvNDOwsKv, op. cit., pp. Hi4-5.
2058
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQVE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Des trois rôles que le clavecin remplissait tour à
tour vis-à-vis d'un orchestre, — rôles d'accompagna-
teur, de concertant, de directeur, — c'est donc celui
de concertant qu'il saura transmettre à sou héritier,
le piano. De même, pour les combinaisons dans les-
quelles il entrait avec un violon ou avec un violon-
celle (sonates en duo, en trio). La littérature roman-
tique de piano ne retiendra pas cette forme instru-
mentale si fréquente aux xvii" et xvui' siècles, et où
le clavecin réalisait la basse continue; elle ne gar-
dera qu'une autre forme moins ancienne où le cla-
vecin et plus tard le piano ont un rôle concertant
égal à celui du violon, — qui pour ainsi dire les
accijmpaijnp. Il s'est donc fait ici un renversement
dans les rapports : le clavecin, qui ne réalisait, comme
dans l'orchestre ou vis-à-vis du chant, qu'une basse
harmonique, devient personnage mélodique de pre-
mier plan, au même titre que le violon. En 1703, le
Dictionnaire de musique de Sébastien de Brossard
signale, à l'article Suonata, qu'« ordinairement » les
sonates i< sont à violon seul ou à deux violons dilTé-
rens, avec une Basse-continue pour le Clavessin, et
souvent une Basseplus figurée pourlaViollede gambe,
le Fagot, etc. ' ». Or, comme le remarque Lionel de la
Laurencie^, les sonates en trio de François Coim'Erin
le Grand, quoique écrites en effet en trio « avec deux
dessus de violon et la basse », forment en réalité des
quatuors, puisque la basse se dédouble et » est con-
fiée à la fois au clavecin et à une basse d'archet ».
Les sonates à peu près contemporaines de Dandrieu
vont même plus loin, admettant parfois « quatre
parties distinctes, puisqu'un violoncelle vient s'a-
jouter aux deux violons et à la basse continue, sans
doubler cette dernière' ». Mais, à l'inverse de ces
sonates, les Pièces de Cluvi'cinen Sonates, avec accom-
pagnement de Violon, de J.-J. Cassanéa de Mondonville,
et les Pièces de clavecin en concert de J.-P. Rameau
introduisent, entre 1734 et 1741 , dans la littérature de
musique de chambre un genre nouveau de sonate
où t( d'abord employé ad libitum avec le clavecin,
le violon deviendra peu à peu un instrument obligé,
d'où la sonate de piano et violon moderne'' ». Avec
Hugo RiEMAN.N, L. DE LA Laurencie admet que ce
genre de sonate « vise surtout à préciser, à fixer
le texte musical, et à faire respecter les intentions
du compositeur, en imposant un terme aux fantaisies
de réalisation de la basse continue ». Ici finit donc le
règne de cette basse continue. « Mais le violon ne se
résigne pas toujours au rôle de personnage sacrifié;
le principe concertant, qui rencontre son expression
dans les symphonies concertantes alors à la mode,
tend à placer les deux instruments sur un pied d'é-
galité '... » Il y a donc eu dans la sonate en trio, em-
ployée aussi bien en Italie qu'en France et en Alle-
magne, élimination d'une partie intermédiaire, celle
de second dessus, qui s'est trouvée « transférée à In
main droite du claveciniste'' ». On pourrait dire que
l'importance mélodique du clavecin, si on évoque
encore telles sonates en trio à basse dédoublée,
n'a fait que croître en raison de la disparition pro-
gressive de ces parties intermédiaires qui gontlaient
1. Paris, 1703, p. 139.
2. VEcotf fi-aiii-aise du riuttu Or Lully n Vioiii^ t. I (Paris,
Delagi-uve, 10i2), |i. (i-i,
3. /bi'l.,]}. 15H. Cf. l'eiemplo musical reproduit à culte iiièiDC page.
4. JbitL, t. Il (Caris, llelagravf, t'Ji-i), p. 100.
5. Jbid., Il,p|i. 4li-4l3.
0. Ibkl., III (Paris, ilebigiavc, 1921), p. 120.
7. Cf. Si^hastien di. liHos-^xnn, oy. cit.. et la I.avrevcik, op. cit.,
t. III, p. lil.
la sonate aux dimensions dune symphonie''. Le cla-
vecin et le violon sont alors entrés dans une rivalité
réciproque où le violon a perdu parfois beaucoup de
son importance : car, comme le remarque L. de la
Lai^irencie, Mozart et Beethoven dans les titres de
leurs sonates font précéder du mot Klavier le mot
de violon*; avant eux, J.-S. Bach avait surtout écrit
soit des sonates ou des suites pour violon solo ou
pour violoncelle solo, soit des sonates pour clavecin
el violon, pour clavecin et violoncelle {somita a cem-
batû e viola da gamba), pour clavecin et tlùte; tandis
qu'il ne laissa que deux sonates pour un ou deux
violons avec accompagnement de basse chiffréf, quatre
sonates pour une ou deux llûtes et basse chitlrée. On
peut donc conclure que le clavecin, dans la sonate à
plusieurs instruments comme dans la symphonie
concertante, lègue au piano-forte une place culmi-^
nante, hors de comparaison avec celle que lui-même
occupait à ses débuts, obligé qu'il était de pourvoir
d'abord à des besognes de basse continue, de rem-
plissage harmonique ou de simple direction.
François Couperin, dans son Art de toucher le cla-
vecin (1717), recommandait d'étudier le clavecin deux
ou trois ans avant d'apprendre l'accompagnement :
« La main droite dans l'accompagnement, n'étant
occupée qu'à faire des accords, est toujours dans une
extension capable de la rendre très roide; ainsi les
pièces qu'on aura aprises d'abord, serviront à préve-
nir cet inconvénient. » De plus, o la vivacité avec
laquelle on se porte à exécuter la musique à l'ouver-
ture du livre enirainant avec soi une façon de toucher
ferme, et souvent pesante, le jeu coure risque de s'en
ressentir, à moins qu'on n'exerce les pièces alterna-
tivement avec l'accompagnement' ». Sans doute, l'ac-
compagnement constitue « les fondemens d'un édifice
qui... soutiennent tout », mais l'étude pratique n'en
doit être faite qu'au moment où l'élève a un jeu suffi-
samment formé pour que celui-ci n'en souffre pas.
Or quel est donc ce jeu de clavecin dont Gouperln et
Philippe-Emmanuel Bach nous veulent enseigner le
« véritable art »? « Le Clavecin — écrit Couperin'" —
est parfait quant à son étendue, et brillant par luy-
même; mais comme on ne peut entier, ny diminuer
ses sons, je sçauray toujours gré à ceux qui par un
art infini, soutenu par le goût, pouront ariver à ren-
dre cet instrument susceptible d'expression : c'est à
quoy mes ancêtres se sont apliqués, indépendamment
de la belle composition de leurs pièces... » Quatre
ans plus tard, Couperin, dans son Art de loucher le
clavecin, écrit : « Les sons du clavecin étant décidés,
chacun en particulier; et par conséquent ne pouvant
être enflés, ny diminués, il a paru presque insou-
tenable jusqu'à présent, qu'on put donner de l'àme
à cet instrument... » D'où des qualités d'ordre phy-
sique et d'un ordre plus intellectuel. Tout d'abord,
il existe un « beau-Toucher du clavecin". » Il faut au
préalable « que le dessous des coudes, des poignets,
et des doigts soit de niveau » et que l'on tienne « ses
doigts le plus près des touches qu'il est possible »
afin d'éviter la sécheresse des coups'-. On devra —
8. Jbid.. t. III, p. \r,i.
'.I. CouPFHiN va même jusqu'à dire que les enfants ne doivent pas
ap|iri'ndre à jouer d'aliord avec la partition sous les yeuv : « .Ne
roinnioncer à montrer la tablature aux enfants qu'après qu'ils ont une
certaine quantité de pièces dans les mains. Il est presque inipoïsible,
qu'en regardant leur Livre, les doigts ne se dérangent; et ne se
cnntofsionnent... » {L'Art dt: touchi'r tt^ clarecill.)
10. Pirces de clavi'Citi... l"' livre (Paris, 1713), préf.
H. Coui'LiiiN, l'Art de toucher le clavecin, préf.
12. /bid.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE CLAVECIN 2059
comme l'écrit Hameau — recherchei' la « souplesse
des doigts à leur lacine' » : on s'asseoit » auprès du
Clavessin, de façon que les coudes soient plus élevés
que le niveau du clavier, et que la main puisse y
tomber par le seul mouvement naturel de la jointure
du poignet. [...| l.ajomturedu poignet doit toujours
être souple : cette souplesse qui se répand pour lors
sur les doigts, leur donne toute la liberté et toute la
légèreté nécessaires : et la main qui par ce moyen se
trouve, pour ainsi dire, comme morte, ne sert plus
qu'à soutenir les doigts qui lui sont atlachés, et à les
conduire aux endroits du clavier où ils ne peuvent
atteindre par le seul mouvement qui leur est propre.
Le mouvement des doigts — continue Ramrau —
se prend à leur racine, c'est-à-dire, à la jointure qui
les altaclie à la main, et jamais ailleurs; celui de
la main se prend à la jointure du poignet, et celui
du bias, supposé qu'il soit nécessaire, st prend à la
jointure du coude. [...] 11 faut que les doigts tombent
sur les louches, et non pas qu'ils les frappent, i'
faut de plus qu'ils coulent, pour ainsi dire, de l'un
à l'autre en se succédant : ce qui doit vous prévenir
sur la douceur avec laquelle vous devez vous y
prendre en commençant. [...] N'appesantissez jamais
le toucher de vos doigts — recommande encore
Rameau — par l'eiïort de votre main; que ce soit au
contraire voire main qui en soutenant vos doigts,
rende leur toucher plus léger : cela est d'une grande
conséquence- ". D'où nous voyons que ce jeu sec et
monotonement égal, par quoi certains pianistes
croient de nos jours rendre 1' « esprit » de la mu-
sique ancienne, était pleinement réprouvé à cette
époque. Aussi Couperin recommande-t-il de ne se
servir d'abord que d'une épinette ou d'un seul cla-
vier sur le clavecin, cette épinelte ou ce clavecin
étant même «emplumés très faililement » (« la belle
exécution dépendant beaucoup plus de la souplesse,
et de la grande Liberté des doigts, que de la forcée.. »);
de même Rameau spécilie-t-il : o Le clavier sur lequel
on exerce ne sçauroit être trop dou.v : mais à me-
sure que les doigts se fortifient dans leur mouve-
ment, on peut leur opposer un clavier moins doux,
et arriver ainsi par degrez à leur faire enfoncer les
touches les plus dures* »; tandis que Carl-Pliilipp-
Emnianuel Rach ne craindra pas de trop recomman-
der au jeune élève de s'exercer sur un clavicorde^.
L'article du Versuch ûber die irahre Art das Clavier
zu spielen concernant le jeu de clavicorde est très
important à citer à cet égard : « Chaque joueur de
clavier [Claviei-ist] doit de toute conséquence avoir
un bon clavecin [Fliigel], ainsi qu'un bon clavicorde,
afin qu'il puisse jouer alternativement sur les deux
toutes sortes de choses. Celui qui sait Lien toucher
du clavicorde, pourra de même venir à bout du cla-
1. Kameau, Pièces de cUiuessin .ivec une tiiétiiode pour la méca-
nique des doigts {Paris, 1724). — Le jeu des pièces de clavecin sur un
piano moderne devra s'inspirer de pareille forme d'attaque digitale.
2. Dk Saint-Lambert écrit de son coté : « Le poignet à la hauteur
du coude... ne levant point les doigts trop haut en jouant, et n'ap-
puyant point aussi trop l'ort sur les Touclies. » {Les Principes du cla-
vecin, Paris, 1702, cli. .\ix, p. 42.)
3. CouPEuiN, l'Art de loucher fc clavecin.
4. Rameao, op, cil,
5. Matu-uik;, Principes du chwi'cin {Berlin, Haude et Spener, 17o6),
I, 3 : a En Allemagne on se sert communément du Clavicorde pour
l'usage de lu première jeunesse. L'n d'autres pays c'est l'Epitiette qui
tient lieu de cet instrument. CcUe Epinette ne doit avoir le Clavier
ni trop dur ni trop mou. Cela fait forcer les mains aux jeunes per-
sonnes; les nerfs prennent un mauvais pli par les contorsions que
les mains sont obligées de faire; ceci les empêche d'acquérir un jeu
rond elnet. L'élève contracte un jeu traînant et pesant ; c'est toujours
comme s'il avoit de la glu aux doigts. ■
veciii, mais non l'inverse. On doit donc employer le
clavicorde pour l'étude de la bonne expression, et
le clavecin pour acquérir dans les doigts la force
nécessaire. » Mais le défaut du jeu de clavicorde esl
de vous accoutumera des elfets de délicatesse hors de
propos sur le clavecin et de faire perdre de la force
dans les doigts. Inversement, le défaut du jeu de
clavecin est de vous accoutumer à ne vous servir que
d'une couleuretd'ignorer ces différences de toucher
chères au bon clavicordiste''. On voit donc que les
deux espèces de jeu sont complémentaires, et qu'il
y aurait préjudice à n'user que d'une seule au détri-
ment de l'autre.
Une autre recommandation de C.-P.-E. Rach va
mieux préciser encore l'idée que nous devons avoir
du jeu parfait du clavecin ou du clavicorde : il faut
étudier le chant, ou écouter au moins avec soin les
meilleurs chanteurs'. De même, Mattheson écrivait
dans sa Grosse General Bassschtde (1731) : « Celui qui
ne connaît point l'art de chanter ne sera jamais capa-
ble de jouer*... » Il s'agit donc de ce « jeu chantant
et expressif», dont J.-S. Rach parle en tête de ses
Inventions de 1723, de ce « Cantable Art » qui, en
composition comme en interprétation, signifiait —
selon Wanda Landowska — « une manière propre
de mettre en évidence la beauté et l'indépendance
d'une ligne mélodique, l'expression soumise au con-
trôlede l'esprit, l'artdephraserune ou plusieurs voix,
en leur donnant simultanément et indépendamment
à chacune d'elles, un relief différent' ». Cet art du
chant, dont le claveciniste devait tenter de ravir le
secret sur la bouche des chanteurs ou dans la mys-
térieuse intimité du petit monde sonore formé parle
clavicorde'", devait se poursuivre auprès de l'étude
de la musique à deux voix, base rationnelle de la
polyphonie de cette époque", par l'étude préala-
ble de chacune des deux mains séparément (et où
chacune en effet devient comme une voix de violon
ou de violoncelle dans une sonate en solo'-), par la
connaissance enfin des ornements ou ayréinents em-
ployés par chaque auteur, — non pas de ces « orne-
mens arbitraires au moyen desquels l'exécuteursubs-
titue son goût à celui du compositeur; mais de ces
ornemens essentiels, qui font valoir à la fois celui
qui a fait la pièce et celui qui l'exécute. Les agré-
mens arbitraires diminuent souvent de la beauté
de l'air; les essentiels y en ajoutent ». Etude qui va
6. Ver-sucU uber die irahre Art das Clavier zu spielen, 2» éd.
(Berlin, 1759), par. 13. — Au cours du par. H, C.-P.-E. Bach dit
préférer pour l'exercice du loucher le clavicorde au nouveau forlr-
piano, ce dernier instrument n'y oll'rant pas les tenues et les vibra-
tos de l'autre.
7. lltid., par. ÎO.
8. Cité par Wanda Landowska ; Sur l'interprétation de la musique
à deux voix de Jean-Sébastien Bach { « Monde musical », sept. 1922).
f. Ibid.
iO. Sur l'art du clavicorde, — musique de chambre et de l'expression
pure par excellence, — • cf. dans OirHLiNnEn, Geschichte des Klavi-
chord.t, deux curieuses citations de Schuuart, tirées des Musik-al.
Ithapsodivn de 1786 et des Ideen zur Aesthctik der Tonliunst.
11. Cf. là-dessus les idées de Wauda La.nûuwska exprimées dans
l'art, cité plus haut.
12. Have^v {J'iàces de Clavessin de 1724) recommande l'élude des
mains séparées « jusqu'à ce qu'on reconnaisse que les mains soient
dans une si bonne habitude, qu'il n'y a plus lieu de craindre qu'elles
se gàtenl u. — Wanda Landowsk v [op. cit.) écrit que ., la ligne mélo-
dique de BvcH est pcrpétuellemenl vivante, agitée même quanil elle
semble s'assoupir. Celte animation intérieure, qui n'a rien de fébrile,
dérive de la vitalité débordante de l'Inspiration de B\ch. Exubérante
et fougueuse, pénétrante et incisive, elle creuse des sillons si pro-
fonds, qu'elle en devient, a elle seule, polyphonique. Les Suites pour
violoncelle ou les Sonates et Parlilas pour Violon solo, senza Cem-
baloy le prouveront à celui qui n'a pas étudié de près une des
voix, prise séparément, dans son œuvre chorale ou instrumentale ».
2060
E^CYCLOPÈDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
de l'expéiience physique, intelligemment contrôlée,
du toucher jusqu'à cet art du clianl, sous toutes les
formes que celui-ci peut supposer, puisqu'il réside
aussi bien dans le sens expressif de la ligne mélo-
dique que dans ces expressions mêmes, prévues avec
{. Minci
. op. cit., Xll. :ïrt.
netteté par l'auteur, \es ornements. Mais est-il l'exer-
cice d'aucun autre instrument qui n'exige pareil en-
semble de qualités chantantes, pareille progression
de l'une à l'autre? Chant toujours le même, mais
que chaque instrument atteint selon un biais parti-
culier.
André SCHAEFF.NER.
LE PIANO ET SA FACTURE
Par M. A. BLONDEL
DIRECTEUR D15 LA MAISON KRARD
« Le piano, hôte de la Maison, couvert d'habits
de fêle, ouvre à tous son facile vêtement, et, comme
il se prête aux passe-temps les plus frivoles aussi
bien qu'aux études les plus sérieuses, comme il re-
cèle en son sein tous les trésors de l'harnionie, il est
de tous les instruments celui qui a le plus contribué
à répandre le goût de la musique et à en faciliter
l'étude. Popularisé par de grands artistes, il habite
toutes les demeures; sous ses formes variées, il force
toutes les portes. S'il est quelquefois voisin insup-
portable, il offre du moins a l'olfensé une vengeance
facile et des représailles toujours prêtes. Il est le
confident, l'ami du compositeur, ami rare et discret,
qui ne parle que quand on l'interroge et sait se taire
à propos. »
Ainsi s'exprimait, au sujet de l'instrument qui fait
l'objet de l'étude qui va suivre, le célèbre auteur de
la Juive, P'romental Halkvy, dans les pages consacrées
à l'œuvre d'O.NSLOw.
Puisse une si flalteuse appréciation éveiller l'inté-
rêt du lecteur sur un sujet qui n'est pas indigne de
retenir son attention, et que nous nous sommes
ell'orcé de traiter avec autant de sincérité que de
simplicité.
LES ANCÊTRES DU PIANO
L'ancêtre le plus lointain dont puisse se réclamer
le piano semble être le monocorde, constitué par une
planchette de boissurlaquelle étaittendue unecorde
que l'on pinçait avec le doigt, dont un petit chevalet
mobile permettait de raccourcira volonté la partie
vibrante, etdont on tirait ainsi des sons variés.
Le monocorde ne tarda pas à être remplacé par
des instruments moins rudimentaires, munis d'un
plus grand nombre de cordes que l'on faisait vibrer
soit en les pinçant avec le doigt, soit en les frappant
avec des plectres ou des petits maillets. Ce fut l'ori-
gine du tricorde, de la lyre, du psaltérion, du lym-
panon.
L'idée vint ensuite d'augmenter les ressources
musicales et de faciliter le jeu de ces instruments
primitifs en y adaptant un clavier et un mécanisme;
c'est ainsi que des cordes pincées de la lyre naqui-
rent le clavicorde, \'épinette etle clavecin.
Plus tard encore, les cordes frappées du tympanon
firent penser à remplacer, dans le clavecin, les becs
de plume ou de cuir qui pinçaient les cordes par des
marteaux qui les frappaient; de cette modification
naquit le piano, dénommé à l'origine piano-forte;
parce que ce nouvel instrument avait la prétention,
justifiée depuis, de produire ces deux nuances d'in-
tensité du son.
Avant d'aborder la description du pinno, disons
quelques mots de ses devanciers immédiats : le cla-
vicorde, l'epinette et le clavecin.
L.C clavicoi-de.
Le clavicorde, appelé aussi clavicytherium, auquel
certains érudils assignent une origine anglo-nor-
mande, d'autres une origine tlamande et qui semble
remonter à la fin du xiu« ou au commencement du
xiV siècle, était au début un petit instrument rec-
tangulaire d'une étendue habituelle de deux octaves
trois quarts à trois octaves.
La caisse supportait une table d'harmonie sur la-
quelle étaient tendues des cordes de métal; elle était
FiG. lOtii. — CLavicorde cl sou mécnnisme.
munie sur un des grands côtés d'un clavier formé
de touches portant à leur extrémité une petite
lamette de cuivre qui, en venant frapper la corde, la
mettait en vibration, système bien défectueux, car,
une fois la corde frappée, si le doigt de l'exécutant
ne quittait pas de suite la touche, la lamelle de cui-
vre restait en contact avec la corde, dont elle para-
lysait les vibrations.
D'ordinaire, deux et parfois jnême trois touches
frappaient la même corde, mais à des points dilférents,
produisant ainsi des sons de hauteur différente.
Du XIV» au xvii« siècle, de nombreux perfectionne-
20G2
ENCyCLOPÈDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
metits furent apportés au clavicorde; son étendue fut
augmentée jusqu'à cinquante notes, voire davan-
tage; à chaque touche fut attribuée une corde isolée,
et un étoufl'oir fut finalement ajouté à l'instrument
qui, dès lors, fut souvent dénommé sourdine.
Au déhut, le clavicoide n'était pas supporté par
des pieds, il se posait sur une table; il fut muni de
pieds lorsque ses dimensions agrandies le rendirent
moins facilement maniable.
Les facteurs de clavicordes qui ont laissé quelque
trace sont : Lemue, Wilhelmi, Khamkr, tous les trois
Allemands, les Français Ricbard et Philippe Denis,
qui ont fabriqué également des épinettes d'une exé-
cution très soignée.
L'épiiietle'.
Vcpinetle, contemporaine desxv«, xvi="et xvii= siè-
cles, parfois de même forme que le clavicorde, par-
Fia. 1065. — Epinettc et son mécanisme.
fois aussi de forme triangulaire ou pentagonale,
mais de proportions plus grandes que le clavicorde,
puisqu'elle comptait habituellement quatre octaves,
olFrait à l'intérieur l'aspect d'une harpe couchée sur
une table d'harmonie; elle était, comme le clavi-
corde, garnie de cordes métalliques.
Son mécanisme consistait en sautereaux, dont la
partie supérieure portait une languette mobile pour-
vue d'un ressort de crin de cheval et armée d'un bec
de plume, de cuir, d'écaillé ou de bois qu'actionnaient
les touches d'un clavier.
La touche étant frappée, le sautereau montait, le
bec de plume pinçait la corde et faisait, en retombant,
reculer la languette, que son ressort de crin remet-
tait en place, en ramenant le bec de plume sous la
corde.
Au moyen d'un petit morceau de drap dont on
garnissait le bord du sautereau, les vibrations de
la corde se trouvaient étouifées lorsque, le doigt de
l'exécutant quittant la touche, le sautereau retom-
bait.
Combien fragiles et sujets à se déranger étaient
ces délicats organes !
Dans l'épinette, chaque note n'était représentée que
par une seule corde.
En dehors de RicuAnD, et de Philippe Dii.Nis déjà
nommés, il convient de citer, comme constructeurs
d'épinettes, les Français Renaud et Berger, et les deux
RucKEBS d'Anvers.
Le clavecin.
Le c/ayecm, sorte d'épinette agrandie, présentait
généralement deux cordes à l'unisson pour chacune
de ses notes ; sa longueuret sa forme étaient approxi-
mativement celles des pianos à queue modernes, son
mécanisme à sautereaux était analogue à celui de
l'épinette.
Son étendue de clavier était d'ordinaire de cinq
octaves, parfois de cinq octaves 1/4; il était monté
en cordes métalliques; on trouve cependant trace de
quelques clavecins montés en cordes de boyau, mais
cette disposition n'a constitué que de rares excep-
tions.
De nombreux facteurs de talent se distinguèrent
dans la fabrication de cet instrument, auquel on pro-
digua parfois une décoration extrêmement riche.
Les plus réputés de ces facteurs furent en Angle-
terre : ZuMPE, BuRCKHARDT-TscHUDi ; en Allemagne :
Stkin, Schrœter, Silbermann, le Florentin Gristofori,
les Anversois Hans et Andréa Ruckers; en France :
Faiîy, Marius, les Blanciiet, dont trois générations
successives s'adonnèrent à la fa-
brication du clavecin, Pascal Tas-
KiM, plus près de nous John Broad-
wooD de Londres, élève de Bur-
CKHARDT-TscHUDi, et enflu Sébas-
tien Krard, né à Strasbourg, mais
dont toute la carrière active se
déroula à Paris.
De notables perfectionnements
furent apportés au clavecin par
Hans Ruckers, qui le dota d'un
double clavier et, afin d'obtenir
une sonorité plus forte, adjoignit
au plan de cordes habituel, com-
I. Probabtement ainsi .appelée Ju nom du premier constructeur,
!c Vénitien Giovanni Si'lsE'itl.
FiG. 106(5. — Clavecin à tlcux claviers.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÈDACOGIE
LA HARPE ET SA FACTURE 20f>3
porlant deux cordes par iiole accordées à l'unisson,
un deuxième rang de cordes plus fines et plus courtes
accordées à l'octave au-dessus, cordes que faisait
parler le second clavier et qui venaient amplifier le
son du rang fondamental.
On pouvait, au besoin, actionner les trois cordes
à la fois, à l'aide du même clavier, ce qui permettait
de varier les effets de sonorité.
Ces diverses combinaisons étaient réglées par un
système de pédales, de genouillères et de boutons.
Conjointement aux cordes de fer pour les notes
Fia. 1067. — Sautereaux d'un clavecin à deux claviers.
moyennes et aiguijs, RurKERS employa des cordes de
cuivre pour les notes basses, ce qui leur donna une
sonorité plus ronde.
De leur côté, certains facteurs anglais, pour mieux
permettre au son de s'épanouir, formèrent le cou-
vercle de leurs instruments de jalousies à lames mo-
biles que l'on pouvait ouvrir et fermer à volonté.
Si nous ajoutons que le clavecin était parfois ac-
couplé à un petit orgue, que parfois aussi on lui ajou-
tait des rangs supplémentaires de sautereaux qui, au
lieu d'être armés comme d'habilude de petits coins
de cuir ou de becs de plume, élaient garnis de buffle,
de baleine, de parchemin ou d'autres matières, en
vue de leur faire produire un son imitant celui du
luth, de la harpe ou d'aulres instruments, on se ren-
dra compte des recherches auxquelles se livrèrent
les facteurs de l'époque et des efforts qu'ils firent
pour donner le plus possible satisfaction aux exi-
gences sans cesse croissantes des artistes auxquels
les ressources du clavecin ne suffisaient plus.
Ce fut en 17H que le Florentin Bartolomeo Cris-
TOFORi construisit un clavecin dans lequel les saute-
reaux qui pinçaient les cordes étaient, pour la pre-
-zMi,
FiG. 1068. — Mécanique de Cristoi ori.
mière fois, remplacés par de petits marteaux qui les
frappaient.
En 1716, le facteur parisien Marius, qui semble ne
pas avoir eu connaissance des essais de Cristofori
et qui visait aux mêmes résultats, produisait de son
côté un clavecin dit « à maillets », qui fut à ce point
remarqué qu'il fit l'objet d'une communication à
l'Académie des Sciences. En Allemagne, vers la même
époque, Schrœter de Dresde et, un peu plus tard,
SiLBERM.'VNN de Frevberg fabriquèrent des clavecins à
marteaux, dont la mécanique pouvait jouer piano et
forte, ce qui marquait un nouveau progrès.
Enfin, en 1772, Sébastien Erard, en construisant
FiQ. 1069. — Mécanique de Schrœtbr.
pour M. de la Rlancherie son célèbre clavecin méca-
nique, portait l'instrument au plus haut point de per-
fection qu'il eût atteint jusqu'alors.
Malgré toutes ces améliorations, qui n'allaient
malheureusement pas sans comporter de très gran-
des complications et, par suite, de trop nombreuses
chances d'accidents, le clavecin ne répondait plus aux
besoins du monde musical, qui réclamait un autre
instrument.
Ce nouvel instrument était le piano, entrevu et
ébauché par Cristofori, Marius, Schrœtër et Silber-
UANN.
LES DEBUTS DU PIANO
Si le piano était demeuré ce qu'il était à son ori-
gine, il n'aurait probablement jamais remplacé le
clavecin; inégal de son, lourd de toucher, laissant
entendre le coup du marteau, paresseux de méca-
nisme, forçant l'exécutant à êtreattentif pour attein-
dre sûrement la corde et ne pas laisser le marteau
s'y coller en étoulfoir, le piano primitif fit douter
pendant longtemps qu'on en pût jamais faire autre
chose qu'un médiocre instrument d'accompagne-
ment.
Que d'efforts patients et intelligents il a fallu aux
ingénieux facteurs qui s'occupèrent de la construc-
tion de ces instruments, que d'essais cent fois renou-
velés pour établir le corps sonore et lui donner a la
fois la force et la résistance nécessaires pour ne pas
se déformer sous l'action du tirage des cordes, pour
choisir la table de résonance la plus sensible, pour
déterminer la longueur et la grosseur relative des
cordes, le nombre qu'il en fallait attribuer à chaque
note afin d'obtenir la puissance et l'égalité du son,
que de tâtonnements enfin, avant de trouver le point
juste où le marteau doit frapper pour produire la
sonorité la plus franche!
Que d'efforts également pour réaliser cette méca-
nique à la fois solide et docile au toucher, au moyen
de laquelle l'artiste rend les nuances les plus déli-
cates, bref, pour arriver au piano tel qu'il se fabri-
que aujourd'hui!
C'est en Allemagne que furent construits, au com-
mencement du xviu' siècle, les premiers pianos en
forme de clavecin.
Les auteurs les plus connus de ces premiers ins-
truments sont Schrœter, Silbebmann, Frederici,
Stein, Streicher. Les mécaniques employées par
ces facteurs étaient des plus rudimentaires. On en
2064
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
juf,'era par la (îsure ci-dessous rcprésenlanl l'une
d'elles, dénommée « mécanique à pilote ».
En 1796, un jeune facteur français, originaire de
FiG. 1070. — Mécanique à pilole.
Strasbourfi, Sébastien Ebard, que ses travaux et ses
inventions devaient bientôt rendre célèbre, et qui
s'était déjà signalé par le clavecin de M. de la Blan-
clierie dont il a été parlé plus haut, produisit une
nouvelle mécanique dite « à échappement », qui mar-
quait sur sa devancière un notable prof;rès.
Dans celte mécanique, que représente la figure ci-
après, le marteau poussé par le pilote échappait au-
tomatiquement à deux millimétrés de la corde; en
échappant, il faisait sortir de son cran la pièce par
laquelle la touche commandait le marteau, et il
fallait que la touche reprît sa position première
pour que le mécanisme piU de nouveau soulever le
marteau.
Malgré cet inconvénient, ce système avait sur le
mécanisme à pilote la supériorité d'une plus grande
précision du coup de marteau, ce qui peimettait à
l'exécutant de mieux nuancer son jeu. Il y avait
touche se relever, lorsqu'elle a été abaissée, pour
faire de nouveau agir le marleau; il s'ensuit qu'avec
ce système, la rapidité de la répétition est beaucoup
plus grande et que la dépense de force physique de
"exécutant se trouve de beaucoup diminuée.
Voyons de quelle manière s'opère le fonctionne-
ment de cette mécanique.
La touche, dont le point de bascule est en A, agit
sur le mécanisme par l'intermédiaire du pilole I!,
articulé en B' dans la touche et en G dans le grand
levier. Ce grand levier, mobile en D, porte a son
extrémité antérieure un échappement en forme d'é-
querre GKF, mobile en E.
Lorsque la mécanique est au repos, la branche F
de cet échappement qui traverse le petit levier vient
['•''f??'";'f^^'^'V\V'^vy-^'^'"'' ^^'^''?y^'^^'j??^^^^'',s\\^-'-'"' ' Z"^" "' ;
^1^
Fht. 1071. — Mécanique h échappement d'ÉuARi
progrès, mais le résultat acquis était encore insuf-
fisant.
Stimulés par les succès de Sébastien Erard, les
plus habiles facleuis de l'époque rivalisaient d'elforts
pour résoudre le difficile problème qui s'imposait à
leurs communes préoccupations ; des essais sans
nombre étaient tentés dans ce but en Allemagne, en
Autriche, en Angleterre aussi bien qu'en France, mais
tous demeuraient stériles.
La mécanique réunissant à la fois la précision du
fonctionnement, la facilité du toucher et la rapidité
de la répétition, semblait introuvable, lorsque, par
sa géniale invention de la « mécanique à double
échappement » ou « mécanique à répétition » , Sébas-
tien Erard lit du piano un instrument pouvant satis-
faire l'exécutant le plus dilTicile.
Cette invention, qui marque le plus grand progrés
qui ait été réalisé dans la facture du piano, mérite
d'être expliquée.
Dans la mécanique à double échappement ou mé-
canique à répétition, l'action de la touche sur le
marteau s'exerce à tout point de la course de celui-
ci, et il n'est pas besoin, par conséquent, de laisser la
l'is. 1072. — Mécanique h double échappemenl d'KRABD (ISSIi).
porter sous le rouleau qui se trouve sous le manche
du marteau.
Sur la pièce H est fixée l'attrape !N,, laquelle tra-
verse le manche du marteau près de la tête, et a pour
fonction d'empêcher le (loltement de celui-ci au
moment on ilvienl d'attaquer la corde.
De la même pièce H, part un ressort à deux bran-
ches, dont l'une maintient à sa place le petit levier,
et l'autre l'échappement.
Que se produit-il au moment où l'on a frappé la
touche pour faire parler la note?
Le grand levier soulevé par le pilole BG s'est re-
levé et, avec lui, l'échappement GEF, dont la bran-
che F a poussé le marleau
\ , l'n vers la corde, mais, la tête
du marteau étant parvenue
à trois millimètres de cette
corde, la branche G de
l'échappement a rencontré
le bouton V, et l'équerre a basculé, abandonnant le
marteau qui a continué seul sa course, poussé par
la force acquise.
Au môme moment, un petit organe métallique en
forme de T renversé, vissé sous la tige du marteau,
près du rouleau, est venu s'appuyer sur l'extrémité
du petit levier, soutenant le marteau, de sorte que,
si peu que l'on laisse la touche se relever, fût-elle
presque à fond, l'échappement est ramené sous le
rouleau, et l'on peut faire parler et répéter la note
avec une grande rapidité.
Lorsque, en abaissant la touche, on fait monter le
grand levier, l'extrémité postérieure de celui-ci ap-
puie sur le vilebrequin P dans lequel est vissée la
tige qui porte la tête de l'étoiiffoir; ce vilebrequin
descend, débarrassant la corde de l'étoulïoir et la
laissant vibrer libi'ement; dès que ia touche remonte
et que le grand levier descend, le vilebrequin, poussé
par son ressort, remonte, et l'étouffoir vient repren-
dre sous la corde sa place antérieure.
Telle est, sommairement décrite, celte capitale
invention qui, en portant d'un seul coup le piano à un
point de perfection inespéré, devait en faire en peu~
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA FACTURE îons
de temps le plus poimlaire et le plus répandu des
instruments.
Ce fui à l'Exposition de Paris, en 1823, que le pre-
mier piano pourvu de cette mécanique fut présenté
au public.
Les autres parties de l'instrument ne lardèrent pas
à être mises en harmonie avec l'admirable méca-
nisme dont Krard venait de le doter.
La table de résonance en fut agrandie et fortifiée;
on augmenta la longueur et la grosseur des cordes,
ainsi que la force de résistance du barrage, de la
caisse et des sommiers; aux cordes de cuivre de la
basse, on substitua des cordes d'acier recouvertes
d'un lit de cuivre ou de laiton d'une sonorité plus
forte et plus franche; enfin, les marteaux, autrefois
garnis de cuir ou de peau qui avaient l'inconvénient
de durcir assez rapidement, furent garnis d'un feutre
spécial faisant rendre à la corde un son plus rond et
plus harmonieux.
De ces améliorations successives, dues aux elforlg
persévérants d'une pléiade de facteurs émérites, ré-
sulta le piano moderne qui, en raison de sa puis-
sance de son, de son jeu facile et de ses multiples
ressources, est promptement devenu l'instrument
de prédilection des virtuoses et des compositeurs.
Le piano, telqu'ilse fabrique aujourd'hui, se com-
pose d'un corps sonore formé d'une table de réso-
nance dite (( table d'harmonie », s'appuyant sur une
charpente nommée << barrage »; à cette table est
fixé un chevalet sur lequel sont tendues des cordes
d'acier ; chaque corde est fixée par l'une de ses ex-
trémités à une pointe, -et enroulée à l'autre extrémité
sur une cheville de fer servant à l'accorder; ces
cordes sont mises en vibration au moyen de mar-
teaux actionnés par un mécanisme auquel corres-
pondent les touches d'un clavier.
Ces divers organes sont enfermés dans une caisse
qui alfecte une forme et des proportions différentes,
suivant que le piano est « à queue » ou " droit )>.
Lorsque le marteau en frappant la corde la met
en vibration, cette corde entraîne à la fois dans son
mouvement d'oscillation le chevalet sur lequel elle
s'appuie et la table d'harmonie sur laquelle est collé
le chevalet; l'ébranlement de la table d'harmonie
déplace la couche d'air en contact avec elle et pro-
page les ondes sonores que perçoit notre oreille.
Le harvaije d'un piano doit présentei' une grande
solidité; il est formé d'un cadre de forts barreaux de
FiG. 1071. — BarragTi d'un piano droit.
sapin réunis par des entretoises qui en maintiennent
l'écartement ; il supporte :
{" la taille de résonance;
■2" le sommier d'accroché, — plaque de métal ou
cadre métallique, — muni des pointes auxquelles
sont accrochées les cordes par l'une de leurs extré-
mités ;
.3° le sommier de chevilles, pièce de boi^ dur,
hêtre ou érable, dans laquelle sont enfoncées les
chevilles sur lesquelles viennent s'enrouler les cordes
à leur autre extrémité.
C'est à l'aide de ces chevilles que les cordes sont
tendues et accordées.
La corde s'appuie sur le chevalet entre deux pointes
métalliques contre lesquelles elle dévie successive-
ment et, avant d'aboutir à la cheville, passe par un
sillet qui la coude légèrement : la partie vibrante de
• Fi6. 1073. — Barrage d'un piano à queue
Fii4. 1075. — Corde tendue sur le chevalet.
la corde se trouve, par suite, comprise entre le che-
valet et le sillet.
Le nombre des cordes dans un piano varie suivant
l'étendue du clavier; la plupart des notes compor-
tent trois cordes, d'autres deux, d'autres enfin une
seule; ce sont celles de l'extrême basse.
Ces cordes sont de longueur et de diamètre diffé-
rents, suivant la hauteur de la note qu'elles doivent
produire. Autour de celles de la basse, est enroulé un
til de cuivre ou de laiton destiné à augmenter leur
sonorité.
Les touches blanches du clavier correspondent aux
notes qui composent la gamme à'ut majeur, les
touches noires représentent les demi-tons complé-
mentaires; la succession des touches blanches et des
1»0
2066
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
touches noires forme la fi;amme cliromatique, dont
toutes les noies successives sont à un demi-ton les
unes des auties.
La mécanique met en mouvement un marteau qui
FiG, 1076. — Une octave de touches.
frappe la corde; cette mécanique doit remplir diffé-
rentes conditionsjndispensables, entre autres la légè-
reté, la précision et le fonctionnement sans bruit.
Le marteau doit frapper la corde aussitôt
que le doigt a enfoncé la touche, se retirer de
lui-même quand il a été mis en contact avec
la corde, et rester suspendu tout le temps que
le doigt demeure sur la touche.
11 faut, de plus, qu'un organe destiné à étouf-
fer le son et que l'on appelle «élouffoir » quitte
la corde par le seul fait de la percussion, et se
replace sur ou sous la corde pour l'empêcher
de vibrer lorsque le doigt quitte la touche.
Le piano possède aussi, sous forme de péda-
les^, le moyen de modifiera volonté l'inlensilé
du son.
Les pédales constituent un double levier
acliomié par les pieds, d'où leur nom; l'une
d'elles, dite " pédale douce », soit en faisant
glisser un peu le clavier, comme dans le piano
à queue, de manière que le marteau ne frappe
plus que deux cordes au lieu de trois, soil en inter-
posant un morceau de drap ou de feutre entre la
corde et le marteau, soit en diminuant la force
du coup de marteau, soit encore en faisant faire au
marleau un petit mouvement de côté pour qu'il ne
frappe plus la troisième corde, comme dans le piano
droit, permet d'obtenir une diminulion plus ou moins
sensible du son.
L'autre, dite « pédale forte », produit un effet
inverse en laissant vibrer à la fois toutes les notes
débarrassées de leurs étoulfoirs.
Ainsi que nous venons de le dire, les pianosse clas-
sent aujourd'hui en deux types principaux :
les pianos à queue;
les pianos droits.
Le piano à queue est, de toule évidence, celui dont
la supériorité s'iiupose; il la doit à l'étendue plus
grande de sa table d'Iiarmonie, à la perfection de
son mécanisme répétiteur, à la longueur de ses
cordes, à la façon normale dont elles sont attaquées
parlesmarteau.Ketà leurhorizontalilé (|ui fait qu'une
fois frappées, elles ne demandent qu'à continuer
leurs amples vibrations, ne reprenant l'état de repos
que par la résistance de l'air et de leurs points d'at-
tache, tandis que les cordes verticales ou plus ou
m oins obliques des pianos droits tendent, au contraire,
à retrouver beaucoup plus vite l'aplomb qui leur est
naturel, et rendent par conséquent un son plus court.
A tous les points de vue, le piano
à queue demeure donc l'instrument
par excellence, et c'est à lui qu'iront
toujours les préférences de tous les
musiciens.
Du piano carré, ainsi nommé en
raison de sa forme qui rappelle
celle d'un table à écrire, et qui,
après avoir connu une période de
vogue, est aujourd'hui complète-
ment délaissé, nous ne dirons que
(juelques mots.
Dans le piano carré, comme dans
le piano à queue, les cordes sont
tendues horizontalement, mais se
présentent obliquement à la ligne des marteaux ; le
mécanisme eruplo3'é dans ces instruments a été
d'abord la mécanique à pilote, ensuite la mécanique
1, Pour apprécier à toute sa valeur le rôle des pédales dans le
jtiaiio, lire le très remaniuable ouvrage d'Alliert Lavignac, professeur
d'harmonie au Conservatoire d(! Musique, intitulé l'Ecole de la Pé-
dale, qui représente re qui a été écrit de plus complet et de plus
judicieux sur la matière.
Fia. t077. — Piano carré.
à échappement, parfois même la mécanique à répé-
tition.
D'une puissance de son moindre que le piano à
FiG. 107S. — Intérieur d'un piano carré.
queue, moins robuste aussi de mécanisme, à cause
de la disposition beaucoup plus resserrée de ses
organes, d'une forme à la fois peu gracieuse et
encombrante, il ne constitua qu'un instrument de
transition et disparut graduellement vers le milieu
du xix« siècle, à mesure que grandissait la faveur
accordée par le public au piano droit.
Le piano droit.
C'est au fadeur anglais William Southwell que
revient le mérite d'avoir construit, vers tSOT, le pre-
luier piano droit, dont l'idée lui fut vraisemblable-
ment suggérée par le harpsichorde droit du l'Idren-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉIUGOCIE
LE PIANO ET SA FACTURE 2067
tin liiGOLi (1620), ou par le piano à queue verticale
lie STODAriT (1795).
ILn 1826, RoLiert Wornum, de Londres, et, en 1837,
floLLER, de Paris, construisirent des instrument qui
s'inspiraient du même principe, mais plus perfec-
tionnés; ceux de Holler surtout se distinf^uaient
par des (jiialités spéciales qui les firent considérer à
l'époque comme des modèles du genre, et qui popu-
larisèrent rapidement le nom de leur auteur. Ce type
d'instrument, aujourd'hui très répandu à cause de
Fis. 1079. — Piano droit.
ses proportions restreintes, et de son bon marché
relatif, a complètement supplanté le piano carré.
Dans le piano droil, dont la (igure ci-dessus indi-
que la forme générale, la table d'harmonie se pré-
sente verticalement ; elle est fixée sur un fond composé
de forts barreaux de sapin disposés dans le sens des
cordes, lesquelles sont tendues tantôt dans une direc-
tion verticale, tantôt dans une direction demi-obli-
que ou oblique, d'où les nomsde piano vertical, piano
demi-oblique, piano oblique donnés à ces divers types
d'instruments.
La mécanique du piano droits alTecte une dispo-
sition appropriée à la forme de l'instrument.
Cette mécanique, comportant obligatoirement des
ressorts destinés à renvoyer les marteaux en arrière
une fois qu'ils ont frappé les cordes, est moinsagréa-
ble au toucher que celle du piano à queue, dans
laquelle les marteaux retombent d'eux-mêmes par
leur propre poids; son attaque est également moins
énergique, en raison de la résistance qu'opposent les
ressorts, résistance qui, si bien compensée qu'elle
soit, demeure toujoni-s un peu sensible.
La direction plus ou moins obli-
que des cordes permet d'en aug-
menter la longueur et favorise en
même temps leurs vibrations.
Les deux systèmes de mécani-
ques les plus généralement em-
ployés dans les pianos droits sont
la mécanique dite à lames et celle
dite à baïonnettes.
Dans la mécanique à lames, que
Fi6. lOSO. — Mécanique de pianu droit k lames.
représente la figure ci-dessus, l'étoulloir s'applique au
dessous de la ligne du frappé des marteaux, sur un
point de la corde où les vibrations sont plus amples,
et où son action est, par suite, plus efficace, tandis
que, dans la mécanique à baïonnettes, l'étouffoir, fixé
au bout d'une broche de laiton coudée en forme de
baïonnette, va porter au-dessus du point frappé par
le marteau, dans un espace étroit où il rencontre
généralement les pointes du sillet, et où il produit
naturellement un effet moins efficace.
A ce titre, la mécanique à lames présente donc
FiG. lOSl. — Mécanique dp piano droit à baïonnettes.
une supériorité; elle tend du reste de nos jours à se
répandre de plus en plus.
Le mode d'action de la pédale douce varie aussi
dans les pianos droits.
Tantôt, la diminution du son s'obtient à l'aide
d'une bande ou d'une série de languettes de feutre
ou de Uanelle venant s'interposer entre les marteaux
et les cordes, tantôt en faisant faire aux marteaux
un léger mouvement de côté, de manière à ne leur
laisser frapper que deux cordes sur trois, tantôt en
diminuant la course du marteau et, par suite, la force
de son attaque.
Ces divers systèmes ont leurs partisans, mais les
plus généralement adoptés sont les deux derniers.
Nous ne pouvons malheureusement évoquer ici les
noms de tous les facteurs qui, par leurs inventions
ou par les perfectionnements dont ils l'ont doté, ont
porté le piano à son état actuel; l'énuméralion en
serait trop longue; nous nous bornerons à mention-
ner, dans l'ordre chronologique, les plus marquants
d'entre eux.
Aux premiers inventeurs dont nous avons déjà cité
les travaux : Christoi-ori, Mauius, .Schboeteu, Siliieh-
MANN, Frederici, Stkin, Séb. Erard, il convient d'a-
jouter :
JohannèsZuMPEqui, en 1763, construisit à Londres
le premier piano carré.
Bl'rckhardt-Tschudi et son collaborateur John
Broadwood, également de Londres, qui commencè-
rent, en 1767, à construire des instruments de même
lype, mais plus perfectionnés.
Robert Stodart, de Londres, qui construisit en
1777, d'après un brevet acheté à Allen et Tiiosi, un
piano à queue présentant cette particularité (|ue le
barrage en était constitué par des barres tubulaires,
et plus tard, en 1793, un piano à queue verticale.
HiLLEiîRAND, facteur allemand fixé en France, qui
fabriqua, vers 1783, des pianos avec marteaux frap-
2QCS
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
paiH au-dessus des cordes, comme l'avait déjà fait
Mabius, système au moyen duquel le son devenait
plus doux et le toucher plus sensible. HiLLEBHANDest
considéré comme ayant construit, vers 1790, le pre-
mier piano dans lequel les cordes se croisaient.
WiLRiNsoN, de Londres, inventeur d'arches en fer
reliant le sommier de chevilles à la traverse servant
de support à la table d'harmonie, afin de contre-
balancer le tirage des cordes.
John Bhoadwood, de Londres, imagina, en 1808, de
remplacer les arches de fer de Wilkinson par des
barres de fer plus résistantes, ce qui lui permit de
monter ses pianos encordes plus fortes. John Broad-
wooD est de tous les facteurs anglais celui qui con-
tribua pour la plus large part aux progrès réalisés
en Angleterre dans la construction des pianos au
commencement du xix" siècle.
Camille Pleyel, de Paris, fils et successeur d'Ignace
Pleyel, auteur d'un piano unicorde (1825), dans
lequel une seule corde, de diamètre naturellement
plus fort qu'une corde ordinaire, était destinée à
produire l'effet des deux ou trois cordes habituelle-
ment employées; ce même facteur imagina, en 1826,
un cadre en fonte de fer, fit breveter, en 1830, une
table d'harmonie revêtue d'un placage à contre-fil,
et produisit, en 1844, une mécanique permettant
d'obtenir plusieurs sous à la fois.
La Maison Pleyel a inventé, depuis, un piano péda-
lier, une pédale tonale permettant de prolonger le
son de certaines notes, un clavier transpositeur pou-
vant s'adapter à tous les pianos et, plus récemment,
une pédale harmonique qui laisse vibrer à volonté
un accord frappé, alors que les doigts ont quitté les
touclies.
Par l'ensemble de leurs travaux, la qualité et le
fini des instruments sortis de leurs ateliers, les
Pleyel et leurs successeurs furent, avec les Erard
et Henri Herz, les facteurs qui contribuèrent le plus
à établir, à maintenir et à propager la légitime répu-
tation des pianos français.
Baiscocb, de Philadelphie, établit, en )82ù, un piano
carré avec cadre en fer fondu d'une seule pièce, qui
est habituellement considéré comme le premier piano
construit avec cette disposition.
Cette même invention a été parfois attribuée à
Petzold, mais le brevet que prit ce facteur ne datant
que de 1829, il semble bien que ce soit Babcock qui
ait eu, le premier, l'idée du cadre métallique fondu
d'une seule pièce.
De son cùté,J.-N. Pape, d'origine allemande, mais
fixé à Paris, fabriqua, en 1826, un piano pourvu d'un
cadre en fer fondu avec ses pointes, et innova la
même année en France l'emploi du feutre pour la
garniture des marleaux, disposition adoptée depuis
par tous les facteurs.
Pape, qui se distinguait par un esprit inventif et
une ingéniosité remarquable, donnait volontiers à
ses pianos les formes les plus diverses, forme table,
forme guéridon, forme ronde, forme console, forme
ovale, etc. ; il essaya aussi de remplacer les cordes
par des ressorts d'acier, alin (^"éviter autant que pos-
sible les variations de l'accord.
En 1827, KoLLER el Bla.nghet, facteurs parisiens,
produisirent un piano vertical qui semble avoir élé
le premier instrument de ce genre construit en
France, et qui éveilla sur ce nouveau type, qui de-
vait rapidement se populariser, l'attention des fac-
teurs et du monde musical.
On doit à,, ces mêmes facteurs ua piano à queue à
double table d'harmonie et double rang de cordes.
Pierre Erard, de Paris, neveu et successeur de Séb.
Eraud, créa, en 1830, la barre harmonique qui donna
aux notes hautes du piano une plus grande pureté
et une plus grande intensité de son; il produisit, en
1850, un nouveau système de barrage en fer dans
lequel un sonmiier de bronze, parallèle aux chevilles,
formait avec le sommier d'accroché un châssis en
métal d'une grande solidité; il est également l'au-
teur d'agrafes perfectionnées et d'un piano à queue
avec clavier de pédales, dans lequel le clavier des
mains et celui des pieds agissaient sur les mêmes
marleaux.
J.-L. BoissELOT, de Marseille, inventeur en 1839 du
piano Cledi-harmonique, en 1843, du piano à double
son dans lequel les marleaux frappaient à volonté
cinq cordes, trois à l'unisson et deux à l'oclave au-
dessus, et finalement du piano Plani-corde, dans
lequel les cordes étaient remplacées par des lames
d'acier.
Kriegelstein, Alsacien fixé à Paris, auteur d'agra-
fes de précision (1841) et d'une mécanique à double
échappement très appréciée (1844|.
A. F. Deuain, de Paris, inventeur fécond qui ima-
gina, en 1848, un piano mécanique qu'actionnait une
manivelle.
Mercier, de Paris, élève de Roller, auteur d'un
piano transposant au moyen de touches brisées agis-
sant sur plusieurs leviers suivant le déplacement du
clavier (1831).
Claude Montal, facteur aveugle, qui imagina en
1831 une mécanique à échappement continu, et pro-
duisit, en 1838, un piano à sons soutenus.
\N OLrEL, auteur d'en piano avec clavier en forme
d'arc decercle permeltanl aux petits bras d'en attein-
dre plus facilement les extrémilés; auteur également
d'une cheville à vis pour faciliter et assurer l'accord.
Mangeot frères, de Nancy, auteurs, en 1878, d'un
piano à queue à deux claviers renversés.
Cet instrumenl était formé de deux pianos super-
posés, de façon que la note la plus grave du premier
se trouvât en face de la note la plus aiguë du second,
disposition ayant pour but de supprimer l'écarte-
ment des bras pour atteindre aux limites extrêmes
de l'étendue du clavier et les croisements de mains.
Beaucoup de ces inventions, pour la plupart très
ingénieuses, n'ont laissé qu'une trace purement do-
cumentaire, soit que leur utilité ne se soit pas suf-
fisamment affirmée, soit qu'elles aieot présenté dans
l'application des difficultés hors de proportion avec
les avantages poursuivis; il élait intéressant cepen-
dant de les mentionner, ne fût-ce que pour montrer
à quelles recherches se sont livrés leurs auteurs, et
les efforts de toute nature qui ont été faits pour
compléteretaméliorerrinstrumenl qui nous occupe.
Parmi les facteurs qui, dans les différents pays,
ont le plus marqué dans leur industrie, nous cite-
rons, en dehors de ceux déjà nommés :
Pour r.\llemagne :
Bechstein, Blithner, les Ibach, Kaps, les Schied-
ÎIAYER.
Pour l'Amérique:
Baldwiin, Chickerlnc, Knaiie, Maso.n et Hamll\, les^
Steinway, Weber.
Pour l'Angleterre :
BkLNSUEAD, GuAPPEL, CoLLARD, HOPRINSON.
TEC/INIQUE, ESTIlÉTinVE ET PÉDACOGIE
LE PIANO ET SA FACTURE 2069
Pour rAiHric,lie-linni»rie :
Les BôSENDORFRB, I^HRIiAn, SCHWEIGIIOI-F.R.
Poui'Ja fielgiqiie :
Berdkn, (ïlnthkr, V'ogelsangs.
Pour la Russie :
Becker, Schrodf.r.
Pour la France :
Elgre, Gaveai;, Wolffx.
C'est des eîTorts combinés de ces inventeurs, de
ces chercheurs infatigables, toujours en quête d'un
perfectionnement, d'un progrès ou d'une simple amé-
lioration, qu'est résulté le piano moderne, — dont
l'Académie des Beaux-Arts dans sa séance du 13 juil-
let 18tî| a pu dire à si juste titre n qu'il est de tous
les instruments celui dont l'étude a exercé la plus
grande iniluencesur le développement de l'art mu-
sical à notre époque ».
Il n'est pas sans intérêt de dire maintenant quel-
ques mots de deux questions qui, surtout depuis
l'Exposition Universelle de Paris en 1867, ont suscité
de nombreuses controverses, le croisement des cor-
des et le châssis de fer, double disposition adoptée
aujoui'd'hui par la presque généralité des facteurs.
Le croisement des cordes.
Dans la pensée d'amplifier la sonorité de leur pia-
nos en augmentant l'écartement des cordes, et en
rapprochant le plus possible les chevalets du centre
de la table d'harmonie, la plupart des facteurs ont
adopté une disposition consistant il tendre leurs
cordes sur deux plans différents, superposés du côté
opposé au clavier, et alfeclant chacun une forme en
•éventail ainsi que le démontre la vue ci-aprés.
FiG. 10S2. — Intérieur d'un piano à qurue ■■< cordes croisée?.
S'il est vrai que cette disposition ait pour effet de
favoriser la sonorilë générale de l'instrument, elle a
pour conséquence de rendre cette sonorité un peu
moins nette; ce que l'on gagne d'un côté, il semble
qu'on le perde de l'autre, et on peut, par suite, se de-
mandersi le résultat obtenu n'est pas acquis au prix
d'un trop grand sacrifice.
I.r châssis de fer.
Quant au châssis de fer, c'est-à-dire au cadre en
fonte de fer ou en fonte aciérée d'une seule pièce
faisant former un tout au sommier de chevilles et au
sommier d'accroché, que presque tous les facteurs ont
également introduit dans leurs pianos, et sur lequel
sont tendues les cordes de l'instrument, il présente
l'avantage de fournir à la corde deux points d'attache
inébranlables, ce qui lui permet de mieux conserver
son accord; cet avantage est surtout appréciable
dans les pavs où il se produit de grandes et brusques
variations de température, ou dans lesquels on fait
communément usage de moyens de chaufl'age inten-
sifs, dont les effets sont éprouvants pour les bois et
auxquels les instruments qui ne sont pas pourvus de
ce châssis demeurent plus sensibles ; mais, il en est
du châssis de fer comme du croisement des cordes,
la supériorité dont il peut se réclamer au point de
vue de la tenue de l'accord a une contrepartie; la
masse de fonte introduite dans l'instrument lui donne,
en effet, un timbre plus métallique, et, ici encore, la
question est de savoir si ce que l'on gagne d'un côté
compense bien ce que l'on perd de l'autre.
Les deux opinions sont également soutenables, et
chacune d'elles compte des partisans aussi bien parmi
les artistes que dans le monde des dilettantes; nous
devons toutefois reconnaître que la théorie du châs-
sis de fer et du croisement des cordes tend de plus
en plus à prévaloir, et que c'est aujourd'hui dans
cette voie que se sont engagés la presque généralité
des facteurs.
CONSTRUCTION DU PIANO
Voyons maintenant comment se construit un
piano.
Il entre dans la fabrication d'un piano les maté-
riaux les plus variés, tels que le fovr, l'acier, le cuivre,
le drap, le feutre, le molleton, la soie, l'ivoire, le
cuir, la peau, etc. Mais celui qui, dans sa construc-
tion, joue le rùle le plus important, est avant tout
le bois.
Sans parler des essences qui servent surtout au
placage et à l'ornementation extérieure, telles que le
palissandre, l'acajou, le citronnier, le thuya, l'am-
boine, le noyer, etc., il entre dans la fabrication de
tout piano du sapin, du hêtre, du chêne, de l'érable,
du tilleul, du charme, du sycomore, de l'ébène, de
l'épicéa.
Ces différentes sortes de bois ne s'emploient pas
indistinctement, mais suivant les qualités qui domi-
nent dans chacune d'elles et qui conviennent le mieux
aux différentes parties de l'instrument
Le sapin, raide, résistant, est plus indiqué que tout
autre pour le barrage.
Lechme, dur, robuste, peu sujet à être attaqué par
les insectes, se recommande pour la caisse et les
barres minces qui réclament beaucoup de solidité.
Le hêtre et l'érable, durs et compacts, peu sujets
â se fendre, sont généralement préférés pour les
sommiers; les chevilles y conservent mieux qu'elles
ne le feraient dans tout autre bois l'adhérence néces-
saire à la bonne tenue de l'accord.
2070
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSJQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
L'épicéa, à la fibre régulière, élastique et sonore,
fournit la meilleure table d'harmonie.
Le tilleul, tendre, léger, rigide, tourmentant peu,
se coupant admirablement, fournit les meilleures
touches.
Dans la mécanique, entre également de l'acajou,
du charme, du sycomore, du cèdre, du cédra, de
l'ébène; ce dernier bois est employé pour les dièses
on touclies noires du clavier.
Du choix de ces bois, de leur minutieuse prépara-
tion, de leurlong séchage et de leur judicieux emploi,
dépend en grande partie la qualité de l'instrument.
Sans entrer dans tous les détails de la fabrication
d'un piano, nous allons indiquer sommairement, et
dans l'ordre où elles s'accomplissent, les différentes
opérations dont elle se compose.
Ces opérations sont :
la construction du barrage;
le tablage;
la construction de la caisse;
le montage des cordes;
le vernissage;
l'exécution, la mise en place, le réglage delà mé-
canique et du clavier;
l'égalisation et l'accord.
Le barrage, qui est le point de départ de l'instru-
ment, consiste, ainsi que nous l'avons dit, en un
nombre variable de forts barreaux de sapin réunis
par des entretoises qu'encadre le châssis intérieur
sur lequel sera collée la table d'harmonie.
Ce « fond », comme on l'appelle en terme de fac-
ture, est la pièce de résistance qui doit supporter
l'effort parfois très considérable de la tension des
cordes.
Le tablage. — La table d'harmonie est faiteenplan-
ches de sapin de Hongrie ou de Galicie (Epicéa) débi-
tées bien sur maille, appareillées et collées avec un
soin extrême et rabotées ensuite à une épaisseur
déterminée; une fois rabotée, elle est pourvue des
barres qui doivent la raidir et lui permettre de mieux
résister à la pression des cordes.
Sur la table ainsi préparée, le tableur colle le che-
valet qui doit supporter les cordes et en communi-
quer les vibrations à celle-ci, puis il colle la table
sur le châssis, visse et boulonne sur le barrage soit
la plaque d'accroché que réunissent au sommier de
solides barres de fer, soit le châssis métallique, lors-
qu'il s'agit d'un instrument à cadre en fer; à cette
plaque oij à ce châssis, pourvu au préalable des
pointes nécessaires, viendront plus tard s'accrocher
les cordes; il perce dans le sommier formé de plu-
sieurs épaisseurs de hêtre ou d'érable, collées l'une
sur l'autre à fil contrarié, les trous destinés à rece-
voir les chevilles, et fixe dans le chevalet les pointes
entre lesquelles viendront passer et se couder les
cordes.
Le fond une fois tablé, pourvu de son chevalet, de
son sommier de chevilles, de sa plaque d'accroché
ou de son châssis métallique, est remis aux mains du
caissier.
Le caissier revêt ce fond de son enveloppe exté-
rieure, dont toutes les parties ont été plaquées au
préalalile; la caisse ainsi montée passe alors à l'ate-
lier du monteur de cordes, où sont posées les che-
villes et les coides.
Chaque corde, tordue à son extrémité en forme de
boucle, est accrochée par cette boucle à l'une des
pointes de la plaque ou du châssis métallique dont il
vient d'être parlé et, en passant entre les pointes du
chevalet contre lesquelles elle s'appuie, vient se fixer
par son autre extrémité à la cheville qu'elle traverse
et autour de laquelle elle s'enroule.
La cheville est enfoncée à force dans le sommier
FiG. 1083. — Fond de piano druil tablé, muni de son cadre.
FiG. lûSi. — Fond de piano droit monté en cordes.
préalablement percé par le tableur, ainsi qu'il a été
dit plus haut.
Une fois montée en cordes et en chevilles, la caisse
arrive à l'atelier du vernisseur, où elle est raclée, pon-
cée, vernie ou cirée, garnie de ses charnières et de
ses roulettes.
C'est alors que l'instrument reçoit le premier pin-
çage, accord sommaire fait sans le secours de la
mécanique ni du clavier.
La mécanique et le clavier. — Nous ne pouvons
songera entrer ici dans tous les détails d'exécution
de la mécanique, des étouffoirs, des marteaux, du
clavier, de ce travail complexe et délicat qui se divise
et se subdivise en une foule d'opérations de sciage,
de perçage, de garnitures, d'ajustages, de collages, de
façons des touches d'ivoire aux joints imperceptibles;
disons simplement qu'un ouvrier spécial, appelé mon-
teur, assemble et met en place les pièces composant
la mécanique, le clavier et l'étouffoir de chaque ins-
trument, règle le clavier, pose et ajuste les pédales.
TECHyiQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA FACTURE 2071
L'égalisation constitue la dernière des opérations.
FiG. 10S5. — Piano droit tablé, monté en cordes,
avec sa mécanique.
L'égaliseur règle définitiveraent la mécanique, le
jeu des étoulfoirs, le clavier et les pédales ; au moyen
d'un peigne à aiguilles, il pique et assouplit le feutre
des marteau.x, de manière à en régulariser l'élasticité
el à obtenir une parfaite homogénéité des sons, sans
mélange de notes sourdes ou éclatantes, cette homo-
généité étant la principale qualité d'un bon piano.
Avant l'égalisation, l'instrument a été plusieurs
fois accordé à intervalles réguliers; il l'est encore
plusieurs fois après avoir été égalisé, et c'est alors
seulement qu'il est considéré comme achevé.
DE L'ACCORD DES PIANOS
La question de l'accord des pianos, sa théorie, sa
pratique, ont été exposées et développées par de
nombreux spécialistes.
Un de ces traités, signé du nom très autorisé de
M. Albert DoLMETscH, a particulièrement retenu notre
attention; nous croyons ne pouvoir mieux faire, pour
donner de l'art de l'accordeur un aperçu exact, que
de citer ces pages qui traitent de ce délicat sujet
avec autant de simplicité que de compétence :
Les anciens instruments à cordes et à clavier tels que
l'épinette, le clavicorde, le clavecin, étaient accordés
par tierces, quintes altérées et une quinte juste, com-
binées avec les octaves des basses et des dessus, ce qui
donnait un résultat harmonique plus que précaire.
L'harmonisation des sons du piano, c'est-à-dire
l'art d'accorder le piano d'après la partition à tem-
pirament égal employée aujourd'hui, ne date que du
commencement du xvui» siècle.
Bien que les intervalles de cette partition ne soient
pas rigoureusement exacts dans leurs rapports entre
eux, ils arrivent à le paraître suffisamment dans un
instrument bien accordé pour devenir très accep-
lables, même à l'oreille la plus exercée.
L'impossibilité d'obtenir un justesse plus rigoureuse
provient de ceci :
Le son musical que l'on appelle Ion se divise idéa-
lernent en neuf parties égales dénommées commas,
quatre de ces parties forment le demi-ton diato-
nique, et cinq le demi-ton chromatique, ce qui fait
par exemple que le doS est plus haut d'un comma que
le reb.
Celte dilférence peut se traduire très exactement
sur les instruments à cordes et à sons non fixes tels
que le violon, mais elle est impossible à exprimer
sur les instruments à clavier et à sons lixes, qui n'ont
qu'une seule note pour rendre ces deux altérations,
d'où nécessité de recourir au tempérament pour
équilibrer à peu près les demi-tons entre eux dans
toute l'étendue des gammes majeures et mineures.
Comment on accorde un piano.
Pour devenir bon accordeur, il faut tout d'abord
être doué d'un grande finesse d'ouïe. On arrive à déve-
lopper cette faculté chez les élèves accordeurs en
leur faisant accorder les instruments en cours.de
fabrication, d'après une méthode qui consiste, non pas
à faire vibrer la corde au moyen du marteau, mais
à la pincer à la façon des harpistes, à cette différence
près que le harpiste ébranle la corde avec le doigt,
tandis que l'élève accordeur l'ébranlé avec un mor-
ceau d'ivoire ou de bois mince.
Le débutant cherchera ;d'abord à entendre l'unis-
son de la première corde du cinquième lu marqué
A en partant des basses, qu'il accordera en se ser-
vant, comme point de repère, du diapason normal
(870 vibrations à la seconde), puis, ayant établi l'u-
nisson de celte note, c'est-à-dire accordé les deux
autres cordes de ladite note au ton de la première,
il cherchera à accorder le la de l'octave inférieure;
il sentira qu'il y a réussi quand les vibrations des
deux la se marieront parfaitement ensemble.
Il essayera ensuite d'entendre le demi-ton, puis
la quinte, la quarte, la tierce, etc., en un mot, les
intervalles qui composent la partition, et accordera
en conséquence les notes correspondantes. Ces pre-
mières difficultés surmontées, le débutant accordera
un piano pourvu de sa mécanique et de son clavier,
mais, comme alors les trois cordes de la même note
seront mises simultanément en vibration, il sera
obligé de se servir d'un coin pour étouffer deux de
ces cordes. Lorsque la première sera mise au ton
du diapason, il retirera le coin pour le placer entre
la troisième corde de cette note et la première corde
de la note voisine; il accordera la seconde corde
à l'unisson de la première et procédera de même
pour la troisième.
Les coins employés pour l'accord des pianos droits
consistent généralement en une tige de bois aplatie
et effilée aux extrémités. Ils sont garnis de peau
dans le but d'assourdir le bruit que produirait le
contact du bois avec les cordes.
Pour les pianos à queue, on se sert de coins affec-
tant une forme rectangulaire, mais plus courts,
plus larges et plus épais que ceux employés pour les
pianos droits.
Il existe plusieurs façons d'établir une partition, et
comme chaque accordeur peut en combiner une
différente, nous nous bornerons à en indiquer deux
à simple titre d'exemples.
La première procède par quintes et oclaves :
( un. hirinnnii'. )
fci^
W
f^r^m
-©-
^
2072
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSKJUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Cette pai'lition se lermine sur le )V- naturel qui vient
former deux quintes, une avec le la du diapason, ta,
ré, et l'autre avec le snl inférieur, ré, sol. Ces deux
quintes étant bonnes, la partition est jugée exacte.
La seconde, procédant par quintes et quartes, est
celle que nous préférons :
, "T T ^ 6 7 " q ,„ Il U 15
Dans cette seconde partition, les quintes et les
quartes ont, comme preuve essentielle de leur jus-
tesse, la tierce et la sixte.
En elTet, les corps sonores produisent des vibra-
tions parfaitement sensibles à l'oreille exercée, et
avec la pratique, on arrive à percevoir ces vibra-
tions ou battements, qui deviennent alors la preuve
indéniable de la justesse d'un son par rapport à
l'autre.
Ainsi, les tierces et les sixtes seront considérées
comme j ustes lorsqu'elles auront toutes des battements
précipités; par contre, les quartes et les octaves ne
devront avoir aucun battement.
La quinte doit être accordée avecEbattements lents,
toujours au-dessous de la quinte juste.
Cette petite différence entre la quinte juste et la
quinte altérée, répétée dans l'ensemble des quintes
que comporte la partition ci-dessus, suflil pour com-
penser le rommu qui existe entre le demi-ton diato-
nique et le dcnii-lon chromatique, et, par conséquent,
pour ramener réquilil)re entre les demi-tons.
Pour établir cette partition au point de vue pra-
tique, nous conseillons de procéder de la manière
suivante : Accorder :
1° Le lu du diapason ou o" la en partant des
basses, à l'unisson du diapason normal.
2" L'octave inférieure du la précédent, sans batte-
ments.
3° La quinte la mi faible.
i" La quarte inférieure mi, si, sans battements.
5" La quinte si, fu-f faible. Preuve de la justesse :
la sixte ta, fafi avec des battements précipités.
6" La quarte inférieure sol\-:, ré\j, sans battements-
Preuves : la tierce la, rfo# avec battements précipités
et l'accord la, (loi, nii, la.
7° La quinte )'^|i, la\y faible. Preuves : la tierce jni,
sol^ avec battements précipités, égale à la tierce
la, doi, la sixte si, so/; égale à la sixte la, f'a^ avec
battements précipités et l'accord si, mi, sol::.
8" La quarte la\^ , mi\j sans battements. Preuves :
la tierce si, réi( a.vec battements précipités, égale à la
tierce la, doi et l'accord si, réit, fait.
0° La quarte inférieure mif, si.» sans battements.
Arrivé à cet intervalle, nous conseillons d'accorder
l'octave supérieure si h qui donne comme preuves :
la tierce so/|>, si[i avec battements précipités, égale
à la tierce si, réf, la sixte )■«>, siU jégale à la sixte
si, soli, avec battements précipités et les accords
ré[t, sol\}, sib et mi\<,sol\^,si\<.
10° La quinte si|v. fa faible. Preuves : la tierce
ré\), fa avec battements précipités, égale à la tierce
la, doUi.
H» La quarte inférieure fa, do, sans battements.
Preuves : les tierces la, do et do, vii, avec battements
précipités, la sixte do, la et l'accord do, fa, la.
12° La quinte do, sol faible. Preuves : la tierce
(/ii(i, sol, la sixte si^., sol avec battements précipités,
et les accords do, mi, sol et sib, mi\>, sol.
13° La quarte inférieure sol, ré. Preuves : les
quartes la, ré et i-é, sol sans battements, les tierces
sih, ré et ré, faUf avec battements précipités. Inter-
valles égaux ' et les accords la, ré, fai, —si \,,ré, fa,
— si, 7'é, sol.
Enfln, accorder les octaves des basses et des dessus
parfaitement justes, c'est-à-dire sans battements.
C'est par la quinte et les accords parfaits majeurs
que nous conseillons de vérifier la parfaite justesse
de l'octave.
Une fois la partition accordée bien également, les
dessus et les basses formant un tout bien juste, la
sonorité du piano devient harmonieuse et acquiert
un charme qui met en pleine valeur les qualités natu-
relles de l'instrument.
OBSERVATIONS IMPORTANTES
Le piano étant construit, comme nous l'avons vu,
en bois d'essences variées, et se composant de nom-
breux organes dans lesquels entrent du métal, du
drap, de la peau, du feutre, etc., est très sensible aux
variations atmosphériques et hygrométriques, aux-
quelles on doit, par conséquent, s'efforcer de le sous-
traire.
11 importe surtout de le garantir contre l'humidité
qui a pour effet de faire gonfler le feutre des mar-
teaux et de rendre le son mat et sourd, d'oxyder les
cordes, qui sont alors beaucoup plus sujettes à se
rompre, de rendre aussi la mécanique et le clavier
paresseux,!et parfois même de provoquer dans l'ins-
trument de graves désordres dont la réparation peut
être très coûteuse.
U faut, autant que possible, éviter de poser sur le
couvercle des objets quelconques dont le moindre
inconvénient est d'assourdir les sons et qui, en
vibrant par sympathie, peuvent produire des frise-
ments désagréables.
Il importe enlin de tenir toujours l'instrument en
bon état d'accord, en le faisant accorder en moyenne
trois ou quatre fois par an, et en évitant de le placer
dans le voisinage tiop immédiat d'une cheminée,
d'une conduite ou d'une bouche de chaleur, surtout
d'un radiateur.
C'est sur ces quelques conseils dictés par l'expé-
rience que nous terminerons cette élude, laissant
à une plume plus autorisée le soiu d'apprécier le
piano au point de vue de ses ressources musicales.
1. N.-B. Le nombre des battements augmentant progressivemeut
,1 mesure qu'on avance vers les sons aigus, nous n'entendons par
les mots tierces égnlrs et sixtes ri/ules que l'égalité .ipprosimative
perçue par roreiile.
A. BLONDEL.
LE PIANO ET SA TECHNIQUE
Par MM. L.-E. QRATIA et Alphonse DUVERNOY
PROFESSnUR AU CONSERVATOIRE
EVOLUTION DE L'INSTRUMENT
h'arlkte écoute chanter en lui toutes les voix de
la nature. Rires et sanglots, espoirs et souvenirs
vibrent dans sa sensil)ilité; il est le grand miroir qui
reçoit tontes les impressions humaines. Le talent
laborieusement acquis lui pernietlra de donner une
forme à ces échos multiples, de muer ces émotions
en œuvres d'art, qui, à leur tour, impressionneront
les autres hommes, heureux de puiser en elles une
joie, un plaisir, une tendresse, une douceur, une vie
plus intense ou plus profonde.
La science du facteur d'instruments aidera évidem-
ment l'artiste; l'outil dont celui-ci a besoin pour exté-
rioriser ses sensations, pour les rendre perceptibles
auî autres, sera sans cesse perfectionné. Grâce à ce
corps, créé pour lui, l'oeuvre du compositeur se mo-
difiera suivant les degrés de perfection de l'instru-
ment.
Des génies tels que Beethoven écrivirent des œu-
vres dépassant de beaucoup les moj'ens d'interpré-
tation des instruments de leur époque : ils ont prévu.
Ce n'est plus le savant constructeur qui incita le
compositeur, c'est ce dernier, au contraire, qui de-
vança les inventeurs de son temps. Le mécanisme
instrumental amélioreia donc ses ressources afin de
faciliter la tâche de l'e.xécutant et de servir plus fidè-
lement les volontés du compositeur, ses désirs, ses
rêves, sa pensée.
C'est ainsi que deux colonnes soutiennent le tem-
ple de l'art : la Science, l'Artiste.
Il est alors nécessaire, avant de parler du piano tel
qu'il est à notre époque, de dire quelques mots sur
ses ancêtres, sur ses origines.
Nous examinerons ensuite le rôle de l'instrument
sur la musique et sur les musiciens passés et présents,
ainsi que sur les œuvres musicales qui furent écrites
à son usage.
Nous citerons tes principaux virtuoses, et dirons
enfin quelques mots sur la Pédagogie ancienne et mo-
derne de l'instrument.
Origine da piano.
Le piano est un instrument à cordes frappées;
■c'est donc en recherchant parmf les instruments de
cette famille que nous trouverons ses vieux parents.
Le monocorde antique me semble être le premier
.ancêtre du piano.
Le monocorde remonterait au v« ou au vi° siècle
avant J.-C. « On attribue son invention à Pythagore.
Il était composé d'une règle de bois divisée en plu-
sieurs parties, sur laquelle on mettait une corde de
boyau ou de métal, tendue par deux chevalets, et
au milieu de laquelle se trouvait un troisième cheva-
let mobile '.
Le psaltérion, ou psalterium. En allemand psaZier,
en italien satterio, en anglais dulcimer et psaltery.
Instrument à cordes fixes et pincées ayant habituel-
lement la forme d'un triangle tronqué en haut. A
part les psaltérions égyptiens, on ne sait pas exacte-
ment quelle était la nature et la forme du psaltérion.
Au ix^ siècle, il était carré ou triangulaire; ensuite,
il admit une caisse plate percée d'ouïes comme
dans le tipnpanon (voir plus loin). A l'exemple des
Egyptiens, au xn" siècle, on le suspendit au cou de
l'exécutant ; les cordes étaient mises en vibration par
les mains ou avec un pleclre, — bâtonnet pointu ou
crochu aux deux extrémités. On appela le psaltérion :
saltérion , salière , salteire. à cause sans doute de
sa ressemblance avec le santir ou pisantir de l'Inde
ou de l'Egypte. 11 y en eut de six à trente-deux
cordes-.
Souvent, il y avait deux cordes à l'unisson, et son
étendue variait de trois à cinq octaves.
Le tympanon. En anglais dulcimer, en italien
timpano, en allemand Itackbret. C'est une sorte de
harpe horizontale, dérivant du santir (psaltérion
orienl:il|, montée de cordes métalliques se frappant
avec deux plectres. Souvent, il y avait deux cordes
à l'unisson, et son étendue variait de trois à cinq
octaves. On joue encore beaucoup du tympanon en
Hongrie'.
Cet instrument donna naissance au claTicitherium.
Instrument à cordes verticales duxv« siècle; les cor-
des les plus longues se trouvaient à droite, et les
plus courtes à gauche. On l'appelait aussi cithare à
clavier; c'est la combinaison du psaltérion, du tym-
panon et de l'antique monocorde^.
Le clavicorde. — iVous lisons dans le catalogue de
la maison G.weau :
Le clavicorde est, sans nul doute, le premier en
date de tous les instruments à cordes et à claviers.
l. Dictionnaire pratique et raisunnr ii*'s instruments 'fe musi'jue
anciens et modernes, par Albert Jacui^ot. Paris, édit. Fisulibiiclier,
1886, p. 147.
i. Loco cit., Albert Jac^uot, p. 18G.
:!. Ibid.ip. 232.
4. Jbid., p. Si.
2074
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Son mécanisme est extrêmement simple : les cor-
des en laiton reposent, à l'une de leurs extrémités,
sur un chevalet faisant corps avec la table d'harmo-
nie ; l'autre extrémité reste indéterminée et se perd
dans des enirelacements de feutre. Quand on appuie
sur une touche, la tanijcnie, petite lame de laiton,
va loucher la corde et en même temps l'élïranle et la
fait vibrer. La tangente mesure donc la longueur
de la corde nécessaire pour obtenir le son voulu, en
même temps qu'elle le fait naître : son rôle est donc
à lafois celui des doigts et de l'archet du violoniste.
Le son du clavicorde est faible, mais il est pur,
tout en étant coloré. 11 obéit au toucher d'une façon
merveilleuse et peut nuancer les phrases les plus dé-
licates. Il est, et c'est là une qualité qui n'appartient
qu'à lui seul, doué du vibrato comme le violon et la
voix.
L'émission du son au clavicorde étant débarrassée
de presque tous bruits mécaniques, rien ne vient
interrompre la continuité de la phrase: c'est pour
cette raison que la musiqueancienne, souvent écrite
en contrepoint, est si facile à couipiendre au clavi-
corde, qui permet de donnera chaque partie l'expres-
sion qui lui est propre.
L'audition d'une fugue au clavicorde est une véri-
table révélation; on comprend que J. -S. Bach lui ait
consacré ses plus belles œuvres.
Gaveau a reconstitué cet instrument; le petit mo-
dèle possède quatre octaves et deux notes, du do au
)'t', le graïul modèle est de cinq octaves.
C'est bien là le véritable ancêtre du piano, car c'est
le premier instrument à clavier et à cordes frappées
par un petit marteau. Nous sommes encore loin du
marteau du piano garni de peau et plus tard de feutre.
Dans le clavicorde, le marteau de laiton est épais
comme une lame de couteau'.
C'est vers le commencement du xviii» siècle que
les facteurs cherchèrent à remédier aux sons secs,
dépourvus de nuances. On va laisser les sautereaux —
petits becs de plumes d'oiseaux — qui pinçaient la
corde, pour leur substituer des petits maillets frap-
pant cette corde. Voici, de ce fait, créé un nouveau
type « d'instrument à cordes frappées ». C'est le
piano qui est né : l'enfant sera robuste; cliaqnejour
il grandira et acquerra de la puissance.
Marius avait inventé le clavecin à maillets —
embryon du piano — dès 1716 , année durant laquelle
il soumit cette innovation à l'Académie des Sciences.
« Il fallut que l'idée en revînt d'Angleterre, où elle
avait été portée, dit-on, en 1760, par l'Allemand
ZuMPE, pour décider nos facteurs à s'occuper de cet
instrument-. »
Parmi les facteurs qui imaginèrent cette modifica-
tion de l'épiuette et du clavecin, il faut citer l'Italien
Rartolomeo Cristofori ou Ciustofali, qui inventa
vers 1711, suivant les uns, vers 1718, suivant les
autres, des clavecins dans lesquels les becs de plume
pinçant les cordes étaient remplacés par de petils
marteaux qui les frappaient pour les faire résonner,
après avoir été mis en mouvement par la touche du
clavier abaissée par le virtuose. Cristofori donna à
cet instrument le nom de gravicembalo con piano
e forte, c'est-à-dire clavecin avec nuance douce et
forte ^.
1. Voir l'article i.lo M. Bi.ondel : Le Piano et .'ia facture.
2. Len I''artritrs d'instruments de musique et ta facture instrumen-
tale, Pri^cis historique. Constant Pieiïhe, ^-dit. Sagot, 1893, p. 136.
3. Piano et Pianiste, par RoonsoN, édit. J. Ltangon, 18^5.
Cet instrument nouveau détrôna le clavecin qui
occupait une place prépondérante sous Louis XIV et
Louis XV; on l'appela forte-piano ou piano-forte, de
deux mots italiens : forte, éclatant, fort, et piano,
doux, faible, pour exprimer que, sur ce nouvel ins-
trumenl, on pouvait à volonté jouer fort ou doux.
Peu à peu, on abandonna forte pour ne plus garder
que le nom actuel : piano.
Ces instruments possédaient de réels avantages
sur leurs ancêtres, mais, néanmoins, étaient loin
d'approcher du perfectionnement de ceux d'au-
jourd'hui. La sonorité n'en était sans doute pas tou-
jours des plus agréahles, si on en juge par une lettre
que Voltaire écrivit à M"»» du Deffand, en 1774, appe-
lant le forte-piano un instrument de chaudronnier
comparé au clavecin.
Suivant une affiche signalée par la Gazette musi-
cale (1851, p. 212), dont l'original est actuellement,
selon M. Lavoix, entre les mains de M. Broadwood,
la première audition publique du piano-forte eut
lieu à Londres en 1767. L'importation ne tarda pas;
en 1770, il était connu à Paris.
ViRBics, organiste de Saint-Germain-l'Auxerrois,
en 1766, avait déjà essayé de donner au clavecin le
piano et le forte au moyen de bascules actionnées
par les genoux. Dumontier, en 177^, avait aussi tenté
d'obtenir ce résultat, nous dit Vllistoirc de l'Aca-
démie des Sciences (p. 161). — Virrès persista dans
ses recherches et opposa un instrument de sa façon
à celui venu d'Angleterre; l'entrefilet suivant, découpé
dans V Avant-Coureur du 2 avril 1770, en fait foi :
c< Le même soir (S avril), le sieur Virrks fils, âgé
de 0 ans et demi et élève de son père, fera entendre
plusieurs morceaux de musique sur un instrument
à marteaux de la forme de ceux d'Angleterre. Cet
instrument a été exécuté en Allemagne suivant les
principes de M. Virbès. Il rend les sons beaucoup
plus forts et plus nets que ceux d'Angleterre, et
l'harmonie en est plus agréable et d'un meilleur
effet*. »
Stlbermahn (Jean-Henri), né et mort à Strasbourg
(1727-1790), s'occupa spécialement de la construction
des pianos, d'après les principes de son oncle Gode-
FROID.
Ce sont ses instruments qui, semble-t-il, furent
les premiers munis de mécaiii(]ue à marteaux. Sil-
BERMAN.Nen expédia dès 1775.
ZuMPs — ouvrier allemand — s'établit à Londres,
où il lança ses petits pianos carrés, eu 1760.
FnEDERici, facteur d'orgues à Sera, en Thuringe,
avait déjà créé le piano carré en 1753.
Français, Allemands, Anglais apportent chacun
une amélioration. Ce furent l'Allemagne et l'Angle-
terre qui commencèrent. Frkuekici ayant inventé
le piano carré an xviu» siècle; Stein, d'Augshourg,
le perfectionna et inventa un piano appelé ris-ù-vis.
En Angleterre, les plus célèbres facteurs furent
Broadwood et W. Mason.
HiLDERRAXD, de Berlin, fit des pianos carrés avec
marteaux frappant les cordes au-dessus, mécanisme
conçu par Maru's et perfectionné par Streicher,
Petzold el Pape, Americus Backehs, l'inventeur de
la mécanique anglaise; citons les Allemands Zlmpe,
POHLUAN, K1RK.MÀN, GlEB.
Mercken est peut-être le premier qui construisit
régulièrement des forte-piano à Paris. Il y a, aux
Arts et Métiers, un de ces instruments, de forme
4. Loco cit.. Constant Pif.riik, p. 130.
TECIISIQVE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE 2075
rectangulaire, marqué « Johaniies-Kiliaiius Merokeîn,
Paris, 1770 », et Castil-Blaze a cité celui de 1772'.
Bbékers, gendre de Mercken, lui succéda vers 18-2a.
A partir de 1777, d'autres facteurs se Tirent recevoir
dans la communauté : Foucault, Nicolas Hoffmann,
François Duverdier.
En 17S3, de nouveaux facteurs de pianos s'étaient
installés à Paris, presque tous étrangers, si l'on s'en
rapporte à leurs noms : Jaccas Klein; Mathieu NEi,-
lesse; Jean Schweb.
HiLLERRAND reprend l'invention de Marris (1716) con-
sistant à mettre les marteaux au-dessus des cordes;
le mécanisme de ce fait devient plus sensible au tou-
cher et les sonorités plus douces (1783). On peut
voir cette mécanique au musée du Conservatoire.
ZiMMERMANN (1783-an VIll), dont une harpe est aux
Arts et Métiers, vendait des pianos anglais, — Guil-
laume ZiMMERUANN et un troisième facteur, Joannes
ZlMMERMA.NiN.
Korwer, en 1788, fournisseur de l'Opéra, dont
nous avons vu un mémoire pour cinquante-trois
accords de clavecins faits du II thermidor an IV au
28 biumaire an V, à raison d'une livre dix sous''.
De 1783 à 1780, nous trouvons les noms de Wolff,
Bosch, Da ickviller, Uanjard, Eberhard Lange, Schmidt,
TiBLES, Stirnemann, Systermans.
Les tentatives plus ou moins timides de ces nom-
breux facteurs n'auraient pu lutter contre la produc-
tion étrangère si n'était survenu Sébastien Erard.
Je ne citerai à partir d'ici que les principaux fac-
teurs, en suivant l'ordre chronologique. Je ne les
citerai pas tous, car les facteur's du xi.\"= siècla sont
nombreux : 109 pour 135 maisons^.
-Sébastien Erard, né à Strasbourg le 5 avril 17o2,
mort à Passy, 1831, s'exerça de bonne heure aux
travaux manuels dans l'atelier d'ébénisterie de son
père, et vint à Paris en 1768, peu après la mort de ce
dernier.
L'industrie du piano en France ne date réellement
que d'ERARD. C'est lui qui sut, dès le début, perfec-
tionner la facture de manière à pouvoir lutter contre
les instruments allemands et anglais, et ensuite à les
surpasser.
Dès son arrivée à Paris, il entra comme ouvrier chez
un facteur de clavecins, mais y resta peu de temps,
son désir de tout connaître ayant déplu à son maître
inquiet et soupçonneux. Son second maître (il appel
à son adresse pour construire un instrument particu-
lièrement délicat.
Peu après, il exécuta, pour le duc de la Blanche-
rie, un clavecin mécanique qui fit sensation; VAIma-
nacli musical de 1783 mentionne ce clavecin à « trois
registres de plumes et un de buffle », munnis de plu-
sieurs pédales, et constate qu'ERARO est le premier
facteur qui ait trouvé le moyen de faire parler les
quatre sautereaux au moyeu du grand clavier seul.
La duchesse de Villeroy oti'rit l'hospitalité à Erard,
qui commença chez elle la fabrication du piano.
« Bientôt, la vogue arriva, et S. Erard dut faire ve-
nir son frère Jean-Baptiste pour lui conlier la direc-
tion de son atelier, pendant qu'il se livrait à ses
recherches et expériences (1780;.* »
La Révolution interrompit ses travaux; il partit
pour l'Angleterre, revint en France, repartit encore,
et. enfin demeura en France à dater de 1815. C'est
1. Constant PlERHE, p.
2. IbuL, p. 144.
3. Ibid., p. 163.
4. Uid., p. 141.
à cette époque qu'il lit subir une transformation com-
plète à la fabrication du piano.
Les facteurs du xix« siècle étaient déjà en grand
nombre. Constant Pierre, après de laborieuses re-
cherches, nous donne les chitfres suivants-':
En 1821 : .30 facteurs ; 1837 : 7ï ; 1847 : 80 ; 1853 :
120 ; 1873 : 80; 1892 : 55.
Ces chitfres sont ceux de la statistique faite par la
Chambre de Commerce de Paris : ils ne se rappor-
tent qu'aux facteurs de cette ville.
Erard construisit un instrument à deux claviers :
l'un pour le piano, l'autre pour l'orgue. Il imagina un
clavier mobile permettant de transposer en dessus
et en dessous d'un demi-ton, ou d'un ton et demi.
« Dès le début (1790), il dota le piano du faux-
marteau à double pilote; quatre ans après, il faisait
breveter l'échappement simple, à l'aide duquel on
obtenait une grande précision du coup de marteau,
avantage qui, malheureusement, faisait perdre la
légèreté et la facilité de répétition que donnait la
mécanique à pilote fixe, laquelle pourtant n'était pas
exempte d'inconvénients, teisque le manque de fixité
du coup de marteau, le rebondissement lorsque la
touche était fortement attaquée, etc. Malgré la satis-
faction des artistes, S. Erard ne considéra pas sa
nouvelle invention comme complète, et il continua
ses recherches". »
Il remplaça la pointe du sommier des chevilles par
une agrafe donnant à la corde une assiette ferme,
indispensable aux notes aiguës (1809). Il imagina
ensuite le piano à deux claviers eu regard (1811), le
piano à sons continus |1812), et construisit des ins-
truments de diverses formes : piano clavecin (1809),
piano secrétaire à deux jeux de marteaux, et piano
en forme de colonne (1812) ; puis, en 1821, il fit con-
naître son piano à deux claviers indépendants placés
vis-à-vis l'un de l'autre'.
EnQn, en 1822, Erard acquiert toute sa renommée
en inventant le double échappement. Ce perfection-
nement de la mécanique est adapté à tous les pianos
à queue; il olfre au virtuose un grand avantage, puis-
qu'il permet au marteau de revenir à sa position de
lancement avant que l'étoutToir soit retombé, et que
le doigt ait laissé la touche remonter complètement.
Non seulement, les notes répétées avec rapidité sont
d'une exécution plus facile, mais il est possible,
grâce au toucher de près, d'obtenir de beaux effets
de sonorité, liés, soutenus.
TuALRERii considère que ce nouveau mécanisme
permet de communiquer aux cordes tout ce que la
main la plus habile et la plus délicate peut exprimer.
« Une autre innovation importante fut le barrage
métallique au-dessus du plan des cordes, assurant à
la caisse la plus grande solidité et permettant l'em-
ploi de cordes d'un plus fort diamètre, laquelle inno-
vation fut complétée peu après (1830) par la substi-
tution aux cordes de cuivre, jusqu'alors employées
pour les basses, de cordes tilées en acier. Alors, le
piano acquit une sonorité particulière n'ayant plus
aucune analogie avec celle du clavecin. »
Sébastien Erard meurt le 5 avril 1831, après une
année de terribles soud'rances. Jean-Baptiste, sou
frère, étant mort le 10 avril 1826, ce fut le fils de
ce dernier, Jean-Baptiste-Pierre-Orphée, né à Paris
en 1794, qui succéda à son oncle.
5. Ibid., p. 158.
C. Ibid., p. 164.
7. Ib>d., p. 165.
8. Loco cit., RocGsox, p.
2076
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
En 1834, Pierre Erakd introduisit un perl'ectioiiiie-
mentà la mécanique à double échappement; en 1838,
il imagina la barre harmonif|ne donnant aux sons
aigus une pureté et une intensité inconnues à cette
époque, enlin il appliqua, en 1843, le double échap-
pement au piano carré.
On peut encore ciler parmi les autres inventions
de ce facteur : le clavier de pédales adapté au piano
à queue (1848), le sommier de bronze formant avec
le sommier d'attache un chi'issis augmentant la
puissance de l'inlrument, sans avoir les inconvénients
du châssis en fer fondu d'une pièce (1850), et diverses
améliorations de détail (1853-o:i)'.
P. Erard mourut au château de la Muette, le 16 août
<85o. Sa veuve, secondée par son Ijeau-frère.M. Schœf-
FER, conserva la maison, dont la prospérité s'intensi-
liait chaque année. C'est lorsque M. Sciiœffer mou-
rut (17 janvier 1873) que M"" Erard confia l'admi-
nistralion de la manufacture à M. Blondel lAlberl-
Louis), situation qu'il conserva après le décès de
M"' Erard (13 octobre 1889).
En 188(1, la disposition de la pédale douce fut mo-
difiée dans les pianos droils. L'ancien svslème de
languettes de feutre s'interposant entre les marteaux
et les cordes n'était pas exempt de reproches. Non
seulement, son emploi était difficile pour les per-
sonnes peu exercées, mais l'usure entraînait rapide-
ment des inégalités de sonorité. Le système de dé-
placement des marteaux de droite à gauche n'était
pas beaucoup meilleur; il fatiguait le mécanisme et
produisait une usure inégale des feutres des mar-
teaux. Le nouveau système n'a plus ces inconvénients,
la diminution d'intensité de la sonorité est la ré-
sultante du rapprochement des marteaux vers les
cordes. Leur lancement est plus ou moins court, et
ils frappent avec plus ou moins de vigueur suivant
qu'ils sont plus ou moins près des cordes.
D'autres facteurs avaient déjà employé ce système,
mais, malheureusement, le dispositif permettant de
diminuer la course du marteau entraînait, lorsqu'on
s'en servait, une altération du toucher; il fallait y
ajouter un mécanisme compensaleur pour éviter
une perte de poids sous les doigts.
La maison Erard mérite encore une des premières
places parmi les manufactures françaises de pianos.
Les goûts des grands virtuoses sont dillerents sui-
vant leurs mains, les œuvres qu'ils atfectioiinent
particulièrement et leur tempérament: ils s'accor-
dent néanmoins à reconnaître que les pianos Erard
sont des instruments soignés et agréables à jouer,
principalement pour faire valoir les traits rapides et
des doigts bien exercés.
Ayant demandé à M. Blo.ndei. quelles étaient les
dernières modifications apportées à la fabrication
et en quoi elles consistent, M. BLO^•DEL a bien voulu
m'ëcrire ce qui suit :
« Depuis 1889, nous nous sommes surtout appliqués
à porter au plus haut degré possible la qualité de
son de nos modèles à cadre en fer et cordes croisées,
créant successivement un type nouveau de quart-de-
queue, de demi-queue et un grand modèle de concert.
« La tâche entreprise et heureusement menée à
bien consistait à atténuer, au point de la rendre
insensible, l'intluence qu'exerce sur la sonorité d'un
piano la masse de métal que constitue son cadre, et
à atténuer de même les inconvénients inhérents au
croisement des cordes.
i< Le résultat cherché était difficile à atteindre; il a
nécessité de longues recherches, de nombreux essais,
mais nous avons été assez heureux pour voir nos
efforts couronnés de succès, et les suffrages des plus
célèbres virtuoses et des amateurs les plus éclairés
nous ont amplement récompensés de nos sacrifices
et de nos peines.
« Aujourd'hui, chacun de nos types semble avoir
atteint son apogée, ce qui ne nous empêche pas de
continuer à mettre tout en œuvre pour ajouter
encore, si faire se peut, à leurs qualités acquises, et
pour justifier toujours davantage la considération
que nous ont value dans le monde des musiciens
cent quarante-trois ans d'existence et les nom-
breuses inventions dont nous avons enrichi le patri-
moine de la facture française et mondiale. »
(Voir article : Le Piano et sa fartme.)
Moins ancienne de quelques années, mais non
moins justement célèbre, sera la maison Pleyel.
Pleyel (Ignace), qui donna son nom à la manufac-
ture de pianos, naquit à Ruppersthal, près Vienne, le
l"juin 1S31.
Compositeur, virtuose et éditeur, sa facilité d'as-
similation et sa puissance de travail l'incitèrent à
fabriquer des pianos en l'année 1808.
« Ayant remarqué que la prompte détérioration des
pianos provenait de la fatigue que le tirage des cordes
faisait éprouver à la table d'harmonie, et que l'ac-
tion continue de ce tirage la faisait presque toujours
enfoncer, bomber ou fendre, nous avons remplacé
l'ancienne construction par un barrage en fer fondu,
qui offre une résistance invincible à l'action des
cordes, et donne un plus grand volume de son, en
laissant la table d'harmonie à découvert. Cet avan-
tage nous a permis de garnir les marteaux de ma-
nière à donner au son ce moelleux et cette rondeur
qu'on n'avait pu obtenir jusqu'ici. Ces pianos tien-
nent l'accord bien plus longtemps que les autres, et
la longueur des cordes est si bien calculée qu'il est
presque impossible qu'elles cassent-. »
Le cadre en fer augmentant la résistance à la trac-
tion des cordes, il devient possible d'augmenter leur
volume et leur tension; le son, par conséquent,
s'accroîtra, acquerra une plus grande puissance. La
virtuosité gagnant ainsi un son plus prolongé, plus
rond, n'aura plus besoin d'avoir recours à autant de
volubilité; la rapidité des notes sera moins recher-
chée (à moins d'etfets spéciaux); on préférera autre
chose qu'une dentelle de notes, qu'une cascade de
perles; le jeu brillant pourra persister, mais le jeu
émotif sera possible. Le piano de 1927 n'est pas sem-
blable au piano de 1832 joué par Chopin.
Il faut pourtant constater que des génies, tels
Bach, Beethoven, Liszt, ont, par leurs compositions,
dépassé les ressources des instruments de leur épo-
que. L'homme de génie, comme l'homme de science,
est un précurseur qui voit au delà de son siècle.
Ignace Pleyel était aussi éditeur de musique, ets'il
joignait à ses travaux d'édition ceux de facteur de
pianos, ce n'était pas sur les encouragements de sa
femme, qui s'en plaignait souvent, considérant qu'au
lieu de « tous ces pianos, harpes, guitares et luths,
il ferait bien mieux de graver toutes sortes de petites
œuvres demandées tous les jours, qui n'exigent pas
grandes avances et dont la rentrée est sûre' ».
I. C. PiEBni;, p. 170.
-1. Circulaire i|in' MM. I'ih\n. el C'" adressèrent -t leur clientèle en
1832. pour annoncer l'introiluction du barrage en fer.
3. Lettre de M'"" Pleyel; L'Art Déctiralif, mai 1909, p. 178, arlklo
de M. L.-ti. Mavniel.
TECHNIQVE, ESTIIÈTlQf'E ET PEDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE 2077
C'est elle qui ciisei^iiia le piano a. ses quatre en-
fants. L'un d'eux, Camille, est devenu un érainent
virluose, compositeur et facteur de pianos. C'est lui
qui, lorsd'un voyage en Allemagne, écrivait à sa mère :
Il (In nous a menés chez Beethovicn. C'est un petit
trapu, le visage grêlé et d'un abord très malhonnête.
Cependant, quand il a su que c'était Pleykl, il est
devenu un peu plus honnête; mais comme il avait
affaire, nous n'avons pu l'entendi'e. )> Puis, sur une
autre lettre envoyée quelques jours après, nous lisons:
(i Enfin j'ai entendu Bef.thoven, il a joué une sonate
de sa composition, el Lamark l'a accompagné. Il a
infiniment d'exécution, mais il n'a pas d'école, el son
exécution n'est pas finie, c'est-à-dire que son jeu
n'est pas pur. 11 a beaucoup de feu, mais il lape un
peu trop; il fait des difficultés diaboliques, mais il
ne lestait pas tout à fait nettes. Cependant, il m'a fait
grand plaisir en préludant. Il ne prélude pas l'roide-
ment comme Woli'k : il l'ait tout ce qui lui vientdans
la tèle et il ose tout. 11 fait quelquefois des clioses
étonnantes. D'ailleurs, il ne faut pas le regarder
comme un pianiste, parce qu'il s'est totalement livré
à la composition, et qu'il est très difficile d'être en
même temps auteur et exécutant'. »
Deux ans après cette visite, Beethoven écrit à
Pleyel pour lui demander de s'intéresser à l'édition
de ses wuvres.
Méhul l'aida à fonder unefabrique de pianos en lui
prêtant 10. OOi) livres. Le 28 octobre 1808, Ignace Pleyel
s'installe boulevard Bonne- .Nouvelle. La maison avait
du mal à prendre sa place, car en 1817, à la mort de
Méhul, il fallut rembourser les 10.000 livres, et cela
causa un ralentissement marqué dans l'achat des
œuvres à éditer. Ce tut le succès croissant des pianos
Pleyel qui détourna peu à peu le facteur de la com-
position et de l'édition.
Kalkhrenner devint son associé.
Camille Pleyel continue à faire progresser la fac-
ture ainsi que l'élégance des formes. En 18.34, la
faJbrique occupait plus de 200 ouvriers, faisant près
de 1000 pianos par an.
Dans la salle de concerts nouvellement édifiée, on
entendit : Ruiunsteln, Fran/. Liszt, Chopln.
En 18.Ï.Ï, à la mort de Camille Pleyel, les ateliers
de la rue Cadet occupaient :iaO ouvrieis et produi-
saient 1400 pianos par an. Depuis quelques années,
.^uauste WoLi F, neveu d'Ambroise Thomas, premier
prix au Conservatoire, professeur de 1842 à 1847,
était l'associé de la maison; durant trente années,
il y fut administrateur.
.Son gendre et successeur fat M. Custave Lyon; sa
grande réforme fui l'introduction du cadre en mêlai.
A l'heure actuelle, l'usine fabrique 147. OOo pianos
par an.
H. Herz, né à Vienne en 1802, fut aussi virtuose
avant d'être facteur; il fit ses études au Conserva-
toire de Paris, où il obtint un premier prix de piano
en 1818; il y fut professeur de 1842 à 1866; il débuta
comme facteur avec H. Klepfer vers 182i), époque
à laquelle les ateliers furent transportés de Lyon à
Paris. Herz, plus virtuose que commerçant, avait
confié la direction de la facture à Klei'Fer, dont la
gestion fut déplorable. Ilompant avec son associé,
il ne fut pas plus heureux en choisissant comme
successeur un étranger; les résultats pécuniaires ne
furent pas meilleurs. En 1844, il faisait quatre cents
pianos par an, instruments justement appréciés. Ses
md., j). iT'j.
pianos à queue, ses pianos carrés à deux ou trois
cordes, et principalement son piano droit à cordes
obliques lui firent obtenir une médaille d'or, et le
classèrent au premier rang. De 1843 à 18:11, il donna
une série de concerts à l'étranger. En 1849, un brevet
est pris à son nom pour une mécanique reposant sur
le parquet du clavier. C'est à dater de cette époque
que cette nianui'aclure fil de rapides et importants
progrés, et s'éleva au rang des meilleures maisons
françaises .
Agé de quatre-vingt-six ans, H. Herz mourut le
:; janvier 1888. M">'= Herz présenta en 188n, à l'Expo-
sition de Paris, les derniers instruments préparés par
son mari. Enfin, le 3 juillet 1891, M-"» veuve Herz
cède à .MM. A. Thiiîolt et C"= le commerce el le maté-
riel, qui se réunissent à la maison fondée par M. Amé-
dée Thuîout père, que nous citerons plus loin.
.Nous ne pouvons parler ici d'un grand nombre de
facteurs plus modestes qui, quoique disparus actuel-
lement,jouirent pourtant d'une certaine notoriété et
firent accomplir divers progrès dont nous recueillons
maintenant les fruits. Citons rapidement : Pfeiffer,
en 1806; obtient une mention pour un piano vertical
fait en collaboration avec Petzold; en 1807, soumet
à l'Académie des Beaux-Arts un piano à caisse trian-
gulaire, et en 1827, un piano Iranspositeur par le
moyen d'une pédale.
Schneider, en 1827, fait plaquer en argent les cordes
de piano.
J. -Henri Pape, d'origine allemande, mais formé
par Pleyel, fonde une maison en 1818. Ce facteur
l'ait de nombreuses innovations; le chiffre de ses
inventions se monte à 137. Si, parmi elles, il faut
en considérer comme négligeables (tels les pianos
en forme de tables, de meubles divers, le piano rond,
1834, le piano console, des pianos donl les cordes
étaient remplacées par des ressorts, 1840), il convient
de retenir comme remarquables :1e système de mar-
teaux placés au-dessus des cordes (1827-35), le piano
vertical d'un mètre de hauteur (1828), un système
<le montage des cordes propre à diminuer le tirage
( 1838), et particulièrement l'heureuse idée d'employer
du feulre pour garnir les marteaux; depuis 1826, on
adopta universellement cette matière.
Pai'E eut comme rontremaitre, de 1826 à 1831 , Jean-
Georges Kriegelstein, un de nos plus célèbres facteurs
actuels, dont nous parlerons un peu plus loin.
Guillaume-Lebrecht Petzold, que nous avons déjà
cité comme collaborateur de Pveiffrr, naquit à Lich-
tenstein (Saxe), le 2 juillet 1784, el s'établit à Paris
vers 180u. II resta l'associé de Pfeiffer jusqu'en 1814;
c'est ensuite qu'il modifia la table d'harmonie en la
rendant indépendante (182.3), et qu'il présenta, en
1829, un piano carré à cadre en fer fondu.
RoLLER et BLAM;HEr furent les premiers qui expo-
sèrent un piano droit en 1827. D'un mètre trente de
large sur un mètre de hauteur, le nouveau-né allait
bientôt faire disparaître le piano carré. En lb29, ils
firent un piano qui pouvait changer de ton à volonté,
au moyen du déplacement des marteaux qui, entraî-
nés par le clavier, frappaient sur dili'érentes cordes
suivant le désir de l'exécutant.
Ils tentèrent aussi d'augmenter la puissance de la
sonorité, d'abord par l'emploi d'une table renversée
et l'utilisation d'une plus grande force donnée aux
marteaux, ensuite à l'aide d'une double queue dou-
blant ainsi le nombre des cordes (1839). Ils simplifiè-
rent leur invention en se servant d'un double rang
de cordes et d'une double table d'harmonie (1844).
ENCYCLOPÉDIE DE LA MVSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
oc 8
Ils inventèrent aussi une mécanique ci point de
contact mobile (1852), et en 1829, le chromamètre faci-
litant l'accord du piano, supprimant pour l'accor-
deur le soin d'établir la partition. Le chromamètre
dut son insuccès à son prix relativement trop élevé,
quatre-vingts francs!
En ISal.RoLLER se retira de l'association. P.-A.-C.
Blanchet (ancien élève de l'Ecole Polytechnique)
succéda à son père. Il participa pour la dernière fois
à une Exposition, en l'année 1867, avec quatre instru-
ments intéressants : le premier, par son tablage; le
deuxième, par ses dimensions très réduites : 80 cen-
timètres de hauteur; le troisième, par un méca-
nisme; le quatrième se démontant comme les pièces
anatoniiques, construit par emboîtements, et destiné
à l'école normale de Cluny.
Gaidon aîné et Gaido.n jeune créèrent une manu-
facture en 1820, inventèrent en 18'i-9 un mécanisme
donnant presque les mêmes avantages que le double
échappement et, en 1878, un grand piano vertical
pouvant instantanément se transformer en piano
à queue.
Séb. Mercier, en 1844-, présenta un piano droit à
cordes verticales permettant de transposer de cinq
demi-tons. Plus tard, toujours pour faciliter la trans-
position (1831), il fabriqua un instrument muni de
touches brisées agissant sur divers leviers, suivant
le déplacement du clavier. A la même époque, il
ajouta une pédale expressive.
Claude Montal, facteur aveugle de naissance et
pourtant étonnamment adroit, débuta en 1836. » Il
inventa un système de mécanique à répétition (1842),
deux modèles de pianos transpositeurs (1846-50),
une mécanique à échappement continu (1851), un
piano dont le corps sonore était renversé sur la mé-
canique (1848); un autre à sons soutenus (1858)'. »
Il présenta aussi, à Londres, en 1862, un piano
dont le clavier s'abaissait au moyen d'une pédale
pour modider la force de la sonorité. Il publia un
volume ayant pour titre : L'Art d'accorder soi-mcmt'
son piano. Il lut professeur à l'Institution des jeunes
aveugles, et mourut, le 7 ou le 8 mars 1865, dans sa
65« année.
Tessereau lui succéda; ensuite, ce fut Donasso.n-
WoLFEL fonda sa maison vers 1837, fit subir de
nombreuses moditications à dilîérentes parties du
piano. C'est lui le premier qui exécuta des claviers
en forme d'arc de cercle, et c'est, je crois, cette même
invention qu'exploitait encore en 1914 la maison
Zeitter etWiNKELMANN de liraunschwcig (Allemagne)-
Il inventa aussi (en 1846J un mécanisme répétiteur et
sa cheville mécanique à vis, permettant de passer
du forte au piano sans variation dans la touche, mé-
canisme pai'fait comme précision, mais malheureuse-
ment d'un prix trop élevé pour qu'on en généralisât
l'emploi. Lairent, professeur de piano au Conserva-
toire, fut quelque temps l'associé de Wolfel.
ScHOLTUs, établi en 1848, construisit en 1856 un
piano de voyage de 82 notes, du poids très réduit de
60 kilos, et'mesuraut 1 m. 10 de largeur. .< 11 ima-
gina aussi une pédale douce par le rapprochement
des marteaux et des crampons, contre le tirage des
cordes, qui porte son nom-. »
Franche obtint des récompenses en 1840-1855,
1867-1878, pour divers perfectionnements.
SoL'FLETO créa sa maison eu 1828 et accomplit de
1. Constant Pierre, p. 187.
2. lOid., p. 189.
nombreux perfectionnements, entre autres celui de
l'échappement anglais (1836), le mode d'ajustement
de la touche (1840), un système de compensation
dans la charge des cordes sur la table d'harmonie
(1853), un piano droit à table bombée, pour éviter
la détérioration subie par les tables planes (1855),
un piano déconcerta cordes parallèles et des pianos
ilroits dont les cordes étaient disposées en éventail
sur la table d'harmonie, dans le but d'intensifier la
sonorité (1878).
De nombreux facteurs ont contribué aux progrès;
il serait trop long de les citer tous ici. Les lecteurs
qui auront besoin de plus de renseignements pour-
ront consulter utilement l'ouvrage très documenté
de Constant Pierre : Les Facteurs d'instruments de
mtisique (Sagot, édit., 1893).
Parmi les grandes maisons françaises de vieille
date et dont les usines subsistent encore, il convient
de citer au premier rang l'établissement de la mai-
son Kriegelstein.
Jean-Georges Kriegelstein, natif de Riquewihr (Haut-
Rhin), arrivant àParis en 1826, entra comme contre-
maître chez Pape, où il resta jusqu'en 1831, année
où il fonda sa manufacture de pianos qui devait ac-
quérir une si belle renommée. Kriegelstein n'avait
alors que 30 ans; deux ans après, il faisait breveter,
en collaboration avec .\rpîal'd, un piano carré avec
mécanisme et marteaux au-dessus des cordes (1834),
qui lui valut une médaille d'argent à l'Exposition de
la même aimée; en 1839, ce fut un piano à queue à
sillet, contre-sommier et marteaux frappant les
cordes contre le point d'appui, avec étouti'oirs perfec-
tionnés, récompensé d'une nouvelle médaille d'ar-
gent; puis, en 1841, ce sont des agrafes de précision
pour faciliter l'accord, et, en 1844, le système de
double échappement qui porte son nom («chef-d'œu-
vre de simplicité et de précision» adopté par beau-
coup de facteurs et perfectionné plus tard par son
lîls), bientôt suivi d'un mécanisme à répétition pour
le piano droit, également simple et précis (1846).
L'année précédente avait été marquée par l'appari-
tion du piano demi-oblique de 1 m. 07 de hauteur, —
véritable et précieuse innovation, — dont l'exécution
et la sonorité étaient en tous points remarquables;
la médaille de première classe qui fut décernée en
1833 à son auteur, déjà titulaire de deux médailles
d'or (1844-49), était donc parfaitement méritée. Mo-
difiant les plans primitifs, M. Kriegelstein a résolu-
ment adopté le système à cadre tout en fer et cordes
croisées-'.
Aujourd'hui, la maison Kriegelstein, qui eut tou-
jours le mérite de chercher la première les amélio-
rations et les adaptations, ne fabrique plus que des
pianos de 7 octaves 1/4 et supprime tous les modè-
les de pianos à 7 octaves. C'est là une heureuse
décision, car l'emploi des notes dans les registres
élevés est devenu de plus en plus fréquent dans les
nouvelles œuvres musicales. Ces instruments possè-
dent une sonorité étendue et profonde, qui en fait
des pianos de qualité très supérieure. Tous ces pia-
nos sont à cordes croisées. Finis les pianos à cordes
obliques!
Le premier grand prix fut donné à la maison
Kriegelstein en 1900, pour un piano à queue format
extraréduit. Ce fut elle la première (jui créa ce
genre d'instrument. Elle n'est pas restée en route
depuis 1900, et je dois signaler ici un modèle parti-
3. Uni, [I. t'.ll
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PEDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE 207y
culiéiemeiU remarquable : piano à queue modèle
Bijou, qui, quoique posséJaut 7 octaves 1/4, ne me-
sure que 1 m. .'JO de longueur sur 1 m. 33 de largeur.
Cordes croisées, cadre métallique, mécanique à dou-
ble échappement. C'est le plus petit piano à queue du
monde. Je ne connais que cet instrument aussi petit
et merveilleusement réussi, non seulement comme
clavier et sonorité, mais aussi comme meuble. On a
bien souvent regretté que l'ancien piano dit « cra-
paud » fiU si lourd, si disgracieux; ce petit modèle
Bijou mérite son nom, autant comme meuble que
comme instrument. C'est plaisir que de visiter la
fabrique nouvellement construite à Droittecourt
(Oisel; elle répond bien à toutes les exigences de
l'industrie moderne, dirigée qu'elle est actuellement
par iM. Boulé Kriegelstein, l'arrière petit-fils du
fondateur de la maison.
Chronologiquement, c'est ici que prend place la mai-
son BuRCKH.\RDT, fondée en 1S3'J. En 1883, M. Marqua,
neveu de M. Burckhahdt, devient son associé. En
1889, cette maison expose un piano à queue muni
dune pédale sourdine, ne laissant vibrer qu'une
seule corde, réalisant ainsi le iina-corda qui, en réa-
lité, e?t exécuté sur deux cordes à l'aide de la pédale
douce ordinaire. « Dans ce système, contrairement
à l'usage courant, le clavier et la mécanique restent
en place, — ce qui évite l'usure causée par le va-et
-vient. — Ce nouveau jeu d'étoulfoirs est fixé au delà
du frappé du marteau, et les feutres en forme de
coins viennent se placer entre deux cordes, de façon
à n'en laisser vibrer qu'une'. »
Blondel ^.\lpllonse-l'hilippe-Alfred), né à Douai, le
4 février 1813), fonde également son établissement
en 1839. 11 se fait remarquer par l'invention d'une
mécanique uidépendante du clavier (18411, et par
son « piano-oclave >) {ISiJS-ool muni d'un appareil
permettant d'ajouter à chaque note de basse son
octave grave et à celles du dessus leur octave aigué.
Il invente aussi une baïonnette d'étouUoir détachée
dulevierd'échappement dont l'usage s'est généralisé.
En 1881, il présente un système de double échappe-
ment pour piano droit, dit « mécanique Blondel »,
qui doime la répétition des notes quelle que soit la
distance du marteau; il présente aussi au jury de
l'Exposition, la même année, un piano à clavier mo-
bile, se reb'vant de manière à supprimer la saillie;
ce piano fut inventé par Bogez (en 1838), chez qui il
travaillait à cette époque.
« S'inspirant d'une disposition de ce clavier mo-
bile qui, en s'abaissant, fait ouvrir un volet fermé
d'une partie du panneau placé au-dessous du clavier,
alln d'augmenter la sonorité comme cela a lieu avec
les jalousies de la boite expressive du grand orgue -. »
Le piano-orgue, à un seul clavier permettant de
jouer simultanément ou séparément des deux ins-
truments, ou encore de n'employer que l'orgue pour
les basses, le piano pour l'aigu, ou le contraire, est
aussi une de ses ingénieuses découvertes. M. A. Blon-
del meurt le 20 mars 1S'J3 ; son fils, Alphonse-Alexan-
dre-Ferdinand, né à Paris le 14avril 1832, son colla-
borateur depuis vingt-quatre ans, lui succède.
Thibout (Amédée-Benoit) s'établit en 1840, après
avoir fait son apprentissage chez Mussard et travaillé
quatre ans chez Pape; M™" veuve Thibout, comme
nous lavons dit précédemment, acquit le fond Herz
en 1801.
1. Constant PiEliRE, p. 19-'.
2. Ibid, p. 19t.
Bord (Antoine-Jean-Denis) commence à fa briquer
en 1843. Il s'applique spécialement à produire des
pianos d'un prix aussi réduit que possible, et n'ima-
gine guère qu'un mécanisme à double échappement,
en 1831. En 1889, il présente des pianos de petit for-
mat avec barrage de bois, du prix modique de 430 fr.
Il poursuit, aidé de sou neveu, Antonin Boud,
diverses amélioralions : prolongation du son, nou-
velle division du travail permettant à l'ouvrier d'ac-
quérir une plus grande habileté. Ses pianos droits
sont munis de la mécanique à lames Ebard et d'une
pédale douce par rapprochement des marteaux.
Prouw-Aubert (1844) eut l'idée de la vente à tem-
pérament, ce qui fut une des causes contribuant à
répandre le piano dans la classe bourgeoise.
Aucher frères participent pour la première fois
à l'Exposition de 1849. Ils inventent, en 1830, un sys-
tème de barrage mixte et d'agrafes mobiles posées
sur le chevalet pour compenser la charge des cordes.
ELKÉ(Erédéric) fonde sa maison en 1846, construit
des pianos droits bon marché.
Gouttière, en 1878, prend la direction de la mai-
son et fabrique aussi des pianos à queue.
Caveau (Jos.-Cab.), né à Romorantin en 1824, fonde
sa maison en 1847; il n'accumule pas les brevets,
mais pourtant apporte différentes modifications
dans la conslruction, et donne son nom à une méca-
nique adoptée par divers facteurs. Il tente d'obtenir
l'amplilîcalion du son par réflexion, en plaçant une
glace à quelques millimètres de la table d harmonie
(18891. 11 s'adjoint ses six fils, qu'il place à la tète de
difléients services de son usine.
Depuis vingt-cinq ans, .M. Etienne Gaveau dirige
la maison de la rue de la Boétie. Plus de 70,000 pia-
nos furent fabriqués depuis la fondation de cette
maison.
M. Gabriel Gaveau, frère du précédent, continue de
son côté la fabrication ; ses instruments sont des
plus remarquables au point de vue de la sonorité;
quelques artistes désireraient un clavier plus léger;
c'est là une modification relativement facile à faire.
Gabriel (Caveau, aidé de Marcel Tournier, exploite
un appareil appelé le canlq, rappelant le jnanor
(voir plus loin). Le canto oITre l'avantage de pouvoir
s'adapter sans aucune modification à tous les pia-
nos. Il permet d'obtenir la prolongation du son. Vu
courant électrique ordinaire, alternatif ou continu,
suffit à l'actionner.
L'Association ouvrière : Socicti! des facteurs de
pianos, fut fondée en 1849, et à dater de 18t)7 prit la
raison sociale Yot, Schreck et G''; ce dernier, rem-
placé par ,M. Hamel vers 1872, représenta l'association
avec M. Benard. Cette association construit de bons
pianos à des prix raisonnables.
Pruvost, établi en ISoO, cède en 1880 sa maison
à son fils Henri, qui adopte le cadre en fer, l'allège
et compense la diminution d'épaisseur par des ner-
vures qui en augmeiitenl la résistance.
Victor Pruvost, oncle du précédent, dont la manu-
facture date de 1832.
GERVEx,dont la maison fut fondée en 1830, a l'idée
de faire périodiquement une loterie entre ses loca-
taires de pianos, le gagnant ayant droit à un instru-
ment de son choix.
FocKÉ frère, dont la fabrique remonte à la nième
époque, s'associe avec son fils aine vers 1877-78.
Ce dernier, en 1889, présente un essai de piano à
queue à double table d'harmonie à divisions for-
mant boites sonores pour renforcer toutes les notes.
20S0
BNCrCLOPÈDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Angenscheidt-Everhard, manufacture devenue par
la suite la propriété de MM. Angenscheidt frères, pré-
sente, en 188f», un piano vertical démontable par
pièces de 40 kilos, un piano oblique à double table
d'harmonie.
Ri;CH, originaire d'Alsace, dont la manufacture date
de 1869, fut l'un des premiers à adopter le système
à cordes croisées et cadre en fer forsé avec mécani-
que à double échappement d'ERARO pour les pianos
à queue, et celle à lames pour les pianos droits.
Jfe ne saurais terminer cette longue énumération
des principau.'i facteurs parisiens — j'en passe de
nombreux — sans citer quelques manufactures de
province.
BoissELOT ^Jean-Louis) s'établit à Marseille en 1830;
il fournissait déjà 200 à :îOO pianos par an en 1830.
Il invente, entre autres, le piano rledi-hannonique
(18301, lequel permet de monter à la fois deux cordes
à l'unisson parfait.
Le piano à double son (1843), dont les marteaux
frappaient à volonté cinq cordes, trois à l'unisson et
deux à l'octave haute; le planicordc dont les cordes
étaient remplacées par des lames d'acier. Boisselot
mourut en mai 1847. Louis-Constantin, son fils, lui
succéda; il fut à son tour remplacé à sa mort (juin
1830) par son frère, Dominique-Krançois-Xavier, né
à Montpellier (3 déc. 18H), grand prix de Rome
pour la composition musicale en 1836, qui fit repré-
senter, en 1847, un opéra-comique, Ni' touchez pas il
la reine, et qui abandonna la composition pour don-
ner tout son temps à la fabrication des pianos. Il
augmenta la longueur et le volume des cordes. Il
mourut le 8 avril 1893.
ScHULTz, après avoir travaillé quelque temps à
Paris, se fixe également à Marseille, obtient une men-
tion en 1844 et une médaille de bronze en 1840.
Mangeot (Pierre-Hyacinthe) s'établit à Nancy en
1830. Ses fils Alfred et Edward-Joseph lui succèdent
en 1839. M est impossible de ne pas signaler une très
originale tentative, dont l'idée revient au célèbre pia-
niste WiEMAwsRi, professeur à celte époque au Con-
servatoire de Bruxelles et qui, en 1877, disait aux
frères Mangeot combien il regrettait qu'aucun fac-
teur n'eût essayé de réaliser son désir consistant à
construire un piano à deux claviers renversés. Ce sont
en réalité deux pianos à queue, superposés de telle
sorte que la corde la plus grave du premier soit pla-
cée sous la plus aiguè du second. L'avantage escompté
par cette disposition spéciale consistait dan s la sup-
pression de l'écartement des bras pour atteindre
aux limites extrêmes du clavier; facilité aussi pour
lescroisements de mains. Les frères Mangeot envoyè-
rent un piano de ce genre à l'Exposition de 1878; ils
en fabriquèrent six, dont un est au Conservatoire de
Bruxelles, un autre au Conservatoire de Varsovie;
le prix en était de 3000 francs. Les avantages offerts
par cette disposition n'étaient pas en rapport avec
les difficultés d'exécution, — parait-il. Avec une
plus grande difficulté encore, MM. Mangeot frères
parvinrent à faire quelques pianos droits du même
système au prix de 2300 francs.
M. A. Mangeot est aujourd'hui directeur du jour-
nal le Monde Musical.
3. Staub, également à Nancy, dès avant \8':>'6, était
le gendre de Wahnecke, qui eut une médaille de
bronze en 1878 et auquel son fils a succédé.
WiRTB (Samuel), à Lyon en 1830. Produit en 1840
un piano doucino de forme et de mécanisme diffé-
rents des pianos ordinaires, frappe en dessus, nou-
veau jeu d'éloufToirs, double échappement. Son suc-
cesseur en 1889 est M. Aurand-Wirth.
Baulth, facteur de Lyon, présente, en 1878, des
pianos droits d'un travail soigné.
PoL-Lons, àiMmes, imagina, enl8.)4, d'employer
la pression angulaire au moyen d'une cheville à vis,^
qui avait pour effet de rendre la corde sensible au
moindre effort.
Au musée Kraus, à Florence, on peut voir un piano
de PoL-Louis, dont la table d'harmonie a la forme
de celle d'un violon; il fut fabriqué en 1854.
Maury et Dumas, deux facteurs de Nimes, obtiennent
une mention en 1835.
LoDDÉ (J.-Ch.), établi à Orléans, se distingue en 1834
par divers perfectionnements, notamment par l'ad-
jonction au piano droit d'un clavier de vingt-sepj
notes, faisant vibrer des cordes indépendantes du
clavier à mains.
Lété, à Nantes, en 1827, marchand de pianos et
fabricant en 1847.
Martin fils aine, à Toulouse, vers 1840, et dont le
frère, Casimir Martin, est l'inventeur du Cliiro'jym-
naste.
Comme on le voit, si le nombre des facteurs est
considérable, le nombre des inventions diverses ne
l'est pas moins. Nous ne pouvons citer tous les essais
de pianos divers qui furent abandonnés; ils sont en
trop grand nombre et il serait fastidieux de les énu-
mérer tous.
Le Dictionnaire pratique et raisonné dei instruments
de musique anciens et modernes d'Albert Jacquot,
(éditeur Fischbacheri, publié en 1880, en cite 117, et
depuis, il y eut encore de nombreuses tentatives.
La fabrication des pianos atteint à présent un
chiffre considérable.
En 1914, la situation de la production des pianos
dans le monde entier pouvait être à peu près la sui-
vante :
France, 20.000 pianos par an ;
Angleterre, 60.000;
Allemagne, 120.000;
États-Unis, 360.000.
Parmi les derniers perfectionnements méritant de
retenir l'attention, il faut citer le piano à double
clavier d'Emmanuel Moor, que M. Gustave Lyon vient
de réaliser. M. K. Vlhllermoz, dans le numéro d'Ex-
celsior du 14 janvier 1924, écrit :
« Les facteurs d'orgues peuvent modifiera leur gré
la couleur de l'échelle sonore en permettant à cha-
que série de touches de commander plusieurs jeux
différents. Et pourtant, malgré ces nombreuses pos-
sibilités, ils n'ont pu se passer, non seulement du
double, mais du triple, quadruple ou quintuple cla-
vier. Par quel étrange souci d'ascétisme le piano,
qui, lui, ne dispose que d'une seule couleur par note,
s'est-il volor»tairement privé jusqu'ici de la ressource
d'un clavier supplémentaire?
«La présentation du nouveau piano a été faite par
la femme de l'inventeur, M™" Winifred Christie, pia-
niste écossaise de la plus haute valeur, qui possède
en particulier une compréhension de l'écriture de
Bach, d'une intelligence, d'une finesse, d'un équilibre
et d'une clarté que j'estime tout à fait inégalables.
Surn'inipoi'te quel piano, une telle artiste est capable
de nous enchanter. Mais, sur l'instrument à deux
registi'es, sa maîtrise s'est affirmée d'une faron plus
irrésistible encore.
Cl L'accouplement des claviers et l'adjonction des
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE liusl
octaves graves ou aiguOs, sont, en effet, dans la poly-
phonie de Bach, des ressources sonores extrême-
ment précieuses. Ce sont piéciséraent celles que les
compositions fuguées trouvent dans l'orgue. Dans
le nouveau piano, les associations de coides crénit
un scintillement, un éclat, une vibration lumineuse
et une vie frémissante du son qui font songer au
rayonnement des « jeux de fournitures ». En même
temps, les plans sonores prennent de l'indépendance
et de la variété : l'interprète peut souligner une
« entrée », sans en déformer le volume et rompre
l'équilibre de la composition comme sont, trop sou-
vent, oldigés de le faire les pianistes. Tout est ici le
triomphe de la souplesse, de la délicatesse et des
résonances subtiles. Les doigis dirigent un orchesire
composé de fines voix métalliques, dont les h.'i[-
raoniques frissonnent et chatoient. L'austérité tra-
ditionnelle du pianiste s'évanouit. Le sévère instru-
ment, en retrouvant la registralion délicate du
clavecin, a vu augmenter à la fois sa puissance et
sa sensibililé. Il a maintenant un système nerveux
comparable à celui de la viole d'amour ou de la
harpe éolienne.
«L'expérience est toutà fait concluante. Le piano à
deux rangées de dents est un type d'instrument nou-
veau doué d'une forte personnalité. 11 doit rendre à
la musique des services d'une importance exception-
nelle. Il est impossible que les compositeurs mo-
dernes ne comprennent pas immédiatement tout le
parti qu'ils pourront tirer de cette richesse inatten-
due. Les progrès eiH'egistrés par l'histoire de notie
art ont toujours été conditionnés par le perfection-
nement du matériel sonore. L'apparition du piano
à deux claviers marque une date dans l'évolution
musicale, car il ne peut manquer d'y jouer un rùle
décisif. Il ne reste plus à nos facteurs qu'à décou-
vrir la formule industrielle et commerciale de cette
démonstration, qui ne sort pas actuellement du
domaine de la curiosité de laboratoire.
'.' J'imagine que cette étape sera bientôt franchie.
Dans la réduction à deux mains de son magnifique
Psaume, Florent Schmitt, ne pouvant obtenir une
transcription exacte, a introduit une variante pour
le pauvre instrument qu'il désigne, dans une note
méprisante, sons le nom de piano dix-neuvième
siècle. On sent qu'il attend impatiemment la création
d'un outil plus perfectionné. Emmanuel Mooa com-
mence à nous l'otTrir. Son initiative a une importance'
considérable : ce piano éclaire et rend persuasives
les écritures les plus enchevêtrées. En tout cas, je
mets au défi n'importe lequel de nos virtuoses de
premier plan d'exécuter certaines pages de Bach sur
un piano ordinaire immédiatement après l'interpré-
tation que M">'= Winifred Christie en aura donnée
sur ses deux claviers. Quel que soit le talent dp
l'exécutant, la comparaison sera écrasante. On nv
saurait faire du nouvel instrument un éloge plus
précis et plus complet. »
Le plus important progrès des horizons nouveaux
est certainement celui constitué par le l'ianor.
En voici la démonstration telle qu'elle fut faite à
la réunion de la Société des Ingénieurs civils do
France le 3 juillet 1914.
C'est M. Bevierre qui elfectua la démonstration de
ce nouveau piano, construit par MM. Maître et Mau-
TIN, de Rouen.
Dans tous les essais qui ont été tentés en vue l'i'
l'emploi de l'électricité comme agent de sonorité,
on a fait usage d'un électrn-.-iiinanl. i lare en regarii
Cnp^/j-ir/hl hy l.ihritirii' l>''n'/r,ii '■, 1 .1 ■}7 .
de la corde, et actionné de telle sorte que toute demi-
vibration consécutive à l'attraction magnétique soit
suivie, par un procédé de rupture approprié, d'une
demi-vibration duo à la réaction élastique de la
corde.
Pour que la corde vibre en.donnant la note qui la
caractérise, il faut procéder à des interruptions et à
des reprises successives de courant en nombre iden-
tique au nombre de vibrationsjpropre à la note con-
sidérée.
Exemple : Vut 6 donne, à la seconde, 4.176 vibra-
tions ou demi-vibrations : il faut, pour le produire,
2.088 reprises et 2.0SS interruptions de courant.
Ce n'est pas tout : il faut f|ue l'appareil d'interrup-
tion, quel qu'il soit, soit en phase avec la vibration de
la notecorrsidéi-ée. Il fautqrre le contact s'établisse au
moment où la corde passe h sa position d'équilibre,
et cesse au moment où elle y revient.
Tout relard ou toute avance dans l'excitation pro-
voque des troubles dans la sonorité de la corde et,
dans son soutien, des irrégularités pouvant aller jus-
qu'à l'extinction.
Tout le problème réside dans cette proposition;
elle est assez complexe, vous le concevez, pouravoir
hanté le cerveau des chercheurs et troublé leur
sommeil.
Pour régler le rythme de l'interruption, on utilisa
d'abord le dispositif bien connu de la trembleuse
ou sonnerie électrique, mais la nécessité de ne pas
altérer la sonorité des cordes, comme aussi l'exigniié
de la vibration au voisinage de leurs extrémités, ron-
duisirent à emplover des contacts si délicats que les
étincelles de rupture et les déformations mécaniques
entraînaient un perpétuel déréglage.
On eut ensuite recours à un vibreur auxiliair-e,
sorte de diapason synchronisé avec la corde à faire
chanter; mais il était difficile de réaliser un accord
absolu, et le fonctionnement fut si irrégulier qu'on
dut y renoncer.
De 1888 à 1894, le docteur Eisp.mian, de Berlin,
imagina d'utiliser comme organes interrupteurs des
microphones disposés sur la table d'harmonie. C'était
le piano électrophorrique. H eut son entrée à lacour-
de Berlin et il remplit l'Allemagne de tels échos que
M les gens compéterrts en musique, a-t-on écrit, ne
savaient plus à quels saints se vouer ». Et pourtant,
il disparut dans l'oubli.
C'est que la phase de la table d'harmonie n'étant
pas exactement celle de la corde, l'intensité du son
est amoindrie, le timbredénaturé,lacordeassourdii';
c'est que le piano électropbonique comportait quatre
microphones seulement, et que si l'interruption four-
nie par chacun d'eux converrait àeertairresnotes, elle
ne convenait pas à d'antres. Et piris, il semble ))ien
difficile d'obtenir rigoureusement avec un nricro-
phonc la rupttrre théorii|ue correspondant à chaque
note.
Il fallut dorrc revenir à l'interruption individuelle
par la corde elle-même et trouver, dans ce but, des
contacts aphones, indér-églubles, et ensynchrouisnie
constant avec celle-ci.
C'est ce que firent avec succès .M,\l. Maithk et
Martin, en imaginant un procédé que nous allons
décrire très succinctement, sans autre prétention
que celle d'exposer un pr'irrcipe. à l'exclusion ilo tout
(iétail de cor)stiuction.
La schéma 1086 indique somniairenrent ladisposi-
lioir qu'ils ont adoptée pour lamine ei; vibration d'une
corde.
1.11
2082
ENCrCLOPÉUIË DE LA MdSlQVE ET DfCTlOV.VAIRE DUCONSKRVATOIRE
FiG. 10S6.
■A est la corde,
B l'éilectro qui l'aclionne ou électro principal.
h, lin électro auxiliaire d'excitation qui actionne
le bras mobile C d'une pièce de
contact c pivotant autour du
point c et formant avec le corps
vibrant interrupteur de circuit.
F un ressort de rappel, qui
tend constamment à ramener
celle-ci sur le corps vibrant.
Les deux électros sont dis-
posés dans le même circuit.
Le courant suit le trajet B,
/;, G et c', A et regagne la
source.
Lorsque le circuit est fermé,
l'électro B attire la corde, et
l'ôleclro b attire l'armature r
du bras mobile C et rompt le
courant entre celui-ci et la
corde La corde et l'armature
sont alors brusquement abandonnées à elles-mêmes ;
la corde vibre, C n'est plus soumis qu'à l'action du
ressort de rappel, d'où nouveau contact, nouvelle
attraction de la corde, et ainsi de suite.
L'expérience ayant montré qu'il convient, pour
produire instantanément un son pur et le maintenir
tel pendant toute la durée du passade du courant, de
réduire dans la plus larj^e mesure possible l'ampli-
tude d'oscillation de la pièce de contact, on a ad-
joint à celle-ci un dispositif spécial de freinage dont
l'effet est de neutraliser les mouvements osL-illatoires
propres que pourrait prendre par inertie le bras mo-
bile C, mouvements qui nuiraient à la netteté et à la
régularité des ruptures. Ce dispositif agit à la façon
d'un amortisseur ni! troublant en rien la délicatesse
indispensable des mouvements.
Pour en faciliter la description, sans sortir du
cadre de cette communication, je prendrai comme
exemple l'amortisseur du timbre, car l'invention de
MM. MAiTKEet Martin est d'un caractère très général
et trouve son application dans la mise en vibration
de tout corps sonore.
Entre les deux brandies d'une pince 1 (llg. 1087)
pivote, par l'intermédiaire de deux pointes, un volant
H. Une lame flexible G, portée par le bras mobile R,
Fl.i. 1I1K7.
s'appuie sur la périphérie du volant II. Une vis J
permet de régler la pression que la lame (. exerce
sur la surface du volant. Le fonctionnement du dis-
positif est le suivant : lorsque le bras mobile li oscille
sous l'inlluence de l'électro-aimant d'inlerruption
et du ressort de rappel F, la lame flexible G tend à
entraîner le volant II, mais, par suite de son inertie,
celui-ci oppose une résistance à cet entraînement.
L'oscillation de la lame G; se trouve donc freinée.
Quand le bras mobile est entraîné d'un mouvement
lent par son ressort de rappel, par exemple, le volant
tourne en accompagnant la lame G, mais si le mou-
vement du bras mobile est rapide, l'entrainement ne
peut se produire, la lame G glisse sur le volant, d'où
amortissement.
Uevenons au schéma 1080 : le bras mobile étant
ainsi amorti, il arrive très rapidemeni, instanlané-
ment peut-on dire, que la corde, par ses oscillations-
successives, devient seul agent de l'interruption. A
partir de ce moment, b's ruptures se succèdent avec
une telle rapidité que l'attraction de l'armatuie par
l'électro auxiliaire esl constamment dominée par la
réaction du ressort de rappel; rarmatiire devient
inerte, la corde est auto-excitatrice.
En résumé, la pièce de contact est rendue mobile
pour assurer les premières ruptures ; elle se fixe spon-
tanément aussitôt après.
D'où ces conséquences remarquables : réglage
facile au montage, mécanisme indéréglable dans le
fonctionnement.
Ajoutons : durée de fonctionnement pratiquemeni
illimitée, car la ruslioité des organes esl telle qu'ils
sont mis à l'abri des altérations ou oxydalions résul-
tant du passage du courant et n'ont rien à redouter
des transports. L'expérience a prouvé que des con-
lactsd'un quart de milliniètrecarrédesection perniel-
tent de jouer- de l'orgue une heure par .jour pendant
dix ans : or ils sont, dans le pianor, de 6 à 8 milimètres
carrés, ce qui donnerait, dans les mêmes conditions
d'usage, si ces règles mathématiques étaientapplica-
bles, une durée de deux cent cinquante ans.
Mais un pareil instrument, pourêtre complet, doit
se prêter à toutes les exigences de l'expression, et
particulièrement : à la variation de l'intensité de la
note du forte au pianissimo, au clwnl expressif et au
chant frissonnant .
Pianissimo. — Le pianissimo, conséquence de la
réduction de l'amplitude des oscillations de la corde,
s'obtient par adjonction d'une résistance de circuit.
On conçoit combien il devieiil indispensable de com-
penser par un dispositif parliculier la diminution
d'activité de l'oi'gane auxiliaire d'inleri'uplion, qui ne
manquerait pas, sous l'inlluence d'un courant trop
faible, de provoquer des difficultés d'arrachement de
la lame.
Le schéma 1088 indique l'un des moyens de réali-
sation :-à la suite de l'électro B,, est placé dans
le circuit un second électro auxiliaire
Bj, enroulé dans le même sens et
monté sur le même fer doux que B,.
Cet électro R^ est construit de telle
sorle que :
1" Sa résistance soit suflisante pour
produire le pianissimo désiré;
2" Le nombre des ampères-tours
de B, et B^ réunis, pendant le pianis-
simo, soit sensiblement égal à celui
de,R, pendant le forte, alin que
l'activité de l'électro d'interrup-
tion soit la même dans les deux
cas.
Pendant le piayiis-
simo, les contacts c'- et '
c^ sont séparés, et R_, est
mis en court-circuit.
Pendant, le forte, les
conlacts '- et c' se touchent, et B- est mis en court-
circuit.
Une pédale permet la manœuvre simultanée des
contacts c- et c^, soit pour tout le clavier, soit pour
un demi-clavier.
Une résistance R' est placée en dérivation au tra-
vers de la rupture pour supprimerl'étincelle d'extra-
courant.
FiG. loss.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉPAGOCfE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE i(M3
Chant expressif. — Le principe de la réalisation
tlu chant expressif consiste dans une interruption
rythmique du chanl ordinaire, de manière à produire
l'ellet d'expression que dotnie le violoniste ou le vio-
lonceliisle en faisant trembler le doigt sui' la corde,
el que fournit, dans les grandes orgues, le remous
du vent. Ce résultat s'obtient en interrompant le
courant du circuit général au moyen d'un inter-
rupteur spécial, suivant un rythme larije et régulier.
Le nombre ries interruptions par seconde est de
l'ordre de quelques unités, cinq par exemple.
Chant frissonnant. — 11 consiste à interrompre
ra[)iilemeiit If raurant du circuit général, de façon
que le rythme de l'interruption ne puisse jamais être
en phase avec les vibrations de l'une des cordes du
piano et ne puisse fausser les notes en développant
des résonances harmoniques. Le meilleur mode
consiste k découper le courant principal suivant un
rythme rapide et irrégulier. On conçoit aisément
qu'une vibration de l'interrupteur rapide etrégulière
doive provoquer dans les cordes "un mouvement en
synchronisme avec le sien, et augmenter, par suite,
l'intensité de certains harmoniques au point de
dénaturer le son fondamental. On conçoit également
que, grâce à l'irrégularité de l'interruption, le rythme
de l'interrupteur ne sera Jamais en phase avec la vi-
bration de l'une quelconque des cordes du piano, les
notes ne seront pas faussées par les résonances har-
moniques et toutes les cordes murmureront avec la
même intensité. L'adjonction d'un rhéostat dans le
circuit général permet de régler l'intensité du mur-
mure obtenu.
Tous ces dispositifs ont été brevetés ou reconnus
brevetables dans les pays à examen.
i>'ous terminerons ce court exposé d'une grande
invention, en faisant observer que le courant néces-
saire au fonctionnement du piano s'emprunte à une
canalisation d'éclairage, que la consommalion de
l'instrument en plein jeu est à peu près celle d'une
lampe de cinq bougies à filament ordinaire, entraî-
nant une dépense de 0 f. Oo à l'heure.
Cet instrument obtint le plus grand succès à la foire
de Paris en 192 't. — .Nul doute que bien mis au point,
l'usage rendu pratique grâce à quelques amélio-
rations indispensables, il n'ariive à donner au piano
les qualités qui — jusqu'à ce jour — lui manquèrent
totalement: prolongation du son, augmentation d'un
son après que le marteau frappe la corde en réalité :
sons iilés^
LE ROLE DU PIANO
.Supprimer le piano serait nous priver de la plus
grande partie des œuvres musicales. Unique en son
genre, aucun autre instrument ne peut le remplacer.
Zélateurs et indiiférents s'accordent à lui consentir
une place prépondérante. Artistes, amateurs, tous
ont recours à lui. Nul autre, en effet, ne possède cette
riche échelle à laquelle est jointe une docilité expres-
sive que le talent du facteur et de l'artiste grandit
chaque jour. Nul n'est si réellement utile. Enfin, son
évolution bien avancée n'est pas terminée, et nous
avons le droit d'espérer lui voir acquérir encore des
richesses nouvelles.
Le piano est actuellement l'instrument le plus com-
1. Voir ci-tlessus Gaveau (Gabriel) pour invention similaire : l.f
Cantu, appareil à dispositif électrique [.crmettant également d'oble-
nir la prolon^ution du ^oi;.
plet, le plus intime dispensateur d'art musical. Con-
fident des plus belles pensées de nos grands compo-
siteurs, son clavier ami, toujours prévenant, peut ex-
haler les plus douces consolations, pleurer nos dou-
leurs, chanter nos joies, apaiser nos soulfrances aussi
bien que se prêter aux sentiments plus légers, égayer
nos loisirs, babiller des riens qui lleurissent la roule
de nos jours, aider aux réunions de famille et d'a-
mis. Par un invisible lien, il harmonise nos sensa-
tions, procure distractions, consolations, plaisirs.
Aucun instrument ne réunit, en même temps qu'une
échelle sonore musicale si complète (88 notes), cette
docilité expressive : la moindre modification de pres-
sion modifie sa sonorité. Il se suffit à lui-même, étant
capable de faire entendre un chant et son accompa-
gnement, plusieurs parties simultanément. Une mé-
lodie privée de ses harmonies a vile fait de nous las-
ser. Aussi, une de ses primordiales qualités résulte-
t-elle de ce qu'il est l'instrument polyphonique par
excellence; il devient en réalité le prolongement du
corps et de la pensée de l'être sensible, c'est notre
voix qui chante lorsque nos doigts le sollicitent.
Son rôle est immense; sa longue vie lui a déjà
permis de grandir, et presque chaque année il nagna
en beauté; savants, techniciens, ingénieurs, mécani-
ciens, artistes, tous ont participé à son éclosion. Le
voici devenu presque adulte, mais ce grand enfant
qui suivit nos générations successives est encore en
croissance ; il est beau et fort, il sera plus encore, et
nos enfants seuls le connaîtront peut-être en sa toute-
puissance.
Il aide l'homme à vivre, il développe chez lui la
finesse de l'ouïe, de la vision, — par la lecture, —
l'indépendance des muscles, l'ordonnance du sys-
tème nerveux, l'esprit d'observation, la mémoire,
l'intelligence, la suite dans les idées dans le travail.
Il est très exigeant, nécessite une grande fidélité, des
soins quotidiens; l"oublie-t-on quelque temps, aussi-
tôt les doigts moins habiles ne retrouvent plus les
belles sonorités. La satisfaction ressentieen jouant du
piano n'est pas toujours en rapport avec la somme
de talent, elle est peut-être plutôt dans la joie
éprouvée lorsque nous gagnons un petit progrès.
Elle est donc illimitée, puisque, dans le domaine de
l'art, on chemine sur une route aux aspects multiples ;
verdoyante, caillouteuse, fleurie, épineuse, on y
cueille des fruits, des Heurs, on s'y blesse aussi, mais
cetle route est sans fin. Le piano se prête à toutes les
fantaisies. Dans le tableau ci-dessous sont réunis ses
différents emplois.
11 est instrument : solixie, d'ensemble, accompa-
gnateur, (l'orchcslie. Voici ses diverses attributions :
Soliste.
ilorcemix de
'tes, etc.
Vannes,
Transcriiilions.
Concerts.
ijenre : llo/iiaiices, Xacliu--
iCoiicerfoa.
Opi'ra. vpérn
Snwpliunics.
I!tt/Ms.
■comiqiw, etc.
< Triiiis.
\ iiimtuors.
Ensemble 1 (juinuties, etc.
lieit.v pianos.
, etc.
Accompagnateur.
Orchestre.
Piano ci urrfue,
( i'Jinnti'iirs.
» l'!\trii'nciilisli's.
. Àri-i>m}}ni]iicmcnl ile^ récilitlifs.
\ iicnifif'/iremenl it'ùistrittuents fttistinl UrfinU.
i Etolfer orcheslre Irop rainil {remptissiiije).
j Au mnne, litre ijiic les autres inslnmculs de
\ l'nrclieslre.
2084
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIOSNAIRE DU CONSEnVATOÎRË
DrvERNOY dil fort bien : « que le piano est par excel-
lence l'instrument traducteur de la pensée musicale.
Mais il n'est pas que cela, ajoute-t-il, il est aussi
l'instrument qui a le plus conlriliué à la dill'usion de
la musique, ci l'éducation musicale de la foule. Par
lui, ce n'est pas seulement sn musique qui est connue :
ce sont les symphonies les plus symphoniques, les
opéras, les drames lyriques, la musique de chambre
qu'il vulgarise. Tout par lui est donné; tout par lui
est accessible à tous.
« Si nous ne craignions pas d'employer une expres-
sion triviale, nous dirions que le piano est un « com-
mis voyageur de musique » incomparable.
«C'est ici que le virtuose intervient et prend le
rôle d'éducateur, rôle dont l'importance est indiscu-
table et capitale. C'est le virtuose qui, parson talenl.
par le choi.\ de son répertoire, porte la bonne ou la
mauvaise parole; c'est lui qui va évangéliser les pu-
blics réfraclaires à la musique des maîtres, aux
œuvres fortes et saines. La tâche est digne et bien
faite pour tenter les vrais artistes : ceux qui ont le
respectd'eux-mèmes et qui ne se sont abreuvés qu'aux
pures sources de l'art. Cette tâche, ils la remplissent
par devoir, et aussi par reconnaissance envers le';
génies divins dont l'imagination nous transporte loin
des réalités vulgaires et bien souvent douloureuses,
dont les inspirations nous charment, nous consolent
et nous font aimer la vie. Us servent ainsi la plus
noble des causes : celle de l'art, de l'art qui survit à
tout, de l'art immortel.
Taul passe. — L'art robuste
Seul a l'L'ieruilé. u
TECHNIQUE ET [PÉDAGOGIE
L'étude du piano joue un rôle des plus imporlaiits
dans l'éducation générale. Ce serait mie eri-eur de
croire que ses résultats sont simplement musicaux.
Cette élude — bien conduite — développe considé-
rablement la somme d'attention de l'en fani, elle habi-
tue les yeux à voir Juste et vile, à diviser rapide-
ment une courte étendue; elle afQne l'ouïe et, mieux
encore, elle est un puissant moyen pour coordonner
les impressions visuelles et tactiles. Klle lait naître
l'indépenilance des muscles, canalise l'elTort de la
pensée, par uei travail psycho-physiologique spécial,
elle contribue puissamment à l'évolution de l'intelli-
gence'.
On peut dire que l'étude du piano est nécessaire à
trois points de vue : éducatif, arli'itiqne, récréatif.
Il est presque indispensable de savoir jouer du
piano, même si l'on désire apprendre à jouer de tout
autre instrument, ou s'y l'on désire se livrer à des
éludes vocales. La lecture obligée de deux portées,
des deux clefs, d'un nombre siiuultané de notes et
d'accords, est un excellent moyen pour se perfec-
tionner en solfège et pour être capable de déchiU'rer
facilement, je dirai même pour entendre intégrale-
ment, car ou entend mieux la musique quand on la
sait bien lire.
L'enseignement — bien compris — développe di-
verses facultés précieuses. .Malheureusement, il
n'existe pas de cours de pédagogie musicale au Con-
servatoire ; ceci est d'autant plus regrettable qu'il
n'est délivré, par celte école, aucun diplôme certi-
fiant que son bénéliciaire soit apte à donner un bon
1. L Etude du Pian-j, L.-E. Gft vtia, p. 7. Dehgr.ivp, .^illteup.
enseignement. Ce témoignage ne conférerait aucun
droit à son possesseur et n'empêcherait nullement
ceux qui en seraient privés de faire du professorat,
mais il constituerait une garantie précieuse aux
parents qui, ne connaissant rien en musique, sont
soucieux de choisir un mailre léellement capable de
guider leurs enfants.
Savoir bien jouer d'un instrument ne prouve pas
toujours que l'onsoi< qualifié pour s'intituler profes-
seur. La science nous fournit suftlsammenl de don-
nées précises pour faciliter la rapidité des progrès
chez les élèves. 11 est souhaitable de savoir quels sont
les moyens les plus efficaces pour réduire les heures
d'étude, afin de disposer du temps nécessaire à l'en-
seignement général et aux sorties indispensables au
maintien de la sanlé, de la vigueur corporel le, .du bon
fonctionnement de notre organisme.
Si le travail est rationnellement ordonné, si on
n'augmente pas inconsidérément les heures d'étude,
sachant en obtenir le maximum de rendement, — ne
se contentant pas du procédé dangereux consistant
en de multiples répétitions « identiques », si préjudi-
ciables tant à l'intelligence qu'au développement du
sentiment artistique, — il reste des loisirs poui- ac-
quérir, conjointement à la virtuosité, des notions
indispensables d'harmonie, de contrepoint et d'ana-
lyse musicale.
La lâche du professeur s'embellit encore s'il déve-
loppe le goût aitistique de ses élèves, ne se bornant
pas à faire de ceux-ci des perroquets plus ou moins
mal appris.
Il s'appuiera sur des bases solides, pour former le
jugement musical de chacun de ses adeptes, sans
tomber dans l'erreur trop répandue il'imposer ses
préférences personnelles.
Tous les professeurs comptent parmi leurs élèves
des natures privées de sentiment ailislique, n'ai-
mant que la musique vulgaire. Pour faire l'éducation
de ces derniers, il est prudent de ne pas combattre
de front leur déviation de goût par des aftlrmations
toujours discutables. Ce n'est que peu à peu qu'il
sera possible de former des êtres sensibles à la saine
beauté. Il sera même recommandable de vaincre ses
répugnances et de faire travailler la musique piôfé-
rée par l'élève, ayant grand soin de lui donner simul-
tanément, comme études, des œuvres méticuleusc-
ment choisies parmi celles des maîtres incontestés.
Il sera bon de les analyser sommairement, de signa-
ler les passagesles plussaillants.etdenepas craindre
de faire jouer comme exercices les plus belles pages
appropriées au degré de force du sujet. Si le profes-
seur sait patienter et bien mener son œuvre, il est cer-
tain qu'arrivera le jour où, ayant donné le titre d'un
morceau sans valeur, succès de café concert... ou
autre .., l'élève exprimera le désir d'étudier une
œuvre réellementailistique, considérant qu'il est fas-
tidieux de jouer des mélodies sans saveur, mal po-
sées sur des harmonies banales et peu variées: il se
plaindra de l'absence de polyphonie, de conlre-chant.
Ce jour-là le résultat sera obtenu. Le mailre méri-
tera son titre.
11 est évidemment indiscutable qu'on ne peul bien
jouer du piano si l'on ne possède pas un niécarn'snie
suffisant. Cette vérité engendra toute une pléiade de
pianistes inconsidérés, prenant le mnijen pour le but,
Voutil pour le chef-d'œuvre !
Le premier, l'unique objectif n'est-il pas de créer
des musiciens? L'homme s'atiribuant de nombreuses
qualités qui l'élèvent au-dessus des animaux, ne
TECHNIQUE, ESTllÉriQUE ET FÈOAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE 208 r.
peiU-ou pas légitimement prétendre aussi que celui
qui vilire par l'émotion d'art s'élève au-dessus de
lui-même, communie plus intensément avec ce qu'il
y a de plus estimable dans la nature? N'est-ce pas
là tiouver le breuvage de l'esprit, une raison de vivre
supérieure, un apaisement aux douleurs humaines,
une joie sereine ou bien encore une simple dis-
traction reposante...! Qu'importe, si la vie en est
agrandie.
Pour gravir cet idéal Tliibet, pour vaincre les dé-
couragements, les dilTieultés toujours nouvelles, il
faudra le guide sûr qui dirige nos pieds trébuchants
et inhabiles sur la route au sol ferme. Le travail
quotidien apportera lentement, mais sans défail-
lance, le petit progrès qui, par sa répétition, grandira
sans cesse.
La paresse, l'indécision seront plus facilement
domptées, grâce à la discipline imposée d'un elfort
régulièrement reproduit.
Le bon travail, sans déchet, ne peut résulter du
surmenage, mais il implique une attention puissante
et toute portée sur un point unique. L'ensemble de
nos facultés étant orienté vers le même but, nous
évitons l'éparpillement de nos forces; nous créons
ainsi une sorte de centre attractif aspirant toutes les
idées connexes.
La mise en route, parfois difficile, sera facilitée si
nous prenons soin de nous mettre au travail chaque
jour à la même Aci/re; l'habitude résultant de cette
régularité entraînera le besoin du travail, sans que
la volonté soit obligée d'intervenir'.
Le professeur qui n'aime pas enseigner, préten-
dant qu'il est ennuyeu.x de donner des leçons, est
généralement plus nuisible qu'utile. Sa mission con-
siste à donner du courage, à stimuler l'énergie, la
volonté persévérante. Il doit être animateur. Or de
quel pauvre enthousiasme peut-il faire vibrer ses
élèves si lui, le maître, baille d'ennui?
On ne luttera jamais trop non plus contre l'erreur,
si répandue, qui consiste à croire qu'une expérience
et un talent médiocres sont suffisants pour diriger de
jeunes enfants. Cette tâche particulièrement déli-
cate exige non seulement beaucoup de tact, de
prudence, de psychologie, mais de très sérieuses
connaissances jointes à beaucoup de pratique. On ne
peut apprendre aux autres que ce que l'on connaît
parfaitement. Si les premiers conseils sont mauvais,
les habitudes contractées seront mauvaises, plusieurs
années de pépibles efforts ne suffiront pas toujours
pour se débarrasser complètement des défauts enre-
gistrés. C'est souvent le prix modique des leçons qui
tente les parents, mais c'est là une économie aussi
trompeuse que dangeieuse. Le prix des leçons néces-
saires pour détruire avant de reconstruire dépasse
celui qu'eût demandé, dès le début, un professeur de
valeur. Encore est-on heureux que l'élève découragé
par un mauvais départ aime encore la musique.
Il n'y a pas une méthode, une manière, un secret,
une recette pour apprendre à jouer du piano.
La technique se modifie suivant les élèves, leur
âge, leurs désirs, leurs aptitudes, le temps dont ils
disposent, leur intelligence et l'évolution mécanique
de l'instrument.
Le piano moderne est autre que celui de Chopi.n,
celui de Chopin très différent de celui de Beethoven.
La mécanique n'étant plus la même, la manière de
1. Lr Trac et la TimidW; L.-E. Gratia, p. iîl. iMarcel Rivière,
éditeur.
i. Ibi'l., |.. 91.
jouer doit aussi se transformer. Malheureusement,
l'esprit de routine est si ancré chez, l'iiomme que de
nombreux professeurs continuent de recommander
des positions, des doigtés qui étaient excellents pour
toucher le clavecin et qui sont nuisibles pour l'ob-
tention des qualités pianistiques recherchées. « La
tradition est respectable, elle est un précieux héri-
tage, une véritable richesse du savoir humain, tandis
que la routine — d'où le raisonnement est absent —
n'est qu'une fausse science, un préjugé néfaste qui,
tel un frein, vient arrêter l'élan des plus beaux
elforts, des plus saines audaces, qui érige comme
lies dogmes des erreurs d'observateurs inhabiles e'
de vulgaires conventions résultant d'une mode ou
même d'un défaut-. »
Si quelques professeurs — qui ne raisonnent pas,
ou qui raisonnent mal, — perpétuent des idées de-
venues fausses et sont cause ainsi de la lenteur des
progrès de leurs élèves, il en est d'autres — trop mo-
dernes ■ — qui, perchés sur un socle de bluff, inven-
tent des procédés de travail ridicules et préjudi-
ciables. D'autres enfin manquent de la virtuosité
nécessaire pour donner des exemples, ou — ce qui
est aussi grave — ignorent comment ils procèdent,
et sont par conséquent totalement inaptes à ensei-
gner.
Le professoral est une science exigeant des quali-
tés autres que des qualités musicales. En plus de la
connaissance très complète de l'instrument et de
l'ai t musical en général, des acquis de psychophysio-
logie, des dons, d'observation, une élocution claire,
du tact, de la douceur, de l'énergie et une patience
illimitée, sont nécessaires.
c< L'attention est à la base de tous progrès. Aug-
menter l'attention est un moyen d'augmenter la vo-
lonté'. » L'attention — comme toutes nos facultés —
se développe par l'exercice et s'atrophie faute d'u-
sage. S'imposer chaque jour une tâche, un travail,
sera d'une méthode d'éducation fort productive, dé-
passant comme résultat des progrès pianistiques.
Sans l'attention, il est peut-être plus nuisible qu'utile
de fatiguer l'instrument. On doit rejeter comme
absolument mauvaise la « méthode » (!) qui consiste
,i l'aire agir les doigts durant des heures, tandis que
la pensée est absente, occupée ailleurs. Les résultats
dépendent plus de la qualité du travail que de sa
quantité. On peut dire que le progrès est p)'opo?'(iwn-
itel à la somme d'attention dépensée^.
Héuirt n'hésite pas à écrire : « Le travail qui n'est
pas soumis à l'attention devient improductif, inutile,
dangereux pour la santé comme pour le piano.
« Jeu réfléchi = progrès;
« Jeu machinali=; recul, déformation'', »
Marmontel insiste également : « Les progrès de
l'élève dépendent plus du soin consciencieux apporté
aux études que du nombre d'heures passées au
[liano. La volonté et la rédexion donnent de meil-
leurs résultats que de longues heures employées
>aiis discernement... 11 faut concentrer toute son
itlention, s'observer, s'écouter pour éviter des dé-
laiils que la force de la routine rend plus lard si
difficiles à corriger^. «
;;. ihi I., p. 23J.
i. L'EtHile du piano, L.-E. Gratja, p. 10, édit. Delagra*c. Voir
;iussi : Moyens de trarail pour l'étude du piano. Comment réaliser
un maximum de progrès dans un minimum de temps, par L.-E. Ohatia.
5. Hi^;iJSHT, L'Art de développer le sentiment musical cliez l'enfant,
p. 26.
0. Conseih (Ï'wh y »'o/es5e»r, MAn«oRT£i., p. 79el suiv.,6Jit. Hcugel.
2086
EXI.rcLuPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE OU COSsEaVATOlRE
Tous les auteurs, tous les techuicieus sont (rac-
cord sur ce poinl. Remuer les doigts taudis que la
pensée s'évade, c'est les ajîiler en pure perle. Evi-
demment, il est indispensable d'avoir des muscles
bien nourris, fonctionnant aisément, mais ce n'est là
qu'une faible partie du travail. Il sera tout aussi
sinon plus important de rechercher et d'utiliser
les moyens capables de maintenir l'attention afin
d'agir sur les cellules nerveuses, sur la pensée, et
d'obtenir rapidement : la vélocité, la mémoire des
distances, des formes d'accords, des pressions, des
mouvements, des attaques. L'adresse des doigts, des
mains, la souplesse des poignets, des avant-bras,
des bras, des pieds se développe par l'exercice, par
les répétitions lentes ou vives, variées et multiples.
Aucun mouvement — dans l'étude — ne doit être
exécuté qu'après avoir été pensé; ce n'est qu'ensuite,
lorsque l'automatisme sera créé, que l'on pourra peu
à peu accélérer le mouvement et réaliser en toute
rapidité, et sans que la pensée intervienne, les
agencements les plus délicats, les plus complexes.
Apprendre, c'est enregistrer, c'est localiser à l'aide
de toute notre conscience une infinité prodigieuse
de mouvements, c'est créer des réflexes que, par la
suite, notre automatisme déroulera fidèlement'.
Méthodes de piano.
Le nombre des méthodes, études et exercices écrits
pour l'enseignement, est des plus considérables; il
serait fastidieux de les citer ici. Parmi ces nombreux
cahiers, il en est de remarquables, beaucoup offrent
de l'intérêt, quelques-uns sont presque nuls, mais
en réalité, la manière de travailler importe plus
encore que ce que l'on travaille! Les ouvrages de
didactique étant peu nombreux et moins connus, il
nous semble plus utile de donner ci-après la lisle
des principaux de ceux-ci. Ils sont d'un grand attraii
tant pour les élèves que pour les professeurs.
Nous citons par ordre alphabétique de noms
d'auteurs.
BaE!TS.\DPT(Rodolphe). — I. ilaiiuel prulique du pianisle. — II. Les
l'ondements de la techinijue piaiiisliiiiie. Traduction française
par Ernesl Ct.ossoN. Edit. Durdilly.
Deliodx(CIi.). — ■Coiirsrom/ileld'exefcicex pour piano. Durand, édit.
Réaumant les difiicultôs du mécanisme, donnant de pré-
cieux conseils sur la méthode de travail.
Demeny (g.). — te Violonisle. Maloine édit.
— Education et Itarm^jiie îles mouvements. Librairie des Aunalefi.
DoMDR (Esclimann). — Guide du jeune pianiste.
Falkenberg. — Les Vé.dales dit piano.
FÉTis. — Metlii'de des ilelliodes de yitinn.
FiscHBACHER. — Conseils au.v Jeunes pianistes.
Gratia (L.-E. ). — L^ Etude du piano (Gomment réaliser un maxi-
mun de progrès à l'aide d'un minimun de travail). Préface
de Ch.-M. WiDOR, de l'Institut. 60 ligures, 4 plauclies
hors le.iile, Dela^rave, édit., 4" édition.
— Le True et la Timidité. Conseils de pédai^ogie et d'éducation.
lOillustrationshors 16x10,2° édition, édit. Marcel Rivière.
^- Koijen-s de travail pour l'étude du piano. Recueil d'exercices
développés d'après des fragments d'oeuvres, montrant de
quelles manières différentes il faut jouer un même pas-
sade pour réaliser un maximum de i)ro,ïîrês dans un mi-
nimum de temps.
HÉBERT. — L'Art de développer le sentiment mmieal chez l'enfant.
Jaei.l (MDriel — La Musique et la Psychophnsiologie. Félix Al-
can, fdil.
— Le Mécanisme du toucher.
Kalkbren.ner- — Métli'ide pour itjipreniire o jouer du piano-forte ii
l'aide du guide-main.
1. On a proposé de nombr.'uv ;ip|mreils pour aitler à l'amélioration
du mécanisme. Le plus rerommandable est l'appareil de mécanothé-
rapie inventé par llf.rn- : ï'ochydaetfjl. Huit minutes d'exercices méca-
notliérapiques remplacent indisculaldcment une heure d'ctiide faite
sur le clavier. Cet appar-dl est fabrique à Sancoius (Cher)
KixKCVNSKi. — Trois Conférences faites il Varaorie.
Ki;i-i-i:uATH, d'après Bcschorzeff. — Traité de la pédale ou mè~
lliode de son emploi au piano. Avec exemples cités des con-
certs historiques donnés par Antoine Rdbinsteis. Bos-
worth, édit.
RnRPiN.sivi. — E.rpose systématique de la musique pour piano.
Lavignac. — L'Education musicale. Delagrave, édit.
Lebebt et Starcr. — Ecole du pianiste.
Levacher. — De l'Anatomie de la main, considérée dans ses rapports
arec l'e.ïécution de ta musique instrumentale. (Elaboré sur les
ciinseils du docteur Augias de Turcnue. professeur à la
faculté de médecine, ouvrase recommandé parTHALBERQ.)
Malwina-Brée. — Hase de la méthode Leschetitzky.
Marmo:5Tel (a.). — Conseils d'un professeur sur l'enseignement
technique et l'esthétique du piano. Edit. Heugel.
— Yade-mecunr du professeur. Catalogue gradue et raisonné. I-Mil.
Heugel.
MoxoD, professeur au Conservatoire de Genève. — La Sonorité du
piiuio.
Parent iHortense). — L'Etude du piano.
PaiLipp (L.). — De l'Enseignement rfujjiii/io (simple causerie). Édit.
Janin frères, à Lyon.
Praeger. — Conseils sur l'exécution des itnvres de Chopin.
QciDANT (.Vlfred). — L'.ime du piano. Essai sur l'art des dcnr pé-
dales. Edit. Ch. Maquet.
Rameau. — Code de musique pratique.
RoMED. — L'.lrt du pianiste.
Sghar-wenka. — La Méthodique du jeu de piano.
ScHiFFBiACHER. — ■ La Main et I ilme du piano.
Selva (Blanche). — L'Enseignement musical de la technique du pian»
(3 vol. Édit. Rouartet Lerolle).
Steinhadsek (F. -a.). — Les Erreurs phijsiologiques et la transfor-
mation de la technique du jeu de piano, traduit de l'allemand
par M™" Emile Javal. Édit. Rouart et Lerolle.
XVabtel. — Leçons écrites sur tes sonates de Beethoven.
Wassili (Safonoff). — yourelle Farmule. Quelques pensées pour le
professeur de piano.
Weber. — Lettre au directeur de musique de Leipcig.
XVeingartner. — L'.irt de diriijer (traduction d'Emile Heintz).
(Conseils d'interprétation. )
COMPOSITEURS ET VIRTUOSES
Littérature _dn piano.
Le xvn'' siècle fut la dernière époque de la vogue
du clavecin avant sa transition au piano. Les derniers
grands maîtres du clavecin furent : Frescoraldi,
ScARLATTi, Jean-Sébastien Bach et son fils Emmanuel
Bach, Haendel, de Chambonnières, François Couperin,
RAMliAU.
Puis, presque contemporains, nous trouvons :
Haydn, Mozart, Clementi, Dussek, Steibelt, qui sont'
les maîtres de la nouvelle école du piano, les pré-
curseurs du plus grand de tous. Beethoven.
Il est remarquable que presque tous les grands
compositeurs ont été plus ou moins pianistes et com-
posèrent pour le piano. On verra par les pages qui
vont suivre que le nombre des compositeurs ayant
contribué au répertoire de cet instrument est consi-
dérable.
Dès la construction du piano-forte, les musiciens
accommodèrent leurs œuvres — au moins parle titre
— au nouvel instrument. Le plus ancien exemple
que nous ayons trouvé de cette adaptation — nouî
ne disons pas qui ait existé — est dû à M"" Branche
et à Homain de Brasseur, qui faisaient annoncer, à
la date du 22 avril 1771 : la première, des Ariettes chvi-
sies mises en so'nale pour le clavecin ou le piano-
forte ; le second, Trois Sonates pour clavecin ou
forte-piano; puis, le 12 mai suivant, paraissaient Siv
Concertos pour le clavecin ou le forte-piano par J.-C.
Bach (Op. Vil),
Nous allons citer chronologiquement les grands
compositeurs et les grands virtuoses.
Les premiers maîtres du piano au Conservatoire
de Paris furent Boieluiiu', Pradheii et Louis Adam.
TECHNIQUE. ESTHETIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE 2087
Joseph Hayun, né à Itoliraii (Autriche) en 17.'!2,
mort à Vienne en 1809.
En nS't, la direction des concerts île la Loge Olym-
pique de Paris lui demanda d'écrire pour elle six
syni|ihonies; il accepta. Cessix symphonies comptent
parmi les plus lielles de ce niaitre.
Quelques années plus lard, il dii'igea les concerts
de llanover-Square, à Londres, puis il se lixa défini-
tivement à Vienne.
Il composa plus de 30 aotintes \ionv piano-forte,
20 concertos de pianos, 4 sonatet: pour violon, 9 concer-
tos di' violon, 6 pour violoncelle, 10 pour flûte, cor, cla-
rinette, orgue, baryton, contrebasse, ii duos pour violon
et alto, l'7b compositions pour baryton, etc., environ
1 00 . «i ;/ ffJ/î /wnies, 77 çiw? «ors pour instruments à cordes,
30 trios pour diverses combinaisons d'instruments.
Eûtin 24 opéras, '.) oratorios : la Cn'ation, les Saisons,
le Retour de Tobie, des cantates, des iiedcr, de nom-
breux morceaux de chant, des wu'sses, des Te Deum,
un Stabat Mater, de nombreux ch.ints d'église.
Haydn donna des leçons d'harmonie à Beethoven,
mais il ne semble pas qu'il pressentit — même fai-
blement — le futur génie de sou élève.
« Sur trois cents devoirs environ que Beethoven
dut remettre à Haydn, nous en possédons deux cent
quarante-cinq : les fautes n'y manquent point, et ce
sont celles de tous les élèves, quintes et octaves
découvertes ou cachées, unissons, dissonances défen-
dues, erreurs dans l'accompagnement des appogia-
tures, etc. Cette liasse de documents montre, avec
les fautes du disciple, les négligences du maître :
Haydn a corrigé à peine un cinquième des devoirs
écrits par iÎEEiHovEN'. »
On ne peut qu'admirer l'arcliilecture correcte,
sage, riche, la grandeur du style de Joseph Haydn.
Les iruvres pour piano sont des modèles de forme
gracieuse, de finesse. Elles eurent une influence con-
sidérable sur la musique de piano.
RusT (Friedrich-\ViUiem),né à \Vo;rlitz, près de Des-
sau, le 6 juillet 1739, mortàDessau même, le 28 février
1796.
On connaît peu de chose sur cet artiste, et nous em-
pruntons le fond et le détail de noire texte à M. Vin-
cent d'Indy qui a publié une belle édition des douze
sonates de ce maître avec un portrait (Uouart édil.,
1913).
Comme la plupart des musiciens de son temps,
RusT commença par étudier le droit à Leipzig, en
17G2. Le prince régnant d'Anhalt, Léopold III, favo-
risa la vocation du jeune Frédéric et l'envoya travail-
ler le violon à Zerbsl sous la direction de Hoeck. Il
alla ensuite à Berlin étudier la composition avec
Franz Benda (1764), mais il est probable que c'est
Ch.-Ph. -Emmanuel Bach qui fut son maitre.
En 1765, Rusïaccorapagne son prince en Italie, où
il séjourne deux. ans. IJansson style, l'intluence ita-
lienne se reirouve mêlée au sérieux des musiciens
all«mands. Hentré à Dessau, il devient directeur de
la musique, et écrit un grand nombre d'œuivres pour
piano, violon et chant.
11 connut Gœthe de passage à Dessau, en 1776.
Après la mort, accidentelle de sou Lils (li79a):, Husx
n'écrivit plus.
M. Vincent d'Indy estime que chez aucun compo-
siteur de ce temps on ne rencontre, dans l'ordre de
la sonate, les audaces et lesi innovations qui foison-
nent dans l'eauvre de Kust, tant au point de vue de
>.. Constant PrKiiHE, p. ISn.
l'écriture de l'instrument à clavier qu'à celui de la
disposition architecturale despièces. Figurations es-
pacées; traits d'agilité, non pas indifférents, comme
chez la plupart de ses contemporains, mais tendant
toujours à l'expression mélodique; emploi desoclaves
aux deux mains; croisements dans le but de varier
la sonorité; sons harmoniques, etc.
Dans sa troisième période (1792), il établit délibé-
rémentla sonate à deux mouvements, formequ'onne
retrouvera que dans les dernières œuvres de Beet-
hoven; bien mieux, il adopte pour quelques-unes de
ses sonates le thème unique, générateur des princi-
pales parties mélodiques de l'œuvre... C'est alors
qu'il devient un véritable précurseur de Beethoven,
non seulement par la similitude des idées qui est
flagrante, mais par la manière même de disposer
les diverses parties de l'œuvre musicale.
Mais son rôle de précurseur mis à part, Rusi mé-
riterait quand même d'attirer l'attention de ceux
qui aiment l'art, parce que, dans toutes ses œuvres,
on trouve de la musique, et parfois, dans sa dernière
époque surtout, de la très belle musique.
Ce que l'on connaît de l'œuvre de Rust comprend :
17 sonates écrites spécialement pour le piano (pinno-
forte 0 clavicembalo) ; 28 sonates pour violon; 1 sona-k
pour violoncelle; 8 sonates pour alto ou, viole d'a-
mour; 3 sonates pour harpe; 6 compositions de
musique de chambre [trios, quatuors, etc.); 10 pièces
diverses pour piano ou pour violon (variations, suites
pour violon seul) ; 2 livres de Iiedcr (gravés de sou
vivant), au milieu desquels on rencontre l'admi-
rable Todtenkranz, élégie avec chœur sur la mort
d'un enfant; 1 recueil de cantates pour une voix avec
orchestre; enfin des divertissements dramatiques pour
l'Opéra de Dessau : Pyrame et Tisbé, Enkle et Yariko,
ïirylas et Lalage, une opérette allemande : Le Lundi
6ie«(1777l,denombreusescantate3de fête et d'église.
La revue Die Musik, du l"' mars 1913 et passim,
a donné d'intéressants articles du D'' Erich Phiever,
de Bonn. Ce dernier, érudit musicologue, a publié
en brochure des études critiques sur F.-VV. Uust.
Paesiello ou Paisiello (Giovanni), né à Tarenfe ea
1741, mort à Naples en 1815. A ses nombreuses œu-
vres dramatiques, environ 94 opéras, il faut ajouter
un uralorio, une quarantaine de messes, 2 Te ùeuin,
une soixantaine àëmotels, un Requiem, 12 symphonies,
des concertos, sonates et caprices pour piano. On dit
que son caractère était loin d'égaler son, talent, et
qu'il s'efforça d'entraver les débuts de Uossini. 11 fut
membre de l'Institut en 1809.
BoccHERiNi (Luigi), compositeur et violoncelliste
italien, né àLucques en 1743, mort à Madrid en 1805.
Il étudia la composition à Rome, puis alla à Paris,
où il composa un recueil de trios, un autre de qua-
tuors et un de sonates pour piano et violon. 11 mourut
presque sans ressources, après avoir eu la douleur
de perdre sa femme et ses deux filles. Son œuvre est
considérable (366 œuvres de musique de chambre et
tO symphonies), originale, toute de grâce; elle com-
prend des sonates, des duos, des trios, des q.u-atuors,
des quintettes, des se.rtuors, des symphonies, des mo-
tets, une messe, des menuets dont un célèbre, etc. Son
style rappelle beaucoup celui de Haydn, son célèboe
contemporain.
Glembnti (Muzio), né à Rome en 1752, et mort à
Londres en 1832. C'est bien lui qui édifia les bases
de l'enseignement du piano. Ses premières années
vécues en Italie lui conférèrent le style mélodique
de l'Ecole italienne, mais ses études avec les grands
2088
ENCYCLOFÈDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
maîtres de l'Ecole allemande, Bach et Hakndel,
solidifièrent sa science musicale. II composa de
très belles sonates, des fugues, caprices, sonatines
et le très connu Chemin du Parnasse, le Gradtis ad
Parnassien ou l'art de jouer du Piano-Forte, démontré
par des exercices dans le style sévère et dans le style
élégant, composé et dédié à M™= la princesse Wol-
konsky par Muzio Clementi, membre de rAcadémie
lioyaledeSkockholm ; recueil de lOOpièces, intitulées:
Exercices, et comprenant des morceaux de tous gen-
res, y compris des fugues. Ces études intéressant
tout le mécanisme: indépendance des doigis, exécu-
tion des diverses difllcultés, gammes, arpèges, dou-
bles notes, etc., étant bien travaillées, enliainent un
progrès sensible. Le monument pédagogique est ici
commencé magistralement. En plus de ses sonates, au
nombre de cent six, que Beethoven préférait à celles
de iMozART, il a composé divers morceaux, deux
symphonies. Il a publié, en quatre volumes, une col-
lection superbe de pièces choisies d'orgue et de cla-
vecin des plus grands maîtres.
IJès l'âge de neuf ans, il obtenait au concours une
place d'organiste. Il avait quatorze ans lorsqu'un An-
glais voyageant en Italie, émerveillé par son talent sur
le clavecin, l'emmena en Angleterre, où il acquit une
grande réputation, et fut, parla suite, accompagna-
teur de l'Opéra Italien. Il composait et enseignait,
lorsqu'une banqueroute lui fil perdre une somme
considérable; c'est à cette époque qu'il fonda une
maison de commerce de musique et de fabrication
de pianos qui fut rapidement prospère.
A mbroise Thomas, qui l'avait en tendu dans sa prime
jeunesse et qui jouait lui-même du piano avec une
pureté et un cbarme exquis, nous a répété souvent,
dit A. DuvERNOY, qu'il n'avait jamais connu un méca-
nisme plus complet que celui de Clementi. Pour Cle-
menti, il n'y avait pas de difficultés. Tout lui était aisé.
Sa tenue, au piano, était parfaite, impeccable de
mesure, immobile de main; seuls, ses doigts bien
arrondis agissaient et rendaient avec une n etteté, une
clarté incomparables les traits les plus compliqués. Il
possédaitaussi une belle sonorité, et cherchait dans
son jeu à imiter l'orchestre, comme il le disait. Il
va de soi qu'il connaissait à fond le maniement et
les ressources des pédales et qu'il s'en servait avec
sobriété. Bref, c'était le digne chef de cette belle
école de piano dont se réclamaient les virtuoses
fameux du siècle qui vient de finir!
Amédée Méreaux dit que Clementi consacrait huit
heures par jour au clavecin, et que si un jour ce chiffre
d'heures n'avait pu être atteint, le lendemain le dé-
ficit était comblé.
RuBi.NSTEiN le nomme : c< le père de la nouvelle vir-
tuosité. » 11 ajoute : n Clementi, le premier repré-
sentant de la pédagogie pour piano, reste pour nous
jusqu'à ce jour, avec son Gradus ad Parnassum, le
hieilieur guide du virtuose'. »
Kalkbrenner (Chrétien), né à Minden en 1755, mort
à Paris en 1806, pianiste et compositeur, fut chef
de chant à l'Opéra de Paris, où il fit représenter '•
Oli/mpii (1798) ; La Descente des Français en Angleterre
(171(8); Saiil, oratorio (1805), et lu' Prise de Jéricho,
oratorio (1805); Don Juàn, travestissement du chef-
d'o^uvre de Mozart; le Mort par spéculation (1800).
Il écrivit aussi Œnone, et, pour le prince Henri de
Prusse, plusieurs opéras français : La Veuve du Ma-
labar, Démocrite, les Femmes et 'le secret, Lanassa,
1. KUCINSTEI.^, loco cil., p. ^1.
deux scènes lyriques : Pygiiialion et Ossian, et un
chant funèbre pour la mort du général Hoche (1797).
Il publia aussi un recueil de romances d'Estelle
(de Florian), et trois suites de sonates pour piano el
violon ainsi qu'une Histoire de la musique (1802).
Il fut le père de Frédéric-Guillaume Kalkbrenner
(I784-1849i, le très distingué pianiste (voirplusloin).
Mozart (Wolfgang-Amédée), fils de Johann-Geor-
ges-Léopold, né à Salzbourg en 1756, et mort à
Vienne en 1791. Cet admirable artiste mourut dans
un état presque voisin de la misère et fut enterré
dans la fosse commune. Le nombre de ses ouvrages
est de six cent vingt-six. Il aborda tous les genres :
composition dramatique, religieuse, sympbonique,
oratorio, musique de chambre, lieder, cantates. Il
laissa une inépuisable collection de pièces pour
piano : Sonates, Fantaisies, Airs variés, etc. Il joua
du violon, du clavecin, du piano-forte, de l'orgue et
remporta de grands succès comme compositeur et
comme virtuose.
En 1767 (âgé de onze ans), il composa deux petits
opéras : La Finta simplice et Bnslien et Bastienne.
Puis : Mithridule, re di Ponio, des messes, des ora-
torios. Parmi ses œuvres pour le théâtre, les plus
renommées sont : L'Enlèvement au sérail, opéra-
comique (1781), Les Noces de Figaro (1785), Don
Juan (1787), Cosi fan lutte (1790), La Clémnwede Ti-
tus (1791), La Flûte Enchantée (1791).
Mozart est le musicien dont le nom est le plus
connu. Il est une des colonnes du grand édifice de
l'Art musical.
Adam (Jean-Louis), né le 3 décembre 1758 à Miit-
tersholtz, enJAIsace, dans le département du Bas-
Rhin, mort en 1848, â Paris, fut peut-être considéré
comme un des premiers maîtres de l'Ecole française
du piano. Comme professeur au Conservatoire, de
1797 à 1842, il forma nombre d'élèves remarquables,
parmi lesquels il faut citer : son fils, Adolphe-Charles
Adam, l'auteur du Chalet, de Si j'étais roi, du Postillon
de Longjumeau ; HtnoLO, l'auteur de ZrtHipa et du Pré
aux Clercs; Frédéric Kalkbrenner (voir plus loin),
et M"' Massart, qui devint un des plus renommés
professeurs du Conservatoire.
Jean-Louis Adam a publié une grande quantité de
sonates et d'airs variés, des romances nombreuses et
deuxouvrages d'enseignement: 1° Méthode ou principe
général du doigté (avec Lachmith); 2" Méthode nouvelle
pour le Piano.
Dussek (Jean-Louis), né à Czaziau (Bohême) en
1791, mort à Saint-Germain-en-Laye en 1812, est le
fils d'un organiste. Il fullélèvedes Jésuites, organiste
a Malines,àBerg op Zoom et professeur du Stalhou-
derde la Haye. Après avoir beaucoup voyagé, donnant
des concerts, comme pianiste et compositeur, à
Berlin, Saint-Pétersbourg, Paris, Milan et enfin à
Londres, il s'installa dans cetti' dernière ville et y
fonda un commerce de musique qui fut désastreux
et l'obligea à fuir ses créanciers. Il s'en alla d'abord
à Hambourg, puis au Danemark et enfin à Paris, en
1808, où il dirigea les concerts du prince de Talley-
rand. Il devint si gros, durant ses dernières années,
qu'il ne quittait presque plus le lit. Pour vaincre
celle torpeur, il absorba de nombreux stimulants
de tous genres qui entraînèrent sa mort. Il fut très
remarqué comme pianiste au style ample et au jeu
délicat. Ses compositions eurent une grande vogue,
méritée du reste. Parmi ses œuvres, douze concertos
et cent quarante-deux sonates pour piano seul ou
accompagné, des trios, des quntujrs, des quintettes,
TECHNIQUE. EsriIÈTlQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE 2089
des fantaisies, des airs variés, elc. 11 composa jilu-
sieurs oratorios allemands, deux opéras joués en
Angleterre, mais sans succès, une Messe solennelle et
enlin une Grande Méthode de piano. Il eut un frère :
l'rançois- Benoit Dusses, né à Czaslau en 1766,égale-
nieiil talentueux comme organiste, violoniste, maître
de chapelle.
Actuellement, enjoué encore fréquemment la mu-
si([iie de Jean-Louis Dussek, particulièrement des
sonates, des sonatines, des rondos et variations. La
Canzonetta, Les Adieux, La Matinée, etc., sont au
répertoire des jeunes pianistes.
Steibklt (Daniel!, né à Berlin en 1765, mort à Saint-
Pétersbourg en 1823, élève de Kirnbergf.r (composi-
teur et théoricien allemand, 1721-1837). Quoique la
musique de Steuielt mérite plus d'attention que
celle qu'on lui accorde aujourd'hui, on a peine à
comprendre par suite de quelle aberration le public
viennois, en 1799, l'opposait à celle de Beethoven!
Il composa pour le piano : quarante-six sonates,
sept concerts, de la musique de chambre, parfois d'une
réelle valeur, et remporta de grands succès comme
virtuose. Il fut l'introducteur en France (sinon l'inven-
teur) du genre Fantaisie — pot-pourri — sur des mo-
tifs d'opéras, genre heureusement tombé en désué-
tude. Illit jouer à Paris, au théâtre Feydeau, en 1793,
Roméo et Juliette, opéra en trois actes, qui obtint un
succès éclatant. La grossièreté de son caractère l'obli-
gea, en 1798, à fuir Paris. Il voyagea en .Angleterre, en
Allemagne, où il entra en lutte avec Beethoven, puis
revint à Paris pour faire représenter à l'Opéra une
traduction de la Création de Haydn et un ballet, le Re-
tour de Zéphir, dont il était l'auteur de la musique. A
Londres, ensuite, il fit jouer deux ballets : la Belle
Laitière et le Jugement de Paris. De retour à Paris,
il donna à l'Opéra un intermède de circonstance,
Austerlitz, puis partit pour la liussie, où il obtint la
succession de Boieldiel' comme directeur de la mu-
sique à l'Opérade Saint-Pétersbourg. II fit représenter
dans cette ville : Sargines, Cendrillon et la Princesse
de Babylone.
Beethoven (Ludvig Van), né à Bonn, le 16 décembre
1770, mort à Vienne, le 2G mars 1827.
.^'existerait-il que les sonates de Beethoven pour
le piano, que l'élude de cet instrument mériterait les
elforts de toute la vie. Beethoven, musicien, penseur,
artiste, composa trente-deux sonates pour le piano.
Cette musique dépasse la musique; elle est le plus
merveilleux moyen d'exprimer l'inexprimable, elle
est le langage de l'Etre à l'Etre. Beethoven arracha
dans l'immensité un bouquet de vibrations; il les
ordonna de telle sorte que, par leur impalpable ma-
nifestation, l'Esprit touche l'Esprit. Il est puéril de
chercher ce qu'exprime une sonate. Il faut la subir.
Soyons l'organisme vivant et vibrant qui recueille
l'harmonie de ces ondes, nos blessures, de joie, de
douleur, d'inquiétude, toutes nos cellules seront
atteintes, mordues et pansées. Ne cherchons pas si
c'est un accord, une harmonie, une mélodie qui nous
fait vibrer, Beethoven est un Titan, la musique son
moyen. Elle est la plus ardente prière de l'incroyant,
un torrent qui passe avec fracas, la petite source
murmurante, le feu qui dévore et qui purifie.
Beethoven est le plus imposant « phénomène »
que la nature ait produit. Son œuvre pour piano est
immense par le nombre et par la valeur.
Le catalogue des œuvres de Beethoven est donné de
façon très complète dans La Jeunesse de Beethoven par
J.-S. Phod'homme (Delagrave, édit.). On compte plus
lie cent trente-cinq compositions (celles de jeunesse,
non numérotées) écrites avant l'op. 20 (1800). Le re-
marquable ouvrage Les Symphonies de Beethoven, éga-
lement par J.-G. Prod'homme (édit. Delagrave), donne
la liste des œuvres de Beethoven de 1800 à 1827.
Disons donc seulement ici que l'ensemble de ses
productions comprend :
Pour le piano : trente-huit sonates, si nous y adjoi-
gnons les sonatines; fantaisies, op. 77; variations,
vingt et un motifs; bagatelles, rondos, préludes, seize
pièces ; danses, treize cahiers; Quatre-mains, quatre
pièces.
Chant avec accompagnement de piano, cent pièces,
dont V Adélaïde, poèmes à la Bien-Aimée lointaine;
avec accompagnement d'orchestre, six pièces;
Piano et violon, dix sonates ; piano et violon ou vio-
loncelle. Variations, quatre motifs; piano et violon ou
jlntc, seize pièces ; piano et violoncelle, cinq sonates;
piano et cor, une sonate; trios de piano, dix et deux
motifs variés pour piano, violon et violoncelle, dont
l'un original; Quatuors, seize.
Quintettes pour instruments à cordes, deux et une
fugue pour deux violons, deux altos et violoncelles.
Quintette pour instruments à vent, un, op. 16. Sex-
tuors, deux, op. 71 et 81. Septuor, un, op. 20. Oc-
tuors, deux, piano et orchestre, rondo. — Fantaisie
pour piano, orchestre et chœurs. Concertos pour
piano, cinq; pour violon, trois; pour piano, violon et
violoncelle, un. Pièces symphonigues, marches à
^iiand OTchesire ; ouvertures, onze; symphonies, neuf;
nintales, deux; ballet, un, Prométhée ; opéra, un, Fi-
delio; oratorios, un. Le Christ au jardin des Oliviers;
messes, deux, dont la gigantesque Messe en ré.
Enfin, les ouvertures du Roi Etienne, d'Egmont et de
Coriolan.
L'éditeur Joseph Williams, à Londres, a publié une
belle édition des trente-deux sonates avec analyse
et doigtés par Slewart Macphebson.
Georges Sporck a aussi publié une édition des so-
nates avec analyse et annotations.
On écrivit de nombreux volumes sur Beethoven,
dans toutes les langues, près de deuxcents ouvrages.
On trouvera une bibliographie en citant environ
cent soixante-dix, dans Beethoven et ses trois styles,
de \V. de Lenz; dans Beethoven par Jean Chanta-
voiNE (Alcan édit.).
Cramer (Jean-Baptiste), né à Mannheim en 1771,
mort à Kensington en 1858, fils aîné de \Villielm Cra-
mer, violoniste de premier ordre et compositeur, dont
le père Jacques Cramer (1703-1770) était également
musicien ; fiûtisie habile.
Jean-Baptiste, fils et petit-fils des précédents, se
faisait entendre en publie dès l'âge de treize ans ; sa
renommée, comme pianiste, devint européenne. Il
joua en Italie, en Autiiche, en Allemagne, en An-
i;leterre, où il enseigna, tout en s'occupantde compo-
silion. Il se fixa à Paris de 1832 à 1845, puis retourna
en Angleterre.
Il composa cent cinq sonates, sept concertos, deux
ivcueils de nocturnes, deux suites d'études, quantité
de morceaux de genre pour piano, plus des duos, un
(luintette et un quatuor pour piano et instruments à
cordes, et enfin une grande Méthode de piano. Ses
o'uvres sont encore très appréciées : ses études,
principalement, sont considérées comme des chefs-
d'ieuvre en leur genre.
BoïELDiEU (François-Adrien), né à Rouen en 1773,
mort à Jarcy en 1834, mérite en cet article une place
prépondérante, car il est un des premiers maîtres
2OT0
ENCrCLOPÈDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
de l'Ecole fi'aiiçaise du piano. L'hulilat National de
musique (appelé plus tard Conservatoire de Musique,
créé par la Convention nationale, le 8 nov. 1793^) eut
comme professeurs à son début : Boïeldieu, Pbadher
et Louis Adam.
Les études musicales de Boïeldieu commencèrent
sous la direction d'un excellent artiste. Broche, or-
ganiste de la cathédrale de Rouen, qui avait étudié
en Italie.
Boïeldieu écrivit presque uniquement pour le
théâtre, sauf quelques mélodies et pièces instrumen-
tales tomliées aujourd'hui dans l'oubli.
En 1793, son premier opéra-comique, La Fille
coupable, dont le livret lui fut fourni par son père,
était donné à Rouen, au Théâtre des Arts, et obtenait
un vif succès. Hoaalie et ilyrza (1793) fut aussi bien
accueilli. C'est alors que Boïeldieu revint à Paris.
Accueilli dans la nwison Erard, il s'y lia avec
Kreutzer, Cuerubini, Méiiul, Jadin, G.\rat, Rode, La-
mare, etc. C'est à cette époque qu'il écrivit ses phis
jolies mélodies, ainsi que plusieurs morceaux pour
piano: vinrent ensuite de petits ouvrages en un
acte : La Famille suisse et L'Heureuse Nouvelle (1797),
Le Pari (1797), Zoraïme et Zulnare, La Dot de 'luzcllc
(1798), Les Méprises espagnoles (1799). Reprenant son
éducation musicale avec Cherubini, il écrit avec ce
maître : Emma ou la Prisonnière (1799), Benioirski
(1800), Le Calife de Bagdad.
HuMMEL (Jean-Népomucène) naquit à Presbourg, le
14 novembre 1778, et mourut à Weimar, le 17 octo-
bre 1897. Il reçut des leçons de Mozart dès l'Age de
sept ans, étudia la composition avec Aluiif.ohtsber-
GER, qui compta Beethoven parmi ses élèves, puis
avec Salieri, compositeur italien. Il fut grand admi-
rateur de Clementi .
« La régularité de plan dans l'agencement des
éléments qui forment ses morceaux, la richesse du
style et l'élégance des traits font, des œuvres de ce
maître, une source précieuse d'enseignement solide
à laquelle toute école de piano pourra toujours puiser
avec profit, » nous dit Paul Roug.non'; et plus loin :
u Hlîhuel, disciple de Mozart, admirateur de Haydn,
était un classique d'une imagination poétiquement
douce, mais toujours réguLièFe. Il écrivait dans un
esprit de soumission complète aux règles et aux
principes de l'art. Au contraire, la nature indépen-
dante et impétueuse de Beethoven l'entraînail au
delà des limites prescrites. » Malgré ces dill'érences,
des livalilés de succès entraînèrent des altercations
entre ces deux artistes. Huumel, apprenanllamaladie
de Beethoven (1827), coxirut se réconcilier avec lui.
Comme exéculant, Hummel a transformé l'école
pianistique en Allemagne. Il fut improvisateur de
premier ordre.
Il composa comme œuvres maîtresses : sa gi'ande
Méthode de piano, des études, des sonates, celle en
mi bémol particulièrement, la Delln Capricciosa, fan-
taisie dédiée à M""" Pleyel. Ces difTérentes œuvres mé-
ritent d'être travaillées avec soin par tous les élèves.
Il composa aussi des opéras : Lk Vicunte d'Amorc,
Mathil'de de Guise, Maison à vendre. Le Betour de l'Em-
pereur; deux cantates avec chieurs et orchestre. Eloge
de l'amitié et Diana ed Endimione: plusieurs ballets,
Hélène et Paris, Sapho de Milylène, Le Tableau par-
lant, L'AnneatM magique, Le Combat magique; trois
messes, deux motels, des oureriures, conaertos, sep-
tuors, quatuors, trios, etc.
t. Piano et pianktes, \). II.
Pradher (Louis-Barthélemy), compositeur et pia-
niste, né à Paris en 1781, mort à Giay en 18i:i.
A vingt ans, il quitta le Conservatoire pour épouser
la fille de Philidor. Il fut nommé ensuite professeur
de piano (1802), puis appartint, comme accompagna-
teur, à la Chapelle de Louis XVIII el de Charles X;
fut directeur du Conservatoire de Toulouse, enfin se
retira définitivement à (îray. Sa seconde femme,
FélicieMoRE, née h. Carcassonne en 1800, moi-le en
187o, cantatrice renommée, fut de l'Opéra-Comique.
Le premier ouvrage de Pradher, Le Voisinage, com-
posé avec quelques-uns de ses camarades du Con-
servatoire, fut représenté au ThéAtre Kavart en 1800
Pradher fit représenter à l'Opéra-Comique : Le
Chevalier d'Industrie (1884), La Folie musicale ou le
Qkantew prisonnier (1807), Jeane et vieille (1811),
L'Emprunt secret (1812); Les Enlèvements impromp'
tus (1824); Jenny la bouquetière (182r)).
FiELD (John), né à Dublin en 1782, mort à Moscou
en 1837. Il fut l'élève de Clemekti et l'invealieur de
charmante pièces nommées Nocturnes; il en composa
dis-huit qui jouirent d'un légitime succès. Les ro-
mances de Mendelssohn, et surtout les nocturnes de
Chopin, tirent oublier les œuvres du même genre dont
FiELD était le ci-éateur.
Excellent pianiste, au jeu souple et élégant, la na-
ture de ce talent se relléta dans ses compositions;
sonates, rondeaux, fantaisies, morceaux de genre, et
enfin conaertos de piano aux mélodies gracieuses et
aux traits brillants.
Il fut certainement le plus célèbre pianiste anglais,
irlandais devrions-nous dire; malgré ses origines, il
se rattache presque autant à l'Kcole italienne qu'à
l'Ecole allemande.
AuBER (Oaniêl-François-Esprit), né à Caen eMl782,
mort à Paris en 1871.
Elève de Ladurner pour le piano et de Cheruiuni pour
lacompositioii. Il remplaça Gossecù l'Institut en 1S29.
En 1830, directeurdes Concerts delà cour et directeur
du Conservatoire succédant àCHERURixi de 1842 à 1871 ;
il meurt pendant la Commune.
Comme son librettiste Scribe, il fut extrêmement
fécond. On retrouve dans toutes ses œuvres lesmêmes
procédés, les mêmes combinaisons. Ce sont des traits
d'esprit en musique, de petits airs enjoués et faciles,
la grâce et la distinction n'y sont jamais absentes.
Une fois pourtant, il modifia ses habituels procédés :
ce fut en écrivant La Muette de Porlici, où l'on trouve
un entrain, un enthousiasme extnaordinaires et une
chaleur italienne. Cette pièce fut jouée à l'Académie
de Musique Je Paris en 1828, et sa voj^ue devint
européenne. Le duo « Amour sacré de la Patrie » à
fut, à Bruxelles, le signal de la Révolution !l830). "l
AuBBR commença par composer des quatuors, di-
vers essais lyriques, des concertos pour basse; puis
un concerto pour violon, joué au Conservatoire, attira
l'attention sur lui. C'est à cette époque qu'il fut re-
marqué par Cuerubini, avec lequel il refit ses études
musicales. Il débuta au théâtre avec un opéra en un
acte : Le Séjour militaire (1813). Divers morceaux de
musique religieuse, parmi lesquels Y Agniis l)ei, qui
devint plus tard la prière de La Muette, précédèrent,
en 1819, les opéras-comiques : Le Testament et les
Billets doux-, La Bergère châtelaine, qui commencèrent
une série de succès ; Emma ou la promesse imprudente
(1821); Leirester (1823), premier ouvrage écrit en
collaiboralion avec Scribe, La Xeige (1824) ; Le Concert
Il la Cour, Léocailie (1824) ; Le Maron. (18251 ; Le Timide
et Fionella (182o).
TECIINinUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE 209t
AiiiiKii avait Joriné à l'Ûpéra, en 1823, en sociétù
avec IlÉaoLi), un acte officiel : Vendôme en Eupanne,
pour le retour du duc d'Angoulême.à Paris. Le Dieu
et la Bayadère, opéra-ballet (18.30), succéda à La
Muette. Vinrent ensuite: Le Ph'dlre (1831); Le Ser-
ment (1832) ; (iustnvi^ ;|/(1S33); Le Lw: des Fée^ (1838) ;
L'Eiifaut prodigue {i8'60); 'lerline ou la corbeille d'o-
ranijex (1831); Les Premiers Pas ou les Deux Génies,
avec IIalévv, Carafa et Adam. Il remportait en m<?me
temps une série de succès à l'Opéra-Coniique, scène
plus en rapport avec son genre, très à la mode à
cette époque; il donnait: La Fiancée (1820); Fra
Diavolo (1830); La Marquise de Brinvilliers, en société
avec Bato.n, Cueuudini, Paér, Blangim, Hérold, Ca-
rafa, etc., neuf compositeurs ! Lestoc (1834); Le Cheval
de Bronze (1833), donné par la suite à l'Opéra; Actéon,
Les Chaperons blancs, V Ambassadrici (1836); Le Do-
mino iV(jir(1837) ; lanelta (1840) ; Les Diamanls de ta
Couronne (1841); Le Due d'Ûlonne (1842) ; La Part du
Diable (1843); La Sirètic (1844); La Bnrcarolle{l8't'>];
Haydée (1847); Marco Spada (1853); Jeanny Bell
(185;;); Manon L"scaiit (1856); La Fiancée du roi de
Garbe (1863); Le Premier Jour de bonheur (iSG'i] \ el
enfin Ri'rcs d'amour (1809).
Un monument funéraire lui a été élevé au cime-
tière du Père-Lachaise.
Ries (Kerdinand), né à Bonn, le 28 novembre 1784,
mort à Francfort, le 13 janvier 1838. « Elève de son
père Franz (1753-1846) et de Romberg, passa à Munich
en 1801, puis à Vienne (octobre 1801), où il devait
être, avec l'archiduc Rodolphe, le seul élève de
Beethoven. Celui-ci l'attacha d'abord comme pianiste
à l'ambassadeur de Russie, comte Browne, et au
comte Lichnowsky. — Il vécut à StocUolm (ISOI), Pé-
lershourf; (1810), Londres (1813), se retira à Godes-
berg, jirès Bonn (1824), puis à Francfort (1830), où il
resta jusqu'à sa mort, sauf deux années (1834-30)
passées à Ai.\-la-Chapelle, où il fut appelé comme
•chef d'orchestre de l'Académie de chant'. i>
Ries eut peu d'originalité, plus de talent que de
génie, mais de l'élégance et du brillant. Son style
tient beaucoup de Beethoven et un peu de Hummel,
dit Lavignac-. — Il fut certes un des artistes les plus
distiniîués de son temps, aussi bien comme pianiste
que comme compositeur. On lui doit deux oratorios,
ï Adoration des Hois et le Triomphe de la foi; sinsijm.
phonies : ouvertures de Don Carlos et de La Fiancée de
Messine, La Fiancée du briganl (1830/, Liska ou la
sorcière de Gellcnstein.
II publia, avec le docteur Wegeler, un volume de
souvenirs : Notic biographique sur Ludwig Van Bef.t-
HOVEM (1838). Son frère Hubert (1802-1886) fut un vio-
loniste distingué.
Kalkkrenn'er (Frédéric-Guillaume), né à Cassel en
1784, mort à Paris en 1849, d'abord élève de son père,
Chrétien Kalrhrent>ier, compositeur et écrivain (voir
plus haut), puis, pour le piano, d'Ad. Adam au Conser-
vatoire de Paris où il obtint un premier prix, et de
Catel pour l'harmonie. Il passa quelques années à
Vienne, où il modifia son jeu dans le sens et la manière
de Clementi. Son talent était plein de puissance, d'é-
clat et de distinction. En 1814, il se fixa à Londres, y
resta dix années, et s'associa avec Logier pour l'ex-
pioilation du Ohiroplaste, que celui-ci venait d'in-
venlcr; c'était un « plateau en bois verni, sur lequel
1. JeaQ Chantavuink, Correspondance d'' Beethoven, p, i'j-y^^ êdit^
€almnnn-Lévy.
2. La Musique el les Musiciens, tdit. Ch. Delagrave.
3. L'Etude du piano (comment ré.lliser un maximum lie progrès a
se trouvaient neuf petits appareils dilférenls destinés
à assouplir et à écarter les doigts^ ».
Lui-mî-me inventa le « guide-main, qui consiste
dans une double barre horizontale placée au-dessus
du clavier. Cette sorte de double règle s'étend d'un
bout à l'autre du piano et maintient le poignet ;i
une hauteur déterminée. Les mains, ainsi soutenues
à une élévation arrêtée par le professeur, peuvent
parcourir le clavier ou rester en place, en laissant
aux doigts toute leur liberté d'action, et sans réagiv
sur eux par un mouvement d'abaissement devenu
impossitde* ».
Il entreprit ensuite un voyage artistique avec Dizii
harpiste, en Allemagne et en Autriche.
De nouveau de retour à Paris, il s'associa avec
Camille Pleyel. M™=tPLEyEL fut une de ses meilleures
élèves, ainsi que Stamaty (voir ce nom). Il devint —
peut-on dire — le chef de l'Ecole française de piano.
Il composa un grand nombre d'oîuvres : quatre
concertos, une grande quantité de sonates, des ron-
ileaux, des fantaisies, des éfwdtfs, des /'m;/W('.s, soit plus
de cent vingt œuvres diverses. Une Méthode de piano
devenue célèbre et un Traité d'harmonie du pianiste.
FÉTis (François-Joseph), né à Mons (Rel;;ique) en
1784, mort à Bruxelles en 1871. Elève, pour le piano,
de BoïELDiEu, au Conservatoire de Paris, de Hev, de Ca-
tel etde Pradher, pour l'harmonie et la composition.
En 1821, il est nommé professeur de contrepoint et
fugue au même Conservatoire, qu'il abandonne en
1833 pour accepter la direction du Conservatoire de
Bruxelles. Comme compositeur, il montra plus de
science que d'inspiration, et, malgré le grand nombre
de ses œuvres, c'est surtout par ses écrits de musi-
cographe qu'il est resté célèbre. Il est l'auteur de la
Bioi/raphie universelle des musiciens (1834 el 1860-
186.')), ouvrage auquel Arthur Pouoin a ajouté un sup-
plément en deu.'T volumes, et de nombreux ouvrages
didactiques et historiques. 11 a donné à l'Opéra-
Comique : LAmanl et le Mari (1820); Les Sœurs
jumelles (1823); Marie Stuart en Ërossf (1823); Le
Bourqcoisdc Reims (1824); La Vieille (1826), Le Man-
nequin de nergamc (1832). H a publié de la musique
religieuse et de la musique de chambre. La Méthode
des méthodes de piano parut en 1837.
Son Histoire ijéncrale de la musique depuis les temps
les plus anciens jusqu'à nos jours est restée inachevée,
sa mort étant survenue avant qu'il l'ait terminée.
ZniMERMANN (Pierre-.lospph-Guillaumei , né et mort
à Paris (1783-1833). Fils d'un facteur de pianos. IClève
de BoiF.LUiEU au Conservatoire, pour le piano, de
Catel, pour l'harmonie, se perfectionna ensuite sous
la direction de Cherueini. Devenu professeur de piano
au Conservatoire en 1817, il y fut remarquable et
forma un grand nombre d'élèves dont les noms
devinrent célèbres : Ambroise Thomas, C.-V. Alkajj,
César Franck, Emile Prude.nt, Gobia, Uavina, Louis
Lacombe , Lefébure-Welv, Marmontel ; ce dernier
devint son successeur en 1848.
ZiiiMERUANN, en plus d'un artiste distingué ayant
composé des sonates, des concertos, des rondeaux, des
fantaisies pour le piano, six recueils de romances, un
opéra, L'Enlèvement, représenté à l'Opéra-Comique
de Paris en 1830, un grand opéra, Sausicaa, qui n'a
pas été joué, fut aussi un écrivain didactique de
valeur.
Kn 1848, il devi?it inspecteur des études musicales
l'aitiiî d'un niiiUmum de travail), L.-E. Gratu, p. 154. Edil. Ch. Dela-
grave.
l. MvRMoNTEt,, Conseils d'un professeur, p. 07 (Hpugel '•dit.).
2092
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
(Conservatoire). 11 publia aussi une MiHhode élénwn-
taive de piano et une Encyclopédie du pianiste.
BoËLY (Alekandre-Pierre-François), né à Versailles
en 1785, mort à Paris en 1858. Pianisle, organiste et
composileiir, élève de son père, puis du Conserva-
toire, acheva seul ses études musicales. Il tint durant
plusieurs années rorp;ue de Saint-Germain-TAuxer-
rois avec beaucoup do talent. Ses compositions pour
orgue, piano et harmonium sont, écrites dans un
style sévère et classique.
Wëber (Charles-Marie-Frédéric-Ernest, baron de),
né k Eutiri (duché de Holstein) le 18 décembre 1786,
mort à Londres en 1S26. Dans sa jeunesse, il travailla
le dessin et la peinture, fit aussi de la lithographie,
dont il perfectionna le procédé inventé par Senefel-
der (1772-1834). II abandonna de bonne heure pin-
ceaux etcrayons pour se livrer uniquement à l'étude
de la musique. Il suivait son père, directeur d'une
troupe lyrique nomade.
Son maîlre de piano fut Heuschrel, pour le chant,
Michel Haydn (frère du grand François-Joseph Haydn,
voir plus haut)', organiste et compositeur de valeur,
Kalchicr et l'abbé Vogler pour la composition. Ce der-
nier, né à Wurtzbourg e:i 1749, mort à Darmstadt
en 1814, établit à Mannlieim, en 1775, une école de
musique 1res réputée qui attira un grand nombre
d'élèves; il inventa un orgue appelé orchesirion,
sorte d'orgue portatif à quatre claviers.
Weber est le premier en date et l'un des plus
grands compositeurs allemands de l'école roman-
tique. R. Wagner lui a emprunté une partie des qua-
lités de son orchestration riche et colorée, avec em-
ploi fréquent des bois. Avant R. Wagner, il demanda
ses livrets d'opéra au,\ légendes populaires alle-
mandes, à la poésie panthéiste indo-germanique. En
1804, il était chef d'orchestre au théâtre de Breslau.
Deux ans plus tard, intendant de la musique du prince
Eugène de Wurtemberg et professeur de ses fils, puis
secrétaire du prince Louis de Wurtemberg.
Il était connu comme excellent pianisle à Berlin el à
Vienne. Directeur de la musique de l'Opéra allemand
à Prague, en 1813, il acquit une belle renommée
qui lui valut d'être appelé à l'Opéra royal de Dresde.
C'est là qu'il déploya toutes ses facultés. Il fit repré-
senter avec un éclatant succès Le Freischiitz (à Ber-
lin, 1821), Preciosa, Euryanthe (1823). Déjà miné par
la phtisie, il Iravaillait à la partition d'Obéron sur
un livret qu'on lui avait envoyé de Londres, et dut
interrompre ce ti'availà diverses reprises. Il s'en alla
diriger la mise en scène à Londres, passant par Paris,
où il fut accueilli avec enthousiasme, en 1826. Il
mourut dans cette dernière ville, après avoir fait re-
présenter Le Freischutz et Obéron, qui n'obtinrent un
réel succès que beaucoup plus tard. Voici la liste de
ses œuvres : deux petits opéras, La Fille des Bois
(1800) et Pierre Schmoll el ses voisins (1801), puis Ru-
bezahl, Si/uana, jolie œuvre qui est l'amplification de
La Fille des Dois, Lr Premier Son et Abu-Hassan (1801),
Le Freischiitz (1821), Pirciosa, Euryanthe (1823), enfin
Les Trois Pintos, opéra qui ne fut représenté à Leipzig
qu'en 1888, soixante ans après sa mort.
Il composa, en outre, de nombreuses œuvres pour
le piano : trois concertos, le troisième porte le titre de
Concertstiick ou le Retour du croisé, quatre belles
sonates, des airs variés, deux polonaises, un rondo en
mi bémol, l'Invitation à la valse, des alleinandes, des
l'cossaises.
Deux concertos pour clarinette; un grand duo et
des variations pour piano et clarinette; un trio.
Pour l'orchestre, il éciivil deux symphonies, ouver-
ture et marche pour Turandot, La Jubclouvcriure.
Pour le chant : Combat et victoire, cantate; Lyre el
glaive, cha.nli de^guerre sur des poésies de Théodore
Kierner; Nature el Amour, cantate; Hymne à quatre
voix; scènes et air pour Athalie et Inès de Castro, des
messes, des chœurs, des chansons, etc.
Les pièces pour piano, ainsi que toutes ses œuvres,
sont pleines de verve, de fougue et de poésie. L'axé-
cution en est souvent malaisée, sauf pour la clari-
nette qu'il semble préférei' comme timbre, et qu'il
sait merveilleusement employer. L'n de ses amis —
je crois — était clarinettiste de talent, et a peut-être
eu quelque influence sur son goiit et sa bonne écri-
ture pour cet instrument.
Hérold (Louis-Joseph-Terdinand), né et mort à
Paris (1791-1833). Elève de Fêtis, pour le solfège, de
Catel, pour l'harmonie, de Kreutzer, pour le violon,
d'Ad. AuAM, pour le piano, de MÉauL, pour la compo-
sition. Prix de Itonie en 1812, dit prix de l'Institut.
Il mourut jeune, à quarante-cinq ans, en plein épa-
nouissement de son beau et channanl génie, et son
œuvre, malgré sa vie relativement courte, est impor-
tante par le nombre et la valeur. Ses plus célèbres
ouvrages sont trois opéras-comiques : Marie (1826),
ïam,pa (1831), et le Pré-aux-Clercs (1833), œuvres de
grâce, de tendresse et en même temps vigoureuses et
pathétiques.
H composa, en outre, avec Boïeldiel' : Charles de
/•>anc(;pourrOpéra-Gomique(1816). Hérold fut accom-
pagnateur au théâtre Italien de 1820 à 1823 environ,
puis il donna à l'Opéra-ComiqueiL'' il/»/f<(e(', dont le
succès fut complet (1823). La même aimée, un ouvrage
de circonstance : Vendôme en Espagne, écrit avec
Auber, reçut du public un bon accueil. Devenu chef
de chant à l'Opéra, il composa pour ce théâtre une
série de ballets : Astolphe et Joconde (1827); La Som-
nambide (1827); La Fille mal gardée (1828); La Belle
au Bois dormant (1829).
Ajoutons à cela sept opéras et cinq opéras-comi-
ques, des chœurs pour un drame de l'Odéon : Le
siège de Missolonghi, La Marquise de Brinvillicrs, œuvre
collective de dix compositeurs, et un opéra inachevé :
Ludovic, terminé par Halévv.
Czerny (Charles), né à Vienne en 1791 et mort dans
cette même ville en 1836, reçut des leçons de Beet-
hoven et en donna à son neveu Cari; il eut, comme
élève en piano, l'extraordinaire Franz Liszi, dont les
formidables dispositions se développèrent sous sa
direction, ce n'est pas là un mince titre de gloire !
Citons aussi comme un de ses meilleurs élèves le
Polonais Sowinski (1803-1880) (voir ce nom).
Cliarles Czer.ny fut un des plus grands maîtres du
clavier; dés l'âge de quatorze ans, il commença à
donner des leçons; son succès fut si rapide comme
professeur que, malgré son rare talent de virtuose,
il se produisit relativement peu. Il composa avec une
telle fécondité qu'on ne compte pas moins de huit
cent cinquante productions écrites par lui pour le
piano. Il faut encore y ajouter sa Grande Méthode de
piano, un Traité de composition, vingt-quatre Messes
avec orchestre, quatre Requiem, trois cents graduels,
motets, etc. Son catalogue complet contiendrait au
moins douze cent cinquante numéros d'œuvres. Tous
les pianistes connaissent ces renommés exercices
journaliers, la vélocité, l'art de délier les doigts, son
Ecole de la main gauche. Les compositions sont fort
belles, bien inspirées, offrent un réel intérêt et sont
propres à faire biiller le talent de l'exécutant.
TECIISIQllE. ESTIIÉTIQVE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE 2093
Les œuvres d'ensfignenieiit destinées à former le
mécanisme sont excellentes, d'une utilité incontes-
table, toutes recommandables; il sera pourtant bon
de bien comprendre ses conseils, lorsqu'il écrit :
répéter vingt lois, trente fois, ce qui est productif à
la condition de varier chaque fois la manière de
jouer afin de mainienir l'attention, facteur essentiel
au progrès. (Voir plus haut Technique et pédagogie.)
Meyeiibeer (Giacomo), né à Berlin en 1791, mort à
Paris en 1864, de son véritable nom Liebmann Reer;
les deux premières syllabes furent ajoutées en sou-
venir et selon le désir de son grand-pére materne'
Meyer, qui lui légua, dans sa jeunesse, et sous cette
condition, une fortune considérable. Ce fut un grand
bien pour le talent de MEViRiiEEn, car il avait le tra-
vail lent, surtout dans sa dernière manière, et il est
peu probable qu'il fût parvenu au complet épanouis-
sement de son génie s'il avait été obligé de sacrifier
du temps pour gagner de quoi.subvenir à ses besoins
d'existence.
Elève de I,al>ka, puis deCLEMFNTi, pour le piano, il
était à l'âge de dix-neuf ans un très habile pianiste,
improvisateur extrêmement doué, très remarqué
déjà. Ce n'est que vers 1810 qu'il fit ?es premières
études de composition à l'école de l'abbé Vogler, à
Darmsiadt; il avait écrit déjà bon nombre de mor-
ceaux de piano et chant, et reçu quelques leçons de
Bernard-Anselme Weber, chef il'orchestre à l'Opéra
de Berlin. A peine sorti de l'école Vogler, il fait
représenter son premier opéra à Munich : La Fille de
Jephté (1813). La musique italienne jouissant des
faveurs des Viennois, Meverbeer part pour l'Italie où
RossiNi recueille les plus grands succès. Il modifie sa
manière un peu sévère, et fait représenter à Padoue
son premier opéra italien : Boinilda e Costanza (1818).
Il remporte de brillants succès avec plusieurs autres
ouvrages à Milan, Venise, puis vient à Paris, écrit, sur
un livret de Scribe, Robert le Diable, qui obtient un
réel triomphe à l'Opéra, le 22 novembre 1831. Les
Huguenots lui succèdent (1836). Meyeriieer quitte la
France poui' l'AUeniagne, où il est occupé à Berliii
comme premier maître de la Chapelle du roi. 11
écrivit une grande cantate : La Festa nclla Corle di
Ferrara (1843), et un opéra. Le Camp de Silesie (1840);
ses belles marches aux llambeaux, Slruensée, parti-
tion pour le drame de son frère Michel Béer. Il revint
à Paris pour donner Le Prophète (1849), L'Etoile du
Nonl, jouée à l'Opéra-Comique en 18o4, Le Pardon
de Ploirmel, donné au mùme Ihéàtre en 1839, et il
mourut avant d'avoir vu représenter YAfricuine, qui
ne fut gravée et jouée qu'en 1865.
En outre, Meyerbeer écrivit un oratorio : Dieu dans
lu \nulure, un monodranie avec chœur, Les Amours
de Ttii'celinde, un opéra-comique en deux actes,
Abimelcck ou les deux Califes, sept autres opéras,
sept cantates religieuses, des hi/mnes, un admirable
recueil de quarante mélodies françaises, et pour la
musique instrumentale, entre autres choses de
valeur : quatre marches aux flambeaux; Schiller
marche, Marche du couronnement, pour deux or-
chestres, etc.
Meverreeii est le premier qui ait su avec autant
d'habileté employer toutes les ressources de l'or-
chestre pour souligner les mouvements de la passion.
Ses opéras furent une révélation, une porte ouverte;
il fallait des artistes comme .Meyerbeer pour préparer
l'heure wagnérienne. 11 fut un de nos plus grands
compositeurs dramatiques. L'Institut l'élut membre
associé en 1834.
BossiNi ((iioaccllino), né à Pesaio (Italie), en 1792,
mort à Paris en 1808. Fils d'un pauvre chanteur el
corniste forain et d'une chanteuse obscure. " Dans sa
vieillesse, il a composé une quantité de pièces pour
piano, que ses pianistes de prédilection, Diémer prin-
ci|ialement, faisaient entendre chez lui à ses invités
du samedi '. »
C'est presque seul qu'il apprit la musique. 11 jouait
du piano et se fit admettre au Lyceo de Bologne en
1807, où il devint élève de P. Mattëi. Leçons bien
insuffisantes, qui eurent moins de valeur que son
intuition et ses observations. « Je tiens de lui-même,
écrit Lavignac-, — et il ne se faisait par faute de le
répéter, — que c'est en mettant en partition les qua-
tuors de Haydn qu'il a appris l'harmonie. » 11 avait à
peine dix-huit ans lorsqu'il fit ses débuts à la scène,
en donnant, à Venise, une opérette : La CauMalc di
matrimonio (1810). La liste complète de ses opéras
sérieux ou boull'es est de quarante, dont nous ne
citerons que les principaux : L'Inganno felice (1812);
Tanert'de (1813); L'Italienne à Alger, qui le fit consi-
dérer comme le premier compositeur de l'Italie;
LeTurcen Italie, bouffe (.Milan, 1814); Le Barbier de
S(;t'j//f, écrit en dix-sept jours (Borne, 1816); Othello;
La Ceuerentola, ljouffe(Rome, 1817); La Ga:.za Ladra,
boutfe (Milan, 1817); Mose, sérieux (Naples, 1818);
La Donna del Lago, sérieux (.Naples, 1819); Bianca e
FaViero, sérieux (Milan, 1&20) ; Maometto II, sérieux
(Naples, 1820); Malilda di Sabran, demi- sérieux
(Bome, 1821); Si'miramide^ sérieux (Venise, 1823).
Blessé de l'accueil froid du public italien pour cette
œuvre très belle, il accepte un engagement pour
Londres, où il donne avec grand succès et pendant
oinq mois une série de concerts. Après quoi, il quitte
Londres pour Paris, où il donne, entre autres œuvres
remarquables : Le Siège de Corinlhe (arrangement
pour la scène de l'Opéra de son Maometto II) (1826) ;
il lit de même pour son Mose qui devint Moïse (1827),
précédé (1820) du Siège de Corinlhe; le succès écla-
tant de ses ouvrages et aussi celui du Comte Ortj
(1828), qui était une adaplation de son Viaggio d
fiet'oîs, l'encouragèrent à écrire enfin une de ses plus
belles œuvres : Guillaume Tell (1829). On y trouve la
plus splendide manifestation de son génie, une pro-
digieuse transformation de son style. Il ne voulut
plus écrire ensuite, redoutant de faire moins bien.
Douze ans plus tard, pourtani, il écrivit un beau
Stabat Mater, une Petite Messe solennelle, diverses com-
positions, dont de nomlireux morceaux de piano,
mais plus rien pour le tlié;itre.
Définitivement installé en l'rance depuis 18o3 il
était officier de la Légion d'honneur depuis 1864,
et membre de l'Institut, il laissa par testament la plus
grande pairie de sa fortune à la Ville de Paris, pour
la fondation d'une maison hospitalière (villa Bossini),
en faveur des vieux musiciens.
RossiNi offre un des plus beaux exemples d'éner-
gie, de persévérance et de courage inlassables; sa
jeunesse indigente eut à subir des luttes toujours
renouvelées, aboutissant à l'opulence gagnée enfin
par son travail et son génie.
Jal'ch dit Iauch (Jean-.Népomucène), pianiste et
compositeur, né à Strasbourg, le 23 janvier 1793.
SriNDLER lui enseigna la composition. En 1814, I.\lch
futnomnié professeur à l'école normale primaire de
Strasbourg. Les élèves de cette école étaient au
1. L.\\iGNAc, Musique et Mustcien'-, y. .ïlJ7.
i. Lrco cit., p. .^06,
2094
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSJQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
nombre de cent àceiilcinquante : le professeur établit
pour eux une tnéthoile d'enseignement simultané
pour le piano, l'harmonie et l'accompagnenient du
chant des cultes catholique et protestant sur l'orgue.
En 1830, il ouvrit dans la même ville un cours de
piano simultané, divisé en huit degrés de force, dont
chacun exigeait un Iravail de six mois. 11 avait un
cours d'ensemble de dix à douze pianos. Cette entre-
prise eut du succès, et le cours eut une existence de
plusieurs années. Iacch a formé de bons élèves. Lui-
même était pianiste habile et s'est fait entendre avec
succès dans les concerts à diverses époques.
Il est auteur de plusieurs concertos pour piano, de
so7uites à trvis mains, de fantaisies et de variations
pour piano seul ou avec accompagnement de clari-
nette et de flûte, dont la plupart ont été gravés à
Paris chez lUchault et chez Pacini. Iauch a écrit aussi
un Concerto de ■piano et une Fantaisie avec orchestre
qu'il a exécutés dans ses concerts à Strasbourg, en
1820 et 1822.
On a entendu de ses compositions à la cathédrale
de Strasbourg, en 1S16 et 1818, des pièces d'offertoires
composées pour des instruments à venl. Enlin, on
connail un Recueil de pièces d'oniac composées par
J.-N. Iauch, op. 40, en six cahiers.
Son IJls, Marie-Louis-Ferdinand Jauch dit Iauch,
également pianiste et composileur, n(' à Strasbourg
en 1820, mort à Besançon en 1881, l'ut professeur de
piano à la cour de Napoléon III et clief d'orchestre
du Théâtre Uoyal de Bruxelles'.
Voici la liste de ses principales œuvres :
Op. 9. Vuriiitiuns et trio (piano, violon et alto; piano, fliiti; et
clarinette; piano, fli'ite et alto).
Op. le. ltou:e pièces ivcriatires pour tiurmonium (éditeurs llustel
et Gostallat.
O^. \^. 4 polonaises pour piano.
Op. 20. i4 versets pour ori/iie expressif.
Op. 22. (2 préludes et cadences; 6 interiniles et 11 petites pièces pour
liarimmium.
Op. 2li. l^"" livre : 4 pièces pour tiarnumimn.
Op. 27. 2'^ livre : S pièces pour harmonium.
Op. 28. 3P livre : S pièces pour tiarmonium.
Op. 3.5. 4' livre : 6 pièces pour harmonium.
Op. 30. '^^- livi'O : ;' pirces pour Itarmoniiim.
Op. 3S. Préludes tirittants pour or;/ue.
Op. 40. Fantaisie et 7 pièces pour harmonium.
Op. a. 4 pièces pour harmonium.
Op. 43. Yariiitions sur des airs irlandais: rioton et piano, fliile cl
piano.
Op. 44. lOiS versets pour orque.
Op. 46. Promenade sur If tac, pour piano.
Op. 50. Impromptu, pour piano.
Op. 62. Alternative, pour piano.
Op. 03. L'Echo, pour piano.
Op. 65. Scherzo, pour piano.
Op. 70. Les lUnrels, pour piiino.
Op. 72. Duettino, pour piano.
Op. 73. Solo pour enfants, pour piano.
Op. 76. Adagio pour orque expressif.
Domine salvum pour soprano (ténor), contralto, •barj'ton, avec
orgue et harmonium.
Toutes ces œuvres éditées par Gostallat.
MoscHELÈs (Ignace), né à Prague en 1794, mort à
Leipzig en 1870. 11 fut un des fondateurs de l'école
classique du piano qui vit brillerles Clementi, Cramer,
DussEK, Hu.MMEL. Les œuvres de Moschelés, de belle
l'orme, correctes et élégantes, quoique bien délaissées
de nos jours, méritent d'être travaillées par tous
les pianistes.
Il parcourut les grandes villes d'Europe, où il
obtint de grands succès comme pianiste, improvi-
saleui' et compositeur. 11 fut professeur de piano au
Conservatoire de Leipzig. Il traduisit en anglais, el
publia à Londres la Vie de BeeiJioven de Sciiindler
11841). L'histoire de sa vie fut publiée par sa veuve ;
La Vie de Moschelés racontée -par sa veuve (18721.
Ses œuvres sont principalement écrites pour pian»
ou instruments à cordes. Il faut citer ses sonates, ses
concertos et un recueil d'FAudes encore célèbres. La
franchise el la netteté de rythme ainsi que l'intérêt
de l'harmonie donnent une valeur à ses composi-
tions.
Il fut ami de Bekthovex, qui lui écrivit : " Voire
noble conduite restera pour moi inoubliable... Voire
ami qui vous apprécie forl-. »
ScHiisERT (Franz-Peter), néàLiclilenthal (Autriche)'
en 1797, mort à Vienne en 1828. Fils d'un maître
d'école, il écrivit ses premiers lieder à quatorze ans.
fîien que la mort l'ait frappé à trente et un ans, le
nombre de ses compositions s'élève à près de 1.200,
dont 603 lieder à une ou deux voix, dont la plupart
sont de réels chefs-d'œuvre.
Il fut un pianiste distingué ; ses œuvres pour piano,
les sonates, les moments niiisicawr, les impromptus,
valses, etc., méritent l'admiration de tous. Toutes
ses compositions sont pleines de charme, de poésie,
d'une inspii'ation spontanée, abondante.
Parmi ses lieder les plus célèbres, où sont tra-
duites la grâce la plus touchante, la rêverie mélan-
colique, pathétique, et la tristesse profonde qui fut
la marque personnelle de son génie musical, nous ne
citerons que quelques titres : Le Roi des Aulnes, Lu
Truite, La Plainte de la jeune fille, Manjuerite au rouet,
le cycle de La Belle Meunière, etc. Citons aussi un
peu au hasard 7 symphonies, 6 messes, le xxiii" psaume,
20 quatuors pour instruments à cordes, 18 opéras
dont deux ou trois seulement furent représentés
après sa mort, et dont .3 restèrent inachevés, 34 so- .
nates, une multitude de morceaux divers, 24 so«(f/e>,
pour le piano, extrêmement remarquables, des
marches, des polonaises, des valses nobles pleines
de charme.
Ecoutons ce que dit de lui Uubinstein^ :
« Je considère Beethoven comme au faîte de la
seconde époque de l'art musical et Schubert comme
le générateur de la troisième... A tous les autres,
même aux plus grands, on peut découvrir des pré-
décesseurs; lui seul surgit spontanément... il crée
le romantisme lyrique dans la musique. Avant lui.
on ne connaissait que la chanson naïve, en couplets,
ou la ballade, œuvre sèche et tendue, avec récitatif
et cantilène, de forme scolastique et d'accompagne-
ment insigniliant. Schl'bert a créé le chant de l'âme,
la poésie musicale sur une poésie littéraire, la mé-
lodie qui commente les paroles... Il est encore un
novateur dans ses petites pièces pour piano, où il se
montre, selon moi, tout à fait inimitable. Schubert,
qui a vécu au même temps que Biîethovem et dans la
même ville, est resté dégagé de toute influence,
aussi bien dans la symphonie que dans la musique
de chambre et même dans ses œuvres pour piano!
Il n'y a qu'à comparer ses Moments musicaux ou ses
Impromptus avec les Bayatellcs de Beethoven. II n'a
pas son égal dans le lied, non plus que dans la Rup-
sodic honi/roisc, dans les maiclics à quatre mains.
1. Ces deuv artistes sont lo grand-père et rarrière-gr.ind-pl're de
notre collaborateur L.-E. Ghatia. [.N. D. L. D.]
-. Lettre écrite par Beethoven a Vienne, le 18 mars 1S27. Corres~
pondaoce de JJeelhoven par Chantavoike, p. i'i-l.
3. La .Musique et ses rcprêseulauls. Entretien sur la musique jar
Antoine Rubinsteix, traduit du manuscrit russe par Micllnl Delines,
p. 12. Eilit. Heugel, 189;.
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PEDAdOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE 2095
dans les valses ou fanlaisirs, enfin dans toute son
Q'uvre. — Kn un seul ftenre, il n'a pas atteint les
sommets, c'est dans ïa, sonate... Cette forme épique
était coiitiaire au caractère lyrico-romantique du
génie de ScnuKEiix.
K Même dans ses créations les plus belles et les
plus élevées, il reste le joyeux habitant du faubourg
de Lerclienfeld; c'est ainsi qu'il se révèle dans les
dernières parties du quiniettc en ut majeur pour
instruments à cordes, de la sonate en n- majeur et
de la Fantaisie en sol majeur pour piano. — Quelle
variété dans son talent! A côté des Iviler : le Corbeau,
Tu es te repos. Allanlis, VArrèt, le Roi des Aulnes et
autres, nous trouvons ses valses; à côté des quatuors
en ré mineur et en la mineur pour instruments à
cordes, sa Rapsodie hongroise; à côté du Mcanent
musical et des Impromptus, sa Symphonie en ut ma-
jeur, etc.
« Encore une fois, répétons que Bach, Beethoven
et .ScHLiîERT sont les plus hautes cimes de l'art mu-
sical! »
IjEiiTiNnJérôme-Henri), pianiste français, lils d'un
musicien établi à Londres, naquit en cette ville en
1798, et mourut à Meyian, près de Gienoble, en 1876.
De bonne heure, il eut un remarquable talent de
virtuose; son père et son frère furent ses profes-
seurs.
Son jeu solire, élégant et son style solide lui valu-
rent de fîrands succès. Il fut aussi apprécié comme
compositeur, le nombre de ses œuvres dépasse deux
cents.
Actuellement, de nombreux et bons professeurs
font particulièrement travailler ses œuvres d'ensei-
gni^ment, dont voici les principales citées dans Tordre
de leur difficulté :
EBseignement élémentaire. Œuvres pour le piano
à deux mains. Op. 84. Rudiment, réunion des exercices
néci'ssaires p'iur obtenir unmécanisme parfait, l""' livre.
La gijmnastique des doigts. Op. 160, lettre A. 23 Elu-
des élémentaires pour les petites mains. Op. 17.ï, lettre
C. i.ï Etudes préparatoires. Op. 176, lettre D.23 Etu-
des intermédiaires. Op. 29, 23 Etudes.
Enseignement secondaire : Op. 32. 25 Etudes.
Op. 177, lettre li. 23 Etudes spéciales, trille, vélocité,
main gauche. Op. 8V. Rudiment, réunion des e.rcrrices
nécessaires pour obtenir un mécanisme parfait, 2° li vre.
Op. 134. 23 Etudes, introduction aux Etudes caracté-
I isliqucs. Op. 178, lettre F. 23 Elud,es classiques et
normales. 2i Etudes, 5'= cahier de la collection de Ber-
Tixi. Op. 141 et 142- 30 Etudes mélodiques précédées
(hacune d'tin /irélude, deux cahiers.
Enseignement supérieur : Op. 66. Etudes caracté-
ristiques, dédiées au Conservatoire. Op. 94. 23 Ca-
prices Etudes, Complément des études caractéristiques.
Op. 122, lettre G. Premier livre. Eludas artistiques.
Op. 122, lettre G. second livre, Etudes. Le tout édité
par Lenioine.
Enseignement élémentaire : Pour le piano à A
mains. Op. lOll, lettre H. L'Art de la mesure, 25 leçons
à 4 mains, à l'usage des commerçants — Op. 149,
lettre J. 23 Etudes très faciles « i nuiins. Op. 130,
lettre K. 23 Etudes faciles à. i mains.
■ Enseignement secondaire : Op. 97. Etudes musi-
cales a i matas. Op. 179, lettre E. 1« suite, 23 Etudes
à i mains. Op. 179, lettre E. 2'^ suite, 23 Etudes à
4 mains.
Enseignement supérieur : Op. 133. 23 Etudes mu-
sicales à '1 mains (rythme et phrase). Le tout édité
par Lenioine.
Adam (.\dolphe-Charles), né et mort à Paris (1803-
18.-)7). Elève de sonpère Jean-Louis Adam (voir plus
haut ) BoÏELDiEU fut son mailre pour l'harmonie et
la composition. En 1823, il obtint le second prix de
l'Institut.
Il a laissé de nombreuses compositions pour le
piano, pour musique militaire, un .A'oc/ très connu,
devenu en quelque sorte le chant traditionnel de
cette fête mondiale, des messes, cantates, des ballets
représentés à l'Opéra : Giselle (1841), La .lulie Fille de
Gaud (1842), Le Diable à quatre (1843), La Filleule des
Fées (1849), Orfa (1832), Le Corsaire (1836).
Il commença, dès l'obtention de son prix, par se
faire connaître en écrivant de la musique pour de
nombreux vaudevilles représentés à ce théâtre, au
Gymnase et aux Nouveautés {Le Baiser au porteur. Le
Mal du pays, LaDame jaune, M. Batte, etc.). Il donna
vingt-six ouvrages à l'Opéra-Comique, et obtint de
retentissants et prolongés succès avec : Pierre et Ca-
therine ([S29), Le Chalet (1834), La Marquise (1833),
Le Postillon de Longjumeau (1836), Le Brasseur do Pres-
lon (1838), Régine (1839), La Reine d'un jour (1839),
La Rose de Péronne (1840), Le Roi d'Yvetol (1842),
Cagliostro (1844), Le Toréador (1849), Giralda (1830),
Le Sourd (1853).
Kn 1847, il eut la malencontreuse idée de prendre
la direction de l'Opéra -National (devenu plus tard
le Théâtre Lyrique), et y perdit tout son argent. Il
donna à ce théâtre plusieurs ouvrages : La 'Poupée
de Nuremberg, Si j'étais roi (livret de Brésil). Le Bi-
jou perdu. Le Muletier de Tolède, etc.
Il fut nommé membre de l'Académie des Beaux-
Arts en 1844, et professeur de composition en 1848.
11 acquit aussi de la réputation comme écrivain
musical, fut critique au Constitutionnel et à l'Assem-
blée nationale. Ses écrits et critiques sont en partie
réunis en deux volumes ayant pour titre : Souvenirs
et youveaux .Souvenirs d'un musicien.
A. PouGi.N écrivit un intéressant ouvrage sur Adau :
Adolphe .\dam, sa vie, sa carrière, ses mémoires artis-
tiques. Paris, 1877.
Glinka (Michel- Ivanovitch), né à Novospasskoé
(gouvernement de Smolensk) en 1803, mort à Berlin
en 1837.
Dans les deux sens du mot, il est le premier des
musiciens russes. Il reçut une forte instruction scien-
tifique et littéraire au pensionnat de la noblesse, puis
travailla le piano avec Field et Ch. Mayer, l'harmo-
nie et le contrepoint en Allemagne, avec Uehn, qui
fut également le maître des deux HuniNSTErN. 11 étudia
aussi le chant et le violon avec des maîtres italiens.
Il travailla à la rénovation intellectuelle de son
pays avec Gogol, Pouschkine, Pletnef, Koukolnik.
11 puisa largement ses inspiralions dans les chants
populaires russes, en employa même quelques-uns,
et traça lui-même les grandes lignes du poème La
Vie pour le tsar, son chef-d'œuvre le plus connu, joué,
pour la première fois, le 9 octobre 1836. Ce fut un
réel triomphe. Prenantensuite comme sujet l'un des
premiers poèmes de Pouschkine : Rousslan et Liud-
mila, il obtint un nouveau succès retentissant avec
Cette œuvre toute différente, qui prouve le complet
épanouissement de son talent.
Parmi ses autres ouvrages, il faut connaître sa
musique pour : Le Prince Kholmsky, drame de Kou-
kolnik, une Jota Aragonesa et Suit d'été à Madrid,
construite sur des motifs espagnols recueillis lors
d'un voyage en Espagne, La Kamarinskaia, morceau
symphonique, sur des airs] populaires russes, deux
2096
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIHE
polonaises, une tareulclle pour orcliesire, etc., de nom-
breuses mélodies vocales.
.Son orchestration est riche, colorée, ainsi que ses
harmonies. En plus de ses connaissances musicales,
il fut très érudit en histoire naturelle el en géo-
graphie.
SowiNSKi (Albert^, né à Ladyzyu (Ukraine) en 180:i,
mort à Paris en 1880. Un des plus remarquables
élèves planistes de Czerny qui fut aussi compositeur.
Parmi ses œuvres les plus saillantes, on peut citer :
Saint Adalbert, oratorio; une symphonie, deux mcase-.
les ouvertures de La Reine Heduige et de Mazeppa. 11
publia un recueil de chants populaires et nationaux
de son pays (1830), et un ouvrage sous ce titre : L's
miisiiirns polonais et slaves anciens et modernes {iS'à').
Herz (Henri), né à Vienne en 1806, mort à Paris en
1888. Il vint très jeune en France et fut élève du Cnn-
servatoire, où il remporta un premier prix de piano.
11 se fit entendre dans l'Kurope entière, obtintbeau-
coup de succès, et écrivit bon nombre de composi-
tions ayant également la faveur du public. 11 domia
de nombreux concerts en Amérique, où il refit ^a
fortune détruite par de mauvaises affaires de com-
merce. 11 s'était — nous l'avons dit — associé av, c
le facteur de pianos Klepteb. Nommé professeur an
Conservatoire à cette même époque (18+2), ses oc-
cupations artistiques lui prirent tout son temps f t
causèrent grand préjudice à son entreprise com-
merciale. De retour en France, il reprit néanmoins
la direction de sa fabrique de pianos, sa classe au
Conservatoire, et lit éditer de nouvelles compositions
.Ses œuvres pour piano sont très nombreuses; on
lui doit une Méthode complète de piano et un volume
intitulé : Mes Voyages en Amérique.
Il est l'inventeur d'un appareil muni de ressoiis
auxquels sont suspendus des anneaux dans lesqueU
se place le bout des doigts ; ceux-ci opérant ainsi d' s
tractions, peuvent, grâce à cette gymnastique, gagm. r
de la force.
« Sa Grande Méthode, ouvrage de vif intérêt jusd--
ment recherché, doit être consultée par tous ceux q r i
apprécient les qualités si variées de ce virtuose com-
positeur'. » Nous ne citerons ici que quelques-unes
de ses compositions pour piano, dans leur ordie de
difficulté : Op. 1j1. Vingt-Quatre Etudes très facih-<.
Op. 152. Vingt-Quatre Etudes très faciles. Op. is.
Variations sur la Gavotte de Vestris. Op. ISi. Fan-
taisie sur la Favorite, Le Bijou, Polacca, Sur mes r/i,, s
Amours. Op. 168. L'Ecume de mer, marche et vais \
Op. 198. fhiirlande de Fleurs, valse de concert. Op. H'è'-.
Noitvellc Tarentelle. Op. 2H. Perles animées. Op. i:i.
Air Tyrolien. Op. 60. Variations sur la Cenerentohi.
Op. 118. Les trois sœurs : la gracieuse, la sentimcu-
tale, l'enjouée. Op. m. La Tapada. Op. ill.Réved'm-
fant. Op. 191. Thème original varié. Op. 119. Quinze
Eludes de moijenne force. Op. 76. Variations britlanW-i
sur le Trio favori du Pré au.v Clercs. Op. 2:î. Varia-
tions sur le Crocialo. Op. 98. Varialions sur la Douli.c
échelle. Op. 98. Fantaisies et Variations sur l'Aml'i^-
sadrice, la Dernière pensée de Weher, la Part du Di-:-
ble, lès Diamants de la couronne, le Domino noir, !a
Romanesca, la Figurante. Op. 8. Introduction, vari i-
tions el polonaises. Op. 21. Préludes dédiés à Hum.mi:i.,
sept conceWos (les cinq premiers sont particulier c-
ment à recommander). Op. 163. Fantaisie sur la Fille
du Régiment, Fantaisies et Variations sur le siège de
1. Madioktki,
Yade-mtcuin du professeur (te piano, p. 1 1 . Hcmi^i-I
Corinthe. Op. 30. Grande Polonaise. Variation sur
divers opéras. Op. 153. Dix-huit grandes Etudes. Les
Contrastes, trois Etudes. A quatre mains : Op. 48. La
Violette. Op. 70. Variation sur le Philtre. Op. oO. Va-
riations brillantes sur Guillaume Tell, etc.
Mkndelssohn-Bartholdy (Félix) naquit àHambourr,
le 28 février 1809, et mourut à l'âge de trente-neuf
ans, succombant en plein épanouissement de son
génie à une apoplexie nerveuse en 1847, à Leipzig.
Pianiste el organiste de grande valeur.
Petit-fils du philosophe Moses Mendeissohn, et fils
d'un banquier. A seize ans, il fit représenter à Berlin
un opéra, les Noces de Gamache. A dix-sept ans, il
publiait une traduction en vers allemands de VAn-
drienne de ïérence. A vingt ans, il entreprend une
tournée en Angleterre, en Italie et en France. C'est à
Londres qu'il fit exécuter sa première symphonie
et l'ouverture du Songe d'une nuit d'élé. Il fonde un
conservatoire à Lepzig, en 1843.
Il est le créateur des: Romances sans Paroles, liedcr
pour piano, qui forment un recueil de qtiarante-lmit
délicieux tableaux de genre, de poèmes tendres, d'un
sentiment toujours délicat. Toutes ces romances sont
belles. Trois recueils pour piano contiennent : Ca-
price, op. ^.Caractéristique, op. 7. Rondo capriccioso,
op. li. Fantaisies ou Caprices, op. 16. Caprices, op.
33. Pièces d'enfants, op. 72. Andante eantabile e Presto
agitato. — Fantaisie, op. 28. Prélude et Fugue, op. 3j.
Variations sérieuses, op. 'ai. Andante avec Variations,
op. 82. Variations, op. 83. — Etude, op. 104. Etude en
fa mineur. Scherzo en si mineur. Scherzo et caprice.
Sonate, op. 6, en mi majeur. Fantaisie sur une chan-
son irlandaise, op. iiy. Trois Préludes, op. lOi. Sonate,
op. 105, en sol mineur. Sonate, op. 106, en si majeur.
Pages d'Album, op. H7. — Caprice, op. 118. Perpe-
tuum mobile, op. 119. Prélude et Fugue. Gondellied.
Deu-r pièces pour piano en si majeur et sol nrineur.
A citer aussi ; quatre s(/mp/io»(ies, les qu&lre ouver-
tures des Hébrides, de la Mer calme, de la Belle Mé-
lusineel de Ruy Blas; la musique pour le Songe d'une
nuit d'été, pour Athalie, CEdipe à Colone et pour Anti-
gone. Les oratorios : Paidiis et Eiie. Un concerto de
violon, deux concertos de piano avec orchestre; dix
quatuors, deux trios, avec ou sans piano ; des cluvurs,
des hymnes, cantates d'église; neuf recueils de lieder.
Les Noces de Gamache, LeRetour de voyage, opéras, etc.
11 eut un fils, Charles, historien, né à Leipzig en
183S, mort à Brugg (Suisse), en 1897.
Cuoi'iN (Frédéric-François), né à Zelazowa-Wola,
prés Varsovie, le i." mars 1809, mort à Paris à l'âge
de quarante ans, le 19 octobre 1849.11 était d'origine
française par son père. Ce dernier avait été précep-
teur dans une famille attachée à la cour, du temps
du roi Stanislas. Lanière était Polonaise. Il fut un
des plus grands pianistes virtuoses el compositeurs.
Toutes ses œuvres sont écrites pour le piano, sauf un
trio et \.\ne polonaise pour piano et violoncelle, dont
eetle dernière partie fut arrangée par I''h.\:<(:uomme, et
sauf aussi des mélodies pour chant avec accompa-
gnement de piano.
11 eut pour maîtres AlbertZïWNY elJosoph Els.ner.
Tiès patriote, la révolution de 1830 lui rendit insup-
portable le séjourà Vienne; c'est alorsqu il vint à Pa-
ris et se lia avec Balzac, Berlioz, Meverhkkr, Heine...
11 se produisit pour la première fois en public à l'âge
de neuf ans. H remportait plu-i de succès dans les
concerts intimes que dans ceux donnés dans de
grandes salles. 11 se consacra également à l'enseigne-
ment et à la composition; on peut citer, parmi ses
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE 2097
élèves : «jeorges Mathias (voir ce.noinj. AUeiiil d une
maladie de poitrine qui l'emporta, il alla se soigner,
en 1838, à l'île Majorque, en compagnie de George
Sand. Hnl849, il donne une série de concerts à Lon-
dres, visite l'Ecosse et revient mourir à Paris.
« Une grande date dans l'histoire de la virtuosité
propre au piano est marquée par l'apparition de
Frédéric Chopin, qui, comme exécutant et comme
compositeur, a été l'un des plus étonnants artistes
de noire siècle et de tous les temps. A vrai dire, à
l'égard de la virtuosité, il y avait en lui quelque
chose de si capricieux, de si imprévu, qu'il décon-
certa plusieurs des représentants de la tradition,
par exemple FiELD, qui le jugeait irrégulier, incohé-
rent, maladif, et Kalkbrenner, qui croyait surprendre
en son jeu une foule d'incorrections et de lacunes'. »
C'est à tort que certains pianistes se permettent
des libertés excessives, en jouant sa musique. De
nombreux exécutants s'imaginent produire plus d'ef-
fel, et dénaturent les œuvres de Chopin avec des exa-
gérations de sonorités, de rubato; ce sont, quoi qu'ils
puissent paraître, des artistes de second plan, igno-
rant que la beauté ne réside pas dans de grossières
affectations, dans des contorsions de sentiments. On
peut se convaincre que ce n'est pas là une « opinion »
personnelle, mais une vérité indiscutable, en lisant
l'œuvre de Liszt :F. C/iopw! (1852), ainsi que: Chopin
(La Rochelle, 1861), par H. Bardedette; Friedrich Cho.
pin (Dresde, 1877), par Moritz Karasowski; Frédéric
Chopin, sa vie et ses œuvres (Paris, 1880), par Mm= A-
Audlet; Frédéric Chopin (Londres, 1884), par Joseph
Bennett; Les Trois Romans de Frédéric Chopin (Paris,
1886), par le comte Wolzinski; Frédéric Chopin (Lon-
dres, 1890), par Frederick Niecks; Histoire de ma vie
(Paris, 1834-1833), par George Sand; Conseils aux
jeunes pianistes, où Fischbacher cite M"»" Charles
Picquet, nièce de Franchomme, et enfin LEtude du
Piano''.
Il écrivit deux grands Concertos, op. li et op. 21,
quatre Sonates en ut, op. 4(1828); en sib, op. -33
(1840), et en si, op. 38. (1845) pour piano seul et une
en sol, op. 63 (1847) pour violoncelle; un recueil de
vingt-sept Etudes qui, tout en étant d'un excellent
travail, sont chacune de réels et splendides chefs-
d'œuvre; cinquante et une Mazurkas, dix-neuf Noc-
turnes; quatre Ballades, op. 23, 38, 47, 32, dix Polo-
naises, quatre Scherzos, une superbe Fantaisie, op. 49,
vingt-cinq P/é/«'ies, quatorze V(dses renommées, des
Rondeaux, plus de quatre-vingts numéros, une Ber-
ceuse, op. 37; Barcarollc, op. 90; Boléro, op^ 19; Ta-
rentelle, op. 43 ; Alleyro de Concert, op. 46 ; Variations
brillantes, op. 12; Variations sur un air allemand,
op. posthume; Marche funèbre, celle de la sonate et
une autre op. posthume (72, n" 2); trois Ecossaises,
op. posthume (72, n" 3^, trois Im]>romptus, op. 29,
36, 31; Fantaisie impromptu, op. 66, posthume, ^'ou-
blions pas non plus seize mélodies vocales.
Scni MANN (Robert), né à Zwickau iSaxe), le 8 juin
1810, mort à Endenich (Prusse Rhénane), le 29 juillet
1856.
Destiné au droit, ses études musicales furent retar-
dées de ce fait. Elève de Henri Dorn et de Frédéric
WiECK, voulant regagner le temps perdu, accroître
rapidement l'indépendance des annulaires, il ima-
gina un système d'attache, immobilisant le médius;
il employa ce moyen avec tant d'exagération qu'il
1. Alberl Soudies, loco cit., p. 212.
:. L.-E. Gbatia, p. 53, 14Ô, 167, 168, 173, 1S7, 18
grave.
contracta une paralysie des doigis (impotence fonc-
tionnelle)'. Cet accident fut cause qu'il se livra pres-
que uniquement à la composition, en même temps
qu'à la critique.
Il fonda à Leipzig, en 1834, un journal intitulé
Seue leitschrifl fiir Musik et le dirigea durant dix
années. 11 contribua largement par cet organe à faire
connaître Chopin et Brahms. Il épousa, en 1840,
M"« Clara Wieck, excellente pianiste, séjourna à
Dresde en 1844, puis à Dusseldorf (1830), où ii fut
directeur de la musique. C'est en cette ville qu'il fui
frappé d'une grave affection cérébrale, dont les pre-
mières atteintes s'étaient manifestées en 1823, et en
1843. L'impotence fonctionnelle de ses mains était
peut-être occasionnée par un état morbide général.
Il semblait en meilleure santé lorsque, revenant de
Dusseldorf, il se jeta dans le Hhin; transporté chez
lui, puis interné, il mourut au bout de deux années.
Après sa mort, sa femme, afin de pourvoir à l'en-
tretien de ses huit enfants, continua à se produire
comme virtuose et se livra à l'enseignement. Elle
composa des morceaux pour piano et se chargea de
1,1 revision des œuvres de son mari.
C'est principalement dans ses lieder pour chant et
piano et dans ses compositions légères pour piano
(lue ScHUUANN donne toute la mesure de son génie.
Les Amours du poète. Les Amows d'une femme,
cycles de mélodies, et d'autres lieder sont d'une va-
leur artistique incomparable. Parmi les œuvres pour
piano, il faut connaître : les Etudes symphoniques.
Etudes sous forme de variations. Scènes de bal. Le Car-
naval, op. 9 ; Le Carnaval de Vienne, op. 26, Krcisle-
rinna, huit morceaux. Les IVov'e//e<te, trois llomancef!,
les Albumbldller, Arabesque, Rhimenstùck, Danf la /'o-
)■('< (neuf tableaux) ; Fantaisies (huit pièces); Bunte
Bliitler (Leavi'S of différent colours); Toccata; Nacht-
stucke (op. 23, quatre numéros); Trois Fantaisies ; le
délicieux recueil pour débutants : Album pour la jeu-
nesse, op. 68, qui renferme 43 pièces progressives de
l'art le plus délicat; Scènes d'enfants (op. 15), treize
délicieux petits morceaux d'inspiration pure.
Parmi les œuvres d'orchestre et chœur : Le Para-
dis et la Péri, La Vie d'une Rose, Manfred, Scènes de
Faust, et son opéra Geneviène, quatre symphonies,
quatre oui'er^Mces : La Fiancée deMessiw!, Jules César,
Hermann et Dorothée, Ouverture de Fête, l' Adventlied ^
Le Fils du roi, le Requiem pour Mignon, La Malédic-
tion du chanteur, le Bonheur de l'Edm, des ballets ei
de nombreuses compositions de musique de chambre.
Ses critiques sont réunies et publiées sous ce titre :
Ecrits sur la musique et les musiciens (1834).
Stamaty (Camille), né à Romeen 18H, mort à Pa-
ris en 1870. Elève de Frédéric Kalkbrenner.
Stamaty forma d'excellents pianistes, parmi lesquels
il faut citer: Gottschalk, auteur d'œuvies élégantes,
et Camille Saint-Sakns, un des plus grands musi-
ciens pianistes et compositeurs français.
Entre autres ipuvres, il composa des études pour
les petites mains, chant et mécanisme (23 Etudes,
1" livre) ; des pièces faciles : La Petite Fileusr, Marche
Hongroise, 20 Etudes, 2' livre. Abrégé du rythme des
ilDiijts. Morceaux do salon plus difficiles : L'Ecossaise,
ijinui', Les Farfadets, Trois mélodies, op. 3, Romance
dramatique, op. l't, Rondo, Caprice, op. 13; Sicilienne
dans le genre ancien; Valse des oiseaux; Tarentelle,
op. 23; le fameux Rythme des doigts, résumant
toute l'école du mécanisme du piano, op. 36; Souve-
210. EJit. Delà-
1
:i. L.-E. Gb*tia, loco cit., p. 136.
132
2(WB
ENCYCLOPÉniE HE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
nirs ilu Cnnsn-ratoire. Douze iranscriptioiis habile-
ment laites; Plaisir d'Amour, ClvP"r df Castor et Pol-
Imr,, Transcrifitions, Bnuze fsqiiisxe^, op. 17 ; Dcntze
études pittoresques, op. 21 ; Eludes caractéristiques
sur rObéron de Weber. Enfin, Ifs Etud<s concertantes
apéci'iles et progressives, à qn.tlre mains, op. 46 et
47'. (1 i,e remarquable ouvrage est le complément
obliî,'é des excellentes études de cliaiit et de méca-
nisme des deux mains, pabliés en trois l'ivres, op. 37,
38 et 39'. »
Liszt (Franz) est né le 22 oclohre 1811, à Raiding,
petit village de Hongrie. 11 succomba, atteint d'un
catarrhe pulmonaire, dans la pciite maison qu'il
occupail à Bayreulh, le 31,|uillet ISHi.Il avaitassisté
à la dernière représentation de Tristan et Yseult, le
25 juillet. Ses dernières paroles lurent : « Adieu
Tristan ! »
Les prodigieuses dispositions musicales de ce
Paganim du piano se développèiv iit sons la direction
de Charles C/.krny. Durant ses premières années, de
six à neuf ans, son premier m;iiire tut son père,
Adam Liszt, qui jouait du piano ei de plusieurs ins-
truments à archet.
« Liszt resta deux ans à Vipnnc; il y parut pour
la première fois en public le !«'• décembre 1822 (âgé
de 11 ans), jouant un concerlo de Humuel, et pour
la dernière fois, le 13 avril de l'iinnée suivante. Il a
raconte lui-même qu'a l'issue de re concert d'adieu,
Beethoven déjà nien vieux et souil'rant toujours de
son incurable surdité, vint à lui el l'embrassa avec
enthousiasme. Il avait pressenti le premier le génie
de ce (letit prodige-. »
L'Italien Cherubini fut moins perspicace, car il
refusa d'admettre au Conservaluiie de Paris le petit
Liszt, pi'ésunlépar son père, sons prétexte qu'il était
étranger!
Dès l'âge de quatorze ans, il écrivit un ouvrage
en un acte pour POpéra, Don Sannho ou Le Château
d Amour. W se fit applaudir par l'I'Jiirope entière dans
les œuvres de Bach, Haëndel, Hkbtboven, ainsi que
dans les siennes, écrites mayislralemeiit pour l'ins-
trument et propres à faire valnii son exlraordinaire
mécanisme. De retour en Kiaii.e, il collabore à la
Hevue et Gnzelle miisirale, et se lie intimement avec
Richard Wagner (qui dnvint snn i^^endre en épousant
Cosinia LisiT, divorcée d'avec ll.iii> de BuLOw), lequel
bien souvent, lui enipinnlera de >es mollis pour les
développer et les incorporer da is ses opéras, ce qui
était accepté par Liszt quand il lui écrivait: « Grâce
à toi, ce thème connaitra riinuMirlalilé. »
11 se lixa à Weimar, où il accepta, du grand-doc,
remploi de maître de chapelle, el se lit recevoir franc-
maçon à la loge Charles Guillaume, de Weimar, dont
Goethe faisait partie. C'est alors qu'il composa de très
nomlneuses œuvres et qu'il employa toute son
autorité pour faire connaître les opéras .de Richard
Wagnkr, dont il fit représenter Lohengrin (1850). Les
idées ravstiques de sa jeunesse le hanlent à nouveau,
il se rend à Rome, se fait lonsurer au Vatican, est reçu
dans les ordres mineurs et ne se fait plus appeler
que i< l'abbé Liszt », renonçani à son union, désirée
depuis quinze années, avec la princesse Sayn-
Wit^genstein.
Le nombre desescompositions est immense ; parmi
ses œuvres pour piano il faut citer : 14 Rhapsodies
hongroises, la Vô", Rakoczy marche; Les Légendes de
1. Marmontei., Vade-7necum, p. 123.
J. Porlrails d'IiiT, Franz L'szt, pur J.-G. PnOD"HOH>iK. p. 3,
saint François d'Assise prêchant aux oiseaux; Saint
Frariiçois de Paule marcha-nt sur les flots.
Les Années de pèlerinage, 1" année, 9 a°*, Swisse,
2« année, 10 n°«, Italie, 3"= année, 7 n"". L'Arbre de
Noël, 12 pièces faciles. La Transcription pour piano
deus mains des Symphonies de Beethoven. « ie crois
avoir écrit i.OOOà o.OOO pages de musique de piano, »
écrit-il d'Italie à Clara Wkck à la fl^n de 1839^.
l)e i847 à 18d9, il compose ses grandes œuvres
pour orchestre : les Poèmes sfimphoniqucs, Faust,
Dante, Le Christ, Saxnli'. Elisabeth, La Messe de Gran
et d'innombrables pièces pour piano*.
Liszt fut un des premiers à pressentir le génie de
Franck; son caractère d'une bonté rare, inépuisable,
presque surhumaine, s'ingénie à ne faire montre
d'aucune supériorité devant tous ceux qui s'appro-
chent de lui. 11 dédaigne les critiques haineuses,
injustes, ironiques : n Je continuerai fermement
mon chemin jusqu'au bout, sans prendre d'antre
souci que de faire ce que j'ai à faire, et ce qui sera
fait, je vous le promets '\ «
Liszt ayant été émerveillé par le talent de Paoanip<i
écrit à M. Pierre Wolff le 2 mai 1832 : « Voici quinze
jours que mon esprit et mes doigts travaillent comme
des damnés. Homère la Bible, Platon, Locke, lîyron,
Hugo, Lamartine, Chateaubriand, Beethoven, Bach,
Hummel, Mozart, Weber, sont tous à l'entour de moi.
Je les étudie, les médite, les dévore avec fureur;
de plus, je travaille quatre à cinq heures d'exercices
(tierces, sixtes, octaves, trémolos, notes répétées,
cadences, etc.). Ah ! pourvu que je ne devienne pas
fou, tu retrouveras un artiste en moi!... » Plus loin :
« Kt moi aussi, je suis peintre, » s'écria Le Corrège
la première fois qu'il vit un chef-d'œuvre... Quoique
petit et pauvre, ton ami ne cesse de répéter ces
paroles du grand homme; quel violon, quel artiste!
Dieu, que de souffrances, de misère, de tortures dans
ces quatre cordes^! »
Parmi ses poèmes symphoniques, nous citerons :
Le Tasse, Orphée, Mazeppa, Hamlet, L'Idéal; des sym-
phonies avec chœur et plusieurs pièces orchestrales :
Valse de Méphisto, Marche de Fête. Plusieurs messes,
un Requiem, plusieurs cantates, dont celle de .Jeanne
d'Arc au bûcher; environ SOlieder, des mélodvs fran-
çaises, plusieurs recueils de chœurs pour 4 voix
d'hommes.
Enfin, Liszt a publié plusieurs écrits : Lohengrin et
Tanïihausfr de Richard Wagner (1851); Chopin (1852);
Des Dohêmiins et de leur musique en Hongrie (1861);
HobertFranz (1872) ; sa correspondance a élé publiée
par M""' La Mara (Marie Lipsius) à Leipzig.
Thomas (Ambroise-Charles-Louis), né à Metz en 1811,
mort à Paris, le 12 février 1896, commence l'étude
du solfège à quatre ans sous la direction de sou père,
et vers sept ans celles du piano et du violon.
Quelques jours avant sa mort, il fit encore enten-
dre à ses amis, dont était Charles Deliolx (voir plus
loin), le 4' Nocturne en fa majeur, op. 15, n" I, de
Chopin. C'est, je crois, la dernière fois qu'il posa les
mains sur un clavier.
En 1828, il fut admis au Conservatoire où il travailla
le piano sous la direction de Zimmermann, l'harmonie
avec DoL'RLEN, et la composition avec Lesueur. Il
considérait pourtant comme ses vrais maîtres : Kalb-
iiRENNER pour le piano et Barbereau pour le contre-
3. Lis:fs Diufe. I, p. 32, !.. 23 de IVslh, 2(i ilccL'mbre 183a.
4. Franz Liszt, Portfaits d'hier, n" 43, p. 13. J.-G. pRuoHosijit.
5. Loco cit., I, p. 268. L. <lo Wciiimr. 24 mars 1837.
fi. Liszt's liricfe, I, !.. Ji, M. Pierre WoUTâ (jienève, de Paris,
I
TECII.VinUE, F.STIIETIQllF. ET PEDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE ■M'i'.i
poLnl et la fufjue. Il obtint le grand prix Je l'Institut
en I8.i2, avec la cantate Hermunu. l't Kcttij.
Il l'ut professeur d'harmonie et de composition au
Conservatoire, de I806 à 1870, et directeur après
Spontini, de 1871 jusqu'à sa mort. Membre de l'Aca-
démie des lîeaux-Arts en 18S1. Il est le premier mu-
sicien auquel on donna la grand'croix de la Légion
d'honneur, le 16 mai 1894, à l'occasion de la millième
représentation de Miijnori à l'Opéra-Coniique.
Théodore Dunois nous appreml, dans le numéro du
ii. octobre 1911 de la revue Les Annales, qu'Ambroise
Thomas rompit avec les traditions en orientant ses
élèves vers la musique pure, alors ((u'il était d'usage
de dirigerions les efforts, non pas sur la symphonie
et la musique de chambre, mais sur le théâtre.
>i II nous Jouait souvent (et t'oit bien, car il était ex-
cellent pianiste) des fragments de Mozart, Beethoven,
Haydn, etc., qu'il savait par cœur, et il y ajoutait des
morceaux de Chopin, qu'il avait beaucoup connu,
et dont il aimait particulièrement les œuvres, y
;l forma de bons élèves tels que: Massenet, Bour-
G>ULT-DUC0UDRAY, LBNEfVEU, Cil. LkFKBVRE, SaLVAYRE
et Théodore Durois, qui fut le premier de ses élèves
obtenant le grand prix et liome.
Il composa vingt-trois œuvres pour le théâtre, bal-
lets, opéras-comiques, grands opéras, dont nous ne
citerons que les plus connus : La Dctably Echelle,
opéra-comique en 1 acte (1837); Le Caïd, opéra-comi-
que en 2 actes (1849) ;_ Le Sowje d'une nuit d'été,
opéra-comique en 3 actes (1830); Psyché, opéra-co-
mique en 3 actes (1857); Mignon, opéra-comique en
3 actes (1866); Hamlet, grand opéra en o actes (1868):
Fi'ançoise de Riniini, grand opéra en '6 actes (1882);
La Tempête, ballet en 2 actes (1889) '.
Ajoutons des messes, des cantates, marche religieuse
pour grand orchestre (1863), des motets, une très
grande quantité de mélodies, de romances, de grands
chœurs orphéoniques, des morceaux de piano. Mar-
MONTEL aimait à faire travailler : Valse île s<jlon (pas
difficile) et dix transcriptions du ballet La Tempête .-
Danse des bijoux, Mousses et matelots, les Abeilles, la
Captive, etc. (assez difficiles).
Je terminerai cette trop courte biographie en disant
que c'est sur la proposition d'Ambroise Thomas que
le ministre nomma César France professeur d'orgue
au Conservatoire; ceci vient quelque peu détruire
une légende qui veut que Ambroise Thomas lui ait été
hostile.
TiiALiîRRG (Sigismond), pianiste et compositeur alle-
mand, né à Genève le 7 janvier 1SI2, mort à iN'aples
en 1871.
11 était le lils du prince Maurice Dietrichstein et
de la baronne W'etzlar.
Il eut presque autant de succès que Liszt. Ses fan-
taisies sur Don Juan, La Straniera, Lu Muette de Por-
tici. Les Huguenots, Moïse obtinrent une longue vogue
grâce à des combinaisons nouvelles de mécanisme,
grâce à l'usage adroit des pédales, à des formes nou-
velles d'arpèges qui donnaient l'illusion d'une grande
difficulté d'exécution et d'une grande ampleur
de son. En réalité, ces procédés étaient des moyens
faciles d'efîet; les trop nombreux imitateuisde cette
manière entraînèrent vile la lassitude et le mépris,
la »(odt' passa vite! « Nous recommandons cependant
-aux amateurs (dit Rougnon dans Piann et l'ianistes,
p. 22) et aux élèves sérieux la lecture consciencieuse
I. Voir pour le cnlalnguc intégral ; Lu Miisi'/U': cl Us Musiciens par
Albert Lavigxac.
des Soirées du Pausilippe , recueil où TiiAUiERGa réun
24 pièces charmantes, quoique de dimensions exi-
guës. Elles sont d'une rare distinction de forme et de
pensée. » Nous pensons, comme M. Uougnon, qu'il
ne faut pas un mince mérite pour savoir mettre ces
qualités dans des morceaux de courte haleine.
A l'âge de 13 ans, I'halberg donnait ses premiens
concerts à Vienne; à 16 ans, il publiait ses premières
compositions (1828).
Ses œuvres sont de genres différents : fantaisies,
variations sur des tJièmes d'opéras. Il composa aussi
Florinda (183 1) et Cristina di Sue^ia (1863), deux opé-
ras qui n'eurent pas grand succès.
On a considéré sa /■'cître de Moise, brillant morceau
de concert, commeson chef-d'œuvre de compositeur.
RuRiNSTEiiN, dans son livre sur La Musique et ses
représentants, écrit : >' Mais tout a coup, voici trois
nouveaux personnages qui surgissent, et, cette fois
encore, tous en même temps; ce sont I'halberg, Liszt
et Henselt. Ils donnenl au piano un caractère toat
nouveau, en substituant au roulement de la gamme
et aux fusées des traits le chant proprement dit avec
accompagnement d'arpèges (Thalherg), le caractère
orchestral (Liszt), la polyphonie et l'harmonie lar-
gement étendue (Henselt).
« Thalbehg et Liszt bannissent la variation sur un
seul thème et introduisent la i< fantaisie n sur plu-
sieurs thèmes d'opéras, non plus avec la simplicité
de MoscHELÈs, mais avec une richesse de virtuosité
inconnue jusqu'alors; ils vontjusqu'à faire résonner
deux thèmes à la fois.
X Nos trois compositeurs inaugurent pour le piano
l'époque de la virtuosité transcendante 2. »
Dakgomiisri (Alexandre-Serguiévitch), considéré en
Russie comme un chef d'école, né dans un village
du gouvernement de Toula en 1813, mort à Saint-
Pétersbourg en 1869.
Sa famille était riche et lui lit donner une instruc-
tion et une éducation soignées. Il est inconnu en
France; en Russie, de nombreux amateurs jouent ses
morceaux pour piano, danses, mélodies, etc.
Il mit en musique le livret français La Esmeralda,
que Victor Hugo avait écrit pour M"= Louise Berlin.
Il écrivit aussi : Le Triomphe île Bac'hus (opéra-
ballet); une centaine de romances; la lioussalka (l'On-
diyie) de Pouschkine, représentée en 1836 à Saint-
Pétersbourg; cette légende lavait heureusement
inspiré et rendit son nom populaire.
Le Convive de Pierre, opéra que la mort interrom-
pit, fut achevé par César Cui et Riusky-Korsakow.
Alran (Charles-Valentin Morhange), connu sous
le nom d'ALKAN aine, né à Paris en 1813, mort en cette
ville en 1888.
« Virtuose admirable dans le style classique sur le
piano et le piano-pédalier.
« Sesnombreuses compositions, pourlepiano, sont
d'un style aussi élevé qu'originaP. »
L'un des maîtres du piano au xix° siècle et compo-
siteur de premier ordre pour cet instrument.
H obtint le premier prix de piano au Conservatoire,
à l'âge de dix ans, élève de Zimmerman.\', et à treize ans
le premier prix d'harmonie.
Ses pièces pour piano les plus réputées sont : Les
Omnibus (variations); Variations sur l'Orai/e de
Steibelt; vingt-cinq Préludes; douze Etudes; Mm'lir
2. .\ntoine licBiNSTEis. La Musique et ses reprêsenlants.\\nU(ii\cu
sur la musique traitait du m.iiiuscrit russe par Michel Dulixes. l'aris,
t89i. Itengel édil., pige Si.
3. LwKi.NAC, Ifico cit., p. ^Al.
E.\cyCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONXAIHE DU CONSERVATOIRE
2100
funî-bre; Marche Triomphale; un recueil d'Impromp-
tus; Etudes-Caprices; le Chemin de fer. Bourrée d'Au-
vcr(inc, le Preux, études de concert; les Mois, douze
morceaux; un concerto, une sonate, etc.
Napoléon- Alexandre, son frère, né à Paris en 1826,
obtint un second prix de Rome (1850). Professeur
au Conservatoire depuis 1847, il composa quelques
bonnes pièces pour piano.
Le Cout'PEY (Félix), né à Paris en 1811 et mort en
cette ville en 1887. 11 obtint au Conservatoire un
premier prix de piano en I82.T, et un premier prix
d'harmonie en 1828.
Nommé professeur de solfège au Conservatoire en
1837, puis professeur d'harmonie en 1843, et ensuite
professeur de piano d'une classe de femmes, où il
forma de nombreuses et excellentes pianistes.
On lui doitdes ouvrages d'enseignement de tout pre-
mier ordre. Des Etudes primaires, op. 10; L'Alphabet,
op. il;L'Agilit('-,\'mgl-c\nqctudes, op. 20; De l'Ensei-
gnement du piano {iHG'îi) ; Erolc du mécanisme du piano
et diverses compositions pour piano, Répertoire de
l'enfance (facile).
Il a publié une édition ayant pour titre : Les Clas-
siques du Piano, œuvres choisies des grands maîtres,
revues, doigtées avec beaucoup de soin et classées
par ordre de difficulté, comprenant cent vingt
morceaux (édité par Hamelle). Ce beau travail rend
aux élèves et aux professeurs de très appréciables
services.
Henselt (Adolf von), né à Schwabach (Bavière), le
a mai 1814, mort à Warmbrunn (Silésie), le 10 oc-
tobre 1889.
Henselt, avec Li</t et Thalbebg, donne au piano un
caractère tout nouveau. Liszt et Henselt affectent à
r .1 Etude II un caractère esthétique, la faisant sorlir
de sa sphère artistique; ils en font quelque chose
comme ce qu'on appelle une « étude » en peinture;
ils donnent à chacune d'elles un titre, par exemple :
Si oiseau j'étais, A toi, je volerais, etc.
Henselt se créa un jeu personnel, analogue à celui
de Liszt, mais basé davantage sur un legato rigou-
reux.
Il attribuait une très grande importance à l'ex-
tension de la main, et inventa pour son usage de
nombreux exercices d'extension.
Stephen-Heller, pianiste et compositeur, né à Peslh,
en Hongrie, le 13 mai 1814, mort à Paris en 1888.
i( L'un des rares compositeurs de haute valeur qui
n'aient jamais écrit que pour le piano. Ses œuvres
sont remplies d'un charme poétique tout particulier,
et parfois étrange; il faut les connaître. Autant que
Chopin tout au moins, il mérite le surnom de poète
du piano'. »
U étudia l'harmonie avec Chelard et se fixa à
J'aris.
Il composa plus de cent cinquante morceaux : so-
nates, sonatines, de remarquables études, préludes.
Kclierzos, ballades, romances sans paroles, valses tyro-
liennes, mazurkas, variations, les Promenades d'un
siilitaire, tarentelles, capi'ices, arabesques, etc. Ueu\
livres, op. 1j4, à'Eludcs techniques pour préparer <i
l'c.vcciition des a'urrcs de Chopin. — Op. 126, n" 1, Ou-
verture pour un drame, arrangée à quatre mains par
Herbert. — Op. 126, n" 3, Ouverture pour un opéra-
romique également arrangée à quatre mains par
Heiihert.
M armo.ntel (Autoine-I'rançois), 'pianiste, professeur
1. I.WIGNAC, lûCO cit., p. 40j.
et musicographe, né à Clermont-l'errand en 1816,
mort à Paris en 1898.
Uemportant comme élève de brillants succès au
Conservatoire, il succéda, en 1848, à Zimmerm\nn
comme professeur de piano.
Compositeur, il se fit remarquer par des œuvres
nombreuses, dépassant la centaine. Ses ouvrages
d'enseignement sont particulièrement appréciés :
L'Art de déchiffrer, cent études, sept rccueilsd'ct^ides;
Ecole du mécanisme, une sonate, des nocturnes, séré-
nades, menuets, rêveries. ])olonaises, morceau.r de
sfihm, pièces caractérislique^, elc.
Il publia : Vade-mecum du professeur de piano; Les
pianistes célèbres (1878); Conseils d'un pi'ofesseur
(189U); Symphonistes et eirtuoses (1881); Virtuoses
contemporains (1882); Elémenls'd'Esthétique musicale
et considérations sur le beau dans les arts (1884); His-
toire du piano et de ses orir/ines (1885).
Son fils Emile - Antoine-Louis Marmontel, né à
Paris en 18';0, mort en celte ville en 1907, fut son
élève au Conservatoire. Il remporta le premier prix de
piano en 1867, fut professeur de solfège au Conser-
vatoire en 1875, chef des chœurs à l'Opéra en 1878,
et professeur de piano au Conservatoire en 1901. Il
composa une sonate pour piano, un concerto pour
violon et un grand nombre du morceaux de genre
pour piano.
Il publia : La Première Année de musique et La
Deu.rième Année de nnisiqiie.
Prudent (Emile-Racine-Gauthier), né à Angoulême
en 1817, mortà Paris en 1863,premierprix de piano
du Conservatoire, élève de Zimmermann.
Il a été, en quelque sorte, le continuateur de la ma-
nière de Thalberg, employant fréquemment de grands
traits d'arpèges et accentuant la mélodie au milieu
de ces tourbillons de notes, procédé plus brillant que
réellement difficile.
11 composa un concerto pour piano et orchestre,
un trio avec piano, un grand nombre de morceaux
d'un style élégant et brillant dont le succès fut long-
temps considérable : des fantaisies sur Lucie, Rigo-
letto; des variations; La Danse des Fées, Le Rêve d'A-
riel, op. 64; Souvenir de Beethoven et Souvenir de
Schubert, de nombreux morceaux de genre : Canzo-
netla, Scherzo imjiromplu, Air de grâce (Robert),
op. 38; Deu.v Impromptus, op. 44; Allegro pastoral,
op. 36; Chant du Ruisseau ; Solitude ; Barcarolle, op. 44;
Les y'aïades, op. 43; LcsLutins (scherzo), op. 471, etc.
Lefébure-Wely (Louis-James-Alfred Lefehvre, dit),
né et mort à Paris (1817-1870), organiste pianiste
et compositeur. Il obtint au Conservatoire les deux
premiers prix d'orgue et de piano en 1833. Il fut
orpaniste à Saint-Roch, à la Madeleine (1847) et ;i
Saint-Sulpice. Elève de Zimmermann pour le piano,
de Rerton, d'AD.\M et d'HALÉvv pour la composition,
de Benoisï et Séian pour l'orgue.
11 fut un remarquable improvisateur. Ses u'uvres
appartiennent au genre gracieux et mélodique, tout
comme celles de Prudent, de Gorl\, de Ravina. Il
écrivit beaucoup pour orgue, pour harmonium, pour
piano.
On lui doit aussi trois messes, trois symiihonics, des
études, des morceau.v de genre. Un opéra-comique
en trois actes : Les llccruteurs (1861), ime cantat'' :
Ajn'ès la victoire.
Pour le piano, de nombreuses pièces : Les liinioux
de Naples, Le Rêve de (iraziclla, La Fête des Abeilles;
plus difficiles : Le Rêve île Chérubin, op. 176, Esme-
ralda, caprice brillant, op. 177; Titania, caprice; Les
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE 2101
Laijuiics, Cautabile, op. 108; Lea Ikibillardes, op. 117;
La Deiyère (scène champêtre), op. 138; Larmes du
Cœur, op. 84; L'Heure de l'Ainjetus (pastorale), op. 136-
Gadk (Niels-Wilhelni), compositeur et violoniste
Danois, né et mort à Copenliague (1817-1890).
Il est considéré, dans son pays, comme le véritable
représentant de l'art romantique Scandinave.
Quoique son style possède un caractère personnel,
on y retrouve l'intluence deMENDFxssoHN; il remplaça
ce dernieraprèssa mort comme chef des concerts du
Gewandhaus de Leipzig.
Il retourna à Copenhague après la guerre du
Sleswig-llolstein, en 1848.
Maître de chapelle Je la cour, il fut nommé direc-
teur de l'orchestre royal de Copenhague.
Ses œuvres sont nombreuses. « Je n'en connais
bien que deux sonates pour piano et violon, VAra-
besqiie pourpiano, et un recueil de charmantes petites
pièces de piano, Nocl, d'un caractère analogue aux
Souvenirs d'Enfance de ^leriOELssows, aux Scènes d'En-
fants de ScnviiAN}^, on aux Jeux d'Enfants deHizET'.»
Il composa aussi des ouvertures, parmi lesquelles :
celles d'Ossian, d'Hainlet et de Michel-Ange; des Xove-
lettes, des symphonies; des cantates, dont Comala,
Canalus, Sion, Psyché; des cho'urs; des lieder; quel-
ques compositions religieuses, etc.
L.icoMBE (Louis), de son vrai nom Louis Brouillon,
né à Bourges eu 1818, mort à Saint- Vaast-la-Hougue
en 1884.
Elève de ZisiMEnMANN, de Czerny et de Barbereal'.
Ses œuvres ont une valeur incontestable.
Tout pianiste devrait connaitie son recueil pour
piano : Les Harmonies de la nature, sa Grande étude
d'octaves, Etudes de salon, op. 38; Marche Turque,
op. So, de nombreux morceaux : nocturnes, sonates,
pièces de genre. On lui doit aussi des œuvres plus
considérables ; Maiifred, Arva ou les Hongrois, Epo-
pée lyrique, une ouverture ; Minuit. De jolies mélo-
dies telle que : L'Ondine et le Pêcheur, ont été très
répandues, un grand nombre de romances et de
chœurs.
Sapho, scène lyrique ; ■L'Amour, drame lyrique,
représenté vers 185a; et en 1860 un opéra en un acte,
La Madone.
Après sa mort, on a donné à Genève un grand
opéra en quatre actes : Winkelried (1892); et, en
Allemagne, un opéia-coniique : Le Tonnelier de Nu-
remberg.
Il écrivit un recueil de vers : Dernier Amour, et un
volume : Philosojjhie et Musique, publiés après sa
mort (1896).
LiTOLFF (Henri), né à Londres en 1S18, niortà Bois-
Colombes en 1891.
Grand virtuose, pianiste, compositeur. Son père
était l'rançais, et sa mère Anglaise. Son tempérament
fougueux n'est pas sans analogie avec celui de Liszt,
et ses qualités d'élan et d'inspiration nuisirent quel-
quefois à sa correction, mais eu tirent néanmoins
un pianiste remarquable.
Ses compositions appartiennent nettement au
genre romantique. 11 séjourna en France, en Belgi-
que, à Varsovie, où il fut durant trois années chef
d'orchestre au Théâtre National.
11 fit représenter en Allemagne (à Brunswick) un
opéra : La Fiancée de Kynast, y composa les deux
ouvertures de Robespierre et des Girondins pour deux
drames de Griepenkerl. C'est à cette époque qu'il
1. Lavi.;nac, loco cit., p. 405
épousa la veuve de l'éditeur de musique .Meyer et
commença la publication de classiques à bon mar-
ché qui porte encore son nom. Quittant sa femme,
il retourna en Hollande, en Belgique, à Gotha et enftn
à Paris, en 18.'>8, où il obtint de grands succès; c'est
alors qu'il épousa M"' Louise de La Rochefoucault.
Il écrivit pour l'orchestre des symphoiMes, plusieurs
concertos où l'orchestre et le piano sont magistrale-
ment traités, Héloise et Abélard, opérette, son seul
ouvrage qui réussit complètement (1872). A citer
aussi : Le Chevalier Nahel, opéra françaisjoué à Bùle
(1863); deux opérettes données aux Folies-Drama-
tiques : La Boite de Pandore (1871); La Fiancée <lu
Roi de Garbe (1874), peu après un opéra-ballet, ta
Belle au bois dormant, représenté au Chàtelet; La
Mandragore, opérette jouée à Bruxelles (1876); dans
cette même ville, à la Monnaie : Les Templiers {1><S6),
drame lyrique.
MoNiuszKO (Stanilas), né à Ubiel dans le gouver-
nement de Minsk en 1819 (Pologne), mort à Varsovie
en 1872. Il commença ses études avec Freyer, orga-
niste de Varsovie. De 1837 à 1839, il fut élève de
RuNGENHAGEN à Berlin.
Son œuvre est considérable et comprend a peu près
tous les genres : vingt morceaux divers pour piano,
huit sonates sur des motifs de la Crimée.
Une multitude de chansons; trente-sept ouvrages
de musique religieuse, presque tous avec orgue; il
était lui-même un organiste remarquable. Il donna
en outre vingt et un opéras et opéras-comiques,
trois ballets, la musique de six drames et de trois
mélodrames, plusieurs grandes cantates : Kroumine,
La Madine, Madame Tamrdouska, Milda, Niola; Halka
est généralement considéré comme son meilleur
opéra, et obtint plusieurs centaines de représenta-
tions.
Dans sesnombreiises productions, Moniuszko «s'est
montré harmoniste instruit, ingénieux; mais il est
avant tout un original et fécond mélodiste. Ses nom-
breuses petites pièces vocales détachées sont en
particulier, pour la plupart, de précieux bijoux sertis
avec un art très délicat. Il y a là, avec infiniment de
fraîcheur et de variété, quelque chose d'un peu
étrange et de fort attrayant, une curieuse et physio-
nomique note personnelle^ ».
Pasdeloul' (Jules-Ktienne), chef d'orchestre, créa-
teur des concerts populaires portant son nom, né à
Paris en 1819, mort à Fontainebleau en 1887.
Il remporta un premier prix de piano au Conser-
vatoire.
11 fonda, en premier, un orchestre symphonique,
sous le titre de « Société des jeunes artistes du Con-
servatoire », avec lequel il donna, pendant plusieurs
années, des concerts à la salle IIerz. Ce fut cet essai
qui l'entraîna à la fondation de ses " Concerts popu-
laires de musique classique », grâce auxquels la
po[iulalion parisienne put entendre les chefs-d'œuvre
des maîtres anciens et contemporains.
Pasdeloup voulut aussi fonder, dans une salle
aujourd'hui disparue, rue Scribe, des concerts per-
manents, avec chœurs et orchestre, mais ce fut un
échec.
Il dut y renoncer, ainsi qu'à la direction du Théâ-
tre-Lyrique (1868), qui ne fut pas pour lui une entre-
prise heureuse.
Raff (Joseph-Joachim), né à Lachen (Suisse) de
parents wurtembergeois, en 1822, mort à Francfort-
l. Albert Soumis, tnco cit., p, 20S.
9t02
ENCYCLOPÉDIE UE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
snr-le-Mein en 1882. Jusqu'à dix-huit ans, ses éludes
furent purement scientifiques. Il joua de l'orgue, du
violon et du piano. 11 fut encouragé par Mendelssohn;
Liszt, dont il était l'accompagnateur à Cologne, fut
aussi son maître ou conseiller.
Il donna son premier opéra en quatre actes à
Weimar : Le Roi Alfred (1850). En 185;>, il épouse
une jeune actrice. M"" Genast, et part avec elle pour
Wiesbaden (1855), où il s'installe. C'est en 1877 sea-
lement qu'il prend la direction du Conservatoire
HocH à Francfort.
II écrivit huit symphonies, portant presque toutes
des noms distinctifs : flans la ford . A la Pairie, Dans
les Alpes, etc., deux suites d'orchestre, une petite
symphonie {Sinfonielta) pour instruments à vent,
diverses œuvres symphoniques, de la musique d'é-
f^lise en grande quantité. Deux couvres drama-
tiques : Dame Kobold, un acte (1870); Samson et la
musique de scène pour le drame Bernard de Weimar.
Pour le piano, entre autres : trois sonatines, op. 99;
deux sonates, op. 14 et op. 68, de nombreux morceaux
it des pièces légères comme sa Polka de la Reine.
Cinq sonates pour violon, op. 73, op. 78, op. 128,
op. 129 et op. 145, enfin une sonate pour violoncelle
op. 183. A citer aussi, op. 185, Concerto endomineur
(difficile); Suite de pièces suivies d'une fugue, op. 91;
Trois pièces, op. 125, et enfin, très difficiles : Suite en
sol majeur, op. 163; Suite de pièces sérieuses, op. ^1 ;
Caprice (pièce de style), op. 92. Ces suites sont du
plus haut intérêt musical, dit Maruontel, dans son
Vade-mecmn (p. 120).
Franck (César-Auguste), né à Liège, le 10 décembre
1822, mort à Paris, le il novembre 1800. Il vint en
France en 1835, et se fit naturaliser Français.
Elève de Zimmermann pour le piano, de Leborne
pour le contrepoint, au Conservatoire de Paris où il
fut professeur d'une classe d'orgue de 1872 à 1891.
Ch.-M. WiDOR lui succéda.
Organiste de Sainte-ClotiUle vers 1858, il fut un
merveilleux improvisateur. 11 forma de nombreux et
fervents disciples, et il doit être considéré comme un
grand chef d'école.
Comme compositeur, il excella danstousles genres;
ses œuvres pour piano, d'une exécution difficile,
pT'ocèdent de Bach, de (itucK et des romantiques
allemands ; elles sont toujours intéressantes; si on
osait critiquer, on dirait que les développements en
sont parfois un peu longs, et que le succès obtenu
n'est pas toujours en rapport avec les difficultés à
vaincre pour arriver à jouer ces belles pages.
Voici la liste de ses œuvres, recueillie par M. Vin-
cent d'Indy :
Pour piano.- — 1842, Egloifue. 1843, Grand Caprice
(édit. Lemoine). Souvenir d'Aix-la-Chapelle.
1844, Quatre mélodies de Schiiberl, transcrites :
1" La Jeune Religieuse,
2" La Truite,
3° Les Plaintes de la jeune fille.
4° La Cloche des agonisants.
Ballade, Première fantaisie sur Gulislan, de Dalay-
RAC. Deuxième fantaisie >■«)■ fair et le Virelai/, « le
point du jour » (les deux éditées pai' Costallat). Fan-
taisie pour piano (inti'ouvable).
1845, Fantaisie pour piano sur deux airs polonais
(Costallat). Trois Petits Rien" :
i" Duettino,
i» Valse,
3" Le Songe.
1865, Les Plaintes d'une poupée (.Mangeot). 1869-
1879, Les Béaliiudes (réduction de l'orcliestre). 1872»
Rédemption, réduction pour piano. 1881, Rébecca.,
transcription (Joubert). 1884, Prélude-Choral et fugue
(Enoch). 1885, Danse lente (Schola Cantorum). 1886-
1887, Prélude, aria et final (Hamelle).
A quatre mains. — 1842, Duo sur le « God save
the King ». 1846, Duo à quatre rnaiiix sur Lucile de
Grétry. 1876, Les Eo/ir/cs, arrangement (Enoch). 1882,
Le Chasseur maudit, arrangement original (L. Gruss).
Pour deux pianos. — Les Djinns, poème sympho-
nique pour piano et orchestre, arrangement par
l'auleur (Enoch). 1885, Variations symphoniquet.
Trios. — 1841, trois trios concertants, et eu 1842,
Quatrième trio concertant, pour piano, violon et vio-
loncelle (Schuberth, à Leipzig).
Pour grand orgue. — 1859, trois Antiennes (Heu-
gel). 1860, six l'ièces. 1878, trois Pièces (Durand).
Andantino (Costallat). 1889, Préludes et Prières de
l'h.-V. Alkan (en 3 livraisons) (Costallat). 1890, trois
Chorals : 1° en mi, 2" en si, 3° la mineur.
Pour harmonium. — 1862, Quasi marcia (Leduc).
1863, cinq Pièces. 1863, quarante-quatre petites pièces
(F.noch). 1871, Offertoire sur un air breton.
Ajoutons : 1843, Andantc quiestoso pour piano et
violon (Lemoine). 1844, Solo de piano, avec accom-
pagnement de quatuor à cordes. 1846, Ruth, trans-
cription pour piano (Heugel). 1879, IJuintelte en fa
mineur, pour piano, deux violons, alto et violoncelle
(Hamelle). 18S0, Sonate pour piano et violon. 1889,
Quatuor en ré majeur pour deux violons, alto et vio-
loncelle (Hamelle).
Œuvres vocales. — 1843, Souvenance, Ninon, L'E-
mir de Bengador, Le Sylphe, Rfibin Gray, avec accom-
pagnement de violoncelle (Costallat). 1846, L'Ange et
l'Knfant (Hamelle). l8.o2, Lt'sTrot'sEjîi'/^s, chant natio-
nal pour baryton et basse. 1858, 0 Saiutaris (duo pour
suprano et ténor), i\oél, trois motels (Heugel). 1859,
La Garde d'honneur, cantique, neuf couplets (Noël).
1863, Ave Maria, pour soprano, ténor et basse (Bor-
nemann). 1870, Paris, chant patriotique pour ténor
avec orchestre (texte en prose). 1871, Le Mariage des
roses (Enoch). 1872, Veni Creator, duo pour ténor et
basse; Passez, passez /oiyoi(/s (Costallat). 1872, Roses
et papillons (Enoch). 1873, Lied (Enoch) 1879, Le
Vase brisé (Enoch). 1884, Nocturne (Enoch). 1888,
Hymue pour quatre voix d'hommes (HumeWe) , Cantique
avec cor (A. Leduc), La Procession (Leduc). Les
Cloches du soir (Leduc), six duos, pour chœur à voix
égales (Enoch), Le Premier Sourire de mai, chœur
pour trois voix de femmes (Hamelle).
Vers 1846, Le Sermon sur la montagne, symphonie;
Ruth, églogue l)ibliqiie en trois parties, pour soli,
chœ.ur et orchestre (Heugel). 1852, Le Valet de ferme,
opéra-comique en {rois actes. 1858, Messe solennelle
pour basse solo et orgue. 1S60, Afe.ssc ii trois voir,
pour soprano, ténor et basse, avec accompagnement
d'orgue, harpe, violoncelle et contrebasse. 1865, La
Tour de Babel, petit oralorio pour soli, chœur et
orchestre. 1871, trois offertoires. 1871, Domine non
secundum. 1872. Panis Angeiicus, pour ténor, orgue,
harpe, violoncelle et contrebasse(Bornemann). Offi-r-
toire pour le Carême, soprano, ténor et basse (liorne-
mann). Quasi fremuerunt gentes, oITertoire pour la
fêle de sainte Clolilde, choîur à trois voix, orgue et
contrebasse (Bornemann).
1872, Rédemption, poème symphonique en trois par-
ties pour soprano solo, chœur et orchestre (Heugel).
1881, Rébecca, scène biblique pour soli, chœur et
orchestre (Heugel). 1882, Le Chasseur maudit, poème
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE
2103
syraphoni([HR pour orchestre (L. Gruss). 1884, Lea
Djinn», poème symphonique pour piano et orchestre
(Enoch). 188;), HnliUi, opéra en quatre actes et un
épilogue, légende Scandinave (Choudens). 188d, Varia-
tions symphoniqufs pour piano et orchestre ^Enoch).
1888, Pxyché, poème symphonique pour orchestre et
chœur (Bornemann), réduction pour piano par l'au-
teur. 1888, Symphonie en ré mineur pour orchestre
(Mamelle) (avec orgue); cette œuvre compte parmi
les plus géniales. 1888, Le Premier Sourire de mai,
chœur pour trois voix de femmes (Mamelle). 1890,
Ghiscle, drame lyrique en quatre actes (inachevé)
(Chouclens').
ScHULOFF (Jules), virtuose et compositeur tchèqu*,
né à Prague en 182o, mort à Berlin en 1898. Elève
de Tedesco et de Tomoscheck. Ses premiers succès
furent à Dresde et à Leipzig; venu de bonne heure à
Paris, il y resta quarante ans; il reçut des conseils de
Chopin, et fit de brillantes tournées en Angleterre, en
Allemagne, en Espagne et en Russie.
Il termina sa carrière à Dresde, puis à Berlin.
Il composa beaucoup pour le piano, plusieurs de
ses morceaux eurent une véritable vogue : Galop,
Valses en la bémol et en ré bémol, Polonaine, Fantai-
sie sur les chants populaires de la Bohème, Chant des
Bergers, etc.
Delioux (Jean-Charles), né à Lorient (Morbihan)
le 17 avril 182.-;, et décédé à Paris, âgé de plus de
quatre-vingt-dix ans, le 12 novembre 191a.
Pianiste compositeur, professeur des plus distin-
gués. Son père, commissaire de la marine, lui fît
faire ses premières études musicales. On devina vite
la vocation artistique du jeune prodige qui, dès l'âge
de neuf ans, se fit entendre à Paris, aux Tuileries
et, lors de son voyage à Londres, se fit applaudir à
la Coui- d'Angleterre.
Elève de Rarrereau pour l'harmonie, il entra au
Conservatoire dans la classe de composition d'HALÉVY.
Il obtint le premier accessit de contrepoini et fugue
le!) novembre 184o. Admis à concourir pour le prix de
Rome, il compose la cantate de L'Ange et Tobic. En
18N2, il fait jouer au Gymnase Yvonne et Loie, opéra-
comique en un acte, poème de Michel Carré. Le
succès de celte paysannerie bretonne faisait bien
augurer de l'avenir Ihéàtral du musicien, mais les
élèves déjà nombreux, une mère devenue aveugle et
deux sœurs déiùdèrent le bon et charitable Ch. De-
Liorx à se vouer entièrement au professorat. Il y
occupa une des premières places; ses œuvres sont
toutes élégantes, séduisantes, bellement écrites. Son
enseignement fut des plus remarquables.
Il l'ulun des premiers maîtres de Castillon (Alexis),
ainsi que de M. Victor Gille et L.-E. Gratia qui con-
tinuent son bel enseignement; à citer aussi son élève
Marcou et d'autres que nous nous excusons d'oublier.
Le 7 juillet 187.';, il était nommé commandeur de
l'ordre royal d'Isabelle la Catholique, et le 14 juillet
1884, officier d'Académie. Dès juillet 1884, Ambroise
Thomas le réclamait comme membre du jury au
Conservatoire.
Resté célibataire, pour mieux secourir sa vieille
mère et sa famille, il fut l'artiste au bon et beau
caract'ire.
Voici la liste de ses œuvres pour piano :
Op. 5 Rêverie, M. F.-.
6 Tarentelle, M. F. (édités chez Richault).
7 Deii.r ii deux, nocturne, M. F.
l. Voir les Maîtres dt' la musiqu
d'Ixdi (Alcan, é lit., 1906).
: César Franck, par Vincent
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Calvii (li BraiHira, M. F. (éiiit. Oregh).
Guarnclie, air de danse espaS"»', **. S.
Capriee, nocturne, D. (édit. Benoit).
Danse napolitaine, D. (Gregh).
Valse hrilianle, en réi,. D. (Heugel).
Deux Nm-lurites, M. F. : 1. f Adieu, 2. Melaneolie
(Cregh).
Marche hongroise, M. F. (Durand).
Un Dimanche en Bretagne (deux esquisses Tillageoises):
1. A f Eglise, M. F. 2. Dans les champs, F.
r.oit/idenza, romance sans paroles, M. F. (Oregh).
Élude-Caritlon. i" étude de salon, M. F.
Chansm créole, M. F.
Souvenir, M. F. (Em. Benoit).
Grenade, souvenirs espagnols, M. F.
Valse Élégante, M. F.
De«.i- Mazurkas, 1" livre, M. F. (E. Benoit).
Vne Fêle ti Sêvilte, boléro, M. F. (Heugel).
Rêverie sur l'eau, barcaroUe, M. F. (Crus).
Le Ruisseau, 2" Etude de salon, D. (E. Benoit).
Le Forgeron, 3° Elude de salon, M. F. (Grogh).
La Brise, i' Elude de salon, M. F. (Clioudens).
Mandoline, sérénade, M. F. (Durand).
Cantilene. mélodie nocturne, M. F. (Grus).
Cri de guerre, marche caractéristique, D. (Gregh).
Feuillet d'AlImm, M. F. (Durand).
Deu.v ilaz-urkns. 2' livre, 'd. (Legouix).
Le Tournoi, marche-élude, D. (Legouix).
Le son du Cor, chasse, D. (Mathieu).
Chant du matin, aubade, M. F,
Loin du pays, styrienne, M. F. (Gallel).
Chant du Nord, mazurka, M. F. (Grugli).
Carnaval espagnol, caprice de concert, D. 38 «m, le
mèmi> à quatre mains. 38 ter. i\ deux pianos (Crallel).
Les Bohémiens, morceaux de genre, M. F. (Gregh).
Les Matelots, scène maritime, M. F. (Gregh).
Sous le Balcon, sérénade italienne, M. F.
Orientale, M. F. (Gallet).
Le Hamac, berceuse, M. F. (inédit).
Trois Homances sans paroles, M. F. ; 1. Regrets, 2. Me-
dilutioii. 3. Chant d'Amour (Gregh).
Deparl et Retour, 2 duettinus, M. F.
Invacatiou, M. F. (Gallet).
Sara la Imigneuse, M. F.
Fandango, D. (Durand).
La Coupe, chanson à boire, M. F. (Gregh).
Venise, barcaroUe, M. F.
Souvenirs du Tyrol, M. F.
Les Travestissements, caprice napolitain, M. F. (Gallet).
Chanson du malin, M. F. (Fromonl).
Fantaisie sur Faust, de Goonod, F. (choudeus).
Fantaisie sur Ilerculanum, opéra do F. David, D.
(Gallet).
Murmures du soir, rêverie, éludi', M. F. (Giraud).
Les Aimées, air de ballet, M. F. (oirod).
Parlons, souvenir de voyage, W. F.
Rémiiiiseences d'Orphée, de Gldck, M. F.
Deux Impromptus, M. F. : 1. Berceuse, 2. Scherzo.
Arahesques, M. F. (Gallet).
Sous la (euillée, valse de salon, M. F. (firegli).
La Fête du Sacre, duo i quatre mains, D. (Gallel).
Garde à vous, ronde de nuit, M. F. (Durand).
Den.r Sérénades, II. F. (Heugel).
Soureilir de la Vendéenne, opéra de Maillot, M. F.
LAugelus. F. 67 bis, Farandole, F. (Klein).
Deux Transcriptions sur la Mule de Pedro, Victor
Massé, M. F. : 1. Chanson de la mule, 2. Couplets
du Lutin (t.egouix).
Kalamaika, danse hongroise, D.
Bonheur passé, rêverie variée, M. F. (Gallet). Recueil
(un volume in-8°). La plupart de ces morceaux
sont édités séparément (Durand).
Souvenirs d'Italie, D.
Tableau Pastoral, M. F.
Presto, D.
Trois Romances sans paroles : 1. Fleurs, },l. V.2. Chanson
napolitaine. M. F. 3. Cheval et Cavalier, D.
Allegro de Concert.
Sérénade,
Thème varié, D.
Deux Valses, M. F. : 1. Valse Expressive. 2. Valse en fa.
Andante, D.
Le Retour du Chevalier, 2" poème symphonique, D.
Impressions de voyage ; 1 . Chanson aragonaise,'F . 2. Chan-
son toscane, F. (Gregh).
2. Les lettres M. F. signifient : moyenne force.
La lettre t). signifie : difficile.
La lettre F. signifie : facile.
2104
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
82 Deux Rumancessa'is paroles : 1. Chunl desoiseani, M.I'.
2. Sérénade, M. F.
83 Les Sirènes, D. (Choudens).
S4 Soir d'élé, Idylle, M. F.
85 Niiples, scène italienne (Lesigne).
86 Le très remarquable : Cours complet d'exercices,
l*^' livre, M. F. (adopté par le Conservatoire).
87 Patrie, polonaise, D.
88 Le Lac, rêverie, M. F.
89 Pensées musicales, M. F. : 1. Menuet dans le style
ancien, 2. Scherzelli. 3. Capricio, i. Yillanelle, 5.
Chanson russe, 6. Valse en la mineur. 7. Gavotte,
8. r.avolle, 'J. Notre-Dame d'Auraij, 10. Pavane, 11.
Rêre, 12. Souvenance, 13. Rafale.
90 Eleganza, M. F.
91 Idylle, M. F.
92 Caprice hongrois, M. F.
93 Chanson Iwhcmienne, M. F.
94 Allegro agilalo. D.
95 Etudes de mécanisme, l^r livre, M. F. (travail spécial'des
quatrième et cinquième doigts), 2''livre,M. F. (tra-
vail spécial du passage de pouce) (Durand).
96 Havanaise (LonU).
97 Cho'ur des Pèlerins de Tannhauser, D. (Durand).
98 Trois Feuillets dAllium, M. F. : 1. Barcarolle, 2. Pré-
lude, 3. Slijrienne {HdimeMe).
99 Cours complet d'exercices, 2" livre, D. (exercices di?
perfeclionncmenl) (Durand).
100 Fantaisie sur l.ukmè, D. 100 Ins, Audunle c.ilru!l de lu
Fantaisie.
101 Lumento, D.
102 Cheval et Cavalier. D.
103 Aragonaise (Ileugel).
104 Ballade, D.
105 Marche guerrière D. (Quinzard\
106 7'uurn(i'«</D.(DuWast).
107 Chanton hongroise. M. F. (Heugel).
108 Mazurkas, M. F. (Grus).
109 Le Pelil Berger, M. F. (Heugel).
110 Marche funèbre, D.
111 Caprice, D. (Du Wast).
112 Marine.. M. F.
113 Danse russe, M. F. (GalletV
114 Tristes l'enurs, nocturne, M. F.
115 Mut if varié, M. F.
116 Fantaisie danse, D. (Ileugcl).
117 .illcijro en ré mineur, D. fQuiu/.arJ).
Ajoutons quatie recueils de traiisciiplions diver-
ses, liuit transcriptions sans numéros d'œuvre et
dix-neuf mélodies pour cbanl avec accompagnement
depiano ; parmi les plus connues : la fameuse Chan-
son de Ronsard (devenue populaire et souvent prise
à tort pour un air ancien). Le Rclour, Le Rhin Alle-
mand, chanté par Faure en 1870. Les Filles de Cadix,
Rappelle-toi, Le Géant, etc.
Mathias (Geort;es-Amédée S-iint-Clair, dit), vir-
tuose et compositeur français, né à Paris en 1826 et
mort en celte ville en lillO, compte parmi les artis-
tes ayant eu le bonheur de recevoir des leçons de
CnoriN,
Second prix de Rome en 1848, il fut, depuis 1862,
professeur de piano au Conservatoire, où il professa
durant vingt-cinq ans et forma des pianistes de
talent : MM. AuzeiNh^, Paul Chabeau.\, Falkenberg,
I. Philipp, Haoul Pugno, etc.
Parmi ses compositions, nous citerons : deux poè-
mes dramatiques, l'romcthée enchaîné et Olaf; une
fantaisie dramatique, Le Camp dex Rohémiens; des
ouvertures : Ilainlct, Mazeppa.
Ajoutons un praiid nombre de compositions pour
piano, entre autres : trois caprices, op. 38, 39, 40; Le
Retour des Champs, pastorale, op. 48; Andanle de
Concerlo, op. 34; Marche Croate, op. 2; Polonais!',
op.l; Ballade, op. 31 (moyenne force) \ Etudes spéciales
destyleetdemécanisme (plus difficiles), trois morceaux
de concert : Le Rouet, op. 43 ; Les Songes, op. 46 ; Syl-
phes et Lutins, op. 47; Douze Pièces sipnphoniqucs,
op. S8 ; trois sonates et notamment la première ; Alle-
gro appassionato, op. 20; .Mlegro sijmjihonique, op. o;
Deuxième Scherzo, op. 63. Et enfin, très difficiles :
Cl randes Etudes, op. 10; Etudes symphoniques, op. S8.
GoTTscHALK (Louis-Moreau), pianiste virtuose et
compositeur américain, né à la Nouvelle-Orléans en
1828, mort à liio-de-Janeiro en 1869.
Elève de Camille Stamaty, qui fut également le
maître de Saint-Sakns.
Ses œuvres essentiellement originales, étranges
parfois, poétiques et mélancoliques, méritent encore
d'être étudiées. Quelques-unes d'entre ellesdevinrent
célèbres : La Bamboula, Le Rananier, La Savane, La
Danse Ossiunique, Minuit à Séville, Les Yeux créoles.
Le Ranjo, La Valse poétique, La Marche de nuit, La •
Jota uragonesa. etc.
Mabmo.ntel, dans son Vade-mecum du professeur,
recommande : Bergère et Cavalier, Printemps d'amour,
Piisquiiiade (assez difficiles), Polonia et paraphrase
du Trovator, Chasse du jeune Henri, op. 10 (difficile).
RuBiNSTEm (Antoine), né àWechwotyne-; (Moldavie)
en 1829, mort à Saint-Pélersbourg en 1894.
Ses professeurs furent Villoing, à Moscou, pour
le piano, et Dehn, à Berlin, pour la composition. Les
conseils de Liszt aidèrent à son développement ar-
tistique et musical. Villoing l'avait amené en 18 tO à
Paris, où il excita au plus haut degré l'admiration de
tous par son étonnante précocité.
Il fonda le Conservatoire de Saint-Pétersbourg, qu'il
dirigea depuis 1802, et dirigea également pendant
quelque temps celui de Vienne.
11 fut un extraordinaire pianiste. « Le plus inspiré,
comme le plus merveilleux et le plus profond des
pianistes modernes, Hubinstrix, se rattache, au moins
par la nature de sa virtuosité, à la grande école alle-
mande, et évoque le souvenir de Beethoven, avec
lequel il n'était pas sans une certaine ressemblance
physique. C'est un artiste colossal, un gé[iie de la
plus haute envergure, mais peut-être plus russe de
naissance que par ses tendances artistiques'. »
Le nombre de ses œuvres est immense. Les prin-
cipales œuvres dramatiques, écrites sur textes russe,
allemand ou français, sont nombreuses; nous n'en
citerons que les principales : Dimilri Donskoi (1852);
Tom l'Idiot (1853); Lés Enfants des Landes (1861);
Feramors (1863); Le Démon (187:i); Les Macchabées
(1875); Néron. Cet opéra en quatre actes et sept
tableaux était, dès l'origine, destiné à l'Opéra de
Paris, mais ce fut le Stadttheater de Hambourg qui
en eut la primeur, le 1^'' novembre 1S79. Depuis,
.\éron a été joué à Anvers (en français) (1884) , puis
en Italie et enfin à Rouen, en 1894 (livret de Jules
Barbier); ce fut uu grand succès. Rubinstei.v était
venu pour diriger les dernières représentations, et
fut longuement acclamé; Le Marchand Kalachnikoff
(1880); La Sulamite (i882); Moise (1894).
En 1875, Rl'binstein fit entendre au Théâtre Italien
deux compositions importantes : un concerlu et La
Tour de Babel, symphonie.
Il composa plusieurs oratorios, des quintettes, des
quatuors et trios pour piano et instruments à cordes,
deux concertos de violon et un concerto de violoncelle
avec orchestre.
Pour le piano : cinq concertos avec orchestre, des
sonates, des valses, des barcarolles, tarentelle.^, ro-
mances sans paroles, air de ballet. Choudens édita un
volume : Classe supérieure de piano {l" volume), con-
tenant vingt et un morceaux, un merveilleux recueil
de six Etudes (édité en France par iNoël).
1. Lavirnac, loco cit., p. 569.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE 2105
Il faut encore ajoiilei- plusdp deux cents morceaux
de chant : mélodies persanes, liedev à une ou deux
voix, duos, etc.
Sixsy iiiphûiiiespour l'orchestre, enlreàulres L'Océan,
plusieurs ouvertures.
Correspondant étranger de l'Académie des Beaux-
Arts depuis 187o.
Il est le fondateur d'un double prix international
pour les compositeurs et les pianistes.
Sa grande bonté était légendaire; lorsqu'il faisait
des tournées de concert, partant avec plus de deux
cents morceaux dans la mémoire, il donnait géné-
ralement un ou plusieurs concerts gratuits pour les
artistes et amateurs de musique peu fortunés. De
retour en Russie, il versait une forte somme pour
doter une jeune fille pauvre.
Son tempérament d'artiste sensible et fougueux
était cause que, parfois, il lui arrivait des accidents
pianisliques; il pataugeait, mais son grand senti-
ment artistique faisait vite oublier les quelques
fausses notes entendues. Il écrivit un volume intéres-
sant : La Musique et ses représentants. Entretien sur
la musique, traduit du russe par Michel Delines,
édité à Paris en 18;)2 par lleugel.
Il eut un frère, Nicolas Hi binstein, né h, Moscou en
I83u, mort à Paris en 1881, qui fut aussi un artiste
remarqualjle, mais qui ne publia que peu de compo-
sitions.
Dans sa jeunesse, il paraissait avoir plus de faci-
lités qu'Antoine Rubinstein, au dire d'Antoine lui-
même.
Il se livra de bonne heure à renseignement, qui
l'absorba bientôt totalemeni, et obtint de grands suc-
cès de virtuose en Russie, mais, contrairement à son
frère, il voyagea peu en dehors de son pays.
Il ll'ut pourtant connu à Paris comme chef d'or-
chestre, pianiste et compositeur, en 1878, où il
dirigea les concerts russes au Trocadéro pendant
l'Exposition.
11 fonda les concerts sympboniques de Moscou en
I8;)9, et le Conservatoire de celle ville en 1864.
« On a écrit sur A. Rubinstein toute une littérature
biographique et critique, en russe, en allemand, en
anglais, en français, etc. Mentionnons en ce sens les
livres ou articles de MM. I.issowsky, Laroche, Solo-
viEW, UouBETS, Baskine, Levenson, Zvebew, Ivanow,
Saint-Saëns, a. Pougin, Mendel, Kieman.v, Rernhard
VoGEL, La Maha, Ehrlich, Zadel, Chrysander, Mac
Arthur, M™" Castein, etc.'. »
A citer aussi une bonne monographie de M. Hal-
périne-Kaminsky, dans la Revue Encyclopédique du
15 juillet 1895.
lU'iiiNSTEiN a publié ses Mémoires en langues russe
et allemande.
Lalo (Edouard) (1830-1892), né à Lille. A écrit d'a-
bord de la musique de chambre et deux symphonies
qui eurent peu de succi'^s, ensuite un opéra : Fies-
que, en 3 actes; on en parla beaucoup, on ne le joua
jamais; une Symphonie espaqnole pour violon et or-
chestre, que Sarasate joua souvent et toujours avec
le plus grand succès; une Ilapsodie norvégienne, un
Concerto pour piano; Namouna (ballet); de nom-
breuses mélodies, un Divertissement, très remarqua-
ble, pour orchestre.
Ce n'est qu'à la lin de sa vie que Lalo eut la satis-
faction de voir jouer son célèbre opéra-comique Le
1. Hiatoire de la nnisique t;n Itussie. par Albert Souuies. rilil,
L. Henry May. S. Franr^ise d'éditions d';ii-t, p. i94.
liai d'ïs, 3 actes et 5 tableaux, qui était écrit depuis
longtemps et qui ne fut donné par l'Opéra-Comique
de Paris qu'en 1888,— quatre ans avant la mort de
son auteur. Il eut au moins la joie de voir apprécier
ses elforts et admirer sa belle œuvre par ses contem-
porains.
BiLow (Hans-Guido de), né à Dresde en 1830, mort
au Caire en 1894.
Ses maîtres pour le piano et la technique musicale
furent Frédéric Wieck, Litolff et Liszt; Eberwkin
et Maurice Hauptmann pour la composition.
Il joua un rôle important dans l'évolution de la
musique allemande, tant par ses écrits que par son
talent de virtuose et de capellmeister.
Il épousa une des filles de son maître Liszt, laquelle,
par la suite, divorça pour devenir la femme de Ri-
chard Wagner. Ceci du reste n'apporta aucun refroi-
dissement dans les relations amicales de ces deux
maîtres.
Pianiste incomparable, au jeu coloré et plein de
grandeur, chef d'orchestre de premier ordre, il rem-
porta de grands succès en Allemagne, en Belgique,
en Hollande, en France et en Russie.
Chef d'orchestre du Théâtre Royal de Munich et,
en môme temps, direcleur du Conservatoire de cette
ville, il contribua amplement à faire connaître les
œuvres de Richard Wagner, qu'il aimait profondé-
ment, sans que cette admiration vint pourtant altérer
son éclectisme.
Il composa, entre autres ouvrages : Nirwana, ta-
bleau symphonique, musique de Jules César de Sha-
kespeare, deux concertos et divers morceaux pour le
piano.
Son père, — Charles-Edouard de Biilow, — écrivain
allemand (1803-18o3) de valeur, lui avait fait mener
de front les études littéraires et musicales, si bien
qu'âgé d'à peine vingt ans, tandis qu'il se faisait
entendre en public, il écrivait déj.à des articles vifs
et spirituels pour défendre la nouvelle école repré-
sentée par Liszt et Schuiiann.
Bbahus (.lohannes), né à Hambourg en 1833, mort à
Vienne en 1897.
Elève d'Edouard. Marsex, un excellent maitre, qui
commenra de bonne heure son éducation musicale,
et en lit un pianiste remarquable.
11 entreprit une série de concerts à travers l'Alle-
magne avec le pianiste hongrois Réményi, obtint de
grands succès et eut l'avantage do se rencontrer avec
JoACHisi, avec Schumann, qui avait pour lui la plus
grande admiration, et avec le célèbre Liszt.
11 jouait les œ.uvres des maîtres, mais aussi les
siennes, qui devaient devenir nombreuses.
11 aborda tous les genres, sauf celui du théâtre.
11 composa beaucoup de musique d'église, dont un
superbe liequiem. Plusieurs cantates pour voix seule
et pour chœur et orchestre : Ilinatdu, N^enie, Lied
de la Destinée, Chant des Parques; plusieurs sympho-
nies, des ronecrtos et sonates pour piano, deux se.r-
luors pour instruments à cordes, des quintettes,
iptatuors et trios pour divers instruments, un recueil
de chansons populaires d'enfants et plus de deux cents
/ii'rfer pour ditférentes voix.
Enfin son Triumphlied, chant de triomphe à la
gloire desarmées allemandes, et ses fameuses Danses
hûnqro'ises pour orchestre.
Il est justement considéré comme un des chefs de
l'école allemande actuelle.
ItoRODiNE (Alexandre-Porphyriewilch),né et mort à
Saint-Pétersbourg (1834-1887).
Î106
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
Savant el musicien russe. Professeur de chimie à
l'Académie de médecine et de chirurgie de Saint-Pé-
tersbour;^, conseiller d'EtatJ auteur de nombreux
mémoires scientifiques publiés dans des recueils
russes el allemands.
Il aima toujours la musique, et se passionna pour
son étude.
11 écrivit deux symphonies, deux quatuors pour ins-
truments à cordes, un poème symphoniqtie : Dans les
steppes de l'Asie centrale, un certain nombre de ro-
mances, des morceaux de piano, dont Petite Suite et
Scherzo.
Pour le théâtre, un seul opéra : le Prince Igor,
scénaiio dû à M. Stassow, représenté à Saint-Péters-
bourg, en 1890, trois ans après la mort de Borodine.
Getopéra, demeuré inachevé, fut terminé parRiMSKY-
lioRSAKOw et Glazounow. L'ouverture et le troisii''me
acte sont de Glazounow, d'après les notes et les es-
quisses originales de l'auteur.
Il fonda il Saint-Pétersbourg, avec le professeur
Rudniew et M"" Tarnowskaïa, l'école de médecine
pour femmes, }' enseigna lui-même la chimie à dater
de 1872, et s'occupa de cette œuvre jusqu'à la lin de
ses jours.
Les mélodies vocales de Borodixe sont en petit
nombre, mais toutes intéressantes. L'emploi fréquent
de l'accord de seconde et du chromatisme y est gé-
néralement des plus heuieux.
La Belle auhois dormant est un remarquable spéci-
men de cet usage. Citons encore la Sérénade de quatre
(jalants a une Dame, quatuor comique pour voix
d'hommes, et deux quatuors, en la et en ré, poui' ins-
truments à archet.
Gui (Gésar) est né à Vilna, en 183o, et fut militaire
et compositeur russe. 11 est pourtant d'origine fran-
çaise. Car son père était notre compatriote, et com-
battit avec la grande armée ; blessé et laissé en arrière
lors de la retraite, il se tixa en Russie, où il devint
précepteur, puis professeur de français au gymnase
de Vilna. 11 épousa une Lithuanienrie : .Iulie Gout-
séwicz.
César Gui eut pour maîtres Hermann, Dio et Mo-
NiuszKO. Comme un grand nombre de compositeurs
et de musiciens russes, il appartint à l'armée, et fut
un rem.Trquable oflicier général et professeur de
fortilication dans les trois académies militaires de
Saint-Pétersbourg. 11 écrivit un Précis de l'histoire
de la fortification permanente et un Manuel de fortifi-
cation volante.
11 avait à peine vingt-deux ans lorsqu'il écrivit son
premier opéra : Le Prisonnier du Caucase, qui fut re-
présenté vingt ans plus tard, en 1883. Deux autres
furent joués auparavant : William liatcli/f (iHi]9), el
Angelo (1876). 11 écrivit aussi un opéra français, sur
le texte d'une comédie de Jean Richepin : Le Flibîis-
tier, opéra joué à l'Opéra-Gomique le 22 janvier 1894,
mais sans succès. Gésai' Gui n'eut jamais de chance
au théàtr'e.
11 composa de nombreux morceaux de piano et des
transcriptions d'opéras pour piano, des valses, des
polonaises, des suiti's, miniatures, etc.; de nombreux
morceaux de chant, qui sont de véritables modèles de
prosodie, divers recueils, douze mélodies, Vignettes
musicales, vingt Poèmes de Jean Richepin.
Il faut indiquer aussi (nous dit Albert Soubiks, dans
son Histoire de la Musique en Russie) la part qu'il a
eue dans la composition d'un recueil de paraphrases
pour le piano à trois mains, suite de variations et
de petites pièces de tous genres écrites sur un thème
obligé, el qui trahit une remarquable souplesse con" ,
Iràpnnctique.
A citer aussi : une Marche Solennelle, des Danses
Circassiennes pour orchestre, deux Scherzos, une Ta-
rentelle transcrite pour piano par Liszt, un quatuor
pour instruments à archet, beaucoup de morceaux
pour le violon. Suite Concertante dédiée à Marsik, le
Kaléidoscope fconlenant vingt-quatre numéros), dix-
huit chœurs àcapella,donl six religieux.
Doué d'un tempérament d'ardent polémiste, il n'a
pas donné seulement l'exemple de la forme moderne,
mais il a défendu ses théories avec une grande àprelé
en différents journaux, sous forme d'articles.
Il est, avec RubinsteincI Tchaïrowsky, l'un des mu-
siciens russes les mieux connus en France.
Saint-Saëns (Charles-Camille), se prononce Saint-
Sanss, né à Paris en 1835, décédé le 16 décembre 1921.
Il eul pour maître Sta.matv pour le piano, Maleoen
et Halévy pour l'harmonie et la composition, Benoist
pour l'orgue.
Musicien virtuose très précoce, il donna son premier
concert de piano à la salle Plevel étant à peine âgé
de dix ans, et il avait seize ans lorsqu'il lit exécuter
sa première symphonie à la société Sainle-Gécile.
Il fut extraordinaire comme enfant, extraordinaire
aussi comme vieillard; à quatre-vingt-sept ans, il
possédait encore un esprit vif et jeune.
Doué d'une musicalité des plus rares, d'une oreille
prodigieusement sensible, il fut l'objet de milleanec-
dotes; on vantait sa facilité pour transcrire spontané-
ment au piano une partition d'orchestre qu'il rédui-
sait en déchiffrant.
Saint-Sai'ns est un des plus grands compositeursel
virtuoses pianistes français. De style classique, formé
parla lecture des maîtres, il n'aborda le théâtre que
relativement tard, à l'âge de trente-sept ans, avec
un opéra-coniiqne : La Princesse jaune (1872); Sam-
sonet Dalila (1876) ; Le Timbre d'argent (1877) ; Ëli'nnc
Marcel (1879); Henri VIII (1883); Proserpine (1887);
Asc((?iio (1890); Phryné {i8Q3); Frédégonde (ouvrage
resté inachevé d'Ernest Guiraud et dont SAiNT-SAiiNS
écrivit les trois derniers actes) (189;i) ; Javotte, ballet
(1896-1897). Ajoutons à ces œuvres : de la musique
pour Antigone de Sophocle (1894): celle de Dejanire
et de Parysatis, représentés à l'Amphithéâtre de
Béziers; musique de scène pour A/irfrowfli/ite (1902);
puis, M. Gavault, directeur de l'Odéon, voulant faire
représenter intégralement : On ne budiw pas inec l'A-
mour de Musset, œuvre qui exige de nombreux chan-
gements de décors, considéra que la musiipie deve-
nait indispensable pour faire patienter le public, et
eut l'idée heureuse de prier Saint-Saicns de composer
de la musique, dite de scène, avec chœurs, orchestre
et orgue. SAiNT-SAiiNS, malgré ses quatre-vingt-deux
ans, s'acquitta merveilleusement de cette tâche et,
le 7 février 1917, l'Odéon donnait la dernière parti-
tion du maître. Cette œuvre obtint un gi'and succès;
on ne peut que déplorer que le nouveau directeur,
M. Gémier, ait supprimé la partition de Saint-Sai;ns.
Saint- Saiï.ns écrivit aussi un grand nombre de
poèmes et scènes lyriques : Ode a suinte Cécile, Le
Déluge, Les Noces de Prométhée, La Lyre el la Harpe.
Nu'a jiersane, La Fiancée du Timbalier (adaptation
musicale sur un poème de Victor Hugo), Scènes
d'Horace, Hymne à Victor Hugo.
Pour l'orchestre : quatre symphonies, dont la der-
nière, en ut mineur, est un chef-d'œuvre; une Suite
d'orchestre; une Suite Algérienne; Ouverture de Spar-
[aeus;La Jota Aragonese; une Rhapsodie d'Auvergut
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE 21C7
iqu'il a lui-même magislraleinenl transcrite pour le
piano); une liliapaodie lirctonin'; u'ie Harcltc licroi-
que (très helle traiiscriplioii pour deux pianos hiiil
mains); quatre poèmes syniphoniques : PhaHon,
le Rouet d'Omplialc, la Danse Macabre (dont il existe
une brillante transcription pour piano par Liszt), et
la. -leuiiesse d'Hercule.
A citer également parmi les compositions les plus
importantes : une Messe solennelle à quatre voix:
une messe de Requiem; le XVHI° Psaume; anOratorio
de Noël, etc.
Enfin, ses œuvres pour piano sont nombreuses et
difficiles : très remarquables études, au nombre de
six, éditées par Durand, qui olTrent des difficultés
dont l'étude perfectionne le talent des virtuoses;
elles sont à travailler au même titre que celles de
ChOI'IN, KUBINSTEIN, LlSZT.
Quatre concertos pour piano et un pour violon; le
nombre des morceaux pour le piano deux mains,
quatre mains, deux pianos est considérable, ainsi
que celui de ses mélodies.
Sa facilité d'écriture était prodigieuse.
Il fut membre de l'Institut en 1x81. S.uNT-SAiiNs
s'est aussi beaucoup occupé de littérature, (it de
nombreux articles et critiques dans plusieurs jour-
naux, revues, recueils. La plus grande partie de ses
articles est réunie en volumes. Il écrivit aussi des
vers, des comédies, et aborda même les questions
philosophiques et l'astronomie.
Voici la liste de ses ouvrages littéraires : Harmo-
nie et Mi'lodie (1885); Noie sur les décors de théâtre
dans l'antiquité romaine (1886); La Crampe des écri-
vains, comédie (1892); Problèmes et Mystères {I89't);
Portraits etSouvenirs (1900) ; Rimes famiiières (1891).
UiTTER (Théodore), né à Paris en 18.'î6, mort en 1880.
Il fut, en quelque sorte, le pianiste attitré de Pasde-
Loup, le créateur des Concerts populaires; son inter-
prétation des concertos de Beethoven était particu-
lièrement remarquable. (Voir Pasdeloup.)
11 obtenait grand succès non seulement en jouant
les œuvres des autres, mais aussi les siennes, quoi-
qu'il ait peu produit.
Il fui surtout très applaudi comme virtuose (!t
comme compositeur, avec sa Sonate pour deux pianos,
ses Courriers, son Chant du Braconnier (extrait de
son opéra-comique iT/ariaJi»e), sa Zaïnacueca, Impres-
sions poétiques, etc.
IJelibes (Léo), né à Saint-Germain-du-Val (Sarthe),
en tS.'ÎG, mort à Paris en 1891.
Il fut élève au Conservatoire, pour le piano, de
[ Le GouppEY, pour l'harmonie et la composition, de
Bazin et d'Adolphe Adam.
Professeur de composition au Conservatoire jus-
qu'en 1891, élu membre de l'Académie des Beaux-
Arts en 1884.
Son début comme compositeur fut uneopérelleeii
un acte : Deux Snus de charbon (18.t3).
Il fit représenter avec succès : Deux Vieilles Gardes
(18oo); .Sir Demoiselles à marier (1856); Maître Grif-
fard (1857); L'Omelette à la Follcmbuche (1859);
Monsieur de Bonne-Etoile (1860); Les Musiciens de
l'orchestre, en collaboration (1861); Le Jardinier et
son Seigneur (1863) ; La Tradition (1864) ; Le Ser-
pent à Plumes (1864) ; Le lUuf Apis (1865) ; deux
opérettes pour le Kursaal : Mon ami P'ierrol (1802)
et Les Eaux d'Eins. Nommé chef des chœurs a l'O-
péra, il écrit pour ce théâtre une cantate officielle :
Alger (1865); un ballet: La Sourd' (1866), en collabo-
ration avec un jeune compositeur, Minkous. Son cé-
lèbre ballet Coppr'/m (1870), un dessuccès de l'Opéra,
qui, pour Léo Delibes, fut le point de départ d'une
série d'œuvres enthousiasmant le public : Le roi l'a
(/('M 1873); S///)im ou la Nymphe de Diane, ballet (1876);
Jean de Nivelle (188'») ; Lukmé (1883) ; et enfin Kassya.
qui ne fut représenté qu'après sa mort, en 1893.
Ajoutons à ces œuvres des opérettes : Malbrough
s'en va-t-en guerre, en collaboration (1867) ; L'Eros-
saisde Chatou (1869); La Cour du roi Pél.aud {,iS69).
Quantité d'autres compositions... Musique de
scène pour la reprise de Le rui s'amuse, à la Comédie
française, deux recueils de mélodies vocales, une
scène lyrique : La Mort d'Orphée; une messe pour
voix d'enfants, divers morceaux de musique reli-
sieuse, une série de chœurs pour voix de femmes
avec accompagnement d'orchestre, un grand nom-
bre de chœurs orphéoniques d'un caractère remar-
quable : Au Printeuips, l'Echeicau de fil, les Lansque-
nets, Avril. Marche des soldats, C'es^ Dieu Iles Piffari,
Trianon, Pastorale, etc.
Dubois (Tbéodore-Clément-François), né à Rosnay
(Marne) en 1837, décédé à Paris le M juin 1924, à la
suite d'une maladie dont il souffrait depuis long-
temps. Fit toutes ses études au Conservatoire sous
la direction de Marmontel, Bazin, Benoist, Ambroise
Thomas; obtint le premier prix d'harmonie (1856), de
fugue (1857), d'orgue (1859), et enfin le premier grand
prix de Home en 1861.
Maître de chapelle à l'église Sainle-Clotilde, puis
à la Madeleine, il fut nommé professeur d'harmonie
au Conservatoire en 1871, professeur de fugue et de
compositionen 1891, enremplacemenlde Léo Delibes,
et enfin directeur de cet établissement, où il succéda
à Ambroise Thomas en 1890. Il fut relevé de ces fonc-
tions en 1905. Membre de l'Institut en 1864.
Ses œuvres les plus importantes sont : Les Sept
Paroles du Christ (1867); Messe des Morts (1874) : La
Guzla de l'Emir (1873); Le Pain bis (1879) ; La Fa-
randole (1883); Abcn llarnet (1884); Suite Villageoise
pour orchestre (1877); Ouverture symphonique (1878) :
Ouverture de Frithiof(lSi:)) ; Le Paradis perdu (1878) ;
L'Enlèvement de Proserpinc (1879); trois Petiles Pièces
d'orchestre (1883); Fantaisie triomphale, pour orgue
et orchestre 11889): H(//as, scène lyrique (1890); deux
recueils de P'iéces (/'orî/we (1886-1890) ; deux recueils
de vingt mélodies chacun (1884-1886), dont la grande
cantatrice Fédia LrrwixNEest la plus helle interprète.
Notes et Etudes d'harmonie (1889) ; quatre-vingt-sept
Leçons d'harmonie (1891); un traité de contrepoint et
fugue; deux opéras : Circé et Xavière (1895) ; etc.
Pour le piano, il composa entre autres choses :
deux concertos. Poèmes Sylvestres (1893), Poèmes Virgi-
liens, deux recueils de petites pièces une sonate pour
piano et violon, etc.
11 quitta la direction du Conservatoire en 1903
(laissant la place à Cabriel Falré), dans le but de
consacrer tout son temps à la composition musicale.
liALAKmEFF(Mily-Alexelivitcb),né à Mdjni Novogo-
rod en 1836, mori en 1910. « Plus encore que Gli.nka,
il est l'apôtre de la musique patriotique russe, mais il
est venu après lui, n'a été que son disciple, etGLiNKA
reste le chef de file incontesté de l'Ecole russe'. »
l'e fut Alexandre OuuincHEFF, musicien amateur
très distingué, qui lui donna les premières connais-
sances musicales, qu'ensuite il développa presque seul,
en prenant seulement quelques conseils de (Ilinka.
Pianiste habile, il composa de nombreux morceaux
I. f,\vir.>\c. loco cit., \i. 570.
2108
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
pour le piano : Istamey, Fantaisie orientale, quelques
mazurkas, une vingtaine de romances.
'< Dans sa musique de piano, nous signalerons de
jolies mazurkas, el surtout la fantaisie orientale
intitulée Islamci/, d'un travail délicat et ingénieux.
En parlant de cet ouvrage, dont l'exécution exige un
mécanisme très exercé, M. Cci n'a pas hésité à l'ap-
peler « une œuvre capitale dans la littérature du
piano'. »
Il composa : Ouverture, marche et quatre entr'ac-
tes pour le Roi Lear, Ouverture sur un thème martial
espagnol; TItamar, poème symphonique inspiré d'une
poésie de Lermontov ; La Russie, autre poème sympho-
nique; très enthousiasmé parles mélodies populaires
de son pays, il en publia un recueil intéressant.
Il fut directeur des chantres de la Chapelle impé-
riale. Esprit indépendant, rêvant une révolution dans
la musique dramatique, il déconsidérait tout ce qui
ne rentrait pas dans la l'orme dont il s'estimait étie
un lies créateurs. Comme il arrive à quelques nova-
teurs, les tendances nouvelles l'empêchaient de voir
les beautés des autres écoles, et il ne cessa de pour-
suivre de ses sarcasmes des artistes tels que le bon
et grand Hubin'steen, TcHAUiowsKV. Il oubliait qu'il est
possible de construire de nouvelles statues sans poui'
cela détruire ni tenter de salir celles dont, volontai-
rement ou non, on est bien obligé de procéder.
WiENiAvvsKi (Joseph), néen Pologne en 1837. Virtuose
pianiste et compositeur, frère de Henri Wieniawsiîi,
un des plus grands violonistes de l'école moderne.
Il fit ses études au Conservatoire de Paris. Ses maî-
tres furent : Alran pour le solfège, Zimuermann et
Marmontel pour le piano. Le Couppey pour l'harmonie.
Virtuose de haute valeur, il a beaucoup composé
pour le piano, et son style rappelle ceux de Chopin
et .SCHULHOFF.
-Marmontel, dans son Vade-mecum, recommande
parmi les morceaux de moyenne force : op. 12, Sou-
venir de Dublin, et parmi les pièces modernes dil'li-
ciles : op. 15, Six Morceaux caractéristiques. Pensée
fugitive, op. 21, Polonaise triomphale.
Chauvet (C.-A.)(1837-1871),néà Marines (Seine-et-
Oise). Llève d'Ambroise Thomas et répétiteur bénévole
de sa classe pour le contrepoint et la fugue.
Lavionac nous dit : a Chauvet était à la fois le
plus savant et le plus cliarmant des improvisateurs.
iUort à trente-deux ans d'une alVeclion de poitrine,
il a pourtant laissé un petit nombre di_' pièces d'orgue
et de piano qui sont un régal de gourmets.
» Il fut de 1869 à 1871 organiste de la Ti'inité-, «
GuiRAUD (Ernest), compositeur et pianiste français,
né à la Nouvelle-Orléans le 23 juin 1837,mortàParis
le 6 mai 1892.
Il obtint le prix de Home en 1859, fut nommé pro-
fesseur d'harmonie au Conservatoire en 1876, et pro-
fesseur de composition en lt880.
Elu membre de l'Académie des lîeaux-Arts en 1801.
Il Ht jouer, à son retour d'Italie, trois petits ouvja-
ges en un acte : Sylvie M864); En Prison (1869); Lo
Kobold (1870). L'Athénée donna de lui : Madame
Turlupin, opéra-comique en deux actes (1872); l'O-
péra : Ijretna-Green, ballet (1873); puis un- ouvrage
plus important : Piccolino (1876).
Les concerts populaires tirent entendre une ouver-
ture, une suite d'orchestre dont l'un des morceaux :
Carnaval, devint célèbre.
1. Histoire dt' la musi/jue en îiussir, iiar Albe-L SouniFs. lûiil.
L. -Henry May. Sociélc Française d'Editions d'Art, p. l'.'i.
2. Lavignac, îoco cit., p. 545.
Enfin rOpéra-Comique doimait: Galante Aventure '
(1883).
GuiRAUD publia, en 1890, un Traité pratique d'ins-
trumentation. Son opéra fïViWg'oïK/e, interrompu par
sa mort, fut terminé par Saint-Saexs etjoué le 18 dé-
cembre 1895.
Il composade nombreux morceaux pour piano.
BizET (Georges-Alexandre -Gésar-Léopold), né à
Paris le 25 octobre 1838, mort à Bougival Ic2juinl875.
Son père donnait des leçons de chanl, sa mère
étaitsœur de M""" Delsarte, pianiste de grand talent,
premier prix du Conservatoire; elle lui apprit les
notes à l'àge de quatre ans.
Marmontel l'admit à fréquenter sa classe de piano
alors que Bizet, n'ayant que neuf ans, ne pouvait
encore être admis. Il eut à celle époque un premier
prix de solfège.
Cefutpar ZiMMERMANN, ce grand éducateur de toute
une génération, que le jeune Bizet fut initié aux
mystères du contrepoint. Gounod remplaça souvent
ZlMMERUANN.
Bizet ne négligeait pas ses études de piano avec
Marmontel. En IS.'il, il obtint le second prix, et en
1852 le premier prix avec son camarade Savary ; il
avait quatorze ans.
Marmontel écrit dans son livre Symphonistes el
Virtuoses: « Bizet, virtuose habile, intrépide lecteur,
accompagnateur modèle. Son exécution, toujours
ferme et brillante, avait acquis une sonorité ample,
une variété de timbres et de nuances qui donnait à
son jeu un charme inimitable. On subissait sans
résistance la séduction de ce toucher suave el per-
suasif. »
Berlioz, dans les Dchals du 8 octobre 1803, écrit :
" Son talent de pianiste est assez grand d'ailleurs
pour que, dans ses réductions d'orchestre qu'il fait
ainsi à premièrevue, aucune diflicullé de mécanisme
ne puisse l'arrêter. Depuis Liszt et Mendelssoun, on a
vu peu de lecteurs de sa force. »
En 1854, il obtient le second prix d'orgue (élevé de
Benoit) et de fugue; l'année suivante, Agé de dix-
sept ans, on lui décerne les deux premiers prix.
ZiMMERMANN élaiil niort en 1852, Bizet entra dans
la classe de composition d'HALÉvv. Il se voit décerner
par l'.^cadémie des Beaux-Arts le premiorgrand prix
de Borne en 1857.
Son œuvre est considérable. Deux opéras : Les Pé-
cheurs de perles, en 3 actes (Ihéi'itre-Lyiiqiie, lS63j;
La Jolie Fille de Perth, en 4 actes (Théâtre-Lyrique,
1867); deux opéras-comiques : Djamileh, un acte, et
Carmen, 3 actes (1875); L'Artésienne, musique de
scène pour le di'ame d'Alphonse Daudet (Théâtre du
Vaudeville, 1" octobre 1872).
Pour orchestre : Patrie (ouverture), Petite Suite d'or-
chestre. Pour chant el piano : un recueil de vingt
mélodies (Choudens, édit.) et Feuilles d'Album (6 mé-
lodies) (Heugel, édit.).
Pour piano (œuvres originales) : Les Chutils du Hhin,
G morceaux (lleugel, édit.); Venise (Choudens); La
Chasse fantastique, caprice (Heugel), Marine, Varia-
tions chromatiques, .Yoc^wriit' (Hartmann, Heugel).
De nombreuses transcriptions éditées par Heugel
et Choudens. Piano à quatre mains (œuvres originales),
.leux d'enfants, 12 pièces (Durand, édit.) Six Etudes
en forme de canon (de Schumann). Ol^uvres posthu-
mes, JVotî, opéra en 3 actes, en collaboration musi-
cale avec Halévy.
Mélodies (2" recueil) ; Vasco dcGuma, ode symphoni-
que pour orchestre; Iloma, symphonie; Marche fuiiè-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE ilOii
/))•(■ (orchestre), prélude de ta Coupe du roi de Tfuili':
tt enfin, Don Procapio, opéra-boufTe en 2 actes, ré-
cilatifs de Ch. Malherbe.
BizET est raorl quatre mois après la première re-
présentation de Carmen; l'accueil en fut glacial. La
millième représentation fut donnée le 21 avril 1883.
On a peu écrit sur Bizet ; à citer pourtant : Georges
litzet, souvenirs et correspondance, de Edmond Gala-
iiKi.T, étude intéressante, quoique bien incomplète ;
une autre étude de Marmontei, dans son ouvrage :
Si/mphonistes et Virtuoses. Enfin, un très intéressant
volume dans lequel on trouvera la liste complète des
œuvres de Bizet par Charles Pigot : Georges Biict et
son œur/'(;(DeIagrave, édit.). Cet ouvrage très sincère,
très soigneusement composé, fait coimaître le com-
positeur, le pianiste, l'homme et ses œuvres.
Voir aussi [e Ménestrel (juin 1873), Elude sur Bizet,
par Victor Wilder.
Planté (Francis), né à Orthez le 2 mars 1839. Dès
sa huitième année, il se faisait entendre avec succès
en public. A onze ans, — après moins d'un an de
séjour dans la classe de Mauuo.ntkl au Conservatoire,
— il obtenait le premier prix de piano (2 mars ISîiO).
11 suivit les cours d'harmonie de Bazin.
Malgré son grand âge, il donna, pendant la guerre
(1914-18), quarante-deux concerts de charité. On
l'entendit encore en 1927, à Mont-de-Marsan, don-
nant un concert pour sauver d'une détresse financière
l'orchestre symphonique montois.
« Je représente, dit-il à André Gresse qui l'interwie-
vait, soixante-quinze ans de piano à huit heures par
jour. » Pour lui, toute la technique du piano se
résume dans la souplesse. Il ne comprend pas pour-
quoi tant de pianistes s'entêtent à jouer si vite et si
fort. C'est à lui que Pierre Eraud, dans une soirée
chez le comte de Nieuwerkerke, ministre des Beaux-
Arts sous Napoléon III, en 18o0, disait : « Mon cher
enfant, vous venez de réaliser mon plus grand rêve
d'inventeur, le piano sans marteau. »
Planté composa quelques œuvres pour piano et
diverses transcriptions.
MoussoRGSKY ( Modcste - Petrovitcli ) , compositeur
russe né à Toropetz (gouvernement de Pskov) en
1839, mort à Saint-Pétersbourg en 1881.
« Un charmant et fécond mélodiste, chez lequel
l'habileté d'harmonisation est remplacée par une
hardiesse d'un goût parfois douteux'. » Il prit quel-
ques leçons du pianiste Gl'erre. Son opéra de Boris
Godounow (1874) n'a pu très probablement être exé-
cuté que grâce aux retouches et mise au point de
BiMSKY-KORSAKOW.
Il en fut de même ilu poème symphonique : Une
yuit sur le Mont-Chauve, joué après sa mort (1886).
Il laissa un opéra inachevé : Khorantschina, qui fut
également terminé et orchestré par Himsky-Korsakok.
A citerencore unchœuravec orchestre : La Défaile
de Sennactieril) ; des oeuvres posthumes; des Sou-
venirs d'enfance : 1° IS'inia et moi ; 2" Première puni-
lion; Impromptu passionné.
Parmi ses pièces vocales, le Dit de l'innocent, sur
des paroles en prose écrites par lui, lecélèbre Trépak,
chant et danse de la mort, scène lyrique à une voix
avec accompagnement de piano sur un poème du
comte Golenistchef-Kutusow, le Cuntiriue des canti-
ques, la Berceuse d'une poupée, la Clinmbre des enfants,
A cheval sur un bâton, la Prière.
Parmi les pièces pour piano : le Chariot, la Baba,
1. LA^■l'.^A(,, loco cit., p.
Yaga, la Danse persane. « Compositeur éminemment
vocal, supérieur dans la déclamation, Moussorgsky
présente, de ce cAté, des analogies avec Dargouijsky.
Son humour plein de sève passe aisément du plaisant
au tragique. Insuffisant par sa technique, immodéré
dans ses aspirations, il a pour caractéristique d'avoir,
en dépassant les limites du goiM pur et sévère,
I)0U3sé parfois la vérité dramatique jusqu'au plus
âpre naturalisme'. »
Tchaïkowsky (Pierre-Ilitch), musicien russe, né à
Voltkinsk, province de Viatka, en 1840, mort à Saint-
Pétersbourg en 1893. Sa mère descendait d'une
famille de réfugiés français lors de la révocation de
l'Kdit de Nantes. Comme plusieurs musiciens russes,
il ne s'est complètement livré à l'étude musicale
qu'après avoir travaillé les lettres. Il débuta par des
études de droit, puis entra au Conservatoire de
Saint-Pétersbourg et fut élève de Ruhinstein.
Par suite, il devint professeur au Conservatoire de
Moscou.
Il fut reçu docteur en musique, à Cambridge, en
même temps que SAiNT-SAtiNS et Boïto.
Il eut FuNDiNGER comme maître de piano.
« Gomme compositeur, c'est peu t-ètreailleurs qu'au
théâtre qu'il a démontré de la façon la plus décisive
ses réels mérites d'imagination, de savoir, d'expé-
rience dans le maniement de la plume-. » Il a dé-
ployé beaucoup de puissance, des dons véritablement
exceptionnels d'invention mélodique dans ses six
grandes symphonies^, ses quatre suites d'orches-
tre, ses concertos, marches, ouvertures... poèmes
symphoniques dont La Tempête, le Concerto pour
piano en si bémol; on lui doit : un sextuor. Sérénade
mélancolique pour violon, de la musique religieuse,
des chœurs, et des pièces pour piano particulière
ment favorables pour faire valoir la virtuosité, de la
musique de chambre, des mélodies vocales.
Il donna au théâtre La Dame de Pique (tirée de la
nouvelle de Pouchkine), Eugène Onéguinc, Fille de
neige, Snegourotchka(ce dernier n'est pas un opéra,
mais de la musique de scène pour la pièce d'As-
trowsky). Sur un livret de Gogol : Yakoula le Forgeron.
Upritschnik, L'Enchantement, Mazeppa, .Jeanne d'Arc,
Inlanthe {un acte). De la musique de plusieurs ballets.
In Belle au Ijois dormant, Le Casse-Noisettes, le Lac
(lu.x Cygnes.
Tausig (Charles), né à Varsovie en 1841, mort .i
Leipzig en juillet 1871. D'abord élève de son père, il
eut ensuite la chance d'avoir comme professeur le
fameux Liszt; il sut en profiter, car il compta parmi
les virtuoses du piano les plus étonnants de l'Alle-
magne; son mécanisme était extraordinaire.
Il fit didérents séjours à Dresde, à Vienne, et sur-
tout à Berlin, où il fonda une école pour l'enseigne-
mentdu piano.
Il composa quelques morceaux pour le piano, mais
s'est surtout fait connaître par un excellent recueil
de trois Cahiers d'exercices joinmaliers pour le piano,
dédiés à Franz Liszt. Cet ouvrage comprend toute la
technique du piano, depuis les moyennes difficultés
jusqu'à la haute virtuosité.
Chabrif.r (Alexis-Emmanuel), né à Anibert en 1841,
et mort à Paris en 1894. Son père lui fit perdre du
temps en l'obligeant à étudier le droit; il fut docteur
en droit à vingt ans, puis attaché quelques années
au ministère de l'intérieur. Ses études musicales
l. Biiitoire de la musù/ue rttsse, p. 160.
i. Id., p. 180.
3. 1(1., p. 183.
2110
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
(îulravées l'ureal celles d'un amateur II eut pour
processeur Aristide Hignard (second prix de Rome
en 18bO).
Son premier ouvrage, L'Etoile, une opérette jouée
en 1877 au tliéàtre des Bouffes -Parisiens, remporta
un eerlain succès. L'Education mainittte, un acte (non
orcbestré). Nommé clief des chœurs aux Concerts
Lamoureux, il y fit un éclatant début comme sym-
phoniste avec Espana (1883), Le Credo d'amour pour
chant. Bruxelles donna, le 10 avril 18S6, GwendoUnc.
opéra en Irois actes. L'Opéra de Paris le joua quel-
ques mois avant la mort de Chabrier.
L'Opéra-Gomique représenlait Le Roi malgré lui
«n 1887, puis ce fut La SulamUe (18831, scène dra-
matique pour mezzo-soprano et chœur de femmes,
diverses compositions symphoniques : Habaiwra,
Joyeuse marche, Suite pastorale, Marche des Cipayes,
prélude et marche française, Chanson pour Jeanne,
mélodie, 1886.
Plusieurs ouvrages dramatiques : Briséis ou La
Fiancée de Corinlhe, Les Muscadins, Le Sidibat, etc..
Credo d'amour pour chant.
Pour le piano : 10 pièces pittoresques (1881); 3 Val-
ses romantiques pour deux pianos (1883), Habanera
(1885); Bourrée fantasque.
Pour chant et piano : L'Ile heureuse. Toutes les fleurs,
les Cigales, la Villanelle des petits canards, la Ballade
des gros dindons, la Pastorale des Cochons roses (18'.>0).
Enfin : A la musique, chœur pour voix de femmes
(18911, termine très probablement la liste complète
de ses œuvres.
Grieg (Hagerup-Edward), né à Bergen (Norvège), le
la juin 1843, mort en 1909.
Compositeur, chef d'orchestre, pianiste, le maître
le plus original, le plus poétique de l'Ecole du Nord.
Il fit ses éludes musicales au Conservatoire de
Leipzig, où ses maîtres fuient Mosghelès, Hauptmann,
Richter; il travailla aussi à Copenhague avec Niels-
Gade.
Il fonda une société de musique à Christiania en
1867, et la dirigea jusqu'en 1880.
La diète norvégienne lui servait une pension dans
le but de lui permettre de se consacrer uniquemeni
ù l'exercice de son art de compositeur et de pia-
niste.
Il voyagea en Italie, où il connut Liszt, en Alle-
magne, et vint plusieurs fois en Eraiice; d'abord, en
décembre 188'.l, ildonnadeux séances cbez Colonne,
conduisant lui-même la partition de Be/'y/io/, lasiiile
de Peer Gi/nt et le Concerto pour piano, joué par
Arthur DE Grebf. Il revint en avril 1894, et lit enten-
dre : la Suite du temps de Holberg, des inélod'ies nou-
velles et le Concerto pour piano joué cette fois par
Raoul PuGNO. Lors de sa troisième visite, en plus
des œuvres pour orchestre, il fit entendre de nora-
breus morceaux pour le piano, qu'il joua lui-même :
Sonate en ut mineur pour violon et piano ; ses Pièces
lyriques, L'Oisillon, Dans mon pays, le Poème des roses,
la Marche de paysans norvégiens, puis la Berceuse.
Ses œuvres pour piano sont nombreuses : on en
compte plus de soixante, parmi lesquelles celles que
nous venons de citer et auxquelles nous ajoutons
les plus connues : La Marche des nains. Au pr'udemps,
Marche nuptiale, Ballade, Scènes populaires, etc.
Des morceaux à quatre mains, pour deux pianos à
quatre mains, pour violon et piano, une sonate pour
violoncelle et piano, op. 36, trio, quatuor, thUe et
piano, un très grand nombre de lieder pour chant et
piano.
Grieg fut toujours très fêté par le public parisien,
qui aime sa musique originale, limpide, dans laquelle
ou trouve un séduisant écho des chants populaires
Scandinaves.
DiÉMER (Louis), né à Paris en 1843, mort dans cette
même ville le 23 décembre 1919, [lils de Philip Uenry,
né à Bedford (d'origine allemande), qui fui organiste
de la Trinité à Paris, auteur de cantates, anthems,
ekœurs, li<jder, pièces pour le piano.
DiÉMEH (Louisi fut un grand pianiste très renommé
pour son mécanisme.
Premier prix de piano à l'âge de treize ans, d'har-
monie et de^fugue et second prix d'orgue au Conser-
vatoire.
Il succéda à Marmo.ntel (1888) comme professeur
d'une classe de piano au Conservatoire.
La série de concerts qu'il organisa lors de l'Expo-
sition de 1889, dans le but de faire connaître les
u'uvres écrites pour le clavecin, eut un tel succès qu'il
entreprit la reconstitution delà musique des xvii« et
xvui« siècles et qu'il fonda la Société des instruments
anciens.
Il composa deux trios pour piano et instruments
à cordes, deux concertos (op. 31) et un Concerto en
ut mineur (op. 32) pour piano et orchestre, un Con-
cerstuck (op. 33) pour violon et orchestre, deux sonates
pour piano et violon, de nombreux morceaux de genre
pour piano, ainsi qu'un recueil de mélodies, etc.
A publié aussi un Recueil des clavecinistes français, '
2 volumes.
RiMSKv-KoRSAiîOFF, né à 'l'ichwine eu 1844. Ecrivit
peu de morceaux de piano, mais son grand renom
comme compositeur russe suflit pour qu'il soit men-
tionné ici.
Il composa pourtant un très beau Concerto de piano
en ut dièse mineur, une Sérénade pour violoncelle et
piano; « tous ses morceaux pour le piano sont d'une
écriture très serrée, notamment le Prélude et Fugue,
sur le nom de Bach, l'auteur donnant aux lettres de
ce nom la valeur de notes qu'elles ont selon rusai:e
adopté en Allemagne'.»
11 fut d'abord dans la marine avant de se consa-
crer uniquement à l'art musical. Il devint directeur
de l'Ecole gratuite de Saint-Pétersbourg, et enseigna
au Conservatoire de cette ville la composition et
l'instrumentation: en 1896, il célébra le vingt-cin- J
quième anniversaire de son professorat. '
H donna au théâtre : La Pskovitaine, et était âgé de
moins de trente ans quand il lit représenter celle
œuvre importante, La Nuit de mai, Sncgourotchka j
(1882), La Fille de neige, Mlada (1892), La ÎS'uit de ÎSoèl 1
(1895).
« RiMSKv-KoRSAKOiF est l'un des contemporains
qui ont montré, dans le genre de la symphonie pro-
prement dite ou du grand « poème symphonique »,
le plus de facultés inventives et aussi le plus de dex-
térité technique. Sadko et Antar sont des pages lumi-
neuses. Sa troisième symphonie mérite d'èlre spécia-
lement désignée à l'attention. Le scherzo à cinq
temps est un modèle de grâce et de spirituelle fan-
taisie'-. »
-ajoutons encore un petit acte, Mozart cl Salieri,
sur le texte de Pouchkine. La SinfonieUa et l'Ouver-
ture sur des Thèmes russes, son Capriccio espagnol, sa
Fantaisie sur des motifs serbes, son Conte féerique
pour orchestre, sa suite intitulée Scheherazade.
1. lu., loco cit., p. 178.
•2. Albert SijiiBiEs, ioco cit., p. 178.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE 2111
Enliii, il consacra une partie de sou talent aux oeu-
vres des autres. 11 iustrumenta Le Convive de pierre,
la Khovanlsckina, Boris Godounou-, termina et or-
chestra le Prince Igor.
M»" HiMSKv-KoRSAKow (Nadejda-Nicolaiewna PouF-
»old), élève de Dariîomysky, fut aussi une artiste
reniaïqiiaiilement bien douée. On lui doit uue sonate
pour piano, dill'érentes transciiptions d'orchestre
pour piano à quatre mains et une fantaisie pour
orchestre d'après le récit de Gogol, la Xiiit de la
Saint-Jean.
WiDOR (Charles-Marie), né à Lyon le 24 février 1845,
d'une famille alsacienne, d'origine hongroise. Elève
de FÉTis et de Lemmfns à Bruxelles, puis de Renini à
Paris. Organiste de Saint- François à Lyon, il est
nommé en 1869 organiste à Saiiit-Siilpice à Paris.
Professeur d'orgue au Conservatoire en 1890, succé-
dant h César Franck, puis professeur de composition
en 1896. 11 est élu à l'Institut le 29 octobre 1910, au
fauteuil de Ch. LENEVEu;à la mort de Henry Rou.ioiN,
il est nommé secrétaire perpétuel de l'Académie des
Beaux-Arts, en juillet 1914.
Œuvres pour piano.
Airx de Biillet. Hamells.
l'elitc Siiile italienne : La Barque Coricoln. Durand.
Caprice. Hamelle.
Impromptu. Id.
Miireeau de salon. Id.
Prélude, aninate et final. Id.
Seene de Bat. Id.
Valses (2 vul.). Id.
Paffcs Intimes. Id.
Snite polonaise. Id.
Suite en si mineur. Id.
Carnaeal. Id.
Suite écossaise. Williams, Londres.
Six duos pour piano et orgue, harmoniam. Scholt.
Si.r duos arrangés en quatre petits trios (piano, violon, violon-
cellu). Id.
Trio en si]^. Hamelle.
Suite pour violoncelle et piano. Heugel.
Suite flûte et piano. Id.
Introduction et rondo. Clarinette et piano. Id.
Suite florentine. Violon et piano. Hamelle.
Sonate piano et violon en nt. Id.
Sonate piano et violon en rê mineur. Heugel.
Sonate pour piano et violoncelle. Id.
Trio en si r, pour piano, violon el violoncelle. Hamelle.
Trio : Soirs d'Alsace. Id.
Quatuor en ta. Durand.
iluinlftte en rê mineur. Hamelle.
Quintette en re majeur. .Schott.
Quintette-serenade en sit,. Hamelle.
Quintette-sérénade, piano, cordes et flûte. Id.
La UK'me, pour orchestre. Id.
Œuvres pour orchestre.
Snite d'orchestre : Conte d'.irril, Heui;e!.
Onrertnre écossaise. Id.
Première Sijmphonie. Durand.
Oeu.riémc Sijmpfionie. Hamelle.
Troisième Symphonie. Schott.
Sinfonia Sacra, orgue et petit orchestre. Hamelle.
Sijmplioiiie Antique avec chœur. Heugel.
Premier Concerto pour piano et orchestre. Hamelle.
Choral et Variations pour harpe et orchestre. Id.
Concerto pour violoncelle et orchestre. Id.
Fantaisie pour piano et orchestre. Durand.
liea.iième Concerto en ut mineur poar -piano et orchestre. Heugel.
Valpnrgis-îiacht, suite d'orchestre. Id.
Théâtre.
L« korrigane, ballet. Premii're représentation à l'Opéra, l"-'"- dé-
cembre 1880. Heugel.
Conte d'Arril, musique de scène. Premii're représentation à
l'Odéon, 2-2 avril 18S5. Id.
ilaitre Amliroise, drame lyi'iquc. Première représentation à
rOpéra-Comique, fi mai 1889. Id.
Les Pécheurs de Saint-Jean, scène maritime de H. Cain, 26 dé-
cembre 1903. Id.
Serto, opi'Ta joué à l'Opéra. Id.
Jeanne d'Arc, pantomime IjTique. Hamelle.
Orgue.
Huit Sijmphonies. Hamelle.
Neurième Sijmphonie gothique. Schott.
hixieme Sitmpkiinie romane. Hamelle.
Salvnm fac pojiutum tuum, orgue et cuivres. Heugel.
Cbsmt
Deux volumes. Hamelle.
Soirs d'été (recueil). Durand.
Chansons de la Mer (recueil). Heugel.
Chant Sivulairc (solo, cho'ur et orcheslri'). Hamelle.
Ave Maria en sol. Id.
-Irc Maria en mi 'rr. Id.
Six Duos pour soprano et contralto. Id.
Au Bois joli, duo, soprano et baryton. Id.
Salutaris, ténor. Id.
liégina Cœli (chœur). Id.
Tantum ergo (chœur). Id.
Trois motets, chœurs avec deux orgues. Id.
Messes pour double chœur avec deux orgues. Id.
Salutaris, ténor, violoncelle et orgue. Id.
Œuvres littéraires.
Technique de l'orchestre moderne. Lemoine.
luUiation musicale. Hachette.
Grande édition de t'a'urre d'orgue ik J.-S, Bach avec oommentaire,
analyse et conseils d'exécution. Schirmer, New-York.
Ecole d'orgue, préface du l" volume de l'muvre ci-dessus. Id.
Fauré (Gabriel), né à Pamiers (Ariège), le 13 mai.
184a, décédé à Paris, le 4 novembre 1924. Knlre <à
l'école Niedermeyer en 1854, oii il travaille sous la
direction de Niedermeyer el de Dietsch, puis de
.SAi.NT-SAii.Ns, de 1861 à 1864.
11 fut organiste de l'église Saint-Sauveur à Bennes
(1866), de Notre-Dame-de-Clignancourt à Paris
(1870).
Après avoir combattu en 18"0-71, comme voltigeur
de la garde, il devient professeur à l'ixole Nieder-
meyer, organiste à Saint-Honoré d'EyIau, puis maître
de chapelle à Saint-Sulpice, suppléant de Saint-
Saëns à la Madeleine depuis 1873, maître de chapelle
en 1877.
Inspecteur des Beaux-Arts en 1892, nommé orga-
niste de la Madeleine en 1896, professeur de compo-
sition, fugue et contrepoint au Conservatoire en juin
1896, et enfin directeur du Conservatoire de 1905 à
1920. Il fut nommé membre de l'Inslituten 1909, suc-
cédant à Reyer, et grand officier de la Légion d'hon-
neur en 1920.
Sa musique de piano lui assure une place spéciale.
Citons : Romances sans paroles, onze Barcarolles.
cinq Impromptus, onze Nocturnes, quatre Valses-
Caprices et neuf Préludes.
Ses mélodies sont des plus remarquables et jouis-
sent d'une vogue méritée : Nella, Les Roses d'hpahan.
Le Cimetière, Aulomw', Notre Amour, Aurore, Le Pays
des Roses, Leplusdou.r Chemin, Nocturne, Les Présents,
Dans la Foret de sc/itembre, Arpèges, Soir. La Chan-
son d'Eve, Clair de Lune, En Sourdine, Mandoline,
C'est l'Extase, un recueil intitulé : La Bonne Chanson,
(1891-1892) comptent parmi les plus connues.
Ses premières Mélodies datent de 1863, La Chanson
du pécheur fut interprétée à la Société nationale de
musique le 8 février 1873, puis viennent : la Suite
d'orchestre en /'a (1874); Première soiiati' en la pour
piano et violon (1876); Concerto de violon (1879); Detix
quatuors avec piano, cordes, en ut mineur et en sol
mineur. Une grande A/esse de Requiem (1887); une
Symphonie en r^é mineur, exécutée aux Concerts
Colonne (1.5 mars 1883); une Ballade, pour piano et
orchestre (1881), quelques motets et chœurs reli-
gieux.
Musique de scène pour la tragédie d'Alexandre
Dumas : Caligula (Odéon, 8 novembre 1888) ; Shylock,
2112
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
d'Edmond Haïaucourt (Odéon, 17 décembre 1889);
Pelléas et Mélisande, de Maeterlinck (Londres, 1898) ;
Le Voile du Bonheur, de Georf^es Clemenceau (Re-
naissance, 4 novembre 1901); Prométhée, donné
aux Arènes de Béziers (27 août 1900).
Enfin, treize années après, le 4 mars 1013, son
opéra. Pénélope (poème de René Fauchois) est repré-
senté à Monte-Carlo , puis au théâtre des Champs-
Elysées, le 10 mai 1913, et à l'Opéra-Gomique.
Godard (Benjamin-Louis-Paul), né à Paris en 1849,
mort phtisique à Cannes, en 1895.
Elève de HAiiMEn pour le violon, et de Reber pour
l'harmonie, au Conservatoire.
Magnifiquement doué, Godard écrivait presque
des improvisations; en réalité, il mûrissait peu ses
œuvres, se laissant aller à l'inspiration du moment,
d'où une grande inégalité dans ses productions.
En 1878, il donne son œuvre maîtresse ; Le Tasse.
Il a vingt-huit ans, et obtient le prix de la Ville de
Paris; viennent ensuite : Scènes poétiques, pour or-
chestre; Diane, scènne mythologique pour chœur et
orchestre; Symphonie-ballet, Symphonie en mi bémol.
En 1884, il donne à Anvers un grand opéra : Pedro
de Zalaméa, qui reçoit un accueil bien froid; se suc-
cèdent alors : Symphonie orientale. Symphonie go-
thique. Symphonie légendaire, .locelyn, représenté à
Bruxelles, 1888; Dante, à l'Opéia-Comique de Paris,
1890, sans succès.
Deux concertos, l'un pour violon, l'autre pour piano.
De la musique de chambre intéressante, des mélo-
dies vocales. Une quantité étonnante de morceaux
pour piano; Le Duo symphonique pour deux pianos,
La Sonate fantastique, Vingt-quatre Etudes artis-
tiques, La Kermesse, Marcel, Le Huguenot, Les Hiron-
delles, etc.
La Vivandière, opéra-comique en trois actes, repré-
senté à Paris le 1"' avril 1893, fut sa dernière parti-
tion; Torcheslration en a été terminée par Gaston
Vidal.
En 1887, Godard fut nommé professeur d'ensemble
instrumental au Conservatoire.
Matta Junior (Joào Eduardo da), professeur de
piano du cours supérieur du Conservatoire de Lis-
bonne, technicien, compositeur, né le 17 déc. 1830.
Elève au Conservatoire de Lisbonne, où, à seize ans,
il remporte les premiers prix avec félicitations du
jury.
On peut dire que, depuis cette époque, d\ Matta
Junior consacra tout son temps à l'araélioratiou de
l'enseignement du piano. Il entreprit la revision des
doigtés et annotations sur les études de Cramer,
Clementi, les complétant par des préparations en
forme d'exercices pour les passages difficiles. Il trans-
crit des études de main droite pour la main gauche,
afin d'égaliser la vélocité des deux mains. Dans une
Ecole du mi'canismc, il développe graduellement et
d'une manière originale tous les genres de gammes,
d'arpèges, doubles notes, etc. Toutes ses œuvres
sont adoptées par le Conservatoire de Lisbonne.
En 1883, DA Matta présente un très intéressant
travail sur la réforme de la notation musicale, per-
mettant la suppression des accidents : dièses, bémols
simples et doubles, fixant la gamme sonore en une
série de douze sons. 11 modifie le clavier du piano par
une série de touches blanches et noires. Da Matta,
en proposant ces diverses réformes, a droit de prio-
rité sur les travaux de Loquin (1901), Lenoruand,
Menchaca, Frug.atta, Hyard.
Il transcrit de nombreuses œuvres, en compose
également de nombreuses pour chant, piano. 11 es'
Comendator de l'Académie des Sciences du Portugal.
Vincent d'Indv (Paul-Marie-Théodore), né à Paris,
le 27 mars 1851, élève de Diéuer, Marmontel, Lavi-
GNAC, puis de César Franck. Il entra en 1873 à la
classe d'orgue du Conservatoire, où Franck venait
d'être nommé professeur. Deux ans plus tard, il est
organiste à Saint-Leu (près Paris), puis chef des
chœurs de l'association des concerts Colonne, où il
était déjà timbalier. Il fut en relations intimes avec
Liszt dès 1873. Il refusa la place de professeur de com-
position au Conservatoire.
Il fonda la Schola Cantorum en 1896, avec Bordes
et Guiluant.
C'est lui qui dirigea en 1887 les études chorales
qui aboutirent à la représentation de Lohcngrin du
3 mai, sous la direction de Lamoureux.
Voici la liste de ses œuvres :
Op. 1
2
3
26
27
28
29
30
31
32
33,
34.
35
36
37
38
,f Romances sans paroles, pour piano. 1S70. Scholt.
La Chanson des aventuriers de la mer [y . Hugo). 1870. .SclioU.
Attente, mélodie [V. Hugo). 1S72. Société nationale, 1S76.
Hamelle.
Madrigal (R. de Bonniéres). 1872. .Soc. nat., 1876. Ha-
melle.
Jean Hunijiide, symphonie en 3 parties (orchestre). 1S73-
1S75. Budapest, 1924. Inédit.
Ouverture pour Antoine et Ctèopùtre (orchestre). 1876. Pas-
deloup, 1877. Inédit.
Quatuor pour piano, violon, alto et violoncelle, en 3 par-
lies. 1878. Soc. nat., 1879. Durand.
La l'orét enchantée, poème symphonique pour orchestre.
1878. Pasdeloup, 1878. Heugel.
Petite Sonate, pour piano. 1880. Hamelle.
Ptiiintc de Teela (R. de Bonniéres). 1880. Hamelle.
La Cherauehèe du Cid (R. de Bonniéres). 1S80. Colonne,
1883. Hamelle.
WaJIenstein, trilogie pour orchestre. 1873-1881. I. amou-
reux, 1888. Durand.
Clair de lune (V. Hugo). IS72-18S1. Soc. nal., 1881. Ha-
melle.
Attendez— moi sous l'orme, opéra-comique en un acte. 1876-
1882. Opéra-Comique, 1SS2. Enoch.
Poi'me des montagnes, suite pour piano, en 3 pièces. 1882.
Soc. nat., 1SS6. Hamelle.
4 Pièces pour piano. 1882. Hamelle.
Helrelia, 3 valses pour piano. 1882. Hamelle.
Le Chant de la Cloche, lég. dramatique en 7 tableaux, pour
soli, chœur et orchestre. 1879-1883. Lamoureux, 1886.
Hameile.
Lied, pour violoncelle et orchestre. 1884. Soc. n.\t., 1885.
Hamelle.
L'Amour cl le Crâne (Baudelaire). lS8i. Schotl.
Sauge fleurie, légende pour orchestre. 1881. Lamoureux,
1885. Hamelle.
Cantate Domino, choeur îl 3 voix. 1885. Durand.
Sainte Marie-Magdeleine, petite cantate. 1885. Durand.
Suite en ré, pour trompette, 2 flûtes et cordes, en 5 parties.
1886. La Trompette, 1887. Hamelle.
Première Symphonie, pour orchestre et piano, sur un chant
montagnard, en 3 parties. 1886. Lamoureux, 1887.
Hamelle.
Nocturne, en sot\, pour piano. 1886. Hamelle.
Promenade, pour piano. 1887. Id.
Sérénade et Valse, pour petit orchestre. 1887. Angers,
1889. Id.
Trio, pour piano, clarinette et violoncelle, en 4 pièces.
1887. Soc. nat., 1888. Id.
Sctiumanniana, 3 pièces pour piano. 1887. Soc. nat., lSS8.Id.
Fantaisie, pour orchestre et hautbois principal. 1888. La-
moureux, 1889. Durand.
Sur la mer, chœur pour voix de femmes. 1888. Les XX
Bruxelles, 1889. Hamelle.
Tahlean.r de voyage, 13 pièces pour piano. 1889. Soc. nat.,
1890. Leduc.
Karadec, musique de scène pour un drame (A. Alexan-
dre). 1890. Th. moderne, 1892. Heugel.
Premier quatuor, pour instrumenis à cordes, en 4 parties.
1890. Les XX Bruxelles, 1891. Hamelle.
Tahleau.r de voyage, suite pour orchestre, 6 pièces. 1891.
Angers, 1891. Leduc.
Pour l'inauquralion d'une statue, cantate orchestre, chant.
1893. Valence, 1893. Inédit.
Prélude et petit canon, pour orgue. 1893. Durand.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE 2ll:i
39 L'An el/e peui)le(V. Husu), chant à 4 voix d'hommes. ISIU.
Lyon, 1S9-4. Hamelle,
iO Feriaiil, .iclion musicale en 3 actes et un prologue. I8S9-
1895. Monnaie, 1897. Dui-and.
41 Deus Isriiel, motet en i parties, k i et 6 voix. 1890. Schola
Gant.
42 Islar, variations symphoniques, orcliestre. IS90. Gonc.
Ysaye, Bruxelles, 1897. Duraml.
■13 Lieii muri/iiiif, mélodie. 1896. Lerolle.
44 Otte à Valence, solo et chœur. 1897. Inédit.
45 Deuxième ijuatuor, pour instruments à cordes, en 4 parties.
1897. Soc. nat., 1898. Durand.
46 Les Soces d'or du sacerdoce, canti'iue (Delaporte). 1898.
Schola Gant.
47 tli'dce, musique de scène pour le drame de Cal. Mendès.
1898. Th. S.irah Bernhardt, 1898. Durand.
48 LaPremirre Deiil. mélodie. 1898. IJ.
49 Suacla Uaria, petit motet à 2 voix. 1898. Schola Gant.
50 Chansons et danses, divertissement pour inslrumenls à vent.
189S. Soc. Mimart, 1899. Durand.
51 Vêpres du Commun d'un martyr, 8 antiennes pour orgue.
1899. Schola Gant.
î>i 90 Chansons du Vivarais. 1900. Durand.
53 L'Etraniier, action musicale en deux actes. 1S98-1901.
Monnaie, 1903. Id.
54. Marche du 76' régiment d'infanterie pour musique mili-
taire. 1903. Id.
55 Choral varie, pour saxophone et orchestre. 1903. Soc. nat.,
1901. Id.
56 iliraiie. mélodie (Oravollet). 1903. Hamelle.
57 Deuâicnie symphonie, pour orchestre, en 4 parties. 1902-
1903. I.amoureux. 1904, Durand
58 Les Yeux de l'aimée, mélodie. 1904. (îramophone.
59 Sonate, pour piano et violon, en 4 parties. 1903-1904.
Durand.
60 Pelile Chanson grégorienne, k l mains. 190 4. Schola Gant.
61 Jour d'éléii lainonlai/né, pour orchestre, en 3 parties. 1905.
Golonne, 1966. Durand.
62 Souvenirs, poème pour orchestre. 1906. Soc. nat., 1907.
Durand.
63 Sontile en nii, pour piano, en 3 parties. 1907. Soc. nat..
1908. Durand.
64 Vocalise, pour voix et piano. 1908. Coll. Hettich.
65 Uenuel, sur le nom de Haydn, pour piano. 1909. Durand.
66 Pièce en mi ^ mineur, pour rirgue. 1911 Durand.
67 La Légende de saini Christophe, histoire sacrée, en 3 actes.
1908-1915. Opéra, 1920. Lerolle.
68 /.; Pièces lircres, pour piano, 1908-1915. Heun, Genève.
69 l-J Pelités Pièces faciles, pour piano, 1908-1915, Heun,
Genève.
70 Troisième Symphonie (de belle sallico', pour orchestre en
4 parties. 1915-1918. Soc. nat., 1919. Lerolle.
71 11)11 Tlieaies d'harmonie, en 2 liwes. 1907-1918. Roudanez.
72 Saraliande el menuet, pour instiumenisàvent et piano. 1886-
1919. Hamelle. %
73 7 Chaiils de terroir, pour piano à 4 mains. 1918. Lerolle.
7 4 Pour les enfants de tout âge, 24 pièces pour piano, en 3 livres.
1919. Lerolle.
75 Pentecosten, 2 4 cantiques grégoriens. 1919. Art catholique.
76 Veronicii, musique de scène pour un drame (Ch. fies).
1920. Inédit.
77 Poème des rirages, suite pour orchestre, en 4 tableaux.
1919-1921. New- York orch., 1921. Lerolle.
78 3 Scholar's songs, pour deux \oix. 1921.
79 Are Regina cœlorum, motet à 4 voix. 1922.
80 Le Hère de Cinyras. comédie musicale, en 3 actes (X. de
Courville). 1922-1923. Sénarl.
SI Quinlelle, pour piano et quatuor à cordes, en 4 parties.
1924. Sénart.
82 3 Chiuisons franfiiises, pour chœur k 4 voix. 1924. Lerolle.
83 1 iliilels, à 2 et 3 voix. 1925. Art catholique.
naoul PuGNO, né le 23 juin 1852 à Paris, décédé
en 1913, à Moscou, lors d'une tournée de concerts en
Allemagne et Hussie, fut d'abord élève de son père.
K.ntré au Conservatoire, dans la classe de piano de
M. Mathi.\s, au mois de janvier 1866, il obtenait le
i" prix de piano à l'unanimité el une i' médaille de
solfège.
Il remporte successivement, dans les années sui-
vantes, tous les premiers prix, celui de solfège en
1867 (classe de M. Durand, d'harmonie, même année,
(classe de RAziNi, d'orgue en 1869 (classe de Bknoit)
el enfin premier prix de fugue el contrepoint en 1869
(classe A. Thomas).
Copyright ty Librairie Delagrave, 1927.
En 1871, il lut nommé maitre de chapelle et orga-
niste à Sainl-Kugf'ne, où il resta jusqu'en 1892. Il
quitta Saint-Eng'^iie en 1892, pour prendre les fonc-
tions de professeur d'harmonie au Conservatoire. Le
24 décembre 1893, il exécuta au concert du Conser-
vatoire de Paris le Concerto en la mineur de Grieg
qui fut le point de dépari de sa magnifique carrière
de virtuose.
En 1896, il c]iiitte la classe d'harmonie pour diriger
une des classes de piano à la mort de H. Fissot, et
le 31 juillet IS'.i", il est nommé chevalier de la
Légion d'hnriiicui'.
Ses nombreuses tournées, tant en France qu'à l'é-
tranger, l'obligèrent à donner sa démission de pro-
fesseur au Conseivaloire, le 1°'' février 1901, pour se
consacrer exclusivement au virtuosisme.
La Fee Cocotte, opérette (.Ma rot, Ph. Bourgeois). Palace Théâtre.
18SI.
Hinelta, opéra-comique. Renaissance. Dec. 1882. Heugel.
Viviane, ballet, en collaboration avec LiHe.iCHER (Gondinel).
Eden. Dec. 1886. Heugel.
Le Sosie, opéra bouffe (Valabrègue-Kéroul). Bouffes-Parisiens.
Oct. 1887. Heugel.
Valet de Cœur, opérelte (Ferrier, Clairville). Bouffes-Parisiens.
Mai 1888. Heugel.
Le Chevalier anx Fleurs, ballet, en collaboration avec Messager
(A. Sylvestre). Folirs-Marigny. Mai 1897.
La Danseuse de corde, pantomime (A. Scholl, Roques^. Nouveau
Théâtre. Fév. 1892. Heugel.
La Pelile Poucelle, opérette (Ordonneau-IIennequin). Renais-
sance. Mars 1891.
Pour le drapeau, panlomime (Henri Amie). Ambigu. Fév. 1895.
Leduc.
Le Hetour d'Ulysse, opéra bouffe (E. Carré). Bouffes-Parisiens.
1889. Heugel.
La Vocation de Marins, opéra bouffe (Debelly). Nouveautés. Mars
1890, Heugel.
La Ville Morte, en collaboration avec Nadia Bool,inger. opéra
;G. d'Aniiunzio). 1913. Heugel.
Œuvres religieuses.
Are rerani k 2 voix.
Henedictus, Agnus Dei populi meus.
La Résurrection de La:are. Scène biblique. Heugel.
Mélodies.
Pages d'Amour, poème d'A. Silve.stre. Heugel.
Roman de la Marguerite, lleugrl.
Cloches du Sourenir, poésie de Maurice Vaucaire. Heugel.
Amours hrères, poésies de Maurice Vaucaire. Heugel.
Les Heures claires, en collaboration avec Nadia Boulangeb, poé-
sies d'Krniie Verhaeren.
Œuvres pour piano.
Trois Airs de Ballet : I" Valse lentes i« Pulcinella; 3' Farandole AD.-
Deux Vahes AD.
Impromptu AD.
Crnnde Sonate D.
Capriie liadin AD.
Liliellule AD.
Premiî're Mazurka MD.
Trois pièces : 1" Romance AD ; 2" Laiidler .MD ; 3° llumoie^'/ue .MIi.
Valse de comeert AD.
P Uetta AD.
Première Gavotte en la mineur AD.
Mnrivaudage.]
Feuillets d'alhum : 1 " Petite pièce en forme de canon MD ; 2" Scher-
zetto AD ; 3° Orientale MD ; i" Cri de guerre AD.
Les Soirs. Quatre pièces romantiques AD; 1° Soir de Printemps.
Au hord d'un Ruisseau: 2^* Soir d'ICté. Sérénade à la Lune:
3° Soir d'automne. Causerie sous bois; i" Soir d'Hiver. Conte
fantastiiiue.
Paysages AI) : 1° Brumes matinales; 2» Tintements de clochettes:
3° Bruits de fêle : 4" Quand tout dort.
Troisième Ma:urka de concert AD.
Pelile Valse AD.
Tricote ts AD.
Air à danser AD.
Concertsluck TD.
Impromptu Valse AD.
Pantomime MD.
Valse mineure AD.
133
2114
ENCVCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
LiADOw (Anatole), né en 1856 (Hussie).
Pianiste virtuose, écrit avec beaucoup de succès
pour le piano. « La série des Biroulki a infiniment
de grâce. Ses chœurs, ses mélodies vocales, ses Infer-
mezzns. Préludes, Etudes, Scherzo, Mazurka d'or-
cheslre, sa grande scène, avec chœurs et orchestre,
pour le dénouement de la Fiancée de Messine, de
Schiller, ont une réelle valeur'. »
Sachs (Léo), né à Paris le 3 avril 1856.
Ses premières leçons lui furent données par César
Galeotti. Il composa des œuvres de tous genres, dont
voici la liste :
Piano.
Eliidf modulante, op. 150. Sénarl.
Pasiorale norvégienne.
Pages faciles [e morceaux). Gallet.
Poges d'alhum (6 morceaux). Enoch, Aslruc.
I)eui tiovelleltes. Hamelle.
nieuses. Id.
Hcibil d'oiseaux.
Lied. Mathot.
Nocliirne. Id.
Clair de lune. Rouhier.
Trois pièces : Jamin.
Papillons. Duiand.
Prélude. Sciiart.
Elude modulante. Id.
Den.i Heeueils de 13 préludes (3 ou 4 pour orgue). Ricordi.
Deux Pièces. Id.
Prés du ruisseau. Pegat.
Inlermède. Id.
Caprice. Id.
Sur l'eau. Enoch, Astruc.
Doux souvenir. Id.
Jeux des nuages. Eschig.
Orientale. Id.
Peux Mélodies. Id.
Le Silence. Id.
// pleut des pétales de peurs. Id.
Ckanson de Lison.
Larmes et ris.
Chanson triste. Gallet.
Le Coucou. Id.
Invocation au soleil. Id.
A une fleur. Leduc.
L'Oiseau lileu. Id.
Opéra.
Les Burgraves, \" auJilion au théâtre des Champs-Elysées le
ISjuin 1924, i'" audition à l'Opéra le 24 février 1927.
Orchestre.
Les Trois Sorciers.
Chant.
Premier Recueil de li mélodies. Sénart.
Chanson du Ml. Id.
Chant d'Alsace. Id.
Duo l'Amant et le mort, paroles de Samain. Id.
/ recueil 1-2 mélodies. Epuisé. Hamelle.
Puo. Le Jour et la Nuit pour deux voix de femme. Id.
Venise. Leduc.
Sérénade à l'enfant mourant. Id.
Automne. Id.
L'Adieu du marinier, rontrallo. Eschig.
Qui veut de mon cœur. Id.
Promenade. Enoch, Astruc.
Mélodie solitude. Id.
// pleut, bergère. Id.
Va-t'en, prince. Id.
VesjiiTO. Id.
Paderewski (L-J. -Ignace), né en Podolie (Pologne)
en 1859. Pianiste et compositeur.
Il fut élève du Conservatoire de Varsovie, où il
retourna en qualité de professeur de 1879 à 1888, et
se fil applaudir comme remarquable virtuose dans le
monde entier.
Il composa un opéra en trois actes, Manru, qui fut
représenté à Dresde, en 1901, au Théâtre Royal, et
obtint un bon succès, mais l'empereur Guillaume II
en arrêta les représentations, mettant à l'index
1. Albert Soubies, toeo cit., 247.
toute l'œuvre de Paderewski, parce que ce dernier,
indigné des brutalités endurées par ses compatriotes,
prenait part à une manifestation en leur faveur, mani-
festation dirigée contre le gouvernement prussien.
Paderewski fut, après la giierrede 1914-18, nommé
président de la République polonaise.
Pour piano. — Op. I, deu.x morceaux : n» 1, Pré-
lude et Caprice: n° 2, Minuetto. Op. 4, Elégie: op. :,,
DaiiS's polonaises (trois). Op. 5, id. pourquatre mains.
Op. 6, Introduction et Toccata. Op. 8, Chant du Vnya-
yeur. Op. 8, n" 3, Mélodie. Op. 9, Danses Polonaises,
deux cahiers. Op. 10, Album de Mai, Au Soir, Chant
d'Amour, Scherzino, Barcarolle, Caprice, Valsf, Scènes
romantiques. Op. 11, Variations et fugue, sur un thème
original. Op. 14, Humoresques do Concert, cahier I (à
l'antique) : Wl, Célèbre Menuet; n''2, Sarabande: n» 3,
Caprice: cahier II (moderne) : n» 4, Burlesque: n» 5,
Intermezzo Pollaco; n" 6, Cracovienne fantastique.
Op. 15, Dans le Dés-rt, tableau musical en forme de
toccata. Op. i6, Miscellanea ; série de morceaux:
n» 1 , Légende / ,• n» 2, Mélodie : n» 3, Thème varié; n" 4,
Nocturne; n'^, Légemie 2; n" 0, UuMoynenl musical';
no", Menuet en la. Op. 2i, Sonate. Op. 23, Variations,
et fugue sur un thème original. Canzone (chant sans
paroles).
Quatre mains, deux pianos quatre mains. —
Concerto en la mineur, Fantaisie Polonaise. Op. 5,
Danses Polonaises, cahieis I et II. Op. 9, n" 5, Krakowia
pour violon et piano. Op. 14, Sonate.
Piano et orchestre. — Op. 17, Concerto en la mi-
neur. Op. 19, Fantaisie Polonaise sur des thèmes ori-
ginau.x.
Chant et piano. — Op. 7, Quatre Mélodies, paroles
polonaises, anglaises, allemandes et françaises.
Op. 18, Six Mélodies. Textes anglais, polonais, alle-
mand et français (Max l-ischig, éditeur).
PiiiLii'P(Isidor),pianisteet pédasogueremarquable,
né le 2 septembre 1863. Elève de Georges Mathias et
de Taudou au Conservatoire, où il obtint un premier
prix de piano en 1883. Travailla plus tard avec
S01ELLER jusqu'à sa mort, puis avec G. Saint-Saëns.
S'est fait entendre aux Concerts Colon.ne, Lamoureux
et du Conservatoire. A fondé une société de mu-
sique de chambre avec Locle, Rémy et Berthelier, à
laquelle s'est jointe — après la mort de Taffanel
— la Société des instruments à vent (Hennebains,
Turban, Gillet, Letellier et Reine); douze ans de
séances. Premières auditions de Saint SAi-iNs, Widor
Lefebvre, p. Lacombe, Emile Rernard, etc. Nom-
breux concerts en Allemagne, Angleterre, Suisse,
Es|iagne, etc.
Philiih' est nommé, en 1003, professeurau Conser-
vatoire, où il forme une série de très remarquables
artistes. Parmi ses élèves, il faut citer .M. Motte-
Lacroix, processeur au Conservatoire de lîoston;
M. Trillat, professeur au Conservatoire de Lyon;
M. Mauiice Dumesnil, M. Paul Silva Hékard; M Noël
Galla, professeur au Conservatoire de Paris, etc.
M"" Radisse, professeur au Conservatoire de Stras-
bourg, M"« Madeleine Bonnet, professeur au Conser-
vatoire de Niraes, M"' Fontrais, professeur au Con-
servatoire de Toulouse, M""> Guiomar Novaes, Mar-
celle Hehrenstmiht, Youra (ùiller, Jeaime- Marie
Uarré, Madeleine de Valmalète, Cella Delavrancia,
Madeleine Grovlez, Raymonde Blanc, Madeleine Pel-
tier, Ania Dqrfmann (femme du virtuose violoncel-
liste). Renée Goum, Maria-Anlonia de Castro, etc.
TECUyiQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LE PIANO ET SA TECHNIQUE ans
M. Philipp est membre du Conseil supérieur d'en-
seignement, membre des académies de Bologne et
de Florence, chevalier de la Légion d'hoimeur. Ses
ouvrages d'enseignement sont adoptés dans la plu-
part des Conservatoires.
Exercices. — Eiercices progressif!! de J. Pischn\. La gamme
chromatiiiue, exercices, doigtes, exempUs, Exercices de tenues pour
développer l'agilUé di'S doigts. Exercices pour développer l'iiKié-
pendance des doigts ^suite du précédent). Ecole des arpt>ges [sui-
vie de deux études originales de Ferrucio Bdsoni. Problèmes tech-
niques et leur solution. Exercices de virtuosité. Exercices, études et
mnrceiiux dans tous les tons majeurs et mineurs. Exercices techni-
ques quotidiens. Exercices d^ Anloine Rdbinstein, tirés de la méthode
(le ViMoiNO. Exercices progressifs de Pischnv. Exercices Jouriia-
Itersde.l -.M. Hdmmel. Exercices universels, tirés de l'œuvre tech-
niijue de Gzkrny (Heugel, éditeur .
Cent soixitnte-dix-neuf exercices d'extension pour les doigts. Dix
exercices, cHudes en doubles notes. (Alpli. Leduc, éditeur).
Eludes techniques pour servir à l'enseignement supérieur du
piano, deux volumes (Ricordi, l'diteur).
Exercices préliminaires, 1" cahier, dédié à M'if llurtense Parent.
Exercices préparatoires, 2" cahier, dédié ii .Mathias.
Etudes et exercices, revus par PaiLiee {Hamelle, édileurj.
EjcrricM/îra/i^/iM, introduction aux exercices journaliers (Du-
rand, éditeur).
Exercices élémentaires rythmiques pour les cinq doigts. Ecole du
mécanisme ^Janin fri»res. éditeurs).
Etudes. — Trois Études de Concert en doubles notes (Durand,
éditeur),
.Anthologie Pianistique. Gollectiond'études séparées pour le travail
techniqueet pour le concert, choisies, revues, doigtéesetannotées.
\ingt Études devf Incité de moyenne force pour les deux mains. Le
Petit Pischna, étudi.'s préparatoires aux exercices progressifs de
J. PiscHN\ (Heugel, éditeur). ,Voa!r«u GriK/u.v ad Parnassum. Choix
de cent études des principau.'i maîtres, revues, doigtées avec addi-
tions de notes pour le travail technique et classées par ordre de
difficulté, moyenne force à très difficile(Alphonse Leduc, éditeur).
Etudes classiques tirées des grands maîtres (Alphonse Leduc),
Etudes d'octaves d'après J.-S. B\ch, Cle.mknti, Cramer, Chopin
(Dur.md, éditeur).
Œuvres transcrites. — Toccata en fa des pièces d'orgue.
J. ->;. Bach (Hamelle, éditeur). Œuvres d'orgue de J.-S. Bach,
transcrites pour deux pianos quatre mains (Hicordi, éditeur).
Vingt-Cinq Canons de Bach, Bebthoven, Glementi, Hdmmbl,
Klenckl, Weber (Janin. éditeur). Concerto pour orgue de Fried-
mann Bach. Concerto n" Il de J.-S. Bach (Durand, éditeur).
Toccala. adagio et fugue des pièces d'orgue de J.-S. Bach. Trans-
cription de concert. Prélude et fugue en ut majeur des pièces
d'orgue de J.-S. Bach (Hamelle, éditeur).
Le Petit Pianiste, bibliothèque classiiiue à rus,age de la jeunesse
puliliée sous la direction de L Philipp. Vingl-Quatre Pièces choisies,
en deux livres (Janin, éditeur). Morceaux. Féerie, petite suite de six
pièces. Pastels, huit pièces. Fantasmagories, six pièces (Heugel,
éditeur). Caprice (Hamelle, éditeur).
Ajoutons encore de nombreuses pièces revues, doigtées, anno-
tées ou publiées sous la direction de Philipp, inlassable travail-
leur et le plus grand de nos techniciens ; terminons en disant que
I. Philipp obtint le grand prix aux Expositions de Paris 1900,
Saint-Louis, Milan'.
MoREAU (Léon), né à Brest, le 13 juillet 1870. Après
de solides études classiques, couronnées par les
diplômes de baclielier es lettres et de bachelier es
sciences, il entra au Conservatoire, où il fut lauréat
d'harmonie et prix de Rome en 189.1, chevalier de la
Légion d'honneur ijanvier 1913).
Pianisle-virtuose-soliste des Conceris Lamol'reux,
— où il joua un concerto dont il est l'auteur, — il
se fil entendre et applaudir dans de nombreux con-
certs, et fit plusieurs tournées en Europe et en Amé-
rique.
Son reiivre comme coraposileur est des plus con-
sidérables et des plus variées : théâtre, musique de
scène, œuvres d'orchesLie, musique de chambre,
piano et mélodies. Litléraleur et poète, il écrit le
plus souvent lui-même ses livrets de théâtre et les
paroles de ses mélodies. Parmi les dernières, no.s lec-
1. Li ]>lu3 grande partie de ces notes biograpliiquei a été emprutili^-e
au Oictionnaire américain de Bnker.
leuis nous sauront certainement gré de leur rappeler
celle pièce émue et délicate intitulée Jour d'Eté :
De ma barque fixée aux ramures penchantes,
Que caresse en passant une onde nonchalante,
J'écoute la chanson des oiseaux, et je vois
Le soleil embellir chaque feuille des bois.
Effleurés par le vent, les arbres et la rive,
En longs reflets mouvants, se mirent dans l'eau vive.
LJi haut, l'azur du ciel révèle sa splendeur
Au-dessus des grands prés tout émaillés de fleurs.
Rien ne peut consoler de l'absence mon Ame
Qu'anime uniquement une lointaine flamme.
Et mes yeux éblouis ont doucement pleuré
D'être seul à t'aimer loin d'elle, ô jour d'été !
Ce talent poétique a permis au musicien de pro-
duire des (l'tivres d'une originalité absolue, comme
Myriald,', pièce en cinq actes et six tableaux, dont il
écrivit lui-même le poème et la musique, et qui
fui créée, en 191'2, au théâtre de iXantes. Le dernier
tableau a été repris, en 1916, à l'Opéra, à Paris. Notons
encore parmi ses œuvres théâtrales : Imocution à
Bouddha, balletcréé au Casinode Vichy, en 1909 • Pier-
ro( décoré, pantomime, en collaboralion avec M.' Jules
Lévy pour le livret, créée à la Comédie française
(représentation de retraite de Prudhon) en 1914;
Dionysos, musique de scène pour le drame de ,1. Gas-
quet, avec l'orchestre L\moureux, dirigé par C. Che-
viLLARD, créé h rr^uvre en 1903; LWnwnr de Késa,
musique de scène pour le drame de H. d'Ilumières'
créé à l'Œuvre en 1910; LWgonie de Bi/zance. opéra
cinématographique, en collaboralion avec M. Henri
Février, créé à Gaumonl en (913.
Les morceaux d'orchestre les plus connus de Léon
MoBE^u ont été exécutés aux Concerts La.moureux :
Sur ta Mer Inintaine, poème symphonique (1900i;
Suite symphonique en quatre parties (1903); Concerto
pour piano et orchestre (1903). Citons aussi une Pas-
torale en trois parti s pour saxophone en mi bémol
ou violon, et orchestre (S. M. I , 19(2); el de nom-
breuses œuvres de concert, notamment : pour piano,
deux Impromptus; Barcarolle; Variations à danser;
Valse vive, etc. ; pour piano et chant : Cœur solitaire;
Cdlineric; Pedro; Mon rêve: ha Grotte; Prière païenne,
etc.; pour piano et flûte : Dans la Forêt enchantée,
morceau de concours du Conservatoire en 1912; pour
violon et piano : Pastorale; Berceus-; .Mauresque; pour
violoncelle et piano, une remarquable Ballade; enfin
des chœurs importants, tels que : Sous bois, L'Ile
fortunée; Chanson galante ; le Bouquet de la mariée ■
Hymne à la Vérité; et enfin, le Salut aux Morts, que'
la plupart de nos lecteurs ont dû entendre aux Con-
certs Pasdelol'p en 1919.
Son œuvre considérable est la suivante :
Chant et piano. '
La Lune blanche. Eachig.
Ilcrccuse. Id.
.4m bord de la mer, Rouart et LeroUe.
Cdlineric (mi ]r)-sol-la). Id.
Fiancée ■,ut-mi\}). Id.
La Crotte. Id.
La Vache. Id.
L'Escargot, M.
L'Ecureuil. Id.
L' Et émette Histoire (cycle de six mélodies sur l'amour, créé par
Jeanne Montfokt ;'i la S. M. I.).
Pourquoi chante us poète (trois parties). Hachette.
Hoses dans la Suit.
Hetour. Leduc.
La Suit. Robert, à Béziers.
A un Vainqueur.
Jour d'Eté. Cari Selva.
Sérénade, Grus.
2116 ENCrCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOWE
l*eilrii [Ui-sol-mi-y]. H. Oregh.
Sèrènilè. Id.
Mon Hère. Id.
Ofiir solitaire (mi-fu-sol). Costallat.
Prière paienne, Id.
Pleure, 0 mon âme {tto^~.siy). Id.
Soulidit. Id.
L'Etcrneile Histoire (six mélodies). Id.
Aubade. Llobert (Barcelone).
Complaùite. Maquaire.
Piano deux mains.
Ballade des dnimndijui's Amours. E^chig.
Bercement sur {'am. Id.
Impression de Midi dans le ^ord. Id.
Nostalgie. Id.
Printemps démon Cœur. Id.
Promenade sent <menf aie. Id.
Tristesse. Id.
Deuxième liumoresque. Rouart et Lemllp.
Esi(uisse. I.Iobert (Barcelone).
Premier Impromptu. Maquaire.
yoelurue. Id.
Dans la Nuit. Id.
Chanson dansée. Pujol (Barcelnnf*).
homanee. Gostallat.
Valse vire. Id.
Valse vaprire. H. Greph.
Deu.riéi/ie hipromptu. Id.
Barearulle. Id.
Troisième liumnresque. Id.
Variation ù danser. Leduc.
l.e Petit Sportsman (six pièces.) Id.
E.rereicesfjuolidiens. J. Vuillemin (Nantes).
Journée de vacances (six pièces). Id.
Piano à quatre mains.
Suite sijmphonique . Cost;illat.
Uionijsos (musique de scène). Id.
Les Joueuses île Flùle. Id.
Violoncelle et piano.
Ballade. Costîillat.
Violon et piano.
Pièce en mi majeur. Mercier.
Mauresque. Gostallat,
Adagio de la douzième sonate de LilClair (transcription). Id.
Berceuse. Gallet.
Pastorale ^ trois pièces ). Évelte et .^chœfer (transcrit par
E. Mfndels).
Saxophone et piano.
Pastnmte (trois pièces). Evette et Schœfer.
Deux pianos quatre mains.
Sur lu Mer lointaine (poème symphonique). Hachette.
Premier Concerto. Coslaliat.
Flûte et piano.
Bans la Forêt enchantée. Evelte et Schœfer.
Les Joueuses de Flûte lune flûte et piano, Jeux flûtes et piano).
Flûte, chant et piano.
Gostallat.
Sérèaode. Griis.
Chœurs ou quatuors vocaux.
Chanson galante. Rouart et Lerolle.
Sous Bois. Harhelle.
h'Ile Fortunée. Id.
Salul aux Morts. Jean Jobert.
Hymne à fa Vérité. Id.
Les Voi.r de la Mer. Id.
Le Bouquet de la Mariée. Cari Selva.
Duo.
Hêvcrie. Pouart et I,<m'û1Ii'.
Adaptations musicales.
Devant la Mer (A. Samain). Garl .Selva.
Paninire aux Talons d'Or. Id.
Partition piano et chant.
Mijrialdc f opéra en six tableaux). Gostallat.
Ballet.
Iniorolion a Houddha. Costriilat.
Orchestre seul.
Sur la mer loin/aine. Haclntb'.
Suite symphonique. Gostallat.
Invocation à Bouddha. Id.
Piano et orchestre.
Premier Concerto. GosLallal.
Saxophone et orchestre
ou musiqut' milit;'ire.
Pastorale. Evefte e! .*^chnpfer.
Violon et orchestre.
Pastorale. Évelle et Schœfer.
Chant et orchestre.
Câlnerie. Rouart et LeroUe.
La Crotte. Id.
Rêverie (duo). Id.
Pedro. H. Gregh,
Ca-nr solitaire. Gostallat.
Pourquoi chante un/oetc. Hachette.
Partition d'orchestre.
Myrialde (oiiérette en six tableaux^. Coslallat.
!„-H:. (^iiATIA et ALPtio.NSK DUVERNOY.
LES INSTRUMENTS AUTOMATIQUES
Par M. Robert LYON
DÉFINITION ET ORIGINE
On désigne sous le nom d'aulomatiques les inslni-
ments reprod lisanl U musique par le ■moyen d'un
dispositif mécanique.
Les uns sont des instruments de musique déjà
existants, usuels, où la mécanique remplace l'exécu-
tant (pianos automatiques, orgues automatiques, vio-
lons automatiques).
D'autres, comme les plionographes, n'existent, en
tiiut qu'instruments, qu'à l'état automatique.
Un historique même sommaire des instruments
automatiques ne peut passer sous silence certains
automates célèbres, mais qui se rattachent peu ou
point à la musique; leur construction révèle parfois
une incomparable maîtrise et dont on pouvait atten-
dre toutes les réalisations. C'est dans Homère que
se trouve peut-être la plus ancienne allusion à une
machine automatique. Vulcain serait l'inventeur de
tripoiles mus par des roues. Dédale créa des statues
amliulantes, et Archytas, quatre cents ans avant Jésus-
Christ, construisit une colombe merveilleuse.
Un aidroïde ou automate à forme humaine, fait
par Alljertle (irand au xiii" siècle, ouvrait la porte de
la cellule de son maître et prononçait quelques pa-
roles.
Descartes fabriqua un automate auquel il donna
fiyure de demoiselle et qu'il appelait sa fille Fran-
cine. Si l'on en croit l'histoire ou la légende, un
capitaine de navire jeta par-dessus bord cet objet,
imarnation de Satan.
11 existe encore de nos jours, dans la collection
Durand-Ruel, un minuscule oiseau, construit au
s;viii» siècle, et qui, sortant de sa boite, bat des ailes,
agile le cou, la tète, le bec, puis disparait après avoir
chanté son air. L'animal n'a guère plus d'un centi-
mètre de liaut, et ce fut pour l'horloger suisse qui
réussit à réparer cette pièce un travail de longue
patience et d'extrême précision.
Vaucanson, en 1738 et 1741, exposa à Paris trois
automates qui sont restés célèbres et méritent quel-
ques ligues : un joueur de lliUe, un joueur de tam-
bourin et un canard. Ce tliUeur automate représen-
tait un faune jouant de la tlùte traversière sur le
modèle de la belle statue de jCoysevox. Il exécutait
douze airs différents avec beaucoup de précision.
Le joueur de tambourin tenait ,d'une main un
flageolet et de l'autre une baguette avec laquelle il
frappait sou tambourin. ,11 jouait sur le premier
instrument une vingtaine de contredanses, et battait
sur le tambourin des coups simples ou doublés, des
roulements variés qui accompagnaient en mesure
les airs que le flageolet faisait entendre.
Le canard artiticiel fut consi'léré comme le chef-
d'œuvre de la mécanique. Cet animal nageait, man-
geait, barbotait et imitait à s'y méprendre tous les
actes accomplis par un animal vivant.
Citons encoie, parmi les pièces historiques, une
claveciniste créée par le Suisse Maillardet, et le
joueur d'échecs de Kenipelen.
L'abbé Mical, Frédéric de Knauss, les frères Droz,
Léonard Moelze, Fahermann de Vienne, s'illustrè-
rent dans la création des automates.^
Les carillons et les horloges à cari lions s'apparentent
plus directement aux instruments de musique auto-
matique. Ils sont une réalisation, parfois grandiose,
de la boite à musique populaire.
Les carillons furent à l'ori.;ine uniqiement auto-
matiques et jouaient des airs commandés Jpar de
puissants cylindres à pointes. La Belgique possède
les plus nombreux et sans doute les plus célèbres,
celui de Bruges en particulier. Les premières cloches
en ont été fondues en 12'J9.
L'horloge astronomique de Saint-Jean à Lyon
semble être la plus vieille de France et M.\I. Château,
qui en réussirent la restauration en 1894, ont publié
sur celle pièce des documents qui en révèlent toute
la complexité.
Ce n'est qu'au «viii" siècle que fut adjoint, dans cer-
tains carillons, le clavierà main au système purement
automatique.
L'intérêt des instruments automatiques actuels
réside moins dans leur précision ou l'élégance des
solutions appliquées que dans leur côté vivant. Aux
objets de vitrine ou de musée, voués à la seule
curiosité admirative, ont succédé, depuis la Qn du
xix« siècle, une série d'instruments dont la valeur a
pu déjà être mesurée au double point de vue docu-
mentaire et didactique et qui ouvrent de plus à l'ac-
tivité créatrice des musiciens un champ prometteur.
Les inventeurs, dès le milieu du xix" siècle, s'o-
rientèrent nettement vers la réalisation automatique
des instruments usuels et particulièrement du piano.
Les recherches du docteur Bkdard de Lille concer-
nant en particulier les appareils-automatiques capa-
bles déjouer du piano à l'aide d'un rouleau perforé,
établissent nettement que le premier appareil pneu-
matique pour jouer à l'aide d'une feuille de papier
perforé sur les pianos carrés de l'époque, date de
1842, brevet du 24 janvier. C'est l'aulopanphone de
2118
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICT10S.\A[RE DU CO.VS ERVA rolHE
Claude-Félix Seytbe, de l.yoïi, qui agissait par des pe-
tits moteurs pneumatiques sur les notes du piano et
obtenait par variation de pression des vaiiations
d'iniensité.
En 1863, sous le brevet 60702, Nestor Foubmeaux,
de Paris, décrivait le pianista pneumatique, méca-
nisme destiné à exécuter automatiquement toute mu-
sique de piano.
On trouve aux Arts et Métiers, dans la descrip-
tion illustrée de cet appareil, la pieuve que les plus
importants perfectionnements modernes datent
de cette époque : attaque, fonction de l'intensité du
pédalage, soufllel régulateur permettant de fixer
la pression et, par la simple action d'une manette, de
donner des accentuations subites, modification de la
pression de ce soufflet régulaleur par l'action d'un
levier, disposition connue de nos jours sous le nom
de piani progressifs.
Ainsi se trouve déiruite la légende de l'origine
transatlantique des pianos autoniati<iues.
C'est en 1866 seulement que l'on trouve trace des
brevels de perfectionnements qu'Américains, Anglais
et Allemands apportèrent, et qui ont donné à l'auto-
matique sa forme aciuelle : déroulement et enrou-
lement automatique du papier perforé par mo-
teur pneumatique, sensibilité d'attaque par double
relai.etc.
Kn 1889, Jules Carpicntier, le grand savant qui s'il-
lustra en particulier dans la fabrication des appareils
de mesure, réalisait le mélolrope, appareil automa-
tique à Jouer le piano, à commande mécanique et
utilisant des cartons perforés caractéristiques.
Ceux-ci, établis grâce au « Mélographe » dû au
même ingénieur, recevaient l'impression diiecte du
jeu d'un pianiste, et inversement reproduisaient
rigoureusement ce jeu.
DISPOSITIONS GÉNÉRALES DES APPAREILS
AUTOMATIQUES
Tout instrument aulomalique comporte deux par-
ties principales : un mécanisme qui fournit la force
et un Cl organe traducteur », qui porte les éléments
de l'exécution musicale (rouleau perforé, disque de
phonograplie, etc., cylindre de boite à musique).
L'établissement de cel organe Iraducteur peut être
entièrement mécanique si le transport des éléments
de la musique gravée sur cet organe ne supporte
aucune fantaisie, si les notes figuient chacune à leur
place sur l'éihelle des sons, el si le temps d'attaque
et la tenue de chacune répond rigoureusement aux
ordres de la mesure écrite.
11 sera semi-mécanique si, les notes elles-mêmes
étant déterminées par la musique gravée, leur espa-
cement relatif reproduit l'interprétation d'un exécu-
tant humain (rouleaux perforés, émission radio...).
Une fois cet organe traducteur de la musique éta-
bli, l'appareil automatique exécutera et celte exécu-
tion elle-même pourra prendre des formes 1res dif-
férentes. Elle peut être entièrement mécanique si
aucune volonté extérieure n'intervient; telle est, pai'
exemple, l'exécution d'un disque de phonographe,
d'un cylindre de boite à musique. Au contraire, elle
pourra être influencée lorsqu'une personne y parti-
cipera en modifiant les mouvements ou les nuances
dans un piano automatique, ou le registre des jeux
dans un orgue automatique.
On peut également procéder à une autre classili-
cation tenant compte non point de la façon dont lor-
gane traducteur a été établi ou dont l'exécution a été
faite, mais de l'instrument lui-même.
Dans les instruments de musique usuels qui sont
transformés en automatiques, nous pouvons distin-
guer trois classes :
1° Les appareils comme l'orgue qui produisent des
sons sous une action purement mécanique. Le doigt,
en appuyant sur une touche, l'ail ouvrir, par l'inter-
médiaire de cette touche, une soiipipe, et les sons
émis dépendent uniquement du moment auquel cette
soupape est ouverte et nullement de la façon dont
le doigt agit sur la louche. Les sons émis dépendent
également des jeux mis en action, et celte mise en
action est purement mécanique. On conçoit, dans ces
conditions, qu'un instrument comme l'orgue puisse
être joué ou à la main ou par un dispositif méca-
nique el que l'impression produite par les deux jeux
puisse être rigoureusement la même.
2° l'ne seconde classe d'instruments s'apparente au
piano. Dans celui-ci, le son émis par une note garde
le même caractère, quelle que suit la façon dont cette
note a été attaquée, mais l'exéculant dispose d'une
échelle inlinie d'intensités. Le piano présente donc,
par rapport à l'orgue, un degré supérieur d'expres-
sion.
3° La troisième classe des instruments comporte
rait les instruments à archet dans lesquels l'exécu-
tant est maître non seulement de l'intensité du son
émis, mais du caractère de ce son. La façon dont le
doigt appuie sur la corde, l'intensité et la vitesse
du vihrato, la manière dont l'archet est tenu sont
autant de facteurs qui caractérisent le jeu. C'est donc
dans cette classe d'instruments que nous trouverons
le maximum de possibilités expressives.
iN'ous avons parlé tout à l'heure de l'organe traduc-
teur qui, ayant reçu l'impression de la phrase musi-
cale, a pour mission delà faire exécuter pai' l'instru-
ment. Sans entrer dans des détails techniques qui
sortiraient de l'objet de l'Bnci/c/o/jed/f, nous donnons
ci-dessous schématiquement la description du rouleau
de papier perforé, qui ades possibilités extrêmement
étendues, et dont l'emploi semble de ce fait devoir se
généraliser à tous les instruments de musique auto-
matiques.
Il est toujours possible avec des commandes soit
mécaMiques, soit électriques, soit pneumatiques, d'a-
gir sur la note d'un instrument ou sur un organe de
nuance. Le principe des insiruments automatiques
est quecette action, qui exige la mise en œuvre d'une
certaine énergie, soit déclenchée par un sei vo-nio-
teur. Le contact électrique, par exemple, qui pai- lui-
même a besoin, pour être établi, dune puissance ex-
trêmement faible, peut déclencher un organe dont la
mise en action exige une grande puissance. La trans-
mission pneumatique par le vide permet écalement
;i l'ouveituie d'un trou extrêmement petit de mettre
en action des soufflets dont la puissance n'est théo-
riquement pas limitée.
Ceci étant, tous les instruments automatiques com-
porteront :
1° Une source d'énergie et des organes d'exécu-
tion qui aurontipoui' mission soit d'appuyer sur des
touches, soit de mettre en mouvement les organes
accessoires (pédales, etc.).
2° Un dispositif de commande faisant fonction de
servo-moteur, et qui est l'organe Iraducteur dont il
a été parlé ci-dessus.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE LES INSTRUMENTS AUTOMATIQUES 2119
La simple description ilu papier perforé, le! qu'il
est employé dans les pianos ou les orgues automati-
ques, permettra d'entrevoir immédiatement toutes ses
ressources. Une liaude de papier, de largeur cons-
tante L, enroulée sur un rouleau supérieur [i, est
tirée par un rouleau inférieur li', en s'appuyanl sur
un organe dit llflte de Pan F. Le rouleau supérieur
et la llûle de Pan sont parallèles. La flûte de Pan est
percée d'une ligne de trous et, dans son déplacement,
le papier obture la totalité de ces trous. Dès qu'un
trou T, percé sur le papier qui se déplace dans le
sens de la tléche, se présente devant le trou T' de la
llûle de Pan, la note ou l'organe correspondant au
trou ï' est mis en action.
L'examen de la figure montre que l'on peut per-
FiG. I0S9.
cer sur un semblable papier autant de trous qu'on
le désire et au.t places qui conviennent. Par consé-
quent, il est possible d'écrire sur un papier perforé
un texte musical quelconque. Les abscisses a, a', a",
etc., détermin ant la hauteur de la note sur l'échelle
des sons, les ordonnées o, o', o" fixant le moment de
l'attaque de chaque note et, par conséquent, sa posi-
tion par rapport à la mesure.
Si les recherches des inventeurs se sont exercées
dans toutes les branches de la musique, nous nous
bornerons ici à décrire plus particulièrement les ins-
truments dont la réalisation est entrée ou peut en-
trer aisément dans le domaine de la pratique, c'est-
à-dire le piano, l'orgue, le violon. De ces trois instru-
ments, l'un, le piano, mérite une étude spéciale.
Le fait que le piano est le plus répandu des instru-
ments de musique et qu'il se prête mieux que tout
autre, hors de sa propre littérature, à la réduction
des œuvres musicales les plus diverses, d'orchestre,
de chant, de musique de chambre, etc., lui a donné
dans l'échelle des instruments une place prépondé-
rante, et c'est sur lui que s'est tout naturellement
porté l'efifort des techniciens. Nous diviserons en
trois parties cette étude, en considérant le piano
automatique :
l" Comme reproducteur d'œuvres pianisliqires.
C'est à ce premier usage qu'il a été tout d'abord des-
tiné.
2" Comme traducteur d'œuvres d'orchestre ou
autres transcrites spécialement pour lui, en dehors
de toutes considérations de jeu manuel.
3" Comme instrument de musique proprement dit,
qui a déjà 'et aura de plus en plus sa littérature
musicale propre.
LE PIANO AUTOMATIQUE REPRODUCTEUR
D'ŒUVRES PIANISTIQUES
On ne peut envisager la reproduction d'une œuvre
pianislique sans définir neltement l'interprétation.
Dans ses rapports avec la compréhension musicale,
l'intelligence ou la sensibilité, l'interprétation a été
le sujet de nombreuses études où la littérature tenait
une grande place. Nous nous bornerons ici à définir
techniquement ses caractères.
L'exécution d'unepiéce pianistiquecomportequatre
élémenls distincts :
1» Le jeu des notes telles qu'elles sont tracées par
la musique gravée sur l'échelle des sons et en durée.
2" Une altération du mouvement théorique qui
varie soit avec les indications de l'auteur, soit avec
la personne qui exécute, et qui se traduit matériel-
lement par l'allongement de tenue de chaque note,
ou les ritaidandos et accelerandos dans l'attaque de
chaque note, par rapport à son exécirtion .mélrono-
mique théorique'. Ceci constitue l'interprétation-
mouvement.
3° L'interprétation-force.
Dans le piano en parficulier, l'intensité d'une note,
contrairement à une idée souvent très répandue, dé-
pend seulement de la vilessse avec laquelle le mar-
teau arrive à la corde, vitesse qui dépend elle-même
de la force vive imprimée à la touche par le doigt.
Dés que la touche a été mise en action, le marteau
se trouve lancé vers la corde et tous les mouvements
de vibrato du doigt ou les formes que les pianistes
donnent à leurs mains, ne changent pas la sonorité.
L'interprétation-force consiste uniquement dans la
valeur relative des intensités de chaque note.
En un mot, on peut théoriquement donner d'une
exécution pianistique une reproduction absolument
fidèle et aussi humaine que l'exécution elle-même,
si l'on peut conformer mécaniquement la vitesse des
marteaux des dillërentes notes à la vitesse que le
piarriste lui-même a donnée.
4° L'emploi des accessoires (pédales).
L'étude sur le piano automatique, reproducteur
d'œuvres pianistiques, doit comprendre tout natu-
rellement quatre parties :
1° L'inscription des notes et les différents moyens
de l'eproduction de ces notes.
2° L'interprétation dans le mouvement, c'est-à-dire
l'altération du mouvement théorique soit par l'action
de l'exécutant mécanique, soit au corrtraire par la
caplation d'urre exécution de l'artiste et sa traduc-
tion fidèle.
3° L'interprétation dans la force ou nuance.
4° La mise en action des accessoires.
Les notes-
La figure 1089 montre que l'orr peut, sur le papier,
percer autant de notes que l'on veut et là oii l'on
veut. Ainsi, in se déroulant, semblable papier per-
foré peut exécuter tout texte musical qui lui a été
confié.
l'n phénomène bien connu de tous les amateurs
était la déformation de la feuille de papier perforée
sous l'infiuence de la traction du rouleau H', et de
trous longs et très voisins l'un de l'autre. Ce qui fai-
1 exécution pianistique parfaite an métronome.
2120
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CO.VSEIiVATOIRE
sait « goder » le papier en découvrant une série de
trous voisins sur la flûte de Pan, et mettait ainsi en
action des notes ne figurant
pas sur le texte musical.
Ce phénomène, qui interdi-
DT
D
D
U D
Fi.i. 1090.
substitue à un trou T (lig. 1090)
une série de trous T', T", T'"...
séparés par des ponts p, p'
p"... moins longs que la per-
foration de la ttùle de Pan,
et qui, par conséquent, n'em-
pêchent pas la note de rester
en action.
Ce système fut inauguré
par Pleïel sous le nom de perforation comète.
Le nionvemcnta
Il existe deuxméthodes pour altérer le mouvement
raétronomique :
{o Si, sur le papier perforé, les mesures ou frac-
tions de mesures égales occupent des longueurs égales
et que la vitesse de déroulement soit modifiable, le
mouvement d'exécution se modifiera dans le même
sens.
Dans la figure 1091 , par exemple, une série de notes
déroulement uniforme, mais en ralentissant le mou-
vement du papier l'accelerando cessera.
On peut donc altérer le mouvement théorique soit
Fia. 1091.
si^ suivant sur l'échelle des sons ont leurs origines
également espacées dans le sens du mouvement du
papier. Un déroulement constant donnera l'exécu-
tiond'une gammechromalique parfaite, l'accélération
du mouvement du papier donnera un accelerando et
inversement.
2° Si, comme sur la figure 1092, les origines des
notes vont en s'espaçant, le déroulement uniforme
du papier produira un ralleatando, mais, en accé-
lérant convenablement le mouvement du papier, le
Jeu redeviendra régulier.
Dans la figure 1093, il y aura accelerando pour
Fi6. 1092.
FiG 1093.
par inscription sur le papier perforé, soit par alté-
ration du mouvement de ce papier.
Quant à l'inscription des notes sur le papier, elle
peut être faite mécaniquement en partant du texte
musical et en utilisant des instruments de mesures
linéaires.
Elle peut au contraire reproduire le jeu d'un exé-
cutant. Il suffit qu'un papier perforé mère, dit le
<• type », se déroulant d'un mouvement uniforme,
reçoive l'inscription d'une série de pointes mises
en action par les louches du piano. Le passage de ce
V type » ou d'une de ses reproductions sur un appa-
reil automatique, avec déroulement uniforme, dé-
terminera une exécution identique « dans le temps »
à celle du pianiste. Tel est le principe de la musique
enregistrée.
Les nnaiices.
L'audition purement objective de l'exécution d'un
pianiste appelle la remarque suivante :
U peut exister une différence plus essentielle entre
les exécutions d'une même œuvre par deux artistes
qu'entre chacune de ces exécutions et celle que défi-
nit la musique gravée, celle par exemple que l'auteur
en pourrait donner ; cependant, les exécutions de
ces deux artistes pourront être aussi " musicales »
l'une que 'autre. Ces) interprétations ne sauraient
mieux se comparer (qu'aux [répliques libres que
feraient deux peinlres^de l'œuvre d'un maître. Or, il
existe, pour chaque œuvre musicale, une interpréta-
tion « mécanique » qui, si elle est déterminée par
un bon musicien, peut être musicale elsatisl'aire aux
intentions de l'auteur.
Nous donnerons brièvement l'état des ressources
dont dispose l'exécutant mécanique sur les appareils
automatiques tels qu'ils sontactuellement «standar-
disés » dans le monde entier. U s'agit ici de l'exécu-
tion avec pédalage et mise en action des nuances
par les pédales ou les manettes.
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE
LES INSTRUMENTS AUTOMATIQUES :il21
a) Intensité générale. — Celle-ciesl proportionnelle
à riiitenMté du pédalaf;e exactement comme l'inlen-
silé des harmoniums lorsque l'exécutanf organiste
utilise la pédale d'expression. Il est donc loisible à
l'exécutant qui possède bien l'emploi de son piano
de l'aipF des crescendos et deorescendos, et même, avec
les appareils sensibles, de marquer neltemenl l'atta-
que d'un accord ou de telle partie de phrase.
6) Nuance piano. — L'emploi de deux manettes
dites de piani, agissant l'une sur la moitié « basses »
du piano, l'aulre sur la moitié «dessus », permet d'im-
poser à chaque moitié de l'instrument une dépres-
sion faible, constante et indépendante du pédalage;
ou peul donc, |>ar conséquent, donner à l'un ou à
l'autre registre une intensité de jeu piano et fixe.
La suppression de l'action des manettes redonne
immédiatement l'intensité forte correspondant au
pédalage.
CI Mise en évidence du chant. — Cette suppres-
sion brusque de l'action des manettes de piani, rame-
nant brusquement l'intensité forte, peul être obtenue
par le passage sur la tlftle de Pan d'un trou figurant
sur le papier perforé lui-même ; il suffit que ce trou,
dit de i< chanteur », soit situé sur la ligne même de la
note que l'on veut mettre en évidence.
La manœuvre est la suivante :
L'exéculant pédalant normalement donne à l'aide
des manettes de piani une nuance piano à toute la
phrase musicale laccompagnement); l'action du trou
chanteur situé sur la ligne de la note de " chant »
fait jouer cette note forte. Le trou ayant passé et
son action étant suspendue, l'accompagnement con-
tinue piano.
L'exécutant peut fixer l'intensité du chant en
pédalant plus ou moins fort. Celte action peut se
reporter sur toute l'étendue du piano, ou seulement
sur l'une ou l'autre de ses moitiés.
La figure 1094 permettra de saisir cette manœuvre.
.\vant l'action de la manette de piani, le chant et
htemitéi
dei
chant
Intensité
jyéJalajé - — -
Bctîon delà manëtîé
de />ian i . ( chanTevr )
FiG. 1094.
l'accompagnement sont confondus et leur force varie
comme le pédalage. A l'action des manettes, l'accora-
pagneraent prend une teinte constante, le chant sui-
vant fidèlement les ordres du pédalage.
Les figures 1095 et 1096 donnent de cette manœu-
vre une variante que permettent deux dispositifs
connus sous le nom de pianis progressifs et de pianis
compensés.
Intensités
c/isnt
Intemité
If"
l>edalaae ■
ouverture de la manette
dei f>ianii proaresiCk
FiG. 1095.
Dans la figure 1095, la manette de piani permet à
l'exécutaut défaire varier progressivement la nuance
piano de l'accompagnemeat et ce entre certaines
limites qui la maintiennent co;islainment en dessous
du jeu mezzo normal. Le chant sort alois parallèle
au pédalage, l'accompagnement parallèle à l'ouver-
ture de la manette des pUmis progressifs.
Dans le cas de la figure 1096, la dépression de la
2122
ENCYCLOPÉDIE DE LA MUSIQUE ET DICTlOiSNAIRE DU CONSERVATOIRE
nuance piano est fonction de l'intensité du pédalage;
au crescendo du chant provoqué par un crescendo
du pédalage, correspond uncrescendo, mais beaucoup
plus faible de la nuance piani, c'est-à-dire de l'ac-
compagnement, ce qui est logique et constant dans
une exécution musicale.
Intensités
chant
et
ace .'
Intemite
béda/aoe
bianli compeméi
FiG. 1096.
Il semble que cette solution fort simple permette
les exécutions mécaniques les mieux équilibrées.
Les accessoires.
Tout automatique comporte un jeu de manettes
qui actionne les pédales fortes et douces du piano.
La première permet à l'e.xécutant d'obéir aux indica-
tions de la musique gravée, la deuxième offrant une
ressource nouvelle dans la gamme des nuances.
Pointions électriqnes.
II existe de toutes ces ressources une exploitation
purement mécanique; un jeu de moteurset de pom-
pes substitué au pédalage, la création sur le rouleau
perforé de trous commandant les opérations que
l'exécutant mécanique confiait aux manettes permet-
tent d'excellentes exécutions, totalement mécaniques,
grâce en particulier à la possibilité de corriger avec
tout le soin désirable le rouleau établi théoriquement.
Les elfels de volubilité et d'opposition de nuances,
impossibles à atteindre dans une exécution manuelle,
la fidélité au texte et à l'interprétation, donnent aux
musiciens et spécialement aux auteurs des satisfac-
tions qui suffiraient à classer les automatiques parmi
les instruments de caractère aitistique.
TRANSCRIPTIONS SPÉCIALES
Mais, puisque l'appareil automatique est évidem-
ment affranchi des servitudes de l'écriture pianisti-
que, donc de ses dispositions souvent creuses, on
sourdes ou simplement illogiques, les musiciens ont
songé à le considérer comme un instrument de musi-
que nouveau, à transcrire, puis à écrire spécialement
pour lui.
Les premières tentatives de ce genre (celles entre-
prises du moins pour des fins uniquement musicales,
car il se fltun peu partout des essais d'amplifications
sonores destinés à des expériences physiques) furent
tentées chez Pleyel, au mois de mai 1019, par M. Jac-
ques Labmanjat, au cours d'études concernant .l'éta-
i»lissement des rouleaux perforés. Klles furent reprises
peu de temps après par le célèbre compositeur Igor
Str.^winsky.
Celui-ci, étant venu fortuitement à connaître le
piano pneumatique, apeiçutles ressources nouvelles
que lui apportait cet instrument. Il comprit que la
réalisation d'une n'iivre par le moyen de la musique
perforée lui procurait une sécurité, une précision,
une ampleur sonore, nue fidélité aux mouvements
que lui refusait le piano. Le rouleau enregistré sous
son jeu constituait à ses yeux un document d'une
incontestable autorité, propre non seulement à vul-
gariser sou œuvre ou à assurer le service de répéti-
tions de danse ou de chant, mais encore à faciliter
largement l'étude d'une partition nouvelle. On l'a
bien vu, maintes fois, an.x Ballets russes de Serye de
DiAC.HîLEW, aux concerts Koussewitzky, ou à liruxel-
les, quand M. Rlilhman.n lit entendre à ses musiciens
les rouleaux du Sacre da Printemps avant de leur
faire déchilfrer celte partition difficile.
IgorSiR A wi.NSKY se consacra donc pendant plusieurs
années à des recherches sévères pour établir une
réduction spéciale d'après l'orchestre de son leuvre
entier, lia formé ainsi une collection unique au monde
dans laquelle sa pensée est intégralement conser-
vée, où rien ne manque, et que cet homme impi-
toyable avoue préférer souvent à l'orchestre le plus
docile et le plus précis.
Les débuts de cette forme nouvelle de la musique
ont été forcément empiriques; la première idée qui
se présentait était d'amplifier d'abord les réductions
de piano par de simples doublures, puis de reporter
sur lerouleau perforé les éléments les plus nombreux
qu'il était possible île la partition d'orchestre
La possibilité très tentanle de superposer un nom-
bre considérable de voix, la liberté d'accumuler les
notes ont un peu égaré les recherches initiales. Le
rendement n'est pas forcément fonction du nombre
des notes des parties. Les contrepoints, d'autre paît,
pour être aisément discernables, et tout en se mou-
vant sous le climat sonore qui leur convient le mieux,
doivent éviter de croiser leurs chemins et souvent
même de se frôler.
On a donc fait intervenir d'autres éléments, on a
altéré la disposition des voix (Strawinsky a été par-
fois jusqu'à modifier les basses). On a utilisé large-
TECHNIQUE, ESTHÉTIQUE ET I>ÈDAGOGIE LES INSTRUMENTS AUTOMATIQUES 2123
nient la faculté d'obtenir des tenues elleclives, ce i|ui
a notamment, permis de réaliser des gammes de so-
norité impossibles a retrouver sous le jeu humain,
et, par conséquent, de créer des timbres nouveaux. Il
s'est, en somme, institué un style de la musique au-
tomatique, de même qu'il existe une écriture spéci-
fique du piano, ou du violon ou de l'orcliestre.
Il est assez diflicile de définir avec précision cette
seconde manière, parce que la technique en est en-
core jeune, parce qu'en musique tout échappe au
procédé et qu'il n'existe Ruère que des cas d'espèce.
Il semble cependant que l'on puisse dès maintenant
distinguer deux méthodes générales; la première est
objective, elle procède par extension, par transcrip-
tion directe et simpliste de la partition, en en conser-
vant les dispositions organiques, sous réserves des
précautions dont nous avons indiqué quelques-unes
tout à l'heure. La seconde, au contraire, est en quel-
que sorte impressionniste ou prothétique, par con-
séquent subjective.
Elle traduit, elle transpose, elle évoque, elle cher-
che des équivalents, en substituant, pour ne citer
qu'un exemple élémentaire, la volubilité' aux caren-
ces inévitables d'un instrument à couleur unique.
Elle réalise, en définitive, une réorchest ration totale;
les exemples qui suivent le feront clairement com-
prendre :
Symph'inie paitorale iHeethoven) (réduction pour piarto à quatre mains).
^^^^^^^m
^m
— ~===^ cresc,
^m
i
? ri y i yi\ y V ré. ? 4 "y^z y si
Symphonie pastorale (Beethove.n) (transcription spéciale pour le Pleyela)
»" _ _ _ _
li* # f bl— ^ Ht f
J. La vitesse «l'un trait sur l'appaicil pneumatique est pratique-
ment ilUmilec, et en tous ras très supérieure aui nécessités ordinaires
de la niusiqu»*; les notes d'une (îamnie ou d'un arpège peuvent se
sufceder \ la distance de 1 64' de serunde, i-'est-à-dire que, darjs ces
con litions, une aj,'i ^tration de <inq noies «e présente sous la forme
(l'un ac< ord a peine arpège. La r'péliiidu d'tine même note se fait
pr:ili tncmeiit .'■ Taison de huit b;ittemcnls a la seconde.
2124
ESCVCLOPÈUIE DE LA MiSiQVE ET DICTION S AIRE DU COySËRVATOlRE
La citation qui représente deux mesures de la trans-
cription spéciale de la Symphonie paUoraU montre,
par comparaison aveclacitation (réduction à 4 mains),
un exemple assez simple de ce genre de réalisalion,
notamment les accents syncopés des bois transportés
pour l'intelligence musicale du texte à l'octave su-
périeure. Des tenues ont été établies, et l'on remar-
quera, en passant, qu'elles l'ont été dans le registre
le plus favoralile du piano, c'est-à-dire le médium.
Le contrepoint des violoncelles [ré, ré, do, si, sol,
fa, mi, elci a été doublé en oclaves pour rester per-
ceptible dans l'écheveau assez toulfu des voix. Les
notes piquées des contrebasses, au contraire, ne
comportent plus de doublures d'octave, alln, préci-
sément, de ne pas nuire au dessin descendant des
violoncelles.
Les Noces de Igor Strawinsky (partitions pour piano et chant) (1).
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J «W.C.9718
TECHNIQUE. ESTHÉTIQUE ET PÉDAGOGIE LES INSTRUMENTS AUTOMATIQUES 2125
La citation (1) eiiipniritée ans Nocea de Igor Stuawinskï est le commentaire de la pa-^e 104 de la patlition.
Les Noces de Igor Strawinsry (transcription spéciale pour le Pleyela).
gva .
Il y a lieu de remarquer le glissando ajouté, dont
le rôle est évidemment de suppléer à l'absence de
Il port de voix >>, et les arpèges des mesures à 4/8 et
à 3/8 dont le rôle est de renforcer l'attaque di-s ac
cords en syncopes par un artilice que nous ne sau-
rions mieux comparer, comme principe et comme
effets, qu'à un procédé employé dans les chemins de
fer, et qu'on nomme « démarrage en revolver' ».
L'Oiseau de Feu de Igor Strawinsry (réduclion pour piano) (2)
I. On sait qui' ce |.roréde coDsisle à coitqirimep les atlel.iges d'un ronvoi 1res lourd, de façon que i'eirort de tiarlioo ne s'exerce que pro-
gres!^ive«ieiit sur les éléments du Irain.
2126 ENCrCLOPÈDIË DE LA MUSIQUE ET DICTIONNAIRE DU CONSERVATOIRE
L'Oiseau de Feu de Igor Strawinsky (transcription spéciale pour Pleyela) (3).
La citation (3), qui est la transcription pour
piano automatique des huit mesures de la citation
(2) (partition de piano), montrera mieux qu'aucun
autre exemple à quel point les modilications peuvent
être profondes, laiit au point de vue des superposi-
tions de rythme dont le piano ne laisse rien soupçon-
ner qu'au point de vue des parties ajoutées.
La cornparaison entre deux documents choisis au
hasard parmi des centaines de pages de musique
montre bien l'importance de cette technique nouvelle,
et combien elle a lieu d'être précieuse aux musiciens.
Tous les compositeurs de l'école moderne : Manuel
de Falla, O.-E. Inghklbrkcht, Darius Milhaud, Uo-
land-Manuel, Gustave Samazeuilh, Florent Schmitt,
et tant d'autres, se sont engagés avec enthousiasme
dans lavoie fraîchement ouverte par l'auteur russe.
On peut augurer très favoralilement de la fécondité
de ce mouvement.
Plus importante encore sera, dans l'avenir, la créa-
tion d'œuvres nouvelles écrites entièrement pour le
piano automatique, mais elle suppose chez l'auteur
la connaissance profonde de cette technique nouvelle.
L'orgne antomaliqne.
Tous les procédés que nous venons de décrire peu-
vent être aisément appliqués à l'orgue. Le fait que
cet instrument revêt des formes e.\trêmement diffé-
rentes a naturellement interdit toute extension aux
solutions appliquées ; niais, comme nous l'expliquions
TECHNIQUE, ESTHETIQUE ET PÉDAGOGIE
LES INSTRUMENTS AUTOMATIQUES 2127
plus haut, le caractère même de l'iiislrumeiit a per-
mis des réalisations parfaites.
Le violon automatique.
Nous ne citerons que pour mémoire les solutions
qui cherchent un équivalent au violon ou aux instru-
ments de celte famille dans la gamine des tuyaux
sonores. Les recherches minutieuses comme les
réglages les plus complexes ne semblent pas devoir
réaliser la similitude dedeux sources sonores si diffé-
rentes.
L'emploi du violon lui-même exige le concours
de l'archet; pratiquement, c'est l'archet circulaire et
tournant créé en Allemagne et sur lequel viennent se
poser les quatre violons montés chacun d'une des
quatre cordes qui a donné le résultatle plus heureux.
La complexité de cet objet, les difficultés d'ac-
cord, comme aussi le caractère essentiellement
virtuose du violon, onl jusqu'à ce jour maintenu à cet
automatique le caractère d un instrument de labo-
ratoire.
L'orchestre aotoiuatique.
En supposant réalisées pratiquement les solutions
automatiques des instruments d'orchestre, leur en-
semble exigerait avant tout un synchronisme parfait.
Une infinité de solutions de synchrouisme provoquées
en particulier par l'apparition du cinéma, ont été
proposées. 11 en existe desimpies et de robustes, et
l'on entrevoit dès maintenant les ressources immen-
ses d'un tel ensemble : faculté de recueillir, en l'en-
registrant, la volonté de tel auteurou de tel chef d'or-
chestre; ressources nouvelles provenant d'instruments
àvolubililé infinie el absolument dociles; libération
de toule contrainte de l'écriture de chacun de ces
instruments.
Tel est, brièvement résumé, l'état actuel de la ques-
tion. .Nous pouvons dire que le piano automatique à
pédales ou électrique a atteint un point de dévelop-
pement parfaitement suffisant pour en faire un ins-
trument de musique nouveau; que les instruments
automatiques à archet sont encore à l'élat expéri-
mental, et que l'orchestre automatique n'en est
encore qu'aux premiers balbutiements.
Les études poussées actuellement dans tous les
pays, et qui, pouvant bouleverser d'ici peu les notions
qui sont familières aujourd'hui dans le domaine du
gramophone et des émissions radiophoniques en
particulier, donneront peut-être du problème des au-
tomatiques une solution très nouvelle, nous obligent
à clore ici le champ de nos investigations.
RoBEiiT LYON.
KRRATA ET ADDENDA
Article F/.ile : p. 1486, fe colonne, ligue 27, ajouter : on peul
citer parmi ces cantates comportant l'emploi de la flûte à bec les
cint^tes : 2",, S9, 46. 65,71, 81, 106, 119, 127, 142, 152, 161,
175, 180, 181, 182, 189.
ArtirU Violoncelle : p. 1868 : la mesure Adiiffio du bas de la
paije doit être placée au bas de la pa^r; 1869, et inversement, les
deux mesures Adagio du bas de cette dernière page doivent se
placer au bas de la page 1 868.
Arlicte IMh : p. 1973, léjende de la fi,'. 1017, lire : postmy-
cénienne au lieu de postmycéenne. — P. 1983, note 2 t placer
E. Pr.ioL avant A. Sowinski.
Article : Le Piano el sa Technique, p. 2079 : M. Gabriel GAVB*n
quitte en 1911 la maison précitée, crée une nouvelle marque
son*: la dénomination: Pianos d'art iinhriel Gaveau, maison fondée
en 1911.
Ses instruments sont des plus remarquables, tant au point Je
vue de la sonorité et du mécanisme, auquel il a apporté d'inté-
ressants perfectionnements, qu'à celui de la présentation exté-
rieure. Su production compreni une iinportanle proportion de
pianos de styles divers répondant aux vœux des amateurs.
Méiii'' article, p. 2082, remplacer la noie 1 par la suivante :
1. Le (."n«/o (brevets .Marcel TooRMEReKTalirielGiVEAD;, de cons-
truction récente, poursuit le même but que le Pmnor, c'esl-à-dire
celui d'entretenir électriqu-ment la vibr.ition des cordes du piano ;
il y parvient par des procédés tout différents
Cet appareil peut s'adapter rapidement sur tous les pianos
existants. Il se compose :
1° D'une planche, portant des électro-aimants, qui se place sur
le cadre du piano au-dessus des cordes ;
2" D'un appareil indépendant composé de lames vibrantes
pouvant être accordées synchroniquement avec les notes dont
elles doivent entretenir les vibrations;
3» D'une pédile agissant sur un rhéostat perrnellant à l'exé-
cutant de nuancer son jeu avec une variation d'intensité bien
plus étendue ueq dans les pianos ordinaires.
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